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Les vaccins contre le SIDA :


espoirs et défis
DAVID BALTIMORE • CAROLE HEILMAN

Contrairement à de nombreux vaccins antiviraux, ceux qui protégeront


contre le VIH ne devront pas seulement faire produire des anticorps par
l’organisme ; ils devront activer d’autres éléments du système immunitaire.
es biologistes connaissent mieux le maladies infectieuses – par exemple,

L VIH, le virus de l’immunodéficience


humaine, responsable du SIDA, que
tout autre virus. Pourtant, la mise
au point d’un vaccin contre le VIH
reste aussi lointaine que lors de la décou-
des virus entiers inactivés ou des virus
vivants atténués –, risquent d’avoir des
conséquences dramatiques : le VIH
injecté sous l’une de ces formes risque
de déclencher une infection, de sorte
LYMPHOCYTE
T CD4

verte du virus. La difficulté tient en par- que d’autres moyens d’immunisation


tie au fait que, contrairement à la plupart contre le VIH s’imposent. LYMPHOCYTE B
des autres infections virales aiguës, les Les vaccins protègent l’organisme
réactions immunitaires n’arrêtent pas en sensibilisant le système immuni-
l’infection par le VIH. Comment faire taire aux agents pathogènes, afin qu’il
mieux que la nature? Quelle activité de les reconnaissent et les détruisent lors-
défense doit-on stimuler pour qu’un
vaccin soit efficace contre le VIH?
Les virologistes ont un travail com-
plexe, car des préparations vaccinales e
classiques, qui protègent contre d’autres
d
c MOLÉCULES
DE SIGNALISATION
ACTIVATRICES

VIH j

o
LYMPHOCYTE
T CD8

MACROPHAGE OU CELLULE MACROPHAGE


PRÉSENTATRICE D'ANTIGÈNES INFECTÉ PAR LE VIH
Tomo Narashima

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qu’il les rencontrera ultérieurement. par un contact avec leur antigène spé- Aucun vaccin n’a encore été conçu
Dans le cas du VIH, un vaccin ne sera cifique, les lymphocytes B produisent pour stimuler la seconde facette du sys-
efficace que s’il élimine les virus entrant des anticorps. En outre, les lympho- tème immunitaire, l’immunité cellulaire.
dans l’organisme et s’il détruit rapi- cytes T CD4 auxiliaires stimulent les Pourtant, de nombreux immunologistes
dement toute cellule infectée. lymphocytes B pour qu’ils synthétisent visent précisément cet objectif dans le
La plupart des vaccins activent ce davantage d’anticorps ou qu’ils devien- cas du VIH, car les vaccins qui activent
que l’on nomme l’immunité humorale, nent des lymphocytes B mémoire. Ces seulement la production d’anticorps
c’est-à-dire la production d’anticorps derniers ne produisent pas d’anticorps anti-VIH ne protègent pas contre toutes
protecteurs ; ces molécules se fixent sur immédiatement, mais gardent le sou- les souches virales existantes.
un site spécifique de l’agent infectieux, venir de leur rencontre avec l’antigène Dans l’immunité cellulaire, des
l’antigène, ce qui active des cellules et produisent rapidement des anticorps, globules blancs nommés lymphocy-
immunitaires qui détruisent les virus lors d’une éventuelle nouvelle rencontre tes T CD8 cytotoxiques se multiplient
circulants. avec l’agent pathogène. Après une vac- dans le sang, éliminant les cellules où
Les antigènes présents sur un virus cination, la production régulière d’an- ils détectent la présence du virus. Cer-
qui envahit l’organisme ou ceux qui ont ticorps et la présence des lymphocytes B tains de ces lymphocytes devien-
été placés dans un vaccin activent deux mémoire permettent à l’organisme de nent aussi des cellules mémoire,
types de globules blancs, les lympho- déclencher une défense rapide quand
cytes B et les lymphocytes T. Activés il rencontre à nouveau le virus.

TE
VIRUS EN COURS
DE DESTRUCTION

LYMPHOCYTE B ACTIVÉ
PHOCYTE B g
n
h

f
CELLULE INFECTÉE
DÉTRUITE

ANTICORPS

CELLULE INFECTÉE
PAR LE VIH

m
i

k
1. LE VIH STIMULE deux types de réactions immunitaires. Dans la
réaction humorale (séquence supérieure), un macrophage ou une
cellule apparentée dégrade les particules de VIH (a-c) et en présente
des fragments, ou antigènes, aux lymphocytes T CD4 auxiliaires (d).
Ensuite, ces cellules libèrent des molécules (e) qui commandent la
maturation des lymphocytes B (f), lesquels produisent alors des anti-
o corps (g) ; ces derniers se fixent aux antigènes portés par les parti-
cules virales, qui sont ainsi étiquetées comme devant être détruites (h).
La réaction cellulaire (séquence inférieure) commence lorsqu’un macro-
phage infecté par le VIH expose à sa surface des fragments du virus
que les lymphocytes T CD8 cytotoxiques reconnaissent (i-j). Les
LYMPHOCYTE T CD8 ACTIVÉ lymphocytes T auxiliaires activent les lymphocytes cytotoxiques pour
qu’ils détruisent d’autres cellules infectées par le VIH (k-m). Cer-
tains lymphocytes B et T deviennent des cellules mémoire (n et o),
de durée de vie prolongée, qui réagiront rapidement à toute exposi-
LYMPHOCYTE T CD8 MÉMOIRE tion ultérieure au VIH. Pour être efficace, un vaccin contre le VIH devrait
activer à la fois l’immunité humorale et l’immunité cellulaire.

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PROTÉINE Env ISOLÉE


D’UNE CULTURE DE CELLULES
INFECTÉES PAR LE VIH
a b
LYMPHOCYTE B

LYMPHOCYTE B VIH CULTIVÉ


ACTIVÉ EN LABORATOIRE

L’ANTICORPS EMPÊCHE
LE VIH D’INFECTER
LA CELLULE
LES ANTICORPS
N’ONT AUCUN EFFET

ANTICORPS VIH PROVENANT

Tomo Narashima
ANTI-ENV CD4 CORÉCEPTEUR D’UNE PERSONNE
SÉROPOSITIVE
CELLULE

2. LA PROTÉINE Env PURE, isolée d’un virus cultivé en laboratoire, cellules en culture (a), peut-être en empêchant le virus de se lier à
pourrait être un agent vaccinant. La protéine déclenche la produc- ses récepteurs de surface ou en favorisant l’élimination du virus. Mal-
tion d’anticorps anti-Env par les lymphocytes B (à gauche). De sur- heureusement, ces anticorps n’empêchent pas des virus isolés
croît, les anticorps empêchent des virus de laboratoire d’infecter des chez des personnes séropositives d’infecter des cellules en culture (b).

prêtes à entrer en action lors d’une Comme le virus utilise cette protéine des souches virales produites en labo-
nouvelle exposition à l’agent patho- comme une sorte de clé pour entrer ratoire semble plus lâche que celle de
gène. Contrairement aux anticorps, dans les cellules humaines, des anti- la protéine des virus isolés chez les per-
les lymphocytes T cytotoxiques recon- corps se fixant sur sa partie active sonnes séropositives, qui est repliée
naissent les cellules infectées plutôt devraient empêcher le virus de s’an- sur elle-même. Les anticorps dirigés
que l’agent infectieux lui-même. En crer sur les cellules et d’y pénétrer. contre les souches de VIH de labora-
revanche, à l’instar des lymphocytes B La protéine Env, aussi nommée toire reconnaissent peut-être des par-
de l’immunité humorale, les lym- gp160, est composée de deux sous-uni- ties de la protéine Env qui ne sont pas
phocytes T cytotoxiques sont par- tés : la gp120, une protéine entourée de naturellement exposées sur les virus
tiellement activés par des signaux sucres qui dépasse de la membrane du sauvages, ces sites de reconnaissance
émis par les lymphocytes T auxi- virus et interagit avec les récepteurs de étant enfouis au sein d’une forme beau-
liaires. On suppose que les vaccins les surface des lymphocytes T humains, coup plus compacte de la protéine.
plus efficaces contre le VIH seront ceux et la gp41, une petite protéine qui ancre Ainsi, les anticorps dirigés contre les
qui stimuleront à la fois la compo- la gp120 dans la membrane. Les pro- souches de laboratoire ne reconnais-
sante humorale et la composante téines gp120 et gp160 ont toutes deux sent pas leurs cibles sur les VIH isolés
cellulaire du système immunitaire, été testées comme vaccins potentiels chez les personnes séropositives.
déclenchant la production d’anticorps contre le VIH chez des volontaires. Quelques équipes tentent de mettre
et activant les lymphocytes T cyto- Lors de ces essais, les protéines ont au point des vaccins contenant la pro-
toxiques. déclenché la production d’anticorps, téine Env de virus sauvages, dans la
La recherche de tels vaccins est dif- résultat qui laissa espérer qu’un vac- conformation qu’elle adopte chez les
ficile, parce qu’on connaît encore mal cin efficace contre le VIH était en vue. personnes séropositives. Toutefois, ces
le fonctionnement du système immu- En outre, les anticorps obtenus neu- vaccins aussi risquent d’être inefficaces :
nitaire. Tant qu’on ne saura pas com- tralisaient effectivement des VIH la protéine Env de tels isolats, très com-
ment faire pour que l’organisme vivants in vitro, bloquant ainsi leur pacte, est dissimulée par des sucres,
produise et conserve des lymphocytes capacité d’infecter des lymphocytes et les lymphocytes B ne rencontreront
mémoire et des lymphocytes T cyto- humains en culture. peut-être pas assez d’antigènes pour
toxiques, la mise au point de vaccins Malheureusement, ces anticorps ne produire une variété suffisante d’an-
contre le VIH ne pourra se faire que par reconnaissent que des souches de VIH ticorps. Effectivement, on sait que les
des approximations successives et res- très semblables à celles qui ont servi à personnes infectées par le VIH pro-
tera hasardeuse. la fabrication des vaccins. Les protéines duisent peu de types d’anticorps contre
gp120 et gp160 présentes dans les pré- les éléments de surface du VIH. Lorsque
La stimulation parations proviennent de souches de la protéine Env se fixe sur une cellule,
de la production d’anticorps VIH cultivées en laboratoire, et les anti- elle se déforme un peu. Un vaccin qui
corps produits contre ces protéines ne contiendrait la protéine gp120 sous la
Les vaccins qui stimulent la produc- neutralisent que les souches de VIH cul- forme qu’elle adopte quand elle se fixe
tion d’anticorps protecteurs luttent effi- tivées en laboratoire, pas les souches à ses récepteurs déclencherait sans
cacement contre diverses maladies, de VIH isolées directement chez des per- doute une production d’anticorps
telles la poliomyélite, la rougeole et la sonnes infectées (ces virus dits «sau- capables d’empêcher le VIH d’infec-
grippe. Aujourd’hui, les vaccins contre vages» conservent leur capacité d’in- ter les cellules humaines.
le VIH qui ont été le plus étudiés fecter des lymphocytes en culture). On espère également des progrès
contiennent une partie de la pro- Pourquoi ces anticorps sont-ils inef- de l’examen de certaines personnes
téine Env, présente à la surface du virus. ficaces? La structure de la protéine Env infectées par le VIH , qui restent en

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bonne santé, leur organisme contrô- tégies vaccinales, où les protéines Les protéines Env peuvent égale-
lant efficacement la réplication virale. Env seraient présentées dans une ment être présentées au système immu-
Certains de ces survivants à long terme conformation plus naturelle. nitaire dans des «pseudovirions», des
produisent une petite quantité d’anti- L’une des options consiste à utili- structures artificielles, limitées par une
corps qui, une fois isolés, neutralisent ser des particules virales entières inac- membrane composée de molécules lipi-
les VIH isolés chez d’autres personnes tivées. Sous cette forme, le VIH est diques, tout comme les virus. Ces struc-
séropositives. De surcroît, ces anticorps incapable de se multiplier, mais il tures, chargées uniquement de la
neutralisent les virus isolés chez de devrait présenter au système immu- protéine gp160, seraient plus sûres que
nombreuses personnes, propriété indis- nitaire de la personne vaccinée des les virus entiers inactivés, car elles
pensable pour qu’un vaccin contre le conformations plus naturelles des pro- seraient dépourvues des gènes confé-
VIH soit efficace contre un large spectre téines Env. Dans ces conditions, les lym- rant son pouvoir infectieux au VIH.
de souches de VIH. Ces anticorps ne phocytes B produiraient des anticorps Aujourd’hui, les pseudovirions obte-
sont toutefois pas la panacée : d’après mieux adaptés et plus nombreux. nus ne sont pas assez stables, mais
les essais effectués sur des cellules en La fabrication d’un vaccin contenant des pseudovirions plus solides seront
culture, ils n’empêchent le VIH de péné- des virus inactivés exige une procédure bientôt testés.
trer dans les cellules cibles qu’à des d’inactivation rigoureuse, car tout virus,
concentrations extrêmement élevées. voire tout matériel génétique viral rési- La stimulation des
Des protéines pures ne semblent duel, est potentiellement dangereux. lymphocytes T cytotoxiques
pas être idéales pour stimuler la pro- A contrario, un traitement excessivement
duction d’anticorps : quand elles sont puissant rend le vaccin moins efficace, Pourrait-on préparer des vaccins
isolées, les molécules de gp120 ont une la protéine gp120, faiblement fixée au qui activeraient les lymphocytes T
conformation inconstante et les molé- virus, risquant de se détacher au cours cytotoxiques? Même si des protéines
cules de gp160 s’agglutinent en un du procédé d’inactivation. Cette option de surface, voire des particules virales
agrégat inefficace. Les chercheurs tes- n’aboutira que si l’on parvient à stabi- entières inactivées, déclenchaient une
tent aujourd’hui deux nouvelles stra- liser la protéine gp120. production suffisante d’anticorps effi-

Stratégies vaccinales à l'étude


Constituants du vaccin État des recherches Avantages Inconvénients

Vaccins déclenchant la production d'anticorps


Protéines virales Essais de phase I et II Dénué de risques Les anticorps produits après ce
de surface, telle gp120 qui examinent et facile à préparer type de vaccination ne reconnais-
l'innocuité sent pas les antigènes des virus
présents chez les personnes
séropositives
VIH entier inactivé Pas d'essais en cours Devrait présenter les pro- Léger risque que la préparation
chez l'homme téines virales de surface contienne quelques virus actifs ;
dans une configuration rela- les virus inactivés risquent de
tivement naturelle ; facile à perdre leurs protéines et de de-
préparer venir inefficaces
Pseudovirions Les essais de phase I Présente les protéines virales La stabilité à long terme est
(virus artificiels) vont bientôt commencer de surface dans une configu- médiocre
ration relativement naturelle
Vaccins déclenchant des réactions cellulaires
Vecteur vaccinal vivant Essais de phase II On peut contrôler la quantité Difficile à préparer ; les vaccins
(virus – autres que le VIH – et la nature des protéines étudiés déclenchent une réaction
modifiés pour porter des gènes virales produites immunitaire faible
codant des protéines du VIH)
ADN nu Essais de phase I Facile à préparer Risque que l'intégration de gènes
contenant un gène du VIH et peu coûteux du VIH dans les cellules de l'orga-
ou plusieurs nisme ait des conséquences
délétères
Peptides viraux Essais de phase I Facile à préparer Ne déclenche pas de réactions
(fragments de protéines virales) immunitaires intenses
Vaccins déclenchant l'immunité humorale et l'immunité cellulaire
Combinaison d'éléments Essais de phase II Devrait stimuler les deux Difficile à préparer
tels que la protéine gp120 composantes du système
et le vecteur canarypox immunitaire

VIH vivant atténué Pas d'essais en cours C'est le constituant qui res- Le virus pourrait déclencher
chez l'homme ; testé semble le plus au VIH ; la maladie
sur les primates non devrait perturber la capacité
Slim Films

humains de réplication du virus

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caces, elles stimuleraient peu l’im- VIH en un agent vaccinant parfaite- variole, pénètre dans les cellules
munité cellulaire. Celle-ci ne se dé- ment inoffensif. humaines, mais ne se multiplie pas, car
clenche que lorsque les cellules im- On cherche d’autres méthodes qui il est incapable d’assembler de nou-
munitaires infectées découpent les obligeraient les cellules immunitaires velles particules virales. Les généti-
protéines virales ingérées, notamment à produire des protéines du VIH et à les ciens ont fabriqué des virus canarypox
la protéine Env et les protéines de la présenter à leur surface. L’une de ces qui portent les gènes des protéines Env,
multiplication ou de l’assemblage du approches, la réalisation d’un vecteur gp120 et de diverses protéines internes
virus, produisant des peptides anti- vaccinal vivant repose sur la capacité du VIH, telles Gag (une protéine du
géniques (un peptide est un court de différents virus d’envahir les cel- cœur) et de la protéase.
enchaînement d’acides aminés) ; ces lules : on introduit certains gènes du Des vaccins à base de canarypox
derniers sont envoyés par une pro- VIH dans un virus inoffensif, puis on modifiés ont été testés chez l’homme :
téine de transport vers la membrane laisse ce virus vecteur transporter ces ils sont inoffensifs et ont déclenché des
de la cellule infectée, où ils sont pré- gènes dans les cellules de l’organisme : réactions immunitaires modérées, où
sentés, à l’extérieur, aux lympho- les cellules infectées produisent des les lymphocytes T cytotoxiques ont été
cytes T cytotoxiques. protéines du VIH en plus des protéines activés. Pour obtenir une réponse
Pour qu’un vaccin stimule l’im- du vecteur. Ces protéines virales sont immunitaire plus vigoureuse, les bio-
munité cellulaire, certaines cellules doi- ensuite découpées et convoyées vers logistes préparent des virus qui pro-
vent produire des peptides viraux et la surface cellulaire, où elles activent duiraient de plus grandes quantités
les présenter à leur surface : l’orga- les lymphocytes T cytotoxiques circu- et une plus grande variété de protéines
nisme déclencherait alors une réaction lants. Les lymphocytes T, stimulés par de VIH. Des rappels fréquents main-
immunitaire contre toutes les cellules ces antigènes, prolifèrent et sont prêts tiendraient élevé le nombre de lym-
qui présentent des peptides viraux, y à tuer toutes les cellules qui portent ces phocytes T cytotoxiques activés.
compris les cellules réellement infec- antigènes, notamment les cellules réel- On essaie aussi de déclencher les
tées par le VIH. lement infectées par le VIH. réactions immunitaires au moyen de
Le vaccin Sabin contre la polio- Les vecteurs vaccinaux vivants les fragments de protéines virales. Comme
myélite, constitué de poliovirus vi- plus étudiés contiennent un virus les peptides antigéniques dérivant de
vants, active les lymphocytes T cyto- aviaire, le canarypox. Ce virus non protéines virales activent les lympho-
toxiques contre les cellules infectées, pathogène, apparenté au virus de la cytes T cytotoxiques, on espère que ces
sans pour autant causer la poliomyé-
lite, car le virus est atténué en labora-
toire par des mutations génétiques.
Toutefois, on n’a pas encore identifié
de mutation qui transformerait le
CANARYPOX
GÈNE DU VIH

LYMPHOCYTE
T CD8
CELLULE INFECTÉE
PAR LE CANARYPOX

d
PROTÉINE
VIRALE

b e
c
FRAGMENTS
DE VIRUS LA CELLULE EST
ACTIVÉE POUR
ATTAQUER
LES CELLULES
INFECTÉES PAR LE VIH
Tomo Narashima

3. UN VACCIN CONTENANT UN VIRUS CANARYPOX MODIFIÉ devrait lesquels sont exposés à la surface des cellules (d). Ces fragments
stimuler l’immunité cellulaire contre le VIH. Ces vaccins apportent des stimulent les lymphocytes T CD8 cytotoxiques spécifiques du VIH,
gènes du VIH dans les cellules humaines (a). Ces gènes viraux sont qui détruisent alors toute cellule portant des antigènes viraux, notam-
traduits en protéines (b), qui sont ensuite découpées en fragments (c), ment les cellules réellement infectées par le VIH (e).

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peptides fonctionneront peut-être


comme un vaccin. Toutefois, ils ne
déclenchent qu’une réaction immu-
nitaire cellulaire ou humorale faible :
sont-ils dégradés avant d’atteindre les
cellules cibles ou ne sont-ils pas pré-
sentés correctement par les cellules qui
les ingèrent? On cherche des adjuvants,
c’est-à-dire des composés qui, ajoutés
aux vaccins, stimuleraient davantage
les réactions immunitaires.
Enfin, une nouvelle approche
consiste à déclencher les réactions
immunitaires cellulaires par injection
d’ ADN viral «nu», c’est-à-dire du
matériel génétique qui n’est ni trans-
porté ni protégé par des protéines
ou par des lipides. On a d’abord cru
que l’ADN nu serait dégradé trop rapi-
dement pour servir de vaccin. En réa-
lité, l’ADN pénètre dans les cellules et
commande la production de protéines
virales. Par des essais menés sur la
souris et sur les primates, on a observé
que les vaccins à base d’ ADN pro-
duisent des lymphocytes T cyto-
toxiques qui reconnaissent les pro-
téines du VIH. Dans certaines expé-
riences, ce type de vaccin protège
les animaux contre une infection ulté-
rieure par le VIH . D’autres études
conduites chez l’animal et les pre-
miers essais chez l’homme visent à
évaluer l’innocuité et l’efficacité des
vaccins à ADN nu.

Les stratégies combinées


Les stratégies les plus efficaces devront
stimuler les deux composantes du sys-
tème immunitaire. Par exemple, on
pourrait injecter d’abord un vaccin
contenant un virus canarypox porteur
du gène Env pour stimuler l’immunité
cellulaire ; quelques mois plus tard, on
administrerait de la protéine gp120
pure pour activer la production d’an-
ticorps (ce serait une sorte de vaccin
de rappel). Dans cette stratégie com-
binée, le vecteur canarypox active les
lymphocytes T cytotoxiques, puis la
protéine gp120 renforce les réactions
immunitaires en déclenchant la pro-
duction d’anticorps.
Les premiers essais chez l’homme
ont montré que ce type de vaccina-
tion combinée active à la fois l’immu-
nité humorale et l’immunité cellulaire,
mais que les anticorps produits ne sont
efficaces que contre des souches de VIH
de laboratoire, et que l’activation des
lymphocytes T cytotoxiques est faible.
La prochaine génération de vaccins

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combinés contiendra des virus cana- Si le système immunitaire des per-


rypox qui porteront davantage de sonnes infectées par le VIH n’éli-
gènes du VIH et qui, par conséquent, mine pas le virus, pourquoi un vaccin
produiront plus de protéines virales ; activant les mêmes réactions immu-
le vaccin de rappel contiendra des pro- nitaires bloquerait-il l’infection? Les
téines gp120 produites à partir de VIH vaccins avantageraient l’organisme,
isolés chez des personnes séropositives. car le système immunitaire serait prêt
Ces vaccins, en cours de production, à attaquer le VIH dès son appari-
seront bientôt testés chez l’homme. tion ; la défense serait immédiatement
D’autres équipes continuent à cher- prête, l’organisme gagnerait un temps
cher un vaccin à base de virus vivant précieux et la vaccination lui per-
atténué. Un vaccin de ce type imitant mettrait peut-être de maîtriser l’agent
parfaitement le VIH actif devrait théo- infectieux.
riquement être efficace pour activer
l’immunité cellulaire, l’immunité À quand
humorale et peut-être même d’autres un vaccin efficace ?
modes de protection encore incon-
nus. En éliminant systématiquement On n’a pas encore la preuve de l’effi-
tous les gènes de la réplication virale, cacité d’une vaccination. De surcroît,
les immunologistes espèrent mettre au la grande variabilité génétique du VIH
point un variant du virus capable de risque de réduire l’efficacité des vac-
déclencher une réaction immunitaire cins en cours de mise au point : la
Fred Whitehead, Animals Animals

efficace, sans risque que la personne protéine Env (et, dans une moindre
vaccinée soit infectée. mesure, d’autres protéines du virus)
Récemment, des médecins améri- des différentes souches de VIH iso-
cains se sont portés volontaires pour lées chez des personnes séroposi-
participer au premier essai clinique tives dans diverses régions du monde
d’un vaccin à VIH vivant atténué : on ont des structures différentes. Ces
suivra les réactions immunitaires des 4. LE MACAQUE RHÉSUS est utilisé pour variations rendront-elles inefficaces
l’étude des vaccins. Des animaux vaccinés
volontaires et l’on étudiera l’innocuité avec une forme simienne du VIH, vivante et
les vaccins anti-VIH?
à long terme du vaccin. Les volontaires atténuée, ont résisté à une infection ulté- Il y a pourtant un espoir. À mesure
pensent que les promesses de cette rieure par le virus simien naturel. Toutefois, que nos connaissances sur le VIH ont
approche l’emportent sur les risques le vaccin lui-même a déclenché la maladie progressé, nous avons compris que,
chez certains singes.
potentiels pour leur santé. Toutefois, si les concentrations sanguines en
cet essai est très controversé, et beau- VIH restent faibles, une personne séro-
coup de virologistes (auxquels nous effectivement protégés contre le VIS positive peut ne jamais évoluer vers
nous associons) pensent que les virus n’ont pas nécessairement des concen- la phase SIDA. Cette découverte est
VIH atténués devraient être parfaite- trations élevées en anticorps neutrali- encourageante, car un vaccin, même
ment étudiés chez les primates avant sants ni en lymphocytes T cytotoxiques peu efficace, limiterait la charge virale,
d’être testés chez l’homme. activés. Les effets protecteurs résulte- jugulerait partiellement l’infection et
raient d’une interaction des anticorps réduirait les symptômes.
Les singes et le SIDA et des lymphocytes auxiliaires et cyto- Nous ne disposerons vraisembla-
toxiques activés, voire d’autres aspects blement pas d’un vaccin avant cinq
Des vaccins à base de virus de l’im- de l’immunité. Des travaux complé- ans. Même si la combinaison d’un vac-
munodéficience simienne (le VIS, un mentaires devront préciser comment cin par un canarypox modifié et d’un
virus apparenté au VIH qui infecte les les vaccins contre le VIS protègent les rappel avec de la gp120 semble sti-
singes) vivant atténué ont été testés animaux. muler l’immunité cellulaire et déclen-
chez le macaque et chez d’autres pri- Les premiers essais semblaient cher une production abondante d’anti-
mates. Les singes infectés par des avoir établi l’innocuité d’une vacci- corps à large spectre, les essais cli-
souches pathogènes du VIS ont un syn- nation avec le VIS vivant atténué, mais niques dureront encore plusieurs
drome du type SIDA. Grâce à ce modèle, le nombre d’animaux vaccinés évo- années. En attendant, les immunolo-
les virologistes peuvent tester l’inno- luant vers un syndrome de type SIDA, gistes continueront à étudier d’autres
cuité des vaccins à base de virus vivant même en l’absence d’une contamina- approches pour aider le système
atténué ; ils vérifient aussi si ce vaccin tion par un virus sauvage, ne cesse immunitaire à lutter contre le VIH.
protège les animaux lorsqu’ils sont d’augmenter. D’autres études, faites
exposés ultérieurement à des souches sur un plus grand nombre d’animaux,
pathogènes du VIS. Plusieurs vaccins sont en cours, mais les premiers résul- David BALTIMORE, directeur de l’Ins-
à VIS atténué se sont révélés très effi- tats semblent indiquer que les vac- titut de technologie de Californie, pré-
caces, bloquant la prolifération d’un cins à virus vivant atténué ne confèrent side l’Institut américain de recherche
virus sauvage. pas une immunité totale et qu’ils pour- sur les vaccins contre le SIDA. Carole
HEILMAN dirige le département SIDA
On comprend encore mal les méca- raient même déclencher la maladie. La de l’Institut d’allergologie et des mala-
nismes de la protection vaccinale chez plus grande prudence est de mise avant dies infectieuses de Bethesda.
les macaques : les animaux qui sont de tester de tels vaccins chez l’homme.

50 © POUR LA SCIENCE - N° 251 SEPTEMBRE 1998

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