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978-2-10-076398-6

Aide-mémoire du WISC V

Table des matières

Introduction 1

Table des matières


PREMIÈRE PARTIE

LES FONDEMENTS

1 Pourquoi des tests ? 10


Les tests, outils du psychologue mais pas de tous les psychologues 10
Les tests et la testologie 11
L’intérêt pour la personne au centre de l’examen 13
Livrer des informations utiles à la personne 14
Qui demande l’examen psychologique de l’enfant ? 15
Ce qui en est attendu 17
Ce qui distingue l’examen psychologique de l’enfant 18
Pourquoi l’examen de l’enfant à l’âge de la scolarité primaire 19
L’examen en vue d’orientation, 20 • L’examen en vue de la définition d’une
aide, pédagogique ou thérapeutique, 21
L’évaluation de l’efficience intellectuelle 23

2 Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ? 27


Introduction 27
Ambivalence de la demande initiale 29

III
Aide-mémoire du WISC V

Binet, les tests psychologiques au service de l’école 31


Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle, premier épisode, 31
Terman, des tests qui isolent l’individu du groupe 34
Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle, deuxième
épisode, 34
Conclusion 36

3 Le WISC, une échelle composite 38


Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle, troisième épisode 38

4 Âge mental et QI (Quotient intellectuel) 45


Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle, quatrième épisode 45
L’âge mental, 45 • Le Quotient Intellectuel, 46 • Le décilage, 47 • Le QI
Wechsler, 47 • Utiliser intelligemment les tests d’intelligence, 50

5 Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence 54


Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle, cinquième épisode 54
Table des matières

Le retard mental selon les dernières classifications de l’American


Psychiatric Association 56
Le retard mental selon les classifications française et internationale 61
Un accord relatif entre CFTMEA R-2012 et CIM 10, 61 • Au-delà de l’accord
relatif sur la définition et la prévalence, les divergences, 64 • Question
centrale sur la relation entre retard mental et psychose, 65 • L’identification
du trouble, 66

6 Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique 68


Introduction 68
Harmonie/Dysharmonie 70
Le devenir du Retard mental 74
Conclusion 76

IV
Aide-mémoire du WISC V

DEUXIÈME PARTIE

THÉORIE DU WISC V

7 La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle 80


Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle, sixième épisode 80
Résumé des épisodes précédents, 80
Les critiques de la distribution normale 81
L’intelligence et sa mesure selon la théorie factorielle 82
Les tests improprement appelés « de facteur G », 82 • Les tests issus de la
méthode multi-factorielle, 84

8 Sur la théorie CHC 87


Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle, septième épisode 87
CHC, de quoi s’agit-il ? 90
La théorie Cattell-Horn ou Gf-Gc 91
La théorie hiérarchique à trois niveaux de Carroll 93

Table des matières


Le consensus et les divergences 93
Divergence à propos d’un facteur unitaire « G » 94
Divergences sur la place des aptitudes scolaires dans la hiérarchie
des aptitudes 95
Divergences quant aux aptitudes selon les âges 97
La théorie CHC actuelle 99
L’évaluation par croisement des batteries (cross battery assessment) 100
Le développement des tests sous l’impact de la théorie CHC 104
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Rappel nécessaire sur les tests « Culture fair » 107


Qu’en est-il des différences culturelles ? 109

9 La théorie des aptitudes et le développement des fonctions psychologiques


supérieures 113
La CHC et le développement des fonctions psychologiques supérieures 113
La CHC et l’enseignement/apprentissage 118
Gf anticipe l’accroissement des connaissances 121

10 Le WISC-V et les critères CHC 123


WISC III et CHC 123
WISC-IV et CHC 124

V
Aide-mémoire du WISC V

WISC-V et CHC 126


Conclusion 132

TROISIÈME PARTIE

LES INDICES PRINCIPAUX DU WISC-V ET LEURS 10 ÉPREUVES

11 L’indice Compréhension Verbale 139


Limitation quant à ce qui est évalué 139
Limitation en nombre des épreuves d’efficience verbale 140
Retour aux épreuves 141
Similitudes 141
Ce que l’on évalue avec l’épreuve, 142 • Ce que nous enseigne l’histoire du
test, 143 • Apports historiques et récents sur le développement des aptitudes
catégorielles, 145
Vocabulaire 148
Table des matières

Ce que l’on évalue avec l’épreuve, 148 • L’âge de l’enfant et ses niveaux de
réponse dans « Vocabulaire », 151 • Apports de l’épreuve de Vocabulaire à la
clinique des troubles d’apprentissage, 153

12 L’indice Visuospatial 155


Présentation 155
Le développement de l’organisation spatiale 157
La latéralisation usuelle, cause ou conséquence des progrès dans
l’organisation spatiale, 158 • La culture alphabétique dans l’organisation de
l’espace, 159 • Le schéma corporel, 161
Sur les troubles de l’organisation spatiale 163
Des troubles praxiques dans la dysharmonie évolutive, 166
Les Cubes 168
Avant l’épreuve, ce que nous en connaissons, 168 • Le matériel et la
consigne, 169 • Ce que l’on peut y voir, 171
Puzzles visuels 174
Avant l’épreuve, ce que nous connaissons de l’épreuve, 174 • Le matériel et
la consigne, 174
Le processus de réponse 175
Ce que l’on peut y voir, 176

VI
Aide-mémoire du WISC V

13 L’indice Raisonnement Fluide 179


Présentation 179
Matrices 181
Avant l’épreuve, ce que nous en connaissons, 181 • Le matériel et la
consigne, 182 • Le processus de réponse, 183 • Ce que l’on peut y voir, 186
Balances 190
Avant l’épreuve, ce que nous en connaissons, 190 • Le matériel et la
consigne, 190 • Le processus de réponse, 190 • Le processus
d’apprentissage en cours d’épreuve, 193

14 L’indice Mémoire de Travail 195


Présentation 195
Mémoire immédiate de chiffres 197
Vers une activité de représentation consciente, 198 • L’attitude mobilisatrice
des examinateurs, 200
Mémoire des images 204

Table des matières


Apports à la clinique des troubles d’apprentissage, 209

15 L’indice Vitesse de Traitement 212


Présentation 212
Code 214
L’attention et la mémoire, 216 • Comportement psychomoteur, 217 • À
propos du désir de réussir, 218
Symboles 218
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QUATRIÈME PARTIE

OBSERVATIONS AVEC LE WISC-V

16 Pour un compte rendu partant de la séquence des 10 épreuves 222

17 Martha, 9 ans et demi 226


La fillette 227
Observation selon la séquence des dix épreuves 228

VII
Aide-mémoire du WISC V

Les étapes dans le processus de la rencontre et de l’observation 232


Moment difficile, le début du test, 232 • Mémoire des chiffres : attention et
mémoire mobilisées, 232 • Puzzles visuels, rupture et brouillage, 233 •

Mémoire des images, remise en ordre après le brouillage, 234


Premiers constats 234
Amélioration avec le temps de la qualité de présence de Martha, 234 •

Malaise relatif dans les épreuves verbales, 234 • Sur l’hypothèse TDA/H, 235
• Sur le besoin d’étayage propre à l’enfance, 236 • Sur la discontinuité
dans les niveaux de mobilisation, 236
Résultats et analyses 237
Traits majeurs, 237
L’indice VisuoSpatial 239
L’évitement dans les Cubes, 239 • Revenir sur un palier inférieur, 240 •

Nouvelle difficulté, la disparition des axes organisateurs, 240 • Confirmation


d’une problématique : organisation de l’espace de représentation graphique
dans les Puzzles, 240 • Une recherche d’étayage qui touche son but, 241
Table des matières

L’indice Raisonnement fluide 241


L’indice Compréhension verbale 242
Ce qui réunit les épreuves de compréhension verbale, 243 • Trouble de
l’attention ou fluctuation dans les niveaux de réponse verbale, 245
L’indice Mémoire de travail 245
L’indice Vitesse de traitement 247
Synthèse de l’observation sur les signes d’inattention 248
Le refus d’attention par le refus de porter le regard sur ce qui est montré, 249
• Le refus de porter l’attention nécessaire à l’accomplissement d’une
tâche, 249 • L’attention focalisée en vue du rappel, 250 • L’attention au
sens de la vigilance, 250
Conclusion 251

18 Yan, 9 ans et demi 253


Présentation 253
Histoire de la rencontre 255
Les moments 257
Premier changement dans la manière, 257 • La seconde manière, 257 •

Une seconde rupture, 257 • Le temps pour soi, 258 • Un engagement de


bon aloi dans toute la deuxième partie, 258

VIII
Aide-mémoire du WISC V

Résultats dans le WISC-V 258


L’indice Compréhension verbale, 260 • L’indice VisuoSpatial, 260 • L’indice
Raisonnement fluide, 261 • L’indice Mémoire de travail, 262 • L’indice
Vitesse de Traitement, 264
Conclusion 265
Efficience moyenne forte mais hétérogène au sein d’un même indice, d’une
même épreuve, 265 • Attitude d’attente – plus que dépendance – à l’égard
de l’adulte, 266

Bibliographie 269

Table des matières

IX
Aide-mémoire du WISC V

Introduction

EWISC V EST publié fin 2016 dans sa version française. Son nom
L l’indique, il est – dans sa nouvelle version – en continuité avec la
quatrième, qui, elle-même...
Dès lors, pourquoi le WISC V ?
Les batteries de test de Wechsler sont les plus utilisées au monde depuis
la première créée (Wechsler Intelligence Scale for Children, 1949 aux USA,

Introduction
1957 en France). Elles sont aussi les plus utilisées en France, et cela
n’a pas changé depuis des décennies. En conséquence, une nouvelle
édition est déjà un événement. Les attentes quant à cet événement sont
contradictoires : il doit être d’importance, donc susceptible de bousculer
les habitudes, voire la routine des psychologues. Mais il doit aussi le
faire en assurant qu’il s’inscrit dans la continuité.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cette cinquième édition constitue maintenant, selon l’usage assuré,


un événement à part entière. Nous savons qu’il ne saurait s’agir d’un
nettoyage de surface, à l’occasion d’un simple réétalonnage. Il y aura,
nous l’attendons, une mise en questions de toutes les conceptions qui
auraient pu être considérées comme définitives : que mesure-t-on avec
cette échelle ? Qu’est-ce qui en fonde la légitimité ? Comment peut-elle
aider et accompagner l’enfant qui rencontre des difficultés à apprendre ?
La réponse à ces questions aura des conséquences multiples. Du côté
de la concurrence affirmée par d’autres auteurs de tests, l’ambition est
d’apporter des éléments de compréhension, et in fine de remédiation
par lesquels saisir la réalité des enfants qui mettent l’enseignement en
échec.

1
Aide-mémoire du WISC V

Ce souci est explicite depuis la première révision du WISC, sous le


titre WISC-R, et sous le contrôle de Kaufman1 . L’identification d’un
facteur Freedom from distractibiliy comme troisième facteur expliquant
la dispersion n’avait pas d’autre sens que celui-là. Elle a fait long feu,
mais le souci d’une explicitation des difficultés d’apprentissage n’a cessé
de se confirmer par la suite, chez les concurrents comme chez ceux qui
concourent aux rééditions du WISC. Il est légitime de penser qu’avec la
dernière édition du WISC sous la version V, un pas consistant aura été
réalisé dans cette direction.
Si l’on considère leur succession, deux éditions n’ont jamais paru aussi
proches dans le temps, mais c’était déjà l’impression laissée par le
WISC-IV (2005), comparé à son prédécesseur le WISC III (1996 en
France). Qu’est-ce qui justifie la hâte à réformer ?
Parmi les motifs au changement, et dans l’ordre croissant d’importance :
• Le premier motif à réformer est le rajeunissement nécessaire du
matériel. L’étalonnage lui-même vieillit rapidement. Nous savons que
les populations réussissent parfois mieux certaines épreuves classiques
(tels les tests improprement dits de « facteur G » de génération en
Introduction

génération. Beaucoup, pour mettre le fait en évidence, ont regardé


les scores moyens obtenus dans des épreuves de type matrices (PM38,
Raven, 1938) notamment. Les résultats ont pu être interprétés comme
un gain des performances intellectuelles au fil des générations. Ce
qui est connu sous le nom de son observateur comme « effet Flynn ».
Mais, si l’on considère les scores dans des épreuves d’autre nature, par
exemple des épreuves de logique verbale, le constat d’une amélioration
des scores est contrebattu. Cependant l’on peut s’accorder sur le
fait que les scores varient, diversement selon les épreuves, d’une
génération à l’autre. Et nous ne considérons encore que le seul
vieillissement des étalonnages.
• Le vieillissement des épreuves est lui, d’une autre nature. Il affecte le
matériel, plus ou moins. Les utilisateurs de l’échelle métrique de Binet

1. Auteur travaillant alors avec Wechsler au projet de révision du WISC, et qui publiera
une dizaine d’années plus tard la batterie K-ABC, Kaufman assessment battery for
Children, 1983, tout en se positionnant comme l’auteur de référence dans les manuels
successifs d’utilisation du WISC.

2
Aide-mémoire du WISC V

et Simon de 1911, dont la plupart des épreuves ont été réintroduites


dans la Nouvelle Échelle Métrique de l’Intelligence (Zazzo, 1966)
auraient bien du mal aujourd’hui à utiliser tranquillement les énoncés
aux représentations massives de l’épreuve « Faits divers », ou même
des « Gravures » à commenter, émotionnellement très chargées. Ils
auraient sans doute du mal aussi à résoudre les trois problèmes
combinant le verbe et le calcul dans l’épreuve d’« Ingéniosité » par
exemple. Ainsi le matériel, pour des raisons diverses, peut s’avérer
obsolète. Il doit parfois être revu, ou changé. Mais s’il change, le prix
à payer sera de procéder à un nouvel étalonnage. Logiquement, on
changera tout en même temps. Donc quelque chose dans les épreuves
sinon dans la structure.
• Pour l’édition du WISC-V, les motifs avancés par les éditeurs sont
des changements dans les subtests. Trois seraient relégués tout à
fait, d’autre changeraient de place, de remplaçant à titulaire – nous
voulons dire de secondaire à principal, principal signifiant être sur la
liste des dix retenus pour un examen « basique ».

Ce sont là les motifs classiquement avancés pour une nouvelle version.

Introduction
Il en est d’autres.
En l’occurrence, pour le WISC-V, il était acquis pour les spécialistes que
les éditeurs du Wechsler reverraient leur copie du WISC-IV.
Déjà dans leur Manuel d’utilisation du WISC-IV, Kaufman et Flanagan
(2004) avaient constaté les pas réalisés depuis la version III pour
aller dans la bonne direction. La bonne direction, pour ces auteurs,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

hier comme aujourd’hui, c’est permettre l’utilisation d’une théorie


qui serait favorablement accueillie par diverses spécialités de la
psychologie, chercheurs en psychologie cognitive, en neuropsychologie,
et concepteurs de tests. Cette théorie existait à leurs yeux depuis
la collaboration Cattell-Horn autour de la dichotomie intelligence
cristallisée/intelligence fluide. Elle a été rajeunie, élargie, dans des
conditions qui relèvent d’un roman rapidement bouclé. La théorie a été
reconnue sous les trois noms de ses contributeurs d’origine qui, nous le
montrerons, n’ont pas toujours été les plus actifs dans le processus.
Les promoteurs de la « nouvelle » théorie, ont travaillé sur divers
échantillons, ce qui leur a permis de discuter les lignes d’interprétation
concernant les facteurs de variation mis en évidence dans diverses

3
Aide-mémoire du WISC V

populations d’études. La conclusion avancée dans leur ouvrage par


Flanagan et Kaufman était qu’un pas avait été fait dans la quatrième
version du WISC. il devait sans trop attendre être suivi par un autre,
décisif et définitif : il convenait de soumettre le WISC aux impératifs
fixés par les théoriciens de la CHC. Ce qui tenait à deux conditions :
• Que la batterie porte l’identification de cinq indices au moins du
second rang de la théorie hiérarchique de l’intelligence ;
• Que chacun de ces indices soit identifié par deux épreuves différentes,
conformément aux bases de la cross battery assessment, posées par
Flanagan et McGrew (2008).

Le nouveau WISC-V répond positivement à ces exigences. Il va plus


loin, en permettant, avec ses 15 épreuves, d’évaluer 5 autres indices,
importants selon les éditeurs.
Et le résultat est neuf, sous cette perspective. Les concepteurs du test
le plus important au monde ne sont jamais allés aussi loin dans la
direction indiquée par une théorie singulière de l’intelligence.
Disons-le tout à fait autrement encore : depuis la création de la première
Introduction

échelle métrique de l’intelligence par Binet, nous ne sommes jamais


allés aussi loin dans la direction que le créateur de la première échelle
métrique, Binet, s’était refusé de prendre.
Pour Binet, la création du test consistait en une recherche des épreuves
les plus susceptibles de solliciter l’intelligence, et le plus souvent
connues pour cela. Elles devaient d’autre part être les plus sensibles à
la réalité du développement des fonctions psychologiques supérieures.
La meilleure épreuve d’intelligence était aussi la plus représentative
d’un âge. La loi dans la fabrication de l’outil était la loi de l’Échelle des
réussites, renvoyant à une échelle des âges.
Avec les propositions de Wechsler, le choix des épreuves n’est pas remis
en cause. On choisit encore les épreuves qui ont fait leurs preuves de
l’avis des cliniciens de la déficience, comme épreuves d’intelligence. Mais
les mêmes épreuves sont appliquées à tous les âges, ce qui suppose que
la même aptitude est représentative de l’intelligence à tous les âges.
Un premier pas est ainsi fait dans le sens d’une théorie des aptitudes
implicite, bien que rien n’en soit dit. Et bien que Wechsler, nous le
verrons, prenne la précaution de dire les différences selon les âges

4
Aide-mémoire du WISC V

qui font que les mêmes épreuves ne mettent pas en œuvre les mêmes
processus de résolution.
De fait, Wechsler refuse la théorisation avancée par Thurstone avec
son modèle des « aptitudes primaires ». Il écrit, de plusieurs manières,
qu’aucune épreuve intellectuelle ne peut prétendre à la mise en évidence
d’une aptitude. Quelle que soit l’analyse, il y aura toujours une part de
l’efficience qui est là, représentative d’autre chose. Il relie cette autre
chose à un ensemble cohérent qui serait le propre de la personne, tout
ce qui organise cette personnalité particulière.
Ainsi, il est légitime de considérer aujourd’hui le WISC-V selon une
double perspective qui a toujours été présente dans la batterie :
• Celle qui répond aux théoriciens des analyses factorielles, et qui
procède de l’identification des facteurs intellectuels pour déterminer
les bons outils, les meilleures épreuves ;
• Celle qui depuis toujours considère la complexité de l’acte intellectuel
quelle que soit l’épreuve, qui s’attache à sélectionner les épreuves les
plus susceptibles d’ouvrir aux observations des conduites de résolution,

Introduction
pour, en bonne clinique, répondre aux hypothèses progressives forgées
dans le processus de réponse de l’enfant.

À partir de ce constat, la manière d’envisager un ouvrage utile aux


praticiens n’est pas de doubler le Manuel d’utilisation du WISC-V. Nous
sommes assurés qu’il a été bien fait.
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Elle est en revanche d’expliquer par quel cheminement nous en sommes


arrivés à cette illusion de mieux tenir la réalité en supplantant la
recherche d’un chiffre rendant compte de la totalité d’une intelligence
d’enfant, par la recherche d’une kyrielle de chiffres. D’autant que ce
cheminement n’a jamais fait disparaître la réalité qui s’acharne à être
là : la résolution de tout problème est un processus complexe qui ne se
laisse pas réunir sous un seul mot.

5
Aide-mémoire du WISC V

Prenons pour le dire l’exemple d’une tâche de répétition immédiate de chiffres.


Elle est considérée comme mise à l’épreuve de la Mémoire de Travail.
Nous y reviendrons plus loin, mais nous pouvons souligner tout de suite ce qui l’a
été depuis longtemps et par les plus grands (Binet et Simon, Wechsler, Zazzo) :
• Elle est d’abord une épreuve pour le psychologue qui doit se livrer à l’exercice de
mobilisation de l’attention de l’enfant ;
• Puis une épreuve d’attention, puis une épreuve de mémoire à court terme dans
les premiers items qui sollicitent essentiellement ce que l’on nomme la boucle
verbale ;
• Puis une épreuve de représentation mentale dans les items les plus difficiles,
mais c’est peut-être là ce que l’on peut identifier comme mémoire de travail ;
• Enfin comme épreuve de mémoire de travail proprement dite si l’on entend
par-là l’aptitude à conserver en mémoire des éléments ordonnés nécessaire à
un travail à venir dans un court délai de temps.

Nous pourrions faire plus complexe, et plus près de la réalité, si nous avions pris la
peine de préciser que la représentation mentale que chacun se fait d’une suite de
nombres est très variable d’une personne à une autre, les plus nombreux l’écrivant
et la parlant, d’autres la chantant en soutenant la suite d’un rythme emprunté
Introduction

ailleurs... Ce qui aurait alors l’intérêt de souligner l’aspect séquentiel de la tâche, qui
ne saurait être oublié.
C’est sans fin. Mais notre travail de clinicien n’est certes pas de simplifier les données
jusqu’à ce que le processus de résolution des problèmes par un enfant en particulier
perde sa particularité. Tout au contraire.

Ce constat fait, nous prenons une orientation délibérée en faveur de


l’analyse des épreuves, en n’omettant rien de ce que nous en savons. Il
s’agit d’étayer la manière dont nous allons assister le psychologue dans
son travail d’accompagnement de l’enfant, au moment où il est actif,
puis quand il ne sera plus présent à nous que par les notes multiples
que nous aurons prises dans le cours de la passation.
Cette orientation nécessite de ne rien négliger, donc des références
multiples. Elles ne sont pas toutes là, mais nous avons incorporé à ce
programme ce qu’il faut de références obligées :
• À la psychologie du développement ;
• À la psychopathologie clinique de l’enfant.

6
Aide-mémoire du WISC V

Pour ce faire, le parti pris est sensible dans la structure de l’ouvrage.


La plus grosse part est constituée par l’approche détaillée de chacune
des épreuves « principales » de l’examen de base. Dans le cours de ces
exposés, quatre notions de base indispensables sont abordées quand
c’est le meilleur moment pour le faire.
Pour la psychologie du développement :
• Le développement de l’organisation de l’espace et du schéma corporel ;
• Le développement de la catégorisation.

Pour la psychopathologie de l’enfant :


• La déficience intellectuelle ;
• La dysharmonie évolutive dans les pathologies limites.

La dernière partie de l’ouvrage sert le rapport de deux observations


détaillées. Les deux enfants concernés ne sont en rien représentatifs de
toute la diversité des fonctionnements. Ils nous servent plus simplement
à indiquer la démarche d’analyse des données la plus judicieuse. Celle par
laquelle nous sommes à même de saisir la cohérence d’un fonctionnement

Introduction
et sa singularité. Il est le meilleur moyen ensuite de trouver les mots
justes pour en restituer quelque chose de vivant à ses parents et à ses
éducateurs.

7
Première partie
Les fondements

1 Pourquoi des tests ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

2 Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ? . . . . . . . . . 27

3 Le WISC, une échelle composite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

4 Âge mental et QI (Quotient intellectuel) . . . . . . . . . . . . . . 45

5 Le QI dans la définition du trouble déficitaire


de l’intelligence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

6 Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique . . 68


Les fondements

POURQUOI DES TESTS ?


1. Pourquoi des tests ?

Les tests, outils du psychologue mais pas de tous


les psychologues

Les tests qui constituent la part la plus visible de l’examen psychologique


ne sont pas d’un emploi généralisé dans les lieux de consultation.
Il y a sur ce sujet des raisons invoquées par les professionnels, qui
peuvent être distinguées selon qu’elles portent sur les instruments de
l’examen eux-mêmes ou, plus profondément, sur le sens de l’examen
psychologique pour le psychologue.
Des auteurs voient dans ces réticences des psychologues l’expression de
leurs difficultés initiales à définir leur place vis-à-vis des médecins qui
ont longtemps revendiqué le rôle de l’interprétation des résultats des
tests, en ne concédant aux psychologues que la partie la plus pratique
de l’examen (Perron-Borelli, Perron, 1970 ; Emmanuelli, 1997).
Se refusant à n’être que des testeurs au côté des médecins seuls
professionnels du psychisme, les psychologues auraient tenté en réaction

10
Les fondements

de faire la démonstration de leur savoir-faire ailleurs, notamment dans


le soin psychothérapique.
Ces considérations paraissent surtout s’appliquer au domaine relative-
ment circonscrit du soin. Hors les consultations, à l’école notamment,
l’examen psychologique a constitué sans faille un outil majeur du
psychologue. La première grande batterie de mesure de l’efficience
intellectuelle est née pour les besoins de l’école (Binet, 1905) et les
nécessités d’objectivation des retards mentaux en vue d’orientations
spécialisées ne se sont pas démenties au fil du temps.

Les tests et la testologie

Il subsiste cependant les restes d’une opposition ancienne entre

1. Pourquoi des tests ?


testologie et psychologie appliquée à l’examen clinique dont on trouve
les expressions dans toutes les grandes contributions à notre discipline :
• Vygotski (1935-1985) se démarque très tôt de la testologie, notam-
ment en définissant la zone de développement le plus proche (ou
« zone proximale de développement », ZPD).
• Dans une approche classique, Rey (1958) développe de façon très
explicite les lignes de séparation entre testologie et psychologie.
Reprenant la définition par Lagache de la psychologie clinique (in
Le Vocabulaire de Psychologie de Piéron) comme « science de la
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conduite humaine fondée principalement sur l’observation et l’analyse


approfondie des cas individuels », il définit une psychologie appliquée
à la clinique :
– L’art du clinicien, explique Rey, est d’examiner tous les moyens dont
dispose le sujet pour prendre ses informations dans le réel et y agir,
ainsi que « les moyens dont il dispose pour fixer et organiser les
résultats de ses réceptions et tâtonnements » ;
– Il précise que les tests répondent à l’objectif de « provoquer
les comportements pour les observer et les provoquer dans des
conditions précises et constantes afin de confronter les résultats
avec des normes ».

11
Les fondements

La testologie représente pour cet auteur la toute première démarche


technique d’application de tests : il s’agit d’abord de circonscrire et
d’objectiver la réalité d’un symptôme ou retard dans l’exercice d’une
aptitude singulière : la technique d’application du test suffit à permettre
l’accès à des informations limitées au seul aspect considéré, en répondant
aux questions qu’un autre, médecin par exemple, a formulées et qu’il
exploitera.
Le terme de la démarche en psychologie clinique doit viser selon Rey à
dégager les voies des mesures précises nécessaires au dépassement du
trouble. En d’autres termes, l’examen bien conduit fournit en conclusion
toutes les indications utiles quant aux modalités d’aide à mettre en
œuvre. À cet effet, l’examen s’inscrit dans la totalité d’une situation
dans laquelle un trouble éclôt. Les conditions qui le voient éclore sont
la première source d’interrogation du clinicien :
1. Pourquoi des tests ?

Où s’exprime le trouble, à quel niveau et avec quelle fréquence ? S’exprime-t-il


partout avec la même sévérité ? Quelle importance l’entourage y accorde-t-il ? Tout
le monde l’appréhende-t-il de la même façon ? Est-on plus complaisant ici ou là ?
Qui en parle, comment en parle-t-il ? Depuis quand est-il présent, qu’est-ce qui
l’a précédé, que sait-on par ailleurs du développement de l’enfant, des conflits
rencontrés dans le processus de son développement ? S’il s’agit d’un trouble
affectant les apprentissages, lecture ou calcul mathématique par exemple, peut-on
préciser les conditions dans lesquelles se sont faits les premiers apprentissages,
les éléments anamnestiques qui l’ont accompagné, touchant directement ou
indirectement l’enfant (maladie d’un proche, déménagement...).

La liste est longue des ingrédients qui composent le tableau général sur
le fond duquel le symptôme survient. De plus, le dit tableau n’est pas
un objet fixe, mais un lieu d’hypothèses multiples d’où il ressort que la
première caractéristique d’un examen est sans doute la complexité. Ceci
signifie notamment qu’aucune explication linéaire ne peut prétendre
circonscrire la totalité de la démarche. Bien au contraire, dès le départ
le clinicien a davantage le souci d’ouvrir des portes que d’en fermer.
La rencontre avec l’enfant et les entretiens sont, parallèlement, l’objet
d’autres interrogations. Les éclairages apportés orientent à leur tour
la réflexion du clinicien. Par ailleurs, les entretiens sont le moment de

12
Les fondements

construction d’une certaine forme d’alliance avec l’enfant, nécessaire à


la démarche du psychologue. On doit en effet garder à l’esprit que l’on
a affaire, face à un enfant, à une réalité sociale différente de la nôtre.
L’asymétrie relationnelle est totale entre le psychologue et l’enfant.
Celle-ci ne peut être supportée par l’enfant qu’à la condition de lui
rendre sensible, sans séduction ni démagogie, l’intérêt qui lui est porté
par le professionnel de la relation qu’est le psychologue.
Sur le fond complexe de cette approche, l’utilisation de tests ou
d’épreuves psychologiques répond à un besoin d’investigations qui
devraient être circonscrites par des hypothèses nées de l’enquête
précédente, et qui devraient s’ordonner avec l’analyse progressive des
données nouvelles. En tout état de cause, les tests ne constituent dans
cette approche qu’une partie circonscrite de l’examen. Ils ne sont pas
pratiqués de façon aveugle, mais éclairés par ce qui les précède, chaque
étape de leur application trouvant sa justification de ce qui anticipe et

1. Pourquoi des tests ?


justifiant ce qui la suit.
L’interprétation des résultats, puis le compte rendu qui en est fait
intègrent à leur tour les données nouvelles constituées par ce que dit
alors le sujet, la façon dont il reçoit ce qu’il entend et l’utilisation qu’il
en fera.

L’intérêt pour la personne au centre de l’examen


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Au total l’examen psychologique est un processus éminemment dyna-


mique, bien différent en son essence et plus ambitieux qu’une démarche
de technicien des tests. La cohérence du processus, qui justifie son
ambition, peut sans ambiguïté être rapportée à une double détermination
du clinicien : comprendre la singularité d’une personne, en postulant à
la cohérence de ses conduites et comportements.
Ce qu’écrit Rey à cet égard n’est pas ambigu :

« C’est l’individualité psychologique de l’être qui est l’objet de l’étude ; c’est


à elle qu’on rapporte les résultats de tous les examens et c’est elle qui
oriente sans cesse la recherche. » (1958, p. 4)

13
Les fondements

La même préoccupation est affirmée par Perron-Borelli et Perron dans


leur ouvrage classique « L’examen psychologique de l’enfant » : une
« perspective » telle que la préconisent Perron-Borelli et Perron (1990)
dans l’examen en général (« la démarche du diagnostic tend bien moins
à classer l’individu qu’à élaborer en un ensemble significatif ce qui
fait l’essentiel de sa personne ») se superpose exactement à ce qu’ils
affirment d’« une recherche de cohérence » et de « spécificité indivi-
duelle », dans le chapitre de leur ouvrage traitant de la personnalité.
Au terme de notre réflexion introductive, il apparaît que les résistances
rencontrées chez les professionnels à l’utilisation de l’examen psycholo-
gique ne se justifieraient pas du souci pour le respect de la personne.
Bien au contraire, le psychologue peut à juste titre la revendiquer dans
sa pratique de l’examen.
1. Pourquoi des tests ?

Livrer des informations utiles à la personne

Cependant, depuis les définitions classiques, et bien que les grandes


épreuves utilisées aient peu changé en plus de cinquante ans, l’ambition
affichée par le psychologue paraît aujourd’hui un peu différente de
ce qu’elle était. Ce fait conforterait d’ailleurs la vision de l’examen
respectueux de la personne puisque l’orientation qui tend aujourd’hui
à s’affirmer est celle d’une recherche de l’utilité de la démarche. Sans
doute cette dimension était-elle présente chez Rey, nous l’avons rappelé,
mais elle tend à prendre plus de consistance aujourd’hui : Huteau (1994,
p. 25) le dit dans une introduction à un important ouvrage consacré à
« l’évaluation psychologique des personnes » :

« Les psychologues préoccupés d’évaluation ont aujourd’hui deux grands pro-


blèmes (...) notamment contribuer à promouvoir des modalités d’évaluation
permettant une intervention dans la formation, caractérisant les individus
relativement à des situations et non d’une manière générale, fournissant
des informations facilement assimilables par les sujets. »

On perçoit quelque chose de ces préoccupations dans l’élaboration


même des tests : dans le domaine de l’examen psychologique de l’enfant,
le succès, en France comme ailleurs, du K-ABC tient sans doute pour
une bonne part à l’ambition qu’il affiche d’aider à la détermination

14
Les fondements

d’une aide pédagogique appropriée aux modalités de traitement de


l’information privilégiées par le sujet. Sans doute l’implication des
psychologues dans l’élaboration des aides et des remédiations (dont
le Programme d’enrichissement instrumental de R. Feuerstein est un
représentant) a-t-elle naturellement conduit à retrouver des modalités
d’évaluation pour un temps oubliées : le succès des notions de Potentiel
d’apprentissage, ou encore de Zone proximale de développement est à
comprendre en ce sens : le souci pour la personne attesté par l’approche
classique de l’examen psychologique prend aujourd’hui la forme d’une
recherche de dégagement des données utiles au sujet, et, dans le cas
de l’enfant, à celui qui travaille avec lui.
Dans ce contexte, les vocations initiales de l’examen dans les lieux
de soin qui sont de concourir à la définition d’un diagnostic ne
disparaissent certes pas, mais elles tendent à être dépassées par
des objectifs hautement revendiqués par les professionnels de la

1. Pourquoi des tests ?


psychologie : dessiner finement les aides possibles, y compris en s’y
impliquant. Dans cette optique, l’approche de l’examen psychologique
présentée ici privilégiera naturellement l’aspect utilitaire de l’examen.
L’examen psychologique n’est pas pratiqué par des testeurs, mais par
des psychologues soucieux d’utiliser ce que leur science leur permet de
mettre au service de leur client.
S’appliquant à l’enfant, l’examen psychologique, n’a pas exactement
la même vocation selon les âges d’application, pour des raisons
convergentes : les compétences de l’enfant sont d’abord en relation avec
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son développement. Avec lui, l’expression des troubles est différente, et


les attentes du milieu éducatif le sont également.

Qui demande l’examen psychologique de l’enfant ?

L’enfant ne demande rien subjectivement, c’est une évidence.


Au départ, la demande de consultation psychologique – qui n’est
pas demande d’examen – peut être faite par les parents, parfois
spontanément, d’autres fois sur le conseil d’un enseignant.
Elle s’adressera au médecin pédopsychiatre, ou encore au Centre de
soin médico-psychologique local. Elle peut aussi être adressée à un

15
Les fondements

non-médecin, orthophoniste en libéral, ou au psychologue en ville. Elle


peut le plus souvent être suscitée par l’école. Souvent, l’enseignant
propose au parent qu’il prenne un rendez-vous à l’école même avec le
psychologue qui y travaille. Toutes ces formes de démarches ne sont pas
équivalentes du point de vue du statut qu’elles confèrent au trouble, ni
du point de vue du secret de la consultation. Que l’on pense à un banal
symptôme d’énurésie par exemple : qu’il soit l’objet d’une démarche
privée des parents auprès d’un centre de consultation ou qu’il soit dit
par l’école à la famille n’a pas le même retentissement pour l’enfant.
La demande de consultation ou la demande d’examen doit être
absolument distinguée de la « demande » au sens que lui donnent
certaines écoles psychanalytiques. Nous emploierons donc toujours ce
terme dans un mode transitif.
La diversité des voies prises par la demande de consultation tient à
1. Pourquoi des tests ?

la diversité des troubles invoqués chez l’enfant, et à la diversité des


réactions au sein du milieu, familial ou scolaire. Sous ce dernier aspect,
tout peut se rencontrer depuis la plus grande intolérance à la plus grande
complaisance ou même au déni majeur du trouble.
Mais on doit remarquer que la demande de consultation n’est pas
demande d’examen. Il est rare que l’examen soit demandé par la famille
qui vient chercher un soin quand elle s’adresse à un professionnel ou
à un centre en dehors de l’école, et les voies d’une remédiation quand
elle rencontre un professionnel dans l’école.
La demande d’examen est donc une demande seconde le plus souvent,
formulée par un non-psychologue, professionnel de l’enfance, à un
psychologue. En milieu scolaire, elle naît de la rencontre entre le
psychologue et le pédagogue. En ville, elle naît du besoin que le soignant
potentiel exprime d’être éclairé sur le cas d’un enfant. Elle s’inscrit dans
un ensemble d’examens et bilans, orthophonique, psychomoteur, médical
et social en CMP.
L’examen doit donc répondre à des questions formulées par des
professionnels, intéressés par l’enfant, ce qui a nécessairement un
impact sur ce qu’il doit mettre en évidence.

16
Les fondements

Ce qui en est attendu

Selon le lieu où il s’exprime et la fonction de la personne qui le sollicite,


l’examen psychologique peut donc répondre à des questions formulées sur
la justesse d’un diagnostic (éventuellement d’un pronostic), nécessaire
en vue de la définition d’une modalité de soin. L’utilité de l’examen fait
pour argumenter une recherche d’orientation, spécialisée ou non, est
proche de la visée diagnostique.
L’examen peut aussi répondre à un besoin de compréhension de l’adulte
qui travaille habituellement auprès de l’enfant : c’est le maître mot :
comprendre. En effet, si la consultation est motivée par un trouble
d’adaptation, que celui-ci s’exprime au sein de la famille, ou dans un
autre lieu éducatif, le demandeur d’examen n’attend pas que celui-ci
débarrasse l’enfant du symptôme. Il attend un éclairage psychologique
sur l’enfant, c’est-à-dire qu’on le renseigne sur le sens qu’il est possible

1. Pourquoi des tests ?


de trouver aux comportements et conduites de l’enfant.
Le symptôme mettrait en cause, fondamentalement, le défaut de
normativité des conduites de l’enfant. La normativité peut être comprise
comme ce qui s’aménage entre l’enfant et ses milieux comme zones
de tolérance des variations individuelles. Le comportement ou la
conduite inadaptée s’accompagne, dans la décision de consultation
d’une expression par l’entourage adulte de l’impossibilité à retrouver
avec l’enfant le monde commun dont on croyait partager avec lui les
significations.
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Ainsi peut-on comprendre que le symptôme motivant la consultation


s’accompagne d’une rupture relationnelle particulière au sens où c’est
la capacité de comprendre de l’adulte qui est mise en défaut.
C’est donc naturellement à comprendre qu’aspire le demandeur d’examen.
Ceci signifie très précisément, contrairement à ce que l’on pense
habituellement, qu’il n’a pas besoin d’être éclairé sur l’étiologie du
trouble, ni sur le diagnostic d’organisation mentale de l’enfant (sauf
en certains cas bien particuliers), mais qu’il a besoin de retrouver une
personne avec laquelle puisse se jouer ce que Bruner décrit si bien dans
l’analyse des interactions humaines : selon cet auteur, ce qui est propre
à l’homme est l’importance prise par les voies qui permettent de « réagir

17
Les fondements

à la proximité d’un congénère en aménageant un espace entre lui et


nous. » (Bruner, 1996, p. 204).
L’exigence de compréhension au sens que nous lui donnons s’insère dans
la perspective « utile » développée ci-dessus. Par ailleurs, elle condi-
tionne le compte rendu qui peut être fait de l’examen psychologique.

Ce qui distingue l’examen psychologique de l’enfant

Il n’est pas besoin d’insister sur les différences liées à l’immaturité de l’enfant. Il est
nécessairement dépendant des adultes. Sur ce point, le psychologue doit avoir à
l’esprit que son interlocuteur n’est pas seulement l’enfant, mais aussi le demandeur
adulte de l’examen. Aussi ce qui devra être mis en évidence n’aura-t-il de sens qu’à
la condition que cela œuvre à permettre à cet adulte et à cet enfant, de trouver,
1. Pourquoi des tests ?

dans ce qui est rapporté, les éléments nécessaires à leur intérêt réciproque.

Une seconde spécificité doit être envisagée : l’examen psychologique,


selon Anzieu (in Doron, Parot, 1991, p. 85) « comprend un entretien
clinique, l’observation du comportement, des tests d’aptitude et de
personnalité ». Tous les auteurs insistent sur l’entretien pré et post-test.
Mais celui-ci suppose un sujet qui soit tout à fait à l’aise vis-à-vis du
langage, pour lequel le verbe est une modalité habituelle de relation. Or,
pour l’enfant, surtout pour l’enfant jeune, le langage peut difficilement
être utilisé comme le représentant d’une relation égalitaire avec l’adulte.
L’échange en ce cas risque fort de marquer l’asymétrie de la relation, au
point même que l’on risque d’emblée, par des questions sans réponse, de
fixer une inhibition qui sera plus difficile à lever ensuite. Aussi peut-il
être plus judicieux de disposer, après s’être rapidement présenté et avoir
invité l’enfant à travailler ensemble, les éléments d’un test non-verbal,
du type par exemple des blocs logiques des analyses catégorielles des
EDEI, ou des Matrices progressives de Raven. L’accompagnement par le
geste proposé à cette occasion à l’enfant auquel on ne demande pas
immédiatement de répondre verbalement est susceptible de fournir la
base d’un accord implicite pour réfléchir ensemble. Il s’agit en fait de
favoriser une attitude de recherche, par laquelle peut se retrouver le
plaisir de « fonctionner » mentalement ensemble. L’examen nécessite

18
Les fondements

cette forme d’alliance, plus importante à obtenir qu’un acquiescement


verbal à une idée dont l’enfant ne se précise pas tout de suite le contour.

Pourquoi l’examen de l’enfant à l’âge


de la scolarité primaire

La période de 6 à 12 ans est celle de la scolarité primaire, celle


des apprentissages des « grands », lecture, écriture et calcul. Sans
doute est-ce la raison pour laquelle les difficultés dans leur maîtrise,
voire l’échec, constituent les principales causes de consultation en
pédopsychiatrie. Corman en 1968 classait ainsi dans l’ordre décroissant
les motifs de consultation à l’âge scolaire (1968, p. 16) :
1. Les difficultés scolaires se traduisant par un retard général ou électif

1. Pourquoi des tests ?


dans le cours des études ;
2. Les troubles caractériels ;
3. La nécessité d’orientation scolaire ;
4. Les troubles « nerveux » non organiques comme les tics, angoisses,
obsessions, crises ;
5. Les demandes d’examen liées à un changement dans la vie familiale
(projet d’adoption par exemple), ou avant un soin médical ou
thérapeutique.
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C’était il y a cinquante ans. De fait, les choses n’ont guère changé.


Les demandes de consultation, puis d’examen, pour des difficultés
scolaires sont en effet très importantes à l’âge considéré et constituent
80 % du total des demandes. Quand les difficultés scolaires ne sont
pas le motif premier de consultation, la question d’une évaluation du
niveau de connaissances scolaires de l’enfant est toujours abordée.
L’examen psychologique est donc, ici plus que pour les âges précédents,
nécessairement en relation avec l’appréciation du développement de
la scolarité de l’enfant. Schématiquement, on peut distinguer deux
objectifs à l’examen : concourir à la définition d’une orientation scolaire
– éventuellement d’une orientation spécialisée –, ou à la définition d’une
modalité d’aide, pédagogique ou de soin.

19
Les fondements

! L’examen en vue d’orientation


En début du siècle, en France, la première batterie de tests mise au
point par Binet avait vocation à distinguer les enfants susceptibles de
bénéficier d’un enseignement spécial, dans les classes de perfectionne-
ment.
Aujourd’hui, pour les MDPH et ses commissions dans lesquelles siègent
des représentants de l’éducation nationale et de la Santé, cette utilité
de l’examen n’a pas totalement disparu, bien au contraire : les textes
officiels qui définissent les conditions selon lesquelles les orientations
doivent être étudiées disent les exigences institutionnelles vis-à-vis
des examens psychologiques : ils doivent être pratiqués avec plusieurs
outils, être renouvelés et s’accompagner d’éléments solides d’observation
clinique et d’appréciations des voies possibles de changement : la
Circulaire du 30 octobre 1989 : « Modification des conditions de la
1. Pourquoi des tests ?

prise en charge des enfants ou adolescents déficients intellectuels ou


inadaptés par les établissements et services d’éducation spéciale » (BOEN
du 14 décembre 1989) engage à doubler les examens psychométriques
d’entretiens et d’épreuves de personnalité.
Bien évidemment, l’examen ne peut être mené qu’à la condition que
le psychologue joue le jeu institutionnel, qu’il reconnaisse et adhère
a minima à la façon dont l’institution gère les destins dans son cadre
et mette en œuvre ce qu’il faut pour l’aider au mieux à le faire : on
conçoit mal, après un examen, le psychologue refusant d’en donner les
conclusions sous prétexte de préserver quelque chose d’unique d’une
rencontre qu’il a eue avec un sujet, détournant ainsi la rencontre de ses
buts. L’examen est fait pour renseigner sur l’opportunité d’orientation,
ou pour l’estimation d’un handicap, nécessaire à la demande d’une aide
à l’éducation spécialisée, (AES) a son utilité, même s’il est vrai qu’elle
se situe davantage à première vue du côté de l’institution que du côté
du client. L’examen est toujours une situation éminemment sociale,
qui concerne d’abord la qualité d’adaptation du sujet au milieu dans
lequel il évolue. En ce sens le sujet n’a rien à perdre à ce que soient
identifiées avec lui les conditions qui pourront faciliter la qualité de
cette adaptation. Nous savons qu’il n’est pas judicieux de solliciter
en permanence un enfant au-dessus de ce qu’il peut faire, sans risque
de multiplier ses réactions d’opposition. La question restant encore et

20
Les fondements

toujours pour l’enfant de pouvoir interagir avec l’adulte, au besoin en


jouant à s’identifier à lui dans la relation d’enseignement, le bénéfice qu’il
peut tirer d’une meilleure orientation est assez facilement perceptible :
reconnaissance réciproque des compétences de l’adulte et de l’enfant en
présence l’un de l’autre, comme enseignant et écolier.

! L’examen en vue de la définition d’une aide, pédagogique


ou thérapeutique

Une autre détermination de l’examen est de fournir des indications


nécessaires à la définition d’une aide qui peut être apportée à l’enfant
en difficulté. L’aide en question, remarquons-le, doit d’abord répondre,
à sa façon, à l’adulte qui est le premier demandeur, parent, enseignant
ou membre d’une équipe soignante. De ce dernier point de vue les buts
de l’examen peuvent différer selon l’interlocuteur initial : cherchera-

1. Pourquoi des tests ?


t-on à établir un diagnostic psychopathologique, dans le cas du soin
thérapeutique, ou à dégager à partir de l’examen les voies d’une approche
de type remédiation ?
Si le premier demandeur est un adulte singulier, l’examen cependant ne
peut être mené qu’à la condition d’une coopération entre le sujet enfant
examiné et le psychologue. Ses buts initiaux sont en tout état de cause
d’être compris du sujet. La démarche d’examen elle-même ne doit pas
contredire ce principe dans son déroulement.
Dans cette entreprise où chacun joue son rôle social, l’enfant, celui
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d’enfant et d’écolier, l’adulte celui de psychologue, l’accord pour


l’investigation n’est pas donné de soi : le psychologue, sans séduire,
doit rendre accessible au sujet le sens de sa démarche qui est d’aider à
comprendre.
Il y a donc plusieurs déterminations voire plusieurs contraintes à
l’examen. Tout l’art du psychologue sera de les prendre en compte
simultanément : il devra confirmer la place sociale qu’il occupe en
identifiant les facteurs d’inadaptation, et confirmer aussi que l’aide à
la définition de laquelle il concourt nécessite un juste intérêt pour le
sujet qu’il rencontre.
Ce sujet fréquente le plus souvent l’école qui est le grand révélateur
des troubles d’adaptation de l’enfant. Parmi ceux-ci, le symptôme échec

21
Les fondements

scolaire, mais avant lui les difficultés dans les premiers apprentissages
sont le grand motif d’appel des lumières de l’examen psychologique.
D’autres peuvent lui être associés, comme l’instabilité psychomotrice,
ou inversement une grande inhibition, la maladresse, les retards de
parole ou de langage... mais toujours à l’âge considéré la question
de l’adaptation scolaire est posée et le plus souvent l’examen devra
répondre aux questions de l’enseignant que l’on pourrait résumer en
une : comment aider ? Dire de l’examen qu’il doit répondre aux questions
de l’adulte qui interroge n’est pas une clause de style : la perturbation
dont le psychologue appréciera les contours implique toujours une
perturbation de la relation d’enseignement, en milieu scolaire, qui
entrave le libre jeu, mental et social dans lequel se retrouvent l’enfant
écolier et l’adulte enseignant. L’examen ne peut donc ignorer la place
qu’il peut prendre dans la restauration des places et des compétences
mises en question.
1. Pourquoi des tests ?

Ces deux déterminations de l’examen, orientation et aide, malgré leur


aspect contrasté, ne sont pas si différentes :
• Dans le premier cas, donner un chiffre d’efficience globale est de peu
d’utilité si l’on ne cerne pas dans le même temps le type de problèmes
avec lesquels l’enfant est le plus présent, ou ceux qu’il évite, ceux qui
le mettent en échec et ceux qui lui conviennent mieux, en relation
avec ce que l’on sait par ailleurs du développement du langage chez
l’enfant, de la psychomotricité et de la symbolisation. Ainsi que la
qualité du travail d’adaptation à cette relation si particulière avec un
adulte, effectué par l’enfant dans le cours de la passation.
• Dans le second cas l’aide pourra difficilement être pensée sans une
analyse approfondie des réponses qui prenne en compte le domaine
sur lequel porte l’évaluation. L’analyse elle-même devra être menée
en étroite relation avec l’appréciation des moments, dans le cadre de
la relation d’examen, où l’enfant est mobilisé et ceux où il l’est moins,
le repérage des moments de rupture relationnelle et des moments de
reprises, ainsi que l’appréciation des conditions qui les permettent,
y compris du point de vue de l’examinateur lui-même. C’est là la
nourriture nécessaire à alimenter la réflexion des acteurs, enseignants,
parents ou soignants, susceptible de les inviter à reprendre leur place
de façon plus calme et plus utile auprès de l’enfant.

22
Les fondements

L’évaluation de l’efficience intellectuelle

S’agissant de l’examen d’un enfant de l’âge de la scolarité primaire


la première demande adressée au psychologue quand elle émane d’un
éducateur est une confirmation de l’efficience intellectuelle de l’enfant.
La difficulté dans la maîtrise d’un apprentissage met d’abord en question
le développement intellectuel, peut-être insuffisant au regard du niveau
des sollicitations scolaires. L’intelligence de l’enfant doit être évaluée.
Intelligence signifiant ici capacité de compréhension d’énoncés et de
problèmes variés Même quand l’intelligence globale n’est pas directement
mise en cause, le déficit plus circonscrit qui pourrait affecter par
exemple le langage, ou l’organisation spatiale, sera pensé en relation
avec l’ensemble de l’intelligence de l’enfant. L’évaluation de l’efficience
intellectuelle, inscrite dans la demande de l’éducateur – ou du parent –
paraît incontournable.

1. Pourquoi des tests ?


Cependant, le psychologue travaillant avec des enfants devra prendre
la juste mesure de sa démarche : J. Raven1 (1998) insiste dans le
Manuel des Matrices Progressives (PM38) sur le peu de renseignements
que l’évaluation de l’intelligence fournit quant à la position sociale
et professionnelle effective des adultes : selon cet auteur les tests
d’intelligence générale et de facteur G ont une validité prédictive de 70
à l’école, mais pour la réussite professionnelle, le facteur « G » ne serait
qu’à 10 % dans la variance...
L’école apparaît donc naturellement seule la grande demandeuse
d’évaluation de l’intelligence. La connaissance de cette réalité, devrait
fortement encourager le psychologue à réfléchir sur le sens de ce qu’il
fait : si l’intelligence générale a un tel poids dans la détermination de la
position scolaire de l’enfant, alors la demande d’une estimation chiffrée
de celle-ci n’est qu’une demande de confirmation de ce qui est déjà
là, dans la réussite ou l’échec scolaire... On ne peut que souscrire à ce
qu’écrit Raven (1998, p. 52) :

« (...) nous déconseillons spécifiquement de rendre compte des résultats en


termes de Q.I. Ce concept tend à renforcer une foi mal placée en l’unité et
le pouvoir explicatif de “l’intelligence”, et en la stabilité et l’immuabilité
des scores aux tests. »

1. J. Raven n’est pas le créateur du test qui porte ce nom, mais son petit-fils.
23
Les fondements

Cet auteur souligne la perversion du système qui va jusqu’à « la recherche


délibérée, dans l’évaluation des capacités scolaires, de distribution en
cloche plutôt que de quelque variante de la distribution » (p. 52). Le
PM38 étant le deuxième test le plus utilisé au monde, les explications
que donne Raven ont un certain poids pour nous.
Cela ne signifie pas que l’on doive se passer d’une évaluation des
efficiences intellectuelles, mais qu’il convient de privilégier ce qui est
demandé par l’adulte qui s’adresse au psychologue, au-delà des mots :
si ce qui est mis en scène est une situation d’échec partagé, alors il
convient d’éclairer les voies possibles d’aide à l’adulte et à l’enfant
qui leur permettront de se retrouver de façon plus sereine dans leur
fonction réciproque. Répétons-le, il ne s’agit pas d’expliquer, ni de
justifier l’échec, mais de circonscrire les voies que le sujet privilégie
pour utiliser le matériel varié, sollicitant ses capacités à mettre en
relation, des objets, des mots, des idées.
1. Pourquoi des tests ?

S’il est douteux que répondre à la question d’une estimation chiffrée de l’intelligence
puisse constituer une aide, en revanche, cerner la façon dont l’enfant pense, selon
la plus grande diversité des situations, contribue à mieux préciser ce sur quoi l’on
peut prendre appui dans le travail mené avec lui.
Pour ce faire, on doit considérer le problème posé par la difficulté, le symptôme
évoqué. S’il est dominé par l’idée de délivrer des informations qui soient utiles au
sujet, le psychologue travaillera à identifier avec l’enfant les domaines dans lesquels
celui-ci retrouve quelque plaisir à réfléchir, les limites qu’il pose à la qualité de son
implication selon la nature des problèmes posés, l’éventail de ses réponses et la
gamme de ses réactions... Les écarts dans les réalisations et raisons de ces écarts
sont de première importance dans une perspective d’aide.

Les batteries destinées à mesurer l’efficience intellectuelle répondent


à l’ensemble de ces questions par le temps de la rencontre qu’elles
impliquent, la variété des situations qu’elles proposent, plus ou moins
distantes selon le cas des situations scolaires, la solidité de leur
construction et le sérieux des étalonnages.

24
Les fondements

Au-delà, si l’on réfléchit avec Lautrey (1998) sur les raisons de longévité
des grandes batteries de mesure de l’efficience intellectuelle, on constate
qu’elle tient d’abord au fait que le pragmatisme de la démarche des
premiers grands concepteurs de tests les a amenés à intégrer au sein
de leurs batteries « des dimensions relativement générales de l’activité
cognitive » (Lautrey, 1998, p. 87). En attesteraient les corrélations
élevées entre épreuves, de 65 à 80, malgré les différences importantes
entre les positions théoriques prises par leurs créateurs : entre le WISC
et le K-ABC – avant la version IV du WISC, et le KABC-II - le PM38 et
même avec les épreuves de type Piaget de l’EPL.
Toutes les activités dites intelligentes ne sont pas nécessairement
cernées par les tests classiques, cependant l’éventail des activités
intellectuelles mobilisées recouvre nombre de ces « composantes
complémentaires, en compétition ou substituables les unes aux autres
pour remplir une fonction donnée » (Lautrey, 1998, p. 87).

1. Pourquoi des tests ?


Le plus souvent, la complexité des processus en jeu dans le cours de
la passation des épreuves concourt à délivrer une foule considérable
d’informations. En l’absence d’une théorie pleinement satisfaisante de
l’intelligence, il reviendra au clinicien à prendre appui sur ce que sa
science propose pour réarticuler ces informations en une structure
explicative, réutilisable ouvrant de nouvelles pistes à l’investigation,
et à terme, des réponses à la question posée initialement à l’examen :
quelles sont les voies d’adaptation possible de cet enfant à son milieu ?
Comment la permettre, que changer et comment le changer ?
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Récemment, avec le WISC-V, ses auteurs ont, après d’autres, abordé le


test d’intelligence d’une manière radicalement différente de ce qui l’a
précédé - jusqu’à un certain point, le WISC IV était déjà, en partie,
sur cette perspective – en privilégiant une conception théorique de
l’organisation des aptitudes intellectuelles, la CHC.
Le vrai changement n’est pas que les concepteurs du WISC-V sont partis
de la théorie pour aller vers les épreuves, car en cela, ils ont eu des
prédécesseurs.
• Si l’on considère le point de départ de la construction des Matrices
par Raven en 1938 : emprunté à Spearman, le test visait à retrouver
les principes de base du fonctionnement intellectuel, que seraient
l’induction et l’éduction de corrélât.

25
Les fondements

• De même, des spécialistes de Piaget ont aussi réalisé des batteries


de tests qui méritent plus qu’un détour, avec les Échelles de Pensée
Logique de Longeot, notamment, et les tests de la batterie Utilisation
du Nombre de Meljac et Lemel (2000).

Le vrai changement concerne le seul WISC. Fidèle aux principes suivis


par Wechsler depuis son premier test, on ne se posait qu’après coup
la question de qualifier exactement ce que l’on avait mis en avant
comme épreuve d’intelligence. Dans un premier temps, l’empirisme, et
le consensus avec le public suffisaient à l’adopter.
Le vrai changement c’est une intégration totale des règles du (ou de la)
Cross Battery Assessment, guidées par la théorie CHC des aptitudes. Les
concepteurs du WISC-V ont donc pratiqué un mouvement inverse de ce
que faisaient leurs précurseurs pour la construction d’un test composite.
Ils sont partis d’une théorie à vocation hégémoniste pour définir les tests
1. Pourquoi des tests ?

dont ils avaient besoin. Pour la 5e version du test le plus vendu au monde,
ils ont construit un nouveau test avec des épreuves le plus souvent bien
connues. Eh oui ! On fait du tout à fait neuf avec de l’ancien. Ils ont
abouti à une structure bien identifiable par les spécialistes des études
factorielles et de la psychologie des aptitudes. Pour nous, elle apporte
indéniablement quelques informations supplémentaires aux hypothèses
qui naissent dans le cours du travail clinique auprès de l’enfant. Mais
en bonne clinique :
• C’est dans le travail d’accompagnement requis par l’enfant au cours
de la passation des épreuves que le praticien peut être en mesure
d’apprécier la meilleure manière de soutenir l’enfant à chaque pas ;
• Par sa connaissance approfondie de ce qui peut se jouer sur les
épreuves (qui ne livrent jamais comme l’écrit Wechsler une pure
mesure d’une aptitude) ;
• Et enfin par une connaissance approfondie de la psychologie du
développement d’une part, et de la psychopathologie de l’enfant
d’autre part.

26
Les fondements

2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?


2

POURQUOI DES TESTS D’EFFICIENCE


INTELLECTUELLE ?

Introduction

Nous voulons mettre en scène ici des discussions qui n’ont jamais été
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rapportées. Et pour cause ! Elles n’ont jamais eu lieu, les protagonistes


ont disparu depuis longtemps.
Sur le plan historique en revanche, la confrontation a eu lieu, et elle ne
s’est pas terminée à l’avantage de nos options.
Nous relatons l’histoire des premiers tests, mais ce n’est pas un cours
d’histoire. De fait, dans ses fondements la discussion est intemporelle.
Elle l’est parce qu’elle porte sur des idéaux sociaux. Ils étaient de même
nature il y a un siècle, nous pourrons en juger.
Sur le strict plan de l’examen de l’efficience intellectuelle, la discussion
se présente sous cette autre question : à quelles fins le test d’intelligence
doit-il répondre ?

27
Les fondements

Et concrètement elle peut se reformuler de la manière suivante : les


tests ont-ils, ou doivent-ils avoir pour but de permettre de conserver
une personne (par exemple un enfant) à sa place, ou bien doivent-ils
permettre de démentir à une personne la place qu’elle croit occuper ?
En d’autres termes, quelle cause les tests doivent-ils servir : l’exclusion
ou la reconnaissance de sa place à chacun ? Oui, c’est aussi simple que
ça. La réalité en est même une caricature.
2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?

Dans le cas de l’enfant, le demandeur de tests n’est pas celui auquel ils
s’adressent. Le plus souvent, l’examen par les tests est envisagé après
la rencontre avec un ou des adultes : parfois un parent, quand il a été
conseillé dans la démarche par un professionnel impliqué auprès de
l’enfant, le plus souvent un pédagogue, un éducateur ou un soignant.
La création des tests d’efficience intellectuelle s’est saisie des questions
posées par ces professionnels. Mais les réponses ont été adressées à
d’autres, à des « institutionnels ». La création des tests a répondu à
toutes les questions en les ramenant à une seule :
« L’enfant a-t-il ou n’a-t-il pas sa place là où il est ? »
La création des tests n’a pas considéré l’autre aspect des questions
posées :
« Comment contribuer à assurer sa place à l’enfant là où il est ? »
Ce n’est pas un oubli. C’est le produit des conditions dans lesquelles les
psychologues eux-mêmes se sont trouvé devoir négocier leur place dans
la société.
Le contresens sur la question s’est accompagné d’une recherche de
positionnement du côté du soin, qui les a conduits à concéder au soin
le dernier mot sur l’enfant « en difficulté » ou « handicapé ». Comme si
la participation au consensus social de la belle époque du « dépistage »
leur garantissait aussi leur place auprès des enseignants, des éducateurs.
Peut-être ces derniers ont-ils feint de les croire et de leur faire croire.
On entendait : « Éclairez-moi sur sa pathologie ! », mais la question
lancinante restait : « Qu’est-ce que je fais avec ? ».
Les outils dans une grande mesure ont été élaborés à partir de ce
contresens.

28
Les fondements

Mais pas entièrement. Les idéaux professionnels du psychologue ont un


certain poids. Sa proximité avec la personne, y compris quand elle est
sujet d’examen, tend à l’impliquer.
Vis-à-vis de l’enfant, l’implication du psychologue est comme inscrite dans
la rencontre. Elle consiste en une évaluation de l’aide la mieux appropriée.
En somme, là où l’on parlait d’évaluation des efficiences intellectuelles,
il nous reviendrait, en saisissant ce qui existe, d’entendre évaluation

2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?


des conditions et des modalités d’aide que demandent ensemble l’enfant
et l’adulte.
Il reste un pas à faire pour que cette orientation s’affirme enfin, à
laquelle nous voulons contribuer, là où nous sommes.
C’est à l’étude de cette incompréhension foncière, à l’examen de ses
causes et de ses conséquences, puis à l’examen des tâches qui nous
reviennent maintenant que nous allons nous attacher dans ce premier
chapitre. Nous argumenterons notre analyse au travers d’une esquisse
d’analyse historico-culturelle des tests d’efficience intellectuelle, consi-
dérée jusqu’aux années 70. Un tournant s’est amorcé ensuite... L’histoire
courte des tests d’efficience intellectuelle est suffisamment illustrative
pour nous limiter à ceux-là.

Ambivalence de la demande initiale


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La demande initiale est ambivalente, au sens où, comme nous venons de


le voir, elle peut aussi bien être prise comme une demande d’exclusion
que comme une demande d’intégration. Bien entendu, notre démarche
mise sur la seconde, sous conditions.
Formulée avant le soin, dans un cadre de vie ordinaire qu’est l’école, la
demande du professionnel de l’enfance est double :
• Il demande à comprendre l’enfant pour être à même de travailler avec
lui, donc pour exercer au mieux son art auprès de cet enfant ;
• Mais il demande aussi en quelque sorte à être soulagé de l’origine
de ses maux, donc d’une certaine façon, il s’adresse au psychologue
pour qu’il contribue à mettre de côté ce qui s’oppose à l’harmonie des
échanges au sein du lieu où il rencontre l’enfant.

29
Les fondements

À l’école, ce qui dérange n’est pas seulement la résistance de l’enfant


au savoir-faire de l’enseignant : l’enfant qui n’apprend pas témoigne par
des signes insistants que les idéaux porteurs de l’école sont des mythes :
– Le premier à notre esprit est l’idéal de progrès. C’est lui que dénoncent
les enfants en échec dans les apprentissages, chacun à sa manière :
l’écolier réputé dyslexique en se comportement dans le domaine de la
lecture comme si tout était toujours à refaire, l’enfant déficient mental
2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?

en invalidant la notion même de progrès, avec ses persévérations


et diverses affirmations de sa recherche du même, au travers de
l’apprentissage qui ne passe pas ou ne tient pas, l’enfant dyspraxique
en renversant l’ordre convenu des acquisitions entre le geste et la
parole...
– En pédagogie, les connaissances sont ordonnées : le terme même de
progressions annuelles et mensuelles en témoigne. Les acquisitions
doivent être hiérarchisées et ordonnées dans le temps selon leur
hiérarchie, et l’on ne saurait sous-estimer le bien-fondé de ce postulat
pour les apprentissages scolaires. On peut de ce point de vue considérer
que la bataille que livrait Piaget sur l’enseignement des mathématiques
ou des sciences, qui aurait dû, selon lui, être autrement ordonné, était
au fond inutile. Des maladresses peuvent être présentes, dans la suite
ordonnée des leçons, l’essentiel reste qu’il y ait un enchaînement
repérable. Nous pouvons dire que le besoin d’un ordre dans les
acquisitions scolaires est nécessaire à l’enfant, et qu’il rencontre,
dans sa quête, une organisation des enseignements à l’école qui
lui répond, selon les caractéristiques suivantes : « rupture avec le
quotidien, systématicité du programme, organisation en disciplines »
(Schneuwly, 1995, p. 25).
– L’enfant qui n’est pas en progrès, en général ou dans un domaine
particulier, « spécifique », s’inscrit de fait comme étranger à la
règle élémentaire sous-jacente aux apprentissages. Il met à mal
le savoir-faire de l’enseignant, et bien au-delà, se situe hors du jeu
de l’école. Cette notion est importante si l’on veut saisir tout le
sens d’une demande d’examen qui est, à la fois et contradictoirement,
demande de réintégrer celui qui se tient sur les marges de l’école et
demande d’exclusion du même, qui n’en respecte pas les règles.

30
Les fondements

On comprend aisément que cette demande interroge tout autant la


place de l’enfant que celle de l’enseignant. L’enfant qui n’apprend pas
met l’adulte avec ses idéaux hors de ses positions, il tend à l’exclure
de la place qu’il croyait occuper. En ce sens, la problématique exclu-
sion/inclusion est repérable dans la question posée par le pédagogue au
psychologue. Elle concerne l’enseignant avec l’enfant parce que l’échec
de l’enseignement expose celui-ci en même temps qu’il expose l’enfant.

2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?


Interrogée sous cet angle, l’histoire des tests, et singulièrement des
tests d’évaluation intellectuelle, peut être lue comme autant d’ébauches
de réponses faites à la question exclusion/intégration.
Le mésusage des tests s’y lit tout entier, tout comme l’erreur d’apprécia-
tion classique sur l’objectif visé par la création de la première Échelle
Métrique. L’un et l’autre ont précipité à l’occasion des mises en question
incisives, comme la critique de Tort (1974) au concept de « quotient
intellectuel ».

Binet, les tests psychologiques au service de l’école

! Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle,


premier épisode

Considérons le premier temps de la création des échelles d’efficience


intellectuelle qui est celui de la construction de l’Échelle métrique de
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l’intelligence par Binet et Simon.


L’échelle, ambitieuse dans son projet et sa conception, était censée
répondre aux nécessités d’identification des retards mentaux chez
l’enfant.
On a souvent tendance à penser qu’il s’agissait alors de soulager
l’école ordinaire d’enfants devant trouver leur place dans des structures
spéciales de l’éducation nationale, les classes de perfectionnement. Or
la démarche de Binet et Simon est tout autre : comme le rappelle
Mengal (1998, p. 37), il s’agissait de trouver le compromis qui devait
permettre que la responsabilité des enfants arriérés passe du ministère
de l’intérieur au ministère de l’instruction publique ! C’est dire que
la démarche de Binet s’inscrivait dans le projet progressiste d’une

31
Les fondements

meilleure intégration sociale des arriérés, et non de leur exclusion. Cette


démarche supposait de prendre en compte leurs besoins fondamentaux
d’instruction, conformément aux buts que s’était fixée la Société libre
pour l’étude psychologique de l’enfant, fondée avec « Ferdinand Buisson,
l’un des grands acteurs de l’institution de l’école républicaine » (Mengal,
p. 36).
Le combat mené par le créateur de l’Échelle Métrique de l’Intelligence
2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?

a d’autres implications. Au moment où se pose la question de l’accueil


des enfants arriérés, avant même que la question des classes spéciales
soit tranchée, plusieurs options se présentent :
• Menée par le Docteur Bourneville qui milite pour l’éducation des
« anormaux », une partie des médecins aliénistes dont relève le
sort des arriérés réclame en 1894 le développement des institutions
spécialisées dans l’hôpital et la création de classes spéciales pour
les enfants « moins atteints » placées sous la direction de médecins
aliénistes (Pinel et Zafiropoulos, 1983).
• Du côté de l’école publique, des directeurs demandent qu’une solution
soit trouvée aux problèmes posés par la présence des enfants
« instables », perturbateurs, tandis que la Ligue de l’Enseignement
en 1900 propose la création d’un corps des enseignants spécialisés
chargés des futures classes spéciales.

Binet s’inscrit dans le mouvement qui conteste la place des aliénistes et


leurs prétentions à contrôler la scolarisation des enfants « anormaux ».
Il remarque que les classifications médicales établies entre « idiots,
imbéciles et débiles » dont des frontières instables, que le diagnostic
change selon le médecin. Il met en cause les fondements de la
mesure des arriérations, qui confondent les critères intellectuels et
les critères somatiques. Pour Binet, les enfants arriérés présentent un
retard d’intelligence qui nécessite d’être objectivé, la classification des
arriérés devant être faite sur la base de leur infériorité intellectuelle. Il
revient en conséquence à la psychologie d’établir la classification des
arriérations, et aux psychologues de pratiquer les examens. L’affirmation
de la psychologie de l’enfant passe de fait par une remise en cause
radicale de l’appréciation médicale classique des anormaux et des
arriérés.

32
Les fondements

Dans sa conception, les niveaux d’arriération sont assimilables à des


différences d’intelligence :

« Ces états inférieurs sont en nombre indéfini, composés par une série
continue de degrés qui s’échelonnent depuis les états les plus profonds de
l’idiotie jusqu’à ceux qui se confondent avec l’intelligence normale. » (Binet
et Simon, 1905, cités par Pinel et Zafiropoulos, 1983, p. 46)

2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?


Dans le but de servir la pédagogie, le psychologue adopte le mode
de classement qui est celui des maîtres, il ne prétend pas quantifier
l’intelligence, il cherche le moyen d’opérer un classement ; à la différence
du pédagogue, il pose que celui-ci doit se faire sur la base d’épreuves
d’intelligence, et non comme en classe sur la base des connaissances.
Avec Binet, la psychologie de l’enfant fournit les moyens de distinguer
les enfants du seul point de vue de leur développement psychologique,
confondu ici avec le développement intellectuel.
L’accord historique qui est signé entre psychologie et pédagogie par la
mise au point de l’Échelle Métrique se fait au compte d’une définition
adaptative de l’intelligence. Ce que le psychologue objective avec ses
tests est la possibilité de réalisation sociale, scolaire pour l’enfant, des
facultés de l’esprit : mémoire, attention, jugement, imagination. Ce qu’il
apporte ne saurait donc que confirmer le point de vue de l’école qui
pose que l’ordre et le rythme des acquisitions sont en rapport avec le
développement naturel de l’intellect.
Cependant, l’analyse de l’outil l’échelle métrique, ne nous permet pas de
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considérer l’intelligence selon Binet comme une grandeur unique. Chaque


épreuve dans l’échelle métrique est choisie parce que représentative d’un
âge donné. À chaque âge ses questions. L’idée même d’une graduation
des niveaux de réussite pour une même épreuve est une idée étrangère à
Binet. Pour lui, l’intelligence dans ses manifestations est multiforme, et
les différences individuelles ne sauraient être réduites à des différences
de degrés d’une grandeur unique. C’est notamment pour cette raison
que la lecture des résultats d’un test requiert un expert, le psychologue,
et non un technicien.
La conception de l’intelligence développée par Binet ne sera pas discutée
plus avant. Mais nous retenons les diverses réponses apportées aux
problèmes d’intégration des « anormaux » :

33
Les fondements

• Avec ses limites, l’échelle métrique s’inscrit dans un projet intégrateur


dans l’école des enfants « anormaux » ;
• Dans ce mouvement, le psychologue définit son champ de compétence,
l’étude du développement des fonctions psychiques supérieures, en
rupture avec la conception médicale qui ne pouvait distinguer le
développement psychologique en lui-même ;
• Le projet intégrateur devait se réaliser au prix d’un accord entre le
2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?

psychologue et le pédagogue quant au rôle de l’école.

Tous ces aspects de l’apport de Binet sont actuels, ils doivent


actuellement être au centre des préoccupations du psychologue auprès
d’enfants.

Terman, des tests qui isolent l’individu du groupe

! Histoire courte de la mesure de l’efficience intellectuelle,


deuxième épisode

Le contresens souvent fait quant aux intentions des créateurs de la


première batterie d’évaluation de l’intelligence est significatif. Il prête
aux tests une intention première de ségrégation, voire d’exclusion du
milieu scolaire ordinaire, et non de confection d’un outil de diagnostic
pour une insertion plus juste au regard des idéaux sociaux.
On peut penser que l’erreur d’interprétation sur le projet initial des tests
a consisté à tenter de comprendre les créations d’une époque, celle de
Binet, selon des développements ultérieurs.
Or ceux-ci, dans quelques exemples historiques d’après Binet, ont fait
jouer un bien mauvais rôle à la psychologie.
Les théories de l’intelligence qui sont élaborées dans la première moitié
du XXe siècle sont en fait des théories de la mesure.
L’évaluation pose par postulat qu’il y a bien une grandeur à évaluer,
qui rend compte de la réussite dans les tests et de la réussite scolaire
(c’est là un point très important ! la validité prédictive du point de vue
de la scolarité, à défaut de corrélation avec la réussite scolaire était

34
Les fondements

un élément important d’appréciation de la valeur d’un test). Il reste à


confirmer par le choix des épreuves de bonne sensibilité génétique la
distribution naturelle des réussites.
Ce à quoi répond la démarche n’est pas mis en question :
• Pourquoi les tests doivent-ils choisir l’évaluation de cette grandeur
quand ils répondent à la nécessité de distinguer les individus entre

2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?


eux ?
• En quoi est-on fondé à considérer une distribution naturelle de
l’intelligence ?
• À qui et à quoi l’évaluation répond-elle dans ces conditions ?

Pour les cas que nous allons citer, l’usage des tests a valeur de caution
scientifique d’une sélection. Le comble est atteint aux USA. Les tests
de Binet et Simon sont utilisés pour identifier les « faibles d’esprit »
parmi les prétendants à l’immigration, sous la pression de l’eugénisme
institutionnalisé que ne trouble personne (1910) aboutissant à la loi
Immigration Act, en 1924.
Ils connaissent un essor formidable dans ce pays par l’application
systématisée lors du recrutement militaire, en vertu du principe selon
lequel chacun doit occuper une place en rapport avec ses capacités.
Sous les formes alpha et bêta, deux séries d’épreuves sont proposées
selon que le sujet maîtrise ou non l’écriture. Dans le domaine civil, des
grandes écoles utilisent le test alpha, ou un autre s’en inspirant, puis
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des Collèges avec le Scholastic Aptitude Test (1926).


Au total l’intelligence selon les tests comme réponse sociale supra
scolaire s’étend sur le même principe des enfants aux adultes : l’examen
de l’efficience intellectuelle se substitue aux évaluations proprement
scolaires dans les admissions (ou les refus), légitimant celles-ci. La
différence est qu’ils le font au nom de l’intelligence ou de la sottise,
positionnés comme les experts. Comme s’il ne suffisait pas à l’immigrant
demandant l’asile de se voir fermer la porte au nez, il faut qu’il comprenne
que c’est parce qu’il n’a pas les moyens intellectuels de sa prétention !

35
Les fondements

Conclusion

Les tests ne sont ni bons ni mauvais en a priori. Certains sont administrés


pour une mauvaise cause.
• C’est toujours une mauvaise cause quand il s’agit de substituer un
test aux épreuves normales pour un recrutement. Cela reviendrait
à signifier au postulant que son employeur, grâce aux miracles de
2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?

la psychologie, a un outil en mains qui en dit plus sur lui qu’il en


sait lui-même. Moyennant quoi la blessure narcissique consécutive
à l’échec sera plus profonde puisque l’impétrant ne saura même pas
identifier loyalement les causes du refus.
• C’est une bonne cause quand ils sont utilisés à des fins d’analyse,
pour mieux cerner la manière dont une personne en difficulté peut
éventuellement être aidée à sortir des impasses où elle se trouve.

Ce n’est pas tout : nous pouvons penser que les conceptions différentes
dans la confection des tests ne présentent pas les mêmes avantages ou
inconvénients, cela semble aller de soi. Mais il est utile de s’y arrêter.
Pour le clinicien, nous le verrons, la théorie de l’efficience intellectuelle
portée par les auteurs d’un test n’a pas le dernier mot. Il est important
de le souligner. Le clinicien part de ses observations : au centre, un
sujet est aux prises avec des problèmes divers. Sans mettre en question
la métrique du test, le psychologue choisira nous l’espérons la voie
du meilleur accompagnement du sujet au cours de ses tentatives de
réponse.
Ce qu’il analysera sera la manière dont l’enfant aborde et résout ou non
les problèmes. Nous voulons dire que le plus important est aux yeux
du clinicien de bien saisir le sens de l’exercice proposé comme ce qu’il
est, un médiateur dans la relation entre l’enfant et l’adulte. Or, dans
les tests, comme dans l’enseignement, le médiateur est un produit de
culture.
De ce point de vue, le médiateur doit être interrogé, quant à sa capacité
à médiatiser. Et l’on peut penser que le meilleur médiateur est celui qui
met l’enfant à l’abri des craintes légitimes qui naissent de la proximité
spatiale et mentale avec l’adulte. Le test médiateur doit se présenter
in fine comme porteur de la culture des deux protagonistes, c’est alors

36
Les fondements

qu’il permet à la situation de testing d’être identifiée comme la moins


périlleuse possible.
Dans ce cadre, le psychologue signifie par son intransigeante référence à
la culture commune qu’il est, de son côté, soumis à cette culture comme
un enfant. En l’occurrence il paraît être un enfant qui a grandi. Il laisse
ainsi sa part au fantasme de séduction par l’adulte premier vecteur du
brouillage des relations enseignant/élève.

2. Pourquoi des tests d’efficience intellectuelle ?


Ce fantasme est utile, il est nécessaire du point de vue du développement
psychologique. Le danger c’est quand nous ne pouvons le pressentir. Si
le fantasme est absent, le Petit Chaperon rouge restera pour toujours
la proie ignorante du loup1 . S’il est là, la culture devra être utilisée à
organiser les places dans l’échange adulte enfant. Cela, nous le signifions
à distance. C’est bien de cela qu’il est question dans les tests, à travers
de multiples présentations différentes.

Un exemple — nous y reviendrons fréquemment dans l’étude


des épreuves.
L’accompagnement du psychologue, exigé par le test dans les Matrices,
consiste lors de la présentation à indiquer ce qu’il faut regarder et
comment le regarder sur le cahier de stimuli. Et, sous le regard de l’enfant,
le doigt du psychologue doit balayer l’espace dans le sens gauche – droite
de l’enfant. Ce faisant, on indique sur la ligne horizontale la succession
des dessins susceptibles de répondre à la question du test. La simple
indication du sens de lecture est indirectement, mais bien réellement,
une manière de signifier que le test est bâti sur ce principe, qui est cultu-
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rellement le fruit du développement d’un système alphabétique singulier


– le nôtre, en un espace partagé. C’est l’une des multiples manières
de porter le test et la culture dont il est dépositaire, incontestablement.
C’est aussi une manière de signifier, par les références communes,
qu’elles assignent l’enfant et l’adulte en des places déterminées, qui
ne confondent pas les générations, qui distinguent ceux qui transmettent
et ceux qui ont besoin de la transmission de culture.

1. Ce qu’il est dans le Conte de Perrault. Pas de quartier pour celle que sa mère n’a
pas prévenue.

37
Les fondements

LE WISC, UNE ÉCHELLE COMPOSITE1


3. Le WISC, une échelle composite

Histoire courte de la mesure de l’efficience


intellectuelle, troisième épisode

Pour tout ce qui constitue l’originalité première du WISC-V, il est simple


de revenir à Wechsler (1949). Ce qui est actuellement publié sous ce
nom concerne une personne décédée depuis 1981. Nous empruntons
donc à l’auteur du premier Manuel daté de 1949, et nous l’espérons, à
personne d’autre.
Le WISC a été précédé d’une première batterie d’épreuves, en 1938,
constituant les Échelles d’Intelligence de Wechsler-Bellevue. Cette
précision pour fixer la toile de fond. Ces échelles étaient primitivement

1. Nous persistons à l’appeler Échelle pour rester prêt de son nom en anglais, Wechsler
Intelligences Scale for Children, bien qu’il ne s’agisse précisément pas d’une échelle
comme le Binet Simon.

38
Les fondements

élaborées pour l’examen des personnes adolescentes et adultes psychia-


trisés, accueillis dans un cadre bien particulier : David Wechsler était
alors chef d’un service de psychologie clinique à l’Hôpital psychiatrique
Bellevue de New York, un poste qu’il a occupé de 1932 à 1967.
Avec le WISC, passant de l’examen de l’adulte à celui de l’enfant, il
entend ne pas faire de confusion, sur les âges, ni sur les singularités de
la population soumise à ces tests.
Bien au fait des théories issues des études factorielles de Spearman,
Wechsler se démarque très nettement de son approche, mettant en avant
deux considérations sans ambiguïté.

3. Le WISC, une échelle composite


1. Bien qu’il exporte vers des enfants des tests initialement mis au point
avec les adultes, il ne considère pas que par ce passage d’un âge à
l’autre aille de soi. L’enfant n’est pas l’adulte, et l’exportation des uns
vers les autres doit amener à reconsidérer ce que l’on mesure, avec les
mêmes épreuves, auprès de deux catégories distinctes par les âges :

« Des considérations cliniques et statistiques conduisent à penser que


les mêmes items ou les mêmes matériels peuvent avoir des significations
psychologiques différentes dans les tests pour adultes et pour enfants.(...)
L’examinateur clinicien qui emploie les deux formes [de l’épreuve d’Assem-
blage d’Objets], enfants et adultes, est mis en garde contre l’erreur de penser
que les matériels semblables ont la même signification clinique à tous les
âges ou que des tests semblables font appel à des aptitudes identiques
à tous les âges. Nous ne connaissons pas exactement, pour le moment,
les relations précises de chaque test avec les éléments composants de
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l’intelligence à différents âges. On espère que des recherches concernant ce


problème général seront entreprises avec cette nouvelle échelle. » (Wechsler,
1949, p. 6).

La position initiale de Wechsler est tout à fait claire. Il est docteur


en psychologie ; il est allé partout où c’était nécessaire pour parfaire
ses connaissances (à Londres notamment avec Spearman) ; il travaille
comme responsable d’un service traitant des désordres mentaux. Il est
très au fait des recherches de Spearman et de ceux qui l’ont suivi
dans les développements de sa théorie. Ce qui explique peut-être qu’il
distingue dans ses tests, des épreuves impliquant le langage d’autres
épreuves sans parole : Spearman recommandait l’identification de « G »
par la combinaison de deux épreuves, l’une de matrices (Raven, 1938) et

39
Les fondements

l’autre de Vocabulaire. Mais malgré cette proximité dans les conceptions


d’ensemble, il faut le répéter, pour Wechsler, les âges ne peuvent être
confondus au travers d’une même épreuve : ce pourrait ne pas être la
même aptitude qui est évaluée sur un même test aux différents âges de
l’enfance à l’adulte.
2. Le clinicien ne doit pas confondre les âges, autre argument, car nous
ignorons pour l’essentiel la place que prend à chaque âge, ce qui se
prête comme une compétence singulière. Nous l’entendons ici comme
une mise en garde à la théorie des aptitudes. Il confirme ensuite sa
position par une considération sur ce qui a été fait jusqu’ici, et les
résultats obtenus :
3. Le WISC, une échelle composite

« L’expérience en cours et la recherche au cours des deux décades passées


ont montré qu’il n’est pas possible d’identifier ou d’égaler l’intelligence
générale à l’aptitude intellectuelle de quelque manière qu’elle soit définie.
En réalité tout test d’intelligence mesure quelque chose de plus et souvent
beaucoup plus que la pure aptitude intellectuelle – ou l’un de ses aspects,
verbal, abstrait, numérique ou même “g”. Certains de ces autres aptitudes,
traits, etc. ont été identifiés depuis un certain temps et comprennent, parmi
d’autres vecteurs, des variables qui ont été antérieurement appelées des
traits de tempérament ou de personnalité, tels que la persévérance, l’effort,
l’énergie, etc. De plus, on peut montrer que la contribution de ces facteurs
à la note dans toute batterie de tests d’intelligence est fonction à la fois
des caractéristiques (contenu) du test et des conditions dans lesquelles il
est administré1. » (Wechsler, 1949, p. 10)

Il faudrait tout souligner de ce que nous citons. Wechsler n’écrit pas pour
décorer sa présentation, chaque mot pèse lourd pour qui n’est pas sourd.
Il dit, très explicitement, les limites à l’ambition des psychologues,
celles qu’ils ne doivent pas perdre de vue :
• Beaucoup de travaux ont eu pour but de cerner la pure intelligence,
par ses expressions singulières et diversifiées. Ils ont fait long feu ;
• Dans ce que rapporte la mesure, il y a l’expression de variables connues
de tout temps, se rapportant au tempérament ou à la personnalité du
sujet ;

1. Souligné par nous.

40
Les fondements

• Les conditions du testing, parmi lesquelles la personne du psycho-


logue1 , sont à ajouter aux caractéristiques de l’épreuve.

Aujourd’hui, nous le constatons, chaque nouvelle publication sous le


nom de Wechsler entraîne la réaction, chez ceux qui l’ont connu, d’une
longue mise en perspective de ce qui se présente actuellement avec ce
qui a précédé. Ce que nous citons de Wechsler est cité par Kaufman, qui
s’étend longuement sur ses relations avec Wechsler dans l’introduction
de son ouvrage se rapportant au WISC-V. Mais les couronnes qu’il lui
tresse ne nous disent pas l’essentiel. L’essentiel est qu’au moment où
Wechsler publie son test, il fait état de connaissances insuffisantes sur
« les relations précises de chaque test avec les éléments composants de

3. Le WISC, une échelle composite


l’intelligence à différents âges ». Et il dit son espoir que ses échelles
servent à ce travail. Mais il dit très fortement que « L’intelligence est une
partie d’un tout plus large, la personnalité elle-même ». Une affirmation
qui a des implications tout aussi fortes.

« Ceux qui sont familiarisés avec le Wechsler-Bellevue savent à quel point


un test d’intelligence peut être un instrument de diagnostic plus utile
lorsqu’une certaine attention est attachée aux facteurs non intellectuels qui
affectent le résultat du sujet. » (Wechsler, 1949, p. 11)

Nous disons que Wechsler regrette, au moment où il écrit, 1949, le peu


d’éléments dont il dispose concernant les composants de l’intelligence.
Cela ne signifie nullement que le paysage ait radicalement changé.
Spearman, puis ses élèves et bien d’autres s’étaient déjà exprimés sur ce
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

terrain, et l’essentiel des théories, dont nous héritons et avec lesquelles


nous composons, était déjà connu. La distinction entre intelligence
fluide et intelligence cristallisée était connue, Cattell travaillait à
identifier une impossible intelligence libre de culture, ou « juste »
du point de vue de la culture. Identifier des épreuves libres de culture,
c’est, du point de vue historico-culturel qui est le nôtre un non-sens. On
prête à Bruner cette parole, « les tests d’intelligence libres de culture
sont des tests libres d’intelligence ». Séparer l’intelligence de la culture,
nous n’en doutons pas, est un pari qui n’est pas facile à jouer. Pour

1. Les caractéristiques de la personne du psychologue, c’est nous qui l’ajoutons. Mais


Wechsler le dit ailleurs, notamment pour l’épreuve de Mémoire des Chiffres.

41
Les fondements

Wechsler, l’essentiel serait plutôt, de se tourner du côté qu’il indique,


à la fin de son introduction : « le test d’intelligence est un instrument
de diagnostic plus utile lorsqu’une certaine attention est attachée aux
facteurs extra-intellectuels qui affectent le résultat du sujet. »
Dans les termes actuels, Wechsler nous dit que l’intérêt est le diagnostic
et que celui-ci, dans les tests d’intelligence, gagnera beaucoup à
l’observation clinique de ce qui est regroupé sous le nom d’Indicateurs
qualitatifs1 . Nous n’en sommes pas encore à écrire l’intérêt pour ce qui
se passe du côté du psychologue. Ici, nous le regrettons, cela doit rester
hors champ à cet instant, bien que Wechsler en fasse mention. Mais à cet
3. Le WISC, une échelle composite

1. Les indicateurs qualitatifs sont, pour Glutting et Oakland (1993) des données
constitutives mais distinctes des aptitudes évaluées par les tests. Ils les considèrent
comme des « expressions ethnologiquement significatives des attitudes et conduites
de l’enfant », donc comme des objets d’étude. Ce sont des données cliniques qui
renseignent sur les faiblesses diverses dont témoignent les scores, que leur recensement
doit donc permettre de pondérer. Ces auteurs ont développé un test pour évaluer
les « comportements pendant le test » le GATSB (Guide to Assessment of Test Session
Behavior, 1993). Ils citent notamment les facteurs comportementaux suivants :
attention, intérêt, coopération, évitement, motivation, effort, persévération (au
sens positif du terme), aptitude à changer de point de vue, aptitude à rester concentré
sur la tâche tout en restant réceptif. Bien que les IQ soient présentés comme autant
d’éléments en plus, Kaufman et ses coauteurs leur consacrent 30 pages de leur ouvrage
sur le KABC-II. Ils prennent le plus grand soin à dresser pour chacune des épreuves,
la liste de ces IQ. Le praticien ainsi outillé affectera chaque IQ d’un signe, plus
ou moins, selon qu’il est facilitateur ou empêcheur de performance. Puis il devra
s’interroger sur le poids réel que le comportement singulier de l’enfant a pu avoir
sur la performance : en termes de validité des Indicateurs qualitatifs, et pour cela
il devra considérer les épreuves dont le score est réellement affecté par les IQ, et
apprécier leur force comme léger, moyen, ou fort impact ; en terme de constance de
leur manifestation, et d’occurrence : sont-ils toujours actifs, à dans quels types de
situations surviennent-ils ? Tout cela devra être réintégré dans l’observation. Mais
comment les réintégrer, comme éléments principaux ou subsidiaires ? Kaufman et ses
coauteurs accordent une importance particulière dans leur discussion à certains de
ces Indicateurs qualitatifs. Ils ne sont donc pas tous équivalents, et leur assemblage
au sein d’une même catégorie reste problématique. Ces auteurs s’attardent donc
logiquement sur les IQ « qui influencent la performance ». Ils retiennent : l’anxiété,
les problèmes des fonctions exécutives et de l’attention, les comportements disruptifs,
les problèmes culturels. Retenons pour notre part que la plupart de ces signes
figurent parmi ceux des troubles émotionnels. C’est dire le peu de distance qu’il y
a de ce point de vue, entre les observations « parlantes » et certains diagnostics
psychopathologiques.

42
Les fondements

instant, la position définie par cet auteur avec le premier WISC, est une
position que l’on sait mûrement réfléchie, celle d’un clinicien qui a des
comptes à rendre à la psychopathologie1 ... Elle peut étonner aujourd’hui
plus d’un utilisateur qui serait né à la psychologie avec les aptitudes
selon la CHC, mais chacun doit se situer face à cette réalité. L’examen
ne peut être mené par les cliniciens comme le ferait une machine : tous
les éléments, absolument tous les éléments présents dans la relation
d’examen doivent être retenus. Et ce n’est pas seulement, comme le
conçoivent Glutting et Oakland (1993) parce qu’ils ont un poids dans
le score final, comme si tout devait nous ramener à lui. Mais parce
qu’ils sont des signes à part entière dans l’approche de la personne en
situation de ses conduites habituelles, des manières qu’elle a de jouer

3. Le WISC, une échelle composite


la relation, de tout ce qui constitue sa personnalité. Il n’y a pas dans
l’esprit de Wechsler la personne d’un côté et son intelligence de l’autre...
Wechsler en 1949 livre sa définition de l’intelligence et de l’utilité de
son test.
Il réfute les tentatives d’obtenir des mesures « pures » de l’aptitude
intellectuelle, confondue avec l’intelligence générale. Il distingue ces
deux concepts et explique que l’intelligence est une partie de la
personnalité, qu’elle ne peut en être séparée.
Dès lors, la démarche est assez simple à saisir, le test doit être composé
d’un nombre suffisant d’éléments, les sous-tests, ou épreuves considérées
séparément. La composition doit comprendre un nombre suffisant de
ces tests représentatifs chacun d’un segment de l’intelligence totale de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’individu. Il précise qu’il n’a pas alors l’ambition de réunir des tests
mesurant des « aptitudes primaires » (référence à Thurstone qui a défini
ce concept, non plus que les ordonner hiérarchiquement (référence à R.
B. Cattell).
L’essentiel, dans sa présentation, est de pointer l’effort nécessaire pour
apprécier, à travers la multiplicité des problèmes posés, la diversité des
comportements, leur adaptation à l’exigence intellectuelle particulière

1. Nous précisons, c’est nécessaire en un temps où tout un chacun ne manque pas de


se présenter comme clinicien. Comme nous l’entendons, et comme nous l’entendons de
Wechsler, la clinique est la méthode de celui qui travaille au plus près de la personne,
à son chevet... Et non à quelques pas de son ordinateur.

43
Les fondements

à chaque problème. En somme l’examen avec l’outil test d’intelligence


est une longue observation de la personne, au prétexte de résolutions
de questions diverses. Le but est d’ouvrir au diagnostic.
Quel diagnostic ? Celui qui doit répondre à la question posée par la
personne qui demande le test (ou à ceux qui le font pour lui). En
situation scolaire, c’est assez simple :
• Cet enfant est-il normalement intelligent ?
• S’il l’est, ou s’il ne l’est pas, peut-on comprendre pourquoi il se trouve
dans une situation d’échec ?
• Et comment l’aider ?
3. Le WISC, une échelle composite

Nous engageant dans cette réflexion, nous espérons beaucoup pour


la troisième question. Comme nous le verrons plus loin, l’ambition de
cerner les conduites intelligentes de l’enfant dans diverses situations
est raisonnable. Comme d’objectiver ensuite la place que chaque enfant
occupe sur ce terrain, dans la distribution des enfants de même âge.
La seconde question nécessite une analyse sérieuse des procédures
suivies pas l’enfant pour trouver le dégagement singulier à chaque
problème. Cela encore le test le permet.
La troisième question est plus délicate. Elle peut aussi être résolue dans
le cours de l’examen, selon ce que nous pouvons apprécier à chaque
instant du profit que le sujet tire de notre présence en appui. Ainsi que
de ce que nous pouvons apprendre, dans cette proximité, de la meilleure
manière d’accompagner cet enfant-là dans ses apprentissages. Nous
pensons que c’est en effet le but de l’examen, bien au-delà des chiffres
qui ne signifient rien tant qu’ils n’ont pas trouvé de bon traducteur.

44
Les fondements

4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)


ÂGE MENTAL ET QI (QUOTIENT INTELLECTUEL)

Histoire courte de la mesure de l’efficience


intellectuelle, quatrième épisode
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! L’âge mental
L’âge mental est le fruit d’une opération arithmétique :
• Qui part d’une graduation des épreuves du test ;
• Utilisant la notation en mois et années de chacune.

Selon le choix justifié du concepteur, une épreuve est représentative


d’un âge donné quand il désigne ce point où la majorité (50 %) des
sujets réussit. On peut concevoir qu’un autre fasse un autre choix.
Le nombre de réussites d’un enfant peut être lu sur l’échelle, et livre
alors l’âge mental.

45
Les fondements

! Le Quotient Intellectuel
Binet n’a pas inventé le QI, cette notion ne s’imposait sans doute pas à
lui. Le nombre d’années d’écarts suffisait à la recherche, qui était à ce
moment d’identifier l’arriération mentale et de la catégoriser.
Le calcul du QI, quotient intellectuel, a été proposé un peu plus tard par
Stern en 1912. Il consistait à diviser l’Âge mental attribué par l’échelle,
par l’Âge réel, et à multiplier par 100, pour avoir un nombre entier.
Q.I. = 100 × AM/AR
4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)

Les deux notions d’âge mental et de QI, selon Wechsler et son mode de
calcul, sont incompatibles. Le WISC refuse la notion d’âge mental et le
QI qui avaient connu beaucoup de succès. Les motifs du changement
capital dans le mode d’évaluation de l’aptitude intellectuelle sont donnés
par Wechsler.
La simplicité de la méthode masquait aux yeux de certains praticiens
un inconvénient évident, qui est que le rapport entre les efficiences de
deux enfants d’âges différents change dans le temps. Par exemple :
• Si un enfant de 8 ans a un âge mental de 6 ans, son QI est de 75 ;
• Si un enfant de 12 ans a un âge mental de 10 ans, son QI est de 83.

Ainsi, pour des écarts identiques, les nombres diffèrent, au point que
l’efficience du premier apparaît à la limite de la déficience légère, et du
recrutement dans les classes spéciales1 tandis que l’efficience du second
est simplement « subnormale ».
Un autre reproche fait à l’âge mental est qu’il ne permet pas de comparer
les niveaux d’efficience d’un même enfant à travers les âges.
Enfin, ce mode de calcul devient tout à fait inopérant à partir des limites
supérieures de l’échelle. Elle est inapplicable aux grands adolescents et
aux adultes.

1. C’était alors la grande époque des « classes de perfectionnement » répondant


aux besoins des enfants déficients légers : 75 était la limite exacte supérieure du
recrutement dans ces classes.

46
Les fondements

! Le décilage
La solution vers laquelle on se dirige alors consiste à saisir la place
qu’occupe le sujet dans un groupe de même âge que lui. Dans la version
adulte du PM38 (Matrices Progressives de Raven, 1938), la première
publiée par Raven, les scores du sujet sont donnés par la lecture
d’un décilage : la distribution est rapportée à une partition en 10,
chaque dixième comprend autant de sujets. Le score permet de dire que
l’efficience du sujet le classe dans le décile de sa classe d’âge (parfois

4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)


en centile, pour les scores très inférieurs ou très supérieurs).

! Le QI Wechsler
La solution à laquelle recourt Wechsler est une révolution dans le
calcul. Elle a des implications, nous le verrons, dans les conceptions de
l’aptitude intellectuelle.
Wechsler propose de prendre le principe retenu pour le décilage, qui
est de référer les scores d’un même sujet à ceux de son groupe d’âge.
Mais par un mode de calcul autre, qui fournit des chiffres plus précis.
C’est là une manière de cultiver le chiffre et son caractère scientifique,
nécessaire à l’accréditation du QI.
Wechsler emprunte à Yerkes un mode de calcul qui permet, pour chaque
épreuve ou subtest, la comparaison entre
• La somme des points obtenus par le sujet ;
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• Et les scores en points obtenus par un groupe représentatif d’enfants


du même âge.

Son score est alors qualifié par sa place dans la distribution des notes,
précisément. La distribution est censée être représentable par le modèle
mathématique de Laplace Gauss, comme nous pouvons l’imaginer d’un
phénomène naturel, par exemple la distribution des poids ou des tailles
pour une partie déterminée de la population. Des critères de sélection
rigoureux du groupe d’étalonnage sont les garants de la représentativité
de l’échantillon de référence (le plus souvent, critères de revenu du
ménage, de profession du chef de famille, de zones d’habitations, de
zones géographiques).

47
Les fondements

Tous les scores pour un test particulier au sein d’un même groupe
d’étalonnage ont été assimilés à une dispersion « naturelle ». C’est là le
point important.
Ils se distribueraient comme l’a théorisé Gauss. Sous la forme « normale,
centrée réduite », elle est représentée par la distribution « en cloche »,
dans laquelle la plus grande quantité des observations se regroupe
autour de la médiane, et les observations plus rares (en nombre de
points de réussite) aux extrémités, à gauche et à droite de la médiane.
Elle serait définie en tout point par sa moyenne et son écart-type.
4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)

L’assimilation à la distribution gaussienne est recherchée dans la


construction du test. Les subtests comptent un petit nombre d’items très
difficiles auxquelles très peu de personnes de la population d’étalonnage
sont en mesure de répondre, et un petit nombre d’items faciles auxquels
très peu ne répondront pas. Dans le cours de la construction du test, par
l’élaboration du test, les questions sont ajustées de manière à produire
la courbe dite gaussienne, en cloche.
Pour chaque subtest, la construction permet une lecture des perfor-
mances du sujet au regard d’une distribution normale centrée réduite
dont la moyenne soit à 10, et l’écart type de 3 points. Pour cela, la note
brute obtenue dans l’épreuve est ramenée à une note standard grâce
aux tables de transformations.
Ce procédé rend les notes comparables entre elles, du point de vue
de leur distance à la moyenne obtenue par une même population de
référence
Si les scores d’un même sujet sont avec ce calcul comparables entre
eux, quoi qu’il en soit des épreuves dès lors qu’elles passent pour cerner
quelque chose d’une entité commune, ici de l’aptitude intellectuelle. Ils
sont aussi comparables d’un âge à l’autre. Il est loisible de supposer avec
ce principe, c’est une des vertus de la loi de Laplace-Gauss, la stabilité
des notes standard sur les mêmes épreuves pour un même sujet.
Il permet, par ailleurs, des opérations en nombre limité sur les nombres
produits. La somme des notes standard pourra être faite, et comparée
selon les mêmes démarches aux sommes obtenues par les sujets du
groupe correspondant dans l’étalonnage. Les sommes des notes standard
sont lues selon une distribution normale de moyenne 100 et d’écart

48
Les fondements

type 15. La somme des notes standard n’est pas une aberration, car
l’utilisateur de la Loi de Laplace-Gauss sait que si n variables aléatoires
indépendantes suivent chacune une loi normale, leur somme en fait
autant. La somme des notes standard est licite, et elle fournit une note
totale standard, à son tour traduite selon son écart à la moyenne, en
note de pseudo QI. Nous voyons qu’il n’y a pas là grand-chose de la
notion initiale de QI (qui déjà, ne devait pas grand-chose à Binet).
Un enfant dont le score brut correspond à la moyenne de son groupe
d’âge obtient ainsi un QI de 100. L’écart type1 permettra de situer les

4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)


écarts par rapport à la moyenne. La référence à cette valeur moyenne
est une convention. Si le score brut obtenu par un enfant se situe à
un écart type au-dessus de cette moyenne, il obtiendra par exemple un
QI de 115. Il sera désormais possible de comparer l’efficience du même
individu au cours des années.

Pourcentages
2,2 6,7 16,1 50 16,1 6,7 2,2
d’occurences
Notes standard 70 80 90 100 110 120 130
Description qualitative Très Limite Moyen Moyen Moyen Supérieur Très
faible faible fort supérieur
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Étendue des notes ! 69 70-79 80-89 100-109 110-119 120-129 " 130
composites

Figure 4.1. Courbe de normalité

Le schéma ci-dessus invite à situer le chiffre global défini par les


épreuves du WISC du sujet testé. Parmi les valeurs qui ont pris une
signification particulière, nous retenons les suivantes :

1. En statistique, l’écart-type mesure la dispersion d’une série de valeurs autour de


leur moyenne.

49
Les fondements

• Entre – 2/3 et + 2/3/ d’écart type, se retrouve 50 % de la population


d’étalonnage. C’est là que se situerait la normalité, c’est-à-dire entre
90 et 110 points de QI, c’est-à-dire à 10 points au-dessus et en
dessous de la note moyenne ;
• Entre – 1 et + 1 écart-type se trouveraient les 67,8 % de la population,
donc entre 85 et 115 de QI ;
• Entre – 2 et + 2 écarts types se trouveraient les 95,6 % de la population,
donc entre 70 et 130 de QI ;
En deçà de – 2 écarts-types, la déficience intellectuelle légère, à moins
4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)


de 70 points de QI (à partir de 69) ;
• Au-delà de + 2 écarts-types, l’efficience intellectuelle supérieure, donc
à plus de 130 points de QI.

! Utiliser intelligemment les tests d’intelligence1


Le QI Wechsler n’est pas un Quotient Intellectuel

Le QI Wechsler, d’hier ou d’aujourd’hui, n’est pas un Quotient intellectuel


puisqu’il n’est pas obtenu par le calcul d’un Quotient. L’insistance de
Wechsler vise l’âge mental, c’est de celui-ci dont il faut se débarrasser
parce qu’il est trompeur : trop parlant, il en dit trop : pour des parents
d’enfants petits, si on leur dit que leur bambin a un an d’avance dans
ses compétences en langage, ou sur le plan moteur, cela a du sens,
beaucoup de sens. C’est très parlant. Les mêmes savent alors qu’avec
deux ans « d’avance », ils auraient donné naissance à un enfant d’une
grande précocité (en terme de QI Stern, deux ans d’avance à 4 ans, c’est
un QI de 150 !). Et cet âge mental trop bavard, quand il accouche d’un
QI pour les petits âges devient un vrai souci pour le praticien. Pour
pallier le problème, certains concepteurs ont recours à un autre terme,
Indice, ou Quotient de développement.
Généralement, la raison pour laquelle la pratique a longtemps persisté à
utiliser ce terme est trouvée dans la force et la commodité des habitudes.

1. Ce titre est un clin d’œil à la manière dont Kaufman présente ses contributions
écrites à propos des tests depuis longtemps. Son dernier (gros) ouvrage ne dément
pas la même plaisanterie, Intelligent testing. Nous voulons aussi préciser que nul ne
saurait prétendre au monopole de l’intelligence.

50
Les fondements

Nous pourrions ajouter à cet argument que le QI avait depuis longtemps,


par sa formule, pris cet aspect austère, donc sérieux propre aux formules
scientifiques, et qu’il n’était sans doute pas question de perdre ce
bénéfice.
Il y a un troisième argument à ce que nous utilisions encore ce terme-
qui-n’est-pas-un-quotient : les habitudes ont été prises hors du champ
des psychologues, premiers utilisateurs et premiers informateurs sur
l’apport des tests. Il peut arriver que dans les commissions d’éducation
spéciale d’hier, et dans les commissions de la MDPH aujourd’hui, le

4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)


chiffre soit demandé au psychologue, notamment par les médecins, un
chiffre qui résume les efficiences de l’enfant. Il est alors difficile au
spécialiste qui sait que l’idéalisation du QI n’est plus ce qu’elle était de
faire comprendre que des chiffres, avec son WISC actuel, il a appris à
en utiliser bien davantage. D’ailleurs les tenants d’une certaine théorie
hiérarchique des aptitudes persistent à trouver une valeur résumant
l’ensemble. Dans le WISC-V, il est encore présent, avec les nombreux
indices, et concurrents éventuels.
Une telle persévérance en faveur du QI interroge. Peut-elle simplement
s’expliquer par le seul poids de l’habitude ? Ce n’est pas seulement une
habitude qui peut rendre compte d’une telle persévérance. Il faut bien
que les concepteurs eux-mêmes y croient encore. N’est-il pas question
d’un facteur Général d’intelligence dans la théorie ?
Dans le WISC-V, il est encore nommé QIT... et il est obtenu à partir
de 7 subtests, alors même que la logique du matériel commande la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

passation de 10 d’entre eux, permettant les comparaisons inter-indices.


Le QIT à partir de 7 épreuves précisément n’est pas cela, il postule à
cerner une autre réalité, qui serait du côté de la personne testée, livrant
quelque chose qui lui est propre et pourra être retrouvé par la suite, un
diagnostic des efficiences du sujet.

La distribution des intelligences est-elle normale ? Normale


au sens de naturel

En utilisant un mode de calcul particulier, Wechsler accrédite une


conception de l’intelligence particulière, qui n’est pas conforme à ses
aspirations. Voici ce dont il s’agit.

51
Les fondements

Nous trouvons cette présentation d’une distribution naturelle parmi les


sites internet qui lui consacrent quelques pages, elle dit l’intérêt de la
Loi de Laplace-Gauss. C’est une formule mathématique mais les mérites
de la Loi peuvent s’écrire en français.
Ils sont ainsi définis :

« Aussi appelée loi de Laplace-Gauss, la loi “normale”, ainsi dénommée


par Pearson, au sens de naturelle, intervient dans l’étude de phénomènes
quantitatifs aléatoires continus soumis à de multiples causes (aucune d’entre
4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)

elles n’étant prépondérante), agissant additivement et indépendamment


l’une de l’autre et dont la répartition des valeurs s’étale autour de leur
moyenne1. »

Ramenée à la loi normale centrée et réduite, la loi normale de Laplace-


Gauss permet une représentation graphique singulière de la « densité »,
une représentation autre qu’un point sur une ligne (comme sur une
courbe), qui indique le nombre d’observations nous intéressant (pour
une raison ou une autre) par une aire inscrite entre les lignes de la
Figure.
Ainsi dans le schéma qui suit, pourrait-on figurer les observations par
exemple comprises entre – 2 écarts-types et +2 écarts types par cette
fraction d’espace large et médiane, dans laquelle il y aurait autant
de sujets à gauche qu’à droite de la médiane du schéma. En vert de
préférence, pour conserver le rouge dans l’aire dédiée aux 2,3 % restants.
Vue ainsi, la représentation mathématique d’une distribution naturelle
d’une part, et la représentation imagée de cette représentation mathé-
matique d’autre part apparaissent des vues de nos esprits, tellement
répétées que l’on finit par croire avec elles qu’il y a autant de gens bien
doués dans un échantillon représentatif de la population en général que
de gens intellectuellement un peu limités ! C’est pourtant le parti que
l’on prend avec la théorisation sous-jacente au calcul de Wechsler, qui
présente comme s’il s’agissait d’évidences, des affirmations commodes
à résumer ce que pourrait être la normalité. Ce que nous voulons
signaler par-là, c’est qu’il n’y a pas de magie dans l’application des
mathématiques aux réalités humaines, mais à chaque instant, des choix

1. <http://serge.mehl.free.fr/anx/loi_normale.html> consultée le 15/11/2016 à 15h.

52
Les fondements

particuliers, nécessités par des contingences sur lesquelles rien n’est dit.
Et, pour ce qui concerne l’intelligence, ou l’activité intellectuelle, ou ses
représentations, les théorisations ont d’abord pour objet de chercher le
point moyen, et ce qui se ramène à la norme, pour une culture singulière,
la nôtre.

La stabilité des notes standard sur les mêmes épreuves


pour un même sujet

Nous avons souligné l’avantage de la Loi Normale centrée réduite

4. Âge mental et QI (Quotient intellectuel)


pour poser le principe d’une stabilité des notes standard sur les
mêmes épreuves pour un même sujet. Ce faisant, nous supposons que
l’observation de départ de Wechsler, qui rapportait les différences dans
l’appréhension d’un même problème à travers les âges – il prenait
l’exemple d’une épreuve de complètement d’objets (1949 trad. fr 1957,
p. 6)1 – a été oubliée.
On conçoit alors qu’il ne manque que de se convaincre que tel test rend
compte de telle aptitude pour penser que l’on a le moyen de dresser,
avec un outil « bien fait », le profil des aptitudes de toute personne
de manière décisive, et pour longtemps. Pour longtemps, c’est-à-dire
de l’enfant à l’adulte. Il est intéressant de souligner ici que l’idée selon
laquelle les aptitudes intellectuelles humaines se résumeraient pour
toute la vie aux 8 ou 9 ou 10 aptitudes retenues pas les théoriciens
actuels de la CHC, a été démentie par Horn (le H de CHC) tant qu’il
a été en mesure de le faire. Ce qui indique d’abord qu’il n’y a pas
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’unanimité sur cette question, qu’il n’y en a jamais eue, mais qu’il
s’agit au mieux d’une affirmation nécessaire à poser quelques hypothèses
sur les fonctions psychiques supérieures2 , dans un cadre de pensée
déterminé.

1. Des considérations cliniques et statistiques conduisent à penser que les mêmes


items ou les mêmes matériels peuvent avoir des significations psychologiques
différentes dans les tests pour adultes et pour enfants » cités ci-dessus, au chapitre 1,
mais elle peut être répétée encore, martelée pour que quelque chose en soit entendu
du côté de la théorie pure et dure des aptitudes.
2. Nous utilisons la formulation de Vygotski, qui nous paraît la plus propre à nous
faire comprendre et ne génère pas de conflits chez les praticiens, d’où qu’ils viennent.

53
Les fondements
5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence

LE QI DANS LA DÉFINITION DU TROUBLE


1
DÉFICITAIRE DE L’INTELLIGENCE

Histoire courte de la mesure de l’efficience


intellectuelle, cinquième épisode

Historiquement, la création de la première Échelle Métrique de l’Intelli-


gence (EMI) par Binet (1905, 1908, 1911) est due à certaines volontés
de catégoriser les retards mentaux pour permettre de différencier les
enfants susceptibles de trouver un bénéfice à la fréquentation scolaire
ordinaire. L’EMI a eu cette fonction primitivement.
L’échelle de Zazzo qui a succédé, cinquante ans après, à l’Échelle de Binet
et Simon était tout entière dédiée à cette tâche, mais pas seulement :

1. Nous avons consacré un long article à cette question dans le précédent Manuel
du WISC-IV. Nous résumons ici l’essentiel des éléments concernant la définition des
Retards mentaux, en intégrant ce qui a changé dans les nomenclatures française et
américaine, CFTMEA R-2012 et DSM-5.

54
Les fondements

La feuille de réponse et les commentaires sur les épreuves que l’on


trouve dans le manuel de la NEMI indiquent bien pour chaque épreuve
ce qu’elle était susceptible d’éclairer, de la déficience intellectuelle et

5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence


de la dyslexie, en mentionnant pour chacune dans la marge, « facile pour
le débile », ou « difficile pour le débile ». Le terme « débile » apparaît
bien désuet, mais c’est bien ainsi que cela était formulé en 1966.
Il est donc légitime dans la première partie de notre ouvrage consacrée
au « WISC éternel » de préciser quand c’est possible de quelle manière
les tests d’intelligence se sont acquittés de cette première tâche. Et
éventuellement, comment ils ont concouru à mieux cerner le trouble
d’intelligence. Nous verrons mieux alors ce que l’on peut en attendre
avec le WISC-V.
Il y a une autre raison à traiter maintenant de cette question : la
déficience intellectuelle est le seul trouble pour lequel les classifica-
tions médicales font explicitement référence au QI et à l’examen de
l’intelligence dans la définition du trouble.
Pour interroger le chemin parcouru, il paraît justifié de comparer le
sort réservé aux tests d’efficience intellectuelle dans les classifications
médicales de référence : le QI était à la base des définitions. Ils en
étaient un élément essentiel. S’ils ont apporté ce qui en était attendu,
comment cela apparaît-il aujourd’hui ? C’est là, à l’évidence une question
naïve, posée comme si le monde ne bougeait pas, comme si ses lois
étaient toutes et partout pérennes, quand nous savons qu’il n’en est
rien. Il faut donc partir d’une comparaison entre hier et aujourd’hui en
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

comparant, non nos tests et notre place, mais ce qui distingue hier et
aujourd’hui dans les attentes à notre égard de cette partie de la société
représentée par les professionnels du soin.
En d’autres termes, simplement : nous proposons de comparer deux
moments dans la vie des classifications médicales, au chapitre du retard
mental.
Et parce que c’est très actuel – le DSM-5 est récent et il a fait
couler beaucoup d’encre même dans les journaux « grand public » –
la comparaison entre les rubriques « Retard mental » des deux derniers
DSM nous semble la bonne porte.

55
Les fondements

Le retard mental selon les dernières classifications


de l’American Psychiatric Association
5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence

Le tableau ci-dessous présente les définitions respectives des deux


dernières classifications, la quatrième et la cinquième quant au retard
mental.

DSM-IV-TR DSM-5

Intellectual disability
Mental retardation
(intellectual developmental disorder)

Trois critères « L’intellectual disability est un trouble qui appa-


A. « Fonctionnement intellectuel général significa- raît pendant la période de développement, qui
tivement inférieur à la moyenne : niveau de QI inclut des déficits de fonctionnement intellectuel
d’environ 70 ou au-dessous, déterminé à l’aide et adaptatif, dans les domaines conceptuel, social
d’un test de QI passé individuellement (...) » et pratique. Les critères suivants doivent être
présents :
B. « Déficits concomitants ou altérations du
fonctionnement adaptatif actuel dans deux au A. Déficits des fonctions intellectuelles, comme
moins des secteurs suivants : communication, dans le raisonnement, la résolution de pro-
autonomie, vie domestique, aptitudes sociales et blèmes, la planification, l’abstraction, le jugement,
interpersonnelles, utilisation des ressources de la lecture, l’apprentissage par l’expérience, confir-
l’environnement, utilisation des acquis scolaires, més par l’évaluation clinique et l’évaluation par
travail, loisirs, santé, sécurité » des tests individuels d’intelligence standardisés,
C. « Début avant l’âge de 18 ans » B. Déficits dans l’adaptation qui résultent d’un
manque dans les capacités usuelles dévelop-
pementales et socioculturelles d’indépendance
et de responsabilité personnelles. Sans aide
ou soutien, les déficits adaptatifs limitent le
fonctionnement dans une ou plusieurs activités
de la vie courante, comme les communications,
la vie sociale, la vie autonome, dans des envi-
ronnements divers comme la maison, l’école, le
travail et le groupe.
C. Apparition des déficits intellectuels et adaptatifs
au cours de la période de développement »

À la lecture des deux définitions, les différences entre le 4e et la 5e


version du DSM ne sautent pas aux yeux, sinon la dénomination du
trouble : exit mental retardation (retard mental), entrée de Intellectual
disability (incapacité intellectuelle) en attendant Intellectual Develop-
mental Disorder (Trouble du Développement intellectuel).

56
Les fondements

Cette nouvelle nomination du trouble, Intellectual disability en effet est


provisoire sous ces termes. Elle est en attente d’une nouvelle version
de la Classification internationale des maladies qui devrait retenir le

5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence


terme de Intellectual Development Disorder – Trouble du développement
intellectuel. Nous n’entrons pas dans le détail des justifications, mais
nous retenons qu’il y a pour les rédacteurs une modification conséquente
dans l’appréhension du trouble : c’est un trouble, il survient dans le
cours du développement. Il survient dans le cours du développement,
mais c’est un trouble qui n’a pas d’âge !
Cela justifie sans doute que le trouble soit classé parmi les « troubles
neurodéveloppementaux. »

En conséquence, la grande catégorie des « Troubles habituellement diagnostiqués


pendant la première, la deuxième enfance ou l’adolescence » a disparu du DSM
dans sa cinquième version.
Il n’y a donc pas de référence explicite aux troubles présentés par les enfants comme
tels. C’est la différence majeure entre les deux classifications DSM successives, et
peut-être celle qui a fait couler le plus d’encre.

Ce trait est particulièrement marquant dans le cas du retard mental,


parce qu’il met sur le même plan les observations qui distingueraient
des catégories selon la gravité du trouble, ce qui n’a pas de sens.
L’autonomie notamment, pour prendre ce simple exemple, et tout ce
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

qui s’y réfère n’a pas chez l’enfant l’importance qu’elle prend chez
l’adulte. L’enfant est par nature un être dépendant, bien après qu’il a
eu accès à un langage suffisant pour signifier ce qui lui est nécessaire.
La dépendance est le statut de l’enfant. Et l’autonomie en classe n’a
qu’un très lointain voisinage avec l’autonomie au travail ou l’autonomie
dans la vie quotidienne. Chez l’enfant, ce qui amène à consulter – cela
est mentionné par le DSM-5 dans les traits diagnostiques – c’est ce qui
apparaît comme un retard pour l’observateur affectant tous les domaines
du développement, compréhension, langage, motricité, plus ou moins
selon les domaines et la profondeur du trouble. Si l’on ne veut pas
considérer les âges, il devient très difficile d’accorder de l’importance
au retard, qui n’est concevable que par la comparaison des âges. Que

57
Les fondements

le lecteur nous pardonne ces évidences, mais c’est comme ça quand les
repères fondamentaux pour penser s’évanouissent.
5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence

Inévitablement, le problème surgit pour donner un chiffre indiquant la


prévalence du trouble. Le DSM-5 retient le chiffre de 1 %. Il y a bien loin
entre ce chiffre et celui qui est considéré depuis les débuts des tests
comme représentatif du retard mental léger chez l’enfant, à savoir plus
de 2,5 %. C’est d’ailleurs autour de ces chiffres que l’on se retrouve avec
le DSM-5 puisqu’il indique, au chapitre des traits diagnostiques, que
l’examen psychométrique doit être fait avec des tests dûment étalonnés,
de manière à identifier la population des enfants qui se situent, du point
de vue de leur efficience, à plus de deux écarts-types de la moyenne. Il
est indiqué à cet endroit que les tests d’évaluation doivent situer les
efficiences de l’enfant dans une distribution normale de moyenne 100
et d’écart-type 15 des enfants de même âge.
La fraction de la population d’enfants présentant à première estimation
un écart de développement supérieur à deux ans, ces enfants pour
lesquels l’enseignement doit être adapté parce que leur niveau de
réponse est tout à fait hors des limites de ce qui est « jouable » dans
une classe ordinaire, sont ordinairement identifiés entre les 1 % des
études qui méconnaissent l’enfant et les 2,5 % identifiés par les tests
de type Wechsler. C’est la catégorie nommée selon les cas « déficience
légère », ou « retard mental léger ». Ce sont des enfants qui, adultes,
n’apparaissent plus comme retardés, le plus souvent, parce que leur
adaptation à la vie sociale selon les règles communes ne les distingue
plus du grand nombre.
En résumé, la gêne pour l’utilisateur est la non-différenciation entre
les enfants et les adultes dans les classifications. L’effacement de la
catégorie « troubles habituellement diagnostiqués pendant la première,
la deuxième enfance ou l’adolescence » est la grande différence entre
les versions successives. Les réponses médico-sociales ne peuvent ici
être confondues.
D’autres différences existent encore, d’abord par la place occupée dans
la classification, puis par les critères retenus pour l’identification.
Précédant la publication du DSM-5, les changements importants

58
Les fondements

étaient recensés dans un document1 . Nous pouvions y lire que les


critères désormais pointeraient la nécessité d’une évaluation dans les
deux domaines des capacités cognitives (QI), et du fonctionnement

5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence


adaptatif. Une précision était encore apportée pour donner plus de
poids au changement, « la sévérité (du trouble) est déterminée par le
fonctionnement adaptatif plutôt que par le score du QI »
Les critères diagnostiques sont davantage détaillés. À leur lecture, le
sens à prêter au changement s’impose à notre esprit : si les évaluations
cognitives sont mentionnées, et si elles servent à définir l’importance,
la sévérité du trouble, elles n’apparaissent pas d’un grand poids dans
les pages très fournies qui détaillent très finement ses manifestations
selon les trois domaines, Conceptuel, Social et Pratique.
Le premier domaine de définition, Conceptuel est à l’évidence celui des
investigations psychologiques pratiquées par le psychologue. Il y est
fait un usage soutenu de concepts issus de la psychologie cognitive,
dont « fonctions exécutives, planification, flexibilité mentale, »... Il
restera aux praticiens de la médecine à se mettre à jour pour l’utilisation
de toutes les notions évoquées ici, mais non définies.
Il faut arriver à la rubrique « Traits diagnostiques » pour trouver une
affirmation claire des tests pratiqués avec les enfants : le diagnostic
d’incapacité intellectuelle est basé à la fois sur l’évaluation clinique
et le testing standardisé des fonctions intellectuelles et adaptatives
(DSM-5, version américaine, p. 37)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Une bonne partie de la page suivant ce rappel est consacrée à détailler ce


qu’est, ce que doit être le bon examen de l’intelligence et de l’adaptation.
Tout y est dit, qui a pu être écrit par un psychologue spécialiste,
ou mieux, peut-être un psychologue représentant une grande maison
d’édition de test. Sur tous les aspects concernant les précautions à
prendre, les conditions d’un examen digne de ce nom, susceptibles
d’apporter les bonnes réponses aux attentes de l’utilisateur, il n’y a
rien à ajouter. Sauf une remarque peut-être : quand le rédacteur fait la
mention des composants nécessaires à ce qui est attendu des fonctions
intellectuelles, il livre une liste que nous identifions sans peine. Il cite :

1. American Psychiatric Association, 2013, Highlights of Changes from DSM-IV-TR to


DSM-5, American Psychiatric Publishing, p. 1.

59
Les fondements

Compréhension verbale, Mémoire de travail, Raisonnement perceptif,


Raisonnement quantitatif, efficience cognitive, nous indiquant ainsi dans
quelle direction nous trouverons le bon matériel de test. « Raisonnement
5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence

perceptif » est un terme étrange, barbare, propre au WISC-IV. Nous avons


entendu.
Une autre remarque confirme la bonne direction ; nous la trouvons plus
loin dans la même page :

« Les profils cognitifs individuels fondés sur le testing neuropsychologique


sont plus utiles pour comprendre les capacités intellectuelles qu’un simple
score de QI. Un tel examen peut identifier des aires de forces ou faiblesses
relatives, une évaluation importante pour la planification de la scolarisation
et de la vocation. »

En apparence, c’est l’accord parfait entre les conceptions, celle qui


guide la confection des tests, et celle qui doit guider le médecin. Cette
conception ignore la psychopathologie. Il nous faudra faire un autre
détour pour la retrouver, du côté de la classification française qui était
dirigée par Misès CFTMEA R-2012.
Quant à la crainte de sa propre disparition, à la lecture de ces pages, le
psychologue peut être rassuré. Cependant, s’il est un clinicien attachant
une grande importance à restituer la cohérence du fonctionnement
mental des sujets qu’il rencontre, en revanche, il aura beaucoup de peine
à s’arrêter au seul rôle de comptable des forces et faiblesses paraissant
qualifier des aptitudes dans les scores des tests.
Nous trouvons d’autres perspectives intéressantes à cette batterie de test.
Nous nous en expliquerons dans la présentation de deux observations
très détaillées en fin d’ouvrage.
Pour l’heure, nous retenons :
• Que la psychologie n’a pas été complètement oubliée du DSM-5 ;
• Mais que cette psychologie-là veut ignorer la psychopathologie de
l’enfant et, avant elle, cette réalité : l’enfant n’est pas l’adulte !

60
Les fondements

Le retard mental selon les classifications française


et internationale

5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence


! Un accord relatif entre CFTMEA R-2012 et CIM 10

Tableau 5.1. Les définitions du trouble RETARD MENTAL selon les classifications.

CFTMEA R-2012

F70-F79 Retard mental 5. Déficiences mentales

« Arrêt ou développement incomplet du fonction- « Indiquer à la fois le niveau mental et la catégorie


nement mental, caractérisé essentiellement par de la déficience.
une altération, durant la période de développe- Le niveau mental doit être évalué à partir de
ment, des facultés qui déterminent le niveau toutes les informations disponibles, c’est-à-dire
global d’intelligence, c’est-à-dire les fonctions à la fois la symptomatologie clinique et les
cognitives, du langage, de la motricité, et des données psychométriques. Les quotients intel-
capacités sociales. Le retard mental peut accom- lectuels indiqués sont ceux de tests ayant une
pagner un autre trouble mental ou physique ou moyenne égale à 100 et un écart-type de 15.
survenir isolément (...) L’échelle utilisée reprend celle de la Classification
Les degrés de retard mental sont habituellement internationale des Maladies de l’OMS.
déterminés par des tests d’intelligence stan- 5.0x Q I 50 – 69
dardisés. Ces derniers peuvent s’accompagner
5.1x Q I 35 – 49
d’échelles évaluant l’adaptation sociale à un
5.2x Q I 20 – 34
milieu donné (...) ».
5.3x Q I < à 20
5.4x Q I Non spécifié »
Les catégories :
5.x5 Déficiences dysharmoniques
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5.x6 Déficiences harmoniques


5.x7 Déficiences avec polyhandicap sensoriel ou
moteur
5.x8 Démences
5.x9 Non spécifiées

Les définitions sont rapportées ci-dessus pour les deux classifications


médicales de référence.

Les convergences relatives


• Une catégorie est tout entière consacrée aux retards mentaux ;
• Leur définition fait une part propre aux données psychométriques ;

61
Les fondements

• Ces dernières sont utilisées conjointement avec des observations


cliniques dans la CFTMEA R-2012, et d’autres mesures des capacités
adaptatives dans la CIM 10 et le DSM-V ;
5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence

• L’accord sur les bases psychométriques est total pour l’identification


des catégories selon la gravité, pour les trois classifications.

Dans sa version la plus récente, la CFTMEA-R-2012 est sobre. Les


déficiences mentales (arriérations, débilités mentales, démences) consti-
tuent la catégorie 5 de la classification. Il est précisé qu’elle n’est
catégorie principale que dans les formes ou la déficience mentale
constitue l’élément diagnostic central. Pour celles-ci, le praticien doit
indiquer « à la fois le niveau mental et la catégorie de la déficience ».
La détermination du niveau mental doit utiliser « toutes les données
disponibles (...) à la fois la symptomatologie clinique et les données
psychométriques. Les quotients intellectuels indiqués sont ceux de tests
ayant une moyenne égale à 100 et un écart type de 15 » (CFTMEA
R-2012, p. 43). Les catégories quant au niveau mental sont celles de la
CIM10 (Classification Internationale des Maladies, version 10, de l’OMS)
Elles sont données avec le seul QI Wechsler, dans l’ordre :
• QI de 50 à 69, Retard mental léger,
• QI de 35 à 49, Retard mental moyen,
• QI de 20 à 34, Retard mental grave,
• QI inférieur à 20, Retard mental profond,
• QI non spécifié, Retard mental sans précision.

La Classification internationale des maladies précise à toutes fins utiles


– comme le fait la CFTMEA R-2012 – les divers niveaux de déficience, en
s’appuyant sur les QI. Elle distingue les déficiences légère, moyenne,
grave et profonde à partir des QI, inférieurs à 70, à 50, à 35, et à 20.
Puis en un même mouvement, elle met l’efficience intellectuelle dans
les tests en relation avec le niveau d’autonomie de la personne. Une
correspondance qui ne s’impose pas, a priori entre ce que mettent en
évidence les batteries de tests, et les niveaux d’adaptation à la vie
quotidienne.

62
Les fondements

Le retard mental à l’échelle internationale


(prévalence du trouble)

5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence


À l’échelle de la planète, la prévalence du trouble Retard mental est
estimée à 1 %. Ce qui pourrait signifier que le retard mental peut ne
pas durer toute la vie. Oakland (2003) précise :

« Les enfants déficients intellectuels légers, qui reçoivent un enseignement et


un apprentissage social, visant l’adaptation et le développement d’aptitudes
et habiletés, peuvent acquérir un niveau de développement qui à l’âge adulte
ne les distinguent pas des autres par le diagnostic de Retard mental. »

Cette prévalence du trouble de 1 % dans la population générale ne


correspond pas à ce que nous connaissons dans les écoles Ce qui pourrait
signifier que 85 % des personnes identifiées comme retardées mentales
légères parmi l’ensemble des déficients mentaux ne le sont plus quand
elles sont sorties de l’école ! Disons-le autrement, de manière abrupte,
le Retard mental, pour près de 85 % des personnes sur lesquelles a été
porté le diagnostic, n’aura pas d’autre réalité à l’âge adulte que celle
d’un souvenir de l’école.
85 % est le pourcentage de Retard mental léger dans la population
globale des retards mentaux.
Pour la sous-catégorie du Retard mental léger, la CIM 10 note :

« F70. Retard mental léger. QI de 50 à 69 (chez les adultes, âge mental de 9


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à moins de 12 ans). Aboutira vraisemblablement à des difficultés scolaires.


Beaucoup d’adultes seront capables de travailler et de maintenir de bonnes
relations sociales, et de s’intégrer à la société. »

Nous pouvons apprécier la signification qu’a prise et que garde l’utilisa-


tion des tests d’efficience intellectuelle dans ce domaine particulier.
Pour cette raison précisément, beaucoup considèrent, que si le diagnostic
est justifié par le besoin de définition du déficit, de l’incapacité et du
handicap, les tests d’efficience intellectuelle ne suffisent pas. Ils doivent
être complétés par une approche compréhensive des efforts d’adaptation
de la personne, approche utilisant des questionnaires divers, auprès de
la personne elle-même et de son entourage.

63
Les fondements

Une autre option peut être retenue, qui consiste à utiliser les épreuves
pour ce qui les a vues naître : moins un chiffre utile au néophyte qu’une
manière d’approche du singulier, de l’enfant et de sa manière, et très tôt,
5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence

avec cette préoccupation, une approche des conditions à l’apprentissage.

! Au-delà de l’accord relatif sur la définition et la prévalence,


les divergences

Au-delà de l’accord concernant les catégories du seul point de vue


de la psychométrie, des différences notables apparaissent entre les
classifications : seule la CFTMEA distingue les troubles selon leur
évolutivité.
À cette fin, deux éléments nécessaires à leur définition sont présentés :
• Le déficit harmonique considéré comme relativement stable ;
• Et le déficit dysharmonique qui s’inscrit dans un processus évolutif.

Le terme retenu pour catégoriser ce second groupe d’enfants est issu


des études de Misès (voir L’enfant déficient mental, 1975). Il est précisé
que :

« les traits déficitaires sont ici intriqués à des troubles de la personnalité


et/ou à des troubles instrumentaux divers (troubles du langage, troubles
gnosopraxiques) qui débordent les manifestations explicables par le seul
déficit intellectuel de base. »

Les changements peuvent apparaître trop subtils à l’utilisateur du WISC-V.


Nous l’encourageons pourtant à y aller voir, s’il veut appréhender juste-
ment ce qu’il fait quand il évalue l’efficience intellectuelle d’un enfant par
les tests. En particulier, il doit avoir à l’esprit que les évaluations répondent
à une demande de classement qui a sa logique, la classification des
troubles mentaux quand il s’agit de troubles affectant le développement
des fonctions psychiques supérieures.
En l’occurrence, nous verrons que se fait jour une tendance toujours plus
forte, en provenance d’outre Atlantique, à faire disparaître la référence
« enfant » dans sa manière de concevoir le trouble présenté par la
personne, à faire disparaître cette référence obligée quand on souhaite
mieux délimiter et penser l’aide publique qui devrait être apportée à la
personne « handicapée ».

64
Les fondements

Les psychologues restent incontournables avec leurs tests dans certains


domaines. Il est important qu’ils soient conscients des enjeux sociaux
des tests qu’ils emploient. Il ne suffira pas, pour nous, de communiquer

5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence


des chiffres pour croire que tout a été dit. Il faut apprêter les chiffres,
c’est-à-dire ici, les présenter de manière à ce que les réalités identifiées
au cours de la passation du test pénètrent l’esprit de ceux qui vont
décider du sort de l’enfant dans une grande mesure. Ce qui exige, quand
on s’adresse à des médecins dans des commissions, de connaître la
psychopathologie de l’enfant. La confrontation de ce que nous savons
au travers de nos expériences professionnelles diverses à ce qui se lit
dans les classifications médicales des troubles mentaux est un élément
essentiel de cette connaissance.

! Question centrale sur la relation entre retard mental


et psychose

La CFTMEA R-2012 mentionne les correspondances avec le chapitre V


« Troubles mentaux et du comportement » de la dixième révision de la
classification internationale des maladies (CIM 10).
Mais il y a des limites à la correspondance :
Pour la CIM 10, le diagnostic de Retard mental n’est pas exclusif d’un
trouble du comportement qui peut lui être associé et devra être évalué,
ou d’un autre trouble mental (autisme notamment), du développement,
ou des conduites, noté conjointement par un code CIM 10.
Tandis que dans la classification française, les déficiences mentales
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constituant une des catégories cliniques de base, sous la dénomination


« déficiences mentales (arriérations, débilités mentales, démences) »,
cette catégorie « déficiences mentales » accepte seules les formes dans
lesquelles la déficience intellectuelle constitue l’élément diagnostique
central. Elle exclut donc les psychoses déficitaires d’une part et les
psychoses de type dysharmonie, qui s’accompagnent pourtant d’un
déficit intellectuel, non central « au moins dans la période initiale ».
Elle exclut également les dysharmonies évolutives non-psychotiques dans
lesquelles les retards de développement peuvent être mis en évidence
dans différents domaines, langage, psychomotricité, idéation.

65
Les fondements

Cependant, à la catégorisation des déficiences selon le QI s’ajoute une


seconde catégorisation qui distingue quatre groupes dans lesquels des
troubles non centraux peuvent être associés :
5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence

• Déficiences harmoniques,
• Déficiences dysharmoniques,
• Déficiences avec polyhandicap sensoriel et/ou moteur,
• Démences.

! L’identification du trouble
Pour la CFTMEA R-2012, le diagnostic se fonde en premier lieu sur le
niveau intellectuel, celui-ci étant défini à partir d’éléments cliniques et
psychométriques. Le quotient intellectuel a une place centrale dans la
définition de la catégorie de déficience, les catégories sont celles de la
CIM 10 de l’OMS.
Dans la CFTMEA R-2012, Il n’y a pas de volonté affichée d’apprécier les
conséquences du trouble dans la vie quotidienne, ce n’est pas l’objet de
la définition. La symptomatologie clinique, nécessaire n’est pas précisée
pour le trouble dans son ensemble, mais pour les diverses sous-catégories
énumérées, et dans la discussion implicite qui sous-tend les inclusions
et exclusions.
Pour la CIM 101 , la définition nécessaire du Retard mental, qui pourrait
reposer sur deux pôles, efficience intellectuelle et adaptation/autonomie
dans la vie quotidienne, ne semble pas vraiment trouvée.
Dans la même classification, les catégories de gravité sont essentiel-
lement délimitées par des chiffres de QI, bien que les définitions

1. La CIM 10 a connu d’autres définitions du Retard mental. Selon une version


de 1958, on distinguait le « retard mental » de la « déficience mentale », le premier
étant dû à des causes « environnementales », tandis que le second était dû à des
causes « pathologiques » ; la CIM 7 définissait le trouble comme « altération du
comportement adaptatif », tandis que la CIM 8 le définissait comme « altération de
l’ajustement ou de la maturation ou des deux dans l’apprentissage et la socialisation ».
Dans la version actuelle, le conflit sur l’étiologie est écarté, tandis qu’une plus grande
place semble progressivement laissée à la « maturation », au détriment de l’ajustement
et du comportement adaptatif.

66
Les fondements

respectives intègrent des appréciations quant au niveau et à la qualité


de l’autonomie de la personne.

5. Le QI dans la définition du trouble déficitaire de l’intelligence


Pourtant, le lien posé à travers le Retard mental entre le trouble de
l’intelligence et les troubles concomitants d’adaptation est ancien, et
actuel. Oakland (2003) explique qu’aux USA chaque état fait au mieux,
à sa manière dans le cadre de la Loi fédérale.

« (...) [aux USA], chaque état [de la structure fédérale] développe sa propre
stratégie pour l’éducation spéciale, cohérente avec la nomenclature IDEA 97.
(...). Presque tous les États exigent des observations en classe, de même
que l’administration de divers tests évaluant les niveaux atteints (achie-
vement test) et l’intelligence, avec une mesure des aptitudes adaptatives
comportementales et sociales complétée par les parents et/ou l’enseignant.
L’état et la loi fédérale ne précisent pas quel test doit être utilisé. Le
Woodcock-Johnson Tests of Achievement III ou le WISC dans sa dernière
révision sont souvent utilisés pour les aptitudes cognitives, le “Adaptive
Behavior Assessment System”, les Scales of Independent Behavior, ou la
Vineland Adaptive Behavior Scale sont utilisés pour évaluer le comportement
et les aptitudes adaptatives. »

En France, la mise au point de la Nouvelle Échelle Métrique de


l’Intelligence par Zazzo (1966) est contemporaine de la mise au point
d’une échelle de développement psychosocial (D.P.S.) par M. C. Hurtig
(1969). Cette dernière, adaptée de Vineland, n’a cependant pas été
beaucoup utilisée à notre connaissance.
La question continue donc d’être posée avec insistance dans les
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

classifications médicales elles-mêmes, dans les mêmes termes depuis


40 ans. Ajuriaguerra la rappelle dans son Manuel de psychiatrie de l’enfant
(1980), dans la formulation qu’il emprunte à Heber (1959). La déficience
mentale se définit par l’association de deux séries d’observations,
traduisant la première l’infériorité significative du développement
intellectuel, la seconde la médiocrité de l’adaptation aux sollicitations
de l’environnement social et naturel.

67
Les fondements
6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique

PAS DE PSYCHOMÉTRIE SANS


PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUE

Introduction

Les développements qui précèdent sont largement justifiés par la Classi-


fication Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent.
Apprécier le retard mental d’un enfant ne saurait se suffire des chiffres
de QI, tout le monde le dit et l’écrit.
Mais quand ce constat est fait, les réponses ne sont pas les mêmes. Si
l’on se tourne vers le DSM-5, il apparaît très musclé en critères et traits
diagnostiques. Ceux-ci servent à qualifier l’importance du trouble, mais
ils ne livrent rien pour sa compréhension. Ce n’est pas l’objet de cette
classification qui recense les traits d’un trouble que tout un chacun doit
pourvoir observer.
Cependant, si l’on s’attarde sur le chapitre que le DSM-5 consacre
à l’examen par les tests, nous voyons qu’il fonde des espoirs sur

68
Les fondements

l’identification des points forts et points faibles de l’enfant, quant


à certaines aptitudes. Cela devrait, laisse-t-il passer, aider les choix
d’orientation...
Et nous répondons : c’est tout ?

6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique


À cela, de belles années dans le développement de la psychopathologie
ont permis de répondre autrement. Les travaux menés sur la déficience
mentale par Misès dans les années 70 notamment, ont en leur temps
permis d’appréhender autrement le groupe des déficiences. Il est
intéressant de noter que cette tentative de mise en pièces a été
accompagnée de la mise au point de matériels de tests, autour d’une
théorisation de la déficience. C’est de cette tentative que sont nées
les échelles différentielles d’efficiences intellectuelles EDEI de Michèle
Perron-Borelli.
En ce temps-là, qui n’était pas celui des dinosaures, l’expérience
menée par l’équipe de Misès avait été saluée dans le champ de la
psychopathologie, notamment par Lustin (in Bergeret, 1972-2000).
Les chercheurs pouvaient penser avoir cassé cet ensemble, à partir
d’une conceptualisation sur les dysharmonies évolutives, que les
tests distinguaient entre « à versant psychotique » et « à versant
névrotique ».
On a abusé de ces appellations dans les centres de soin, elles prêtaient
à confusion, comme souvent le vocabulaire dans ce domaine.
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La réflexion sur les travaux de Misès, ou inspirés par lui, avec le temps,
a abouti à une classification satisfaisante pour son utilité. Nous la
retrouvons dans la CFTMEA R-2012.
Le versant psychotique de la dysharmonie évolutive s’est révélé constant,
ce que soutient Lang qui ne reconnaît qu’une dysharmonie, dite
d’évolution de fond psychotique.
Le versant névrotique de la même dysharmonie a été remisé.
Dans la dernière CFTMEA, il reste présent, au sein du groupe 6, des
pathologies limites de l’enfant, comme sous-catégorie. Elle ne concerne
pas, dans ce cadre, la déficience intellectuelle.

69
Les fondements

Harmonie/Dysharmonie

Par ailleurs, la dysharmonie reste présente d’une manière différente dans


les déficiences : les sous-catégories identifiées dans la CFTMEA R-2012
font apparaître une opposition entre la déficience mentale harmonique
6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique

et la déficience mentale dysharmonique. Opposition par les mots, avant


opposition par les contenus.
L’une et l’autre se distinguent d’une troisième sous-catégorie constituée
des déficiences mentales avec polyhandicap sensoriel ou moteur :

« (...) formes d’origine encéphalopathique où le déficit intellectuel est


intriqué à des troubles neurologiques sévères à expression motrice et/ou
sensorielle et est accompagné souvent d’une comitialité. »

La déficience dysharmonique, notamment s’en distingue par la moindre


gravité des troubles associés, qui ne trouvent pas leur origine dans une
atteinte neurologique.
Tandis que dans les déficiences harmoniques :

« Les troubles de l’intelligence apparaissent fixés et constituent l’élément


central du tableau clinique : les diverses manifestations peuvent être
rattachées aux perturbations affectant globalement le développement et
l’organisation des fonctions cognitives, quelle qu’en soit l’étiologie. »

Dans les déficiences dysharmoniques, les troubles de l’intelligence


sont complexes en ce qu’ils associent des traits déficitaires à des
troubles dits « instrumentaux » qui peuvent être curables (troubles du
langage, troubles gnoso-praxiques) et à des troubles de personnalité. Le
processus d’ensemble est évolutif, et « ses manifestations ne sont pas
explicables par le seul déficit de base » Cette sous-catégorie correspond à
l’appellation ancienne « débilité intellectuelle avec troubles associés ».
La question harmonie/dysharmonie, comme les questions qui précèdent,
n’est pas récente. À partir du constat élémentaire selon lequel le
développement mental de l’enfant retardé ne suit pas la ligne de son
développement physique, on pose que les systèmes successifs d’équilibre
de son développement d’ensemble sont instables, se réalisant sur des
décalages sensibles dans tous les champs de nos investigations. Il y

70
Les fondements

aurait là une explication aux fluctuations dans les niveaux de réponses


données par le même enfant, sur des problèmes de nature identique mais
différant selon le matériel utilisé. Le nom d’hétérochronie est réservé
par Zazzo à cet équilibre/déséquilibre particulier du développement de
l’enfant déficient.

6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique


Il est à noter que le même auteur pointe les fréquentes disparités,
non-conformes aux chiffres de QI selon le Binet-Simon, en plus ou en
moins, quand il teste les efficiences dans des domaines particuliers et
disjoints, opposant ainsi par exemple la motricité, la psychomotricité,
l’organisation spatiale, le langage ou les réalisations scolaires. Ce qui
milite déjà pour une certaine conception de la dysharmonie.
Ajoutons encore, pour creuser le même sillon, qu’à la même époque,
S. Borel-Maisonny mettait en évidence la non-concordance entre niveaux
de gravité des troubles du langage et niveaux de déficience mentale,
d’une part, et la non-concordance, dans le domaine du langage, entre les
niveaux de réalisation selon que l’on sollicitait le lexique, la construction
de phrases, la compréhension...
Diverses contributions auraient ainsi préparé le terrain des travaux de
Misès et ses collaborateurs fin 1960, début 1970 (Misès, 1975).
Mais il ne s’agit pas pour cet auteur de poursuivre dans la direction
prise par Zazzo : en rupture avec sa conception, Misès conteste
l’opposition classique développée par Zazzo entre débilité endogène
et débilité exogène, une débilité vraie, pure, qui serait la débilité
endogène s’opposant à une espèce différente, exogène. On doit noter
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’ailleurs que la variété pure, endogène n’est pas plus harmonique que
l’autre, l’hétérochronie (décalage entre la croissance physique et le
développement intellectuel) s’exprimant de la même manière dans les
deux cas.
Misès explique que la référence conservée par Zazzo en ligne de mire,
à une déficience simple, qui serait le pur produit d’une atteinte des
processus mentaux depuis le début – selon une étiologie génétique –
est une référence sans intérêt. Il s’agit d’autre chose, de cerner la
réalité de la déficience mentale dans toutes ses composantes, de la
concevoir comme organisation mentale à part entière, dans laquelle
le déficit intellectuel est une réalité instable dans ses expressions.
Au bout, il s’agit de cesser d’identifier cette organisation, que la

71
Les fondements

psychopathologie d’inspiration dynamique (notamment psychanalytique)


permet d’appréhender de façon cohérente comme évolutive, par la
quantification des manques. Et du côté de l’enfant, il s’agit de restituer
ce qui est mobile dans l’organisation, ce qui est accessible aux soins et
susceptible de changer qualitativement.
6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique

Il note par ailleurs que les études consacrées aux déficients men-
taux, celles qui pointent la dysharmonie des efficiences notamment,
concernent en réalité une catégorie seulement des déficiences, la plus
problématique et la plus large, la déficience mentale légère.
Mettre en évidence les aspects dysharmoniques et évolutifs de la
déficience mentale nécessite la construction d’un outil moins orienté sur
la production de chiffres – qui induisent nécessairement, mécaniquement
l’idée de manque – mais dans la direction indiquée par la psychologie
génétique. Pour Misès et son équipe, les épreuves construites par les
collaborateurs et élèves de Piaget, qui mettent en évidence les stades
du développement de la pensée logique, doivent permettre d’approcher
le processus de raisonnement du déficient mental, et ce qui, comme
mécanisme mental serait au fondement même de la déficience.
C’est dans cet esprit que M. Perron-Borelli aborde la confection d’un outil,
une batterie d’efficiences intellectuelles, en rupture avec les conceptions
empiristes qui avaient prévalu depuis Binet. La batterie est composée
de diverses échelles d’efficiences, la part centrale, nouvelle, étant
constituée par l’intégration au final de trois échelles de catégorisation.
L’analyse des réponses sur des épreuves de catégorisation doit mettre en
évidence les éléments qui constituent les traits pertinents des activités
intellectuelles des enfants déficients, ce qui pour l’auteur relève selon
ses termes du « champ même de l’intelligence » :

« L’un de nos objectifs était de faire apparaître distinctement le déficit lié


aux processus de symbolisation et d’abstraction. Plus précisément même,
nous souhaitions introduire dans le champ de l’analyse des efficiences
intellectuelles des tâches qui mettent en jeu une activité opératoire, au sens
que Piaget et l’école de Genève ont donné à ce terme1 . » (1975, p. 211)

1. Souligné par nous.

72
Les fondements

Nous reviendrons plus loin sur la question de la pensée catégorielle,


dans les épreuves d’efficiences composant le WISC-V.
Retenons cependant un élément issu de l’étude conduite par M. Perron-
Borelli. Une correspondance paraît en effet s’imposer entre les sous-
catégories de déficiences mentales selon le QI, et les sous-catégories

6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique


cliniques. Le tableau 1, p. 206 de l’ouvrage de Misès de répartition
des 38 sujets de l’étude entre les structures psychopathologiques et
les QI indique « une liaison très nette entre la gravité des troubles
de l’organisation de la personnalité et le degré d’arriération » (1975,
p. 207). L’auteur précise que trois groupes se distinguent, à la fois par le
niveau d’efficience intellectuelle et par la structure psychopathologique :
• Un premier groupe d’enfants psychotiques présentant une arriération
profonde, les psychoses déficitaires ;
• Un second groupe d’enfants présentant une déficience moyenne (QI
entre 50 et 70 à la nemi) et une dysharmonie évolutive de structure
psychotique ;
• Un troisième groupe d’enfants présentant une déficience légère (QI
entre 71 et 80 à la nemi) et une dysharmonie évolutive de structure
névrotique.

D’autres enfants de l’étude présenteraient une déficience intellectuelle


sans dimension évolutive. Cette éventualité ne se présente que rarement
dans les cas de déficience légère.
Sans doute la correspondance entre les deux séries d’observation n’est-
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elle pas toujours aussi simple, mais conservons comme tendance ce


qu’elle indique.
Pour clore ce paragraphe sur notre question initiale, harmo-
nie/dysharmonie, nous empruntons la conclusion à Lustin, à propos de
ces épreuves et de ce qu’elles ambitionnent, et des premiers résultats
rapportés par Misès (1975). Lustin (1972-2000), après avoir salué
les EDEI, introduit dans la 8e édition de l’Abrégé de Psychologie
pathologique (Bergeret, 2000) le chapitre consacré aux « Réévaluations
modernes du concept de déficit » par cette remarque :

73
Les fondements

« La notion même de débilité simple semble totalement remise en cause


ainsi que la place centrale qu’on lui assimile dans le sein des organisations
déficitaires. Ce que l’on considérait auparavant comme des complications,
semble en fait inhérent à cette hypothétique structure déficitaire. »
(1970/2000, p. 293)
6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique

Il apparaît en conséquence que l’hypothèse dysharmonique doit être


reprise à l’abord de chaque examen de déficience mentale. Qu’elle soit
posée, et exige des réponses dans la version la plus récente de la CFTMEA
est un point hautement positif, en faveur d’une évaluation dynamique de
l’efficience intellectuelle, et d’une juste approche de la personne objet
de l’évaluation. L’évaluation dynamique s’intéresse aux processus de
réponse en débordant les résultats chiffrés, elle participe du processus
de réponse par un réel accompagnement dans le cours de la passation.
Elle est la seule qui accorde à la personne testée la place d’un alter ego.
En tout état de cause, la question harmonie/dysharmonie doit être au
cœur de l’examen des déficiences intellectuelles.

Le devenir du Retard mental

La CIM 10 dit explicitement que le Retard mental peut changer, dans sa


forme :
« Les capacités intellectuelles et l’adaptation sociale peuvent changer
et, même si elles sont médiocres, être améliorées par une formation et
une rééducation appropriée. »
Le rédacteur confirme d’ailleurs ce qu’il écrit dans le paragraphe suivant,
pour la sous-catégorie Retard mental léger, en pronostiquant une
possible adaptation sociale à l’âge adulte faisant disparaître les signes
les plus évidents de l’inadaptation, chez un sujet qui travaille et subvient
à ses besoins.
Il n’est pas fréquent de trouver des projections dans le futur de ce
type dans la CIM 10, quand la classification devrait lister les signes du
trouble. Peut-être cela s’explique-t-il par la nécessité d’ajouter encore
un argument à la conception du Retard mental comme trouble du
développement ?

74
Les fondements

Il n’y a pas d’équivalence à cette considération optimiste sur l’avenir


du trouble dans la CFTMEA R-2012. Le point de vue est différent.
La déficience mentale est dissociée des troubles de la personnalité. Elle
constitue une catégorie de trouble mental à elle seule. En revanche, elle
peut être associée à des troubles évolutifs, affectant les comportements,

6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique


et à des troubles dits instrumentaux (du langage, de la motricité,
de l’idéation). L’opposition entre déficience harmonique et déficience
dysharmonique concentre la question de l’évolutivité.
Misès, dans l’ouvrage « L’enfant déficient mental » ne considère pas
la déficience harmonique comme le trouble de base qui servirait de
référence en matière de déficience, mais plutôt comme un moment
dans lequel les reprises évolutives semblent exclues. A contrario, la
dysharmonie dans la déficience mentale représenterait en quelque sorte
la ligne la plus dynamique, évolutive de la déficience. Auquel cas, le ou
les examens devraient conduire, par-delà l’aide au diagnostic médical, à
définir ce qui apparaît mobile dans l’organisation actuelle du déficient
mental, ou plus simplement, ce qui trahit, ce qui contredit radicalement
la vision d’un nivellement des efficiences quel que soit le domaine dans
lequel nous pratiquons nos investigations.
Est-ce la manière dont nous devons comprendre le texte de circulaire
d’octobre 89 du Ministère de l’Éducation nationale, Jeunesse et sports,
Solidarité santé et sécurité sociale, « Modification des conditions de la
prise en charge des enfants ou adolescents déficients intellectuels ou
inadaptés par les établissements et services d’éducation spéciale1 » ?
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C’est une circulaire, pas un Décret, et il est relativement ancien.


Citons-le cependant. Ce texte dit d’abord qu’il importe de saisir dans
chaque cas les potentialités évolutives de l’enfant par une évaluation
clinique au-delà d’un bilan du déficit intellectuel établi par des tests
psychométriques. Le médecin psychiatre est requis pour ce diagnostic.
Mais on précise que « le diagnostic médical n’est indicatif que de la cause
de la déficience intellectuelle et n’autorise pas à faire l’économie de
l’évaluation complexe des capacités cognitives et interactives de l’enfant
qui seule permet de déterminer les besoins spécifiques d’éducation. »

1. Circulaire du 30 octobre 1989, parue au BOEN n°45, du 14 décembre 1989.

75
Les fondements

Dans ce but il précise encore qu’un seul examen, et a fortiori un seul


test administré, ne saurait suffire à instruire un dossier. La pratique des
tests doit être suffisamment éclairée pour apprécier même le potentiel
d’apprentissage de l’enfant. Bien que la formule utilisée nous étonne
un peu par son extrême simplification, puisque le rédacteur considère
6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique

que « le meilleur item réussi dans les épreuves psychométriques comme


indicatif du potentiel d’apprentissage qu’il s’agit de rendre effectif par
l’éducation et les rééducations et les thérapies spécialisées », le propos
reste très clair : identification des potentialités évolutives, et ouverture
au sein de l’établissement d’accueil sur le travail possible avec l’enfant
à partir des potentialités mises à jour.

Conclusion

En conclusion sur ce point : il est intéressant que les développements


aboutissent, sur la question qui précède à bien préciser ce que l’on peut
attendre des tests aujourd’hui : ils ont permis d’identifier une catégorie
de déficients légers. Il convient de repenser cette catégorie, et d’affûter
le regard sur les productions des enfants déficients légers dans les tests.
La seule question que l’on pourrait alors se poser quant à cette
perspective est la suivante : les tests tels qu’ils sont permettent-ils
d’identifier des indices d’évolutivité ?
À cette question nous répondons : assurément !
Nous avions beaucoup insisté sur cette possibilité ouverte par les tests
mêmes anciens dans notre ouvrage « Guide clinique des tests ». Elle
constituait même la colonne vertébrale de l’ouvrage.
Nous ne manquerons donc pas les épreuves du WISC-V sur ce problème :
certaines, par leur conception ouvrent sur la mise en lumière d’un
apprentissage en cours d’épreuve. Le plus souvent, toujours peut-être,
cette possibilité est due à la construction du test, au fait que l’on y
décèle des articulations soucieuses de la pensée et ses développements.
Ces articulations sont des repères dans le développement, et il n’est
pas rare que des enfants en difficulté importante, qui ont saisi quelque
chose du principe de l’épreuve, aillent ici plus loin que nous l’aurions
supposé a priori. C’est ici le savoir-faire du concepteur qu’il faudra saluer,

76
Les fondements

qui aide l’enfant que nous n’attendions pas à ce niveau à l’atteindre


parce qu’il a été pris au jeu mental proposé.
Dans l’ensemble des tests, ce phénomène survient parfois dans les PM38,
dans les Analyses catégorielles des EDEI (Perron-Borelli et Perron), et
pour le WISC-V dans les épreuves construites sur le même principe :

6. Pas de psychométrie sans psychopathologie clinique


amener à découvrir la catégorisation en cours d’examen ! Ce sont les
épreuves de l’indice Raisonnement fluide qui font ici bonne figure, ce
sont des épreuves dans lesquelles l’enfant apprend à catégoriser ! Face
à ce résultat, quand nous l’accompagnons, nous pouvons nous dire
que peut-être le déficit intellectuel qui serait fondé sur l’inaptitude à
catégoriser est une formule à réviser. La catégorisation cela s’apprend,
j’ai pu le constater1 !
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1. Une formule que nous dédions à la mémoire de madame Rosine Debray, qui la
répétait à propos de l’intelligence : L’intelligence, ça s’apprend !

77
Deuxième partie
Théorie du WISC V

7 La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse


factorielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

8 Sur la théorie CHC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

9 La théorie des aptitudes et le développement


des fonctions psychologiques supérieures . . . . . . . . . . . . 113

10 Le WISC-V et les critères CHC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123


Théorie du WISC V
7. La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle

LA RÉSISTIBLE ASCENSION DES FACTEURS ISSUS


DE L’ANALYSE FACTORIELLE

Histoire courte de la mesure de l’efficience


intellectuelle, sixième épisode

! Résumé des épisodes précédents

Dans les années vingt aux États-Unis, on reproche aux concepts d’âge
mental et de quotient intellectuel de ne pas être exportables à l’adulte.
L’argument de la critique porte sur la mesure : Conséquence, Thurstone
en 1926 propose l’abandon de l’âge mental, au profit d’une méthode
d’échelonnement qui doit permettre de comparer les résultats obtenus
par un même groupe sur deux tests différents, pour lesquels les moyennes
et les dispersions sont différentes, ou bien de comparer les résultats de
deux groupes sur un même test. La méthode doit pour cela délaisser
les scores bruts obtenus, pour s’intéresser à la fréquence des scores : si
ceux-ci se distribuent normalement, la table de fonction de répartition

80
Théorie du WISC V

de la loi normale livrera la position d’un groupe le long de l’échelle.


L’indice de dispersion d’une distribution normalisée des fréquences pour

7. La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle


un même groupe d’âge devient l’unité de mesure de l’intelligence.
Le trait qui paraît le plus significatif de cette conception, désormais
conquérante dans le monde des tests, est le pari d’une distribution
« naturelle » des réponses, celles-ci s’échelonnant sur un continuum du
moins vers le plus, quel que soit le stimulus. Il ne s’agirait plus pour le
psychologue que d’en repérer les degrés. Martin le précise ainsi :

« Il s’agit avant tout pour Thurstone de marquer sa conviction que les


réponses sont des phénomènes continus, que la fonction réponse R = f (S)
est une fonction continue. » (1997, p. 92)

La méthode de calcul n’a d’autre fonction que de justifier ce point de


vue.
Elle est exploitée dans la batterie d’efficience intellectuelle la plus
utilisée au monde, la Wechsler Intelligence Scale for Children, après la
mise au point d’une batterie de même type pour les adultes, Wechsler
Adult Intelligence Scale (WAIS) : batterie de 10 à 12 sous-tests, chaque
note brute est convertie en note standard d’une distribution de moyenne
10 et d’écart type 3, ce qui permet de les ajouter pour déterminer la
position du sujet sur une distribution de moyenne 100 et d’écart type
15.
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Les critiques de la distribution normale

Des critiques ont été adressées à Wechsler, parmi lesquelles :


• L’utilisation abusive du terme de QI, alors même qu’il n’est pas ici question de
quotient : Huteau et Lautrey (1999, p. 124) regrettent qu’à substituer un rang
dans un groupe d’âge au calcul du QI, Wechsler n’ait pas abandonné celui-ci
purement et simplement ;
• La recherche de la constance du chiffre - nécessairement plus stable quand il
concerne un rang dans une distribution de sujets de même âge qu’un rapport
AM/AR variant pour un même retard : Perron et Perron-Borelli (1998, p. 98)
contestent le crédit ainsi porté à l’idée d’une intelligence aptitude qui situerait
de façon stable l’individu au sein de son groupe, quand il conviendrait de ☞

81
Théorie du WISC V

☞ s’interroger sur le développement mental et ses conditions. Ils remarquent


que cette conception de l’intelligence ne veut pas considérer « les influences
7. La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle

contingentes du milieu et de l’éducation » et ne se révèle guère utile hors les


situations de sélection ou d’orientation pour déterminer le niveau d’enseignement
qui conviendrait le mieux à un jeune...
• Une troisième critique porte sur la sommation des rangs, dans les dix épreuves
du test composite, parce qu’ils sont obtenus dans des tâches hétérogènes qui
pourraient n’avoir pas grand rapport entre elles sauf de bien distribuer les niveaux
de réussite. Nous reviendrons un peu plus loin sur la réponse que Wechsler
réserve à cette critique, en posant que le même principe est sous-jacent à
l’ensemble des épreuves, ce dont témoignent les corrélations entre subtests.

L’intelligence et sa mesure selon la théorie factorielle

! Les tests improprement appelés « de facteur G »


Spearman, contemporain de Binet mais indépendamment de lui, identifie
un facteur commun aux efficiences dans diverses épreuves scolaires,
à partir de l’observation selon laquelle celui qui réussit bien sur
une épreuve tend à réussir bien d’autres épreuves, et inversement.
Les classements scolaires dans les diverses matières sont utilisés de
façon pratique, sans conception a priori de l’intelligence, ni conception
d’épreuves les mieux appropriées à ce que l’on veut mettre en évidence :
l’essentiel est d’autoriser l’induction d’un facteur mental général, à
partir de la mise en évidence des corrélations entre résultats. Une
assertion seulement suffit à justifier la démarche : la corrélation entre
résultats dans deux épreuves s’explique par un facteur commun à ces
deux épreuves. Le facteur commun, G est identifié par Spearman dans
un ouvrage décisif de 1927 comme mesurant l’énergie mentale. Celle-ci
est mise en œuvre selon trois lois, dont l’énoncé connote une activité
consciente :
• La loi de l’appréhension (conscience de son propre fonctionnement) ;
• La loi de l’éduction de relation (qui consiste à trouver la relation entre
deux observations) ;
• Et la loi de l’éduction de corrélation (qui consiste à trouver une idée
corrélative à une relation).

82
Théorie du WISC V

La définition de G a connu des ajustements, tandis que ses justifications


mathématiques ont connu des modifications et amendements. Spearman

7. La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle


en propose même une image, représentant un cerveau dont toutes les
forces convergent vers un point central. L’image traduit bien l’idée de
l’auteur d’une conception dynamique de G et d’un substrat biologique
qui expliquerait les différences individuelles.
Pour Spearman, G est constant chez l’individu, et il distingue deux
individus. « G » n’est pas l’intelligence, mais comme l’écrit Sternberg,
pour Spearman, « si la tâche requiert l’intelligence, elle requiert G »
(2002).
Sur la base de ces travaux et de cette théorie de l’intelligence, divers
auteurs ont mis au point des épreuves largement diffusées et utilisées
pour certaines d’entre elles : Raven en premier lieu considère deux
composantes en interaction dans « G », l’aptitude éductive et l’aptitude
reproductive. La première est l’aptitude à inférer des relations pertinentes
sur des données nouvelles, la seconde l’aptitude à retrouver ce qui est
déjà disponible des connaissances acquises. La première s’exerce plutôt
sur du matériel non verbal, la seconde plutôt sur des données verbales.
Les Progressive Matrices de Raven (1938) sont conçues comme un test
d’éduction de relations et d’éduction de corrélations. Il est utilisé
conjointement avec un test de vocabulaire en Angleterre, testant
l’aptitude reproductive. Malgré les critiques dont il a fait l’objet, le
PM38 résiste remarquablement au temps puisqu’il est le deuxième test le
plus utilisé au monde (Oakland, 1992). Les qualités certaines de ce test
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en ont fait le premier outil de recherche sur la mise en application du


concept d’évaluation dynamique, parce que les 60 items qui le composent
apparaissent de difficulté hiérarchisée, et parce que le principe qu’il
met en jeu connaît les phénomènes d’apprentissage et d’oubli. Tout
examinateur expérimenté peut en faire l’expérience journalière pour son
propre compte.
Compte tenu de sa vocation à être le plus saturé par « G », il est
considéré comme le test d’intelligence par excellence, celui grâce auquel
on a pu montrer un gain en intelligence conséquent d’une génération à
l’autre.
Actuellement, cette haute considération tient au fait qu’il est, selon
la conception plus moderne de Cattell (1971) une épreuve fortement

83
Théorie du WISC V

saturée par le facteur intelligence fluide (Huteau et Lautrey, 1997,


p. 153). Cattell oppose deux facteurs d’intelligence de second niveau,
7. La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle

fluide et cristallisé. Dans la mesure où l’intelligence cristallisée, qui


procède de la connaissance, donc de la culture, apparaît d’abord comme
un produit de la précédente, l’intelligence fluide tend à être considérée
comme le substrat personnel sur lequel celle-ci prendra forme. Elle est
la condition à la culture, avant la culture.
L’illusion de tenir l’intelligence a pu accréditer les théorisations sur
les tests dits « culture free » (indépendants de la culture) ou « culture
fair » (équivalents dans diverses cultures). C’est dans cette veine qu’ont
été produits, notamment :
• Le test de Cattell qui met en œuvre diverses tâches d’identification
de différences, de complètement de séries, de recherches d’analogies,
• Et le D48, épreuve de complètement de séries avec des dominos.

La théorie des tests « culture free » a été délaissée depuis quelques


décennies, avec raison, si l’on veut bien rapporter comme le suggère
Raven (1998, p. 12 à 23) la valorisation des tâches d’induction sur
du matériel abstrait aux aspirations intellectuelles d’une part de notre
société : citant les travaux de Maistriaux, il rapporte une corrélation
étonnamment élevée entre les notes aux PM38 et la valeur accordée à
l’activité intellectuelle abstraite. À l’appui de nombreux travaux récents,
Raven conclut qu’ils « montrent clairement que l’aptitude cognitive, et
en particulier le développement cognitif, sont indissociablement liés à des
valeurs. Les travaux de Sternberg et de Gardner tendent, à proprement
parler aux mêmes conclusions ». Il suggère en conséquence, ainsi que
le font de nombreux auteurs conscients des limites interprétatives aux
matériels d’évaluation intellectuelle, de reconnaître au PM38 la seule
valeur de test d’aptitude inductive sur des figures abstraites.

! Les tests issus de la méthode multi-factorielle

Aux États-Unis, Thurstone (1931) met en question la procédure choisie


par Spearman pour isoler un facteur Général, et avance le problème
auquel il s’attache à répondre sous la forme suivante : « déterminer le
nombre et la nature des facteurs indépendants nécessaires pour rendre
compte d’une table de corrélation ».

84
Théorie du WISC V

La forme de cette question implique selon Martin (1997, p. 212) des


modifications profondes dans le choix et la vocation des outils mathéma-

7. La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle


tiques, et la prise de distance avec tout projet de définition d’une théorie
psychologique susceptible de rendre compte des activités mentales. Les
facteurs isolés par la méthode d’analyse ont tous a priori le même
statut, leur nombre et leur signification ne sont pas posés à l’avance.
Ces derniers sont conservés a posteriori selon l’interprétation des
corrélations qu’ils autorisent. Plusieurs ensembles de facteurs peuvent
donc être posés. Conformément aux hypothèses relatives à l’analyse
multi-factorielle des données obtenues sur une étude particulière,
Thurstone privilégie l’interprétation selon sept facteurs, qu’il considère
comme les « aptitudes mentales primaires » : compréhension verbale,
fluidité verbale, numérique, spatial, raisonnement inductif, mémoire et
rapidité perceptive.
L’opposition entre la théorie de G de Spearman et les hypothèses
multifactorielles n’a pas semblé indépassable à des auteurs plus récents
qui ont postulé une hiérarchie des facteurs : Cattell avec ses deux
facteurs d’aptitude, fluide et cristallisé, et Vernon qui distingue deux
grands facteurs de groupe, verbal-éducationnel (saturant verbal et
connaissances scolaires) et kinesthésique-moteur (saturant le pratique,
le mécanique, le spatial et le physique). Après l’extraction du facteur
Général et des deux facteurs de groupe, l’analyse de la variance restante,
à un troisième niveau, livre le facteur spécifique à chaque épreuve.
Sur ce modèle, Grégoire (1996, pp. 7-27) a pratiqué une analyse hiérar-
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chique des données de l’étalonnage français du WISC-III. Il remarque


que l’analyse de la variance va dans le sens d’une confirmation des
théories sur la structure hiérarchique de l’intelligence. En comparant ses
résultats avec ceux des études américaines sur le même test il constate
que l’hypothèse à 4 facteurs des auteurs américains - compréhension
verbale, organisation perceptive, attention/concentration, vitesse de
traitement – n’est pas probante dans l’étalonnage français. L’étude
menée par Grégoire sur l’étalonnage français efface le troisième facteur
« attention/concentration » des Américains. Mais l’auteur insiste par
ailleurs sur l’aspect atypique de l’épreuve de mémoire de chiffres,
la moins saturée de l’échelle verbale par le facteur « compréhension
verbale », et l’épreuve dont la variance est la plus indépendante des
autres épreuves.

85
Théorie du WISC V

En Belgique et en France, le troisième facteur n’apparaît donc pas à ce


moment, et l’épreuve atypique de Mémoire des Chiffres reste muette sur
7. La résistible ascension des facteurs issus de l’analyse factorielle

ce qui rendrait le mieux compte de sa variance. L’épreuve est comme


mise en réserve. Elle réapparaîtra plus tard, à la prochaine version du
WISC.
Des études similaires ont été menées sur toutes les batteries que
nous avons citées. Elles autorisent, du strict point de vue de l’analyse
factorielle, des rapprochements entre des groupes d’épreuves :
• Le même facteur saturerait l’échelle verbale du WISC III et l’échelle
connaissances du K-ABC,
• Un second facteur l’échelle de performance du WISC et l’échelle des
processus mentaux simultanés du K-ABC,
• Le facteur « attention/concentration » des études américaines, dans le
subtest « mémoire des chiffres » du WISC III et l’échelle des processus
mentaux séquentiels du K-ABC.

Dans ce cas précis l’étude semble surtout avoir pour fonction de justifier
un groupe d’épreuves nouveau dans le K-ABC, insuffisamment représenté
dans le WISC. Dans la perspective d’un outil de diagnostic des troubles
d’apprentissage, le déficit dans les processus mentaux séquentiels paraît
à Kaufman être le fait de l’enfant dyslexique.

86
Théorie du WISC V

SUR LA THÉORIE CHC1

8. Sur la théorie CHC


Histoire courte de la mesure de l’efficience
intellectuelle, septième épisode

La théorie CHC (Cattell-Horn-Carroll) est apparue depuis quelques


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

années une référence obligée dans les tests. Elle prend à deux sources :
l’une ancienne qui dérive de la conception Gf-Gc, « Intelligence fluide,
Intelligence cristallisée » de Cattell (1943, 1964), développée par Horn
et d’autres auteurs, et l’autre plus récente constituée par la somme
produite par Carroll en 1993. Sur l’essentiel, la seconde source confirme
la première, ce qui aurait justifié l’accolement des trois noms.
Actuellement, elle fournit une base consistante à diverses tentatives
menées simultanément sur le terrain de la théorie de l’intelligence selon

1. Les pages qui composent ce chapitre ont été publiées dans un document Annexe
de notre ouvrage Guide Clinique des tests chez l’enfant, Dunod, 2008, 2010, 2014,
nous les actualisons.

87
Théorie du WISC V

les analyses mathématiques, et sur le terrain de la construction et de


l’interprétation des tests. En cette qualité d’articulation entre deux
domaines auparavant disjoints, la théorie est incontournable. Elle a
notamment servi l’élaboration d’une méthode d’analyse et d’interpré-
tation libre de tous les tests d’intelligence, amorcée simultanément
par divers auteurs : Flanagan et McGrew (1997) ont jeté les bases
d’une évaluation, ou Cross-Battery Approach, une conception reprise de
Woodcock (1990), confirmée et étendue à l’ensemble des tests, dont
les échelles de Wechsler (Flanagan, McGrew et Ortiz, 2000). Kaufman
poursuit dans une voie proche un mouvement amorcé dès ses études
factorielles sur le WISC-R en 1975. L’ouvrage consacré au WISC-IV
par Flanagan et Kaufman (2004) constitue un produit remarquable de
ces confrontations nombreuses entre tenants de l’interprétation et de
la construction des tests sur une base théorique qu’ils qualifient de
consensuelle de l’intelligence. Douze années plus tard, et un KABC-II
de plus, Kaufman publie un très gros volume à l’occasion de la sortie du
8. Sur la théorie CHC

WISC-V. En fin de volume sont reproduites les notes de lecture consacrées


au WISC-V par des auteurs qui ont quelque poids dans l’évaluation de
l’efficience intellectuelle aux USA. L’offensive est assurément bien menée.
Dans ses derniers développements, la théorie est explicitée dans
l’introduction d’un article, cosigné par Alfonso, Flanagan et Radwan,
(2005) le dit clairement :

« [La théorie CHC] est utilisée extensivement comme fondation pour la


sélection, l’organisation et l’interprétation des tests d’intelligence et
d’aptitudes cognitives (e.g., Flanagan et al., 2000 ; Flanagan et Ortiz,
2001 ; McGrew et Flanagan, 1998). Plus récemment, elle a été utilisée pour
classer les tests d’évaluation scolaire, pour faciliter l’interprétation des
aptitudes scolaires et poser les fondements à l’organisation des examens
d’individus suspects1 de présenter un trouble d’apprentissage (Flanagan,
Ortiz, Alfonso, Mascolo, 2002). De plus, la théorie CHC est le fondement sur
lequel beaucoup de batteries de tests nouvelles ou de révisions récentes ont
été basées. » (2005, p. 185)

1. La traduction reprend les meme mots du texte anglais, « assessments for individuals
suspected of having a learning disability ».

88
Théorie du WISC V

La théorie CHC concernerait plus que l’évaluation de l’intelligence.


Comme le précise la conclusion du même article, elle viserait une
application à l’ensemble des examens ou évaluations dans le domaine
des aptitudes cognitives, et à l’ensemble des évaluations concernant les
réalisations/acquis scolaires (academic achievement) prises ensemble.
Le modèle est en cours d’élaboration. Pour ces auteurs il doit permettre
à terme le diagnostic d’un trouble des apprentissages, au travers de
l’estimation de déficits personnels cognitif et scolaire conjoints, une
estimation « qui autorisera à dire qu’il est bien le propre de l’individu,
et non éventuellement causé par des facteurs exclusifs comme les
différences culturelles, les différences de langage, d’éventuels troubles
émotionnels etc. » (Alfonso, Flanagan et Radwan, 2005, p. 199).
Notre commentaire : Il s’agit là d’une conception bien particulière du
déficit dans les apprentissages. Si l’on comprend bien, le professionnel
devrait travailler de manière à écarter toutes les causes possibles d’un

8. Sur la théorie CHC


déficit d’apprentissage pour ne plus considérer que ce qui, de celui-ci
serait le seul bien propre de l’individu. Écarter les implications culturelles,
tout ce qui pourrait se rapporter à une organisation mentale affectée
par des troubles émotionnels et autres... Quelle naïveté ! Le vieux rêve
de Cattell vit encore, continuons d’imaginer un homme qui ne devrait
rien à la culture spécifique à laquelle il a été exposé.
Un écrit plus récent signé de Flanagan nous répète le même air, les
paroles varient peu. Il est de 2014, et constitue un article dans une
encyclopédie de l’éducation spécialisée :

« La théorie originale Fluide- Cristallisé (Gf/Gc) est une conceptualisation


dichotomique des aptitudes cognitives humaines proposées par Raymond
Cattell au début des années 40 ; Cattell basait sa théorie sur les travaux
d’analyse factorielle de Thurstone, conduits dans les années trente. Il croyait
que l’intelligence fluide (Gf) comprenait les aptitudes au raisonnement induc-
tif et déductif, influencées par des facteurs biologiques et neurologiques,
aussi bien qu’à un apprentissage incident au travers de l’interaction avec
l’environnement. De plus il postulait que l’intelligence cristallisée consistait
d’abord en aptitudes de connaissance acquises qui reflétaient largement les
influences de l’acculturation1 . » (Cattell, 1957, 1971)

1. Dawn P. Flanagan, Shauna G. Dixon (2014) The Cattell-Horn-Carroll Theory of


Cognitive Abilities, in Encyclopedia of Special Education, Wiley on Line Library,
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/9781118660584.ese0431/references
89
Théorie du WISC V

Ce qui peut se dire ainsi : l’intelligence cristallisée reflète les influences


de la culture, l’intelligence fluide peut être considérée comme libre de
culture. C’est elle qui nous intéresse.

CHC, de quoi s’agit-il ?

Selon McGrew (2004), la coupure était réelle à la fin des années quatre-
vingt, entre les recherches théoriques et empiriques sur les facteurs
de l’intelligence d’une part, et le développement et l’interprétation des
batteries de tests en psychologie de l’éducation d’autre part. Un pont
devait être jeté entre ces deux domaines.
Il a paru possible d’en poser les piles dans l’esprit de ses théoriciens à
partir de deux apports consistants : la collaboration de théoriciens de
grand renom à l’élaboration d’une batterie de tests conçus à partir
8. Sur la théorie CHC

des études factorielles d’une part — ouvrant donc la voie à une


autre manière de concevoir les batteries d’efficiences intellectuelles
(1), et l’élaboration d’une classification, condition à toute démarche
scientifique d’autre part (2).
(1) La première tentative pour lier la théorie Gf-Gc de Cattell et Horn à
une batterie d’épreuves a été menée à partir de 1985, à l’occasion de
la révision de la batterie de tests Woodcock-Johnson Psychoeducational
Battery (WJPEB). Pour aboutir à sa forme révisée, WJ-R (1989), la
commission de réforme du test a utilisé l’éclairage de Horn sur la théorie
Gf-Gc, et les confirmations de Carroll sur la structure de la version
antérieure du test (à partir d’analyses factorielles pratiquées selon
la méthode d’analyse exploratoire de Schmid-Leiman, appliquées aux
matrices de corrélation du Woodcock-Johnson 1977). Les études menées
postérieurement à la réforme du WJ, sur le WJ-R (1989) auraient fait
apparaître que des épreuves du WJ-R constituent en l’état de bonnes
mesures d’aptitudes Gf-Gc, tandis que d’autres aptitudes ne sont pas
évaluées dans la batterie. McGrew conclut en faveur d’un test qui
permettrait d’évaluer les sept aptitudes identifiées par Cattell et Horn
avec au moins deux épreuves pour chacune.
(2) Dans un ouvrage majeur, Human Cognitive Abilities : A Survey of
Factor-Analytic Studies Carroll expose, en 1993, les conclusions de ses

90
Théorie du WISC V

études fondées sur la reprise des quatre cent soixante ensembles de


données les plus représentatifs de toute la littérature des soixante
dernières années consacrées aux analyses factorielles concernant les
aptitudes cognitives humaines. Il aboutit à une classification attendue
des aptitudes cognitives humaines. L’ouvrage a été salué par tous les
auteurs de langue anglaise connus dans le champ de l’analyse factorielle
comme l’ouvrage fondamental, qui réorganisait tout, simplifiait tout, et
à partir duquel toutes les communications entre spécialistes de champs
divers pourraient être comprises parce qu’elles seraient faites avec le
même vocabulaire.
McGrew salue donc l’événement qu’a constitué pour lui la rencontre entre
trois domaines d’études, représentés par trois auteurs éminents pour
chacun, Woodcock pour les tests, Horn pour la théorie factorielle de
l’intelligence, Carroll pour ses recherches dans le champ de la psychologie
de l’éducation. Et d’autres auteurs à sa suite apportent leur contribution

8. Sur la théorie CHC


à ce qui imposera désormais sa lecture sur la confection des batteries
de test et sur leur interprétation.
La fusion en un seul sigle des divers apports n’a pourtant été voulue ni
par Horn ni par Carroll, mais elle était nécessaire, écrit McGrew. Elle a été
provoquée par la volonté de Woodcock, en 1999, qui a convaincu Horn
et Carroll de se rencontrer, les rencontres attestant par elles-mêmes que
la formule « théorie Cattell-Horn-Carroll des aptitudes cognitives » avait
un sens, et que ce sens reconnaissait la succession des contributions de
ces trois auteurs. Ce, en dépit des divergences qui étaient indépassables
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aux yeux de ses principaux auteurs sur la hiérarchie des aptitudes


cognitives.

La théorie Cattell-Horn ou Gf-Gc

La théorie CHC apparaît donc une tentative de loger ensemble (littérale-


ment dans McGrew 2004) les deux théories les plus importantes nées
des recherches sur l’intelligence, au travers de la culture des tests :
1. La théorie dite Cattell-Horn, ou théorie Gf-Gc, née dans les années
soixante (Cattell, 1964 ; Horn et Cattell, 1966) ;

91
Théorie du WISC V

2. Et la théorie de Carroll (1993), sur une structure hiérarchique de


l’intelligence à trois niveaux.

La théorie Cattell-Horn est fondée par les premiers travaux de Cattell. Elle
reconnaît sa filiation avec Spearman et simultanément avec Thompson,
qui contestait G face à Spearman dans les années trente (Horn, 2004). La
théorie Gf-Gc a connu des développements successifs, marqués par des
ajouts en termes d’aptitude de second niveau. Elle s’est enrichie en 1965
des quatre aptitudes suivantes : Visual Perception or Processing (Gv)1 ,
Short-Term Acquisition and Retrieval — SAR (Gsm), Long Term Storage
and Retrieval — TSR (Glr), et Speed of Processing (Gs). L’aptitude Hearing
Abilities (Ga) a été ajoutée plus tard, et les définitions précédentes
reformulées (Horn et Stankov, 1982).
Le facteur représentant la vitesse de réaction, Reaction Time, et la
vitesse de décision, Decision Speed (Gt), a été ajouté plus tard encore,
en 1990, et le facteur Quantitative Ability (Gq) en 1991.
8. Sur la théorie CHC

La liste définitive s’établit ainsi pour Horn (en 2004) :


1. Raisonnement fluide (Fluid Reasoning, Gf) ;
2. Connaissance cristallisée (Crystallised Knowledge, Gc) ;
3. Mémoire à court terme (Short Term Apprehension-Retrieval, SAR ou
Gsm) ;
4. Aptitudes perceptives (Visualizing Abilities, Gv) ;
5. Aptitudes auditives (Hearing Abilities, Ga) ;
6. Mémoire à long terme (Long-Term Retrieval Fluency2 , TSR ou Glr) ;
7. Vitesse de traitement cognitif (Cognitive Speediness3 , Gs) ;
8. Vitesse ou rapidité de (bonne) décision (Correct Decision Speed ou
Decision Speed (2004), CDS) ;
9. Connaissance quantitative (Quantitative Knowledge, Gq).

1. Ce système de notation a été introduit par Carroll : chaque facteur de second niveau
est noté par un G majuscule, suivi d’une lettre différente en minuscule. Nous les
employons ici, pour Horn, alors qu’elles ne sont pas encore utilisées, l’anachronisme
se justifie uniquement du besoin de savoir de quoi l’on parle.
2. Initialement Long Term Storage and Retrieval.
3. Ou Cognitive Processing Speed.
92
Théorie du WISC V

Une dixième aptitude a été ajoutée à celles-ci en 1988, concernant les


habiletés en lecture et écriture (Grw). Elle ne figure pas dans la liste la
plus récente éditée sur le Web, en 2004.

La théorie hiérarchique à trois niveaux de Carroll

Le modèle des aptitudes cognitives humaines de Carroll se présente


en trois niveaux (strates). Au niveau supérieur de la hiérarchie, ou
niveau 3, se trouve le facteur d’intelligence général compatible avec la
conception de Spearman. Au niveau au-dessous, sont les huit aptitudes
qui représentent les « caractéristiques de base durables des individus,
qui gouvernent ou influencent une grande variété de conduites dans un
domaine considéré » (Carroll, 1993, p. 634). Ces huit facteurs de niveau
2 sont les suivants :

8. Sur la théorie CHC


1. Intelligence fluide (Fluid Intelligence, Gf) ;
2. Intelligence cristallisée (Crystallized Intelligence, Gc) ;
3. Mémoire générale et apprentissage (General Memory and Learning,
Gy) ;
4. Perception visuelle (Broad Visual Perception, Gv) ;
5. Perception auditive (Broad Auditory Perception, Ga) ;
6. Mémoire de rappel (Broad Retrieval Ability, Glr) ;
7. Vitesse cognitive (Broad Cognitive Speediness, Gs) ;
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8. Vitesse de décision (Reaction Time/Decision Speed, Gt).


Enfin, le premier niveau est celui des aptitudes considérées dans leur
sens le plus étroit, le plus précis, donc le plus restreint. Elles sont au
nombre de soixante-neuf.

Le consensus et les divergences

Le consensus à propos d’une théorie permettant le lien entre l’approche


factorielle de l’intelligence sur les données issues de la pratique des tests
et la construction et l’interprétation des tests semble devoir s’imposer.

93
Théorie du WISC V

Cependant il importe de garder à l’esprit la nature des désaccords entre


les théoriciens qui ont prêté leur nom au cadre unique, CHC.
En une page, McGrew (2004) présente l’essentiel des divergences entre
la théorie Gf-Gc, Cattell-Horn et la théorie hiérarchique de l’intelligence
à trois niveaux de Carroll. Elles affectent :
• L’hypothèse d’un facteur de troisième niveau, G ;
• Parfois le nom et parfois la définition de chacun des neuf facteurs de
deuxième niveau retenus par Horn.

D’après ce tableau, seule paraît importante la divergence sur l’existence


de g. Elle est discutée, McGrew (2004) considérant que le meilleur
résumé a été donné par Hunt (1999) :

« Carroll constate que les aptitudes du second niveau (Gc et Gf) sont
corrélées positivement. Ce qui le conduit à conclure qu’il y a un troisième
8. Sur la théorie CHC

niveau, supérieur, d’une seule aptitude : l’intelligence générale. Ici, Carroll


se distingue des interprétations de Cattell et Horn. Cattell et Horn constatent
la corrélation, mais ils la considèrent comme une régularité statistique due à
la difficulté de définir une action humaine par une seule aptitude de second
niveau. Carroll voit cette corrélation comme le produit de l’influence de
l’intelligence générale. Je ne vois pas comment cette controverse peut être
résolue. » (p. 2)

À considérer ce que tente de résumer Horn en quelques pages sur une


page web, les divergences apparaissent autrement. Et il n’est pas certain,
s’il fallait les hiérarchiser, que la plus importante concerne l’existence
de g, mais bien plutôt la question d’une stabilité de la structure des
efficiences dans le temps, au travers des divers âges de la vie.

Divergence à propos d’un facteur unitaire « G »

Avant de nous arrêter à cette question autrement intéressante pour celui


qui aborde les tests avec l’enfant – et l’enfance est un âge particulier
de la vie –, considérons les arguments avancés par Horn en 2004 sur le
G de Carroll. Il écrit :

94
Théorie du WISC V

« Carroll en 1993 recense 153 facteurs, issus de 146 sources de données,


considérées comme mesurant l’intelligence générale, ou le possible facteur G
de Spearman. Le problème est que, bien que chacun de ces facteurs généraux
soit le plus haut facteur des mesures d’aptitudes dans la batterie où il est
calculé, les batteries présentent divers segments des domaines d’aptitudes
cognitives, si bien que le facteur Général [d’efficience] dans une batterie
est différent du facteur Général [d’efficience] des autres batteries. »

Et plus loin :

« [Pour] Carroll (1993) le facteur pour un ensemble de donnée est dépendant


des facteurs de premier niveau pesant sur les variables. [...]
Les facteurs considérés comme représentant G ne remplissent même pas
le critère d’invariance configurale, et moins encore le critère d’invariance
métrique.
L’invariance métrique est une condition structurelle à la validité de construct.
Le même construct doit être mesuré sous différentes conditions (dans divers

8. Sur la théorie CHC


échantillons, pour les mêmes échantillons à divers moments). »

Nous n’entrerons pas plus avant dans la discussion des positions de Horn.
Nous citons ces extraits pour souligner que la discussion est ouverte,
les divergences ne portant pas sur des détails dans l’esprit de l’un des
prête-noms de la théorie CHC.

Divergences sur la place des aptitudes scolaires


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dans la hiérarchie des aptitudes

La deuxième source de discussion porte sur les huit ou neuf facteurs de


Horn et leur correspondant chez Carroll et dans les résumés récents de
la théorie CHC.
Le tableau, dressé par Alfonso, Flanagan et Radwan (2005), des
convergences entre auteurs ayant justifié l’accolement des trois noms
d’auteurs, indique d’autres désaccords qui ont leur importance pour
le projet final des théoriciens de la CHC. Ils portent sur les éléments
suivants :
– Gq, « Aptitude numérique/quantitative » (Quantitative Ability) est
incluse dans la théorie Cattell-Horn comme aptitude de niveau II (qui

95
Théorie du WISC V

est le niveau principal). Elle représente « la connaissance du système


numérique et la forme de raisonnement basé sur cette connaissance »
(Horn, 2004). La connaissance et le raisonnement sont donc conçus
ensemble pour Horn, tandis que pour Carroll, le raisonnement sur les
nombres est une aptitude de niveau I, sous Gf ;
– Grw, « Aptitude à lire/écrire » (Broad Reading/Writing) serait incluse
dans la théorie Cattell-Horn comme aptitude de niveau II, tandis que
pour Carroll, la lecture et l’écriture seraient des aptitudes de niveau I,
sous Gc ;
– Gsm, dans la théorie Cattell-Horn concerne la seule « Mémoire à
court terme ». La mémoire associative, signifiante, ou libre étant des
aptitudes sous Glr (Long Term Retrieval) ; tandis que Carroll considère
« Mémoire à court terme » avec les autres aptitudes de mémoire,
comme la mémoire associative, la mémoire libre, sous Gy.

Ces divergences d’appréciation sur l’importance des facteurs, et ce qu’ils


8. Sur la théorie CHC

réunissent concernent en premier lieu, nous le constatons, des aptitudes


proprement scolaires. D’aucuns peuvent penser qu’elles s’acquièrent et
se développent pour Gq et Grw essentiellement à l’école, et l’on perçoit
au travers de ces divergences un enjeu qui n’échappe pas aux théoriciens
actuels de la CHC. La raison en est affichée dans le titre de l’article sur
lequel nous nous appuyons. Elle est précisée dans le corps de l’article :

« En 2002, Flanagan et collègues ont étendu l’approche CB (Cross Battery


Assessment) pour inclure les tests d’aptitudes scolaires pour plusieurs raisons.
D’abord, la mesure et l’interprétation des aptitudes scolaires sont rarement
basées sur la théorie. Ensuite, la théorie CHC inclut des “constructs” dans
sa structure (comme Gq et Grw). Enfin, l’information dérivée des batteries
d’intelligence et d’évaluation scolaire est rarement intégrée et interprétée
de manière systématique. Au travers de l’inclusion des tests d’évaluation
scolaire dans la classification CHC, l’approche Cross-Battery Assessment peut
être tout de suite appliquée au travail d’évaluation des individus ayant des
troubles d’apprentissage » (op. cit., p. 199).

L’argument selon lequel la théorie CHC intègre des constructs comme Gq


et Grw tend à présenter la théorie des aptitudes cognitives hiérarchisées
comme d’ores et déjà prête à ce qui vient, l’évaluation de l’individu
prenant tous ensemble les résultats scolaires (évalués par des tests) et
les résultats dans les tests d’aptitudes cognitives. Le glissement puis le
chevauchement d’un domaine d’évaluation à l’autre sont ainsi réalisés et
96
Théorie du WISC V

prêts à répondre à la demande d’évaluation des troubles d’apprentissage,


compris comme troubles des aptitudes ou pour paraphraser Alfonso,
Flanagan et Radwan (2005, p. 199), « les déficits sont jugés comme
intrinsèques à l’individu, [une conception] ainsi opposée à celle qui voit
une cause première dans des facteurs exclusifs (comme les différences
culturelles, les différences de langage, les troubles émotionnels1 , etc.) ».
Remarquons que le facteur Grw est absent de la liste des aptitudes
de niveau II (niveau principal) de Horn (2004) à laquelle nous nous
référons2 . Elle est également absente de la liste Cattell-Horn reportée
dans le tableau présenté dans l’article de McGrew auquel nous faisons
ici une référence constante3 .

Divergences quant aux aptitudes selon les âges

8. Sur la théorie CHC


Pour clore sur la présentation d’ensemble, nous retenons une troisième
source de discussion, qui concerne les aptitudes cognitives humaines
selon les âges, telle qu’elle est abordée par Horn. Ce qu’il écrit du
vieillissement des aptitudes, et des mutations avec l’âge nous paraît
devoir être retenu. À notre sens, ses propositions remettent en cause
fondamentalement la théorie des aptitudes, et par-là, la manière dont
on se doit d’aborder les efficiences de l’enfant.
Horn rappelle ce qui « tient » au travers des âges dans les diverses
aptitudes et ce qui décroît. Ce qui tient est « Connaissance cristallisée »
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

(Gc) et « Aisance pour conserver et retrouver sur le long terme » (Tertiary


Storage Retrieval — TSR ou Glr). Ce qui décroît est « Raisonnement

1. Troubles émotionnels est un concept qui n’est pas entré dans la pratique des
spécialistes en France, mais qui occupe une place importante dans la CIM-10. Une
bonne partie d’entre eux serait considérée ici comme troubles névrotiques.
2. http://www.rand.org/labor/aging/rsi/rsi_papers/2004_horn.pdf. Consultée le
1er juillet 2007.
3. Le tableau 2 de l’article de McGrew (2004) présente en les comparant et les
résumant les théories Cattell-Horn et Carroll des aptitudes cognitives humaines. Grw est
essentiellement d’apparition récente et de définition attribuée par McGrew à Woodcock,
1994, sous le titre English-Language Grw Factor (McGrew 2004) – voir la page CHC
Theory defined – Kevin S. McGrew, 7-22-05 http://www.iapsych.com/chctheory1.pdf.

97
Théorie du WISC V

fluide » (Gf), « Mémoire à court terme » (SAR ou Gsm) et « Vitesse de


traitement cognitif » (Gs). Ces réalités soulèvent le problème suivant :
« Les adultes qui sont intellectuellement aptes à poursuivre des activités
exigeant de hauts niveaux de raisonnement, de mémoire et de rapidité
cognitive réalisent de plus faibles scores dans les tests d’intelligence,
particulièrement dans ceux qui évaluent Gf, SAR et Gs que des personnes
plus jeunes qui ne sont pas aptes dans ces activités.
Ce qui suggère que les tests n’évaluent pas des aspects importants
du raisonnement, de la mémoire et de la vitesse caractéristiques de
l’intelligence adulte. »
S’appuyant sur diverses sources et travaux, Ericsson et Charnesson
dans le champ de l’expertise, Lubrinski et Benbowon pour l’ajustement
au travail, Ackerman pour le développement adulte, et ses propres
travaux avec Masunaga sur les aptitudes expertes, Horn conclut que le
développement cognitif ne finit pas à l’entrée dans l’âge adulte.
8. Sur la théorie CHC

Sur la base des arguments fournis, cette conclusion de Horn est un


euphémisme. Non seulement le développement cognitif ne s’arrête pas
à l’âge adulte, mais la manière dont il s’accommode des réalités qu’il
rencontre amène des changements notables dans les aptitudes. Pour
l’exemple cité emprunté à ses propres travaux, le concept même de
mémoire de travail1 ouvrirait sur une formulation différente de celle que
nous connaissons actuellement. L’auteur ne conclut pas plus loin, et
laisse son lecteur apprécier l’étendue des questions soulevées.
Il suggère que l’âge adulte conduit les personnes à concentrer le
développement de leurs aptitudes dans le domaine de l’expertise. Ceci
conduirait à un moindre usage de l’intelligence fluide, mais conduirait,
dans le domaine de l’expertise, à la création d’une sorte de mémoire
à large empan, permettant de travailler sur une grande quantité
d’information accessible à la mémoire immédiate. Le raisonnement
expert de l’adulte serait modifié en conséquence par l’utilisation de la
mémoire : il permettrait aux experts, aux personnes qui exercent des

1. Qui ne serait pas confondu avec « Mémoire de rappel » de Horn, mais pas non plus
avec Gsm, « Mémoire à court terme » de la CHC récente : sa réalité comme facteur
CHC est très discutée, mais il figure encore comme facteur de niveau I (voir McGrew
2004 qui fait la synthèse des travaux sur le sujet à cette date).

98
Théorie du WISC V

responsabilités, de raisonner à un meilleur niveau que les plus jeunes,


qui dépendent de l’aptitude au raisonnement fluide :

« Le développement des capacités intellectuelles à l’âge adulte produit


une forme de Mémoire à large empan [Wide-Span Apprehension-Retention,
WSAR] distincte de ce qui a été identifié comme Mémoire de travail et
une forme de Raisonnement déductif (Deductive Reasoning) qui s’établit
(s’étaie) sur WSAR. » (Horn, 2004)

Il n’est pas sans intérêt pour le praticien que l’on considère ainsi
les aptitudes. Il est important de savoir qu’elles changeraient dans
leurs caractéristiques, voire dans leurs définitions au travers des âges.
Ce constat remet en cause l’affirmation de McGrew selon laquelle les
mêmes aptitudes se retrouvent à tous les âges, et remet en cause
l’indifférenciation entre les âges qui gêne un peu dans l’abord de
l’évaluation de l’enfant à l’adulte.

8. Sur la théorie CHC


La théorie CHC actuelle

Selon Alfonso, Flanagan et Radwan (2005), la première tentative pour


résoudre l’écart entre la théorie Gf-Gc de Cattell et Horn et le modèle de
Carroll est due à McGrew en 1997. Le même auteur a proposé la théorie
Gf-Gc intégrée en 2000 (Flanagan et coll., 2000) désormais reconnue
sous le nom de théorie Cattell-Horn-Carroll (CHC).
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Actuellement la théorie CHC présente dix aptitudes principales (broad


abilities) et plus de soixante-dix aptitudes de niveau I. Dans le schéma
descriptif de la théorie, Alfonso, Flanagan et Radwan écartent G ou le
facteur d’aptitude général, « d’abord parce que l’utilité de la théorie
(telle qu’elle est employée dans les domaines de l’évaluation) est dans
la clarification des forces et faiblesses académiques, qui sont mieux
comprises par l’opérationnalisation des aptitudes de niveau I et de
niveau II ». Les auteurs semblent conseiller de délaisser le combat pour
g, au profit d’autres intérêts. Ils insistent sur le fait que des aptitudes
de niveau II et des aptitudes plus restreintes dans leur définition de
niveau I, mieux que g, expliquent une part significative de la variance
dans les aptitudes académiques spécifiques.

99
Théorie du WISC V

L’évaluation par croisement des batteries


(cross battery assessment)

La théorie est conduite au travers des analyses factorielles nombreuses


et aboutit à un ensemble cohérent, hiérarchisé, avec ou sans g. On
doit garder à l’esprit que les facteurs isolés, confondus désormais grâce
au modèle avec les aptitudes, ont été obtenus à la suite de passation
d’épreuves dont la plupart sont connues de longue date.
Au regard des facteurs identifiés, correspondant à des aptitudes de niveau
II dans la CHC, les batteries de tests publiées jusqu’à la fin des années
quatre-vingt-dix, soumises à des analyses factorielles, montraient que
les aptitudes sollicitées par les épreuves étaient au plus de deux ou
trois correctement évaluées parmi dix. Les auteurs considèrent que
l’évaluation sérieuse d’une aptitude cognitive porte sur deux ou trois
épreuves distinctes. Pour les mieux connues de ces batteries, la WPPSI-R,
8. Sur la théorie CHC

mesurait Gc et Gv, tandis que le K-ABC mesurait Gv et Gsm principalement,


et dans une moindre mesure Gf.
Peu de place était accordée dans la plupart des batteries à l’évaluation
de Gf et Gsm et presque toutes ignoraient les aptitudes notées Ga, Gs.
Et le fossé entre la recherche et son application dans la confection et
l’interprétation des batteries d’efficiences intellectuelles restait ouvert.
L’approche dite « cross-battery », ou « CB » est née de la volonté de
certains chercheurs de combler le fossé, sans attendre que les auteurs
de tests se soient rangés tous à la nécessité d’évaluer le plus grand
nombre des aptitudes cognitives identifiées dans la CHC.
L’approche CB est fondée sur l’organisation de l’évaluation et de
l’interprétation des tests à la lumière de la théorie CHC. Flanagan
et Ortiz (2001) posent cette approche sur trois piliers 1 :
• Le premier pilier est la théorie CHC ;
• Le second pilier est représenté par les classifications CHC de niveau II
des tests d’aptitudes cognitives et scolaires. Il s’agit alors d’apprécier,

1. Nous admirons la figure rhétorique par laquelle les trois piliers se trouvent être les
trois niveaux de la théorie hiérarchique.

100
Théorie du WISC V

si l’évaluation de ces aptitudes de niveau II n’est pas affectée par une


variance non pertinente au regard du construct de l’épreuve ;
• Le troisième pilier [est représenté] par les classifications CHC de
niveau I (narrow stratum) des tests d’aptitudes cognitives et scolaires.
Dans leur reprise récente des fondements de l’approche CB, Alfonso,
Flanagan et Radwan (2005) précisent « l’usage des classifications
de niveau I est nécessaire pour s’assurer que les CHC constructs
sous-tendant les évaluations sont bien représentés. Ce faisant, les
aptitudes restreintes, de niveau I permettent aux praticiens de
combiner qualitativement divers indicateurs (ou tests) d’une aptitude
de niveau II en clusters, pour autoriser des inférences appropriées à
partir des résultats dans les tests ».

Le cluster est l’outil de l’approche par croisement des batteries (cross-


battery assessment approach). Il s’agit d’un regroupement d’épreuves
selon un même principe. Comme aucune batterie n’est satisfaisante du

8. Sur la théorie CHC


point de vue du nombre de facteurs/aptitudes évaluées, la correction
des insuffisances passe par l’utilisation de plusieurs batteries offrant
des évaluations complémentaires. Plusieurs batteries permettent plus
d’aptitudes testées, elles permettent également des évaluations complé-
mentaires d’une même aptitude de niveau II, approchée par des tests
portant sur des aptitudes de niveau I différentes mais se retrouvant
dans le même cluster parce qu’elles se rapportent à la même aptitude
de niveau II.
Flanagan et Ortiz (2001) précisent les règles à suivre pour la constitution
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des clusters, en dressant de façon très didactique une suite de trois


conditions à remplir :
• Pour une combinaison d’épreuves testant une aptitude de niveau II
(broad stratum) – ce qui est ici nommé cluster –, utiliser des épreuves
livrant une évaluation pure d’aptitude identifiée par les analyses
factorielles CHC ;
• La construction de clusters doit inclure pour chacun plusieurs épreuves,
pouvant être empruntées à différentes batteries (sous réserve qu’elles
ne diffèrent pas trop par l’âge, ni par la constitution de l’échantillon
d’étalonnage). La nécessité d’épreuves différentes du point de vue
des aptitudes évaluées de niveau I (par exemple une épreuve de
« Vocabulaire » dans l’une, une épreuve de « Connaissances » dans

101
Théorie du WISC V

l’autre) est justifiée par l’objectif de la méthode, qui est d’autoriser


des inférences sur la même aptitude de niveau II ;
• Dans les évaluations croisant les batteries, préférer un nombre réduit
de batteries auxquelles les épreuves seront empruntées, pour réduire
les erreurs possibles d’interprétation de différences qui pourraient
être liées aux différences dans la constitution des échantillons
d’étalonnage. Les épreuves doivent être par ailleurs proches par l’âge,
l’effet Flynn invalidant toute comparaison entre des épreuves trop
distantes : trois points standard séparent les scores entre deux tests
standardisés à dix ans d’écart.

Dans l’ouvrage de référence, Essentials of Cross-Battery Assessement,


Flanagan et Ortiz (2001) fournissent une double justification à l’approche
cross-battery :
• Sa mise en œuvre dans les conditions qu’ils ont fixées, montre une
bien meilleure adéquation entre les aptitudes évaluées et le modèle
8. Sur la théorie CHC

CHC. Des études exemplaires ont été menées en croisant les épreuves
du WISC-R et des épreuves de la WJ-R1 , aboutissant à l’évaluation
conséquente d’un ensemble de sept aptitudes CHC, ce qui est bien
autre chose que les trois aptitudes mises en jeu avec le seul WISC-R.
Ils concluent (p. 38) : « Ainsi, quand le WISC-R, WISC-III, et CAS sont
complétés par des épreuves bien choisies du WJ-R ou WJ III de façon
systématique suivant les étapes de l’approche cross-battery, le modèle
structural CHC sous-jacent aux données est supporté par, et en vérité
consistant avec la recherche actuelle sur les analyses factorielles des
aptitudes cognitives. De plus, les données cross-battery correspondent
mieux à un modèle CHC de sept facteurs que les modèles traditionnels
de la structure de l’intelligence » ;
• Par ailleurs, et c’est sans doute le plus important si l’on considère
les témoignages de l’intérêt que ces auteurs portent aux troubles
d’apprentissage, ils répondent positivement à la question : « Les
évaluations menées avec la CHC Cross-Battery fournissent-elles une
meilleure compréhension des compétences scolaires que les évalua-
tions traditionnelles (Wechsler Scale) ? » (2001, p. 38). L’approche
préconisée utilisant toutes les ressources de la CHC permettrait une

1. Woodcock et Johnson révisée.

102
Théorie du WISC V

meilleure prédiction des compétences scolaires, de même qu’une


description plus juste des aptitudes cognitives spécifiques qui
contribuent à l’explication des difficultés scolaires spécifiques1 . Nous
lisons deux arguments justifiant ces propositions :
– On montre aisément que le croisement d’épreuves empruntées à deux
batteries (le WISC-III avec une autre) améliore nettement le facteur
Général d’intelligence (« G »), qui explique substantiellement
davantage de la variance des performances en lecture (environ
25 %), que l’intelligence générale déduite d’un test à trois facteurs
(le WISC-R, avec ses trois indices). Les mêmes conclusions sont
tirées de l’emploi d’un WISC-III, amélioré ou non par la méthode ;
– Des études menées (Flanagan et Hanel, cité par Flanagan et Ortiz,
2001, p. 38) en s’appuyant sur le modèle CHC indiqueraient par
ailleurs que les « aptitudes cognitives spécifiques »2 comme Gc, Ga,
Gs expliquent « au-delà » et après G une fraction importante de la

8. Sur la théorie CHC


variance dans les échantillons d’évaluation en lecture. Les auteurs
concluent sur l’opportunité d’évaluer ces aptitudes « spécifiques »
en plus de l’aptitude générale des jeunes enfants qui consultent
pour des difficultés de lecture.

Au travers des différentes références, explications et justifications,


données par les auteurs, ce qui reste est l’intérêt que suscitent les
troubles des apprentissages pour les théoriciens des analyses factorielles
appliquées aux épreuves d’évaluation des efficiences intellectuelles. Les
arguments sont repris ici par nous sans autre commentaire.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Mais les questions se pressent, nombreuses, sur des évidences logiques


comme sur les objectifs que ces auteurs fixent aux évaluations par les
tests.
Pour l’immédiat, retenons celle-ci : sur le dernier argument mentionné,
l’explication d’une fraction de la variance des performances en lecture
par des aptitudes cognitives spécifiques sous Gc, Ga, Gs... :

1. En anglais Specific academic Achievement. Le terme « spécifique » n’a pas d’autre


raison d’être ici que de coller à la thèse des troubles « spécifiques » des apprentissages.
D’où la balourdise de l’assertion en anglais.
2. Traduction littérale. Nous conservons le terme de rigueur « spécifique » réintroduit
ici par les auteurs tandis qu’il est absent partout ailleurs.

103
Théorie du WISC V

N’y a-t-il pas des aptitudes de niveau I sous Gs qui sont « Rapidité,
facilité de lecture silencieuse (Reading Speed (fluency), ou RS) » et
« Vitesse d’écriture (Writing Speed (fluency) ou WS) » ?
N’y a-t-il pas sous Gc des aptitudes de niveau I comme « Aptitude à
écouter », « Sensibilité grammaticale » ?
Et n’y a-t-il pas sous Ga un certain facteur de niveau I comme « Codage
phonétique (Phonetic coding, PC) ». Ce dernier est « fréquemment
référé à “Conscience phonologique” » (McGrew, 2004) ? Rappelons
à cet endroit qu’il n’a pas manqué d’auteurs pour remarquer que
la conscience phonologique est apprise dans le cours du processus
d’apprentissage/enseignement de la lecture (voir par exemple Olson,
1994).
En d’autres termes, est-on bien certain :
• De pouvoir distinguer les épreuves administrées des évaluations
8. Sur la théorie CHC

pratiquées sur les mêmes compétences par les enseignants ;


• Qu’il ne s’agisse pas d’une seule et même réalité ;
• Ou encore, qu’un lien de proximité entre deux épreuves, l’une dite
cognitive, l’autre scolaire soit une explication de l’une par l’autre ?

Nous ne pouvons pas discuter de tout ce qui est avancé en détail, et


réserverons la question la plus importante de notre point de vue à la fin
de ce chapitre.

Le développement des tests sous l’impact


de la théorie CHC

Dans l’article déjà cité d’Alfonso, Flanagan et Radwan (2005), les auteurs
rendent compte des modifications qui ont affecté la construction des
tests dans les dernières années. Ils publient la liste des tests avant la
CHC, et après la CHC, et comparent les compositions. D’une certaine
manière, les modifications dans les produits nous paraissent réduire en
partie le nécessaire recours à l’approche CB.

104
Théorie du WISC V

Les changements les plus attendus affectent le K-ABC de Kaufman et


Kaufman, et le WISC. Le K-ABC cède la place au K-ABC-II, le WISC-III
au WISC-IV :
1. Le K-ABC II est publié aux USA en 2004. Les auteurs notent dans
leur tableau (p. 194) qu’il « fournit un second score global, incluant
l’aptitude cristallisée. Il comprend diverses épreuves nouvelles évaluant
le raisonnement. L’interprétation des performances dans le test peut
être fondée sur la théorie CHC ou sur la théorie de Luria. Fournit une
évaluation de cinq aptitudes de niveau II ». Les épreuves comprises
dans le K-ABC-II sont ainsi listées :
• Pour Gf : Pattern Reasoning, Story Completion ;
• Pour Gc : Expressive Vocabulary, Verbal Knowledge Riddles ;
• Pour Gv : Triangles, Gelstat Closure, Rover, Block Counting, Conceptual
Thinking, Face Recognition ;
• Pour Gsm : Number Recall, Word Order, Hand Movements ;

8. Sur la théorie CHC


• Pour Glr : Atlantis Rebus, Atlantis Delayed, Rebus Delayed.

Le minimum de modification affecte les épreuves Gsm qui constituaient


l’un des outils ayant suscité le plus d’intérêt du premier K-ABC. Tout le
reste change.
2. Le WISC-IV est publié en 2003. Voici ce qu’en disent Alfonso, Flanagan
et Radwan en 2005 (p. 194) :

« [Le WISC-IV] : élimine les QI Verbal et de Performance, adhérant plus


étroitement à la théorie CHC, remplace l’indice Freedom from Distractibility
par l’indice de Mémoire de travail, remplace l’indice d’Organisation perceptive
par l’Indice de Raisonnement perceptif, renforce la mesure du raisonnement
fluide par l’ajout des épreuves de Matrices et Conceptualisation. Renforce la
mesure de Vitesse de traitement par ajout d’une épreuve de Barrage. »

Au total avec ces ajouts, et en considérant les quinze épreuves qui


composent la batterie, cinq aptitudes CHC seraient sérieusement évaluées
par la batterie avec au moins deux épreuves pour chacune : Gf, Gc, Gv,
Gsm, Gs.
Les auteurs majeurs que nous avons longuement cités ici ont ouvert
diverses pages sur le WEB pour présenter la théorie CHC, et l’intérêt de la
Cross-Battery Assessment Approach. Là ils citent d’abord les insuffisances
de la théorie par Horn et Noll (1997). Mais le négatif devant s’effacer
105
Théorie du WISC V

devant le positif, ils terminent l’exposé en disant son intérêt majeur.


McGrew (2005) ferme sa présentation sur une citation qu’il emprunte
à Carroll (1993). On simule la question : « What about race, gender,
or ethnic differences in CHC structure of intelligence ? » demandent les
auteurs. « With reference to the major types of cognitive ability, there is
little evidence that factorial structure differs in any systematic way across
male and female groups, different cultures, racial groups, and the like1 »,
répondrait Carroll (1993, p. 687).
Le lecteur peut donc être rassuré. L’outil mis au point n’est pas sensible
aux différences de sexe, de culture, d’ethnie2 . Le praticien peut donc
l’appliquer indifféremment à tout individu rencontré. Bien sûr il ne s’agit
pas des tests eux-mêmes, mais de la structure des aptitudes évaluées
par les tests, que l’on suppose analogue à la structure des aptitudes
humaines et lui correspondant point par point.
Pourtant, l’affirmation de Carroll n’est pas sans évoquer une ambition
8. Sur la théorie CHC

plus ancienne, s’exprimant dans le même champ, chez Cattell avec les
tests culture fair. On peut objecter qu’ils visaient alors une aptitude
particulière, considérée comme l’aptitude générale — puisque l’aptitude
à l’éduction des relations était assimilée à g. Il ne s’agissait pas comme
ici de la structure des aptitudes, ce qui serait tout à fait différent.
Rappelons pourtant ce qui s’écrivait couramment de la théorie de tests
culture fair dans les années cinquante, ce sera nécessaire pour apprécier
ce qu’il en est des changements sur le fond de la théorie.

1. « Qu’en est-il des différences de race, de genre, d’ethnie dans la structure CHC de
l’intelligence ? » « En considérant les types majeurs d’aptitudes cognitives, il y a peu
de chance que la structure factorielle distingue de quelque manière systématique les
groupes selon le genre, les différentes cultures, les groupes raciaux, et autres. »
2. Nous éprouvons à cet endroit quelque difficulté à traduire le terme « racial groups »
et proposons ethnies : il n’est pas certain que le terme « groupe racial » ait un sens.

106
Théorie du WISC V

Rappel nécessaire sur les tests « Culture fair »

Dans le début des années cinquante, Cattell soutient l’idée de tests


culture fair qu’il a d’ailleurs produits. Le matériel est accompagné d’un
manuel, Culture Fair Intelligence Test. A Measure of « G », par R.B. Cattell
et K.S. Cattell1 .
On peut y lire ce projet initial : « Nous avions comme principaux buts
[outre la recherche de validité et de fidélité] d’éliminer les effets des
apprentissages culturels spécifiques [...] » (p. 6), et, plus loin :
« Les subtests du test CF (culture fair) visent donc à mesurer l’aptitude
générale d’éduction des relations que de nombreuses recherches ont
montré comme :
a) Largement innée ;
b) Ine caractéristique relativement constante chez un individu ;

8. Sur la théorie CHC


c) Opérant dans des domaines tout à fait différents, comme les aptitudes
verbales, numériques, spatiales et sociales » (p. 7).
Cattell répète ces principes plus loin en précisant au passage que g, ou
l’aptitude à l’éduction des relations — qui est subsumée par Gf —, sont
une seule et même chose :

« Il semble que l’on puisse dire que le test CF mesure l’intelligence générale
(c’est-à-dire le facteur G ou l’aptitude d’éduction des relations) sur une base
de performances moins affectées par les variations de lieu et de temps et
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les préjugés de l’ethno-centrisme [...] les tests indépendants de la culture


mesurent de façon plus valide l’intelligence en la séparant des influences de
l’éducation, du milieu social, culturel et ethnique [...] » (id., p. 9).

Pour faire bonne mesure, Cattell précise encore que l’indépendance de


l’aptitude mesurée vis-à-vis des acquis culturels ne signifie pas l’absence
de corrélation entre les mesures des efficiences dans des tests CF et le
« statut social », en expliquant :

1. La deuxième édition est publiée en France en 1974 par les Éditions du Centre de
psychologie appliquée.

107
Théorie du WISC V

« En effet, dans une société où les professions élevées sont accessibles


aux personnes intelligentes, il pourra y avoir une corrélation positive entre
l’intelligence pure et le statut économique. » (p. 10)

Une justification l’une par l’autre de la réussite par l’intelligence, c’est le


rappel d’une évidence qui a traversé les siècles. La noblesse de l’ancien
régime justifiait de la même manière sa domination sur l’ensemble de la
société.
Nous avons mentionné les tests de Cattell plus haut. Ils sont construits
sur le modèle des Matrices progressives : non verbaux ils utilisent
des formes abstraites, et principalement un système de coordonnées
spatiales et une manière de symboliser, de classer, de mettre ensemble
ou d’opposer qui sont bel et bien des constantes culturelles héritées de
la culture de l’écrit alphabétique. L’échelle 2 par exemple, utilisée pour
les enfants de 8 ans à 13 ans, comprend quatre épreuves : « Séries »,
8. Sur la théorie CHC

« Classifications », « Matrices » et « Conditions ».


Ces tests ne manquent pas d’intérêt à l’usage, il est sans doute dommage
que l’invalidation, ou plutôt la mise à distance momentanée de la thèse
« culture fair », défendue par Cattell, ait pu leur enlever le crédit légitime
à leur utilisation qui leur revient cependant — dans notre culture.
L’idée des tests culture fair était de pouvoir tester tout un chacun avec
les mêmes outils. Et sans doute de faire apparaître les différences de
résultats entre individus d’origines différentes comme une donnée utile.
Il est question actuellement d’une théorie des aptitudes humaines qui
serait libre des différences de genre, de culture, de race ? Dans son
application à l’individu, cette thèse n’évoque-t-elle pas l’idée initiale
de Cattell ?
Pour les performances dans l’utilisation des aptitudes elles-mêmes,
les concepteurs de tests savent qu’elles peuvent différer, plus ou
moins sensiblement, selon le sexe. Le premier procédé utilisé pour
limiter l’ampleur des différences consiste à choisir des items peu
différenciateurs, autant que c’est possible. Mais cela ne suffit pas
toujours, et le concepteur peut se trouver devant la nécessité de
choisir entre deux solutions : deux étalonnages séparant les garçons
des filles, ou un seul ? Perron-Borelli expose la question dans le Manuel
d’utilisation des EDEI (1996, p. 182). Elle tranche la question avec

108
Théorie du WISC V

l’argument d’une composition mixte des classes en France : les épreuves


étant sensiblement – mais non significativement – mieux réussies par
les filles que par les garçons (pour la plupart), il serait injuste de leur
demander de faire plus pour se trouver à la moyenne des enfants de leur
classe d’âge. Cette manière d’intégrer les différences qui appartiennent
de toute façon à la réalité n’est pas toujours la manière choisie par les
concepteurs de tests. Ainsi, des différences entre ethnies ou cultures
peuvent donner lieu à des étalonnages différents.
Mais l’argument de Carroll invoqué pour la qualité non différenciatrice
de la CHC ne porte pas sur les performances dans les épreuves mais sur
la structure des aptitudes. Ce que permet la CHC est d’une autre nature.
Elle pose que la structure des aptitudes humaines est la même, et que
l’outil permettant d’en analyser l’utilisation par l’individu est le même.
Il serait parfaitement démocratique ?
Nous avons vu qu’une brèche pouvait s’ouvrir dans ce dogme, au travers

8. Sur la théorie CHC


de l’exemple des travaux de Horn et Masunaga (2000) : la structure
des aptitudes varie avec l’âge. Pas seulement l’efficience dans certains
domaines, quand on les compare à d’autres, mais la structure des
aptitudes, jusqu’à postuler pour l’adulte âgé un facteur non répertorié.
Ceci ne plaide pas pour une identité de structure des aptitudes humaines.
D’autres exemples peuvent être cités. Nous en avons rencontré à
l’occasion, notamment au travers de la présentation des Progressive
matrices par J. Raven (1998) : cet auteur insiste longuement sur le
poids de la culture dans l’évaluation de l’aptitude éductive. Il cite les
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

recherches dans des milieux culturels bien différents, qui invalident dans
ces conditions l’utilisation de tests d’aptitude à l’éduction de relation
et corrélât.

Qu’en est-il des différences culturelles ?

Fin 1994, la nécessité s’est imposée à l’APA (American Psychological


Association) de répondre à la polémique alimentée par la presse nationale
qui avait suivi la publication d’un ouvrage aux thèses racistes argumenté
par Herrnstein et Murray (1994), The Bell Curve : Intelligence and Class
Structure in American Life. L’APA a sollicité son Bureau des affaires

109
Théorie du WISC V

scientifiques qui a constitué une « Task Force » pour faire le point sur
la question, au nom de l’APA.
La somme produite par la « Task Force » a été publiée sous une forme
réduite par la revue de l’APA, American Psychologist, journal officiel de
l’APA en février 1996. Elle est en totalité accessible sur le WEB, sous le
titre Intelligence : Knowns and Unknowns. Précisons encore que la Task
Force était constituée de 11 universitaires de renom, et que la mission
exigeait un accord unanime de ces personnes sur le texte final, pour
écarter tout risque de contestation.
Dans sa première partie, « Concepts of Intelligence », le document
de l’APA consacre un de ses quatre chapitres à la question de la
« variation culturelle ». Il remarque d’abord (p. 6) que « la comparaison
des concepts d’intelligence est difficile entre cultures différentes [...] » :

« Les rares tentatives de réponse directe à cette question ont trouvé qu’au
8. Sur la théorie CHC

sein d’une même société, diverses caractéristiques cognitives sont valorisées


d’une situation à l’autre, et d’une subculture à l’autre [...]. Ces différences
s’étendent au-delà des conceptions sur l’intelligence jusqu’à ce qui est
considéré comme adapté ou approprié en un sens large. »

Le document mentionne à la suite deux études dont les conclusions


sont complémentaires. La première est menée par Okagaki et Sternberg
(1993) à San Jose en Californie. On demande à des parents immigrants
du Cambodge, du Mexique, des Philippines et du Vietnam, ainsi qu’à
des Anglo-Americains et Hispano-Americains natifs ce qu’ils pensent de
l’éducation des enfants, de l’enseignement et de l’intelligence de l’enfant.
À l’exception des Anglo-Américains natifs, tous les groupes accordent
la plus grande valeur à la motivation, aux compétences sociales, et aux
compétences scolaires pratiques d’un enfant intelligent dans sa première
année d’école primaire.
La seconde étude est menée par Heath (en 1983) parmi différents
groupes ethniques de Caroline du Nord, à propos de leur conception de
l’intelligence. Les conclusions relèvent qu’être intelligent ou adapté dans
un groupe, c’est exceller dans les compétences valorisées par le groupe.
Le contraste le plus frappant oppose les compétences en communication
verbale, opposées aux compétences en communication non verbales,

110
Théorie du WISC V

c’est-à-dire à l’utilisation et à la compréhension des signes utilisant les


gestes, les postures et les mimiques faciales.
Sur cette dernière question précise, le document de l’APA remarque :

« Notez que tandis que ces deux formes de compétences communicationnelles


ont leur utilité, elles ne sont pas représentées de manière égale dans les
tests psychométriques. »

Cette critique sur un détail était portée en 1995, on peut penser que
les théoriciens de la CHC en ont tenu le plus grand compte. En effet,
nous trouvons dans la classification des aptitudes de niveau I et de
niveau II présentée par McGrew (2004), une aptitude qui se rapporte
à ces compétences différentes. Elle est notée Knowledge of Behavioral
Content (BC) et définie comme

« la connaissance ou la sensibilité aux moyens de communication humaine

8. Sur la théorie CHC


non verbale (au-delà de la compréhension des sons et des mots, par les
expressions faciales et la gestuelle) qui communique les sensations, les
émotions, les intentions, le plus souvent selon un modèle culturel. » (McGrew,
2004)

Cette aptitude de niveau I se trouve classée dans l’ensemble des


aptitudes de niveau II notées Gkn, c’est-à-dire : « Connaissance générale
(concernant des domaines spécifiques) ». La définition de cette aptitude
principale est la suivante :
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« l’ampleur et la profondeur de la connaissance acquise dans des domaines


spécialisés qui ne représente pas les expériences générales et universelles
des individus dans une culture donnée (Gc). » (McGrew, 2004)

Nous ne croyons pas utile de faire suivre ces définitions par une
comparaison du nombre d’items de la CHC concernant la communication
non verbale au nombre d’items concernant la communication verbale.
Les contradictions sont suffisamment éloquentes et symptomatiques
d’une difficulté majeure à concevoir la culture de l’autre autrement que
comme une connaissance relevant d’un domaine spécifique.
Mais le fond de la question que soulèvent les quelques études sur les
différentes valorisations de telle ou telle aptitude par des cultures

111
Théorie du WISC V

différentes n’est pas là. Elle ne met pas seulement en question la


manière dont les parents définissent les qualités qui s’attachent au
concept d’intelligence. Elle laisse à entendre que les familles jouent un
rôle de tout premier plan dans le développement des aptitudes qu’elles
valorisent.
Mais ce que nous entendons là est-il entendu par tous ? Certains ne
persistent-ils pas à penser que la valorisation de certaines compétences
ou aptitudes dans le groupe est une chose, mais que leur développement
et leur structure en sont une autre ?
8. Sur la théorie CHC

112
Théorie du WISC V

9. La théorie des aptitudes et le développement


9

des fonctions psychologiques supérieures


LA THÉORIE DES APTITUDES ET
LE DÉVELOPPEMENT DES FONCTIONS
1
PSYCHOLOGIQUES SUPÉRIEURES

La CHC et le développement des fonctions


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psychologiques supérieures

Le texte dont nous sommes partis, une présentation sur le WEB de la


théorie CHC par McGrew (2005), fait état des « limitations of CHC (Gf-Gc)
theory » selon Horn et Noll (1997). Elles sont résumées, et peuvent
donc être présentées telles que :
• Elle est dans l’ensemble une généralisation descriptive empirique des
résultats de la recherche, mais bien moins une explication déductive
de ces résultats ;

1. Nous empruntons le terme utilisé par Vygotski.

113
Théorie du WISC V

• La structure du modèle est le produit de rotations d’analyse factorielle


de facteurs empiriques et ne paraît pas une bonne image de
l’organisation des aptitudes ;
• Une théorie dérivée d’équations linéaires (analyses factorielles) n’est
pas une forme qui décrive correctement un phénomène naturel ;
• Elle fournit peu d’éléments sur la manière dont les aptitudes se déve-
loppent et sur la manière dont les processus cognitifs fonctionnent
9. La théorie des aptitudes et le développement

ensemble.

En nous recentrant sur notre objet d’étude, qui est l’enfant et son
des fonctions psychologiques supérieures

développement, la quatrième limite mentionnée par Horn et Noll retient


particulièrement notre attention. Ce d’autant plus que la volonté de
comprendre les troubles des apprentissages tient au cœur des auteurs
cités, comme au nôtre. Or, s’il est question d’identifier ces troubles et
de les comprendre, nous imaginons bien, et l’on peut le vérifier par
l’accueil de la théorie chez les praticiens, que c’est pour mieux intervenir
auprès des enfants qui en souffrent. Donc, pour inciter le professionnel
de l’enfance à intégrer une certaine réalité dans ses enseignements...
Comme Horn pose la question du développement, il semble légitime
de se tourner vers un de ses élèves pour l’aborder. McArdle travaille
depuis plusieurs années et publie sur le développement des aptitudes
cognitives de l’enfant. Au surplus, cet auteur double son questionnement
sur le développement des aptitudes d’un second questionnement, qui
concerne les relations entre le développement des aptitudes cognitives
et le développement des compétences académiques1. L’article issu d’une
recherche menée par Ferrer et McArdle (2005) est publié sous le titre
« An Experimental Analysis of Dynamic Hypotheses About Cognitive
Abilities and Achievement From Childhood to Early Adulthood ». Les
auteurs la résument ainsi :

« L’étude examine les dynamiques des aptitudes cognitives et compétences


académiques de l’enfance au jeune adulte. Des prédictions sur des relations
de couplage dans le temps entre la cognition et le développement de

1. Nous adoptons ce terme en français pour traduire le terme anglais assez délicat
d’academic achievement. On peut lui préférer celui d’« acquisitions scolaires », mais il
est important ici de marquer une sorte d’évitement du terme scolaire ou école d’une
part, et du terme apprentissage d’autre part.

114
Théorie du WISC V

compétences, prédictions basées sur une hypothèse d’investissement de


Cattell (1971, 1987) sont évaluées [...] sur des données longitudinales. Au
contraire de l’hypothèse de Cattell, un premier ensemble de résultats indique
que les aptitudes fluides et cristallisées, définies par le Woodcock-Johnson
Révisé (WJ-R, 1990) ne sont pas couplées dynamiquement l’une à l’autre dans
le temps. Un second ensemble de résultats soutient en revanche la prédiction
et indique que l’aptitude fluide est un indicateur de changements dans les
mesures des compétences scolaires (aptitude quantitative et Connaissance

9. La théorie des aptitudes et le développement


académique générale). [...] »

des fonctions psychologiques supérieures


« L’hypothèse d’investissement » découle de la place accordée par Cattell
à l’intelligence fluide dans sa théorie. Il considère qu’il y a initialement
une seule aptitude cognitive, qui émerge entre l’âge de 2 ans et 3 ans.
Elle est liée à des facteurs génétiques et neurologiques, mais non fixée
sur une zone définie du cortex, d’où son nom d’intelligence fluide, Gf.
L’exercice pratique de cette aptitude, l’expérience, sa rencontre avec la
réalité entraînent le développement d’habiletés perceptives, discrimi-
natoires et d’exécution liées à des aires cérébrales, qui constituent à
ce moment les aptitudes cristallisées (Gc). Le développement de ces
aptitudes en retour permet à l’enfant d’apprendre et de s’entraîner dans
les activités scolaires telles la lecture, l’écriture, l’arithmétique :

« Selon l’hypothèse de Cattell, les compétences scolaires sont influencées à


la fois par Gf et Gc, en plus de facteurs externes variés comme les occasions
d’apprentissage1, l’intérêt et la motivation. » (Ferrer et McArdle, 2004,
p. 935)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les relations entre aptitudes cognitives et compétences scolaires


apparaissent ici conformes au modèle dominant2 des relations entre
développement des aptitudes et processus d’apprentissage, lui-même
adapté à la théorie Gf-Gc : les Compétences scolaires dépendent
des aptitudes complexes qui surviennent durant les années d’école
pour beaucoup, à partir de l’investissement, c’est-à-dire de l’effet de
transformation produit de Gf sur Gc.

1. Learning opportunities : les occasions d’apprentissage, comme si l’école n’organisait


pas systématiquement son enseignement, et ces « occasions ».
2. Voir plus loin la définition de ce « modèle dominant » par Vygotsky.

115
Théorie du WISC V

Dans cet ordre d’idée, logiquement, Ferrer et McArdle notent que, fondé
sur la théorie Gf-Gc, le WJ-R – batterie d’évaluation des aptitudes référée
à ce moment à la théorie – reconnaît le lien entre la cognition et les
compétences scolaires, la première assumant le progrès des secondes.
« Une telle conceptualisation implique que les mesures d’aptitudes
cognitives ont une certaine valeur de prédiction sur les compétences
académiques. » Ils pondèrent cependant l’affirmation, en notant que
9. La théorie des aptitudes et le développement

« Cattell (1987) lui-même a décrit le rôle de la motivation et de facteurs


environnementaux comme la maison et l’école ».
des fonctions psychologiques supérieures

L’étude veut mettre en évidence deux phénomènes dans le cours du déve-


loppement des aptitudes cognitives et des compétences académiques :
• Elle doit mettre en évidence d’éventuelles relations dynamiques entre
les deux aptitudes cognitives, Gf et Gc, dans le sens postulé par
Cattell. Les auteurs admettent que si la théorie de l’investissement est
vérifiée, pourraient apparaître des discontinuités développementales
de l’enfance à l’âge adulte ;
• Considérant les relations entre les aptitudes cognitives et les
compétences scolaires, elle doit faire apparaître éventuellement une
aptitude cognitive « spécifique » qui sous-tendrait la dynamique de
ces relations et les âges auxquels ses influences apparaissent.

Les résultats contredisent la théorie de Cattell sur le premier point, mais


seraient en accord avec le second :
• Il n’y a pas de relation dans le temps entre les aptitudes fluide
et cristallisée, telles qu’elles peuvent être évaluées par le WJ-R.
Les changements qui affectent les aptitudes cristallisées dans le
temps sont indépendants des niveaux d’aptitude fluide dans les
années précédentes. L’hypothèse d’investissement de Cattell n’est
pas confirmée ;
• En revanche, la seconde hypothèse guidant les travaux se trouve
confirmée, avec diverses incidences :
– L’aptitude fluide est un indicateur des changements à venir dans
les compétences académiques, avec une influence plus forte sur
les aptitudes quantitatives que sur la connaissance académique
(Academic Knowledge) ;

116
Théorie du WISC V

– Les différences selon les âges existent dans l’importance des


relations entre Gf et les compétences scolaires, le moment le
plus fort de ces relations étant celui de l’enfance et des débuts de
l’adolescence ;
– Structurer les changements des fonctions cognitives et des compé-
tences scolaires comme parties d’un même facteur commun [g] est
déraisonnable parce que de tels changements sont mieux décrits

9. La théorie des aptitudes et le développement


selon des trajectoires différentes, bien que liés dans leur dynamique
séquentielle (Ferrer et McArdle, 2004, p. 947).

des fonctions psychologiques supérieures


L’influence positive de l’aptitude fluide sur les compétences scolaires
s’exprime davantage sur « Aptitude quantitative » que sur « Connais-
sance académique » (Academic Knowledge). Précisons que les progrès
attendus sont évalués avec le WJ-R (1989) :
Aptitude Quantitative – aptitude CHC – est évaluée avec deux épreuves
du WJ-R, Problèmes de mathématiques appliquées et Calculs,
Connaissance académique (Academic Knowledge) est évaluée avec
« Science », « Études sociales » et « Humanités » (langues et litté-
rature)1 ;
Gf est évaluée avec deux épreuves, « Analyse – Synthèse et Formation
de concept » ;
Gc avec deux épreuves de vocabulaire, « Vocabulaire oral » et « Vocabu-
laire Image ».
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les auteurs font une remarque décisive, pour mieux préciser les choses :

« L’aptitude fluide a une influence positive sur le [développement] des


compétences académiques, plus forte sur Aptitude quantitative que sur
les Connaissances académiques (littéraires scolaires). [...] Cette influence
positive est indiquée par des changements notables dans les compétences
dans le temps. Comme il a été postulé par Cattell (1987), ces résultats
peuvent être considérés comme représentatifs de l’investissement de Gf
sur [le développement] des compétences scolaires, l’investissement le
plus puissant apparaissant pendant l’enfance et la pré-adolescence. Les

1. Ce dernier facteur/aptitude est dûment représenté dans le WJ-R mais n’est pas
listé dans les aptitudes CHC, peut-être du fait de son année de publication, 1989
antérieure à la CHC.

117
Théorie du WISC V

différences de développement dans les relations entre les aptitudes fluide


et cristallisée ont été aussi trouvées par Li et al. (2004) qui ont rapporté
de plus fortes corrélations dans l’enfance et l’âge adulte en utilisant des
données transversales. »

La discussion théorique menée par les auteurs sur la base de leurs


résultats porte sur l’hypothèse d’investissement. Ils s’interrogent en
particulier sur un biais possible de l’étude, qui ne permettrait pas
9. La théorie des aptitudes et le développement

dans le fond de distinguer ce qu’évaluent les épreuves Gc utilisées des


épreuves de compétence scolaire. C’est effectivement une question que
des fonctions psychologiques supérieures

l’on se pose, raisonnablement, les épreuves de vocabulaire pouvant


être considérées comme parties du curriculum scolaire – comme ils le
notent. Ils maintiennent cependant la distinction entre Gc, Gq et ce
facteur nommé ici Gak. Un modèle considérant un seul facteur au lieu de
trois ne décrit pas mieux les résultats. De la même manière, confondre
Gq sous Gf est moins pertinent que conserver séparées ces aptitudes,
quoique dynamiquement liées. Pour les auteurs, le rôle leader de Gf est
incontestable dans leur étude vis-à-vis des compétences académiques :

« Les relations, marquées par les discontinuités identifiées dans nos analyses,
suggèrent enfin pour l’âge considéré ici, un processus de développement
dans lequel Gf conduit des changements positifs dans les compétences
[scolaires] l’année suivante, et que ces influences sont plus fortes durant
l’enfance et la pré-adolescence. »

La CHC et l’enseignement/apprentissage

Il nous semble utile de souligner ces conclusions d’une étude exemplaire


sur le développement des aptitudes cognitives. Elles contiennent deux
arguments majeurs.
L’amélioration des compétences est vue comme produit de Gf, ce qu’est
cette aptitude et son « investissement ».
Aucun poids n’est accordé au processus d’apprentissage/enseignement
dans la théorie. Les auteurs notent à de multiples reprises que la relation
la plus forte entre Gf et les performances scolaires est repérée sur la
période de scolarisation, ce qui pourrait conduire à penser que l’école
joue un rôle central dans le processus. Mais il n’en est rien. L’école est

118
Théorie du WISC V

évoquée comme un lieu « d’occasions d’apprentissage », textuellement,


non comme un lieu où l’on enseigne méthodiquement à l’enfant. Si
les choses adviennent, elles tiendront de l’enfant. L’adulte est absent
du développement, et avec lui la réalité psychologique de l’enfant
nécessairement dépendant de l’adulte.
Cependant, les auteurs font des propositions pour la poursuite de la
recherche. Ils mentionnent l’apprentissage, mais sous quelle forme ? :

9. La théorie des aptitudes et le développement


« Un aspect important non traité ici est le contexte d’apprentissage, à
la maison et à l’école. Par exemple, l’exposition à des livres et d’autres

des fonctions psychologiques supérieures


matériels didactiques à la maison1 peut aider l’enfant à développer
son vocabulaire et ses compétences en lecture avant même l’école.
Nous avions l’intention d’examiner cette question, toujours discutée par
Cattell (1971, 1987) en utilisant des mesures de l’éducation maternelle.
Malencontreusement, la quantité de données utilisables pour cette
mesure était trop petite (20 %), et par force, ces analyses ont été
limitées » (2004, p. 950).
Depuis l’apport de Vygotsky (1935-1985), nous reconnaissons trois,
puis quatre appréhensions différentes des relations entre processus de
développement et processus d’apprentissage/enseignement.
La conception dominante selon laquelle un apprentissage peut être
envisagé quand le stade de développement l’autorisant a été atteint.
Ici, « l’apprentissage suit toujours le développement », écrit Vygotsky
(1935-1985, p. 96) ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La deuxième conception générale regroupe ceux qui lient arbitrairement


développement et apprentissage. Pour cette thèse, « l’apprentissage est
le développement » (1935-1985, p. 97) ;
La troisième conception, illustrée par Koffka, tenterait une synthèse
entre les deux théories précédentes, qui ont des points communs.
Une nouveauté de cette théorie serait l’idée d’interdépendance et
de l’influence réciproque entre les deux processus fondamentaux, la
maturation liée au développement du système nerveux, et l’apprentissage.
Ici, apprentissage et développement ne coïncident pas ».

1. Nous soulignons.

119
Théorie du WISC V

À ces trois théories des relations entre processus d’apprentissage et


processus de développement (des fonctions psychiques supérieures, ou
admettons-le, d’aptitudes cognitives), Vygotsky oppose une quatrième
conception dynamique des relations. Cet auteur part pour les besoins
de la démonstration de la situation de testing, qui nous intéresse ici :
le testing devrait être pratiqué en deux moments, parce qu’il convient
de distinguer ce que sait faire l’enfant seul, de ce qu’il sait faire quand
9. La théorie des aptitudes et le développement

il est aidé. L’aide en question, pour l’auteur correspond à la situation


idéale pour l’enfant, qui est celle du groupe d’enfants en présence de
l’adulte.
des fonctions psychologiques supérieures

Évoquer la théorie de la « zone proximale de développement » n’est


pas, pour notre argumentation, opposer une théorie à une autre, mais
bien plutôt opposer une présence à une absence. Dans l’étude que
nous avons longuement citée, menée sur la théorisation de Cattell
et admettant bien la théorie CHC, l’apprentissage n’est pas cité.
Des euphémismes sont utilisés pour parler du rôle de l’école, il est
question d’occasions d’apprentissage, ou de l’exposition à des livres. On
observe que l’investissement de Gf en direction du développement des
compétences a lieu dans les années scolaires, mais tout cela semble
au mieux une coïncidence bien pensée. L’école est ici au mieux le lieu
qui présente des occasions ou qui expose l’enfant à des objets. Elle n’a
pas de fonction dans le développement, et même pas dans celle des
compétences scolaires.
La définition même du mot école n’est pas entrevue : « un lieu où l’on
enseigne ». Donc un lieu dans lequel se trouvent des professionnels, les
enseignants. Faut-il les oublier ? La question qui préoccupe Vygotsky,
quand il écrit « Le problème de l’enseignement et du développement
mental à l’âge scolaire » est celle de la relation que peuvent entretenir
la psychologie du développement et la pédagogie, science de l’enseigne-
ment. Précisément, qu’est ce que le psychologue peut dire au pédagogue
qui lui soit utile ? La plus mauvaise solution est sans doute celle qui le
fait disparaître. Tout notre savoir sur l’enfant et ses aptitudes devrait-il
nous conduire à cela ?

120
Théorie du WISC V

Gf anticipe l’accroissement des connaissances

C’est sans doute le point positif que nous retiendrons de l’étude de Ferrer
et McArdle (2004). Si l’on comprend bien, les psychologues pourraient
mettre en évidence, à l’aide de leurs tests, les améliorations à venir dans
les compétences scolaires des enfants.
D’aucuns, psychologues, pourraient se défier d’un rôle de prédicteurs que

9. La théorie des aptitudes et le développement


d’autres, pédagogues, auraient tôt fait de leur contester en enregistrant
l’échec de la prédiction.

des fonctions psychologiques supérieures


Mais la première question que se posera le praticien sur de tels résultats
sera la suivante : quels tests ont été utilisés pour cela ? Et s’ils servent à
évaluer l’aptitude dite fluide, comment ont-ils été utilisés ? Finalement,
que sait-on concrètement de la manière dont cette aptitude est mise
en évidence ?
Pour répondre à cette question, il faudra revenir au début de notre
ouvrage. Et peut-être relire tout ce qu’écrit sur son test d’éduction des
relations le descendant du créateur des Progressive Matrices (1938).
Pour ses auteurs il est hors de doute que les PM-38 ne sont pas un
test culture fair, qui d’ailleurs n’existe pas. C’est un test d’une certaine
culture, celle de l’aptitude éductive, valorisée dans certains milieux et
pas dans d’autres. Hautement valorisée à l’école et chez ceux qui veulent
aider les enfants à grandir, les psychologues, cliniciens ou théoriciens
des aptitudes.
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C’est aussi un test éminemment intelligent : nous voulons dire par-là


qu’il prend le parti d’accompagner celui auquel il est administré, du
jeune âge jusqu’aux âges adultes, en sollicitant les aptitudes éductives
du jeune âge, puis très graduellement les aptitudes des plus grands et
enfin des adultes. Dans cet accompagnement le test d’éduction bien
construit repère les passages difficiles, et offre même le moyen à l’enfant
de prendre le temps d’un premier contact avec la difficulté, puis d’y
revenir un certain nombre de fois, pour ne pas quitter le terrain sur un
doute sans réponse.
Ce que l’enfant rencontre avec ce matériel n’est pas tout à fait nouveau
pour lui, d’emblée, mais concerne un domaine dont il perçoit bien
qu’il est celui de l’intelligence du praticien. La question alors, pour

121
Théorie du WISC V

l’enfant et pour l’adulte est celle d’un échange au cours duquel l’adulte
l’invite à faire quelques pas sur son terrain de prédilection à lui. Qu’il
y réponde positivement est bien le gage de l’intelligence de l’enfant
en développement. Qu’il apprenne, en cours d’épreuve, comme nous
avons tenté à maintes reprises de le montrer au travers de l’analyse
de l’utilisation de certains matériels est à coup sûr quelque chose qu’il
faudra souligner et restituer à ceux qui ont la charge d’éduquer. Elle
9. La théorie des aptitudes et le développement

servira à prédire ce qui est en fait déjà en cours du côté de l’enfant.


Nous nous garderons bien, par ce constat, de conclure sur des points
des fonctions psychologiques supérieures

forts ou des points faibles, en bref sur une utilisation possible de la


théorie CHC.
Des limites en l’état nous semblent indépassables, nous nous y sommes
arrêtés. Pour autant il peut se faire que sous un certain angle, comme
c’est le cas ici, notre point de vue rejoigne celui des spécialistes de
cette théorie. Pour le reste, chacun devra apprécier ce qu’elle apporte à
sa pratique de la relation clinique. Comme sur les tests, nous avançons
avec ce qui est à notre disposition. Sans oublier nos déterminations, qui
sont de servir l’enfant et son développement, donc ceux qui œuvrent
avec nous sur ce terrain.
Permettons-nous, pour clore notre réflexion, de nous référer encore
une fois à Binet : nous avons commencé avec lui, terminons avec lui.
Rosencwajg (2006) rappelle en conclusion d’un article consacré aux
derniers développements de l’évaluation de l’intelligence de l’enfant que :

« Le sujet, l’enfant, est pour Binet au centre de ses préoccupations et c’est


ce souci constant qui a fait sortir l’évaluation de l’intelligence de l’impasse
où elle se trouvait à la fin du XIXe siècle. [...] » (p. 407).

Rosencwajg regrette que le succès qu’il a ensuite rencontré aux États-


Unis par des traductions et réutilisations privilégiant le « point de vue
quantitatif » apparaisse le produit d’une incompréhension, et rappelle
que :
« Binet n’envisageait en effet l’examen psychologique que face à l’enfant,
un enfant non-anonyme pour lui (expression reprise de Martin, 2005). »
L’ambition du clinicien en matière d’examen de l’enfant ne saurait mieux
se dire.

122
Théorie du WISC V

10

LE WISC-V ET LES CRITÈRES CHC

10. Le WISC-V et les critères CHC


WISC III et CHC

Comme pour tous les tests d’efficience intellectuelle, les impératifs


commençaient à devenir contraignants pour les éditeurs du WISC. Lors
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de la publication de sa troisième version, WISC-III. Les deux premiers


facteurs isolés « Compréhension verbale » et « Organisation perceptive »
recouvrent sensiblement des facteurs identifiés par Gustafson puis
Carroll, le premier « Intelligence cristallisée », le second « Visualisation
générale », mais le WISC-III reste muet quant à l’importance d’un
facteur Gf « Intelligence fluide ». Seule peut renvoyer à ce facteur dans
l’étalonnage français l’épreuve de « Mémoire de chiffres », assez isolée
dans la batterie.
Les critiques portées à ce moment, outre-Atlantique, sur le WISC-III ont
salué avec ironie sa fidélité exemplaire à ce qui l’avait précédé depuis
des décennies, en lui reprochant de se tenir à l’écart des connaissances
actuelles sur le développement cognitif de l’enfant.

123
Théorie du WISC V

Le WISC-III paraissant avoir manqué le virage que les autres avaient


négocié, certains commentateurs ont pu écrire :

« En dépit de plus de cinquante années d’évolution des théories de


l’intelligence, la philosophie de l’intelligence de Wechsler [...], écrite en
1939, reste le principe directeur du WISC-III [...] La dernière incarnation du
test de David Wechsler ne peut être rien de plus qu’un dinosaure embelli1 . »

WISC-IV et CHC

Avec la publication du WISC-IV. Flanagan et Kaufman (2004) constatent :


10. Le WISC-V et les critères CHC

« En dépit de toutes les innovations et des caractéristiques exemplaires


de tests d’intelligence nouveaux et récemment révisés, les échelles de
Wechsler dominent en toute suprématie. En fait, l’échelle d’intelligence de
Wechsler pour enfants – quatrième édition (WISC-IV), comme la précédente,
le WISC-III, deviendra très certainement la mesure de l’intelligence la plus
utilisée dans le monde entier. »

Nous écrivions alors :

« (...) Les concepteurs du WISC-IV ont modifié l’outil dans le sens voulu
par la critique. L’édition française insiste cependant sur la continuité
entre l’ancien et le nouveau, en soulignant le socle solide pour la note
d’indice “Compréhension verbale” représentant désormais les épreuves de
“Similitudes”, “Vocabulaire” et “Compréhension”. Ces trois épreuves étaient,
comme épreuves verbales, de toutes les versions antérieures. La nouvelle
édition concède des changements majeurs pour les autres indices factoriels
en précisant que deux d’entre eux étaient déjà présents dans la version
américaine :
“Mémoire de travail”, qui était absente en tant que telle dans la version
française, mais présente dans la version américaine, est renforcée par une
seconde épreuve, très proche dans son esprit et son mode d’administration
de “Mémoire des chiffres” ;
“Vitesse de traitement” est inchangé dans sa composition pour les deux
épreuves de base qui concourent au calcul de la note. C’est l’indice qui est
le plus abondamment justifié par les éditeurs en France.

1. Shaw, Swerdlik, Laurent (1993), cités par Flanagan et Kaufman (2004, p. 16).

124
Théorie du WISC V

“Raisonnement perceptif” est un curieux nom, qui paraît composé pour la


première moitié de « raisonnement », emprunté à “Raisonnement fluide”
traduction du nom américain du facteur Gf de Carroll, “Fluid Reasoning”, et
pour la seconde moitié de perceptif, qui semble emprunté à “Organisation
perceptive”, l’indice abandonné du WISC-III. Constatons que la composition
de l’indice ne dément pas son appellation, avec l’abandon de trois épreuves
définissant l’indice “Organisation perceptive” du WISC-III, et l’adjonction
de deux épreuves de Fluid Reasoning ». (Jumel et Savournin, 2014, p. 204)

De fait, les modifications apportées au WISC dans sa quatrième version


ne vont pas au bout de la logique attendue, dédiée à la théorie des
aptitudes. Pour des raisons assez simples : le principe reconnu jusque-là
pour la conception de l’échelle n’avait pas de rapport avec le choix

10. Le WISC-V et les critères CHC


d’épreuves sur la base des études factorielles, mais en rapport avec
certaines conceptions de l’intelligence.
Nous pouvions constater que le choix fait par les concepteurs de ne pas
aller jusqu’au bout de la logique CHC aboutissait notamment à cet indice
étrange par le nom et la mise en œuvre de « Raisonnement perceptif ».
De fait, les difficultés de nomination rencontrent une autre réalité dans
les tests, déjà soulignée au chapitre précédent : l’APA faisait le constat
du manque d’intérêt des concepteurs de tests pour les éléments de
connaissance représentés par la communication non verbale, s’appuyant
sur le corps, sur le geste, les expressions, les mimiques, etc. Nous pensons
que la difficulté à cerner pour elle-même l’organisation perceptive, dans
des épreuves impliquant le corps agissant et la matière, d’une part
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

puisqu’il s’agit souvent de construire, et pour cela d’y mettre les mains,
la géométrie du corps propre, d’autre part à travers la représentation dans
l’espace de l’objet à construire, gêne quelque peu des concepteurs qui
veulent ignorer les aptitudes non verbales mais largement contributaires
des cultures. Sans mener la réflexion jusqu’à ce point nous notions, sous
le titre « Raisonnement perceptif » contre « Organisation perceptive » :

« Les épreuves abandonnées dans le WISC-IV concouraient pour l’essentiel à


la mesure de l’indice “Organisation perceptive” du WISC-III. L’abandon de
ces épreuves est aussi l’abandon de l’indice, et de ce qu’il représentait aux
yeux des praticiens. (...)
Les nouvelles épreuves du WISC-IV ne les remplacent pas, du point de
vue de l’activité motrice de l’enfant. Avec leur relégation, les seules

125
Théorie du WISC V

représentantes du facteur Gv “Perception visuelle”, restent “Cubes” et


“Complètement d’images” Cette dernière est une épreuve optionnelle,
mobilisant la perception visuelle incontestablement, mais dans laquelle
il n’y a pas d’activité de manipulation ni de construction, ni mise à l’épreuve
de l’organisation spatiale.
Les remplaçantes, “Identification de concepts” et “Matrices” nous paraissent
deux épreuves assez proches. Elles sont non verbales, elles peuvent
même être muettes, plus spécialement les “Matrices” puisqu’il suffirait
que l’examinateur montre pour que l’enfant poursuive en silence. Elles
portent, pour la première sur des images concrètes, et pour la seconde, en
partie sur des images concrètes, en partie sur des images abstraites. Pour
les concepteurs du WISC-IV, ce sont des épreuves d’intelligence fluide, dans
sa composante induction, ce sur quoi tous les auteurs semblent d’accord. »
10. Le WISC-V et les critères CHC

WISC-V et CHC

Les critiques ont été entendues, du point de vue de la théorie CHC.


Incidemment cela a abouti à reprendre en les distinguant deux indices
au lieu d’un seul, « Raisonnement Fluide » et « VisuoSpatial » dans le
WISC-V, en remplacement de « Organisation perceptive » dans le WISC-IV.
Chaque indice est évalué au travers de deux épreuves. Les tableaux qui
suivent résument la structure.
Nous rapportons dans le tableau ci-dessous, les changements successifs
qui ont affecté le WISC. Si l’on considère ce qui était déjà attendu
à l’avènement de la quatrième version, le WISC-V peut apparaître
aujourd’hui un produit abouti.
Comme pour la 4e version, les modifications les plus importantes sont
issues du projet singulier des concepteurs : s’inscrire résolument dans
le projet CHC. Nous sommes là-dessus rapidement informés, à la lecture
d’une présentation en 4e de couverture du gros ouvrage consacré au
WISC-V par Kaufman, Raiford et Coalson : un professeur de clinique, une
dirigeante de la recherche pour la société éditrice du test, une experte
cognitiviste, qui est aussi chercheur, auteur et clinicienne. Ces auteurs
mettent un outil à disposition des utilisateurs, pour leur permettre de
tirer le meilleur parti d’une approche des difficultés de l’enfant bâtie
sur... la dichotomie forces/faiblesses ! Une naïveté si l’on se place dans
une perspective adulte, du point de vue de l’abord dynamique de la

126
Théorie du WISC V

personne ; Une naïveté qui sent bon l’esprit scolaire et la mentalité


proprement phallique de cet âge (toute question alors se ramenant
inévitablement à celle-ci : « - Qui c’est le plus fort ? »).
Précisons tout de suite que si notre questionnement de clinicien n’est
pas celui-ci, il prend tout de même en compte une recherche des lignes
de lecture les plus évidentes du protocole, qui utilise les contrastes
d’abord, puis les différences ensuite pour approcher la complexité d’un
développement mental singulier C’est plus difficile que de chercher la
performance, et la faiblesse, il faut abandonner les références phalliques
liées au stade du même nom. C’est plus ambitieux aussi, puisqu’il faut
utiliser tout ce qui est possible de psychologie du développement et de
psychopathologie de l’enfant pour chaque observation singulière. Mais

10. Le WISC-V et les critères CHC


cela nous semble précisément être le travail du psychologue.
Remarquons que les utilisateurs supposés du test et du livre, ici, ne
sont pas nécessairement des psychologues. Les psychologues sont
concernés, mais, selon les auteurs, d’autres avec eux. Leur ouvrage
s’adresserait aux psychologues scolaires, psychologues cliniciens, et
à une catégorie nouvelle pour nous, les diagnosticiens de l’éducation
(« educational diagnosticians » en Anglais). Cette dernière catégorie
nous inquiète, reconnaissons-le, dans la mesure où, en France et ailleurs,
le diagnostic se présente le plus souvent comme une hypothèse de travail
du psychologue, censée éclairer le travail du médecin. Un spécialiste du
diagnostic scolaire qui ne serait ni psychologue, ni médecin ? Qu’est-ce
que c’est ?
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Nous voyons ici surgir la figure d’épouvante, imaginée il y a plus


d’un siècle par Binet. Il expliquait aux médecins précisément que sa
batterie exigeait une connaissance approfondie de l’enfant, de son
développement et de ses pathologies pour livrer quelque information
utile à l’issue d’un examen avec son test. Binet leur conseillait de ne
surtout pas confier ce travail à un infirmier ou un technicien. Infirmier
ici n’a rien de péjoratif, c’est tout simplement une personne qui s’occupe
techniquement du soin, à laquelle on ne peut demander ce qu’elle n’est
pas compétente à réaliser, dont le diagnostic.
Nous voyons aussi surgir une ligne de clivage entre :
• Des troubles réputés scolaires, n’intéressant que les professions qui
mettent les troubles sur le compte des neurones ;

127
Théorie du WISC V

• Et d’autres troubles, non nommés, dont nous pouvons penser qu’ils


sont mentaux, qu’ils intéressent la personne en totalité, et nécessitent
des pédopsychiatres et psychologues cliniciens bien informés sur la
psychopathologie de l’enfant.

Pour ces derniers le clivage a toujours existé, au sens où il n’y a jamais eu


de rapprochement durable entre les troubles scolaires, qui n’existent que
pour ceux qui fréquentent l’école, et les troubles mentaux. Nous pouvons
en prendre la mesure dans le fait que la littérature psychiatrique forge
des concepts spécifiques à leur sujet pour les considérer comme d’une
autre nature : on parle de troubles instrumentaux, et l’on commence à
intégrer le vocabulaire pseudo-savant qui nous submerge actuellement,
10. Le WISC-V et les critères CHC

autour des « dys »1 .


Le renouvellement – limité tout de même - qui affecte la batterie est
nécessité par l’incorporation des conceptions propres aux théoriciens de
la CHC : il a fallu pour y parvenir 20 ans et trois éditions successives.
Cela peut apparaître lent, mais ne l’est pas si l’on considère le temps
nécessaire à changer radicalement nos manières de penser les troubles, à
commencer par la déficience intellectuelle. Elle ne l’est pas, non plus, si
l’on considère la résistance à l’abandon programmé d’un certain nombre
de concepts dont celui de quotient intellectuel.

1. Nous en livrons quelques lignes inquiétantes dans l’une de nos observations, dans
le dernier chapitre.

128
Théorie du WISC V

Tableau 10.1. Composition du WISC dans ses versions françaises successives.

WISC WISC-R WISC-III WISC-IV WISC-V


1949-1957 1974 1991-1996 2003 2016

Information +v +v + v/cv (+ cv) (+ cv)

Similitude +v +v + v/cv + cv + cv

Arithmétique +v +v +v (+ mt) (+ rq)

Vocabulaire +v +v + v/cv + cv + cv

Compréhension +v +v + v/cv + cv (+ cv)

Mémoire des chiffres


(+ v) (+ v) (+ v/cv) + mt
+ mt

10. Le WISC-V et les critères CHC


Arrangements d’images +p +p + p/op

Complètement d’images +p +p + p/op (+ rp)

Cubes +p +p + p/op + rp + vs

Assemblages d’objets +p +p + p/op

Code +p +p + p/vt + vt + vt

Labyrinthes (+) p (+) p (+ p/op)

Symboles (+ p/vt) + vt + vt

Matrices + rp + rf

Identification de concepts + rp

Séquence lettres chiffres + mt + mt


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Raisonnement verbal (+ cv)

Barrage (+ vt) + vt

Balances + rf/ (+ rq)

Puzzles visuels + vs

Mémoire des images + mt

Légende : Les épreuves sont notées : + en épreuve principale, (+) en épreuve supplémentaire.
Les indices sont notés en initiales des noms français : v : QIV, p : QIP, cv : Compréhension verbale,
op : Organisation perceptive, rp : Raisonnement perceptif, vt : vitesse de traitement, mt : mémoire de
travail ; vs : VisuoSpatial ; rf : Raisonnement Fluide ; rq : Raisonnement Quantitatif

129
Théorie du WISC V

Les traits les plus évidents sur le tableau :


• Trois épreuves nouvelles dans l’univers du WISC apparaissent avec la
dernière version. Il s’agit des tests de Balances (IRF), Puzzles Visuels
(IVS), Mémoire des Images (IMT). Ces changements s’inscrivent dans
le projet de croiser deux épreuves pour un même indice. L’Indice
de Raisonnement Perceptif a disparu, et a laissé la place pour deux
épreuves neuves, une par indice nouveau, Indice de Raisonnement
Fluide, et Indice VisuoSpatial.
• Deux épreuves remisées, qui avaient été introduites dans le WISC-IV
ont été remisées. Raisonnement verbal était une épreuve supplémen-
taire, nous n’aurons pas eu le temps de nous y attacher. En revanche,
il est gênant que les raisons d’un abandon ne soient pas données
10. Le WISC-V et les critères CHC

pour cette autre épreuve récente mais vite partie, d’Identification


de Concepts. Nous l’avions critiquée en son temps, parce que le
principe de catégorisation mis en jeu dans le cours de l’épreuve était
changeant, ce qui nuisait au principe fondamental pour tout ce qui
touche à l’enfant, d’une acquisition progressive, d’apprentissage en
cours d’épreuve. La catégorisation, telle que la conçoit l’école, est
gouvernée par le principe d’une abstraction progressive. L’épreuve
construite sur ce principe aurait mieux fonctionné qu’à jouer de types
de catégorisation divers, sous prétexte qu’il n’y a pas de hiérarchie
dans ce que l’on peut observer à l’école1 . Pour le WISC-V, on a choisi les
Balances. Les enfants saisissent assez vite le principe et y prennent du
plaisir. Ce sont des premières impressions. Il aurait pu être changeant,
mais de principes eux-mêmes hiérarchisés : on aurait distingué dans
la construction une conceptualisation de bon niveau logique, d’une
réunion par le contexte... et l’on aurait choisi les items pour que la
hiérarchie s’impose, le niveau logique des classes au-dessus, le niveau
d’une catégorisation par le contexte au-dessous.
• Trois épreuves principales et une épreuve supplémentaire enlevées
qui représentaient les beaux jours du QI non verbal (dit « de

1. L’épreuve de classifications séries des EDEI (Perron-Borelli, Perron) fonctionne


de manière plus efficace. Sans doute parce qu’elle fonctionne sur le principe de
Spearman/Raven d’induction – déduction, deux images induisent un principe, que
l’enfant confirme par une troisième.

130
Théorie du WISC V

performance ») : Arrangement d’images, Assemblage d’Objets, Com-


plètement d’images et labyrinthes. Elles étaient aussi, avec Cubes,
les épreuves représentatives de l’indice Organisation Perceptive dans
le WISC-III. Dans le cours de la passation des tests, elles étaient
ce moment pendant lequel l’enfant est actif, peut bouger, mettre
ensemble, défaire, faire la démonstration de ses habiletés motrices,
ou inversement. Le WISC-IV en comparaison devenait plus aride, mais
l’enfant pouvait y apparaître mieux tenu. C’est important pour le
confort du psychologue, mais ce que l’on gagnait d’un côté nous le
perdions d’un autre : quand peut-on voir l’enfant bouger à bon escient
sinon quand il est aux prises, des deux mains avec un matériel à saisir,
à tenir, à disposer, ou à cramponner selon les cas.

10. Le WISC-V et les critères CHC


• Quant aux déplacements de l’enfant, objets d’observations, il n’y en a
guère plus dans le WISC-V, la largeur du cahier de réponse est notre
espace de mouvement.
• Les épreuves verbales ne sont plus que deux comme épreuves princi-
pales, Similitudes et Vocabulaire. Elles sont encore accompagnées des
mêmes, Compréhension et Information. C’est une évolution marquante
au cours de ces dernières décennies.
• L’Indice de Mémoire de Travail, évalué par deux épreuves alors qu’il n’a
existé jusqu’au WISC-IV qu’au travers d’une épreuve supplémentaire.
Les études factorielles d’une part, et l’importance donnée aux épreuves
séquentielles dans le K-AB par la dichotomie processus mentaux
séquentiels/processus mentaux simultanés, l’ont mise en pleine
lumière. Sa fortune n’a pas faibli.
• L’indice Vitesse de Traitement confirmé, évalué par deux épreuves.
Difficile d’estimer avoir là ce qui représenterait le plus sûrement les
aptitudes intellectuelles...

131
Théorie du WISC V

Conclusion

Le tableau des tests composant l’échelle au travers de ses versions


successives nous semble avoir connu dernièrement bien des changements
qu’un regard léger n’aurait peut-être pas discernés.

Tableau 10.2.

Échelle totale
Compréhension Raisonnement Mémoire de Vitesse de
VisuoSpatial
verbale Fluide Travail Traitement
Similitudes Cubes Matrices Mémoire Chiffres Code
10. Le WISC-V et les critères CHC

Vocabulaire Puzzles visuels Balances Mémoire Images Symboles


Information Séquences
Arithmétique Barrage
Lettres-Chiffres
Compréhension

Légende : Le Tableau présente la structure du test, vue selon la définition de la note d’Échelle Totale,
autrement dit du QIT.
La deuxième ligne donne le nom des indices ;
Les troisième et quatrième lignes donnent les noms des 10 épreuves principales.
Les noms des 7 épreuves retenues pour le QIT sont en caractères gras sur fond grisé, les noms des
épreuves supplémentaires en italique.

Le changement est là, par le recours à une théorie donnée, construite


d’abord sur des matériaux anciens, la CHC. Le changement nous semble
être aussi dans les poids respectifs pris par certaines épreuves, au
détriment d’autres. Le principe posé par la Cross Battery Assessment
l’exigeait. Mais cela ne signifiait pas qu’au regard des praticiens il y ait
équivalence quant au poids de chacune dans l’efficience intellectuelle
globale.
Pour répondre à ce problème, et peut-être aussi pour ne pas oublier
trop vite une certaine tradition du WISC (Verbal Versus Non Verbal), le
principe d’une équivalence entre les épreuves concourant à la définition
du QIT, dans le WISC-V, a été un peu écorné. Il y a une pondération
dans le calcul du QIT, certains indices sont représentés par les scores
de deux épreuves, d’autres non ! Le concepteur admet que l’aptitude
« Compréhension Verbale » doit peser deux fois plus que « Vitesse de
Traitement ».

132
Théorie du WISC V

Mais il admet aussi que les indices non verbaux (VisuoSpatial et


Raisonnement Fluide) seront deux fois mieux représentés que l’indice
Compréhension Verbale.
Il n’est pas utile de s’interroger plus avant pour savoir si cela doit
être fait. Le poids de chacun des facteurs dans l’efficience globale
nous semble quelque chose d’insaisissable... Face à quoi l’on peut tout
de même développer d’autres exigences, qui concernent d’abord les
épreuves. Est-on certain de jauger de la mémoire quand on évalue les
réponses d’un enfant dans un test dit de Mémoire de Travail ? De quoi
la note qui résume le subtest Code est-elle réellement faite ? Dans
l’absolu, nous ne le savons pas. Quand nous sommes avec l’enfant, nous
pouvons faire des hypothèses sur la manière dont l’exercice est mené.

10. Le WISC-V et les critères CHC


Le choix n’est donc pas difficile sur ce qui doit guider notre sagacité,
c’est la conduite de l’enfant dans les épreuves : ce n’est la petite partie
de l’iceberg, c’est celle que le clinicien ne perdra pas de vue. Celle
qui autorisera, avec beaucoup d’attention, beaucoup d’observation, le
croisement de certaines hypothèses sur la cohérence du fonctionnement
mental de l’enfant.

133
Troisième partie
Les indices principaux
du WISC-V
et leurs 10 épreuves

11 L’indice Compréhension Verbale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

12 L’indice Visuospatial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

13 L’indice Raisonnement Fluide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

14 L’indice Mémoire de Travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

15 L’indice Vitesse de Traitement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212


Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

ANS SA TOTALITÉ,la batterie présente quinze épreuves, appelées


D « subtests ». Ils se distribuent en épreuves ou subtests principaux,
au nombre de 10, et épreuves supplémentaires, au nombre de 5.

Indices principaux Indices complémentaires QIT


Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

ICV IVS IRF IMT IVT IRQ IMTA INV IAG ICC
1 Cubes
2 Similitudes
3 Matrices
4 Mémoire des Chiffres
5 Code
6 Vocabulaire
7 Balances
8 Puzzles visuels
9 Mémoire des images
10 Symboles
11 Information sup
12 Séquences Lettres- sup
Chiffres
13 Barrage sup
14 Compréhension sup
15 Arithmétique

Le tableau ci-dessus distingue, à la verticale, ces deux catégories par leur


ordre dans la liste. Les subtests sont inscrits dans l’ordre de passation
basique, qui requiert les 10 premières épreuves.
À l’horizontale nous pouvons lire les divers indices autorisés par le test,
et dans le tableau, leur composition :
• Indices principaux : ICV (Indice Compréhension Verbale), IVS (Indice
Visuo-Spatial), IRF (Indice de Raisonnement Fluide), IVT (Indice
Vitesse de Traitement), IMT (Indice Mémoire de Travail) – 2 subtests
chacun.
• QIT : 7 subtests (les 7 premiers subtests sur le tableau)

Et 5 indices complémentaires :
• IRQ (Indice de Raisonnement Quantitatif),

136
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

• IMTA (Indice de Mémoire de Travail Auditive),


• INV (Indice Non Verbal),
• IAG (Indice d’Aptitude Générale),
• ICC (Indice de Compétence Cognitive).

Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves


Tableau 10.3. Composition des indices principaux du WISC-V

Indices principaux

Compréhension VisuoSpatial Raisonnement Mémoire de Vitesse de


Verbale Fluide Travail Traitement

Similitudes Cubes Matrices Mémoire Code


Chiffres

Vocabulaire Puzzles Visuels Balances Mémoire Images Symboles

Dans la troisième partie de l’ouvrage, nous retiendrons les seuls indices


principaux. Pour plusieurs raisons, de la plus « raisonnable » à la plus
« technique » :
• Si l’on veut rester dans la cohérence d’une seule passation, une
heure nous a semblé le minimum de temps nécessaire à la passation
des épreuves principales. Deux séances, avec d’autres subtests, c’est
une autre histoire qui commence. En effet, le transfert de l’enfant à
l’adulte en relation duelle est un processus rapide, et l’on ne peut
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raisonnablement penser que nous nous tenons, dans un deuxième


rendez-vous avec l’enfant, dans les mêmes termes relationnels qu’au
premier.
• Les cinq indices principaux constituent, dans la théorie de référence,
des liens directs avec des aptitudes de second niveau de la CHC. Elles
doivent être discutées, rapprochées mais distinguées. Il n’en va pas
de même des indices supplémentaires.
• En tout état de cause, pour nous, l’indice supplémentaire auquel nous
pouvons donner de la consistance est l’indice Non-verbal. Or cet indice
est obtenu à partir des scores de 6 subtests principaux. Il en est de
même des deux derniers indices, nommés d’Aptitude générale et de
Compétences cognitives, que nous ne discuterons pas.

137
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Sur le tableau ci-dessous, la présentation des indices supplémentaires.


Nous faisons apparaître en grisé les épreuves supplémentaires néces-
saires.
Tableau 10.4. Composition des indices supplémentaires du WISC-V

Indices supplémentaires
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Raisonnement Mémoire T. Non-Verbal Aptitude Compétences


quantitatif auditive générale cognitives
Balances Mémoire Chiffres Cubes Similitudes Mémoire Chiffres
Arithmétique Séq lettres-chiffres Puzzles Visuels Vocabulaire Mémoire Images
Matrices Cubes Code
Balances Matrices Symboles
Mémoire Images Balances
Code

À la lecture de ce tableau, il apparaît qu’il y a bien du matériel pour


les évaluations d’efficiences non verbales. C’est un parti pris que nous
avons déjà souligné dans la première discussion de la structure du test.
Un parti pris étonnant si l’on considère la proximité entre les résultats
scolaires et les performances verbales dans les tests classiques.

138
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

11

11. L’indice Compréhension Verbale


L’INDICE COMPRÉHENSION VERBALE

Une évaluation limitée de l’efficience verbale

Limitation quant à ce qui est évalué

Deux épreuves concourent comme épreuves principales à l’évaluation de


l’indice Compréhension verbale. Il s’agit de Similitudes et Vocabulaire.
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Et deux autres épreuves y concourent comme épreuves supplémentaires,


Compréhension, et Information.
Le terme choisi pour l’indice est conforme à une dénomination déjà
retenue pour les versions précédentes du WISC. Pour autant, ce nom
ne nous paraît pas bien correspondre à ce qui est mis en œuvre dans
les tests qui l’évaluent. Pour nous en tenir aux épreuves principales,
elles apparaissent faire d’abord appel au lexique, à la fois pour la
compréhension et l’expression. Mais la formulation des questions est
limitée :
• Elle est strictement la même d’un item à l’autre dans Similitudes ;
• Et utilise une seule variante, selon qu’il est question d’un nom, d’un
adjectif ou d’un verbe, dans l’épreuve de Vocabulaire.

139
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Il n’y a aucune formulation délicate comme on pouvait en trouver


dans les questions des précurseurs de l’épreuve de Compréhension1 . La
simplification tendant à l’épure des questions est une bonne chose pour
faciliter la compréhension de ce qui est demandé. C’est un avantage
quand on veut être compris.
Mais quand ce qui est mis à l’épreuve est précisément la compréhension
verbale, alors les limitations deviennent une gêne à l’évaluation. De
fait, nous le constatons, dans la pratique du test et de l’échange avec
l’enfant, les moments testant sa compréhension d’une syntaxe un peu
difficile ne sont plus l’objet de l’examen.
11. L’indice Compréhension Verbale

Limitation en nombre des épreuves


d’efficience verbale

Ajoutons à ce constat que la présence des épreuves verbales dans


l’ensemble de l’échelle à dix épreuves a beaucoup diminué depuis les
débuts du WISC, et qu’elle n’a jamais été aussi pauvre. Les éléments
permettant de distinguer le niveau de langage en expression, du niveau
de langage en compréhension, sont limités. Nous avons donc un indice
dénommé Compréhension verbale qui ne s’occupe pas explicitement
d’évaluer la compréhension d’une phrase à la syntaxe complexe.
Étrange retournement depuis les débuts des tests, quand nous savons
que le premier reproche jadis communément fait au Binet-Simon (1911),
comme plus tard à la NEMI de Zazzo (1966), était d’être « trop verbal » !
Les indications concernant le langage de l’enfant devront s’enrichir
d’autres apports. Nous pourrons les trouver dans la batterie, dans les
épreuves dites supplémentaires, telle Compréhension – qui, elle, porte
bien son nom, et dans une moindre mesure Information.
Dans Compréhension, les occasions de répondre par plus d’un mot sont
fréquentes, il ne faut pas s’en priver le cas échéant, particulièrement

1. Elle s’appelait « Compréhension générale » lors de la création du test, dans


sa traduction française, Logique verbale dans la NEMI (1966), et plus justement
« compréhension sociale » dans les EDEI.

140
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

quand il est question, dans la demande d’examen formulée par l’école, les
parents ou le médecin de trouble de langage, léger, de retard de parole
ou/et de retard de langage, léger, moyen ou sévère, ou encore quand il
est question de dysphasie. Dysphasie est un mot fréquemment utilisé
dans les services de soins médico-psychologiques, trop fréquemment
peut-être, au point qu’il faille souvent revenir au sens précis du préfixe
dys pour fixer les choses entre interlocuteurs d’horizons divers.

Retour aux épreuves

11. L’indice Compréhension Verbale


Dans l’examen à dix épreuves pour cinq indices basiques, les possibilités
d’identifier des éléments pathologiques du langage sont réduites.
Cependant, si elles font peu parler les enfants, les épreuves de Similitudes
et Vocabulaire sont susceptibles de rendre d’autres services.
Ces deux épreuves admettent des changements mineurs dans leur forme
par rapport à leur présentation précédente, dans le WISC-IV. Des items
sont ajoutés aux deux extrémités du test. Pour chaque âge de début
d’épreuve, les deux premiers items sont des items d’apprentissage,
concrètement les réponses de meilleur niveau sont données, pour
orienter la recherche de l’enfant dans le sens voulu.
Elles présentent des points communs que nous mettrons en évidence
après leur description respective. Ils justifieront qu’elles concourent
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ensemble à l’évaluation d’un même indice. Les différences, que nous


regarderons ensuite, devraient indiquer la signification d’écarts parfois
importants entre les scores réalisés par l’enfant sur ces deux épreuves.
Un projet simple, si l’analyse confirme que c’est bien le verbe et sa
compréhension qui sont interrogés ici par ces tests.

Similitudes

Dans les Similitudes, l’enfant est invité à dire en quoi deux choses se
ressemblent. Le même terme est utilisé pour chaque item.

141
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

! Ce que l’on évalue avec l’épreuve


La dénomination « conceptualisation » adoptée par Perron-Borelli
(1973) dit bien le type de problème posé à l’enfant au cours de cette
épreuve. L’épreuve figure dans les EDEI comme épreuve de catégorisation
verbale.
Nous demandons par exemple à l’enfant, en quoi un four et un moulin
se ressemblent1 , et devons apprécier le niveau d’abstraction auquel se
situe la réponse.
L’exemple ici veut jouer sur les contrastes, il dit bien le jeu dans l’épreuve,
qui est de dépasser les oppositions, ou les différences, pour loger ces
11. L’indice Compréhension Verbale

deux choses dans la même catégorie. Le sujet peut répondre selon trois
niveaux au moins :
• Ce sont des constructions,
• Ce sont des endroits où l’on travaille,
• On va du moulin au four pour fabriquer le pain.

La première réponse n’est pas fausse, mais elle reste prisonnière du


percept. L’enfant dit ce qu’il voit. Les humains l’habitent dans la
deuxième réponse, qui reste prisonnière de la représentation par l’image
de l’activité humaine, seule la troisième réponse est catégorielle
Dans l’épreuve Similitude du WISC-V, nous discuterions du point à donner
pour la première réponse, nous en donnerions un pour la seconde, et
deux pour la troisième. La prime va à la meilleure catégorisation. Il en
était ainsi chez le grand-père du WISC-V, dans la première version du
WISC :
• 2 points pour une réponse indiquant la catégorie restreinte d’apparte-
nance, c’est-à-dire pour la catégorie qui définit le mieux,
• 1 point pour une catégorie large, dans notre exemple, « endroits où
l’on travaille »
• 0 point pour une catégorie trop vaste, ici « construction » ou
« maison », ainsi que pour une réponse niant la proximité.

1. C’est une question inventée pour la cause, ici, que nous ne retiendrions certainement
pas dans un test.

142
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Cela fait donc très longtemps que nous cotons ainsi les réponses dans
les épreuves de type catégoriel.
Ce qui mérite une critique. Nous appliquons ce faisant les mêmes
critères de cotation à l’épreuve de Vocabulaire, censée évaluer l’étendue
du lexique de l’enfant. C’est un problème, nous le percevons tout de
suite, dans la mesure où nous notons de même manière deux épreuves
censées être différentes, et servant à évaluer des aptitudes différentes.

! Ce que nous enseigne l’histoire du test


L’épreuve des similitudes est présente depuis la première version du

11. L’indice Compréhension Verbale


WISC (1949). Elle est alors, à travers des ajouts divers, la reprise
d’un test ancien présenté par Binet et Simon dans leur batterie de
1905, « Ressemblances entre plusieurs objets connus représentés de
souvenir ».
Binet notait que « les enfants ont beaucoup de peine à se rendre compte
des ressemblances ; ils trouvent plus volontiers que les objets qu’on
leur donne à comparer sont différents1 ». Cette épreuve s’adresse dans
l’échelle métrique de Binet à des enfants assez grands, puisqu’il est
le vingtième test d’une échelle qui en compte trente. En comparaison,
« Différences entre objets de souvenir » est le seizième. Il est en
effet plus simple de repérer une différence, ce qui peut se faire par
la description isolant les objets l’un de l’autre, que de surmonter la
difficulté à rapprocher les objets pour identifier la classe commune à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

laquelle ils appartiennent. La différence peut porter sur une activité


descriptive, la ressemblance pour être valide et de « bon niveau » est
une activité de catégorisation.
Zazzo reprend le concept des « ressemblances » dans un subtest qui
porte ce nom, dans sa Nouvelle Échelle Métrique de l’Intelligence de
1966. Les niveaux de réponse sont de 6, ils vont graduellement d’un
niveau de 10e année au niveau supérieur à 14 ans, limite de l’échelle.
Cette remarque pour signifier qu’aux yeux de cet auteur la performance

1. Binet A., Simon T., « Application des méthodes nouvelles au diagnostic du niveau
intellectuel chez des enfants normaux et anormaux d’hospices et d’écoles primaires »,
Année psychologique, 1905, XI, p. 245-336. Cité par Zazzo R., Verba-Rad M. et Gilly M.,
Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence, 3e éd., Paris, Bourrelier, 1968.

143
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

passe par des paliers bien distincts de l’aptitude catégorielle. Cette


réalité validerait la présence de cette épreuve à des niveaux si divers,
considérant par-là qu’elle est une épreuve de bonne sensibilité génétique,
tout comme l’épreuve de vocabulaire. À ce titre, elle a été introduite de
la même manière par lui dans le Binet Simon. Ce faisant, Zazzo change
quelque chose à la démarche de Binet et Simon. Eux choisissaient leurs
épreuves pour que chacune soit représentative d’un âge donné. Ce n’est
pas le cas si l’épreuve est gardée sous la même forme à travers les âges.
Malgré cela, le commentaire de Zazzo sur cette épreuve nous rappelle
que l’abstraction par la catégorisation pour Binet et Simon marquait
un seuil dans le savoir faire de l’enfant séparant par définition l’enfant
11. L’indice Compréhension Verbale

débile de l’enfant normal1 . Pour lui aussi peut-être car il est vrai que
l’on a toujours défendu dans notre pays cette idée que la différence la
plus claire entre les enfants « normaux » et les déficients concernait
la difficulté pour les seconds à aborder les épreuves de catégorisation.
Nous retrouvons ce point de vue chez Perron, clairement exprimé et
démontré dans son ouvrage, « L’enfant en difficulté »2 (1994)

1. Si l’on considère l’échelle de Zazzo, ce seuil serait donné dans son test par l’âge
auquel l’enfant est susceptible de réussir « les ressemblances » dans plus de 50 % des
cas. Il est franchi la dixième année (dans l’année précédant l’anniversaire des 10 ans :
d’où la revendication forte du chanteur, lors du passage réussi : « J’ai dix ans... »).
2. Perron, Aublé, Compas (1994) rapportent les résultats d’une enquête menée en
1987 auprès de quatre-vingts élèves de SES ayant pour quarante d’entre eux bénéficié
d’un entraînement au programme d’enrichissement instrumental de Feuerstein. Ces
résultats sont comparés à ceux de quarante élèves de même âge (13 ans) fréquentant
les classes ordinaires de collège. Pour les auteurs, selon une observation fréquente
dans le développement déficitaire, « à la fois sur le plan des mécanismes cognitifs et
sur celui des acquis scolaires, ce qui paraît central, ce sont les troubles d’élaboration
des significations » (p. 166). Les auteurs font l’hypothèse d’une différence notable
entre les groupes d’enfants dans l’acquisition et les troubles des activités catégorielles
au sens de Wallon. Par activités catégorielles, ils entendent « les activités qui
construisent le sens des objets par des opérations de rapprochement-distinction
conduisant à les distribuer en classes ». Ils précisent qu’une classe se définit en
compréhension par les caractéristiques qui permettent d’y inclure les objets et
en extension par les objets qui la constituent. Quatre épreuves de catégorisation,
empruntées pour trois d’entre elles à des classiques de l’examen psychologique, sont
administrées aux enfants de chaque groupe : Les auteurs concluent que, « dans
leur ensemble, les élèves de SES paraissent fortement handicapés pour ce genre
d’activités, et il semble justifié d’y voir l’achoppement majeur des fonctions cognitives
responsables de leur échec scolaire » (p. 171). Les élèves de SES de 13 ans seraient

144
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Il en est resté quelque chose dans l’esprit des psychologues en France.


Nous faisions et nous faisons encore grand cas des aptitudes de
catégorisation de l’enfant. Lors de la présentation de sa batterie K-ABC
à Paris en 1994, une question a été posée à Kaufman, sur l’absence
d’épreuves d’évaluation des aptitudes catégorielles. L’auteur avait alors
convenu qu’il y avait là un manque, et avait promis d’y revenir pour
la prochaine édition. Pour saisir quelque chose de nos différences
d’appréciation dans l’apport des tests, citons pour les comparer, les
Échelles différentielles d’efficiences intellectuelles (Perron et Perron-
Borelli, 1982). Elles comprennent trois échelles de catégorisation, trois
sur sept au total. Nous mesurons l’écart dans nos approches de la

11. L’indice Compréhension Verbale


déficience de part et d’autre de l’Atlantique.

! Apports historiques et récents sur le développement des


aptitudes catégorielles

Entre une conception de la catégorisation qui se réfère explicitement


à Wallon, et son évitement dans les tests d’efficience américains, s’est
développée une conception qui ne doit ni à l’une, ni à l’autre. Nous avons
consacré un chapitre à cette question, « À propos du développement
de la pensée catégorielle » dans notre ouvrage Guide clinique des tests
chez l’enfant (2013, pp. 101-108).
Pour le résumer, l’argumentation tient en trois points :
1. Le point de départ peut être mis au crédit de Vygotski et Luria.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Dans une recherche portant sur un grand nombre de sujets, dans les
années trente en Ouzbékistan, ils soumettent des personnes ayant
eu une expérience différente de la culture scolaire, à des activités

plus dépendants des caractéristiques perceptives des objets, ce qui est conforme à
l’hypothèse selon laquelle la catégorisation requiert l’abstraction de celles-ci, mais
aussi des caractéristiques utilitaires. Les élèves de collège de 13 ans définiraient des
classes de plus grande compréhension et de plus faible extension : précision dans
la définition et peu d’objets, tandis que les élèves de SES définiraient des classes
plus larges ou aux contours plus flous.L’étude traduit le rôle joué classiquement par
les épreuves classificatoires, dans l’examen psychologique de l’enfant. Elles donnent
corps à l’hypothèse de déficit intellectuel, dans les cas d’échec marqué à leur endroit.
Au surplus, là semble bien être la fonction traditionnelle de l’examen psychologique,
dans l’identification à l’école des troubles de l’efficience intellectuelle.

145
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

de catégorisation. Ils démontrent que les paysans ayant eu une


scolarisation même limitée, se démarquent ensemble de ceux qui
n’ont jamais été scolarisés : les premiers et les seconds cherchent
à répondre par les catégorisations valorisées par l’école, tandis que les
derniers répondent au gré des circonstances, par des catégorisations
habituellement jugées comme de moins bon niveau que les catégories
logiques. Ces catégorisations inférieures aux catégorisations logiques
sont par exemple chez Piaget et Inhelder, celle du stade figural, puis
non-figural, avant le stade logique ; chez Nelson, ce sont les « schémas »
puis les « Slot-fillers » avant la catégorisation logique.
2. Dans la réalité, ainsi que le laissait suspecter l’expérimentation de
11. L’indice Compréhension Verbale

Vygotski et Luria, tout se passe comme si les différences de niveau


habituellement mises en évidence par diverses théorisations pour
démontrer que la catégorisation se développe avec le temps, n’étaient
que des vues de l’esprit. Au cours du développement, elles existent
ensemble et s’expriment diversement selon le contexte de l’étude. Ce que
faisaient les paysans de Vygotski relevait d’une recherche d’adaptation
de leur réflexion, sur ce moment précis, à la culture du psychologue
qui les interrogeait, la culture de l’école. Ceux qui ne le pouvaient pas
utilisaient toutes manières de catégoriser en dehors des préoccupations
taxonomiques de l’école.
Bideaud et Houdé (1991) avancent sur ce sujet l’hypothèse bien étayée
d’un polymorphisme de la catégorisation au cours du développement.
Retenons cette formulation.
3. En conséquence, à l’école, il est légitime de penser que l’enfant
abordera les questions du test en intégrant le contexte de la rencontre
dans sa recherche. Nous sommes à l’école, et à l’école il est de bon
ton de répondre ainsi que nous l’ont appris nos maîtres, et nos parents
auparavant, la culture est celle des classes logiques, autrement dit de
la plus grande abstraction, autrement dit encore, de la catégorisation
logique. S’il n’est pas vraiment à l’école, l’enfant se prête à l’échange
avec l’adulte comme s’il y était.

Ainsi, il apparaît que les différences interindividuelles « objectivées par le test » ne


se résument pas dans le fait des différences d’aptitude à saisir intelligemment
le rapprochement entre les deux objets nommés, c’est-à-dire ici avec le meilleur ☞

146
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

☞ niveau d’abstraction. Les différences entre individus, surtout dans le cas de rapports
conflictuels avec l’école, pourraient trouver leur explication dans les difficultés à
reprendre à leur compte les règles culturelles orientant vers la meilleure réponse
en ce lieu. Il apparaît clair que l’enfant qui affiche une attitude d’opposition à
l’enseignement quand celui-ci constitue pour lui un péril, se démarquera dans
l’épreuve de Similitudes d’un petit camarade qui, lui, se valorisera en valorisant la
culture du lieu et sa transmission.

À cet égard, l’utilité de l’épreuve sera de montrer la variabilité des


attitudes de l’enfant quant aux implicites du test. En effet, il serait bien
rare que l’enfant refuse totalement ce que la culture du lieu lui indique,

11. L’indice Compréhension Verbale


ou qu’il l’accepte totalement.
Le plus souvent, les réponses se succèdent, diverses, montrant les
moments où le sens de l’épreuve est accepté par l’enfant qui répond à
notre attente de ce qu’est, dans nos codes, la bonne réponse de meilleure
catégorisation. Ou à l’opposé montrant les moments où l’enfant rompt
avec cette référence commune à une culture commune. La régression
dans le niveau de pensée utilisée alors est un bon indicateur du point
jusqu’auquel il peut descendre pour refuser la tentative de se situer sur
le sol commun qui lui est proposé.
Autrement dit, le score global n’a guère d’intérêt sous cette forme
numérique finale, surtout quand nous savons que deux réponses d’un
niveau médiocre valent une réponse du meilleur niveau. C’est une
dimension très importante, et le point même sur lequel les tests nous
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sont les plus utiles :


• Que peuvent-ils nous dire de ce que cet enfant est en mesure de faire
des apports de l’enseignement ?
• Que prend-il de la culture du lieu ?
• Quand l’accepte-t-il, quand la refuse-t-il ?
• Et surtout, à quelle condition pouvons-nous basculer pour un meilleur
profit des apports du lieu ?

147
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Vocabulaire

L’épreuve de Vocabulaire est une épreuve de type question-réponse


simple. Sur le modèle le plus scolaire, le psychologue demande à l’enfant
ce que signifie tel ou tel mot, et l’enfant répond verbalement.

! Ce que l’on évalue avec l’épreuve


Le premier sujet d’étonnement pour celui qui prend connaissance
de la batterie est peut-être celui-ci : que fait un test évaluant des
connaissances lexicales dans une batterie de tests d’intelligence ? Ne
11. L’indice Compréhension Verbale

confond-on pas explicitement « connaissance » et « intelligence » ?


Il y a ici un sujet d’étonnement légitime. Là encore nous trouverons les
explications à ces choix dans l’histoire des tests d’intelligence et plus
précisément dans l’histoire de l’analyse factorielle.
Le point de départ est l’étude méthodique menée par Spearman.
L’hypothèse est simple, c’est que les corrélations rapportées entre deux
mesures appliquées à une même population renvoient à un facteur
commun.
Travaillant sur les résultats chiffrés obtenus par des élèves d’un même
groupe dans de nombreuses matières, Spearman isole par l’étude des
corrélations un facteur unique, pour lui explicatif des variations, qu’il
nomme « G », pour général.
Spearman reconnaît cependant en « G », deux composantes en
interaction, l’aptitude éductive et l’aptitude reproductive. La première
est l’aptitude à inférer des relations pertinentes sur des données
nouvelles, la seconde l’aptitude à retrouver ce qui est déjà disponible
des connaissances acquises. La première s’exerce plutôt sur du matériel
non verbal, la seconde plutôt sur des données verbales. Les Matrices
progressives de Raven (1938), qui est fidèle à Spearman, sont conçues
comme un test d’éduction de relations et de corrélations. Il est utilisé
conjointement avec un test de vocabulaire en Angleterre, le test de
vocabulaire de Mill Hill, testant l’aptitude reproductive.
Cette partition des aptitudes a quelque chose à voir avec celle qui
oppose l’intelligence fluide à l’intelligence cristallisée selon Cattell.
Logiquement, les épreuves de vocabulaire sont aujourd’hui rapportées

148
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

au facteur Gc (intelligence cristallisée) dans le modèle hiérarchique de


l’intelligence de Cattell, Horn et Carroll.
Pour Zazzo (1966), « Vocabulaire » est une bonne épreuve de développe-
ment, qui peut être de bonne sensibilité génétique. Son intégration dans
son échelle d’intelligence, la NEMI reprise de Binet et Simon, améliore
l’ensemble de l’échelle car, à ses yeux, plus et mieux qu’une autre, elle
contribue à distinguer les performances des sujets selon les âges. Elle
est logiquement celle qui offre la meilleure corrélation avec l’ensemble
de l’échelle. C’est à notre sens par ce type d’épreuve que le projet de la
NEMI se distingue le plus sûrement du projet initial de Binet et Simon.
L’épreuve de vocabulaire pose par principe de construction l’équivalence

11. L’indice Compréhension Verbale


quant aux processus mentaux impliqués dans cette forme d’intelligence
le long des âges. Une épreuve de vocabulaire peut donc s’appliquer à
tous les âges, tandis que l’option prise par Binet et Simon consistait à
sélectionner les épreuves les plus représentatives d’un âge donné. Il y
avait bien une courte épreuve de vocabulaire dans le Binet et Simon,
mais elle concernait un âge et un type de mots (les mots familiers).
Selon les batteries de test utilisées, les épreuves de vocabulaire appa-
raissent sous des formes différentes, adaptées à l’âge d’administration.
Dans les EDEI de Perrron et Perron-Borelli, elles apparaissent en deux
échelles distinctes, comme vocabulaire dénomination et vocabulaire
définition.
Dans le WISC-V qui s’adresse aux enfants de six ans jusqu’à seize, les
quatre premiers items seuls sont du vocabulaire dénomination. L’enfant
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donne le nom de l’objet présenté en image. Puis très vite nous passons
au Vocabulaire définition.
La différence est évidente entre la forme dénomination et la forme
définition, selon la question adressée à l’enfant. Support imagé présent
ou absent, recours à un mot seulement en dénomination, ou à une
explication, nécessitant un travail mental de conceptualisation en
vocabulaire définition.
Dans l’épreuve de Vocabulaire du WISC-V, l’objet nommé est absent. Il
est évoqué par le seul langage et l’enfant doit en donner le sens d’une
façon non ambiguë.

149
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Considérer l’épreuve de « Vocabulaire » définition comme une épreuve


de catégorisation présente un intérêt clinique qui n’est pas dit par
son titre. Il suppose que l’on s’intéresse à toutes les réponses, qu’elles
soient cotées 1 ou 0. De manière générale, la bonne réponse est la
réponse catégorielle, représentée par la classe précise d’appartenance,
un synonyme, ou un trait qui le caractérise lui et pas un autre.
La catégorisation de ce type, nous l’avons vu, est étroitement liée
dans l’esprit de l’enfant à ce que l’école valorise. Pour prendre un
exemple proche de ceux de l’échelle, supposons que l’enfant doive
définir le mot « pain ». L’éventail des réponses est large, de la réponse
catégorielle aux réponses pré catégorielles ou qui ignorent le sens de
11. L’indice Compréhension Verbale

l’exercice de définition, dans le cadre où il se trouve actuellement,


malgré les exemples initiaux. Une réponse du genre « On le mange au
petit-déjeuner », ou encore le mime d’une scène dans laquelle il coupe
et beurre une tartine, n’est pas valide dans le test. Ce qui ne signifie
pas que l’enfant n’ait pas une idée précise de la chose. Simplement,
l’abstraction, la conceptualisation qui constitue la catégorisation n’est
pas actuellement disponible.
Il est utile de distinguer les enfants qui ont saisi, vers 7 ans ou 8 ans
ce qu’est une bonne réponse ici, mais qui manifestement ne disposent
pas du mot nommant la catégorie, et en conséquence n’accepteront
pas de recourir à des procédés plus régressifs de définition — et
resteront muets (ou s’y livreront avec une grimace de dégoût, ce qui
n’est pas une observation si rare). Nous les voyons hésiter, chercher,
puis refuser. On peut penser que le niveau de pensée de l’enfant est,
vraisemblablement, d’un niveau opératoire, et qu’il distingue comme
nous des niveaux de raisonnement selon les âges. Certains pour lui, sont
révolus et réservés aux plus jeunes. Mais il semble que l’on touche là une
articulation entre le niveau de pensée logique et de façon plus générale,
le registre psychoaffectif qui est celui de cet enfant. On peut penser,
sous réserve que le trait s’exprime ailleurs, qu’il y a là une certaine
conscience de son âge, ainsi qu’une intuition certaine des règles du jeu
scolaire, en présence d’un adulte qui interroge. La conscience de son
âge, de ce qui le distingue d’avant est un élément à apprécier quant
au développement psychoaffectif du sujet. Dans l’esprit de l’enfant qui
organise ses représentations par la différence des générations, la facture
névrotique est patente. Il en va tout autrement du sujet qui n’éprouve

150
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

aucune gêne à recourir à des modes d’explication plus enfantins, voire


puérils :
• Par l’image, il décrit le contexte d’utilisation ;
• Ou il donne un exemple précis qui renvoie à une expérience personnelle
non partageable ;
• Ou il simule par un geste l’utilisation de l’objet ;
• Ou même il en dessine le contour là, sur la table.

L’essai de définition répond à la question mais pas à ce qui est attendu


de lui. Au-delà, on trouve encore les réponses de type syncrétique,
par lesquelles un fragment du mot permet un lien arbitraire avec un

11. L’indice Compréhension Verbale


autre. Toutes les régressions sont possibles, ce ne sont d’ailleurs pas des
régressions, au sens où le niveau de sa réponse n’est pas le problème
actuel de l’enfant. Nous avons quelque chance de nous trouver en
compagnie d’un enfant qui tolère les « fluctuations de niveaux de
pensée1 », ce qui signe un autre registre de problématique.

! L’âge de l’enfant et ses niveaux de réponse


dans « Vocabulaire »
• La définition du mot par l’enfant dans l’épreuve de vocabulaire peut
être descriptive ou catégorielle. Elle peut être plus ou moins concrète
ou abstraite. La qualité de la catégorisation est l’expression d’un
niveau de développement de la pensée catégorielle. Celle-ci n’est pas
directement dépendante de l’âge.
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• Nous le savons depuis les travaux de Piaget et de Wallon, le


développement de la pensée catégorielle de l’enfant n’est pas un
processus linéaire. L’âge chronologique pour repérer les stades de
développement est un repère commode, qui correspond à une ligne
moyenne. Elle se vérifie sur le grand nombre.

1. Expression empruntée à E. Schmid-Kitsikis, Dans son ouvrage Théorie et clinique


du fonctionnement mental, cet auteur reconnaît diverses « fluctuations » dans les
procédures de raisonnement, comme expressions diverses de mouvements régressifs.
Elle spécifie ainsi : les oscillations, les contradictions, et les ruptures ou « vides de
pensée ». Des contradictions, elle précise qu’elles « peuvent indiquer une difficulté
de maintenir stable un certain système de référence ».

151
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

• Nous savons que la catégorisation logique n’est pas indépendante du


contexte, et qu’elle peut être utilisée en même temps que d’autres, non
logiques selon les classes, par exemple contextuelles ou slot-fillers. Le
dégagement que marque la catégorisation logique par l’abstraction des
données perceptives est un processus qui n’est pas abouti à huit ans,
et qui ne le sera peut-être jamais totalement.
• Nous savons enfin que la catégorisation logique est un produit de
culture, familial puis scolaire.

Quand ces réalités sont posées, les choses deviennent simples. Nous
admettons que nous évaluons ce que l’enfant veut bien utiliser de notre
11. L’indice Compréhension Verbale

culture en présence d’un adulte dont c’est la spécialité. Il s’agit d’une


culture scolaire, quelles que soient au fond nos aspirations personnelles
sur ce sujet. Remarquons alors que l’épreuve de vocabulaire se prête
remarquablement à cet exercice. Dans de bonnes conditions, l’enfant
brillant aux yeux du psychologue est celui qui nous étonne par sa manière
de choisir le meilleur niveau de définition, qui est nécessairement le
meilleur niveau de catégorisation dans l’épreuve.
Ainsi en vient-on à s’interroger sur l’utilisation possible d’une échelle
qui confond dans sa notation deux types de réponse, catégorielle ou
descriptive, en posant par sa notation que deux réponses descriptives à
un point valent pour une réponse catégorielle à deux points. Pour pallier
à cet inconvénient, les auteurs de la NEMI, que nous venons de citer,
avaient adopté un système de notation unique. C’est 1 point ou rien !
L’échelle de développement NEMI ignore le niveau de la réponse, pour
ne s’intéresser qu’au seul constat du nombre de mots connus de l’enfant.
Le manuel précise : « C’est l’étendue du vocabulaire qui compte ici ; on
ne tient pas compte de la précision ou du niveau d’élaboration de la
définition. »
Le WISC-V comme tous ceux qui l’ont précédé note différemment les
réponses selon le niveau de pensée catégorielle de l’enfant mise en
œuvre pour chaque réponse. Ce n’est pas écrit sous ces termes dans le
manuel, mais c’est la réalité. Il distingue :

152
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

• Les réponses à deux points ;


• Des réponses à un point ;
• Des réponses à zéro.

La somme effectuée pour obtenir la note brute ne permet plus de


distinguer le poids que représente l’étendue du lexique d’une part, les
aptitudes catégorielles d’autre part.
Il conviendra que le praticien utilisant la batterie soit attentif à
cette réalité : quant à la notation des items, la règle qui s’applique
en Vocabulaire est la même qu’en Similitudes. Cela conduit à un
rapprochement de fait entre ces deux épreuves, qui confirme certes

11. L’indice Compréhension Verbale


leur proximité, mais nous fait perdre de vue ce qui devait apparaître
dans l’une et l’autre. Impossible, sans une lecture approfondie item
par item, de conclure sur l’étendue du lexique d’un enfant, ce qui est
bien une activité verbale et même l’un des piliers des compétences
verbales sans un examen méticuleux de la manière dont le score a été
atteint : connaît-il beaucoup de mots, ou bien se montre-t-il exigeant
vis-à-vis de lui-même en cherchant systématiquement le meilleur niveau
de catégorisation qu’il pressent ?

! Apports de l’épreuve de Vocabulaire à la clinique


des troubles d’apprentissage

En résumé, l’épreuve de vocabulaire peut être vue comme quelque chose


de simple, sur quoi le praticien n’a pas grand-chose d’autre à dire de
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plus qu’une note, en précisant que c’est une épreuve d’intelligence


cristallisée, et qu’elle témoigne d’un certain niveau de connaissance. Ou
bien il peut attacher de l’importance à la complexité réelle de l’épreuve
et aux variations dans le niveau lexical et plus encore aux variations
dans les niveaux de définition auxquels l’enfant recourt. Elle est alors
susceptible de livrer une grande richesse d’observations propres à ce
qu’elle évalue. Elle nécessite seulement, comme toutes les autres, une
analyse au niveau de l’item.
Pour certains enfants, la dispersion des réussites peut être élevée :
Ce peut être le cas quand le premier échec apparaît tôt dans la
passation, pour des mots qui devraient être connus depuis longtemps,
tandis qu’il a moins de difficultés ensuite et se souvient mieux et

153
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

définit plus volontiers les mots d’acquisition récente. Une faille dans le
développement peut ainsi se révéler (réelle ou imaginaire)1, concernant
une période au cours de laquelle en apparence rien n’aurait été acquis.
L’école peut aussi s’avérer être pour un autre enfant, le lieu où il a pu
apprendre, jour après jour, malgré des retards évidents pour tout ce que
l’on apprend à la maison.
Les mots incitent plus ou moins à l’abstraction propre à la catégorisation
logique : les catégories de base sont plus ou moins aisément accessibles,
elles sont plus simples pour les substantifs que pour les adjectifs et les
verbes, lesquels seront définis aisément par un synonyme. L’appréciation
du niveau de pensée catégorielle peut donc être délicate. Néanmoins,
11. L’indice Compréhension Verbale

on peut être sensible à la facilité avec laquelle l’enfant recourt à cette


manière de définition, ou non. On peut être sensible au poids qu’il lui
accorde, et à ses exigences personnelles de niveau de pensée ; Il arrive
que des enfants, ne trouvant pas le bon mot pour la bonne catégorie
qu’ils savent pourtant exister, refusent de répondre. Donner une réponse
insuffisante quant à la catégorisation n’est pas à la hauteur de ce qu’ils
peuvent réaliser. Alors ils refusent la facilité inacceptable pour eux d’une
régression digne d’un tout petit.
Inversement, d’autres tolèrent bien, voire trop bien d’osciller entre des
niveaux de réponse très variables.

1. Imaginaire quand la faille est dénoncée par l’absence des mots dont l’utilisation la
caractérise.

154
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

12

L’INDICE VISUOSPATIAL

12. L’indice Visuospatial


Présentation

L’indice Visuospatial est d’introduction récente dans l’histoire des WISC...


sous ce nom !
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En fait, comme nous l’avons expliqué ci-dessus, un indice a disparu dans


le passage du WISC-III au WISC-IV, ce qui a attristé une bonne partie
de la profession des psychologues, l’indice « Organisation perceptive ».
Les épreuves abandonnées par le WISC IV concouraient pour l’essentiel
à la mesure de l’indice « Organisation perceptive » du WISC-III. Nous
l’avons rappelé ci-dessus, L’abandon de ces épreuves est aussi l’abandon
de l’indice, et de ce qu’il représentait aux yeux des praticiens.
Nous savons que les épreuves qui concouraient à la mesure de l’indice
« Organisation perceptive » avaient été développées dans les années
vingt en un moment où des chercheurs se sont préoccupés de mettre
en évidence une intelligence pratique, qui s’est assez vite trouvée
associée/opposée à l’intelligence verbale des premières batteries,

155
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Binet-Simon, Stanford-Binet. Certains parmi les chercheurs voulaient


fournir les outils permettant d’identifier l’intelligence des enfants de
familles migrantes aux États-Unis ne possédant par la langue anglaise,
d’autres cette intelligence que l’on supposait présente chez des enfants
handicapés de naissance, comme les enfants sourds. Les buts affichés
pouvaient être différents chez des chercheurs pour lesquels des tests non
verbaux auraient permis de mettre en évidence quelque chose comme
une intelligence pure, indemne de culture...
Ces premières préoccupations ont été relayées par d’autres dans les
décennies suivantes, notamment à l’occasion de la mise en évidence des
troubles dits instrumentaux, dont le trouble praxique. Résumons-le ici :
les praxies sont les séquences de mouvements adaptés à la réalisation
d’un but, les dyspraxies sont un trouble qui affecte ces séquences
de mouvement volontaire. Dans les dyspraxies constructives, c’est la
capacité à construire des figures dans l’espace, et à reproduire des figures
12. L’indice Visuospatial

dans l’espace de représentation graphique qui est en cause. Ils ont des
causes diverses, neurologiques ou non, et sont donc associés à d’autres
particularités et définis diversement selon les cas. Bien que le WISC
n’ait pas originairement été conçu pour cela et qu’il soit par lui-même
insuffisant à établir le diagnostic, il est devenu un moyen commode, en
première approche, de retenir ou d’enterrer une hypothèse de troubles
praxiques sur la foi d’un décalage significatif entre les notes verbales
et les notes de Performance dans les premiers WISC. D’une façon ou
d’une autre, chacune des épreuves qui composaient l’échelle dite de
« Performance » éclairait quelque chose de l’organisation spatiale d’un
enfant, éventuellement d’une dyspraxie, principalement les épreuves
dans lesquelles le sujet utilisait les mains, « Cubes », « Arrangement
d’images » et « Assemblages d’objet ».
Les nouvelles épreuves du WISC-IV ne les remplaçaient pas, du point de
vue de l’activité motrice de l’enfant non plus que du point de vue de
l’organisation spatiale. Avec leur relégation, les seules représentantes
du facteur Gv « Perception visuelle », restaient « Cubes » et « Complète-
ment d’images » Cette dernière est une épreuve optionnelle, mobilisant
la perception visuelle incontestablement, mais dans laquelle il n’y a pas
d’activité de manipulation ni de construction, ni mise à l’épreuve de
l’organisation spatiale.

156
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Cependant, le nouvel indice reprenait la moitié de son nom, « Organisa-


tion perceptive » ! Surprenant. Le terme « perceptif » était raccroché à
celui de « raisonnement ».
Avec la réintégration légitime, de deux indices différents, des épreuves
« d’Organisation perceptive » se retrouvent maintenant dans le WISC-V,
et la confusion des épreuves de « Raisonnement perceptif » est oubliée.
Nous distinguons actuellement deux indices, l’Indice « VisuoSpatial »
d’une part, l’indice « Raisonnement fluide » de l’autre.
Ils sont distingués nettement par les auteurs du WISC-V.
Nous verrons ce qu’il en est dans la réalité des épreuves. Dès lors que le
sujet doit composer avec une réalité complexe :
• Qui se présente sous ses yeux,
• Qu’il doit appréhender dans sa totalité et dans ses parties,

12. L’indice Visuospatial


• Et pour cela qu’il doit déjà organiser mentalement dans l’espace, pour
le transposer dans un espace singulier de représentation graphique.

Il engage alors un processus d’organisation spatiale.


Nous verrons au chapitre suivant ce qu’il en est pour des épreuves de
raisonnement fluide telles que Matrices et Balances. Voyons d’abord ce
que recouvre le concept d’organisation spatiale, et comment elle se
développe.
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Le développement de l’organisation spatiale

Classiquement, nous considérons que les premières coordinations


sensori-motrices, qui unissent des données visuelles, kinesthésiques
et motrices, construisent des schèmes sensori-moteurs. Ils sont sujets
à des modifications visant l’adaptation aux réalités propres à l’objet
ciblé par le mouvement engagé. Ainsi se développent des praxies et
des assemblages de praxies prenant une possession progressive de ce
qui constitue le milieu ordinaire de l’enfant. La construction de l’espace
environnant procède sous cet angle de l’activité de l’enfant sur cet
espace réel, utilisant les praxies. Elles sont l’outil, un outil évolutif. Car
les actions qu’elles permettent commandent qu’elles changent, qu’elles

157
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

se modifient dans le sens nécessaire à l’action sur les objets. Par-là,


l’action sur l’espace contribue à sa différenciation, et conséquemment
à son organisation. La différenciation et l’organisation progressives
concernent l’espace dans lequel s’exercent et s’affinent les actions,
qui est l’espace extérieur, tout autant que l’espace corporel. L’espace
corporel construit donc en retour le schéma corporel.
Comme repères dans le cours de cette construction, notons :
• La différenciation entre sa main gauche et sa main droite établie avec
quelque assurance vers l’âge de 6 ans,
• Corollaire de la constitution de l’axe droite-gauche,
• Et sous la dépendance d’une réalité neurologique, la différenciation
gauche/droite commandée par la « dominance latérale ».

Il s’agit là d’une conception « classique » très résumée, sur laquelle


12. L’indice Visuospatial

les principaux auteurs se rejoignent. Il y manque ce qui constitue


le phénomène le plus important dans la co-construction de l’espace
intérieur et de l’espace corporel. C’est à notre sens la confrontation
organisée par le monde adulte avec sa culture. Nous en donnons ici deux
arguments qu’il est bon de ne pas perdre de vue.

! La latéralisation usuelle, cause ou conséquence


des progrès dans l’organisation spatiale

Pour Cady, qui a consacré à ce sujet un ouvrage important :

« La latéralisation corporelle et spatiale joue un rôle dans le domaine de


l’écriture. En effet, la motricité manuelle liée à un seul côté permet à l’enfant
de structurer l’espace du côté dominant d’abord, ce qui donne un sens à
l’écriture1. »

Peut-on, comme le fait cet auteur, confondre la valorisation d’une


main pour écrire, et valorisation d’un sens pour l’écriture ? Non. Mais
nous pouvons utiliser le matériel rassemblé par Cady dans son ouvrage,
il permet de saisir une autre dimension de la latéralisation. Ses

1. S. Cady, Latéralité et image du corps chez l’enfant, Païdos/Le Centurion, 1988, p.


30.

158
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

observations montrent que, si la latéralité usuelle peut être investie


très diversement selon les cultures (Soudan, Indes, Chine), il n’en est
pas de même quant à la représentation culturelle dominante des deux
pôles d’un espace différencié : dans toutes les observations rassemblées,
partout, la gauche est la place de la mère et la droite la place du père.
Cette permanence culturelle mondialement partagée permet, en retour,
de s’intéresser à la façon dont chaque culture s’accommode, dans son
système d’écriture, de ces positions.
Le corps du tout petit enfant ne joue pas indifféremment de la gauche
et de la droite. Chez le tout-petit, selon les observations de Haag
(1985), la gauche est le bébé, la droite est la mère, autrement dit
toute relation dans l’espace réel a son pendant dans le jeu corporel de
liaison, sur l’axe vertébral, de la gauche et de la droite. Par la suite, au
cours du développement, et se rapportant au couple parental, la gauche
est la mère et la droite le père. Haag (1995) ne considère pas cette

12. L’indice Visuospatial


différenciation comme un produit de culture – une hypothèse qui n’est
pas posée – mais un produit du développement. Elle apparaîtrait en tout
état de cause chez l’enfant qui n’est plus un bébé, mais très tôt dans le
développement, peut-être avant les premiers dessins.

! La culture alphabétique dans l’organisation de l’espace1

À partir du moment où l’écriture alphabétique affecte les bords gauche et droit de


la feuille d’une valence particulière, le premier comme une origine et le second
comme « à venir », les deux moitiés gauche et droite de la feuille se retrouvent dans
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une relation différenciée, de part et d’autre d’une ligne de partage jouée par l’axe
médian vertical.
Cet axe vertical médian a une longue histoire. Avant l’écriture, il apparaissait comme
le support phallique par excellence, dont la fonction consiste à opposer deux
demi-espaces, l’un à gauche l’autre à droite, absolument distincts, ou absolument
symétrique (tout pareils, ou tout différents). Ces deux demi-espaces sont-ils
absolument différents, ou absolument pareils parce que symétriques ? Au stade
phallique cette question ne reçoit pas de réponse, être « tout comme », ou être
« tout différent » sont les deux faces de la même problématique : face à la puissance ☞

1. Le passage qui suit est en partie repris de notre ouvrage consacré au dessin de
l’enfant ; En partie, car avec le temps les choses peuvent s’éclaircir et se dire plus
nettement.

159
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

☞ de l’adulte dont il dépend pour tout, le petit enfant n’a pas d’autre choix que celui-là :
soumis – et dans ce cas disparaissant face à la force de l’adulte, ou opposant – et
dans ce cas magiquement porteur de la force qu’il prête à l’adulte. Ce qui s’impose
cependant à cette phase est l’idée d’une discontinuité, dans le temps comme dans
l’espace de représentation, marquée par le fait que l’axe vertical médian constitue
une solution de continuité entre la gauche et la droite de la figure.
Avec l’écriture qui combine des éléments fonctionnellement différents comme
marqueurs de la parole, les consonnes et les voyelles, mais simultanément
nécessaires à la notation de la parole, le jeu est posé autrement. Quand l’enfant
apprend à réunir une consonne et une voyelle, il admet que la syllabe qu’il forme
ne se réduit pas à l’une ou à l’autre. C’est un composé autre.
Il effectue cette opération dans un espace dont il occupe le milieu exactement. À
sa gauche une consonne, à sa droite une voyelle, la réunion se fait à partir de lui.
Et c’est quasiment avec ses deux mains que se réalise la jonction – donc selon
son axe vertébral si l’on considère l’image du corps de l’enfant. L’enfant apprend
à faire et défaire des combinaisons de lettres de valences différentes, et toujours,
12. L’indice Visuospatial

l’assemblage est pratiqué au centre, en joignant main gauche et main droite. Dans
ce mouvement, ce qui lie ce qui est à gauche et ce qui est à droite est l’axe médian,
autrement dit l’axe phallique, ce qu’est l’axe vertébral déjà depuis longtemps. L’axe
médian, vertébral et phallique connaît donc avec l’écriture un destin nouveau. Il
réunit là où il séparait !
Pour l’écriture dont l’apprentissage est contemporain et devrait accompagner la
lecture, l’assemblage se fait de manière successive, dans le temps : on écrit une
lettre, puis une autre, puis une autre... Et l’on vérifie que la gauche marque le début
du processus, et que celui-ci se poursuit à droite, pour autant que l’enfant soit à ce
moment prêt à admettre cette nouveauté.
La complémentarité entre les deux apprentissages concourt donc à conforter dans
l’esprit de l’enfant cette expérience constamment renouvelée que le lecteur exerce
une fonction de liaison :
• Entre deux espaces qui étaient autrefois exclusifs l’un de l’autre. Ils peuvent être
désormais pensés ensemble parce que le temps les distingue, qui introduit « une
petite différence ». Celle-là distingue, elle différencie, elle n’oppose pas.
• Entre deux temps, l’avant et l’après, car avec l’écriture alphabétique, nous sommes
en permanence sur une trajectoire qui nous mène d’un bord à l’autre, de ce que
l’on quitte vers ce que l’on va trouver.

En somme, avec l’écriture alphabétique, l’axe médian phallique prend une fonction
nouvelle. Il tend à la perméabilité. Il tend à différencier, sans les opposer les deux
demi-espaces gauche et droit, comme deux temps distincts qui se superposent à la
figuration de l’espace, l’avant et le après (à venir).

160
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Avec l’écriture alphabétique et la différenciation droite gauche qu’elle


commande, l’enfant entre de plain-pied dans un monde organisé par une
culture singulière. Avec l’écriture alphabétique, l’axe droite-gauche doit
maintenant se dire « gauche-droite » parce qu’il a un sens, il est orienté
ainsi. L’écriture et la lecture alphabétique héritée des Grecs confèrent une
troisième dimension à l’espace de représentation qui est une dimension
temporelle. À gauche l’origine, à droite le devenir. Cette dimension est
confirmée et démultipliée grâce au sens supplémentaire affecté par le
temps à l’espace de représentation, le sens haut-bas.de l’écriture et
de la lecture. Le support à l’écriture, est désormais un plan organisé
selon des coordonnées spatiales singulières, un axe vertical coupant
un axe horizontal. Nous retrouvons en abondance des expressions de
cette construction mentale dans les dessins d’enfants de l’âge de 6 ans
(Jumel, 2011 et 2015).
Ajoutons qu’elle se confirme et se conforte d’une autre réalité, qui

12. L’indice Visuospatial


est celle de la vie psychoaffective. Nous pouvons à juste titre lire
l’intersection horizontale/verticale dans le dessin d’enfant comme celle
d’une rencontre entre une réalité « maman » et une réalité « papa »,
tant il est vrai que chez les jeunes enfants, les réalités se distribuent
entre ces deux qualités.

! Le schéma corporel
Dans le même temps où se construit l’espace environnant, se construisent
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’espace corporel, et en miroir de celui-ci, l’espace de représentation


graphique. La construction de l’espace extérieur, environnant, est nourrie
par l’incessant travail de distinction

« [distinction] essentielle puisqu’elle fondera tout à la fois et de façon


complémentaire, le monde matériel et l’individualité du moi, il faut “projeter”
en quelque sorte, dans un espace extérieur par-là même constitué, tout ce
qui, n’étant qu’imparfaitement contrôlable, doit être situé comme étranger
au corps propre (Wallon, 1956). Ceci est beaucoup favorisé par la marche
qui accroît le rayon d’action, et par celle du langage, qui fait passer les
objets au plan ce la représentation et permet de mieux les individualiser,
d’où le terme de “stade projectif” utilisé par Wallon (1925) pour désigner
cette période. » (Perron et Perron-Borelli, 1994, p. 168)

161
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

L’aperception de l’espace dans lequel on agit conduit vers – et est


conduite par - une organisation de cet espace en trois dimensions,
profondeur, hauteur, largeur. Les trois dimensions dans l’espace qui
est agi dupliquent les axes organisateurs du corps qui agit : les
axes verticaux et horizontaux, la profondeur puis vers 5-6 ans la
différenciation gauche droite qui s’opère à la fois sur la dominance
latérale et sur ce qu’enseigne le sens de notre écriture aux enfants
de cet âge. On peut donc penser que l’espace externe se construit en
même temps que s’approfondit la connaissance du corps propre, et la
connaissance de son rôle dans l’action : le corps est au point de départ
de l’action, elle s’ordonne à partir de lui, et il impose à cet espace
extérieur ses propres coordonnées. Pour Perron-Borellli et Perron qui
en expliquent les articulations, ce schéma d’une co-construction des
espaces internes et externes renvoie à la nécessité pour le sujet d’une
élaboration non problématique du « schéma corporel ». « On entend
12. L’indice Visuospatial

par-là [le schéma corporel et la somatognosie] tout ce qui touche à


la construction du corps perçu (grâce à l’intégration des sensations
coenesthésiques, tactiles, kinesthésiques, visuelles, qui s’y rapportent)
et du corps représenté, au niveau des images mentales mais aussi à
celui du langage (la dénomination des parties du corps joue un rôle
d’appoint notable dans cette construction) ».
Le schéma corporel est donc une connaissance concernant le corps,
intégrant l’ensemble des expériences de sensations propres qui en
proviennent et y renvoient, et l’ensemble des représentations qui s’y
rapportent, par les images mentales ou les mots.

« On considère généralement que la notion de schéma corporel synthétise


à la fois la connaissance (interne et externe) qu’une personne a de son
corps (de façon globale, mais aussi relative à la coordination des éléments
corporels), et la représentation mentale dynamique qu’elle peut s’en faire.
La construction du schéma corporel s’inscrit dans l’espace qui se structure à
partir de lui. » (Tourrette, 2006, p. 86)

162
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Sur les troubles de l’organisation spatiale

La dyspraxie, dans la CFTMEA est un trouble « de l’organisation gestuelle


en rapport avec une perturbation majeure de l’organisation du schéma
corporel et de la représentation spatiale ». Ce qui est clair pour
celui qui saisit ce que signifient les deux termes, schéma corporel
et représentation spatiale.
Dans la CFTMEA R-2012, la dyspraxie définie comme trouble du geste
en relation avec un trouble de l’intégration de l’image du corps et des
représentations spatiales a un sens restreint. Elle se distingue, comme
« autre trouble psychomoteur » des troubles apparaissant dès la petite
enfance marqués par le retard, et elle se distingue, dans son propre
groupe, du trouble dominé par l’inhibition psychomotrice, du trouble
dominé par les perturbations toniques, du syndrome de maladresse avec
problème de latéralisation de Dupré. Aussi sérieusement rétréci, le cadre

12. L’indice Visuospatial


de ce trouble suppose-t-il qu’il s’agit d’un trouble spécifique (sans cause
repérable connue). Les occurrences des termes dyspraxie ou dyspraxique
sont réduites dans la CFTMEA à celle-là.
En revanche apparaissent, dans le cadre des dysharmonies évolutives
des troubles du développement du langage, de la psychomotricité et des
fonctions cognitives : « [ces] troubles du langage, de la psychomotricité,
des fonctions cognitives se présentent principalement comme des
dysharmonies fonctionnelles ».
Les retards de développement moteur et psychomoteur, ou la probléma-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tique organisation de cette fonction « instrumentale » sont un élément


clé de la dysharmonie évolutive. Tandis que la dyspraxie « trouble
spécifique » n’apparaît pas une composante de la dysharmonie. Elles
doivent donc être distinguées, ce qui n’est pas simple. La Classification
internationale des maladies (CIM10), elle-même, ne permet pas de les
distinguer parce qu’elle n’identifie pas une dyspraxie au sens strict que
nous connaissons, et parce qu’elle n’identifie pas non plus la dysharmonie
évolutive.
Nous résumons ici les traits distinctifs.
La dyspraxie telle qu’elle est mise en évidence par l’équipe d’Ajurriaguerra
concerne un trouble à la résolution d’épreuves bien connues de l’examen
psychologique, Cubes de Kohs et Figure de Rey.

163
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Pour Wallon et Denjean (1958),


• La praxie est « l’ensemble des gestes et des attitudes exigé par l’acte
que le sujet se propose d’effectuer »,
• Le trouble praxique est un trouble qui affecte « la préfiguration de
l’acte, dans son déroulement spatial et temporel ».

« Les troubles praxiques appartiennent à une zone intermédiaire où doivent


se combiner l’ensemble des gestes et des attitudes exigé par l’acte que le
sujet se propose d’effectuer. Ce qui est faussé, c’est la préfiguration de
l’acte dans son déroulement spatial et temporel. »
Pour ces auteurs, le trouble peut prendre deux formes différentes et
opposées,
• Selon que le geste requis concerne un objet extérieur et dans ce cas
la structure des mouvements voulus est inadaptée à la structure de
12. L’indice Visuospatial

l’objet,
• Ou que le trouble porte sur l’agencement des mouvements dans leur
rapport avec le corps propre.
• Une troisième variété du trouble, témoignerait que le transfert (du
mouvement d’une partie à l’autre du corps) s’opère, « non dans une
partie du corps ou sur la totalité du corps propre, mais dans un espace
qui est celui d’autrui, donnant l’impression de gestes en écho, par une
sorte d’identification, de substitution d’autrui à soi-même ».

Piaget donne cette autre définition des praxies :

« Les praxies ou actions ne sont pas des mouvements quelconques mais des
systèmes de mouvements coordonnés en fonction d’un résultat ou d’une
intention. » (Piaget, 1960, p. 551).

La praxie est la préfiguration de l’acte chez Wallon, l’acte lui-même chez


Piaget.
La conception de Wallon se retrouve chez Ajuriaguerra, sans vrai
changement, puis chez ses collaborateurs et élèves. Les dyspraxies ont

164
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

été étudiées de façon systématique, sous le terme dyspraxie d’évolution1,


par cet auteur et ses collaborateurs (1964). Les auteurs de l’étude2
précisent qu’il s’agit de désordres dans l’organisation des praxies – ce qui
nous vaut le préfixe « dys » – mais qu’il ne s’agit pas de la désintégration
d’une fonction toute faite – ce qui la distingue de l’apraxie adulte :
• Le préfixe « dys », comme pour la dysphasie, comme pour la dyslexie,
ne qualifie pas un retard qui pourrait être chiffré, mais un désordre,
un trouble dans l’organisation qui interdit de référer l’état actuel de
développement de la fonction incriminée à l’organisation singulière
d’un stade donné ou moment de développement de cette fonction.

1. Qui désigne peut-être la même chose que « dyspraxie développementale », sans


emprunt obligé à l’anglais.
2. Les enfants objets de l’étude sont d’intelligence normale (non déficients) et sachant

12. L’indice Visuospatial


s’exprimer. Leur trouble consiste, écrit Ajuriaguerra (1980) en une quasi impossibilité à
reproduire des modèles impliquant des relations spatiales. – c’est déjà là une définition
de la dyspraxie, opératoire au sens où elle délimite nettement l’objet de l’étude. Dans
leur manuel, L’examen psychologique de l’enfant, Perron-Borelli et Perron (1970/1994),
citent cette étude, et livrent ses conclusions. Mais ils constatent que la sélection du
groupe ne concerne qu’une partie des dyspraxies, « les dyspraxies constructives ». Les
enfants sont retenus en raison de leur difficulté à copier et construire des figures
dans l’espace, mais, dans la pratique de sélection de l’échantillon, sont retenus ceux
qui réussissent nettement moins bien l’échelle de performance que l’échelle verbale
dans le WISC, ou, quand le WISC n’est pas passé, qui obtiennent un score nettement
inférieur, dans l’épreuve de reproduction de figures de Bender/Santucci, au score
attribué par le Binet Simon. Pour Perron-Borelli et Perron, la portée de l’étude pourrait
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

s’en trouver ainsi limitée, et l’usage du terme dyspraxique abusivement étendu à tous
les enfants qui échouent les copies de figure du Bender/Santucci. Hélas ! L’usage
abusif du terme s’est étendu, nous le constatons, et l’abus ne doit rien à l’étude
citée. La définition opérationnelle dans l’étude incriminée n’est d’ailleurs pas celle-là,
mais une définition par un écart de réalisation entre deux types de tâches, sur une
variété d’épreuves, verbales et non verbales, ce qui est tout autre chose...Au regard
de l’extension que nous connaissons actuellement d’emploi du terme, la dyspraxie
selon Stambak, L’hériteau, Auzias, Bergès, et De Ajuriaguerra, apparaît l’objet d’une
appréhension cohérente selon laquelle la dyspraxie est d’abord mise en évidence dans
l’ensemble des épreuves non verbales du WISC – comme, on peut le penser, elles l’ont
été dans le Binet Simon qui intègre aussi quelques items non verbaux. Les épreuves
non verbales du WISC étaient alors pour partie des épreuves de construction, si l’on
définit ainsi des épreuves qui consistent à mettre dans un certain ordre des éléments
épars : Assemblages d’objet, Arrangement d’images, et Cubes, ainsi que deux épreuves
non verbales de nature différente, Complètement d’image et Code.

165
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Dans tous les troubles « dys », c’est le temps comme organisateur


qui est démenti. C’est aussi pour cela qu’ils sont logiquement classés
parmi les troubles du développement.

Pour la même raison, entre autres, les dyspraxies de l’enfant ne peuvent


être conçues comme des variantes, et a fortiori classées comme les
apraxies de l’adulte. Comme l’écrivent Flessas et Lussier (2001, p. 209),
l’apraxie adulte est une atteinte de fonctions acquises, les dyspraxies
constituent des perturbations dans l’apprentissage (ou la mise en place)
de fonctions nouvelles.

! Des troubles praxiques dans la dysharmonie évolutive


En 1992, Misès précise le cadre que représentent les pathologies limites
de l’enfance, et au sein de ce cadre, la dysharmonie évolutive. Il rappelle
que la dysharmonie et l’évolutivité sont également présentes ailleurs,
12. L’indice Visuospatial

dans des organisations psychotiques et déficitaires. Mais que le terme


de « dysharmonie évolutive » est réservé à des formes bien particulières
dans lesquelles « les manifestations cliniques s’expriment par des
troubles de la personnalité intriqués à des retards dysharmoniques
dans le développement des grandes fonctions instrumentales ». Les
grandes fonctions instrumentales sont le langage, la motricité et
psychomotricité, les fonctions cognitives. Le développement de la
psychomotricité peut donc présenter des caractéristiques tout à fait
particulières, des retards, des stagnations ou des avances selon le secteur
qui est évalué, aboutissant à un aspect de mosaïque changeant au cours
de la croissance, le retard quant à une aptitude particulière pouvant
se changer en son contraire à un autre moment. L’instabilité dans les
niveaux de développement est le lot commun à l’ensemble des fonctions
instrumentales.

« Du point de vue psychopathologique, l’élément essentiel est représenté


par la conjonction de mécanismes de niveaux variables qui s’articulent
étroitement les uns aux autres dans une “ mosaïque ” où l’on ne saurait
accorder une fonction prépondérante à l’un ou l’autre des paramètres que le
constituent. »

Les traits qui sont apparentés à divers registres coexistent, névrose,


psychose, psychopathologie, la particularité de la dysharmonie évolutive

166
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

réside dans cette coexistence de mécanismes divers du point de vue


du développement psychique et de la psychopathologie, les liens
dialectiques entre ces composantes devant constituer le sujet d’étude
du praticien. Pour cette raison même, les termes de dysharmonie à
versant névrotique ou dysharmonie à versant psychotique, très utilisés
pendant deux décennies (70 et 80) ont été relégués. Le trait par lequel
se distingue la dysharmonie est précisément la dysharmonie : le temps
n’a pas servi à fixer, et ne sert pas à apprécier, les niveaux atteints
des divers champs du développement dit instrumental. Disons-le en
inversant les termes, les niveaux atteints n’ont pas ce caractère stable
que l’on suppose chez l’enfant tout venant, de plus ils ne coïncident pas
les uns avec les autres, même pas au sein d’une même grande fonction.
Quant à la nature de l’angoisse et aux mécanismes de défense, ils font
la part belle aux apports conceptuels de Mélanie Klein. La dysharmonie
évolutive est une des formes prises par les pathologies limites de

12. L’indice Visuospatial


l’enfant. L’angoisse peut être identifiée, dans ses manifestations les plus
immédiates comme angoisse de séparation, qui est, dans la conception
de Freud, cette angoisse du jeune enfant pour qui perdre de vue
équivaut à perdre définitivement. Du point de vue du développement,
la référence théorique à l’angoisse dépressive, ou plus précisément à
la lutte contre l’angoisse dépressive au sens de Mélanie Klein s’impose.
Les manifestations dépressives peuvent être au premier plan, et le
plus souvent pour l’observateur, les aménagements maniaques contre
l’angoisse dépressive :
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« Se développe un déni de la souffrance psychique et de l’impuissance


douloureuse, le sujet mobilise alors des défenses maniaques – omnipotence,
contrôles des objets et de ses propres affects (...) » (Misès, 1992)

Sous cet angle, nous retrouvons, dans la Classification française des


Troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent, une équivalence
– « partielle » est-il écrit – avec les troubles émotionnels de la
CIM 10. Nous avons fait état plus haut de l’omniprésence des troubles
émotionnels dans les cas de troubles des apprentissages, relevés dans
l’étude que l’INSERM a consacrée à ce sujet (2007).

167
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Les Cubes

! Avant l’épreuve, ce que nous en connaissons


L’épreuve de « Cubes » est quasiment inchangée depuis les deux versions
antérieures. L’ordre de présentation des items retenus et connus a peu
changé. Des items ont été ajoutés au début de l’épreuve, d’autres plus
difficiles à la fin.
Rappelons que « Cubes » est une adaptation ou même une seconde
adaptation de l’emprunt aux Cubes de Kohs.
Après la création de cette épreuve par Kohs, des modifications ont
été proposées par Goldstein. Ces modifications allaient d’abord dans le
sens d’une simplification. En effet, comme le rappellent Galifret-Granjon
et Santucci dans leur adaptation (in Zazzo, 1958), l’épreuve initiale
12. L’indice Visuospatial

cumulait des difficultés générales affectant tous les items et des


difficultés croissantes d’un modèle à l’autre. Citons avec ces auteurs les
quatre difficultés :
• La différence entre le modèle en deux dimensions et la réalisation
faite en trois dimensions ;
• La différence d’échelle entre le modèle et la réalisation (le modèle est
à l’échelle un demi) ;
• L’augmentation du nombre de cubes nécessaires, de quatre à neuf,
puis de neuf à seize ;
• La complexification du modèle avec perte des limites de chaque cube
pris en lui-même (suppression dans le dernier modèle des limites
mêmes du dessin, amenant à confondre le blanc du dessin avec le
fond sur lequel est tracé le modèle).

Galifret-Granjon et Santucci notent que Goldstein dans sa version de


l’épreuve, supprime certaines difficultés, et propose des aides adaptées
pour les autres. Il supprime la difficulté deuxième en conservant quatre
cubes seulement pour ses douze items. Il propose des aides variées en
cas de difficulté, consistant à passer de l’échelle un demi à l’échelle un,
ou à passer de modèles dans lesquels les limites de cubes sont absentes
à des modèles dans lesquels les limites des cubes sont présentes. En
désespoir de cause, il propose encore une aide en remplaçant le modèle

168
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

figuré par un modèle construit avec des cubes, et enfin en construisant


trois figures dont une seule doit être reconnue par l’enfant comme
identique au modèle. L’objectif cherché par Goldstein est la mise en
évidence de difficultés « abstractives ».
Galifret-Granjon et Santucci ne discutent pas cet objectif, mais veulent
mettre en évidence le lien entre les troubles de langage et les troubles
de structuration spatiale. Pour ce faire, ces auteurs étalonnent donc
leur propre version de l’épreuve chez des enfants âgés de 7 ans à 13 ans.
L’ordre de difficulté des items qu’elles proposent met en évidence une
certaine « sensibilité génétique » de leur épreuve. L’élément rapporté
de leur étude, à notre sens le plus important, concerne l’aide par le
langage.
On constate en effet, selon ces auteurs, que l’aide la plus simple apportée
par le langage à un enfant qui piétine est hautement plus profitable

12. L’indice Visuospatial


que tout autre aide apportée par les cartons proposant les modèles
simplifiés.
Notons pour notre part que l’on aurait tort de conclure trop rapidement
sur le rôle du langage dans cette épreuve à partir de cette observation.
Si l’on convient que dans la passation de l’épreuve, l’aide verbale
ne doit pas être donnée, qu’elle est à proscrire, considérant qu’elle
invalide les conditions de passation de l’épreuve, les remarquables
changements qu’elle produit chez l’enfant nous semblent bien davantage
liés à la restauration d’une relation entre l’enfant et l’adulte dont il
fait l’expérience, qu’à la suggestion passant par la langue. Il se peut
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

que la facilitation ainsi apportée joue sur la capacité de l’enfant à


mettre ensemble ce qu’il a dans chacune de ses mains, tandis que les
deux termes de la relation actuelle prennent leur bonne place. C’est
l’hypothèse interprétative que nous ferons ci-dessous à partir de cette
épreuve.

! Le matériel et la consigne
Les cubes constituent la première épreuve pour la détermination de
l’indice « Visuospatial ».
Classiquement, les « Cubes » sont considérés comme une épreuve
impliquant l’organisation spatiale. Ils impliquent en effet le passage

169
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

d’un modèle plan en deux dimensions, à un objet concret en trois


dimensions dont la seule surface supérieure importe. L’analyse de la
figure plane requiert l’appréhension d’une structure orthogonale, et pour
les premiers items, dont les axes de construction s’étaient sur les axes
du corps, vertical et horizontal.
Les « Cubes » ne sont pas, par leur structure, les seules épreuves de
l’examen psychologique à solliciter une organisation sur les axes vertical
et horizontal :
Dans un champ d’investigation certes différent, s’il ne rebute pas le
lecteur, à la fois par le but que se donne l’examen et par les référents
théoriques du clinicien – éventuellement – cette organisation n’est pas
sans évoquer, pour le plus ancien, le test de Rorschach. Celui-ci, on
le sait, est composé de taches d’encre, symétriques selon la verticale,
obtenues par pliage. La différenciation figure/fond est de ce fait totale,
12. L’indice Visuospatial

comme la symétrie selon l’axe vertical médian. Des auteurs voient dans
cette structure, et nous le discuterons, « un appel à l’image du corps ».
Le concept d’image du corps est également utilisé par Bourgès pour
l’épreuve des Cubes, et l’on peut supposer qu’il l’est dans le même sens.
Mais si l’on fait référence, pour parler d’Image du corps, à cette
particularité de la structure de base des images obtenues selon les
axes orthogonaux vertical et horizontal, il convient de préciser qu’elle
n’est pas, ni par sa position ni par sa fonction, n’importe quelle Image
du corps. Il s’agit d’un moment du développement de l’image du corps,
ici l’image du corps phallique, dont le principe, appuyé sur la verticale,
est de partager en deux l’espace perceptif, entre une gauche et une
droite qui se donnent pour la réplique inversée l’une de l’autre et donc en
même temps pour exclusives l’une de l’autre. C’est dans cette séparation
entre les demi-espaces gauche et droit que se trouve la référence à
l’image du corps phallique ;
Faut-il conserver cette référence dans notre abord du test ? Oui, si elle
ne cesse pas à la simple évocation énigmatique du concept d’Image du
corps, mais qu’elle soutient ensuite la totalité d’une référence empruntée
à la psychanalyse. C’est-à-dire, concrètement qu’elle doit utiliser ce que
l’on sait du stade phallique pour analyser les procédures de l’enfant
dans le test. Sur le fond de cette référence, il s’agit d’apprécier si
l’axe médian organisateur, lieu de rencontre des deux demi-espaces,

170
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

d’abord est identifié comme tel, s’il se borne ensuite à n’être qu’un axe
séparateur imperméable entre la gauche et la droite, ou s’il permet, dans
le meilleur des cas, d’aboutir à deux demi-espaces différenciés. Le stade
phallique est en effet caractéristique d’un moment du développement
psychoaffectif où, au départ, toute différence est une différence absolue,
une différence d’exclusion. Mais il est aussi le départ d’un moment
évolutif, de changement, où de source d’exclusion qu’est initialement la
différence, elle devient ensuite source de différenciation, et par-là de
réunion.
Le passage du stade phallique au stade que des auteurs nomment génital,
est donc caractérisé par une autre manière de jouer des différences1 . La
lecture est donc possible, sur la base d’une référence à l’image du corps
phallique, de divers moments dans la construction avec les cubes.
La structure est carrée et réalisée avec des cubes. Il est intéressant

12. L’indice Visuospatial


de voir si l’enfant, pour réaliser sa copie, utilise les deux mains en les
réunissant, un cube dans chacune, à la jonction de l’axe médian du corps.
C’est le mouvement le plus fréquent, de bon aloi, qui renvoie du côté
du sujet acteur au collage nécessaire de la gauche et la droite du corps
selon l’axe vertébral, un axe qui sépare mais qui, dans le meilleur des cas
distingue, soutient et réunit. À l’extrême, quand l’axe vertical/vertébral
est essentiellement séparateur, l’enfant fait avec la main gauche ce qui
se trouve à gauche, et avec la main droite exclusivement ce qui se trouve
à droite. Il peut encore arriver, mais pour des raisons encore différentes,
qu’une seule main travaille, dans la négation d’un demi-espace. Le cas
échéant, l’observation devrait être confirmée avec d’autres matériels, et
pour les épreuves permettant de repérer le rôle joué par l’axe vertical –
de séparation/liaison – avec l’épreuve de la Figure de Rey.

! Ce que l’on peut y voir


Les cubes sont la seule épreuve de toute la batterie dans laquelle l’enfant
manie des objets. Il est donc important d’apprécier à ce moment la
latéralité usuelle de l’enfant d’une part, et son habileté manuelle d’autre
part.

1. La conquête dans notre système d’écriture d’un sens définitif gauche-droite a mis
quelques siècles à s’accomplir, dans le temps que la pensée grecque passait d’une
impossibilité à penser la gauche et la droite du corps dans un autre rapport que
hiérarchique.
171
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

La latéralité usuelle
Il convient donc de noter quelle main il utilise préférentiellement ; si
cette latéralité est fermement établie, mais souplement au point que
les rôles des mains semblent déjà différenciés, s’il alterne selon les
items ou les moments (ambidextrie qui peut avoir plusieurs causes,
pas nécessairement de retard dans le développement). La latéralité
manuelle bien établie dans la construction peut être comparée à la
latéralité dans l’écriture. Il arrive que l’une contredise l’autre, enfant
gaucher usuellement mais droitier dans l’écriture, ou inversement droitier
usuellement mais gaucher dans l’écriture – ce qui distingue le gaucher
contrarié du gaucher contrariant. Dans ce dernier cas, on peut en effet
suspecter un mécanisme d’opposition qui s’étale avec une certaine
complaisance de la part des adultes.
L’habileté
12. L’indice Visuospatial

On peut aussi considérer avec profit l’habileté de l’enfant, la précision


de ses gestes, éventuellement la méticulosité dans la mise en place
des cubes, ou inversement l’absence de méticulosité, l’« à peu près »
brouillon et rapide de l’enfant qui veut réaliser une performance contre le
chronomètre même quand il n’y en a pas : ce trait distingue l’utilisation
du temps dans l’un et l’autre cas, le temps à soi, toujours bon chez
l’enfant qui présente des traits obsessionnels, le temps pressant, annulé
chez l’enfant qui présente des traits pré-névrotiques.
L’attention au modèle
L’enfant soutient-il sa construction par un permanent aller-retour entre
le modèle et sa réalisation ? Les allers retours entre modèle et copie
sont nécessaires mais il n’en faut ni trop ni trop peu. Trop, c’est une
attitude de copie servile difficile, qui montre que le modèle ne peut être
retenu, vraisemblablement parce que sa structure orthogonale manque
à étayer la représentation de l’enfant sur l’image de son propre corps.
Peu, cela montre que le modèle a été intériorisé un peu vite, ce qui est
de bon pronostic quand c’est efficace, mais dans le cas contraire, qui
peut être l’expression d’une défense très active par évitement du regard,
évitement du regard focalisé souvent décrit chez l’enfant dyspraxique
ou l’enfant déficient. Il est bien évident pour ces deux cas que cette
seule observation dans l’épreuve des cubes ne suffit pas à signer le

172
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

trouble. C’est en revanche une indication à poursuivre les investigations


avec des épreuves plus spécifiques : « Utilisation du nombre 2000 » de
Meljac, pour repérer les opérations de clivage entre les domaines de la
réalité, le vu, l’entendu et le ressenti1 ; épreuve d’imitation de gestes
de Stamback et Bergès.

L’amélioration de la procédure de résolution des items


Note-t-on un apprentissage, une amélioration même légère au cours des
épreuves au fil des items ? Celle-ci peut être attestée par des reprises
d’assemblages deux à deux intéressants, que l’enfant a trouvés pour
d’autres items.

Le schéma de construction
La construction est-elle faite de gauche à droite, de haut en bas, ou de

12. L’indice Visuospatial


proche en proche, et dans ce cas, dans quel sens se fait la construction ?
L’observation vaut surtout pour les items supérieurs qui requièrent neuf
cubes, dont la réalisation est mieux soutenue, mieux réussie quand
la construction s’étaie sur un sens prévalent, gauche droite, haut bas,
de l’écriture ; l’analyse du modèle, avant la copie, requiert en effet
une lecture du bloc en ses parties, ligne par ligne, sur le modèle de
la copie d’écriture. En ce sens, l’épreuve des cubes est une épreuve
éminemment culturelle, comme nous l’avons noté ailleurs pour les
Matrices progressives de Raven. On ne s’étonnera donc pas qu’elle ait
pu, au temps du WISC-IV, concourir avec une épreuve de type matrices
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

construite sur les mêmes ressorts, au calcul d’un même indice. Qu’il ait
été nommé en ce temps-là « raisonnement perceptif » nous importait
peu.
En revanche, qu’il émerge dans des épreuves qui ont une sensibilité
certaine aux effets d’apprentissage est autrement intéressant. Loin d’être
une gêne pour l’utilisateur, l’effet d’apprentissage est de bon augure
quand on l’identifie chez un enfant, puisqu’il signe les possibilités de

1. L’UDN-2000 n’est pas la batterie d’identification des dyspraxies ; simplement elle


permet de nombreuses observations parce que ses matériels de test mettent à de
nombreuses reprises l’enfant en situation d’accorder un geste à un but. Elle permet
par-là d’identifier l’attitude du sujet vis-à-vis des réalités sensibles, et l’incidence de
cette attitude sur la problématique d’accès au nombre.

173
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

changement, la sensibilité à la relation d’étayage procurée doublement,


par l’étayage sur la personne de l’examinateur qui est présent et attentif,
et par les particularités d’un matériel qui organise l’espace comme notre
système d’écriture.

Puzzles visuels

! Avant l’épreuve, ce que nous connaissons de l’épreuve


L’épreuve des Puzzles est nouvelle dans le WISC. Dans les versions
précédentes, il y avait une épreuve d’Assemblages d’objet. Elle se
distingue de l’actuelle épreuve de Puzzles par deux caractéristiques
notables :
12. L’indice Visuospatial

• Les images étaient reconstituées par l’enfant à partir d’éléments


dispersés, portant sur le corps humain ou une partie du corps, ces
images comportaient des traits intérieurs, elles étaient figuratives ;
• L’enfant réunissait les fragments réellement, il effectuait les mouve-
ments pour mieux ajuster deux pièces contiguës, ou changer un essai
de collage.

Ces caractéristiques fournissaient une aide au travail de recomposition


de l’enfant.
Avec les puzzles visuels l’enfant se trouve devant une autre réalité :
• Il travaille sur des objets abstraits,
• Qui sont des figures géométriques,
• Elles sont aveugles, ne comportent aucun trait interne,
• Mais elles sont de couleur, permettant de distinguer l’une de l’autre
des pièces qui seraient identiques par leur contour.

! Le matériel et la consigne
Le carnet de passation est ouvert devant l’enfant, il présente en haut une
figure réalisée, terminée. Nous lui demandons d’indiquer les trois pièces
(obligatoirement trois) nécessaires à reconstituer une figure identique
au modèle.

174
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Les pièces à pointer sont d’un nombre limité.


Au fil de la passation, la difficulté croissante de l’épreuve peut consister
en une nécessaire rotation dans l’espace d’une ou plusieurs pièces.
L’épreuve se pratique avec une grande économie de moyens. Peu de
matériel, peu de mouvement, peu de mots également, de part et d’autre.
Le mouvement que nous exigeons de l’enfant est restreint au pointage
successif des pièces nécessaires à la construction de la figure.

Le processus de réponse

Pour trouver les bonnes réponses, son regard prend d’abord la mesure
du modèle, puis il va du modèle jusqu’aux pièces, successivement, et
des pièces au modèle. La forme de la pièce et son encombrement

12. L’indice Visuospatial


sont mentalement plaqués sur le modèle, conservés ou rejetés, en une
succession assez rapide d’essais et d’erreurs. L’enfant dispose de 30
secondes pour chaque item. Dans la pratique, c’est suffisant pour faire
un bon nombre d’essais.
Tous les items ne se résolvent pas de la même manière pour le sujet.
Parfois, la forme d’une pièce peut être plus inductrice qu’une autre pour
commencer l’assemblage des trois pièces nécessaires. D’autres fois, il
faudra beaucoup d’allers retours visuels du modèle aux fragments, et
des fragments au modèle, abandonnant l’un d’eux mentalement ou le
rejetant encore pour revenir sur le précédent.
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Si l’on pratique l’exercice en même temps que l’enfant, nous pouvons


constater le nombre impressionnant de mouvements oculaires néces-
saires à établir des hypothèses de réunion. Elles doivent ensuite être
vérifiées, par la même procédure, pour finalement être tranchées dans
un sens qui ne pourra pas, en tout état de cause, être vérifié. Il y a donc
toujours une zone de doute au moment de livrer une réponse, il nous
manque de manipuler et de vérifier réellement. Et peut-être d’agripper
ces pièces, de leur faire remplir leur rôle qui est de combler les espaces
correctement (sans hiatus). Autrement dit, le petit flash qui nous parle
comme à lui dans le cas où il fait de bonnes hypothèses de réponses
dans une épreuve comme le PM38 n’est jamais aussi net dans cette
épreuve-ci. C’est une prime en moins, le plaisir de réussir et de savoir

175
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

sans l’entendre dire par l’adulte que l’on a réussi est une réalité dans le
PM38 ou d’autres épreuves d’encastrement. C’est inhérent à ce type de
tâche dans laquelle la bonne pièce doit être choisie pour le bon espace.

! Ce que l’on peut y voir


La figure à reconstituer est unitaire. Par-là, notre premier mouvement
face à cette figure est d’abord un coup d’œil à cet objet, puis un second
pour en prendre toute la mesure, sa forme générale par le contour, et
les traits intérieurs qui distinguent les fragments.
Ce faisant, s’applique ici ce que nous avons mentionné pour les deux
épreuves de cet indice : l’organisation de l’espace de représentation
graphique applique aux objets qui s’y trouvent ces règles élémentaires
consistant à repérer les axes de la figure, selon l’intersection des
12. L’indice Visuospatial

coordonnées usuelles héritées de notre culture, les lignes organisatrices


médianes, verticale et horizontale. Tout objet représenté, et a fortiori
quand il s’agit d’une « Figure » est un objet à analyser selon ses axes
organisateurs qui peuvent être des axes de symétrie.
Cet appel à l’organisation spatiale des écoliers de nos contrées est
confirmé par les pièces employées pour reproduire le modèle. Elles sont
géométriques, ce qui signifie qu’elles sont représentables quand on a
compris les règles implicites portées par chaque pièce, carré, rectangle,
triangle, cercle ou partie de chacune de ces figures de base, divers
polygones (dont trapèzes).
Le problème auquel l’enfant est soumis rappelle celui posé par la Copie de
la Figure de Rey. La Figure complexe de Rey est un composé d’éléments
géométriques réunis dans une représentation particulière. Son créateur,
Rey, avait pu mettre en évidence que l’on ne pouvait pas comparer
sur cette épreuve les performances d’enfants non scolarisés, à celles
d’enfants déjà scolarisés (Rey, 1959, Introduction au test). Le poids de
l’enseignement, de l’apprentissage de la lecture en particulier, pèse sur
la performance, les enfants non scolarisés sont le plus souvent en grande
difficulté ici. Nous avons pu vérifier cette hypothèse en appliquant le
test de Rey à des moitiés de classe de CP en début d’année et en fin
d’année (les enfants les plus âgés passaient le test en début d’année,
les enfants les plus jeunes le passaient en fin d’année. Nous mettions

176
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

en évidence l’amélioration des performances (par la comparaison des


places dans l’étalonnage) de la copie à la mémoire.
Ceci nous amène à considérer l’épreuve des Puzzles d’une manière
singulière : elle n’est pas une épreuve scolaire, mais elle entre pleinement
dans le cadre de ce que l’école présente à l’enfant :
– Il est très fréquent que les premiers exercices, ou jeux, auxquels
l’école maternelle invite l’enfant se pratiquent sur des puzzles ; ils
appartiennent d’abord à « l’univers » de l’école ;
– Les abstractions qui frappent les objets manipulés sont des objets
géométriques de la connaissance scolaire ;
– Ils sont offerts à l’analyse valorisée par l’école, selon des coordonnées
spatiales omniprésentes dans le matériel scolaire d’abord (feuilles et
cahiers), et dans la manière de concevoir l’espace de représentation
graphique (de l’analyser en ses parties).

12. L’indice Visuospatial


Nous devrions donc pouvoir enregistrer sur cette épreuve tout ce que
nous avons noté pour la Figure de Rey. La facilité de l’enfant dans
cette épreuve peut certes signifier un bon niveau de développement
d’organisation spatiale. Il signe alors, par là même, le bon ancrage de
l’enfant dans les principes enseignés et valorisés par l’école.
Mais inversement, nous ne pourrions prétendre déduire les difficultés
d’apprentissage d’un enfant de ses mauvaises réalisations dans ce type
d’épreuve bien proche de ce qui est demandé à l’enfant par l’école.
Réussite dans les exercices tests et réussite scolaire ne s’expliquent pas
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’une par l’autre, elles vont ensemble parce qu’elles utilisent foncièrement
des objets qui se reconnaissent entre eux. C’est donc ailleurs qu’il faut
porter notre attention pour tirer de cette épreuve de puzzle ce qu’elle
peut donner.
Ce que permettent de dire ces épreuves du niveau de développement
de l’organisation spatiale d’un enfant c’est s’il améliore sa manière
d’appréhender les questions qui lui sont posées au cours de sa
progression dans le test ! Elle doit être appréhendée comme un exercice
d’apprentissage.
Pour cela, nous devons prêter la plus grande attention au processus de
réponse à chaque nouvel item, en le comparant à ce qui précède. Le test
comprend un grand nombre d’items, ces items mettent à l’épreuve un

177
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

même principe, qui est l’organisation de l’espace de représentation


graphique. Elle est éprouvée dans une suite d’items de difficulté
progressive qui est aussi, par là même, une suite d’approfondissement
de l’apprentissage au cours de l’épreuve. Chaque nouvelle réussite est un
pas en avant dans la maîtrise des difficultés bien ordonnées. En ce sens,
nous pouvons dire que l’enfant y apprend – qu’il y est invité. C’est là aussi
ce que nous pourrons rapporter de plus intéressant de l’épreuve : A-t-elle
permis, et à quelle condition perceptible, une progressive amélioration
de la mobilisation de l’enfant et une meilleure efficience ? Amélioration
progressive ou détérioration au fil des items peuvent alors, enfin, être
rapportées aux caractéristiques de l’épreuve et à ce qu’elle oppose à
l’enfant ?
Une dernière remarque sur les contraintes de l’épreuve des Puzzles. Ce
ne sont pas de puzzles que nous proposons à l’enfant, il ne peut pas
les toucher, les empoigner, les agripper, s’y cramponne. L’enfant jeune,
12. L’indice Visuospatial

et surtout celui qui se signale par son instabilité aura plus de mal que
d’autres à faire avec cet exercice mental.
L’épreuve est longue, ce que nous avons observé est une nette tendance
à la détente, dans le cours du test, ou la mise de côté de cette chose
qui est intéressante tant que nous trouvons les bonnes réponses, et
désagréable quand nous ne les voyons pas. Des phénomènes de lassitude
se manifestant par des bâillements sont fréquents ici, malgré les qualités
du matériel, qui n’a qu’un défaut : on ne peut le cramponner. Pas comme
un cube, ni une pièce des objets à assembler du vieux WISC.
Les jeunes enfants, et particulièrement les enfants plus jeunes dans
leurs expressions que ceux de leur âge n’auront pas le loisir de prendre,
d’empoigner les objets pour les assembler. Logiquement, la lassitude
pourrait les gagner ici, plus rapidement que les autres. C’est une
hypothèse à confirmer. Dans ces cas, les enfants présentant des troubles
émotionnels pourraient se distinguer des autres par leur comportement
dans ce subtest. D’autant plus que le mouvement d’une pièce à
l’autre, de superposition de l’une à l’autre, tous les mouvements sont
essentiellement mentaux. L’épreuve sollicite plus que d’autres un travail
de représentation mentale difficile aux enfants présentant un trouble
émotionnel.

178
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

13

L’INDICE RAISONNEMENT FLUIDE

13. L’indice Raisonnement Fluide


Présentation

Sous cette appellation, l’indice de Raisonnement Fluide est une


nouveauté dans le WISC. Sous cette appellation encore, est signée
une soumission aux termes de la théorie CHC. Le nom de l’Indice n’est
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pas Intelligence fluide, mais il en est au plus près.


Pour l’évaluer, les concepteurs ont retenu les inévitables Matrices, et une
épreuve nouvelle dans l’univers Wechsler pour enfants qui est l’épreuve
des Balances.
On se souvient que l’épreuve des Matrices apparaissait lors de sa création,
comme l’épreuve la plus propre à mettre en évidence le facteur « G » de
Spearman1 .

1. Nous avons consacré un chapitre à ce test dans notre ouvrage, Guide clinique
des tests chez l’enfant, 3e édition, Dunod pp. 15-78 Nous n’en livrons ici une partie
actualisée nécessaire à la compréhension du lecteur quant au choix des épreuves par
les concepteurs du test.

179
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Les Matrices sont un test d’éduction de relations. J. Raven, J.-C. Raven


et J.-H. Court (1998) insistent sur le fait qu’elles ne sont ni un test de
facteur G, ni un test d’intelligence générale. Ils affirment cependant
que :

« Les études d’analyse factorielle ont montré à maintes reprises qu’elles


sont l’une des meilleures mesures de G dont nous disposons actuellement »
(1998, p. 19).

Selon les auteurs (1998, p. 14) :

« L’éduction, c’est le pouvoir de sortir du chaos pour trouver du sens, de


13. L’indice Raisonnement Fluide

développer de nouveaux insights, d’aller au-delà du donné pour percevoir


ce qui ne saute pas aux yeux, d’élaborer des systèmes de pensée (largement
non verbaux) qui facilitent le maniement de problèmes complexes ».

Plus généralement, on considère que les épreuves qui sont dérivées des
conceptions de Spearman comme les Matrices progressives sont dites
« d’éduction de relations et de corrélât » :
1. L’éduction de relations (correspondant actuellement au terme « induc-
tion ») procéderait du particulier au général ;
2. L’éduction de corrélât (correspondant actuellement au terme « déduc-
tion ») procéderait du général au particulier.

La première correspondrait au facteur « induction » de Thurstone et


s’identifie en fait au facteur primaire « raisonnement inductif » saturé
par le facteur 2F de Carroll « intelligence fluide ». Aussi Huteau et Lautrey
(1999, p. 151) classent-ils logiquement les Matrices progressives comme
représentantes de l’évaluation de cette dernière. Ces mêmes auteurs
voient en conséquence les Matrices progressives comme « une bonne
épreuve de facteur Général d’intelligence ».
Comme nous le verrons par l’analyse de ce qui est mis en œuvre dans les
épreuves de Raisonnement Fluide, cette appellation est assez curieuse.
Elles appellent l’une et l’autre :
• Une construction dans l’espace singulière, propre à l’organisation
spatiale héritée d’une confrontation aux apprentissages scolaires
fondamentaux, lecture et écriture alphabétique ;

180
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

• Par ailleurs, elle appelle l’attention de l’enfant sur les diverses


caractéristiques des objets, qui les distinguent ou les réunissent :
en d’autres termes, elle joue de l’activité mentale catégorielle ;
• Ensuite, nous notons que les objets soumis au raisonnement de l’enfant
dans ces tests sont des dessins, et que ces dessins concernent des
objets géométriques le plus souvent, qui sont bien des objets de notre
culture, jamais des images concrètes concernant le monde réel.
• Enfin, elles sollicitent les raisonnements sur des objets abstraits qui
peuvent être totalement définis par leurs caractéristiques seules, en
nombre limité : forme, taille, couleur, nombre, position dans l’espace,
profondeur dans le test des matrices. Il en va de même dans les
balances, pour lesquelles les caractères définissant les objets sont en

13. L’indice Raisonnement Fluide


nombre encore plus réduit.

Ce trait confirme l’activité catégorielle logique requise dans ces épreuves.


Ces remarques nous semblent s’imposer. Nous avions regretté le manque
d’épreuves de ce type dans des batteries venues des USA, dont la
batterie K-ABC, première et deuxième version, alors que nous disposions
en France des Échelles Différentielles d’Efficiences Intellectuelles, qui
intégraient trois échelles de catégorisation, identifiées comme telles,
depuis quelques décennies. Nous souhaitons la bienvenue à ces épreuves
de Raisonnement Fluide enfin présentes ensemble sous un même nom
qui évoque pour les uns quelque chose comme des ingrédients de cuisine,
ou pour d’autres des propriétés identifiées par la science chimique.
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Matrices

! Avant l’épreuve, ce que nous en connaissons


L’épreuve des Matrices est inspirée du test de Raven (PM-38). Elle
présente avec celle-ci des différences notables mais aussi des similitudes
que nous devons saisir. L’épreuve des Matrices était nouvelle dans la
précédente version du WISC. On peut penser que son maintien dans
le WISC-V tire profit de l’expérience précédente. La différence la plus
sensible d’une version à l’autre est ici l’abandon des images concrètes,
figuratives. Elles sont désormais essentiellement abstraites. Ce sont des

181
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

figures géométriques diverses colorées. L’épreuve apparaît de ce seul


fait plus cohérente de conception que la précédente.
Nous savons de la grand-mère des Matrices (Matrices Progressives
de Raven, 1938), qu’elle est dès sa conception pour le créateur
J.C. Raven et pour J. Raven actuellement, une épreuve d’éduction,
pour le vocabulaire issu de Spearman, et dans le champ conceptuel
contemporain, d’induction déduction. Ces derniers termes désignent la
manière de résoudre le problème : l’ensemble exposé au regard du sujet
présente des éléments dont la présence dans l’ordre où ils sont disposés
relève d’une règle : cette règle est appliquée à la déduction de l’élément
manquant.
13. L’indice Raisonnement Fluide

! Le matériel et la consigne
Matrices est composée de trente-deux items.
L’enfant est invité à montrer une image complétant :
• Pour les matrices, un tableau carré, constitué de deux lignes et deux
colonnes, comprenant donc quatre cases carrées (parfois trois lignes
et trois colonnes, donc 9 cases carrées) ;
• Ou pour les séries, une ligne horizontale constituée d’un alignement
de cases carrées toutes de même dimension.

Les objets susceptibles de compléter la matrice ou la ligne sont alignés


en bas, au nombre de cinq.
L’épreuve utilise essentiellement des images abstraites, géométriques.
Nous remarquons que la figure carrée est omniprésente, dans le cadre à
compléter, ou dans les cases du tableau. D’autres objets géométriques
apparaissent, tels des rectangles, cercles ou portions de cercles, triangles,
plus rarement des images évocatrices d’un objet réel.
Le nombre est impliqué fréquemment dans le processus de réponse, mais
ce qui est le plus important est le sens de la lecture, évidente par les
premiers items. L’objet manquant est, pour ceux-ci :
• Le quatrième en bas et à droite pour le tableau carré incomplet ;
• Le dernier à droite en bout de ligne pour les lignes incomplètes.

182
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

L’organisation de la page soumise au regard de l’enfant est en parfait


accord avec l’organisation de l’espace héritée de l’écriture alphabétique.
Il y a un sens de lecture des items prégnant, évident sur le matériel
que nous présentons en ligne. Pour le tableau ou matrice la lecture
procède d’une comparaison gauche droite selon l’axe médian, puis
d’une comparaison haut bas, sur la colonne de gauche, pour déduire la
quatrième case, en bas à droite (quelquefois ailleurs, à mesure que nous
progressons dans le test).
Le sens de lecture est conforté par la présentation du psychologue.
Les consignes d’administration insistent dès les items d’exemple sur la
nécessité pour le psychologue de pointer du doigt le stimulus, et les
diverses possibilités de réponse dans la succession gauche - droite, ainsi

13. L’indice Raisonnement Fluide


que la case à compléter. L’enfant pointe la réponse, ou dit le numéro de
la case correspondante.
Pour tous, il y a deux items d’exemple qui sont accompagnés et
corrigés en cas d’échec. Les deux items d’exemple sont administrés
à tous les sujets. Ils familiarisent l’enfant avec la structure de base
de l’épreuve : quatre cases, la quatrième devant être déduite des trois
images inductrices présentes sur la matrice ou la série.

! Le processus de réponse
Pour le PM38 (Raven), Huteau et Lautrey rapportent (1999, p. 240) les
résultats d’une étude (Carpenter, Just et Shell, 1990), qui observait
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les étapes de résolution des items du PM-38 auprès d’étudiants, en


enregistrant les verbalisations accompagnant chaque moment et les
mouvements oculaires suscités par la tâche. Les mouvements oculaires
sont nombreux, une soixantaine pour une planche de 3 × 3 cases. Les
verbalisations permettent de saisir la séquence des règles successives
au cours du processus.
L’efficacité générale dans le test, au terme de l’étude, serait le produit
de trois capacités diversement exprimées par les sujets :
• La capacité à segmenter efficacement le problème ;
• La capacité à hiérarchiser les buts engendrés par la segmentation ;
• La capacité à formuler des règles abstraites et généralisables.

183
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Les différences les plus importantes entre sujets apparaîtraient au niveau


des deux dernières capacités.
Ces conclusions simples peuvent être discutées. Peut-on en effet retenir
une « capacité à segmenter efficacement le problème », en d’autres
termes une capacité d’analyse efficace qui ne serait pas immédiatement
et conjointement une capacité de synthèse ? Le découpage n’a de sens
qu’à permettre le recollage, en termes triviaux. L’analyse pour l’analyse
ne peut être qu’un ratage, et la synthèse pour la synthèse ne peut être
qu’une synthèse abusive.

Synthèse abusive est le terme que nous utilisons d’ailleurs, à l’occasion, pour le
13. L’indice Raisonnement Fluide

test projectif de Rorschach. Celui-ci invite le sujet à livrer ce qu’il « voit » dans les
taches d’encre. L’analyse que l’on considère « de bon niveau » sous-tend l’activité de
réunion réussie. Au plus près de ce que nous faisons face à une image complexe,
nous saisissons des lignes possibles de mise en pièces qui sont aussi, par cela
même, des lignes de réunions, de recollage. La première ligne d’analyse dans la
réponse Rorschach est naturellement l’axe médian vertical, dont le sujet sait qu’elle
est la ligne obtenue par le pliage de la feuille entre les deux mains, en superposant
parfaitement une moitié sur l’autre. Le mouvement même suggéré par la confection
de ce test est la réalisation, dans l’espace de représentation graphique, d’un axe
médian qui est, de fait, le miroir de l’axe vertébral de celui qui réalise le collage.
Dans le Rorschach, la classification des « types d’appréhension » oppose
• les G, réponses d’ensemble (G pour Globale),
• aux D réponse de grand détail (D pour Détail),

et parmi les G elle distingue


• les G simples,
• des G organisées.

Les dernières signent la meilleure facture mentale dans laquelle analyse et synthèse
s’exercent en même temps sur le même objet.
Pour revenir sur la « segmentation efficace », c’est-à-dire l’analyse, cela signifie qu’elle
ne saurait être efficace par elle-même, seule, elle ne saurait pas davantage être
hiérarchisée dans un classement des capacités.

Sur les PM38, comme pour les Matrices du WISC-V, l’accompagnement


au plus près de la personne nous indique que l’hypothèse induite
d’organisation du matériel pourrait être là dès que le matériel s’ouvre au

184
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

regard du sujet. Ce que le regard rencontre déconcerte d’abord le sujet.


C’est fait pour cela, à l’origine. Depuis les origines, il reste entendu que
les problèmes présentés dans les tests « d’intelligence fluide » ne sont
pas les problèmes communs des exercices scolaires connus de l’enfant.
Ou alors nous ne serions plus dans le cas d’un test d’intelligence fluide,
qui, par excellence, doit se présenter aux yeux du sujet comme nouveau,
inhabituel, ne pouvant être résolu avec les ressources usuelles.
Rapidement, il se ressaisit de ce qu’il sait d’un cahier qui s’ouvre en
deux, une page à gauche et une page à droite avec un axe central.
Autrement dit il l’appréhende en commençant par un bout comme il
le fait usuellement de tout matériel papier support graphique. Il fait
comme cela, le plus souvent, après avoir balayé du regard les pages sans

13. L’indice Raisonnement Fluide


s’y arrêter. Alors ensuite, méthodiquement, sa mise en ordre procède de
ce que la culture alphabétique lui a appris : l’écriture linéaire s’attache à
suivre une ligne horizontale à travers les fragments qui s’y retrouvent, à
distinguer ces derniers s’il le peut, puis à emprunter une deuxième ligne
horizontale, pour considérer maintenant ce qui distingue les éléments
qui se succèdent selon les lignes verticales. Désormais chaque élément
prend sa place comme le produit du croisement, de l’intersection des
lignes verticales et horizontales.
Les critères de sélection pour trouver le bon objet complétant la matrice
ou la série sont peu nombreux :
• La forme géométrique,
• La dimension, petite, moyenne ou grande,
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• La couleur,
• L’orientation dans l’espace.,
• La profondeur,
• Les opérations arithmétiques basiques (addition, soustraction).

L’épreuve présuppose que les formes soient connues de l’enfant, pas


nécessairement par leur nom. Les formes différentes, le triangle ou le
carré, sont identifiées très tôt dans notre culture, elles appartiennent
au monde des objets de l’école maternelle. Les différences de couleur
également. Les différences de taille peuvent êtres problématiques chez
des enfants de six ans, parfois un peu au-delà. Comme pour d’autres
tests suscitant un regroupement logique impliquant la taille, certains

185
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

enfants paraissent ne connaître longtemps que deux tailles extrêmes,


petit ou grand. Le terme « moyen » n’arrive qu’au moment où il peut
se situer entre deux états, comme celui qui grandit. En tout état de
cause, il peut être intéressant de considérer ce qui a pu amener une
réponse aberrante sur certains problèmes alors que l’enfant semblait à
l’aise jusqu’à celui-là.
La passation de l’épreuve peut être rapide, dans sa première moitié.
Le nombre d’items y incite. Il peut donc paraître difficile en cours de
passation de faire des hypothèses pour chaque échec sur ce qui l’aurait
provoqué, en retournant après coup voir le livret de stimuli (si l’on
n’a pas eu d’intuition dans le cours même de la passation). Mais nous
pouvons considérer que l’arrêt de la passation survient après 3 notes 0,
13. L’indice Raisonnement Fluide

pour nous un faible nombre d’items. Ce qui limite l’ampleur de la tâche.

! Ce que l’on peut y voir


La catégorisation
Le PM-38, référence obligée, part de la manière propre au jeune enfant
d’aborder un tableau de quatre cases à compléter pour aboutir à la
manière adulte d’aborder la tâche d’induction déduction. La première
phase retenue, pour la première série de douze items et les premiers
items de la seconde série, consiste en l’identification d’une forme globale
discontinue. L’intersection des lignes est amenée progressivement pour
aboutir à la vraie difficulté de l’épreuve qui est le saut qualitatif
dans le raisonnement requis par l’intersection verticale/horizontale
correspondant à l’intersection de deux caractères distincts.
Comme pour son modèle le PM38, dans l’épreuve de Matrices du WISC-V,
pour les premiers items la résolution commande d’abord la recherche de
l’identique. L’intersection horizontale/verticale est abordée de manière
conséquente au treizième item, donc assez loin dans l’épreuve. Ce mode
d’organisation par l’intersection de classes est répété dans les items qui
suivent, les matrices deviennent alors plus nombreuses que les séries.
Nous retrouvons par ce mode d’organisation ce qui était bien repérable
dans le WISC-IV. L’intersection propre aux matrices est préparée
longuement en amont, comme pour faire mieux passer le changement
qualitatif de raisonnement requis à cette étape. L’intersection est

186
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

abordée réellement passé le premier tiers de l’épreuve. Elle est reprise


sans artifice (c’est-à-dire sans superposition d’autres difficultés) sur
plusieurs items.
Nous avons eu l’occasion dans la pratique de vérifier qu’il s’agissait là
d’un palier dans l’épreuve au même titre que l’item B8 du PM-38 dont les
auteurs du manuel d’utilisation disent que les enfants qui le résolvent
aisément traitent ensuite le reste de l’épreuve à la manière des enfants
plus âgés. Cet item dans les Matrices du WISC-IV semble, à l’expérience,
amener des hésitations chez les sujets qui ne prenaient en compte tout
d’abord qu’un seul caractère différenciateur.

L’apprentissage en cours d’épreuve

13. L’indice Raisonnement Fluide


• Comme dans le PM-38, les matrices du WISC-V jouent les bons
professeurs. Les items suivants sont construits sur le même principe,
et incitent par la répétition l’enfant trop pressé à douter de son
efficacité, s’il a perçu, ce qui est le plus souvent le cas, la difficulté
croissante des problèmes. La répétition du principe d’intersection
incite donc l’enfant à regarder les inducteurs de plus près. Les images
désormais introduisent une troisième dimension, la profondeur.
• Le dernier tiers de l’épreuve est introduit par une nouvelle rupture
dans la présentation. Le tableau présente neuf cases, et le problème
ne peut plus être solutionné par l’intersection des lignes mais par une
lecture méthodique des images, dans leur continuité. Le temps est
présent dans ce problème, par la lecture requise, ou par le mouvement
prêté à l’image à travers ses transformations successives.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

• De l’item 26 à 31, les problèmes sont similaires à ceux de la série D


des PM-38, mais plus complexes, ils jouent sur trois dimensions, dont
la profondeur.
• Les derniers items alternent divers principes de résolution. Le principe
qui vient d’être éprouvé pour un item réussi ne sera pas nécessairement
celui qu’il conviendra de réutiliser. Néanmoins, même à distance,
les principes peuvent être retrouvés : il y a donc nécessité d’une
disposition à accueillir du nouveau, mais jeu parallèle sur des
constantes.
• La première règle à retenir dans l’épreuve est celle d’une complexité
croissante au fil des items. Ce qui implique du côté de l’enfant
une attitude d’éveil, d’abord, mais l’idée de règle sous-jacente,

187
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

organisatrice du chaos apparent, et vectrice d’un processus de


construction. L’attitude de l’enfant est donc appelée à changer avec
la progression dans l’épreuve, dans le sens d’un temps plus long utile
à trouver la solution, et parallèlement d’une analyse plus fine des
ressemblances et différences.
• Les difficultés successives ne constituent pas une suite linéaire. Si un
nouveau principe organisateur apparaît, il est abordé par un premier
item facilitateur qui atténue les autres difficultés.
• À l’usager des Matrices progressives (Raven, 1938), l’épreuve
« Matrices » du WISC-V présente un visage connu. Nous relevons
cependant des différences qui ont leur importance :
L’image manquante n’est pas toujours l’image du bas à droite. Il
13. L’indice Raisonnement Fluide


semble donc à première vue que la règle implicite, qui sous-tend notre
manière usuelle de présentation du début et d’une fin dans l’espace
de la feuille, soit contrebattue par ces changements. Mais il n’en
est rien. Tout indique au contraire que le jeu consistant à changer
l’emplacement de la dernière pièce est possible quand l’espace de
représentation graphique est bien assuré chez l’enfant. De plus, cette
organisation première n’est peut-être pas si importante dans les
matrices du WISC-V. Il n’y a pas de série C, comme dans les Matrices
progressives, qui fait massivement appel au sens de l’écriture. La
structure est préférentiellement composée de deux fois deux cases
qui n’impliquent pas un sens contraignant de lecture. Elle procède de
la différenciation gauche droite, haut-bas, selon un axe médian que
connaît aussi l’écriture.
• La structure précisément connaît quelques variantes, mais la domi-
nante est la présentation deux fois deux. Cela implique une manière
de résolution qui procède par les médianes du carré. La médiane
horizontale est le premier support de différenciation, puis l’axe médian
vertical. Insistons sur les mots : axe de différenciation signifie qu’assez
tôt dans l’épreuve et pour des items dont la résolution est quasi obligée,
cet axe n’oppose pas absolument les objets, mais oppose deux objets
en haut et deux objets en bas de même nature. La différence s’établit
donc sur un caractère propre différenciateur et non sur la totalité de
l’objet. Nous sommes d’emblée dans une démarche catégorielle puisque
le caractère distingue et oppose, tandis que la nature perceptive de

188
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

chacun des quatre objets les associe à l’évidence dans la même classe.
De la sorte, l’enfant est embarqué en douceur dans le bateau Matrices ;
• L’introduction d’une fonction différenciatrice de la médiane verticale
est plus tardive, et d’ailleurs plus problématique pour les enfants.
Parce qu’elle part d’une verticale et que la verticale oppose ? Ou parce
que le premier item où elle apparaît différencie selon les tailles ? Les
deux réponses sont justes.
• La verticale est, sur la figure vue en miroir de l’organisation du
corps, un axe vertical unissant une gauche et une droite qui
longtemps pour l’enfant paraissent symétriques : quand elles sont
le support de différenciation, elles sont distinguées absolument, à
l’image des différences liées à ce que Wallon nomme la pensée par

13. L’indice Raisonnement Fluide


couple. La différence distingue absolument. On peut donc penser que
l’introduction d’une ligne différenciatrice verticale – qui n’oppose
pas absolument – introduit un questionnement intéressant sur la
reconnaissance de cette différence ;
• La structure de l’épreuve qui guide l’enfant vers progressivement
davantage d’abstraction répond à la règle des bons enseignements.
Les notions sont abordées peu à peu, par complexification croissante,
une progression au cours de laquelle les modes de pensée caractéristiques
des âges de l’enfance sont repérés. L’enfant apprend les Matrices, comme
pour le PM-38, en les faisant. Nous voyons bien, si nous lui en laissons le
temps, que la progressivité dans l’épreuve est bien ressentie par l’enfant
qui peut changer son comportement au fur et à mesure de la progression.
Si tout se passe bien, il se donne d’ailleurs plus de temps à mesure qu’il
avance. C’est de ce point de vue une des épreuves les plus intéressantes
du WISC-V : elle permet, réellement, de parler d’un processus de réponse,
et d’un processus d’adaptation à l’épreuve.

189
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Balances

! Avant l’épreuve, ce que nous en connaissons


Balances est une épreuve nouvelle pour le WISC. Elle concourt à
l’évaluation de l’Indice Raisonnement Fluide. Elle figure aussi dans
la liste des 7 épreuves servant à l’identification du QIT.
Elle concourt également à l’évaluation de l’indice Raisonnement numé-
rique, avec Arithmétique.

! Le matériel et la consigne
13. L’indice Raisonnement Fluide

Le matériel est constitué par 34 images. La parole n’a guère de place ici,
sauf pour les consignes très importantes dites par le psychologue. Le
plus souvent, ces consignes apparaissent des supports fournis à l’enfant.
Il faut qu’il ne craigne pas d’apprivoiser le matériel.
Sans que cela soit dit, nous retrouvons ici l’importance d’ancrer
l’ensemble dans notre système d’organisation spatiale. Notre système,
c’est celui de la culture de l’alphabet. Dans cette épreuve comme dans
celles qui précèdent, la réflexion de l’enfant s’opère sur des images.
La première présentée, sur le carnet des stimuli, est une balance à deux
plateaux strictement identiques. Le support est campé au milieu de la
page, il constitue l’axe de symétrie de la figure. La gauche et la droite
sont parfaitement identiques, en miroir l’une de l’autre selon cet axe de
symétrie.
Au fil des items, les objets trouvés sur le plateau sont divers en forme
et en couleur, ainsi qu’en taille. Ils sont figurés dans un espace réduit à
deux dimensions, hauteur et largeur, mais une troisième dimension est
assurée par le sens de lecture (qui est ici comme toujours le sens de
l’analyse méthodique).

! Le processus de réponse
• Le Test comprend 34 items. Ils sont de difficulté progressive.
• Cependant, s’ils utilisent tout au long de l’épreuve le même matériel,
les épreuves se complexifient en des moments repérables.

190
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

• Le départ pour les enfants de 6 à 8 ans est un premier exemple.


Les items suivants, pour les mêmes enfants, consistent à chercher
dans l’alignement des réponses possibles, en bas de la page, l’objet
strictement identique à celui qui occupe le plateau de gauche.
• Soulignons qu’ici, comme pour les tests non verbaux qui se sont
succédés avec support papier, la présentation à chaque nouvel item
est faite verbalement, le geste joignant la parole quand il s’agit de
pointer un objet, ou, là encore, de balayer de gauche à droite les
réponses parmi lesquelles l’enfant choisira celle qui lui convient.
• Nous voulons par-là insister, pour cette épreuve non verbale comme
pour les autres, sur le fait qu’elle n’ignore rien d’une organisation de
l’espace de représentation graphique qui est celle de notre culture

13. L’indice Raisonnement Fluide


alphabétique.
• Jusqu’au second exemple, noté B, qui est le 5e item, la Figure
présente une symétrie parfaite, la gauche et la droite sont en tout
point identiques. C’est, de fait, ce que l’enfant apprendra au cours de
l’épreuve, qui sera confirmé par les premiers items.
• Pour les sujets de plus de 8 ans, le départ est le second exemple. Le
psychologue verbalise, il explique les données visibles du problème :
l’enfant voit deux images, une à gauche, une à droite, présentant
des balances strictement identiques, à un détail près : le plateau de
la balance de droite doit recevoir un objet. L’identité des balances
commande que l’objet à identifier sur la suite du bas soit identique à
celui qui figure sur le plateau de droite de la première balance.
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• Le principe que l’enfant apprend dans le cours de l’épreuve est celui


de l’identité entre la gauche et la droite, à partir d’un axe médian qui
est fondamentalement un axe de symétrie.
• En d’autres termes, la présentation de l’épreuve confirme en tout
point la problématique phallique propre au stade de développement
psychoaffectif de ces âges : le corps debout, ou ce qui le figure dans
le dessin, occupe l’axe médian de l’espace de représentation, et sépare
cet espace en deux moitiés strictement identiques, ou totalement
différentes.
• L’épreuve fait mieux puisqu’elle permet ce faisant que les enfants qui
ne sont pas encore en mesure de projeter dans l’espace l’axe vertical
médian aillent le trouver ici dans cette épreuve, tout prêt à servir.

191
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

C’est une des raisons pour lesquelles l’épreuve est bien passée chez
les enfants, très motivés ici par le jeu qui leur est proposé.
• À partir de l’item 4, deux balances sont figurées. Celles de gauche
ont deux plateaux chargés, celle de droite est parfaitement identique,
mais demande que son plateau de droite soit chargé.
• Dès l’item suivant, une différence est amorcée entre les deux balances.
La seconde est identique sauf dans la charge du premier plateau –
appelons premier plateau celui qui apparaît le premier à gauche. Les
objets figurés sont les mêmes, de façon à simplifier la question pour
l’enfant en proposant des formes identiques.
• Cette disposition est renouvelée jusqu’à l’item 9. Là, pour la première
fois dans le test, les plateaux de la première balance sont occupés par
13. L’indice Raisonnement Fluide

deux objets différents par la forme, mais de même couleur et de même


poids. C’est un pas important sur le plan de la pensée catégorielle.
Deux caractéristiques communes réunissent deux objets qui restent
distincts par le caractère prégnant de la forme. En somme, l’enfant est
invité dans le jeu à admettre que les objets peuvent être différents
perceptivement, mais partager une propriété commune. Le constat
catégoriel est ici facilité par le fait d’avoir conservé la même couleur
aux deux objets.
• Les items suivants amènent un jeu sur la symétrie verticale du carnet :
l’objet à gauche de la première balance, à gauche sera celui que
nous devrons retrouver à droite de la seconde balance. Parallèlement,
s’affirmera la primauté du critère poids malgré les différences affectant
les autres traits, forme et couleur.
• L’item 14 amorce un changement perceptif : il n’y a plus de stricte
reproduction de poids identiques supportés par les deux balances.
Le raisonnement part du constat d’une égalité entre deux objets
différents, à gauche, pour amener le sujet à un raisonnement sur des
proportions. La découverte se poursuit sur plusieurs items variant
certaines propriétés des objets utilisés, mais pas toutes. Une seule
couleur est utilisée.
• L’item 17 joue la même chanson, mais on introduit une seconde
couleur.
• Cela marque un pas de plus dans le sens de la catégorisation logique. Au
fil des items qui suivent, d’autres caractéristiques sont utilisées pour

192
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

présenter des égalités. Elles repoussent encore les limites imposées


jusque-là par les propriétés perceptives : sont proposées à l’égalité
des poids dans les plateaux de la première balance des objets qui
différent à la fois par leur forme, leur couleur et leur taille. Il ne
manque alors que de jouer l’abstraction par une autre propriété qui
est le nombre, et une autre encore, leur disposition dans l’espace
(jusque-là la présentation spatiale de deux objets identiques, puis de
trois, puis de quatre était la même, en triangle, en carré ou en ligne
par exemple).
• L’item 27 intègre une troisième balance, et une nouvelle aide du
psychologue. Ce dernier n’explique pas, il montre. Et, montrant, il
indique sans la formuler la bonne manière de ne pas se perdre dans

13. L’indice Raisonnement Fluide


les données. Il balaie (c’est le terme utilisé) l’espace des réponses
possibles pour s’arrêter sur la case vide avec son point d’interrogation.
Il est au bout de la ligne constituée par les trois balances, la dernière
case à droite. Nous sommes lecteurs et nous savons de notre espace
qu’il doit être parcouru méthodiquement de la gauche à la droite.
• Désormais sur les derniers items, la complexité touche tous les
caractères dans un travail d’abstraction plus difficile jusqu’à son
terme.

! Le processus d’apprentissage en cours d’épreuve


Le long exposé que nous faisons de la structure du test indique que les
étapes dans l’épreuve sont repérables. Elles sont chaque fois anticipées.
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Et quand le nouveau cap est franchi, il y aura à chaque fois plusieurs


items pour utiliser le nouveau principe dans d’autres situations de
difficulté progressive.
Au total, le chemin parcouru par l’enfant est celui qui va d’un âge où les
choses qui apparaissent identiques à elles-mêmes le sont dans toutes
leurs propriétés. Aucune propriété ne peut être détachable. Et cette
forte affirmation s’appuie sur une organisation dans l’espace qui est
celle du stade de développement connue dans la psychologie dynamique
comme stade phallique. La pensée singulière en cet âge s’appuie sur
une image du corps qui isole l’espace en deux moitiés exclusives l’une
de l’autre, totalement symétriques, ou totalement différentes.
Au fil des items, l’enfant apprend.

193
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Il apprend que les caractères peuvent être détachables des objets, qu’ils
ne sont pas nécessairement reliés à d’autres caractères. Au fur et à
mesure que l’enfant progresse dans l’épreuve, il apprend. Il apprend
jusqu’au point le plus élevé qu’il puisse tolérer de se retrouver, dans
un monde de pensée où peuvent être posés, comme non définitifs, des
principes d’identification des objets qui seront différents d’un item
à l’autre, un monde aussi dans lequel une caractéristique qui passe
pour spécifique d’un objet peut toujours est prise dans un système
d’équivalence à découvrir.
En somme le chemin suivi est celui de l’abstraction, appuyée sur le
nombre. Pour rejoindre une préoccupation qui nous a suivis sur tous les
tests, nous pouvons aussi nommer l’abstraction par le raisonnement qui
13. L’indice Raisonnement Fluide

l’autorise, c’est le raisonnement catégoriel.

194
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

14

L’INDICE MÉMOIRE DE TRAVAIL

14. L’indice Mémoire de Travail


Présentation

Deux épreuves concourent à l’évaluation de l’Indice Mémoire de


Travail, Mémoire immédiate des Chiffres, et Mémoire des Images. Ces
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dénominations des épreuves ne laissent pas de doute sur ce qui est


évalué par elles. Cependant, nous les trouvons, sous cette apparence ou
sous une autre au fil du temps, et même d’un temps rapproché :
• Mémoire des chiffres est une épreuve des processus mentaux séquen-
tiels dans la K-ABC, puis dans la KABC-2. Elle y accompagne l’épreuve
de Suite de mots qui a pu inspirer l’épreuve de Mémoire des Images
pour le WISC-V.
• Mémoire des chiffres seule est présente dans presque toutes les
grandes batteries de tests après Binet. Binet a construit une échelle
d’intelligence, il n’a pas fait une batterie de tests valables pour tous
les âges. Dans son échelle métrique, l’épreuve apparaissait trois fois,
à des niveaux de difficulté – référés à des âges - différents.

195
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

• Mémoire des chiffres est remaniée dès Terman qui distingue l’ordre
direct et la répétition à rebours.
• Avec le WISC-R, deuxième version du WISC, et enfant chéri de Kaufman,
Mémoire des Chiffres apparaît dans les analyses factorielles comme
seule représentante d’un facteur « attention/concentration » (Freedom
from distractibility). La vie de ce facteur dans la littérature scientifique
est limitée. Il ne survit pas à la troisième version du WISC.

De fait, nous pouvons admettre que selon l’orientation choisie par le


concepteur du test, rien de tout cela n’est faux. Mais le développement
de la recherche dans une direction singulière a pu faire naître une réalité
nouvelle et incontournable dans la manière d’aborder les processus
mentaux mis en œuvre pour une tâche donnée. C’est le cas pour Mémoire
14. L’indice Mémoire de Travail

des chiffres, qui a conduit à prendre un peu de distance avec la Mémoire


immédiate, au profit du concept de Mémoire de travail. Une nouvelle
lecture éclaire soudainement des réalités, qui, cependant, n’effacent
pas toutes les observations qui les ont précédées. Alors, disons-le, oui,
mémoire des chiffres est une épreuve d’attention, oui mémoire des
chiffres est une épreuve séquentielle, et bien d’autres choses encore qui
intéressent la clinique.
Rappeler ces réalités : Mémoire des chiffres comme épreuve d’attention,
comme épreuve séquentielle, et, pour le clinicien, épreuve de possible
étayage sur un moi auxiliaire1 , n’est pas faire de l’histoire, et moins
encore la petite histoire des tests. C’est nécessaire parce que susceptible
de livrer quelque chose de l’étendue et de la complexité des processus
mis en œuvre dans ces épreuves.
Sans doute arrive-t-il qu’évaluer le niveau atteint pour une aptitude
puisse paraître simple quand nous avons un chiffre signant l’homogénéité
de fonctionnement d’une épreuve à l’autre. En pratique, il arrive que
l’hétérogénéité entre les niveaux de réalisation domine pour les épreuves
se rapportant à un même indice2 . Il n’est pas rare non plus qu’elle
s’exprime dans la même épreuve. L’analyse du processus ne se suffira
pas du nom de l’indice de référence pour saisir quelque chose de ce
qui s’est produit dans la passation des épreuves concernées. Et poser

1. Voir plus loin la signification de cette notion.


2. Nous le verrons plus loin dans l’observation Yan.

196
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

des hypothèses sur un écart entre les performances, qui dément la


théorie des aptitudes en apparence, mais nous contraint à affiner notre
compréhension d’autres cohérences propres au sujet, devient l’enfance
de l’art. Examinons donc ce qui les distingue.

Mémoire immédiate de chiffres

L’enfant est invité à écouter et à restituer dans l’ordre de leur énoncé,


les chiffres dits par le psychologue. Les items de difficulté croissante
testent la capacité de répétition dans l’ordre direct seul, puis en ordre
inverse. Le WISC-V ajoute une troisième étape, qui est l’exigence d’un
rappel des chiffres remis dans l’ordre croissant.

14. L’indice Mémoire de Travail


Mémoire des chiffres est une épreuve des origines. Elle a été introduite
par Binet dans son échelle de 1905. Terman dix ans plus tard introduisait
l’épreuve de Mémoire des chiffres à rebours dans le Standford Binet.
Le créateur de l’échelle métrique de l’intelligence accordait peu de crédit
à ce que cette épreuve pouvait tester de l’intelligence de l’enfant. Zazzo
(in la NEMI, 1966), qui s’y réfère, cite Binet (1903) :

« (...) des tests ont montré à M. Larguier et à moi-même que ce test mesure
plutôt l’attention que la mémoire proprement dite, considérée comme force
plastique, pouvoir de rétention. »

Et encore
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« C’est un exercice qui met à l’épreuve une sorte particulière de mémoire,


la mémoire auditive, immédiate, des chiffres, et en même temps la force
d’attention volontaire. » (Binet et Simon, 1905)

Pour Mémoire des Chiffres à rebours, Zazzo mentionne les analyses


d’Abramson, 1940. Il reprend de cet auteur :

« Infériorité des instables à cette épreuve par manque d’attention pour fixer
la série et difficultés dans la représentation mentale à organiser et ébaucher
un plan. »

Ainsi tout était dit déjà, ou presque, en 1940.

197
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Deux concepts apparaissaient à propos de l’épreuve, d’abord dans l’ordre


de l’énoncé : il n’est pas question d’efficience intellectuelle, mais de
mémoire d’un genre particulier, qu’il convient de cerner :
• Elle concerne une capacité de rappel immédiat, d’une part,
• Elle met en jeu la sphère auditive,
• Elle met en jeu une force d’attention volontaire bien spécifique.

Tout cela ne concerne encore que la première partie de l’épreuve, et


nous devons préciser, les premiers items de l’épreuve, tant que le rappel
peut se faire sur la seule boucle verbale, c’est-à-dire sans nécessiter de
représentation mentale singulière. On répète comme en écho de ce que
l’on a entendu, même passivement, et qui est encore là.
14. L’indice Mémoire de Travail

! Vers une activité de représentation consciente


En revanche, en avançant dans les items, la boucle verbale qui est
suffisante à la mémoire immédiate, ne peut guère excéder des items de
4 ou 5 chiffres. Au-delà les processus permettant le rappel sont plus
exigeants. Ils engagent, comme le note Abramson pour les chiffres à
rebours, un travail de représentation mentale pour organiser le matériel
perçu, et avec lui un certain niveau de conscience.
Il est intéressant à ce titre d’avoir une petite expérience de la manière
dont nous pratiquons, sujets adultes, dans les conditions du test. La
réponse la plus fréquente à cette question est la suivante : Nous
l’écrivons, comme s’il s’agissait mentalement d’un tableau d’école, chiffre
après chiffre, dans l’ordre entendu. Dans ces conditions, ce qui est écrit
mentalement met en jeu une autre mémoire, visuelle en principe, bien
qu’il s’agisse d’une vue intérieure, pour des objets qui ne sont alors
accessibles qu’à la seule personne se livrant au travail de représentation
mentale.
En conséquence, nous devons prendre en compte une donnée supplé-
mentaire :
• D’une part, les chiffres sont écrits mentalement successivement,
• D’autre part, ils sont écrits en mobilisant une représentation, même
sous forme d’ébauche, du geste nécessaire à l’écriture de chaque
segment.

198
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Enfin, cette activité mobilise la conscience du sujet. Elle mobilise aussi


la culture du sujet, dans la mesure où l’écriture mentale s’écrit comme il
se doit sur un tableau, même intérieur, de gauche à droite, comme nous
savons le faire depuis que nous avons appris à lire et écrire.
Toutes ces considérations n’épuisent pas encore l’examen des conditions
de faisabilité de l’épreuve. Le meilleur est à venir, il s’agit de la
mobilisation de l’attention. Comme le notent Eustache et Guillery-Girard
(2016, p. 28), avec le concept de Mémoire de travail,

« [on met] l’accent sur le caractère stratégique et dynamique des opérations


qui ont lieu pour manipuler une information qui est présente à la
conscience. La mémoire de travail correspond donc à l’espace de travail
de la conscience, qui maintient, manipule et transforme des informations

14. L’indice Mémoire de Travail


pendant des durées brèves, »

Dans les conditions d’examen de l’efficience d’un sujet pour rappeler


ces listes de chiffres, les créateurs de l’Échelle Métrique avaient mis en
avant la première condition au travail de mémoire, qui était que tout
soit prêt du côté de l’enfant pour permettre l’opération. Ils pointent
bien sûr l’attention. Mais ils vont tout de suite au-delà, et c’est ainsi
résumé chez Zazzo (1966, tome 1, p. 130) :

« Épreuve très sensible aux fluctuations de l’attention et au défaut de


mobilisation du sujet ;
La fragilité de l’épreuve est accentuée par les difficultés d’application :
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! Manque d’homogénéité d’une application à l’autre dans l’attitude mobili-


satrice des examinateurs ;
! Difficultés dans la standardisation de l’énoncé des séries (rythme et ton).
En bref, ce test considéré par la majorité des auteurs (Decroly et Wechsler
entre autres) et nous-mêmes, comme une médiocre épreuve d’intelligence,
surtout au-delà de 6-7 ans. Très sensible aux facteurs extra-cognitifs mais
intéressante pour les indications cliniques qu’elle peut donner. ».

Les auteurs cités, et Zazzo lui-même, soulignent l’importance de


l’attitude mobilisatrice des examinateurs. Comment ne pas le souligner à
notre tour ? Ils nous indiquent qu’il y a là quelque chose de suffisamment
fort pour considérer que les résultats de l’examen sont le produit d’une
relation singulière entre l’enfant et l’examinateur. Voilà qui ne prêche

199
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

pas en faveur d’un examen de l’enfant seul devant un écran. Mais


sûrement pour la réalité clinique, qui n’est pas représentée par les
chiffres, mais par la présence d’une personne dont c’est la première
qualité. Et c’est aussi une réalité difficile à digérer par les praticiens qui
prennent soudain conscience de l’impact de la qualité de leur présence
dans les scores obtenus dans les tests. De quoi s’agit-il ici ?

! L’attitude mobilisatrice des examinateurs


C’est une réalité dont le clinicien peut vite prendre la mesure, particuliè-
rement dans les épreuves qui requièrent particulièrement l’attention du
sujet. Et notamment son attention en vue du rappel. À ce titre, d’autres
épreuves montrent la même sensibilité à la mobilisation du sujet, ou à
14. L’indice Mémoire de Travail

ce qu’il faudrait nommer un « facteur examinateur ». L’épreuve la plus


remarquable à cet égard dans notre expérience est « le test de la Figure
de Rey ». Cette épreuve se présente en deux moments, une partie copie
de la Figure, une partie Mémoire. Entre ces deux moments, un temps
de latence d’une minute. La grande variabilité des scores obtenus par
les praticiens pour des échantillons d’enfants en tous points identiques
est banale. Elle frappe surtout le deuxième temps de l’épreuve, la partie
rappel. Les consignes sont les mêmes d’un groupe à l’autre, rien n’indique
a priori que le rappel sera plus facile en moyenne dans l’un ou l’autre
groupe, et cependant, les grandes variations d’un examinateur à l’autre
sont là.
Dans l’épreuve de Mémoire des chiffres, nous pouvons analyser les
étapes :
– L’examinateur attend que l’exercice soit possible, c’est-à-dire qu’il
attend le moment où il « sent » que l’enfant est là, et qu’il le fait
savoir de manière plus ou moins démonstrative.
– L’examinateur dit la consigne, il appelle l’attention de l’enfant. Mais
il y a une infinité de manières d’en appeler à l’attention. La parole
doit être sûre, affirmée, tranchante presque, mais non inquiétante.
L’examinateur ne bouge pas, il incite par-là l’enfant à faire de même,
il ne fixe pas les yeux de l’enfant. Il incite celui-ci en écho à faire de
même pour faciliter le regard intérieur, il ne cherche pas à pénétrer
le regard de l’enfant.

200
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

– Certains enfants vont se montrer sensibles aux qualités mobilisatrices,


d’autres moins.
– En réalité, ce que nous faisons en appelant l’attention à l’enfant, peut
bien se résumer en une seule parole forte, impérative : « Attention ! »
L’ordre sollicitant l’attention n’est plus vraiment une consigne badine.
Il importe que l’enfant soit là !
– L’enfant accepte ou non cet appel impératif. Il ne dit pas « Non ! »
bien sûr, nous nous situons dans le cadre d’un examen accepté selon
toute apparence.
– Le praticien expérimenté perçoit, au moment où il dit sa suite de
chiffres, quelque chose de la présence mentale de l’enfant, au point
qu’il sait déjà, avant que l’enfant n’ait commencé à répéter les chiffres,

14. L’indice Mémoire de Travail


s’il était là mentalement ou non. Les signes de la présence attentive
de l’enfant sont plus ou moins subtils, le silence du jeune ne suffit
pas à nous en assurer. Il faut encore que l’on ait senti le moment
où l’on énonce la suite comme un moment de proximité mentale
acceptée par l’enfant. Il faut qu’il ait été présent, en attente au
moment de l’énoncé, ce dont a pu témoigner sa respiration, l’arrêt de
tout mouvement, même des yeux.
– Dans les faits, l’expérience à laquelle nous invitons l’enfant dans ce
type d’épreuve est une expérience de proximité mentale. Sans le dire,
nous l’incitons à se rapprocher, et nous lui demandons d’accepter
pendant un temps donné ce rapprochement. Cela peut aussi être
considéré comme un moment d’attention conjointe, l’examinateur
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pointe ce que le sujet doit entendre, puis écrire intérieurement, avant


de le regarder intérieurement pour le lire (quand nous avons passé les
premiers essais où la boucle verbale suffit).
– Il doit aussi accepter que la suite énoncée lui soit donnée dans un
ordre momentané, qui n’est pas celui de la suite numérique commune,
pour la restituer à l’identique. Or la suite des chiffres a pu être
durement acquise, il la domine, il sait qu’elle est une règle commune,
obligée, tel chiffre vient avant tel autre. Maintenant il nous entend
lui commander un autre ordre, qu’il devra abandonner aussi vite, le
psychologue tout puissant réinventant les règles pour les oublier
aussitôt.

201
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

En somme, il est donc très compréhensible que cet exercice soit plus
difficile à certains sujets qu’à d’autres. Ces autres sont précisément ces
enfants dont les craintes persécutives activées par le risque lié à la
proximité chez l’adulte sont intenses, et peuvent être calmées par la
règle dont est porteur l’adulte. En situation scolaire, tout élément de
culture amené par l’enseignant est porteur des règles fondamentales
des échanges entre adulte et enfant, et d’abord celle qui signifie que
l’enfant ne saurait être confondu avec un adulte. L’école est un lieu où
l’on enseigne. L’adulte y est un enseignant, l’enfant un écolier1 .
Dans la troisième partie de l’épreuve, l’enfant doit rendre dans l’ordre
croissant, ordre de la suite numérique, les chiffres nommés.
L’exercice s’avère diversement appréhendé par les enfants. Il peut y avoir
14. L’indice Mémoire de Travail

des échecs spectaculaires, liés semble-t-il à une difficulté ponctuelle


à ajouter cet exercice nouveau aux difficultés déjà présentes dans
la première partie. Pour d’autres enfants, la consigne supplémentaire
de l’ordre croissant est facilitatrice parce qu’ils tendent déjà, dès le
départ, à remettre de l’ordre dans ce qu’ils entendent. Pour qui se
livre personnellement à l’exercice, il est certain que la complexité des
opérations exigées dans le même temps est la source des difficultés :
écouter, enregistrer, garder et réarranger, cela fait beaucoup. Les adultes
eux-mêmes recourent à des procédés divers pour répondre correctement
aux problèmes. Une manière opérante, assez efficace pour cette épreuve,
au-delà de quatre chiffres, consiste à écrire mentalement les chiffres
entendus sur une ligne imaginaire horizontale, identique à ce qui pourrait
se trouver écrit sur un tableau de classe. Alors, la place occupée dans
l’espace de représentation permet de retrouver les chiffres à leur place
initiale, pour les restituer dans l’ordre de la suite numérique.
Tout le monde ne procède pas ainsi. Pour ce moment, la complexité du
jeu mental avec ces chiffres amène l’utilisation de voies de résolution
plus ou moins économiques d’un sujet à l’autre. Par exemple, certains
sujets peuvent trouver plus économique de repérer ce qui a été omis

1. Un écolier, pas un « apprenant ». C’est-à-dire une personne dans un rôle qui la


signifie socialement comme enfant sous la responsabilité particulière d’un adulte.
Notons que ce jeu devient actuellement plus confus, depuis que l’école de la République
peut être confondue avec d’autres lieux dans lesquels on fait bien des choses
intéressantes sans doute, mais où les adultes ne sont pas tous des enseignants.

202
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

des dix chiffres : quand il faut en rappeler 7. Nous l’avons observé, cela
fonctionne bien ! Quand l’exercice est réussi à des niveaux élevés, nous
constatons que le sujet performant pourra encore disposer de certaines
lignes écrites mentalement des heures plus tard. La mémoire immédiate
est devenue embryon de mémoire à long terme. En tout état de cause,
il n’est pas interdit d’en parler avec la personne quand l’examen est
terminé, quand tout est fini, pour lui demander comment elle s’y est prise
dans cet exercice. L’entretien avant le test pourrait ainsi, après coup,
se prolonger avantageusement en un entretien après test. La passation
des tests projectifs du type Rorschach ou T.A.T prévoit ce moment.
Nous n’y donnons pas des clés, nous y sollicitons des éclairages sur les
processus de réponse engagés. Les questions surprennent les sujets, le
plus souvent, qui ont rarement l’occasion de se poser de telles questions.

14. L’indice Mémoire de Travail


En un premier temps, ils répondent : « Bah, j’ai réfléchi... ». Le comment
est rarement sujet d’interrogations. Nous poursuivons en demandant :
« Vous avez réfléchi comment ? » et comme cela ne suffit pas, nous
demandons « Qu’est ce qui s’est présenté à votre esprit ? Comment
l’avez-vous utilisé ? Comment l’avez-vous écrit ? » Les réponses sont
une découverte pour le sujet lui-même qui imagine le plus souvent que
« c’est pour tout le monde pareil ! » et doit convenir que rien dans ce
domaine ne va de soi.
En conclusion, divers cas peuvent être résumés :
– Les scores sont cohérents de la première à la troisième partie, et pour
chacune prise en elle-même, cohérents, ce qui signifie qu’il n’y a pas
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de décalage entre le premier échec et la dernière réussite : l’attention


est homogène et le chiffre traduit bien la performance du moment
dans ce type d’exercice
– Les réussites et les échecs se succèdent sans ordre, signant une
succession de moments de présence et de moments d’absence, comme
si la tenue de l’attention ne se pouvait pas dans les conditions du
test : une vraie problématique de l’attention, soumise aux aléas des
moments de présence/absence, fréquente dans les pathologies limites
de l’enfant.
– Une réussite paradoxale : le sujet réussit bien au-delà de nos attentes,
quand nous supposions les exercices d’attention difficiles pour lui :
c’est fréquemment le cas d’enfants très demandeurs d’une relation

203
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

de proximité, privilégiée, comme souvent les enfants instables qui


trouvent de façon inattendue le moyen de peu, ou pas trop, bouger
en relation duelle, ainsi que de nombreux cas de personnalités
anaclitiques, fragiles ou dépendantes. Le bénéfice de la relation
qui lui est toute dédiée transforme temporairement des conduites
autrement insupportables.
– Une tendance nette, dès la première partie, à remettre les suites de
chiffres dans l’ordre canonique peut s’exprimer chez des enfants qui
ont besoin de revenir à l’ordre auquel ils ont eu peine, eux-mêmes à
parvenir. Nous le voyons parfois aussi comme le besoin de rappeler
l’ordre à cet adulte qui s’en détourne pour en jouer pour son propre
compte – ce qu’est le psychologue à ses yeux à ce moment –
potentiellement un persécuteur.
14. L’indice Mémoire de Travail

– Il peut y avoir aussi des refus, des renoncements, face aux exigences
d’attention sans commune mesure avec ce que l’on sollicite habituel-
lement à l’école. Nous sommes dans la troisième partie de la même
épreuve, cela peut faire beaucoup pour des sujets qui ne supportent
pas habituellement de telles contraintes.
– Nous rangeons parfois un peu vite d’autres observations dans les refus
il peut s’agir du décrochage total de certains sujets gagnés par une
fatigue contre laquelle ils ne semblent pouvoir lutter. L’observateur
fait état de la « fatigue » de l’enfant. Il faudrait alors entendre que la
fatigue naît de la proximité relationnelle. La proximité dans l’épreuve
peut être pour certains sujets la vraie difficulté quand ses défenses
contre la proximité sont débordées.

Mémoire des images

Pour la première partie de Mémoire des Images, l’épreuve consiste pour


l’enfant, après que nous avons pointé un objet sous ses yeux, à le
retrouver sur la page qui suit. Progressivement, il y a davantage d’objets
montrés, ils le sont toujours dans l’ordre exigé par notre écriture, de la
gauche à la droite. C’est dans cet ordre que l’enfant devra les montrer
sur une nouvelle ligne de dessins disposés horizontalement, alors que
les objets n’y sont plus à la même place. Le facteur d’ordre ici est la
séquence initiale de présentation, organisée répétitivement de la gauche

204
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

vers la droite, elle-même, de ce fait, soutenue essentiellement par le


sens de notre écriture alphabétique.
Répétons autrement, nous demandons à l’enfant de MONTRER les
éléments dans l’ordre où ils étaient initialement montrés, c’est-à-dire
dans l’ordre conforme au sens initial de l’écriture de gauche à droite.
C’est une épreuve qui exige un respect scrupuleux des temps de
présentation, condition à la bonne tenue de chaque réponse exigée de
l’enfant : il doit montrer dans l’ordre où les objets ont été montrés.
De fait, le facteur d’ordre est le sens gauche-droite de la lecture. Du
début à la fin, il ne changera pas. Simplement, l’épreuve se complexifie
au fil des items en accueillant davantage d’éléments à rappeler.

14. L’indice Mémoire de Travail


Cette épreuve n’est pas sans évoquer l’une des épreuves séquentielles
du K-ABC (Kaufman, 1993), puis du KABC-II. Elle est séquentielle, c’est
le respect de l’ordre exigé pour le rappel qui valide la réponse.
Il peut être intéressant de considérer ce que nous pouvions dire de
l’épreuve Suite de mots du K-ABC (Jumel, 2013, p. 403). Ce qui ne
signifie pas que nous les prenons l’une pour l’autre. La différence est de
taille. Précisons-la tout de suite, pour ne pas faire de contresens, elles
appartiennent toutes deux aux épreuves séquentielles, en se distinguant
essentiellement par le fait que le matériel à rappeler dans Mémoire des
Images est constitué par des Images, tandis qu’il était constitué par
des mots et des images dans Suite de mots. Nous y reviendrons après
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un détour du côté des épreuves séquentielles. Un détour nécessaire


parce qu’il pointe des éléments intéressants dans le domaine des
apprentissages et de leurs troubles. Ces éléments n’ont pas disparu,
dans la mesure où la référence absolue jouée par le sens de l’écriture
et de la lecture est encore présente dans la version très différente de
Mémoire des Images : le sens de la lecture et de l’écriture, repris dans
les consignes, est le support au séquençage1 .

Dans l’épreuve Suite de mots du KABC-II, l’enfant est invité à montrer des
objets dans l’ordre où ils ont été nommés. Pour cela, il les pointe parmi
d’autres présentés en silhouettes avec eux sur une ligne horizontale. Cet

1. ou séquencement, c’est-à-dire mise en séquence.

205
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

ordre change à chaque nouvel item. Une difficulté supplémentaire, sous


la forme d’une tâche interférente est introduite dans le cours de l’épreuve.
Selon le manuel du KABC-II, « le test est une adaptation du test
audio-verbal de Luria (1966A) destiné à mesurer les fonctions corticales
supérieures du lobe temporal gauche. Luria faisait répéter aux patients
des séries de trois ou quatre mots. Il avait remarqué que certains types
de patients aphasiques avaient des difficultés considérables à répéter ces
séries. » (Manuel, p. 78). On précise que pour Luria, un temps de latence
d’une dizaine de secondes, ou bien le comblement de cette latence
par une activité verbale sans rapport avec la tâche entre l’énoncé et la
répétition gêne plus encore la réalisation de la tâche. Pour les auteurs,
Kaufman et ses collaborateurs, l’épreuve retenue est donc parfaitement
analogique de celle de Luria.
Nous contestions, en remarquant notamment, « que l’enfant ne doit pas
14. L’indice Mémoire de Travail

répéter ce qu’il a entendu, mais le montrer. Qui plus est, il doit le montrer
sur une ligne qui lui présente les diverses silhouettes d’objet, une ligne
qu’inévitablement l’enfant lecteur balaiera comme il le fait d’une ligne
écrite, en adoptant le sens de la lecture de la gauche vers la droite. De
ce fait, qu’il puisse montrer les objets dans l’ordre de l’énoncé, un ordre
qui contredit le sens de la lecture, revient à faire la démonstration de la
souplesse avec laquelle le sens de la lecture est utilisé, qui n’est plus
parasité par l’ordre de l’énoncé, et peut distinguer l’un de l’autre (...)
les noms entendus dans le cours de l’épreuve. L’erreur la plus souvent
commise est en effet un pointage des objets effectivement nommés, mais
dans l’ordre soumis au sens gauche droite, et non pas dans l’ordre où ils
ont été nommés.
L’analogie avec Luria 1966 ne s’impose pas, d’ailleurs les auteurs du
KABC-II prennent bien des libertés vis-à-vis de cette référence. Ils voient
dans cette épreuve une mesure de la mémoire immédiate de l’enfant. Elle
est notée Gsm dans la théorie CHC, épreuve séquentielle pour Kaufman,
quand Luria y voyait, selon le Manuel « un test clinique audio-vocal
destiné à mesurer les fonctions corticales supérieures du lobe temporal
gauche ».
Si la mémoire immédiate est requise dans cette épreuve, l’attention et la
concentration y sont à l’évidence fortement et préalablement sollicitées,
ainsi qu’une certaine aisance en lecture et écriture, tout au moins en ce
qui fonde, à partir d’elles, l’organisation de l’espace de représentation
graphique. (...)
Pour l’aisance en lecture et écriture, il suffit de rappeler que les épreuves
séquentielles, dont l’épreuve de suite de mots, étaient conçues par les
auteurs du KABC première version comme les plus aptes à mettre
en évidence, au travers du déficit, ce qui constitue la faiblesse des

206
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

processus mentaux des enfants dyslexiques (Kaufman et Kaufman,


1983, p.). Cette conception était confirmée à l’examen des résultats
obtenus par divers « Groupes spécifiques », (Manuel d’Interprétation
du KABC, A. Kaufman et N. Kaufman, 1983, trad. Fr. 1993, ECPA,
p. 122) : « L’analyse des profils des groupes d’enfants avec des troubles
d’apprentissage et des enfants dyslexiques révèle que 2 à 5 points de
différence entre deux Échelles de Processus, en faveur du simultané. »
L’écart entre les deux échelles est en effet le plus important pour le groupe
« dyslexiques »1 . Les auteurs précisaient alors « Si l’on ne considère que
le groupe d’enfants dyslexiques qui ont été soigneusement identifiés par
de multiples critères et comparés à un groupe de 30 enfants tout venant,
il ressort clairement des résultats que tous les subtests de Processus
séquentiels discriminent très bien les deux groupes, ainsi que Matrices
analogiques et tous les subtests de connaissance, excepté Devinettes. »

14. L’indice Mémoire de Travail


Pour l’épreuve de Suite de mots, elle apparaissait avoir la plus forte
corrélation avec les épreuves de connaissance scolaires, arithmétique et
lecture déchiffrement.

Le fait de ne plus considérer, dans la présentation des épreuves par


le Manuel, que la référence CHC, et conséquemment de ne plus voir
dans l’épreuve Suite de mots autre chose qu’une épreuve de Mémoire
immédiate, n’enlève rien aux vertus que l’on reconnaissait un peu plus
tôt à ces épreuves, non plus qu’à une autre interprétation, selon un
autre cadre théorique (...). »
L’épreuve de Mémoire des Images utilise de fait, deux matériels, des
images, et le sens de l’écriture. Elle n’utilise pas la nomination, la parole,
mais elle ne l’interdit pas du côté de l’enfant.
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Dans la présentation, le psychologue se contente de montrer. Dans la


restitution l’enfant fera de même, en respectant l’ordre dans lequel les
objets ont été montrés, qui est, en arrière-plan, l’ordre commandé par
notre écriture alphabétique.

1. Mais le groupe « dyslexiques » de l’étude américaine ne se distingue pas vraiment à


notre sens par ce qui devrait le définir, les moyennes obtenues dans les deux épreuves
de lecture ne sont pas mêmes à un écart type de la normale, ce qui amène quelque
réserve sur la sélection de ce groupe, malgré les exigences dans la sélection du
groupe dont il est fait état p. 121. Les moyennes dans les épreuves de lecture sont en
revanche significativement faibles dans le groupe « Difficulté de lecture » d’une étude
française (Tableau 4.28, p. 126) qui concerne 22 enfants, et l’écart entre Séquentiel
et Simultané plus important encore que dans l’étude américaine.

207
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

De fait, on utilise les outils du jeune âge pour montrer, mais les objets
de l’enfant scolarisé pour qu’il apprenne et rappelle, avec une lourde
insistance sur ce qu’est le « bon » ordre de présentation.
Comme dans la version parente, celle du K-ABC, la référence culturelle
sous-jacente est la référence scolaire, celle de la ligne d’écriture
alphabétique. De la même manière que l’ordre sous-jacent dans Mémoire
des chiffres est l’ordre de la suite numérique. Nous imaginons bien que
les enfants qui surmontent sans peine les difficultés des apprentissages
peuvent être à l’aise dans ces épreuves de Mémoire de travail... De bons
scores chez les bons élèves, et de mauvais scores chez les mauvais élèves
n’étonneraient personne. Si l’on veut donc utiliser intelligemment des
tests qui ne sont pas unanimement perçus comme des tests d’intelligence,
14. L’indice Mémoire de Travail

il faut encore une fois dépasser le niveau d’analyse représenté par les
scores globaux. Et aller voir au niveau de l’item.
La vraie différence entre ces épreuves de type séquentiel réside dans
le fait que Mémoire des Images, utilise des images. Et du côté du
psychologue, bien que les images représentent des objets qui sont
connus des enfants aux âges concernés par le test, aucune nomination
des objets n’est utilisée.
Une autre particularité du test réside dans le fait que l’attention de
l’enfant est fortement appelée à considérer les images dans l’ordre de la
ligne d’écriture. Il est tenu pas ces consignes : ce sont des images, mais
ordonnées par les leçons de l’écriture : une ligne horizontale s’identifie
d’une certaine manière, qui est celle de notre culture écrite alphabétique.
Or nous avons vu précédemment, pour l’épreuve de Mémoire des Chiffres,
l’importance que pouvait prendre chez certains sujets une certaine
aisance dans la représentation mentale quand elle pouvait s’appuyer sur
la figuration d’un objet, un tableau d’école par exemple, pour y inscrire
les chiffres l’un après l’autre et de gauche à droite.
Dans Mémoire des Images, la ligne de présentation joue le rôle de
support à la représentation, d’autant plus prégnante qu’elle est celle de
l’écriture.
Dans le cours du test, il peut arriver que l’enfant nomme les objets à
haute voix, pour lui-même ou pour nous impliquer davantage au niveau
de nos compétences d’accompagnement supposées (Ce serait normal,

208
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

nous sommes psychologues). Mais la consigne répétée le ramènera à la


réalité Images.

! Apports à la clinique des troubles d’apprentissage


La première place dans notre esprit est prise par cette réalité. Comme
nous le rappelions des épreuves séquentielles retenues par Kaufman,
elles avaient vocation à concourir à l’identification des troubles
d’apprentissage. Un constat oublié depuis, bien qu’il eût un certain
fondement.
Si donc le test est utilisé avec un enfant présentant des troubles
d’apprentissage, on peut être tenté de considérer l’épreuve Mémoire des

14. L’indice Mémoire de Travail


Images avec certaines attentes héritées d’un autre temps. À savoir qu’il
serait difficile pour les sujets dyslexiques.
Et l’on ferait une erreur : l’épreuve est séquentielle, nous le maintenons,
mais elle diffère notablement de l’épreuve de Suites de mots du KABC ;
Nous avons déjà mentionné la différence la plus importante : dans le
WISC-V, Mémoire des Images travaille sur des images et non sur des
mots. Ce sont des images rassurantes et bien ordonnées que l’enfant
doit rappeler, or si les mots s’envolent, les images moins ! Ce n’est pas
un proverbe, c’est la réalité des enfants qui éprouvent des difficultés
dans l’apprentissage de la lecture. Ceux-là tentent de fonctionner avec
les outils d’un autre âge, l’image de l’école maternelle contre le mot
écrit de l’école primaire. Ceux-là tentent alors désespérément de traiter
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

le mot écrit comme une image, qui aurait un contour comme une image,
et serait de fait insécable, donc inanalysable, non décomposable en
syllabes, et de syllabes en lettres.
Autrement dit, en conclusion, il n’est pas certain que la difficulté
opposée à l’enfant par cette épreuve tienne à sa nature séquentielle,
dans la mesure même où elle offre un appui immédiat à l’enfant, nous
travaillons sur des images, et le sens de l’écriture alphabétique se prête
en soutien à l’exercice.
L’erreur à première vue était tentante, nous ne la ferons pas. Mais nous
pouvons analyser le sens de la tentation de confondre. Alors voilà :
L’erreur aurait été d’oublier les âges de l’enfant. Les images appartiennent
au monde de l’enfant, et du petit enfant, davantage qu’à celui de l’adulte.

209
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

La principale rupture dans le développement des fonctions psychiques


supérieures à l’âge de la scolarité primaire, survient avec l’apprentissage
de l’écriture et de la lecture alphabétique. Jusqu’à ce moment, les
images qu’on lui montre, ou les dessins qu’il produit, sont pour lui
l’outil nécessaire à montrer, à indiquer. Le saut qu’il doit effectuer avec
l’école primaire le fera passer de l’âge des images à l’âge de l’écriture
alphabétique, pour laquelle ni les lettres ni les mots ne sont des images.
Avec l’alphabet complet, la figuration est totalement reléguée. En cela,
il est vrai que nous entraînons, à l’école, l’enfant à faire le deuil des
images. Elles lui ont été nécessaires pour passer le cap de la première
séparation, la rupture du peau à peau, la rupture de ce qui correspondait
à l’âge de l’école maternelle1 À la grande école, ce sont les images qui
14. L’indice Mémoire de Travail

devront progressivement s’effacer devant l’écriture.


Nous comprenons par ce court développement que l’enfant pour lequel
l’acquisition de l’écriture et la lecture alphabétique présentent des
difficultés insurmontables aura toutes les chances de se présenter
comme un enfant attaché aux images. Parce qu’inversement, manipuler
l’écriture et la lecture, c’est perdre le lien avec l’image. Et se dégager de
la concrétude des objets.
Dans l’approche de l’épreuve par l’enfant, il y a une implication évidente.
Si le monde de l’image a un lien avec l’enfance, nous avons toutes
les chances d’enregistrer des performances inattendues dans l’épreuve
de Mémoire des images chez des enfants qui sont « trop enfants »,
trop dépendants, tous ceux pour lesquels les enseignants utilisent si
volontiers le terme d’immaturité, souvent confondu, et c’est dommage,
avec le manque d’autonomie. À la différence de Mémoire des Chiffres,
quand nous jouons avec des images, nous ne jouons pas avec des
abstractions, mais des objets dessinés, combien plus rassurants. Dans
ce monde-là, un canard est un canard2 , il se dessine par le contour, pas

1. qui n’est justement pas maternelle dans le vrai sens du terme, mais c’est dans
l’ordre des choses : l’enfant y apprend en même temps que les mots, leur capacité à
signifier autre chose que la concrétude de l’objet.
2. ... encore que... Le canard stylisé qui est censé prendre ses ablutions dans nos
baignoires est hautement stylisé – qui a jamais vu un canard aussi jaune qu’un canari ?
– mais cela parle à tous, la culture des images est aussi de la culture.

210
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

comme les mots qui eux combinent les lettres toujours les mêmes dans
des ordres chaque fois différents.
Pour un vocabulaire propre à la clinique, l’enfant qui joue avec les
régressions toujours possibles, celui qui peut se retrouver, dans ses
conduites, et dans ses savoirs, sur plusieurs âges à la fois, qui aime
autant sinon davantage la compagnie des plus petits que des plus
grands, l’épreuve de Mémoire des Images est plutôt rassurante. Il faut
retrouver des choses que l’on vient juste de voir, comme dans le jeu
de « coucou ! ». En cela, elle s’oppose à Mémoire des Chiffres. Des
décalages importants entre les scores sur ces deux épreuves de mémoire
de travail peuvent exprimer ce phénomène chez des enfants présentant
des troubles émotionnels selon le vocabulaire DSM, ou plus profondément

14. L’indice Mémoire de Travail


pour les pathologies limites (anaclitiques) de l’enfance parmi lesquelles
on retrouve les enfants dyslexiques.
Ajoutons que dans ces cas, l’attention de l’enfant est aussi beaucoup
plus facile à mobiliser, dans la mesure où le jeu qui s’y joue avec les
images est vraiment celui qui répond le mieux à son registre : nous
jouons à ne pas perdre.

211
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

15

L’INDICE VITESSE DE TRAITEMENT


15. L’indice Vitesse de Traitement

Présentation

Il est possible d’aimer les épreuves de l’Indice Vitesse de Traitement.


Comment, sinon, expliquer la présence de « Code » dans toutes les
versions successives du WISC ?
S’il ne s’agit pas d’amour, alors il faut convenir que nombreux sont les
chercheurs et les psychologues à s’attacher à la vitesse de résolution
d’une tâche, comme d’une donnée intrinsèque.
Dans une expérience étendue de l’examen psychologique de l’enfant,
nous voulons dire étendue à des domaines différents de l’examen des
efficiences, nous attachons une grande importance au temps.
Dans les épreuves projectives notamment, les temps de réponses sont
notées, c’est requis par l’épreuve dans les codes du Rorschach, c’est
fortement souhaité pour le T.A.T. (Thematic aperception Test de Murray).
Deux temps sont notés : les temps de latence initiaux, et les temps
intra récit, puis le temps total de réponse pour chacune des planches
montrées au sujet.

212
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

Les temps initiaux sont importants à considérer, ils donnent déjà la


mesure de l’engagement du sujet dans le test, et sont très révélateurs
de son organisation mentale :
• S’il n’y a pas de temps de latence initiale, que le sujet se lance
derechef dans le récit, il pourra donner à interpréter dans le sens
d’une sorte de fuite en avant, d’une peur du silence dans la relation
entre deux personnes ;
• Un long moment de silence qui fait monter la tension peut à l’inverse
signifier une inhibition qu’il conviendra de bien cerner, elle peut en
effet avoir un sens bien précis pour un sujet qui ne prend pas le risque
de répondre mais sera le premier à démentir une proposition faite par

15. L’indice Vitesse de Traitement


le psychologue trop pressé...
• Un temps « raisonnable » avant de se précipiter témoignerait d’un bon
fonctionnement mental, dans la mesure où le contenu de la réponse
indiquerait le produit d’une élaboration, et non la peur de se jeter à
l’eau.

Ce ne sont là que des descriptions extrêmes, beaucoup de choses seraient


à ajouter sur les moments de silence qui peuvent être différents selon
ce qui se trouve sous le regard du sujet.
On l’aura compris, le temps est parfois nécessaire pour exercer son
intelligence. Rester dans les cadres ordinaires d’utilisation du temps
– par exemple considérer et vérifier par l’exercice qu’il nous faudra 4
minutes pour copier la Figure de Rey, et autant pour nous en souvenir –
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

est nécessaire à l’activité mentale, et pour le code implicite d’utilisation


du temps que l’on suit sans même y penser. Dans le cas de ce test,
la Figure de Rey, les temps record suggèrent immanquablement une
pathologie : le temps est une donnée mauvaise puisqu’il nous fait perdre
ce que nous voulons garder en tête, le temps est le temps de la perte !
le temps peut aussi être un ennemi à défier, à honnir, on peut considérer
sur ce sujet la haine de Dali pour le temps et les « montres molles ».
Nous pourrions continuer longuement la liste de nos griefs contre la
recherche de vitesse. Il reste heureusement dans le cas du WISC-V la
réalité des épreuves, qui ne sont pas sans intérêt autre, l’épreuve de
Code surtout. Ce sont les seuls moments où l’enfant tient un crayon, où

213
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

nous pouvons le voir écrire, et s’organiser dans un espace restreint pour


répondre à ce qui lui est demandé.
Comme ces épreuves sont astreignantes, mais courtes heureusement,
c’est aussi un moment pendant lequel on peut apprécier les efforts que
fait l’enfant pour se plier à cet effort au cours duquel il n’apprendra rien
qui puisse être utile à son développement ou à sa connaissance.

Code

L’épreuve consiste pour le sujet à prendre connaissance de signes associés


15. L’indice Vitesse de Traitement

aux 9 premiers chiffres, un signe par chiffre, puis à recopier un par


un, ces signes correctement sous les lignes de chiffres. L’épreuve est
chronométrée. Elle est courte, puisqu’elle est arrêtée au bout de deux
minutes, plus tôt si le sujet est rapide. L’évaluation porte sur le nombre de
signes correctement écrits, dans le temps donné. Il y a une bonification
en points pour un temps inférieur au temps limite.
L’épreuve mérite bien de figurer parmi les épreuves de « Vitesse de
traitement ». La vitesse est le premier paramètre de réussite.
Pour autant cette vitesse, quand nous observons un enfant, qui a de
fortes chances de connaître quelques difficultés dans son développement
puisque nous l’observons, la vitesse ne signifie pas grand-chose par
elle-même. Elle est, elle-même, le produit de nombreux paramètres.
Selon l’expérience la plus simple, le bon score sur l’épreuve peut être
principalement imputable à deux causes en interaction, la rapidité
et l’exactitude. La rapidité brouillonne est coûteuse à la longue, la
recherche d’exactitude peut l’être également quand elle fait perdre de
vue le but de l’épreuve qui est un score maximum en points. Recherche
d’exactitude et recherche de rapidité sont donc les premiers éléments à
observer.
Cependant, du point de vue de ce qui est requis dans l’épreuve, les
observations peuvent être beaucoup plus étendues. L’exactitude peut
être respectée soit en mémorisant, soit par le retour permanent au
modèle, mémoriser peut faire perdre du temps si le sujet ne prend
plus la peine de vérifier ce qu’il écrit, ou s’il vérifie tout de même

214
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

après coup, trop longtemps. La rapidité peut être là pour cette seule
épreuve, provoquée par l’effet du chronométrage qui transforme l’épreuve
en challenge. Inversement, le chronomètre augmentant l’anxiété peut
gêner la rapidité.
Le commentaire que l’on rapportera en marge de l’épreuve après un
premier coup d’œil sur le travail de l’enfant, même réduit à une seule
phrase est donc déjà porteur d’enseignements et d’hypothèses multiples.
Au-delà du premier constat, l’analyse doit prendre en compte d’autres
observations :
• La première concerne la manière dont l’enfant procède à l’égard du
modèle, la qualité de sa lecture, ici de la focalisation de son attention

15. L’indice Vitesse de Traitement


sur les divers éléments à recopier, c’est-à-dire de son attention ;
• Le nombre d’allers-retours nécessaires pour tracer un ou plusieurs
signes, et leur efficacité (un seul coup d’œil ou plusieurs pour un
signe) ;
• L’économie de gestes éventuelle s’il s’est avisé que le modèle a déjà
été reproduit une ou plusieurs fois, et se contenter de regarder sa
ligne plutôt qu’au-dessus ;
• La qualité générale du processus de copie, méticulosité ou bâclage ;
• Le processus de copie, avec la tenue du crayon, la main utilisée, le
sens dans lequel elle est effectuée – l’enfant procède-t-il pour chaque
lettre comme vous l’auriez vous-même fait ? ou adopte-t-il un sens
de tracé curieux et peu économique ?
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

• La position générale du corps au cours de la copie, reposante ou


fatigante, le rôle donné à l’autre main, tenant ou non la feuille.

L’ensemble des observations dont la liste ici n’est pas exhaustive se


fait plus ou moins délibérément en cours d’épreuve. Elles anticipent et
complètent les appréciations sur les scores qui n’ont pas de sens sans
elles. Elles permettent des hypothèses, ou étaieront d’autres hypothèses,
sur d’autres épreuves, dans des rubriques déjà bien repérées. Nous en
citons quelques-unes ci-dessous.

215
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

! L’attention et la mémoire
Les premiers items d’exemple sont – ou non – des items d’apprentissage.
Ils introduisent les premiers nombres, et, dès le départ du chronométrage,
le psychologue pourra voir la différence entre l’enfant qui déjà a appris
et se dispense pour les premiers chiffres de retourner au modèle, et
l’enfant qui n’en tire aucun profit, et continue longtemps la copie servile
consistant à revenir pas à pas au modèle. Entre ces deux enfants, toutes
les couleurs de la palette sont visibles.
La mémorisation et l’attention sont ici indissociables, la mémoire ne
pouvant être que le produit d’un effort volontaire d’attention à un
certain moment. Penser qu’elle peut venir mécaniquement est une idée
15. L’indice Vitesse de Traitement

jolie, mais nous le craignons, peu réaliste : celui qui n’aura pas fait
l’effort mental d’apprendre le numéro de téléphone de sa belle-mère
pourra y revenir indéfiniment sans jamais le retenir, jusqu’au jour où,
enfin, à se le répéter, volontairement, il aura frayé le chemin de sa
mémoire : il faudra pour cela, on le sent bien, qu’il le veuille.
Mémoriser supposant une démarche volontaire, le défaut de mémoire
sur cette épreuve peut recevoir des explications multiples qui renvoient
d’abord à des attitudes très générales et parfois tout à fait délibérées
face au test :
• Insuffisante mobilisation pour l’examen, accepté en surface, mais
refusé intérieurement ;
• Insuffisante mobilisation pour ce type d’épreuve, certains sujets
estimant qu’il n’y a là rien à gagner quant au plaisir de fonctionnement
mental, quand ils ont le bonheur de savoir qu’il existe ;
• Refus de l’épreuve qui s’apparente pour le sujet à une copie servile,
obligée, d’un modèle qui n’a de réalité nulle part ailleurs.

Quand l’échec est lié à des comportements moins délibérés, moins en


accord avec l’attitude générale de l’enfant vis-à-vis de l’épreuve, il peut
être lié à de réels troubles d’attention. L’enfant souhaite réussir, mais se
détourne, est distrait en cours de route par n’importe quel événement,
qui vient créer une sorte de rupture, plus stressante pour l’examinateur
que pour l’enfant.

216
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

! Comportement psychomoteur
Les troubles moteurs sont à l’évidence une gêne à la réalisation de
l’épreuve. Ils peuvent concerner la main seule ou impliquer l’œil et la
main. Comme le sujet doit tracer ce qu’il voit, la correspondance entre
le mouvement oculaire et le geste est immédiatement lisible par le
psychologue.
Dans certains cas de difficultés praxiques, la maladresse est présente dès
que l’enfant cherche le modèle. Il peut être plus ou moins perdu dans
l’espace de la feuille et peine à trouver le sens de la consigne. Rassuré
par les quelques modèles à reproduire, il peut, cependant jusqu’à la fin
de l’épreuve ne pas retrouver d’un moment à l’autre la ligne modèle.

15. L’indice Vitesse de Traitement


Passé cet écueil, la difficulté est maintenant de retrouver la suite déjà
réalisée, ce qui peut être facilité par les appuis qu’il se donnera pour
marquer l’emplacement où reprendre.
Le tracé lui-même peut encore porter la marque de difficultés de
coordination, comme si l’œil et la main n’étaient pas occupés exactement,
simultanément au même point de l’espace.

Inhibition
L’inhibition joue un grand rôle dans les épreuves chronométrées, ce
qui est une évidence, puisqu’elle est le plus souvent un comportement
qui flirte avec la lenteur, jusqu’aux limites du refus, et qui invalide les
réponses par impossibilité d’aboutir. Elle a le plus souvent une fonction
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

relationnelle : dans un test verbal, l’enfant inhibé ne répond pas ou


a minima, jusqu’au moment où l’examinateur répète sa question, la
reformule éventuellement, et fini par entendre que l’enfant est en train
de lui répondre, mais sans être bien certain de ce qu’il a entendu. Il fait
répéter, l’enfant répond en faisant la grimace de celui que l’on contraint
méchamment, et comme ce n’est toujours pas audible, le psychologue
émet un « Tu as bien dit que... » ce qui permet à l’enfant très nettement
de répondre « non ! » en prenant l’adulte à contre-pied. L’enjeu, on le
perçoit, est la maîtrise de la situation en un retournement avantageux
de l’agressivité.
L’inhibition dans les épreuves non verbales ne s’exprime pas de la même
manière et n’a pas le même poids. Comme la parole, qui est l’arme de

217
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

l’adulte pour contraindre l’enfant et le renvoyer à sa petitesse n’est


pas impliquée, l’inhibition quand elle n’est pas trop étendue peut donc
être moins redoutable dans les épreuves non verbales. Mais ce n’est pas
vrai de l’écriture. Les expériences négatives et répétitives faites dans
la scolarité auront à n’en pas douter une incidence sur la manière dont
l’enfant répond à la consigne de l’épreuve de « Code », trop proche d’une
situation scolaire désavantageuse pour l’enfant en échec.
Le freinage peut s’exprimer dans le cas d’enfants qui ne sont pas
réputés inhibés, bien au contraire. Il sera d’autant plus important que
l’anxiété augmente avec une épreuve dont la consigne relève de la
double contrainte : « Écrit vite, mais – pour écrire bien – prends ton
temps. » Si l’écriture de l’enfant est réputée mauvaise avant l’épreuve,
15. L’indice Vitesse de Traitement

il peut s’agir d’un enfant qui ne tolère pas de mettre dans le tracé des
lettres le temps nécessaire à leur bonne copie, ce qui est – parmi bien
d’autres caractéristiques – le cas des enfants instables : les troubles
moteurs se conjuguent à leur intolérance face au temps et aboutissent,
soit à des erreurs en grand nombre, soit à des tracés lents, méticuleux
mais maladroits, sans fermeté.

! À propos du désir de réussir


Le score obtenu dans cette épreuve a quelquefois été compris comme
une expression du désir de réussir de l’enfant. C’est une formule difficile
à cerner, mais si elle est prise dans le sens de la réussite scolaire, comme
l’épreuve a indubitablement un rapport avec l’écriture, la formule n’est
pas fausse. Mais, il y a beaucoup de restrictions à cette formule trop
rapide, nous en avons noté quelques-unes dans les pages qui précèdent.

Symboles

L’épreuve de symboles est, comme « Code », une épreuve de vitesse


et d’exactitude. Elle est administrée selon deux modalités différentes,
selon l’âge de l’enfant, avant et après 8 ans. Elle consiste dans les deux
cas à observer un modèle – un symbole – présenté à gauche, et à relever
son éventuelle occurrence parmi une suite de plusieurs signes distincts
présentés à droite. La différence entre les deux modalités de l’épreuve

218
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

tient au nombre de symboles à gauche : un seul avant huit ans, deux


après huit ans.
Les symboles sont des graphismes que l’on ne demande pas à l’enfant
de recopier, mais d’identifier pour les retrouver (ce pourrait être là le
sens du mot retenu pour titre de l’épreuve) parmi la série de trois ou
cinq signes à droite.
À la différence de l’épreuve de « Code », l’enfant n’a ni à revenir au
modèle sur une ligne en haut de la feuille mettant en jeu éventuellement
une stratégie particulière, ni à recopier le signe.
Il barre le symbole s’il est présent, il barre l’encadré NON s’il est absent.
La difficulté pour le psychologue est ici d’admettre que « barrer » soit

15. L’indice Vitesse de Traitement


l’action à mener quand on a retrouvé ce que l’on cherchait.
L’épreuve est chronométrée, l’enfant en est averti par la consigne. Il y
a donc pour lui deux paramètres à la réussite comme pour l’épreuve de
Code : sa rapidité et son exactitude. Tout commence avec cette consigne.
L’exigence de rapidité est diversement reçue par les enfants. Certains
se mettront à la tâche avec entrain. Dans ce cas, nous voyons l’enfant
se pencher sur cette épreuve qui requiert un maximum de vigilance
perceptive, ne pas laisser de faux amis s’infiltrer, dénoncer l’intrus, celui
qui veut se faire passer pour membre du groupe... Mais c’est aussi un
jeu scolaire, joué avec un crayon et des signes que l’on distingue. On
écrit oui ou non si l’on est d’accord... C’est encore un jeu de vitesse,
dans lequel l’affirmation peut être facile, et liée à la prouesse immédiate.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Nul besoin de se prendre la tête, tout est là. La volonté de montrer


que l’on réussit sous le regard du psychologue, spectateur muet mais
attentif tandis que l’enfant est actif, tient le stylo et barre ce qui va est
l’un des moteurs de l’épreuve. De fait le rôle que tient l’enfant n’est pas
risqué. Il peut se tromper, son savoir n’est pas en cause, on ne lui pose
pas « des questions qu’il ne connaît même pas ». Tout est là sous ses
yeux, rien à figurer mentalement. Juste de la vigilance et de la rapidité.
Il peut même se sentir dans la peau du maître ou de la maîtresse qui
sanctionne en barrant la bonne réponse. L’inversion des places est à
coup sûr un élément intéressant du jeu pour réussir l’épreuve ;
À l’inverse, la même consigne peut induire des comportements très
différents chez d’autres enfants. Nous en avons un exemple à l’esprit :

219
Les indices principaux du WISC-V et leurs 10 épreuves

L’enfant piétine (ou il nous en donne l’impression) dès la consigne,


son stylo à la main, incertain de ce qu’il doit faire, oser barrer le
mot juste est déjà tout un monde. Quand il paraît avoir saisi le sens
du travail demandé, il ne se précipite pas sur le premier symbole, il
piétine encore, puis il barre et commet la première erreur, qu’il perçoit
après coup, quand il veut passer à l’item suivant. Il ne renonce pas
mais il hésite à y revenir, il y revient cependant de manière plus
décidée. Le psychologue peut l’encourager, mais doucement, toute
tentative d’accélération conduisant irrémédiablement à l’effet inverse.
De fait quand tout est terminé, on peut constater un grand nombre
d’erreurs, d’allers et retours entre des signes également barrés, masquant
des confusions par proximité graphique... Les hésitations dominent
15. L’indice Vitesse de Traitement

l’ensemble. Elles peuvent s’attacher à des tableaux différents, l’inhibition,


l’hésitation n’est pas le fait du seul obsessionnel. Elle peut aussi se
rencontrer de manière générale chez des enfants fragiles, insécurisés,
et parfois chez des enfants qui masquent les différences en organisant
une sorte de flou qui ne permet plus même de les percevoir.
Entre les extrêmes que nous venons de considérer, bien des manières
différentes trouvent une place. Ce que nous enseigne « Symboles »,
une épreuve simple dans son administration et dans sa cotation, est la
difficulté de l’interprétation.
Celle-ci devrait mettre au premier plan la vitesse, mais quelle vitesse ?
La vitesse d’exécution bien sûr, pas la vitesse de base du système
nerveux dont on se demande bien ce que cela pourrait être... La
vitesse d’exécution est sous l’emprise de nombreux paramètres, dont
la motivation à réussir n’est pas le moindre, non plus que la volonté,
la vigilance, la concentration... Tous ne pourront pas être exactement
appréciés pour cette seule épreuve, il reviendra au clinicien d’apprécier
ce qui lui paraît pertinent dans son accompagnement de l’enfant.

220
Quatrième partie
Observations avec le WISC-V

16 Pour un compte rendu partant de la séquence


des 10 épreuves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222

17 Martha, 9 ans et demi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226

18 Yan, 9 ans et demi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253


Observations avec le WISC-V
16. Pour un compte rendu partant de la séquence des 10 épreuves

16

POUR UN COMPTE RENDU PARTANT


DE LA SÉQUENCE DES 10 ÉPREUVES

OUS PRÉSENTONSdeux observations détaillées, avec quelques notes


N théoriques quand elles sont nécessaires. Ces notes sont redondantes
avec les chapitres précédents du livre, parce qu’elles sont placées là
comme un rappel. Ne craignons pas la répétition : la première fois la
notion est présentée, la deuxième elle est active.
Pour ce compte rendu, particulièrement pour la première observation
(Martha), nous rendrons compte de l’examen en distinguant trois parties
dans l’exposé.
Il était de règle, il n’y a pas si longtemps, de faire précéder les résultats
chiffrés d’un examen par le compte rendu du comportement de l’enfant.
C’était comme cela sur les feuilles vertes des commissions d’orientation.
Les temps changent, mais les bonnes habitudes peuvent trouver des
justifications à durer encore un peu. Dans le compte rendu écrit, nous
proposons simplement de changer ce chapitre « comportement » par
une partie plus étoffée concernant les conduites de l’enfant, organisée

222
Observations avec le WISC-V

selon un plan déterminé – pour ne pas trop oublier de ce qui a été joué

16. Pour un compte rendu partant de la séquence des 10 épreuves


et observé.
Cette partie s’appellera ici « brève histoire de la rencontre à l’occasion de
l’examen ». Histoire parce que la rencontre avec un enfant que nous ne
connaissons pas a un début et une fin, qu’elle est chaque fois différente,
et qu’elle recèle des indications précieuses sur les résultats obtenus
dans les tests. À ce titre elle peut d’ailleurs réorienter les hypothèses
initiales qui ont constitué le motif à la consultation.
La seconde partie peut alors faire un pas de plus que l’observation qui
précède, par une analyse de ce premier matériel. Nous avons un texte
court entre les mains, pas trop court il doit être lisible par tous, donc
suffisamment étoffé pour que chacun puisse y reconnaître l’enfant qu’il
connaît.
Comme un document littéraire, l’analyse peut aboutir à l’identification
des moments clés de l’examen, ces moments où l’on a pu être surpris
(mais pas nécessairement) parce que nous nous trouvions sur un nouveau
palier relationnel. C’est la deuxième partie du compte rendu. Elle ouvre
sur les premiers constats et les premières hypothèses.
La troisième partie est constituée par le rapport des résultats dans
les tests, puis par l’analyse de ces résultats. L’analyse procède du plus
général vers le particulier, ici du chiffre le plus global jusqu’au niveau de
l’item. La discussion des hypothèses est menée au plus près de la réponse
de l’enfant, elle dépasse nécessairement à nos yeux les discussions sur les
chiffres, toujours trop globaux. Les chiffres permettent des hypothèses,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

mais nous ne leur laissons pas le dernier mot... puisque, précisément,


ils ne parlent pas. Ce faisant, l’analyse doit dans un dernier temps se
nourrir des observations de la première partie.
L’observation au cours d’un examen s’attache à tout ce qui peut être
perçu, bien sûr, à tout ce qui est susceptible de donner du sens aux
réponses de l’enfant.

Les variations dans les attitudes de l’enfant


au fil du temps d’examen
Pour Martha cependant, il nous est apparu au premier temps de l’examen,
que nous devions accorder toute son importance au processus de la
rencontre. Nous entendons par processus le développement dans le

223
Observations avec le WISC-V

temps de modes successifs de jeu des relations enfant/adulte au cours


16. Pour un compte rendu partant de la séquence des 10 épreuves

du temps limité de l’examen. La qualité de la relation constitue une


part de ce qui peut être observé du processus de rencontre. Et quand
nous cherchons à l’apprécier au plus juste, nous pouvons identifier ce
qui revient à l’enfant, sa qualité de présence à travers ses variations.
Elle est considérée isolément pour les besoins de l’analyse, quand
nous savons qu’elle suit à une distance qu’il convient d’apprécier, la
qualité de présence de l’adulte. Au total, la qualité de relation avec
le psychologue change pendant le temps limité de la rencontre. C’est
normal, banal, cela doit être rapporté si l’on convient de ne pas délaisser
des éléments d’observation toujours dignes d’intérêt. Avec l’art d’être
là du professionnel, la qualité de présence de l’enfant change, parfois
peu, d’autres fois beaucoup. Et ces changements sont indicateurs de
son engagement dans les tests.
C’est évident pour Martha, son attitude a changé en une heure et quart
de rencontre dans les épreuves du WISC-V. L’écart entre le début et la fin
de la rencontre est si important qu’il nous semble constituer la première
donnée à interroger après coup.
Bien sûr les tests diffèrent, ils ont chacun un rôle propre dans la
recherche d’implication de l’enfant.
Pour faire pièce à cette réalité changeante, nous appliquons les dix
subtests du WISC-V nécessaires à la détermination des 5 indices
principaux. Ils sont suffisamment nombreux et divers pour susciter
des réactions différentes de l’un à l’autre.
Il y a d’autres arguments à vouloir considérer l’histoire de la rencontre
entre l’enfant et l’adulte.
Les variations affectant l’attention à travers la diversité
des acceptions de ce terme
Le trouble suspecté affecterait l’attention. Les conduites observées
gagneraient donc à être orientées par une recherche de cohérence
de fonctionnement susceptible de répondre de la problématique de
l’attention. L’examen est un moment privilégié pour en faire la part :
les tests diffèrent, mais l’attention y est toujours présente parce que
nécessaire, même sous des habillages bien divers. L’attention selon les
auteurs est rangée dans – ou avec - les fonctions exécutives, elle n’est

224
Observations avec le WISC-V

pas mesurée par les tests parce qu’elle est la condition des tests. Avant

16. Pour un compte rendu partant de la séquence des 10 épreuves


la mesure des aptitudes, il convient de mettre en évidence ce qui est
apparu comme l’ensemble des circonstances ayant présidé à, puis ayant
accompagné et permis, la réalisation des aptitudes qui sont supposées
être l’objet de l’évaluation.
Chaque épreuve sollicite l’attention de l’enfant à sa manière. Parfois de
façon plus évidente. Revenons à l’exemple de ce qui a été écrit par Binet,
puis par Wechsler, puis par Zazzo pour l’épreuve de mémoire immédiate
des chiffres, en un temps considérée comme épreuve d’évaluation du
facteur freedom from distractibility :
Cette contribution de trois concepteurs de test majeurs pointe par
ailleurs une autre réalité, à conserver en mémoire dans l’abord de la
problématique de l’attention par les tests. La part de l’épreuve qui
renvoie à l’attention de l’enfant renvoie nécessairement à l’attention de
l’adulte. C’est en effet de la mobilisation de l’adulte que dépend celle
de l’enfant. Cela ne signifie pas que tout revienne au psychologue. Mais
cela signifie qu’en tout état de cause l’accord entre les deux partenaires
est requis quand le psychologue demande à l’enfant d’écouter, et qu’il
délivre clairement son message, un chiffre par seconde. Le psychologue
a alors tout loisir de tenter de saisir l’ambiance dans laquelle il livre
son message. Pour une part importante, il crée cette ambiance. Cela
doit être pris en compte pour apprécier ce qui joue positivement dans
le processus de rencontre.
Le psychologue joue le jeu du test : s’il sait devoir évaluer l’attention, il
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

le fera sur la base d’un vrai travail dans la captation de cette attention
chez l’enfant. Nous voulons, plus qu’enregistrer des résultats, enregistrer
ce qu’il faut mettre en œuvre pour obtenir les scores enregistrés. C’est
ce que nous pourrons délivrer de meilleur et de plus utilisable par les
professionnels accompagnant l’enfant.
Nous ferons d’abord le récit selon la succession des épreuves, dans
l’ordre de la passation. Nous tenterons ensuite de saisir quelque chose
de la dynamique de la relation, qui rende compte des particularités du
mode changeant d’engagement de l’enfant dans l’examen.

225
Observations avec le WISC-V

17

MARTHA, 9 ANS ET DEMI


17. Martha, 9 ans et demi

Hypothèse de trouble émotionnel

ARTHA EST EXAMINÉE dans le cadre d’une consultation psychologique en


M libéral. Elle y est amenée par ses parents, sur le conseil de l’équipe
enseignante de l’école. Ses difficultés d’attention ont été rapportées par
la maîtresse. Les parents se disent soucieux.
La scolarité de Martha n’a jamais été satisfaisante pour eux. La fillette
a fait son CP sans joie ; les maîtres les ont alertés sur la nécessité
de consultation spécialisée. Les parents ont consulté en CMPP. Là,
Martha dès sa seconde année d’école a été reçue régulièrement par un
psychopédagogue. Actuellement, elle dit à ses parents qu’elle aime bien
y aller. En revanche, elle dit aussi très nettement que l’école ne lui plaît
pas beaucoup.
Ce qui fait l’objet de la demande des parents, les difficultés d’attention,
n’est pas aisé à définir au travers de leur récit. Il est aussi question
de difficultés de mémoire, identifiées sur l’apprentissage des leçons.
La difficulté à définir ne nous porte cependant pas à l’utilisation de
questionnaires adressés aux parents sollicitant des réponses simples.
Nous préférons rencontrer l’enfant pour tenter ensuite de cerner les
réalités avec les parents.

226
Observations avec le WISC-V

La définition des difficultés d’attention était simple en classe, selon


le rapport de la maîtresse : l’enfant est très facilement distraite, elle
« s’absente » mentalement, trop vite, trop souvent, trop longtemps, et
semble alors tout à fait ailleurs. Il n’est pas précisé si ces instants de
décrochement surviennent quand l’enfant est seule face à une tâche, ou
bien quand elle est dans une activité d’écoute collective, lors d’un récit
ou d’une explication pédagogique.
Il pourrait y avoir bien d’autres définitions et délimitations des
« difficultés d’attention ». Nous les renvoyons à l’après examen, quand
nous aurons des éléments d’observation précis sur lesquels discuter.

La fillette

17. Martha, 9 ans et demi


Lors de la rencontre pour l’examen – nous préférons le terme d’observa-
tion – Martha paraît très intimidée. Peut-être, à ce moment, aimerait-elle
bien se faire oublier. Elle me regarde sans arrêter son regard sur le
mien, puis se dirige très vite vers un coin de la pièce. Nous mettons
délibérément un certain temps à choisir les chaises qui nous seront
nécessaires, ni trop hautes ni trop basses. Elle prend la sienne et attend.
Elle me semble se préparer au pire... Je ne sais pas en quoi il consiste
alors pour elle, peut-être en ce que « je lui pose des questions qu’elle
ne sait même pas1 ». Ses gestes, son attitude trahissent beaucoup
d’anxiété, et en perspective une relation d’examen délicate.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

De fait, elle paraît par instants une fillette plus jeune que l’âge qu’elle
déclare, plus jeune et plus vulnérable. Si elle pouvait se cacher, jouer à
me perdre plutôt qu’à se plonger dans les épreuves, nul doute, ce serait
le bonheur.

1. Une expression empruntée à un enfant cité par Serge Boimare, in L’enfant qui a
peur d’apprendre, Dunod.

227
Observations avec le WISC-V

Observation selon la séquence des dix épreuves

Après l’inscription des premières données sur les feuilles de protocole,


les Cubes étalés devant Martha pour lui présenter la première épreuve
semblent d’abord des objets étranges : mes mots pour les décrire, « faces
rouges », « faces blanches », n’appartiennent pas à son vocabulaire.
Elle est anxieuse, hésite à toucher ces objets sur mon invite. Elle
s’interroge aussi sur la face qu’elle doit prendre en compte, celle du
dessus, délaissant les autres. Sa bonne volonté se heurte à ce que je
lui impose comme seule réalité à considérer pour l’exercice. Disons-le
autrement, les règles d’utilisation des objets ne sont pas d’emblée
accessibles à l’enfant. Nous engageons donc l’exercice dans une ambiance
malaisée, cependant elle accepte la suite. Le premier item administré
est bien réussi, mais la première erreur apparaît sitôt après, dès l’item
17. Martha, 9 ans et demi

4. Nous revenons en conséquence sur les premiers. Ils sont réussis, mais
elle a bien perçu que nous sommes revenus en arrière. L’item 5 est réussi
immédiatement. Les suivants sont tous manqués, ce qui paraît dû au
fait que les contours de chaque cube ne sont plus représentés comme
tels. Martha est très sensible à l’absence soudaine de ces traits internes
qui soutenaient ses constructions jusqu’ici. Une seule ligne organise son
espace désormais, elle aligne les 4 cubes à l’horizontale, comme sur la
ligne d’un cahier, sans revenir au modèle qu’elle se refuse à considérer.
L’anxiété du départ est bien présente, elle n’a pas cédé. Et ce que nous
percevons à la fin de cette épreuve a tout l’air d’un rapport de force,
par lequel elle va résister à ce que nous lui imposons, un modèle qui ne
se laisse pas circonscrire par elle. Le refus du regard vers le modèle est
patent. L’attention que nous requérons pour la bonne tenue de l’épreuve
est alors au niveau zéro.
La seconde épreuve, les Similitudes, poursuit dans la même veine.
L’exemple proposé n’est pas bien traité, elle cherche sans le trouver
le terme qui réunirait idéalement les deux objets cités, des objets
mathématiques. Par la suite, pour la même raison, nous serons
régulièrement en dessous du meilleur niveau de réponse attendue de
l’enfant. Elle paraît saisir intuitivement le rapprochement demandé qui
permettrait de traiter ces objets selon une certaine proximité, mais
manque tout à coup du vocabulaire élémentaire, pour des réponses

228
Observations avec le WISC-V

qu’elle dit avoir « au bout de la langue » les mots ne viennent pas


opportunément.
Les Matrices n’amènent rien de neuf dans la qualité de relation nécessaire
à l’examen, ni dans le niveau d’engagement de l’enfant dans l’épreuve.
J’insiste sur la consigne, je laisse un court moment en suspens après
chaque item pour l’inciter à prendre le temps de regarder. Mais le meilleur
niveau de fonctionnement ne me semble pas atteint alors. Le regard
glisse parfois un peu vite sur les images, cependant que le sens de
lecture – et donc d’analyse – est respecté.
Tout change à partir de la quatrième épreuve de l’examen, pour (ou
par) l’épreuve de Mémoire des chiffres. C’est à partir d’elle que nous
« sentirons » une meilleure qualité de présence de l’enfant. C’est assez
inattendu, de fait, chez une fillette réputée peu attentive. Tout au
long de cette épreuve, et à travers ses deux variantes ajoutées, chiffres

17. Martha, 9 ans et demi


à rebours puis chiffres remis dans l’ordre canonique, Martha est très
présente. Nous ne sentons pas les décrochements caractéristiques des
enfants qui alternent les moments de présence et d’absence au long du
test – que nous considérons, par cette discontinuité, comme typiques
des troubles d’attention.
Tout au contraire, Martha est bien présente, concentrée, et les moments
où elle a le plus de mal sont logiquement ceux où l’épreuve devient
plus difficile. Elle est alors effectivement confrontée à une demande
actuellement hors d’atteinte.
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Au total, le moment de rapprochement mental sollicité par le test de mémoire des


chiffres entre celui qui énonce et celui qui écoute pour répéter agit très positivement
sur la qualité de la relation. Martha est plus proche, davantage mobilisable, et
n’appréhende plus ce qui va venir comme quelque chose qui serait définitivement
hors de sa portée.

Nous devons à ce moment noter un fait tout à fait remarquable, qui est
un meilleur niveau de réussite dans la troisième partie de l’épreuve de
Mémoire des chiffres. Elle est à nos yeux, mais pas aux siens, la plus
difficile. C’est le moment où nous demandons à l’enfant de remettre
les chiffres dans l’ordre canonique, une activité qui répond on ne peut
mieux au vague désarroi qui nous a accompagnés jusque-là. Il y a alors

229
Observations avec le WISC-V

un ordre entre les chiffres, qui s’impose également aux partenaires de la


relation d’examen. Il est possible que cela ait joué favorablement, une
erreur commune consistant pour l’enfant en quête d’ordre à répéter les
chiffres, non dans l’ordre énoncé, mais dans l’ordre de la suite numérique.
Nous devrons nous y arrêter plus loin, lors de l’analyse portée au niveau
de l’item.
Dans l’épreuve de Code, elle est tout de suite bien mobilisée. La recherche
est méthodique, elle parvient raisonnablement à copier quelques signes
mémorisés au fur et à mesure de sa progression dans le test. Mais la
réalisation est brouillonne, les signes sont tracés d’une main malhabile,
et elle s’accommode d’approximations dans les tracés. Elle montre qu’elle
veut mener la tâche à bien, au détriment de la qualité d’écriture. Aucune
erreur, elle reste bien mobilisée.
L’épreuve verbale Vocabulaire, qui suit n’est pas un moment de franche
17. Martha, 9 ans et demi

détente, les mots manquent souvent à l’appel pour mieux répondre aux
besoins de l’enfant, sa syntaxe est approximative, elle ne procède pas
à une recherche pour compléter spontanément une réponse dont elle
perçoit pourtant qu’elle est insuffisante. Ce que nous recueillons reste
de fait du meilleur niveau possible pour elle, sur ce type d’épreuve et à
ce moment.
Martha nous semble plus accessible dans les trois subtests qui suivent.
Ils se présentent tous trois sous l’aspect de jeux avec des objets non
verbaux, comme des tests de passation rapide et enlevée. Cependant la
mobilisation de l’enfant dans les tests peut être bien différente de l’un à
l’autre. L’épreuve des Balances, suscite bien son intérêt. Elle comprend
vite le sens de l’appareil, ce qui se lit à gauche, ce qui doit se lire à
droite. Je découvre l’épreuve avec elle, l’intérêt est partagé. Cela suffit-il
à expliquer le bon niveau de réussite ?
Nous ne le pensons pas. Il peut y avoir, et nous l’avons senti dans
cette occasion, un plaisir à trouver, au terme d’un certain plaisir de
fonctionnement mental.
Le comportement de l’enfant est bien différent dans le test qui suit,
Puzzles visuels. Dans celui-ci, la lassitude survient assez vite. La consigne
est comprise, mais il y a un moment de flottement où Martha n’est
plus vraiment présente. Certains items la ramènent au test, d’autres la
déçoivent et manquent à mobiliser son attention. Nous restons au plus

230
Observations avec le WISC-V

près des problèmes posés en attendant pour la présentation de chaque


nouvel item de « sentir » sa présence réelle. En soi, cette manière de
faire n’est pas neuve, nous la pratiquons sans nous y arrêter dans les
conditions usuelles. Seulement ici, il faut insister par la tonalité de
nos interventions. Cela n’empêche pas la lassitude à terme, mais cela
contient, dans des limites non péjoratives, la désorganisation qui point.
Le passage par l’épreuve des Puzzles visuels marque un moment difficile
pour l’attention de l’enfant, un troisième moment de flottement que
l’on prendrait aisément pour l’expression de la fatigue. La réussite
est aléatoire, comme l’intérêt de l’enfant pour ce que je lui montre.
L’analyse est refusée, Martha maintient l’objet à une certaine distance,
les erreurs se succèdent sans ordre décelable : la première erreur survient
dès l’item 9, et les suivantes marquent la discontinuité dans la qualité
de présence mentale de l’enfant. Le matériel est considéré de loin, la

17. Martha, 9 ans et demi


distance ainsi créée avec lui concourant au brouillage qu’elle nous paraît
entretenir dans sa perception des détails. La concentration n’est plus là
que sporadiquement.
C’est dans l’épreuve de Mémoire d’images que Martha se retrouve le
mieux. Là elle soutient bien le rythme de la passation, et tend même
pour la dernière de ces épreuves à prendre le contrôle de la situation
et du rythme de la passation. Nous sommes à ce moment sur l’épreuve
qui lui réussit le mieux, mais nous ignorons si la nature de l’épreuve a
amené la détente, ou si la détente a facilité la tâche.
C’est donc dans une épreuve où les objets sont clairement distincts les uns
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des autres que Martha réussit le mieux. Plus de risque de brouillage


conduisant à l’indistinction, les différences sont entières, leur nom
(L’enfant nous dit qu’elle s’est appuyée sur les noms pour le rappel)
et leur ordre d’apparition, référé à la lecture de gauche à droite. Remettre
en ordre est précisément ce qu’elle cherche à réaliser. Pour comble les
objets sont des objets entiers et dessinés, et non plus comme pour
l’épreuve précédente des fragments. Ils ne sont pas soumis à l’analyse,
ils doivent être retrouvés. Tout concourt dans cette épreuve au mieux
de ce dont l’enfant à besoin.
L’épreuve des Symboles renouvelle ce que nous observions dans le Code.
Une bonne volonté manifeste, dans un climat de réussite approximative.

231
Observations avec le WISC-V

Les étapes dans le processus de la rencontre et de


l’observation

Nous pouvons maintenant reconsidérer le processus d’examen de manière


synthétique, en identifiant de possibles étapes dans le processus, les
moments où quelque chose change dans la qualité d’engagement de
l’enfant. Le cas échéant nous leur donnons un titre.

! Moment difficile, le début du test


Tout semble étranger à Martha, le matériel qu’elle n’ose toucher, les
mots, les demandes, et moi aussi bien sûr. Elle évite de regarder ce qui
la met en difficulté, son attention est absente à moi, elle refuse de
regarder ce que je lui montre. Elle n’entend pas la consigne, la posture y
17. Martha, 9 ans et demi

est, mais elle n’entend pas. L’anxiété déborde, elle n’est visiblement pas
là. Elle trouve une restauration de courte durée, quand nous revenons
en arrière dans l’échelle, vite annulée.
Ce moment difficile dans les cubes se prolonge dans l’épreuve verbale
des similitudes. Quoique le résultat soit un peu mieux « tenu » dans
ce test, l’enfant paraît accuser sa difficulté à trouver le mot juste, qui
lui manque, lui fait défaut à ce moment. Quand cela survient, elle finit
par se contenter d’une réponse approximative, en sachant que ce n’est
pas cela. Ce phénomène est moins criant dans les matrices – bien que
là aussi, mais intuitivement, l’enfant sache le cas échéant quand sa
réponse est la bonne. La qualité de son engagement dans le test est
sensiblement la même, elle se tient à distance d’un matériel, mot ou
objet, étranger et persécuteur a minima parce que facteur d’échec. Ce
qu’elle vérifie.

! Mémoire des chiffres : attention et mémoire mobilisées


Curieusement, et contre toute attente, la mobilisation de l’enfant dans
l’épreuve de mémoire des chiffres est le bon moment. Tout change,
malgré des résultats qui ne sont pas encore excellents. Tout change
dans l’attitude de Martha. Je lui demande d’écouter, elle écoute. Je
lui demande de répéter, de les dire à rebours, de les dire dans l’ordre
canonique, elle s’exécute. il n’y a aucune opposition sensible lors de

232
Observations avec le WISC-V

la conduite de cette épreuve. Martha joue le jeu. Elle fait alors la


démonstration qu’elle peut répéter une suite de 5 chiffres dans l’ordre
énoncé, et une suite de 4 chiffres en ordre inverse, et elle est aux anges
quand elle peut jouer à les remettre dans l’ordre canonique. Elle nous
rappelle alors à l’ordre – c’est comme ça que nous entendons le retour à
la suite canonique des chiffres - elle n’est donc plus désorientée comme
elle l’était au départ.
Ce mieux-être dans la passation se poursuit dans les trois épreuves qui
suivent, Code, Vocabulaire, et Balances. Code n’est pas ce qu’elle préfère,
mais elle s’y prête gentiment, car elle veut être gentille, c’est patent. Le
ton est enjoué, mais démenti par le temps mis pour le tracé de chacun
des signes. Son écriture me semble maladroite, « cabossée » a minima
aurait dit Auzias.

17. Martha, 9 ans et demi


Le ton ne change pas dans le vocabulaire. Si j’attends après une première
réponse approximative, elle poursuit et répond une seconde fois par une
réponse de niveau catégoriel. Elle trouve enfin le moyen de confirmer
ses bonnes dispositions dans les Balances : là, elle sait que j’attends
d’elle qu’elle réussisse, elle réussit. Comme si, sans en rien dire, nous
avions passé ensemble un accord tacite, cela devait fonctionner. Il n’y
a pas d’explication à cela, nous n’avons rien verbalisé, mais je remarque
une ambiance d’accord. Pas de lassitude à cet instant.

! Puzzles visuels, rupture et brouillage


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Après une remise en selle qui voit l’équilibre dans la relation s’améliorer,
l’épreuve qui se présente en N°8 ne lui plaît pas vraiment. S’il n’y avait
pas eu l’amélioration notée après Mémoire des chiffres, le décrochage
aurait été plus important. Elle se prête cependant à l’épreuve des puzzles,
mais son expression a changé. Elle semble faire un choix parmi les items,
elle sait par avance l’image et la construction qui lui ira et celle qui ne
lui ira pas. Elle la rejetterait facilement cette épreuve, si elle en avait le
loisir. Elle se laisse guidée, mais n’y est pas. Les images qui lui résistent
sont celles dont le contour lui échappe, et dont la forme distingue mal
les fragments l’un et de l’autre. Alors le brouillage s’impose. Aussitôt
elle l’écarte.

233
Observations avec le WISC-V

! Mémoire des images, remise en ordre après le brouillage


Je retrouve l’enfant qui s’était égarée dans l’épreuve précédente.
Maintenant, on lui demande de montrer dans l’ordre ce qu’elle a
précédemment tenté d’identifier et de retenir, en procédant de gauche
à droite, elle excelle dans l’exercice. Martha est pleine d’enthousiasme
dans cette épreuve. Elle la réussit si bien qu’elle manque de me perdre
en cours de route, j’ai à peine le temps de noter les réponses, en tout
cas pas celui de réfléchir en même temps qu’elle. Elle tente alors d’être
celle qui décide du moment où l’on tourne les pages. L’enthousiasme
ne tombe pas pour la fin du test, mais nous tournons un peu « en roue
libre », c’est-à-dire sans trop d’effort pour la dernière épreuve, l’essentiel
a été dit.
17. Martha, 9 ans et demi

Premiers constats

! Amélioration avec le temps de la qualité de présence


de Martha

L’amélioration de la qualité de relation très sensible de la première


à la dernière épreuve du test. Avec elle, la qualité de présence (ou
d’attention) dans la relation d’examen progresse à mesure. Dans ces
conditions, l’analyse au niveau des épreuves devra prendre en compte une
réalité première : la qualité de l’engagement de l’enfant dans l’examen
est très variable selon le moment dans le processus de la rencontre. Le cas
échéant, il peut y avoir des différences importantes dans les niveaux de
réalisation, induites par la nature des épreuves, mais considérablement
amplifiées par la manière dont l’enfant prend à ce moment ses distances
avec le stress de testing.

! Malaise relatif dans les épreuves verbales


Les épreuves verbales de type question/réponse s’accompagnent d’un
malaise relatif, exprimé par une certaine opposition consistant à se
contenter de la première réponse venue. Peut-être, puisque nous sommes
alors comme face à un jeune enfant, parce que les rôles entre elle et

234
Observations avec le WISC-V

l’adulte y sont définitivement distribués, non interchangeables, nous


ne réfléchissons pas ensemble à un même problème présenté sous nos
yeux. Je pose les questions et je détiens les réponses, et les « bons
points ». Ces épreuves sont celles que l’on considère comme scolaires,
au sens très péjoratif du terme, qui assujettit le plus l’enfant à un
setting singulier, peu avantageux pour lui au stade du développement
psychoaffectif défini comme le stade phallique – un moment qui peut
durer ou réapparaître souvent, marqué par une séparation draconienne
dans l’esprit du jeune (ou du moins jeune) entre deux pseudo-réalités
exclusives l’une de l’autre ; la grande question à cet âge est « en avoir
ou pas ».
Pour les trois épreuves non verbales de la seconde partie du test qui se
suivent, la dissymétrie relationnelle est là, bien sûr, mais nous regardons
ensemble ce qui est exposé et la contrainte à la bonne réponse y est

17. Martha, 9 ans et demi


moins scolaire. Ce pourrait être une explication simple au changement
sensible dans l’attitude de l’enfant au cours des tests. Elle est en tout
état de cause en attente d’autres éléments issus de l’analyse pour la
confirmer.

! Sur l’hypothèse TDA/H


Il est à noter que l’examen sur dix subtests a été de passation
relativement longue, nettement plus d’une heure. Quoi qu’on en pense,
nous ne doutons pas qu’il puisse être réalisé plus vite par des gens plus
pressés que nous l’avons été. L’important était au départ de considérer la
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

fatigue générée chez l’enfant par cette situation peu usuelle consistant
à être seule face à l’adulte. L‘habitude prise avec la classification
DSM pour les troubles d’attention consiste à les considérer ensemble
avec d’autres troubles qui affecteraient la psychomotricité. Il est
alors question d’hyperactivité, celle-ci décrivant aujourd’hui, en partie,
l’instabilité psychomotrice. Dans les cas d’instabilité psychomotrice, on
note fréquemment la fatigabilité, une lassitude survenant rapidement
à chaque nouveau matériel Ces enfants se montrent fatigables, ils se
lassent rapidement et passent très vite d’une activité à l’autre. Dans ces
conditions :
• Tenir le temps qui nous a été nécessaire pour passer les dix épreuves
principales du test ;

235
Observations avec le WISC-V

• Faire une seule expérience de lassitude manifeste et réitérée dans une


épreuve qui doit être considérée dès lors pour ce qu’elle recèle de
particulier – les puzzles ;
• Présenter un relevé des réponses dans lequel n’apparaissent pas des
surprises (en termes d’échec autant que de réussite) entre les niveaux
de réussite dans un même subtest ;

Ceci nous autorise à écarter l’hypothèse d’instabilité avec Hélène. Elle


peut se lasser à l’occasion, mais sur un matériel bien identifié, face à
une activité qui la met en difficulté.
Et a fortiori, d’écarter l’hypothèse de trouble TDA/H au sens d’une
association forcée entre trouble d’attention et trouble d’instabilité.
L’enfant peut se tenir longtemps à une tâche, ce qui ne signifie pas qu’il
n’y a pas, ici et là de possibilité de relâchement ou d’évasion, mais c’est
17. Martha, 9 ans et demi

autre chose, nous y reviendrons.

! Sur le besoin d’étayage propre à l’enfance


Martha a montré, à travers le processus d’examen, qu’elle tirait le
meilleur profit d’une proximité mentale avec l’examinateur. Bien plus,
elle la cherche, et nous montre qu’elle constituerait une condition
au meilleur niveau de mobilisation de l’enfant. Le meilleur niveau de
mobilisation a été obtenu sans difficulté dans les épreuves nécessitant la
plus grande proximité mentale, et la soumission aux règles changeantes
du jeu proposé par l’adulte. Sous réserve que le test le permette, et c’est
le cas dans les deux épreuves de mémoire, l’attention est de très bon
niveau... Et l’enfant n’a pas alors de trouble de mémoire immédiate.

! Sur la discontinuité dans les niveaux de mobilisation


Nous avons noté des changements dans le cours de la passation, quant
à la qualité de présence de l’enfant. Ces changements affectent des
épreuves particulières, en positif ou en négatif. Ils n’interviennent pas
au cours d’une même épreuve, alternant par exemple présence et absence
mentale au fil du test.
Les changements dans le cours de la passation concernant des subtests
en totalité, il est raisonnable de penser que la nature des épreuves a

236
Observations avec le WISC-V

affecté la qualité de l’attention de l’enfant. Ce n’est donc pas l’attention


qui est en cause, mais la nature des problèmes posés qui mettent l’enfant
en difficulté et changent sa manière d’aborder la tâche.
Le résumé de la rencontre en dix épreuves nous permet d’identifier des
moments charnières où le comportement change, C’est sensible dans la
manière de faire de l’enfant et souvent simultanément dans le rendement
au cours de l’épreuve. Certaines apparaissent neutres, ce ne sont pas
celles-ci qui commandent le changement. C’est le cas des épreuves de
Code et Symboles. La fillette se comporte comme si elle n’avait tout
simplement pas entendu la consigne de rapidité. Seule l’exactitude
compte.

Résultats et analyses

17. Martha, 9 ans et demi


Les notes portées sur le tableau ci-contre sont les notes brutes et leur
conversion, les notes standard, dans l’ordre de la passation. Elles peuvent
être lues à la lumière de ce qui vient d’être dit sur le comportement de
l’enfant au cours de l’observation.

! Traits majeurs
Le QIT, est de 91
Ce QIT est déterminé par les notes de
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Similitudes (8), Vocabulaire (11), Cubes (4), Matrices (9), Balances (11),
Mémoire des chiffres (9), et Code (9), pour un total de 61.
Il nous paraît péjoratif, en ce qu’il rend mal compte des efficiences de
l’enfant.
L’efficience de la fillette apparaît subnormale.
Première évidence, une épreuve grève les scores. C’est l’épreuve des
Cubes.
Les Cubes concourent à la détermination de l’indice Visuospatial, IVS
avec l’épreuve des Puzzles visuels.
À l’opposé, dans le champ des meilleurs scores, nous retenons l’épreuve
de Mémoire des images : une note standard de 15, qui amène l’indice de

237
Observations avec le WISC-V

Tableau 17.1.

Subtests Note Note Standard


brute

Icv Ivs Irf Imt Ivt

1 Cubes 10 4

2 Similitudes 17 8

3 Matrices 16 9

4 Mémoire des Chiffres 20 9

5 Code 34 9

6 Vocabulaire 25 11

7 Balances 21 11

8 Puzzles visuels 13 9
17. Martha, 9 ans et demi

9 Mémoire des images 37 15

10 Symboles 14 8

11 Information

12 Séquences Lettres-Chiffres

13 Barrage

14 Compréhension

15 Arithmétique

Sommes notes standard 19 13 20 24 17

Note Composite Icv Ivs Irf Imt Ivt


98 81 100 112 92

Rang percentile 45 10 50 79 30

Mémoire de travail à 112. 20 % seulement des enfants de cet âge dans


l’échantillon font mieux. Tandis qu’ils étaient 80 % pour l’indice IVS.
Sur le strict plan des indices retenus pas les concepteurs du test, il paraît
légitime d’analyser les données en procédant à une comparaison des
efficiences selon les Indices – censés représenter des niveaux d’efficience
concernant des aptitudes différenciées.

238
Observations avec le WISC-V

Un autre trait milite en faveur de cette démarche, le peu d’écart entre les
notes standard concourant à l’évaluation du même indice. Nous le notons
pour les trois autres indices, Compréhension verbale, Raisonnement
fluide, et Vitesse de traitement.

L’indice VisuoSpatial

La note pour l’indice Visuospatial, guide nos premières hypothèses. Rien


de plus légitime, ce n’est pas parce qu’il indique le plus bas niveau de
réalisation de la fillette. C’est parce qu’il paraît sujet à caution, une
sorte d’accident dans la passation des épreuves, qu’il faudrait donc
écarter de nos réflexions. Cette tentation à ne pas prendre en compte

17. Martha, 9 ans et demi


l’indice visuospatial du fait d’une seule épreuve, les Cubes, est une très
mauvaise conseillère.

Reprenons à partir d’eux. Si les Cubes sont le lieu d’un échec, alors ils
nous renseignent sur la profondeur des régressions dans le comportement
de l’enfant quand elle est dans une impasse.

! L’évitement dans les Cubes

Là, dans les Cubes, elle est tout de suite en difficulté. Elle est désorientée,
avons-nous noté ci-dessus. Elle n’ose pas prendre les pièces, l’anxiété
est presque palpable. Elle se comporte comme si elle n’avait jamais
rencontré de cubes de sa vie, ce que nous ne croyons pas. L’attitude
générale est celle du refus, une attitude par laquelle elle n’entend rien
de ce que lui dit le psychologue, et évite de regarder ce qu’il montre.

Du point de vue de la problématique de l’attention nous avons noté


que nous étions au niveau zéro de l’attention, ce n’est pas tout à fait
vrai. Nous sommes face au premier stade, qui serait chez l’enfant la
capacité à porter son regard sur ce qui lui est montré, autrement nommé
« attention conjointe ». Une attitude de ce genre constitue une impasse
absolue dans les tests, Martha montre qu’elle en est capable.

Bien entendu, cela n’est pas satisfaisant pour elle, et nous notons qu’il
est urgent de trouver pour elle le moyen d’être en confiance, mais
comment ?
239
Observations avec le WISC-V

! Revenir sur un palier inférieur


Une tentative de restauration est permise par le test, qui commande le
retour au début de l’épreuve jusqu’à obtenir deux réalisations parfaites
pour deux items consécutifs. Le retour en arrière dans l’épreuve, permet
parfois d’aider l’enfant à recoller à ce que lui est demandé, de retrouver
un meilleur palier de fonctionnement. Nous le faisons, cela fonctionne,
sur deux items. Et brusquement, quand il semblait possible de reprendre
place dans l’épreuve, un nouvel échec a relancé l’anxiété face au matériel.

! Nouvelle difficulté, la disparition des axes organisateurs

À l’analyse, ce qui distingue cet item des précédents est la disparition


des axes internes. Ce que nous nommons les axes internes à la figure
17. Martha, 9 ans et demi

présentée sont les contours des cubes. La fillette est désorientée quand
les contours permettant de visualiser les axes qui unissent les arêtes
des cubes ne sont plus figurés. Et nous constatons que lorsque les axes
disparaissent, elle ne peut les y remettre mentalement.
Sur des cubes réunis par 4, en réalisant un carré, les axes internes sont
les médianes horizontales et verticales. La représentation de ces axes
survient à un certain niveau de réalisation de la tâche. C’est une difficulté
propre à l’épreuve. Ce qui est alors demandé à l’enfant, implicitement,
est de recourir à une projection des coordonnées spatiales organisant
l’espace de représentation graphique. Ici elles font défaut.

! Confirmation d’une problématique : organisation


de l’espace de représentation graphique dans les Puzzles

L’Indice VisuoSpatial est déterminé par deux épreuves, Cubes et Puzzles


visuels. Si des difficultés affectant l’organisation de l’espace graphique
s’expriment nettement dans l’épreuve des Cubes, nous devrions en
retrouver l’expression dans les Puzzles visuels. La note standard de 9 sur
cette épreuve, telle que, dément ce qui est apparu dans les Cubes. De
fait, nous ne retrouvons pas les difficultés dans la globalité d’un chiffre,
mais dans le comportement de la fillette. Nous avons remarqué les signes
de lassitude manifeste chez l’enfant qui trahissent ses difficultés. Mais
nous sommes dans la septième épreuve de notre batterie, et la relation

240
Observations avec le WISC-V

avec le psychologue a changé dans ses expressions. Elle manifeste sa


lassitude, je la note sur ma fiche par trois fois, peut-être ai-je verbalisé
quelque chose de cette fatigue ? En tout état de cause, je suis plus
proche.

! Une recherche d’étayage qui touche son but


C’est à peine visible, mais c’est une certitude pour elle. Alors, elle
n’abandonne pas comme elle l’avait fait tout au début dans les Cubes.
Elle poursuit et se réassure sur ma présence qui participe de l’étayage
nécessaire. C’est à ce prix que les difficultés sont dépassées, même
si nous avons senti le malaise de bout en bout. C’est une donnée
intéressante, en ce qu’elle pourrait apporter une solution aux difficultés
éprouvées ailleurs, nous y reviendrons. En raffermissant la présence

17. Martha, 9 ans et demi


du psychologue par ses expressions de lassitude, l’enfant raffermit sa
propre position dans la relation. Elle ne pouvait plus se laisser aller à la
régression, et elle a pu s’armer de courage pour affronter ce qui, sans
cela, pouvait lui paraître un pari impossible1.

L’indice Raisonnement fluide

L’indice Raisonnement fluide est en rapport avec le chiffre global pour


l’ensemble des épreuves. Il n’y aurait de ce point de vue pas grand-chose
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à en dire, si ce n’est s’étonner d’un écart entre la note standard des


matrices et la note standard des balances.

1. Disons-le un peu vite, en nous réservant de revenir sur cette question : la possibilité
pour l’enfant de partager l’espace de représentation en deux demi-espaces utilisant la
verticale renvoie à un moment du développement auquel la position phallique prend
tout son sens. L’objet dressé si fréquent dans les dessins enfantins à cet âge a pour
objet d’isoler les demi-espaces. Au début, il les sépare absolument. Avec le temps
la séparation deviendra plus perméable dans la mesure où la différenciation gauche
droite prend le relais de l’exclusion. Cela évolue avec l’évolution de la représentation
du couple parental dans la psyché. Dans le cas d’Martha, ce qu’il lui a fallu trouver de
ressources pour penser les puzzles l’a encouragée à prendre appui sur le psychologue
comme objet phallique. On pourrait le dire plus simplement pour ceux auxquels ces
références sont étrangères.

241
Observations avec le WISC-V

De fait son attitude est différente de l’une à l’autre, les matrices sont
passées dans la première partie d’examen, les balances viennent plus
loin. Mais avec ce que nous venons d’écrire, nous pouvons trouver une
autre explication au meilleur rendement dans les Balances. L’axe médian
est donné. L’essentiel de l’épreuve porte sur une comparaison entre la
gauche et la droite, ce qui répond très exactement à ce dont elle a
besoin. Pas de nécessité de projection d’un axe vertical interne, il est
là, donné par construction, il est là pour séparer et livrer une égalité
nécessaire entre la gauche et la droite.
Le bon score dans cette épreuve montre par ailleurs qu’à ce stade de la
passation, l’objet nouveau n’est plus celui qu’il faut éviter.
Notons enfin qu’il est heureux que le concepteur du test ait cette fois
distingué parmi les épreuves non verbales celles qui mettent à l’épreuve
l’organisation de l’espace de représentation et celles qui éprouvent
17. Martha, 9 ans et demi

les aptitudes à aborder fructueusement des situations nouvelles. La


différence entre les notes d’indices en témoigne, dans l’observation
d’Martha.

L’indice Compréhension verbale

Similitudes et de Vocabulaire interrogent l’attention de l’enfant de


plusieurs manières. Pour le dire vite, par exemple : une réponse rapide,
brouillonne, ne traduisant pas le meilleur niveau de fonctionnement
de l’enfant peut être identifiée par son enseignante comme un manque
d’investissement, un signe de refus, voire d’abandon d’une tâche donnée.
Il n’aura, aux yeux de l’enseignante, pas fait attention à ce qui lui est
demandé. C’est une manière de considérer ce que peut être le manque
d’attention d’un enfant. Elle est identifiée sous cette forme dans le
DSM-IV, parmi les critères diagnostiques du trouble d’attention chez un
enfant1 .

1. Citons par exemple le critère (f) du trouble d’attention : « Souvent évite, a en


aversion, ou fait à contrecœur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu
(comme le travail scolaire ou les devoirs à la maison) » (American Psychiatric
Association, Mini DSM-IV-TR, Critères diagnostiques, (Washington DC, 2000) Trad
française J.D. Guelfi et al, p.66, Paris, Masson).

242
Observations avec le WISC-V

Ici, dans l’observation, la fillette est présente, elle entend les questions.
Cependant, nous identifions bien des moments critiques où elle déclare
simplement forfait : elle ne sait pas, et beaucoup d’autres moments où
la première réponse insuffisante – qu’elle sent insuffisante – n’est pas
complétée ni corrigée. L’impression est celle d’un relatif bâclage, ou
d’un retrait face au travail qui s’imposerait à elle.
La première lecture de cette conduite est celle du trouble d’attention
du DSM.
On peut cependant aller un peu plus loin et remarquer qu’elle ne refuse
pas la tâche, mais se plaint que les termes qu’elle cherche lui manquent,
ils ne se présentent pas à son esprit. Elle substitue alors, à ce qui lui
fait défaut, des réponses franchement régressives, où les « trucs » et
les « quelque chose » valent pour tout.

17. Martha, 9 ans et demi


Une autre réalité impose de poursuivre autrement l’interprétation, c’est
la comparaison avec l’épreuve de Vocabulaire. Il y a trois points standard
d’écart entre deux épreuves qui ne sont pas si différentes. Comment
l’expliquer ?

! Ce qui réunit les épreuves de compréhension verbale


L’attention de l’enfant est impliquée par d’autres voies. Ce qui nécessite
de repartir de l’essentiel des épreuves considérées.
L’indice Compréhension verbale réunit les épreuves de Similitudes et
Vocabulaire. Mais elles sont réellement proches :
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• Elles sont proches dans leur réalité immédiate, qui est d’être portées
par la parole.
• Elles sont proches aussi parce qu’elles exigent du langage en
compréhension et en expression, pratiquement dans les mêmes termes.
• Elles sont proches encore par l’exigence implicite de réponses
catégorielles. La meilleure réponse est la plus courte, quand elle
catégorise efficacement les objets nommés. La réponse catégorielle
attribue deux points à l’item, contre un seul point à la réponse
descriptive.

Similitudes et Vocabulaire sont aussi par leur forme et dans leur fond
les épreuves les plus scolaires de la batterie. L’examinateur pose des

243
Observations avec le WISC-V

questions dont il possède les réponses à l’enfant qui fait l’expérience


d’une dissymétrie bien réelle dans la relation, exagérant même ce qu’il
connaît à l’école puisque l’adulte est là face à lui seul.
De ce point de vue, les épreuves de Compréhension verbale sont
susceptibles de nous livrer davantage qu’un chiffre d’efficience verbale :
• Les conditions de son meilleur fonctionnement,
et davantage encore :
• De la distance à laquelle il se tient des exigences propres à l’école.

Il est intéressant à ce titre de se demander si la note obtenue est


vraiment représentative d’un niveau certain sur le plan du lexique, ou si
c’est l’attitude vis-à-vis de la catégorisation qui est ici représentée. La
catégorisation est l’appel à la culture scolaire par excellence, Vygotski
17. Martha, 9 ans et demi

et Luria l’ont démontré il y a longtemps (Étude menée en Ouzbékistan


dans les années trente).
La comparaison entre les deux épreuves, Similitude et Vocabulaire,
permet d’inférer que c’est bien la distance que prend l’enfant vis-à-vis
du jeu scolaire qui s’illustre dans le mauvais score des Similitudes. En
effet, après un changement de l’attitude de l’enfant pendant le test,
donc après un certain temps pendant lequel elle commence à se rassurer
sur la relation et ses capacités à y répondre, elle trouve plus vite, plus
sûrement le mot qui lui permet d’apparenter le nom d’un objet à sa
catégorie la plus propre.
Nous voyons alors que ce qui dominait dans les attitudes pour les
Similitudes a disparu à 30 minutes de là, au profit d’une attitude de
meilleure coopération : elle prend le risque de répondre incomplètement,
elle prend le risque et le temps de livrer une seconde réponse...
Ce qui domine l’indice Compréhension verbale, en résumé, est la grande
variabilité des niveaux de réponse, la pire régression n’est pas interdite :
nous ne trouvons pas alors une fillette de bientôt dix ans. L’inverse est
vrai aussi.

244
Observations avec le WISC-V

! Trouble de l’attention ou fluctuation dans les niveaux


de réponse verbale

Pour reprendre sur les deux hypothèses, soulignons que le manque


d’attention, au sens de manque de persévération dans l’effort, sur les
épreuves verbales est complété par une tolérance à fonctionner au plus
petit niveau, auquel se situeraient ses réponses les plus régressives.
Répondre comme un enfant plus jeune n’est certes pas la meilleure
image à présenter de soi. Martha ne s’y refuse pas.
Pour pondérer un score qui n’est pas représentatif du meilleur niveau
possible de l’enfant, nous avons invoqué l’anxiété très vive de Martha
dans la situation d’examen. Le complément à cette observation est que
cette anxiété peut être assez facilement tenue en lisière quand elle
trouve le moyen de réassurer la sollicitude de l’adulte à son égard. Le

17. Martha, 9 ans et demi


meilleur niveau de fonctionnement est alors possible, et bien conforme
à la réalité de son âge.

L’indice Mémoire de travail

Ce quatrième indice est déduit des scores dans deux épreuves, Mémoire
des chiffres, Mémoire d’images. Il est le plus élevé des cinq pour Martha.
Cette réussite nous surprend. Elle paraît paradoxale.
En effet, nous demandons dans ces deux tests de rappeler, pour la
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première, des nombres dans l’ordre énoncé (puis l’ordre inverse, puis
l’ordre croissant), pour la seconde, rappeler en les montrant, les images
dans l’ordre gauche-droite où elles ont été lues.
Ce qui signifie que le premier accord entre l’enfant et nous est bien qu’il
prête la plus grande attention à ce que nous lui demandons.
Ce sont donc des épreuves de mémoire, mais avant d’être épreuves de
mémoire, des épreuves d’attention par excellence. Rien d’autre sur la
table ou dans l’espace pour rappeler les chiffres et les images que ce
que l’esprit en a fait !
Bien sûr il ne suffit pas d’entendre pour se souvenir, il y a entre ces
deux moments celui où l’information est engrangée et mise en attente,

245
Observations avec le WISC-V

puis le moment où elle sera restituée. Mais nous ne reprenons pas ce


que nous avons déjà cité, l’accord entre les précurseurs sur le fait de
considérer les épreuves de Mémoire des Chiffres comme de moments où
l’attention de l’enfant est directement dépendante de la qualité de sa
mobilisation par l’adulte.
Les sujets, adultes ou enfants, n’utilisent pas tous la même stratégie pour
répondre de la meilleure manière à ce test. Parfois même les stratégies
peuvent changer en cours d’exercice. Pour rappeler les premières suites,
courtes, de nombre, le simple écho verbal suffit à retrouver les suites
(nommée boucle verbale), parfois l’enfant se répète très vite les suites,
mais en progressant dans la difficulté, il devient plus nécessaire que
la suite soit écrite mentalement, pour être retrouvée comme sur un
tableau. Dans ce cas, ce qui est entendu, puis vu (lu) intérieurement
concourt à la réussite du rappel.
17. Martha, 9 ans et demi

Martha aborde l’épreuve à sa manière, anxieuse. Elle se rassure dès le


premier essai, « c’est facile ». Puis, sans grand effort, nous parvenons
au niveau de difficulté de 4 chiffres, elle se prête au jeu sans faillir,
ainsi que pour le niveau de difficulté suivant. Elle a pris conscience ce
faisant de la difficulté de la tâche. Je lui dis les choses comme si elles
étaient d’une grande importance, en dramatisant (mettant en scène) la
difficulté, sans rien changer aux conditions ordinaires de passation, mais
en lui permettant de croire qu’il s’agit d’une épreuve délicate nécessitant
toute son attention. Je parle lentement, je rappelle son attention à
chaque essai, j’attends quelques secondes... Elle sait que l’exercice lui
demande un effort particulier, mais tout se passe comme si le moment
de cette épreuve était le moment attendu. Elle est alors beaucoup plus
proche, elle ne se barricade plus derrière l’espace qui nous sépare, elle
n’est plus sur le versant de l’opposition ou du refus.
La suite de l’épreuve paraît l’intéresser, elle la réussit au même niveau à
rebours que dans l’ordre initial, et plutôt mieux dans la dernière partie
où elle doit remettre les chiffres dans l’ordre canonique. L’exercice lui
plaît. Elle n’atteint pas des sommets, mais son comportement a changé.
Elle entre maintenant dans le jeu, et j’ai changé de visage.
Ce qui est amorcé avec cette épreuve est complété dans la seconde
épreuve de Mémoire de travail. Le comportement change là encore au
fil de l’exercice. Elle accueille les nouvelles difficultés comme autant

246
Observations avec le WISC-V

de moments où s’engage un nouveau pari, avec le sourire et même une


certaine avidité. Je lui demande en fin d’exercice comment elle s’y est
prise, elle m’explique qu’elle donnait tout de suite un nom aux objets à
rappeler, qu’elle pouvait ainsi garder en tête comme si elle s’entendait
encore les dire.
Je suis épaté par le niveau de réussite dans l’épreuve, d’autant plus qu’il
m’a fallu renoncer à l’exercice de mon côté, dépassé par la difficulté
d’écrire en restant suffisamment présent à l’exercice.
Les deux épreuves se confirment mutuellement, elles sont aux prises
avec une même difficulté. Mais si le rapprochement mental était la clé,
au sens d’une centration sur le même objet et d’un exercice conjoint
sans faille, pour un accompagnement optimum, ce n’est pas le cas dans
les images de mémoire. À ce moment, elle est prise par la rapidité, et

17. Martha, 9 ans et demi


fait de plus en plus vite le rappel. L’excitation est de la partie, on ne
reconnaît pas la petite Martha de la première demi-heure d’examen.
Ce qu’elle présente de particulier est l’utilisation d’une règle : montrer
dans l’ordre où les objets ont été identifiés. La boucle verbale joue à
plein, mais au profit d’une règle qui semble avoir beaucoup de sens pour
Martha, les choses se lisent de gauche à droite.
Nous avons, sous cette forme, une des solutions que l’enfant a trouvées
à ses « difficultés » d’organisation de l’espace. Le sens de la lecture
est venu mettre de l’ordre dans ce qui se présentait au regard. Comme
l’épreuve de Matrices dans laquelle Martha a commencé à s’intéresser à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ce qu’elle avait sous les yeux.

L’indice Vitesse de traitement

L’épreuve de Code est abordée simplement. Elle ne présente pas de


difficultés à l’enfant, sauf une, celle d’écrire vite et bien. Ce n’est pas là
qu’elle réussit le mieux. Son activité est plutôt brouillonne, l’écriture
de certains signes est tout de suite un peu « bancale », ce qu’elle ne
corrige pas malgré mon rappel sur la ligne d’exemple. Ensuite elle s’agite,
comme pour se presser, mais c’est une illusion. Elle est méthodique,
sans grand succès. La vitesse ne nous semble pas être pour elle un

247
Observations avec le WISC-V

enjeu perceptible dans ce test. Nous retrouvons les mêmes réalités dans
l’épreuve des symboles.

Synthèse de l’observation sur les signes d’inattention

Il nous a fallu du temps pour parvenir à une certaine entente implicite


avec l’enfant, en faveur d’une tâche bien menée. Les scores obtenus sur
les premières épreuves sont péjoratifs, au regard des secondes, quand
la franche coopération n’était pas encore de mise.
Les craintes de Martha interdisaient son meilleur niveau de réponse.
Le processus de rencontre a cependant joué positivement, il a conduit
l’enfant à un abord différent des problèmes posés. Le matériel lui-même
17. Martha, 9 ans et demi

permettait de faire l’expérience d’un apprentissage possible sur des


données nouvelles en cours d’épreuve (Matrices en particulier, mais
toutes les épreuves ont cette fonction puisqu’elles sont de difficulté
croissante, graduelle). Les résultats cependant, tels qu’ils ont été
obtenus, avec les difficultés du début, sont les plus représentatifs
de ce qu’une sollicitation comme la nôtre peut produire avec cette
enfant : un moment long pendant lequel elle doit pouvoir se rassurer, à
partir duquel nous aurons une participation plus franche. Les troubles
d’attention doivent être conçus sur cet arrière-plan. Autant dire qu’ils
sont plus manifestes dans la première partie de l’examen, mais mieux
contenus dans la seconde.
Les développements qui précèdent peuvent être ramenés à un même axe
de réflexion et d’observation. La demande d’examen met en question
une problématique de l’attention gênante en classe. Les épreuves du
WISC-V ont été menées sans perdre ce fil.
Ce faisant, nous avons dû nous adapter à des changements importants
dans les expressions des difficultés d’attention. Des cubes aux symboles,
nous avons trouvé quatre expressions d’un « problème » d’attention. Elles
sont parfois contradictoires, ce qui laisse à penser sur les difficultés
propres à notre lexique. Nous les numérotons comme les candidats à un
jeu, par ordre d’apparition dans le test.

248
Observations avec le WISC-V

! Le refus d’attention par le refus de porter le regard


sur ce qui est montré

Cette expression d’inattention est associée à un refus manifeste de


l’enfant, non verbalisé. Nous lui montrons le modèle des cubes, il
regarde ailleurs, malgré les rappels. C’est une manière de ne pas
répondre à la sollicitation du test qui est peu fréquente chez une
enfant qui aura bientôt dix ans, et qui n’est pas déficiente. À ce
moment, le caractère prend le relais, il assume l’opposition plus ou
moins passive. Cette forme de refus d’attention n’aura pas d’autre
occasion de se manifester dans le test. Elle témoigne que les issues
très enfantines sont possibles. En soi, ce n’est pas si péjoratif, même
si cela fait mauvaise impression. Gardons-nous d’aller trop loin dans la
caractérisation psychopathologique, c’est un mécanisme que l’on peut

17. Martha, 9 ans et demi


tout aussi bien trouver dans la vie banale relationnelle de bien des gens.
Ce qu’elle a de surprenant dans la passation d’examen est que cette
attitude est franchement anti-scolaire, contraire aux règles élémentaires
du lieu. Elle laisse à penser sur les rapports que l’enfant noue, ou a
noués et conservés avec l’école.

! Le refus de porter l’attention nécessaire


à l’accomplissement d’une tâche

Cet aspect du trouble d’attention est le plus banal dans un travail


scolaire. Toutes les plaintes des enseignants indiquent le manque de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

travail, le manque de soin, le manque de persévérance... de l’enfant.


Dans l’expérience des tests, cette expression du trouble d’attention
(selon les termes du DSM) a fleuri dans les tests de compréhension
verbale, quand Martha devait aller plus loin que la première réponse
expéditive. Le cours des épreuves nous a montré que ce qui lui était
si difficile dans le deuxième test était devenu beaucoup plus simple
dans le sixième. Parce que nous étions dans une deuxième phase de
la passation, à un moment où Martha prenait des distances avec ses
craintes et redevenait une écolière dans toutes ses attitudes.

249
Observations avec le WISC-V

! L’attention focalisée en vue du rappel


Pour les chiffres Martha n’a rien sous les yeux. Pour les images, elle
les a eues sous les yeux et doit les retrouver dans l’ordre où elle les a
regardées la première fois. Ces deux épreuves ne peuvent fonctionner
si le refus de voir ce que nous montrons, ou d’entendre ce que nous
disons s’y oppose. L’acceptation du jeu de proximité mentale par la
fillette n’est pas immédiate. Mais elle constate assez vite que c’est à
sa portée, jusqu’à un certain niveau de difficulté. Bien plus, elle fait
l’expérience d’une proximité (nous pensons les mêmes objets au même
moment) non périlleuse avec l’adulte. Nous en ressortons, à chaque
étape, avec une confirmation réciproque : elle est une brave enfant, je
suis un bon adulte, à travers les rôles d’Écolier et Enseignant. Moyennant
quoi Martha devient très efficiente et tente finalement de prendre ma
place ! ! !
17. Martha, 9 ans et demi

! L’attention au sens de la vigilance


L’épreuve de barrage est classiquement la plus facilement associée
à l’évaluation de la vigilance. Dans nos épreuves du WISC-V, nous
avons laissé le test de barrage, mais conservé les épreuves concourant
à l’évaluation de l’indice Vitesse de traitement. Code et Symboles
requièrent une attention soutenue au modèle pour réaliser le plus
vite possible les tâches soumises.
Il s’agit d’abord d’éviter la faute, de ne pas faire d’erreur. Bien des
paramètres divers peuvent être considérés dans ces épreuves, dont la
manière dont l’enfant exerce son activité dans une tâche contraignante.
Pour les deux présentes, Code et Symboles, Martha est moins efficiente
que la moyenne des enfants de même âge dans l’étalonnage. Elle se
montre peu empressée, voulant sans doute bien faire, mais écrivant d’une
main peu habile, trop lentement pour établir des scores intéressants. La
demande de rapidité n’est comme pas prise en compte, pas entendue.
Elle est attentive à vérifier, ne pas se tromper, dans le temps même où
elle change petit à petit un des tracés dans un sens fautif. L’opposition
est là ; Est-ce de l’inattention ? Oui et non :
• Oui parce que le modèle n’y est plus, elle devait mieux le regarder,

250
Observations avec le WISC-V

• Non parce que le détail que je pointe pour elle ne l’émeut pas
davantage. Elle tente d’ailleurs de reproduire les traits du signe
incriminé correctement, et ne fait que recommencer la même erreur.
Le brouillage, l’effacement des petites différences est patent.

Dans la mesure où la tâche est explicitement un travail exigeant de la


rapidité, Martha se débattant dans les difficultés ténues d’écriture de
signes inconnus est en difficulté. Sont-ce des difficultés d’attention ? Ce
sont des difficultés à distinguer les objets à partir de petites différences.
C’est aussi une certaine maladresse graphique.

Conclusion

17. Martha, 9 ans et demi


Sauf exception, les batteries de test n’offrent pas une lecture directe des
troubles d’apprentissage de l’enfant. Pour saisir des éléments pertinents
du plus fréquent d’entre eux, le trouble de l’attention, toujours présent
comme trouble principal ou associé, nous proposons d’appréhender
le protocole de test final en partant, avant les scores chiffrés, des
observations des conduites de l’enfant. Notamment quant à sa manière
singulière d’être présente ou non, de corps et mentalement.
Ce faisant, ces observations s’attachent à ce que la clinique des tests
a nommé, en le reprenant d’Alexander R. Luria (1973), les « fonctions
exécutives ». Parmi celles-ci, ou avec elles, l’attention et l’anxiété. Les
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

fonctions exécutives sont la condition aux tests. Elles en favorisent ou


en entravent la passation puis la lecture. Elles donnent leur sens aux
chiffres.
L’observation méthodique de la manière dont Martha améliore la qualité
de sa présence dans l’examen permet d’identifier au moins quatre
manières bien différentes d’être ou de ne pas être attentive. Pour cette
enfant, répondant à l’anxiété des adultes qui l’entourent, l’observation
permet d’écarter l’hypothèse d’un trouble de l’attention (au sens où ce
mot est compris à l’école). En revanche, cette même lecture laisse à
penser des régressions faciles chez la fillette, quand elle se trouve, par
exemple, face à une difficulté à organiser l’espace de représentation.
Ce que l’on nomme alors « difficulté d’attention » signifie tout autre

251
Observations avec le WISC-V

chose : c’est l’évitement d’une confrontation à ce qui pourrait traduire


une certaine fragilité, ou une certaine « immaturité ».
L’ensemble du protocole d’examen est marqué dès le départ par l’anxiété
de l’enfant qui semble d’abord perdue avec le plus simple des matériels.
Il est ensuite marqué par un jeu permanent mais différent selon les
épreuves avec ce que la fillette saura trouver comme appui, ou étayage
auprès de l’adulte dans la relation d’examen. Nous avons là quelques-unes
des signes les plus clairs de ce que l’on rassemble usuellement sous le
terme de trouble émotionnel dans la CIM101 .
17. Martha, 9 ans et demi

1. Classification internationale des Maladies de l’OMS, dixième version.

252
Observations avec le WISC-V

18

YAN, 9 ANS ET DEMI

18. Yan, 9 ans et demi


Hypothèse de développement dysharmonique

Présentation

Yan a fait l’objet d’une surveillance médicale dès la naissance. Il est


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question de souffrance neurologique à la naissance sur les comptes


rendus d’équipes de PMI puis de CAMSP. La maman évoque l’épisode
comme un moment dramatique mais qui a entraîné aussitôt les réponses
médicales et familiales appropriées. Par la suite la surveillance médicale
a été soutenue. Une médication anti convulsive a été administrée
pendant 6 mois.
Une consultation au CAMSP notamment a eu lieu au moment où Yan a
eu quatre ans. Les comptes-rendus d’examen psychologique ne relèvent
aucun élément troublant, ils semblent se vouloir rassurants. On peut y
lire que les suites néonatales ont été bonnes, le développement de Yan
suit son cours sans préoccupation particulière. Les bons scores obtenus
dans les épreuves de la WPPSI III sont soulignés par la psychologue : peu

253
Observations avec le WISC-V

d’hétérogénéité entre les scores réalisés dans les épreuves verbales avec
une note d’indice de 120. En revanche la note d’indice de « performance »
n’est pas donnée, en raison d’une réussite particulière dans l’épreuve
des Cubes, tandis que les autres scores de performance sont simplement
moyens. Aucune mesure d’aide particulière n’est mise en place.
Deux ans plus tard, Yan a 6 ans et demi, un examen orthoptique et
« neurovisuel » est pratiqué en fin d’année de CP. L’enfant se plaint
de céphalées, surtout en fin de journée. L’examen ophtalmologique
est normal. L’orthoptiste s’arrête sur les résultats scolaires, ils ne sont
pas bons : il est fait état d’une lecture « pas encore bien acquise »,
d’un graphisme et d’une copie difficiles. Au total l’enfant apparaît à
l’orthoptiste plutôt maladroit et anxieux.
Son bilan est péjoratif : Yan présente « un trouble de l’utilisation du
regard », mettant en cause la motricité oculaire. « Il doit fournir un gros
effort pour lire, copier, les difficultés visuelles ont des répercussions sur
18. Yan, 9 ans et demi

l’ensemble des apprentissages scolaires. Lenteur et coût dans l’écriture,


copie lente, lecture pénalisée par un déplacement visuel trop lent, mémoire
de travail parasitée par un mauvais traitement visuel ».
Pendant les congés de l’été, une consultation en orthophonie a lieu. L’or-
thophoniste note une lecture mal assurée, assortie d’erreurs récurrentes de
type visuo-spatial, de nombreuses paralexies, d’une mauvaise transcription
orthographique. À la suite de l’examen, l’enfant est suivi pendant plusieurs
mois, le bilan de l’action de l’orthophoniste semble à cette personne très
encourageant. « Il a progressé selon un rythme régulier tout au long
de l’année scolaire de CE1 ». L’arrêt de la consultation orthophonique
est décidé d’un commun accord, écrit-elle. Néanmoins, l’orthophoniste
mentionne une lenteur de lecture qui est à surveiller.
À la rentrée scolaire suivante, la famille consulte en psychomotricité,
sur l’indication du pédopsychiatre du CMP qui le suit depuis quelques
années. Yan présenterait des difficultés « au niveau grapho-moteur et en
motricité fine ». Il est aussi question de périodes d’encoprésie, limitées
à la salissure du sous-vêtement. À ce sujet, la psychomotricienne signale
que l’enfant pas « ne sent pas » le besoin d’aller aux toilettes. Beaucoup
d’éléments d’observation sont rapportés par la psychomotricienne. Elle
conclut son examen en signalant que les difficultés motrices présentées
par l’enfant nécessitent un travail régulier dans ce domaine. Nous

254
Observations avec le WISC-V

relevons dans ses observations quelques singularités comme le besoin


longtemps maintenu chez l’enfant de s’endormir en maintenant un
contact peau à peau avec sa mère. Le langage s’est mis en place « d’un
coup » à l’âge de deux ans et demi. Il a été normalement propre pendant
l’école maternelle « car le rythme scolaire était ritualisé, mais en CP, où
l’autonomie est de rigueur, cela est devenu plus compliqué. »
Résumé : Yan a vu beaucoup de monde, et beaucoup de spécialistes dans
tous les domaines. Le maximum de consultations différentes a eu lieu
à l’âge de quatre ans et demi Dans tous les cas, sauf pour la première
consultation rapportée, les spécialistes ont reconnu que l’enfant avait
besoin de leurs soins. Si l’on écarte l’examen « neurovisuel » dont les
conclusions nous semblent étranges avec des liens de causalité surprenants
(lecture pénalisée par un déplacement visuel trop lent, mémoire de travail
parasitée par un mauvais traitement visuel), nous n’avons pas de raison
de douter du point de vue de ces spécialistes. Il n’y a pas vraiment de

18. Yan, 9 ans et demi


domaine dans lequel le développement soit apparu « normal ».
L’intérêt de l’examen avec les tests est évident :
• Nous avons besoin de comparer la situation aujourd’hui à ce qui a été
fait et dit il y a quelques années ;
• Il est d’un grand intérêt d’observer les singularités dans le fonction-
nement de l’enfant sur les tests, face à une diversité de problèmes,
dans le cadre d’une relation proche.
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Histoire de la rencontre

Yan est tout de suite actif. L’épreuve des Cubes est bien entamée, les
premiers items sont vite résolus.
Tout change à la mi-parcours, sur un item dans lequel les axes
orthogonaux ne sont plus identifiés aux limites des pièces. Le temps
s’écoule sans que Yan trouve la bonne réponse. Par la suite, il ne reprend
plus pied dans l’épreuve. Quand nous passons de 4 à 9 Cubes, la première
ligne est bien entamée, pour les deux premiers cubes, mais le troisième
n’est pas vu correctement. Il ne cherche pas alors sur le modèle la
manière de revenir à ce qui est vraiment demandé. Il persiste par une
démarche erronée à tenter de régler le problème ponctuel, qui devient

255
Observations avec le WISC-V

un obstacle indépassable. Le même scénario, à quelques variantes près


se reproduit pour les items suivants. La structure carrée n’est pas un
appui. Assistant à ses hésitations, je suis sans secours pour lui qui
piétine sans succès. Il ne semble pourtant pas interroger ma réserve, il
ne dit rien de la difficulté. Si je laisse un peu de temps supplémentaire,
il poursuit sans abandonner mais sans profit.
L’épreuve, des Similitudes est abordée avec détermination, une certaine
sécheresse, sans doute un certain besoin d’affirmation de soi. Les réponses
sont réduites à un mot qui indique la catégorie la mieux venue pour
réunir les deux objets nommés. Mais grimpant assez vite jusqu’aux items
plus difficiles, il arrive que le mot catégorisant lui manque, il ne l’a pas
tout de suite à disposition. Alors il me semble en attente d’une aide, ou
se comporte comme si les premières approximations dans les définitions
devaient suffire à donner une idée de la chose. Le mot « truc » se retrouve à
peu près dans toutes les réponses qui suivent. Ces régressions ne paraissent
18. Yan, 9 ans et demi

pas lui coûter, il semble aller de soi que j’ai compris ce qu’il signifiait avec
ses trucs et que cela doive suffire. Il n’est pas mal à l’aise avec ce qui lui
est demandé, il s’en acquitte bien, sans grand effort, et en redonne un
peu quand il est sollicité pour « en dire un peu plus ».
Les Matrices lui conviennent bien. Mais le test semble long, d’autant
qu’il cherche à donner la bonne réponse jusqu’au moment même où nous
tournons la page. Nous allons jusqu’à l’item 30 et je perçois un peu de
lassitude en fin d’épreuve.
Notre accord a minima – qui pourrait se résumer en « Tu écoutes, ou tu
regardes, et tu réponds » - connaît une rupture dans l’épreuve suivante.
Mémoire de Chiffres Ce qui s’enchaîne ensuite avec le Code paraît presque
un moment de récupération. Qu’il s’aménage, car malgré la consigne de
rapidité, Yan va à son propre rythme. Il a besoin de vérifier, il vérifie,
souvent, le score final ne le préoccupe pas. Il impose son temps, veut
soigner ses tracés. Une certaine malignité dans la manière n’est pas à
écarter. Pour le dire de façon imagée « il fait quand il veut ». Il privilégie,
comme cela se dit couramment sur cette épreuve, l’exactitude sur la
rapidité. La fatigue se ressent de nouveau dans l’épreuve verbale qui suit,
Vocabulaire, cependant Yan reste très présent malgré l’effort nécessité. Il
témoigne ici qu’il a bien saisi les attentes du test lors de l’épreuve des
similitudes. En une ou deux fois, il trouve le terme qui définit le plus

256
Observations avec le WISC-V

justement le mot. Je note la fatigue, il vaudrait peut-être mieux parler de


lassitude, dans le sens où l’effort exigé joue ici dans le sens scolaire de
l’asymétrie relationnelle, qui n’est pas ce qui le rend le plus souriant.
La suite s’enchaîne sur des épreuves utilisant des images, dans lesquelles
nous réfléchissons ensemble. Cela lui convient, il comprend vite le jeu
avec les Balances, mais il me dit que c’est un peu long sur la fin. Il
résiste un peu dans les Puzzles, à sa manière, en prenant son temps.
Mais dans cette épreuve c’est péjoratif, plusieurs items réussis le sont
hors du temps imparti. En revanche il marque son dépit de devoir laisser
le jeu dans l’épreuve de Mémoire des images, dans laquelle il lui semble
ne pas avoir tout dit.

Les moments

18. Yan, 9 ans et demi


! Premier changement dans la manière
La première rupture dans l’engagement de Yan apparaît dans l’épreuve
des Cubes. La reprise après la première difficulté n’a pas lieu, il n’y a
pas d’aide prévue dans le cours de l’épreuve.

! La seconde manière
La seconde manière d’aborder le test débute dès la deuxième épreuve.
Son ton est ferme. Nous sommes sur le terrain « scolaire », je pose
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

la question, il répond. Il n’est pas très engagé dans la recherche, ou


peut être anxieux de ne pas avoir tout de suite à l’esprit le mot qui
lui manque pour réunir les objets nommés ? L’épreuve est réussie du
point de vue du score, j’ai cependant l’impression qu’il a fonctionné à
l’économie... Son attitude ne change pas dans l’épreuve suivante.

! Une seconde rupture


La seconde rupture se présente dans le cours de l’épreuve de mémoire
des Chiffres. Elle est inattendue, et va contre le cours des choses. Yan
sent qu’il a perdu pied, mais il insiste dans une démarche erronée. Je
répète la consigne, ce qui n’empêche pas la persévération. Nous allons
sans doute trop vite, en tout cas pas à son rythme.

257
Observations avec le WISC-V

! Le temps pour soi


Il revendique en effet dans la phase suivante son temps pour lui-même.
L’épreuve de Code est chronométrée ; cela est signifié à l’enfant. Yan
l’aborde comme un jeu dont il peut à sa manière revisiter la règle. C’est
tout de suite compris, mais en revanche l’exécution est lente, elle exige
beaucoup de vérifications, beaucoup d’application, enfin beaucoup de
temps. Malgré le rappel de la consigne, pas de modifications dans le
comportement. Yan a pris son temps, il s’est restauré, véritablement.

! Un engagement de bon aloi dans toute la deuxième partie


La suite (deuxième partie puisque nous entamons la 6e épreuve) se
déroule sur un terrain balisé par ce que Yan a appris dans la première
partie. C’est notable en Vocabulaire, où il n’y a guère besoin de
réinterroger sur une réponse peu explicite. Il surmonte ce que l’on
sent de lassitude, et poursuit. Il n’y a pas de changement profond dans
18. Yan, 9 ans et demi

la qualité de son engagement durant toute la deuxième partie (épreuves


de 6 à 10) mais des variantes dont nous rendrons compte dans l’analyse.

Résultats dans le WISC-V


Ci-dessous les notes standard, dans l’ordre de la passation.

Subtests Note Standard


Icv Ivs Irf Imt Ivt
1Cubes 10
2 Similitudes 13
3 Matrices 13
4 Mémoire des Chiffres 9
5 Code 9
6 Vocabulaire 14
7 Balances 13
8 Puzzles visuels 12
9 Mémoire des images 14
10 Symboles 8
Sommes notes standard 27 22 26 23 17
Note Composite Icv Ivs Irf Imt Ivt
118 105 118 110 92

258
Observations avec le WISC-V

Le QIT, obtenu avec 7 notes standard, Cubes, Similitudes, Mémoire de chiffres,


Code, Vocabulaire, Balances et Matrices, pour un total de 79 est de 109,
et le rang percentile de 73 (72 % font moins bien, 26 % font mieux).
La note qui résume risque en fait de masquer des réalités importantes :
• L’homogénéité intra-indice domine. Elle est évidente pour les indices de
Compréhension verbale, et de Raisonnement fluide.
• C’est aussi vrai dans le cas des deux mauvais scores des épreuves de Vitesse
de traitement. Ces réalités, confirmant ici la réalité des indices retenus pour le
WISC-V, nous incite à porter l’analyse au niveau des indices.
• Mais il y a une hétérogénéité des scores selon la nature des épreuves dans deux
cas singuliers. Ces hétérogénéités demandent à être comprises.

• Une hétérogénéité interéchelles distingue les épreuves de vitesse de


traitement de toutes les autres : sur l’ensemble de la passation, les

18. Yan, 9 ans et demi


plus mauvais scores, bien loin des meilleurs pour l’indice Raisonnement
fluide ou compréhension verbale. C’est un fait qui traduit des
singularités dans la conduite de l’enfant sur les tests d’efficience. Elles
valent le détour (comme l’on dirait dans un guide touristique) parce
que les chiffres ne disent rien par eux-mêmes. Pris pour eux-mêmes, le
risque serait grand d’aller directement vers une hypothèse proprement
médicale, une hypothèse déficitaire, quand nous percevons que tout
reste à penser de ce comportement en nous attardant sur les attitudes
de l’enfant lors des tests.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

• Une hétérogénéité intra-échelle incongrue pour un même indice


de Mémoire de travail, dans un seul cas, : les scores distinguent
Mémoire des chiffres de Mémoire des images. Or, nous savons que ces
épreuves ont des points communs évidents sur lesquels on s’accorde
depuis longtemps : : elles sont ensemble des épreuves concourant à
l’évaluation du même indice, Mémoire de Travail. Sous une forme un
peu différente, elles étaient, Mémoire des Chiffres, et Suites de mots
dans le K-ABC (Kaufman, 1993), c’est-à-dire des épreuves évaluant
le même facteur, processus mentaux séquentiels. Les définitions
selon le facteur commun reconnu se confirment l’une par l’autre, ces
épreuves ont beaucoup en commun. Dans ces conditions, l’hypothèse
explicative de l’écart entre les notes standards de Mémoire des Chiffres
et Mémoire des Images ne sera vraisemblablement pas lisible au niveau

259
Observations avec le WISC-V

de l’épreuve, elle devra être posée à partir d’une analyse plus fine,
jusqu’au niveau de l’item.

! L’indice Compréhension verbale


Les scores obtenus dans les épreuves de l’indice Compréhension verbale
étonnent. Avec un indice de 118, Yan fait partie du cinquième des
enfants de son âge les plus à l’aise dans ce domaine, qui a beaucoup de
liens avec la scolarité.
Ces résultats dans les tests considérés sont meilleurs que ce que nous
pensions dans le cours des épreuves. Cette impression tient au fait que
l’engagement de l’enfant dans les épreuves semble se faire a minima.
Les réponses sont réduites, et pas toujours parce que le mot résumant le
mieux le concept a été trouvé. Non, bien souvent, il manque. Néanmoins,
il a suffi de quelques rappels de la consigne, quelques sollicitations pour
18. Yan, 9 ans et demi

un complément, pour que l’essentiel soit dit, et efficacement dit. Il n’y


a aucune désinvolture dans la manière propre à Yan, mais il ne prend pas
grand plaisir à ces exercices. La note finale, note d’indice, correspond
selon nous à ce qu’il est à même de produire sur le plan des activités
scolaires, quand il est assez directement sollicité.
Il n’y a pas de différence entre les deux épreuves du point de vue du
score final. Il réussit un peu mieux la seconde, il répond ou cherche à
répondre davantage au niveau catégoriel, ce que nous voyons comme le
produit d’une meilleure appréhension de la relation de testing. Ou bien
comme l’expression d’une moins grande anxiété à ce stade du test.

! L’indice VisuoSpatial
L’indice VisuoSpatial est supérieur à la moyenne. Cela pourrait suffire,
mais ici, cela ne fait pas le compte. Nous avons surtout enregistré dans
le cours de la passation un arrêt à mi-parcours qui n’a pu être surmonté.
C’est-à-dire qu’à partir de ce moment il n’y aura aucune tentative réussie
à quelque niveau que ce soit. Il y a plus d’une explication à ce qui se
passe alors, du côté de la fragilité, ou de l’anxiété :
• Une difficulté particulière à surmonter un échec, qui empêche de
revenir à son vrai niveau dans le test ;
• Une attente non formulée d’aide de l’adulte ;

260
Observations avec le WISC-V

• Il peut aussi y avoir une vraie désorientation.

À regarder faire l’enfant, on peut voir qu’il ne tente pas grand-chose,


bien qu’il bouge encore les mains et les cubes. C’est le même assemblage
fautif qui est repris, d’un essai à l’autre, quand il sait qu’il n’avait pas
encore abouti les dix secondes précédentes. Yan n’est pas vraiment dans
une recherche de solution, même s’il paraît y croire, pour sa part. Il
attend une aide, mais il sait occuper le temps en l’attendant. Ce qui
revient à dire que la difficulté à surmonter l’échec n’est pas ici la réalité
du sujet persécuté par le matériel, et qui éviterait même de le regarder.
Yan, lui, ne voit plus le matériel parce que l’orientation qu’il a choisie
est l’attente, occupée par une activité futile d’alignement des cubes.
Tout ceci est à prendre avec des précautions, nous analysons une
conduite qui appelle notre attention, mais nous gardons à l’esprit que la
note obtenue sur ce test des cubes est à 10, la moyenne. C’est le même

18. Yan, 9 ans et demi


geste obstiné qui nous interroge, au-delà du score sur l’épreuve, ainsi
que l’arrêt soudain et sans rémission dans le cours du test.
Nous ne retrouvons pas le même scénario dans la seconde épreuve de
l’indice VisuoSpatial, Puzzles. Le score de 12, ici, est très honorable,
mais nous notons qu’en faisant un petit peu plus vite, il passait sous
la limite de temps pour au moins deux items. Ajoutons qu’il n’était pas
alors question de le presser, sous peine de désorganiser sa démarche
lente et méthodique.
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! L’indice Raisonnement fluide


Cet indice est déterminé par les deux épreuves des Matrices et des
Balances. Les scores atteints sont les mêmes, à un écart-type au-dessus
de la moyenne. Il n’y a rien à en dire, sinon une considération sur
l’utilisation du temps : les Matrices ne sont pas chronométrées, mais
il n’y a pas de lenteur relevée chez lui à cette occasion. Les items
s’enchaînent rapidement, au rythme où je les présente. C’est donc
moi qui fixe le rythme, prenant en compte la vitesse d’exécution de
l’enfant. Ce rythme est soutenu. Quant aux Balances, elles ne sont pas
chronométrées, mais je dois peser pour ne pas rester trop longtemps
sur le même item. Il se soumet à la passation rapide, mais je note la
fatigue (subjective) dès les Matrices.

261
Observations avec le WISC-V

En résumé, il n’y a pas de signe d’une lenteur pathologique. Quand


j’imprime le rythme, c’est plus difficile, plus fatigant pour lui, mais Yan
s’y soumet avantageusement.

! L’indice Mémoire de travail


L’indice Mémoire de travail est déterminé par deux épreuves, Mémoire
des Chiffres et Mémoire des Images. Nous notons l’insistance sur la
mémoire dans la dénomination, mais nous ne sommes pas ignorants du
fait que ces épreuves, ou celles qui les inspirent, existaient bien avant, et
autrement. Mémoire des Chiffres à l’endroit existe depuis Binet, Mémoire
à rebours depuis à peine moins longtemps, et deux épreuves de Mémoire
des Chiffres et Suite de mots figurent comme épreuves des processus
mentaux séquentiels dans la première version du K-ABC (Kaufman, 1983).
C’est dire que nous ne pouvons guère prétendre sans circonspection à
une lecture directe des épreuves comme épreuves de Mémoire de Travail.
18. Yan, 9 ans et demi

Les processus engagés dans la réalité sont beaucoup trop complexes


pour cela. Avant la mémorisation, il convient que l’attention de l’enfant
soit mobilisée. Et avant qu’elle le soit, il faut plus qu’une adhésion
superficielle au projet.
Les scores des deux épreuves qui constituent le même indice sont ici
bien différents. À l’examen, ils ne sont pas homogènes. Pas de souci
pour Mémoire des Images, Yan y est à l’aise, il regrette presque l’arrêt
de l’épreuve lorsqu’il survient. C’est différent dans Mémoire des chiffres,
il aborde l’épreuve gaillardement et la termine en catastrophe. Ce qui
commande d’aller y voir, dans le détail.
Mémoire des Chiffres dans le WISC-V comprend trois parties. Pour les
deux premières, Yan est bien présent. Mais il décroche tout de suite dans
la troisième, il se comporte comme s’il n’avait pas entendu la consigne,
et à tout le moins comme s’il ne l’avait pas comprise. Une certaine
lassitude, non perceptible, s’est emparée de lui, mais pourquoi ici ?
C’est la quatrième épreuve, le rythme est soutenu. Après les deux
premières parties de cette quatrième épreuve, rondement menées, la
question me revenait alors : Faut-il pour éviter la fatigue, hâter la
marche dans le test et en finir rapidement, ou bien faut-il lui laisser le
temps, quitte à ce que cela s’éternise et provoque la lassitude ? Bien
entendu je ne tranche pas. Ce n’est pas comme cela que la question se

262
Observations avec le WISC-V

résout dans la réalité de la relation, mais en marchant. Je poursuis dans


l’accompagnement. C’est alors qu’il perd pied. Il doit alors, suivant la
consigne, restituer des listes de chiffres progressivement plus longues,
comme pour les deux premières, mais dans l’ordre croissant des chiffres,
du plus petit au plus grand, dans l’ordre cardinal. À deux reprises je
lui répète la consigne, mais il revient en persévérant sur le problème
précédent. L’hypothèse du coup de fatigue est réaliste, le score moindre
réalisé ici ne serait dû qu’à la fatigue.
Une autre hypothèse peut être retenue, plus en accord avec le processus
dans lequel nous sommes engagés. J’ai demandé à Yan un effort
particulier à ce moment charnière de la rencontre, en sollicitant son
attention sur ce que je disais, en faisant de mon côté l’effort de
représentation de ce que je dictais. Ce n’est pas une sollicitation
innocente. Nous sommes à ce moment, mentalement au plus près. Nous
sommes branchés sur le même objet, au même moment.

18. Yan, 9 ans et demi


C’est une particularité de ce test qui explique que pour Binet, puis
Wechsler, puis Zazzo il n’ait jamais été regardé comme un test
d’intelligence, mais comme un test d’attention, et bien plus : comme
celui qui met à l’épreuve les capacités de mobilisation de l’attention de
l’enfant par l’adulte psychologue. Nous ajoutons que la mobilisation de
l’attention n’est pas un phénomène linéaire, elle peut à tout moment
être rompue puis reprise, au gré des événements et de leur urgence,
c’est dans sa nature. Elle peut être plus difficile à soutenir pour certains
enfants qui ont besoin de se mettre à l’abri de cette proximité, elle
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

peut inversement être un appui formidable chez l’enfant qui tire le


meilleur profit de l’appui sur un moi auxiliaire fort, entendons par-là le
moi d’un adulte bien investi par l’enfant. C’est la différence entre les
organisations névrotiques (ne me touchez pas !) et les organisations
prénévrotiques, qui supportent mieux et même sollicitent la proximité
mentale pour s’en servir par intermittence.
L’hypothèse, en résumé, serait ici que le décrochage est nécessaire à
l’enfant, après un trop long temps de proximité mentale. D’ailleurs,
l’exercice n’est pas le même dans l’épreuve de Mémoire des Images, le
matériel est entre nous deux, d’une part, et d’autre part il est constitué
par une règle qui ordonne l’espace entre les objets, la règle de lecture
et de rappel propre à notre écriture alphabétique, de gauche à droite.

263
Observations avec le WISC-V

Ajoutons encore, mais tout ne sera jamais dit, que dans cette épreuve,
Yan est soumis à la liberté que je prends avec l’ordre des chiffres dans la
succession changeante des consignes, et s’en trouve comme bousculé,
persévérant en troisième partie comme si nous étions encore dans
la seconde. Le travail de représentation mentale ne semblait pas lui
poser d’énormes difficultés, en revanche les bouleversements successifs
passent mal.

! L’indice Vitesse de Traitement


Il y a tout juste vingt ans, le facteur Vitesse de traitement n’était pas
retenu dans les analyses issues des tests de la même famille, l’épreuve
Code existait seule avec ses particularités, parmi les 5 épreuves non
verbales du WISC-R. Aujourd’hui, dans le WISC-V cette même épreuve,
avec les Symboles, s’oppose à toutes les autres du point de vue de
18. Yan, 9 ans et demi

l’efficience de l’enfant. Comment l’expliquer ? Nous pouvons discuter


l’opportunité de considérer la vitesse de traitement comme une aptitude
de 2e niveau dans la théorie CHC, mais nous ne pouvons pas effacer
cette réalité : les épreuves de vitesse de traitement se distinguent des
autres de manière significative, pour cet enfant dans cette batterie.
Au moment où survient la première présentation, Code, elle est bien
accueillie, comme un moment plutôt tranquille. Yan se remet des chiffres
qui lui ont échappé. L’écriture méthodique, méticuleuse même a raison
des restes désagréables du test précédent.
Quant à la consigne de rapidité, il fait la sourde oreille. À ce jeu qu’il
dirige, il semble se calmer, et récupérer. Au détriment du bon score, ce
qui ne l’affecte pas. De sa conduite de Mémoire des Chiffres au Code,
tout semble se passer comme si la seconde constituait une revanche
sur ce qui l’a précédée. Elle est, en tout état de cause, un moment de
reprise narcissique, qui peut se lire par l’application dans l’écriture et la
recherche d’exactitude dans les tracés.

264
Observations avec le WISC-V

Conclusion

! Efficience moyenne forte mais hétérogène au sein


d’un même indice, d’une même épreuve

L’efficience de Yan est un peu supérieure à la moyenne des enfants de


même âge.
Cependant, il y a des disparités importantes dans les niveaux de réussite,
parfois même au sein d’une même épreuve. L’échec est alors important,
transitoirement, et marqué pour un temps par une quasi-impossibilité à
revenir dans le test de manière plus avantageuse.
La nature des épreuves apparaît peu impliquée dans le phénomène
au moment de la rupture dans le test. Pourtant il semble bien que la
« récupération » soit plus facile dans les subtests qui s’appuient sur des

18. Yan, 9 ans et demi


images.
L’hypothèse de cette dépendance relative aux images peut être soutenue
par une seconde, si l’on considère le premier échec dans l’épreuve des
Cubes. Il est hautement significatif : il survient quand disparaissent les
lignes internes qui délimitent les cubes et, tout à la fois, organise la
figure sur ses axes orthogonaux internes. Absents, ils devraient faire
l’objet d’une représentation mentale particulière de l’enfant, car ils sont
les traits par lesquels se réunissent la gauche et la droite de l’espace, à
l’image de la gauche et de la droite du corps sur la colonne vertébrale à
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

la verticale. C’est ici une sorte de signature de la fragilité des positions


narcissiques/phalliques de l’enfant.
Du point de vue de l’attention, les difficultés affectent peu les résultats
finaux. La principale source de difficulté tient à la manière personnelle
qu’a l’enfant de jouer le temps. Il peut prendre son temps, au détriment
même de l’idée de réussite, quand son besoin de correction, d’exactitude
peut être invoqué. Nous ne sommes plus alors dans le temps qu’il est
convenable d’utiliser pour telle ou telle tâche, mais dans celui que Yan
a choisi.
Cette manière de jouer le temps nous semble devoir être pensée avec
d’autres singularités de comportement dans le test.

265
Observations avec le WISC-V

! Attitude d’attente – plus que dépendance –


à l’égard de l’adulte

Dans les épreuves « classiques » d’évaluation des efficiences, Yan est


performant Mais le meilleur niveau de réussite, dans les épreuves les
plus scolaires, n’est obtenu qu’au prix d’une implication minimum de
l’adulte auprès de lui. De fait, il attend quelque chose de la présence de
l’adulte. Ce dernier doit être présent sans être pesant. Trop de présence,
trop d’exigences amène l’issue régressive (au sens où elle est de niveau
bien inférieur à ce que l’âge est censé amener). Un niveau inférieur à
ce qu’il peut faire de mieux n’est pas péjoratif dans son fonctionnement
dès lors qu’il a pour vertu de signifier « je fais quand je veux ». La même
réaction peut surgir au décours d’un moment de proximité mentale
fructueuse, simplement parce que la distance ou le temps de l’enfant
n’a pas été respectée.
18. Yan, 9 ans et demi

Ces traits marquent les conduites de Yan, et ils affectent la qualité de


son attention, diversement selon la manière dont elle est requise.
Les tâches de vigilance perceptive, où l’on est soumis à une situation
exigeante et peu gratifiante ne sont pas pour lui. Ailleurs, quand il
devra se soumettre à une consigne d’attention conjointe, il peut être
très performant s’il peut saisir les règles du jeu en cours (jeu pouvant
s’entendre de n’importe quelle tâche, scolaire ou non).
Une part des difficultés rencontrées peut être rapportée à ce qui se
présente comme des traits de caractère (éventuellement passagers) :
le matériel le persécute, et il y réagit en le rejetant. Une autre part
nous paraît revenir à une recherche conflictuelle d’aide de l’adulte, à
la manière du plus jeune. En ce sens, elle apparaît comme l’expression
d’un trouble émotionnel, qui tend d’abord à confondre les âges dans ses
expressions et ses besoins.
Nous retrouvons dans ces éléments d’analyse des traits habituellement
caractéristiques des pathologies limites, parce qu’ils occupent la plus
grande part de notre questionnement sur les conduites de Yan. Nous
parlons de la manière de jouer l’autonomie – donc la séparation, que
l’on entende ce terme au sens d’une nécessaire séparation entre les
personnes, ou dans le sens d’une activité mentale de mise en pièces de
l’objet à penser : psychiquement c’est une seule et même chose.

266
Observations avec le WISC-V

Elles réfèrent selon le cadre théorique dans lequel se mène notre réflexion
à l’élaboration de la position dépressive, ou/et à la manière dont l’enfant
compose avec l’angoisse de séparation.
Il y a un autre élément, de taille, en faveur de cette hypothèse qui est
un trait imprimant vivement ce qui nous est rapporté de la biographie
de Yan, il s’agit de la dysharmonie évolutive.
La dysharmonie apparaît de trois manières, toujours ensemble :
• La première page de présentation le dit : tous les spécialistes, les
plus divers, ont pu être interpellés pour aider cet enfant – c’est
un premier signe – ils se sentent tous avec lui une compétence
particulière – c’est un second signe. Yan a d’ailleurs été aidé par
l’un ou l’autre de manière suivie, cela a toujours paru fructueux. ;
• Le test montre des ruptures soudaines, puis des moments régressifs
marqués par des comportements qui sont d’un autre âge, qui n’ont

18. Yan, 9 ans et demi


pas de lien avec le meilleur niveau de fonctionnement ; l’enfant a
tous les âges.
• Cette propension à se retrouver en des conduites sans rapport avec
son âge peut toucher n’importe quel domaine du développement,
aussi bien le contrôle sphinctérien du jeune âge que les activités
mentales supérieures, au plus grand mépris de l’importance que l’on
concède usuellement au « progrès ».

La ligne à suivre en conséquence se présente sous plusieurs options :


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

• Permettre absolument qu’une personne centralise tout ce qui est fait


avec Yan dans le domaine du soin psychologique et/ou pédagogique
à défaut de rassembler tous les spécialistes en même temps au même
endroit – car hors d’un CMPP, c’est une gageure intenable.
• Plus raisonnablement, prendre et garder un parti de suivi d’une nature
ou d’une autre, car dans les cas de dysharmonie, tout le monde a
nécessairement raison, et s’y tenir absolument, même quand il se
produit un semblant de « mieux ».
• Ou alors, quand l’enfant est suivi par plusieurs spécialistes dans des
domaines différents, qu’ils se voient régulièrement... Pour s’entendre
bien sûr !

267
Aide-mémoire du WISC V

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