Vous êtes sur la page 1sur 162

ANDRÉ MARETTE Ph. D.

avec Geneviève Pilon Ph. D.

LA VÉRITÉ
SUR LE
SUCRE
La vérité sur le sucre
d’André Marette
est le mille soixante-treizième
ouvrage publié chez
vlb éditeur.

MEP_VeriteSucre.indb 1 2016-07-20 11:10


MEP_VeriteSucre.indb 2 2016-07-20 11:10
LA VÉRITÉ
SUR LE
SUCRE

MEP_VeriteSucre.indb 3 2016-07-20 11:10


Direction littéraire : Alain-Nicolas Renaud
Couverture et grille graphique intérieure : Axel Pérez de León
Illustrations : Michel Rouleau
Photographie de l’auteur : Michel Paquet

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec


et de Bibliothèque et Archives Canada

Marette, André, 1963-


   La vérité sur le sucre
   Comprend des références bibliographiques.
   ISBN 978-2-89649-629-7
   1. Sucres - Aspect sanitaire. 2. Sucres dans l’alimentation humaine. 3. Sucre dans
l’organisme. I. Titre.

QP702.S85M37 2016  612.3’96  C2016-940369-6

VLB éditeur Distributeur :


Groupe Ville-Marie Littérature inc.* Les Messageries ADP inc.*
Une société de Québecor Média 2315, rue de la Province
1055, boulevard René-Lévesque Est Longueuil (Québec) J4G 1G4
Bureau 300 Tél. : 450 640-1234
Montréal (Québec) H2L 4S5 Téléc. : 450 674-6237
Tél. : 514 523-7993, poste 4201 * filiale du Groupe Sogides inc.,
Téléc. : 514 282-7530 filiale de Québecor Média inc.
Courriel : vml@groupevml.com
Vice-président à l’édition : Martin Balthazar

VLB éditeur bénéficie du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles


du Québec (SODEC) pour son programme d’édition.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – G ­ estion
SODEC.

Nous remercions le Conseil des arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de
publication.

Dépôt légal : 3e trimestre 2016


© VLB éditeur, 2016
Tous droits réservés pour tous pays
editionsvlb.com

MEP_VeriteSucre.indb 4 2016-07-20 11:10


ANDRÉ MARETTE, Ph. D.
avec Geneviève Pilon, Ph. D.

LA VÉRITÉ
SUR LE
SUCRE
Préface de Luc Tappy, M.D., Ph. D.

MEP_VeriteSucre.indb 5 2016-07-20 11:10


À Sylvie, à Victor, et à la mémoire de Michel Pilon.

A. M. et G. P..

MEP_VeriteSucre.indb 6 2016-07-20 11:10


PRÉFACE

On regroupe sous l’appellation de


« sucres » une grande variété de com-
posés présents dans notre alimenta-
tion et dotés de la capacité d’activer les
récepteurs du goût sucré. L’un d’eux, le
glucose, est le principal substrat éner-
gétique utilisé par nos cellules : sans
lui, la vie ne serait pas possible. Mais
lorsqu’on parle de sucre, on se réfère
communément au sucrose, présent
notamment sur nos tables sous forme
de cristaux d’une blancheur éclatante.
Le sucrose est constitué d’une molécule
de glucose associée à une molécule de
fructose. C’est cette seconde molécule,
naturellement présente dans les fruits
et légumes, que l’on suspecte actuel-
lement d’être à l’origine d’une hausse
des taux d’obésité et des maladies
métaboliques.

MEP_VeriteSucre.indb 7 2016-07-20 11:10


8 La vérité sur le sucre

Le fructose n’est pas essentiel pour ces molécules fascinantes que sont le
l’être humain : une alimentation qui en glucose, le fructose et le sucrose. Au fil
serait totalement dépourvue ne serait de son enquête, il jette un éclairage neuf
associée à aucune manifestation patho- sur les fonctions physiologiques des
logique. C’est pourtant un nutriment sucres et leurs nombreux effets sur le
qu’on a pu retracer dans l’alimentation métabolisme. En abordant des éléments
des tout premiers humains, comme de chimie, de physiologie, de médecine,
dans celle de pratiquement tous les de santé publique, mais aussi d’histoire
vertébrés. Notre engouement pour ce naturelle et de zoologie comparée, il
sucre, outre le fait qu’il a très proba- nous fait découvrir les paradoxes de ces
blement constitué une forme d’énergie composés capables de ravir notre palais,
précieuse pour nos ancêtres chasseurs- mais qui favorisent le stockage de leur
cueilleurs, tient à sa saveur particulière impressionnant apport énergétique sous
qui procure un indéniable plaisir, sur- forme de graisses. Sans le diaboliser, il
tout lorsqu’on le consomme en asso- nous fait comprendre en quoi le sucre
ciation avec des aliments acides, amers, est un danger potentiel dans notre ali-
gras ou salés. À certains moments de sa mentation, et comment des connais-
courte histoire, le sucre raffiné a été si sances justes et un peu de bon sens
prisé qu’il a constitué une valeur refuge peuvent nous aider à éviter les excès
comparable à l’or, et a même été l’enjeu auxquels nous invite trop souvent notre
de batailles féroces ! Son attrait est tel mode de vie actuel. Cet exposé nuancé,
que beaucoup d’entre nous ont bien du qui prend en considération les mul-
mal à y résister, et le prix à payer, c’est tiples facettes du problème, est à mon
un apport énergétique qui dépasse nos sens indispensable pour les lecteurs
besoins physiologiques. qui veulent évaluer objectivement les
Dans cet ouvrage, André Marette innombrables assertions nutritionnelles
nous invite à le suivre sur les traces de que les médias véhiculent.

Luc Tappy, M.D., Ph. D.


Professeur et chercheur, Université de Lausanne
Faculté de biologie et de médecine

MEP_VeriteSucre.indb 8 2016-07-20 11:10


AVANT-PROPOS

Je m’intéresse au sucre depuis mes pre-


miers pas en recherche, au département
de physiologie de l’Université Laval.
J’étais, déjà à cette époque, fasciné par
le métabolisme du glucose et le rôle
clé joué par l’insuline, cette hormone
anabolique qui exerce un contrôle si
puissant et en même temps si précis sur
la gestion de nos réserves énergétiques.
Je me penchais alors sur les mécanismes
biologiques qui augmentent la capta-
tion du sucre par nos cellules en pré-
sence d’insuline, et surtout, sur les rai-
sons qui font que cette fonction est
grandement altérée chez les patients
diabétiques. C’est vers la fin de mes
études de doctorat que j’ai fait le choix
de consacrer ma carrière scientifique
au métabolisme des sucres et, notam-
ment, au diabète. Le Dr Mladen Vranic,

MEP_VeriteSucre.indb 9 2016-07-20 11:10


10 La vérité sur le sucre

éminent chercheur en physiologie de scientifique à mieux comprendre les


l’Université de Toronto, m’avait vive- causes du diabète et ses complications,
ment recommandé le livre de Michael et à explorer différentes avenues théra-
Bliss sur la découverte de l’insuline, un peutiques pour le prévenir et le traiter.
des grands moments de la science cana- Ma passion pour cette maladie
dienne, qui a d’ailleurs valu à Frederick m’a aussi poussé à étudier les méca-
Banting et John J. Mcleod le prix Nobel nismes moléculaires très complexes qui
de médecine en 1923. Dans cet ouvrage contrôlent le métabolisme des sucres par
fascinant, on découvre comment Ban- notre organisme, et qui font cruellement
ting, un médecin chercheur, et son étu- défaut chez le patient diabétique. Cela
diant Charles Best sont parvenus à m’a naturellement amené à m’intéresser
isoler dans le pancréas le principe actif, au débat qui fait rage actuellement sur
nommé insuline (du latin insula, « île »), le rôle du sucre dans la hausse des cas
qui permettait de diminuer le glucose d’obésité et de diabète. Les passions
sanguin chez des chiens diabétiques. soulevées par le procès qui est fait à ce
Cette découverte majeure, qui a égale- nutriment omniprésent dans notre diète
ment mis à contribution le biochimiste ont aiguillonné ma curiosité. Le sucre
canadien J. B. Collip, a permis de traiter, est-il, oui ou non, le grand responsable
et même de sauver d’une mort certaine, de la pandémie actuelle d’obésité et de
un nombre incalculable de patients dia- diabète de type 2 ? Est-il coupable, com-
bétiques depuis près d’un siècle. Ban- plice, ou accusé injustement ?
ting a finalement dû partager la bourse Comme dans tout grand procès,
Nobel avec son étudiant Best alors que chacun se fait une idée à partir de
Mcleod, chef du laboratoire, l’a partagée l’impression qu’il a du prévenu, sans
avec Collip. nécessairement connaître le dossier de
Au-delà des querelles des protago- l’accusation… Par exemple, à la une des
nistes quant à leur implication indivi- magazines et dans les autres médias grand
duelle dans cette découverte majeure, public, c’est contre LE SUCRE, tout sim-
c’est surtout l’incroyable persévérance plement, qu’on nous met en garde. Pour-
et la passion démontrées par le quatuor tant, « le sucre » n’est pas un seul élément.
de chercheurs pour parvenir à isoler, Il prend au contraire plusieurs formes
purifier et valider l’activité antidiabé- dans notre alimentation. Alors, à quoi
tique de cet extrait de pancréas qui a fait-on référence quand on crie « À mort,
frappé mon imagination. L’histoire fas- le sucre empoisonneur ! » ? À l’ensemble
cinante de la découverte de l’insuline des sucres ? Aux sucres ajoutés ? Au
et son impact sur la vie des patients ont petit cube qui agrémente notre café ?
été un grand catalyseur dans ma déci- Devrions-nous seulement redouter le
sion de consacrer l’essentiel de ma vie controversé sirop de maïs à forte teneur

MEP_VeriteSucre.indb 10 2016-07-20 11:10


Avant-propos 11

en fructose, si prisé par l’industrie ? Et toutes parts, qu’ils proviennent des acti-
si nous prenions soin d’éviter ce fruc- vistes, des professionnels de la santé ou
tose qu’on dit si menaçant, pourrions- de l’industrie agroalimentaire. Mon idée
nous céder sans remords aux caprices de de départ n’était ni d’absoudre, ni de
notre bec sucré ? De même, serions-nous condamner le sucre, mais plutôt de faire
à l’abri si nous consommions exclusive- la synthèse la plus juste possible des faits
ment le sucre sous une forme naturelle ? scientifiques. Avec tous ces acteurs qui
Et que penser des nombreux édulcorants s’affairent tantôt à le défendre, tantôt à
non caloriques ? Sont-ils vraiment une le mener à l’échafaud, il m’a semblé que
solution de rechange, ou menacent-ils le sucre avait droit à un procès équitable
notre santé ?
Toutes ces questions montrent bien ***
que le sucre est une substance beaucoup
plus complexe qu’on peut l’imaginer, Merci à Denis Gingras pour sa pré-
et qu’il faut absolument mieux le cieuse collaboration et les nombreuses
connaître pour comprendre ses impacts discussions qui nous ont aidés, Gene-
sur la santé. viève Pilon et moi, à façonner le livre.
Parce qu’en tant que chercheur, je Merci également à Angelo Tremblay,
m’intéresse depuis des décennies à Benoit Lamarche, Éliane Picard-Deland,
tout ce qui touche de près ou de loin Mélissa Fernandez, Michel Lucas et
au métabolisme du sucre, j’ai voulu Valérie Dumais, pour leurs suggestions
contribuer à faire la lumière sur les et leurs encouragements tout au long de
discours que je lis et que j’entends de la rédaction.

André Marette

MEP_VeriteSucre.indb 11 2016-07-20 11:10


MEP_VeriteSucre.indb 12 2016-07-20 11:10
CHAPITRE 1

L’ODYSSÉE
DU SUCRE
La première grande vérité sur le sucre,
trop souvent passée sous silence dans
le débat qui entoure son impact sur la
santé, c’est qu’il fait partie du groupe
très sélect des substances absolument
indispensables à la vie. Son importance
repose sur une réaction biochimique
d’une grande simplicité, mais qui a eu
des conséquences extraordinaires sur
l’évolution de la vie sur Terre : la pho-
tosynthèse. On se souvient que ce pro-
cessus bioénergétique est rendu possible
par les plantes et les algues qui transfor-
ment le gaz carbonique (CO2) de l’air
en oxygène (O2), un phénomène qui
est au cœur de l’apparition de toutes
les formes de vies complexes sur la pla-
nète. Ce qu’on oublie parfois, c’est que
l’autre produit de cette transformation
cruciale est nul autre que le sucre !

13

MEP_VeriteSucre.indb 13 2016-07-20 11:10


14 La vérité sur le sucre

C’est grâce à cet ingénieux système en sorte que notre métabolisme a éla-
de conversion de l’énergie solaire par boré plusieurs mécanismes sophisti-
les plantes que le sucre peut alors inté- qués pour être à même de satisfaire en
grer la chaîne alimentaire et se frayer un tout temps l’appétit de nos neurones.
chemin dans tout le règne animal, qui Soyez donc sans crainte : même si vous
inclut l’être humain. Si nous existons, jeûnez, votre cerveau ne tombera pas
c’est en effet parce que l’alimentation en panne de sitôt, le corps étant capable
de nos lointains ancêtres primates se de convertir à la demande ses réserves
composait majoritairement de plantes, d’énergie en glucose.
de fruits, de tubercules et de racines Le rôle capital joué par le sucre a
riches en sucres provenant directe- fait en sorte que nous sommes biolo-
ment de la photosynthèse. Certains de giquement programmés pour appré-
ces sucres jouent même un rôle essen- cier les aliments qui en contiennent.
tiel dans la reproduction (voir l’encadré Par exemple, dès la naissance, un enfant
p. 15). acceptera spontanément le goût sucré
Plus généralement, l’énergie pro- caractéristique du lait maternel, alors
duite par la dégradation métabolique du qu’il rejettera instinctivement les
sucre est essentielle
au fonctionnement de Fig. 1.1 Le sucre, produit de la photosynthèse
toutes les cellules du
corps, une contribu-
tion particulièrement
importante pour cer-
tains organes comme Gaz
les muscles et le cer- carbonique
veau. Bien que ce der-
nier ne constitue que Rayons UV Sucre
2 % du poids corporel,
il « carbure » essen-
tiellement au sucre
et en consomme à lui Oxygène
seul environ 120 g
par jour, soit près
de trente cuillères à Eau
thé ! L’importance
du sucre dans le
Rayons UV
maintien des fonc- 6CO2 + 6H2O C6H12O6 + 6O2
tions cérébrales fait

MEP_VeriteSucre.indb 14 2016-07-20 11:10


L’odyssée du sucre 15

substances amères, un goût caractéris-


tique de plusieurs poisons. En encoura-
geant la consommation de sucre, cette
préférence innée a joué un rôle central
dans la survie et l’évolution de notre
espèce : elle nous permet de sélectionner
les aliments essentiels au bon fonction-
nement du corps tout en nous proté-
geant de substances pouvant mettre la
vie en danger.
Pour que la langue puisse détecter
le goût sucré, les sucres doivent être
« simples », c’est-à-dire sous forme de
monosaccharides (une seule molécule
de glucose, de fructose ou de galac-
tose, par exemple) ou de disaccharides
(comme le sucrose, qui est formé d’un
glucose et d’un fructose). Les toutes
petites molécules de glucose et de fruc- LE FRUCTOSE, SUCRE DE VIE
tose atteignent sans encombre nos récep-
teurs de goût qui relaient à notre cer- On fait souvent référence au fruc-
veau l’intensité de la saveur sucrée. Or tose comme étant le sucre des fruits.
la majorité des sucres présents dans les De fait, le mot même vient du latin
plantes le sont sous forme de polymères fructus, la terminaison -ose étant com-
complexes, comme les fibres et les mune à tous les sucres. Ce que plu-
amidons ; les sucres contenus dans ces sieurs ignorent cependant, c’est que le
molécules ne peuvent être détectés par fructose est aussi rien de moins qu’un
les récepteurs de la langue. Ainsi, sans sucre de vie pour les mammifères ! En
que nos papilles ne nous permettent de effet, les spermatozoïdes doivent pou-
le savoir, on peut consommer autant de voir compter sur les réserves de fruc-
glucides en mangeant une pomme de tose du liquide séminal pour trouver
terre, riche en amidon, qu’en buvant l’énergie nécessaire à leur longue expé-
un verre de jus d’orange, débordant de dition vers l’ovule. Le système repro-
glucose et de fructose (fig. 1.2). ducteur masculin a donc pour tâche
Nous ne sommes évidemment pas d’assurer une production de fructose
les seuls à apprécier le sucré, comme suffisante pour permettre aux flagelles
en témoigne la présence de récep- des spermatozoïdes de tenir jusqu’à la
teurs de ce goût chez plusieurs espèces fin du périple !

MEP_VeriteSucre.indb 15 2016-07-20 11:10


16 La vérité sur le sucre

Fig. 1.2 Le sucre n’est pas toujours sucré

Amidon

GOÛT 17g de sucre


NON SUCRÉ /100 g
Récepteur
non-accessible

Glucose et
fructose

GOÛT 17 g de sucre
SUCRÉ /100 g
Récepteur
accessible
Glucose Fructose

animales. De façon générale, les ani- des fleurs, riche en sucre. Ce change-
maux qui mangent régulièrement des ment de régime alimentaire a été rendu
végétaux peuvent détecter le sucre, ce possible par le développement d’un long
qui leur permet d’identifier les bonnes bec incurvé et de la spectaculaire capa-
sources d’énergie. À l’inverse, les car- cité de l’animal à voler de façon station-
nivores exclusifs comme les félins ne naire, laquelle lui permet d’atteindre le
possèdent pas les récepteurs néces- cœur des fleurs. Mais ce n’est pas tout :
saires et sont complètement indif- alors que la quasi-totalité des oiseaux
férents au goût sucré. Inutile donc possèdent des récepteurs de goût sen-
de tenter d’apprivoiser un chat avec sibles aux protéines mais insensibles
des sucreries ! au sucre, ceux du colibri ont acquis
Le colibri est un exemple éclatant par une série de mutations la faculté
du rôle capital joué par les récepteurs de détecter le sucre, ce qui permet
du sucre dans la survie des espèces. de guider l’oiseau vers les meilleures
Au cours de son évolution, cet oiseau sources d’énergie. Il est intéressant de
remarquable a graduellement modifié constater que cette pression évolutive
son alimentation, délaissant les insectes peut aussi s’exercer en sens inverse :
riches en protéines au profit du nectar certains insectes comme les cafards, qui

MEP_VeriteSucre.indb 16 2016-07-20 11:10


MEP_VeriteSucre.indb 17 2016-07-20 11:10
ON N’ATTIRE PAS LES CAFARDS AVEC DU SUCRE !

Les pyréthrinoïdes, des poisons qui une modification des préférences des
s’attaquent au système nerveux des insectes. Quand les exterminateurs uti-
insectes, sont utilisés depuis longtemps lisent le sucre comme appât, certains
pour contrer les invasions de cafards. cafards acquièrent une mutation géné-
Les exterminateurs ont cependant tique qui modifie la structure de leurs
noté que le traitement devenait inef- récepteurs et donne au sucre un goût
ficace quelques années après la pre- repoussant pour les bestioles mutantes,
mière utilisation, comme si les cafards ce qui les tient loin de la menace.
avaient acquis la capacité de résister Puisque les cafards se reproduisent à un
au poison. Or, des études ont plutôt rythme effréné, ce dégoût se transmet
montré que cette résistance n’était pas rapidement aux nouvelles générations,
causée par une adaptation aux effets assurant du même coup la survie de la
toxiques de l’insecticide, mais bien à colonie.

MEP_VeriteSucre.indb 18 2016-07-20 11:10


L’odyssée du sucre 19

sont normalement fortement attirés par


le sucre, peuvent acquérir un dégoût de
cette substance ; encore ici, c’est une
question de survie (voir l’encadré).

À LA RECHERCHE DU SUCRE

En dépit de cette attirance innée, notre


« bec sucré » n’a pas été très sollicité pen-
dant la majeure partie de l’histoire de
l’humanité. Si nous avons été si raison-
nables pendant des millénaires, c’est
parce que les sucres simples détectés
par notre sens du goût sont plutôt rares
dans la nature. Notre appétit pour ces
substances était le plus souvent assouvi
par la consommation de fruits, riches
en fructose et donc très sucrés, dont
la disponibilité variait en fonction des
saisons et des régions. Du point de vue
biologique, notre métabolisme est donc
adapté à une rareté des sucres simples,
et ce n’est que depuis quelques siècles
à peine qu’il lui faut composer avec
l’ingestion d’énormes quantités de ces
substances.
L’abondance actuelle des sucres
simples dans l’alimentation a été rendue
possible par les efforts considérables
déployés au cours des millénaires pour
identifier et domestiquer leurs rares
sources naturelles. Le miel a été l’une
des premières à être exploitées, comme
en témoigne une magnifique peinture
rupestre dans les grottes de l’Araignée,
en Espagne, où l’on voit une cueilleuse
de miel affronter courageusement
Peinture rupestre dans les grottes de l’Araignée.

MEP_VeriteSucre.indb 19 2016-07-20 11:10


20 La vérité sur le sucre

Un Gurung du Népal récolte du miel à flanc de falaise.

un essaim, il y a près de 8000 ans. La plantes qui possèdent la plus haute


récolte du miel d’abeilles sauvages ou efficacité de photosynthèse : elle peut
semi-domestiquées est pratiquée encore contenir jusqu’à 15 % de son poids en
aujourd’hui dans certaines régions sucrose. Les peuples océaniens qui ont
d’Afrique et d’Asie, survivance de tradi- découvert le plaisir de mâcher la canne
tions dont l’origine se perd dans la nuit à sucre avaient coutume d’en apporter
des temps. lors de leurs voyages en pirogue, ce qui
Récolter le miel sauvage peut toute- permit la dissémination de la plante
fois être un exercice dangereux et relati- dans plusieurs régions du Pacifique.
vement peu productif. C’est donc plutôt Il y a cependant fort à parier que
la culture à grande échelle de la canne à la canne à sucre serait demeurée une
sucre qui a bouleversé la place occupée curiosité locale sans l’invention d’un
par le sucre dans nos vies. Originaire procédé permettant de cristalliser le
de Nouvelle-Guinée, où elle était déjà sucre qu’elle contient, une innovation
cultivée quelque 6 000 ans avant notre qui a vu le jour en Inde mille ans avant
ère, cette graminée compte parmi les notre ère. Alors que, pour profiter du

MEP_VeriteSucre.indb 20 2016-07-20 11:10


L’odyssée du sucre 21

goût sucré de la plante, il fallait aupa-


ravant en éliminer l’écorce extérieure,
puis en mâcher l’intérieur en recra-
chant les parties fibreuses, le broyage
de la canne et l’évaporation de son jus
permettaient d’obtenir des cristaux de
sucre, semblables à du sable (le mot
« sucre » est dérivé du sanscrit « sar-
kara » qui signifie « sable ») et très faciles
d’utilisation. La découverte ne passa
pas inaperçue aux yeux d’un amiral
d’Alexandre le Grand, qui ramena en
Perse ce « roseau qui donne le miel
sans le secours des abeilles » après des
conquêtes dans le nord-est de l’Inde en
326 av. J.-C., donnant le coup d’envoi
à une autre conquête : celle du monde
par le sucre.
L’invasion fut au départ plutôt lente,
du moins en Europe : bien que les
Arabes aient établi dès le VIIIe siècle
des sites de production de sucre tout
autour du bassin méditerranéen, le sucre
demeurait une substance inconnue de la
plupart des Européens. Ce n’est qu’avec
la première croisade, au XIe siècle, que
les Européens partis guerroyer contre
« l’infidèle » ont découvert le sucre et
ont pu l’introduire en Europe en même
temps que plusieurs épices exotiques. Il
n’est donc pas étonnant que le sucre ait
été au départ une denrée très rare – et
donc très chère – en Occident, réservée
aux seigneurs riches et puissants.
Le caractère exotique du sucre était
aussi renforcé par son utilisation médi-
cinale, un usage inspiré de la pharmaco-
logie arabe. Le grand Avicenne, célèbre

MEP_VeriteSucre.indb 21 2016-07-20 11:10


22 La vérité sur le sucre

Des esclaves africains raffinent la canne à sucre sur l’île d’Hispaniola. Gravure de 1595.

médecin perse du Xe siècle, estimait LA RUÉE VERS L’OR BLANC


« qu’en ce qui concerne les sucreries,
aucune n’est mauvaise ». Il utilisait donc La popularité toujours croissante du
le sucre à profusion dans nombre de sucre, combinée à son prix exorbitant,
préparations. La perception des vertus a entraîné une véritable course contre
médicinales du sucre persista très long- la montre pour cultiver la canne à sucre
temps dans la culture européenne et à grande échelle et récolter son pré-
lorsque Michel de Nostredame, dit cieux produit. L’Espagne et le Portugal
Nostradamus, qui était apothicaire furent les premiers de peloton, avec
avant d’être connu pour ses prophéties, l’établissement de la culture de la canne
publia son fameux Traité des fardements à sucre à Madère, aux îles Canaries et
et confitures en 1552, l’ouvrage connut dans les Açores, mais ce n’est qu’après
un énorme succès. Cet usage ancien du la découverte de l’Amérique par Chris-
sucre est d’ailleurs inscrit dans le nom tophe Colomb que cette production
latin de la canne à sucre, Saccharum parvint véritablement à prendre son
officinarum, qui signifie littéralement envol. Parfaitement adaptés au climat
« sucre des pharmaciens ». tropical des Antilles, les plants de canne
à sucre apportés par Colomb dans son

Un Haïtien récolte la canne à sucre en République dominicaine, où les travailleurs d’origine


haïtienne n’ont pas les mêmes droits que les Dominicains, même s’ils sont nés au pays.

MEP_VeriteSucre.indb 22 2016-07-20 11:10


MEP_VeriteSucre.indb 23 2016-07-20 11:10
24 La vérité sur le sucre

second voyage (en 1493) ont en effet UN MONDE FOU DU SUCRE


permis aux Européens, et en particulier
aux Anglais, de développer dans leurs De substance dont il avait été, de
colonies antillaises une véritable indus- toute éternité, absolument impos-
trie, à même de produire du sucre en sible d’abuser, le sucre est devenu en
très grande quantité et d’approvisionner quelques années aussi banal que l’eau,
à un prix relativement raisonnable la et s’immisce aujourd’hui dans tous nos
population européenne. Ce commerce repas, et même entre ceux-ci, propulsé
extrêmement lucratif allait permettre à par une industrie alimentaire qui a très
de plus en plus d’Européens de goûter vite saisi l’opportunité d’exploiter notre
aux délices sucrés, mais il ferait couler attirance innée pour ce goût… Mais si
beaucoup de sang et de larmes. Car, nos gènes, produits de notre évolution,
pour faire face à la demande de main- ont fait en sorte que nous avons l’eau à
d’œuvre nécessaire au pénible travail la bouche à la simple idée d’une géné-
dans les champs et les raffineries, on eut reuse portion de gâteau au chocolat,
massivement recours aux esclaves. alors, pourquoi bouder notre plaisir ?
Il reste qu’à partir du XIXe siècle, le La nature est bien faite, non ?
sucre n’était plus une « épice » à l’usage La réponse rapide est que, dans les
exclusif de la haute société, mais un pro- temps reculés qui ont façonné notre
duit de consommation courante, acces- espèce, le gâteau au chocolat n’était pas
sible à tous, même au petit ouvrier des au menu. Alors que pendant plusieurs
révolutions industrielles qui put bientôt, centaines de milliers d’années, seuls les
lui aussi, agrémenter son thé avec le fruits et parfois le miel permettaient à
célèbre petit cube de sucre. nos ancêtres de consommer des sucres
Mais répétons-le : l’ingéniosité simples, nous vivons une époque de
humaine qui a permis de découvrir les surabondance alimentaire où foisonne
moyens d’extraire le sucre de canne et une gamme incroyable de produits sur-
de le commercialiser à grande échelle chargés de sucre. Puisque les sucres
n’a eu d’égale que la cruauté déployée simples sont rares dans la nature, notre
envers les personnes impliquées dans cerveau s’est adapté à répondre favora-
sa production. L’histoire du sucre est blement à leur présence pour assurer un
aussi celle de millions d’esclaves afri- apport calorique essentiel. Ce système
cains arrachés à leurs pays pour travailler est complètement déboussolé par la
dans des conditions épouvantables dans présence constante de sucre dans notre
les champs et les raffineries de riches environnement, à même de provoquer
propriétaires européens. Et aujourd’hui une trop forte activation des « circuits de
encore, la récolte de la canne se fait sou- récompense » cérébraux, d’une manière
vent dans un régime d’exploitation. analogue à l’effet de certaines substances

MEP_VeriteSucre.indb 24 2016-07-20 11:10


L’AVÈNEMENT DU SUCRE EN CUBES

Le sucre a été vendu pendant très long- sucre pour ses invités à l’aide d’un des
temps en morceaux de tailles dispa- menaçants outils qu’on utilisait alors
rates, qui étaient le plus souvent bien à cette fin (voir ci-dessus). Pourquoi
trop gros pour les menues tasses de ne pas faire des portions de sucre uni-
thé servies dans les salons chics et les formes, aux dimensions adaptées à une
humbles cuisines. Tout a changé le jour tasse de thé, implora-t-elle ? C’est ainsi
où Juliana Rad, épouse du directeur que naquit, en 1843, le fameux cube
d’une raffinerie de sucre en Moravie, de sucre, une innovation rendue pos-
est sortie de sa cuisine la main ensan- sible grâce à l’invention d’une presse
glantée par la vilaine blessure qu’elle spéciale par Jakub Krystof Rad, l’époux
venait de s’infliger alors qu’elle tentait de Juliana.
de tailler des morceaux dans un bloc de

MEP_VeriteSucre.indb 25 2016-07-20 11:10


RATS SUCROMANES

Dans une étude dirigée par le Dr Serge fut aussi observé avec l’héroïne ! Il
Ahmed, de l’Université de Bordeaux, n’empêche que, pour l’instant, il est dif-
la grande majorité (90 %) des rats ficile de considérer le sucre comme une
exposés à la fois au sucre et à l’auto- drogue. Oui, il occasionne une sécrétion
administration de cocaïne ont manifesté de dopamine, mais après tout, les fris-
une nette préférence pour le sucre. Plus sons ressentis à l’écoute d’une musique
surprenant encore, même chez des rats agréable ou encore les caresses de la per-
déjà dépendants à la cocaïne, la prédi- sonne aimée ont le même effet et ne
lection pour la solution sucrée demeu- sont pas pour autant dénoncés comme
rait incontestable. Le même phénomène sources de dépendances pathologiques...

MEP_VeriteSucre.indb 26 2016-07-20 11:10


L’odyssée du sucre 27

psychoactives. En d’autres mots, il est observé que des animaux auxquels on


possible que la consommation répétée donne le choix entre un liquide sucré et
et abusive de sucre entraîne une forme une dose de cocaïne préfèrent le sucre !
de dépendance qui empêche certaines À l’instar de la cocaïne, la consom-
personnes de contrôler leur prise ali- mation massive de sucre occasion-
mentaire et résulte en un apport calo- nera une production de dopamine et
rique trop élevé et donc à une accumu- d’endorphines. La sécrétion de ces pep-
lation excessive de graisse dans le corps. tides provoquerait à la fois une sensation
analgésique et du plaisir, du moins chez
l’enfant. D’ailleurs, en médecine néona-
LE SUCRE EST-IL tale, on tire parfois profit de cette pro-
UNE DROGUE ? priété en donnant de l’eau sucrée aux
nourrissons avant de faire certains pré-
L’environnement nutritionnel moderne lèvements… Tout comme nos grands-
est donc impliqué dans notre relation mères mettaient du miel sur la suce des
trouble avec le sucre, mais il y a plus : petits pour faire cesser leurs pleurs !
certains accusent le sucre d’être ni plus La possibilité d’une dépendance au
ni moins qu’une drogue dure. Un coup sucre n’a pas été clairement établie chez
d’œil sur le net peut nous convaincre l’humain. En revanche, des études sug-
qu’il est un véritable poison, une subs- gèrent que certaines personnes obèses
tance terriblement addictive dont la présentent un déficit de dopamine, ce
consommation mènerait immanqua- qui pourrait expliquer qu’elles consom-
blement à l’obésité. L’accusation est- ment plus de nourriture pour obtenir
elle fondée ? une stimulation adéquate de ce circuit
L’observation suggère que certains de la récompense. De plus, chez ceux
aliments très agréables au goût, comme qui souffrent de dépression ou d’anxiété,
ceux qui contiennent de grandes quan- la baisse des taux de sérotonine favori-
tités de sucre, ont effectivement le serait une envie spécifique de sucre, le
potentiel de causer une dépendance. glucose étant connu pour augmenter la
Plusieurs chercheurs ont tenté de valider concentration de ce neurotransmetteur
scientifiquement cette accusation dans le cerveau.
lourde de conséquences. Par exemple, Mais voilà : contrairement aux dro-
des études réalisées sur les rongeurs ont gues, la nourriture est essentielle à la vie
clairement établi que l’activation des et il est difficile d’établir précisément le
circuits cérébraux de la récompense par degré de « dépendance » engendré par la
le sucre présente de grandes similitudes consommation habituelle de quantités
avec celle induite par les substances psy- importantes d’aliments sucrés. Ce qui
choactives. Des chercheurs ont même est certain, en revanche, c’est que la

MEP_VeriteSucre.indb 27 2016-07-20 11:10


28 La vérité sur le sucre

présence massive du sucre dans notre de stimuler le système de dépendance


environnement alimentaire a exacerbé dopaminergique de nos enfants en les
l’attirance innée que nous avons pour récompensant avec des friandises…
lui et a favorisé l’apparition d’une Mais soyons clairs : quand on dis-
forme d’accoutumance. Certaines per- cute des effets néfastes du sucre sur la
sonnes semblent particulièrement vul- santé, ce n’est pas des sucres présents
nérables à cette surstimulation des cir- naturellement dans les aliments qu’on
cuits de la récompense, et les nombreux parle, mais bien des quantités astrono-
témoignages d’« ex-sucroliques » nous miques de sucre ajouté auxquelles nous
incitent à la prudence, car s’il se révèle sommes quotidiennement exposés. Et
exact que le sucre peut, chez certains rien n’illustre mieux ces dangers poten-
individus, créer une dépendance simi- tiels que l’épidémie galopante d’obésité
laire à celle engendrée par les drogues et de diabète qui frappe actuellement
dures, alors son ubiquité est un pro- les sociétés industrialisées et de plus en
blème majeur de santé publique. Chose plus de pays en développement.
certaine, nous serions bien mal avisés

MEP_VeriteSucre.indb 28 2016-07-20 11:10


MEP_VeriteSucre.indb 29 2016-07-20 11:10
MEP_VeriteSucre.indb 30 2016-07-20 11:11
CHAPITRE 2

OBÉSITÉ
ET DIABÈTE :
LE PRIX À
PAYER
C’est l’explosion fulgurante du nombre
d’individus en surpoids observée au
cours des dernières décennies, tant chez
les enfants que chez les adultes, qui
sert de toile de fond au débat actuel
sur les effets du sucre sur la santé. Phé-
nomène autrefois très rare, l’obésité est
en effet devenue le problème de santé
publique de l’heure. Elle est même en
voie de supplanter le tabagisme comme
principale cause de mortalité préma-
turée dans la population de plusieurs
sociétés industrialisées. La liste des
complications médicales qui découlent

31

MEP_VeriteSucre.indb 31 2016-07-20 11:11


32 La vérité sur le sucre

d’implication du sucre dans


la situation n’est donc pas
seulement un débat scien-
tifique, mais bien un impor-
tant enjeu de société.
L’incidence de plus en
plus forte du diabète est
certainement le meilleur
exemple de l’urgence de
mieux comprendre les fac-
teurs responsables de la
pandémie d’obésité. Cette
maladie est intimement
associée à l’excès de poids
corporel, avec 80 % des cas
touchant les personnes en
surpoids. Or cette cause
majeure de morbidité et
de mortalité reste extrême-
ment difficile à traiter.
La première men-
tion connue du diabète
remonte à l’Égypte antique,
avec la description d’une
maladie qui provoque « des
urines très abondantes »
Un médecin examine l’urine de son patient. Gravure du XVe siècle. dans un papyrus vieux de
3 500 ans. Ce sont toute-
directement du surpoids fait froid dans fois les Grecs qui furent les premiers
le dos : diabète, maladies cardiovascu- à nommer la maladie, puisque le mot
laires, hypertension, cancer, maladies provient du grec diabaïno, qui signifie
hépatiques, pour n’en nommer que « passer au travers », ce qui faisait réfé-
quelques-unes. La pandémie d’obésité rence au fait que les gens atteints de
qui déferle actuellement sur la pla- ce mal buvaient sans cesse, et urinaient
nète est une crise sanitaire sans précé- constamment. Le nom latin du dia-
dent qui menace d’amputer plusieurs bète, Diabetes mellitus, vient quant à lui
années de vie en bonne santé à un très du fait que les urines des diabétiques
grand nombre de personnes. Le degré ont un goût sucré, ou de miel : mellitus

MEP_VeriteSucre.indb 32 2016-07-20 11:11


Obésité et diabète : le prix à payer 33

en latin. Eh oui ! Avant l’invention


de leurs précieux équipements tech-
nologiques, les médecins devaient se
débrouiller autrement pour faire leurs
diagnostics.
Il faut préciser que le diabète
s’exprime principalement sous deux
formes. Le diabète de type 1, qui touche
5 % des malades, est la forme la plus
sévère : il est fatal s’il n’est pas traité
avec de l’insuline. Cette forme de dia-
bète due à la disparition progressive
des cellules b du pancréas, qui sont res-
ponsables de la production de l’insuline,
apparaît généralement dans l’enfance
ou à l’adolescence. Bien que la cause
précise de la maladie reste inconnue, il
semble qu’une certaine susceptibilité
génétique ainsi que la présence d’un
stress environnemental (comme une
infection virale ou une mauvaise ali-
mentation) pourraient jouer un rôle clé
dans l’activation d’une réaction menant
à la destruction des cellules b. On croit
en effet que le système immunitaire
des personnes atteintes de diabète de
type 1, tout à coup, cible ses propres cel-
lules productrices d’insuline comme un
ennemi à éliminer.
Le diabète de type 2 est beaucoup
plus commun, et a longtemps été
reconnu comme la « forme adulte » de
la maladie, parce qu’il frappe majoritai-
rement cette population, notamment
les gens qui souffrent d’embonpoint
ou d’obésité. Contrairement au dia-
bète de type 1, qui survient subitement,
c’est une maladie insidieuse, qui évolue

MEP_VeriteSucre.indb 33 2016-07-20 11:11


34 La vérité sur le sucre

lentement mais inexorablement chez la glucose sanguin qui obstruent les petits
grande majorité des personnes atteintes. vaisseaux de l’œil et privent la rétine
Malgré les progrès importants réalisés d’oxygène.
au cours des dernières années dans La montée vertigineuse du nombre
notre compréhension des causes du dia- de cas de diabète observée dans les der-
bète de type 2, celui-ci progresse à un nières décennies s’explique en grande
rythme effréné. Selon les plus récentes partie par la fulgurante augmentation
statistiques, 10 à 14 % des femmes et de l’obésité dans notre société. Le dia-
14 à 18 % des hommes âgés de plus de bète de type 2 est en effet intimement
55 ans en sont atteints au Canada, dont lié à la prise de poids (fig. 2.1), surtout
près de 800 000 personnes au Québec lorsque l’excès de graisse s’accumule au
seulement. niveau abdominal, près des viscères. La
Plus inquiétant encore est le nombre graisse viscérale est reconnue pour être
limité de traitements potentiels pour la plus nocive pour notre santé métabo-
contrer la maladie et traiter ses com- lique et le principal facteur de risque du
plications majeures que sont les mala- diabète de type 2.
dies cardiaques et rénales, mais aussi Les travaux de mon éminent col-
les atteintes de l’œil. En effet, le dia- lègue Jean-Pierre Després, de l’Institut
bète est l’une des principales causes de cardiologie et de pneumologie de
de cécité, la rétinopathie diabétique Québec, montrent que la graisse abdo-
étant causée par les fortes quantités de minale est l’un des facteurs clés du

Fig. 2.1 L’indice de masse corporelle et le risque de diabète de type 2

100
Risque de diabète de type 2 (%)

90
80
70
60
50
40
30
20
10

‹22 22-22,9 23-23,9 24-24,9 25-26,9 27-28,9 29-30,9 31-32,9 33-34,9 ≥ 35


IMC

Source : International Chair on Cardiometabolic Risk ; adapté de Colditz et al., 1995.

MEP_VeriteSucre.indb 34 2016-07-20 11:11


LE SYNDROME MÉTABOLIQUE :
UN SIGNAL D’ALARME

Le syndrome métabolique n’est pas une


maladie en soi. C’est plutôt une indication
que quelque chose ne tourne pas rond.
C’est un peu comme si plusieurs voyants
du tableau de bord de votre voiture
s’allumaient soudainement. Vous pouvez
encore rouler, mais il serait temps de
passer au garage avant que les dommages
faits à votre véhicule ne deviennent irré-
parables. Les diverses instances de santé ne
s’entendent pas parfaitement sur la défini-
tion de ce syndrome qui inclut néanmoins
généralement l’obésité viscérale, la résis-
tance à l’insuline, une augmentation des
lipides sanguins et l’hypertension – c’est
ce qui fait qu’on l’a désigné à une certaine
époque par le nom inquiétant de « quatuor
mortel ». Mais peu importe la définition,
il est reconnu que le syndrome métabo-
lique est intimement lié au tour de taille.
Ainsi, si le vôtre dépasse 102 cm pour
un homme ou 88 cm pour une femme,
une visite chez votre médecin de famille
s’impose pour en avoir le cœur net.

MEP_VeriteSucre.indb 35 2016-07-20 11:11


36 La vérité sur le sucre

syndrome métabolique, lequel englobe dans les muscles et les tissus adipeux,
les principaux facteurs de risque du soit en favorisant son entreposage
diabète et des maladies cardiovascu- dans le foie. C’est ainsi que le taux de
laires, et joue un rôle prédominant sucre est maintenu à un niveau fonc-
dans le développement du diabète de tionnel. Lorsque les tissus deviennent
type 2. résistants à l’insuline, le taux de sucre
Un des quatre facteurs clés du syn- sanguin reste trop élevé et le pancréas
drome métabolique est la résistance n’a d’autre choix que d’augmenter la
à l’insuline, une anomalie dans les libération d’insuline pour forcer les
effets de cette hormone qui précède tissus à capter et à emmagasiner plus
l’apparition du diabète de type 2. Ce de sucre.
problème survient lorsque les organes Cette surproduction du pancréas
métaboliques ciblés par l’insuline (par peut compenser la résistance à l’insuline
exemple, les muscles et le foie) ne à moyen terme, mais elle ne fait mal-
répondent pas adéquatement à celle-ci. heureusement que camoufler la pré-
En temps normal, après un repas, sence d’un diabète en devenir qui se
l’insuline est sécrétée par le pancréas développe sournoisement, retardant
pour signaler au corps qu’il faut réduire ainsi l’inévitable diagnostic que posera
le sucre en circulation, soit en le captant le médecin des années plus tard, et

Accumulation d’éléments du syndrome métabolique


Fig. 2.2
et risque de mortalité associé aux maladies coronariennes

Î6

Î5
Risque relatif de mortalité

Î4

Î3

Î2

Î1

Sans facteur 1 à 2 facteurs Sans diabète Avec diabète


de risque de risque
Syndrome métabolique

Source : Malik, S. et al., 2004.

MEP_VeriteSucre.indb 36 2016-07-20 11:11


MEP_VeriteSucre.indb 37 2016-07-20 11:11
38 La vérité sur le sucre

Fig. 2.3 La résistance à l’insuline, une forme de diabète précoce

INDIVIDU SAIN
Muscles et foie sensibles à l’insuline

Pancréas

Les tissus stockent


le glucose Taux de sucre
normal
Production adéquate
d’insuline

RÉSISTANCE À L’INSULINE
Muscles et foie ne répondent
pas correctement à l’insuline

Les tissus stockent


le glucose Taux de sucre
normal
Surproduction
d’insuline

DIABÈTE DE TYPE 2
Pancréas déficient, épuisé de palier
la résistance du foie et des muscles

Les organes ne peuvent


plus stocker le glucose

Taux de sucre
Sous-production élevé, intervention
d’insuline médicale requise
Insuline Effet normal de l’insuline Effet de l’insuline déficien

MEP_VeriteSucre.indb 38 2016-07-20 11:11


Obésité et diabète : le prix à payer 39

toujours trop tard, dirais-je. La résis- provoquer la résistance à l’insuline dans


tance à l’insuline devrait donc être consi- les tissus métaboliques.
dérée comme un état prédiabétique, et Nous savons maintenant que
l’embonpoint est assurément son pre- l’inflammation métabolique n’est pas
mier signe clinique. C’est pour cette un phénomène limité aux tissus adi-
raison, entre autres, que le surpoids doit peux des personnes obèses. En effet, de
être pris très au sérieux puisque, comme plus en plus de preuves s’accumulent
nous le verrons plus en détail dans le sur la présence de foyers inflamma-
prochain chapitre, l’accumulation de toires qui se développent, toujours
tissu adipeux, surtout dans l’abdomen,
Gène humain Plasmide Bactérie
est un signal qu’il ne faut surtout pas de ­l’insuline (ADN) (ADN bactérien circulaire) recombinante
négliger.

LE DIABÈTE, MALADIE DU
SYSTÈME IMMUNITAIRE ?

Les causes possibles de la résistance à


l’insuline font l’objet de plusieurs tra- DES BACTÉRIES MUTANTES
vaux de recherche à travers le monde. AU SECOURS DES DIABÉTIQUES
Une théorie qui fait presque l’unanimité
aujourd’hui est que l’accumulation Jusqu’en 1982, les diabétiques devaient
exagérée de graisses déclenche une s’injecter de l’insuline isolée des pancréas de
réponse inflammatoire inappropriée, porcs ou de bœufs récupérés à l’abattoir. Un
de faible intensité mais constante dans patient devait pouvoir compter chaque année
l’organisme. Cette réaction mal adaptée sur l’insuline tirée d’une centaine d’animaux.
à un surplus d’éléments nutritifs est Or, le nombre de diabétiques augmentait sans
plutôt modérée par rapport à la réponse cesse, et certains toléraient mal l’hormone
immunitaire que l’on peut observer, par d’origine animale : il était urgent de trouver
exemple, en cas de maladie infectieuse. une source abondante et fiable. C’est alors que
Mais voilà : l’« inflammation métabo- la pharmaceutique Eli Lilly mit sur le marché
lique » s’installe de façon chronique, et une source d’insuline « humaine », ou presque.
fait des dégâts en silence. Il y a plusieurs Les chercheurs étaient arrivés à insérer le gène
années, notre laboratoire a contribué à humain de l’insuline dans l’ADN d’une bac-
élucider l’origine de ce processus, en térie ; le colibacille modifié pouvait ainsi générer
montrant comment le tissu adipeux des la précieuse hormone. En devenant le premier
sujets obèses s’emballe et relâche des remède produit par génie génétique, l’insuline
facteurs immunitaires qui contribuent à marquait à nouveau l’histoire médicale.

MEP_VeriteSucre.indb 39 2016-07-20 11:11


40 La vérité sur le sucre

aussi sournoisement, dans d’autres tissus évoluer vers la stéato-hépatite (non


métaboliques comme les muscles, le foie, alcoolique) et mener à une cirrhose et
le cerveau et l’intestin – ce dernier étant à une insuffisance hépatique chronique.
d’ailleurs le premier de nos organes à À ce stade extrême, la fonction du
devoir faire face à nos excès alimentaires. foie est irrémédiablement compromise
et seule une transplantation peut per-
mettre d’éviter des complications plus
LE FOIE GRAS : LES sévères, qui incluent le cancer du foie.
RAVAGES INVISIBLES La prévalence de la stéato-hépatite est
DE L’EXCÈS DE SUCRE de 2 à 6 % dans la population, mais elle
augmente au même rythme que celle
Il est aujourd’hui reconnu que la pré- de l’obésité et du diabète. Elle est donc
sence de graisse abdominale reflète en voie de devenir l’une des consé-
l’accumulation de lipides dans d’autres quences les plus dévastatrices de nos
tissus comme les muscles, le cœur et mauvaises habitudes de vie, parmi les-
le foie. Contrairement au tissu adi- quelles figure, comme nous le verrons, la
peux, qui est conçu à cette fin, tous ces consommation accrue de certains sucres
organes paient un prix énorme pour simples. Cette maladie est d’autant
accumuler cette graisse dite « ectopique » plus inquiétante qu’elle échappe
qui contribue au développement du très souvent à la vigilance des méde-
diabète de type 2 et de ses complica- cins généralistes, et qu’aucun médica-
tions cardio-métaboliques. Ainsi, le foie ment n’est actuellement capable de
engorgé de lipides produit des pro­téines la traiter.
pro-inflammatoires qui empêchent Pour les médecins spécialistes
l’insuline d’agir normalement sur le qui traitent le diabète de type 2 et
métabolisme des sucres, mais qui favo- la stéatose hépatique dans leurs cli-
risent également l’apparition d’une niques, le plus troublant est de réaliser
maladie de plus en plus répandue, la l’inexorable progression de ces impla-
stéatose hépatique. Cette maladie se cables maladies, non seulement dans la
déclare lorsque la graisse représente population adulte, mais aussi chez les
5 à 10 % du foie ou plus : les cellules adolescents et même chez les enfants.
inflammatoires du système immunitaire Voilà d’ailleurs pourquoi le diabète de
se mobilisent alors dans l’organe pour type 2 ne peut plus être qualifié de « dia-
combattre cet « ennemi », ce qui entraîne bète de l’adulte ».
du même coup la destruction de tissu Il est par ailleurs clairement établi
sain. Les lésions ainsi causées perturbent que l’apparition précoce des nom-
la circulation du sang dans le foie et, à breuses complications de ces maladies
des stades plus avancés, la maladie peut aura un impact majeur sur la qualité

MEP_VeriteSucre.indb 40 2016-07-20 11:11


Obésité et diabète : le prix à payer 41

Fig. 2.4 Les risques hépatiques associés au tour de taille

Plus de
84 cm 114 cm 152 cm 152 cm

FOIE EN SANTÉ FOIE ENGORGÉ PRÉSENCE CIRRHOSE


DE GRAS DE FIBROSE
STÉATOSE
HÉPATIQUE

Source : Jacobsen et al., 2007.

MEP_VeriteSucre.indb 41 2016-07-20 11:11


QUAND LA GRAISSE
VISCÉRALE FAIT
SURPRODUIRE
UN GAZ TOXIQUE

Le monoxyde d’azote (NO) est un gaz


produit naturellement par notre corps.
En temps normal, il assure notamment
le maintien d’une bonne pression san-
guine, semble jouer un rôle déterminant
dans la chimie du cerveau en permet-
tant les apprentissages et la mémorisa-
tion, et il est indispensable à l’érection !
Il est aussi un élément important de
notre système immunitaire : en cas de
force majeure, il peut être produit en
grande quantité, pour éliminer un enva-
hisseur bactérien, par exemple. Mais
l’excès de graisse viscérale, en créant un
environnement inflammatoire, force
nos cellules à surproduire le monoxyde
d’azote, qui vient embrouiller les mus-
cles et les rend incapables de répondre
efficacement à l’insuline. C’est ainsi
qu’un gaz bénéfique en petite quantité
devient nocif quand votre tour de taille
dépasse la limite sécuritaire.

MEP_VeriteSucre.indb 42 2016-07-20 11:11


Obésité et diabète : le prix à payer 43

ainsi que sur l’espérance de vie des pro-


chaines générations. Face à cette catas-
trophe annoncée, il faut trouver de toute
urgence de nouvelles façons de freiner la
progression de l’obésité et donc, du dia-
bète de type 2 et de la stéatose hépa-
tique. Plutôt que d’attendre le médica-
ment miracle qui ne viendra peut-être
jamais, il vaut mieux dès maintenant
faire l’effort de changer nos habitudes.
En effet, une avalanche d’études réali-
sées dans les dernières années ont clai-
rement montré que la grande majo-
rité des cas de diabète de type 2 sont
directement liés à nos mauvaises habi-
tudes de vie, en particulier en ce qui
a trait à l’alimentation et à l’activité
physique.
C’est dans ce contexte qu’une meil-
leure compréhension du rôle du sucre
dans l’épidémie d’obésité devient si
importante. Puisque le diabète de type 2
et la stéatose hépatique s’installent bien
avant leur diagnostic, et que l’obésité
est l’une des principales causes de ces
maladies, peut-on considérer que ces
problèmes de santé sont principale-
ment causés par un excès de sucre dans
l’alimentation ? Le fructose, dénoncé par
plusieurs comme un « sucre toxique »,
doit-il alors être vu comme le pre-
mier responsable de cette hécatombe
métabolique ?
Ces questions sont certainement
d’une importance capitale. Cependant,
le débat sur le rôle du sucre dans la pro-
gression effarante de ces maladies est
faussé par des positions trop souvent

MEP_VeriteSucre.indb 43 2016-07-20 11:11


44 La vérité sur le sucre

extrêmes, appuyées la plupart du temps ou nuancés. Pris entre les deux, les
sur des corrélations boiteuses qui ne médias, quant à eux, choisissent géné-
sont pas soutenues par l’évaluation ralement les messages les plus simples
rigoureuse des résultats scientifiques. et les plus frappants. Le résultat, c’est
Cette confusion est savamment entre- que le consommateur se retrouve bien
tenue par certains acteurs importants de souvent avec plus de questions que de
l’industrie alimentaire, dont les revenus réponses, enseveli par l’avalanche de
dépendent largement de la commercia- statistiques et d’affirmations contradic-
lisation d’aliments très sucrés, et qui toires qui polluent le nécessaire débat
excellent dans l’art de brouiller les de fond qu’il est en droit d’attendre sur
cartes. Elle met notamment de l’avant la question.
les études qui jugent que le sucre est Dans les chapitres qui vont suivre,
inoffensif (études qu’ils subventionnent je m’efforcerai donc de remettre les
bien souvent) en négligeant celles qui pendules à l’heure en éclairant par la
documentent ses effets négatifs. De science la question du rôle du sucre dans
même, le camp des « anti-sucre » est la montée fulgurante des cas d’obésité,
parfois tenté de citer des résultats de de diabète et de stéatose hépatique, ces
recherche inquiétants, mais qui mérite- fléaux du XXIe siècle.
raient souvent d’être mis en contexte

MEP_VeriteSucre.indb 44 2016-07-20 11:11


MEP_VeriteSucre.indb 45 2016-07-20 11:11
MEP_VeriteSucre.indb 46 2016-07-20 11:11
CHAPITRE 3

LE SUCRE
AJOUTÉ,
ENNEMI PUBLIC
NUMÉRO 1
Il y a une trentaine d’années, une guerre
alimentaire était déclarée. Pour sauver
notre santé, l’ennemi à éliminer était
alors le gras. Au fil du temps, de nom-
breuses études ont fortement ébranlé
ce dogme. Il a ainsi été révélé que cer-
tains gras avaient en fait des effets pro-
tecteurs sur la santé. De plus, alors
qu’on tentait de réduire au maximum
la présence du gras dans l’alimentation,
on compensait cet affront au goût par
l’ajout de grandes quantités de sel et
de sucre. A posteriori, on ne peut que
poser un regard dépité sur les données

47

MEP_VeriteSucre.indb 47 2016-07-20 11:11


48 La vérité sur le sucre

qui montrent que l’augmentation des


cas d’obésité coïncide précisément avec
le moment où les recommandations sur
la réduction des gras ont été émises.
Aujourd’hui, l’« ennemi public
numéro 1 » a changé d’identité. Il y a en
effet fort à parier que vous avez récem-
ment lu, vu ou entendu un reportage
dans lequel on accuse le sucre d’être
un produit toxique, ou du moins, très
nuisible. Cette position se fonde sur
l’omniprésence actuelle du sucre, non
seulement dans les produits de la mal-
bouffe, mais aussi dans plusieurs ali-
ments du quotidien. Sommes-nous
enfin sur la piste du véritable coupable
de nos problèmes de santé modernes, ou
sommes-nous plutôt en train de refaire
l’erreur que nous avions commise en
accusant trop hâtivement le gras de tous
les maux ?
Pour éviter de tomber dans ce piège,
il est important de mieux connaître la
nature véritable des sucres. Car, comme
on l’a réalisé dans le cas des gras à une
époque pas si lointaine, on serait bien
malavisé de mettre tous les sucres dans
le même panier.

LA GRANDE FAMILLE
DES GLUCIDES

Il existe plusieurs types de sucre, chacun


ayant des effets particuliers sur la santé.
Il ne faudrait donc pas considérer le
sucre comme s’il s’agissait d’une seule
substance, mais parler plutôt de la

MEP_VeriteSucre.indb 48 2016-07-20 11:11


Le sucre ajouté, ennemi public numéro 1 49

famille des glucides, laquelle comprend nourrir les bonnes bactéries de l’intestin,
les sucres simples, les sucres complexes contribuant à l’établissement d’une
et les fibres alimentaires. flore intestinale diversifiée, essentielle
La teneur en glucides d’un pro- à une bonne santé. Il faut donc absolu-
duit peut être déterminée en consul- ment garder en tête que même un pro-
tant son étiquette nutritionnelle. Sous duit riche en glucides peut être excel-
la rubrique « glucides » on peut tout lent pour la santé s’il est riche en fibres.
d’abord découvrir la quantité de fibres À condition, bien entendu, de ne pas se
alimentaires. Toutes choses égales par laisser distraire par le contenu en fibres
ailleurs, une quantité de fibres élevée est du produit au point de ne pas voir ses
indicative d’un meilleur produit, car ce défauts… Mettre en avant les fibres est
type de glucides n’est pas digéré dans une tactique de marketing communé-
la partie supérieure de l’intestin ; en ment utilisée, par exemple, pour vendre
conséquence, les fibres arrivent intactes les « céréales bonbons », qui contiennent
dans la partie inférieure, le côlon, où des quantités effarantes d’autres sucres.
l’on retrouve une très grande activité Dans la famille des glucides com-
microbienne. Les fibres viennent ainsi plexes, on retrouve aussi les amidons,

MEP_VeriteSucre.indb 49 2016-07-20 11:11


50 La vérité sur le sucre

qui sont composés de plusieurs molé- maltose [2 glucoses], lactose [1 glucose


cules de glucose formant une chaîne. et 1 galactose]). J’en conviens, tous ces
L’amidon est de loin le sucre complexe « oses » sont étourdissants. Ce qu’il faut
que nous consommons le plus. Il est pré- surtout retenir, c’est que trois d’entre
sent dans les organes de réserve de nom- eux, soit le glucose, le fructose et le
breuses plantes, et donc dans une longue fruit de leur union, le sucrose, sont
liste de produits, dont le riz, le pain, les à placer sous haute surveillance. Ce
pommes de terre, les pâtes et les bananes, qui les rend suspects ? Leur goût très
par exemple. Santé Canada n’exige pas sucré, qui en fait d’excellents ingré-
d’en indiquer la teneur sur l’emballage dients pour rehausser la saveur des pro-
des produits. Il faut donc procéder par duits alimentaires. C’est ce qui explique
soustraction pour en estimer la quantité. que, comme nous le verrons, ils consti-
(voir figure 3.2) tuent la très vaste majorité des sucres
Devrait-on éviter ou rechercher les ajoutés.
produits riches en amidon ? La réponse
à cette question toute simple ne l’est
pas. Le problème, c’est qu’il existe SUCRE AJOUTÉ,
deux catégories d’amidon. Celle qui SUCRE CACHÉ ?
est constituée des amidons qu’on peut
digérer facilement et qui fournissent Question quiz ! Lequel des apports
beaucoup d’énergie ne présente pas en sucre suivants est préférable pour
d’intérêt particulier. En revanche, la la santé : les 12 g de sucre contenus
catégorie des amidons résistants qui, dans 100 ml de boisson gazeuse, ou les
tout comme les fibres alimentaires, ne 12 g que l’on retrouve dans 100 g de
sont pas digérés dans la première sec- mangue ? La plupart des gens répon-
tion de l’intestin et vont enrichir nos dront probablement que le sucre du
bonnes bactéries intestinales, aurait vrai- fruit est une option plus saine, et avec
semblablement des effets bénéfiques sur raison. Pourtant, d’un point de vue stric-
la santé. Il est malheureusement impos- tement chimique, les sucres de ce fruit
sible de connaître la quantité d’amidon exotique et de la boisson gazeuse sont
résistant que contient un produit en exactement les mêmes !
lisant l’étiquette nutritionnelle. En fait, il y a bien une différence
Enfin, après les fibres et les amidons, entre les deux apports en sucre : dans
la catégorie de glucides qu’il convient un cas, le sucre a été ajouté à un pro-
véritablement de nommer « sucres » duit, alors que dans l’autre, il est pré-
comprend les sucres simples (glucose, sent dans l’aliment de façon naturelle.
fructose et galactose) et les disaccha- Voilà qui nous amène à définir une autre
rides (sucrose [1 glucose et 1 fructose], classification majeure dans la grande

MEP_VeriteSucre.indb 50 2016-07-20 11:11


Le sucre ajouté, ennemi public numéro 1 51

Fig. 3.1 Les glucides : portrait de famille

Glucides

No
s n-d
ible ige
est sti
Dig ble
s

Sucres Amidon non résistant Fibres


Cellulose
Amidon résistant

Simples Disaccharides

Galactose

Glucose Fructose Sucrose Lactose Maltose

REPRÉSENTENT
PRÈS DE 100 %
DES SUCRES
AJOUTÉS

MEP_VeriteSucre.indb 51 2016-07-20 11:11


MEP_VeriteSucre.indb 52 2016-07-20 11:11
Le sucre ajouté, ennemi public numéro 1 53

famille des sucres : tous les sucres que d’autres produits transformés. Ces pro-
nous consommons sont soit des sucres duits sont un vecteur très important de
naturels, au sens où ils sont naturelle- sucre alimentaire, et leur omniprésence
ment présents dans les aliments, soit des nous pousse insidieusement à dépasser
sucres ajoutés. Cette distinction peut les limites d’une consommation de
sembler anodine à première vue. Pour- sucre jugée sécuritaire.
tant, elle est cruciale. Mais trop, c’est combien ? Les recom-
Lorsqu’on accuse le sucre d’être mandations des diverses agences de santé
néfaste pour la santé, on ne vise géné- nationales et internationales varient
ralement pas le sucre naturel des fruits grandement, ce qui ne nous aide en
et légumes, ou encore celui des céréales, rien à répondre à cette question impor-
mais plutôt celui qui est ajouté à la pré- tante. Aux États-Unis, par exemple, le
paration des boissons sucrées, des bis- Département de l’Agriculture (USDA)
cuits, des pains, des sauces et de bien recommande de ne pas dépasser la barre

Fig. 3.2 Étiquetage : les sucres complexes incognito

Valeur nutritive 22 g de glucides totaux


Nutrition Facts
Pour environ 1 tranche de 1 cm (50 g)/
- 1 g de fibres

Per approximately 1 cm slice (50 g) - 1 g de sucres

Teneur % valeur quotidienne Il reste donc 20 g de glucides


Amount % Daily Value non identifiés dans chaque
Calories / Calories 110 tranche de pain
Lipides / Fat 0,4 g 1%
saturé / Saturated 0,1 g 1%
+ trans / Trans 0 g
Choléstérol / Cholesterol 0 mg
Sodium / Sodium 240 mg
Glucides / Carbohydrate 22 g 7%
Fibres / Fibre 1 g 2%
Sucres / Sugars 1 g
Protéines / Protein 4 g
Vitamine A / Vitamine A 0%
Vitamine C / Vitamine C 0%
Calcium / Calcium 2%
Fer / Iron 10%

MEP_VeriteSucre.indb 53 2016-07-20 11:11


54 La vérité sur le sucre

des 10 % de l’apport calorique quoti- mises en garde contre le sucre ajouté,


dien sous forme de sucre ajouté, soit mais aucune exigence n’est imposée
environ 50 g ; l’American Heart Asso- à l’industrie pour qu’elle indique les
ciation suggère pour sa part aux femmes quantités qu’elle nous fait consommer à
de ne pas consommer plus de 25 g de notre insu. Afin d’améliorer la situation,
sucre ajouté, la limite étant fixée à 39 g Santé Canada a récemment annoncé
pour les hommes ; enfin, beaucoup des changements à l’étiquettage nutri-
moins restrictif dans ses recommanda- tionnel des produits alimentaires. Au
tions, l’Institute of Medicine propose terme de longues consultations, il a
quant à lui de fixer à 25 % notre ration été décidé que l’industrie devrait se
de calories sous forme de sucre ajouté, conformer à de nouvelles règles. En
soit environ 125 g par jour. effet, la nouvelle étiquette indiquera
Bien au fait des risques que repré- désormais le pourcentage de la valeur
sente ce type de sucre, je me suis donné quotidiennne recommandée (VQR) en
comme défi de quantifier précisément sucre que contient une portion, comme
tout le sucre ajouté que je consommais c’est déjà le cas pour les gras ou les
quotidiennement. Premier aliment au divers minéraux et vitamines. Santé
menu, un jus d’orange pressée ; sucre Canada propose de surcroît de nous
ajouté : 0 g, tout va bien. Le cube de aiguiller vers la bonne décision en indi-
sucre dans mon café ? 4 g de sucre quant visuellement qu’un apport en
ajouté ; le décompte est lancé ! Troi- deçà de 5 % de la VQR, « c’est peu », et
sième élément : de la confiture de fraises. qu’à l’inverse, quand on dépasse 15 %,
Je consulte l’étiquette nutritionnelle : « c’est beaucoup ». Les 24 % de VQR en
sous la catégorie « glucides » je lis « 9 g sucre de leur « Frappuccino venti » pour-
de sucre par 15 ml ». Mais j’y pense… raient ainsi faire sursauter plus d’un
ces 9 g ne sont certainement pas seule- consommateur…
ment du sucre ajouté, puisque les fraises C’est une bonne initiative en soi,
contiennent naturellement du sucre. mais pour le problème qui nous occupe,
J’étudie l’étiquette et n’y trouve aucun ça reste un coup d’épée dans l’eau. Car
détail supplémentaire : 9 g de glucides même si on aura ainsi une meilleure
au total, c’est tout. Ce constat me laisse idée de l’apport total de sucre d’un pro-
pantois : je commence à peine mon duit, on ne sera toujours pas en mesure
petit-déjeuner et je constate déjà qu’il de déterminer les proportions respec-
est absolument impossible de déter- tives de sucres naturels et de sucres
miner la quantité de sucre ajouté que ajoutés qu’il contient. C’est ainsi que
je consomme. vous pourriez conclure que les mangues
C’est tout de même aberrant ! surgelées au naturel sont à proscrire
Chaque agence de santé y va de ses parce qu’elles contiennent beaucoup de

MEP_VeriteSucre.indb 54 2016-07-20 11:11


LES SPAGHETTIS DE LA VEILLE,
MEILLEURS POUR LA SANTÉ ?

Une portion des amidons digestibles,


donc sans intérêt autre qu’énergétique
pour la santé, peut se transformer, une
fois les spaghettis refroidis après la
cuisson, en amidons résistants, qui eux
présentent les bienfaits des fibres. Une
petite expérience a ainsi montré que,
parmi des volontaires qui avaient mangé
soit des pâtes fraîchement cuites, soit
des pâtes cuites mais refroidies, soit des
pâtes réchauffées, ces derniers présen-
taient la plus faible réponse glycémique
du groupe après leur repas. Les auteurs
de l’étude proposaient que le même
phénomène est probablement obser-
vable avec le riz et les pommes de terre.
Une autre bonne raison de réchauffer
ses restes !

MEP_VeriteSucre.indb 55 2016-07-20 11:11


Fig. 3.3 L’épidémie d’obésité chez les adultes (États-Unis)
Calories par jour sous forme de sucre ajouté

450 40
400 35
350 30
300 25
Obésité (%)

250 Apport de sucre ajouté


à ne pas dépasser (USDA) 20
200
15
150
10
100
50 5

1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 2006 2010

Calories sous forme de sucre ajouté

Pourcentage d’obésité dans la population

Source : USDA et National Health Examination Survey.

MEP_VeriteSucre.indb 56 2016-07-20 11:12


Le sucre ajouté, ennemi public numéro 1 57

sucre, ce qui ne serait pas raisonnable, consommées ont effectivement aug-


comme on le verra plus loin. menté au cours des dernières décen-
Force est donc d’admettre que nies, passant d’environ 17 à 23 cuil-
la réforme de Santé Canada est très lerées à soupe par jour entre 1970 et
imparfaite pour les consommateurs 2000. Cette hausse s’est accompagnée
qui désirent vraiment comprendre d’une forte augmentation du pourcen-
leur consommation de sucre. En plus, tage d’adultes américains obèses, qui
les compagnies alimentaires auront est passé de 15 à 30 % environ sur la
jusqu’en 2021 pour se conformer aux même période. Bien que cette corré-
nouvelles règles d’étiquetage, puisqu’on lation soit intéressante, elle ne permet
laisse à l’industrie une généreuse toutefois pas d’établir un lien direct
période de cinq ans pour s’ajuster, un entre les deux phénomènes. D’autant
délai qui a été dénoncé par le Dr Mary plus qu’entre 2000 et 2012, une baisse
L’Abbé, de l’Université de Toronto, qui de la consommation de sucre ajouté a
siège au conseil consultatif de la Société été observée, alors même que la pan-
canadienne de nutrition. démie d’obésité continuait quant à elle
à s’intensifier. D’autres statistiques
montrent en revanche que l’apport calo-
LE LIEN ENTRE LE SUCRE rique total des Américains a continué
AJOUTÉ ET L’OBÉSITÉ d’augmenter pendant ces mêmes années.
Il semble donc impossible de
Bon nombre de spécialistes ont suggéré conclure que le sucre ajouté est la prin-
que les sucres simples ajoutés aux ali- cipale cause de la hausse vertigineuse
ments pourraient jouer un rôle de pre- de l’obésité. Mais attention ! Cela ne
mier plan dans la hausse du nombre de signifie pas pour autant que les quan-
cas d’obésité observée dans la deuxième tités de sucre ajouté consommées sont
moitié du siècle dernier, et particulière- acceptables. En effet, toujours selon les
ment depuis le début des années 1980. données de l’USDA, la consommation
Mais d’abord, consommons-nous vrai- moyenne de sucre ajouté des Améri-
ment plus de ces sucres ajoutés ? Pour cains était en 2013 de 19,4 cuillères à
le savoir, je me suis penché sur les sta- thé (82 g) par jour ; c’est largement plus
tistiques publiées aux États-Unis par que la quantité maximale recommandée
le Service de recherche économique par leur gouvernement, soit 12 cuil-
de l’USDA et sur de grandes enquêtes lères à thé (50 g), ce qui correspond à
comme la National Health and Nutri- 200 calories pour un régime alimentaire
tion Examination Survey (NHANES). moyen de 2 000 calories par jour : les
Cet exercice m’a permis de constater fameux 10 % de l’USDA. Ainsi, même si
que les quantités de sucre ajouté la consommation de sucre ajouté n’a pas

MEP_VeriteSucre.indb 57 2016-07-20 11:12


58 La vérité sur le sucre

grimpé au même rythme que l’obésité nous aurions avantage à réduire notre
dans les dernières années, on sait que consommation de sucres libres, qui com-
l’Américain moyen en consomme beau- prennent les sucres ajoutés, mais aussi
coup trop, ce qui contribue très pro- ceux des jus de fruits (on y reviendra),
bablement à l’épidémie d’obésité, et à 5 % du total de notre apport calorique,
certainement encore plus au dévelop- notamment pour prévenir la carie den-
pement de certaines complications taire. Cette limite correspond à 25 g
métaboliques comme le diabète et par jour, ce qui est cette fois bien en
la stéato-hépatite. deçà du contenu d’une seule canette de
Au Canada, pour le moment du moins, cola (39 g) ! Il faudrait donc éviter de
la situation semble moins alarmante. s’imaginer qu’on est hors de danger dès
Selon une vaste enquête récente, nous lors qu’on respecte la limite des 10 %.
consommerions en moyenne les 12 cuil- En somme, même si les données
lerées réglementaires par jour. Tout juste scientifiques ne permettent pas de dire
la limite à ne pas dépasser. Mais voilà, que le sucre ajouté est responsable de
c’est une moyenne : une grande partie l’épidémie d’obésité, on sait qu’il est
de la population consomme donc trop une partie importante du problème,
de sucre ajouté. La question cruciale et qu’il a des conséquences autres sur
est ainsi de savoir de quel côté de cette la santé des gens que la seule prise
frontière vous vous situez. Difficile à de poids. Ce qui complique encore
dire, n’est-ce pas, quand les tableaux des les choses, c’est que depuis les années
valeurs nutritionnelles ne font aucune 1970, une importante mutation indus-
distinction entre les sucres ajoutés et les trielle est venue modifier la provenance
sucres naturellement présents dans les du sucre ajouté que nous consommons,
aliments ! et ce, à l’insu de nos papilles.
Il faut aussi noter que l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) estime que

MEP_VeriteSucre.indb 58 2016-07-20 11:12


MEP_VeriteSucre.indb 59 2016-07-20 11:12
MEP_VeriteSucre.indb 60 2016-07-20 11:12
CHAPITRE 4

LE FRUCTOSE :
LE CAS
COMPLEXE
D’UN SUCRE
SIMPLE
Subtilement, depuis quelques décen-
nies, le sucre blanc tiré de la canne à
sucre ou de la betterave a été en très
grande partie remplacé par le sirop de
maïs à forte teneur en fructose, connu
aussi sous l’acronyme HFCS, de son
nom anglais high fructose corn syrup. Ce
dernier est de plus en plus souvent mis
au banc des accusés, si bien que certains
produits arborent maintenant fièrement

61

MEP_VeriteSucre.indb 61 2016-07-20 11:12


62 La vérité sur le sucre

la mention « Sans HFCS ». Doit-on se


réjouir que cette nouvelle information
soit mise à notre disposition ? Ou est-ce
que l’industrie y a simplement trouvé,
une fois de plus, un filon commercial à
exploiter pour mystifier les consomma-
teurs ? Ces questions importantes feront
l’objet du présent chapitre, où les élé-
ments de preuve pesant contre le fruc-
tose en général et le HFCS en particu-
lier seront examinés.
On accole aujourd’hui au fructose
l’étiquette de « mauvais sucre », de sucre
qui fait grossir, du sucre le plus toxique
d’entre tous. L’époque n’est pourtant
pas si lointaine où l’on recommandait
aux diabétiques de favoriser le fructose
aux dépens des autres sucres ! On van-
tait alors son faible index glycémique
et sa capacité à ménager le pancréas en
limitant la sécrétion d’insuline, et ce,
avec l’avantage supplémentaire de pos-
séder un pouvoir sucrant plus prononcé.
Que s’est-il donc passé pour que le fruc-
tose, composante majeure de nombreux
fruits, devienne en quelques années un
objet de scandale ?
À mon sens, deux éléments sont en
cause. Premièrement, la science nous a
bien renseignés sur le traitement sin-
gulier que réserve notre corps au fruc-
tose et qui fait de lui un sucre vraiment
pas comme les autres, comme nous le
verrons. Deuxièmement, le fructose
consommé dans le HFCS était un sus-
pect tout désigné, puisqu’il est perçu
comme l’enfant chéri de la grande
industrie alimentaire et qu’il est produit

MEP_VeriteSucre.indb 62 2016-07-20 11:12


Le fructose : le cas complexe d’un sucre simple 63

à partir du sirop de maïs dans un pro- d’énergie, on « brûle » par définition


cédé chimique qui n’a vraiment rien de une quantité correspondante de calo-
bucolique. ries, d’où qu’elles viennent. Mais voilà :
notre métabolisme est infiniment plus
complexe qu’un moteur à vapeur (ou
UN SUCRE DANS à sucre).
UNE CLASSE À PART Imaginons ainsi un kiosque de dégus-
tation qui offrirait le choix entre deux
Jetons d’abord un coup d’œil aux méca- boissons gazeuses contenant exacte-
nismes biologiques qui contribuent à ment la même quantité de sucre, donc le
transformer les sucres, et le fructose en même nombre de calories. La différence,
particulier, en graisse dans le tissu adi- c’est que la première boisson contien-
peux et les autres tissus métaboliques. drait 10 g de fructose et la seconde,
Bien que le fructose soit dans presque 10 g de glucose. Il y a fort à parier que
tous les cas accompagné d’une quan- la boisson au fructose trouverait pre-
tité équivalente de glucose, ce der- neur plus rapidement. Pourquoi ? Tout
nier s’en tire blanc comme neige. C’est d’abord, c’est une simple question de
que, même si le fructose a une formule goût : le fructose a un pouvoir sucrant
chimique identique à celle du glucose, beaucoup plus prononcé que le glucose
notre corps réserve à ces deux sucres et aura donc plus de succès auprès des
simples des destins métaboliques bien amateurs de boissons sucrées. Mais
différents… d’autres réponses physiologiques, plus
Un précepte encore trop répandu dit subtiles celles-là, distinguent de façon
qu’« une calorie est une calorie ». Cer- importante les deux sucres.
taines industries entretiennent d’ailleurs Par exemple, si un échantillon san-
fortement cette notion qui leur permet, guin était prélevé quelques minutes
par exemple, de présenter leur petite après la dégustation, on pourrait
canette de soda sucré comme un choix observer que le taux de sucre dans
alimentaire raisonnable. Une autre stra- le sang des sujets ayant consommé la
tégie des multinationales consiste à boisson au fructose serait moins élevé
promouvoir l’activité physique, et la que celui des testeurs de la boisson
dépense d’énergie qui l’accompagne, en au glucose. Nous verrions aussi que
soutenant des programmes destinés aux le pancréas des consommateurs de
athlètes, une manière de se dédouaner fructose ne serait que légèrement mis
de vendre des produits débordant de à l’effort, ne sécrétant que très peu
sucre ajouté ! D’un point de vue pure- d’insuline comparativement à celui de
ment énergétique, ça n’est pas faux : ceux qui auraient ingurgité la boisson
en dépensant une quantité donnée au glucose. C’est sur cette base qu’on a

MEP_VeriteSucre.indb 63 2016-07-20 11:12


64 La vérité sur le sucre

Fig. 4.1 Les avantages apparents du fructose

« FRUCTOSE-COLA » « GLUCOSE-COLA »
• Meilleur goût • Autant de calories que
• Faible indice glycémique la concurrence !

jadis conseillé aux diabétiques de pré- facteurs de risque du développement du


férer le fructose : son faible index gly- diabète, mais aussi de la stéatose hépa-
cémique. Mais cette époque est révolue, tique et des maladies cardiovasculaires.
et bonne chance à celui qui miserait sur Plusieurs groupes de recherche ont alors
le contenu en fructose d’une nouvelle tenté d’élucider le « mystère fructose » :
boisson pour faire mousser son produit ! comment ce sucre à faible index glycé-
En effet, la science est venue dévoiler mique, qui sollicitait très peu la sécré-
la face cachée d’un sucre qui semblait tion d’insuline et semblait tout indiqué
si parfait. pour les diabétiques, pouvait-il repré-
Les premiers signes inquiétants d’un senter un tel danger ?
impact néfaste du fructose sur la santé C’est que l’organisme réserve au
sont venus d’études réalisées chez les fructose un traitement « VIP » ! Dès
rongeurs. Elles ont démontré que la son arrivée dans l’intestin, le fructose
consommation régulière de fortes quan- emprunte une porte privée pour péné-
tités de fructose causait de l’obésité, une trer dans l’organisme, un transporteur
résistance à l’insuline, l’accumulation de nommé GLUT5. Cette « porte 5 » peut
gras dans le foie et une augmentation être vue comme un sas automatique
de la pression artérielle chez ces ani- s’ouvrant sans effort sur le passage du
maux. L’alarme venait d’être sonnée, car fructose, ce qui lui permet d’entrer rapi-
ces effets délétères sont les principaux dement dans la cellule intestinale. Le

Un jeune sportif sud-africain sponsorisé par une célèbre marque de boisson sucrée.

MEP_VeriteSucre.indb 64 2016-07-20 11:12


MEP_VeriteSucre.indb 65 2016-07-20 11:12
LA STÉATOSE HÉPATIQUE, UN VESTIGE DE NOTRE PASSÉ ?

Le bagage génétique qui a permis au cours de l’évolution le gène qui codait


genre humain de survivre tout au long l’uricase, une enzyme dont le rôle était
de son évolution malgré la rareté de d’éliminer l’acide urique produit par
la nourriture risquait fort d’être mal notre organisme. La perte de cette
adapté à une transformation aussi rapide enzyme détoxifiante peut entraîner cer-
que celle qu’a connue l’environnement tains inconvénients importants, puisque
alimentaire moderne. Il est ainsi pos- l’accumulation d’acide urique dans
sible que certains des gènes qui nous le sang peut causer la goutte ou des
ont permis de maximiser la conserva- calculs rénaux. Mais voilà : c’est aussi
tion de l’énergie contenue dans la nour- la disparition de l’uricase qui permet-
riture pour faire face aux périodes de trait de convertir le fructose en graisse
disette soient trop performants dans des au niveau du foie et d’ainsi générer une
conditions de surabondance, alors que réserve d’énergie indispensable à une
nous n’avons plus à faire d’efforts phy- certaine époque. La perte de l’uricase
siques pour nous nourrir et que nous est un exemple éclatant d’une adapta-
n’avons même plus besoin d’adapter tion génétique capable de conférer un
notre température corporelle, grâce avantage dans des conditions de rareté
aux systèmes de chauffage et de clima- de nourriture, mais qui s’avère nuisible,
tisation. Un cas flagrant de cette ina- voire dévastatrice lorsque le métabo-
daptation génétique a récemment été lisme doit faire face à une surabondance
identifié : des chercheurs ont découvert alimentaire.
que le génome humain avait perdu au

MEP_VeriteSucre.indb 66 2016-07-20 11:12


Le fructose : le cas complexe d’un sucre simple 67

glucose, quant à lui, pénètre dans les Qu’arrive-t-il donc à ce fructose qui
cellules de l’intestin par une tout autre séjourne dans le foie ? On estime qu’une
porte, un transporteur appelé GLUT2. large proportion sera transformée en
La « porte 2 » est beaucoup plus étanche glucose, mis en réserve sous forme de
et requiert une dépense d’énergie glycogène, ou remis en circulation pour
pour laisser entrer le glucose. Une fois subvenir aux besoins des autres organes
absorbé, le fructose passera par la veine du corps. Une partie pourra aussi se
porte pour atteindre directement le transformer en lactate, un sel d’acide
foie, où il s’accumulera presque entiè- lactique qui peut être utilisé comme
rement. C’est cette propriété du foie à substrat dans certaines conditions phy-
emprisonner le fructose qui explique siologiques. Enfin, une petite proportion
l’absence d’une montée de sucre du fructose sera convertie en lipides. Or,
dans le sang des testeurs de boissons cette transformation en graisse, bien que
au fructose. minime en théorie, est déterminante

Fig. 4.2 Si proches et si différents !


FRUCTOSE GLUCOSE
Formule chimique C6H12O6

Structure moléculaire CH²OH


CH²OH CH²OH
O O OH
HO
OH
OH
OH
OH
OH

Calories par gramme 4

Comment l’excédent L’avidité du foie pour L’insuline favorise l’entre-


de sucre est entreposé le fructose y augmente posage dans la graisse
­l’accumulation de graisse. sous-cutanée.

Effet de l’insuline
dans la transformation + +++
de ce sucre en graisse

Résultat visible d’une « Bedaine de bière » « Poignées d’amour » ;


surconsommation dure ; graisse viscérale, graisse sous-cutanée
­particulièrement dangereuse

Source : Stanhope et al., 2009.

MEP_VeriteSucre.indb 67 2016-07-20 11:12


MEP_VeriteSucre.indb 68 2016-07-20 11:12
Le fructose : le cas complexe d’un sucre simple 69

dans le développement de la stéatose corporelle (IMC) supérieur à 30, de


hépatique et l’accumulation des lipides consommer quotidiennement, pendant
dans le sang chez les grands consomma- dix semaines, trois boissons contenant
teurs de fructose. soit du glucose soit du fructose. Cha-
Quand le fructose est consommé cune contenait à peu près les calories
en quantité raisonnable, le corps peut qu’on retrouve dans une ­cannette de
très bien gérer les lipides qui en sont boisson gazeuse standard. Les résul-
issus. Mais en consommant jour après tats sont très intéressants, voyez par
jour des surdoses de fructose, on altère vous-même en figure 4.3.
progressivement le contenu en lipides Est-ce que les conclusions de cette
du foie, avec des conséquences néfastes étude signifient que la consommation
sur la santé. Chez une personne obèse excessive de fructose est nocive pour la
et donc avec un métabolisme altéré, santé ? Oui, bien entendu, car les sujets
l’accumulation de lipides hépatiques qui buvaient de la boisson au fructose
peut mener à des maladies graves du ont non seulement pris du poids, mais
foie, et les graisses peuvent s’accumuler aussi développé des bouleversements
également dans des tissus tels que les métaboliques : résistance à l’insuline et
muscles, le cœur et même le pancréas, dyslipidémie liée à une augmentation
et accélérer ainsi le développement de plus importante de la graisse viscérale.
la résistance à l’insuline et du diabète de Mais ça ne veut pas dire pour autant
type 2, comme on l’a vu au chapitre 2. que la surconsommation de glucose
Les défenseurs du fructose sou- n’est pas délétère. Les buveurs de la
tiennent que la portion de ce sucre boisson au glucose ont pris autant de
transformée en lipides est trop peu poids, ce qui est un problème en soi.
importante pour être impliquée dans La conclusion première de cette étude
la hausse du diabète, des maladies du devrait être que boire trois cannettes
foie et de l’obésité observée actuelle- de boisson sucrée par jour met la santé
ment. Pour ma part, je crois que le phé- en péril !
nomène est loin d’être négligeable. Un autre fait important à noter, c’est
La littérature scientifique regorge que la répartition des graisses était bien
d’observations montrant que la sur- différente entre les deux groupes : le
consommation de fructose présente glucose avait induit une accumulation
un réel danger. Cet impact négatif de lipides dans les zones sous-cutanées,
est prouvé, entre autres, par une créant des graisses moins dangereuses
importante étude réalisée auprès de que les graisses intra-abdominales qui
patients en surpoids. On a demandé à se concentrent autour des viscères.
des hommes et à des femmes obèses, D’ailleurs, bien qu’elle soit très utile
c’est-à-dire ayant un indice de masse d’un point de vue scientifique, il me

MEP_VeriteSucre.indb 69 2016-07-20 11:12


70 La vérité sur le sucre

semble curieux qu’un comité d’éthique déclenche pas les signaux coupe-faim
ait approuvé la réalisation de cette auxquels on devrait s’attendre. Vers la
étude où des effets négatifs sur la santé fin d’un repas, un ensemble d’hormones,
des participants étaient clairement dont l’insuline, s’activent normale-
à prévoir. ment de concert pour signifier à notre
Je ferais un parallèle avec le vin. cerveau qu’il est temps de mettre un
Prendre deux à trois verres de vin terme à l’ingestion de calories. Il serait
par semaine ne vous donnera pas une donc possible, en théorie du moins, que
cirrhose, mais en abuser quotidienne- le fructose, contrairement au glucose,
ment, probablement. À vous donc de n’entraîne pas la réponse hormonale
voir si vous consommez du sucre ajouté qui nous suggère de poser la fourchette.
avec modération ou si vous êtes plutôt Mais les études scientifiques qui ont
du type sucrolique… mis à l’épreuve cette hypothèse n’ont
pu jusqu’à présent prouver que le fruc-
tose influence notre appétit différem-
FRUCTOSE ET APPÉTIT ment des autres sucres. Par ailleurs,
comme on l’a dit, il est bien rare que
Une autre particularité spécifique du l’on consomme du fructose sans qu’il ne
fructose est que sa consommation ne soit accompagné de glucose ou d’autres

Fig. 4.3 Trois canettes par jour pendant dix semaines

BOISSON BOISSON
AU FRUCTOSE AU GLUCOSE
• + 3 livres • + 3 livres
• + résistance à l’insuline
• + mauvais lipides sanguins
• + graisse viscérale
(« mauvaise graisse »)

MEP_VeriteSucre.indb 70 2016-07-20 11:12


Le fructose : le cas complexe d’un sucre simple 71

sucres. Il y a donc fort à parier que ces


derniers seront là lors d’un repas pour
produire l’insuline et les autres signaux
coupe-faim.
Beaucoup de gens accusent le
sucre d’être responsable de l’épidémie
d’obésité en se basant sur le fait que sa
consommation fait augmenter la pro-
duction d’insuline, et que l’insuline a
le pouvoir d’entreposer le sucre sous
forme de dépôt graisseux. C’est tout à
fait vrai… sauf pour le fructose. Comme
on l’a vu, ce sucre a la propriété d’être
géré par le foie de façon indépendante
de l’insuline. L’hypothèse qui voit dans
le métabolisme de l’insuline le principal
déclencheur d’une épidémie d’obésité
causée par le sucre ne tient donc pas
pour le fructose, qui est pourtant large-
ment consommé sous forme de sucre
ajouté… On l’a dit, rien n’est simple
avec le fructose.
Pour résumer, un grand nombre
d’études démontrent sans équivoque
que la surconsommation de fructose
induit une accumulation de lipides
au niveau du foie et une résistance à
l’insuline. Il n’y a donc aucun doute
selon moi qu’il faut éviter à tout prix
de surconsommer du fructose sous
forme de sucre ajouté. Certains scien-
tifiques estiment toutefois qu’il ne
faut pas crier au loup, affirmant que
les chercheurs ont étudié l’effet de la
consommation de quantités farami-
neuses de fructose, ce qui correspond
au comportement habituel d’un pour-
centage minime de la population. De

MEP_VeriteSucre.indb 71 2016-07-20 11:12


72 La vérité sur le sucre

fait, dans l’étude évoquée plus haut, LE HFCS : L’APOGÉE


la ration de trois « fructose-colas » par DU FRUCTOSE
jour représentait plus de 125 g de fruc-
tose ajouté au quotidien, un apport très Penchons-nous à présent sur l’évolution
supérieur à la consommation moyenne des quantités de fructose que nous
de ce sucre. Les Canadiens, on l’a dit, consommons. Pour cela, il faut remonter
consomment environ 50 g de sucre à l’année 1957 et à la découverte qui en
ajouté par jour, et on peut considérer viendrait à ébranler le puissant mono-
que la moitié, donc environ 25 g, est pole du sucre blanc (sucrose). Cette
ingérée sous forme de fructose. Même année-là, les biochimistes Richard
aux États-Unis, la consommation quo- Marshall et Earl Kooi ont décrit dans
tidienne moyenne de fructose ajouté un article une méthode permettant de
serait d’environ 40 g, soit à peine le tiers transformer l’amidon de maïs en un
des quantités administrée dans l’étude produit souvent plus sucré que le sucre
en question. blanc : le HFCS.
On ne devrait pas pour autant se C’est quelques années plus tard, vers
sentir à l’abri des dangers associés à la 1970, que cette technique a été exploitée
consommation de fructose. Les études commercialement à grande échelle. Le
d’intervention, où un groupe est soumis HFCS a dès lors commencé à s’imposer
à un traitement donné, sont générale- discrètement, mais massivement, dans
ment réalisées sur une période de temps notre alimentation. L’industrie alimen-
de quelques semaines (tant mieux pour taire jubilait, car elle pouvait mainte-
les sujets) : c’est pour cette raison que nant compter sur un nouvel ingrédient
des quantités élevées doivent être uti- prodigieux. En effet, le HFCS, grâce
lisées pour tester une hypothèse. Nous à sa forme liquide, s’intégrait à mer-
absorbons peut-être moins de fruc- veille à une kyrielle de recettes indus-
tose que les doses reconnues comme trielles. Mieux encore, très vite, ce sirop
étant dangereuses, mais nous y sommes est devenu accessible à une fraction du
exposés sur une base régulière depuis coût du sucrose isolé et purifié de la
notre enfance, voire même avant canne à sucre ou de la betterave. Et pour
(voir l’encadré) ! Puisque le temps peut cause : en 1982, le gouvernement amé-
amplifier les effets de ce sucre, il faut ricain a instauré une politique protec-
se méfier du fructose ajouté et en res- tionniste, toujours en vigueur d’ailleurs,
treindre notre apport au minimum. qui impose des quotas et des prix exor-
Le premier pas à faire me semble évi- bitants aux sucres importés, tout en sub-
dent : attaquons-nous aux boissons ventionnant largement l’industrie du
sucrées ! maïs, la plus importante activité agricole
aux États-Unis. C’est ainsi que, selon les

MEP_VeriteSucre.indb 72 2016-07-20 11:12


LES BOISSONS SUCRÉES
ET LA GROSSESSE

Des études réalisées chez le rat ont


montré que lorsque du fructose est
ajouté dans l’eau que boivent des
femelles gestantes, leurs petits naissent
avec des taux de sucre et d’insuline
plus élevés que ceux des rates qui ont
consommé du glucose. De plus, il sem-
blerait que les habitudes alimentaires
des femmes enceintes conditionnent
les préférences futures de leur enfant.
Deux bonnes raisons pour les futures
mamans de surveiller leur consomma-
tion de boissons sucrées.

MEP_VeriteSucre.indb 73 2016-07-20 11:12


74 La vérité sur le sucre

données de l’USDA, la part de marché consommer puisque, comme son nom


du sucre blanc a connu un recul vertigi- l’indique si bien, le HFCS est à forte
neux dans les années 1970 et 1980, au teneur en fructose ? L’hypothèse est
profit de son alternative synthétique, le attrayante, sans doute, mais ne sautons
HFCS (fig. 4.4). pas aux conclusions car, en remplaçant
Le HFCS représente aujourd’hui près le sucre blanc par le HFCS, l’industrie a
de la moitié de tout le sucre ajouté que en fait remplacé un produit sucrant par
nous consommons, alors que ce produit un autre... quasi identique.
n’existait pas avant 1970. Lorsqu’on a
cherché un responsable pour l’épidémie
d’obésité et tous les problèmes de santé HFCS ET SUCROSE : BONNET
qui lui sont associés, le HFCS, pure créa- BLANC, BLANC BONNET ?
tion industrielle dérivée de manipula-
tions chimiques et protégée par des lois Pour mieux comprendre les différences
obtenues au prix d’un lobbying fréné- entre les deux, comparons le produit de
tique, s’est vite imposé comme le cou- maïs chimiquement transformé au bon
pable idéal ! Le problème ne pouvait-il vieux sucre blanc.
pas être tout simplement causé par les Le sucrose est un produit d’origine
grandes quantités de fructose que nous végétale issu de la canne à sucre ou
avions été soudainement contraints de de la betterave ; il est composé d’une

Fig. 4.4 Consommation quotidienne moyenne


de sucrose et de HFCS (États-Unis)

20 80
18 72
16 64
14 56
Cuillères à thé

Grammes

12 48
10 40
8 32
6 24
4 16
2 8

1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Sucre de canne / betterave Sirop de maïs à forte teneur en fructose

Source : USDA

MEP_VeriteSucre.indb 74 2016-07-20 11:12


MEP_VeriteSucre.indb 75 2016-07-20 11:12
MEP_VeriteSucre.indb 76 2016-07-20 11:12
Le fructose : le cas complexe d’un sucre simple 77

Fig. 4.5 Le sucre de table (sucrose) est très similaire au HFCS

SUCROSE HFCS
50 % 50 % 42 % 55 % 3%

Glucose Fructose Glucose Fructose Polysaccharides

molécule de glucose et d’une molé- obtenir le sucre de table, deux interven-


cule de fructose et contient donc 50 % tions sont nécessaires : l’extraction et le
de fructose. Dans le sucre de table, le raffinage. La canne à sucre, par exemple,
glucose et le fructose sont unis par est broyée, ce qui libère un liquide brun
une liaison chimique qui est rapide- et trouble, le vesou, qui est ensuite
ment détruite lors de l’absorption dans épuré par tamisage et chauffage à haute
l’intestin. température. Cette opération permet de
Le HFCS, tout comme le sucre blanc, former une boue dans laquelle on isole
est d’origine végétale et est lui aussi les cristaux de sucre dans un processus
composé majoritairement de glucose et de purification qui laissera derrière lui
de fructose : sa forme la plus utilisée en la mélasse.
contient, respectivement, 42 % et 55 %. Pour produire le HFCS, il faut passer
Donc, ce sirop à forte teneur en fructose par plusieurs étapes de transforma-
ne contient que 5 % de plus de cette tion chimique et mécanique. D’abord,
molécule que le sucre ordinaire. La prin- l’amidon qui compose plus de 70 %
cipale différence entre les deux agents de l’épi de maïs est isolé par trempage
sucrants est que le fructose et le glucose dans une solution d’anhydride sulfureux,
du HFCS ne sont pas unis par un lien opération suivie d’une séparation méca-
chimique, mais présents sous leur forme nique (fig. 4.6). L’amidon ainsi récupéré
libre. peut être imaginé comme un collier
Malgré leur similitude, on sait que les dont chaque perle serait une molé-
étapes pour en arriver à ces deux agents cule de glucose. Ces longues chaînes de
sucrants sont bien différentes. Pour glucose ne sont pas « sucrées » : pour en

Un cargo fait le plein de sucre au port de Santos, au Brésil.

MEP_VeriteSucre.indb 77 2016-07-20 11:12


78 La vérité sur le sucre

Fig. 4.6 La production du HFCS

Amidon Glucose libre


(non sucré) (plus sucré)

Isolation de l’amidon Alpha amylase Glucose isomérase


par trempage du maïs glucose transformant le glucose
dans une solution amylase en fructose ; très sucré
d’anhydride sulfureux

libérer le goût, il faut encore couper le biscuits ! Bien que le HFCS se retrouve
« collier » et séparer les perles de glucose. dans la liste des ingrédients d’une mul-
Et comme on sait que le glucose n’a pas titude de produits alimentaires, il est
un pouvoir sucrant aussi prononcé que impossible de se procurer une bou-
le fructose, la transformation se pour- teille de HFCS pur à l’épicerie. Ce pro-
suit par la conversion chimique d’une duit semble réservé à l’industrie… Une
partie du glucose en fructose à l’aide exclusivité qui ne manque d’ailleurs pas
d’une enzyme nommée glucose isomé- d’alimenter le mystère et les soupçons
rase. Finalement, on ajuste la proportion qui l’entourent !
de glucose et de fructose aux concentra- En remplaçant le sucrose par le
tions désirées, habituellement à 55 % de HFCS, l’industrie alimentaire a donc
fructose. fait un choix entre deux sucres très
Une autre différence importante similaires… mais qui ne sont pas iden-
entre le sucre blanc et le HFCS réside tiques pour autant. Il est ainsi légitime
dans leur disponibilité : bonne chance à de se demander si la forme libre du fruc-
celui ou celle qui désirerait utiliser le tose contenu dans le HFCS pourrait être
HFCS dans sa prochaine fournée de plus néfaste que celle qui est liée au

Des échantillons de sirop de maïs sur le point d’être évalués par un panel de goûteurs
dans les laboratoires d’ADM, une compagnie agroalimentaire basée en Illinois.

MEP_VeriteSucre.indb 78 2016-07-20 11:12


MEP_VeriteSucre.indb 79 2016-07-20 11:13
LA LEÇON DES GRAS TRANS

Dans le procédé d’hydrogénation, les


molécules lipidiques incurvées d’une
huile sont légèrement transformées
pour leur donner une allure bien droite.
Ce changement permet d’obtenir des
acides gras trans et une huile qui est à
l’état solide à la température ambiante
et qui résiste au phénomène du rancis-
sement, deux caractéristiques très pri-
sées par l’industrie. Mais voilà qu’après
qu’on l’eut introduite dans de très
nombreux produits alimentaires, on a
constaté que cette merveilleuse inno-
vation était en fait un fléau mortel. La
consommation de ces molécules bien
droites cause une augmentation mar-
quée des maladies cardiovasculaires et a
été associée à une plus grande incidence
des cancers du sein et du côlon… Cette
leçon alimentaire démontre qu’il ne faut
jamais sous-estimer l’importance d’un
lien ou d’une configuration chimique,
aussi anodins qu’ils paraissent.

MEP_VeriteSucre.indb 80 2016-07-20 11:13


Le fructose : le cas complexe d’un sucre simple 81

glucose dans le sucre de table. Car une du sucre blanc sous une forme corres-
petite modification chimique, bien ano- pondant à une, trois ou quatre cannettes
dine en apparence, peut s’avérer catas- de soda. Aucune différence entre sucres
trophique pour la santé. On n’a qu’à liés et libres n’a alors été observée dans
penser au procédé d’hydrogénation des la gestion du glucose sanguin, ni dans
graisses découvert au début des années les lipides circulants dans le sang. Les
1900, la recette des « gras trans » indus- auteurs en ont conclu que le HFCS et le
triels (voir ci-contre). sucrose sont équivalents, et qu’on aurait
Afin de statuer sur l’importance phy- donc tort de blâmer l’industrie alimen-
siologique du lien chimique présent taire d’avoir favorisé le HFCS au détri-
dans le sucre blanc mais absent dans le ment du sucrose. Mais ce qui reste pour
HFCS, quelques études ont comparé moi le principal constat, encore une fois,
les effets des sucres avec ou sans liaison. c’est que la surconsommation de ces
L’une d’elles a ainsi observé que chez deux sucres est néfaste pour la santé, les
l'animal, un mélange fructose-glucose sujets qui avaient bu quotidiennement
libre induisait après 16 semaines un peu l’une ou l’autre des boissons ayant tous
plus de graisse dans le foie comparative- vu leur poids, leur tour de taille et leurs
ment au sucre blanc, où les molécules lipides sanguins augmenter. Peu importe
de fructose et de glucose sont liées. Par que l’on consomme du sucre blanc ou
contre, d’autres études n’ont pas vu de du HFCS, ce qui est limpide, c’est que
différence en termes de prise de poids le sucre ajouté est synonyme de graisse
ou de métabolisme du glucose entre des viscérale et de désordre métabolique.
animaux nourris avec l’un ou l’autre des Il est à mon avis prématuré de
deux agents sucrants, même après plu- conclure que la substitution graduelle
sieurs semaines. du sucre blanc par le HFCS dans
Chez l’humain, diverses études les produits alimentaires depuis les
n’ont observé aucune différence dans la années 1970 joue un rôle notable dans
consommation de breuvages contenant l’épidémie d’obésité. Une étude récente
du HFCS ou du sucre blanc en termes a tout de même piqué ma curiosité : des
de réponse glycémique, de lipides san- chercheurs ont rapporté que des souris
guins ou d’appétit. Afin de comparer ayant consommé un mélange fructose-
les effets à long terme des sucres ayant glucose sous forme libre (comme le
ou non la fameuse liaison moléculaire HFCS) avaient un taux de mortalité
glucose-fructose, une étude effectuée en significativement plus élevé et une
2014 (et subventionnée par les raffineurs moins bonne fertilité que les souris
de maïs) a suivi pendant 10 semaines exposées au sucre de table. Les effets
une centaine de sujets qui consom- néfastes n’étaient toutefois observés que
maient quotidiennement du HFCS ou chez les femelles, et d’autres expériences

MEP_VeriteSucre.indb 81 2016-07-20 11:13


82 La vérité sur le sucre

seront requises pour déterminer les actuelle est que le sucre blanc et le
mécanismes en cause. D’autant plus que, HFCS font courir un risque équivalent
à l’instar d’autres équipes de chercheurs, pour la santé. L’excès de sucre, qu’il soit
les auteurs de cette étude ne sont pas sous l’une ou l’autre de ces deux formes,
parvenus à démontrer qu’une forme de est néfaste.
sucre était pire que l’autre au niveau Cependant, le HFCS étant une véri-
de la prise de poids et du métabolisme table aubaine pour l’industrie alimen-
du glucose. taire, il contribue très certainement à
Je ne rejette donc pas l’idée que la profusion d’aliments trop sucrés qui
le lien chimique entre le fructose ont envahi nos supermarchés dans les
et le glucose qu’on retrouve dans le dernières décennies. En cela, on peut
sucre de table, mais pas dans le HFCS, donc certainement dire que ce HFCS
puisse avoir un certain impact sur la est en partie responsable de l’épidémie
santé. Néanmoins, il manque d’études d’obésité, et des nombreuses complica-
précliniques et cliniques pour m’en tions métaboliques qui s’y rattachent.
convaincre vraiment, et ma position

MEP_VeriteSucre.indb 82 2016-07-20 11:13


MEP_VeriteSucre.indb 83 2016-07-20 11:13
MEP_VeriteSucre.indb 84 2016-07-20 11:13
CHAPITRE 5

DE
DANGEREUX
BONBONS
LIQUIDES
Un des aspects les plus curieux de
l’histoire des boissons gazeuses est que
ces produits ont été commercialisés à
l’origine comme remèdes. Prenons le
Dr Pepper, la plus vieille boisson gazeuse
en Amérique. Ce soda a été inventé par
Charles Alderton, un pharmacien qui
suggérait que son invention avait des
effets énergisants et tonifiants pour le
cerveau. Aujourd’hui, avec nos connais-
sances sur les effets néfastes de l’abus
de boissons gazeuses, on peut trouver
culotté d’accoler un titre médical à
un tel produit ! La root beer et le ginger

85

MEP_VeriteSucre.indb 85 2016-07-20 11:13


86 La vérité sur le sucre

« Coca-Cola allège votre fardeau ». Réclame de 1907 qui vante les vertus anti-fatigue du soda du Dr Pemberton.

ale ont eux aussi eu des pharmaciens des médicaments, les boissons gazeuses
comme concepteurs, tout comme le sont au contraire l’archétype de
Coca-Cola, invention du Dr Pemberton. l’aliment industriel bourré de « calories
Désireux de trouver un remède pour vides », de véritables bonbons liquides
vaincre sa dépendance à la morphine, surchargés de sucre ajouté, mais tota-
qu’il utilisait pour apaiser la douleur de lement dépourvus de nutriments. Cela
ses blessures de guerre, Pemberton avait n’empêche pas la grande industrie ali-
eu l’idée de créer une boisson à base mentaire de tenter par tous les moyens
de cocaïne et d’extrait de noix de cola, d’attribuer des vertus aux liquides
deux produits reconnus pour leurs pro- sucrés qu’elle veut nous faire boire à
priétés stimulantes. toute heure de la journée : un grand café
Les connaissances nutritionnelles aromatisé pour se réveiller en route vers
modernes ont dissipé l’aura thérapeu- le bureau, une boisson « multivitaminée »
tique de ce type de boissons. Loin d’être pour compenser notre alimentation

MEP_VeriteSucre.indb 86 2016-07-20 11:13


Fig. 5.1 Évolution des calories consommées
quotidiennement sous forme liquide
aux États-Unis (chez l’adulte)

420

380
KCal/J

340

300

260
1977-1978 1989-1991 1994-1998 2005-2006

MEP_VeriteSucre.indb 87 2016-07-20 11:13


88 La vérité sur le sucre

prétendument carencée, une autre pré- d’association qui montrent tantôt que
paration électrolytique pour s’hydrater les grands consommateurs de boissons
au gymnase et, pourquoi pas, une petite sucrées sont plus à risque d’obésité, de
dose de boisson énergisante pour garder diabète et de maladies cardiovasculaires,
le rythme en soirée... tantôt que le problème n’est pas le sucre
L’offre et la consommation de bois- liquide… La vérité, c’est qu’il faut
sons sucrées sont aujourd’hui phéno- prendre les études d’association pour ce
ménales, avec ce résultat que nous ingé- qu’elles sont : d’excellents indices, mais
rons énormément de calories sous forme pas des preuves.
liquide, beaucoup plus qu’il y a 60 ans à Voyez par vous-même. Les courbes
peine, quand boire de l’eau (tisanes, thé de la figure 5.2 sont tirées des données
et café compris), était la principale solu- de l’USDA et représentent la consom-
tion pour se désaltérer. La consomma- mation de différents breuvages depuis
tion de boissons gazeuses a quintuplé 1970. En vous fondant sur ce graphique,
aux États-Unis depuis 1950, et l’apport comment expliqueriez-vous la hausse
quotidien en calories sous forme liquide de l’incidence de l’obésité ?
a presque doublé depuis la fin des Il y a fort à parier qu’au premier
années 1970. Ce changement profond coup d’œil, la montée de la courbe
dans nos habitudes alimentaires a fait bleue en ferait votre principal suspect.
en sorte que les boissons gazeuses et Pourtant, cette courbe est celle de la
leurs proches cousines sucrées (« énergi- consommation d’eau embouteillée !
santes », « sportives », « vitaminées », etc.) Est-ce que nous devrions conclure à un
sont responsables à elles seules de près lien de cause à effet avec l’obésité ? Bien
de 40 % de l’apport quotidien moyen en sûr que non ! Il faut éviter de sauter aux
sucre ajouté des Américains. Constatant conclusions lorsqu’on tente de démon-
ce tsunami de calories liquides, plusieurs trer un lien de causalité entre deux fac-
chercheurs en épidémiologie ont tenté teurs, surtout quand une corrélation est
d’en comprendre l’impact sur la santé. étudiée sur un grand nombre d’années,
Afin de me faire ma propre opinion, voire des décennies, pendant lesquelles
j’ai décidé d’analyser systématiquement plusieurs autres paramètres peuvent
les innombrables articles scientifiques changer.
sur le sujet. À la lumière des chiffres Cela dit, les grandes études épidé-
mentionnés plus haut, on pourrait croire miologiques publiées dans des journaux
d’emblée que la conclusion a été facile scientifiques reconnus ne s’en tiennent
à tirer. Eh bien non ! Le rôle des bois- pas seulement à montrer des corréla-
sons sucrées dans l’épidémie d’obésité tions entre deux facteurs. Elles tiennent
demeure controversé. Deux écoles de aussi compte de différents « facteurs
pensée s’affrontent à coups d’études confondants », c’est-à-dire, dans le cas

MEP_VeriteSucre.indb 88 2016-07-20 11:13


De dangereux bonbons liquides 89

Évolution des habitudes de consommation


Fig. 5.2
de breuvages des Américains de 1970 à 2007

40

35

30

25
Gallons

20

15

10

1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

Thé Café
Eau en bouteille Boissons diète
Boissons gazeuses Vrais jus de fruits
Boissons à saveur de fruit Alcool

Source : USDA/Economic Research Service, 2009.

MEP_VeriteSucre.indb 89 2016-07-20 11:13


90 La vérité sur le sucre

Taux de mortalité combinés dus au diabète, aux


Fig. 5.3
maladies cardio-vasculaires et aux cancers attribuables
à la consommation de breuvages sucrés (2010)

Femmes de 65 ans et plus Hommes de 65 ans et plus

Femmes de 45 à 64 ans Hommes de 45 à 64 ans

Femmes de 20 à 44 ans Hommes de 20 à 44 ans

0,00 0,05 0,1 2 6 12 30


Mortalité (%)

Source : Singh et al., 2015.

MEP_VeriteSucre.indb 90 2016-07-20 11:13


De dangereux bonbons liquides 91

« Tant de sucre va me donner le diabète ! » Des activistes mexicains manifestent contre les normes d’étiquetage
trop laxistes de leur pays. On estime que les ravages du diabète au Mexique font près de 100 000 morts par an.

qui nous occupe, de paramètres exté- autant chez les adultes que chez les
rieurs qui peuvent influencer la rela- enfants.
tion entre la consommation de sucre et L’effet néfaste des boissons sucrées
la propension à développer l’obésité et a été récemment confirmé par les résul-
le diabète : l’alimentation en général, tats d’une gigantesque étude publiée
le niveau de sédentarité et les facteurs dans la prestigieuse revue scientifique
socio-économiques, par exemple. Ces Circulation (Fig. 5.3). Fruit d’une col-
études réalisées par des centres univer- laboration sans précédent entre plu-
sitaires mondialement reconnus pour sieurs centres de recherche dans le
la rigueur de leurs travaux (le départe- monde qui ont recueilli les données de
ment de nutrition et d’épidémiologie plus de 600 000 personnes provenant
de Harvard, notamment) ont récem- de 51 pays, cette étude montre que la
ment démontré une association impor- consommation de boissons sucrées est,
tante et très nette entre la consomma- chaque année, directement responsable
tion des boissons sucrées et l’apparition de plus de 180 000 décès causés par les
de l’obésité et du diabète de type 2, grandes maladies chroniques associées

MEP_VeriteSucre.indb 91 2016-07-20 11:13


92 La vérité sur le sucre

à l’obésité (diabète, maladies cardiovas-


culaires et cancers). Le plus inquiétant,
c’est que les jeunes sont les plus à risque.
Ainsi, au Mexique, l’un des pays les plus
touchés, un tiers des décès liés au dia-
bète et à l’obésité chez les hommes de
moins de 44 ans étaient attribuables aux
boissons sucrées. Avouons que c’est là
un argument de poids pour se méfier
des bonbons liquides !
Parlant de poids : plusieurs études
d’intervention ont clairement montré
que l’ajout de ces calories liquides dans
notre diète induit l’accumulation des
kilos, et qu’à l’inverse, leur élimination
est associée à une perte de poids. Par
exemple, on a témérairement demandé
à des sujets de consommer un litre de
coca-cola par jour pendant 6 mois, ce qui
correspond à un apport de plus de 100 g
de sucre liquide. Comme on le devine,
les chercheurs ont observé une specta-
culaire augmentation de l’accumulation
de graisse au foie (plus de 100 %) chez
les sujets qui avaient consommé du cola,
comparativement aux autres breuvages
testés : la version « diète » de la boisson,
du lait demi-écrémé ou de l’eau.
Ceux qui tentent de minimiser
le rôle de la consommation de sucre
liquide dans l’épidémie d’embonpoint
et d’obésité arguent souvent que le pro-
blème n’est pas qu’on boive ou qu’on
mange trop de sucre, mais qu’on mange
tout simplement trop, qu’importe la
source des calories. Dans plusieurs cas,
la neutralité de leurs études a été remise
en question, car elles étaient financées

MEP_VeriteSucre.indb 92 2016-07-20 11:13


De dangereux bonbons liquides 93

Les rayons d’un supermarché près de Los Angeles. En 2014, un projet de loi sans équivalent au pays a achoppé
en Californie : il aurait été obligatoire de faire figurer sur l’étiquetage des boissons sucrées une mise en garde
signalant que le sucre contribue à l’obésité, au diabète et à la carie dentaire.

par l’industrie alimentaire. Des ana- des nutritionnistes qui ont déclaré que
lyses montrent en effet une corréla- leurs canettes s’intégraient parfaitement
tion entre les études qui tendent à dis- à un régime équilibré… avouez qu’il y a
culper les boissons sucrées et la source de quoi être suspicieux !
industrielle de leur financement. Nous Mais les chercheurs qui incriminent
sommes donc clairement en droit de les boissons sucrées en conviennent
nous interroger sur la légitimité même eux-mêmes : les études d’association
de ces travaux et, bien entendu, de ou d’intervention doivent être utilisées
soupeser soigneusement leurs conclu- avec discernement. Ils fondent leur ver-
sions. Si l’on ajoute à cela les alléga- dict sur le fait que tous les éléments
tions selon lesquelles certains fabricants de preuve mis ensemble permettent
de boissons gazeuses auraient généreu- selon eux de conclure à la culpabilité
sement récompensé des chercheurs et de ces breuvages hors de tout doute

MEP_VeriteSucre.indb 93 2016-07-20 11:13


94 La vérité sur le sucre

raisonnable. Pour ma part, je suis d’avis


que la surconsommation de boissons
sucrées est un symptôme d’un mal
beaucoup plus large : l’abus de ces breu-
vages est un indicateur d’un problème
de malbouffe sous-jacent. Certes, la
recherche montre une association claire
entre le fait d’être un grand amateur de
boissons gazeuses et le risque d’obésité.
Mais il y a assurément des chances que
les individus concernés soient aussi des
habitués du fast-food et qu’ils ne se
préoccupent guère d’atteindre la ration
recommandée de 5 à 10 portions de
fruits et légumes par jour.
Le vrai problème est donc selon moi
celui des mauvaises habitudes de vie, qui
constituent sûrement le plus grand fac-
teur de risque pour l’obésité et les nom-
breuses maladies qui y sont associées.
Nos décisions douteuses sur le plan
nutritionnel sont souvent explicables
par un manque criant de connaissances
sur les aliments en général, et plus par-
ticulièrement sur les nutriments qu’ils
contiennent. Par exemple, beaucoup
de consommateurs sont inconscients
qu’avec ce grand café sucré pris sur le
pouce chaque matin, ils avalent plus de
la moitié du sucre ajouté qu’ils devraient
se permettre dans la journée entière, et
ce, avant même leur petit-déjeuner !
Qui plus est, le fait que ces calories
soient prises sous forme liquide rend les
boissons sucrées encore plus délétères,
car leur faible impact sur la satiété a
été démontré. En effet, durant un repas,
consommer des breuvages, caloriques

MEP_VeriteSucre.indb 94 2016-07-20 11:13


MEP_VeriteSucre.indb 95 2016-07-20 11:13
15 G DE FRUCTOSE /250 ML 13,5 G DE FRUCTOSE /250 ML

MEP_VeriteSucre.indb 96 2016-07-20 11:13


De dangereux bonbons liquides 97

ou non, n’affecte pas la quantité de POUR OU CONTRE


nourriture solide consommée. Les calo- LES JUS DE FRUITS ?
ries qu’on boit, contrairement à celles
qu’on mâche, ne coupent pas l’appétit. On me pose de plus en plus souvent
Il faut encore ajouter à cela que des questions sur le danger potentiel
pendant fort longtemps, la principale du sucre contenu dans les jus de fruits.
façon de désaltérer les enfants était de Faudrait-il aussi réduire, voire bannir de
leur donner de l’eau ou du lait. Désor- notre alimentation, ces sources recon-
mais, leur groupe d’âge est le plus grand nues de sucres simples ? Bien entendu,
consommateur de boissons sucrées. je parle ici des jus de fruits purs à 100 %,
C’est probablement l’un des facteurs qui qui ne contiennent que les sucres pro-
explique la chute libre de la consomma- venant des fruits. Il n’y a aucune ambi-
tion de lait. Or même si le lait est calo- guïté en ce qui concerne les jus de fruits
rique et qu’il contient aussi un sucre qui contiennent des sucres ajoutés ou
(naturel, le lactose), son effet sur la les boissons dites « à saveur de fruits »,
satiété est beaucoup plus prononcé en mais qui en réalité sont bourrées de
raison de son contenu protéique. On sucre raffiné : tout comme les boissons
a même suggéré que le calcium qu’il gazeuses, ils n’ont aucun intérêt nutri-
contient serait aussi en mesure d’agir tionnel et leur consommation devrait
comme coupe-faim dans le cerveau. Il être réduite au minimum. Mais voilà :
ne faut donc peut-être pas uniquement le sucre contenu dans les jus purs rend-il
blâmer ce que l’on boit, mais aussi ce ceux-ci aussi dommageables que les
que l’on ne boit plus… boissons qui débordent de sucre ajouté ?
Mon conseil : n’attendez pas que les Pourraient-ils contribuer à l’épidémie
chercheurs se prononcent unanimement d’obésité et de diabète ?
sur les boissons sucrées. Éliminez-les, ou C’est l’opinion de certains, pour
du moins, modérez sans tarder votre qui la prochaine étape de la croisade
consommation et surtout celle de vos anti-sucre devrait être d’éliminer ces
enfants, qui sont les plus susceptibles jus de notre alimentation, sous le pré-
d’en subir les conséquences si on consi- texte qu’ils ne sont pas aussi santé
dère les accélérations inquiétantes des qu’on le pense. Leurs arguments sont
taux d’obésité, de diabète et de stéatose les suivants : 1) les jus purs renferment
du foie chez les jeunes. À part perdre du beaucoup de sucrose et (ou) de fruc-
poids et ainsi améliorer votre santé car- tose, autant que les boissons gazeuses ;
diométabolique, vous ne risquez abso- 2) plusieurs études ont observé une
lument rien ! association entre la consommation
trop importante de ces jus et l’obésité ;
3) contrairement aux fruits entiers, ils

MEP_VeriteSucre.indb 97 2016-07-20 11:13


98 La vérité sur le sucre

ne diminuent pas l’appétit ; et 4) ils Néanmoins, un petit verre de jus de


sont pauvres en fibres ou en sont entiè- fruits par jour fait partie de l’assiette
rement dépourvus ; or celles-ci contri- santé proposée par des experts en
buent aux effets bénéfiques des fruits nutrition du département de santé
sur la santé. Mentionnons aussi que plu- publique de l’Université Harvard. Santé
sieurs compagnies de jus de fruits sont Canada et le Guide alimentaire cana-
récemment passées sous le contrôle des dien expliquent quant à eux qu’une
principaux producteurs de boissons demi-tasse de jus correspond à une por-
gazeuses, ce qui nuit à la réputation des tion de fruit, mais ajoutent du même
jus, même purs à 100 %, et nourrit le souffle que plus d’une portion de jus
débat actuel sur la légitimité de leur pourrait constituer un apport en sucre
présence dans le Guide alimentaire trop élevé. Écartez donc immédiate-
canadien. ment l’idée de consommer les cinq por-
Tous ces arguments sont fondés. tions de fruits et de légumes recomman-
Mais faudrait-il pour autant bannir dées en ingurgitant autant de verres de
les jus de fruits purs de notre panier jus d’orange ! Vous consommeriez alors
d’épicerie, ou encore cesser de pré- beaucoup trop de sucre, sans bénéficier
parer aux enfants les smoothies à partir pleinement des effets des fibres qu’on
de fruits frais dont ils raffolent ? À mon retrouve dans les fruits et les légumes
avis, ce débat illustre bien le risque de entiers non transformés.
dérive qui survient lorsqu’on se foca- De nombreux experts vont au-delà
lise sur un nutriment en particulier, sans de l’appel à la modération et estiment
considérer l’aliment dans son ensemble. que les jus de fruits sont purement et
Examinons pourquoi. simplement du sucre liquide, au même
Il est tout d’abord indéniable que titre que les boissons gazeuses. Cette
les jus de fruits purs contiennent des accusation semble être cautionnée par
quantités appréciables de sucre : un l’OMS qui, à la différence de toutes les
verre de jus d’orange contient pratique- autres organisations de santé publique,
ment autant de fructose qu’une quan- appelle à limiter non seulement notre
tité similaire de boisson gazeuse (voir consommation de sucres ajoutés, mais
p. 96). C’est pourquoi plusieurs asso- aussi celle du sucre contenu naturelle-
ciations médicales, dont l’Association ment dans les jus de fruits purs. Ainsi,
américaine de pédiatrie, recommandent l’OMS ne fait pas la distinction entre
une consommation quotidienne le sucre d’un jus d’orange fraîchement
n’excédant pas 180 ml (moins d’une pressé et celui d’une « boisson aux
tasse) de jus de fruits et déconseille fruits » ne contenant rien de plus que
de donner du jus à un enfant avant du colorant, des saveurs synthétiques et
l’âge de 6 mois. du sucre raffiné.

MEP_VeriteSucre.indb 98 2016-07-20 11:13


100 % PUR (SANS
COMPTER LES ADDITIFS)

Le jus d’orange « pur » ne l’est pas autant


qu’on veut nous le laisser croire. Son
emballage a beau montrer une paille
plantée au cœur d’un beau fruit et la
liste de ses ingrédients, se limiter à « jus
d’orange 100 % pur », on ne vous dit pas
tout ! Les oranges pressées pour faire le
jus ont été cueillies il y a des semaines,
voire des mois. Le jus a ensuite été pas-
teurisé, désoxygéné, transporté et entre-
posé, ce qui a notamment éliminé un
composé largement responsable de sa
saveur : le butanoate d’éthyle. Cette
essence présente à l’origine dans le
fruit est ensuite rajoutée à votre jus avec
d’autres composés aromatiques extraits
des oranges par des compagnies spécia-
lisées, sans quoi, vous seriez déçu par sa
fadeur. Mais ne cherchez pas cet ingré-
dient sur l’emballage : il n’y apparaît
simplement pas, malgré les exigences de
l’Agence canadienne d’inspection des
aliments… Rien n’indique, cependant,
que les composés en question posent
un problème du point de vue de la santé.

MEP_VeriteSucre.indb 99 2016-07-20 11:13


100 La vérité sur le sucre

AU-DELÀ DU CONTENU Certains chercheurs ont ainsi proposé


EN SUCRES que les jus de canneberge, d’orange et
de raisin pourraient améliorer le bilan
Je dois dire que l’inclusion des jus de lipidique. D’autres ont observé une
fruits dans cette catégorie par l’OMS réduction des risques de lymphome non
m’a fait sursauter. Je trouve pour le hodgkinien chez les femmes consom-
moins hasardeux de mettre sur un pied mant du jus de pomme. Chez les
d’égalité le jus naturel des fruits et les hommes, il semble qu’un verre de jus
boissons sucrées et autres friandises de grenade bu quotidiennement puisse
riches en sucres raffinés. avoir un effet de protection contre le
Juger de la qualité d’un aliment par cancer de la prostate.
le seul critère de sa teneur en sucres À ceux qui persistent et signent en
est dangereusement réducteur. Posons- déclarant que les jus de fruits devraient
nous la question des conséquences être bannis parce qu’ils ne sont rien de
de l’élimination des jus de fruits purs plus que de l’eau sucrée sans intérêt
des recommandations nutrition- pour l’organisme, je rappellerais les
nelles. De récentes études montrent effets démontrés du jus de canneberge
que, consommés selon les quantités contre les infections urinaires et les
recommandées et combinés avec des vertus bien connues du jus de pruneau…
fruits frais, ils permettent d’atteindre Les pharmaciens, eux, connaissent très
les apports cibles de plusieurs nutri- bien les propriétés des jus de pample-
ments essentiels comme la vitamine mousse, de pomme, de canneberge ou
C et le potassium, sans augmenter la d’orange, puisqu’il est contre-indiqué de
consommation totale de calories. Une les consommer avec plusieurs médica-
étude a aussi démontré que le fait de ments à cause du risque de provoquer
substituer aux boissons sucrées (bois- une surdose ou, à l’inverse, d’anéantir
sons gazeuses et faux jus) des jus de les effets recherchés.
fruits frais préparés à la maison rédui- Un aliment riche en sucres peut
sait le risque de développer un syn- être bénéfique pour la santé quand il
drome métabolique chez des sujets est consommé de façon modérée s’il
adultes. contient d’autres éléments nutritifs
Les recherches actuelles ne per- essentiels ou favorables à la prévention
mettent pas de démontrer que la des maladies. Ce concept, de plus en plus
consommation d’une portion de jus reconnu en nutrition, est connu sous le
de fruits par jour soit dommageable. À nom de densité nutritionnelle. Ceux qui
l’inverse, plusieurs travaux suggèrent dénoncent les jus de fruits avancent que
que certains jus de fruits seraient béné- la réduction ou l’élimination des fibres
fiques sur différents aspects de la santé. dans le processus d’extraction en abolit

MEP_VeriteSucre.indb 100 2016-07-20 11:13


De dangereux bonbons liquides 101

tous les effets positifs. C’est à mon sens


bien mal connaître les fruits que de
croire que leurs bienfaits se limitent à
leur contenu en fibres. D’autres éléments
actifs présents dans les jus méritent en
effet qu’on défende leur présence au
menu. Si j’en suis si convaincu, c’est
que nos propres recherches, ainsi que
celles de plusieurs autres groupes, ont
permis d’en constater les avantages pour
la santé. Je parle ici du rôle des fameux
poly­phénols, ces molécules présentes
en grandes quantités dans les fruits qui
ont la propriété d’agir contre les pro-
cessus inflammatoires impliqués entre
autres dans le développement des com-
plications de l’obésité. Ces molécules,
responsables de la coloration des fruits,
sont aussi reconnues pour leur capacité
de diminuer la pression artérielle et de
contrer le développement du diabète et
même l’incidence des maladies cardio-
vasculaires. On va jusqu’à proposer que
certains polyphénols, comme le resvéra-
trol, qu’on retrouve notamment dans le
vin rouge, pourraient ralentir les effets
du vieillissement !
Sans aller aussi loin, mes travaux et
ceux d’un nombre grandissant d’équipes
de recherche m’ont persuadé qu’il faut
faire le plein au quotidien de ces puis-
santes molécules. Mais ce n’est pas tout :
en plus des polyphénols, les jus de fruits
purs (et les fruits entiers, bien entendu),
contiennent une variété de vitamines
et de minéraux essentiels à plusieurs
fonctions physiologiques et à la bonne
santé de notre organisme. À mon sens,

MEP_VeriteSucre.indb 101 2016-07-20 11:13


102 La vérité sur le sucre

les dangers d’une carence en poly- de fruit pur. Ce n’est pas parce que le
phénols, en vitamines et en minéraux fruit est meilleur que le jus est néfaste !
l’emportent sur le risque de surcons- Avec le débat sur le sucre qui fait
ommation de sucres simples mais natu- rage actuellement, notamment la chasse
rels qu’on retrouve dans les jus de fruits aux sorcières lancée contre tout ce qui
purs. Même chose pour les breuvages contient du fructose, certains en viennent
de type smoothies, qui sont eux aussi même à craindre de trop manger de
mis sur la sellette malgré leur contenu fruits et à remettre en cause la nécessité
inaltéré en fibres parce que leur forme d’en consommer trois à cinq portions par
liquide n’aurait pas un effet coupe- jour. Sincèrement, je n’aurais jamais cru
faim aussi prononcé. Bien qu’il soit avoir un jour à défendre la place essen-
vraisemblable que mâcher une poignée tielle des fruits dans notre alimentation !
de bleuets, une autre de fraises et une D’innombrables études épidémiolo-
banane aura un impact plus grand sur giques, analyses systématiques et autres
notre sensation de satiété que de boire études d’intervention ont démontré
ces fruits sous une forme liquide, il avec éloquence que leur consommation
ne faut pas bouder notre plaisir ! Évi- réduit le risque de prendre du poids et
demment, croquer dans le fruit entier celui de développer plusieurs maladies
demeure la meilleure option. Ce n’est chroniques associées telles que le diabète,
cependant pas une raison valable pour les maladies cardiovasculaires et certains
occulter les bienfaits d’un verre de jus types de cancer.

MEP_VeriteSucre.indb 102 2016-07-20 11:13


MEP_VeriteSucre.indb 103 2016-07-20 11:13
MEP_VeriteSucre.indb 104 2016-07-20 11:14
CHAPITRE 6

LES SUCRES
NATURELS
NON RAFFINÉS
Nous savons maintenant que le HFCS
et le sucre de table sont quasi identiques
et qu’il est préférable d’en réduire la
consommation à un minimum, sachant
qu’ils représentent à eux seuls presque
tout le sucre ajouté dans notre alimen-
tation. On se souviendra aussi que ces
deux types de sucres sont les princi-
paux suspects dans notre enquête sur
les facteurs responsables de l’épidémie
d’obésité et de diabète. Malgré leur simi-
larité, les industries qui les fabriquent
se mènent une lutte acharnée, à grands
coups de batailles juridiques ; l’enjeu
de l’affrontement pour les fabri-
cants de sucrose est de pouvoir se tar-
guer d’offrir un produit « plus naturel »
et « meilleur pour la santé » que son

105

MEP_VeriteSucre.indb 105 2016-07-20 11:14


106 La vérité sur le sucre

compétiteur, ce que récuse l’industrie


du HFCS.
D’un côté, l’association américaine
des raffineurs de maïs travaille donc à
convaincre la Food and Drug Admi-
nistration de déclarer leur produit
« naturel », ce qui leur permettrait de le
nommer simplement « sucre de maïs »,
au lieu des formulations peu alléchantes
que sont « sirop de maïs à forte teneur
en fructose », « fructose/glucose » ou
« iso-glucose ». En face, les raffineurs de
sucre blanc s’insurgent contre cette stra-
tégie, prétextant que seul leur produit
est généré sans intervention chimique et
que le HFCS est en conséquence beau-
coup plus dommageable pour la santé
que le sucre de table. À mon sens, cet
affrontement strictement commercial
ne fait que nous détourner de la véri-
table question qui devrait être posée :
quelles meilleure solutions s’offrent
à nous ?

PARTIR EN LUNE DE MIEL

On se souvient qu’alors que le miel


avait été, dans la majeure partie de
l’histoire humaine, le seul agent sucrant
accessible, l’arrivée du sucrose, puis du
HFCS offert à un prix dérisoire, a com-
plètement changé la donne. Aux États-
Unis, la consommation de miel est
aujourd’hui estimée à moins de 1 % du
total des sucres ajoutés. C’est regrettable,
car en m’intéressant de plus près à cet
aliment, j’ai constaté que la littérature

MEP_VeriteSucre.indb 106 2016-07-20 11:14


Les sucres naturels non raffiné 107

scientifique regorge d’études sérieuses la médecine, le prescrivait pour com-


qui mettent en évidence ses bienfaits. battre la fièvre et les ulcères, et pour
Évidemment, ceux qui considèrent guérir les plaies. Le bien-fondé de cet
que toute forme de sucre est nocive usage thérapeutique a été confirmé par
et ont fait du fructose leur ennemi des études scientifiques récentes qui
vous mettront aussi en garde contre ont souligné la puissante action anti-
le miel, puisqu’il contient des quan- bactérienne du miel. Cette propriété
tités de fructose équivalentes à celles est en lien avec la fonction d’autres
que contiennent le HFCS et le sucrose. produits « fabriqués » par les abeilles,
Rappelons que le ratio glucose-fructose comme la propolis et la gelée royale, qui
du sucre blanc est de 1 pour 1, et que ont entre autres effets celui de main-
celui du HFCS est généralement de tenir la ruche à l’abri des bactéries et
42 % pour 55 %. Le miel, quant à lui, est des champignons.
composé d’environ 47 % de glucose et Ce pouvoir antibactérien est même
de 49 % de fructose, la proportion pou- efficace contre des pathogènes reconnus
vant varier quelque peu selon la prove- pour leur résistance aux antibiotiques,
nance géographique et le type de fleurs qui causent certaines infections cuta-
butinées. Mais, une fois encore, il faut nées. Ces effets seraient dus à plusieurs
dépasser la simple question énergétique. substances contenues dans le miel, dont
Le miel n’est pas seulement une source le peroxyde d’hydrogène, les métabo-
de glucides ; il s’agit en fait d’une subs- lites provenant de la fleur butinée et le
tance d’une grande complexité, le pro- méthylglyoxal, une molécule qui est un
duit régurgité de la digestion du nectar puissant agent bactéricide. Des travaux
des fleurs par les abeilles, mêlé à leur de recherche récents indiquent égale-
salive et à leurs sucs gastriques. À cause ment que certaines bactéries qui vivent
de cela, le miel contient toute une pano- dans le système digestif de l’abeille pro-
plie de molécules bioactives. Il semble duisent des substances qui pourraient
a priori tout à fait envisageable que cer- contribuer aux propriétés antimicro-
taines des quelque 181 substances que biennes du miel. D’autre part, cer-
l’on retrouve dans le miel puissent lui tains chercheurs ont avancé que le miel
conférer des propriétés inattendues, pourrait aider à combattre les ulcères
voire thérapeutiques. d’estomac en s’attaquant à la bactérie
De fait, la description des vertus Helicobacter pylori, la grande responsable
médicinales du miel remonte à la de cette infection tenace.
nuit des temps. La Bible, le Coran, le Bien que ces propriétés soient
Talmud et la Torah font tous état de très intéressantes, on devine qu’elles
l’utilité du miel pour soigner les bles- seront insuffisantes pour convaincre
sures, tandis qu’Hippocrate, le père de l’industrie alimentaire de remplacer le

MEP_VeriteSucre.indb 107 2016-07-20 11:14


108 La vérité sur le sucre

très malléable et peu dispendieux HFCS en raison de ses fonctions physiolo-


par le miel dans leurs produits. giques essentielles. En plus de parti-
Une propriété du miel qui pourrait ciper activement au maintien de la santé
toutefois retenir l’attention des consom- du système digestif par sa fonction de
mateurs, et donc des manufacturiers, est dégradation des fibres alimentaires, de
son impact positif sur certains symp- nombreuses études récentes indiquent
tômes du syndrome métabolique. En que le microbiote joue un rôle capital
effet, bon nombre de travaux ont mis dans le contrôle du système immuni-
en lumière les effets positifs du miel sur taire et dans plusieurs autres aspects du
la pression artérielle, le contrôle de la métabolisme.
glycémie et le profil des lipides sanguins Ainsi, des souris nées et maintenues
(tri­glycérides et cholestérol). Les méca- dans des conditions stériles, et qui n’ont
nismes en cause demeurent mal compris, donc pas de microbiote intestinal, ne
mais certains chercheurs ont avancé que développent pas d’obésité, et ce, même
ces bienfaits du miel pourraient être liés en consommant de grandes quantités
à son action sur les bactéries qui colo- de calories. Cette protection disparaît
nisent notre intestin. toutefois chez la souris stérile après
une transplantation de bactéries intes-
tinales provenant d’une souris obèse, ce
LE MICROBIOTE : QUELQUES qui suggère que le microbiote joue un
MILLIARDS D’AMIS… rôle déterminant dans l’excès de poids,
possiblement en améliorant l’efficacité
L’intestin, et plus particulièrement de la digestion de façon à absorber le
le côlon, sert de refuge à une vaste maximum de l’énergie contenue dans
communauté microbienne. Certains la nourriture.
avancent que nous hébergerions environ Plusieurs observations laissent à
100 000 milliards de bactéries, soit dix penser qu’un mécanisme similaire
fois plus que le nombre de cellules qui pourrait participer au développement
constituent l’ensemble du corps humain. de l’obésité chez les êtres humains. On
Autrement dit, nous serions constitués à a ainsi constaté que le microbiote des
90 % de cellules microbiennes ! D’autres personnes obèses est différent de celui
chercheurs, plus conservateurs, évaluent des gens qi ne le sont pas ; cette diffé-
plutôt à 50 % notre petit côté bactérien. rence participerait à la hausse du risque
Mais peu importe : tous s’entendent sur de diabète de type 2 et de cancer du
l’importance cruciale de cette com- côlon associé à l’obésité. On a égale-
munauté de bactéries, qu’on appelle ment observé que les enfants ayant reçu
le microbiote et qui est aujourd’hui des traitements répétés aux antibio-
considéré comme un véritable organe tiques avant l’âge de 2 ans, ou qui sont

Représentation de colonies bactériennes dans l’intestin.

MEP_VeriteSucre.indb 108 2016-07-20 11:14


MEP_VeriteSucre.indb 109 2016-07-20 11:14
MEP_VeriteSucre.indb 110 2016-07-20 11:14
Les sucres naturels non raffiné 111

nés par césarienne (et n’ont donc pas l’équilibre de cette communauté bac-
été en contact avec la flore vaginale de térienne, comme c’est le cas pour le miel,
la mère) courent un plus grand risque peuvent donc avoir un impact indirect
de devenir obèses à l’âge adulte. Notre mais majeur pour lutter contre le déve-
relation avec le microbiote est donc clai- loppement de maladies métaboliques
rement essentielle au maintien de notre comme l’obésité et le diabète de type 2.
santé métabolique. Différentes études ont rapporté que
le miel pouvait favoriser la présence
de bactéries bénéfiques. D’une part,
LES BONNES BACTÉRIES l’activité bactéricide des constituants
RAFFOLENT DU MIEL du miel permet de combattre les patho-
gènes, ce qui favorise la croissance des
L’idée que le miel influence le syn- bactéries bénéfiques, notamment lac-
drome métabolique via le microbiote tiques (lactobacilles, bifidobactéries).
peut sembler saugrenue à première vue. Cet effet est d’autant plus marqué que
Jusqu’à tout récemment, j’aurais pro- le miel contient également des fructo-
bablement moi aussi balayé du revers oligosaccharides (FOS, pour faire court),
de la main une telle proposition. Après un groupe de sucres complexes dont les
tout, l’hypertension, l’hyperglycémie bactéries lactiques sont friandes. Des
et le mauvais cholestérol ne sont pas travaux réalisées chez les rongeurs ont
des maladies infectieuses ! Quel rap- montré que l’administration de miel
port pourrait-il y avoir entre elles et les augmentait la proportion de ces bonnes
bactéries de notre intestin ? Mais voilà : bactéries, alors que le sucrose n’a aucun
les travaux de recherche de la dernière effet sur elles.
décennie ont clairement montré que les En somme, les données disponibles
bactéries intestinales qui constituent indiquent que le miel possède bel et
le complexe écosystème connu sous bien un potentiel prébiotique qui lui
le nom de microbiome jouent un rôle permet de favoriser la croissance des
capital, notamment dans la gestion des bactéries bénéfiques. Cette propriété
sucres et le métabolisme des lipides. est importante, car les bactéries lac-
Le microbiome exerce aussi une tiques génèrent des acides gras à courtes
action déterminante sur le système chaînes, essentiels à l’intégrité de la
immunitaire en régulant la produc- fonction intestinale. Mentionnons aussi
tion de molécules inflammatoires dans qu’une alimentation qui favoriserait le
l’intestin, mais aussi dans la circula- miel comme source de sucre pourrait
tion sanguine, atteignant ainsi le tissu également avoir un effet de protection
adipeux, le foie, les muscles et même contre les méfaits sur le foie des myco-
le cerveau. Les agents qui favorisent toxines qui contaminent une proportion

MEP_VeriteSucre.indb 111 2016-07-20 11:14


L’ALIMENTATION, ÇA COMPTE AUSSI POUR LES ABEILLES !

Après la récolte de miel ou lorsque le au HFCS ou au sucrose, par rapport aux


nectar se fait rare, les apiculteurs ont abeilles s’alimentant normalement de
coutume de nourrir leurs ouvrières de leur propre miel. Les chercheurs sug-
HFCS ou de sucrose. Mais voilà que, gèrent que cette modification génétique
alors qu’un mystérieux fléau décime pourrait affecter le système immuni-
les populations d’abeilles, des cher- taire des abeilles, les rendant plus vulné-
cheurs de l’Université de l’Illinois ont rables aux pesticides. Fait intéressant à
entrepris de vérifier si cette pratique noter, on n’a observé aucune différence
n’expliquerait pas en partie le taux majeure entre les abeilles nourries au
de mortalité aberrant de ces précieux HFCS et celles nourries au sucrose, ce
insectes. Leur étude a montré que qui laisse à penser, une fois de plus, que
l’expression de pas moins de 220 gènes ces deux agents sucrants sont à peu près
était changée chez les abeilles nourries équivalents.

MEP_VeriteSucre.indb 112 2016-07-20 11:14


Les sucres naturels non raffiné 113

importante des céréales entreposées


dans des conditions inappropriées et
tristement connues pour leur potentiel
cancérigène élevé.
On peut donc rêver que certains
industriels réduisent l’utilisation du
HFCS et du sucrose dans leurs produits
au profit du miel, emboîtant ainsi le pas
aux apiculteurs soucieux du bien-être
de leurs abeilles…

LES SECRETS DU
SIROP D’ÉRABLE

Si le miel est de loin l’agent sucrant non


raffiné qui a été le plus étudié – et nous
sommes encore loin de tout savoir sur
lui –, d’autres sucres naturels gagne-
raient à être davantage considérés par
les scientifiques. Prenons par exemple LA DÉCOUVERTE D’UN
notre sirop d’érable, qui fait de plus en ÉCUREUIL GOURMAND ?
plus parler de lui – et qui a d’ailleurs
fait l’objet de différentes expérimen- Selon le frère Marie-Victorin, grand
tations au sein de mon propre labora- botaniste québécois, l’eau d’érable aurait
toire. En effet, il y a quelques années, été découverte par un Amérindien
soucieuse de valider le fait que le sirop intrigué par le curieux comportement
d’érable n’était pas seulement délicieux d’un écureuil s’abreuvant à même une
mais avait aussi des vertus pour la santé, branche d’arbre sectionnée. En l’imitant,
la Fédération des producteurs acéricoles il aurait ainsi découvert l’« arbre qui
du Québec m’a contacté pour étudier pleure du sucre ». Au fil des printemps,
leur produit. Dès les premiers résultats, les Amérindiens ont réussi à concentrer
j’ai eu envie d’en savoir plus. l’eau d’érable en la laissant geler à répé-
L’érable à sucre (Acer saccharum) est tition et en enlevant la couche de glace
indigène à l’est de l’Amérique du Nord, qui se formait à chaque fois sur la sève.
et ce sont les peuples autochtones de Une autre méthode consistait à plonger
ces régions qui ont été les premiers des pierres brûlantes dans l’eau d’érable
à découvrir l’eau d’érable. Appelée pour en susciter l’évaporation.

MEP_VeriteSucre.indb 113 2016-07-20 11:14


114 La vérité sur le sucre

Fig. 6.1 Trois sucres complexes au banc d’essai

10 %

1% 2% 1% 3% 3%
47 %

49 %
87 %
97 %

SIROP D’ÉRABLE MIEL SIROP D’AGAVE

Sucrose (glucose et fructose liés) Fructose

Glucose Oligo et polysaccharides

ÉRABLE
Acides phénoliques (13,2 %)
Flavanols (1,1 %)
Lignans (85,7 %)
3 500

3 000

2 500
AGAVE
Acides phénoliques (96,15 %) 2 000
ng/ml

Flavonols (3,74 %)
1 500

1 000

500
MIEL
Acides phénoliques (64,04 %) Sirop Miel Sirop
Flavonols (35,43 %) d’érable d’agave
PHYTOHORMONES ET DÉRIVÉS

POLYPHÉNOLS

Source : St-Pierre et al., 2014.

MEP_VeriteSucre.indb 114 2016-07-20 11:14


Les sucres naturels non raffiné 115

Un acériculteur vérifie la densité de son sirop d’érable en ébullition.

« sinzibuckwud » par les Algonquins, un Louis XIV (le Roi Soleil étant grand
terme signifiant « tiré du bois », l’eau amateur de sucreries), puis dans la popu-
d’érable jouait un rôle primordial dans lation générale, comme en témoigne la
leur alimentation, puisqu’ils l’utilisaient vente de 30 000 livres de sucre d’érable
littéralement à toutes les sauces. Les produit sur l’île de Mont­réal en 1705.
Autochtones firent connaître cette « eau Aujourd’hui, le sirop d’érable québé-
qui fortifie » à Jacques Cartier et à ses cois représente environ 72 % de la pro-
compagnons fraîchement débarqués duction mondiale et est distribué dans
dans le Nouveau Monde, et les colons 54 pays, principalement aux États-Unis,
français ont par la suite perfectionné la mais aussi au Japon, qui importe à lui
technique de fabrication du sirop. seul 8 % de la production québécoise.
C’est au début du XVIIe siècle, grâce Ne soyez donc pas étonnés si lors d’une
à la débrouillardise d’Agathe de Repen- visite au pays du Soleil levant vous
tigny, une commerçante de Montréal, retrouvez cette saveur bien de chez
que le sucre d’érable fit son entrée nous dans un festin de sushis : les chefs
en France, tout d’abord à la cour de japonais aiment bien marier son goût à

MEP_VeriteSucre.indb 115 2016-07-20 11:14


OH
O

O
HO

OH

O
OH
Québécol

UN POLYPHÉNOL
D’HONNEUR POUR
LE QUÉBEC

Le Dr Navindra Seeram se passionne


pour le potentiel thérapeutique des
plantes, des fruits et des légumes.
Intrigué par la surprenante richesse
en polyphénols du sirop d’érable, ce
chercheur de l’Université du Rhode
Island en a fait un sujet d’étude. C’est
ainsi qu’il a découvert un polyphénol
qui n’avait jamais encore été iden-
tifié dans le règne végétal. Cette molé-
cule unique est générée lors du pro-
cessus d’évaporation produisant le sirop.
Malgré le fait que le Rhode Island est un
État où l’on produit le célèbre sirop, le
chercheur a tout de même tenu à rendre
hommage au premier producteur acé-
ricole du monde en baptisant ce poly-
phénol du nom de québécol !

MEP_VeriteSucre.indb 116 2016-07-20 11:14


Les sucres naturels non raffiné 117

celui du poisson. Le Japon est en outre est bien connue comme étant béné-
un pays soucieux de son alimentation, et fique pour la santé du cœur en raison
ce concentré brut de la sève d’un arbre de son action antioxydante et de son
y est perçu comme une alternative plus impact positif sur les niveaux de choles-
saine aux sucres raffinés. térol. Cependant, des études montrent
Cette perception est d’ailleurs plei- que cet impact positif est encore plus
nement justifiée. Une portion de 60 ml prononcé pour les huiles d’olive vierges
représente 37 % de la valeur quoti- et extra-vierges, qui contiennent des
dienne recommandée de riboflavine quantités appréciables de polyphénols
(vitamine B2), 100 % de l’apport en présents dans le fruit à l’état brut. À ce
manganèse ainsi que des valeurs non jour, peu de travaux ont étudié les bien-
négligeables de plusieurs autres miné- faits métaboliques potentiels du sirop
raux : zinc (8 %), magnésium (7 %), d’érable. Malgré tout, les résultats pré-
calcium (5 %), potassium (5 %). Qui liminaires sont très prometteurs et sug-
plus est, le sirop d’érable est un produit gèrent qu’encore une fois, nous aurions
d’une grande complexité, qui contient tort de nous limiter à son contenu
aussi des acides aminés, des phytohor- en sucre (presque exclusivement du
mones et des oligosaccharides. sucrose) pour le juger.
Plus intéressant encore, la sève Les premiers indices d’un effet
d’érable ayant la double fonction de positif du sirop d’érable proviennent
nourrir et de protéger les cellules végé- d’études montrant que l’ajout de cet
tales, elle contient une grande variété de agent sucrant peut inhiber la prolifé-
polyphénols (lignanes, coumarines, stil- ration de cellules cancéreuses incu-
bènes), des molécules reconnues pour bées en laboratoire, notamment celles
avoir plusieurs effets positifs sur les cel- du poumon, du côlon, du sein, de la
lules humaines. Des études récentes ont prostate et du cerveau. Quoique dignes
repéré la présence de quelque 63 com- d’intérêt, ces résultats ne signifient évi-
posés polyphénoliques et autres dans le demment pas que la consommation de
sirop d’érable, dont l’un, bien particu- sirop d’érable puisse prévenir ou guérir
lier, qui a de quoi nous rendre fiers (voir le cancer. Les concentrations de molé-
ci-contre) ! cules potentiellement anticancéreuses
La présence de polyphénols est susceptibles d’atteindre une tumeur
d’autant plus intéressante que des études après une consommation normale de
réalisées auprès d’autres produits dérivés sirop d’érable sont bien loin de celles
de végétaux indiquent que ces molé- qui sont efficaces sur des cellules isolées
cules peuvent augmenter les bénéfices en laboratoire. Néanmoins, ces travaux
associés à la consommation de certains ont permis de révéler la bioactivité de
aliments. L’huile d’olive, par exemple, certaines molécules présentes dans ce

MEP_VeriteSucre.indb 117 2016-07-20 11:14


118 La vérité sur le sucre

produit, ce qui pourrait éventuellement Nos propres travaux de recherche


permettre le développement d’un agent nous ont tout d’abord menés à observer
anticancéreux, lequel devra être évalué que chez des animaux en bonne santé, la
à l’aide d’études cliniques. glycémie et la sécrétion d’insuline aug-
L’activité biologique du sirop d’érable mentaient beaucoup moins en réponse
est particulièrement bien illustrée par les à la consommation de sirop d’érable
bénéfices qu’il semble avoir pour contrer qu’à celle d’une solution de glucose.
le développement des maladies métabo- Ces effets étaient donc conséquents
liques. Les résultats des travaux de trois avec ce qu’avait rapporté l’équipe japo-
équipes, dont la nôtre, sont si percutants naise, confirmant que d’un point de vue
qu’ils m’ont convaincu de remplacer le métabolique, le sirop d’érable avait une
petit cube de sucre de mon expresso position avantageuse. Encouragés par
matinal par des produits de l’érable. ce constat, nous avons ensuite vérifié si
Des effets sur le métabolisme du le sirop d’érable pouvait présenter des
glucose ont ainsi été rapportés par une effets bénéfiques contre le développe-
équipe japonaise qui a observé que, dans ment de facteurs de risque du syndrome
un modèle de rat diabétique, l’index métabolique.
glycémique du sirop d’érable était plus Nous avons ainsi administré à des rats
bas que celui d’une solution de sucrose pendant huit semaines une diète hyper-
équivalente. Rappelons que l’index calorique causant l’obésité viscérale, une
­glycémique représente la montée de la résistance à l’insuline et l’accumulation
glycémie occasionnée par la consom- de lipides dans le foie. Chaque jour, les
mation d’un aliment. Ainsi, un produit animaux recevaient une dose modérée
alimentaire qui a un faible index glycé- de sucre sous forme de sirop d’érable ou
mique est avantageux pour un individu d’une quantité équivalente de sucrose.
éprouvant de la difficulté à réguler la Au terme de l’étude, les deux groupes de
quantité de sucre dans son sang ; c’est rats avaient pris autant de poids. Cepen-
le cas des sujets prédiabétiques, par dant, les animaux qui avaient reçu des
exemple. Les auteurs de l’étude ont rations de sirop d’érable répondaient
aussi observé que plus le sirop était mieux à l’insuline que ceux qui avaient
foncé, donc riche en produits oxydés, ingéré le sucrose pur.
meilleur était l’impact sur la glycémie. Il Mais les effets bénéfiques du sirop
semblerait donc que l’absorption intes- d’érable allaient au-delà de la sensibilité
tinale du sucre soit réduite en fonction à l’insuline : en effet, les animaux aux-
de l’intensité de la coloration du sirop, quels on avait donné du sirop étaient
ce qui suggère que certaines des molé- protégés contre l’accumulation exces-
cules qui donnent au sirop sa riche cou- sive de graisse dans le foie comparative-
leur ont aussi des effets physiologiques. ment à ceux qui avaient reçu du sucrose

MEP_VeriteSucre.indb 118 2016-07-20 11:14


Les sucres naturels non raffiné 119

Effets comparés du sucrose et du sirop


Fig. 6.2
d’érable sur le foie de souris

SUCROSE SIROP D’ÉRABLE


Foie engorgé de Foie protégé contre
gouttelettes de gras l’accumulation de gras

pur. (Voir les taches blanches sur les sirop d’érable sur la santé métabolique
coupes de foie de la figure 6.2). en est encore à ses premiers balbutie-
Cet effet du sirop d’érable sur le ments et il est trop tôt pour conclure
foie a aussi été rapporté par un second que les mêmes effets seront observables
groupe de chercheurs japonais, qui ont chez l’humain. Il est toutefois intéres-
eux aussi noté qu’une alimentation sant de noter qu’une récente découverte
contenant du sirop d’érable plutôt que réalisée à l’aide d’un extrait concentré
du sucrose donnait aux rats une meil- de polyphénols de sirop d’érable pour-
leure fonction hépatique, et ce, en seu- rait, une fois de plus, nous mettre sur
lement 11 jours. Ces résultats suggèrent la piste du microbiote. Une chercheure
que la substitution du sucrose ajouté par de Montréal a en effet démontré qu’en
du sirop d’érable pourrait diminuer le mettant un tel extrait en présence de
risque de développer la stéato-hépatite bactéries résistantes aux antibiotiques,
chez les grands consommateurs de sucre ces dernières perdaient le gène qui les
ajouté. protégeait contre cette classe de médi-
La compréhension des mécanismes caments. Le sirop d’érable pourrait
impliqués dans les effets bénéfiques du donc s’avérer un allié précieux pour

MEP_VeriteSucre.indb 119 2016-07-20 11:14


120 La vérité sur le sucre

aider l’effet des antibiotiques à perdurer


alors que leur efficacité est de plus en
plus menacée par l’adaptation des bac-
téries pathogènes. Bien que ces vertus
n’aient pour l’instant été observés que
sur des cellules isolées, il est concevable
que ces polyphénols puissent avoir un
impact favorable sur la flore intestinale.
Beaucoup de travail reste à faire, mais il
semble permis de croire que les vertus
du sirop d’érable vont bien au-delà de
notre assiette.

L’INTRIGANT SIROP D’AGAVE

Les agaves sont une famille de plantes


originaires du Mexique et du sud-ouest
des États-Unis. À maturité, ces cou-
sines de l’asperge renferment de grandes
quantités d’une sève qui peut être trans-
formée en sirop par évaporation, d’une
façon analogue à la fabrication du sirop
d’érable. Bien que le sirop d’agave
ait été historiquement utilisé dans
l’élaboration de boissons alcoolisées
comme la tequila et le mezcal, c’est son
fort contenu en sucre qui a récemment
attiré l’attention, particulièrement chez
les clients des marchés d’alimentation
naturelle soucieux de trouver une alter-
native au sucre raffiné et au HFCS. Le
sirop d’agave possède en effet un pou-
voir sucrant environ une fois et demie
plus fort que celui du sucre de table, et
sa consommation augmente peu la gly-
cémie et l’insulinémie. Le sirop d’agave
semblait donc, à première vue, tout

MEP_VeriteSucre.indb 120 2016-07-20 11:14


Les sucres naturels non raffiné 121

indiqué pour les personnes résistantes à du sucrose ou du sirop d’agave, un


l’insuline et à risque de développer un groupe de recherche a constaté qu’après
diabète qui cherchaient un substitut au un mois de traitement, les animaux
sucre raffiné qui ne compromettrait pas qui avaient eu droit au sirop d’agave
leur santé. Mais est-ce réellement le cas ? avaient pris moins de poids que ceux
C’est une question complexe, qui qui avaient consommé du sucre raffiné.
met en évidence les dangers de porter Un autre groupe a observé que, contrai-
aux nues un aliment ou, à l’inverse, de rement à ce qui se produit à la suite de
le diaboliser avant d’en connaître en l’administration modérée d’une solu-
détail la composition et les effets sur tion de fructose pur ou de HFCS chez
le métabolisme. Ainsi, on sait mainte- l’animal, le sirop d’agave n’altérait pas
nant que le sirop d’agave est composé les fonctions normales du foie.
en moyenne de 90 % de fructose. Ceci Ces résultats très étonnants sont en
suggérerait que sa consommation pour- accord avec ceux de la petite enquête
rait entraîner les mêmes problèmes que ma propre équipe de recherche a
métaboliques que ceux qui sont asso- réalisée sur ce sirop. En comparant les
ciés à un excès de ce sucre, comme effets d’un traitement quotidien au
l’élévation des lipides sanguins et la sirop d’agave à ceux de l’administration
stéato-hépatite. C’est d’ailleurs ce fort d’une solution de fructose chez des rats
contenu en fructose qui a fait en sorte ayant une diète riche en calories cau-
que l’engouement initial pour le sirop sant l’obésité, nous avons observé que
d’agave a vite décliné pour faire place le fructose pur entraînait une accumu-
à une grande méfiance vis-à-vis de cet lation de lipides dans le foie, tandis que
agent sucrant qu’on accuse mainte- les animaux ayant eu droit au fructose
nant de cacher, sous son image « natu- sous forme de sirop d’agave étaient
relle », des quantités de fructose proches épargnés.
du double de celles retrouvées dans Sur la foi de ces études, il est donc
le HFCS. impossible de conclure que le contenu
Pourtant, bien peu d’études ont testé très élevé en fructose du sirop d’agave
les effets du sirop d’agave sur la santé rend cet agent sucrant aussi domma-
et il n’existe, du moins à ma connais- geable pour la santé que le fructose pur.
sance, aucune preuve scientifique per- On sait de plus que d’autres molécules
mettant de soutenir ces accusations. Au potentiellement bénéfiques y sont pré-
contraire, les quelques études dispo- sentes, dont bon nombre de polyphé-
nibles sur ce sirop sont généralement nols et, comme pour le miel, une forte
positives. Par exemple, en comparant concentration de methylglyoxal, ce
les effets d’une alimentation contenant puissant agent antibactérien.

MEP_VeriteSucre.indb 121 2016-07-20 11:14


122 La vérité sur le sucre

*** On peut espérer que la recherche


révélera bientôt les bienfaits, ou du
Il existe d’autres agents sucrants non moins les effets préventifs, de certains
raffinés qui pourraient éventuellement agents sucrants sur le syndrome métabo-
constituer une solution de substitution lique, ce qui pourrait attirer l’attention
pour les sucres raffinés. Parmi ceux-ci, de l’industrie alimentaire, soucieuse
mentionnons la mélasse, reconnue pour de plaire à des consommateurs qui se
sa richesse en polyphénols et en miné- méfient de plus en plus des sucres raf-
raux, ou encore le sirop de yacon, qui finés. Mais comme ce type de révolu-
pourrait avoir des propriétés amaigris- tion alimentaire ne se produira pas du
santes selon une étude chez l’humain. jour au lendemain, et risque même de
D’autres sources de sucre comme le ne jamais survenir, vous pouvez dès
sirop de malt d’orge, le sucre de palme, maintenant prendre les choses en main
de coco, de sorgho ou le surprenant tré- en reléguant votre sucrier au fond du
halose (voir ci-contre) devront faire garde-manger pour laisser la place au
l’objet de recherches approfondies miel, au sirop d’érable, à la mélasse et
pour en identifier les avantages et les même au sirop d’agave. Toutefois, bien
inconvénients. que ces sucres naturels constituent des
Car il faut se garder d’associer auto- options intéressantes, voire bénéfiques
matiquement le qualificatif « naturel » à pour remplacer une portion des sucres
la santé. Ce réflexe est parfois trompeur, ajoutés dans votre diète, il faut garder
comme on l’a vu récemment dans le cas à l’esprit qu’ils ne faudrait en aucun
du sirop de riz brun, aujourd’hui mis sur cas en profiter pour en consommer
la sellette pour son contenu en arsenic, davantage !
comme d’autres produits à base de riz.

MEP_VeriteSucre.indb 122 2016-07-20 11:14


LES OURSONS DE L’IMMORTALITÉ ?

Le tréhalose est un sucre formé de être bénéfique pour améliorer le méta-


deux glucoses qui se retrouve dans les bolisme du glucose. Le tréhalose serait
plantes, les bactéries, les invertébrés par ailleurs le secret de la longévité d’un
mais pas chez les mammifères. On le petit invertébré du nom de tardigrade,
consomme naturellement à petite dose parfois appelé « ourson d’eau » à cause
dans la bière, le pain et les champignons, de sa drôle de morphologie. Devant
par exemple. Utilisé dans plusieurs pays faire face à des environnements par-
comme agent sucrant au même titre que fois extrêmes tels que ceux des régions
le sucre de table, le tréhalose n’est pas polaires ou des abysses océaniques, ces
encore disponible en tant qu’édulcorant minuscules animaux sont capables de
ici, mais cela ne saurait tarder, puisque se déshydrater tout en demeurant bien
Santé Canada n’y voit pas d’objection. vivants grâce au tréhalose, qui forme
Ce sucre a un intérêt particulier : on un enduit protecteur autour de leurs
le soupçonne d’avoir un effet protec- organes vitaux. Lorsque les conditions
teur contre l’Alzheimer, la maladie de extérieures redeviennent supportables,
Huntington et le Parkinson. D’autre les tardigrades reprennent vie comme
part, certains groupes de chercheurs par enchantement. À quand des gummy
pensent que ce disaccharide pourrait bears thérapeutiques au tréhalose ?

MEP_VeriteSucre.indb 123 2016-07-20 11:14


MEP_VeriteSucre.indb 124 2016-07-20 11:14
CHAPITRE 7

LES FAUX
SUCRES :
MIRACLE OU
MIRAGE ?
Comme les effets hallucinogènes du
LSD, découverts par un scientifique
qui avait négligé de porter ses gants
de protection, l’identification du pre-
mier « faux sucre » a elle aussi été le
résultat de l’imprudence d’un cher-
cheur. Au XIXe siècle, un chimiste du
nom de Constantin Fahlberg qui tra-
vaillait à l’Université Johns Hopkins de
Baltimore oublia un jour de se laver les
mains avant de prendre son dîner, et
fut très étonné du goût anormalement
sucré de son pain. Curieux de savoir
d’où provenait cette saveur, il retourna

125

MEP_VeriteSucre.indb 125 2016-07-20 11:14


126 La vérité sur le sucre

sur-le-champ à son laboratoire pour blanc, seule une toute petite quantité est
goûter à ce qu’il venait de manipuler. nécessaire pour faire réagir nos papilles.
C’est ainsi qu’il découvrit le sulfinide On les retrouve dans plus de 6 000
benzoïque, un dérivé de la houille de produits – desserts, céréales, gomme
charbon, mieux connu sous le nom de à mâcher – ainsi que dans plusieurs
saccharine. Le « sucre de houille » fut produits pharmaceutiques, comme les
presque immédiatement commercialisé, pastilles et les sirops. Compte tenu de
mais son usage devint courant durant la la mauvaise réputation des boissons
Seconde Guerre mondiale, à cause du gazeuses, il n’est guère surprenant de
rationnement du véritable sucre. constater qu’elles constituent le prin-
Ce premier édulcorant artificiel a été cipal marché des édulcorants artificiels
suivi de bien d’autres, et aujourd’hui, (fig. 7.1). À San Francisco, l’Université
stimulé entre autres par les campagnes de Californie a même lancé récemment
anti-sucre et contre l’obésité, le marché un programme pour éliminer de son
des faux sucres a le vent dans les voiles. campus les boissons sucrées au profit
Ceux-ci ayant un pouvoir sucrant de des boissons « diète ». De telles initiatives
100 à 1000 fois plus intense que le sucre ont contribué à ce que la proportion

Fig. 7.1 La production annuelle de boissons gazeuses aux États-Unis

600

500
Cannettes par personne

400

300

200

100

1947 1957 1967 1977 1987 1997 1998 2000 2004

Sodas sucrés Sodas « diète »

Sources : USDA Economic Research Service (1947-1987) ; Beverage Digest (1997-2004).

MEP_VeriteSucre.indb 126 2016-07-20 11:14


Les faux sucres : miracle ou mirage ? 127

de consommateurs de bois-
sons diète passe de 21 à 25 %
chez les adultes, et double
chez les enfants dans la der-
nière décennie !
Si on vous demandait
de nommer les édulco-
rants autorisés au Canada,
l’aspartame, la saccharine
et le sucralose vous vien-
draient probablement à
l’esprit. En réalité, la liste
comprend plusieurs autres
molécules. Si vous ne prêtez
pas une attention très par-
ticulière à la liste des ingré-
dients des produits que vous
consommez, il est donc fort
possible que vous en ingurgi- INGRÉDIENTS : acacia, acésulfame de potassium, D&C
tiez sans le savoir. Tentez, par jaune nº 10, néotame, gomme de base, oxyde de magné-
exemple, d’identifier les faux sium, huile de menthe poivrée, polysorbate, carbonate de
sucres qui se dissimulent sodium, dioxyde de titane, xylitol.
parmi les ingrédients de la
gomme à mâcher ci-contre.
Il y en a trois : l’acésulfame de potas- en calories ». Mais le seul fait que
sium, le néotame et le xylitol. Au Santé Canada leur accorde sa bénédic-
Canada, les faux sucres autorisés dans tion nous permet-il de les consommer
les produits alimentaires en fonction de aveuglément ?
doses journalières maximales sont les
polyols (dont le xylitol), la saccharine,
l’aspartame, l’acésulfame de potassium, MÉFIANCE, MÉFIANCE...
le néotame, les glycosides de stéviol,
l’extrait de fruit de moines, le sucralose Il faut admettre qu’il est difficile de
et la thaumatine. Les doses permises parler des faux sucres sans éveiller les
étant assez élevées, vous ne devriez soupçons. D’abord, leur nature intrin-
normalement pas dépasser cette limite, sèque y contribue. Des molécules éla-
même si vous êtes un adepte des pro- borées ou purifiées par des chimistes
duits étiquetés « sans sucre » ou « réduits possédant un pouvoir sucrant parfois

MEP_VeriteSucre.indb 127 2016-07-20 11:14


128 La vérité sur le sucre

des centaines de fois plus fort que celui Twin et Sweet’n Low, a été suspecté
du sucre, et souvent, sans la moindre d’augmenter les risques du cancer de
calorie, ça semble trop beau pour être la vessie chez le rat et de provoquer
vrai. Il faut dire aussi qu’au fil des ans, l’atrophie des testicules chez la souris.
des accusations portées contre nombre Toutefois, d’autres études chez le
de ces molécules ont obligé les instances singe, où de fortes doses quotidiennes
de santé à en réévaluer constamment ont été administrées pendant de nom-
l’innocuité, ce qui n’a rien pour nous breuses années, ont contredit les pre-
rassurer. mières études. C’est ainsi que désor-
Le cas de la saccharine est un bon mais, il vous est possible d’opter pour le
exemple. Dans les années 1970, des petit sachet rose pour sucrer votre café.
études réalisées chez le rat ont démontré Seule contrainte, il vous faudra d’abord
que ce faux sucre pouvait être à l’origine « en parler à votre médecin », comme
de cancers. Conséquemment, le Canada doivent l’indiquer les petits caractères
l’a retiré de la liste des additifs autorisés au dos du sachet…
au pays. Et puis, d’autres études ont sou- Mais dans toute cette grande famille,
tenu l’idée que les effets observés chez le mouton noir le plus connu reste
l’animal ne pouvaient pas être transpo- l’aspartame. C’est d’ailleurs pourquoi
sables chez l’humain, ce qui a convaincu certaines compagnies affichent désor-
Santé Canada de réintroduire le produit mais sur leurs produits vedettes la men-
en 2014. Toutefois, Santé Canada exige tion « sans aspartame ». Pour éviter de
que, lorsque la saccharine est utilisée tomber dans le piège des accusations
comme édulcorant de table, donc sous sa non fondées – car elles abondent sur
forme pure et non incorporée à un pro- l’internet –, j’ai entrepris de regarder
duit alimentaire, on doit y mentionner de plus près les risques réels possi-
que « l’utilisation continue de la saccha- blement associés à la consommation
rine peut être néfaste pour la santé et d’aspartame. Le produit étant main-
[que] ce produit ne doit pas être uti- tenant considéré comme sans danger
lisé par les femmes enceintes, sauf sur par la FDA, Santé Canada, l’EFSA
avis d’un médecin. » Encore là, rien pour (l’Autorité européenne de sécurité des
nous mettre l’eau à la bouche… aliments) et l’OMS, j’ai cru que l’affaire
Le cyclamate, qui fut lui aussi serait vite réglée. Erreur ! La controverse
découvert par un scientifique impru- autour de l’aspartame semble plus vive
dent (voir ci-contre), a aussi contribué que jamais.
au climat de méfiance qui entoure les C’est en 1965 que James Schlatter,
faux sucres. Ce produit qu’on retrouve encore un chimiste imprudent, a décou-
dans différentes formulations com- vert l’aspartame dans le cadre de ses tra-
merciales, telles que Sucaryl, Sugar vaux pour la compagnie pharmaceutique

MEP_VeriteSucre.indb 128 2016-07-20 11:14


UNE CIGARETTE SUCRÉE ?

Le bon sens commandant de ne pas se


mettre des produits chimiques dans
la bouche, il n’est pas surprenant de
constater que la découverte des sucres
artificiels est plus souvent qu’autrement
le résultat d’imprudences ! C’est ainsi
que Michael Sveda, un étudiant tra-
vaillant dans un laboratoire pharma-
ceutique dans l’Illinois, remarqua que
la cigarette qu’il venait de reprendre
sur son plan de travail, où se trouvait
du cyclamate de sodium, avait un goût
sucré. Les normes de sécurité en labo-
ratoire n’étant plus ce qu’elles étaient
en 1937, il y a fort à parier que les pro-
priétés de cette substance trente à cin-
quante fois plus édulcorante que le
sucrose n’auraient pas pu être décou-
vertes à notre époque…

MEP_VeriteSucre.indb 129 2016-07-20 11:14


SECRÉTAIRE À LA DÉFENSE…
DE L’ASPARTAME ?

La compagnie Searle a dû mener une


difficile et coûteuse bataille pour
obtenir l’approbation de l’aspartame par
la FDA. C’est au terme de dix années
d’audiences que la commercialisation
du produit fut avalisée par le Dr Arthur
Hayes Jr., alors fraîchement nommé
directeur de la FDA par l’administration
Reagan. Beaucoup ont remis en ques-
tion l’intégrité de Donald Rumsfeld, qui
aurait pu user de son influence politique
pour rendre possible la commercialisa-
tion de l’aspartame, produit vedette de
la compagnie qu’il dirigeait. Quelques
années plus tard, il aurait profité per-
sonnellement du succès commercial de
l’édulcorant en empochant 12 millions
de dollars lors de l’achat de Searle par
le géant Monsanto.

MEP_VeriteSucre.indb 130 2016-07-20 11:14


Les faux sucres : miracle ou mirage ? 131

Searle. Schlatter fut d’abord incrédule des études récentes ont remis le feu aux
en constatant par accident le goût sucré poudres. Le groupe du cancérologue
de ce simple dipeptide composé de deux Morando Soffritti, de l’Institut Ramaz­
acides aminés, soit l’acide aspartique et zini, en Italie, a réalisé une colossale
la phénylalanine. En effet, les acides étude chez plus d’un millier de rats aux-
aminés, qui sont les composantes de quels on a administré quotidiennement
base de protéines, sont plutôt reconnus des doses d’aspartame comparables ou
pour leur amertume. L’aspartame a été inférieures à celles jugées sécuritaires
approuvé par la FDA en 1974, mais pour l’humain. L’expérience a été
sa mise en marché fut suspendue à la menée durant la vie entière des animaux,
suite de sérieuses mises en gardes du jusqu’à leur mort naturelle. On a observé
docteur John Olney, un professeur spé- que les lymphomes, les leucémies et les
cialisé dans l’étude des effets néfastes tumeurs malignes du pelvis et des nerfs
de surdoses d’acides aminés. Ce der- périphériques étaient significativement
nier estimait que l’aspartame pouvait plus nombreuses parmi les animaux qui
causer des dysfonctions endocriniennes avaient reçu de l’aspartame que dans
et neurologiques, et même des tumeurs les groupes témoins. Ces constats ont
au cerveau. une certaine résonance chez l’humain,
Après plusieurs années de débats et puisqu’une étude d’association sur une
d’études analysées par les experts de large cohorte a observé que les risques
la FDA, l’interdiction fut finalement de myélome multiple et de lymphomes
levée, principalement sur la base que non hodgkiniens étaient plus impor-
les concentrations d’acides aminés ingé- tants chez les hommes qui consom-
rées sous forme d’aspartame étaient de ment plus d’une boisson « diète » par
loin inférieures à celles que le Dr Olney jour. Il est cependant important de
estimait délétères. En 1981, la voie était noter qu’aucun risque chez la femme
donc libre pour la commercialisation de n’a été observé et que d’autres études
l’aspartame, au grand dam de ses oppo- animales n’ont pas relevé de lien entre
sants, mais au grand bonheur de Donald l’aspartame et le développement
Rumsfeld ! En effet, l’ex-secrétaire à la de cancers.
Défense du président Ford, qui était Le D r Soffritti jouit d’une excel-
membre de la garde rapprochée de lente réputation et les travaux de
Ronald Reagan, était alors aussi PDG l’Institut Ramazzini ont permis par le
du groupe Searle, un double emploi qui passé de découvrir le potentiel can-
a fait couler beaucoup d’encre chez les cérogène de plusieurs substances de
opposants de l’aspartame… la vie courante. Néanmoins, les diffé-
Mais, alors qu’on croyait cette polé- rentes instances en santé (EFSA, FDA,
mique tombée aux oubliettes, voilà que Santé Canada) ont décidé de ne pas les

MEP_VeriteSucre.indb 131 2016-07-20 11:15


132 La vérité sur le sucre

Le Dr Morando Soffritti a dirigé dans les années 2000 une vaste étude avec la Fondation Ramazzini pour véri-
fier les possibles effets cancérogènes de l’aspartame sur les rongeurs. Il est arrivé à la conclusion que ces effets
étaient incontestables.

prendre en considération et de main- de cancers. En effet, ceux qui composent


tenir leur approbation de l’aspartame. l’aspartame sont en soi sécuritaires, et
Même si je ne remets pas en cause la nous en absorbons des doses beaucoup
décision des experts de ces organisations, plus importantes chaque fois que nous
les publications du groupe de Soffritti consommons des protéines provenant,
ont quand même semé un doute suf- par exemple, du poisson, de la viande
fisamment important dans mon esprit ou des noix.
pour que je déconseille la consomma- Certains avancent que le danger vien-
tion d’aspartame. drait plutôt du méthanol qui est libéré
Il reste que nous ignorons toujours lors de la digestion de l’aspartame. Le
comment l’union de deux simples acides méthanol, en forte quantité, peut effec-
aminés pourrait favoriser certains types tivement causer de graves problèmes de

MEP_VeriteSucre.indb 132 2016-07-20 11:15


Les faux sucres : miracle ou mirage ? 133

santé dont la cécité, et même la mort : FAUX SUCRES, FAUSSES


on le retrouve notamment dans l’alcool PROMESSES
frelaté. Cependant, beaucoup d’autres
produits alimentaires contiennent Malgré l’ampleur des polémiques sur
des doses de méthanol plus impor- les faux sucres, aucune allégation ne
tantes que celles qui sont libérées par semble suffisamment inquiétante pour
l’aspartame. Une boisson « diète » sucrée freiner la hausse de ce marché qui
à l’aspartame fournirait à l’organisme devrait atteindre 1,9 milliard de dollars
12 mg de méthanol, alors qu’une tomate en 2017. La crainte des kilos en trop et
en contiendrait le double. Pourtant, per- du diabète serait donc plus terrifiante
sonne ne remet en doute l’innocuité de que les risques de cancers annoncés par
la tomate ! certains scientifiques ! Il est vrai que les
Enfin, on sait que l’entreposage pro- quelques publications qui rapportent
longé, un changement de pH ou des tem- les dangers potentiels de ces produits
pératures élevées entraînent la dégrada- pour la santé ne font pas le poids
tion de l’aspartame et provoquent la devant l’avalanche d’études démontrant
formation de dicétopipérazine, ou DKP. les risques associés à l’obésité attri-
Ce produit étant possiblement nocif buable à la consommation de sucre et
pour la santé, l’EFSA en a établi la dose à ses conséquences sur la santé cardio-
journalière acceptable à 7,5 mg par kg métabolique. Comme on le dit souvent,
de poids corporel. Selon cette même de deux maux on choisit le moindre, et
instance, l’exposition à la DKP à travers beaucoup de gens choisissent la version
l’ensemble des aliments et des boissons « diète » de leurs aliments préférés…
contenant l’édulcorant serait d’environ Mais voilà : et si les promesses de
0,1 à 1,9 mg par kg de poids corporel par perte de poids que font miroiter les
jour en moyenne. Des doses donc plus fabricants de produits « diètes » n’étaient
faibles que celle jugée potentiellement en fait que du vent ? Serait-il possible
néfaste, j’en conviens, mais qui ne sont qu’il n’y ait pas que nos papilles gusta-
tout de même pas négligeables… Bref, tives qui soient bernées par les sucres
comme toujours, plus d’études devront artificiels ?
être réalisées pour me convaincre de À première vue, remettre en cause
l’innocuité de l’aspartame – de même le potentiel de produits ne contenant
qu’il faudrait approfondir les recherches aucune calorie à réduire l’apport éner-
pour expliquer les risques associés à sa gétique peut sembler un non-sens. Si
consommation. Chose certaine, il ne l’on consomme un excédent de calories,
faut pas sous-estimer la complexité de il se transforme en graisse et on prend
la biologie, surtout lorsqu’il est question du poids. Selon le même raisonne-
de nutrition. ment imparable, si l’on ingère moins

MEP_VeriteSucre.indb 133 2016-07-20 11:15


134 La vérité sur le sucre

de calories grâce aux produits étiquetés des produits faussement édulcorés et la


« diète », on devrait donc perdre du poids. montée en flèche des cas d’obésité (voir
Après tout, rien ne se perd, rien ne se les fig. 7.2 et 7.3).
crée ! En fait, ce principe fonctionne Encore une fois, comme on l’a vu
peut-être pour la thermodynamique, au chapitre précédent, gardons-nous
mais rien n’est jamais simple quand il de tirer des conclusions hâtives en nous
est question de nutrition… fondant sur une corrélation. Attardons-
Même si la consommation des faux nous plutôt à ce que nous révèlent les
sucres remonte à plusieurs années, elle études épidémiologiques. Les premiers
a véritablement pris son envol avec travaux du genre sur le sujet ont été
l’arrivée de l’aspartame sur le marché réalisés en 1986 grâce à une enquête de
au début des années 1980. Dès lors, la Société américaine du cancer. Dans
on aurait pu s’attendre à observer une cette étude d’envergure, 78 694 femmes
diminution des cas d’obésité, puisque de furent interrogées sur leurs habitudes
nombreux adeptes des boissons gazeuses alimentaires et les chercheurs suivirent
sont passés à la version « diète » de leurs leur poids pendant un an. Au terme de
produits favoris dans l’espoir d’en l’étude, contre toute attente, les consom-
consommer à volonté. Au lieu de quoi, matrices de faux sucres avaient pris plus
on observe plutôt un troublant paral- de poids que les autres. Le débat était
lélisme entre la popularité grandissante lancée : et si les sucres artificiels faisaient
engraisser ? Plusieurs
Fig. 7.2 Consommation de produits contenant études similaires
des faux sucres chez les Américains furent alors menées
qui, dans bien des
cas, confirmèrent les
160
1980 : arrivée massive observations de la
140 des édulcorants artificiels première…
120 Mais même quand
les preuves semblent
100
g par jour

s’accumuler, il faut
80 se méfier des conclu-
60 sions précipitées ! Il
40
fallait notamment
considérer que les
20
consommateurs de
1965 1977 1990 1999 2001 2003
faux sucres mangent
généralement moins
bien, et sont donc
Source : Mattes et al.

MEP_VeriteSucre.indb 134 2016-07-20 11:15


Fig. 7.3 Prévalence de l’obésité
chez les adultes américains

35
1980 : arrivée massive
30 des édulcorants artificiels

25
Prévalence (%)

20

15

10

1960-1962 1971-1974 1976-1980 1988-1994 1999-2000 2003-2004

Source : NHES et NHANES.

MEP_VeriteSucre.indb 135 2016-07-20 11:15


MEP_VeriteSucre.indb 136 2016-07-20 11:15
Les faux sucres : miracle ou mirage ? 137

plus susceptibles d’accumuler les kilos Ainsi, on peut se sentir moins coupable
en trop. Il ne faut pas oublier que les per- de céder à la tentation en passant devant
sonnes qui ont une propension à prendre un fast-food si l’on sait qu’une boisson
du poids sont les mêmes qui seront ten- « diète » accompagnera notre repas. Ou
tées de consommer les produits « diète ». encore, on peut succomber plus facile-
Certaines études ont justement pris soin ment à l’appel d’une brioche à la can-
de corriger leurs analyses en fonction de nelle toute chaude parce qu’on choisi
l’indice de masse corporelle des partici- du cyclamate pour sucrer notre café…
pants afin de limiter autant que possible Mais notre manque de discipline
ce biais. La conclusion n’a pas changé : la ne serait pas la seule explication de
consommation de faux sucres était asso- l’inefficacité des faux sucres. On peut
ciée à une plus grande prise de poids. tromper sa conscience, mais le corps, lui,
Les études épidémiologiques ne sont n’est jamais dupe ! Regardons de plus
pas des pièces à conviction, mais plutôt près les réactions de notre organisme à
d’excellents indices, il faut donc pousser ces molécules.
l’investigation plus loin. C’est ainsi que Si les édulcorants ont un goût sucré,
plusieurs études d’intervention ont été c’est forcément qu’ils se lient aux récep-
entreprises pour résoudre l’énigme des teurs sur notre langue qui ont pour fonc-
édulcorants accusés de faire grossir. Les tion de nous faire apprécier cette saveur.
résultats obtenus sont mitigés. Alors Quand ils sont activés, ces récepteurs de
que certaines équipes ont pu observer goût envoient au cerveau l’information
une légère perte de poids à la suite de qui nous permet de savourer pleine-
consommation de faux sucres, d’autres ment notre brioche. Pour curieux que
n’ont vu aucune différence. Si je consi- cela puisse paraître, ces récepteurs de
dére l’ensemble des indices disponibles, goût ne sont pas limités à nos papilles
je conclurais que les produits « diète » gustatives. On en retrouve dans nos
ne font peut-être pas engraisser, mais poumons, dans nos cellules adipeuses,
qu’il y a peu de chance qu’ils fassent dans notre pancréas et sur la surface
maigrir… de notre muqueuse intestinale ! Sans
Plusieurs chercheurs ont tenté de comprendre le rôle exact de tous ces
comprendre comment ces produits récepteurs disséminés dans notre corps,
pouvaient nous faire grossir autant on sait néanmoins que ceux de notre
que leur version originale calorique. intestin relaient des informations à notre
La première explication serait le fac- organisme afin d’assurer que nous puis-
teur psychologique : sans en être tou- sions bien gérer les aliments qu’on vient
jours conscients, les gens qui consom- de consommer. Comme on s’en doute,
ment des produits dits légers auraient les récepteurs de goût de l’intestin
tendance à s’accorder des récompenses. n’enverront pas le signal de la saveur

MEP_VeriteSucre.indb 137 2016-07-20 11:15


138 La vérité sur le sucre

de brioche sucrée à notre cerveau. Par


contre, leur activation occasionnera la
mise en branle de mécanismes associés à
la digestion et au métabolisme, comme
la sécrétion d’insuline et la production
de plusieurs autres médiateurs hormo-
naux qui enverront au cerveau le mes-
sage de couper la faim ou de stimuler la
dépense énergétique.
Ces événements, bien orchestrés
quand du vrai sucre est consommé,
nous permettront de dépenser une
partie de l’énergie consommée et nous
inciteront à cesser de manger. Or voilà :
même si les faux sucres activent forte-
ment les récepteurs de goût situés dans
la bouche, ils semblent incapables de
provoquer cette réponse physiologique
cruciale dans l’intestin. C’est ainsi que
le rat conditionné à manger un aliment
sucré à la saccharine ou à l’acésulfame
de potassium dépensera moins d’énergie
sous forme de chaleur et prendra en
quelques jours plus de poids que le rat
exposé au même aliment contenant du
sucre véritable ! Le même phénomène
est observable quand on compare la
prise de poids de rats buvant de l’eau
sucrée au stévia ou à la saccharine.
Enfin, il semble que même si les
sucres artificiels provoquent une
réponse gustative très intense, ils
laissent notre cerveau sur sa faim. C’est
en effet ce qu’a démontré l’analyse des
zones activées dans le cerveau lorsque
des femmes consommaient une solution
soit de sucralose, soit de sucre blanc. La
résonance magnétique a révélé que le

MEP_VeriteSucre.indb 138 2016-07-20 11:15


Les faux sucres : miracle ou mirage ? 139

sucre véritable stimulait plus fortement du risque de développer un diabète


les zones de récompense dans le cer- de type 2. Sans grande surprise, les
veau, qui sont activées lors de moments fameux bonbons liquides avaient, une
agréables, alors que peu d’activité était fois de plus, fait leur effet. Cepen-
visible quand les faux sucres étaient dant, les femmes qui buvaient des bois-
consommés. Ce résultat a été confirmé sons « diètes » couraient elles aussi un
par d’autres travaux utilisant différents risque significativement plus élevé de
sucres artificiels. Les chercheurs ont développer un diabète que celles qui
conclu que cette faible réactivité céré- ne consommaient aucune de ces bois-
brale pourrait pousser le consommateur sons. Fait intéressant à noter, celles qui
à manger davantage pour obtenir une avaient opté pour des jus de fruits purs
satisfaction. à 100 % avaient vu leur risque de déve-
Tout comme on rapporte un lien lopper la maladie légèrement diminué.
entre la consommation de faux sucre Cette publication de 2013 causa
et la propension à prendre du poids, on un certain émoi dans le milieu scien-
observe une association avec le risque de tifique. Une lettre qui dénonçait les
syndrome métabolique. C’est du moins conclusions de l’étude fut d’ailleurs
ce qu’indiquent plusieurs études épi- envoyée à l’éditeur du réputé Ame-
démiologiques. Il semble entendu que rican Journal of Clinical Nutrition ; elle
la clientèle cible des produits « diète » qui mettait en cause la pertinence de
soit aussi celle qui est la plus à risque ladite étude sous prétexte qu’il ne sem-
de développer un diabète et des mala- blait pas physiologiquement possible
dies cardiovasculaires. Les diabétiques que des édulcorants artificiels puissent
sont d’ailleurs nombreux à utiliser ces causer le diabète. L’auteur de cette mis-
produits pour satisfaire leurs envies de sive furibonde était nul autre que Haley
sucre sans craindre d’ébranler le délicat Curtis Stevens, le président du Calorie
équilibre de leur glycémie. Malheureu- Control Council, une association inter-
sement, il semble qu’encore ici, les faux nationale de producteurs de sucres arti-
sucres soient synonymes de mirage, et ficiels ! Il est vrai qu’en 2013, les auteurs
même pire. de l’étude ne disposaient d’aucun argu-
En 2013, un groupe de recherche ment pour expliquer comment les faux
a rapporté les résultats d’une sucres pouvaient favoriser l’apparition
vaste enquête réalisée auprès de du diabète. Ils répondirent donc à leurs
66 118 femmes suivies durant 14 ans, contradicteurs qu’ils espéraient que la
chez qui on avait étudié la consom- communauté scientifique saurait effec-
mation de boissons sucrées naturelle- tuer les recherches nécessaires afin de
ment, avec du sucre ajouté, ou avec un révéler les mécanismes biologiques res-
édulcorant artificiel, le tout en fonction ponsables de cette surprenante, mais

MEP_VeriteSucre.indb 139 2016-07-20 11:15


140 La vérité sur le sucre

rigoureuse observation. Ils furent qu’en moins de trois mois, la consom-


exaucés dès l’année suivante, quand la mation de saccharine, de sucralose ou
revue Nature publia une étude qui dut d’aspartame causait un prédiabète chez
ébranler le Calorie Control Council… la souris. Comme on suspectait un bou-
leversement du microbiome par les
édulcorants, les animaux furent traités à
QUAND LES FAUX l’aide d’antibiotiques à large spectre. Et
SUCRES EMBROUILLENT en effet, ceux-ci ont bel et bien contre-
NOTRE MICROBIOME carré les effets délétères des sucres arti-
ficiels sur le métabolisme du glucose.
Il y a trente ans, bien avant qu’on ne La saccharine avait eu l’effet le plus
commence à comprendre que les bac- marqué, et c’est avec ce faux sucre
téries peuplant notre intestin devraient que l’enquête s’est poursuivie. Afin de
être considérées comme un véritable prouver l’implication du microbiote,
organe, on rapportait que le xylitol et la les auteurs de l’étude utilisèrent une
saccharine pouvaient affecter le micro- approche fort ingénieuse qui consistait
biote humain et celui du rat. Plus récem- à introduire le microbiote (extrait des
ment, en 2008, il a été observé que chez excréments des souris ayant consommé
le rat, l’administration de sucralose la saccharine) dans des souris complè-
(Splenda) pendant 12 semaines pro- tement stériles, donc sans microbiote.
voquait une chute importante des bac- Comme si on avait transplanté un foie
téries considérées comme bénéfiques ou un cœur, on avait ainsi transplanté
dans l’intestin. Les chercheurs souli- le microbiote, cet écosystème bacté-
gnèrent que cette modification délé- rien qui gère les liens étroits entre le
tère du microbiote était aussi associée à système immunitaire et les tissus méta-
une prise de poids plus importante que boliques. Cette transplantation fécale a
chez les groupes témoins recevant de permis de démontrer pour la première
l’eau. Il fut alors proposé – mais non pas fois que le déséquilibre du microbiote
démontré – que ces deux observations causé par un édulcorant comme la sac-
pourraient être liées. charine pouvait directement provoquer
Il a fallu attendre 2014 pour que le un état de prédiabète après transmission
lien de cause à effet puisse être étayé, à une souris receveuse, sans que cette
alors qu’une importante étude a ajouté dernière ait même été en contact direct
des pièces à conviction au dossier des avec le sucre artificiel !
effets néfastes des faux sucres sur le L’enquête s’est étendue à l’humain,
microbiome et sur les dérèglements du quand on a demandé à sept volontaires
métabolisme du glucose. Les auteurs en bonne santé, non utilisateurs de faux
de cette enquête de fond ont observé sucres, de consommer la dose maximale

La bactérie Escherichia coli, vue au microscope électronique à balayage (image colorisée).


Ce bacille est une composante normale du microbiome humain.

MEP_VeriteSucre.indb 140 2016-07-20 11:15


MEP_VeriteSucre.indb 141 2016-07-20 11:15
142 La vérité sur le sucre

de saccharine reconnue comme accep- tarder leur opinion sur l’innocuité des
table par la FDA. Au terme d’une faux sucres. Pour ma part, étant de plus
semaine seulement, quatre d’entre eux en plus convaincu du rôle crucial d’un
avaient vu leur métabolisme du glucose microbiote équilibré pour le maintien
et les bactéries de leur intestin altérés… d’une santé optimale, il va de soi que
Les trois autres s’en sortirent indemnes : je vous invite à prendre très au sérieux
pas de perturbations métaboliques et un le bien-être de vos bactéries intestinales
microbiote épargné par les effets délé- et donc à ne pas abuser des faux sucres.
tères de l’édulcorant. Les auteurs de Même si dans les prochaines années
l’étude poussèrent l’audace encore plus la recherche démontrait hors de tout
loin. Ils procédèrent à une transplanta- doute les risques associés aux faux
tion fécale de l’homme vers la souris ! sucres actuellement disponibles, il ne
Les rongeurs ainsi contaminés par le faudra pas s’attendre à ce que l’industrie
microbiote des sujets dont le métabo- laisse tomber un filon aussi lucratif…
lisme avait été débalancé par la saccha- Et en fait, c’est plutôt souhaitable, en
rine héritèrent de la même perturbation autant que des progrès puissent être réa-
de leur glycémie. À l’inverse, les souris lisés avec la collaboration rigoureuse des
ayant reçu le microbiote des sujets qui chercheurs pour offrir éventuellement
n’avaient pas été affectés par le faux des édulcorants non caloriques sans
sucre demeurèrent dans un état stable. aucun danger pour notre santé.
Cette étude révolutionnaire nous
amène à nous interroger sur une des
définitions classiques des maladies SUCRER SANS SUCRE :
métaboliques comme le diabète, celle AUTRES PISTES
qui nous fait les considérer comme
des maladies non transmissibles. Bien À ce chapitre, le stevia pourrait être
que le diabète ne soit pas une maladie prometteur. Notamment parce que la
infectieuse à proprement parler, il n’en plante de stévia, ou chanvre d’eau, est
demeure pas moins que ces travaux consommée comme édulcorant depuis
suggèrent qu’il peut se transmettre par des siècles par les Guaranis du Brésil
l’entremise de bactéries, ce qui remet en et du Paraguay, il plane autour de ce
question un dogme profondément ancré faux sucre une aura « naturelle » rassu-
dans le monde médical ! rante. Sachez cependant que, même si
Si, au terme d’études cliniques sup- une canette arbore fièrement une feuille
plémentaires, ces effets pernicieux de d’un vert vibrant évoquant ses origines
la saccharine et d’autres édulcorants végétales, ce n’est dans les faits qu’une
artificiels se confirment, il faudra que classe de molécules purifiées, les glyco-
les instances de santé réévaluent sans sides de stéviol, qui est ajoutée à titre

MEP_VeriteSucre.indb 142 2016-07-20 11:15


Les faux sucres : miracle ou mirage ? 143

d’édulcorant. On est donc loin de la même le bilan lipidique. Il faut donc lui
plante intacte. Mais si le stevia que accorder, pour le moment du moins, le
nous consommons n’est donc pas aussi bénéfice du doute.
naturel qu’on voudrait nous le laisser Beaucoup moins connus, les « sucres
croire, il semble bien que sa consom- rares » font aussi l’objet de recherches
mation ne soit pas associée à une aug- afin de trouver une relève aux faux
mentation du risque de cancer. Il y a sucres actuels. Même si, pour des rai-
bien, comme on l’a mentionné plus sons d’ordre économique, on les produit
haut, une étude qui démontre que chez en laboratoire, ce ne sont pas à propre-
le rat, le stevia occasionne une prise de ment parler des faux sucres puisqu’ils
poids plus importante que le sucre blanc, sont présents en très faibles concentra-
mais tant que le phénomène n’est pas tions dans différents aliments. Le taga-
confirmé chez l’humain, il est préma- tose, par exemple, est approuvé par la
turé de s’en alarmer. Les études tendent FDA depuis 2003 et se retrouve dans le
plutôt à démontrer des effets bénéfiques lait. Il possède un pouvoir sucrant simi-
du stevia. On a ainsi rapporté que sa laire à celui du sucre, mais il est beau-
consommation pouvait réduire la pres- coup moins calorique. Quelques essais
sion artérielle, améliorer la glycémie et cliniques limités mais prometteurs ont

MEP_VeriteSucre.indb 143 2016-07-20 11:15


144 La vérité sur le sucre

suggéré que le tagatose améliorerait la au mieux un leurre, et au pire, un


réponse glycémique des diabétiques. réel danger. À mon sens, il vaut mieux
On ne peut pas pour autant parler d’un consommer consciemment un peu de
édulcorant qui agirait comme un agent sucre ajouté que se laisser berner par
hypoglycémiant pour les diabétiques, les faux sucres. Il n’y a aucune preuve
du moins pour l’instant. Un dossier à que ceux-ci vous aideront à vous sevrer
suivre… d’une dépendance au sucre ; au contraire,
À la lumière des informations qui ils pourraient même la nourrir. Oublions
sont aujourd’hui disponibles, mon donc les faux sucres : notre santé – et
conseil général reste d’éviter les faux celle de nos lacs – ne s’en portera que
sucres, qui m’apparaissent constituer mieux !

MEP_VeriteSucre.indb 144 2016-07-20 11:15


UN GRAND LAC... SUCRÉ ?

Des chercheurs de l’Université de Wa­


terloo et d’Environnement Canada
ont découvert que des concentra-
tions élevées d’édulcorants artificiels
s’accumulent jour après jour dans le lac
Érié. Ils estiment que c’est l’équivalent
de 80 000 à 190 000 canettes de bois-
sons gazeuses diètes qui y est déversé
quotidiennement. D’où provient donc
cette marée édulcorée ? De nos toi-
lettes ! En effet, certains sucres artifi-
ciels ne se dégradent pas facilement
et ne sont pas éliminés par les usines
de traitement d’eau. Les conséquences
de cette forme de pollution sur la vie
aquatique ne sont pas encore connues,
mais les chercheurs de l’étude en ques-
tion estiment qu’elle pourrait affecter
la capacité des animaux à trouver leur
nourriture et nuire à la photosynthèse
de certaines plantes aquatiques.

MEP_VeriteSucre.indb 145 2016-07-20 11:15


MEP_VeriteSucre.indb 146 2016-07-20 11:15
VERDICT
Les lecteurs qui s’attendaient à trouver
dans ce livre un réquisitoire sans
nuances pour les convaincre de bannir
une fois pour toutes le sucre de leur vie
sont sans doute perplexes. Qu’ils se ras-
surent ! Ils ne seront pas en reste s’ils
cherchent ce type de discours à mon
sens trop simplistes. Les ouvrages de
tout acabit ne manquent pas pour nous
faire trembler à la seule vue d’un beigne,
voire d’un verre de jus d’orange ! Si cer-
tains d’entre eux sont carrément far-
felus, d’autres se fondent tout de même
sur des faits scientifiques. Pourquoi
alors certains observateurs sérieux en
arrivent-ils à trouver le sucre coupable
hors de tout doute alors qu’au terme de
ma démarche, que j’estime tout aussi
rigoureuse, je le laisse s’en tirer avec,
disons, une sentence réduite ? C’est que,
comme dans bien des grandes enquêtes,
rien n’est aussi simple que le laissent
croire les premiers indices.
Ce que m’indique mon expérience
de la science de la nutrition, c’est que

147

MEP_VeriteSucre.indb 147 2016-07-20 11:15


148 La vérité sur le sucre

pour avancer, il faut rester ouvert à qui compliquent beaucoup la vie de


l’improbable et aux contradictions, ceux qui tentent d’évaluer les quan-
mais aussi avoir une attitude pragma- tités de sucre ajouté dans les produits
tique. Il est ainsi hasardeux de pré- alimentaires.
tendre que le sucre est le grand res- Je ne peux passer sous silence la
ponsable de l’épidémie d’obésité sans lourde responsabilité de l’industrie des
considérer les types de sucres dont on boissons sucrées, qui figure certaine-
parle et leur source dans notre alimen- ment tout en haut de ma liste de cou-
tation. Ce qu’on apprend en fouillant pables multirécidivistes. Ces breuvages
la littérature scientifique sur les sucres sont certainement les premières cibles à
et l’obésité, c’est qu’on ne peut pas les écarter systématiquement de votre diète.
condamner en bloc. Si nous devions Le sucre ajouté qu’on y retrouve est le
absolument désigner un coupable dans plus sournois d’entre tous, parce qu’on
la grande famille des sucres, il faut en mésestime la quantité. C’est à nous
alors pointer du doigt les sucres raf- de prendre conscience que le grand latte
finés, notamment le sucre blanc et le sucré qui accompagne la viennoiserie
HFCS, que l’on retrouve ajoutés sous que nous nous offrons contient pro-
diverses formes dans notre alimentation, bablement autant de sucre ajouté que
et qui nous font consommer des quan- cette dernière… Et si votre café vous
tités importantes de sucres simples lar- paraît trop triste sans son morceau de
gement à notre insu. sucre, pourquoi ne pas remplacer ce der-
Bien que je n’hésite pas à déclarer nier par du miel ou du sirop d’érable ?
le sucre ajouté coupable de nombreux On a vu que ces sucres non raffinés ont
méfaits sur notre santé, je ne conclurai beaucoup d’avantages sur le sucrose ou
pas pour autant que l’éradiquer de notre le HFCS. Attention cependant de ne
alimentation soit une solution réaliste. pas tomber dans le piège qui consiste-
Savourer un dessert à l’occasion, ce rait à abuser de ces édulcorants naturels
n’est pas s’empoisonner. L’important sous prétexte qu’ils sont une meilleure
serait plutôt d’aiguiser notre conscience option ! L’excès de sucres non raffinés
des quantités que nous ingurgitons reste un excès.
au quotidien pour éviter les excès Avec ce livre, j’ai voulu faire contre-
de sucre ajouté. Il nous faut donc, en poids aux tenants des deux extrêmes :
tant que consommateurs, développer ceux qui ont la conscience élastique et
des réflexes pour mieux le débusquer qui pensent que leurs petites cannettes
dans les innombrables produits où il se ont leur place dans la boîte à lunch de
cache. À cet égard, il faut rappeler que nos enfants, mais aussi ceux qui nous
nous sommes toujours aux prises avec reprocheraient d’avoir osé y mettre
des normes d’étiquetage inadéquates un smoothie. Oui, l’abus de sucre est

MEP_VeriteSucre.indb 148 2016-07-20 11:15


VERDICT 149

mauvais, mais tout définir en termes de boissons sucrées ne sont que la pointe
grammes de sucre et de calories relève de l’iceberg.
d’un obscurantisme nutritionnel qui ne La surconsommation de sucre ajouté
mène nulle part. est le symptôme du problème beaucoup
Quelles solutions s’offrent à nous en plus large d’une alimentation trop axée
tant que société ? Devrions-nous suivre sur les produits transformés. Faire porter
l’exemple de la France et du Mexique, au sucre tout le blâme pour l’épidémie
qui ont instauré une taxe sur les bois- grandissante d’obésité et de diabète, c’est
sons sucrées ? Au Mexique, au terme de chercher un bouc émissaire à un mode
la première année d’application de cette de vie malsain. L’excès de sucre est un
taxe, la vente de boissons sucrées avait coupable, oui, mais ce n’est pas une
chuté de 6 % au profit de produits sans raison de négliger le rôle d’autres fac-
sucre. Pour encourageant que puisse teurs importants comme l’excès de gras
paraître ce résultat, je doute fort que saturés, le manque de fibres dans notre
la solution mexicaine soit une panacée. alimentation et, bien entendu, la séden-
Bien entendu, pour les raisons que tarité. Je préfère l’éducation et la promo-
j’ai énoncées, il faut faire particulière- tion de bonnes habitudes de vie à la voie
ment attention à ce qu’on boit, mais les fiscale pour induire des changements en

MEP_VeriteSucre.indb 149 2016-07-20 11:15


150 La vérité sur le sucre

profondeur. Sans compter qu’une taxe de vie ? En fait, même si je déplore la


ou un bannissement risquerait de diriger modification imparfaite et tardive des
le consommateur vers d’autres aliments étiquettes nutritionnelles par Santé
tout aussi riches en sucres simples, ce Canada, j’estime tout de même que les
qui ne résoudrait rien, ou de l’inciter à instances gouvernementales ont ici un
se déculpabiliser en optant pour la ver- rôle déterminant à jouer. Leur crédibi-
sion diète de sa boisson favorite. Or lité leur donne le pouvoir de changer
cette seconde option pourrait, selon les choses. Elles doivent cependant
plusieurs études récentes, s’avérer fort s’appliquer à donner des informations
peu souhaitable. Pour l’instant, faute simples et limpides pour rejoindre
de preuves accablantes, je ne proscri- le plus grand nombre et, surtout, ne
rais pas définitivement et pour tout le pas craindre d’imposer à l’industrie
monde l’usage des faux sucres. Je pense des règles claires, dans des délais rai-
néanmoins pouvoir dire que leurs effets sonnables. La formulation actuelle du
sur notre organisme et nos habitudes pourcentage des valeurs quotidiennes
alimentaires sont clairement sujets à par ration est d’une complexité décon-
caution. certante, même pour le consommateur
Mais comment donc mieux ensei- averti et soucieux d’améliorer son ali-
gner et promouvoir de saines habitudes mentation. Pourquoi, par exemple, ne

MEP_VeriteSucre.indb 150 2016-07-20 11:15


VERDICT 151

pas emboîter le pas aux pays de plus en industriels, pourraient bientôt être incri-
plus nombreux qui imposent un code minés dans l’implacable progression de
de couleurs sur l’emballage des produits, l’obésité et des maladies associées. Et
indiquant un contenu faible, raisonnable c’est sans compter qu’en plus de la
ou élevé en sucre ajouté ? sédentarité, d’autres aspects du mode
On a vu par ailleurs que l’OMS de vie moderne comme la pollution, le
affirme que nous aurions tous avan- manque de sommeil ou la prescription
tage à réduire à 5 % de notre apport inappropriée d’antibiotiques sont aussi
calorique total celui qui provient des pointés du doigt. La santé est un combat
sucres libres, dans une définition qui qu’on doit mener sur plusieurs fronts,
inclut, rappelons-le, les sucres ajoutés, durant toute notre vie.
mais aussi ceux que contiennent les jus Les méthodes absolutistes et sim-
de fruits purs. Cette proportion repré- plistes (pas de ceci, seulement cela,
sente quotidiennement environ 25 g de toujours) ne sont pas la solution. Pour
sucre. Sachant qu’une demi-tasse de nous aider à faire le tri dans l’avalanche
jus de pruneau en contient 24 g, com- actuelle d’informations controversées, et
ment penser que cette recommandation souvent peu documentées, sur le sucre,
pourrait être suivie par la majorité de il faut encourager les professionnels de
la population ? Le danger des conseils la santé et les chercheurs experts en
irréalistes, c’est qu’au final, ils font en nutrition à transmettre leurs connais-
sorte que les gens se découragent et se sances. C’est ainsi que l’on donnera au
désintéressent du problème. public les outils nécessaires pour mieux
Gardons aussi en tête que d’autres évaluer sa consommation réelle de sucre,
éléments de notre alimentation, tels et particulièrement de sucres ajoutés,
que les colorants, émulsifiants et autres ainsi que les risques qui y sont associés.
additifs que nous consommons dans J’espère humblement que cet ouvrage a
de nombreux produits alimentaires pu y contribuer.

MEP_VeriteSucre.indb 151 2016-07-20 11:15


MEP_VeriteSucre.indb 152 2016-07-20 11:15
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

Chapitre 1 Mintz, Sidney W., Sweetness and Power : The


Baldwin, M. W., Y. Toda, T. Nakagita et al., Place of Sugar in Modern History, New York,
« Evolution of sweet taste perception in Viking-Penguin, 1985.
hummingbirds by transformation of the
ancestral umami receptor », Science, vol. 345, Chapitre 2
nº 6199, 2014, p. 929-33. Colditz, G. A., J. Santander, R. Torres et al.,
Blum, K., P. K. Thanos et M. S. Gold, « Dopa- « Weight gain as a risk factor for clinical dia-
mine and glucose, obesity, and reward defi- betes mellitus in women », Ann. Intern. Med.,
ciency syndrome », Front. Psychol., vol. 5, vol. 122, nº 7, 1995, p. 481-86.
2014, p. 919. Grundy, S. M., « Metabolic syndrome update »,
Li, X., W. Li, H. Wang et al., « Cats lack a sweet Trends Cardiovasc. Med., 2015.
taste receptor », J. Nutr., vol. 136 (Suppl 7), Jacobsen, M. U. et al., Epidemiol. rev., vol. 24,
2006, p. 1932s-34s. 2007, p. 77-87.
Memon, M. Q. et A. Kumar, « The fructose Lustig, R. H., L. A. Schmidt et C. D. Brindis,
mystery : how bad or good is it ? », Pak. J. « Public health : The toxic truth about sugar »,
Pharm. Sci., vol. 26, nº 6, 2013, p. 1241-45. Nature, vol. 482, nº 7383, 2012, p. 27-9.
Ventura, T., J. Santander, R. Torres et al., Malik, S., N. D. Wong, S. S. Franklin et al.,
« Neurobiologic basis of craving for carbo- « Impact of the metabolic syndrome on mor-
hydrates », Nutrition, vol. 30, nº 3, 2014, tality from coronary heart disease, cardio-
p. 252-56. vascular disease, and all causes in United
Wada-Katsumata, A., J. Silverman et C. Schal, States adults », Circulation, vol. 110, nº 10,
« Changes in taste neurons support the emer- 2004, p. 1245-50.
gence of an adaptive behavior in cockroaches », Perreault, M. et A. Marette, « Targeted disrup-
Science, vol. 340, nº 6135, 2013, p. 972-75. tion of inducible nitric oxide synthase pro-
tects against obesity-linked insulin resistance

MEP_VeriteSucre.indb 153 2016-07-20 11:15


154 La vérité sur le sucre

in muscle », Nat. Med., vol. 7, nº 10, 2001, insights of ancient mammalian uricases », Proc.
p. 1138-43. Natl. Acad. Sci. USA, vol. 111, nº 10, 2014,
Shaw, J. E., R. A. Sicree et P. Z. Zimmet, p. 3763-68.
« Global estimates of the prevalence of dia- Lim, J. S., M. Mietus-Snyder, A. Valente et al.,
betes for 2010 and 2030 », Diabetes Res. Clin. « The role of fructose in the pathogenesis of
Pract., vol. 87, nº 1, 2010, p. 4-14. NAFLD and the metabolic syndrome », Nat.
Tchernof, A. et J.-P. Després, « Pathophysiology Rev. Gastroenterol Hepatol., vol. 7, nº 5, 2010,
of human visceral obesity : an update », Physiol. p. 251-64.
Rev., vol. 93, nº 1, 2013, p. 359-404. Marshall, R. O. et E. R. Kooi, « Enzymatic con-
Woo Baidal, J. A. et J. E. Lavine, « The inter- version of D-glucose to D-fructose », Science,
section of nonalcoholic fatty liver disease vol. 125, nº 3249, 1957, p. 648-49.
and obesity », Sci. Transl. Med., vol. 8, nº 323, Ruff, J. S., S. A. Hugentobler, A. K. Suchy et
2016, p. 323rv1. al., « Compared to sucrose, previous con-
sumption of fructose and glucose monosac-
Chapitre 3 charides reduces survival and fitness of female
Arai, C., M. Miyake, Y. Matsumoto et al., « Tre- mice », J. Nutr., vol. 145, nº 3, 2015, p. 434-41.
halose prevents adipocyte hypertrophy and Sanchez-Lozada, L. G., W. Mu, C. Roncal et al.,
mitigates insulin resistance in mice with « Comparison of free fructose and glucose to
established obesity », J. Nutr. Sci. Vitaminol. sucrose in the ability to cause fatty liver », Eur.
(Tokyo), vol. 59, nº 5, 2013, p. 393-401. J. Nutr., vol. 49, nº 1, 2010, p. 1-9.
Du, J., Y. Liang, F. Xu et al., « Trehalose res- Soenen, S. et M. S. Westerterp-Plantenga, « No
cues Alzheimer’s disease phenotypes in APP/ differences in satiety or energy intake after
PS1 transgenic mice », J. Pharm. Pharmacol., high-fructose corn syrup, sucrose, or milk pre-
vol. 65, nº 12, 2013, p. 1753-56. loads », Am. J. Clin. Nutr., vol. 86, nº 6, 2007,
Keenan, M. J., J. Zhou, M. Hegsted et al., « Role p. 1586-94.
of resistant starch in improving gut health, Stanhope, K. L. et P. J. Havel, « Fructose con-
adiposity, and insulin resistance », Adv. Nutr., sumption : recent results and their potential
vol. 6, nº 2, 2015, p. 198-205. implications », Ann. NY Acad. Sci., vol. 1190,
Langlois, K. et D. Garriguet, « Sugar consump- 2010, p. 15-24.
tion among Canadians of all ages », Health Tappy, L. et K. A. Le, « Metabolic effects of
Rep., 2011, vol. 22, nº 3, p. 23-27. fructose and the worldwide increase in
Van Buul, V. J., L. Tappy et F. J. Brouns, « Mis- obesity », Physiol. Rev., vol. 90, nº 1, 2010,
conceptions about fructose-containing sugars p. 23-46.
and their role in the obesity epidemic », Nutr. Tappy, L. et K. A. Le, « Does fructose consump-
Res. Rev., 27, nº 1, 2014, p. 119-30. tion contribute to non-alcoholic fatty liver
disease ? », Clin. Res. Hepatol. Gastroenterol.,
Chapitre 4 vol. 36, nº 6, 2012, p. 554-60.
Bravo, S., J. Lowndes, S. Sinnett et al., « Con- Yu, Z., J. Lowndes et J. Rippe, « High-fructose
sumption of sucrose and high-fructose corn corn syrup and sucrose have equivalent
syrup does not increase liver fat or ectopic effects on energy-regulating hormones at
fat deposition in muscles », Appl. Physiol. Nutr. normal human consumption levels », Nutr.
Metab., vol. 38, nº 6, 2013, p. 681-88. Res., vol. 33, nº 12, 2013, p. 1043-52.
Goran, M. I., K. Dumke, S. G. Bouret et al.,
« The obesogenic effect of high fructose Chapitre 5
exposure during early development », Nat. Bray, G. A. et B. M. Popkin, « Calorie-
Rev. Endocrinol., vol. 9, nº 8, 2013, p. 494-500. sweetened beverages and fructose : what
Kratzer, J. T., M. A. Lanaspa, M. N Murphy have we learned 10 years later », Pediatr. Obes.,
et al., « Evolutionary history and metabolic vol. 8, nº 4, 2013, p. 242-48.

MEP_VeriteSucre.indb 154 2016-07-20 11:15


BIBLIOGRAPHIE  155

Bray, G. A. et B. M. Popkin, « Dietary sugar and beverages and body weight : correlates of
body weight : have we reached a crisis in the their quality and conclusions », Am. J. Clin.
epidemic of obesity and diabetes ? Health be Nutr., vol. 99, nº 5, 2014, p. 1096-104.
damned ! Pour on the sugar », Diabetes Care., Mattei, J., V. Malik, F. B. Hu et al., « Substituting
vol. 37, nº 4, 2014, p. 950-56. homemade fruit juice for sugar-sweetened
Bremer, A. A. et R. H. Lustig, « Effects of sugar- beverages is associated with lower odds of
sweetened beverages on children », Pediatr. metabolic syndrome among Hispanic adults »,
Ann., vol. 41, nº 1, 2012, p. 26-30. J. Nutr., vol. 142, nº 6, 2012, p. 1081-87.
Dolton, M. J., B. D. Roufogalis et A. J. Mozaffarian, D., « Dietary and policy priori­
McLachlan, « Fruit juices as perpetrators of ties for cardiovascular disease, diabetes, and
drug interactions : the role of organic anion- obesity : A comprehensive review », Circula-
transporting polypeptides », Clin. Pharmacol. tion, vol. 133, 2016, p. 187-225.
Ther., vol. 92, nº 5, 2012, p. 622-30. Rippe, J. M., « The metabolic and endocrine
Duffey, K. J. et B. M. Popkin, « Shifts in pat- response and health implications of con-
terns and consumption of beverages between suming sugar-sweetened beverages : findings
1965 and 2002 », Obesity, vol. 15, nº 11, 2007, from recent randomized controlled trials »,
p. 2739-47. Adv. Nutr., vol. 4, nº 6, p. 677-86.
Flood-Obbagy, J. E. et B. J. Rolls, « The effect Rippe, J. M. et T. J. Angelopoulos, « Sucrose,
of fruit in different forms on energy intake high-fructose corn syrup, and fructose, their
and satiety at a meal », Appetite, vol. 52, nº 2, metabolism and potential health effects :
2009, p. 416-22. What do we really know ? », Adv. Nutr., vol. 4,
Hu, F. B., « Resolved : there is sufficient scien- nº 2, 2013, p. 236-45.
tific evidence that decreasing sugar-sweetened Singh, G. M. et al., « Estimated global, regional,
beverage consumption will reduce the preva- and national disease burdens related to sugar-
lence of obesity and obesity-related diseases », sweetened beverage consumption in 2010 »,
Obes. Rev., vol. 14, nº 8, 2013, p. 606-19. Circulation, vol. 132, nº 8, 2015, p. 639-66.
Hyson, D. A., « A review and critical analysis of Welsh, J. A., A. J., Sharma, L. Grellinger et al.,
the scientific literature related to 100 % fruit « Consumption of added sugars is decreasing
juice and human health », Adv. Nutr., vol. 6, in the United States », Am. J. Clin. Nutr.,
nº 1, 2015, p. 37-51. vol. 94, nº 3, 2011, p. 726-34.
Kahn, R. et J. L. Sievenpiper, « Dietary sugar
and body weight : have we reached a crisis Chapitre 6
in the epidemic of obesity and diabetes ? We Corrales Escobosa, A. R., A. Gomez Ojeda, K.
have, but the pox on sugar is overwrought Wrobel et al., « Methylglyoxal is associated
and overworked », Diabetes Care, vol. 37, nº 4, with bacteriostatic activity of high fructose
2014, p. 957-62. agave syrups », Food Chem., vol. 165, 2014,
Malik, V. S., A. Pan, W. C. Willett et al., « Sugar- p. 444-50.
sweetened beverages and weight gain in chil- Erejuwa, O. O., S. A. Sulaiman et M. S. Wahab,
dren and adults : a systematic review and « Oligosaccharides might contribute to the
meta-analysis », Am. J. Clin. Nutr., vol. 98, antidiabetic effect of honey : a review of the
nº 4, 2013, p. 1084-1102. literature », Molecules, vol. 17, nº 1, 2011,
Malik, V. S., B. M. Popkin, G. A. Bray et al., p. 248-66.
« Sugar-sweetened beverages and risk of Erejuwa, O. O., S. A. Sulaiman et M. S. Wahab,
­metabolic syndrome and type 2 diabetes : a « Honey – a novel antidiabetic agent », Int. J.
meta-analysis », Diabetes Care, vol. 33, nº 11, Biol. Sci., vol. 8, nº 6, 2012, p. 913-34.
2010, p. 2477-83. Ezz El-Arab, A. M., S. M. Girgis, E. M. Hegazy
Massougbodji, J., Y. Le Bodo, R. Fratu et et al., « Effect of dietary honey on intestinal
al., « Reviews examining sugar-sweetened microflora and toxicity of mycotoxins in

MEP_VeriteSucre.indb 155 2016-07-20 11:15


156 La vérité sur le sucre

mice », BMC Complement Altern. Med., vol. 6, metabolic responses in healthy rats », Journal
2006, p. 6. of Functional Foods, vol. 11, 2014, p. 460-471.
Figlewicz, D. P., G. Ioannou, J. Bennett Jay Watanabe, Y., A. Kamei, F. Shinozaki et al.,
et al., « Effect of moderate intake of sweet- « Ingested maple syrup evokes a possible liver-
eners on metabolic health in the rat », Physiol. protecting effect-physiologic and genomic
Behav., vol. 98, nº 5, 2009, p. 618-24. investigations with rats », Biosci. Biotechnol.
Genta, S., W. Cabrera, N. Habib et al., « Yacon Biochem., vol. 75, nº 12, 2011, p. 2408-10.
syrup : beneficial effects on obesity and Wheeler, M. M. et G. E. Robinson, « Diet-
insulin resistance in humans », Clin. Nutr., dependent gene expression in honey bees :
vol. 28, nº 2, 2009, p. 182-87. Honey vs. sucrose or high fructose corn
Hooshmand, S., B. Holloway, T. Nemoseck et syrup », Sci. Rep., vol. 4, 2014, p. 5726.
al., « Effects of agave nectar versus sucrose on Yamamoto, T., K. Uemura, K. Moriyama et al.,
weight gain, adiposity, blood glucose, insulin, « Inhibitory effect of maple syrup on the cell
and lipid responses in mice », J. Med. Food, growth and invasion of human colorectal
vol. 17, nº 9, 2014, p. 1017-21. cancer cells », Oncol. Rep. 33, nº 4, 2015,
Maisuria, V. B., Z. Hosseinidoust et N. Tufenkji, p. 1579-84.
« Polyphenolic extract from maple syrup
potentiates antibiotic susceptibility and Chapitre 7
reduces biofilm formation of pathogenic bac- Espinosa, I. et L. Fogelfeld, « Tagatose : from
teria », Appl. Environ. Microbiol., vol. 81, nº 11, a sweetener to a new diabetic medication ? »,
2015, p. 3782-92. Expert Opin. Investig. Drugs., vol. 19, nº 2,
McLoone, P., M. Warnock et L. Fyfe, « Honey : 2010, p. 285-94.
A realistic antimicrobial for disorders of the Fagherazzi, G., A.Vilier, D. Saes Sartorelli et
skin », J. Microbiol. Immunol. Infect., vol. 49, al., « Consumption of artificially and sugar-
nº 2, 2015, p. 161-67. sweetened beverages and incident type
Nagai, N., T. Yamamoto, W. Tanabe et al., 2 diabetes in the Etude Epidemiologique
« Changes in plasma glucose in Otsuka auprès des femmes de la Mutuelle Générale
Long-Evans Tokushima Fatty rats after oral de l’Education Nationale – European Pro-
admi­nistration of maple syrup », J. Oleo. Sci., spective Investigation into Cancer and Nutri-
vol. 64, nº 3, 2015, p. 331-35. tion cohort », Am. J. Clin. Nutr., vol. 97, nº 3,
Olofsson, T. C., E. Butler, P. Markowicz et al., 2013, p. 517-23.
« Lactic acid bacterial symbionts in honey- Gardner, C., « Non-nutritive sweeteners : evi-
bees – an unknown key to honey’s anti- dence for benefit vs. risk », Curr. Opin. Li­pidol.,
microbial and therapeutic activities », Int. vol. 25, nº 1, 2014, p. 80-84.
Wound J., 2014. Mattes, Richard D. et Barry M. Popkin, « Non-
Pericherla, K., A. N. Shirazi, V. K. Rao et al., nutritive sweetener consumption in humans:
« Synthesis and antiproliferative activities of effects on appetite and food intake and their
quebecol and its analogs », Bioorg. Med. Chem. putative mechanisms », Am. J. Clin. Nutr.,
Lett., vol. 23, nº 19, 2013, p. 5329-31. vol. 89, nº 1, 2009, p. 1–14.
Shamala, T. R., Y. Shri Jyothi et P. Saibaba, Mohd-Radzman, N. H., W. I. Ismail, Z. Adam
« Stimulatory effect of honey on multipli- et al., « Potential roles of Stevia rebaudiana
cation of lactic acid bacteria under in vitro Bertoni in abrogating insulin resistance and
and in vivo conditions », Lett. Appl. Microbiol., diabetes : A review », Evid.-Based Complement
vol. 30, nº 6, 2000, p. 453-55. Alternat. Med., art. 718049, 2013.
St-Pierre, P., G. Pilon, V. Dumais et al., « Com- Soffritti, M., F. Belpoggi, D. Degli Esposti
parative analysis of maple syrup to other et al., « First experimental demonstration
na­tural sweeteners and evaluation of their of the multipotential carcinogenic effects
of aspartame administered in the feed to

MEP_VeriteSucre.indb 156 2016-07-20 11:15


BIBLIOGRAPHIE   157

Sprague-Dawley rats », Environ. Health Per- microbiome : findings and challenges », Gut
spect., vol. 114, nº 3, 2006, p. 379-85. Microbes, vol. 6, nº 2, 2015, p. 149-55.
Soffritti, M., F. Belpoggi, M. Manservigi et al., Swithers, S. E., « Artificial sweeteners pro-
« Aspartame administered in feed, beginning duce the counterintuitive effect of inducing
prenatally through life span, induces cancers metabolic derangements », Trends Endocrinol.
of the liver and lung in male Swiss mice », Am. Metab., vol. 24, nº 9, 2013, p. 431-41.
J. Ind. Med., vol. 53, nº 12, 2010, p. 1197-206 . Swithers, S. E., A. A. Martin et T. L. Davidson,
Soffritti, M., M. Padovani, E. Tibaldi et al., « High-intensity sweeteners and energy
« The carcinogenic effects of aspartame : The ba­lance », Physiol. Behav., vol. 100, nº 1, 2010,
urgent need for regulatory re-evaluation », p. 55-62.
Am. J. Ind. Med., vol. 57, nº 4, 2014, p. 383-97. Swithers, S. E., A. A. Martin et T. L. Davidson,
Suez, J., T. Korem, D. Zeevi et al., « Artificial « Adverse effects of high-intensity sweet-
sweeteners induce glucose intolerance by eners on energy intake and weight control in
altering the gut microbiota », Nature, vol. 514, male and obesity-prone female rats », Behav.
nº 7521, 2014, p. 181-86. Neurosci., vol. 127, nº 2, 2013, p. 262-74.
Suez, J., T. Korem, G. Zilberman-Schapira et
al., « Non-caloric artificial sweeteners and the

CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES

Michel Rouleau Shutterstock


14, 16, 38, 39, 41, 64, 70, 78, 119 C1 : 2creative ; 9 : Multihobbit ; 12 : Elena
Kalistratova ; 15 : Carolina K. Smith MD ;
Getty Images 17 : Martin Mecnarowski ; 18 : Barnaby
7 : Muriel de Seze/DigitalVision ; 20 : Tuul and Chambers ; 21 : annalisa e marina durante ;
Bruno Morandi/Photonica World ; 23 : Melanie 22 : Everett Historical ; 28 : Billion Photos ;
Stetson Freeman/Christian Science Monitor ; 33 : Image Point Fr ; 35 : design36 ; 37 : OM ;
26 : Deanna Wrubleski/Moment ; 30 : Zena 42 : ChiccoDo-diFC ; 43 : Air Images ; 45 : Esin
Holloway ; 32 : Universal Images Group ; 49 : Deniz ; 46 : christina_pauchi ; 48 : Marcos Mesa
Monty Rakusen/Cultura ; 56 : Spencer Platt Sam Wordley ; 51 : studiovin ; 52 : Niloo ; 53,
/ Getty Images News ; 65 : Gallo Images / 55 : sripfoto ; 59 : jordache ; 60 : Gorgev ; 62 :
Stringer ; 66 : Science Picture Co ; 68 : Evan PR Image Factory ; 71 : Andrey Armyagov ;
Lorne ; 76, 79 : Bloomberg ; 86 : Jay Paull / 73 : Samuel Borges Photography ; 75 : focal
Archive Photos ; 91 : Yuri Cortez / AFP ; 93 : point ; 77 : PR Image Factory ; 77 : Mega
Frederic J. Brown / AFP ; 95 : Bloomberg ; Pixel ; 80 : Barnaby Chambers ; 83 : Niloo ; 84 :
109 : jamesbenet/E+ ; 123, 141 : Steve Billion Photos ; 87 : Monkey Business Images ;
Gschmeissner/Science Photo Library ; 124 : 92 : Phovoir ; 94 : Lukas Gojda ; 96 : Evgeny
David McGlynn/Photographer’s Choice RF ; Karandaev ; 99 : Sergiy Zavgorodny ; 101 : Antti
129 : Fritz Goro/The LIFE Picture Collection ; Pulkkinen ; 103 : Olha Afanasieva ; 104 : Jeff
132 : Mondadori Portfolio ; 135 : Bloomberg ; Baumgart ; 106 : FikMik ; 110 : Natasha Breen ;
138 : Zero Creatives/Cultura ; 146 : DNY59/ 112 : Sarah2 ; 113 : Margaret M Stewart ; 115 :
E+ ; 150 : Kathleen Finlay/Image Source Lurin ; 116 : Wade Vaillancourt ; 120 : blueeyes ;
127 : Happy Stock Photo ; 130 : Jason and
Wikipédia Commons Bonnie Grower ; 136 : David P. Smith ; 143 :
25 : Wikipedia/Hamster62 Anneka ; 145 : Henryk Sadura ; 149 : Tatyana
Aksenova

MEP_VeriteSucre.indb 157 2016-07-20 11:15


TABLE DES
MATIÈRES

PRÉFACE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

AVANT-PROPOS .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Chapitre 1 - L’ODYSSÉE DU SUCRE ............................................... 13

À la recherche du sucre .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
La ruée vers l’or blanc .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Un monde fou du sucre .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Le sucre est-il une drogue ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

Chapitre 2 - OBÉSITÉ ET DIABÈTE : LE PRIX À PAYER .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31


Le diabète, maladie du système immunitaire ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Le foie gras : les ravages invisibles de l’excès de sucre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

MEP_VeriteSucre.indb 158 2016-07-20 11:15


Chapitre 3 - LE SUCRE AJOUTÉ, ENNEMI PUBLIC NUMÉRO 1 ................. 47

La grande famille des glucides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48


Sucre ajouté, sucre caché ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Le lien entre le sucre ajouté et l’obésité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

Chapitre 4 - LE FRUCTOSE : LE CAS COMPLEXE


D’UN SUCRE SIMPLE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

Un sucre dans une classe à part . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63


Fructose et appétit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
Le HFCS : l’apogée du fructose .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
HFCS et sucrose : bonnet blanc, blanc bonnet ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

Chapitre 5 - DE DANGEREUX BONBONS LIQUIDES ......................... 85


Pour ou contre les jus de fruits ? .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
Au-delà du contenu en sucres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

Chapitre 6 - LES SUCRES NATURELS NON RAFFINÉS ...................... 105

Partir en lune de miel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106


Le microbiote : quelques milliards d’amis… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Les bonnes bactéries raffolent du miel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
Les secrets du sirop d’érable .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
L’intriguant sirop d’agave . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

Chapitre 7 - LES FAUX SUCRES : MIRACLE OU MIRAGE ? . ............... 125

Mé ance, mé ance... .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127


Faux sucres, fausses promesses .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Quand les faux sucres embrouillent notre microbiome .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Sucrer sans sucre : autres pistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

VERDICT .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

159

MEP_VeriteSucre.indb 159 2016-07-20 11:15


Cet ouvrage composé en Berling LT corps 10.5 a été achevé d’imprimer au Québec
sur les presses de Transcontinental le vingt-trois août deux mille seize
pour le compte de VLB éditeur.

MEP_VeriteSucre.indb 160 2016-07-20 11:15

Vous aimerez peut-être aussi