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Se former
au bilan
de compétences
Comprendre et pratiquer la démarche
Claude LEMOINE
4e édition
Claude LEMOINE est professeur émérite de psychologie à l’Université de Lille 3,
UFR Psychologie, Laboratoire « Psychologie des Interactions et des Cognitions
dans les Organisations » (PSICO).
Président de l’Association Internationale de Psychologie du Travail de Langue
Française (AIPTLF), il est directeur éditorial de la revue Psychologie du travail
et des organisations.
Contact : claude.lemoine@univ-lille3.fr
Préface 1
Introduction 5
V
Table des matières
VI
Chapitre 6 ■ Les instruments du bilan de compétences 73
Les entretiens 74
Caractéristiques des entretiens 74
L’entretien dans le bilan de compétences 77
Les tests 78
Définition 78
Variété et classification des tests 81
Les tests et instruments utilisés
dans le bilan de compétences 84
Modes d’utilisation des tests dans le bilan 88
VII
Table des matières
VIII
Du côté des conseillers 153
Du côté du dispositif et des organisations 154
Les difficultés et les dérives du système 156
Les développements et positionnements à assurer 160
Conclusions 179
Annexe 181
Glossaire 184
Bibliographie 191
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IX
Préface
A
près plus de vingt-cinq années d’expérience et vingt années
d’existence légale, le bilan de compétences professionnelles et
personnelles se présente, pour chaque salarié qui le souhaite,
comme un espace socialement reconnu d’analyse des acquis des expé-
riences de vie en vue de leur application à de nouveaux projets et à de
nouvelles stratégies de réalisation professionnelle. En matière de mana-
gement des ressources humaines, le bilan de compétences repose de fait
sur une idée simple : motiver les personnes à la source même de leur
désir d’investissement, c’est-à-dire dans leur capacité à faire des projets.
Il implique donc dans sa mise en œuvre la prise de responsabilité de la
personne sur le processus d’analyse et d’élaboration de projet. Ce qui
distingue, en effet, le bilan de compétences d’autres pratiques touchant
à l’évaluation des compétences professionnelles tient dans les trois traits
suivants : l’engagement dans le bilan des compétences ne peut être que
volontaire même s’il est suggéré, toute activité proposée dans le bilan
doit être reconnue par son bénéficiaire comme ayant du sens pour lui,
le bénéficiaire est seul responsable de l’utilisation des résultats, cette
responsabilité ne pouvant être aliénée par autrui.
De ce point de vue, la manière dont le bilan de compétences s’est pro-
gressivement inscrit dans les pratiques sociales d’accompagnement des
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Préface
2
L’ouvrage de C. Lemoine représente une contribution importante dans
l’explicitation concrète des tenants et aboutissants du bilan de compé-
tences. Les acteurs sociaux concernés par ces démarches, à titre d’accompa-
gnateurs, de « financeurs », de bénéficiaires, voire de chercheurs, ne peuvent
se contenter de l’affirmation de grands principes mais veulent savoir com-
ment ces principes se transforment ou se sont transformés en actions ou en
propositions d’action. Ils trouveront donc dans cet ouvrage de nombreux
éléments de réponse : aspects pratiques, administratifs, éducatifs, scienti-
fiques, déontologiques. Ceux qui tenteront une lecture approfondie de cet
ouvrage, et j’espère qu’ils seront nombreux, verront se dégager au fil de
la lecture et de la réflexion une véritable modélisation de la démarche de
bilan prise dans sa globalité et qui s’exprime sous la forme d’un modèle
de conquête de soi dans le jeu des interactions entre l’emprise et l’auto-
emprise.
Jacques Aubret
Professeur des Universités
Cnam/Inetop
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Introduction
L’originalité
de la démarche
« bilan
de compétences »
5
L’originalité de la démarche « bilan de compétences »
6
cette réflexion sur une activité somme toute nouvelle et originale, elle
n’aura pas été inutile pour situer la démarche « bilan de compétences ».
Cette activité de bilan permet aussi d’identifier mieux la place de la psy-
chologie du travail et des organisations qui, dans ses interventions comme
dans ses conceptions, se centre sur l’attention portée aux personnes afin
qu’elles gèrent mieux leur vie dans un milieu en changement (Lemoine,
2012, p. 12 à 18 ; Bernaud et Lemoine, 2012). Le bilan de compétences
apporte ainsi à chacun des moyens pour comprendre davantage les élé-
ments d’une situation complexe dont il fait partie, pour mieux s’orienter
dans la vie professionnelle en trouvant une structure de conseil (François,
2012), et pour devenir un peu moins le jouet des événements en construi-
sant son projet.
L’essentiel
7
Chapitre 1
Caractéristiques
du bilan
de compétences
Résumé
9
1. Caractéristiques du bilan de compétences
Place de la personne
Dans cette démarche, la personne principale est celle qui réalise son bilan de
compétences :
1. C’est elle qui est volontaire et qui donne son accord pour entreprendre le bilan.
2. C’est avec elle que sont choisies les méthodes d’investigation.
3. C’est par elle que la progression s’opère.
4. C’est pour elle que les résultats d’analyse sont obtenus. ■
10
Dans cet ensemble, la personne intéressée joue un rôle central, tout
en étant aidée et accompagnée à chaque étape par un professionnel du
bilan, généralement un ou une psychologue, qui structure la progres-
sion en fonction de la demande et des attentes formulées.
L’accord de la personne
L’accord de la personne est indispensable ; il est cependant nécessaire
de vérifier que cet accord est bien volontaire et non rendu obligatoire
par des pressions sociales extérieures, comme celle de ne recevoir une
allocation que s’il y a acceptation, ou celle d’éviter d’être rayée des listes
des prestations sociales.
ni soutien.
11
1. Caractéristiques du bilan de compétences
12
mentation sur les métiers est assurée, même si elle reste plutôt livresque,
et des tests d’intérêt sont possibles (comme le big five) où s’opèrent des
correspondances entre les types de professions et des caractéristiques per-
sonnelles (cf. Guichard et Huteau, 2001). Ces tests ne sont pas exempts
de stéréotypes sur les métiers et ont sans doute plus d’intérêt par le fait
d’engager une réflexion et un échange avec des adultes que pour leur
côté prédictif, celui-ci pouvant aussi jouer un rôle contraignant. Enfin
l’aide à l’orientation scolaire n’est pas toujours assurée par un profession-
nel de la psychologie, et l’apport reste souvent au seul niveau documen-
taire, ce qui est somme toute préférable à une utilisation immodérée des
injonctions fondées sur des prédictions hasardeuses, mais ne remplace
pas un véritable travail d’aide à l’orientation en faveur de l’intéressé.
Dans le bilan de compétences, la perspective est assez différente : les
références aux matières scolaires comptent moins, et il s’agit plutôt de
définir et de clarifier des compétences professionnelles existantes, d’en
prendre conscience et de s’appuyer sur elles pour réfléchir sur son mode
d’insertion dans le travail, sur l’évolution de sa carrière et pour construire
son propre projet professionnel. Cette démarche passe par une activité
qui consiste à rassembler des informations sur soi, sur ses compétences,
sur ses potentialités, à se renseigner sur les filières porteuses dans le
milieu économique, à prendre confiance dans ses possibilités en décou-
vrant et en valorisant ses acquis, et à élaborer un projet relativement
clair et réalisable. Dans cette activité, neuve pour l’intéressé, celui-ci
est accompagné par un conseiller qui structure la démarche, aide à la
progression et facilite les choix et les prises de décision sans les imposer.
14
Comparaison avec le portefeuille de compétences
Une autre perspective, qui s’est d’abord développée au Québec, puis a été
instituée en France sous le nom de « validation des acquis », s’apparente
au processus du bilan de compétences mais n’a pas la même finalité.
Dans la procédure de validation des acquis (cf. Aubret et Gilbert,
1994), il s’agit de rassembler l’ensemble des expériences profession-
nelles, des formations initiales, professionnelles, ou même culturelles, et
d’en faire une synthèse afin d’obtenir une équivalence pour un diplôme
ou une partie d’un diplôme (par exemple des modules liés à la pratique,
ou un stage professionnel, ou encore une unité de valeur d’un cursus
différent mais proche du domaine concerné).
Le candidat souhaite ainsi faire reconnaître une activité antérieure
ayant demandé un niveau de compétences donné, en vue d’obtenir une
validation officielle en terme de niveau de formation et d’accéder à un cur-
sus auquel il ne pourrait prétendre avec sa seule formation scolaire initiale.
Cette activité de synthèse se rapproche de la démarche du bilan de
compétences au sens où elle demande de rassembler des documents
attestant de compétences acquises au cours de la vie, ce qui suppose
d’être capable de réfléchir aux apports issus des expériences passées.
Mais la procédure s’appuie davantage sur la recherche de preuves, d’at-
testations ou de recommandations dans le but de mettre en valeur une
activité antérieure et d’en tirer profit pour accéder à un niveau plus élevé
que celui de la formation initiale obtenu au départ. S’il y a réflexion sur
ses compétences, celle-ci vise moins à mieux se connaître qu’à présenter
à d’autres les compétences acquises lors d’activités antérieures afin de
les faire reconnaître et de les valider.
15
1. Caractéristiques du bilan de compétences
16
comme productif uniquement pour les personnes et non suffisamment
pour les entreprises elles-mêmes.
Comme le bilan propose une forme de stage court, donc à coût limité,
et efficace pour l’orientation professionnelle des salariés ou des per-
sonnes désirant l’être, il serait donc nécessaire de le positionner davan-
tage comme un « sas » préparatoire à une évolution de poste, comme un
moyen d’adapter les compétences des salariés aux changements rapides
des entreprises, et comme une façon performante de gérer les dispositifs
de formation professionnelle par un pilotage en amont afin d’augmen-
ter leur taux de réussite et leur niveau de transférabilité dans le travail.
Complémentarité du bilan
de compétences avec la formation
professionnelle
Avec une vingtaine d’heures de réalisation, le bilan ne peut résoudre
tous les problèmes d’une société ou d’une personne. Même si son effica-
cité n’est pas négligeable, il doit, pour rester attractif, être ciblé sur des
objectifs bien délimités. À cette fin, le dispositif bilan se situe dans un
ensemble de structures existantes. En particulier sa place convient parti-
culièrement bien pour les situations demandant des prises de décision,
des choix d’orientation ou des évolutions importantes dans la carrière.
En ce sens le bilan de compétence est un complément apprécié avant
une formation professionnelle, avant un choix impliquant une réorien-
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1. Caractéristiques du bilan de compétences
L’essentiel
18
Chapitre 2
La notion
de compétence
Résumé
19
2. La notion de compétence
La capacité
La capacité est un ensemble de performances constatées qui peuvent
être définies par un ou des référentiels (norme Afnor 1994). Elle repré-
sente la possibilité de réussite dans l’exécution d’une tâche ou dans
l’exercice d’une profession (Piéron, Vocabulaire de la Psychologie, PUF,
1973). À ce titre elle peut être l’objet d’une évaluation directe, sous
réserve d’une volonté de mise en œuvre de la part de celui dont on veut
apprécier la capacité. Elle est conditionnée par une aptitude qu’elle
révèle indirectement.
L’aptitude
L’aptitude désigne le substrat constitutionnel d’une capacité, préexistant
à celle-ci, qui dépendra du développement naturel de l’aptitude, de la
formation éducative et de l’exercice (Piéron, ibidem). Aussi seule la capa-
cité peut-elle être objet d’une évaluation directe. Le terme anglais ability
recouvre, sans distinction, les notions d’aptitudes et de capacité. Les tests
d’aptitude visent à apprécier les chances de succès dans un domaine par-
ticulier, par référence à une population donnée, généralement de même
âge. Les aptitudes sociales (cf. Lewin, 1959, p. 264) impliquent une habi-
leté dans le domaine des relations sociales analogue à celles du domaine
20
technique (skills), et sont donc, comme elles, objet possible de formation
systématique.
La qualification
La qualification renvoie à une reconnaissance officielle, validée par
un diplôme, d’aptitudes ou de niveau de formation, d’expertise ou de
connaissances théoriques ou techniques, acquise soit dans une insti-
tution de formation, soit par expérience professionnelle. Le niveau
de qualification sert de référence pour les grilles statutaires et dans les
échelles de rémunération des salaires.
La compétence
La compétence quant à elle n’est pas un mot nouveau ; le dictionnaire
Le Robert la définit comme une connaissance approfondie, reconnue,
qui confère le droit de juger ou de décider dans certains domaines.
De façon usuelle, une personne compétente est celle qui sait faire
face à des situations complexes ou résoudre des problèmes en met-
tant en œuvre ses connaissances et son savoir-faire. Au pluriel, avoir
des compétences signifie posséder des caractéristiques personnelles
(connaissances, habiletés, attitudes) qui conduisent à une réalisation
en s’adaptant à une situation dans un environnement donné. Les com-
pétences incluent donc l’efficacité face à des situations-problèmes et ne
sont repérables que par elle.
D’autres définitions existent, comme celle donnée en ergonomie par
M. de Montmollin : les compétences sont des ensembles stabilisés de
savoirs et de savoir-faire, de conduites-types, de procédures standards,
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21
2. La notion de compétence
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Cette dissociation relève d’un enjeu essentiellement économique :
elle tend à distendre le lien entre niveau de formation et niveau de
rémunération. Dans ce cadre, il ne suffit plus d’avoir un diplôme ou
une formation reconnue, il faut encore mettre en œuvre ce que l’on
connaît ou ce que l’on sait faire., et cela, le plus possible. Il n’est donc
plus suffisant d’être instruit, il faut aussi être performant, c’est-à-dire
travailleur, actif, consciencieux, mais de plus stylé, ponctuel, voire sou-
mis aux objectifs définis par l’organisation. On retrouve ici l’ancienne
notion de motivation, retraduite depuis sous la forme de l’implication
dans le travail et de l’engagement envers l’entreprise.
Le discours des compétences renvoie ainsi à la notion de « ressources
humaines » qui ne comprend pas seulement les savoirs, connaissances
et savoir-faire, mais aussi les attitudes face au travail, le sens de la com-
munication et du travail en équipe, les valeurs reliées au travail, les
capacités d’initiatives, de responsabilité et finalement de performance.
Les compétences comprennent ainsi des dimensions relationnelles
et psychologiques qui n’étaient pas prises en compte dans le niveau de
diplôme ou de formation générale. On voit bien tout l’avantage pour
l’organisation : le niveau de qualification importe moins que le résultat
obtenu, et celui-ci dépend autant de l’adaptation aux nouvelles formes
de travail, de l’empressement à atteindre les objectifs de production que
de l’obtention, forcément plus ancienne, d’un examen qualifiant.
La référence aux compétences offre donc en somme une nouvelle
grille de critères pour établir les niveaux des salaires et des primes. C’est
donc la modification des fondements d’un système qui se trouve cachée
derrière un changement de terminologie.
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23
2. La notion de compétence
24
la gestion des compétences, aussi bien au recrutement qu’au cours du
travail, devient une pièce centrale du développement et de l’évolution
des entreprises. Il est dès lors important de savoir repérer les compé-
tences individuelles et de savoir générer des compétences supplémen-
taires sur le lieu de travail.
Sur le plan des organisations, développer les compétences passe
par la recherche de nouvelles formes de travail qui s’appuient sur une
culture d’entreprise favorisant l’émergence des compétences. Le travail
par objectifs, la constitution d’équipes plus autonomes, la réduction des
niveaux hiérarchiques, l’insertion de la maîtrise dans les équipes elles-
mêmes sont autant de méthodes pour y parvenir. Celles-ci demandent
une formation spécifique des salariés et supposent une attention accrue
aux éléments du climat de travail.
La gestion des compétences n’a donc rien à voir avec une simple
formation sur le tas. Elle implique un engagement de l’organisation, à
la fois pour garder son personnel compétent et pour lui permettre d’ex-
primer toutes ses compétences et de les mettre au service de l’obtention
de résultats performants.
Sur le plan des individus, la référence aux compétences suppose
qu’ils ne se limitent plus à décliner leurs diplômes ou à s’y reporter
pour assurer leur reconnaissance sociale. Que ce soit pour un recrute-
ment ou au cours du travail à effectuer, il devient important de prendre
en compte des aspects contextuels qui n’apparaissent pas sur le plan
des connaissances générales. Interviennent alors des savoir-faire spé-
cifiques pour améliorer les procédures, mais aussi des caractéristiques
qui relèvent de la psychologie individuelle : la capacité à s’impliquer, à
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2. La notion de compétence
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tences disponibles dans l’avenir proche et en réduisant quelque peu la
part des références au passé. Cette gestion des compétences participe
ainsi au développement personnel. Selon le cas celui-ci se réalisera
dans le cadre de l’intérêt porté à l’entreprise, dans la perspective d’une
évolution professionnelle liée au métier, ou en dehors d’une référence
à la carrière professionnelle en privilégiant d’autres centres d’intérêt
personnels.
27
2. La notion de compétence
L’essentiel
28
Chapitre 3
Résumé
29
3. Les parcours de bilan
30
lement les plus nombreuses et constituent approximativement les deux
tiers des demandeurs de bilan. Selon le cas, les personnes s’adressent
par elles-mêmes à un centre de bilan, ou, le plus souvent, elles sont
invitées à s’y adresser après avoir contacté un organisme s’occupant du
chômage, de l’insertion professionnelle ou de la formation d’adultes.
Dans ce cadre, il est d’autant plus nécessaire de s’assurer que l’intéressé
connaît les conditions de réalisation du bilan et ses finalités, sait à quoi
il s’engage, et décide d’y participer volontairement ou au moins accepte
la procédure qui le concerne directement.
La population jeune comprend souvent des personnes ayant quitté
le système scolaire sans diplôme, parfois après un échec, ou avec une
formation courte qui ne leur convient pas très bien. Après un temps de
recherche d’emploi infructueux, ou après l’acceptation de travaux tem-
poraires sans perspectives, ou encore après un ou plusieurs stages de for-
mation qui n’ont pas réussi, le bilan de compétences peut se présenter
comme une occasion de s’orienter professionnellement, de découvrir
les possibilités non perçues, et de prendre un nouveau départ avec une
conception plus réaliste des représentations liées au milieu profession-
nel. Le bilan est alors le lieu d’une réflexion sur une orientation possible
et d’une découverte des moyens pour y accéder, la construction d’une
perspective réaliste étant alors déterminante.
Une autre catégorie de jeunes peut aussi trouver dans le bilan de com-
pétences un support pour s’orienter avant l’accès au premier emploi : il
s’agit de jeunes diplômés, de niveau universitaire, ayant suivi des études
générales variant de deux à cinq ans, mais n’ayant pas encore défini leur
projet professionnel et se trouvant démunis face au marché de l’emploi
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3. Les parcours de bilan
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Ces scénarios ont l’avantage de situer le bilan de compétences comme
une phase de préparation à des changements importants dans le travail,
que ce soit sur le plan technique, organisationnel ou communicationnel, et
de l’insérer en amont d’un plan de formation en vue de développer les com-
pétences au travail en fonction des transformations en vue. Le bilan per-
met ainsi de n’envoyer dans une formation que des personnes qui ont les
compétences pour la réussir et qui sont motivées pour la réaliser par le fait
qu’elles ont une perspective ou un projet en relation avec cette formation et
son utilité future sur le plan professionnel. On augmente ainsi les chances
de réussite de la formation, à la fois en raison du fait qu’elle convient au
salarié, qui la poursuivra alors jusqu’au bout, et qu’elle débouche sur des
applications concrètes sur le plan du travail et de l’entreprise.
Cependant, l’utilisation organisationnelle des bilans de compétences
reste encore assez limitée. Les directions d’entreprise ont plutôt consi-
déré et perçu les bilans de compétences comme une façon de gérer les
difficultés personnelles, voire les plans sociaux liés aux licenciements
économiques pour restructurations importantes. L’image du disposi-
tif s’en est ressentie, et la perspective même du bilan, vu comme une
préparation à l’outplacement ou à un départ prochain, sous forme de
bonus ou de ménagement avant séparation, ne va pas dans le sens d’une
meilleure prise en compte des compétences et ne facilite pas la dyna-
misation interne. Il en résulte que le bilan ne profite pas directement
à l’organisation, ce qui lui est alors reproché. Il devient le moyen de
gérer la mobilité de l’emploi, ce qui peut aider les individus ou même
la branche professionnelle, mais non l’entreprise elle-même en matière
de développement des compétences, sauf à lui permettre de réduire son
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3. Les parcours de bilan
34
possibilités, et une maturation personnelle associée à une information sur
le marché professionnel existant. Elle est proposée au cours des étapes du
bilan de compétences qui a l’avantage de partir du niveau de questionne-
ment et de préoccupation de ceux qui souhaitent l’entreprendre.
que la personne vient de son propre gré, connaît dans ses grandes lignes
le type de démarche prévu et accepte la dynamique qui lui est proposée.
La phase 1 est une phase préparatoire au bilan de compétences. Réa-
lisée par entretien individuel (éventuellement précédé d’un accueil en
petit groupe pour la partie information sur le bilan), elle remplit plu-
sieurs fonctions :
35
3. Les parcours de bilan
■ Analyser la demande
Il s’agit pour le conseiller d’identifier la demande et pour cela de la faire
expliciter par le demandeur. En effet la personne qui se présente ne
sait pas toujours exactement ce qu’elle souhaite ni ce qu’elle attend
du bilan. La verbalisation des attentes permet d’orienter la suite de la
démarche, de même que la connaissance de la situation personnelle et
professionnelle du demandeur. C’est à partir de cette analyse que les
deux partenaires, conseiller et bénéficiaire, pourront établir les objectifs
à atteindre, s’entendre sur la méthode et engager la phase d’investiga-
tion qui va suivre en fonction d’une problématique définie.
Cette phase préparatoire conduit à la signature du contrat qui défi-
nit les droits et obligations des partenaires en présence impliqués dans
la réalisation du bilan : le bénéficiaire, le conseiller et l’organisme qui
prend en charge le financement. Cette opération concrétise le choix du
demandeur qui a donc la possibilité de continuer ou non la démarche.
Dans le cas positif, la phase 1 permet de situer la démarche bilan, de pré-
ciser en quoi elle consiste, de choisir entre plusieurs pistes en fonction
de la demande et de vérifier la faisabilité du bilan.
36
selon le niveau de la demande initiale. Toutefois des régularités appa-
raissent dans les démarches et dans les moyens mis en œuvre.
37
3. Les parcours de bilan
38
quent de confiance en elles. L’activité bilan ne se réduit donc pas aux
entrevues mais comprend aussi une activité personnelle extérieure au
centre de bilan.
39
3. Les parcours de bilan
sur lui ; mais elle peut aussi entraîner des difficultés lorsque l’écart avec
les attentes ou les représentations antérieures est trop grand. C’est pour
cela qu’il est préférable d’amener progressivement l’intéressé à intégrer
ces informations sur lui et à insister sur les aspects constructifs qui peu-
vent faciliter l’émergence d’un plan d’action possible et réaliste.
40
plus complet possible de sa situation, de ses compétences et de ses limites
et joue le rôle d’un repère intransigeant, l’autre, à usage extérieur, doit
permettre de valoriser la personne, ses compétences, ses atouts, et joue
un rôle de présentation publique de soi dans un souci de promouvoir les
normes et les valeurs socialement attendues et appréciées.
La synthèse du bilan correspond principalement à la première for-
mule dans la mesure où elle est destinée exclusivement à l’intéressé lui-
même. Ce sera donc à lui de choisir dans la synthèse les éléments qu’il
souhaitera mettre en avant à l’occasion d’une négociation ultérieure.
Mais on remarquera cependant que la logique de présentation de soi
peut varier sensiblement selon la destination des informations, comme
nous l’avons montré expérimentalement par ailleurs.
Quelquefois, la synthèse anticipe une utilisation publique ou en
direction de tiers et ne traduit alors que partiellement le travail réalisé
pendant le bilan ; elle peut aussi insister particulièrement sur le projet,
sa définition et les compétences qui y sont associées, sans viser à donner
une image complète de la personne. Cette précaution, d’ordre déonto-
logique, n’est pas à négliger lorsque l’on pense qu’un profil psycholo-
gique est susceptible de limiter la marge de négociation de l’intéressé
et d’avoir des conséquences parfois négatives pour lui, en l’enfermant
dans une représentation qui risque de le desservir.
Par ailleurs, la formulation de la synthèse peut avoir à son tour un
effet sur son bénéficiaire. Elle peut favoriser une réflexion sur son état ou
sa situation à un moment donné ; elle peut être l’objet d’une appropria-
tion à partir des informations recueillies sur soi ; elle peut aussi susciter un
rejet de certaines données. Cela signifie que la synthèse est un document
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41
3. Les parcours de bilan
les progrès qui ont été réalisés, que ce soit en terme de clarification des
objectifs et des possibilités à exploiter ou en terme de capacité à explici-
ter des compétences et à les mettre en œuvre. Cette rédaction est aussi
l’occasion de finaliser un projet professionnel ou personnel qui ressort
des réflexions sur les compétences et sur les moyens de les valoriser dans
le contexte existant.
42
Tableau 2 : Les trois temps du bilan de compétences
(16 à 24 heures sur trois mois)
Méthodes :
Diversification des méthodes et des conseillers selon la demande
Entretiens : repérer les motivations, les intérêts, les compétences
analyser le parcours personnel et professionnel
définir les évolutions professionnelles
Questionnaires d’intérêts professionnels
Tests d’aptitudes
Questionnaires de personnalité et de connaissances générales
Connaissance d’une profession ou d’un milieu professionnel
Connaissances des voies d’accès (niveau, formation, procédures)
Temps 3 : Synthèse
Accès aux informations obtenues (informations en retour)
Réflexion sur les compétences mises en évidence (entretiens)
Rédaction d’un document personnel sur ses compétences
Élaboration d’un projet personnel, professionnel, ou de formation
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43
3. Les parcours de bilan
44
L’essentiel
45
Chapitre 4
Identification
et analyse
des compétences
Résumé
47
4. Identification et analyse des compétences
Le rôle du conseiller-bilan
Le conseiller-bilan est un terme commode pour indiquer globalement le
rôle joué par celui ou celle qui reçoit la personne souhaitant réaliser un
bilan et qui la suit tout au long de son cheminement. Mais son rôle n’est
pas évident et il est nécessaire de bien le spécifier. Pour cela on le définit
par ce qu’il n’est pas, par ce qu’il est, puis par ce qu’il fait.
■ L’évaluateur
Un évaluateur a pour fonction de porter un jugement, positif ou négatif,
sur autrui, à partir d’indices ou de résultats provenant d’une situation type
ou d’instruments de mesure. À ce titre il provoque dès le départ une crainte
par anticipation et suscite une appréhension tout au long de la phase de
prélèvement des informations et un doute sur lui-même pour le sujet qui
se demande s’il réussira, s’il sera à la hauteur, s’il sera considéré comme
au-dessus de la moyenne ou non. L’évaluation touche ainsi directement
l’image de soi, risque de la remettre en question, et conduit à un jugement
de valeur social qui comprend une forte connotation affective et émotive.
C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de distinguer nettement
entre les processus d’évaluation et d’analyse : l’évaluation dit qui on
est ; l’analyse met en évidence comment on se conduit en fonction des
circonstances, des conditions d’interaction, des facteurs en présence.
D’un côté on est jugé, en général par rapport à une norme implicite,
et on se sent valorisé ou dévalorisé dans son estime de soi ; de l’autre
on cherche à saisir, à comprendre ou à expliquer ce qui arrive, et dans
quelles conditions.
48
La différence entre l’évaluation et l’analyse peut être illustrée par l’exemple d’un
accident d’avion. Deux enquêtes sont entreprises : l’une, judiciaire, cherche à
évaluer les responsabilités ; l’autre, scientifique et technique, vise à comprendre
l’enchaînement des causes.
■ L’observateur
Un observateur, au sens scientifique du terme, situe son activité dans
une démarche de relevé systématique d’éléments qui se trouvent placés
devant lui. La recherche d’objectivité crée par nécessité une distance par
rapport aux objets observés, même lorsque ceux-ci sont partie prenante
d’un ensemble plus large qui se rapporte à une personne. Le fait d’observer
entraîne la constitution d’une relation de face à face, de distanciation et
crée une situation où les deux pôles en présence n’ont pas le même statut,
ce qui crée un rapport de dissymétrie : l’observation suppose qu’il existe
un objet à observer. Quand ce dernier est un individu, il se trouve en
situation relativement défavorable, voire d’infériorité, et cela génère un
sentiment de gêne : en général les êtres humains n’aiment pas beaucoup
être auscultés, photographiés, pris sur le vif, sauf lorsqu’ils se mettent en
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■ Le testeur
Le testeur est un observateur qui s’appuie sur des instruments de mesure
le plus souvent inconnus des sujets. À ce titre il renforce le sentiment déjà
présent avec l’observateur. Il suscite des craintes par anticipation dans la
mesure où la personne testée ne sait ni comment elle va être traitée, ni
ce qu’on va dire sur elle. Le fait de cacher ou d’essayer de dissimuler les
dimensions étudiées induit en fait une suspicion et une incertitude qui
va à l’encontre d’une mise en confiance. Le lien inconnu entre le résultat
et l’interprétation qui en découle accentue encore ce phénomène. C’est
49
4. Identification et analyse des compétences
Ce qu’il est
■ Au service du bénéficiaire
La caractéristique commune aux rôles d’évaluateur, d’observateur et de
testeur repose sur le fait de se placer en face du sujet observé, testé ou
évalué et d’induire ainsi le sentiment de se situer contre lui, en étant
susceptible d’apporter des conclusions dépréciatives à son égard. À l’op-
posé, la situation de bilan de compétences permet de se placer du côté
du sujet, à son service, afin de lui permettre de mieux connaître ses
compétences. Elle favorise alors une mise en confiance dès lors que le
bénéficiaire connaît la démarche de recueil de données le concernant et
sait qu’elle est réalisée pour lui, afin qu’il en tire profit.
Cependant, cette position explicitement prise en sa faveur peut inclure
plusieurs modes d’intervention et même susciter la demande d’être dirigé.
Il faut donc préciser le genre d’aide qui est apportée par le « conseiller ».
■ Un accompagnateur
Si le rôle du conseiller n’est pas d’imposer une image des caractéristiques
personnelles du demandeur ou une solution directe à ses problèmes, il
50
se situe surtout au niveau de la démarche de bilan elle-même et du cadre
proposé pour la rendre possible et fructueuse. Il consiste d’une part à
créer une interaction positive faite de confiance, d’écoute et de réassu-
rance, d’autre part à accompagner le demandeur du bilan en lui propo-
sant une méthode pour progresser dans l’analyse de sa situation, de ses
compétences et des possibilités accessibles dans le milieu professionnel.
Ce qu’il fait
On peut parcourir les différentes fonctions du conseiller en suivant les
trois phases du bilan.
■ Phase 1
Dans la phase 1, le conseiller accueille le demandeur, seul ou en petit
groupe, lui indique les étapes du bilan et lui explique les objectifs et la
participation active qu’il attend de lui. C’est aussi à ce moment que sont
présentées les garanties de discrétion et de non communication d’infor-
mations personnelles sans l’accord préalable de l’intéressé.
Dans le cas où la personne s’engage dans le bilan (qu’elle peut ne
pas entreprendre si elle trouve que cela ne lui convient pas, demande
trop d’engagement psychologique, ou si le conseiller pense qu’il y a un
risque de déstabilisation au vu de l’état de la personne), le conseiller lui
propose une suite de rendez-vous individuels.
Dans un premier temps, le conseiller indique à nouveau les buts et
les étapes du bilan, met en confiance la personne et écoute sa demande
avec précision dans le cadre d’un entretien structuré permettant à l’in-
téressé d’exprimer sa situation passée et actuelle.
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51
4. Identification et analyse des compétences
■ Phase 2
Dans la phase 2, le conseiller propose un ensemble de méthodes en
fonction de l’analyse de la demande et les met en œuvre en accord avec
l’intéressé. Cet accord modifie considérablement la relation aux tests,
la situation du sujet testé et les interactions avec le conseiller. En parti-
culier le sujet passe d’une situation subie à une position de partenaire.
Les tests ne sont plus imposés mais amenés à partir de la perception de
leur utilité dans une démarche de connaissance de soi. Leur application
s’appuie sur un consentement obtenu par la perspective que les sujets
pourront s’approprier les résultats et en tirer parti pour s’orienter.
Dans ce cadre les tests et outils de mesure trouvent encore leur place,
mais ne sont reliés ni à une comparaison à une norme ou à une popula-
tion de référence, ni à un enjeu de classification de l’individu, ni encore
moins à des évaluations associées à des conséquences sociales. Ils ser-
vent essentiellement à mettre en évidence des compétences ou des dif-
ficultés dans différents domaines.
Le conseiller peut approfondir avec l’intéressé certains aspects du
parcours antérieur afin d’analyser les problèmes passés, de dégager des
intérêts ou des compétences qui n’étaient pas jusqu’alors perçues comme
telles. Il peut aussi repérer avec l’intéressé des motivations pour tel ou tel
secteur d’activité, en vue de commencer à construire avec lui un projet
personnel et professionnel susceptible d’avoir des chances de réussir.
Cette phase demande au conseiller de savoir utiliser toutes ses res-
sources en matière de psychologie, car le dispositif d’investigation mis
52
en place dépend de l’analyse de la situation du sujet et des domaines
qu’il semble nécessaire d’approfondir. La marge d’appréciation reste
importante même si les méthodes choisies le sont en concertation avec
l’intéressé.
Selon le cas, le conseiller sera amené à proposer la découverte d’un
champ professionnel, à indiquer où trouver des informations sur une
profession afin de dépasser les stéréotypes qui peuvent y être associés,
ou à réaliser des tests psychologiques. Il peut également adresser l’inté-
ressé à un collègue ou à une personne spécialiste du domaine.
Parmi la panoplie de tests possibles, qui est grande, il faudra choisir
en fonction des préoccupations de l’intéressé et de son projet plus ou
moins esquissé. Le plus souvent, des tests psychomoteurs, des tests d’ap-
titude intellectuelle et des tests de connaissance générale permettent de
vérifier des domaines de compétences.
Dans certains cas, il est utile d’employer des tests de personnalité
ou des tests projectifs. Cependant ceux-ci ne sont pas à employer dans
une perspective thérapeutique, mais seulement en vue de repérer cer-
tains traits en relation avec des compétences professionnelles. Ainsi par
exemple un test projectif peut suggérer des aptitudes à la négociation
commerciale.
Une attention particulière est aussi à porter sur la façon de trans-
mettre les résultats des tests. Il faut veiller à ce que les informations
issues des instruments scientifiques ne soient pas perçues comme des
réalités intangibles qui classent ou catégorisent les individus de manière
définitive et qui viennent renforcer un sentiment de résignation, voire
de dévalorisation. Il est important de situer les données dans une pers-
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53
4. Identification et analyse des compétences
■ Phase 3
Dans la phase 3, le conseiller aide le bénéficiaire à analyser les informa-
tions qui ont été rassemblées, à rédiger une synthèse des compétences,
et à finaliser un projet ou plan d’action.
Le bilan ne constitue pas seulement une somme de connaissances
nouvelles ou restructurées sur soi, il conduit le bénéficiaire à savoir expri-
mer ses compétences et à en tirer profit en construisant une démarche
après le bilan. Selon le cas, celle-ci se traduira par le choix d’une forma-
tion professionnelle bien définie et orientée vers un objectif en terme
d’insertion dans un métier, ou elle conduira directement à rechercher
un type d’emploi dans un secteur bien délimité, ou encore elle permet-
tra de chercher à valoriser ses compétences par une évolution dans l’em-
ploi ou par une réorientation de l’activité principale.
Le conseiller est amené à vérifier les acquis du bilan et le repérage
des compétences par le bénéficiaire en le faisant s’exprimer, soit par
54
un écrit, soit, quand cela s’avère trop difficile, par oral. C’est alors le
conseiller qui transcrit les conclusions ou qui aide à les écrire.
Son souci n’est pas seulement de savoir que le bénéficiaire a pro-
gressé, il est aussi de lui permettre de terminer le bilan en ayant une per-
ception plus claire de ses compétences, en sachant les mettre en valeur
et les relier à un domaine d’activité. Il donne ainsi confiance au bénéfi-
ciaire dans ses possibilités et contribue à la réussite du projet par le seul
fait qu’il existe, qu’il est crédible. Il joue en quelque sorte sur l’anticipa-
tion de la réussite prochaine.
Le rôle du bénéficiaire
L’activité de l’intéressé est tout aussi importante au cours du bilan de
compétences. Elle est même centrale. Outre le fait que c’est lui qui a
l’initiative de s’engager dans la réalisation d’un bilan, c’est également
lui qui est au centre de la démarche. Il est actif.
Le plus souvent il n’est pas habitué à réfléchir sur ses compétences.
C’est donc une situation nouvelle pour lui où il exerce une auto-attention
focalisée sur des aspects de lui qui le concernent. Cette démarche le
conduit à chercher à connaître ses compétences.
Il est actif
Une caractéristique importante tient au fait qu’il prend une part active
dans l’avancement de son bilan : c’est lui qui est amené à rechercher des
informations, à réaliser une synthèse, à construire un projet personnel.
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55
4. Identification et analyse des compétences
56
appliquées aux personnes sont considérées comme un facteur qui n’est
pas seulement technique et invariable : il peut être utilisé de différentes
façons, soit en induisant un sentiment d’évaluation, de jugement ou
de contrôle de soi par autrui quand les mesures sont réalisées unila-
téralement sur les intéressés, soit en apportant à ceux-ci une capacité
d’auto-analyse et d’auto-connaissance consécutive quand elles sont
mises à leur service et qu’elles leur sont accessibles. C’est en ce sens que
la mesure joue comme induction de relations sociales.
57
4. Identification et analyse des compétences
58
Pour sa part, le bilan de compétences, sur le plan individuel, cor-
respond à une autre manière de repérer un ensemble de dimensions
personnelles en termes de compétences. Il a l’intérêt de proposer une
utilisation différente des instruments de mesure selon laquelle l’inté-
ressé gère davantage la démarche adoptée, car celle-ci est réalisée avec
son accord et à son profit. La relation psychosociale établie au cours du
bilan de compétences se trouve ainsi moins dissymétrique et s’établit
dans la perspective d’une utilisation pour le bénéficiaire lui-même et
non pour des tiers dont on ne sait pas ce qu’ils vont conclure à partir
des données rassemblées.
La passation des tests est ainsi effectuée d’une part avec l’accord de
l’intéressé, d’autre part avec explications générales sur la finalité du test.
Dans certains cas, l’utilisation de tests dits « d’auto-évaluation » permet
en fait au sujet de connaître les dimensions mêmes prévues dans le test ;
il participe alors à la méthode en sachant approximativement sur quoi
porte le test.
Cette situation est toutefois moins nouvelle qu’il n’y paraît dans la
mesure où beaucoup de tests laissent apparaître à leur insu des infor-
mations sur les aspects étudiés. Mais ici, plutôt que de faire comme si le
sujet ne devait pas savoir, il est mis en situation de gérer les informations
qui viennent de lui à partir des incitations provenant de l’instrument
mis à sa disposition. C’est une forme d’auto-évaluation qu’il vaudrait
mieux appeler « auto-analyse ». En effet, il ne s’agit pas d’évaluer au
sens d’établir une valeur ou de porter un jugement sur soi, mais il s’agit
de repérer des aspects de soi et de sa situation, comme des compétences,
afin d’en prendre conscience par une attention centrée sur eux. Dans
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59
4. Identification et analyse des compétences
Fiche pratique
Exemple d’auto-questionnement
pour repérer ses compétences
Il est possible de s’appuyer sur un schéma qui facilite une démarche personnelle,
même s’il est préférable d’avoir le soutien d’un conseiller-bilan qui apporte une struc-
ture de fonctionnement, une régularité des échanges et une référence extérieure.
Suggestion 1
Écrire la liste de ce que j’ai fait dimanche dernier, puis de ce que j’aurai aimé
réaliser (formes de relations, rencontres, activités pratiques, découvertes, loisirs,
activité physique, travaux divers, organisation d’une activité, participation à un
groupe, etc.).
Suggestion 2
Indiquer mes centres d’intérêt (ce que j’aime bien faire, ce qui me va bien, ce qui
me plaît), et ce que j’aime prendre en charge, seul(e) ou à plusieurs.
Suggestion 3
Lister les compétences que je mets en œuvre à partir de mes réponses précé-
dentes.
L’essentiel
60
Chapitre 5
Les approches
théoriques du bilan
Résumé
61
5. Les approches théoriques du bilan
Le courant de l’orientation
Le bilan se rapproche en premier lieu des démarches d’orientation sco-
laire et professionnelle déjà existantes pour les jeunes et les adolescents
scolarisés. Plusieurs aspects se recoupent comme le fait de s’intéresser à
une personne en particulier, de lui donner accès à de la documentation
sur les professions et sur les études pour connaître les filières, d’utiliser
des tests pour repérer les potentialités ou les domaines d’intérêt.
Cependant le bilan se distingue de l’orientation scolaire sur plu-
sieurs points : il ne remplace pas un service de documentation. La place
donnée à l’expérience professionnelle l’emporte sur la seule référence
scolaire. Sa démarche est centrée sur la personne plutôt que sur une
comparaison différentielle à autrui.
La démarche clinique
Le bilan s’apparente d’autre part à une démarche clinique au sens où il
correspond à un suivi personnalisé. Chaque individu est traité comme
62
un cas unique, original, et une attention particulière lui est portée. On
y retrouve aussi les méthodes cliniques qui sont fondées sur l’écoute,
l’entretien approfondi, le discours et sur une incitation à faciliter la
réflexion personnelle de l’intéressé en considérant que sa subjectivité
peut être éclairée et être le point de départ d’une restructuration interne.
Cependant, les pratiques de bilan doivent se distinguer nettement
d’une intervention de nature thérapeutique. Il ne s’agit pas de considé-
rer la personne comme un patient ou un malade et de lui apporter des
soins sur le plan psychologique. Bien au contraire, chaque personne est
considérée a priori comme normale, susceptible d’évolution, et capable
de prendre en charge ses orientations de vie. Les pratiques de bilan s’ap-
puient donc sur une démarche clinique au sens où elle est personnali-
sée, mais ne visent pas à soigner.
63
5. Les approches théoriques du bilan
64
l’intéressé à cette démarche, sous peine soit d’échec, soit même d’effet
contraire par rejet des conclusions restées extérieures.
Il s’agit donc de gérer les méthodes et les mesures afin qu’elles n’im-
posent pas par elles-mêmes un savoir étranger mais se trouvent placées
dans une situation relationnelle qui aide l’intéressé à s’exprimer et à
organiser les éléments qui proviennent de lui-même et le constituent.
L’approche interactive
On en arrive ainsi à considérer que la démarche de bilan comprend une
situation où se joue une interaction décisive entre les personnes en pré-
sence, le conseiller et le bénéficiaire.
Cette interaction se forme dès le début lorsque le conseiller accueille
la personne qui souhaite réaliser un bilan de compétences. Elle est peut-
être même anticipée par le fait que le centre de bilan est déjà connu
antérieurement. Elle se forme ou se confirme dans les premiers moments
d’entretien lorsque les précisions sur les buts du bilan et les moyens de
le conduire sont indiquées clairement, et lorsque l’intéressé est appelé à
s’associer activement à la démarche.
On peut considérer le bilan comme une situation d’interaction ou
de communication interactive ; et cette approche peut être éclairante
dans la mesure où la relation conseiller-bénéficiaire est centrale. Mais ce
courant de la psychologie sociale ne spécifie pas suffisamment le type de
communication bilatérale qui se développe au cours du bilan. Il est donc
utile de préciser ce qui se joue d’une part en fonction du mode d’intro-
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duction des outils (cf. ci-après), d’autre part dans l’attitude de prise en
charge par le conseiller, assortie d’une implication et d’une activation
dans la conduite du bénéficiaire.
Cette double interaction permet de situer mieux le type d’interven-
tion de chacun des deux pôles en présence.
Côté conseiller, la situation se rapproche d’une attitude d’écoute dite
« non directive » qui aide l’autre à s’exprimer et à développer ses repré-
sentations, ses souhaits et finalement son projet d’abord incertain. Mais
elle n’est pas « non directive » dans la mesure où le conseiller structure
la progression en encadrant le champ de parole et de réflexion : il ne
s’agit pas de raconter sa vie pour se faire plaisir, mais de restructurer des
événements pour mettre en évidence des compétences insoupçonnées,
65
5. Les approches théoriques du bilan
La référence au modèle
de l’emprise analytique
Une autre approche qui se situe également dans le cadre des notions
d’interaction, de champ psycho-social (cf. Lewin, 1959) et de système
d’interactions, tout en les spécifiant, est conceptualisée sous la déno-
mination d’emprise analytique. Cette notion permet de traiter les
situations où des sujets humains se trouvent étudiés, observés scienti-
fiquement, analysés dans leur conduite ou dans leurs caractéristiques,
et donc davantage connus, soit par autrui, soit parfois par eux-mêmes
(Lemoine, 1994). On y fait l’hypothèse que cette connaissance sur soi
crée un enjeu relationnel fort et impliquant et transforme les inter-
actions en cours. La notion d’emprise exprime cette détermination
exercée par un pôle (individuel ou collectif) sur l’autre, et la notion
66
d’emprise analytique indique que cette emprise provient de l’activité
d’analyse scientifique exercée par autrui.
Dans la mesure où le bilan de compétences porte sur des informa-
tions qui concernent directement les personnes, il peut être considéré
à partir de ce modèle théorique, et ce sur plusieurs aspects : la prise
d’information sur soi, l’attention portée à soi, les instruments d’obser-
vation, relais d’emprise, et les résultats en retour.
Ces trois moments d’interaction sont une source d’emprise de
l’observateur-analyste (S) sur l’observé-analysé (b) et induisent également
une attention à soi (de b à b’) sous forme de boucle de rétroaction, ce qui
génère une auto-emprise (cf. encadré p. 68). De la forme de cette emprise
dépendront les caractéristiques facilitant ou gênant la centration sur soi.
67
5. Les approches théoriques du bilan
E E : Emprise
1. S b S : Source d’emprise
b : base d’emprise
C-E C-E : Contre-Emprise
68
perçu et selon la difficulté de synchronisation de la conduite, verbale ou
gestuelle. Souvent, dans un premier temps et en situation dissymétrique
où le sujet ne connaît pas les critères sur lesquels porte l’observation,
l’auto-attention générale gêne et désorganise plutôt la conduite habi-
tuelle. Ainsi, l’expression orale est-elle plus hésitante, le discours sur soi
plus court et moins pertinent, la démarche moins affirmée. C’est seule-
ment lorsque l’on donne au sujet les moyens de gérer la situation que l’at-
tention focalisée sur quelques éléments connus lui permet de reconstruire
et de réorganiser sa conduite, sur le plan verbal ou sur le plan gestuel. Pour
cela, il est nécessaire qu’il se soit approprié les indices, qu’il soit devenu
suffisamment observateur de lui-même pour en tirer profit et maîtriser les
aspects de sa conduite dont il a pris conscience (cf. Lemoine, 1995).
Ces situations se rencontrent au cours du bilan de compétences dans la
mesure où celui-ci suscite des interrogations sur soi. Si l’attention à soi reste
générale et d’ordre évaluatif, sans être fixée à partir de repères explicités
et donc connus, il y a risque qu’elle suscite des craintes, de l’incertitude
et un sentiment d’appréhension vis-à-vis d’une observation de soi. Mais
si la démarche est bien précisée, les critères délimités et les enjeux explici-
tés, la situation devient plus rassurante et la personne concernée peut pro-
gresser dans la découverte d’aspects qui la caractérisent, et les réorganiser.
C’est pour cela qu’il est important d’associer le bénéficiaire du bilan à la
démarche qui lui est proposée, de définir avec lui les moyens qui seront mis
en œuvre, de délimiter le champ d’investigation afin d’éviter une remise en
cause générale et de limiter l’attention aux compétences professionnelles.
69
5. Les approches théoriques du bilan
70
C’est pour éviter ces inconvénients qu’il est nécessaire d’amener pro-
gressivement des informations nouvelles, ou mieux de faire participer
le sujet à leur émergence, ce qui est facilité lorsqu’il est associé à la par-
tie méthodes elle-même. On obtient alors des informations sur soi qui
s’élaborent progressivement et arrivent dans la logique de la démarche
d’ensemble.
On retrouve avec l’information sur les résultats, la préoccupation
psycho-pédagogique selon laquelle les personnes qui participent aux
différents moments de l’activité bilan sont plus disposées à intégrer les
conclusions les concernant et à se les approprier. L’un des problèmes est
en effet celui de l’intégration de représentations nouvelles sur soi, via
les compétences, et de la gestion de l’image de soi transformée qui en
résulte. À ce niveau, il est important que le conseiller permette au béné-
ficiaire du bilan d’élaborer une représentation suffisamment stabilisée
et acceptable de lui-même afin que ce dernier se donne une perspective
personnelle et professionnelle qui l’aide à réussir le projet qu’il va entre-
prendre.
L’essentiel
71
Chapitre 6
Les instruments
du bilan
de compétences
Résumé
73
6. Les instruments du bilan de compétences
Les entretiens
Après avoir présenté les caractéristiques des entretiens psychologiques,
on abordera les caractères spécifiques des entretiens dans les bilans de
compétences.
L’entretien de recherche
Dans un entretien de recherche, le sujet sait normalement que l’ano-
nymat est respecté. C’est l’interviewer qui est demandeur et c’est pour
lui que parle le sujet. Il est en quelque sorte le centre de l’entretien.
Le but est de collecter des données pour une étude générale. Le poids
74
institutionnel est relativement limité dans la mesure où c’est pour une
« bonne » cause. Il s’accroît en revanche pour des études à finalité com-
merciale dès lors que le sujet prend conscience de l’importance de ses
réponses. On peut passer alors d’une relation de don (de l’information
par le sujet) à une situation de transaction (qu’est-ce que l’on obtient
en contrepartie des informations apportées ?).
L’entretien d’aide
Dans un entretien centré sur le sujet, l’entretien est réalisé à son profit,
pour lui. Le but de l’interviewer est alors d’aider le sujet à s’appro-
prier les éléments qui apparaissent à l’occasion de l’entretien. Ce cas
de figure, qui ressemble à la situation de bilan de compétences, cor-
respond au fait que l’interviewer est au service du sujet qui s’exprime,
afin que celui-ci accède à des informations nouvelles sur lui-même.
C’est un entretien centré sur le sujet. On notera que, si certains aspects
évoquent l’entretien dit « non-directif », la situation est plus large et ne
présume pas de la méthode utilisée.
L’entretien de sélection
Enfin, ce qui arrive souvent, l’entretien peut être réalisé au bénéfice d’un
tiers extérieur qui a demandé l’entretien pour en tirer des informations et
pour éclairer ses choix (par exemple, un employeur). Le centre de l’entre-
tien se trouve alors en dehors même de la situation d’entretien. Dans ce
cas l’interviewer est un intermédiaire, un relais d’emprise, et il doit juger,
en tant que professionnel, de ce qu’il doit garder comme confidentiel et
de ce qu’il peut communiquer comme information pertinente à celui qui
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.
75
6. Les instruments du bilan de compétences
Dans un entretien « centré sur le client » (de type Rogers, mais sans
référence à la notion de non-directivité dans la mesure où un entretien
clinique peut exercer une emprise forte, orienter le propos et déterminer
le niveau d’implication), quatre caractéristiques sont rassemblées (voir
encadré suivant).
76
L’entretien dans le bilan de compétences
■ L’entretien d’accueil (phase 1)
Dans la phase préliminaire du bilan, ou phase d’accueil et d’informa-
tion, l’entretien individuel est la méthode la plus utilisée. Il est com-
plété ou préparé par des entretiens en petits groupes, surtout lors de la
première réunion d’accueil.
77
6. Les instruments du bilan de compétences
Les tests
Les tests psychométriques forment un ensemble d’instruments diver-
sifiés en vue de mesurer de multiples dimensions relatives aux sujets
humains. Ils demandent une compétence et une qualification pour les
administrer dans de bonnes conditions, et surtout pour les analyser
dans le cadre théorique et méthodologique qui en donne les limites.
Après l’analyse de leur définition, on passera en revue leur variété
selon plusieurs critères de classification. Puis on présentera succincte-
ment différents tests utilisés dans le bilan de compétences.
Définition
Selon la définition classique (cf. Pichot, 1968), on appelle test une situa-
tion standardisée, servant de stimulus à un comportement. Celui-ci est
évalué par une comparaison statistique avec celui d’autres individus pla-
cés dans la même situation, ce qui permet de classer le sujet examiné
soit quantitativement, soit typologiquement.
■ La situation standardisée
Une situation standardisée est une situation parfaitement définie, qui
peut être reproduite à l’identique, et qui a été précédemment étudiée,
analysée et validée, et dans laquelle les sujets se trouvent placés de la
même manière. Cela signifie que le matériel est le même, que les discours
et incitations verbales (appelées aussi « consignes ») sont les mêmes, que
les attitudes de ceux qui les présentent sont également identiques.
La façon de présenter les tâches à réaliser et les conditions de leur
réalisation doivent donc être aussi les mêmes. C’est ce qu’on appelle les
conditions de passation. Parmi elles, il ne faut pas oublier les facteurs
78
psychologiques qui peuvent modifier la signification donnée par les
sujets aux tests : l’anticipation et la représentation de l’enjeu et des consé-
quences des résultats aux tests. Ces dimensions sont malheureusement
fréquemment sous-estimées, voire totalement non prises en compte,
dans beaucoup d’études pourtant de niveau international.
Ainsi par exemple, la passation d’un simple questionnaire peut appor-
ter des résultats différents selon qu’il est rempli sur le lieu de travail, chez
soi ou dans un local indépendant en présence du chercheur. Dans le même
sens les résultats varient selon que le sujet pense que ses réponses pourront
être vues par son supérieur hiérarchique ou qu’il croit que l’anonymat est
assuré et que l’on ne peut pas découvrir qui a répondu (dans un groupe
limité il n’est pas suffisant de cacher le nom, on retrouve facilement qui a
répondu ou encore de quel petit groupe viennent les réponses).
■ La comparaison statistique
Les dimensions enregistrées vont ensuite être situées par rapport ou par
comparaison aux résultats obtenus par une population de référence,
dite « parente », c’est-à-dire la plus identique possible aux sujets testés.
Cette caractéristique est très importante et généralement une source de
confusion sur les résultats obtenus : en effet un test ne donne pas d’in-
formations sur ce qu’est le sujet lui-même, mais il apporte un système
de comparaisons par rapport à une population donnée. Ainsi, pour la
question de l’intelligence par exemple, le test ne dit pas si l’on « est »
intelligent ou non ; il indique que l’on est plus ou moins capable de
résoudre certaines tâches qu’une population de référence.
79
6. Les instruments du bilan de compétences
Si l’on classe un objet (exemple, des clous) par rapport à sa grandeur (ou sa
taille), on réalise une opération cognitive qui permet uniquement de décrire
l’objet en fonction d’une dimension donnée (on pourrait aussi classer les clous
par rapport à d’autres dimensions, comme la grosseur, la forme de la tête, le
type de matériau).
Mais si l’on classe des individus entre eux, la description sera généralement asso-
ciée à une comparaison sociale qui induit un jugement de valeur, et par la suite
le sentiment d’être évalué.
Ainsi, la taille prend-elle d’autres significations que sa définition technique et
suscite des considérations qui vont bien au-delà de la simple description : elle
peut être associée à des traits de personnalité, à un sentiment de domination ou
d’infériorité, à la constitution d’une hiérarchie sociale. On passe alors de la seule
catégorisation cognitive à une catégorisation sociale qui, pour s’appuyer sur les
mêmes termes, induit cependant des processus très spécifiques.
C’est en raison de leur utilisation sociale que les tests sont générale-
ment décriés, alors même qu’ils constituent des outils techniques indis-
pensables qui réduisent sensiblement les approximations, les erreurs
d’appréciation subjective et les décisions arbitraires. Il faudra dès lors
veiller à leurs modalités d’utilisation et aux conséquences sociales qu’ils
entraînent pour les sujets, afin de limiter les craintes légitimes qu’ils
peuvent susciter et de s’en servir dans une autre perspective que celle
d’une évaluation sociale et comparative qui risque d’être réalisée en
défaveur des intéressés. Le fait de faire participer les individus concer-
nés à la démarche et aux résultats obtenus à leur profit, comme dans le
bilan de compétences, transforme leur mode d’insertion sociale et leur
finalité perçue (cf. les buts).
80
Variété et classification des tests
Les tests visent à mesurer de nombreuses dimensions psychologiques
qui ne sont pas souvent faciles à détecter ou à repérer. Comme ils sont
susceptibles d’apprentissage et que les individus peuvent s’y accoutumer
(et donc les réussir mieux que la première fois), de nouveaux tests appa-
raissent sans cesse sur le marché, y compris maintenant avec des pré-
sentations informatisées. Cependant, on peut tenter de les classer selon
différents critères : selon leur objet, selon leur but, et selon leur méthode,
afin de repérer ensuite leur mode d’utilisation au cours des bilans de
compétences.
– Les tests d’intelligence portent sur des aspects associés à une intelli-
gence générale (facteur g) en œuvre dans la compréhension et la réso-
lution de problème, ou sur des dimensions plus spécifiques (mémoire,
visualisation, etc.) souvent appréhendées selon une conception facto-
rielle. Quelques tests traitent de la créativité, de l’intelligence pratique
(adaptation à des situations sociales), des aspects dynamiques et évo-
lutifs de l’intelligence (cf. Bernaud, 2000).
– Les tests de personnalité ont pour objectif de mettre en évidence des
traits ou dispositions personnelles relativement stables ou reliées à des
situations d’interaction sociale, et de dresser des typologies différen-
ciatrices. On y traite les données selon des approches factorielles, des
modèles typologiques (trouver le type dominant) ou encore à partir des
inventaires de personnalité, plus empiriques encore (cf. Bernaud, 1998).
81
6. Les instruments du bilan de compétences
82
cependant induire une comparaison à autrui. On peut faire l’hypothèse
que cette comparaison externe va à l’encontre d’une centration sur soi,
même si elle fait partie d’une représentation portant en partie sur le sen-
timent d’identité. Il est donc nécessaire pour le conseiller de relativiser
les conclusions d’un test et de les intégrer à une réflexion d’ensemble
sur la personne où l’aspect évaluatif est à minimiser au profit d’une
analyse sur les compétences et les orientations possibles de l’intéressé.
On aborde là une question assez délicate qui inclut la façon dont les
résultats de tests vont être perçus, intégrés ou rejetés, par la personne
concernée, en fonction du différentiel entre ses attentes et les données
recueillies. On se trouve typiquement à un moment d’attention focali-
sée sur soi où des dimensions impliquantes peuvent être reconsidérées
et restructurées. Ce qui importe est donc moins le résultat du test lui-
même que la façon dont la personne va l’utiliser pour revoir ou seu-
lement prendre en compte des aspects d’elle-même qu’elle pourra ou
non mettre en relation avec sa situation professionnelle, ses attentes,
ses compétences, ou ses projets.
– Prédire : un troisième but, souvent associé aux tests, est d’établir une
prévision. Cet aspect prédictif, à la fois attendu et craint dans la repré-
sentation populaire, ne repose en fait que sur l’établissement d’une
probabilité statistique et un raisonnement logique supposant une sta-
bilité des facteurs psychologiques dans une situation identique. C’est
sans doute l’utilisation la plus contestée des tests dans la mesure où
elle tend à prédéterminer les limites de toute activité future et à réduire
la possibilité de toute évolution ou de tout développement. Le sujet se
trouve alors dans un champ délimité d’où il ne peut sortir, ce qui ren-
force le côté jugement absolu sur un état de l’individu lorsqu’on est en
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■ Selon la méthode
Une troisième façon de classer les tests peut être effectuée selon leur
méthode.
Les uns sont construits autour d’une tâche à réaliser, qu’elle soit
cognitive ou manuelle, en situation réelle ou transposée. Il existe donc
des réponses meilleures que d’autres. Le résultat obtenu est en général
83
6. Les instruments du bilan de compétences
1 Les ECPA distribuent maintenant les tests des EAP (Éditions d’Applications Psychotechniques).
84
Les tests les plus utilisés dans le bilan sont : les tests d’intérêts et
de motivation, les tests d’aptitudes, les tests de connaissance géné-
rale et les questionnaires de personnalité.
85
6. Les instruments du bilan de compétences
86
conseiller les préférences et les savoir-faire, et de prendre conscience à la
fois de certaines compétences non prises en compte jusque-là et de cer-
taines limites : quand on connaît mieux ses capacités et ce qui convient le
plus, on peut davantage s’orienter et construire un projet cohérent qui a
davantage de chances de réussir.
Cependant, plus encore avec les tests de personnalité qu’avec les
autres, il est important d’éviter une lecture normative et comparative des
données recueillies, qui risque de figer ou de stigmatiser des représenta-
tions de soi en terme d’états non modifiables, voire de faire penser que
l’on se trouve psychologiquement anormal ou malade psychiquement.
Cette orientation médicale et normative sort explicitement du cadre des
bilans de compétences.
Quand des interprétations précises sont possibles, il est à la fois
nécessaire que le conseiller maîtrise parfaitement son domaine et qu’il
ne transforme pas la situation en analyse thérapeutique. C’est notam-
ment le cas avec les tests projectifs, qui demandent sans doute un autre
cadre que le bilan et plus de temps pour être développés avec profit pour
les intéressés, sachant que le travail lié à une interprétation profession-
nelle de qualité est long et complexe.
Parmi les tests utilisés, on peut citer :
– le 16 PF 5 de Cattell (aux ECPA) qui permet de repérer et d’analyser
son mode de fonctionnement personnel ;
– le QPPL (de Permatin Legrès) : il suscite une auto-évaluation de la
personnalité et s’applique surtout aux jeunes ;
– l’IPV ou inventaire de personnalité des vendeurs (aux ECPA) : il per-
met d’évaluer les capacités commerciales ;
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87
6. Les instruments du bilan de compétences
88
Fiche pratique
Un mode d’utilisation d’un test d’intérêts
professionnels (IRMR)
Étapes :
– recueil d’informations biographiques (pour mieux comprendre la suite),
– présentation de la typologie (avant de répondre aux items),
– appropriation des dimensions du test (à partir d’exercices par scénarios),
– auto-estimation relatives aux types (réponses aux items),
– correction du test avec la personne concernée et présentation des échelles,
– synthèse des résultats, explicitation et travail à partir de la restitution.
Dans une autre recherche sur le mode de restitution relatif à un questionnaire
de motivation (QMA) (Masselin, 2001), il apparaît que le co-dépouillement avec
reformulation dans un système interactif conduit à un sentiment de satisfaction
plus grand, à une meilleure appropriation de la démarche et à une réflexion plus
poussée sur soi, et ce par rapport à une restitution classique des données en
fonction des types dominants apparents.
L’essentiel
89
Chapitre 7
Compétences,
mode d’intervention
et déontologie
des conseillers-bilans
Résumé
91
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
La déontologie
s’appuyant sur la compétence
C’est une demande légitime venant de tout utilisateur de la psychologie
que les psychologues se réfèrent à une déontologie. Celle-ci, dans ses
principes généraux, suppose de respecter et de protéger l’intégrité des
personnes, notamment dans l’exercice professionnel. Cependant des
questions d’application se posent et ont donné lieu à des règles plus ou
moins contraignantes selon les pays.
Mais des spécificités apparaissent aussi en fonction des domaines
de la psychologie, en particulier par référence aux actes réalisés. En
psychologie clinique par exemple, on peut plus facilement chercher
à définir un acte sur le modèle de l’acte médical ou infirmier, même
si cela n’est pas toujours possible. Mais en psychologie du travail, les
activités ne peuvent pas être réservées pour une profession donnée : il
n’y a pas nécessité de faire appel à un psychologue pour embaucher
quelqu’un, pour faire des choix entre plusieurs candidats ou pour don-
ner des conseils d’orientation. Le psychologue n’a pas l’exclusivité de
son type d’intervention. Il n’est donc pas possible de réserver ces acti-
vités à une catégorie de professionnels qui garantiraient les principes
déonto-logiques d’une pratique.
Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il ne faut pas défendre des
règles déontologiques dès lors que des aspects importants des personnes
sont en jeu. Cela est d’autant plus nécessaire que certaines méthodes ou
92
instruments sont utilisés : il faut savoir s’en servir pour éviter des usages
abusifs, des conclusions erronées ou seulement une utilisation inadé-
quate. De même que l’on ne peut confier une activité de niveau élevé au
premier venu, de même on peut penser qu’il est nécessaire d’avoir une
compétence sûre et validée pour s’occuper de la psychologie des per-
sonnes et leur garantir un service de qualité qui ne pourra pas leur nuire.
On voit déjà par là que le respect d’une déontologie s’appuie sur une
compétence professionnelle. C’est ce que nous avançons dans l’Asso-
ciation Internationale de Psychologie du Travail de Langue Française.
À défaut, les règles déontologiques risquent de se réduire à la défense
corporatiste d’une profession qui chercherait seulement à se protéger de
l’extérieur en raison de son manque de crédibilité.
Toutefois, la situation n’est pas si simple, car il est exact que le psy-
chologue doit aussi être défendu afin qu’il puisse exercer sa profession
sans la pression de ceux pour qui il travaille.
En effet, une autre différence importante avec l’exercice libéral du
psychologue clinicien, tient à ce que le psychologue du travail se trouve
non pas dans une relation duelle, de type médecin-patient, mais dans
une relation triangulaire, ou à trois pôles : il travaille souvent pour un
tiers institutionnel par qui il est payé tout en rassemblant des informa-
tions psychologiques sur des individus, celles-ci devant être transmises
à l’employeur.
Il est alors nécessaire de définir les rapports et les conditions de trans-
mission de l’information prise sur le sujet humain. D’un côté elle lui
appartient et ne devrait pas être divulguée, mais de l’autre il est sou-
vent clair pour tous dès le départ qu’elle servira à préparer des choix
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93
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
La gestion de la perception
de la destination de ces informations
L’aspect le plus visible est souvent celui de la perception des consé-
quences d’une situation d’évaluation des personnes. En effet ceux qui
sont évalués savent généralement que les informations qu’ils donneront
sur eux vont être utilisées pour prendre des décisions qui les concer-
nent directement. Il apparaît assez clairement que la connaissance d’au-
trui, de ses caractéristiques, de ses goûts ou de ses aptitudes, exerce une
emprise, donne du pouvoir ou augmente la capacité d’action sur ceux
qui sont connus. C’est ce qui est étudié dans le modèle théorique de
« l’emprise analytique » (Lemoine, 1994).
Par exemple, connaître les goûts ou les habitudes de consommation
de quelqu’un permet de lui proposer des objets susceptibles d’être ache-
tés par lui ou de rendre plus efficace une publicité. La connaissance des
compétences d’une personne peut devenir un élément déterminant lors
d’une décision d’embauche ou en vue d’une évolution professionnelle.
Parfois le seul repérage nominal associé à des données personnali-
sées et rassemblé dans un fichier informatique peut entraîner des consé-
quences pour l’individu visé, et celles-ci peuvent lui être préjudiciables,
comme dans le cas d’un dossier, scolaire ou professionnel, établi sur
quelqu’un, et qui le suit à son insu.
Ces conséquences sociales possibles sur les individus concernés justi-
fient la protection des personnes et la nécessité d’un secret professionnel.
Mais en psychologie, les conséquences ressenties peuvent apparaître
avant même que l’effet soit produit : la seule représentation de cet
effet possible peut provoquer un résultat. L’anticipation de l’effet peut
déclencher le phénomène lui-même.
94
Ainsi on a pu montrer que des réponses normatives, de complai-
sance, diminuaient en situation d’anonymat tandis qu’elles augmen-
taient lorsque le nom était indiqué. Dans le même sens, les informations
données par les sujets sur eux-mêmes varient selon la destination des
données perçue par eux : l’évasivité des réponses est moindre lorsque
l’objectif des questions est d’ordre général (à but scientifique) et lorsqu’il
permet aux sujets de participer à l’étude.
De la même façon encore, on sait que des questionnaires distribués
par le supérieur hiérarchique ne donnent pas le même taux de réponse
ni les mêmes résultats que lorsqu’ils sont présentés sous forme anonyme
par un professionnel de la psychologie qui est indépendant du système
d’organisation.
Ces données conduisent à remarquer que les conditions qui entou-
rent la passation de tests, de questionnaires ou d’entretiens, sont impor-
tantes à prendre en considération, car elles portent à la fois sur les règles
déontologiques et sur le contenu même des résultats obtenus. On peut
ainsi conclure que la perception des finalités du recueil d’information
sur autrui fait partie de la démarche elle-même. Il est nécessaire que ce
recueil soit réalisé par un professionnel de la psychologie qui associe
l’exigence déontologique et la réduction des distorsions dues à l’antici-
pation de l’utilisation des réponses, élaborée par les répondants.
95
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
96
Il en ressort que l’approfondissement des méthodes et la recherche
sur les conditions de passation assurent à la fois une augmentation des
compétences professionnelles et une amélioration des aspects déonto-
logiques selon lesquels les sujets sont mieux considérés et respectés au
cours même de la démarche de recueil des informations.
97
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
98
Dans ce cadre, le professionnel se doit non seulement de maîtriser
ses modèles et ses méthodes scientifiques mais aussi de veiller à asso-
cier les individus à la démarche et aux résultats. Il passe ainsi d’un
rôle d’expert extérieur, quelque peu autoritaire ou professoral, à celui
d’un accompagnateur qui s’occupe de faire progresser l’intéressé par
lui-même plutôt que de lui imposer des conclusions le concernant,
fussent-elles scientifiques.
Présentation de la démarche
et des perspectives pour le bénéficiaire
La présentation claire des objectifs du bilan, l’assurance que les don-
nées recueillies ou échangées ne seront mises qu’à la seule disposition
du bénéficiaire, la vérification que celui-ci est bien volontaire pour
entreprendre la démarche et les explications apportées sur les diffé-
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7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
100
Participation à la démarche scientifique
Un autre aspect du bilan de compétences qui apporte une avancée sur le
plan déontologique, comme sur le plan épistémique, porte sur la place
reconnue au bénéficiaire et à sa relation avec le conseiller au cours de la
démarche même du bilan.
En effet le bénéficiaire, s’il passe des tests, est associé aux étapes de
la procédure. Les méthodes utilisées pour recueillir l’information ne
restent donc pas des procédés inconnus et inaccessibles. L’intéressé
est invité à participer à la démarche et à s’approprier les éléments qui
font partie de la méthode utilisée. Cette appropriation des méthodes
(Lemoine, 2001) par ceux qui, habituellement, les subissent modifient
différentes composantes de la situation :
1. La situation de prélèvement d’information, par tests, question-
naires ou entretiens, perd son côté unilatéral et imposé ; elle est rem-
placée par un mode de relation moins dissymétrique où le sujet n’est
pas cantonné dans un rôle de cobaye ou de simple donneur de ren-
seignements sur lui, mais participe à la démarche méthodologique,
accède à l’information sur ce qui se passe et comprend les étapes qu’il
parcourt. La situation de test, de consignes, de soumission est ainsi
remplacée par une situation plus égalitaire par la participation à la
mise en œuvre des méthodes.
2. Le conseiller ne peut plus concevoir son rôle comme celui d’un
testeur, d’un agent technique (ou psycho-technique), ou d’un don-
neur d’ordre et de consignes. Il devient l’organisateur d’une démarche
d’ensemble dans laquelle il prévoit la place occupée par l’intéressé.
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101
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
est préférable que le sujet ne sache pas sur quoi porte le test ou la ques-
tion ; et le fait qu’il le découvre nuit à la validité des résultats obtenus,
ce qui est considéré comme une faiblesse méthodologique. À l’opposé,
lorsque le test ou la question visent à susciter une auto-attention ou
une réflexion du sujet sur sa propre position, la transparence des objec-
tifs devient un atout et n’est plus un biais. Elle permet à l’intéressé de
développer des processus internes qui vont conduire à une clarifica-
tion de sa situation, de ses possibilités et de ses choix personnels.
4. Enfin, il faut encore rappeler que cette orientation qui donne accès
aux méthodes pour les sujets transforme leur statut. Ils passent d’une
position de sujets étudiés, qui subissent la démarche d’analyse réalisée
sur eux et qui attendent des résultats extérieurs, à une position où ils
sont partie prenante de la démarche, où ils interviennent activement
et où ils construisent progressivement les informations qui les concer-
nent, ce qui complète les options déontologiques en leur faveur.
Il en résulte que l’évolution de l’utilisation des méthodes change sen-
siblement la perspective scientifique classique. Le sujet n’est plus étudié
de l’extérieur à partir d’un instrument existant, il découvre avec l’aide
du conseiller une méthode pour progresser dans son questionnement
personnel. La « méthode scientifique » devient pour lui une « méthode
pour avancer avec rigueur dans l’analyse de ses compétences ».
Le bénéficiaire n’apprend donc pas seulement des informations nou-
velles sur lui, il apprend à les découvrir avec méthode grâce au soutien
du conseiller qui le guide dans cette démarche. C’est en ce sens qu’il
acquiert une nouvelle compétence, celle de savoir analyser ses compé-
tences (Lemoine, 1997). Dans cette perspective, le conseiller n’est plus
là d’abord pour donner un résultat et affirmer une conclusion, mais
pour apporter le soutien méthodologique nécessaire afin que le bénéfi-
ciaire puisse mener à bien la démarche consistant à découvrir ses com-
pétences.
102
des pratiques du secret et de la non information, ne sont pas sans sou-
lever de nouvelles questions. L’une d’elles consiste à se demander com-
ment l’intéressé va recevoir cette information en retour sur lui et quels
effets elle va produire.
D’un côté des recherches sur l’apprentissage ont montré que l’accès
aux résultats permettaient aux sujets de s’adapter, d’ajuster leur conduite
et d’augmenter leur performance (Leplat, 1970). Dans une perspective
plus psycho-sociale, Lewin (1959) a vérifié que l’information sur les
résultats antérieurs modulait le niveau d’aspiration et entraînait que les
sujets se donnent des objectifs plus en accord avec les réalisations pas-
sées. On trouve donc à la fois un effet d’accroissement de connaissance
qui guide l’action, un effet de motivation, et un effet d’adaptation géné-
rale à la situation qui s’en suit.
Mais d’un autre côté, l’information scientifique portant sur l’image
de soi peut aussi provoquer des phénomènes qui risquent de déstabi-
liser les personnes concernées, surtout dans le cas où l’écart entre la
représentation antérieure ou les attentes et les conclusions obtenues est
grand. Un sentiment d’évaluation négative ou de jugement de valeur est
possible et met en cause l’équilibre personnel ancien.
Face à ce danger, plusieurs stratégies sont envisageables et en particu-
lier le fait de rejeter les résultats en considérant qu’ils n’apportent qu’un
élément partiel ou transitoire ou qu’ils sont susceptibles de comporter
des erreurs. On trouve cette conduite par exemple à partir de résultats
provenant de tests mesurant le quotient intellectuel. On peut considérer
que ce rejet ou cet essai de négation constitue une défense de l’individu
et qu’il est nécessaire de le respecter afin d’éviter une dérégulation de
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l’équilibre personnel.
D’autre part, les résultats scientifiques peuvent aussi, à l’inverse, être
vus comme des vérités intangibles, des affirmations fondées qu’il ne faut
pas critiquer. Ce caractère d’autorité des conclusions scientifiques, sur-
tout quand elles correspondent à des idées socialement répandues, déjà
établies ou évidentes, peuvent accentuer des formes de catégorisations
sociales et mentales et renforcer des stéréotypes. C’est le cas par exemple
avec les catégories socio-professionnelles et la hiérarchie sociale suppo-
sée linéaire et simple qui en découle. À ce sujet, il semble utile que le
conseiller soit capable d’une réflexion suffisante sur ce qu’il induit afin de
ne pas provoquer ou renforcer des associations toutes faites entre un type
de métier et sa correspondance dans une hiérarchie de valeurs supposée.
103
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
Cela pourrait éviter par exemple une orientation vers des études longues
mais très incertaines au profit d’une formation professionnelle plus pra-
tique, peut-être au départ moins bien considérée, mais qui serait mieux
adaptée à la personne et lui apporterait plus de satisfactions en matière de
débouchés professionnels, et finalement plus de réalisation de soi.
L’une des méthodes à mettre en place pour éviter l’effet abrupt de
résultats finaux qui ressemblent toujours plus ou moins à une évalua-
tion ou à un verdict d’examen, consiste à faire participer l’intéressé à
leur élaboration et à créer une série successive de boucles de rétroaction
qui lui permettent de s’approprier progressivement les informations
nouvelles qui sont dégagées sur lui. Cette participation à la découverte
d’informations implicantes permet de gérer plus facilement les risques
de déstabilisation et de rejet, et de revenir sur des conclusions erronées
ou mal comprises afin de continuer la progression de la réflexion en
fonction du rythme et des possibilités de la personne concernée.
Ces orientations prises, non seulement sur le fait de donner des résul-
tats au bénéficiaire mais aussi sur la manière de les présenter en l’associant
aux différentes étapes du processus, font du bilan de compétences un lieu
privilégié pour traiter des questions de gestion de carrières en respectant
les sujets sur le plan déontologique et en leur apportant le cadre néces-
saire pour qu’ils puissent avoir le sentiment de prendre en mains leur
propre orientation et contrôler les choix qu’ils sont amenés à effectuer.
104
ou au contraire doit-il éviter de donner des conseils au risque de se
trouver incompris voire déconsidéré en raison du fait qu’il n’apporte
pas de réponse ?
On entrevoit assez spontanément que les deux voies induites dans la
question génèrent des insatisfactions. S’il intervient, il risque de se voir
reprocher d’être autoritaire, d’imposer une solution, de ne pas considérer
assez son interlocuteur, d’influencer des choix ou de prendre des direc-
tives à la place de l’intéressé. S’il n’intervient pas, il risque au contraire
d’apparaître comme ne remplissant pas son rôle, ne s’intéressant pas à la
demande qui lui arrive, voire comme manquant de compétences.
Face à ce dilemme, le rôle du conseiller dans le bilan de compétences
peut se définir à partir d’un autre registre. S’il est préférable qu’il ne
donne pas de directives en se retranchant derrière des données scien-
tifiques ou supposées telles, il lui est cependant demandé d’intervenir.
Le dispositif du bilan lui permet de se situer non pas directement sur
le contenu mais plutôt sur le registre de l’organisation de la démarche.
C’est lui en effet qui peut proposer un cadre pour organiser les étapes
au cours desquelles l’intéressé découvrira progressivement des informa-
tions sur ses compétences, sur ses possibilités par rapport à une situation
d’ensemble, sur son projet professionnel. Le conseiller se trouve ainsi
être celui ou celle qui ne donne pas de conseils mais qui met en place
un processus dans lequel le bénéficiaire sera amené progressivement à
repérer ses compétences, à effectuer des choix, à élaborer son projet.
Il devient ainsi le garant d’une démarche rigoureuse, où il apporte
ses méthodes et son savoir professionnel, mais qui en définitive est celle
du bénéficiaire.
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105
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
Le mode d’intervention :
clinique mais non thérapeutique
Une tendance, qui provient sans doute de la formation des psycholo-
gues et de l’application des méthodes d’écoute personnalisée des pro-
blèmes d’autrui, est de considérer implicitement le bilan comme un
centre de soins thérapeutique.
Il faut rappeler à ce propos que le bilan de compétences se situe dans
le cadre de la formation professionnelle et qu’il vise à contribuer à per-
mettre aux bénéficiaires de repérer leurs compétences en vue de les valo-
riser et de les développer. Dans cette perspective, prendre la personne
qui souhaite réaliser un bilan comme un patient serait une double
erreur : cela transformerait le dispositif d’accueil en centre de soins et
cela placerait la personne intéressée dans une position de dépendance
alors même que l’objectif est de lui permettre de s’orienter et donc de
gérer davantage par elle-même ses compétences.
Cette question conduit à réfléchir sur la notion d’aide à autrui.
Certaines formes d’aide sont susceptibles de générer leur propre repro-
duction et de se pérenniser en accentuant le côté dépendant des per-
sonnes aidées. Comme pour la question de l’influence, il s’agit ici
moins d’apporter des solutions que de proposer une méthode pour
que l’intéressé progresse. Médicaliser les problèmes revient parfois à
empêcher leur gestion dans le cadre des relations sociales habituelles
et à gêner la prise d’initiative et la dynamisation de l’action face à une
situation problème.
D’autre part, il semble nécessaire de distinguer entre deux com-
posantes trop souvent liées en psychologie : la méthode clinique et
l’intervention thérapeutique. La méthode clinique consiste à ne s’oc-
cuper que d’une personne à la fois pour être à son écoute et pour sai-
sir sa problématique comme une situation particulière, voire unique.
Elle se trouve par là en parfaite adéquation avec l’objectif d’un suivi
individuel comme on le rencontre dans le bilan de compétences. En
revanche, l’intervention thérapeutique présuppose qu’il y a un malade
à guérir, ce qui est contraire à la perspective de considérer le bénéfi-
ciaire comme un interlocuteur à part entière, qui a toutes ses facultés
et qui peut même accéder à plus d’autonomie en apprenant à analyser
ses compétences.
Il n’est donc pas inutile d’insister sur le fait que le bilan de compé-
tences se situe dans le cadre des dispositifs de formation professionnelle
106
qui visent à développer les compétences des intéressés, et non dans celui
d’une prise en charge thérapeutique et médicalisée.
Éviter de médicaliser les questions de ceux qui souhaitent réaliser un
bilan de compétences, c’est déjà considérer les personnes comme des
interlocuteurs à part entière, les reconnaître capables de gérer leur situa-
tion et donc favoriser les conditions de réussite du bilan.
La directivité scientifique
versus l’aide à l’auto-analyse
Une autre question peut venir du caractère scientifique des conclusions
auxquelles on arrive. D’une part les gens aiment généralement s’ap-
puyer sur des certitudes, d’autre part le psychologue lui-même tend à se
référer aux résultats qui viennent de méthodes validées. Ces deux phé-
nomènes contribuent à prendre facilement les conclusions comme des
réalités inamovibles et à intensifier le côté directif de l’intervention. Il se
peut ainsi que les affirmations issues des résultats scientifiques viennent
gêner la réflexion personnelle et la démarche d’auto-analyse amorcée à
partir d’un travail sur les compétences.
Face à cela, il semble préférable de situer les données dans le cadre
d’une démarche en cours, ce qui permet d’apporter des éclairages nou-
veaux sur une situation sans pour autant déterminer d’office les voies
à prendre. Dans cette perspective, la méthode d’attention portée à ses
compétences importe davantage que les contenus. Ceux-ci sont plutôt
à prendre comme des repères, des données suscitant la réflexion avant
une décision, que comme des généralités intangibles.
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107
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
Aux trois temps du bilan (cf. tableau 2 p. 43), correspondent trois formes d’inte-
raction entre le conseiller et le bénéficiaire. Elles sont spécifiques de la relation de
confiance qui met le bénéficiaire au centre de la démarche, et s’opposent par là à
une emprise analytique exercée sur autrui pour prendre de l’information sur lui.
Situation de l’intéressé
108
Cette notion d’accompagnement est à la mode, elle est parfois uti-
lisée comme un sésame qui résoudrait tous les problèmes. Elle risque
alors de s’apparenter à une sorte de béquille qui accentuerait plutôt une
situation de dépendance et la ferait perdurer. Mais elle souligne aussi
la nécessité d’un soutien qui se maintient dans le temps, au cours d’un
processus d’acquisition ou de mise en route. En cela, elle ne se réduit
pas à une simple présence familière et demande l’apport d’une méthode
qui évite à la personne accompagnée de s’appuyer sur autrui au lieu de
prendre ses décisions par elle-même. Il est donc nécessaire de définir
dans quel sens nous nous référons à cette notion.
L’accompagnement signifie en effet d’abord que le conseiller n’a pas
à prendre la place de l’intéressé, à décider pour lui, à lui imposer des
choix ou à le mettre dans une situation de dépendance par rapport à des
solutions, des remèdes ou des directives. C’est en cela reconnaître que la
personne réalisant son bilan doit garder une place centrale et première.
Sur un plan déontologique, c’est une façon de la respecter que de lui
permettre d’organiser par elle-même ce qu’elle souhaite.
Mais dans le même temps, l’accompagnement signifie aussi que le
conseiller apporte les moyens pour que cette personne soit en situation
de prendre ses décisions, de réaliser ses choix, de s’orienter en connais-
sance de cause. Il s’agir pour cela de l’accompagner dans ses démarches,
de lui fournir un cadre et des méthodes pour progresser par elle-même, de
la rassurer et de la mettre en confiance pour lui ouvrir des perspectives.
L’accompagnement indique bien ce double processus : apporter à
la personne, tout au long de sa démarche de bilan, un soutien et des
moyens pour se repérer, pour analyser sa situation, pour construire son
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109
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans
L’essentiel
110
Chapitre 8
Résumé
111
8. Les effets du bilan
112
On peut classer les populations intéressées par le bilan en deux
grandes catégories : les demandeurs d’emploi et les salariés.
D’une part, le dispositif des bilans correspond, pour les organismes
publics, à une nouvelle façon de gérer des populations sans emploi tout en
leur offrant une perspective d’évolution en l’appuyant sur une définition
meilleure de leur situation et de leurs possibilités afin qu’elles se trouvent
davantage en adéquation avec la demande économique ou sociale. Cela
couvre aussi bien des chômeurs de longue durée que des demandeurs d’em-
ploi plus récents ou des jeunes sans formation professionnelle diplômante.
Pour les uns il s’agit plutôt d’une action en vue de maintenir un lien social
et une perspective d’insertion, pour les autres, il s’agit de leur donner davan-
tage d’atouts pour qu’ils se prennent en charge et orientent mieux leur
recherche d’emploi en connaissant davantage ce qu’ils peuvent envisager.
Dans ce cadre, le bilan devient un sas intermédiaire permettant de
préparer une recherche d’emploi plus ciblée, ou encore de définir une
formation avant emploi qui soit mieux définie et plus adéquate. Cette
perspective institutionnelle a l’intérêt d’aller dans le sens des attentes
d’une large part de ces populations qui souhaitent savoir comment
s’orienter pour améliorer leur situation.
D’autre part, le dispositif des bilans est ouvert également aux salariés
qui s’interrogent sur leur avenir, soit qu’ils s’attendent à être licenciés,
soit qu’ils cherchent à évoluer par rapport à un emploi peu satisfaisant.
Là encore le bilan offre une perspective aux individus qui ne connais-
sent pas très bien comment s’y prendre et quelles sont leurs possibilités
d’évolution dans un contexte professionnel incertain ou en mutation,
et qui souhaitent changer leur perspective professionnelle, que ce soit
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113
8. Les effets du bilan
114
passage par un dispositif de bilans sur d’autres sphères de la vie de tra-
vail, sachant que les institutions officielles qui financent les bilans sont
avides de connaître l’utilité sociale de ce dispositif.
Toutefois il faut noter qu’il est difficile d’expliquer les effets obser-
vables uniquement à partir des résultats obtenus, étant donné que de
nombreuses sources de variation s’entrecroisent. Par exemple, si l’on
s’intéresse à l’emploi, il n’est pas aisé de déterminer le poids provenant
d’un seul dispositif : l’accès à l’emploi ne dépend pas en effet seulement
des compétences des candidats, il est aussi fonction de la conjoncture
économique et de la demande. Il n’est donc pas suffisant d’avoir des
qualités, encore faut-il qu’il y ait des emplois à pourvoir. Et cela est exact
même si l’on sait par ailleurs que des compétences plus adaptées au mar-
ché de l’emploi facilitent le fait d’obtenir un travail.
Cet aspect relativise considérablement la notion parfois utilisée
« d’employabilité ». En effet elle est souvent comprise comme une carac-
téristique de la personne qu’il lui faudrait avoir pour trouver un emploi.
Mais en fait, à supposer qu’il soit possible de construire un indice de cette
variable, ce qui est loin d’être sûr, l’employabilité ne peut être qu’une
mesure globale et finale qui indiquerait le niveau d’adaptation de la
demande d’emploi à l’offre. Elle dépendrait donc autant de l’une que
de l’autre. Dans la pratique, l’employabilité reste une notion abstraite, à
connotation idéologique, qui n’a jamais été mesurée. Les mesures réali-
sées portent généralement sur le nombre d’embauches ou encore sur le
nombre de personnes catégorisées comme recherchant un travail. Ces
mesures extérieures ne permettent pas de rendre compte directement de
l’importance de la place des compétences, ni de celle de la construction
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115
8. Les effets du bilan
116
et plus efficace dans ses recherches, ce qui conduira à trouver davan-
tage de propositions d’emploi. Il apparaît ainsi que le chemin d’accès
à l’emploi peut passer par des facteurs psychologiques en relation avec
les situations du contexte économique.
Une étude réalisée dans un centre de bilans en Normandie en 2000 indique que
17 % de 70 jeunes en difficulté âgés de 16 à 25 ans ont trouvé un emploi après
leur bilan en 1998, 23 % sont allés en formation et 17 % ont été pris en charge
par un dispositif de soutien local. En 1999, ils étaient respectivement 23 % à avoir
trouvé un emploi et 17 % en formation (9 % étaient aussi en attente de forma-
tion). Il faut cependant noter qu’un nombre important de jeunes n’a pas donné
de nouvelles ou a déménagé (24 % pour 1998, et 31 % pour 1999). Par ailleurs,
les évolutions paraissent multiples et les emplois plutôt précaires.
Une recherche effectuée dans le sud de la France (Ferrieux, 1998) sur une popu-
lation adulte ayant plus de 12 mois de chômage indique un taux de retour à
l’emploi de 48 % six mois après le bilan, soit 24 personnes sur 50. Ce taux est
supérieur à celui atteint après une formation (39 %) ou après une action d’inser-
tion (32 %). Le taux d’entrée en formation était de 22 %, ce qui conduit l’auteur
à conclure que seuls 30 % n’avaient pas changé de situation et se trouvaient
encore au chômage alors qu’il s’agissait d’une population en grande difficulté.
• Enfin, sur le plan de la gestion de carrière, il faut indiquer que les bilans
de compétences permettent également aux bénéficiaires de clarifier leurs
choix, de peser les options possibles et d’avoir le sentiment d’orienter
davantage leur carrière, en apportant une aide à la décision, comme l’in-
dique une étude réalisée pour des cadres (Taïeb et Blanchard, 1997). Cela
nous conduit à traiter des effets psychologiques du bilan.
117
8. Les effets du bilan
118
des bénéficiaires et que les acquisitions obtenues se maintiennent dans le
temps. En particulier on note une plus grande richesse et une plus grande
diversité des compétences décrites. L’effet avant-après est également
confirmé par la comparaison avec un groupe témoin qui, pour sa part,
n’a pas évolué sur le repérage des compétences entre les deux moments
de référence. On remarque en particulier pour les bénéficiaires du bilan,
une évolution sensible sur la représentation des savoir-être : ils savent se
décrire davantage dans ce domaine à la fin de leur bilan.
La quatrième dimension complète les résultats précédents et apporte
des informations sur le fait de savoir porter attention à soi et d’avoir
le sentiment de se connaître. Il n’est pas en effet évident de considérer
que toute personne est capable de générer des connaissances sur elle-même
en matière de compétences. Il apparaît que les bénéficiaires d’un bilan ont
appris à développer une nouvelle compétence : celle d’analyser leurs compé-
tences (Lemoine, 1997). On remarque une évolution sensible sur des items
comme « j’ai établi la liste de mes points forts et de mes points faibles », « je
sais comment repérer mes compétences », ou « j’ai une perception claire de
ma situation ». Il s’agit de l’acquisition d’une méta-compétence qui corres-
pond au fait de clarifier l’image de soi en liaison à l’élaboration de projet.
On peut en conclure que le bilan apporte principalement une meilleure
connaissance de ses compétences, une clarification de sa situation et un
progrès dans l’élaboration de ses projets professionnels.
D’autre part, si l’on compare la progression sur l’analyse des compé-
tences et le maintien de l’estime de soi liée à des processus d’évaluation,
il faut noter que les bénéficiaires ont fait nettement la distinction entre
le fait de porter un jugement de valeur et celui de décrire des compé-
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tences. Étant donné les recherches sur ces deux dimensions différentes,
on peut avancer que le dispositif de bilans, en protégeant les personnes
d’une évaluation extérieure aux conséquences incertaines et en foca-
lisant l’attention sur les compétences et la construction d’un projet
professionnel, aide les intéressés à distinguer dans la pratique ces deux
notions. Sans doute la place centrale qui est donnée aux bénéficiaires
et la participation à la démarche de bilan facilitent-elles cette avancée.
D’autres études (Patte, Pouchard, Vonthron, Lagabrielle, 2002, par
exemple) montrent que le bilan de compétences joue positivement sur le
plan professionnel mais aussi sur des aspects personnels comme le senti-
ment d’identité, l’image de soi, la valorisation de soi, ce qui indirectement
se répercute sur une centration et une implication plus grande vis-à-vis du
travail ou de la formation.
119
8. Les effets du bilan
120
• « Le bilan m’a beaucoup apporté, il m’a permis de prendre le temps de réflé-
chir sur mon avenir. »
• « Faire le point a été positif pour moi. »
• « J’ai trouvé de nouvelles perspectives. » ■
Au début du bilan
« Je suis dans une période où le moral n’est pas au beau ; j’ai des problèmes
avec mon supérieur ; il me dépossède parfois de mes compétences
alors que je m’investis dans ce nouveau métier. »
« J’ai envie de faire ce bilan pour faire le point sur moi-même ; il y a un grand écart
entre ce que je suis au travail et ce que perçoit mon entourage ; je souhaite être
mieux comprise, avoir une meilleure estime de moi. Je souhaite trouver
mes marques, être plus reconnue professionnellement, ce qui me permettrait
aussi d’avoir un meilleur équilibre familial. »
« À l’issue de ce bilan, je compte donc m’orienter vers une formation plus spécifique
dans le domaine de… »
tout au long de ce parcours ; avec elle, j’ai pu cerner de manière efficace et précise
mes compétences professionnelles, et mieux définir mes axes de progrès. »
121
8. Les effets du bilan
L’essentiel
122
Chapitre 9
Les partenaires
du bilan
de compétences
Résumé
123
9. Les partenaires du bilan de compétences
Organisation
Un centre de bilan fait partie de ce qu’on appelle l’économie sociale. Il
s’appuie souvent sur la structure juridique des « associations loi 1901 »
sans but lucratif. Il peut être encadré par une structure plus large, genre
« Mission Locale » gérée sur le plan municipal. Il dépend du ministère
du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle. Il peut aussi
être un service d’un organisme de conseil.
Financements
Un centre de bilan est financé par différents organismes collecteurs de
fonds de la formation professionnelle et continue au titre du « crédit
individuel de formation » (CIF, FONGECIF), par les organismes de ges-
tion pour les handicapés, par l’État (Ministère), par le Pôle Emploi, par
les collectivités territoriales (Conseil Général, Conseil Régional, Munici-
palités), et par les entreprises. Dans certains cas, une participation finan-
cière peut être demandée au bénéficiaire du bilan.
Partenariat
Les centres de bilans peuvent travailler en relation avec le réseau des
CIBC (Centres Interinstitutionnels de Bilans de Compétences), qui ont
été pionniers dans le domaine et assurent une fonction recherche et
développement en relation avec les prestations qu’ils proposent, le
Pôle Emploi, la Chambre de Commerce et de l’Industrie, et parfois la
Chambre des Métiers, les Missions Locales pour l’emploi, l’Université
l’AFPA (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes), les
CIO (Centres d’Information et d’Orientation), les associations d’aide
à l’insertion professionnelle ou de lutte contre le chômage, la Caisse
Primaire d’Assurance Maladie (en ce qui concerne les handicapés), et
la Cotorep (gestion, évaluation et prise en charge des handicapés).
124
L’équipe pluridisciplinaire
Un centre de bilan comprend :
• un conseil d’administration (souvent bénévole dans les associations),
• un directeur,
• une équipe administrative (assistante de direction, comptable, secré-
taire, standardiste, accueil, en fonction de l’importance du centre),
• une équipe opérationnelle de conseillers-bilans (ceux-ci peuvent être
employés à temps plein ou à temps partiel, ils peuvent aussi être déta-
chés d’autres organisations partenaires, ils sont psychologues ou ont
acquis une expérience dans ce secteur d’activité),
• des acteurs satellites peuvent intervenir occasionnellement en cours
de bilan :
– des professionnels du domaine social et de l’insertion (assistante
sociale, éducateur, documentaliste…),
– les centres d’information sur les professions (CIO, ANPE…),
– les organismes satellites : organismes de formation professionnelle,
entreprises, organismes d’insertion professionnelle, organismes de
validation des acquis.
Le système tripartite
Dans la mesure où le bilan est le plus souvent financé par un organisme,
un système à trois pôles intervient dans la gestion et la réalisation d’un
bilan de compétences : l’organisme de prise en charge, le conseiller-
bilan avec son équipe, et le bénéficiaire.
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125
9. Les partenaires du bilan de compétences
Le praticien ou conseiller-bilan
Il est responsable des moyens à mettre en œuvre pour réaliser le bilan :
démarche, rythme des rencontres, méthodes et instruments utilisés, et
cela en concertation avec le bénéficiaire. En France, le conseiller-bilan
est souvent un psychologue (au sens du titre de psychologue, acquis par
une formation universitaire professionnalisée de 5 années et compre-
nant la licence et la maîtrise de psychologie complétées par un Master
avec stage validé). Cependant, dans les textes officiels ce diplôme n’est
pas obligatoire, même si une formation et une expérience en psycholo-
gie restent indispensables dans la pratique. Certaines organisations ne
recrutent que des psychologues ayant le titre.
Le conseiller travaille en équipe dans un centre de bilan. Cela lui per-
met de ne pas se trouver seul devant des problèmes difficiles, de pouvoir
échanger avec ses collègues, de participer aux réunions de concertation
et de formation organisées par le centre ou dans des organisations de
formation extérieures traitant de ce domaine d’activité.
Le bénéficiaire
Provenant d’horizons divers, il s’engage dans la démarche de bilan après
avoir pris connaissance du dispositif et de son mode de participation au
bilan. À ce titre il signe avec les autres acteurs du bilan une convention
tripartite qui précise la procédure et les engagements respectifs.
L’essentiel
126
Chapitre 10
L’évolution actuelle
des bilans
de compétences
Résumé
127
10. L’évolution actuelle des bilans de compétences
Depuis plus de vingt ans, le bilan de compétences a fait ses preuves, s’est
développé et a rendu de grands services tout en proposant un cadre d’in-
tervention qui renouvelle le mode de relations entre ceux qui disposent de
connaissances en sciences humaines et ceux qui en ont moins et cherchent
à s’orienter sur le plan professionnel. Il a notamment montré son utilité
sociale pour les personnes en difficulté d’emploi et celles qui se trouvent
en période d’incertitude ou en cours de mutation professionnelle. Mais son
succès même a favorisé l’émergence de structures nombreuses qui ont tout
à gagner à miser davantage sur la qualité du service rendu.
Plus encore, le bilan, sans doute afin de protéger les personnes et leur
offrir un havre de sécurité, n’a pas été suffisamment perçu comme une
composante à intégrer aux objectifs stratégiques des entreprises, comme en
matière de mise en place d’une logique des compétences. À ce titre il est
nécessaire de le repositionner et de revoir ses objectifs dans le cadre du déve-
loppement des organisations. C’est alors qu’il deviendra véritablement, non
seulement un soutien pour les personnes en difficulté, mais un dispositif
incontournable pour permettre à chacun de gérer son orientation de carrière
et son évolution professionnelle dans un environnement en changement.
La recherche de la qualité
Peut-être en raison même du développement des centres de bilans, plu-
sieurs critiques ont été formulées sur la mise en pratique du déroule-
ment ou encore sur les résultats obtenus. Sans doute la forte demande
de bilans d’un côté, les limitations budgétaires de l’autre n’ont-elles pas
permis à tous les centres de proposer des services de la meilleure qualité.
La pression extérieure pour obtenir des effets importants dans un temps
limité (15 heures) et les attentes fortes pour réduire le chômage sont
aussi intervenues pour accentuer le poids des questions. La difficulté
d’évaluer des effets immédiats et économiquement visibles n’a pas faci-
lité les réponses dissipant tous les doutes.
Cependant les bilans de compétences gardent des atouts importants
et se trouvent situés au centre d’une demande individuelle et sociale qui
ne peut que s’accroître. En effet la gestion des emplois par les compé-
tences demande que chacun soit capable de les repérer et pousse à une
généralisation d’une gestion individuelle de la carrière.
D’autre part, les bilans cadrent bien avec une demande accrue de forma-
tions individuelles courtes et ciblées. Il leur reste cependant à montrer qu’ils
128
correspondent à un service de qualité, soit en assurant des conditions de
prestations suffisantes proposées avec compétence par des professionnels,
soit en proposant un suivi du projet élaboré, jusqu’à sa réalisation. Cela va
dans le sens d’une demande légitime de qualité qui concerne l’ensemble de
la formation professionnelle des adultes (Bonami et Voisin, 1996).
Cependant les critères de qualité peuvent aussi être divergents selon
les acteurs sociaux en présence. Une qualité d’accueil avec suivi psycho-
logique, méthodes adaptées et compétences des conseillers peut passer
relativement inaperçue pour des institutionnels qui se préoccupent à
court terme de la seule évolution de la courbe des demandeurs d’emplois.
Les qualités déontologiques elles-mêmes peuvent apparaître comme des
précautions trop élevées.
Face à ces attentes différentes qui indiquent des orientations en par-
tie opposées, il semble nécessaire de situer les bilans dans une logique
non seulement individuelle mais également dans une perspective orga-
nisationnelle.
129
10. L’évolution actuelle des bilans de compétences
comme un luxe. Il répond à une demande forte sur le plan social et indi-
viduel, offre une contre partie aux fluctuations des situations profession-
nelles et répond à une demande de qualité des interventions.
Mais d’autre part, il est indispensable aussi de situer le bilan comme
une étape intermédiaire importante de régulation entre le marché de
l’emploi et les compétences individuelles. Dans cette perspective le
bilan gagnera à se positionner comme une aide à la gestion des compé-
tences réalisées par les entreprises et à s’intégrer davantage à la logique
des transformations organisationnelles en cours. Le risque est en effet
de limiter le bilan à une population de sans emploi, comme soutien
social pour les périodes de faible croissance, alors qu’il peut trouver
toute sa place dans une gestion des évolutions des compétences à l’inté-
rieur même des organisations.
Il est de courte vue en effet de penser qu’il suffit de créer des emplois,
souvent précaires, pour réduire le chômage. Encore faut-il trouver les
personnes susceptibles d’assurer professionnellement les nouveaux
emplois, de s’adapter aux professions qui se développent et qui n’exis-
taient pas il y a quelques années, de répondre à la demande d’évolution
des entreprises. La gestion des compétences nouvelles permettant aux
organisations de se développer suppose de disposer de structures per-
mettant aux salariés d’évoluer, de définir mieux leurs compétences pour
devenir plus performants dans leur entreprise, de savoir mieux quelle
formation professionnelle leur sera adaptée en vue de répondre davan-
tage aux évolutions de leur organisation.
Dans ce cadre, le bilan de compétences peut devenir un moyen privi-
légié pour gérer l’adéquation entre la recherche légitime des personnes
et la demande de compétences professionnelle accrue des entreprises.
Cependant, si des évolutions du positionnement du bilan sont
sans doute indispensables, afin que ce dispositif trouve sa place aussi
bien dans les périodes de difficulté que dans celles de croissance, il
est également important qu’il reste un lieu de protection individuelle
étant donné la nature psychologique de la démarche personnelle qu’il
permet. En particulier, afin de ne pas compromettre la qualité des
échanges, la gestion des résultats doit impérativement rester sous le
contrôle de la personne concernée. Cette exigence déontologique est
loin d’être un luxe, elle est une condition majeure nécessaire à la qua-
lité du bilan demandée par ailleurs et s’appuie sur la compétence en
psychologie des professionnels du conseil individuel. Celle-ci, pour
130
s’exprimer et se réaliser, suppose une mise en confiance des personnes,
une absence de pressions extérieures et une garantie de respect de non
diffusion des échanges.
131
10. L’évolution actuelle des bilans de compétences
L’essentiel
132
Chapitre 11
Diversité
des dispositifs
et qualité des bilans
de compétences
Résumé
aux bilans de compétences, les bilans pour les jeunes, les bilans
pour les demandeurs d’emploi, les bilans pour les salariés, etc.,
pour se placer du côté de l’usager.
En passant en revue les trois temps du bilan, on propose
des éléments de référence pour définir les critères d’un bilan
de qualité, et savoir le choisir.
133
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
134
différentes. Si l’on peut y voir une capacité d’adaptation, il en résulte
surtout une hétérogénéité des prestations et une inégalité des conditions
de réalisation. C’est ainsi qu’on a vu se mettre en place des dispositifs en
fonction du type de population à traiter : les demandeurs d’emploi, les
jeunes, les salariés. Examinons-les.
135
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
136
antérieures souvent inexistantes et s’appuie davantage sur une analyse des
intérêts personnels. Il peut aussi efficacement être associé à la découverte
d’un ou de plusieurs champs professionnels, sous forme de stages, de visites
ou de rencontres sur le terrain. L’encadrement du jeune par un dispositif
bilan fournissant un support institutionnel, un suivi par un conseiller pro-
fessionnel et une aide à la réflexion personnelle permet de tirer profit de
ces démarches qui, sans cela, ne se feraient pas ou resteraient peu efficaces.
Mais si l’objectif général semble aller de soi, les modes de réalisa-
tion pratique varient et dépendent des dispositifs existants, mis en place
successivement au fil des politiques de l’emploi et en fonction de la
situation du jeune. Bien que certains aspects propres au bilan de com-
pétences se retrouvent, l’ensemble des prestations offertes sont très iné-
gales, visent des buts divers et utilisent des méthodes différentes.
En fonction de la situation du jeune, on trouve d’abord plusieurs
types de structures : les CIO (centres d’information et d’orientation)
pour le niveau secondaire (collèges, lycées), les SUIO (services univer-
sitaires d’information et d’orientation) pour les étudiants, les PAIO
(permanences d’accueil, d’information et d’orientation) pour les jeunes
sortis du système scolaire mais se trouvant sans qualification.
Les CIO et SUIO s’appuient sur des conseillers d’orientation psy-
chologues ayant maintenant cinq années de formation et développent
davantage le conseil individuel que la seule information sur les métiers.
Ils peuvent soit gérer les demandes qui proviennent du jeune ou de
sa famille, soit proposer une démarche de bilan de compétences, soit
encore organiser des sessions de préparation au passage à l’emploi.
Depuis quelques années, l’incitation ministérielle à réduire le taux
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137
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
138
parfois être associée à une prime, à une sanction verbale, à un chan-
gement d’indice ou à une promotion. Il est possible aussi d’y parler
des formations souhaitées ou souhaitables. Cet entretien est à la fois
redouté et attendu, autant par le supérieur que par le subordonné : il est
attendu car il joue comme un lieu d’échange et de communication ; il
est redouté car il peut générer une sanction, positive ou négative, et il
risque aussi de détériorer de ce fait le climat relationnel entre les deux
parties qui auront à continuer à travailler ensemble ensuite. D’autre
part, le n + 1 n’est pas toujours préparé à conduire un tel entretien, n’a
pas souvent de référentiels précis et objectifs, et tend à éviter les difficul-
tés en passant sur les questions sensibles et en notant dans la moyenne.
Les informations consignées remontent aux niveaux supérieurs et sont
fréquemment réduites au minimum pour les mêmes raisons. Parfois,
les conséquences sont rendues négligeables pour éviter les problèmes,
ce qui tend à annuler les effets théoriquement prévus, par exemple en
terme de motivation au travail.
On a montré, à partir du schéma d’emprise analytique, qu’une des
difficultés principales vient du mélange des objectifs qui associent l’éva-
luation des personnes et l’analyse des situations de travail. Le sentiment
d’évaluation crispe les relations et limite l’expression des informations
impliquantes, tandis que l’analyse réciproque permet la communication
et la régulation des problèmes communs. Il est donc préférable que cette
analyse n’attende pas un an pour exister et qu’elle soit dissociée des ques-
tions de personnes. Il en ressort que cette pratique de bilan d’année est très
éloignée de la logique et des caractéristiques d’un bilan de compétences.
L’entretien professionnel, présent dans l’article 1 de l’accord ANI
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139
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
140
fonction des compétences demandées par l’entreprise. Si cette négocia-
tion s’appuie sur la synthèse du bilan de compétences, elle ne demande
pas que les dimensions personnelles soient transmises et c’est au salarié
à présenter les aspects qu’il souhaite pour valoriser son activité.
Une gestion claire et distincte de ces deux temps est indispensable. Il
est nécessaire, pour assurer la réussite même du bilan de compétences, de
dissocier ce qui est d’ordre personnel, et qui doit le rester, de ce qui est de
la présentation à autrui d’éléments de type professionnel qui font l’objet
d’une négociation sociale. L’expérience de l’entretien annuel d’évalua-
tion va dans ce sens également puisqu’on a remarqué que son contenu
était faible, voire édulcoré, lorsque la pression évaluative était forte. La
gestion des BCA de l’ANPE conduit aux mêmes conclusions : une pres-
sion ou emprise par obligation de transmission de la synthèse du bilan
de compétences pousse à établir un rapport officiel distinct de l’ensemble
des échanges et des réflexions personnels.
Il faut en tirer parti pour le bilan de compétences des salariés et éviter
de transformer un temps d’investigation personnelle en temps d’évalua-
tion par un tiers extérieur. Il faut le rappeler au risque de déplaire, un
bilan de compétences n’est pas là pour qu’un employeur sache tout de
ses employés ou pour augmenter les contrôles évaluatifs, et il est de la
compétence du conseiller de veiller à respecter la confidentialité annon-
cée au bénéficiaire sous peine d’altérer gravement les relations et de
nuire à l’image du bilan de compétences.
Étant donné que la prestation bilan de compétences est au cœur d’en-
jeux entre les différentes parties plus ou moins concernées, institutions,
entreprises, centres de bilans, conseillers, bénéficiaires, il est nécessaire de
définir les éléments qui fondent sa qualité, d’autant plus que la diversité
des structures de conseil s’ajoute à celle des catégories multiples concer-
nées. Chacun pourra ainsi s’y retrouver et l’objectif du bilan consistant à
faire le point sur ses compétences pourra être atteint, sans être détourné
par des attentes divergentes. Cela permettra également de positionner les
différentes prestations et dispositifs de conseil en orientation par rapport
à ces éléments constitutifs d’une démarche de qualité.
141
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
142
– Le fait que le conseiller s’assure de l’engagement volontaire du
bénéficiaire est un autre critère de qualité. Il faut se rappeler que le
volontariat de la démarche est un facteur favorable à la réussite, mais
qu’il ne se décrète pas. Quand il est faiblement présent, il est d’autant
plus utile de présenter la démarche pour éviter les attentes et percep-
tions fausses, de rechercher avec la personne ce qui lui conviendrait
le mieux, et de vérifier qu’elle est d’accord pour entreprendre une
démarche personnelle.
– L’information sur la démarche, ses objectifs et ses méthodes fait par-
tie d’un accueil de qualité. C’est indispensable pour obtenir l’adhésion
et la coopération du bénéficiaire, sachant qu’un bilan de compétences
ne peut se réaliser sans sa participation active. Pour s’impliquer, il doit
avoir une idée claire des étapes et des résultats possibles.
– C’est là aussi qu’intervient la garantie explicite de confidentialité
des échanges. Ce n’est pas seulement une règle de déontologie des
psychologues, c’est la condition de l’instauration de la confiance
entre le conseiller et l’intéressé qui va permettre de progresser dans les
échanges. À défaut, le discours sur soi sera limité, réduit à des bana-
lités ou parsemé d’éléments socialement souhaitables et attendus, ce
qu’on appelle la désirabilité sociale. Pour découvrir des aspects de soi,
des éléments impliquants, comme ses compétences, ses souhaits ou
ses orientations encore peu définies, il est nécessaire de se trouver
dans un lieu de protection permettant de s’exprimer personnellement
sans risque. C’est ensuite seulement, une fois les idées clarifiées et les
objectifs construits, que l’on pourra affronter l’extérieur, se présen-
ter socialement, défendre son projet. À l’inverse, la perspective d’une
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143
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
indiquer qu’un bilan ne donne pas un emploi d’office, ce qui n’est pas
son objectif immédiat, mais qu’il permet de rassembler des informa-
tions sur soi pour mieux se positionner sur le plan professionnel, pour
mieux savoir ce que l’on cherche et comment le trouver. Quelquefois,
l’analyse de la demande conduit à repérer des questions qui ne relè-
vent pas directement du domaine professionnel, comme il arrive avec
des gens en grande difficulté sur le plan personnel. Il faut savoir alors
les orienter sur d’autres dispositifs que le bilan de compétences qui
n’est pas prévu pour résoudre tous les problèmes, même si parfois il
peut aussi jouer un rôle de mise ou de remise en route psychologique.
144
mais aussi pour le bénéficiaire du bilan. Cette utilisation des méthodes
le fait accéder au statut d’observateur et diminue ainsi la dissymétrie
de la passation.
– Parmi les méthodes possibles proposées, il est souhaitable d’opter
pour celles qui permettent de rassembler des informations sur les
compétences. Il ne s’agit donc pas de s’occuper en premier lieu de
savoir chercher un emploi, ce qui centrerait la personne sur l’exté-
rieur plutôt que sur elle-même. Mais il n’est pas non plus prioritaire
de s’occuper en priorité de la personnalité et de son évaluation. Il est
d’ailleurs curieux que la personnalité soit plus étudiée que les apti-
tudes, à l’instar du recrutement, alors que l’on sait qu’elle intervient
moins dans le travail que ces dernières. Le bilan de compétences n’est
pas une découverte de soi clinique pour se faire plaisir, pour se poser
des questions existentielles ou pour se soigner. Il doit permettre de
repérer ses compétences en vue de se positionner sur le plan profes-
sionnel et sur celui de ses projets. Il se situe sur un créneau bien précis
et il est préférable d’y rester, sans dérives sur d’autres objectifs plus ou
moins implicites. C’est aussi une condition pour permettre au bilan
de compétences d’être reconnu dans le milieu de l’entreprise.
145
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
informations sur soi et les conditions qui les facilitent. Il apparaît déjà
qu’il est préférable de ne pas attendre la fin du bilan pour les découvrir
et qu’un accès progressif aux données en cours de constitution facilite
l’autoréflexion et l’appropriation sélective.
C’est en effet souvent au moment même de répondre à une question
que l’on découvre les réponses que l’on possède ou non. L’idée est
ainsi de traiter les données à chaud, au moment de leur émergence,
pour favoriser leur auto-analyse dans l’interaction avec le conseiller.
Mais cela a pour conséquence de demander de revoir le mode d’utili-
sation des instruments de mesure et des tests qui deviennent alors des
supports à l’analyse et non plus des outils de catégorisation sociale.
– L’existence d’une aide à la construction de projet, personnel, profes-
sionnel ou de formation, est un autre critère de qualité du bilan. Elle
suit logiquement la synthèse et permet de déboucher sur des actions
concrètes, réalisables, où le bénéficiaire est informé des procédures
pour les réussir. C’est aussi le moment où le conseiller peut vérifier,
avec l’intéressé, les progrès réalisés au cours du bilan de compétences,
à partir des reformulations, des argumentations plus élaborées, d’un
niveau plus élevé de clarté dans les compétences. Ce souci de vérifi-
cation en commun des apports obtenus constitue un indice supplé-
mentaire de la qualité de la prestation.
Accueil personnalisé.
Vérification du choix personnel.
Temps 1 Information sur la démarche, objectifs, étapes et méthodes.
Confidentialité assurée.
Analyse de la demande.
Temps suffisant disponible.
Méthodes explicitées et adaptées aux objectifs.
Temps 2 Participation du bénéficiaire à la démarche.
Centration sur les compétences.
Ni évaluation, ni psychologisation ou thérapie.
Accès aux informations sur soi, résultats en retour.
Explicitation des données obtenues.
Soutien à la réflexion personnelle et à l’analyse de la situation.
Temps 3
Synthèse des informations recueillies.
Construction d’un projet personnel ou professionnel.
Vérification de l’appropriation des données par le bénéficiaire.
1 L’ensemble de ces critères suppose un conseiller qualifié et compétent (si possible psychologue),
utilisant des méthodes adéquates, ainsi qu’un organisme reconnu et spécialisé (par ex. un CIBC).
146
Conclusions et perspectives
Il reste à conclure que le bilan de compétences peut être une formule
de référence pour l’ensemble des démarches d’orientation tout au long
de la vie, à condition que la diversité de ses applications possibles ne
viennent pas le modifier et l’altérer dans sa logique, sa méthode et son
contenu. Il se trouve au centre de la problématique de l’orientation
continue et la définit non comme une contrainte pour les personnes en
échec mais comme une possibilité de choix et de maîtrise des évolutions
personnelles. Réinséré par les textes de 2003 et 2004 au cœur du disposi-
tif de la formation continue, il constitue à la fois une formation courte,
donc de coût limité, et une préparation aux formations professionnelles
dont il peut faciliter la réussite. On peut ainsi le considérer comme un
investissement dans un jeu gagnants-gagnants puisqu’il apporte un plus
à la fois aux personnes et à l’entreprise.
Bien sûr, il ne faut pas tout lui demander, sous peine de susciter des
déceptions, et il convient de respecter les conditions qui en assurent la
qualité et de le situer sur un créneau bien précis pour éviter les distor-
sions. Ni solution miracle au chômage ou à la gestion des compétences,
ni havre social pour tous les déprimés à soutenir psychologiquement, le
bilan de compétences gagnera à être utilisé comme il est prévu : permettre
aux personnes de repérer et analyser leurs compétences et d’élaborer leur
projet dans un dispositif d’accueil, en présence d’un conseiller compé-
tent qui leur propose une démarche méthodique pour progresser vers ces
objectifs. Ces dispositions, déjà définies légalement, comportent des élé-
ments de qualités appréciables, sous réserve qu’ils soient mis en œuvre.
Cela demande donc un dispositif qui assure les conditions d’autono-
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147
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences
L’essentiel
148
Chapitre 12
De la nécessité
de consolider
une démarche
innovante :
du bilan à l’analyse
des compétences
Résumé
149
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences
Faire le point
Après plus de 20 ans d’existence, peut-on faire un bilan du bilan de compé-
tences ? Ou plutôt, afin d’éviter ce terme trop utilisé et trop chargé de sens
évaluatif ou économique, peut-on faire le point sur les avancées mais aussi
les limites et les détournements de ce dispositif mis au service du public ?
Faire le point est une notion de marine qui consiste à se repérer par
rapport à un point de départ et aussi par rapport à l’objectif visé. Elle
suppose donc l’idée d’une direction, d’un sens dans lequel progresser,
et ce à partir d’une référence que l’on prendra comme étant celle du
législateur et des buts qu’il recherchait en mettant en place le dispositif
du bilan de compétences. Y a-t-il eu changement, progrès, dérive ou
encore réponse à des situations nouvelles ? C’est ce que nous propo-
sons d’examiner ici.
Mais faire le point s’oppose aussi à une notion très répandue dans les
représentations courantes des responsables institutionnels et de la plu-
part des gens, celle d’évaluation, qui revient en force dans une culture
de marché, de comparaison sociale et de compétition, et qui demande à
la fois de mesurer les résultats, les performances, l’atteinte des objectifs,
et de juger de la valeur des personnes ou des organisations en les situant
les unes par rapport aux autres.
Ces processus, qui ne font que reprendre l’ancienne notion d’éva-
luation, très présente dans les systèmes scolaires et maintenant étendue
aux milieux professionnels, sont poussés à l’extrême en s’appliquant
à des dimensions psychologiques associées aux activités de travail et
de formation des adultes. On se trouve ainsi dans un flux social qui
généralise les mesures et partant le repérage systématique d’autrui dans
ses dimensions personnelles, et qui utilise ces données pour classer et
hiérarchiser les individus (par exemple par rapport à l’accès à une for-
mation ou à un emploi) ou les organisations (par exemple en prestige
ou en qualité).
Dès lors, faire le point, ce qui est aussi le propre du bilan de compé-
tences, risque toujours de prendre un sens différent de celui d’analyser
les éléments d’une situation complexe, et de se réduire à estimer la valeur
globale du système. On se retrouve alors rapidement dans une opération
mentale simplificatrice et binaire trop souvent rencontrée, celle de déci-
der du bien et du mal, sous couvert de bon et de mauvais, de plus et de
moins, d’éloges ou de blâmes, qui se transforme in fine en financement
ou non financement du dispositif, ce qui revient à l’encenser pour utilité
150
sociale reconnue ou à le supprimer, et dans les deux cas à en modifier
l’image sociale.
Aussi, afin d’éviter ici de tomber dans ce piège de l’évaluation,
nous proposons d’examiner les enjeux individuels et sociaux, les
apports et les avancées pour les différentes parties concernées, bénéfi-
ciaires, conseillers, organisations de soutien, mais aussi les difficultés
de réalisation et les inflexions, voire les dérives dans la mise en œuvre
et les adaptations successives liées aux situations plus générales en
changement. Enfin, les perspectives possibles d’évolution et de déve-
loppement seront esquissées en fonction des choix adoptés et des
moyens à développer en conséquence, selon qu’il s’agit de se repérer
ou d’être repéré.
151
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences
Plusieurs études réalisées dans des lieux et des milieux différents mon-
trent en effet que la satisfaction des bénéficiaires vient d’abord du progrès
dans la clarté de l’analyse et du repérage des compétences. Ce résultat
n’est pas surprenant, dans la mesure où l’on sait que le public qui arrive
en bilan de compétences se trouve dans une situation de transition, d’in-
certitude, de flou quant à son avenir et y découvre un endroit qui le ras-
sure et qui lui apporte des moyens pour mieux comprendre sa situation et
y faire face. En conséquence, le bilan améliore aussi la qualité de l’image
de soi (cf. Fayeulle et Lemoine, 2005) et favorise la dynamisation, l’aug-
mentation de l’activité et de la recherche d’information dans le milieu du
travail. Ruffin-Beck et Lemoine (2011), Saint-Jean, Mias et Bataille (2003),
ont montré un lien entre l’accompagnement, qui apporte du sens au par-
cours professionnel, et la concrétisation du projet professionnel.
152
Du côté des conseillers
Du côté des conseillers bilans, il faut constater également des éléments de
progression sur le plan des compétences développées et offertes. Outre l’aug-
mentation sensible des emplois pour les psychologues depuis les années
1990, nombre de centres de bilan, et notamment les CIBC (centres inte-
rinstitutionnels de bilans de compétences) ont développé une expérience
professionnelle, adaptée à l’accueil et à l’accompagnement psychologique
des personnes, et partant une formation de leurs intervenants. Les béné-
ficiaires n’ont pas seulement découvert dans le bilan de compétences un
lieu protégé avec une prise en charge des problèmes liés aux compétences,
mais ils ont trouvé aussi des conseillers attentifs et capables de proposer des
méthodes pour progresser dans l’analyse et le repérage des compétences, et
donc permettre aux personnes de mieux se situer dans le milieu du travail.
Il faut souligner ici l’importance de ces pratiques pour faire évoluer
les méthodes et plus largement les conceptions de l’intervention et du
conseil en psychologie.
Les méthodes ne sont plus seulement des moyens de prélever de
l’information sensible sur autrui, elles deviennent une démarche
méthodique mise à disposition des intéressés, afin qu’ils s’appro-
prient des connaissances nouvelles sur eux-mêmes.
C’est une évolution épistémologique considérable où le sujet humain
n’est plus considéré comme un objet de science, déterminé de l’exté-
rieur, mais acquiert le statut de participant, dans une relation à la fois
personnalisée et organisée de façon méthodique à son profit. C’est en
effet lui qui est prioritaire pour accéder aux informations qui le concer-
nent, comme la prise de conscience de ses compétences.
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153
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences
154
Non pas que ces déterminants ne jouent pas, mais ils n’intervien-
nent plus comme des déterminismes automatiques qui s’imposent de
l’extérieur sans passer par l’avis de l’intéressé.
Plus encore que l’orientation continue nécessitée par les change-
ments du temps, cette conception d’une orientation gérée et conduite
par la personne concernée elle-même tranche avec des années de direc-
tivisme sous couvert de lois du marché ou de connaissances scienti-
fiques établies et déterminantes d’office. Elle apporte une ouverture
selon laquelle tout n’est pas joué d’avance, par exemple en fonction
du nombre d’emplois existants, sachant que cette donnée est sujette
aussi à évoluer puisqu’il est possible de créer des emplois et de ne
pas se satisfaire de ceux qui existent déjà. On se place alors dans une
perspective de construction de l’orientation par la personne, par oppo-
sition à un état des choses tout fait et inamovible face auquel il n’y
aurait qu’à s’incliner.
Cette maîtrise de l’orientation par les personnes constitue une pers-
pective générale de société qui n’est sans doute pas encore admise dans
les faits par les décideurs institutionnels. Si elle concerne l’orientation
professionnelle et donc le choix d’une profession ou encore d’un emploi,
terme générique dévalorisé et réduit aux seules conditions du marché,
elle porte aussi sur un autre secteur sujet à décision ou au contraire à
contrainte, celui de la formation.
Le bilan de compétences entre à bon escient dans le champ du
droit individuel à la formation (D.I.F.). À ce titre, il est à la fois une
formation, et non un soin ou une cure, puisqu’il apporte des moyens
nouveaux pour gérer mieux les compétences, et une préparation au
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155
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences
156
deux sources différentes, l’une du point de vue des bénéficiaires, l’autre
de celui des représentants institutionnels.
Pour approfondir la compréhension des écarts entre les avis des uns et
des autres, on peut se placer dans la perspective générale des systèmes de
formation des adultes et suivre leur évolution en fonction des modifica-
tions des problèmes économiques et de la demande consécutive des insti-
tutions de financement de la formation. Comme le soulignait P. Goguelin
dès 1995 pour la formation continue (première année de son plafonne-
ment en terme de croissance), celle-ci est passée d’une perspective de pro-
motion des hommes et d’un outil d’adaptation face aux changements
techniques et organisationnels à un outil de gestion sociale du chômage,
avec l’apparition de formations parking aussi coûteuses qu’inefficaces.
Il est intéressant de constater que les rapports de l’IGAS et ceux du
Sénat ressortent quasiment les mêmes conclusions 13 ans plus tard en
insistant sur les coûts trop élevés et sur le manque d’efficacité sur l’em-
ploi. Mais pour évaluer l’utilité sociale, encore faut-il connaître les réfé-
rences et les objectifs à atteindre. Or, il semble bien que le seul critère
retenu soit en ce moment celui de l’emploi, quel qu’il soit, précaire ou
non, et que les différents dispositifs ne soient regardés que dans leur
rapport coût/résultat immédiat sur ce critère.
Dans ce contexte, le bilan de compétences se trouve doublement visé,
en tant que dispositif intégré au droit individuel à la formation (DIF) et
en tant que dispositif d’orientation professionnelle, et il est déjà touché
dans ses modes de financement et par suite dans les méthodes et dans
les objectifs qui y sont mis en œuvre. En effet, dispositif élaboré pour les
salariés comme un moyen d’orientation personnelle et professionnelle au
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cours de la vie, il est devenu, sous l’effet des problèmes liés à l’emploi, un
outil antichômage parmi tout un ensemble de dispositifs d’accueil, d’in-
formation et de prise en charge, sans que soient reconnues ses spécificités.
Dès 2001, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) imposait, pour
répondre à cette demande, une nouvelle forme de bilan qui ne corres-
pondait pas au cahier des charges relié à la loi de 1991 sur le bilan de
compétences. Ce bilan de compétences, déclaré approfondi (BCA) mais
spécifique à l’ANPE et en réalité accéléré, puisque sa durée était limitée à
six semaines, (traduction exacte du A de BCA !) obligeait les prestataires
de services à réduire le temps de prise en charge et modifiait sensible-
ment l’esprit du bilan de compétences : l’absence de démarche volon-
taire, l’envoi des informations personnelles à des tiers, l’orientation des
157
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences
158
internet ou par téléphone, et se renseigner sur les possibilités du marché
de l’emploi. Les entretiens de suivi ou d’accompagnement consistent à
revenir sur les contacts pris, à soutenir le candidat dans ses actions, à lui
proposer des offres d’emplois collectées par le centre. Aucun de ces cri-
tères ne correspond à une prestation de qualité telle qu’elle pouvait être
réalisée dans un bilan de compétences digne de ce nom.
Il s’agit donc essentiellement d’une préparation rapide à la recherche
d’un emploi et d’une incitation à persévérer. Mais il n’est question ni
d’analyse des compétences, ni de définition ou de construction d’un
projet professionnel. Dès lors, il n’est plus décemment possible de parler
de bilan de compétences, ce type de prestations ne visant qu’à inciter à
trouver et à accepter le premier emploi qui se présente.
À ce sujet, il faudrait se demander également quelle est l’efficacité de
ce genre de préparation qui présuppose que l’intéressé connaisse déjà le
secteur dans lequel chercher. Que deviennent ceux qui ne savent pas où
ils en sont, qui n’ont pas de projet précis, qui ne sont pas prêts pour se
maintenir dans un emploi ? Il faudrait aussi se demander s’il suffit de
placer quelqu’un sur le premier emploi venu ou s’il n’est pas préférable
de le préparer à viser un métier ou une profession. S’il y a urgence, faut-il
pour autant sauter les étapes et supposer que la connaissance des com-
pétences et la construction d’un projet sont des éléments superflus ?
N’est-ce pas inverser l’ordre logique que de viser un emploi avant de
savoir lequel convient ? Peut-on à ce point se passer de méthode quand
on est dans le secteur social ? Si oui, il suffit d’un agent de placement,
mais c’est justement parce que cette activité s’est avérée insuffisante,
y compris à Pôle Emploi, qu’il est nécessaire de faire appel à des pro-
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159
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences
Les développements
et positionnements à assurer
Malgré ces difficultés grandissantes, il nous faut réaffirmer l’originalité
et l’utilité sociale des bilans de compétences dans une période où la
formation à l’orientation est une priorité pour les personnes confron-
tées à des modifications fréquentes et rapides dans leur métier. S’il est
nécessaire d’adapter le bilan de compétences aux différents publics et
aux demandes variées, cette évolution du dispositif ne peut se réaliser
au détriment de la qualité de l’intervention. Alors même qu’elle est déjà
de courte durée (20 heures en moyenne), il n’est pas acceptable qu’elle
160
soit amputée des avancées et du progrès qu’elle a contribué à susciter
tant sur le plan du conseil psychologique que sur celui des méthodes
d’accompagnement.
Il faut savoir que gérer un bilan de compétences au sens de la loi de
1991 n’est pas réalisable sans un niveau de qualification élevé et sans
respecter le temps de la découverte, de l’appropriation des informations
impliquantes sur soi et de la maturation d’un projet. Cette démarche
complexe demande des compétences en psychologie, des méthodes
définies et n’a rien à voir avec une simple information donnée sur l’état
du marché par un agent peu qualifié ou maintenant par un ordinateur.
Non pas qu’il faille se priver de cette information, mais il est nécessaire,
pour qu’elle devienne efficace, qu’elle soit intégrée dans la sphère, dans
la logique et dans la perspective de la personne concernée qui se l’ap-
proprie. En dehors de cela, les données utiles restent enfermées dans le
Bottin sur l’étagère et ne sont pas utilisées. À ce titre, les propositions
du rapport Lunel (2007) sur l’insertion professionnelle, préconisant l’in-
formation sur les formations et les métiers, sont nécessaires mais n’in-
sistent pas assez sur les moyens d’un travail continu « d’éducation au
choix ».
Il reste ainsi à résoudre quelques contradictions d’importance : d’un
côté il est proposé de développer les actions personnalisées d’accompa-
gnement (Rapports publics, octobre 2007, et juillet 2008), et de l’autre
elles sont considérées comme trop chères et trop lentes, voire parfois de
luxe. De même, la formation est reconnue comme un vecteur important
du développement économique et de la promotion sociale mais la for-
mation tout au long de la vie ne permet pas assez d’accéder aux diplômes
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161
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences
162
L’essentiel
163
Chapitre 13
Pratiques du conseil :
comparaison
de méthodes
Résumé
165
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes
• « J’ai été en vacances dans tel pays ou région, les gens sont accueillants,
les produits locaux excellents, et les paysages charmants. » La conclusion peut
varier, allant de la suggestion à l’incitation directe : « Cela te dirait d’y aller ? »,
« Tu pourrais y aller aussi », « Tu devrais y aller ».
• Question emploi, un scénario possible peut se développer sur le même
registre : « Je connais ce poste, il est intéressant, tu pourrais chercher de ce
côté-là. »
Analyse de ces deux interactions : le conseil est fondé sur une expé-
rience personnelle et donné à titre privé. Il est transmis amicalement, dans
une relation de confiance par proximité, avec une valeur affective posi-
tive. Il s’appuie sur quelques arguments se référant à une situation vécue
ou connue. Il relève d’une influence qui passe par un processus d’imita-
tion plus ou moins incitative et qui atténue l’incertitude. Mais ce genre de
conseil n’est pas forcément pertinent ou adapté et il manque d’ouverture
et d’alternatives sur le plan de l’information. Il peut susciter un essai si
celui-ci n’est pas trop difficile ou encore un rejet si le conseil s’immisce
trop dans la sphère des prérogatives personnelles et rend dépendant. Cela
166
correspond alors à la situation de contre-emprise qui annule l’effet de l’in-
fluence ou de l’emprise source initiale. Selon le niveau de pression exer-
cée, y compris sur le plan affectif, ce conseil peut être assez directif ou
seulement inciter à un approfondissement de la réflexion personnelle.
• « En fonction de vos dates et de votre budget, vous pouvez opter pour telle
ou telle destination mais seulement celles-là.
– Alors je choisis cette option-là parmi celles qui sont possibles. »
• « Au vu de vos résultats en mathématiques et de votre niveau à l’examen,
vous pouvez choisir telle ou telle filière, et vous devez indiquer l’ordre de priorité
demandé.
– Je ne suis pas encore très fixé, mais je pense que je vais d’abord prendre
telle option… »
167
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes
• « Je cherche à savoir ce que l’on peut visiter aujourd’hui dans cette ville.
– Voici un plan avec les principaux monuments. Vous pouvez voir ceci ou cela.
Tel musée est fermé ce jour, les autres sont ouverts de telle à telle heure… »
• « Je cherche un emploi pour l’été…
– Voici une liste d’offres d’emploi. Vous pouvez aussi vous documenter à par-
tir des fiches métiers (fiches ROM), en regardant l’annuaire des professionnels
ou encore en vous documentant sur Internet dans telle ou telle rubrique. »
168
sur son avenir. Choisit-on un métier comme un bien de consommation
courante vu dans une brochure ? Ne faut-il pas un temps de réflexion,
de maturation, de préparation psychologique avant de se décider dans
une option implicante ?
Si la documentation est nécessaire, elle n’est pas suffisante et demande
à être confrontée à des dimensions personnelles, à une connaissance des
possibilités et des compétences de la personne concernée. À défaut, on
risque de revenir à une orientation imposée en fonction du premier
emploi disponible, et on connaît malheureusement le peu d’efficacité
de la formule trop souvent utilisée pour « caser » un demandeur d’em-
ploi au plus vite. Pourtant, le faible taux de réussite à long terme devrait
conduire à rechercher d’autres méthodes plus adéquates même si elles
semblent au départ prendre un peu plus de temps.
Fiche pratique
Le déroulement d’un atelier technique
de présentation
Ces ateliers se déroulent en général en collectif avec les conseils d’un animateur.
Ils ont l’intérêt de préparer à des situations concrètes rencontrées au cours de la
recherche d’emploi. À ce titre, ils apportent des techniques utilisables et donnent
des indications sur les attentes et les critères des recruteurs. Ils peuvent donc aider
des personnes qui ne connaissent pas bien le milieu du travail en les entraînant à
répondre selon les normes sociales en vigueur.
169
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes
Cependant, leur déroulement demande à être bien maîtrisé afin d’éviter des éva-
luations négatives devant les autres stagiaires, ce qui suppose que l’animateur ait
une formation suffisante pour gérer un groupe et pour travailler avec méthode
sur les résultats obtenus en retour, surtout lorsqu’un enregistrement vidéo est
utilisé. Les risques de dévalorisation venant du groupe, voire d’autodévalorisation
face à sa propre image, sont possibles et à éviter. À défaut, ces techniques peu-
vent devenir des instruments à double tranchant, à moins qu’ils ne se cantonnent
à un simple conditionnement peu adaptable en dehors du groupe.
D’autre part, la transposition à des situations réelles risque d’être assez limitée,
notamment si l’apprentissage est insuffisant ou incomplet.
La lettre de motivation
Rédiger une lettre de motivation suppose de savoir écrire, ce qui ne s’apprend
pas par un atelier de quelques heures. Un professionnel du recrutement détectera
assez vite si la lettre de motivation correspond à un discours stéréotypé ou non.
En fait, le style de présentation de soi a intérêt à se situer sur un registre per-
sonnel. L’utilisation de recettes toutes faites et le plus souvent apprises de façon
superficielle donne un résultat médiocre et se trouve vite prise en défaut dès
qu’une question un peu différente et non prévue apparaît. Sauf à avoir véritable-
ment acquis le niveau et intégré les modes de fonctionnement attendus dans un
milieu donné, l’appel à des formules types est peu efficace et la déstabilisation
qui s’ensuit est d’autant plus difficile à assumer.
170
L’ordre de la démarche a toute son importance : il est nécessaire
de savoir où l’on va avant de savoir comment s’y prendre. En d’autres
termes, suivre des techniques sans les intégrer à une perspective person-
nelle a toutes les chances de ne pas aboutir, tandis que définir d’abord
ses possibilités et ses objectifs permet ensuite de rechercher les moyens
nécessaires pour y arriver.
1960 et l’erreur de les avoir pris pour cible alors que l’idée même de sélec-
tion continue à être répandue dans la société indépendamment d’eux. Ils
étaient tenus pour responsables d’un processus social alors qu’ils évitaient
que celui-ci s’exerce sans contrôle et avec des méthodes non valides.
Mais cette polémique sur les méthodes de tests scientifiques, qui a
sans doute contribué à un manque de recherches à leur sujet en France,
peut se rattacher à d’autres réticences que celle relative à l’idée de sélec-
tion. En effet, dans les représentations mentales habituelles, l’activité
scientifique conduit à des résultats exacts et vérifiés, donc considérés
comme vrais et intangibles. Par principe, elle établit des lois générales
qui, sur le plan des sciences humaines, deviennent des réalités sociales et
des injonctions non modifiables. L’utilisation et la lecture des méthodes
quantitatives, dont les tests, n’échappent pas à cette tendance forte.
171
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes
Cette dérive peut être illustré à partir d’un test d’intérêts professionnels comme
le test de Holland (version française IPH) : à partir de la meilleure intention,
puisqu’il s’agit de prendre en compte les intérêts du répondant, on arrive facile-
ment à un profil d’intérêts définis en terme de secteurs professionnels et même
de métiers vers lesquels l’individu est dirigé. Une simple déclaration d’intérêts
devient ainsi une injonction d’orientation professionnelle, sans distinction faite
entre ce qui peut relever du loisir ou du travail (on peut aimer la musique sans
devenir musicien professionnel !).
172
Bien sûr, on se situe ici au niveau de dérives provenant de personnes
insuffisamment formées ou se trouvant dans l’obligation d’orienter au
plus vite en fonction de contraintes institutionnelles fortes. Mais ces
dérives existent bien et sont en partie attribuables à la conception du
test qui définit les intérêts pour des activités professionnelles et facilite
ainsi le saut logique mais erroné entre goût déclaré et solution immé-
diate, dans une forme de causalité directe fallacieuse. On ne peut que
recommander ici des lectures sérieuses sur l’orientation et sur la psycho-
métrie (par exemple Guichard et Huteau, 2005 ; Bernaud, 2007) afin de
se prémunir des usages abusifs venant de ces données pseudo scienti-
fiques prises comme établies.
173
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes
174
Encore faut-il qu’ils aient les moyens de mettre en œuvre leurs acquis
et leurs réflexions professionnelles sur l’accès à l’analyse des compé-
tences dans l’interaction même avec les bénéficiaires. À défaut, ils se
trouvent obligés de revenir à des pratiques connues et peu satisfaisantes
qui n’offrent que des techniques dans un cadre plutôt directif. Si l’on
comprend bien que le souci des institutionnels est de favoriser l’emploi,
faut-il pour cela négliger les méthodes de qualité et sauter les étapes
indispensables à une efficacité durable ?
175
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes
176
Espace d’autonomie +
AMC
CC
Non Méthodique +
méthodique
I
ATP
OS
CS
Directivité + influence +
Emprise +
L’essentiel
177
Conclusions
Dans une période où les incertitudes sur l’emploi ne sont pas dissipées,
où l’apparition constante de nouveaux métiers ne permet pas de prévoir
avec précision les évolutions de demain et les exigences futures relatives
au travail, les bilans de compétences offrent indéniablement un dispo-
sitif et un ensemble de moyens aux personnes qui cherchent à mieux
se situer dans la société. Quand on sait que la question de l’orientation
est l’une des plus difficiles, et ce d’autant plus qu’elle est très souvent
traitée par défaut, ou par élimination, dans le système scolaire, on en
arrive à se demander pourquoi ce dispositif de bilan de compétences
n’est pas davantage mis en place. Pourquoi toujours attendre que les
problèmes s’aggravent pour jouer les pompiers dans la précipitation et
l’inefficacité ?
Évidemment, le bilan de compétences n’est pas une panacée, un
remède à tous les maux ou une formule magique qui pourrait être
réduite en temps par ceux-là mêmes qui ont à traiter des problèmes
d’emploi dans l’urgence. Mais il faut savoir que, dans une logique de
compétences qui demandent de plus en plus aux individus, le bilan est
devenu un chaînon indispensable de la gestion de l’évolution profes-
sionnelle tout au long de la vie. Il représente un dispositif léger, souple,
et somme toute peu coûteux en comparaison des problèmes traités trop
tard. Il est surtout un dispositif bien adapté, mis au service des per-
sonnes qui souhaitent gérer leur avenir en réduisant autant que possible
les impondérables ou les déterminismes économiques et sociaux.
Connaître mieux ses compétences, construire son projet et savoir ce
que l’on souhaite obtenir, voilà des objectifs qui, s’ils ne sont pas évi-
dents à réaliser sans méthode, aident à se situer et apportent une source
de satisfaction intérieure et de dynamisation dans ses relations. C’est se
positionner résolument à l’opposé de la résignation, de la soumission
et de la dépendance. C’est en soi un acte fondateur, comparable à celui
de dire non à une situation donnée qu’on n’accepte plus. Il indique
qu’une configuration même difficile n’est pas forcément inéluctable, et
que rassembler ses compétences peut être le commencement d’un nou-
veau départ. Il est désolant de voir que des gens pensent qu’il n’y a rien
Conclusions
à faire alors qu’ils sont loin d’avoir exploré toutes les pistes possibles et
qu’ils n’ont pas mobilisé leurs potentialités.
Mais le bilan de compétences n’est pas seulement un service aux
personnes. Il renouvelle aussi la conception même de l’activité scien-
tifique en psychologie. En donnant une place centrale aux intéressés,
à l’accès à la connaissance de soi ou d’aspects de soi, il va à l’encontre
d’une certaine idée scientiste issue du XIXe siècle. Il montre d’abord que
la relation au savoir passe par une interaction et par une méthode. En
cela il ne s’agit pas d’introspection. Mais cette interaction n’est pas obli-
gatoirement standardisée, dissymétrique et hiérarchique : en un mot,
la méthode n’est pas la seule propriété du savant, qu’il garderait d’au-
tant plus jalousement qu’elle serait la source de son pouvoir et de son
emprise sur autrui.
On a montré, en s’appuyant sur des pratiques, que la conception scien-
tifique peut évoluer. Dans des conditions de partage des méthodes et du
savoir, l’intéressé peut aussi accéder à une augmentation de la connais-
sance de soi. Cela n’est plus réservé à un expert, ou à un gourou, qui
dirait qui on est et ce que l’on doit faire. En d’autres termes, l’emprise de
l’analyse scientifique peut ne pas être unilatérale. Le psychologue gagne
alors en image et en utilité. Il n’est plus celui qui impose mais celui qui
suscite, qui amorce et qui accompagne une démarche personnelle. Il n’est
pas celui qui rend responsable, mais celui qui apporte à autrui des moyens
de se mieux connaître pour se mieux diriger. C’est tout un programme.
180
Annexe
181
Annexe
182
• les dispositions spécifiques relatives aux personnes sans emploi,
• les dispositions liées au crédit-formation individualisé (prise en charge).
On remarque notamment une insistance sur le respect du consen-
tement du bénéficiaire, sur les conditions précises du déroulement des
bilans, sur les compétences reconnues des organisations prestataires de
service, et sur les règles déontologiques.
Les obligations en matière de déontologie concernent neuf domaines
précis :
1. le respect du consentement du bénéficiaire,
2. la conclusion d’une convention tripartite,
3. le respect du secret professionnel,
4. la nature et la teneur des investigations menées par le prestataire,
5. l’organisation du bilan de compétences en trois phases identifiables,
6. la notion de propriété des résultats détaillés et du document de synthèse,
7. la communication au bénéficiaire des conclusions détaillées du bilan,
8. l’obligation de présentation du document de synthèse au bénéficiaire,
9. le recours à des méthodes et techniques fiables, mises en œuvre par
des professionnels qualifiés1.
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1 On notera à ce sujet que la profession de psychologue n’est pas mentionnée textuellement, même
si l’insistance sur la qualification du prestataire a conduit en pratique à ce que les centres de bilans
emploient majoritairement des psychologues (personnes ayant obtenu le titre par un DESS de psycho-
logie ou un DEA avec stage validé, précédé d’une licence et d’une maîtrise de psychologie, ou encore
d’un master, mention psychologie).
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Glossaire
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Auto-attention : attention portée à certains aspects de sa propre conduite
ou de ses caractéristiques personnelles, notamment à partir d’une relation
d’emprise analytique (voir ce mot). La focalisation de l’attention sur des
aspects précis de soi (conduite, état psychologique, compétences, etc.) crée
un processus d’auto-attention qui constitue l’un des éléments de l’auto-
analyse.
Auto-connaissance : connaissance de soi ou des aspects composant le sujet.
Elle est le résultat d’une appropriation d’informations sur soi, obtenues par
des résultats d’analyse portant sur soi ou par une démarche d’auto-analyse.
Auto-emprise : emprise ou action exercée sur soi par soi-même. Les verbes
pronominaux indiquent le processus en cours ; par exemple, se décider à,
s’observer, se prendre en charge. Elle indique une maîtrise de sa conduite ou
un essai de maîtrise, notamment suite à une auto-attention focalisée. Mais
elle peut aussi consister à intégrer des normes sociales extérieures.
Bénéficiaire : personne adulte, salariée ou en recherche d’emploi, réalisant
son bilan de compétences. Elle est bénéficiaire du bilan car c’est elle qui
s’approprie les informations psychologiques qui la concernent sur ses
compétences. Elle l’est aussi au sens où elle a un rôle central dans la démarche
du bilan. On l’appelle aussi la personne intéressée, l’intéressé, ou parfois le
consultant (qui consulte), mais ce dernier terme porte à confusion avec la
profession de consultant en entreprise (qui conseille après avoir analysé les
problèmes de l’organisation).
Bilan de compétences : dispositif institutionnalisé permettant à une
personne adulte (cf. bénéficiaire) d’analyser ses compétences et de construire
un projet professionnel ou personnel avec le soutien d’un conseiller (voir ce
mot).
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Glossaire
inclut non seulement des connaissances reconnues par un diplôme mais une
capacité à les mettre en œuvre dans une situation donnée. Il comprend donc
des valeurs normatives reliées au travail comme le sens des responsabilités,
de la communication, ou la mobilisation personnelle.
Conseiller : personne qualifiée accompagnant le bénéficiaire dans la
démarche du bilan de compétences. Contrairement à ce qu’évoque le
terme, le conseiller ne conseille pas (par exemple sur des choix à réaliser)
mais propose un cadre de progression dans le bilan après avoir analysé la
demande avec le bénéficiaire. Le plus souvent (mais pas toujours), il est
psychologue (ou il a une formation suffisante en psychologie).
Déontologie : ensemble de règles professionnelles définissant les devoirs
envers les personnes qui s’adressent à un spécialiste, tel le psychologue. Le
fait d’informer le bénéficiaire sur la démarche de bilan, d’expliciter les étapes
et les méthodes, de lui donner les informations le concernant (résultats
en retour) et de ne pas les diffuser vers des tiers constituent des règles de
déontologie.
Dynamisation : notion indiquant une élévation du niveau d’activité ; par
exemple, aller chercher de l’information dans le milieu plutôt qu’attendre
d’être aidé. Elle se situe sur un axe d’activité-passivité.
Effets du bilan : phénomènes observables provenant de la réalisation du
bilan de compétences. Ils portent sur plusieurs dimensions : l’emploi, la
formation, les aspects psychologiques comme le niveau d’estime de soi,
de dynamisation, la capacité à décrire ses compétences, et à construire un
projet professionnel précis.
Emprise : relation de détermination entre deux ou plusieurs agents sociaux,
les uns appelés source d’emprise (S), les autres base d’emprise (b). Le résultat
final de l’emprise (E) est le résultat des emprises et contre-emprises induites
par elles ; ce schéma d’emprise minimal SEb avec ses déterminations croisées
est très général, il se distingue de la notion d’influence plus centrée sur l’effet
de la seule source.
Emprise analytique : détermination de la conduite d’un agent social analysé
(appelé base) par une source qui l’analyse. Cette relation d’emprise induite
par l’analyse et la connaissance d’autrui qui en résulte entraînent une emprise
inverse sous forme d’évitement à l’analyse lorsque celle-ci est subie ou que
sa finalité risque de nuire à l’analysé. Mais l’analyse peut être recherchée
dans le cas plus favorable où la base peut se l’approprier (cf. appropriation).
L’emprise analytique induit aussi une relation de soi à soi par l’attention que
la base se porte à elle-même en se sachant analysée. Dans cette situation
186
la base tend à devenir l’analyste de sa propre conduite, ce qui est facilité
lorsqu’elle dispose des méthodes généralement détenues par la source. On
obtient ainsi un processus d’auto-analyse (voir ce mot).
Enjeu : au sens habituel, objet que l’on risque et que l’on peut gagner ou
perdre. Sur le plan psychologique, l’enjeu porte sur l’image de soi qui ressort
d’une analyse de ses compétences. Il augmente lorsque des conséquences
sociales en découlent ou lorsqu’un tiers porte un jugement ou procède à
une évaluation globale de la personne. Le fait de réduire l’enjeu de l’analyse
psychologique la facilite en favorisant la mise en confiance, d’où l’importance
des règles déontologiques à respecter. L’enjeu s’accentue avec le niveau
d’implication (voir ce mot).
Estime de soi : façon plus ou moins positive ou négative de se considérer.
Elle s’accroît en général avec le sentiment de réussite et avec une évaluation
positive formulée par autrui, et elle diminue suite à l’échec ou à un jugement
de valeur négatif. Cependant certains auteurs considèrent qu’elle est
relativement stable pour un individu donné et qu’elle correspond à un trait
de la personnalité.
Évaluation : jugement de valeur global, positif ou négatif, porté sur autrui
et s’appuyant ou non sur des mesures. On a montré que l’évaluation gêne la
démarche d’analyse et celle d’auto-analyse.
Expertise : analyse systématique d’une situation et conclusions consécutives
établies scientifiquement par un spécialiste. Quand elle s’applique à autrui
et porte sur des objets impliquants, elle induit une relation dissymétrique et
crée le sentiment d’un verdict.
Finalité perçue (destination) : représentation par le sujet (ou base
d’emprise), en termes de conséquences, de l’utilisation ou de la destination
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d’informations recueillies sur lui. Elle suscite en partie une attitude de rejet
ou de confiance vis-à-vis de l’analyse selon qu’elle est considérée comme un
risque ou un gain pour l’intéressé.
Formation professionnelle des adultes : formation réalisée par des salariés
dans le cadre du droit à la formation en cours de carrière. Le bilan de
compétences se situe dans le cadre général de ce dispositif légal.
Gestion de carrière : terme indiquant que le salarié est porté à prendre
des décisions d’orientation professionnelle tout au long de sa vie active et à
conduire son évolution professionnelle dans un contexte fluctuant.
Gestion de soi : activité de l’intéressé visant à maîtriser ou à gérer par lui-
même des aspects qui concernent sa personne, comme ses compétences,
son image sociale, son positionnement professionnel. La gestion de soi
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Glossaire
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orientation, mais se présente comme un acteur central de la démarche
dans les trois phases du bilan : définition de la demande, investigation
psychologique, synthèse et plan d’action.
Phases du bilan : le bilan comprend trois étapes principales : la phase
d’information sur la démarche et d’analyse de la demande, la phase
d’investigation personnalisée comprenant le repérage des compétences
antérieures et actuelles, la phase de synthèse avec rédaction d’un rapport et
élaboration d’un projet professionnel et/ou personnel.
Portefeuille de compétences : document rassemblant l’ensemble des
formations et expériences professionnelles réalisées afin de les faire valoir.
Projet : plan d’action finalisé en vue de la réalisation d’une orientation
professionnelle ou personnelle. La construction d’un projet demande à la fois
une connaissance suffisante de ses compétences et des possibilités offertes
par le milieu, y compris des moyens pratiques à mettre en œuvre pour y
accéder. Le projet renvoie à une gestion par objectifs.
Qualification : reconnaissance officielle, validée par un diplôme, d’aptitudes
ou de niveau de formation, d’expertise ou de connaissances théoriques
ou techniques. Elle est acquise soit par formation soit par expérience
professionnelle. Elle sert de référence pour les grilles statutaires et les échelles
de rémunération des salaires.
Relais d’emprise : intermédiaire matériel (méthode, ordinateur, dispositif)
ou humain (individu, groupe, organisation) qui transmet une emprise
spécifique sans en être la source initiale qui reste souvent cachée ou non
présente. Une méthode d’investigation ou un test informatisé peut ainsi
produire une emprise analytique sans la présence humaine interactive. Un
conseiller peut aussi jouer un rôle de relais d’emprise s’il intervient soit au
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