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formation

Se former
au bilan
de compétences
Comprendre et pratiquer la démarche

Claude LEMOINE

Préface de Jacques AUBRET

4e édition
Claude LEMOINE est professeur émérite de psychologie à l’Université de Lille 3,
UFR Psychologie, Laboratoire « Psychologie des Interactions et des Cognitions
dans les Organisations » (PSICO).
Président de l’Association Internationale de Psychologie du Travail de Langue
Française (AIPTLF), il est directeur éditorial de la revue Psychologie du travail
et des organisations.
Contact : claude.lemoine@univ-lille3.fr

Maquette intérieure : Catherine Combier et Alain Paccoud


Couverture : Didier Thirion / Graphir design
Photos couverture : Didier Thirion / Graphir design
Mise en pages : Nord Compo

© Dunod, Paris, 2014


ISBN 978-2-10-070771-3
Table des matières

Préface 1
Introduction 5

Chapitre 1 ■ Caractéristiques du bilan de compétences 9


Objectifs et originalité du dispositif du bilan de compétences 10
Les étapes de la démarche du bilan 11
L’accord de la personne 11
Choisir les méthodes d’investigation avec la personne 11
La progression de la personne dans le bilan 11
Les résultats d’analyse 11
Comparaison avec d’autres dispositifs d’orientation 12
Comparaison avec l’orientation scolaire 12
Comparaison avec l’assessment centre
ou centre d’évaluation 14
Comparaison avec le portefeuille de compétences 15
Spécificité du dispositif de bilan dans l’insertion
et la formation professionnelles 15
Complémentarité du bilan de compétences
avec la formation professionnelle 17

Chapitre 2 ■ La notion de compétence 19


Définitions et évolution des notions 20
La capacité 20
L’aptitude 20
La qualification 21
La compétence 21
Les enjeux de la notion de compétences 22
Des compétences au service de la performance 22
Des compétences plutôt qu’un diplôme 23
La logique des compétences :
une logique organisationnelle 24
La recherche des compétences, une méthode
de gestion de soi 26
Conséquences probables liées à la dynamique
des compétences 27

V
Table des matières

Chapitre 3 ■ Les parcours de bilan 29


Les situations avant le bilan 30
Le bilan de compétences hors entreprise 30
Le bilan de compétences en entreprise 32
Positionnement social du bilan de compétences 34
Les différentes phases du bilan de compétences 35
Phase 1 : L’accueil et l’information
sur la démarche du bilan 35
Phase 2 : Investigation avec aide personnalisée 36
Phase 3 : Synthèse, restitution et conclusion du bilan 39

Chapitre 4 ■ Identification et analyse des compétences 47


Le rôle du conseiller-bilan 48
Ce qu’il n’est pas 48
Ce qu’il est 50
Ce qu’il fait 51
Le rôle du bénéficiaire 55
Il est actif 55
Il exerce une auto-attention 55
Il cherche à connaître ses compétences 56
Identifier et analyser les compétences 56
L’enjeu de ces opérations 57
La mesure comme induction de relations sociales 58

Chapitre 5 ■ Les approches théoriques du bilan 61


Le courant de l’orientation 62
Pas un service de documentation 62
Place donnée à l’expérience professionnelle 62
Démarche centrée sur la personne 62
La démarche clinique 62
De l’expertise à l’aide structurante 63
Intérêt et limite de l’expertise 63
Pour une pédagogie de l’appropriation 64
L’approche interactive 65
La référence au modèle de l’emprise analytique 66
La prise d’information sur soi 67
L’attention portée à soi ou auto-attention 68
Les instruments d’observation, relais d’emprise 69
Les résultats en retour 70

VI
Chapitre 6 ■ Les instruments du bilan de compétences 73
Les entretiens 74
Caractéristiques des entretiens 74
L’entretien dans le bilan de compétences 77
Les tests 78
Définition 78
Variété et classification des tests 81
Les tests et instruments utilisés
dans le bilan de compétences 84
Modes d’utilisation des tests dans le bilan 88

Chapitre 7 ■ Compétences, mode d’intervention


et déontologie des conseillers-bilans 91
La déontologie s’appuyant sur la compétence 92
La gestion de la perception de la destination
de ces informations 94
La situation de prise d’information
ou temps de la « passation » 95
La transmission des résultats
de l’analyse psychologique 97
Les options déontologiques dans le bilan de compétences 99
Présentation de la démarche et des perspectives
pour le bénéficiaire 99
Participation à la démarche scientifique 101
L’appropriation des résultats d’analyse impliquante 102
Questions pratiques à propos de l’intervention du conseiller 104
Le conseil, l’influence et le cadre d’intervention 104
Le mode d’intervention :
clinique mais non thérapeutique 106
La directivité scientifique versus l’aide
à l’auto-analyse 107
Conclusion sur le mode d’intervention
du conseiller : l’accompagnement 107

Chapitre 8 ■ Les effets du bilan 111


Le développement social des bilans de compétences 112
Les effets sur la formation, l’emploi et la carrière 114
Les effets psychologiques du bilan 117

VII
Table des matières

Chapitre 9 ■ Les partenaires du bilan de compétences 123


Implantation et environnement social 124
Organisation 124
Financements 124
Partenariat 124
L’équipe pluridisciplinaire 125
Le système tripartite 125
L’organisme de prise en charge 125
Le praticien ou conseiller-bilan 126
Le bénéficiaire 126

Chapitre 10 ■ L’évolution actuelle des bilans de compétences 127


La recherche de la qualité 128
Une recomposition des objectifs dans une logique de l’emploi
et des organisations 129
Une modalité appréciable d’orientation et de gestion de carrière 131

Chapitre 11 ■ Diversité des dispositifs et qualité des bilans


de compétences 133
Variété des dispositifs de bilan 134
Pour les demandeurs d’emplois : le BCA 135
Pour les jeunes :
un bilan d’orientation professionnelle 136
Pour les salariés : bilan professionnel
ou bilan de compétences ? 138
Comment définir un bilan de qualité ? 141
Temps 1 : critères de qualité dès l’accueil 142
Temps 2 : qualité dans la recherche
d’informations sur ses compétences 144
Temps 3 : l’accès aux résultats, synthèse et projet 145
Conclusions et perspectives 147

Chapitre 12 ■ De la nécessité de consolider


une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences 149
Faire le point 150
Les acquis et les avancées du bilan de compétences 151
Du côté des usagers 151

VIII
Du côté des conseillers 153
Du côté du dispositif et des organisations 154
Les difficultés et les dérives du système 156
Les développements et positionnements à assurer 160

Chapitre 13 ■ Pratiques du conseil : comparaison de méthodes 165


Le conseil au sens commun (CC) 166
Le conseil par orientation directive programmée (type scolaire) (OS) 167
Le conseil par information (I) 168
Le conseil par ateliers techniques de présentation (ATP) 169
Le conseil scientifique (CS) 171
Le conseil par l’analyse méthodique des compétences (AMC) 173
Conclusion : options d’orientation 175

Conclusions 179
Annexe 181
Glossaire 184
Bibliographie 191
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IX
Préface

A
près plus de vingt-cinq années d’expérience et vingt années
d’existence légale, le bilan de compétences professionnelles et
personnelles se présente, pour chaque salarié qui le souhaite,
comme un espace socialement reconnu d’analyse des acquis des expé-
riences de vie en vue de leur application à de nouveaux projets et à de
nouvelles stratégies de réalisation professionnelle. En matière de mana-
gement des ressources humaines, le bilan de compétences repose de fait
sur une idée simple  : motiver les personnes à la source même de leur
désir d’investissement, c’est-à-dire dans leur capacité à faire des projets.
Il implique donc dans sa mise en œuvre la prise de responsabilité de la
personne sur le processus d’analyse et d’élaboration de projet. Ce qui
distingue, en effet, le bilan de compétences d’autres pratiques touchant
à l’évaluation des compétences professionnelles tient dans les trois traits
suivants : l’engagement dans le bilan des compétences ne peut être que
volontaire même s’il est suggéré, toute activité proposée dans le bilan
doit être reconnue par son bénéficiaire comme ayant du sens pour lui,
le bénéficiaire est seul responsable de l’utilisation des résultats, cette
responsabilité ne pouvant être aliénée par autrui.
De ce point de vue, la manière dont le bilan de compétences s’est pro-
gressivement inscrit dans les pratiques sociales d’accompagnement des
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démarches d’insertion ou de réinsertion professionnelle, d’orientation des


adultes, de gestion des transitions au cours de la vie, de gestion et de mana-
gement des ressources humaines peut être considérée comme l’aboutisse-
ment d’une véritable révolution. Au rôle dominant de l’expertise externe
à l’individu en vue du diagnostic et du pronostic professionnels, expertise
interprétée comme une manifestation de l’objectivité et scientifiquement
garantie, s’est substitué celui de la personne comme auteur des analyses
évaluatives conduites sur elle-même et jusque-là considérées comme enta-
chées de subjectivité. Le bilan de compétence modifie les rapports expert-
sujet dans le processus de bilan, non pas pour rejeter toute objectivité,
mais pour l’imposer autrement, car celle-ci n’est pas donnée par la qualité
de l’expert et des outils, elle est construite dans des interactions.

1
Préface

Cette révolution ne s’explique pas seulement par des mutations tech-


nologiques, professionnelles ou organisationnelles  ; elle traduit égale-
ment l’effet de changements culturels et sociaux plus profonds, ceux qui
touchent aux rapports que les hommes établissent avec le travail, et par le
travail avec leurs semblables. Plus l’homme se trouve contraint de s’adap-
ter à des conditions et à des exigences changeantes et parfois imprévisibles
et sollicité dans sa capacité d’initiative et de prise de responsabilité, plus
il est dans l’obligation de puiser sur ses ressources personnelles et motiva-
tionnelles pour répondre aux exigences de sa vie professionnelle. En outre,
placé sous le regard d’autrui (hiérarchie, collègues, clients, famille, etc.), il
est en permanence suspecté de n’être pas à la hauteur des attentes de son
environnement, ce qui ouvre la voie à la dévalorisation de soi par la déva-
lorisation d’autrui. En même temps qu’il est un espace de projet, le bilan
de compétences offre une occasion, renouvelable tous les cinq ans, d’un
travail socialement accompagné de prise de conscience des effets sur soi de
ces emprises extérieures, de consolidation de soi voire de prévention concer-
nant la dégradation de sa propre image.
On ne comprendrait pas la signification du bilan de compétences si
on le réduisait à un dispositif attaché à une politique ministérielle d’un
moment. Il s’agit d’un droit, le même pour tous, négocié par les parte-
naires sociaux dont les résultats ont fait l’objet de l’accord interprofes-
sionnel du 3 juillet 1991, accord qui a rendu possible le vote de la loi du
31 décembre 1991 donnant droit à un congé de bilan. Le bilan de com-
pétences est donc chargé de signification, celle d’un acquis social, que
l’on peut considérer comme une réponse personnalisée de la collectivité
aux pressions exercées sur les personnes par le monde économique. Il
ne devrait devenir, en aucun cas, l’instrument du pouvoir des uns (chefs
d’entreprise, gestionnaires des ressources humaines, financiers, média-
teurs sociaux) sur la liberté d’entreprendre des autres. Il le serait, par
exemple, si le bilan était considéré comme un outil de pré-recrutement
professionnel confié à des centres d’évaluation chargés implicitement
de répartir les individus en fonction des seuls emplois disponibles. Le
bilan de compétences prépare le salarié à la négociation des conditions
et des formes de son investissement par le travail. Il trouve donc ses
applications dans toutes les négociations où les interlocuteurs (l’entre-
prise et le salarié) sont conjointement porteurs d’offre et de demande.
De ce fait, le bilan de compétences ouvre des perspectives d’évolution
des emplois dans les entreprises en rapport avec le potentiel des res-
sources disponibles.

2
L’ouvrage de C. Lemoine représente une contribution importante dans
l’explicitation concrète des tenants et aboutissants du bilan de compé-
tences. Les acteurs sociaux concernés par ces démarches, à titre d’accompa-
gnateurs, de « financeurs », de bénéficiaires, voire de chercheurs, ne peuvent
se contenter de l’affirmation de grands principes mais veulent savoir com-
ment ces principes se transforment ou se sont transformés en actions ou en
propositions d’action. Ils trouveront donc dans cet ouvrage de nombreux
éléments de réponse  : aspects pratiques, administratifs, éducatifs, scienti-
fiques, déontologiques. Ceux qui tenteront une lecture approfondie de cet
ouvrage, et j’espère qu’ils seront nombreux, verront se dégager au fil de
la lecture et de la réflexion une véritable modélisation de la démarche de
bilan prise dans sa globalité et qui s’exprime sous la forme d’un modèle
de conquête de soi dans le jeu des interactions entre l’emprise et l’auto-
emprise.

Jacques Aubret
Professeur des Universités
Cnam/Inetop
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3
Introduction

L’originalité
de la démarche
« bilan
de compétences »

Ce livre sur le bilan de compétences a une double destination  : ceux


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qui accueillent ou accueilleront des personnes en bilan, et tous ceux


qui, ayant quelque peu entendu parler de l’existence des bilans de com-
pétences, souhaiteraient en entreprendre un, mais hésitent à se lancer
dans une démarche trop peu connue.
Pour ceux-ci, les pages qui suivent permettent de savoir comment
il se déroule, et donc de se rassurer  : le bilan de compétences est un
dispositif mis au service des personnes qui souhaitent connaître mieux
leurs compétences et prendre en charge leur évolution professionnelle.
Il n’est ni un centre d’évaluation, ni un lieu de sélection, mais il fournit
le moyen de faire le point sur ses compétences et de construire son pro-
jet avec l’aide d’un professionnel dans un cadre confidentiel. On peut
dès lors éviter les contrefaçons.

5
L’originalité de la démarche « bilan de compétences »

Pour les premiers, cet ouvrage se veut une propédeutique ou une


manière de se ressourcer en prenant une certaine distance par rapport à
une activité impliquante. Il introduit ainsi à une formation permanente.
Mais peut-être aussi apportera-t-il une nouvelle façon de considérer une
démarche plus originale qu’on ne le pense souvent. Il ne s’agit pas de
faire passer des tests, ni même seulement d’écouter pour comprendre
une situation difficile ou incertaine ; il ne s’agit pas non plus d’orienter
en exerçant une influence, en indiquant ce qu’il faut faire, ou en don-
nant un conseil, fût-il scientifique.
Sans en avoir l’air à première vue, la démarche « bilan de compétences »
rompt avec plusieurs principes répandus dans les milieux de la psycholo-
gie scientifique : en mettant la personne bénéficiaire du bilan au centre du
dispositif et en la rendant acteur principal, elle modifie le rapport social
d’emprise entre l’observateur et l’observé, entre le savant et l’ignorant y
compris de soi. Puisque c’est le bénéficiaire qui importe, c’est aussi lui qui
doit découvrir ses compétences, ce n’est pas un autre. Et c’est pour lui, à son
profit, que les moyens d’investigation sont mis en œuvre, non pour un tiers
ou pour un expert.
En conséquence, l’utilisation des méthodes et des techniques est à
revisiter. Elles ne sont plus à cacher mais à expliciter  ; elles ne visent
plus à classer quelqu’un par comparaison à autrui comme dans l’éta-
blissement d’un profil, mais à focaliser l’attention de l’intéressé sur des
aspects de lui, afin qu’il en prenne conscience et s’approprie son image,
celle qu’il élabore progressivement en découvrant ses possibilités. C’est
ainsi vers une auto-emprise que l’on tend, c’est-à-dire une gestion de soi
et de ses compétences facilitée par une intervention extérieure.
Dans ce cadre, le conseiller ne donne plus de conseils à suivre, ne
prescrit pas de solutions toutes faites, il accompagne une personne et lui
apporte les moyens d’entreprendre une progression dans la découverte
de ses compétences et dans la construction de son projet. C’est bien
autre chose que de faire accepter le premier emploi qui se présente.
La prise de conscience de ce travail peut jouer un rôle de bilan de
compétences pour les conseillers-bilans eux-mêmes et leur permettre à
leur tour de découvrir mieux l’aventure qu’ils ont entreprise, dont ils
n’ont pas toujours une perception nette, même s’ils sentent bien qu’ils
sont au cœur de processus qui ne se réduisent pas à l’application de
techniques scientifiques sur autrui. Si la modélisation théorique facilite

6
cette réflexion sur une activité somme toute nouvelle et originale, elle
n’aura pas été inutile pour situer la démarche « bilan de compétences ».
Cette activité de bilan permet aussi d’identifier mieux la place de la psy-
chologie du travail et des organisations qui, dans ses interventions comme
dans ses conceptions, se centre sur l’attention portée aux personnes afin
qu’elles gèrent mieux leur vie dans un milieu en changement (Lemoine,
2012, p.  12 à 18  ; Bernaud et Lemoine, 2012). Le bilan de compétences
apporte ainsi à chacun des moyens pour comprendre davantage les élé-
ments d’une situation complexe dont il fait partie, pour mieux s’orienter
dans la vie professionnelle en trouvant une structure de conseil (François,
2012), et pour devenir un peu moins le jouet des événements en construi-
sant son projet.

L’essentiel

 Le bilan de compétences permet de mieux découvrir


ses possibilités, de préparer ses décisions de vie professionnelle
et de prendre en main son orientation, avec le soutien
d’un conseiller qui accompagne la démarche.
 Les chapitres 1 à 4 et 8 à 11 présentent les éléments de base
pour toute personne susceptible d’entreprendre cette démarche.
Les chapitres 5 à 7 et 12-13 permettent d’approfondir des aspects
plus théoriques et méthodologiques montrant l’originalité
du bilan de compétences, tant du côté du conseiller
que du bénéficiaire.
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7
Chapitre 1

Caractéristiques
du bilan
de compétences

Résumé

 Le bilan de compétences est d’abord défini par ses objectifs


puis il est comparé à d’autres dispositifs, et situé par rapport
à la formation professionnelle, afin de montrer
sa complémentarité avec elle.
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9
1. Caractéristiques du bilan de compétences

Objectifs et originalité du dispositif


du bilan de compétences
La démarche du bilan de compétences a pour objectif de permettre à des
personnes adultes, salariées ou à la recherche d’un travail, appelées ici
bénéficiaires ou intéressés (voir chap. 4), de faire le point sur leurs compé-
tences (voir chap. 2), de les connaître mieux, et de construire à partir de
là un projet personnel ou professionnel, tout en clarifiant les moyens et
les étapes pour le réaliser.
Cette activité est facilitée par un dispositif d’accueil (voir chap. 3) où
la personne intéressée, ou bénéficiaire, trouve un conseiller (voir chap. 4)
qui assure l’accompagnement pendant la durée du bilan, soit un temps
de 15 à 30 heures étalées sur environ trois mois.
Les caractéristiques principales du bilan proviennent d’une synthèse
de procédures connues qui associent à la fois une analyse psychologique
des compétences et une dimension de pédagogie active permettant à
l’intéressé de s’approprier les connaissances le concernant. On y trouve
ainsi une écoute personnalisée, un temps de définition de la demande,
une analyse des compétences faisant appel à la participation de l’inté-
ressé, et un temps de synthèse débouchant sur l’élaboration d’un projet
finalisé ou plan d’action en vue d’atteindre les objectifs définis et identi-
fiés au cours du bilan (cf. Lemoine, 1998).
Mais la démarche du bilan de compétences va au-delà d’une écoute
individualisée ou d’une analyse des compétences par un expert qui indi-
querait à la fin comment on est ou ce qu’il faut faire. Elle donne la
première place à l’intéressé qui découvre et explicite ses compétences
en étant soutenu par un dispositif protecteur et par des moyens tech-
niques et relationnels qui l’aident à progresser par lui-même, à prendre
conscience de ses compétences et à élaborer un projet personnel en
terme de formation ou d’activité professionnelle.

Place de la personne
Dans cette démarche, la personne principale est celle qui réalise son bilan de
compétences :
1. C’est elle qui est volontaire et qui donne son accord pour entreprendre le bilan.
2. C’est avec elle que sont choisies les méthodes d’investigation.
3. C’est par elle que la progression s’opère.
4. C’est pour elle que les résultats d’analyse sont obtenus. ■

10
Dans cet ensemble, la personne intéressée joue un rôle central, tout
en étant aidée et accompagnée à chaque étape par un professionnel du
bilan, généralement un ou une psychologue, qui structure la progres-
sion en fonction de la demande et des attentes formulées.

Les étapes de la démarche du bilan


Trois étapes importantes structurent la démarche ; elles comprennent :
1. Une écoute et une définition de la demande.
2. Une analyse des compétences avec le bénéficiaire.
3. Une synthèse écrite rassemblant les compétences repérées, mais aussi
les éléments de l’élaboration d’un projet personnel ou professionnel
et les moyens de le mettre en œuvre.

L’accord de la personne
L’accord de la personne est indispensable ; il est cependant nécessaire
de vérifier que cet accord est bien volontaire et non rendu obligatoire
par des pressions sociales extérieures, comme celle de ne recevoir une
allocation que s’il y a acceptation, ou celle d’éviter d’être rayée des listes
des prestations sociales.

Choisir les méthodes d’investigation


avec la personne
L’auto-analyse, réalisée par analyse de ses propres compétences, s’appuie
sur des méthodes, des instruments d’analyse, des supports d’information
sur soi, et une structure de progression proposés par le conseiller-bilan et
acceptés par le bénéficiaire. Cela évite de rester isolé, de ne pas savoir com-
ment s’y prendre ou d’en rester à une simple introspection sans garantie
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ni soutien.

La progression de la personne dans le bilan


Le bénéficiaire prend en effet conscience de ses compétences en portant
attention à des aspects de lui, comme son expérience antérieure, ses
goûts, sa formation, et en faisant le point sur sa situation et sur ses pos-
sibilités, dans un processus d’auto-analyse assistée par un tiers.

Les résultats d’analyse


Les informations recueillies, les résultats obtenus à partir des différents ins-
truments de mesure et la synthèse finale restent la propriété du bénéficiaire.
Ils sont mis à sa disposition et ne peuvent être communiqués à autrui sans
son autorisation.

11
1. Caractéristiques du bilan de compétences

Comparaison avec d’autres dispositifs


d’orientation
Le bilan de compétences se distingue de plusieurs autres dispositifs
d’orientation ou d’évaluation des personnes. On peut comparer le dispo-
sitif bilan avec d’autres dispositifs : celui de l’orientation scolaire, celui
des centres d’évaluation (ou assessment centre), celui relatif à l’élaboration
du portefeuille de compétences. Le dispositif bilan se distingue aussi de
la formation professionnelle et se trouve avec lui en complémentarité.

Comparaison avec l’orientation scolaire


L’orientation scolaire et professionnelle s’adresse généralement aux jeunes
scolarisés, en cours ou en fin d’études, tandis que le bilan de compétences
concerne un public plus large et plus âgé, en dehors du système scolaire.
Ce peut être des jeunes cherchant un emploi après leurs études, mais aussi
des demandeurs d’emplois, quel que soit leur âge, ou encore des salariés
adultes souhaitant évoluer, ou bien se préparant par anticipation à chan-
ger d’emploi dans un contexte organisationnel incertain. On trouve aussi
des personnes d’âge moyen (40-45 ans) souhaitant se réorienter dans une
profession après avoir élevé leurs enfants. Le public est donc varié et peut
se composer de toute personne souhaitant faire le point sur ses compé-
tences en vue de construire un projet personnel et professionnel.
Une deuxième différence vient de l’attitude de départ : le bilan est
une activité volontaire, décidée par l’intéressé, alors que l’orientation
scolaire n’est pas toujours à l’initiative du jeune pour qui l’orientation
arrive comme une obligation lorsqu’il rencontre des difficultés durant
ses études. Cette différence vient en fait du système scolaire qui procède
surtout par élimination des choix : ceux qui réussissent gardent la filière
haute tandis que les autres doivent être orientés, soit dans d’autres
filières, soit vers la vie active ou des cursus y préparant directement. Le
niveau scolaire détermine ainsi le mode d’orientation scolaire, et prédé-
termine le niveau professionnel sans que les jeunes sachent exactement
ce qu’ils souhaitent entreprendre et sans qu’ils connaissent précisément
l’éventail des professions possibles ou existantes.
Il en résulte que les orientations en milieu scolaire s’organisent en
priorité en fonction de préférences personnelles relatives aux études (les
goûts pour telle matière) et en fonction du niveau de réussite, sans qu’un
projet d’avenir soit toujours élaboré. Quand il y a nécessité, une docu-

12
mentation sur les métiers est assurée, même si elle reste plutôt livresque,
et des tests d’intérêt sont possibles (comme le big five) où s’opèrent des
correspondances entre les types de professions et des caractéristiques per-
sonnelles (cf. Guichard et Huteau, 2001). Ces tests ne sont pas exempts
de stéréotypes sur les métiers et ont sans doute plus d’intérêt par le fait
d’engager une réflexion et un échange avec des adultes que pour leur
côté prédictif, celui-ci pouvant aussi jouer un rôle contraignant. Enfin
l’aide à l’orientation scolaire n’est pas toujours assurée par un profession-
nel de la psychologie, et l’apport reste souvent au seul niveau documen-
taire, ce qui est somme toute préférable à une utilisation immodérée des
injonctions fondées sur des prédictions hasardeuses, mais ne remplace
pas un véritable travail d’aide à l’orientation en faveur de l’intéressé.
Dans le bilan de compétences, la perspective est assez différente : les
références aux matières scolaires comptent moins, et il s’agit plutôt de
définir et de clarifier des compétences professionnelles existantes, d’en
prendre conscience et de s’appuyer sur elles pour réfléchir sur son mode
d’insertion dans le travail, sur l’évolution de sa carrière et pour construire
son propre projet professionnel. Cette démarche passe par une activité
qui consiste à rassembler des informations sur soi, sur ses compétences,
sur ses potentialités, à se renseigner sur les filières porteuses dans le
milieu économique, à prendre confiance dans ses possibilités en décou-
vrant et en valorisant ses acquis, et à élaborer un projet relativement
clair et réalisable. Dans cette activité, neuve pour l’intéressé, celui-ci
est accompagné par un conseiller qui structure la démarche, aide à la
progression et facilite les choix et les prises de décision sans les imposer.

Tableau 1 : Comparaison entre orientation et bilan de compétences


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De l’orientation scolaire… au bilan de compétences


Pour qui ? Pour qui ?
pour les jeunes scolarisés pour les jeunes cherchant un emploi
en cours ou en fin d’études pour les demandeurs d’emplois
pour les salariés adultes
Quels buts ? Quels buts ?
se documenter sur les métiers réfléchir sur l’évolution de sa carrière
choisir une filière et sur son mode d’insertion dans le travail
Comment ? Comment ?
ajuster ses caractéristiques personnelles et définir, clarifier ses compétences
son projet d’avenir professionnelles
préciser les choix en fonction de ses rassembler des informations sur soi
préférences et de son niveau scolaire valoriser ses acquis, ses compétences
construire sa démarche, bâtir un projet »
13
1. Caractéristiques du bilan de compétences

» De l’orientation scolaire… au bilan de compétences


Avec qui ? Avec qui ?
aide ou non d’un psychologue activité de l’intéressé accompagnée
d’orientation de conseillers (progression et méthodes)
de la qualification… aux compétences
liée aux diplômes officiels liées aux acquis (savoir, savoir-faire)
issus de l’expérience dans le travail
de l’étude extérieure… à l’aide pour une auto-analyse
prélever des informations impliquantes aider à poser, à identifier les questions
avec des méthodes unilatérales (l’intéressé est premier)
puis donner (imposer) des conclusions proposer des méthodes d’analyse
scientifiques (profil fixé) (en accord avec lui)
faciliter l’appropriation des informations
sur soi (synthèse personnelle)

Comparaison avec l’assessment centre


ou centre d’évaluation
Le bilan de compétences se distingue de l’assessment centre sur plusieurs
points :
– Il ne s’agit pas d’évaluer des personnes par rapport à d’autres ou par
rapport à une norme afin d’établir ce qu’elles valent.
– Le psychologue joue moins un rôle de spécialiste qui fait passer des tests
et les interprète qu’un rôle d’accompagnement dans une démarche d’auto-
connaissance. La relation dissymétrique testeur-testé ou observateur-
observé est remplacée par une relation de plus grande réciprocité dans
laquelle le psychologue est au service du bénéficiaire du bilan.
– Ce n’est pas un lieu de sélection en vue d’un recrutement ou d’une pro-
motion, où l’accès à un travail dépend des résultats de l’évaluation. L’in-
certitude, la tension et la crainte de l’échec liées à ce genre d’examen
sont considérablement réduites pour faire place à une attente positive et
une perspective d’acquisition de connaissances supplémentaires sur soi.
– Ce n’est pas non plus une mise en situation ou une mise à l’essai face à
un problème à résoudre ou à une situation professionnelle donnée, en
vue de vérifier le comportement adopté. Cet aspect de mise en situation,
en dehors d’une perspective d’évaluation-jugement, pourrait avanta-
geusement devenir un complément du bilan de compétences dans la
mesure où il permet à l’intéressé de se rendre compte du travail effectif
à accomplir dans une profession envisagée. Il éviterait de gérer le bilan
uniquement sur le plan des représentations, du projet ou des connais-
sances psychologiques pour lui apporter une dimension plus concrète.

14
Comparaison avec le portefeuille de compétences
Une autre perspective, qui s’est d’abord développée au Québec, puis a été
instituée en France sous le nom de « validation des acquis », s’apparente
au processus du bilan de compétences mais n’a pas la même finalité.
Dans la procédure de validation des acquis (cf. Aubret et Gilbert,
1994), il s’agit de rassembler l’ensemble des expériences profession-
nelles, des formations initiales, professionnelles, ou même culturelles, et
d’en faire une synthèse afin d’obtenir une équivalence pour un diplôme
ou une partie d’un diplôme (par exemple des modules liés à la pratique,
ou un stage professionnel, ou encore une unité de valeur d’un cursus
différent mais proche du domaine concerné).
Le candidat souhaite ainsi faire reconnaître une activité antérieure
ayant demandé un niveau de compétences donné, en vue d’obtenir une
validation officielle en terme de niveau de formation et d’accéder à un cur-
sus auquel il ne pourrait prétendre avec sa seule formation scolaire initiale.
Cette activité de synthèse se rapproche de la démarche du bilan de
compétences au sens où elle demande de rassembler des documents
attestant de compétences acquises au cours de la vie, ce qui suppose
d’être capable de réfléchir aux apports issus des expériences passées.
Mais la procédure s’appuie davantage sur la recherche de preuves, d’at-
testations ou de recommandations dans le but de mettre en valeur une
activité antérieure et d’en tirer profit pour accéder à un niveau plus élevé
que celui de la formation initiale obtenu au départ. S’il y a réflexion sur
ses compétences, celle-ci vise moins à mieux se connaître qu’à présenter
à d’autres les compétences acquises lors d’activités antérieures afin de
les faire reconnaître et de les valider.

Spécificité du dispositif de bilan


dans l’insertion et la formation
professionnelles
Le dispositif bilan de compétences a un statut particulier qui le diffé-
rencie des autres dispositifs sociaux. En France, il est régi par des textes
ministériels très précis qui définissent à la fois le cadre d’intervention,
les grandes lignes de la démarche et les personnels assurant le rôle de
conseillers-bilan (voir chap. 4).

15
1. Caractéristiques du bilan de compétences

Le bilan ne correspond pas exactement à une formation profession-


nelle dans la mesure où il ne comprend pas de formateurs, de programme
d’apprentissage, d’examen et qu’il ne donne pas accès à un diplôme.
Cependant son mode d’accès pour les salariés, son mode de financement
et son type d’apport le positionnent dans le cadre de la formation profes-
sionnelle des adultes (cf. Aubret, Aubret et Damiani, 1990). Il entre très
bien dans le dispositif « droit individuel à la formation » (D.I.F.).
Le bilan joue d’autre part souvent un rôle de préparation au choix
d’une formation professionnelle. Les études de suivi réalisées ont mon-
tré que le bilan constitue une voie privilégiée d’accès à la formation des
adultes et a pour effet d’augmenter le taux de réussite des stagiaires qui
ont réalisé leur bilan. En effet ceux-ci, par la construction de leur pro-
jet, savent mieux ce qu’ils viennent chercher dans une formation, ont
choisi celle qui correspond le plus à ce qu’ils recherchent, et se trouvent
plus motivés pour dépasser les difficultés inhérentes à toute formation
et la poursuivre jusqu’au bout. Le bilan démontre ainsi son rôle prépara-
toire à une démarche individuelle de formation professionnelle.
Enfin, sans apporter une formation technique, ce qui n’est pas son
but, le bilan est aussi un lieu d’auto-formation sur le plan personnel
et psychologique. Connaître mieux ses compétences, savoir dans quel
domaine s’orienter et travailler, prendre conscience de ses possibilités
en fonction de la demande du marché, tout cela constitue manifeste-
ment à la fois une source de maturation et une remise en confiance sur
le plan personnel, ce qui peut se répercuter ensuite sur la qualité du
travail effectué et une prise de responsabilité plus grande.
Par ailleurs, en raison du niveau de compétences des conseillers et de
la spécificité de la démarche, le bilan tranche avec les autres dispositifs
sociaux d’aide à l’insertion sociale qui jouent surtout un rôle adminis-
tratif ou technique, comme l’agence pour l’emploi, ou encore un rôle
de soutien psychologique, comme les permanences d’accueil locales. Le
bilan propose en effet un cheminement encadré sur le plan personnel et
vise des objectifs bien définis en matière de repérage des compétences et
de construction de projet professionnel, non assuré ailleurs.
Son positionnement actuel dans le cadre des dispositifs sociaux qui
encadrent l’emploi fragilise cependant son développement, voire son
maintien institutionnel. En effet il n’est pas assez utilisé par les entre-
prises pour leur gestion prévisionnelle des emplois, leur sert plutôt de
moyen de négocier des départs ou des licenciements, et il est trop perçu

16
comme productif uniquement pour les personnes et non suffisamment
pour les entreprises elles-mêmes.
Comme le bilan propose une forme de stage court, donc à coût limité,
et efficace pour l’orientation professionnelle des salariés ou des per-
sonnes désirant l’être, il serait donc nécessaire de le positionner davan-
tage comme un « sas » préparatoire à une évolution de poste, comme un
moyen d’adapter les compétences des salariés aux changements rapides
des entreprises, et comme une façon performante de gérer les dispositifs
de formation professionnelle par un pilotage en amont afin d’augmen-
ter leur taux de réussite et leur niveau de transférabilité dans le travail.

Complémentarité du bilan
de compétences avec la formation
professionnelle
Avec une vingtaine d’heures de réalisation, le bilan ne peut résoudre
tous les problèmes d’une société ou d’une personne. Même si son effica-
cité n’est pas négligeable, il doit, pour rester attractif, être ciblé sur des
objectifs bien délimités. À cette fin, le dispositif bilan se situe dans un
ensemble de structures existantes. En particulier sa place convient parti-
culièrement bien pour les situations demandant des prises de décision,
des choix d’orientation ou des évolutions importantes dans la carrière.
En ce sens le bilan de compétence est un complément apprécié avant
une formation professionnelle, avant un choix impliquant une réorien-
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tation de profession, ou encore entre la fin des études et le début d’une


insertion professionnelle. Des expériences avec des étudiants se prépa-
rant au premier emploi ont montré que le bilan de compétences ou
une démarche équivalente apporte un soutien psychologique important
pour ces périodes de transition.
Le bilan peut être avantageusement couplé avec des techniques de
présentation de soi ou encore avec la réalisation d’un stage en entre-
prise. Toutefois des recherches récentes tendent à distinguer une phase
de centration et d’interrogation sur soi et une phase de valorisation vers
l’extérieur. Il est apparu que la démarche bilan centre plutôt l’attention
sur soi et permet un approfondissement de ses options personnelles, ce
qui porte à penser que les exercices plus techniques (comme le fait de
rédiger un CV, de passer un entretien de sélection) ont intérêt à se passer

17
1. Caractéristiques du bilan de compétences

après la phase proprement dite de bilan. Le côté évaluatif, l’orienta-


tion vers des références sociales extérieures, la recherche de désirabilité
sociale se trouvent en opposition avec la découverte de ses compétences
et la construction d’une image personnalisée de soi. Il est donc préfé-
rable de séparer temporellement les deux processus autant que possible
et d’éviter de réintroduire des situations d’évaluation qui risquent tou-
jours de gêner la prise de conscience en cours en ce qui concerne l’image
de soi et de ses compétences.

L’essentiel

 La personne est au centre de la démarche dans le bilan


de compétences.
 Celui-ci n’est pas fondé sur des notations ou la réussite
scolaire.
 Il n’est pas une démarche évaluative avec comparaison
à autrui, et n’est pas un lieu de sélection avant un recrutement.
 Il ne vise pas à une validation des acquis pour obtenir
un diplôme.
 Il intervient comme une formation courte pouvant préparer
au choix d’une formation professionnelle ou à une évolution
de carrière, car il permet au bénéficiaire de mieux connaître
ses compétences et ses possibilités.

18
Chapitre 2

La notion
de compétence

Résumé

 Ce chapitre définit le terme « compétence » en le situant


par rapport à des notions plus anciennes et en analysant
les enjeux et les conséquences sur le plan personnel
et organisationnel, notamment en lien avec la performance.
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19
2. La notion de compétence

Les définitions de la notion de compétence et des notions proches


conduisent à traiter des enjeux qui y sont liés, les compétences
entrant à la fois dans les objectifs de performance, dans la logique
de restructuration organisationnelle, ce qui donne une moins grande
place aux diplômes, et dans le champ du développement individuel
et de la gestion de soi. La rencontre des attentes respectives de chaque
pôle, individu et organisation, est alors susceptible de conduire à des
conséquences plus ou moins inattendues liées à la dynamique des
compétences.

Définitions et évolution des notions


La notion de compétence a remplacé les notions antérieures d’aptitude,
de capacité et de qualification, tout en y intégrant l’idée de mobilisa-
tion, de motivation, puis d’engagement et d’implication, et en repre-
nant l’ancienne référence behaviouriste de comportement observé de
l’extérieur, ou réponse comportementale.

La capacité
La capacité est un ensemble de performances constatées qui peuvent
être définies par un ou des référentiels (norme Afnor 1994). Elle repré-
sente la possibilité de réussite dans l’exécution d’une tâche ou dans
l’exercice d’une profession (Piéron, Vocabulaire de la Psychologie, PUF,
1973). À ce titre elle peut être l’objet d’une évaluation directe, sous
réserve d’une volonté de mise en œuvre de la part de celui dont on veut
apprécier la capacité. Elle est conditionnée par une aptitude qu’elle
révèle indirectement.

L’aptitude
L’aptitude désigne le substrat constitutionnel d’une capacité, préexistant
à celle-ci, qui dépendra du développement naturel de l’aptitude, de la
formation éducative et de l’exercice (Piéron, ibidem). Aussi seule la capa-
cité peut-elle être objet d’une évaluation directe. Le terme anglais ability
recouvre, sans distinction, les notions d’aptitudes et de capacité. Les tests
d’aptitude visent à apprécier les chances de succès dans un domaine par-
ticulier, par référence à une population donnée, généralement de même
âge. Les aptitudes sociales (cf. Lewin, 1959, p. 264) impliquent une habi-
leté dans le domaine des relations sociales analogue à celles du domaine

20
technique (skills), et sont donc, comme elles, objet possible de formation
systématique.

La qualification
La qualification renvoie à une reconnaissance officielle, validée par
un diplôme, d’aptitudes ou de niveau de formation, d’expertise ou de
connaissances théoriques ou techniques, acquise soit dans une insti-
tution de formation, soit par expérience professionnelle. Le niveau
de qualification sert de référence pour les grilles statutaires et dans les
échelles de rémunération des salaires.

La compétence
La compétence quant à elle n’est pas un mot nouveau ; le dictionnaire
Le Robert la définit comme une connaissance approfondie, reconnue,
qui confère le droit de juger ou de décider dans certains domaines.
De façon usuelle, une personne compétente est celle qui sait faire
face à des situations complexes ou résoudre des problèmes en met-
tant en œuvre ses connaissances et son savoir-faire. Au pluriel, avoir
des compétences signifie posséder des caractéristiques personnelles
(connaissances, habiletés, attitudes) qui conduisent à une réalisation
en s’adaptant à une situation dans un environnement donné. Les com-
pétences incluent donc l’efficacité face à des situations-problèmes et ne
sont repérables que par elle.
D’autres définitions existent, comme celle donnée en ergonomie par
M.  de Montmollin  : les compétences sont des ensembles stabilisés de
savoirs et de savoir-faire, de conduites-types, de procédures standards,
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de types de raisonnement, que l’on peut mettre en œuvre sans appren-


tissages nouveaux.
Cependant, ce terme, devenu incontournable dans le champ
du management, risque de devenir un mot passe-partout, un mot
« valise » (Gilbert, 1999). La notion de compétences intervient notam-
ment dans la gestion des emplois (Gilbert et Thionville, 1990, Gilbert
et Schmidt, 1999) et donne lieu à une croissance des évaluations liées
à la personne. La question est moins de savoir ce qu’elle veut dire que
de comprendre la logique nouvelle qu’elle apporte, les enjeux person-
nels et organisationnels qu’elle induit et les modifications pratiques
qu’elle impose en gestion des ressources humaines (Aubret et Gilbert,
1997, 2002).

21
2. La notion de compétence

Les enjeux de la notion de compétences


La compétence est indissociable de l’activité par laquelle elle se mani-
feste (Cammas et Thionville, 2000). Plus encore elle n’est discernable
que par son résultat observable, donc a posteriori. On se trouve ainsi
devant une notion ambiguë puisque spontanément les compétences
renvoient à celui qui les possède alors que leur mise en œuvre, seule
observable, dépend du milieu et des conditions extérieures. Ce retour
caché au behaviorisme est associé à une responsabilisation indivi-
duelle au moment même où les compétences sont déclarées contex-
tuelles, ce qui veut dire que leur réalisation est fonction des conditions
de travail offertes par l’organisation, et de la forme du réseau de rela-
tions existant.
Par exemple, cela signifie qu’une personne très instruite pourra ne
pas exprimer toutes ses possibilités si le milieu d’accueil est hostile ou
inadéquat à son style de travail. Inversement, un salarié peu diplômé
pourra être très performant dans son milieu dans la mesure où il aura
su s’approprier les éléments d’informations pertinents ou des modes
d’action implicites mais efficaces. Mais il deviendra à son tour peu
compétent si on lui change ses repères au cours d’une réorganisation
du travail qu’il devra subir, ou dans une autre configuration de travail.
Ces exemples suggèrent que la notion de compétences est dépen-
dante du contexte de mise en œuvre tout en étant attribuée à une per-
sonne à partir du résultat final observé. Cette contradiction diminue
sensiblement la pertinence de cette notion qui est cependant utilisée
à grande échelle alors qu’elle est déduite, avec erreur d’attribution, de
la performance supposée personnelle sans préoccupation des processus
multiples et organisationnels qui la permettent.

Des compétences au service de la performance


Cet engouement vient de préoccupations extérieures à la dynamique
psychologique de production des compétences. Il provient d’une cen-
tration très forte sur le discours de la performance d’une part, ce qui
accentue la demande d’évaluation sommative, en terme de résultats,
aux dépens d’une analyse des processus permettant d’y parvenir. Il
provient aussi d’une tentative pour dissocier le niveau de formation
reconnu par un diplôme du niveau de réalisation en termes de quantité
et de qualité du travail.

22
Cette dissociation relève d’un enjeu essentiellement économique  :
elle tend à distendre le lien entre niveau de formation et niveau de
rémunération. Dans ce cadre, il ne suffit plus d’avoir un diplôme ou
une formation reconnue, il faut encore mettre en œuvre ce que l’on
connaît ou ce que l’on sait faire., et cela, le plus possible. Il n’est donc
plus suffisant d’être instruit, il faut aussi être performant, c’est-à-dire
travailleur, actif, consciencieux, mais de plus stylé, ponctuel, voire sou-
mis aux objectifs définis par l’organisation. On retrouve ici l’ancienne
notion de motivation, retraduite depuis sous la forme de l’implication
dans le travail et de l’engagement envers l’entreprise.
Le discours des compétences renvoie ainsi à la notion de « ressources
humaines » qui ne comprend pas seulement les savoirs, connaissances
et savoir-faire, mais aussi les attitudes face au travail, le sens de la com-
munication et du travail en équipe, les valeurs reliées au travail, les
capacités d’initiatives, de responsabilité et finalement de performance.
Les compétences comprennent ainsi des dimensions relationnelles
et psychologiques qui n’étaient pas prises en compte dans le niveau de
diplôme ou de formation générale. On voit bien tout l’avantage pour
l’organisation : le niveau de qualification importe moins que le résultat
obtenu, et celui-ci dépend autant de l’adaptation aux nouvelles formes
de travail, de l’empressement à atteindre les objectifs de production que
de l’obtention, forcément plus ancienne, d’un examen qualifiant.
La référence aux compétences offre donc en somme une nouvelle
grille de critères pour établir les niveaux des salaires et des primes. C’est
donc la modification des fondements d’un système qui se trouve cachée
derrière un changement de terminologie.
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Des compétences plutôt qu’un diplôme


Mais il y a plus  : c’est aussi une remise en question de la formation
diplômante. Car on n’apprend pas seulement avant d’être dans l’en-
treprise, mais surtout au cours de l’exécution du travail lui-même.
On retrouve ici les très anciennes lamentations sur les jeunes diplô-
més qui ne savent pas travailler : seul l’apprentissage sur le tas serait
efficace, seules les compétences acquises au cours de la réalisation
du travail seraient performantes. C’est le discours classique de l’anti-
formation initiale vue comme inappropriée, généraliste et inadaptée,
et par contrecoup, l’apologie de l’entreprise formatrice qui devient
par surcroît dispensatrice des validations en s’érigeant grand jury des

23
2. La notion de compétence

compétences accréditées qui se traduisent dans l’échelle des niveaux


hiérarchiques et des rémunérations. Comme quoi un discours sur les
compétences se présentant sous le couvert du modernisme peut cacher
un retour à des revendications fort anciennes, qu’on croyait dépas-
sées. Le modèle de l’ingénieur-maison n’est pas très loin, même si l’on
sait par ailleurs que les possibilités de promotion sont en fait sou-
vent circonscrites à des progressions plus limitées que dans les années
antérieures, et que la formation initiale est toujours un atout pour les
possibilités d’adaptation. Mais si le diplôme initial reste une néces-
sité en raison des évolutions techniques et des possibilités d’adapta-
tion qu’il permet, et cela d’autant plus que le nombre de diplômés
augmente, il n’est plus suffisant pour assurer seul une reconnaissance
dans l’entreprise, et d’autres compétences sont recherchées et quel-
quefois considérées comme primordiales.
On voit assez facilement que cette logique de la surenchère aux
compétences non répertoriées concurrence la logique de formation et
pose le problème de la reconnaissance de ces nouvelles compétences. Il
n’est pas sûr en effet que l’entreprise, tout en les recherchant, les valide
en terme de statut ou de niveau de rémunération, ce qui peut entraîner
des dérives.
Évidemment, la réflexion précédente risque d’être contestée pour la
défense même de l’idée de compétences. En effet, la question n’est pas
si simple, y compris pour les entreprises, et plusieurs logiques peuvent
se trouver en compétition dans le même temps. La formation initiale,
beaucoup le savent, n’est pas remplaçable par la simple émergence,
plus ou moins spontanée, de compétences qui apparaîtraient sur le tas.
Les entreprises qui ont misé sur l’élévation du niveau de compétences
savent que les acquis initiaux sont indispensables et que la logique
« compétences » demande une nouvelle conception de l’organisation,
plus exigeante, notamment par la mise en place d’un travail en équipe
où l’échange de compétences peut se réaliser, et où des compétences
collectives, propres à un service ou à une équipe, peuvent se construire
en vue d’améliorer la performance et la qualité des productions.

La logique des compétences :


une logique organisationnelle
Si l’on comprend que la notion de compétences est associée à une dyna-
mique nécessaire d’adaptation des postes et de l’organisation du travail,

24
la gestion des compétences, aussi bien au recrutement qu’au cours du
travail, devient une pièce centrale du développement et de l’évolution
des entreprises. Il est dès lors important de savoir repérer les compé-
tences individuelles et de savoir générer des compétences supplémen-
taires sur le lieu de travail.
Sur le plan des organisations, développer les compétences passe
par la recherche de nouvelles formes de travail qui s’appuient sur une
culture d’entreprise favorisant l’émergence des compétences. Le travail
par objectifs, la constitution d’équipes plus autonomes, la réduction des
niveaux hiérarchiques, l’insertion de la maîtrise dans les équipes elles-
mêmes sont autant de méthodes pour y parvenir. Celles-ci demandent
une formation spécifique des salariés et supposent une attention accrue
aux éléments du climat de travail.
La gestion des compétences n’a donc rien à voir avec une simple
formation sur le tas. Elle implique un engagement de l’organisation, à
la fois pour garder son personnel compétent et pour lui permettre d’ex-
primer toutes ses compétences et de les mettre au service de l’obtention
de résultats performants.
Sur le plan des individus, la référence aux compétences suppose
qu’ils ne se limitent plus à décliner leurs diplômes ou à s’y reporter
pour assurer leur reconnaissance sociale. Que ce soit pour un recrute-
ment ou au cours du travail à effectuer, il devient important de prendre
en compte des aspects contextuels qui n’apparaissent pas sur le plan
des connaissances générales. Interviennent alors des savoir-faire spé-
cifiques pour améliorer les procédures, mais aussi des caractéristiques
qui relèvent de la psychologie individuelle : la capacité à s’impliquer, à
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être autonome, à assurer des responsabilités, à prendre des initiatives,


à travailler en équipe, à gérer les aspects relationnels sont autant de
dimensions personnelles qui importent d’autant plus qu’elles sont dif-
ficilement mesurables et sujettes à fluctuations en fonction du climat
social et relationnel.
À ces caractéristiques, qui renvoient assez directement à des traits de
personnalité, il faut encore ajouter la capacité à se donner des objectifs,
à construire un projet individuel ou collectif, à organiser son travail en
fonction des buts à atteindre. Ce genre de compétences, assez subjectives,
dépendantes partiellement des circonstances mais très recherchées dans
un contexte de flexibilité des emplois, des tâches ou des fonctions, n’est
pas spontanément répertorié par les intéressés eux-mêmes. C’est ainsi un

25
2. La notion de compétence

des apports du bilan de compétences que de permettre à une personne


de prendre conscience de dimensions qui lui semblent quelquefois si évi-
dentes qu’elles ne sont pas mises en valeur à ses propres yeux.
Dans ce cadre, le bilan de compétences intervient comme un moyen
de reconnaître et de valoriser des acquis existants mais sous-estimés.
Il devient aussi un support pour faire le point sur ses possibilités, sur
ses limites et sur ses potentialités, et sur la façon de les présenter afin
qu’elles soient plus facilement reconnues socialement. La connais-
sance de ses compétences apparaît ainsi comme un enjeu pour se diri-
ger sur le marché du travail ou pour orienter une évolution de carrière.
Les compétences deviennent en quelque sorte des atouts monnayables
en rapport à ce que recherchent de leur côté les organisations.

La recherche des compétences,


une méthode de gestion de soi
Si la gestion des compétences entre dans la logique des organisations en
permettant de repérer et de dégager des compétences nouvelles, indis-
pensables aux évolutions techniques rapides, elle est aussi un moyen
de permettre aux individus de se repérer et de s’orienter en rapport avec
un monde économique difficile à saisir. Ceux-ci ont bien perçu cette
possibilité, et en premier lieu ceux qui se trouvaient soit en difficulté,
soit en situation de mutation.
Plus encore que pour l’entreprise, le bilan de compétences est ainsi
devenu un instrument de gestion de carrière pour les individus. C’est
peut-être pour cela que, avant d’être un moyen de se valoriser et de
se présenter sous un jour favorable selon les normes en vigueur, ce
dispositif est d’abord utilisé par les personnes pour faire le point sur
leur situation, sur leurs possibilités et sur ce qu’elles sont capables de
réaliser en fonction des occasions qui existent ou sont susceptibles de
se développer dans le milieu du travail.
Aussi, l’analyse des compétences est-elle un moyen pour chacun de se
repérer, de savoir mieux ce que l’on souhaite entreprendre, de connaître
davantage les dimensions personnelles qui conviennent le mieux pour
soi, et de s’informer sur les filières où l’on a le plus de chance de réussir.
C’est donc une formule de mise en adéquation à la fois avec soi-même
et avec les possibilités du milieu.
À ce titre la gestion de ses compétences devient un moyen de se
percevoir différemment en mettant en valeur davantage les compé-

26
tences disponibles dans l’avenir proche et en réduisant quelque peu la
part des références au passé. Cette gestion des compétences participe
ainsi au développement personnel. Selon le cas celui-ci se réalisera
dans le cadre de l’intérêt porté à l’entreprise, dans la perspective d’une
évolution professionnelle liée au métier, ou en dehors d’une référence
à la carrière professionnelle en privilégiant d’autres centres d’intérêt
personnels.

Conséquences probables liées


à la dynamique des compétences
Plusieurs conséquences peuvent découler du fait de placer les compé-
tences au centre de la conception du travail.

■ Sur le plan individuel


La dynamique individuelle des compétences pourra associer ou au
contraire opposer les orientations et attentes organisationnelles et per-
sonnelles d’une même personne. Celle-ci pourra également mettre en
œuvre ses compétences en se mettant au service d’une entreprise, en
cherchant à développer un métier quelle que soit l’entreprise où c’est
possible, ou en visant à satisfaire des objectifs personnels à travers une
organisation ou même en dehors du travail salarié.

■ Sur le plan des relations individus-entreprise


La personne pourra se trouver en phase avec les compétences deman-
dées par l’entreprise, ou seulement par la branche professionnelle, ou
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encore en décalé, voire en opposition, avec les exigences des organisa-


tions (cf. Aubret et Gilbert, 2002).
On entrevoit ainsi que la gestion par les compétences ouvre sur
des scénarios variés selon que l’on se place du côté du pôle individuel
ou du côté du pôle entreprise, et conduit à des stratégies d’alliance ou
de conflit en fonction des attentes convergentes ou divergentes entre
les deux pôles. Les compétences risquent ainsi d’être à l’avenir gérées
comme un marché fluctuant au jour le jour, à ceci près que l’on oublie
trop facilement qu’elles s’acquièrent sur le long terme et dépendent
des conditions d’implication au travail et d’insertion dans un groupe,
ce qui peut être mis en cause par l’idée même que les compétences
soient réduites à un simple objet à vendre ou à acheter, à utiliser ou
à jeter.

27
2. La notion de compétence

L’essentiel

 La notion de compétence remplace l’usage des notions


de capacité, d’aptitude et de qualification.
 Ce changement de terme n’est pas neutre : il est associé
à la primauté de la performance et des résultats sur les acquis
qualifiants, tels que les diplômes.
 Il permet d’intégrer des dimensions plus larges mais aussi
plus subjectives, comme la motivation ou le relationnel.
 Il aide à passer d’une logique des postes fixes à une logique
d’organisation plus souple et plus adaptable, mais aussi moins
stable pour les salariés.
 Sur le plan individuel, il peut introduire à une gestion de soi
plus dynamique et plus évolutive, notamment à partir du bilan
de compétences.

28
Chapitre 3

Les parcours de bilan

Résumé

 Après avoir situé le bilan en ou hors entreprise, on présente


les différentes phases correspondant aux trois temps du bilan
de compétences : l’accueil, l’exploration et la synthèse
permettant une appropriation des informations sur soi
et l’élaboration d’un projet réaliste.
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29
3. Les parcours de bilan

Le bilan se déroule dans un espace temporel d’environ trois mois, ce


qui permet une maturation personnelle. Ce temps de réflexion et d’acti-
vité, qui se compose d’une recherche de connaissances sur soi et d’une
recherche d’informations dans le contexte économique environnant,
sur le milieu professionnel, et sur les dispositifs de formation continue
existants, se situe dans une démarche d’ensemble, avec un avant et un
après, et constitue un moment de définition d’une perspective person-
nelle et professionnelle (ou de carrière) avec élaboration d’un projet qui
dépasse largement la période du bilan proprement dite.
Les phases qui le précèdent peuvent comporter des situations plus
ou moins difficiles, composées d’échecs mais aussi d’incertitude et de
flou quant à son orientation. La perspective même du bilan peut activer
des craintes relatives à l’image de soi mais aussi des attentes fortes liées
à l’espoir d’un nouveau départ.
Les phases qui suivent, plus souvent étudiées par les institutions
pour mesurer les effets du bilan et justifier de l’investissement consenti,
ne peuvent se limiter à des résultats immédiats, même si le fait de trou-
ver un emploi, une formation, ou encore d’avoir clarifié son projet de
vie et affermi son équilibre personnel sont des dimensions importantes
à prendre en compte.
On se centrera ici sur les différents moments du parcours du bilan :
les situations avant le bilan ou période antérieure, avec la distinction
des publics en entreprise et hors entreprise ; cela conduira à traiter du
positionnement social du bilan, puis des différentes phases internes au
bilan afin d’en décrire les étapes successives.

Les phases internes du bilan de compétences


• Phase 1 : l’accueil et l’information sur la démarche du bilan ;
• Phase 2 : investigation avec aide personnalisée ;
• Phase 3 : synthèse, restitution et conclusion du bilan. ■

Les situations avant le bilan


Le bilan de compétences hors entreprise
Deux catégories principales de population sont concernées  : les per-
sonnes adultes en recherche d’emploi et les jeunes (à partir de 23 ans)
en quête d’une orientation professionnelle. Ces populations sont actuel-

30
lement les plus nombreuses et constituent approximativement les deux
tiers des demandeurs de bilan. Selon le cas, les personnes s’adressent
par elles-mêmes à un centre de bilan, ou, le plus souvent, elles sont
invitées à s’y adresser après avoir contacté un organisme s’occupant du
chômage, de l’insertion professionnelle ou de la formation d’adultes.
Dans ce cadre, il est d’autant plus nécessaire de s’assurer que l’intéressé
connaît les conditions de réalisation du bilan et ses finalités, sait à quoi
il s’engage, et décide d’y participer volontairement ou au moins accepte
la procédure qui le concerne directement.
La population jeune comprend souvent des personnes ayant quitté
le système scolaire sans diplôme, parfois après un échec, ou avec une
formation courte qui ne leur convient pas très bien. Après un temps de
recherche d’emploi infructueux, ou après l’acceptation de travaux tem-
poraires sans perspectives, ou encore après un ou plusieurs stages de for-
mation qui n’ont pas réussi, le bilan de compétences peut se présenter
comme une occasion de s’orienter professionnellement, de découvrir
les possibilités non perçues, et de prendre un nouveau départ avec une
conception plus réaliste des représentations liées au milieu profession-
nel. Le bilan est alors le lieu d’une réflexion sur une orientation possible
et d’une découverte des moyens pour y accéder, la construction d’une
perspective réaliste étant alors déterminante.
Une autre catégorie de jeunes peut aussi trouver dans le bilan de com-
pétences un support pour s’orienter avant l’accès au premier emploi : il
s’agit de jeunes diplômés, de niveau universitaire, ayant suivi des études
générales variant de deux à cinq ans, mais n’ayant pas encore défini leur
projet professionnel et se trouvant démunis face au marché de l’emploi
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car ne sachant pas comment tirer profit de leur formation. Le bilan de


compétences peut leur permettre alors de prendre conscience de leurs
possibilités, de définir un projet personnel et de découvrir les voies d’ac-
cès aux milieux professionnels. Il intervient ici comme un soutien à la
fois psychologique et pratique dans une période charnière, au moment
du passage du monde scolaire au monde de l’entreprise.
D’autre part, les populations ayant déjà travaillé mais recherchant
un nouvel emploi forment une part importante des personnes sus-
ceptibles d’entreprendre un bilan de compétences. On distinguera les
personnes ayant perdu leur emploi pour raison économique, celles
souhaitant retravailler après un arrêt prolongé (par exemple des
femmes ayant élevé des enfants et souhaitant ensuite reprendre une
activité salariée), et les personnes handicapées cherchant à intégrer

31
3. Les parcours de bilan

ou à réintégrer le milieu du travail. Dans tous les cas il s’agit de per-


sonnes qui se trouvent en situation de mutation et qui éprouvent des
difficultés pour accéder à un emploi. Le bilan de compétences peut
alors intervenir comme une aide à la définition d’un positionnement
vis-à-vis d’un secteur professionnel nouveau, peu ou mal perçu, qui est
à définir en fonction de compétences au départ insuffisamment prises
en compte par l’intéressé.
Enfin des personnes ayant un travail sont également susceptibles de
demander à réaliser un bilan de compétences à titre personnel, sans passer
par le canal de leur entreprise. Il s’agit le plus souvent de salariés qui connais-
sent cette possibilité et qui souhaitent mieux définir leur évolution de car-
rière, soit pour faire valoir davantage leurs compétences dans leur entreprise
et pour négocier une modification du travail, du salaire ou du niveau pro-
fessionnel, soit pour anticiper un changement de travail et s’orienter vers
une autre entreprise qui peut faire partie du même secteur d’activité ou d’un
nouveau domaine en développement. Le bilan est alors perçu dès le départ
comme un moyen de maîtriser et de gérer son parcours professionnel mais
en dehors de toute stratégie organisée par l’entreprise elle-même.
Il faut indiquer que, dans la plupart des cas, le demandeur du bilan
est pris en charge par un organisme public sur le plan financier, soit que
ce dernier le lui prescrive, soit, pour les demandes individuelles directes,
que le centre de bilan lui-même assure la prise en charge dans le cadre
de son financement général. (Toutefois une participation financière
limitée de la personne est prévue en fonction de ses ressources, notam-
ment lorsqu’il s’agit de salariés demandant un bilan à titre strictement
personnel, sans passer par une prise en charge par leur entreprise).

Le bilan de compétences en entreprise


Le bilan de compétences est également un dispositif mis à la disposition des
entreprises afin qu’elles adaptent leur mode de fonctionnement, qu’elles
prennent davantage en compte les compétences de leurs salariés et qu’elles
améliorent ainsi leurs performances en gérant mieux les compétences dis-
ponibles. À ce titre le bilan de compétences entre dans le cadre de la ges-
tion des ressources humaines et s’intègre, y compris financièrement, dans
le plan de formation de l’entreprise. Le bilan de compétences peut accom-
pagner un plan de réorganisation des emplois ou des postes, être une issue
logique à un bilan d’année, ou préparer la mise en place d’une formation
professionnelle afin de repérer ceux qui en tireront le plus profit.

32
Ces scénarios ont l’avantage de situer le bilan de compétences comme
une phase de préparation à des changements importants dans le travail,
que ce soit sur le plan technique, organisationnel ou communicationnel, et
de l’insérer en amont d’un plan de formation en vue de développer les com-
pétences au travail en fonction des transformations en vue. Le bilan per-
met ainsi de n’envoyer dans une formation que des personnes qui ont les
compétences pour la réussir et qui sont motivées pour la réaliser par le fait
qu’elles ont une perspective ou un projet en relation avec cette formation et
son utilité future sur le plan professionnel. On augmente ainsi les chances
de réussite de la formation, à la fois en raison du fait qu’elle convient au
salarié, qui la poursuivra alors jusqu’au bout, et qu’elle débouche sur des
applications concrètes sur le plan du travail et de l’entreprise.
Cependant, l’utilisation organisationnelle des bilans de compétences
reste encore assez limitée. Les directions d’entreprise ont plutôt consi-
déré et perçu les bilans de compétences comme une façon de gérer les
difficultés personnelles, voire les plans sociaux liés aux licenciements
économiques pour restructurations importantes. L’image du disposi-
tif s’en est ressentie, et la perspective même du bilan, vu comme une
préparation à l’outplacement ou à un départ prochain, sous forme de
bonus ou de ménagement avant séparation, ne va pas dans le sens d’une
meilleure prise en compte des compétences et ne facilite pas la dyna-
misation interne. Il en résulte que le bilan ne profite pas directement
à l’organisation, ce qui lui est alors reproché. Il devient le moyen de
gérer la mobilité de l’emploi, ce qui peut aider les individus ou même
la branche professionnelle, mais non l’entreprise elle-même en matière
de développement des compétences, sauf à lui permettre de réduire son
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personnel d’une façon un peu plus sociale.


Sur le plan des institutions finançant le dispositif, le bilan de com-
pétences est davantage vu comme un soutien social aux individus et
son avantage perçu tient au fait qu’il joue un rôle de préparation et
d’orientation avant l’envoi en formation, ce qui a pour effet principal
d’obtenir plus de réussite, et moins d’abandons en cours de formation,
du fait que celle-ci correspond mieux aux attentes des stagiaires et s’in-
sère dans un projet professionnel davantage pris en charge par les inté-
ressés. C’est une façon de montrer l’utilité économique du dispositif,
outre le fait que la demande est forte, que la formule correspond à une
formation individualisée et que le temps de réalisation est relativement
court (20  heures) donc moins onéreux que d’autres modes de gestion
du social.

33
3. Les parcours de bilan

Positionnement social du bilan de compétences


La situation des bilans de compétences semble en cours d’évolution en
termes de positionnement social et de conditions à leur accès. Présenté
comme un moyen de gestion des compétences au service des transfor-
mations des entreprises, le bilan de compétences s’est surtout développé
comme un dispositif au service des personnes en situation de transition
professionnelle et a rencontré sur ce plan une demande soutenue et un
réel succès. Les dispositions légales de protection des informations per-
sonnelles issues du bilan ont sans doute contribué à en faire un espace
de liberté, un lieu de réflexion sur l’orientation individuelle future en
dehors de la pression évaluative des organisations, et un moyen sérieux
et reconnu pour gérer les dimensions psychologiques des compétences
personnelles, dans la mesure où les centres de bilan ont mis à disposi-
tion des professionnels de la psychologie eux-mêmes compétents.
Mais cette réussite sur le plan social et individuel n’a sans doute pas été
assez partagée avec le fonctionnement interne des entreprises, qui n’ont
pas suffisamment intégré les possibilités du dispositif dans leur schéma de
gestion des compétences. Le bilan est ainsi resté perçu comme un dispo-
sitif à l’usage des individus, un instrument d’orientation professionnelle
pour adultes et un moyen de s’occuper socialement des personnes en dif-
ficulté d’emploi. Ce positionnement est loin d’être négligeable ou négatif,
mais risque de tomber sous le discours critique de ceux pour qui seule la
logique de l’entreprise et de l’emploi doit être considérée. À ce niveau, le
bilan de compétences subit le même genre de défaveur que les formations
professionnelles qui, pour être acceptées, doivent être courtes, peu oné-
reuses, efficaces et immédiatement adaptées à l’entreprise, même quand
celle-ci n’a pas répertorié les nouvelles compétences qui lui seraient utiles
et n’est pas préparée à intégrer les compétences issues de la formation.
Ce discours « tout entreprise » qui ne prend pas en compte le rythme
nécessaire aux évolutions humaines se trouve en partie repris par les insti-
tutions officielles qui, étant donné la situation économique actuelle, don-
nent priorité à l’emploi, même s’il est temporaire ou précaire, plutôt qu’à
l’orientation et à la formation. Cependant, dans un milieu qui se défi-
nit aujourd’hui par la flexibilité, la mobilité et donc l’incertitude sur le
moyen terme, il reste important de développer des dispositifs qui permet-
tent aux individus de repérer leurs compétences, de découvrir comment
les valoriser en fonction du milieu et de construire un projet profession-
nel. Cette démarche demande à la fois une connaissance sur soi et sur ses

34
possibilités, et une maturation personnelle associée à une information sur
le marché professionnel existant. Elle est proposée au cours des étapes du
bilan de compétences qui a l’avantage de partir du niveau de questionne-
ment et de préoccupation de ceux qui souhaitent l’entreprendre.

Les différentes phases du bilan


de compétences
On peut considérer que le bilan de compétences comprend trois phases
principales, échelonnées en moyenne sur trois mois et avec une prise en
charge directe variant de 15 à 24 heures (voir le tableau 2, p.43).

Phase 1 : L’accueil et l’information


sur la démarche du bilan
Toute personne prenant contact avec un centre de bilan est invitée à
participer à une réunion d’information sur la démarche, activité réali-
sée en petit groupe et suivie d’au moins un entretien individuel afin de
situer la demande, de s’assurer de son côté volontaire et de préciser les
étapes qui vont suivre.
Deux cas de figure peuvent se produire  : soit la personne s’adresse
directement au centre de bilan de sa propre initiative, après avoir entendu
parler du dispositif ; soit elle est adressée au centre par une entreprise ou
par un organisme (agence pour l’emploi, mission locale ou association
pour l’insertion sociale) gérant les jeunes ou les adultes en difficulté ou en
recherche d’emploi. Il est donc nécessaire pour le conseiller de s’assurer
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que la personne vient de son propre gré, connaît dans ses grandes lignes
le type de démarche prévu et accepte la dynamique qui lui est proposée.
La phase 1 est une phase préparatoire au bilan de compétences. Réa-
lisée par entretien individuel (éventuellement précédé d’un accueil en
petit groupe pour la partie information sur le bilan), elle remplit plu-
sieurs fonctions :

■ Informer la personne sur les étapes


et la démarche du bilan
Ce premier temps de rencontre permet d’informer le demandeur sur les
objectifs, les étapes et le déroulement du bilan, afin que la décision de le
commencer soit prise en toute connaissance de l’activité prévue.

35
3. Les parcours de bilan

■ Mettre en confiance la personne


qui entreprend un bilan
C’est à ce moment-là que sont précisées les garanties relatives au secret
professionnel, à la non divulgation des informations à des tiers et au
caractère confidentiel des échanges. Ce premier contact personnalisé est
très important pour que l’intéressé situe bien la démarche et perçoive le
rôle que va jouer auprès de lui le conseiller-bilan.

■ Vérifier que la démarche est bien volontaire


Il est en effet important que la démarche corresponde à un engagement
personnel et non à une obligation ou à l’exercice d’une contrainte exté-
rieure. Il est aussi nécessaire d’évaluer que l’intéressé est prêt à entreprendre
la démarche, qu’elle représente pour lui une demande et qu’elle lui soit
accessible étant donné son état psychologique. L’adhésion et l’implication
du bénéficiaire sont en effet des conditions à la réalisation du bilan.

■ Analyser la demande
Il s’agit pour le conseiller d’identifier la demande et pour cela de la faire
expliciter par le demandeur. En effet la personne qui se présente ne
sait pas toujours exactement ce qu’elle souhaite ni ce qu’elle attend
du bilan. La verbalisation des attentes permet d’orienter la suite de la
démarche, de même que la connaissance de la situation personnelle et
professionnelle du demandeur. C’est à partir de cette analyse que les
deux partenaires, conseiller et bénéficiaire, pourront établir les objectifs
à atteindre, s’entendre sur la méthode et engager la phase d’investiga-
tion qui va suivre en fonction d’une problématique définie.
Cette phase préparatoire conduit à la signature du contrat qui défi-
nit les droits et obligations des partenaires en présence impliqués dans
la réalisation du bilan : le bénéficiaire, le conseiller et l’organisme qui
prend en charge le financement. Cette opération concrétise le choix du
demandeur qui a donc la possibilité de continuer ou non la démarche.
Dans le cas positif, la phase 1 permet de situer la démarche bilan, de pré-
ciser en quoi elle consiste, de choisir entre plusieurs pistes en fonction
de la demande et de vérifier la faisabilité du bilan.

Phase 2 : Investigation avec aide personnalisée


La phase 2 a pour objectif de réaliser une exploration des acquis et des
intérêts du bénéficiaire. Elle prendra des formes quelque peu différentes

36
selon le niveau de la demande initiale. Toutefois des régularités appa-
raissent dans les démarches et dans les moyens mis en œuvre.

■ Analyse du parcours antérieur


Le plus souvent, l’analyse du parcours personnel et professionnel a
l’avantage de constituer une façon bien acceptée de commencer cette
phase d’investigation en y associant au maximum le bénéficiaire. Ce
travail autobiographique peut ou non s’appuyer sur une grille ou un
schéma permettant de structurer «  l’histoire de vie  » et de repérer les
événements importants, les caractéristiques du parcours, les expériences
positives et négatives, les intérêts marqués pour tel ou tel domaine.

■ Analyse des acquis


Le travail de repérage des acquis et des compétences peut facilement se
développer à partir des informations émises sur le plan autobiographique.
Il s’appuie également sur des méthodes psychométriques qui permettent
d’évaluer le niveau de compétences sur certaines dimensions relativement
générales. On peut citer par exemple l’évaluation des capacités d’appren-
tissage, globales et spécifiques, l’évaluation des aptitudes verbales, l’évalua-
tion en terme de capacité de raisonnement, l’évaluation des connaissances
générales, et celle des compétences professionnelles et personnelles.
On notera que ces outils psychométriques seront utilisés en fonc-
tion d’une logique mise en place conjointement entre le conseiller et
le bénéficiaire et que les résultats seront mis à la disposition de ce der-
nier. Il s’agit en effet d’utiliser les tests dans une autre perspective que
celle généralement admise : moins pour classer et situer un individu par
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rapport à une population de référence, et davantage pour apporter de


l’information à la personne directement intéressée.
Ce recueil d’information peut se compléter par le fait de rassembler l’en-
semble des compétences disponibles sous forme de « portefeuille de com-
pétences ». Celui-ci pourra comprendre les diplômes obtenus mais aussi les
formations suivies, les attestations de service, ou encore les activités réali-
sées dans différents domaines qui sont plus larges que le strict travail sala-
rié. Il s’agit donc de rassembler les connaissances, compétences et capacités
acquises en vue d’élaborer un projet plus ou moins entrevu ou évoqué.

■ Analyse des motivations et des intérêts professionnels


Ce travail sur les acquis se prolonge par des informations sur des dimensions
moins cognitives mais qui entrent en ligne de compte dans la dynamique

37
3. Les parcours de bilan

personnelle : il faut ici mentionner les intérêts professionnels, la motiva-


tion, le sentiment de compétence, l’estime de soi, les valeurs associées au
travail et aux activités professionnelles. Plusieurs outils d’évaluation exis-
tent pour traiter ces dimensions et permettre aux intéressés de se rendre
compte des caractéristiques qui les concernent et d’en prendre davantage
conscience. Par exemple, des questionnaires d’intérêts professionnels peu-
vent être utilisés non seulement pour définir un profil dominant, mais aussi
pour faire réfléchir sur différentes professions, réduire les stéréotypes qui y
sont associés, et induire un processus de clarification sur les compétences en
liaison avec les métiers étudiés.
Selon le cas, quand la question se pose, d’autres instruments peuvent
permettre d’explorer des dimensions liées à la personnalité, soit à partir de
questionnaires, soit par l’utilisation de formules d’autoévaluation de la per-
sonnalité. Le choix des outils d’évaluation dépendra essentiellement de la
nature des problèmes soulevés au cours des entretiens et se fera en concer-
tation avec l’intéressé, et ce en dehors de tout objectif thérapeutique.

■ Information sur les professions


Ces activités, qui sont principalement centrées sur le repérage de dimen-
sions personnelles en liaison avec le travail ou le projet professionnel à
construire, se complètent par une démarche de recherche sur la connais-
sance des milieux professionnels, y compris par prise de contact directe
avec des professionnels du secteur. Il est en effet nécessaire de ne pas
seulement identifier des aspirations et des aptitudes mais de les mettre
en rapport avec les possibilités du marché de l’emploi.
Ainsi par exemple, la connaissance des intérêts professionnels se
complète par une information sur les métiers, une mise à jour des repré-
sentations des professions souhaitées, et une clarification des voies et
moyens d’accès à ce secteur, que ce soit sur le plan du niveau requis, des
formations et compétences indispensables, des procédures formelles à
remplir ou encore des débouchés potentiels existants.
Cette mise en relation entre les souhaits et les réalités profession-
nelles est une démarche indispensable pour élaborer un projet qui vise
à réunir toutes les chances de réussir.
D’autre part, cette recherche sur des informations bien définies à
collecter fournit en général un objectif intermédiaire perçu comme
réalisable et apporte une dynamisation psychologique non négligeable
aux personnes qui ont quelques difficultés à s’organiser ou qui man-

38
quent de confiance en elles. L’activité bilan ne se réduit donc pas aux
entrevues mais comprend aussi une activité personnelle extérieure au
centre de bilan.

Phase 3 : Synthèse, restitution


et conclusion du bilan
La phase 3 du bilan, qui suit la partie d’investigation, comprend trois
objectifs qui correspondent à trois activités principales : il s’agit d’abord
d’analyser les informations provenant des étapes précédentes du bilan.
Cela comprend l’analyse des compétences, et aussi le rassemblement des
informations recueillies sur les professions, sur leurs conditions d’accès
et sur le niveau de formation nécessaire. Puis le conseiller-bilan aide à
rédiger une synthèse personnelle du bilan de compétences. Ces étapes
permettent au bénéficiaire d’élaborer un projet et un plan d’action précis.

■ Analyser les informations provenant


des étapes précédentes
Le conseiller et le bénéficiaire revoient ensemble le dossier. Le conseiller
restitue les informations qui semblent les plus importantes, notamment
en fonction du projet envisagé, et apporte les résultats et observations
issus des méthodes utilisées précédemment. Il sélectionne avec le béné-
ficiaire les informations importantes en fonction du projet qui s’élabore
et les rapproche des pistes d’orientation formulées par le bénéficiaire et
de la situation de la personne.
Pour le conseiller, ce moment est important et délicat à traiter, car il
faut à la fois employer un langage simple et compréhensible, associer le
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bénéficiaire à l’intégration des informations qui le concernent, et ne pas


transformer les résultats en fonction de ses attentes supposées. En fait,
la réception de ces données est mieux ressentie et acceptée lorsqu’elles
n’arrivent pas toutes à ce moment là, qu’elles sont échangées au fur et
à mesure de l’avancement du bilan, et qu’elles constituent surtout une
revue d’ensemble des informations déjà disponibles.
Pour le bénéficiaire, cette phase comprend une analyse des informa-
tions sur soi : l’analyse des informations concernant l’intéressé lui per-
met de rassembler des données qui portent sur lui-même et de se situer
sur le plan des compétences.
Cette analyse peut être constructive pour le bénéficiaire qui va rele-
ver des informations nouvelles sur lui et les relier à ce qu’il savait déjà

39
3. Les parcours de bilan

sur lui ; mais elle peut aussi entraîner des difficultés lorsque l’écart avec
les attentes ou les représentations antérieures est trop grand. C’est pour
cela qu’il est préférable d’amener progressivement l’intéressé à intégrer
ces informations sur lui et à insister sur les aspects constructifs qui peu-
vent faciliter l’émergence d’un plan d’action possible et réaliste.

■ Rédiger une synthèse du bilan de compétences


Cette analyse débouche sur une synthèse qui recueille la liste des atouts
et des axes de progrès, mais qui peut aussi comprendre les voies à éviter
en fonction des choix, des souhaits ou des possibilités de la personne.
Le bilan de compétences comprend ainsi la rédaction en commun
(quelquefois assurée par le conseiller quand le bénéficiaire ne peut y
arriver) d’une synthèse qui porte d’une part sur les informations rela-
tives aux compétences existantes et à promouvoir, d’autre part sur la
mise en forme du projet personnel et professionnel et du plan d’action,
soit en vue d’accéder à une formation, soit en vue de s’orienter vers un
secteur professionnel ou vers un niveau de compétences défini.
Ce travail d’écriture est parfois considéré comme une difficulté
pour certaines personnes non habituées à écrire ou à synthétiser leur
pensée. Il demande en effet un effort de synthèse et une compétence
rédactionnelle minimale. C’est pourquoi le rôle du conseiller reste
important à cette étape et peut consister à aider à l’expression orale
des éléments de synthèse alors qu’il prend en charge la partie « écri-
ture ». Mais cette synthèse a une place centrale dans le bilan : elle en
marque l’aboutissement, apporte un document de référence mis à la
disposition du bénéficiaire, et permet de formaliser les avancées issues
du bilan, tant sur le plan du repérage des compétences que sur celui de
la définition du projet.
Ce travail de synthèse sur l’ensemble des données recueillies est
ainsi rédigé avec l’aide plus ou moins importante du conseiller, afin
de former un document écrit qui sera remis au bénéficiaire. Celui-ci
pourra ensuite s’y référer, l’utiliser pour valoriser ses compétences à
l’extérieur, ou seulement le garder pour suivre personnellement les
évolutions après le bilan.
Le contenu de cette synthèse peut être l’objet d’un compromis, après
réflexion commune entre le conseiller et le bénéficiaire. En effet, deux
utilisations possibles ne renvoient pas forcément au même document :
l’une, à usage interne et personnel, apporte au bénéficiaire un tableau le

40
plus complet possible de sa situation, de ses compétences et de ses limites
et joue le rôle d’un repère intransigeant, l’autre, à usage extérieur, doit
permettre de valoriser la personne, ses compétences, ses atouts, et joue
un rôle de présentation publique de soi dans un souci de promouvoir les
normes et les valeurs socialement attendues et appréciées.
La synthèse du bilan correspond principalement à la première for-
mule dans la mesure où elle est destinée exclusivement à l’intéressé lui-
même. Ce sera donc à lui de choisir dans la synthèse les éléments qu’il
souhaitera mettre en avant à l’occasion d’une négociation ultérieure.
Mais on remarquera cependant que la logique de présentation de soi
peut varier sensiblement selon la destination des informations, comme
nous l’avons montré expérimentalement par ailleurs.
Quelquefois, la synthèse anticipe une utilisation publique ou en
direction de tiers et ne traduit alors que partiellement le travail réalisé
pendant le bilan ; elle peut aussi insister particulièrement sur le projet,
sa définition et les compétences qui y sont associées, sans viser à donner
une image complète de la personne. Cette précaution, d’ordre déonto-
logique, n’est pas à négliger lorsque l’on pense qu’un profil psycholo-
gique est susceptible de limiter la marge de négociation de l’intéressé
et d’avoir des conséquences parfois négatives pour lui, en l’enfermant
dans une représentation qui risque de le desservir.
Par ailleurs, la formulation de la synthèse peut avoir à son tour un
effet sur son bénéficiaire. Elle peut favoriser une réflexion sur son état ou
sa situation à un moment donné ; elle peut être l’objet d’une appropria-
tion à partir des informations recueillies sur soi ; elle peut aussi susciter un
rejet de certaines données. Cela signifie que la synthèse est un document
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qui ne laisse pas indifférent celui qui la reçoit puisqu’elle le concerne


directement dans son image, la façon de se situer, de se considérer.
Aussi le conseiller doit-il être attentif aux réactions liées à la récep-
tion ou à l’élaboration de cette synthèse personnelle : elle lui apporte
une vérification en direct de l’effet obtenu par le bilan, comme le fait
que le bénéficiaire sache reformuler les compétences, possède une
meilleure connaissance de lui, développe une argumentation de son
projet, montre sa satisfaction ; mais elle peut aussi indiquer un risque
de déstabilisation qu’il faut savoir limiter avant de terminer le bilan.
La rédaction de ce document de synthèse est l’occasion d’exprimer les
éléments qui ressortent du bilan. Cela permet au bénéficiaire de stabili-
ser les informations qu’il a recueillies sur lui, et au conseiller de vérifier

41
3. Les parcours de bilan

les progrès qui ont été réalisés, que ce soit en terme de clarification des
objectifs et des possibilités à exploiter ou en terme de capacité à explici-
ter des compétences et à les mettre en œuvre. Cette rédaction est aussi
l’occasion de finaliser un projet professionnel ou personnel qui ressort
des réflexions sur les compétences et sur les moyens de les valoriser dans
le contexte existant.

■ Aider le bénéficiaire à élaborer un plan d’action


Les informations scientifiques sont également mieux reçues lorsqu’elles
interviennent dans la perspective d’un plan d’action à mettre en œuvre.
Il s’agit alors moins de conclusions générales qualifiant une personne,
ce qui est toujours vécu comme une évaluation assez difficile à suppor-
ter, que d’indications utiles pour préparer un projet et s’orienter dans
un choix, ce qui est en général bienvenu et perçu comme une aide à la
décision et à l’orientation.
Cette phase correspond à l’un des objectifs explicites du bilan de
compétences : à partir des informations réunies sur soi et sur le milieu
professionnel, le consultant aide la personne à rassembler les atouts,
les axes de progrès et les compétences disponibles en vue de définir un
projet personnel et professionnel. Celui-ci se doit d’être concret et le
plus précis possible. Ancré dans la réalité, ayant des chances de pouvoir
se réaliser, il comprend les différentes étapes nécessaires à sa mise en
œuvre, la liste des compétences auxquelles il sera fait appel, celles qui
sont déjà acquises, et celles qui restent à acquérir ou à développer, et les
moyens et procédures à prévoir afin de concrétiser ce projet.
Il s’agit donc à la fois de définir les grandes lignes d’un projet, de se
donner des objectifs précis et réalisables, mais aussi de s’appuyer sur les
informations réunies pendant le bilan pour envisager pratiquement les
voies de sa réalisation.
Afin d’élaborer un projet construit, défini dans le temps et dans l’es-
pace, et de pouvoir le négocier ou l’argumenter, les méthodes utilisées
peuvent s’appuyer sur des tableaux de compétences en les situant par
rapport à des activités professionnelles, sur des grilles d’analyse réperto-
riant les points forts et les points faibles en relation au métier antérieur,
au métier envisagé ou à une modification de carrière. Ces opérations
permettent de repérer et de cibler les compétences à développer, de
mettre en place les objectifs à atteindre dans le domaine professionnel
et les moyens disponibles pour les réaliser.

42
Tableau 2 : Les trois temps du bilan de compétences
(16 à 24 heures sur trois mois)

Temps 1 : Accueil, information sur la démarche du bilan


Engagement personnel (être volontaire)
Garantie du secret : mise en confiance
Analyse de la demande : entretiens individuels
Démarche d’ensemble individualisée
Présentation des objectifs : réaliser une synthèse de ses compétences
et construire un projet
Présentation du déroulement
Temps 2 : Recueil des informations sur soi (investigation)
avec une aide personnalisée
Buts :
Identifier les aspirations, les aptitudes, en rapport avec le marché de l’emploi
Analyser les potentialités et les possibilités de les mettre en œuvre
Repérer les compétences

Méthodes :
Diversification des méthodes et des conseillers selon la demande
Entretiens : repérer les motivations, les intérêts, les compétences
analyser le parcours personnel et professionnel
définir les évolutions professionnelles
Questionnaires d’intérêts professionnels
Tests d’aptitudes
Questionnaires de personnalité et de connaissances générales
Connaissance d’une profession ou d’un milieu professionnel
Connaissances des voies d’accès (niveau, formation, procédures)
Temps 3 : Synthèse
Accès aux informations obtenues (informations en retour)
Réflexion sur les compétences mises en évidence (entretiens)
Rédaction d’un document personnel sur ses compétences
Élaboration d’un projet personnel, professionnel, ou de formation
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Vérification de l’appropriation du bilan :


conclusions fondées, reformulations
meilleure connaissance de soi, de ses compétences
argumentation du projet, satisfaction
Effets
Dynamisation psychologique, meilleure estime de soi
Connaissance de soi sur le plan professionnel
Meilleure présentation de ses compétences
Préparation à une formation ou à un emploi
Aide à la recherche d’emploi (emploi retrouvé) ou évolution professionnelle

43
3. Les parcours de bilan

Il est nécessaire en effet de ne pas seulement établir une liste de


compétences, toujours un peu figée, mais de la situer dans une perspec-
tive et de définir sa faisabilité, c’est-à-dire la façon par laquelle on va
s’y prendre pour la mettre en œuvre, la rendre opérationnelle et obte-
nir effectivement un changement. Cela demande de préciser les procé-
dures, les démarches, les étapes à franchir. Il n’est en effet pas suffisant
d’avoir un objectif général, il faut encore savoir comment procéder
pour en approcher, et déterminer les moyens disponibles nécessaires.
Ce projet peut passer par la définition d’une formation profession-
nelle, choisie et souhaitée, soit pour améliorer des compétences déjà
existantes, soit pour en développer d’autres qui sont jugées insuffisantes
par rapport à une profession envisagée. Cela peut conduire aussi à réo-
rienter la recherche d’emploi vers des secteurs qui n’étaient pas suppo-
sés possibles jusque-là. Cela peut également permettre de définir une
stratégie d’évolution de carrière en fonction de choix prioritaires bien
réfléchis.
L’élaboration du projet et de son plan d’action est un moment impor-
tant de cette phase. En effet le bilan n’est pas seulement une étude cen-
trée sur soi, il vise à repérer des possibilités d’action à partir des éléments
rassemblés et à mieux connaître comment s’y prendre pour les réaliser.
On sait en effet que beaucoup de difficultés dans les mutations
relatives à l’emploi sont liées au fait que les personnes ne savent ni ce
qu’elles peuvent ni ce qu’elles veulent entreprendre. La définition d’un
projet susceptible d’avoir des chances raisonnables de réussir est ainsi
une étape qui aide à donner confiance en soi, à orienter les énergies, et
à finaliser des objectifs réalisables.

44
L’essentiel

 Le parcours du bilan comprend trois phases principales :


la première vise à informer la personne sur la démarche,
à créer une situation de confiance, et à analyser la demande.
Il est important que les conditions de confidentialité soient
respectées, même lorsque le bilan est proposé dans le cadre
de l’entreprise ou d’une institution sociale.
 La deuxième phase consiste à analyser les compétences
avec la participation active de l’intéressé. Pour cela, le conseiller
s’appuie sur des méthodes rigoureuses (entretiens ciblés,
questionnaires, tests) qui permettent de mettre en évidence
les compétences passées et présentes du bénéficiaire et de les lui
faire découvrir.
 La troisième phase vise à rassembler les informations
recueillies, à élaborer une synthèse écrite avec le soutien
du conseiller, et à définir un projet personnel ou professionnel,
comprenant un plan d’action concret susceptible d’être réalisé.
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45
Chapitre 4

Identification
et analyse
des compétences

Résumé

 Ce chapitre examine le rôle du conseiller-bilan, qui n’est


ni un évaluateur, ni un testeur, ni même un donneur de conseil.
Il est un accompagnateur qui offre un soutien et des méthodes
pour analyser les informations rassemblées par le bénéficiaire.
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 Pour sa part, celui-ci est actif, développe une attention à soi,


et cherche à repérer ses compétences pour mieux définir
son projet.

47
4. Identification et analyse des compétences

La structure dynamique des échanges entre le conseiller-bilan et le béné-


ficiaire se modélise par un schéma à trois pôles qui permet de situer les
modes de relations psycho-sociales entre les différentes composantes  :
conseiller, bénéficiaire et dispositif contextuel. On suivra donc cet ordre
en abordant d’abord le rôle du conseiller-bilan, puis le rôle du bénéficiaire,
et ensuite les questions qui se posent lorsque l’on cherche à identifier et
analyser les compétences d’autrui.

Le rôle du conseiller-bilan
Le conseiller-bilan est un terme commode pour indiquer globalement le
rôle joué par celui ou celle qui reçoit la personne souhaitant réaliser un
bilan et qui la suit tout au long de son cheminement. Mais son rôle n’est
pas évident et il est nécessaire de bien le spécifier. Pour cela on le définit
par ce qu’il n’est pas, par ce qu’il est, puis par ce qu’il fait.

Ce qu’il n’est pas


Il a l’avantage de se démarquer de l’idée d’évaluateur, d’observateur ou
encore de testeur.

■ L’évaluateur
Un évaluateur a pour fonction de porter un jugement, positif ou négatif,
sur autrui, à partir d’indices ou de résultats provenant d’une situation type
ou d’instruments de mesure. À ce titre il provoque dès le départ une crainte
par anticipation et suscite une appréhension tout au long de la phase de
prélèvement des informations et un doute sur lui-même pour le sujet qui
se demande s’il réussira, s’il sera à la hauteur, s’il sera considéré comme
au-dessus de la moyenne ou non. L’évaluation touche ainsi directement
l’image de soi, risque de la remettre en question, et conduit à un jugement
de valeur social qui comprend une forte connotation affective et émotive.
C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de distinguer nettement
entre les processus d’évaluation et d’analyse  : l’évaluation dit qui on
est ; l’analyse met en évidence comment on se conduit en fonction des
circonstances, des conditions d’interaction, des facteurs en présence.
D’un côté on est jugé, en général par rapport à une norme implicite,
et on se sent valorisé ou dévalorisé dans son estime de soi ; de l’autre
on cherche à saisir, à comprendre ou à expliquer ce qui arrive, et dans
quelles conditions.

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La différence entre l’évaluation et l’analyse peut être illustrée par l’exemple d’un
accident d’avion. Deux enquêtes sont entreprises : l’une, judiciaire, cherche à
évaluer les responsabilités ; l’autre, scientifique et technique, vise à comprendre
l’enchaînement des causes.

En psychologie, un sentiment d’évaluation peut apparaître dès que


l’attention est focalisée sur soi, surtout dans des contextes qui sont for-
tement évaluatifs, comme des situations d’examen. Il est donc d’autant
plus nécessaire de marquer la distinction en précisant le cadre et les
finalités recherchées.

■ L’observateur
Un observateur, au sens scientifique du terme, situe son activité dans
une démarche de relevé systématique d’éléments qui se trouvent placés
devant lui. La recherche d’objectivité crée par nécessité une distance par
rapport aux objets observés, même lorsque ceux-ci sont partie prenante
d’un ensemble plus large qui se rapporte à une personne. Le fait d’observer
entraîne la constitution d’une relation de face à face, de distanciation et
crée une situation où les deux pôles en présence n’ont pas le même statut,
ce qui crée un rapport de dissymétrie : l’observation suppose qu’il existe
un objet à observer. Quand ce dernier est un individu, il se trouve en
situation relativement défavorable, voire d’infériorité, et cela génère un
sentiment de gêne : en général les êtres humains n’aiment pas beaucoup
être auscultés, photographiés, pris sur le vif, sauf lorsqu’ils se mettent en
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valeur (comme dans des photos souvenir). L’observation systématique


crée un rapport dissymétrique plaçant l’observé sur la défensive.

■ Le testeur
Le testeur est un observateur qui s’appuie sur des instruments de mesure
le plus souvent inconnus des sujets. À ce titre il renforce le sentiment déjà
présent avec l’observateur. Il suscite des craintes par anticipation dans la
mesure où la personne testée ne sait ni comment elle va être traitée, ni
ce qu’on va dire sur elle. Le fait de cacher ou d’essayer de dissimuler les
dimensions étudiées induit en fait une suspicion et une incertitude qui
va à l’encontre d’une mise en confiance. Le lien inconnu entre le résultat
et l’interprétation qui en découle accentue encore ce phénomène. C’est

49
4. Identification et analyse des compétences

alors moins le fait d’être étudié que le risque prévu de conséquences


sociales pour l’image de l’individu qui est en jeu. Cependant comme
les gens testés se trouvent dans une situation où ils ne peuvent refuser
directement le test, ils s’y soumettent, généralement avec appréhension,
et cela entraîne une modification des résultats obtenus et de leur portée.

Ce qu’il est
■ Au service du bénéficiaire
La caractéristique commune aux rôles d’évaluateur, d’observateur et de
testeur repose sur le fait de se placer en face du sujet observé, testé ou
évalué et d’induire ainsi le sentiment de se situer contre lui, en étant
susceptible d’apporter des conclusions dépréciatives à son égard. À l’op-
posé, la situation de bilan de compétences permet de se placer du côté
du sujet, à son service, afin de lui permettre de mieux connaître ses
compétences. Elle favorise alors une mise en confiance dès lors que le
bénéficiaire connaît la démarche de recueil de données le concernant et
sait qu’elle est réalisée pour lui, afin qu’il en tire profit.
Cependant, cette position explicitement prise en sa faveur peut inclure
plusieurs modes d’intervention et même susciter la demande d’être dirigé.
Il faut donc préciser le genre d’aide qui est apportée par le « conseiller ».

■ Un conseiller qui ne conseille pas


Celui-ci, contrairement au terme employé, ne peut définir sa fonction
par le fait de donner des conseils sur ce qu’il faut faire. Il n’est pas là
pour influencer les personnes, ni sur le plan des représentations ou des
informations qu’elles peuvent avoir sur elles-mêmes, ni sur celui des
décisions d’orientation qu’elles ont à prendre. Cette attitude n’est pas
acquise d’emblée dans la mesure où le conseiller peut être sollicité for-
tement au départ par le demandeur qui attend parfois qu’on lui apporte
des solutions toutes faites (même si ensuite il ne manquerait pas de les
critiquer). Il est donc important pour le conseiller de se garder de s’enga-
ger dans cette voie, et par conséquent il se doit d’expliquer clairement sa
fonction au demandeur du bilan dès le début des échanges.

■ Un accompagnateur
Si le rôle du conseiller n’est pas d’imposer une image des caractéristiques
personnelles du demandeur ou une solution directe à ses problèmes, il

50
se situe surtout au niveau de la démarche de bilan elle-même et du cadre
proposé pour la rendre possible et fructueuse. Il consiste d’une part à
créer une interaction positive faite de confiance, d’écoute et de réassu-
rance, d’autre part à accompagner le demandeur du bilan en lui propo-
sant une méthode pour progresser dans l’analyse de sa situation, de ses
compétences et des possibilités accessibles dans le milieu professionnel.

Ce qu’il fait
On peut parcourir les différentes fonctions du conseiller en suivant les
trois phases du bilan.

■ Phase 1
Dans la phase 1, le conseiller accueille le demandeur, seul ou en petit
groupe, lui indique les étapes du bilan et lui explique les objectifs et la
participation active qu’il attend de lui. C’est aussi à ce moment que sont
présentées les garanties de discrétion et de non communication d’infor-
mations personnelles sans l’accord préalable de l’intéressé.
Dans le cas où la personne s’engage dans le bilan (qu’elle peut ne
pas entreprendre si elle trouve que cela ne lui convient pas, demande
trop d’engagement psychologique, ou si le conseiller pense qu’il y a un
risque de déstabilisation au vu de l’état de la personne), le conseiller lui
propose une suite de rendez-vous individuels.
Dans un premier temps, le conseiller indique à nouveau les buts et
les étapes du bilan, met en confiance la personne et écoute sa demande
avec précision dans le cadre d’un entretien structuré permettant à l’in-
téressé d’exprimer sa situation passée et actuelle.
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Cette analyse de la demande peut s’appuyer sur des méthodes comme


l’utilisation de « l’histoire de vie » ou « l’analyse de parcours » qui offrent
la facilité aux deux personnes en présence, de repérer les moments et
les situations importantes qui ont conduit chronologiquement à l’état
présent. Les difficultés scolaires, les problèmes familiaux, les échecs au
travail, les questions relationnelles peuvent ainsi être passés en revue
afin que le conseiller mais aussi l’intéressé prennent conscience de l’en-
chaînement des faits évoqués.
C’est dans cette partie que peuvent être utilisés également les outils per-
mettant de faire émerger les intérêts et les goûts professionnels, en référence
ou non à des situations vécues. Mais là encore il s’agit moins de tracer un
profil des intérêts qui ressortiraient d’un test que de permettre l’expression

51
4. Identification et analyse des compétences

de représentations relatives à des domaines souhaités ou recherchés. Expri-


mer ce qu’on aime faire ou ce qu’on espère, les activités où l’on réussit, les
projets qu’on envisage, tout cela permet de donner à l’intéressé une confi-
guration positive ou du moins plus équilibrée en face de l’évocation de dif-
ficultés ou d’échecs personnels, tout en informant le conseiller sur les voies
à proposer pour poursuivre le bilan de compétences.
Il est important à ce niveau de rappeler que le conseiller ne vise pas ici à
définir les aptitudes de la personne et qu’il lui faut éviter des interprétations
qui risqueraient de bloquer le processus d’auto-attention mis en œuvre par
le discours de l’intéressé sur sa situation passée et présente. Comme dans
les entretiens d’aide, il est très important de ne pas juger mais aussi de ne
pas affirmer de conclusions « scientifiques » qui confineraient à nouveau la
personne qui les reçoit dans un rôle de soumission et de passivité.

■ Phase 2
Dans la phase 2, le conseiller propose un ensemble de méthodes en
fonction de l’analyse de la demande et les met en œuvre en accord avec
l’intéressé. Cet accord modifie considérablement la relation aux tests,
la situation du sujet testé et les interactions avec le conseiller. En parti-
culier le sujet passe d’une situation subie à une position de partenaire.
Les tests ne sont plus imposés mais amenés à partir de la perception de
leur utilité dans une démarche de connaissance de soi. Leur application
s’appuie sur un consentement obtenu par la perspective que les sujets
pourront s’approprier les résultats et en tirer parti pour s’orienter.
Dans ce cadre les tests et outils de mesure trouvent encore leur place,
mais ne sont reliés ni à une comparaison à une norme ou à une popula-
tion de référence, ni à un enjeu de classification de l’individu, ni encore
moins à des évaluations associées à des conséquences sociales. Ils ser-
vent essentiellement à mettre en évidence des compétences ou des dif-
ficultés dans différents domaines.
Le conseiller peut approfondir avec l’intéressé certains aspects du
parcours antérieur afin d’analyser les problèmes passés, de dégager des
intérêts ou des compétences qui n’étaient pas jusqu’alors perçues comme
telles. Il peut aussi repérer avec l’intéressé des motivations pour tel ou tel
secteur d’activité, en vue de commencer à construire avec lui un projet
personnel et professionnel susceptible d’avoir des chances de réussir.
Cette phase demande au conseiller de savoir utiliser toutes ses res-
sources en matière de psychologie, car le dispositif d’investigation mis

52
en place dépend de l’analyse de la situation du sujet et des domaines
qu’il semble nécessaire d’approfondir. La marge d’appréciation reste
importante même si les méthodes choisies le sont en concertation avec
l’intéressé.
Selon le cas, le conseiller sera amené à proposer la découverte d’un
champ professionnel, à indiquer où trouver des informations sur une
profession afin de dépasser les stéréotypes qui peuvent y être associés,
ou à réaliser des tests psychologiques. Il peut également adresser l’inté-
ressé à un collègue ou à une personne spécialiste du domaine.
Parmi la panoplie de tests possibles, qui est grande, il faudra choisir
en fonction des préoccupations de l’intéressé et de son projet plus ou
moins esquissé. Le plus souvent, des tests psychomoteurs, des tests d’ap-
titude intellectuelle et des tests de connaissance générale permettent de
vérifier des domaines de compétences.
Dans certains cas, il est utile d’employer des tests de personnalité
ou des tests projectifs. Cependant ceux-ci ne sont pas à employer dans
une perspective thérapeutique, mais seulement en vue de repérer cer-
tains traits en relation avec des compétences professionnelles. Ainsi par
exemple un test projectif peut suggérer des aptitudes à la négociation
commerciale.
Une attention particulière est aussi à porter sur la façon de trans-
mettre les résultats des tests. Il faut veiller à ce que les informations
issues des instruments scientifiques ne soient pas perçues comme des
réalités intangibles qui classent ou catégorisent les individus de manière
définitive et qui viennent renforcer un sentiment de résignation, voire
de dévalorisation. Il est important de situer les données dans une pers-
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pective constructive, d’expliquer leur relativité, d’indiquer qu’elles


apportent des pistes pour élaborer un projet réaliste.
La phase d’investigation (phase 2) doit ainsi se poursuivre par un
retour d’information sur les compétences et leurs limites, ce qui contri-
bue à trouver des issues ou des solutions possibles aux yeux de l’inté-
ressé. Très souvent celui-ci se trouve dans un état d’incertitude et ne sait
pas très bien ce qu’il peut faire ou dans quelle direction s’orienter. Les
informations qu’il rassemble sur lui et sur le milieu professionnel ont
pour but de réduire cette indétermination, mais des données non reliées
à un projet ou mal comprises peuvent provoquer des conséquences
négatives comme le sentiment de se sentir amoindri ou de ne pouvoir
rien faire pour améliorer la situation.

53
4. Identification et analyse des compétences

Aussi est-il indispensable de situer les résultats par rapport à un ensemble


d’autres et de les associer à des perspectives satisfaisantes pour l’intéressé.
La gestion des limites et des points faibles demande à être contrebalancée
par des aspects plus positifs qui sont susceptibles de déboucher sur un pro-
jet et une solution acceptable sur le plan social et psychologique.

L’intéressé peut découvrir des dimensions ou des compétences qu’il ne considé-


rait pas comme importantes jusque-là et qu’il va s’approprier et utiliser à partir
de son bilan.
• Ainsi, une compétence relative à une activité de loisirs peut-elle devenir un
atout pour s’orienter sur un plan professionnel.
• Savoir s’occuper d’un groupe, gérer un secrétariat d’association, savoir cuisi-
ner peuvent parfois devenir le point de départ d’une nouvelle orientation, non
envisagée auparavant.

Le conseiller n’a donc pas seulement à traduire les informations en


retour dans une forme compréhensible, il a aussi à les gérer dans le cadre
de la co-construction d’un projet qui permet à l’intéressé de s’approprier
ses compétences découvertes et de retrouver l’espoir de réussir ce qu’il
va entreprendre.

■ Phase 3
Dans la phase 3, le conseiller aide le bénéficiaire à analyser les informa-
tions qui ont été rassemblées, à rédiger une synthèse des compétences,
et à finaliser un projet ou plan d’action.
Le bilan ne constitue pas seulement une somme de connaissances
nouvelles ou restructurées sur soi, il conduit le bénéficiaire à savoir expri-
mer ses compétences et à en tirer profit en construisant une démarche
après le bilan. Selon le cas, celle-ci se traduira par le choix d’une forma-
tion professionnelle bien définie et orientée vers un objectif en terme
d’insertion dans un métier, ou elle conduira directement à rechercher
un type d’emploi dans un secteur bien délimité, ou encore elle permet-
tra de chercher à valoriser ses compétences par une évolution dans l’em-
ploi ou par une réorientation de l’activité principale.
Le conseiller est amené à vérifier les acquis du bilan et le repérage
des compétences par le bénéficiaire en le faisant s’exprimer, soit par

54
un écrit, soit, quand cela s’avère trop difficile, par oral. C’est alors le
conseiller qui transcrit les conclusions ou qui aide à les écrire.
Son souci n’est pas seulement de savoir que le bénéficiaire a pro-
gressé, il est aussi de lui permettre de terminer le bilan en ayant une per-
ception plus claire de ses compétences, en sachant les mettre en valeur
et les relier à un domaine d’activité. Il donne ainsi confiance au bénéfi-
ciaire dans ses possibilités et contribue à la réussite du projet par le seul
fait qu’il existe, qu’il est crédible. Il joue en quelque sorte sur l’anticipa-
tion de la réussite prochaine.

Le rôle du bénéficiaire
L’activité de l’intéressé est tout aussi importante au cours du bilan de
compétences. Elle est même centrale. Outre le fait que c’est lui qui a
l’initiative de s’engager dans la réalisation d’un bilan, c’est également
lui qui est au centre de la démarche. Il est actif.
Le plus souvent il n’est pas habitué à réfléchir sur ses compétences.
C’est donc une situation nouvelle pour lui où il exerce une auto-attention
focalisée sur des aspects de lui qui le concernent. Cette démarche le
conduit à chercher à connaître ses compétences.

Il est actif
Une caractéristique importante tient au fait qu’il prend une part active
dans l’avancement de son bilan : c’est lui qui est amené à rechercher des
informations, à réaliser une synthèse, à construire un projet personnel.
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Cette situation est à l’opposé d’une attente de diagnostic, d’une


simple demande d’aide et plus généralement d’une attitude de passi-
vité. C’est pour cela qu’il est nécessaire de bien situer la démarche dès
l’entrée du bilan, d’indiquer et de faire sentir que l’intéressé sera sou-
tenu tout au long de son activité, afin qu’il ne s’imagine pas se trouver
devant une tâche insurmontable, hors de ses possibilités.

Il exerce une auto-attention


Une autre spécificité du rôle du bénéficiaire provient de l’origina-
lité de la démarche même qui entraîne une activité centrée sur soi,
donc auto-réflexive. L’intéressé est amené à exercer une attention
par rapport à lui-même, à considérer des aspects qui le concernent

55
4. Identification et analyse des compétences

directement, et ce à travers sa relation au conseiller et via les instru-


ments de mesure utilisés. Cette auto-attention est une activité assez
peu fréquente et demande à la fois une prise de distance par rapport
à soi-même et une implication forte, puisque l’analyse touche à des
aspects de soi. L’intéressé se trouve donc directement concerné tout
en posant un regard nouveau sur ses compétences.
Le fait de parler de soi, d’exprimer ses savoir-faire, de lister ses
connaissances, d’évoquer ses problèmes actuels d’emploi ou de carrière,
d’aborder des aspects de sa personnalité ou de ses projets avec quelqu’un
est une activité inhabituelle. Elle peut conduire à des effets divergents.
Pour qu’elle soit restructuratrice, il est nécessaire de se trouver d’abord
dans un climat de confiance, sans la crainte d’être évalué de l’extérieur.
Il est aussi indispensable d’être encadré par un professionnel qui ne
joue pas à l’apprenti sorcier mais cadre bien la situation d’interaction
afin de ne pas transformer un travail sur les compétences en séance
de psychothérapie. Il est en effet important que cette activité sur soi
ne conduise pas à une déstabilisation psychologique mais permette au
contraire une clarification et une régulation interne, ce qui demande un
soutien et une méthode rigoureuse qui encadre la démarche.

Il cherche à connaître ses compétences


C’est en quelque sorte un défi que de penser que tout un chacun a
la possibilité d’apprendre à se connaître davantage sur le plan de ses
connaissances et de ses compétences, à se situer par rapport à un dis-
cours sur lui, et à réaliser une sorte d’auto-analyse. L’expérience montre
que cela est possible, contrairement à ce que pourrait laisser croire une
psychologie qui insiste sur la rupture radicale entre le savant et le tout
venant. Mais cela suppose de remplir certaines conditions, comme celle
de faire confiance au sujet, de lui fournir un cadre et un objectif bien
délimité, et de mettre à sa disposition des moyens et des méthodes qu’il
peut s’approprier, tout en évitant le sentiment d’évaluation ou de juge-
ment sur la personne.

Identifier et analyser les compétences


Analyser des compétences conduit à modifier les relations à autrui en
fonction de la destination des informations rassemblées, pour soi ou
pour des tiers, d’où l’enjeu de ces opérations. Parmi celles-ci, les mesures

56
appliquées aux personnes sont considérées comme un facteur qui n’est
pas seulement technique et invariable : il peut être utilisé de différentes
façons, soit en induisant un sentiment d’évaluation, de jugement ou
de contrôle de soi par autrui quand les mesures sont réalisées unila-
téralement sur les intéressés, soit en apportant à ceux-ci une capacité
d’auto-analyse et d’auto-connaissance consécutive quand elles sont
mises à leur service et qu’elles leur sont accessibles. C’est en ce sens que
la mesure joue comme induction de relations sociales.

L’enjeu de ces opérations


Face à l’importance accordée aux compétences, que ce soit pour les
entreprises ou pour les individus, la question principale est de savoir
repérer les compétences, de les identifier d’abord, puis de les mesurer.
Mais cette mesure des compétences est un nouvel enjeu pour les dif-
férents pôles en présence : elle peut en effet être obtenue pour un tiers,
par exemple l’entreprise, ou à l’avantage de l’intéressé lui-même.
Ces opérations peuvent se réaliser au profit des entreprises qui
cherchent des collaborateurs ayant les compétences requises pour une
fonction à exercer. On parle alors généralement d’évaluation des com-
pétences. Celle-ci prend une place importante au cours des recrute-
ments ; mais elle peut aussi intervenir auprès de salariés, soit à l’occasion
du bilan annuel, soit lors de la préparation d’une restructuration, soit
encore afin de prévoir l’évolution des postes et des carrières en vue de
placer la personne la plus compétente dans la fonction qui lui convient
le mieux.
Quand ces opérations se réalisent en concertation, on obtient alors
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un double gain, à la fois en terme d’efficacité plus grande pour l’en-


treprise et en terme de reconnaissance des compétences et d’évolution
positive de carrière pour le salarié, ce qui ne peut que favoriser l’implica-
tion au travail et la mise en œuvre maximale de ses compétences.
Mais l’évaluation peut aussi se développer au détriment des salariés,
dans un système de contrôle systématique et renforcé et dans un climat de
comparaison sociale et de jugement de valeur permanent sur les personnes.
D’autre part, la recherche des compétences peut aussi être réalisée
au profit des personnes elles-mêmes, afin qu’elles prennent davantage
conscience de leurs possibilités, et qu’elles élaborent un projet profes-
sionnel en vue de donner plus de sens à leur travail, comme on le ren-
contre dans le bilan de compétences.

57
4. Identification et analyse des compétences

Il s’agit dans ce cas moins d’évaluation, au sens jugement sur autrui,


et davantage d’analyse des compétences qui conduit à une connaissance
accrue de ses possibilités.
Cependant, dans les deux cas, analyse ou évaluation, les opérations
se fondent sur des mesures, des observations et un recueil de données
le plus précis possible. C’est surtout l’utilisation sociale qui en est faite
qui distingue les deux processus d’analyse et d’évaluation, une même
sorte de mesure pouvant produire l’une ou l’autre selon les conditions
psychosociales de sa mise en œuvre. Il est donc nécessaire de s’occuper
de la façon dont les mesures et les observations sont produites et com-
ment les intéressés peuvent accéder à la démarche et aux résultats qui
les concernent.

La mesure comme induction de relations sociales


Plusieurs moyens sont à disposition pour réaliser cette démarche de
repérage et d’identification des compétences.
La plus évidente et la plus répandue est de recourir à des évaluations
psychologiques connues sous forme de tests, ou encore d’essais minia-
turisés. Il faut rappeler que les tests, dans le cas où ils sont validés scien-
tifiquement, constituent des opérations psychologiques effectuées dans
un cadre précis, et représentatives de situations types où les dimensions
étudiées sont habituellement mises en œuvre pour une population don-
née. Un test correspond ainsi à une situation-problème en lien avec des
processus psychologiques supposés être activés pour la résoudre.
Une autre méthode fait appel aux centres d’évaluation (ou assess-
ment centres). Le principe repose sur des formes plus ou moins standar-
disées de mises en situation révélatrices des compétences des individus.
À ce titre ils proposent des opérations à effectuer plus concrètes ou plus
proches des situations de travail, et visent moins à repérer des processus
généraux que des capacités relatives à un type de problème courant à
résoudre. Mais leur réalisation demande plus de temps que celle d’une
batterie de tests, et entraîne donc un coût plus élevé.
Cependant, les tests plus classiques ou les centres d’évaluation ont l’in-
convénient de créer une situation d’évaluation par observation systéma-
tique qui risque toujours de gêner le sujet et d’altérer la mise en œuvre
de ses compétences en situation habituelle. Ils créent aussi une situation
dissymétrique où un tiers note et enregistre l’activité du sujet qui se trouve
soumis à une investigation approfondie dont il n’a pas la maîtrise.

58
Pour sa part, le bilan de compétences, sur le plan individuel, cor-
respond à une autre manière de repérer un ensemble de dimensions
personnelles en termes de compétences. Il a l’intérêt de proposer une
utilisation différente des instruments de mesure selon laquelle l’inté-
ressé gère davantage la démarche adoptée, car celle-ci est réalisée avec
son accord et à son profit. La relation psychosociale établie au cours du
bilan de compétences se trouve ainsi moins dissymétrique et s’établit
dans la perspective d’une utilisation pour le bénéficiaire lui-même et
non pour des tiers dont on ne sait pas ce qu’ils vont conclure à partir
des données rassemblées.
La passation des tests est ainsi effectuée d’une part avec l’accord de
l’intéressé, d’autre part avec explications générales sur la finalité du test.
Dans certains cas, l’utilisation de tests dits « d’auto-évaluation » permet
en fait au sujet de connaître les dimensions mêmes prévues dans le test ;
il participe alors à la méthode en sachant approximativement sur quoi
porte le test.
Cette situation est toutefois moins nouvelle qu’il n’y paraît dans la
mesure où beaucoup de tests laissent apparaître à leur insu des infor-
mations sur les aspects étudiés. Mais ici, plutôt que de faire comme si le
sujet ne devait pas savoir, il est mis en situation de gérer les informations
qui viennent de lui à partir des incitations provenant de l’instrument
mis à sa disposition. C’est une forme d’auto-évaluation qu’il vaudrait
mieux appeler «  auto-analyse  ». En effet, il ne s’agit pas d’évaluer au
sens d’établir une valeur ou de porter un jugement sur soi, mais il s’agit
de repérer des aspects de soi et de sa situation, comme des compétences,
afin d’en prendre conscience par une attention centrée sur eux. Dans
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ce cadre, les tests, et plus généralement les formes de questionnement


(Lemoine, 1997), ne jouent plus comme un moyen d’être situé sur un
niveau donné, mais interviennent comme une incitation à découvrir
des dimensions personnelles et apportent une méthode pour y parvenir.
En conséquence, la démarche du bilan de compétences, qui s’appuie
moins sur des instruments d’observation en situation réelle et davan-
tage sur des méthodes verbales, amène, sur un plan cognitif et dans
un échange structuré, à repérer ses compétences, ses potentialités, à
prendre conscience de ses possibilités par attention focalisée sur soi,
et à construire un projet personnel et professionnel en fonction d’une
connaissance accrue des voies de réalisation possibles dans le milieu, en
fonction de ses atouts de départ.

59
4. Identification et analyse des compétences

Fiche pratique
Exemple d’auto-questionnement
pour repérer ses compétences

Il est possible de s’appuyer sur un schéma qui facilite une démarche personnelle,
même s’il est préférable d’avoir le soutien d’un conseiller-bilan qui apporte une struc-
ture de fonctionnement, une régularité des échanges et une référence extérieure.

Suggestion 1
Écrire la liste de ce que j’ai fait dimanche dernier, puis de ce que j’aurai aimé
réaliser (formes de relations, rencontres, activités pratiques, découvertes, loisirs,
activité physique, travaux divers, organisation d’une activité, participation à un
groupe, etc.).

Suggestion 2
Indiquer mes centres d’intérêt (ce que j’aime bien faire, ce qui me va bien, ce qui
me plaît), et ce que j’aime prendre en charge, seul(e) ou à plusieurs.

Suggestion 3
Lister les compétences que je mets en œuvre à partir de mes réponses précé-
dentes.

L’essentiel

 Afin d’identifier les compétences, le conseiller-bilan joue


un rôle important : au service du bénéficiaire, il l’accompagne
dans sa démarche, propose une méthode de progression
et assure un suivi.
 Il analyse la demande, offre des moyens pour se repérer
sans porter de jugement ou classer les personnes par niveau,
et aide à rédiger la synthèse des informations rassemblées.
 Le bénéficiaire s’implique pour mieux connaître
ses compétences.
 Les opérations de mesure sont mises à son service, ce qui lui
permet de s’approprier les données dans une relation d’échange
équilibrée.

60
Chapitre 5

Les approches
théoriques du bilan

Résumé

 Ce chapitre permet de situer la démarche du bilan


de compétences en référence à plusieurs courants théoriques
et d’alimenter une réflexion plus approfondie. On peut
distinguer : le courant de l’orientation scolaire, la démarche
clinique, le passage de l’expertise à l’aide structurante, l’approche
interactive, la référence au modèle de l’emprise analytique.
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61
5. Les approches théoriques du bilan

Le courant de l’orientation
Le bilan se rapproche en premier lieu des démarches d’orientation sco-
laire et professionnelle déjà existantes pour les jeunes et les adolescents
scolarisés. Plusieurs aspects se recoupent comme le fait de s’intéresser à
une personne en particulier, de lui donner accès à de la documentation
sur les professions et sur les études pour connaître les filières, d’utiliser
des tests pour repérer les potentialités ou les domaines d’intérêt.
Cependant le bilan se distingue de l’orientation scolaire sur plu-
sieurs points : il ne remplace pas un service de documentation. La place
donnée à l’expérience professionnelle l’emporte sur la seule référence
scolaire. Sa démarche est centrée sur la personne plutôt que sur une
comparaison différentielle à autrui.

Pas un service de documentation


Il n’est pas prioritairement un lieu de consultation et de documentation
sur les professions qui offre des fiches de lecture libre à ceux qui vien-
nent se renseigner sur les cursus scolaires et les métiers existants.

Place donnée à l’expérience professionnelle


Il ne privilégie pas la référence aux études et à la réussite scolaire pour gui-
der dans les choix à envisager ; il prend en compte davantage l’expérience
personnelle et professionnelle antérieure, les compétences, la situation
globale de l’intéressé et participe à la construction d’un projet personnel.

Démarche centrée sur la personne


Bien qu’il utilise également des tests, il se centre sur la personne elle-même
et incite celle-ci à se centrer sur ses propres compétences, son projet, ses
souhaits. Cette démarche donne donc moins de place aux aspects différen-
tiels des tests qui, par définition, portent sur la comparaison d’un individu
par rapport à une population de référence, ce qui a le double effet de ren-
forcer un sentiment d’évaluation du type « suis-je mieux ou non que les
autres ? » et de décentrer la réflexion sur soi vers une comparaison à autrui.

La démarche clinique
Le bilan s’apparente d’autre part à une démarche clinique au sens où il
correspond à un suivi personnalisé. Chaque individu est traité comme

62
un cas unique, original, et une attention particulière lui est portée. On
y retrouve aussi les méthodes cliniques qui sont fondées sur l’écoute,
l’entretien approfondi, le discours et sur une incitation à faciliter la
réflexion personnelle de l’intéressé en considérant que sa subjectivité
peut être éclairée et être le point de départ d’une restructuration interne.
Cependant, les pratiques de bilan doivent se distinguer nettement
d’une intervention de nature thérapeutique. Il ne s’agit pas de considé-
rer la personne comme un patient ou un malade et de lui apporter des
soins sur le plan psychologique. Bien au contraire, chaque personne est
considérée a priori comme normale, susceptible d’évolution, et capable
de prendre en charge ses orientations de vie. Les pratiques de bilan s’ap-
puient donc sur une démarche clinique au sens où elle est personnali-
sée, mais ne visent pas à soigner.

De l’expertise à l’aide structurante


L’expertise est nécessaire et doit s’appuyer sur une compétence profession-
nelle et scientifique certaine, mais, dans la relation humaine, elle crée une
dissymétrie entre celui qui sait et celui qui ne sait pas alors même qu’on
parle de lui, d’où à la fois l’intérêt et la limite de l’expertise. Pour dépas-
ser le problème il est proposé un modèle de relations qui se réfère à une
pédagogie de l’appropriation : il s’agit moins d’apporter du contenu que
de développer une méthode permettant à l’intéressé de s’approprier les
éléments d’analyse qui le concernent (Lemoine, 1994, chap. 6). D’où une
aide structurante qui facilite l’amorçage et le suivi de la démarche tout en
intervenant le moins possible sur les conclusions scientifiques imposées.
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Intérêt et limite de l’expertise


La notion d’expertise renvoie à l’idée d’une compétence élevée, recon-
nue et spécialisée dans un domaine technique. À ce titre il est légitime
que les psychologues cherchent à atteindre un bon niveau d’expertise
et à être considérés comme experts dans leur domaine. Dans cette pers-
pective le conseiller bilan se doit d’être suffisamment qualifié et compé-
tent en psychologie, et il doit connaître et maîtriser les instruments de
mesure, les méthodes et leurs fondements théoriques pour les utiliser à
bon escient, et savoir délimiter leur portée et leurs limites.
Cependant, en psychologie, l’expertise ne peut se réduire à une somme
de connaissances techniques, comme dans le domaine des sciences de

63
5. Les approches théoriques du bilan

l’ingénieur. Le fonctionnement humain ne peut se limiter à un ensemble


de lois mécaniques à appliquer sans discernement. Il confinerait alors au
rôle des technocrates qui sont justement décriés pour ne pas tenir compte
des réalités humaines en appliquant aveuglément des principes généraux.
En particulier l’expertise en sciences humaines risque de créer une situa-
tion nouvelle qui perturbe le système de relations en place. Par le savoir
qu’elle apporte, elle crée un rapport hiérarchique et dissymétrique entre
celui qui sait et ceux qui sont censés ne pas savoir. Cela est préjudiciable dans
un domaine où le savoir en question porte sur des individus directement
concernés et touche des aspects de leur personne ou de leur statut social.
Plus encore, l’expertise, apportée sous forme de conclusion scientifique
indiscutable, impose un savoir de l’extérieur, tout fait, et cela ne laisse pas
de place à l’intéressé pour se situer par lui-même et pour intégrer ces conclu-
sions venues d’ailleurs. Le sentiment d’être catégorisé, fixé sur son sort, et
donc d’être incapable d’en rien changer, apparaît et conduit généralement
à un rejet du discours scientifique qui enferme les sujets dans une somme
de déterminations incontournables, induisant l’impression d’une fatalité et
réduisant tout essai de prise en charge personnelle (cf. Lemoine, 1996).

Pour une pédagogie de l’appropriation


Afin d’éviter ces conséquences fâcheuses, le psychologue-expert ne peut se
contenter d’avoir un discours sur autrui, voire de développer des recom-
mandations, aussi fondées soient-elles. Il lui faut en quelque sorte limiter
le poids de son expertise et devenir plus qu’un expert : son rôle est de créer
une situation et un climat qui permettent à l’intéressé de s’approprier des
éléments nouveaux d’information sur lui-même. Il s’agit moins d’apporter
des connaissances supplémentaires que de mettre en mouvement la per-
sonne concernée afin qu’elle amorce sa propre réflexion et qu’elle intègre
des données non prises en compte jusqu’alors.
On retrouve ainsi un courant déjà bien connu de psychologie
pédagogique selon lequel il importe de faire participer l’intéressé à la
démarche elle-même afin qu’il s’approprie les éléments nouveaux qui
arrivent dans son champ personnel. Cette préoccupation est encore
plus importante lorsque les informations sont impliquantes et viennent
modifier des représentations qui portent sur soi. Cela ne signifie pas
qu’il faut se passer de l’expertise et se satisfaire d’approximations incer-
taines, mais cela indique qu’il est nécessaire de considérer les conditions
de la transmission des informations relatives à l’expertise et d’associer

64
l’intéressé à cette démarche, sous peine soit d’échec, soit même d’effet
contraire par rejet des conclusions restées extérieures.
Il s’agit donc de gérer les méthodes et les mesures afin qu’elles n’im-
posent pas par elles-mêmes un savoir étranger mais se trouvent placées
dans une situation relationnelle qui aide l’intéressé à s’exprimer et à
organiser les éléments qui proviennent de lui-même et le constituent.

L’approche interactive
On en arrive ainsi à considérer que la démarche de bilan comprend une
situation où se joue une interaction décisive entre les personnes en pré-
sence, le conseiller et le bénéficiaire.
Cette interaction se forme dès le début lorsque le conseiller accueille
la personne qui souhaite réaliser un bilan de compétences. Elle est peut-
être même anticipée par le fait que le centre de bilan est déjà connu
antérieurement. Elle se forme ou se confirme dans les premiers moments
d’entretien lorsque les précisions sur les buts du bilan et les moyens de
le conduire sont indiquées clairement, et lorsque l’intéressé est appelé à
s’associer activement à la démarche.
On peut considérer le bilan comme une situation d’interaction ou
de communication interactive  ; et cette approche peut être éclairante
dans la mesure où la relation conseiller-bénéficiaire est centrale. Mais ce
courant de la psychologie sociale ne spécifie pas suffisamment le type de
communication bilatérale qui se développe au cours du bilan. Il est donc
utile de préciser ce qui se joue d’une part en fonction du mode d’intro-
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duction des outils (cf. ci-après), d’autre part dans l’attitude de prise en
charge par le conseiller, assortie d’une implication et d’une activation
dans la conduite du bénéficiaire.
Cette double interaction permet de situer mieux le type d’interven-
tion de chacun des deux pôles en présence.
Côté conseiller, la situation se rapproche d’une attitude d’écoute dite
« non directive » qui aide l’autre à s’exprimer et à développer ses repré-
sentations, ses souhaits et finalement son projet d’abord incertain. Mais
elle n’est pas « non directive » dans la mesure où le conseiller structure
la progression en encadrant le champ de parole et de réflexion  : il ne
s’agit pas de raconter sa vie pour se faire plaisir, mais de restructurer des
événements pour mettre en évidence des compétences insoupçonnées,

65
5. Les approches théoriques du bilan

pour définir un domaine possible, pour construire un projet réalisable à


partir des moyens et des limites que l’on a.
Côté bénéficiaire, il doit être clair pour lui qu’il ne peut tout attendre
d’une aide extérieure. Sa progression dépend d’abord de son implication
dans la démarche et dans une recherche active à la fois sur lui-même
et sur les possibilités du milieu environnant. La prise en charge dont
il bénéficie ne consiste pas à trouver une solution à sa place, mais à lui
permettre de dégager des voies qui lui soient possibles, réalisables et
satisfaisantes. On peut parler à ce sujet de responsabilisation à partir
d’une démarche encadrée. Ce processus qui consiste à SE prendre en
charge en étant soutenu par une méthode et une interaction facilita-
trice peut conduire à redonner aux intéressés le sentiment qu’ils peu-
vent progresser, intervenir sur leur situation et la maîtriser davantage.
On notera que cette « internalisation » est quelquefois même criti-
quée sur un plan théorique à partir de la notion « d’internalité » selon
laquelle les individus sont portés à croire que les événements qui arri-
vent dépendent d’eux plutôt que de forces externes. D’où un effet de res-
ponsabilité individuelle accrue qui s’oppose à des explications de type
sociologique sur la situation économique ou les difficultés d’emploi.
Cependant, il est remarquable de constater que ce sentiment d’interna-
lité va souvent de pair avec un sentiment d’efficacité personnelle et aide
les individus à trouver par eux-mêmes des solutions sans attendre tout
d’une conjoncture qui ne dépend pas d’eux.

La référence au modèle
de l’emprise analytique
Une autre approche qui se situe également dans le cadre des notions
d’interaction, de champ psycho-social (cf. Lewin, 1959) et de système
d’interactions, tout en les spécifiant, est conceptualisée sous la déno-
mination d’emprise analytique. Cette notion permet de traiter les
situations où des sujets humains se trouvent étudiés, observés scienti-
fiquement, analysés dans leur conduite ou dans leurs caractéristiques,
et donc davantage connus, soit par autrui, soit parfois par eux-mêmes
(Lemoine, 1994). On y fait l’hypothèse que cette connaissance sur soi
crée un enjeu relationnel fort et impliquant et transforme les inter-
actions en cours. La notion d’emprise exprime cette détermination
exercée par un pôle (individuel ou collectif) sur l’autre, et la notion

66
d’emprise analytique indique que cette emprise provient de l’activité
d’analyse scientifique exercée par autrui.
Dans la mesure où le bilan de compétences porte sur des informa-
tions qui concernent directement les personnes, il peut être considéré
à partir de ce modèle théorique, et ce sur plusieurs aspects  : la prise
d’information sur soi, l’attention portée à soi, les instruments d’obser-
vation, relais d’emprise, et les résultats en retour.
Ces trois moments d’interaction sont une source d’emprise de
l’observateur-analyste (S) sur l’observé-analysé (b) et induisent également
une attention à soi (de b à b’) sous forme de boucle de rétroaction, ce qui
génère une auto-emprise (cf. encadré p. 68). De la forme de cette emprise
dépendront les caractéristiques facilitant ou gênant la centration sur soi.

La prise d’information sur soi


Le fait de prélever des informations concernant un individu induit
une relation d’emprise dissymétrique, étant donné que cette prise de
connaissance établit une relation sociale généralement non égalitaire,
et non réciproque, et entraîne une possibilité d’intervention accrue de
celui qui connaît sur celui qui est connu. Par exemple, être informé sur
les goûts d’une personne permet de lui proposer des produits qu’elle
achètera plus facilement  ; ou encore, connaître les compétences d’un
salarié permet de décider de son affectation.
On a montré que les personnes observées en devant répondre à des
questions sur elles, ne sont pas insensibles à ce prélèvement d’informa-
tion les concernant. Lorsque le sujet perçoit le risque d’être dépossédé de
ses informations au profit d’un tiers susceptible d’en tirer profit ou d’agir
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contre la personne étudiée, des réponses d’évitement sont plus nom-


breuses, des formes d’évasivité apparaissent et des essais de dissimulation
augmentent. À l’opposé, lorsque le sujet est associé à l’analyse, qu’il en
perçoit une finalité attractive pour lui, ou qu’il a la perspective de s’ap-
proprier des résultats qui l’intéressent, il accepte davantage de se dévoi-
ler, répond de façon plus accentuée et donne plus d’informations sur lui.
Transposés à la situation de bilan de compétences, ces processus sou-
lignent l’importance à donner au respect de la confidentialité, au climat
de confiance à instaurer, à la participation de la personne à la démarche
utilisée, et à la possibilité d’accéder aux résultats. Le niveau de coopéra-
tion dépend en effet de ces facteurs qui se trouvent mis en œuvre dans
la démarche bilan alors qu’ils sont rarement rassemblés dans des situa-
tions d’évaluation classique des personnes.

67
5. Les approches théoriques du bilan

La relation d’emprise analytique


Schémas d’emprise :

  E E : Emprise
1. S b S : Source d’emprise
b : base d’emprise
C-E C-E : Contre-Emprise

E A-E A-E : Auto-Emprise


2. S b b’ : éléments de b
b' analysés par b
boucle de rétroaction

L’emprise E peut être ici analytique ou évaluative ; en prenant une informa-


tion sur un individu b, qui se trouve ainsi concerné ou impliqué, la source S
provoque sur lui une emprise E, forme d’interaction spécifique le plus sou-
vent dissymétrique. Cette emprise suscite chez b plusieurs activités, présentées
ici en deux composantes :
En 1., b modifie sa conduite en retour vers S en limitant la prise d’informa-
tion, ce qui est une forme de contre-emprise ; par exemple, il donne moins
d’indications sur lui, fait des réponses évasives, développe certains aspects
supposés attendus ou même ne sait pas répondre. (b peut aussi exercer une
emprise sur un autre en devenant à son tour observateur. Non schématisé
ci-dessus, cf. Lemoine, 1994).
En 2., le schéma montre que le fait d’être observé ou analysé entraîne que l’on
s’observe soi-même ou que l’on analyse certains aspects de sa propre conduite.
Selon les caractéristiques de E, la relation à soi (auto-emprise A-E de b à b’ par
auto-attention focalisée) sera plus ou moins facilitée ou empêchée, et appor-
tera plus ou moins de connaissances sur des éléments de soi (par exemple des
connaissances sur ses compétences). ■

L’attention portée à soi ou auto-attention


Mais l’étude sur autrui ne crée pas seulement une relation particulière
entre l’observateur et l’observé ou entre l’analyste et l’analysé, elle induit
également une nouvelle relation à soi-même. Ainsi par exemple, quand
on est observé en train de marcher ou de descendre un escalier, on a ten-
dance à modifier sa démarche, ce qui inclut le fait d’y porter davantage
attention. On a pu mettre en évidence cette auto-attention focalisée sur
un aspect de sa conduite à partir de situations d’observation d’autrui où
des indices de l’activité du sujet par rapport à lui-même étaient relevés.
Là encore la modification enregistrée varie selon les conditions psycho-
sociales de l’observation, et notamment selon l’importance de l’enjeu

68
perçu et selon la difficulté de synchronisation de la conduite, verbale ou
gestuelle. Souvent, dans un premier temps et en situation dissymétrique
où le sujet ne connaît pas les critères sur lesquels porte l’observation,
l’auto-attention générale gêne et désorganise plutôt la conduite habi-
tuelle. Ainsi, l’expression orale est-elle plus hésitante, le discours sur soi
plus court et moins pertinent, la démarche moins affirmée. C’est seule-
ment lorsque l’on donne au sujet les moyens de gérer la situation que l’at-
tention focalisée sur quelques éléments connus lui permet de reconstruire
et de réorganiser sa conduite, sur le plan verbal ou sur le plan gestuel. Pour
cela, il est nécessaire qu’il se soit approprié les indices, qu’il soit devenu
suffisamment observateur de lui-même pour en tirer profit et maîtriser les
aspects de sa conduite dont il a pris conscience (cf. Lemoine, 1995).
Ces situations se rencontrent au cours du bilan de compétences dans la
mesure où celui-ci suscite des interrogations sur soi. Si l’attention à soi reste
générale et d’ordre évaluatif, sans être fixée à partir de repères explicités
et donc connus, il y a risque qu’elle suscite des craintes, de l’incertitude
et un sentiment d’appréhension vis-à-vis d’une observation de soi. Mais
si la démarche est bien précisée, les critères délimités et les enjeux explici-
tés, la situation devient plus rassurante et la personne concernée peut pro-
gresser dans la découverte d’aspects qui la caractérisent, et les réorganiser.
C’est pour cela qu’il est important d’associer le bénéficiaire du bilan à la
démarche qui lui est proposée, de définir avec lui les moyens qui seront mis
en œuvre, de délimiter le champ d’investigation afin d’éviter une remise en
cause générale et de limiter l’attention aux compétences professionnelles.

Les instruments d’observation, relais d’emprise


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La connaissance des critères d’analyse passe généralement par celle des


instruments de mesure utilisés. Ceux-ci ne sont en général pas connus
du sujet, sauf quand ils apportent incidemment des informations sur
les dimensions recherchées. Mais lorsque le sujet sait sur quoi l’étude va
porter, il ne se trouve plus dans la même relation au matériel d’inves-
tigation. Celui-ci ne reste pas un objet extérieur dont on ne sait rien, il
devient un moyen d’accéder à des informations sur soi, ce qui change le
mode de relations aux tests et les font passer d’un objet technique à un
relais de communication interactive.
Dans cette perspective, le matériel n’est plus seulement le moyen de rele-
ver des données de l’extérieur. On entrevoit qu’il n’est pas neutre : soit son
utilisation reste cachée, et elle suscite des craintes et de l’incompréhension,

69
5. Les approches théoriques du bilan

soit elle est explicitée et elle conduit à un nouveau mode de relations où le


sujet s’approprie une part de la démarche. C’est en ce sens qu’on avance
que les instruments d’analyse sont des relais d’emprise, car ils modifient la
relation d’emprise selon la manière dont ils sont utilisés.
D’autre part, quand ils deviennent plus familiers au sujet, qui les a
en quelque sorte apprivoisés, le questionnement qu’ils suscitent sur lui
induit une auto-attention focalisée. Celle-ci peut alors lui apporter des
informations nouvelles sur lui : il se rendra compte de certains aspects
de lui-même. Quand les questions sont bien ciblées, sur un domaine
précis, on vérifie que la réflexion qui en dérive permet au sujet de res-
tructurer son opinion sur le domaine visé. Transposée au bilan, cette
appropriation des questions facilite la prise de conscience de ses compé-
tences. Il en résulte que le questionnement sur les compétences change
de statut : la question vise moins à chercher des données préexistantes,
qu’il faudrait alors extraire avec le moins de distorsions possibles,
qu’à rechercher une nouvelle façon de se considérer et d’amorcer une
réflexion ciblée sur soi. Dans cette perspective, le résultat importe moins
que l’attitude par rapport à soi-même induite par le questionnement qui
suscite un processus d’auto-attention (cf. Lemoine, 1997).

Les résultats en retour


Si le prélèvement d’informations impliquantes intervient comme une
relation d’emprise, ou parfois d’auto-emprise, la prise de connaissance
des résultats d’analyse constitue également un enjeu d’importance,
puisque ce sont eux qui indiquent comment est considéré le sujet selon
différentes dimensions.
On remarquera d’abord que le fait même d’obtenir des résultats sur
soi, comme c’est le cas au cours du bilan, est une avancée considérable
par rapport à nombre de situations d’évaluation où les sujets n’y ont
pas accès. Le retour des résultats vers l’intéressé réduit sensiblement la
relation dissymétrique d’emprise analytique et conduit à le considérer
comme quelqu’un capable de comprendre ce qui est dit de lui, dès lors
que la présentation est réalisée avec un langage clair et explicite.
Cependant, il ne suffit pas de sortir une liste de résultats pour croire
que le sujet va se les approprier et savoir en tirer profit pour lui-même.
Un résultat final couperet, à teneur évaluative, peut entraîner un rejet
ou susciter une gêne importante. Il peut aussi être pris comme une affir-
mation irréfutable, une directive incontournable ou une vérité absolue.

70
C’est pour éviter ces inconvénients qu’il est nécessaire d’amener pro-
gressivement des informations nouvelles, ou mieux de faire participer
le sujet à leur émergence, ce qui est facilité lorsqu’il est associé à la par-
tie méthodes elle-même. On obtient alors des informations sur soi qui
s’élaborent progressivement et arrivent dans la logique de la démarche
d’ensemble.
On retrouve avec l’information sur les résultats, la préoccupation
psycho-pédagogique selon laquelle les personnes qui participent aux
différents moments de l’activité bilan sont plus disposées à intégrer les
conclusions les concernant et à se les approprier. L’un des problèmes est
en effet celui de l’intégration de représentations nouvelles sur soi, via
les compétences, et de la gestion de l’image de soi transformée qui en
résulte. À ce niveau, il est important que le conseiller permette au béné-
ficiaire du bilan d’élaborer une représentation suffisamment stabilisée
et acceptable de lui-même afin que ce dernier se donne une perspective
personnelle et professionnelle qui l’aide à réussir le projet qu’il va entre-
prendre.

L’essentiel

 Le bilan de compétences renvoie à plusieurs champs


théoriques. Il fait partie du domaine de l’orientation
professionnelle, dans la mesure où celle-ci consiste à aider
à s’orienter et non à imposer ou à conseiller une voie donnée.
 Il s’appuie sur une expertise, au sens d’une analyse sérieuse
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et méthodique, mais s’en écarte en apportant une aide


structurante et en permettant l’appropriation des informations
recueillies sur soi.
 Il se fonde sur une démarche interactive où les apports
sur les compétences se construisent au cours des échanges.
 Le modèle de l’emprise analytique a l’intérêt de considérer
les enjeux liés à la prise d’informations personnelles,
au fait d’être étudié et connu, d’où l’importance du respect
de la confidentialité et de l’obtention des résultats en retour.
Le modèle prend aussi en compte le processus d’attention
centrée sur soi, induite par les instruments d’observation
qui peuvent devenir des relais facilitant la prise de conscience.

71
Chapitre 6

Les instruments
du bilan
de compétences

Résumé

 Deux méthodes sont le plus souvent utilisées au cours


du bilan de compétences : l’entretien et les tests. On examine
leurs caractéristiques et leur variété et on indique en quoi
leur mode d’utilisation et leurs objectifs sont renouvelés.
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73
6. Les instruments du bilan de compétences

Une observation personnalisée demande d’identifier et d’analyser les res-


sources personnelles et professionnelles du bénéficiaire du bilan, afin de réa-
liser un inventaire de ses compétences, de ses acquis et de ses potentialités.
Parmi les outils utilisés le plus souvent, on peut distinguer deux grandes
classes : les entretiens et les tests psychologiques et psychométriques.

Les entretiens
Après avoir présenté les caractéristiques des entretiens psychologiques,
on abordera les caractères spécifiques des entretiens dans les bilans de
compétences.

Caractéristiques des entretiens


L’entretien n’est pas une conversation ou un échange d’avis. Bien sûr on
y fonctionne sur le plan du discours, des représentations, mais les rôles
respectifs sont bien définis : l’interviewer n’a pas à donner son avis ou son
opinion. Il devra même prendre soin de ne pas laisser paraître son point
de vue afin de ne pas influencer l’interviewé. Mais à l’opposé, il a pour
but de faciliter l’expression de l’interviewé. Selon l’enjeu, on dira « faire
parler » ou « faire s’exprimer ». Dans le premier cas, il s’agit de prendre
de l’information sur quelqu’un, généralement en vue d’avoir prise sur lui,
dans le second, on se trouve plutôt dans une relation d’aide ou d’écoute
bienveillante afin de susciter le discours et de libérer ainsi la personne.

■ L’entretien comme système d’emprise analytique


Donner des informations sur soi reste dans tous les cas une activité
impliquante. Elle est dépendante des modes de relations établis et de la
perspective de l’entretien pour le sujet. On retrouve un système à trois
pôles comprenant l’interviewé, l’interviewer et généralement une tierce
partie, non présente lors de l’entretien, mais susceptible d’en obtenir les
données. Ce système varie selon les types et les finalités de l’entretien.

L’entretien de recherche
Dans un entretien de recherche, le sujet sait normalement que l’ano-
nymat est respecté. C’est l’interviewer qui est demandeur et c’est pour
lui que parle le sujet. Il est en quelque sorte le centre de l’entretien.
Le but est de collecter des données pour une étude générale. Le poids

74
institutionnel est relativement limité dans la mesure où c’est pour une
« bonne » cause. Il s’accroît en revanche pour des études à finalité com-
merciale dès lors que le sujet prend conscience de l’importance de ses
réponses. On peut passer alors d’une relation de don (de l’information
par le sujet) à une situation de transaction (qu’est-ce que l’on obtient
en contrepartie des informations apportées ?).

L’entretien d’aide
Dans un entretien centré sur le sujet, l’entretien est réalisé à son profit,
pour lui. Le but de l’interviewer est alors d’aider le sujet à s’appro-
prier les éléments qui apparaissent à l’occasion de l’entretien. Ce cas
de figure, qui ressemble à la situation de bilan de compétences, cor-
respond au fait que l’interviewer est au service du sujet qui s’exprime,
afin que celui-ci accède à des informations nouvelles sur lui-même.
C’est un entretien centré sur le sujet. On notera que, si certains aspects
évoquent l’entretien dit « non-directif », la situation est plus large et ne
présume pas de la méthode utilisée.

L’entretien de sélection
Enfin, ce qui arrive souvent, l’entretien peut être réalisé au bénéfice d’un
tiers extérieur qui a demandé l’entretien pour en tirer des informations et
pour éclairer ses choix (par exemple, un employeur). Le centre de l’entre-
tien se trouve alors en dehors même de la situation d’entretien. Dans ce
cas l’interviewer est un intermédiaire, un relais d’emprise, et il doit juger,
en tant que professionnel, de ce qu’il doit garder comme confidentiel et
de ce qu’il peut communiquer comme information pertinente à celui qui
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l’emploie, en fonction d’une finalité et d’un contrat définis. Dans ce cadre,


l’interviewé sait aussi que les informations qu’il va donner compteront
pour ou contre lui. On sait que cela favorise des réponses socialement dési-
rables, mais les méthodes utilisées jouant sur la mise en confiance ou au
contraire une certaine provocation peuvent aussi révéler des aspects non
maîtrisés, d’où les limites déontologiques que doit respecter l’interviewer.

■ Le niveau de profondeur du discours


La finalité perçue de l’entretien mais aussi les méthodes utilisées vont
déterminer pour une part le type de discours émis, plus ou moins stéréo-
typé ou personnel. En particulier on peut caractériser les entretiens selon
le degré d’ouverture ou de fermeture des relances verbales.

75
6. Les instruments du bilan de compétences

Dans un entretien « centré sur le client » (de type Rogers, mais sans
référence à la notion de non-directivité dans la mesure où un entretien
clinique peut exercer une emprise forte, orienter le propos et déterminer
le niveau d’implication), quatre caractéristiques sont rassemblées (voir
encadré suivant).

L’entretien « centré sur le client »


• Le sujet est demandeur de l’entretien.
• C’est pour lui que l’entretien est mené.
• Le sujet choisit le thème de l’entretien et son contenu.
• Il s’exprime avec ses mots, à sa façon. ■

Dans un entretien approfondi focalisé (de type entretien d’aide),


l’entretien est proposé par le conseiller (1) mais l’intéressé gère les
trois autres aspects, même si le thème est prédéterminé par l’objet de
la démarche (3). L’entretien de bilan de compétences (phase 2) se rap-
proche de cette configuration. Toutefois il peut arriver que le conseiller
recentre l’entretien sur le thème principal (les compétences) et invite
à y revenir lorsque l’intéressé est porté à évoquer des dimensions trop
personnelles ou des discours hors thème. Il peut aussi s’appuyer sur une
grille d’entretien qui en fait un entretien structuré.
Dans un entretien approfondi de recherche, les points 1, 2, 3 sont
gérés par l’interviewer qui demande l’entretien, délimite la thématique
et obtient de l’information pour lui. Cependant le sujet peut encore
organiser son discours et réaliser les enchaînements comme il l’entend.
Cette dernière possibilité se réduit au fur et à mesure que la forme de
l’entretien se rapproche d’une suite de questions qui détermine le champ
de réponse et parfois les contenus eux-mêmes. Dans ce cas, l’entretien vise
généralement des niveaux de discours assez conventionnels et laisse appa-
raître les normes dominantes, et les représentations socialement répandues
(appelées aussi « de surface »), ce qui est parfois recherché en sociologie.
Enfin à la limite de l’entretien, on peut classer les questionnaires,
qui sont aussi une forme de relation verbalisée, mais qui limitent les
réponses en imposant leur forme de façon plus ou moins rigide, en
déterminant le sens de la question et en donnant même la gamme de
réponses possibles, ce qui entraîne que les sujets sont contraints de choi-
sir parmi des questions et des réponses préétablies qui ne leur convien-
nent pas toujours ou qui induisent la réponse.

76
L’entretien dans le bilan de compétences
■ L’entretien d’accueil (phase 1)
Dans la phase préliminaire du bilan, ou phase d’accueil et d’informa-
tion, l’entretien individuel est la méthode la plus utilisée. Il est com-
plété ou préparé par des entretiens en petits groupes, surtout lors de la
première réunion d’accueil.

Les finalités de l’entretien d’accueil


• Présenter la démarche de bilan afin que le demandeur connaisse les éléments
nécessaires pour s’engager dans le bilan en étant suffisamment informé.
• Permettre au conseiller de situer le demandeur.
• Permettre à celui-ci d’exprimer ses attentes et de clarifier sa demande. ■

Il s’agit donc d’un entretien ciblé, structuré, organisé en fonction des


finalités recherchées.

■ Les entretiens d’investigation (phase 2)


Ils se centrent prioritairement sur l’analyse du parcours personnel et
professionnel.
L’idée principale se fonde sur le fait que c’est à travers le récit des
expériences professionnelles que le bénéficiaire identifie ses compé-
tences, ses aptitudes, et prend conscience de ses motivations, de ses
valeurs liées au travail, de ses centres d’intérêt, et de ses attentes vis-à-
vis du travail.
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D’autres techniques existent mais sont moins utilisées  : l’histoire


de vie, l’analyse du développement vocationnel et personnel (ADVP),
l’analyse autobiographique. Elles sont à considérer comme un soutien à
l’analyse des compétences.

■ Les entretiens structurés


Les entretiens du bilan permettent à l’intéressé de s’exprimer à sa façon à
partir d’une écoute attentive et bienveillante. Mais ils ne correspondent
pas à des entretiens libres ou « non-directifs ». En effet ils sont réalisés
dans des buts définis, et sont centrés sur l’émergence des compétences à
partir de situations vécues antérieurement. Il est donc préférable qu’ils
soient structurés. Ils peuvent l’être dans la forme, en suivant un ordre

77
6. Les instruments du bilan de compétences

chronologique ascendant ou descendant ou en recherchant les événe-


ments importants et leur enchaînement, et aussi sur le fond, en se foca-
lisant sur les compétences mises en œuvre, les intérêts ou les attentes.
On sait par la littérature scientifique que les entretiens structurés (par
exemple, avec une grille précise) sont les plus productifs. Ils permettent
d’approfondir un champ tout en évitant une dispersion infructueuse. Ils
se gardent aussi de se transformer en entretien thérapeutique où inter-
viennent massivement les problèmes existentiels ou personnels.

Les tests
Les tests psychométriques forment un ensemble d’instruments diver-
sifiés en vue de mesurer de multiples dimensions relatives aux sujets
humains. Ils demandent une compétence et une qualification pour les
administrer dans de bonnes conditions, et surtout pour les analyser
dans le cadre théorique et méthodologique qui en donne les limites.
Après l’analyse de leur définition, on passera en revue leur variété
selon plusieurs critères de classification. Puis on présentera succincte-
ment différents tests utilisés dans le bilan de compétences.

Définition
Selon la définition classique (cf. Pichot, 1968), on appelle test une situa-
tion standardisée, servant de stimulus à un comportement. Celui-ci est
évalué par une comparaison statistique avec celui d’autres individus pla-
cés dans la même situation, ce qui permet de classer le sujet examiné
soit quantitativement, soit typologiquement.

■ La situation standardisée
Une situation standardisée est une situation parfaitement définie, qui
peut être reproduite à l’identique, et qui a été précédemment étudiée,
analysée et validée, et dans laquelle les sujets se trouvent placés de la
même manière. Cela signifie que le matériel est le même, que les discours
et incitations verbales (appelées aussi « consignes ») sont les mêmes, que
les attitudes de ceux qui les présentent sont également identiques.
La façon de présenter les tâches à réaliser et les conditions de leur
réalisation doivent donc être aussi les mêmes. C’est ce qu’on appelle les
conditions de passation. Parmi elles, il ne faut pas oublier les facteurs

78
psychologiques qui peuvent modifier la signification donnée par les
sujets aux tests : l’anticipation et la représentation de l’enjeu et des consé-
quences des résultats aux tests. Ces dimensions sont malheureusement
fréquemment sous-estimées, voire totalement non prises en compte,
dans beaucoup d’études pourtant de niveau international.
Ainsi par exemple, la passation d’un simple questionnaire peut appor-
ter des résultats différents selon qu’il est rempli sur le lieu de travail, chez
soi ou dans un local indépendant en présence du chercheur. Dans le même
sens les résultats varient selon que le sujet pense que ses réponses pourront
être vues par son supérieur hiérarchique ou qu’il croit que l’anonymat est
assuré et que l’on ne peut pas découvrir qui a répondu (dans un groupe
limité il n’est pas suffisant de cacher le nom, on retrouve facilement qui a
répondu ou encore de quel petit groupe viennent les réponses).

■ Le stimulus (ou la stimulation)


Le test constitue un ensemble de stimulations (questions, problèmes à
résoudre, phrases, dessins, etc.) ou stimulus, qui vont susciter les réponses
du sujet (sa conduite verbale, gestuelle, sa façon de s’y prendre, etc.),
celles-ci étant enregistrées. Cet enregistrement doit aussi être réalisé dans
des conditions précises, selon des dimensions définies à l’avance, mesu-
rables. Cela signifie que l’on utilisera des repères systématiques, précis,
des mesures fidèles (la même grandeur doit toujours donner le même
résultat), des moyens ou instruments qui dépendront le moins possible
des sentiments et des fluctuations de l’observateur et qui apporteront les
mêmes conclusions d’un observateur à l’autre (ce qui s’appelle la possibi-
lité de répéter les mesures et qui fonde l’objectivité). On notera que le fait
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de se savoir enregistré et mesuré risque de modifier les réponses obtenues.

■ La comparaison statistique
Les dimensions enregistrées vont ensuite être situées par rapport ou par
comparaison aux résultats obtenus par une population de référence,
dite « parente », c’est-à-dire la plus identique possible aux sujets testés.
Cette caractéristique est très importante et généralement une source de
confusion sur les résultats obtenus : en effet un test ne donne pas d’in-
formations sur ce qu’est le sujet lui-même, mais il apporte un système
de comparaisons par rapport à une population donnée. Ainsi, pour la
question de l’intelligence par exemple, le test ne dit pas si l’on « est »
intelligent ou non  ; il indique que l’on est plus ou moins capable de
résoudre certaines tâches qu’une population de référence.

79
6. Les instruments du bilan de compétences

D’une part cela demande que la population de référence soit adé-


quate pour le sujet testé. Il faut que les caractéristiques de la population
parente et des sujets soient les mêmes. C’est pour cela qu’il est néces-
saire de revalider un test quand on l’applique à des populations diffé-
rentes (par exemple culturellement) de la population de référence qui a
permis de valider le test.
D’autre part, le fait que le test permet de classer un individu par rap-
port à un groupe ou population de référence provoque des extensions
de signification liées aux attentes de la société.

Si l’on classe un objet (exemple, des clous) par rapport à sa grandeur (ou sa
taille), on réalise une opération cognitive qui permet uniquement de décrire
l’objet en fonction d’une dimension donnée (on pourrait aussi classer les clous
par rapport à d’autres dimensions, comme la grosseur, la forme de la tête, le
type de matériau).
Mais si l’on classe des individus entre eux, la description sera généralement asso-
ciée à une comparaison sociale qui induit un jugement de valeur, et par la suite
le sentiment d’être évalué.
Ainsi, la taille prend-elle d’autres significations que sa définition technique et
suscite des considérations qui vont bien au-delà de la simple description : elle
peut être associée à des traits de personnalité, à un sentiment de domination ou
d’infériorité, à la constitution d’une hiérarchie sociale. On passe alors de la seule
catégorisation cognitive à une catégorisation sociale qui, pour s’appuyer sur les
mêmes termes, induit cependant des processus très spécifiques.

C’est en raison de leur utilisation sociale que les tests sont générale-
ment décriés, alors même qu’ils constituent des outils techniques indis-
pensables qui réduisent sensiblement les approximations, les erreurs
d’appréciation subjective et les décisions arbitraires. Il faudra dès lors
veiller à leurs modalités d’utilisation et aux conséquences sociales qu’ils
entraînent pour les sujets, afin de limiter les craintes légitimes qu’ils
peuvent susciter et de s’en servir dans une autre perspective que celle
d’une évaluation sociale et comparative qui risque d’être réalisée en
défaveur des intéressés. Le fait de faire participer les individus concer-
nés à la démarche et aux résultats obtenus à leur profit, comme dans le
bilan de compétences, transforme leur mode d’insertion sociale et leur
finalité perçue (cf. les buts).

80
Variété et classification des tests
Les tests visent à mesurer de nombreuses dimensions psychologiques
qui ne sont pas souvent faciles à détecter ou à repérer. Comme ils sont
susceptibles d’apprentissage et que les individus peuvent s’y accoutumer
(et donc les réussir mieux que la première fois), de nouveaux tests appa-
raissent sans cesse sur le marché, y compris maintenant avec des pré-
sentations informatisées. Cependant, on peut tenter de les classer selon
différents critères : selon leur objet, selon leur but, et selon leur méthode,
afin de repérer ensuite leur mode d’utilisation au cours des bilans de
compétences.

■ Selon leur objet


On distingue habituellement les tests d’intelligence, les tests d’aptitudes
et les tests de connaissance. Ces trois catégories entrent principalement
dans le champ cognitif et se réfèrent à des acquisitions ou à des capa-
cités d’acquisition relativement stables. Ils se différencient d’une autre
catégorie importante qui se rassemble autour des tests de personnalité
où les facteurs émotifs et affectifs dominent.
– Les tests de connaissance sont quant à eux les plus dépendants des
cultures et des possibilités d’accès au savoir.
– Les tests d’aptitudes renvoient aussi à des savoir-faire qui incluent à
la fois des dimensions cognitives et des capacités de réalisation pra-
tique. Ils se rapprochent des tests ou essais réalisés dans des situations
proches des tâches ordinaires à effectuer (et que l’on rencontre dans
les centres d’évaluation ou assessment centres).
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– Les tests d’intelligence portent sur des aspects associés à une intelli-
gence générale (facteur g) en œuvre dans la compréhension et la réso-
lution de problème, ou sur des dimensions plus spécifiques (mémoire,
visualisation, etc.) souvent appréhendées selon une conception facto-
rielle. Quelques tests traitent de la créativité, de l’intelligence pratique
(adaptation à des situations sociales), des aspects dynamiques et évo-
lutifs de l’intelligence (cf. Bernaud, 2000).
– Les tests de personnalité ont pour objectif de mettre en évidence des
traits ou dispositions personnelles relativement stables ou reliées à des
situations d’interaction sociale, et de dresser des typologies différen-
ciatrices. On y traite les données selon des approches factorielles, des
modèles typologiques (trouver le type dominant) ou encore à partir des
inventaires de personnalité, plus empiriques encore (cf. Bernaud, 1998).

81
6. Les instruments du bilan de compétences

■ Selon leur but


Un même test peut être utilisé dans plusieurs buts qui sont plus ou moins
difficiles à atteindre. Ces buts dépendent eux-mêmes de la destination du
test : ils varient selon qu’ils sont destinés à des tiers susceptibles de prendre
une décision concernant la personne testée, à des scientifiques ne cherchant
que des processus généraux et travaillant en anonymat, ou à la personne
directement concernée elle-même, comme dans le bilan de compétences.
– Décrire : un test permet d’abord de décrire un état, une situation, une
dimension psychologique prise en compte dans ses limites de validité.
Par exemple il mesure un seuil de sensibilité, de perception, ou de
douleur perçue. On obtient donc un fait, une donnée mesurée, qui
informe sur un état de la situation. On voit ou non, on sait résoudre
tel type de problème ou non, ou seulement une partie, etc. Il s’agit
donc d’une activité d’ordre descriptif, à partir d’une grandeur définie
et mesurée par un instrument étalonné : on obtient par exemple un
point sur un axe qui peut varier du plus grand au plus petit (mesure
numérique), du plus au moins (mesure ordinale), ou du tout au rien
(oui/non, existence/absence : mesure nominale).
– Classer : un deuxième but des tests, donné dès la définition, est de
classer les mesures obtenues les unes par rapport aux autres. On peut
ainsi situer les résultats d’un individu par rapport à ceux d’une popu-
lation définie. On construit donc des catégories (par exemple par
déciles ou classes comprenant 10  % des sujets de la population de
référence) et on positionne un résultat particulier dans la classe qui lui
correspond (Si la note ou la mesure obtenue par quelqu’un se situe au
même niveau que celles obtenues dans le 2e décile, on sait que cette
note se trouve dans les premiers 20 % de la population de référence).
Ce classement statistique est généralement perçu sur un plan évalua-
tif, sachant qu’il vaut mieux être « bien » classé. On se trouve donc
confronté à un glissement de sens, quasi automatique, avec le passage
à une valorisation sociale de la mesure relative obtenue. Ce jugement
peut avoir des conséquences importantes lorsqu’il fonde une décision
sur autrui. Il induit aussi une représentation positive ou négative rela-
tivement à la personne concernée. Mais il peut aussi entraîner par
retour une modification de la représentation du sujet sur lui-même
(appelée auto-perception) qui se situe par rapport aux autres dans un
processus de comparaison sociale.
Si dans le bilan de compétences, la crainte d’être jugé par autrui et
celle d’être choisi ou rejeté sont limitées, les résultats de tests peuvent

82
cependant induire une comparaison à autrui. On peut faire l’hypothèse
que cette comparaison externe va à l’encontre d’une centration sur soi,
même si elle fait partie d’une représentation portant en partie sur le sen-
timent d’identité. Il est donc nécessaire pour le conseiller de relativiser
les conclusions d’un test et de les intégrer à une réflexion d’ensemble
sur la personne où l’aspect évaluatif est à minimiser au profit d’une
analyse sur les compétences et les orientations possibles de l’intéressé.
On aborde là une question assez délicate qui inclut la façon dont les
résultats de tests vont être perçus, intégrés ou rejetés, par la personne
concernée, en fonction du différentiel entre ses attentes et les données
recueillies. On se trouve typiquement à un moment d’attention focali-
sée sur soi où des dimensions impliquantes peuvent être reconsidérées
et restructurées. Ce qui importe est donc moins le résultat du test lui-
même que la façon dont la personne va l’utiliser pour revoir ou seu-
lement prendre en compte des aspects d’elle-même qu’elle pourra ou
non mettre en relation avec sa situation professionnelle, ses attentes,
ses compétences, ou ses projets.
– Prédire : un troisième but, souvent associé aux tests, est d’établir une
prévision. Cet aspect prédictif, à la fois attendu et craint dans la repré-
sentation populaire, ne repose en fait que sur l’établissement d’une
probabilité statistique et un raisonnement logique supposant une sta-
bilité des facteurs psychologiques dans une situation identique. C’est
sans doute l’utilisation la plus contestée des tests dans la mesure où
elle tend à prédéterminer les limites de toute activité future et à réduire
la possibilité de toute évolution ou de tout développement. Le sujet se
trouve alors dans un champ délimité d’où il ne peut sortir, ce qui ren-
force le côté jugement absolu sur un état de l’individu lorsqu’on est en
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présence d’une utilisation non professionnelle des tests. Cependant,


il reste que des tests, notamment sur le plan psychomoteur, peuvent
servir dans la prévention des accidents et jouer un rôle non négli-
geable pour la sécurité des personnes placées dans certaines situations
à risques, comme dans le sport ou le travail.

■ Selon la méthode
Une troisième façon de classer les tests peut être effectuée selon leur
méthode.
Les uns sont construits autour d’une tâche à réaliser, qu’elle soit
cognitive ou manuelle, en situation réelle ou transposée. Il existe donc
des réponses meilleures que d’autres. Le résultat obtenu est en général

83
6. Les instruments du bilan de compétences

mesuré de façon quantitative selon une échelle numérique ou ordinale


et permet de situer la note en terme de performance soit par rapport à
une norme, soit par rapport à un groupe ou population de référence.
Les autres visent principalement à ce que les sujets s’expriment et
indiquent de cette façon des informations sur eux. Il n’y a donc pas, en
principe, de bonnes ou de mauvaises réponses, de réussite ou d’échec.
C’est le cas des questionnaires (d’opinion ou encore de personnalité),
des tests d’auto-évaluation (où l’on demande un avis, un sentiment, un
jugement sur des dimensions données), et aussi des tests projectifs qui
permettent l’expression d’aspects de la personnalité.
Selon le degré de définition des notions traitées, les mesures peuvent
prendre des formes quantitatives ou plus qualitatives. On se trouve le
plus souvent en présence de catégories verbales, rassemblées par oral ou
par écrit, même lorsqu’il s’agit de réagir non à des phrases mais à des
images, des dessins ou des situations évoquées.
Se pose le plus souvent le problème du caractère univoque de la dimen-
sion traitée à partir de réponses composites. Et les limites des interpré-
tations sont d’autant plus difficiles à définir que les critères de référence
sont plus flous. Avec ces tests, il est indispensable que le conseiller ait des
compétences élevées en psychologie, surtout pour éviter de donner des
conclusions ou des extrapolations erronées ou inopportunes.

Les tests et instruments utilisés


dans le bilan de compétences
En France, les principaux éditeurs de tests sont :
– ECPA1 (Éditions du Centre de psychologie appliquée). 25, rue de la
Plaine. 75980 Paris cedex 20. www.ecpa.fr.
– SHL. 98, avenue de Villiers. 75017 Paris. www.shl.com.
– Hogrefe France. 75, avenue Parmentier. 75011 Paris. www.hogrefe.fr.
En Belgique, le principal éditeur est ATM. Applications des tech-
niques modernes. Sentier Castiaux 15. 1440 Braine-le-Château.
Tel. : 32 (0)2 366 97 68.
En Suisse : www.testzentrale.ch ; au Canada : www.psychometrics.com ;

Les tests de psychologie sont en principe réservés aux psychologues


diplômés. Leur utilisation est soumise au copyright.

1 Les ECPA distribuent maintenant les tests des EAP (Éditions d’Applications Psychotechniques).

84
Les tests les plus utilisés dans le bilan sont : les tests d’intérêts et
de motivation, les tests d’aptitudes, les tests de connaissance géné-
rale et les questionnaires de personnalité.

■ Les tests d’intérêts et de motivation


Les tests d’intérêts et de motivation permettent d’analyser les intérêts
professionnels, les motivations, et de définir les évolutions profes-
sionnelles.
– On trouve par exemple le test IRMR d’inventaire des intérêts profes-
sionnels, de Bernaud et Priou, aux EAP. Il vise à repérer et à analyser
les centres d’intérêts et s’utilise pour tous les publics.
– Le QMA, questionnaire de motivation à l’action (Aubret, EAP), per-
met de repérer et d’analyser les motivations à s’investir en formation ;
il s’applique surtout aux jeunes.
– Le SCP est un questionnaire qui traite du sentiment de compétences
(Bernaud, EAP). Utilisable pour tous publics, il mesure et analyse le
degré de confiance dans ses capacités professionnelles.
– Le QVP (Super, ECPA) est un questionnaire pour adultes qui traite des
valeurs et des attentes professionnelles.
Il existe aussi des questionnaires réalisés par les centres de bilan en
vue d’explorer les caractéristiques des parcours antérieurs et des expé-
riences passées, négatives ou positives.
Il faut y ajouter les grilles plus classiques permettant de recueillir les
diplômes, les évaluations et les attestations de formation, utiles pour
établir un dossier de validation des acquis, élaborer un portefeuille de
compétences, mais aussi pour favoriser chez l’intéressé une prise de
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conscience de ses compétences et de ses possibilités.


On notera que les tests d’intérêts professionnels et de motivation
sont parfois considérés comme peu prédictifs étant donné l’instabilité
potentielle des dimensions visées et la difficulté à hiérarchiser des goûts
ou des souhaits.
Cependant, leur mode d’administration et leurs objectifs peuvent
être revus : s’ils sont peu performants pour prédire, ils peuvent être réu-
tilisés comme un point de départ à une réflexion personnelle. Cette
réorientation a l’avantage de réduire leur aspect catégorisant et de don-
ner une place plus importante à l’activité de l’intéressé qui cherche à
découvrir et à clarifier ses potentialités (cf. Botteman, 1997, Lemoine,
1997) (cf. aussi la fiche pratique en fin de chapitre).

85
6. Les instruments du bilan de compétences

■ Les tests d’aptitudes


Plusieurs tests sont d’un emploi assez facile et réalisables avec des publics
de niveaux variés. On peut citer par exemple :
– Le NV 7 (de Priou et Bernaud, aux EAP) : il permet d’évaluer les capa-
cités d’apprentissage globales et spécifiques pour certains domaines
d’activité. Il est accessible pour des personnes de niveau peu élevé.
– Le BV 8 et BV 16 (de Bonnardel, aux EAP)  : il permet d’évaluer les
aptitudes verbales.
– Le R 85 (de Rennes, aux EAP) : il traite du raisonnement global.
– Le SPM (de Raven, aux EAP) : c’est également un test de raisonnement.
On peut ajouter à ces tests les observations par mise en situation, qui
renvoient aux essais professionnels et aux épreuves comportementales,
généralement peu utilisés dans les bilans.

■ Les tests de connaissance générale


Les tests de connaissance générale sont assez peu utilisés dans le bilan,
en raison surtout de leur dépendance avec des caractéristiques prove-
nant de milieux culturels spécifiques, et de leur présentation relative-
ment scolaire (de type questions-réponses) qui peut provoquer un rejet
pour des publics se trouvant en échec par rapport à la formation. Ils sont
trop assimilables à un examen classique.

■ Les tests de personnalité


Les tests de personnalité les plus facilement utilisables sont en général
des tests d’auto-évaluation à partir de listes de mots par rapport aux-
quels les sujets se situent. À ce titre, ils sont relativement «  transpa-
rents », c’est-à-dire qu’ils laissent percevoir ou entrevoir les dimensions
de la personnalité qu’ils passent en revue.
Cependant, cet aspect, qui peut être vu comme une limitation de leur
validité objective, peut aussi procurer des avantages dans le cadre du bilan :
en effet les sujets peuvent les utiliser comme une incitation à une réflexion
sur leur propre image, par auto-attention focalisée, et le conseiller a la
possibilité d’accompagner ce processus en facilitant l’expression de l’in-
téressé par rapport à son image personnelle et sociale. On se trouve alors
typiquement dans le cadre d’une réutilisation des tests au profit d’une
clarification sur soi réalisée conjointement par le conseiller et l’intéressé.
C’est le cas également avec les listes d’auto-évaluation sur les intérêts
et sur les compétences, qui permettent au bénéficiaire d’analyser avec le

86
conseiller les préférences et les savoir-faire, et de prendre conscience à la
fois de certaines compétences non prises en compte jusque-là et de cer-
taines limites : quand on connaît mieux ses capacités et ce qui convient le
plus, on peut davantage s’orienter et construire un projet cohérent qui a
davantage de chances de réussir.
Cependant, plus encore avec les tests de personnalité qu’avec les
autres, il est important d’éviter une lecture normative et comparative des
données recueillies, qui risque de figer ou de stigmatiser des représenta-
tions de soi en terme d’états non modifiables, voire de faire penser que
l’on se trouve psychologiquement anormal ou malade psychiquement.
Cette orientation médicale et normative sort explicitement du cadre des
bilans de compétences.
Quand des interprétations précises sont possibles, il est à la fois
nécessaire que le conseiller maîtrise parfaitement son domaine et qu’il
ne transforme pas la situation en analyse thérapeutique. C’est notam-
ment le cas avec les tests projectifs, qui demandent sans doute un autre
cadre que le bilan et plus de temps pour être développés avec profit pour
les intéressés, sachant que le travail lié à une interprétation profession-
nelle de qualité est long et complexe.
Parmi les tests utilisés, on peut citer :
– le 16 PF 5 de Cattell (aux ECPA) qui permet de repérer et d’analyser
son mode de fonctionnement personnel ;
– le QPPL (de Permatin Legrès)  : il suscite une auto-évaluation de la
personnalité et s’applique surtout aux jeunes ;
– l’IPV ou inventaire de personnalité des vendeurs (aux ECPA) : il per-
met d’évaluer les capacités commerciales ;
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– de nombreux autres tests de personnalité sont disponibles sur le mar-


ché (par exemple, le MMPI, ou encore les big five, construits selon
une approche factorielle proposant cinq grands facteurs de la person-
nalité : extraverti, aimable, consciencieux, stable, ouvert). On remar-
quera que la simple lecture des intitulés des dimensions évoquées
n’est pas sans être chargée de connotations évaluatives ou normatives
sur lesquelles il est préférable d’être prudent.
L’utilisation des tests de personnalité est une pratique relativement
fréquente et étendue dans le cadre des recrutements ou des situations
de sélection. Toutefois, il serait nécessaire de se demander si ces dimen-
sions de la personnalité sont bien corrélées avec les compétences recher-
chées pour l’exercice d’un métier. Les traits de personnalité sont plus

87
6. Les instruments du bilan de compétences

souvent corrélés avec des modèles évaluatifs de normes sociales (qui


renvoient à des conduites de soumission, de persévérance dans la tâche,
ou d’acceptation de normes) qu’avec des compétences professionnelles
effectives, mesurables en termes d’efficacité.

Modes d’utilisation des tests dans le bilan


Les instruments de mesure disponibles sont en général élaborés en relation
à un cadre théorique de référence qu’il est nécessaire de connaître. D’autre
part leur validation s’est effectuée par rapport à une population type, et il
est donc préférable de savoir si leur utilisation pour une personne particu-
lière est bien adaptée et correspond au niveau moyen de cette population
parente. Mais plus encore, les tests sont établis pour classer un individu
par comparaison à elle. Or, en cours de bilan, l’objectif recherché n’est pas
d’abord de réaliser un classement, celui-ci accentuant à juste titre l’impres-
sion d’évaluation. Il est de permettre à l’intéressé de découvrir des caracté-
ristiques personnelles ou d’en prendre conscience. Il est donc souhaitable
de reconsidérer l’utilisation standardisée et rigide des tests.
En particulier, il importe plus de susciter une réflexion sur soi que
de donner ou d’imposer une image toute faite. Cette perspective est
facilitée par les tests d’auto-évaluation où les sujets apportent en répon-
dant des éléments correspondant à des aspects d’eux-mêmes. Il est dès
lors pertinent de partir de ces éléments pour susciter une réflexion plu-
tôt que de les utiliser comme des résultats intangibles. Cette démarche
demande notamment de ne plus chercher à cacher ce que vise le test,
et qui en fait n’est pas vraiment masqué, et au contraire d’expliciter
les dimensions prises en compte afin qu’elles deviennent le support
même de la progression recherchée. Dans ce cadre, le test par lui-même
et les données qu’il fait émerger sont à utiliser comme une aide à l’auto-
analyse (cf. chap. 7), et non plus comme une fin en soi.
Dans une recherche récente (Lemoine, Goby, 2003) sur l’utilisation dif-
férente d’un test de personnalité (16 PF 5 de Cattell), on a vérifié que le
rappel et l’appropriation des résultats ainsi que le nombre de propositions
personnalisées énoncées sur soi sont nettement plus importants que suite
à une passation habituelle avec résultats donnés, lorsque le conseiller expli-
cite les dimensions et permet au sujet de produire lui-même ses propres
réponses à partir d’elles. On obtient ainsi une auto-description plus fournie
quand le test devient un support méthodique permettant de se centrer sur
des aspects de soi, et ne vise plus d’abord à établir un profil de l’extérieur.

88
Fiche pratique
Un mode d’utilisation d’un test d’intérêts
professionnels (IRMR)

Étapes :
– recueil d’informations biographiques (pour mieux comprendre la suite),
– présentation de la typologie (avant de répondre aux items),
– appropriation des dimensions du test (à partir d’exercices par scénarios),
– auto-estimation relatives aux types (réponses aux items),
– correction du test avec la personne concernée et présentation des échelles,
– synthèse des résultats, explicitation et travail à partir de la restitution.
Dans une autre recherche sur le mode de restitution relatif à un questionnaire
de motivation (QMA) (Masselin, 2001), il apparaît que le co-dépouillement avec
reformulation dans un système interactif conduit à un sentiment de satisfaction
plus grand, à une meilleure appropriation de la démarche et à une réflexion plus
poussée sur soi, et ce par rapport à une restitution classique des données en
fonction des types dominants apparents.

L’essentiel

 Dans leur utilisation standard, les entretiens visent à obtenir


de l’information de façon unilatérale de la part des sujets.
 Les tests servent à décrire, classer par rapport à autrui,
et prédire. Cela crée une situation d’emprise par analyse
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où la personne, placée dans une relation dissymétrique


et peu engageante, se sent étudiée, répertoriée, évaluée.
 Dans le bilan de compétences, ces méthodes sont mises
à la disposition du bénéficiaire qui peut les utiliser pour clarifier
sa situation, repérer ses possibilités, et générer une réflexion
sur soi et une prise de conscience, le conseiller
étant alors au service de cette démarche personnelle.

89
Chapitre 7

Compétences,
mode d’intervention
et déontologie
des conseillers-bilans

Résumé

 L’analyse de l’intervention auprès d’une personne


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qui est conduite à fournir de l’information impliquante


sur elle-même permet de dégager les règles de déontologie
des conseillers dans les bilans de compétences.
 Confidentialité, transparence de la démarche
et participation lucide du bénéficiaire, accès à ses résultats
et appropriation des données sont autant d’options
déontologiques qui définissent le mode d’intervention
des conseillers-bilans.

91
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

La déontologie relève des règles professionnelles qui régissent les rap-


ports aux personnes lorsqu’il y a intervention sur elles personnellement
ou sur leurs biens. C’est ainsi qu’en psychologie, l’une des références
fondamentales consiste à ne pas nuire à autrui. Mais ces interdictions,
générales et négatives, sont à préciser en rapport aux activités profes-
sionnelles précises et effectives. C’est en cela que la déon-tologie gagne
à s’appuyer sur la compétence mise en œuvre. Il est donc nécessaire de
mettre en évidence les options déontologiques qui régissent le bilan de
compétences en explicitant les moyens professionnels mis en place non
seulement pour ne pas nuire mais afin de permettre aux personnes de se
développer. Cette orientation mise délibérément à leur service conduit
à revisiter les modes d’intervention du conseiller et les formes d’utilisa-
tion des moyens et des connaissances scientifiques dont il dispose.

La déontologie
s’appuyant sur la compétence
C’est une demande légitime venant de tout utilisateur de la psychologie
que les psychologues se réfèrent à une déontologie. Celle-ci, dans ses
principes généraux, suppose de respecter et de protéger l’intégrité des
personnes, notamment dans l’exercice professionnel. Cependant des
questions d’application se posent et ont donné lieu à des règles plus ou
moins contraignantes selon les pays.
Mais des spécificités apparaissent aussi en fonction des domaines
de la psychologie, en particulier par référence aux actes réalisés. En
psychologie clinique par exemple, on peut plus facilement chercher
à définir un acte sur le modèle de l’acte médical ou infirmier, même
si cela n’est pas toujours possible. Mais en psychologie du travail, les
activités ne peuvent pas être réservées pour une profession donnée : il
n’y a pas nécessité de faire appel à un psychologue pour embaucher
quelqu’un, pour faire des choix entre plusieurs candidats ou pour don-
ner des conseils d’orientation. Le psychologue n’a pas l’exclusivité de
son type d’intervention. Il n’est donc pas possible de réserver ces acti-
vités à une catégorie de professionnels qui garantiraient les principes
déonto-logiques d’une pratique.
Mais ce n’est pas pour cette raison qu’il ne faut pas défendre des
règles déontologiques dès lors que des aspects importants des personnes
sont en jeu. Cela est d’autant plus nécessaire que certaines méthodes ou

92
instruments sont utilisés : il faut savoir s’en servir pour éviter des usages
abusifs, des conclusions erronées ou seulement une utilisation inadé-
quate. De même que l’on ne peut confier une activité de niveau élevé au
premier venu, de même on peut penser qu’il est nécessaire d’avoir une
compétence sûre et validée pour s’occuper de la psychologie des per-
sonnes et leur garantir un service de qualité qui ne pourra pas leur nuire.
On voit déjà par là que le respect d’une déontologie s’appuie sur une
compétence professionnelle. C’est ce que nous avançons dans l’Asso-
ciation Internationale de Psychologie du Travail de Langue Française.
À défaut, les règles déontologiques risquent de se réduire à la défense
corporatiste d’une profession qui chercherait seulement à se protéger de
l’extérieur en raison de son manque de crédibilité.
Toutefois, la situation n’est pas si simple, car il est exact que le psy-
chologue doit aussi être défendu afin qu’il puisse exercer sa profession
sans la pression de ceux pour qui il travaille.
En effet, une autre différence importante avec l’exercice libéral du
psychologue clinicien, tient à ce que le psychologue du travail se trouve
non pas dans une relation duelle, de type médecin-patient, mais dans
une relation triangulaire, ou à trois pôles : il travaille souvent pour un
tiers institutionnel par qui il est payé tout en rassemblant des informa-
tions psychologiques sur des individus, celles-ci devant être transmises
à l’employeur.
Il est alors nécessaire de définir les rapports et les conditions de trans-
mission de l’information prise sur le sujet humain. D’un côté elle lui
appartient et ne devrait pas être divulguée, mais de l’autre il est sou-
vent clair pour tous dès le départ qu’elle servira à préparer des choix
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qui porteront sur la personne concernée, comme en matière de recru-


tement. Dans ce cadre, l’exigence déontologique est double : il faut à la
fois protéger le sujet étudié afin de sauvegarder le côté confidentiel des
informations implicantes mises à jour, et protéger le psychologue afin
qu’il garde son autonomie professionnelle et ne se transforme pas en
service de renseignement systématique sur la personnalité de ceux qu’il
examine, au profit du tiers qui le rémunère.
Ces exigences, liées au mode d’intervention du psychologue qui
accède à une information scientifique d’autrui, se concrétisent aux dif-
férents moments de la prise de connaissance sur les personnes  : elles
portent dès le départ sur la représentation de la destination des infor-
mations données sur soi, puis sur les conditions mêmes de la prise

93
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

d’information, appelée souvent «  passation  », enfin sur la question


de la transmission des informations impliquantes recueillies : quelles
sortes d’information ? Et adressées à qui, l’intéressé lui-même ou le tiers
employeur ?
Afin de respecter et de faire valoir des règles de déontologie cor-
respondant à ces trois aspects de la gestion des informations et des
connaissances sur autrui, il est nécessaire que le psychologue se posi-
tionne en professionnel compétent, montrant qu’il a réfléchi sur les
méthodes qu’il utilise et sur les conséquences qu’elles peuvent entraîner
(cf. Lemoine, 2000).

La gestion de la perception
de la destination de ces informations
L’aspect le plus visible est souvent celui de la perception des consé-
quences d’une situation d’évaluation des personnes. En effet ceux qui
sont évalués savent généralement que les informations qu’ils donneront
sur eux vont être utilisées pour prendre des décisions qui les concer-
nent directement. Il apparaît assez clairement que la connaissance d’au-
trui, de ses caractéristiques, de ses goûts ou de ses aptitudes, exerce une
emprise, donne du pouvoir ou augmente la capacité d’action sur ceux
qui sont connus. C’est ce qui est étudié dans le modèle théorique de
« l’emprise analytique » (Lemoine, 1994).
Par exemple, connaître les goûts ou les habitudes de consommation
de quelqu’un permet de lui proposer des objets susceptibles d’être ache-
tés par lui ou de rendre plus efficace une publicité. La connaissance des
compétences d’une personne peut devenir un élément déterminant lors
d’une décision d’embauche ou en vue d’une évolution professionnelle.
Parfois le seul repérage nominal associé à des données personnali-
sées et rassemblé dans un fichier informatique peut entraîner des consé-
quences pour l’individu visé, et celles-ci peuvent lui être préjudiciables,
comme dans le cas d’un dossier, scolaire ou professionnel, établi sur
quelqu’un, et qui le suit à son insu.
Ces conséquences sociales possibles sur les individus concernés justi-
fient la protection des personnes et la nécessité d’un secret professionnel.
Mais en psychologie, les conséquences ressenties peuvent apparaître
avant même que l’effet soit produit  : la seule représentation de cet
effet possible peut provoquer un résultat. L’anticipation de l’effet peut
déclencher le phénomène lui-même.

94
Ainsi on a pu montrer que des réponses normatives, de complai-
sance, diminuaient en situation d’anonymat tandis qu’elles augmen-
taient lorsque le nom était indiqué. Dans le même sens, les informations
données par les sujets sur eux-mêmes varient selon la destination des
données perçue par eux  : l’évasivité des réponses est moindre lorsque
l’objectif des questions est d’ordre général (à but scientifique) et lorsqu’il
permet aux sujets de participer à l’étude.
De la même façon encore, on sait que des questionnaires distribués
par le supérieur hiérarchique ne donnent pas le même taux de réponse
ni les mêmes résultats que lorsqu’ils sont présentés sous forme anonyme
par un professionnel de la psychologie qui est indépendant du système
d’organisation.
Ces données conduisent à remarquer que les conditions qui entou-
rent la passation de tests, de questionnaires ou d’entretiens, sont impor-
tantes à prendre en considération, car elles portent à la fois sur les règles
déontologiques et sur le contenu même des résultats obtenus. On peut
ainsi conclure que la perception des finalités du recueil d’information
sur autrui fait partie de la démarche elle-même. Il est nécessaire que ce
recueil soit réalisé par un professionnel de la psychologie qui associe
l’exigence déontologique et la réduction des distorsions dues à l’antici-
pation de l’utilisation des réponses, élaborée par les répondants.

La situation de prise d’information


ou temps de la « passation »
Si la seule perspective de répondre à des questions impliquantes inter-
vient sur la formation des réponses et sur l’aspect déontologique de la
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situation, il n’est pas étonnant que les conditions mêmes de la passa-


tion jouent également. On remarque d’ailleurs que le mot « passation »
évoque le côté généralement dissymétrique de ceux qui subissent la
situation.
Les recherches sur « l’emprise analytique » ont montré que les indivi-
dus sont sensibles au fait de devoir exprimer et dévoiler des informations
portant sur eux. Ils se trouvent mal à l’aise, embarrassés, ils hésitent
dans leur discours, et ils cherchent à éviter de donner des informations
implicantes. Ces phénomènes sont accentués dans des situations dissy-
métriques où les sujets subissent les questions comme un interrogatoire.
Mais à l’inverse, dès qu’ils le peuvent les sujets cherchent à s’approprier
les indices ou les critères leur indiquant sur quoi porte le questionnement.

95
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

Cela signifie qu’ils ne sont pas passifs et qu’ils essaient d’augmenter le


contrôle de la situation et de réduire le plus possible le fait d’être connus et
catégorisés. Cette activité est à reconnaître comme telle, et elle peut même
être développée en apportant des indications aux sujets sur la situation de
passation. Dans ce cas il apparaît que les individus se trouvent plus à l’aise
et s’approprient les informations nouvelles qu’ils contribuent à apporter
sur eux. Il se produit alors un phénomène d’auto-connaissance à partir de
l’attention que les sujets portent aux éléments qui se trouvent focalisés par
l’analyse scientifique.
Faire participer les sujets à l’analyse de leur conduite ou de leurs
opinions, c’est-à-dire les associer à la démarche scientifique elle-même,
transforme la situation de passation  : celle-ci n’est plus considérée
comme une relation d’autorité dans laquelle les sujets doivent se sou-
mettre aux consignes, mais elle devient un lieu d’interaction particulier
où le conseiller et l’intéressé découvrent ensemble des éléments nou-
veaux qui concernent ce dernier.
Plusieurs recherches (Lemoine et Akotia, 2006) ont montré que les
questions peuvent servir au bénéficiaire à expliciter sa réponse (au lieu
de cocher seulement une case) et que cette méthode lui permet une
autoréflexion qui augmente la rétention de l’information donnée, son
acceptation et une appropriation de la dimension considérée.
Dans ce cadre, la «  passation  » change ses caractéristiques  : elle
constitue moins une contrainte rigide, sous la forme d’un commande-
ment imposé pour raison d’objectivité, et se transforme davantage en
un lieu d’échanges approfondis où les acteurs en présence font émerger
des informations nouvelles sur l’un d’eux.
C’est ainsi que l’exigence de participation des sujets à la démarche scien-
tifique les concernant modifie à la fois la situation de passation, le contenu
des données recueillies et la conception théorique même des sujets qui sont
alors supposés capables de comprendre quelque chose sur eux et sur leur
fonctionnement, activité réservée jusque là aux scientifiques.
Cette orientation implique une reconnaissance des sujets comme des
acteurs pouvant participer à la découverte et donc à la connaissance de
leurs propres compétences, aptitudes ou manières de se conduire ou de se
concevoir. Elle demande de passer d’un modèle reposant sur des méthodes
imposées à un modèle incluant une participation des sujets concernés,
reconnus susceptibles d’accéder à certaines formes d’auto-analyse, c’est-à-
dire capables d’un minimum de réflexion et d’action sur eux-mêmes.

96
Il en ressort que l’approfondissement des méthodes et la recherche
sur les conditions de passation assurent à la fois une augmentation des
compétences professionnelles et une amélioration des aspects déonto-
logiques selon lesquels les sujets sont mieux considérés et respectés au
cours même de la démarche de recueil des informations.

La transmission des résultats


de l’analyse psychologique
Il est logique que cette conception se retrouve également dans la der-
nière partie de la démarche scientifique, celle correspondant au rassem-
blement et à la construction des résultats.
Cependant il arrive encore trop souvent que les intéressés soient
tenus à l’écart des informations et des résultats recueillis sur eux. Il est
fréquent par exemple, dans les administrations ou les organisations
privées ou publiques, que l’accès aux dossiers personnels ne soit pas
facile ou soit même impossible, alors que ces dossiers comportent des
éléments d’informations systématiques, informatisés ou non, qui prépa-
rent ou appuient des décisions concernant les intéressés.
Ces dossiers sont parfois constitués à l’insu des intéressés, ce qui pose
plusieurs problèmes.

Inconvénients des dossiers


En plus du fait de permettre des décisions sur eux sans aucune concertation, ils
favorisent aussi la constitution de catégorisations sociales qui risquent d’enfermer
les individus dans des images pseudo-scientifiques, comme on l’a montré à pro-
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pos d’une simple connaissance de la catégorie socioprofessionnelle du père ou du


niveau de QI. Ces seules variations attribuées à un sujet cible ont modifié les repré-
sentations de l’ensemble du personnage, ont conduit à des généralisations y com-
pris sur des aspects non mentionnés comme la personnalité, ont transformé les
attributions de causalité et les solutions à adopter pour la suite (Lemoine, 1992). ■

Il en ressort que les résultats d’analyse portant sur autrui peuvent


avoir une vie propre et entraîner des répercussions sur le cours de la vie
des personnes concernées.
À l’inverse, les résultats d’analyse peuvent être mis à la disposition
des intéressés, ce qui correspond à un progrès déontologique fondé sur
le fait de reconnaître aux sujets le droit et la capacité à accéder à des
connaissances psychologiques les concernant.

97
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

Plusieurs formes de transmission de l’information sont possibles.


Celle qui paraît la plus évidente consiste à restituer à l’intéressé les
conclusions portant sur lui. Incidemment, le mot « restituer » suggère
qu’on les lui avait prises et qu’on les lui redonne. Indéniablement il
s’agit là d’un effort de transparence qui réduit la détention unilatérale
d’informations sur autrui.
Toutefois, ce compte-rendu peut provoquer parfois des surprises, des
déceptions, ou seulement de l’incompréhension. Il est donc nécessaire
de se préoccuper des conditions de sa réception afin d’éviter un choc
psychologique possible.
On a vérifié par exemple qu’une information scientifique donnée
de l’extérieur à des sujets sur eux-mêmes, sous forme de retour sans
modification du contenu, peut induire un rejet de l’image proposée et
une modification de l’opinion antérieurement exprimée. De même le
sentiment d’évaluation associé à une conclusion considérée comme
scientifique, et partant intangible, peut susciter une non acceptation ou
un refus poli.
Il est ainsi préférable de ne pas imposer des affirmations finales qui
sont ressenties comme un verdict ou comme une ingérence dans les
domaines personnels.
Des travaux indiquent que la participation à la démarche, l’appro-
priation de la méthode utilisée (Lemoine, 2001), et la découverte pro-
gressive d’informations sur soi facilitent l’acceptabilité de l’information
implicante reçue. On se trouve alors dans un mode d’interaction diffé-
rente de la simple transmission d’une information extérieure, scienti-
fique ou non. Les résultats de tests ou d’analyse n’ont pas ici de sens en
eux-mêmes, ils ne prennent de la valeur pour l’intéressé que si celui-ci
les découvre en participant avec méthode à leur élaboration, et de ce fait
acquiert la capacité de les faire siens, de les structurer par rapport à ce
qu’il sait déjà de lui. Il est donc nécessaire que l’intéressé puisse s’appro-
prier les données le concernant en participant à leur élaboration, ce qui
suscite alors un effet d’auto-formation personnelle.
On se trouve alors éloigné d’une simple interdiction de nuire ou
d’une limitation de l’analyse réalisée sans l’accord de l’intéressé. Dans
la perspective d’une association du sujet à la démarche scientifique, on
crée un processus d’auto-attention focalisée qui est formatrice.
Dans cette conception, on passe d’une déontologie défensive à
une déontologie constructive qui valorise la place du sujet étudié.

98
Dans ce cadre, le professionnel se doit non seulement de maîtriser
ses modèles et ses méthodes scientifiques mais aussi de veiller à asso-
cier les individus à la démarche et aux résultats. Il passe ainsi d’un
rôle d’expert extérieur, quelque peu autoritaire ou professoral, à celui
d’un accompagnateur qui s’occupe de faire progresser l’intéressé par
lui-même plutôt que de lui imposer des conclusions le concernant,
fussent-elles scientifiques.

Les options déontologiques


dans le bilan de compétences
Au vu de ces considérations sur les options déontologiques issues de la
compétence et de la réflexion professionnelle du psychologue, il apparaît
que le bilan de compétences se trouve situé dans les meilleures condi-
tions possibles pour apporter des connaissances sur eux-mêmes aux inté-
ressés et pour assurer une démarche respectant les règles déontologiques.
Dans les trois moments considérés ci-dessus, le bilan de compétences
donne en effet la première place aux personnes concernées.

Présentation de la démarche
et des perspectives pour le bénéficiaire
La présentation claire des objectifs du bilan, l’assurance que les don-
nées recueillies ou échangées ne seront mises qu’à la seule disposition
du bénéficiaire, la vérification que celui-ci est bien volontaire pour
entreprendre la démarche et les explications apportées sur les diffé-
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rentes étapes du bilan placent dès le départ l’intéressé en position d’ac-


teur et lui offrent des garanties sur les perspectives et les conséquences
du bilan.
Évidemment cette mise en confiance qui permet à la fois de rassu-
rer le bénéficiaire et d’obtenir de lui une coopération plus importante,
notamment sur le plan des informations sur lui qu’il accepte de donner,
ne doit pas être démentie par la suite. À défaut, le bilan deviendrait un
piège dans la mesure où des promesses, non tenues, ne serviraient qu’à
endormir la vigilance des personnes concernées.
Dans le même sens, il faut noter qu’il ne suffit pas d’informer de la
suite des événements, même si cela constitue déjà un progrès sur le fait
de cacher les objectifs effectifs. Il faut encore que l’intéressé puisse avoir

99
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

la perspective de s’approprier les informations sur lui qu’il contribue


à produire. Cette perspective d’appropriation est un facteur important
non seulement pour obtenir la coopération des sujets mais aussi pour
montrer qu’on les prend en considération, qu’on les considère comme
capables d’accéder, au moins partiellement, à une auto-connaissance à
partir d’une analyse systématique de leur situation et de leurs compé-
tences à laquelle ils sont invités à participer.
C’est en ce sens que l’annonce de la démarche qui comprend l’ac-
cès par les bénéficiaires aux informations sur eux-mêmes transforme
la logique de conception d’une démarche scientifique classique qui
se fonde sur la rupture radicale, épistémologique, entre observateur et
observé. Dans le cas du bilan de compétences, comme dans la perspec-
tive du modèle de « l’emprise analytique », le sujet humain n’est plus
seulement objet d’investigation, considéré comme incapable d’acqué-
rir une connaissance scientifique sur lui, il devient quelqu’un qui est
susceptible aussi, sous certaines conditions favorables, d’analyser et de
découvrir des éléments de lui-même et de sa situation.
Il reste cependant qu’il est nécessaire de rester vigilant sur les pos-
sibilités d’utilisation futures des informations rassemblées sur les per-
sonnes, comme celles mentionnées dans le rapport de synthèse finale
du bilan, et notamment de prévenir l’intéressé des usages divers qui
peuvent en être faits.
Dans ce cadre de réflexion, ce rapport de synthèse se trouve à la
jonction paradoxale entre un objectif de sincérité et de transparence et
un objectif de valorisation d’un dossier. Dans la mesure où il est destiné
à être utilisé comme un élément d’appréciation pour des tiers inconnus
au moment de sa rédaction, il est logique d’y adopter une attitude de
prudence et de limiter les informations aux compétences acquises ou
possibles, à valeur positive, et d’en rester à une analyse orale, donc sans
trace temporelle écrite, pour les aspects plus limitatifs.
On aborde ici un problème délicat qui vient de la diversité des utili-
sations possibles où s’opposent la perspective d’analyse et la perspective
d’évaluation et de jugement social. Si l’analyse scientifique suppose une
transparence maximale, et donc l’absence de secret, les normes du fonc-
tionnement social ne la permettent pas souvent. Il est dès lors pertinent
de se poser la question de la place respective de la transparence et du
secret professionnel en se demandant à qui l’une ou l’autre profite, et qui
doit être défendu.

100
Participation à la démarche scientifique
Un autre aspect du bilan de compétences qui apporte une avancée sur le
plan déontologique, comme sur le plan épistémique, porte sur la place
reconnue au bénéficiaire et à sa relation avec le conseiller au cours de la
démarche même du bilan.
En effet le bénéficiaire, s’il passe des tests, est associé aux étapes de
la procédure. Les méthodes utilisées pour recueillir l’information ne
restent donc pas des procédés inconnus et inaccessibles. L’intéressé
est invité à participer à la démarche et à s’approprier les éléments qui
font partie de la méthode utilisée. Cette appropriation des méthodes
(Lemoine, 2001) par ceux qui, habituellement, les subissent modifient
différentes composantes de la situation :
1. La situation de prélèvement d’information, par tests, question-
naires ou entretiens, perd son côté unilatéral et imposé ; elle est rem-
placée par un mode de relation moins dissymétrique où le sujet n’est
pas cantonné dans un rôle de cobaye ou de simple donneur de ren-
seignements sur lui, mais participe à la démarche méthodologique,
accède à l’information sur ce qui se passe et comprend les étapes qu’il
parcourt. La situation de test, de consignes, de soumission est ainsi
remplacée par une situation plus égalitaire par la participation à la
mise en œuvre des méthodes.
2. Le conseiller ne peut plus concevoir son rôle comme celui d’un
testeur, d’un agent technique (ou psycho-technique), ou d’un don-
neur d’ordre et de consignes. Il devient l’organisateur d’une démarche
d’ensemble dans laquelle il prévoit la place occupée par l’intéressé.
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Il choisit les méthodes avec lui en fonction des objectifs définis en


commun et conduit l’organisation des séances de bilan en favorisant
la participation du bénéficiaire. Il est donc nécessaire qu’il ait acquis
une somme de compétences suffisantes pour apprécier la situation
générale de celui qu’il reçoit et pour choisir et proposer une démarche
adéquate, adaptée à la demande particulière.
3. La conception de l’utilisation des outils et méthodes disponibles
s’en trouve modifiée. Ceux-ci ne sont plus des instruments pour pré-
lever une information préexistante mais deviennent un support pour
induire chez le bénéficiaire une démarche d’attention focalisée sur des
aspects qui le concernent, comme la mise en perspective de ses compé-
tences. Il en résulte que les questions de transparence des questions ou
des items changent de signification : dans une perspective classique, il

101
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

est préférable que le sujet ne sache pas sur quoi porte le test ou la ques-
tion ; et le fait qu’il le découvre nuit à la validité des résultats obtenus,
ce qui est considéré comme une faiblesse méthodologique. À l’opposé,
lorsque le test ou la question visent à susciter une auto-attention ou
une réflexion du sujet sur sa propre position, la transparence des objec-
tifs devient un atout et n’est plus un biais. Elle permet à l’intéressé de
développer des processus internes qui vont conduire à une clarifica-
tion de sa situation, de ses possibilités et de ses choix personnels.
4. Enfin, il faut encore rappeler que cette orientation qui donne accès
aux méthodes pour les sujets transforme leur statut. Ils passent d’une
position de sujets étudiés, qui subissent la démarche d’analyse réalisée
sur eux et qui attendent des résultats extérieurs, à une position où ils
sont partie prenante de la démarche, où ils interviennent activement
et où ils construisent progressivement les informations qui les concer-
nent, ce qui complète les options déontologiques en leur faveur.
Il en résulte que l’évolution de l’utilisation des méthodes change sen-
siblement la perspective scientifique classique. Le sujet n’est plus étudié
de l’extérieur à partir d’un instrument existant, il découvre avec l’aide
du conseiller une méthode pour progresser dans son questionnement
personnel. La « méthode scientifique » devient pour lui une « méthode
pour avancer avec rigueur dans l’analyse de ses compétences ».
Le bénéficiaire n’apprend donc pas seulement des informations nou-
velles sur lui, il apprend à les découvrir avec méthode grâce au soutien
du conseiller qui le guide dans cette démarche. C’est en ce sens qu’il
acquiert une nouvelle compétence, celle de savoir analyser ses compé-
tences (Lemoine, 1997). Dans cette perspective, le conseiller n’est plus
là d’abord pour donner un résultat et affirmer une conclusion, mais
pour apporter le soutien méthodologique nécessaire afin que le bénéfi-
ciaire puisse mener à bien la démarche consistant à découvrir ses com-
pétences.

L’appropriation des résultats


d’analyse impliquante
Le dernier aspect qui place le bilan de compétences dans le cadre d’une
démarche déontologique de progrès porte sur la possibilité d’accès des
bénéficiaires aux résultats de l’analyse qui les concerne.
Cependant, ces résultats en retour qui intéressent directement
l’image que se fait de lui-même le bénéficiaire, tout en tranchant avec

102
des pratiques du secret et de la non information, ne sont pas sans sou-
lever de nouvelles questions. L’une d’elles consiste à se demander com-
ment l’intéressé va recevoir cette information en retour sur lui et quels
effets elle va produire.
D’un côté des recherches sur l’apprentissage ont montré que l’accès
aux résultats permettaient aux sujets de s’adapter, d’ajuster leur conduite
et d’augmenter leur performance (Leplat, 1970). Dans une perspective
plus psycho-sociale, Lewin (1959) a vérifié que l’information sur les
résultats antérieurs modulait le niveau d’aspiration et entraînait que les
sujets se donnent des objectifs plus en accord avec les réalisations pas-
sées. On trouve donc à la fois un effet d’accroissement de connaissance
qui guide l’action, un effet de motivation, et un effet d’adaptation géné-
rale à la situation qui s’en suit.
Mais d’un autre côté, l’information scientifique portant sur l’image
de soi peut aussi provoquer des phénomènes qui risquent de déstabi-
liser les personnes concernées, surtout dans le cas où l’écart entre la
représentation antérieure ou les attentes et les conclusions obtenues est
grand. Un sentiment d’évaluation négative ou de jugement de valeur est
possible et met en cause l’équilibre personnel ancien.
Face à ce danger, plusieurs stratégies sont envisageables et en particu-
lier le fait de rejeter les résultats en considérant qu’ils n’apportent qu’un
élément partiel ou transitoire ou qu’ils sont susceptibles de comporter
des erreurs. On trouve cette conduite par exemple à partir de résultats
provenant de tests mesurant le quotient intellectuel. On peut considérer
que ce rejet ou cet essai de négation constitue une défense de l’individu
et qu’il est nécessaire de le respecter afin d’éviter une dérégulation de
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’équilibre personnel.
D’autre part, les résultats scientifiques peuvent aussi, à l’inverse, être
vus comme des vérités intangibles, des affirmations fondées qu’il ne faut
pas critiquer. Ce caractère d’autorité des conclusions scientifiques, sur-
tout quand elles correspondent à des idées socialement répandues, déjà
établies ou évidentes, peuvent accentuer des formes de catégorisations
sociales et mentales et renforcer des stéréotypes. C’est le cas par exemple
avec les catégories socio-professionnelles et la hiérarchie sociale suppo-
sée linéaire et simple qui en découle. À ce sujet, il semble utile que le
conseiller soit capable d’une réflexion suffisante sur ce qu’il induit afin de
ne pas provoquer ou renforcer des associations toutes faites entre un type
de métier et sa correspondance dans une hiérarchie de valeurs supposée.

103
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

Cela pourrait éviter par exemple une orientation vers des études longues
mais très incertaines au profit d’une formation professionnelle plus pra-
tique, peut-être au départ moins bien considérée, mais qui serait mieux
adaptée à la personne et lui apporterait plus de satisfactions en matière de
débouchés professionnels, et finalement plus de réalisation de soi.
L’une des méthodes à mettre en place pour éviter l’effet abrupt de
résultats finaux qui ressemblent toujours plus ou moins à une évalua-
tion ou à un verdict d’examen, consiste à faire participer l’intéressé à
leur élaboration et à créer une série successive de boucles de rétroaction
qui lui permettent de s’approprier progressivement les informations
nouvelles qui sont dégagées sur lui. Cette participation à la découverte
d’informations implicantes permet de gérer plus facilement les risques
de déstabilisation et de rejet, et de revenir sur des conclusions erronées
ou mal comprises afin de continuer la progression de la réflexion en
fonction du rythme et des possibilités de la personne concernée.
Ces orientations prises, non seulement sur le fait de donner des résul-
tats au bénéficiaire mais aussi sur la manière de les présenter en l’associant
aux différentes étapes du processus, font du bilan de compétences un lieu
privilégié pour traiter des questions de gestion de carrières en respectant
les sujets sur le plan déontologique et en leur apportant le cadre néces-
saire pour qu’ils puissent avoir le sentiment de prendre en mains leur
propre orientation et contrôler les choix qu’ils sont amenés à effectuer.

Questions pratiques à propos


de l’intervention du conseiller
Les conséquences de ces choix déontologiques se retrouvent logique-
ment dans la forme et le niveau d’intervention du conseiller, qui gère
plus le cadre qu’il n’influence les contenus, sur son mode d’interven-
tion, individualisée mais non thérapeutique, et sur l’utilisation du
savoir scientifique, moins imposé de façon directive que proposé en vue
d’amorcer chez l’intéressé une démarche d’auto-analyse.

Le conseil, l’influence et le cadre d’intervention


L’une des questions les plus fréquentes porte sur le rôle du conseiller-
bilan : doit-il conseiller, c’est-à-dire influencer son interlocuteur en lui
proposant telle ou telle solution ou seulement telle ou telle suggestion,

104
ou au contraire doit-il éviter de donner des conseils au risque de se
trouver incompris voire déconsidéré en raison du fait qu’il n’apporte
pas de réponse ?
On entrevoit assez spontanément que les deux voies induites dans la
question génèrent des insatisfactions. S’il intervient, il risque de se voir
reprocher d’être autoritaire, d’imposer une solution, de ne pas considérer
assez son interlocuteur, d’influencer des choix ou de prendre des direc-
tives à la place de l’intéressé. S’il n’intervient pas, il risque au contraire
d’apparaître comme ne remplissant pas son rôle, ne s’intéressant pas à la
demande qui lui arrive, voire comme manquant de compétences.
Face à ce dilemme, le rôle du conseiller dans le bilan de compétences
peut se définir à partir d’un autre registre. S’il est préférable qu’il ne
donne pas de directives en se retranchant derrière des données scien-
tifiques ou supposées telles, il lui est cependant demandé d’intervenir.
Le dispositif du bilan lui permet de se situer non pas directement sur
le contenu mais plutôt sur le registre de l’organisation de la démarche.
C’est lui en effet qui peut proposer un cadre pour organiser les étapes
au cours desquelles l’intéressé découvrira progressivement des informa-
tions sur ses compétences, sur ses possibilités par rapport à une situation
d’ensemble, sur son projet professionnel. Le conseiller se trouve ainsi
être celui ou celle qui ne donne pas de conseils mais qui met en place
un processus dans lequel le bénéficiaire sera amené progressivement à
repérer ses compétences, à effectuer des choix, à élaborer son projet.
Il devient ainsi le garant d’une démarche rigoureuse, où il apporte
ses méthodes et son savoir professionnel, mais qui en définitive est celle
du bénéficiaire.
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Il faut noter que cette façon de gérer l’intervention du conseiller


demande des compétences qui relèvent de la fonction d’un psychologue
qualifié. En effet, le conseiller se trouve dès le départ sous une double pres-
sion : celle de l’institution qui lui demande de trouver une solution rapide
essentiellement en terme d’emploi, et celle du bénéficiaire qui attend une
aide, un soutien, voire une directive sécurisante, quitte à ne pas la suivre si
elle lui semble trop radicale. Le conseiller doit savoir éviter ce double piège
en proposant une clarification de son intervention et en précisant son rôle
centré sur la méthode, tout en apportant un soutien psychologique pour
des personnes qui se trouvent souvent en situation difficile. Ainsi, l’apport
méthodique n’empêche pas le soutien, mais celui-ci ne signifie pas que le
bilan de compétences se transforme en intervention thérapeutique.

105
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

Le mode d’intervention :
clinique mais non thérapeutique
Une tendance, qui provient sans doute de la formation des psycholo-
gues et de l’application des méthodes d’écoute personnalisée des pro-
blèmes d’autrui, est de considérer implicitement le bilan comme un
centre de soins thérapeutique.
Il faut rappeler à ce propos que le bilan de compétences se situe dans
le cadre de la formation professionnelle et qu’il vise à contribuer à per-
mettre aux bénéficiaires de repérer leurs compétences en vue de les valo-
riser et de les développer. Dans cette perspective, prendre la personne
qui souhaite réaliser un bilan comme un patient serait une double
erreur : cela transformerait le dispositif d’accueil en centre de soins et
cela placerait la personne intéressée dans une position de dépendance
alors même que l’objectif est de lui permettre de s’orienter et donc de
gérer davantage par elle-même ses compétences.
Cette question conduit à réfléchir sur la notion d’aide à autrui.
Certaines formes d’aide sont susceptibles de générer leur propre repro-
duction et de se pérenniser en accentuant le côté dépendant des per-
sonnes aidées. Comme pour la question de l’influence, il s’agit ici
moins d’apporter des solutions que de proposer une méthode pour
que l’intéressé progresse. Médicaliser les problèmes revient parfois à
empêcher leur gestion dans le cadre des relations sociales habituelles
et à gêner la prise d’initiative et la dynamisation de l’action face à une
situation problème.
D’autre part, il semble nécessaire de distinguer entre deux com-
posantes trop souvent liées en psychologie  : la méthode clinique et
l’intervention thérapeutique. La méthode clinique consiste à ne s’oc-
cuper que d’une personne à la fois pour être à son écoute et pour sai-
sir sa problématique comme une situation particulière, voire unique.
Elle se trouve par là en parfaite adéquation avec l’objectif d’un suivi
individuel comme on le rencontre dans le bilan de compétences. En
revanche, l’intervention thérapeutique présuppose qu’il y a un malade
à guérir, ce qui est contraire à la perspective de considérer le bénéfi-
ciaire comme un interlocuteur à part entière, qui a toutes ses facultés
et qui peut même accéder à plus d’autonomie en apprenant à analyser
ses compétences.
Il n’est donc pas inutile d’insister sur le fait que le bilan de compé-
tences se situe dans le cadre des dispositifs de formation professionnelle

106
qui visent à développer les compétences des intéressés, et non dans celui
d’une prise en charge thérapeutique et médicalisée.
Éviter de médicaliser les questions de ceux qui souhaitent réaliser un
bilan de compétences, c’est déjà considérer les personnes comme des
interlocuteurs à part entière, les reconnaître capables de gérer leur situa-
tion et donc favoriser les conditions de réussite du bilan.

La directivité scientifique
versus l’aide à l’auto-analyse
Une autre question peut venir du caractère scientifique des conclusions
auxquelles on arrive. D’une part les gens aiment généralement s’ap-
puyer sur des certitudes, d’autre part le psychologue lui-même tend à se
référer aux résultats qui viennent de méthodes validées. Ces deux phé-
nomènes contribuent à prendre facilement les conclusions comme des
réalités inamovibles et à intensifier le côté directif de l’intervention. Il se
peut ainsi que les affirmations issues des résultats scientifiques viennent
gêner la réflexion personnelle et la démarche d’auto-analyse amorcée à
partir d’un travail sur les compétences.
Face à cela, il semble préférable de situer les données dans le cadre
d’une démarche en cours, ce qui permet d’apporter des éclairages nou-
veaux sur une situation sans pour autant déterminer d’office les voies
à prendre. Dans cette perspective, la méthode d’attention portée à ses
compétences importe davantage que les contenus. Ceux-ci sont plutôt
à prendre comme des repères, des données suscitant la réflexion avant
une décision, que comme des généralités intangibles.
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Mais on touche sans doute là à des questions difficiles qui ren-


voient à la fois à la demande du bénéficiaire, au niveau de formation du
conseiller, et plus généralement à la place donnée respectivement à la
démarche de recherche personnelle et aux représentations scientifiques
dominantes.

Conclusion sur le mode d’intervention


du conseiller : l’accompagnement
Pour les trois questions ci-dessus qui concernent la place du conseiller
bilan et son mode d’intervention en terme d’influence, de thérapeu-
tique ou de directivité scientifique, on peut apporter une réponse com-
mune qui peut se résumer par la notion « d’accompagnement ».

107
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

Tableau 3 : les trois temps de l’interaction


dans le prélèvement d’information sur autrui

Aux trois temps du bilan (cf. tableau 2 p. 43), correspondent trois formes d’inte-
raction entre le conseiller et le bénéficiaire. Elles sont spécifiques de la relation de
confiance qui met le bénéficiaire au centre de la démarche, et s’opposent par là à
une emprise analytique exercée sur autrui pour prendre de l’information sur lui.

Situation de l’intéressé

dans le bilan de compétences dans les méthodes scientifiques


classiques portant sur la personne

Temps 1 : connaissance (ou non) de la finalité, de la destination,


et des conséquences possibles de la démarche
– connaissance de la destination – finalités et conséquences lui sont cachées,
et des conséquences possibles, – repérage nominal en évaluation,
– confidentialité ou anonymat garanti, – anonymat en étude générale,
– démarche descriptive, informative, – caractère évaluatif (souvent),
– analyse de sa propre situation, – sentiment d’être jugé, catégorisé,
– connaissance acquise pour soi – connaissance pour autrui ou pour
(usage et destination), des tiers plus ou moins connus,
– utilisation au service de l’intéressé, – risque d’utilisation du dossier à l’insu
– ces conditions favorisent une mise en ou aux dépens de l’intéressé,
confiance (qu’il faut respecter ensuite). – émergence d’un sentiment de risque
et de crainte pour soi.
Temps 2 : participation (ou non)
à la démarche de prise d’information sur soi
– participation à la démarche, – peu ou pas de participation,
– co-construction du problème et des – situation de passation que l’on subit,
données, – côté passif,
– l’intéressé est actif, – méthodes cachées,
– méthodes transparentes et explicitées, – dissymétrie des relations.
– situation de bilatéralité des échanges.
Temps 3 : appropriation (ou non) des résultats
– appropriation des résultats, – non-accès aux résultats,
– accès progressif aux données, – expertise finale imposée,
– auto-réflexion encadrée, soutenue, – verdict des conclusions reçues
à partir des informations sur soi, et des connaissances établies,
– boucle de rétroaction, – non discutables car scientifiques,
– processus d’évolution, construction – profil statique, affirmé (on est ceci
et organisation de ses compétences. ou cela), par comparaison à autrui.

108
Cette notion d’accompagnement est à la mode, elle est parfois uti-
lisée comme un sésame qui résoudrait tous les problèmes. Elle risque
alors de s’apparenter à une sorte de béquille qui accentuerait plutôt une
situation de dépendance et la ferait perdurer. Mais elle souligne aussi
la nécessité d’un soutien qui se maintient dans le temps, au cours d’un
processus d’acquisition ou de mise en route. En cela, elle ne se réduit
pas à une simple présence familière et demande l’apport d’une méthode
qui évite à la personne accompagnée de s’appuyer sur autrui au lieu de
prendre ses décisions par elle-même. Il est donc nécessaire de définir
dans quel sens nous nous référons à cette notion.
L’accompagnement signifie en effet d’abord que le conseiller n’a pas
à prendre la place de l’intéressé, à décider pour lui, à lui imposer des
choix ou à le mettre dans une situation de dépendance par rapport à des
solutions, des remèdes ou des directives. C’est en cela reconnaître que la
personne réalisant son bilan doit garder une place centrale et première.
Sur un plan déontologique, c’est une façon de la respecter que de lui
permettre d’organiser par elle-même ce qu’elle souhaite.
Mais dans le même temps, l’accompagnement signifie aussi que le
conseiller apporte les moyens pour que cette personne soit en situation
de prendre ses décisions, de réaliser ses choix, de s’orienter en connais-
sance de cause. Il s’agir pour cela de l’accompagner dans ses démarches,
de lui fournir un cadre et des méthodes pour progresser par elle-même, de
la rassurer et de la mettre en confiance pour lui ouvrir des perspectives.
L’accompagnement indique bien ce double processus  : apporter à
la personne, tout au long de sa démarche de bilan, un soutien et des
moyens pour se repérer, pour analyser sa situation, pour construire son
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projet, tout en lui permettant de s’impliquer, de prendre en charge sa


situation, et de contrôler son activité sans lui prendre son initiative, déci-
der à sa place ou la considérer comme un enfant à diriger. C’est sans
conteste un défi professionnel très valorisant pour le conseiller lui-même
mais qui lui demande aussi de développer ses propres compétences.

109
7. Compétences, mode d’intervention
et déontologie des conseillers-bilans

L’essentiel

 La déontologie concerne les règles organisant les relations


entre les professionnels et les personnes dont ils s’occupent.
En psychologie, elle couvre notamment la prise d’informations
sur autrui, la gestion de la destination de ces informations en lien
à la confidentialité, et la question de la transmission des résultats
de l’analyse psychologique lors de leur restitution à la personne
concernée.
 Le bilan de compétences permet d’assurer la présentation
de la démarche et de ses objectifs, la participation du bénéficiaire
et l’appropriation par lui des données qui lui appartiennent.
 De ce fait, l’intervention du conseiller s’en trouve redéfinie :
il n’est ni un donneur de conseils, ni un thérapeute,
il assure un accompagnement en sécurisant le cadre des échanges
et apporte une méthode qui facilite la progression
dans la réflexion sur soi.

110
Chapitre 8

Les effets du bilan

Résumé

 Les recherches sur les effets du bilan de compétences


se sont développées dans trois directions :
• l’impact social et les différentes catégories de populations
concernées ;
• les effets sur la formation, l’emploi et la gestion de carrière,
les apports sur le plan psychologique et notamment
la clarification de ses compétences ;
• la dynamisation personnelle, l’estime de soi, et la capacité
d’attention à soi et de gestion de soi.
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111
8. Les effets du bilan

Les études et recherches réalisées autour du bilan de compétences peu-


vent se rassembler autour de trois axes principaux :
• le développement social des bilans de compétences. Ce développe-
ment comprend l’étude des populations intéressées et des conditions
organisationnelles du bilan, ce qui revient à traiter de son position-
nement social ;
• les effets sur la formation, l’emploi et la carrière. Les études sur
les conséquences sociales sont envisagées ici en terme de formation,
d’emploi et d’évolution de carrière (développement personnel et
développement des organisations) ;
• les effets psychologiques du bilan. Les recherches portent alors sur les
effets psychologiques, comparatifs et longitudinaux du bilan, en termes
de connaissance de soi et de ses compétences, d’estime de soi, de dyna-
misation psychologique dans le domaine des activités et des initiatives.

Le développement social des bilans


de compétences
Il est indéniable que le dispositif de bilans de compétences s’est répandu
considérablement en France depuis 1992, ce qui, a posteriori, indique
qu’il a répondu à des demandes sociales importantes et multiples. Des
centres de bilans, des associations travaillant sur l’insertion profession-
nelle, des centres de conseils et de formation publics et privés se sont
multipliés sur tout le territoire.
Ces dispositifs ont par là même contribué à fournir des débouchés
aux psychologues en devenant pour eux l’une des principales sources
d’emplois dans les années 1990, tout en correspondant à leurs attentes et
aux compétences qu’ils pouvaient offrir, ce qui a certainement amélioré
leur image professionnelle, leur reconnaissance et leur insertion sociales.
Le fait que les bilans se sont situés dans le cadre préexistant de la
formation professionnelle des adultes et ont bénéficié des financements
correspondants a également été un facteur de développement.
Cependant l’aspect principal se rapporte sans doute à ce que les
bilans se sont trouvés accessibles à une large gamme de population et
ont su répondre à des attentes diverses en proposant une formule à la
fois souple, légère et pertinente par rapport aux problèmes liés à l’em-
ploi et aux évolutions personnelles et organisationnelles.

112
On peut classer les populations intéressées par le bilan en deux
grandes catégories : les demandeurs d’emploi et les salariés.
D’une part, le dispositif des bilans correspond, pour les organismes
publics, à une nouvelle façon de gérer des populations sans emploi tout en
leur offrant une perspective d’évolution en l’appuyant sur une définition
meilleure de leur situation et de leurs possibilités afin qu’elles se trouvent
davantage en adéquation avec la demande économique ou sociale. Cela
couvre aussi bien des chômeurs de longue durée que des demandeurs d’em-
ploi plus récents ou des jeunes sans formation professionnelle diplômante.
Pour les uns il s’agit plutôt d’une action en vue de maintenir un lien social
et une perspective d’insertion, pour les autres, il s’agit de leur donner davan-
tage d’atouts pour qu’ils se prennent en charge et orientent mieux leur
recherche d’emploi en connaissant davantage ce qu’ils peuvent envisager.
Dans ce cadre, le bilan devient un sas intermédiaire permettant de
préparer une recherche d’emploi plus ciblée, ou encore de définir une
formation avant emploi qui soit mieux définie et plus adéquate. Cette
perspective institutionnelle a l’intérêt d’aller dans le sens des attentes
d’une large part de ces populations qui souhaitent savoir comment
s’orienter pour améliorer leur situation.
D’autre part, le dispositif des bilans est ouvert également aux salariés
qui s’interrogent sur leur avenir, soit qu’ils s’attendent à être licenciés,
soit qu’ils cherchent à évoluer par rapport à un emploi peu satisfaisant.
Là encore le bilan offre une perspective aux individus qui ne connais-
sent pas très bien comment s’y prendre et quelles sont leurs possibilités
d’évolution dans un contexte professionnel incertain ou en mutation,
et qui souhaitent changer leur perspective professionnelle, que ce soit
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au sein de leur entreprise ou en dehors de celle-ci.


Pour les entreprises, le bilan permet de donner aux salariés la possibi-
lité de repérer leurs compétences en vue d’être plus performants dans leur
travail. Cependant cet aspect n’a sans doute pas été beaucoup intégré dans
la logique de transformation des organisations, alors même que la notion
de compétences prenait une plus grande place. Dans la pratique, les sala-
riés utilisaient le plus souvent leur droit au bilan en dehors du plan de
formation de leur entreprise et se situaient dans une perspective d’évolu-
tion personnelle, indépendamment des projets de l’organisation. Plusieurs
craignaient même que l’entreprise leur demande les conclusions du bilan
dans un contexte d’évaluation. D’autres souhaitaient que leurs supérieurs
ne sachent pas qu’ils réalisaient un bilan, par peur d’appréciation négative
de leur relation à l’entreprise.

113
8. Les effets du bilan

De leur côté, les services de ressources humaines n’ont sans doute


pas utilisé la possibilité de bilan dans la perspective prévue initialement.
Il est arrivé que l’envoi en bilan soit le signe d’un licenciement pro-
chain ou une façon moins abrupte de se séparer d’un collaborateur en
lui permettant de préparer son départ. Ces situations n’ont pas favorisé
le soutien organisationnel vis-à-vis du bilan pour les salariés.
L’une des conséquences a été de considérer le bilan comme un
moyen de gestion individuelle pour des personnes en mutation pro-
bable ou en difficulté, sans développer les retombées possibles sur l’or-
ganisation. Il en résulte que le bilan a surtout été perçu comme un
dispositif bien adapté aux évolutions professionnelles individuelles,
que ce soit pour les salariés en terme de gestion de carrière, ou pour les
demandeurs d’emploi en terme de moyen pour s’orienter, construire
un projet professionnel, préparer une formation ou trouver un emploi.
Cependant, un des effets du bilan sur les représentations a sans doute
été de pousser à concevoir le travail et l’accès à l’emploi en relation plus
étroite avec des compétences, ce qui conduit à mieux les positionner et
à considérer que leur acquisition dépend de l’activité de l’intéressé lui-
même. Cette perspective, le plus souvent associée à la notion d’interna-
lité, peut être diversement appréciée : elle renforce, selon la théorie dite
de l’internalité, le sentiment de responsabilité personnelle au détriment
d’une mise en cause du système dans son ensemble ; mais elle augmente
aussi pour les intéressés le sentiment qu’ils peuvent en partie contrôler
leur situation professionnelle, ce qui apporte un soutien psychologique.
Enfin, il faut mentionner que le dispositif bilans a conduit à déve-
lopper la demande sociale auprès de conseillers qui, de fait, sont le plus
souvent psychologues ou ont une formation en psychologie. Ce déve-
loppement de la profession n’est pas négligeable. Il est associé à une
image positive de l’intervention au service d’autrui dans un cadre qui
protège l’individu en recherche personnelle et lui offre une possibilité
de réfléchir pour lui-même sur sa trajectoire.

Les effets sur la formation,


l’emploi et la carrière
Sans rapporter tous les travaux effectués sur les effets des bilans de com-
pétences, on peut faire une synthèse des résultats obtenus à la suite du

114
passage par un dispositif de bilans sur d’autres sphères de la vie de tra-
vail, sachant que les institutions officielles qui financent les bilans sont
avides de connaître l’utilité sociale de ce dispositif.
Toutefois il faut noter qu’il est difficile d’expliquer les effets obser-
vables uniquement à partir des résultats obtenus, étant donné que de
nombreuses sources de variation s’entrecroisent. Par exemple, si l’on
s’intéresse à l’emploi, il n’est pas aisé de déterminer le poids provenant
d’un seul dispositif : l’accès à l’emploi ne dépend pas en effet seulement
des compétences des candidats, il est aussi fonction de la conjoncture
économique et de la demande. Il n’est donc pas suffisant d’avoir des
qualités, encore faut-il qu’il y ait des emplois à pourvoir. Et cela est exact
même si l’on sait par ailleurs que des compétences plus adaptées au mar-
ché de l’emploi facilitent le fait d’obtenir un travail.
Cet aspect relativise considérablement la notion parfois utilisée
« d’employabilité ». En effet elle est souvent comprise comme une carac-
téristique de la personne qu’il lui faudrait avoir pour trouver un emploi.
Mais en fait, à supposer qu’il soit possible de construire un indice de cette
variable, ce qui est loin d’être sûr, l’employabilité ne peut être qu’une
mesure globale et finale qui indiquerait le niveau d’adaptation de la
demande d’emploi à l’offre. Elle dépendrait donc autant de l’une que
de l’autre. Dans la pratique, l’employabilité reste une notion abstraite, à
connotation idéologique, qui n’a jamais été mesurée. Les mesures réali-
sées portent généralement sur le nombre d’embauches ou encore sur le
nombre de personnes catégorisées comme recherchant un travail. Ces
mesures extérieures ne permettent pas de rendre compte directement de
l’importance de la place des compétences, ni de celle de la construction
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d’un projet professionnel tel qu’il peut ressortir d’un bilan.


Le plus souvent, dans les études réalisées à partir d’un suivi longitudinal
des personnes ayant entrepris un bilan, les données portent sur le devenir
professionnel des intéressés. Cela apporte indéniablement de l’informa-
tion dans un domaine où elle est rare. Cependant, sur un plan méthodo-
logique, il serait nécessaire de compléter ces données par une comparaison
avec des groupes témoins n’ayant pas effectué de bilan ou étant passé par
d’autres dispositifs. En effet sur six mois ou un an, les situations peuvent
changer pour tous, y compris pour ceux ayant un travail, et il est difficile
de rapporter une évolution générale aux seuls effets venant d’un bilan.
Malgré ces réserves méthodologiques et théoriques, il apparaît que des
comparaisons, soit avant-après, soit entre groupes ayant ou non participé

115
8. Les effets du bilan

au dispositif bilans, apportent des éléments de réponses significatifs sur


les retombées provenant de la réalisation d’un bilan.
• Sur le plan de la formation professionnelle, il ressort principalement
que ceux qui sont passés par le dispositif bilans choisissent davan-
tage par eux-mêmes la formation qu’ils souhaitent et qui leur est plus
adaptée, ce qui entraîne qu’ils sont davantage à poursuivre leur forma-
tion jusqu’au bout et à la réussir en obtenant une qualification ou un
diplôme. Le bilan permet ainsi de réduire le taux d’échec et évite d’en-
voyer des gens en formation seulement pour leur trouver une occu-
pation ou un dispositif de prise en charge dans l’attente d’un emploi.
• Sur le plan économique, le bilan trouve par là une fonction consis-
tant à mieux utiliser les budgets de formation  : la logique serait de
réduire les dépenses dans des formations pour lesquelles les stagiaires
ne sont pas préparés ou dans lesquelles ils se trouvent obligés d’aller
sans projet construit et donc sans finalité attendue, et de les augmen-
ter pour les formations qui sont bien finalisées à partir d’un bilan de
compétences. Celui-ci joue donc un rôle d’orientation et de prépa-
ration vers des filières de formation proposées en fonction de leur
adéquation aux stagiaires. La construction d’un projet professionnel
qui passe par une recherche de qualification augmente la probabilité
de réussite de la formation correspondante, donne du sens à ce qu’en-
treprend la personne et permet de déboucher sur une acquisition de
compétences facilitant l’accès à un emploi recherché.
• Sur le plan de l’emploi, les travaux indiquent que le passage par le
dispositif bilans favorise la réussite dans la recherche d’un emploi.
Parmi les sans emplois, une part non négligeable trouvent en effet un
travail dans les six mois qui suivent le bilan.
Il faut remarquer à ce sujet que l’objectif d’un bilan n’est pas directe-
ment de trouver une solution par l’emploi. Il s’agit de permettre aux
bénéficiaires de repérer leurs compétences et de construire un projet
professionnel ou personnel. Les chemins peuvent donc être divers et
conduire selon les cas à une formation professionnelle, à une évolu-
tion dans l’emploi occupé, à changer d’emploi, ou enfin à trouver un
travail pour ceux qui n’en avaient pas.
D’autre part, des variables psychologiques intermédiaires sont suscep-
tibles de comprendre la logique suivie dans le cas d’une recherche
d’emploi. Dans la mesure où l’intéressé trouve dans le bilan à la fois
un soutien, une perspective et des moyens plus adaptés à mettre en
œuvre, il augmentera sa dynamique personnelle, deviendra plus actif

116
et plus efficace dans ses recherches, ce qui conduira à trouver davan-
tage de propositions d’emploi. Il apparaît ainsi que le chemin d’accès
à l’emploi peut passer par des facteurs psychologiques en relation avec
les situations du contexte économique.

Une étude réalisée dans un centre de bilans en Normandie en 2000 indique que
17 % de 70 jeunes en difficulté âgés de 16 à 25 ans ont trouvé un emploi après
leur bilan en 1998, 23 % sont allés en formation et 17 % ont été pris en charge
par un dispositif de soutien local. En 1999, ils étaient respectivement 23 % à avoir
trouvé un emploi et 17 % en formation (9 % étaient aussi en attente de forma-
tion). Il faut cependant noter qu’un nombre important de jeunes n’a pas donné
de nouvelles ou a déménagé (24 % pour 1998, et 31 % pour 1999). Par ailleurs,
les évolutions paraissent multiples et les emplois plutôt précaires.
Une recherche effectuée dans le sud de la France (Ferrieux, 1998) sur une popu-
lation adulte ayant plus de 12 mois de chômage indique un taux de retour à
l’emploi de 48 % six mois après le bilan, soit 24 personnes sur 50. Ce taux est
supérieur à celui atteint après une formation (39 %) ou après une action d’inser-
tion (32 %). Le taux d’entrée en formation était de 22 %, ce qui conduit l’auteur
à conclure que seuls 30  % n’avaient pas changé de situation et se trouvaient
encore au chômage alors qu’il s’agissait d’une population en grande difficulté.

• Enfin, sur le plan de la gestion de carrière, il faut indiquer que les bilans
de compétences permettent également aux bénéficiaires de clarifier leurs
choix, de peser les options possibles et d’avoir le sentiment d’orienter
davantage leur carrière, en apportant une aide à la décision, comme l’in-
dique une étude réalisée pour des cadres (Taïeb et Blanchard, 1997). Cela
nous conduit à traiter des effets psychologiques du bilan.

Les effets psychologiques du bilan


Une recherche portant sur un suivi longitudinal de 116 sujets et doublée
d’un groupe témoin (Bernaud et Gaudron, 1997  ; Lemoine, 1997  ; Ber-
naud, 1998 ; Gaudron, Bernaud et Lemoine, 2001) a permis de mettre en
évidence plusieurs dimensions psychologiques et leur évolution au cours
du bilan et jusque six mois après.
Quatre dimensions, mises en échelles (Lemoine, 2001), ont été choi-
sies comme significatives des modifications psychologiques liées à la
réalisation d’un bilan de compétences.

117
8. Les effets du bilan

La première dimension porte sur la « dynamisation psychologique


des acteurs ». Elle vise à suivre l’évolution des personnes en ce qui concerne
le niveau d’activité qu’elles déploient pour rechercher de l’information per-
tinente en liaison avec leur situation : se renseigner sur une formation pro-
fessionnelle, écrire une lettre de motivation, revoir son curriculum vitae,
répondre à des annonces d’emploi, etc. L’idée directrice vient du constat
que des individus en difficulté sont portés à se décourager, à ne pas prendre
d’initiatives et à attendre que des propositions leur arrivent. Par rapport à
cela, on fait l’hypothèse que le bilan redonne un certain dynamisme psy-
chologique, notamment en dessinant des perspectives et en apportant des
moyens pour mieux agir, c’est-à-dire réaliser des actions adaptées qui ont
plus de chances de réussir. Il apparaît que le bilan est associé à une période
d’augmentation sensible de cette dynamisation psychologique. La compa-
raison avant-après bilan donne un effet de l’ordre de +.47, (ce qui signifie
une évolution d’un demi écart-type). L’écart est significatif à .001 (il y a
moins d’une chance sur mille qu’il soit produit par le hasard seul).
La deuxième dimension traite de l’estime de soi. On sait en effet
que le sentiment d’échec et l’évaluation négative (jugement de valeur
négatif reçu sur soi) entraînent une diminution de l’estime de soi. Il était
donc intéressant de suivre l’évolution de cette dimension, même si le
bilan n’apporte pas par lui-même d’évaluation ou de jugement de valeur
sur les personnes puisqu’il est centré principalement sur la connaissance
de ses compétences, dimension surtout cognitive et descriptive. Les
résultats donnent une augmentation légère mais positive de l’estime de
soi générale (+.23). On remarque que l’estime de soi se trouve un peu
améliorée mais que l’effet est relativement limité. D’autres études enre-
gistrent des évolutions un peu plus importantes dans le sens positif. On
peut conclure à une amélioration limitée du niveau d’estime de soi en
relation avec le bilan de compétences.
La troisième dimension concerne les facteurs pris en compte cen-
tralement dans le bilan, à savoir le repérage de ses compétences. Elle
consistait à demander aux intéressés de décrire leurs compétences (savoir,
savoir-faire, savoir-être), d’exprimer leurs intérêts professionnels, de repé-
rer les compétences utiles à leur projet et celles qui étaient à développer.
Les effets positifs obtenus vont de +.38 sur les intérêts, à +.82 pour les
compétences utiles au projet. L’écart avant-après le bilan est significatif
(il va de .05 à .001 selon les rubriques), et il apparaît qu’il est durable dans
la mesure où il est encore sensible six mois après le bilan. Il en ressort que
le bilan a contribué nettement à permettre un repérage de compétences

118
des bénéficiaires et que les acquisitions obtenues se maintiennent dans le
temps. En particulier on note une plus grande richesse et une plus grande
diversité des compétences décrites. L’effet avant-après est également
confirmé par la comparaison avec un groupe témoin qui, pour sa part,
n’a pas évolué sur le repérage des compétences entre les deux moments
de référence. On remarque en particulier pour les bénéficiaires du bilan,
une évolution sensible sur la représentation des savoir-être : ils savent se
décrire davantage dans ce domaine à la fin de leur bilan.
La quatrième dimension complète les résultats précédents et apporte
des informations sur le fait de savoir porter attention à soi et d’avoir
le sentiment de se connaître. Il n’est pas en effet évident de considérer
que toute personne est capable de générer des connaissances sur elle-même
en matière de compétences. Il apparaît que les bénéficiaires d’un bilan ont
appris à développer une nouvelle compétence : celle d’analyser leurs compé-
tences (Lemoine, 1997). On remarque une évolution sensible sur des items
comme « j’ai établi la liste de mes points forts et de mes points faibles », « je
sais comment repérer mes compétences », ou « j’ai une perception claire de
ma situation ». Il s’agit de l’acquisition d’une méta-compétence qui corres-
pond au fait de clarifier l’image de soi en liaison à l’élaboration de projet.
On peut en conclure que le bilan apporte principalement une meilleure
connaissance de ses compétences, une clarification de sa situation et un
progrès dans l’élaboration de ses projets professionnels.
D’autre part, si l’on compare la progression sur l’analyse des compé-
tences et le maintien de l’estime de soi liée à des processus d’évaluation,
il faut noter que les bénéficiaires ont fait nettement la distinction entre
le fait de porter un jugement de valeur et celui de décrire des compé-
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tences. Étant donné les recherches sur ces deux dimensions différentes,
on peut avancer que le dispositif de bilans, en protégeant les personnes
d’une évaluation extérieure aux conséquences incertaines et en foca-
lisant l’attention sur les compétences et la construction d’un projet
professionnel, aide les intéressés à distinguer dans la pratique ces deux
notions. Sans doute la place centrale qui est donnée aux bénéficiaires
et la participation à la démarche de bilan facilitent-elles cette avancée.
D’autres études (Patte, Pouchard, Vonthron, Lagabrielle, 2002, par
exemple) montrent que le bilan de compétences joue positivement sur le
plan professionnel mais aussi sur des aspects personnels comme le senti-
ment d’identité, l’image de soi, la valorisation de soi, ce qui indirectement
se répercute sur une centration et une implication plus grande vis-à-vis du
travail ou de la formation.

119
8. Les effets du bilan

Il résulte de l’ensemble des travaux actuels que le dispositif bilans


produit des effets positifs pour les bénéficiaires, les aide à se repérer pour
mieux repartir dans leur vie professionnelle et joue un rôle de soutien
dans le sens d’une formation à la gestion de carrière.
Cependant, comme on le verra au chapitre  9, des pressions institu-
tionnelles existent actuellement pour remettre en question ce dispositif
au profit d’un accès plus direct à l’emploi, comme si celui-ci ne dépendait
que de variables extérieures aux individus concernés, sans passer par eux…

Perception des apports


Il est possible de rassembler les principaux thèmes détaillés par les bénéficiaires
quelque temps après le bilan de compétences. Les phrases qui suivent donnent
un aperçu des discours recueillis sur le plan des apports professionnel et person-
nel. Puis le tableau 6 résume une comparaison entre des discours obtenus avant
et après le bilan de compétences.

Effets en rapport avec le parcours professionnel


• « Je suis arrivé sans réellement d’objectifs et j’étais très pessimiste quant au bilan. »
• « Je ne savais plus vers quoi m’orienter, je me sentais perdue. J’ai pu élaborer
un projet professionnel précis. »
• « Le but a été vraiment de faire le point, de réfléchir sur ma vie profession-
nelle, aux possibilités qui s’offraient à moi. »
• « J’ai réussi à définir un plan d’action, réaliser une formation. »
• « Mon projet est devenu plus clair, avec une perspective concrète. »
• « J’ai dû abandonner mon premier projet, après cela j’ai déposé ma candida-
ture pour un emploi qui correspond mieux à mes attentes. »
• « J’ai pu entrer en formation dans le domaine que j’avais défini. »
• « J’étais mieux préparé à l’entretien d’embauche, les résultats aux tests m’ont
permis de mieux savoir quoi chercher, de connaître mieux mes qualités profes-
sionnelles pour les utiliser. »
• « Maintenant je sais chercher toute seule les informations pour le travail ou
des formations. »
• « J’ai mieux défini ce que je voulais faire. »

Impacts sur le plan personnel


• « J’ai repris confiance en moi. »
• « Cela m’a aidé à aller de l’avant, à me redonner confiance. »
• « On retrouve confiance en soi. »
• « J’ai appris beaucoup de choses sur moi-même. »
• « Cela m’a permis de mieux me connaître. »
• « Découvrir que l’on a des compétences, ça fait vraiment du bien. »
• « Maintenant je peux énumérer mes compétences, et je sais mieux me situer. »

120
• « Le bilan m’a beaucoup apporté, il m’a permis de prendre le temps de réflé-
chir sur mon avenir. »
• « Faire le point a été positif pour moi. »
• « J’ai trouvé de nouvelles perspectives. » ■

Témoignages sur le bilan

Au début du bilan
« Je suis dans une période où le moral n’est pas au beau ; j’ai des problèmes
avec mon supérieur ; il me dépossède parfois de mes compétences
alors que je m’investis dans ce nouveau métier. »

« J’ai envie de faire ce bilan pour faire le point sur moi-même ; il y a un grand écart
entre ce que je suis au travail et ce que perçoit mon entourage ; je souhaite être
mieux comprise, avoir une meilleure estime de moi. Je souhaite trouver
mes marques, être plus reconnue professionnellement, ce qui me permettrait
aussi d’avoir un meilleur équilibre familial. »

« Il s’agit de faire le point sur mon expérience professionnelle actuelle,


et voir si une formation est nécessaire pour réaliser mon objectif ou me réorienter
dans ce secteur. »
À la fin du bilan
« Je peux dire aujourd’hui que je suis satisfaite d’avoir entrepris ce bilan.
Tout d’abord, cela m’a permis de reprendre confiance en moi, en mes compétences ;
et aussi de prendre un certain recul vis-à-vis de mon environnement professionnel ;
et enfin les résultats des tests m’ont permis de mieux cerner mes aspirations. »

« À l’issue de ce bilan, je compte donc m’orienter vers une formation plus spécifique
dans le domaine de… »

« Je tiens aussi à remercier ma conseillère-bilan pour son accompagnement


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tout au long de ce parcours ; avec elle, j’ai pu cerner de manière efficace et précise
mes compétences professionnelles, et mieux définir mes axes de progrès. »

121
8. Les effets du bilan

L’essentiel

 Les effets du bilan de compétences sont presque toujours


considérés comme positifs par ceux qui ont réalisé la démarche.
 Sur le plan social, les bilans de compétences sont adaptés
à de multiples populations : salariés à une étape de carrière,
demandeurs d’emploi, jeunes souhaitant s’orienter
dans une profession, seniors, handicapés, femmes cherchant
à reprendre un emploi, etc. Ils peuvent aussi s’intégrer
aux mutations des entreprises qui passent à la gestion
prévisionnelle des compétences.
 Les effets ont été étudiés sur la formation, l’emploi
et la gestion de carrière. Ils favorisent la réussite
de la formation et réduisent les échecs dans la mesure
où les bénéficiaires savent mieux ce qu’ils souhaitent
et s’engagent davantage. Ceux-ci clarifient aussi leur orientation
professionnelle et sont actifs vis à vis de l’emploi.
 Les effets psychologiques du bilan de compétences
sont importants : ils portent en particulier sur la dynamisation
personnelle, l’augmentation de l’estime de soi, la capacité
à repérer et à analyser ses compétences, et à mieux se connaître
en portant attention à soi et à sa situation.

122
Chapitre 9

Les partenaires
du bilan
de compétences

Résumé

 On examine les caractéristiques du dispositif de bilan


de compétences : son implantation institutionnelle
et son environnement social, l’équipe pluridisciplinaire qui assure
l’ensemble des activités du centre.
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 On obtient un système tripartite qui se compose des acteurs


institutionnels et individuels du bilan, à savoir, l’organisme
de prise en charge, le conseiller et son équipe, et le bénéficiaire.

123
9. Les partenaires du bilan de compétences

Implantation et environnement social


Un centre de bilan repose sur une structure d’organisation, des orga-
nismes qui assurent les financements, et un réseau de partenariats.

Organisation
Un centre de bilan fait partie de ce qu’on appelle l’économie sociale. Il
s’appuie souvent sur la structure juridique des « associations loi 1901 »
sans but lucratif. Il peut être encadré par une structure plus large, genre
« Mission Locale » gérée sur le plan municipal. Il dépend du ministère
du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle. Il peut aussi
être un service d’un organisme de conseil.

Financements
Un centre de bilan est financé par différents organismes collecteurs de
fonds de la formation professionnelle et continue au titre du «  crédit
individuel de formation » (CIF, FONGECIF), par les organismes de ges-
tion pour les handicapés, par l’État (Ministère), par le Pôle Emploi, par
les collectivités territoriales (Conseil Général, Conseil Régional, Munici-
palités), et par les entreprises. Dans certains cas, une participation finan-
cière peut être demandée au bénéficiaire du bilan.

Partenariat
Les centres de bilans peuvent travailler en relation avec le réseau des
CIBC (Centres Interinstitutionnels de Bilans de Compétences), qui ont
été pionniers dans le domaine et assurent une fonction recherche et
développement en relation avec les prestations qu’ils proposent, le
Pôle Emploi, la Chambre de Commerce et de l’Industrie, et parfois la
Chambre des Métiers, les Missions Locales pour l’emploi, l’Université
l’AFPA (Association pour la Formation Professionnelle des Adultes), les
CIO (Centres d’Information et d’Orientation), les associations d’aide
à l’insertion professionnelle ou de lutte contre le chômage, la Caisse
Primaire d’Assurance Maladie (en ce qui concerne les handicapés), et
la Cotorep (gestion, évaluation et prise en charge des handicapés).

124
L’équipe pluridisciplinaire
Un centre de bilan comprend :
• un conseil d’administration (souvent bénévole dans les associations),
• un directeur,
• une équipe administrative (assistante de direction, comptable, secré-
taire, standardiste, accueil, en fonction de l’importance du centre),
• une équipe opérationnelle de conseillers-bilans (ceux-ci peuvent être
employés à temps plein ou à temps partiel, ils peuvent aussi être déta-
chés d’autres organisations partenaires, ils sont psychologues ou ont
acquis une expérience dans ce secteur d’activité),
• des acteurs satellites peuvent intervenir occasionnellement en cours
de bilan :
– des professionnels du domaine social et de l’insertion (assistante
sociale, éducateur, documentaliste…),
– les centres d’information sur les professions (CIO, ANPE…),
– les organismes satellites : organismes de formation professionnelle,
entreprises, organismes d’insertion professionnelle, organismes de
validation des acquis.

Le système tripartite
Dans la mesure où le bilan est le plus souvent financé par un organisme,
un système à trois pôles intervient dans la gestion et la réalisation d’un
bilan de compétences  : l’organisme de prise en charge, le conseiller-
bilan avec son équipe, et le bénéficiaire.
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L’organisme de prise en charge


C’est lui qui finance le bilan soit en prenant en charge directement le
bénéficiaire, soit en subventionnant le centre de bilan.
Il arrive donc que cet organisme soit le prescripteur du bilan. Cepen-
dant le centre de bilan doit veiller à ce que cette prescription corres-
ponde véritablement à une demande du bénéficiaire. En début de bilan,
ce dernier doit décider de s’engager volontairement dans la démarche
du bilan. Cela signifie qu’il peut déclarer, après avoir été informé, que
le bilan ne lui convient pas. Au cas où cette demande n’apparaît pas, le
conseiller peut aussi être conduit à ne pas entreprendre le bilan. Dans
les deux derniers cas, il oriente différemment le bénéficiaire et lui pro-
pose d’autres voies possibles.

125
9. Les partenaires du bilan de compétences

Le praticien ou conseiller-bilan
Il est responsable des moyens à mettre en œuvre pour réaliser le bilan :
démarche, rythme des rencontres, méthodes et instruments utilisés, et
cela en concertation avec le bénéficiaire. En France, le conseiller-bilan
est souvent un psychologue (au sens du titre de psychologue, acquis par
une formation universitaire professionnalisée de 5 années et compre-
nant la licence et la maîtrise de psychologie complétées par un Master
avec stage validé). Cependant, dans les textes officiels ce diplôme n’est
pas obligatoire, même si une formation et une expérience en psycholo-
gie restent indispensables dans la pratique. Certaines organisations ne
recrutent que des psychologues ayant le titre.
Le conseiller travaille en équipe dans un centre de bilan. Cela lui per-
met de ne pas se trouver seul devant des problèmes difficiles, de pouvoir
échanger avec ses collègues, de participer aux réunions de concertation
et de formation organisées par le centre ou dans des organisations de
formation extérieures traitant de ce domaine d’activité.

Le bénéficiaire
Provenant d’horizons divers, il s’engage dans la démarche de bilan après
avoir pris connaissance du dispositif et de son mode de participation au
bilan. À ce titre il signe avec les autres acteurs du bilan une convention
tripartite qui précise la procédure et les engagements respectifs.

L’essentiel

 Le bilan de compétences repose sur une structure


d’organisation composée d’une équipe pluridisciplinaire
qui assure son déroulement, selon un cahier des charges
se référant aux textes légaux.
 La convention de prise en charge forme un système
à trois pôles où interviennent l’organisme, les conseillers,
et le bénéficiaire.

126
Chapitre 10

L’évolution actuelle
des bilans
de compétences

Résumé

 Le bilan de compétences est une modalité pertinente


d’orientation et de gestion de carrière. Ses objectifs individuels
sont toutefois à situer dans une logique d’emploi et d’évolution
des entreprises.
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127
10. L’évolution actuelle des bilans de compétences

Depuis plus de vingt ans, le bilan de compétences a fait ses preuves, s’est
développé et a rendu de grands services tout en proposant un cadre d’in-
tervention qui renouvelle le mode de relations entre ceux qui disposent de
connaissances en sciences humaines et ceux qui en ont moins et cherchent
à s’orienter sur le plan professionnel. Il a notamment montré son utilité
sociale pour les personnes en difficulté d’emploi et celles qui se trouvent
en période d’incertitude ou en cours de mutation professionnelle. Mais son
succès même a favorisé l’émergence de structures nombreuses qui ont tout
à gagner à miser davantage sur la qualité du service rendu.
Plus encore, le bilan, sans doute afin de protéger les personnes et leur
offrir un havre de sécurité, n’a pas été suffisamment perçu comme une
composante à intégrer aux objectifs stratégiques des entreprises, comme en
matière de mise en place d’une logique des compétences. À ce titre il est
nécessaire de le repositionner et de revoir ses objectifs dans le cadre du déve-
loppement des organisations. C’est alors qu’il deviendra véritablement, non
seulement un soutien pour les personnes en difficulté, mais un dispositif
incontournable pour permettre à chacun de gérer son orientation de carrière
et son évolution professionnelle dans un environnement en changement.

La recherche de la qualité
Peut-être en raison même du développement des centres de bilans, plu-
sieurs critiques ont été formulées sur la mise en pratique du déroule-
ment ou encore sur les résultats obtenus. Sans doute la forte demande
de bilans d’un côté, les limitations budgétaires de l’autre n’ont-elles pas
permis à tous les centres de proposer des services de la meilleure qualité.
La pression extérieure pour obtenir des effets importants dans un temps
limité (15  heures) et les attentes fortes pour réduire le chômage sont
aussi intervenues pour accentuer le poids des questions. La difficulté
d’évaluer des effets immédiats et économiquement visibles n’a pas faci-
lité les réponses dissipant tous les doutes.
Cependant les bilans de compétences gardent des atouts importants
et se trouvent situés au centre d’une demande individuelle et sociale qui
ne peut que s’accroître. En effet la gestion des emplois par les compé-
tences demande que chacun soit capable de les repérer et pousse à une
généralisation d’une gestion individuelle de la carrière.
D’autre part, les bilans cadrent bien avec une demande accrue de forma-
tions individuelles courtes et ciblées. Il leur reste cependant à montrer qu’ils

128
correspondent à un service de qualité, soit en assurant des conditions de
prestations suffisantes proposées avec compétence par des professionnels,
soit en proposant un suivi du projet élaboré, jusqu’à sa réalisation. Cela va
dans le sens d’une demande légitime de qualité qui concerne l’ensemble de
la formation professionnelle des adultes (Bonami et Voisin, 1996).
Cependant les critères de qualité peuvent aussi être divergents selon
les acteurs sociaux en présence. Une qualité d’accueil avec suivi psycho-
logique, méthodes adaptées et compétences des conseillers peut passer
relativement inaperçue pour des institutionnels qui se préoccupent à
court terme de la seule évolution de la courbe des demandeurs d’emplois.
Les qualités déontologiques elles-mêmes peuvent apparaître comme des
précautions trop élevées.
Face à ces attentes différentes qui indiquent des orientations en par-
tie opposées, il semble nécessaire de situer les bilans dans une logique
non seulement individuelle mais également dans une perspective orga-
nisationnelle.

Une recomposition des objectifs


dans une logique de l’emploi
et des organisations
S’il apparaît que le risque est de voir considérer le dispositif des bilans
comme une solution psychologique et individuelle de confort, il faut
alors envisager une évolution de son positionnement social.
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D’une part, il paraît utile de montrer la nécessité de maintenir une


option ouverte sur la possibilité donnée aux personnes de trouver un
espace de réflexion sur leur orientation professionnelle. La rapidité des
changements, la fluidité des professions, la flexibilité des situations
demandent l’existence de lieux et de temps où les individus peuvent
faire le point, repérer leurs compétences et élaborer un projet personnel
et professionnel. Cet espace doit avoir sa place et se développer dans
le cadre des structures de formation légalement financées, sans être
confiné dans une psychologisation abusive des problèmes. Cette orien-
tation peut concerner un large public, et non seulement des personnes
en difficulté d’emploi ou d’insertion.
Dans ce cadre, l’accompagnement individuel qui est certainement un
acquis important sur le plan de la prise en charge, ne peut être considéré

129
10. L’évolution actuelle des bilans de compétences

comme un luxe. Il répond à une demande forte sur le plan social et indi-
viduel, offre une contre partie aux fluctuations des situations profession-
nelles et répond à une demande de qualité des interventions.
Mais d’autre part, il est indispensable aussi de situer le bilan comme
une étape intermédiaire importante de régulation entre le marché de
l’emploi et les compétences individuelles. Dans cette perspective le
bilan gagnera à se positionner comme une aide à la gestion des compé-
tences réalisées par les entreprises et à s’intégrer davantage à la logique
des transformations organisationnelles en cours. Le risque est en effet
de limiter le bilan à une population de sans emploi, comme soutien
social pour les périodes de faible croissance, alors qu’il peut trouver
toute sa place dans une gestion des évolutions des compétences à l’inté-
rieur même des organisations.
Il est de courte vue en effet de penser qu’il suffit de créer des emplois,
souvent précaires, pour réduire le chômage. Encore faut-il trouver les
personnes susceptibles d’assurer professionnellement les nouveaux
emplois, de s’adapter aux professions qui se développent et qui n’exis-
taient pas il y a quelques années, de répondre à la demande d’évolution
des entreprises. La gestion des compétences nouvelles permettant aux
organisations de se développer suppose de disposer de structures per-
mettant aux salariés d’évoluer, de définir mieux leurs compétences pour
devenir plus performants dans leur entreprise, de savoir mieux quelle
formation professionnelle leur sera adaptée en vue de répondre davan-
tage aux évolutions de leur organisation.
Dans ce cadre, le bilan de compétences peut devenir un moyen privi-
légié pour gérer l’adéquation entre la recherche légitime des personnes
et la demande de compétences professionnelle accrue des entreprises.
Cependant, si des évolutions du positionnement du bilan sont
sans doute indispensables, afin que ce dispositif trouve sa place aussi
bien dans les périodes de difficulté que dans celles de croissance, il
est également important qu’il reste un lieu de protection individuelle
étant donné la nature psychologique de la démarche personnelle qu’il
permet. En particulier, afin de ne pas compromettre la qualité des
échanges, la gestion des résultats doit impérativement rester sous le
contrôle de la personne concernée. Cette exigence déontologique est
loin d’être un luxe, elle est une condition majeure nécessaire à la qua-
lité du bilan demandée par ailleurs et s’appuie sur la compétence en
psychologie des professionnels du conseil individuel. Celle-ci, pour

130
s’exprimer et se réaliser, suppose une mise en confiance des personnes,
une absence de pressions extérieures et une garantie de respect de non
diffusion des échanges.

Une modalité appréciable d’orientation


et de gestion de carrière
À côté de l’enjeu des utilisations possibles des informations issues du
bilan de compétences en fonction des parties en présence qui peuvent
avoir des perspectives opposées ou divergentes, à savoir les intéressés,
les institutions de tutelle et les entreprises, sans compter les centres de
bilans eux-mêmes, il peut être pertinent de considérer l’évolution des
bilans dans une autre perspective, à la fois plus classique et plus institu-
tionnalisée, celle des dispositifs de la formation professionnelle.
Au moment où les stages de formation professionnelle sont appelés
à devenir plus performants, plus ciblés et plus économiques, les bilans
de compétences peuvent se positionner avantageusement comme une
structure légère permettant de répondre adéquatement à ces objectifs de
performance à coûts limités. Ils entrent bien en effet dans des critères
actuellement recherchés : formation courte et légère, niveau de qualité
assuré par un suivi individuel adapté à la situation de chacun, optimi-
sation des résultats sur des objectifs bien définis, proportionnels aux
investissements consentis.
Les dispositifs de bilans de compétences gagneraient ainsi à se déta-
cher partiellement de la problématique de l’accès direct à l’emploi, prin-
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cipalement gérée actuellement par des structures administratives, et à se


positionner autour de la préparation aux formations professionnelles.
Ils pourraient aussi se situer comme une modalité de formation à la
valorisation des compétences. Dans ce domaine on sait que l’orienta-
tion vers des formations adaptées et adéquates, par une connaissance
accrue de la demande et par la construction de projets et d’objectifs qui
favorisent la réussite des formations entreprises, est à la fois un gain
économique global, une condition de l’efficacité organisationnelle et
une attente des personnes.
Cette perspective conduit à centrer davantage les bilans sur une ges-
tion des compétences qui ouvre, pour les organisations, sur une adap-
tation meilleure des formations aux demandes changeantes, et pour les

131
10. L’évolution actuelle des bilans de compétences

individus, sur une gestion plus maîtrisée de leur carrière ou du moins


de leur évolution personnelle et professionnelle. À ce titre, les bilans de
compétences entrent bien dans le cadre et la logique du droit individuel
à la formation (D.I.F.) mis en place par la loi de 2004.
Les possibilités nouvelles qui apparaissent actuellement, comme la
validation des acquis professionnels (VAP) ou celle des acquis de l’ex-
périence (VAE), ne font que confirmer les bilans de compétences dans
leur fonction centrale et incontournable de repérage des compétences
par les intéressés eux-mêmes dans le cadre d’un accompagnement ins-
titutionnalisé. Il faut également se garder de limiter ce dispositif à la
recherche d’un emploi immédiat et à court terme et de réduire sa durée
qui est nécessaire pour assurer une maturation du projet personnel et
professionnel. La formule récente des bilans dits « approfondis », mais
qui semblent surtout « accélérés », ne peut que diminuer l’efficacité du
dispositif, détourner les objectifs inscrits dans la loi et limiter l’intérêt
de la démarche. A contrario, on peut espérer que cette formule courte
et rendue obligatoire mette mieux en évidence les apports des bilans de
compétences.

L’essentiel

 Dans le contexte social actuel, le bilan de compétences reste


un dispositif au service des individus qui cherchent à s’orienter
ou à mieux gérer leur évolution professionnelle.
 Il est à la fois une formation courte et une préparation
aux choix de formation ou d’emploi. Il entre dans la logique
du droit individuel à la formation (D.I.F.) et de la validation
des acquis de l’expérience (VAE).
 Il est une étape intermédiaire de régulation entre le marché
de l’emploi et les compétences individuelles.

132
Chapitre 11

Diversité
des dispositifs
et qualité des bilans
de compétences

Résumé

 Ce chapitre part de la variété des dispositifs renvoyant


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aux bilans de compétences, les bilans pour les jeunes, les bilans
pour les demandeurs d’emploi, les bilans pour les salariés, etc.,
pour se placer du côté de l’usager.
 En passant en revue les trois temps du bilan, on propose
des éléments de référence pour définir les critères d’un bilan
de qualité, et savoir le choisir.

133
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

Sur le plan de la société, l’idée de bilan de compétences semble admise et fait


même partie de la logique économique dominante qui met en avant la prise
en charge individuelle dans le cadre d’une mobilité croissante des emplois
et des compétences recherchées. La loi du 7 décembre 2004 sur la « cohé-
sion sociale » (texte n° 360) crée un droit à l’accompagnement personnalisé
« pour toute personne de 16 à 25 ans révolus en difficulté et confrontée à
un risque d’exclusion professionnelle », et dans son volet licenciement, elle
prévoit une convention de reclassement personnalisé (CRP).
Dans le même sens, les textes sur le « droit individuel à la formation »
(D.I.F) font une place importante à la possibilité pour le salarié d’entre-
prendre un bilan de compétences et lui permettent de gérer son évolution
professionnelle et de rechercher la formation associée nécessaire. C’est le cas
dans l’Accord National Interprofessionnel du 20 septembre 2003, comme
dans la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la
vie (Fernandez, 2004). Un droit individuel à la formation de 20 heures par
an comprend en effet explicitement la référence à la réalisation d’un bilan
de compétences, dispositif qui est également ouvert pour tout salarié ayant
20 ans d’ancienneté, dont un an dans la dernière entreprise.
On pourrait croire à une consécration du dispositif de bilan de com-
pétences, instrument clé incontournable de toute orientation profes-
sionnelle réalisée par l’intéressé lui-même. Il convient cependant de
rester vigilant face à cette généralisation de la référence au bilan qui
peut couvrir des réalités bien différentes.
On se retrouve en effet avec une prolifération de dispositifs variés qui
se réclament tous du bilan mais ne proposent pas les mêmes conditions
d’accès, de mise en œuvre et de finalité.
D’autre part, le bilan risque de devenir le sésame qui réglerait par
enchantement tous les problèmes de l’emploi, du travail et des organi-
sations, tout en renvoyant les questions collectives à une gestion indi-
viduelle, qui plus est avec un coût réduit à 20 heures de formation. Dès
lors il devient l’objet d’attentes fortes et contradictoires qui ne peuvent
mener qu’à une désillusion et à une critique acerbe de la formule. Devant
ce danger, il est utile de repérer les différents dispositifs susceptibles d’être
confondus et de définir les critères d’un bilan de compétences de qualité.

Variété des dispositifs de bilan


La diversité des demandes a conduit à démultiplier les dispositifs qui se
sont présentés comme répondant à des situations et à des populations

134
différentes. Si l’on peut y voir une capacité d’adaptation, il en résulte
surtout une hétérogénéité des prestations et une inégalité des conditions
de réalisation. C’est ainsi qu’on a vu se mettre en place des dispositifs en
fonction du type de population à traiter : les demandeurs d’emploi, les
jeunes, les salariés. Examinons-les.

Pour les demandeurs d’emplois : le BCA


À partir de 2001, dans le cadre du PARE (plan d’aide au retour à l’emploi),
l’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi) s’est vu attribuer la gestion de
toutes les prestations proposées aux chômeurs. À ce titre les organismes
prestataires de bilans de compétences sont devenus dépendants, sur
le plan financier, des exigences de l’ANPE. Celle-ci, qui devait réduire le
nombre de demandeurs d’emploi, a défini une nouvelle sorte de bilan de
compétences directement orientée vers l’accès à l’emploi et l’a imposée
aux prestataires sous le nom de bilan de compétences approfondi (BCA).
Si l’intention était louable puisqu’il s’agissait d’aider à retrouver un
emploi, la formule transformait de fait les objectifs du bilan de compé-
tences et altérait les moyens à y consacrer. Parmi les modifications, on
peut relever principalement les aspects suivants :
– une prestation spéciale pour les demandeurs, celle-ci devenant obli-
gatoire pour eux sous peine de perte d’allocations de chômage, ce qui
s’oppose au volontariat prévu dans le bilan de compétences ;
– un objectif de retour rapide à l’emploi, ne correspondant pas à celui
de faire le point sur ses compétences dans le cadre d’une gestion de
projet ;
– un découpage en quatre phases et non plus en trois, où l’importance
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est donnée aux pistes d’emploi à rechercher en fonction des offres


immédiates du marché ;
– un temps de bilan limité à six semaines, au lieu de trois mois en
moyenne, ce qui réduit la souplesse de prestation et la possibilité de
maturation personnelle du projet ;
– une centration sur les techniques de recherche d’emploi plutôt que
sur l’aide à la connaissance de ses compétences ;
– l’obligation de remettre le rapport final à l’ANPE, ce qui va à l’encontre
du côté confidentiel du bilan de compétences, prévu dans les textes.
Il apparaît ainsi que le BCA est plutôt « accéléré » qu’approfondi. Il
correspond en tout cas à une logique de prescription, de type ANPE, dif-
férente de celle inscrite dans la loi sur le bilan de compétences. Une étude

135
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

réalisée dès la première année du BCA (Bezin, 2003  ; Lemoine, Goby,


2003) a permis de montrer l’insatisfaction des professionnels du bilan
de compétences (classique), la connaissance limitée des prescripteurs en
matière de bilan, et la faible efficacité directe de cette prestation sur le
taux de chômage. Ces conclusions, en définitive peu étonnantes, souli-
gnent que l’emploi ne se décrète pas, qu’un bilan imposé y prépare peu,
et qu’il ne faut pas brûler les étapes en faisant fi d’une démarche profes-
sionnelle : avant de rechercher un travail, opération centrée sur le milieu,
il est nécessaire de connaître ses compétences pour savoir comment et
vers où se diriger. C’est une opération d’abord centrée sur soi pour repérer
des compétences, définir une orientation et un objectif personnel avec
un conseiller compétent, travaillant dans ce sens. Inverser l’ordre de la
démarche sous prétexte d’aller plus vite conduit à un retour à la case
départ en renforçant le sentiment d’échec et de contrainte subie, et ce
d’autant plus que le public est plus éloigné du milieu du travail.
À ce jour, même si la dénomination a changé pour éviter de se trouver
en porte-à-faux avec la loi, Pôle Emploi, qui a remplacé l’ANPE, propose
encore des bilans dirigés vers l’emploi qui n’ont pas les caractéristiques
du bilan de compétences. Les organismes prestataires, par exemple,
n’ont qu’un temps d’action réduit et sont conduits à orienter les deman-
deurs vers l’emploi plutôt que vers une démarche de projet à partir d’une
analyse approfondie de leur profil. Cela maintient deux sortes de bilans
en parallèle selon le statut de la personne, chômeur ou salarié.

Pour les jeunes :


un bilan d’orientation professionnelle
L’intérêt du bilan de compétences a vite été perçu pour les jeunes
n’ayant pas encore accédé au milieu du travail. Qu’ils sortent d’une for-
mation générale ou qu’ils se trouvent en échec scolaire, il s’avère en
effet que beaucoup n’ont pas d’idées précises sur leur possibilité d’inser-
tion professionnelle, ne connaissent pas les caractéristiques des métiers
et les conditions du travail, n’ont pas de perception claire des objectifs
à atteindre, et ne sont ainsi pas prêts ou préparés à une activité profes-
sionnelle. Là encore un bilan de compétences peut à juste titre rem-
plir une fonction d’auto-orientation et trouver une place pertinente et
appropriée à un moment clé, avant les décisions à prendre.
Ce bilan de compétences ne peut avoir tout à fait les mêmes caractéris-
tiques que celui réalisé pour un salarié : il part de fait moins des expériences

136
antérieures souvent inexistantes et s’appuie davantage sur une analyse des
intérêts personnels. Il peut aussi efficacement être associé à la découverte
d’un ou de plusieurs champs professionnels, sous forme de stages, de visites
ou de rencontres sur le terrain. L’encadrement du jeune par un dispositif
bilan fournissant un support institutionnel, un suivi par un conseiller pro-
fessionnel et une aide à la réflexion personnelle permet de tirer profit de
ces démarches qui, sans cela, ne se feraient pas ou resteraient peu efficaces.
Mais si l’objectif général semble aller de soi, les modes de réalisa-
tion pratique varient et dépendent des dispositifs existants, mis en place
successivement au fil des politiques de l’emploi et en fonction de la
situation du jeune. Bien que certains aspects propres au bilan de com-
pétences se retrouvent, l’ensemble des prestations offertes sont très iné-
gales, visent des buts divers et utilisent des méthodes différentes.
En fonction de la situation du jeune, on trouve d’abord plusieurs
types de structures  : les CIO (centres d’information et d’orientation)
pour le niveau secondaire (collèges, lycées), les SUIO (services univer-
sitaires d’information et d’orientation) pour les étudiants, les PAIO
(permanences d’accueil, d’information et d’orientation) pour les jeunes
sortis du système scolaire mais se trouvant sans qualification.
Les CIO et SUIO s’appuient sur des conseillers d’orientation psy-
chologues ayant maintenant cinq années de formation et développent
davantage le conseil individuel que la seule information sur les métiers.
Ils peuvent soit gérer les demandes qui proviennent du jeune ou de
sa famille, soit proposer une démarche de bilan de compétences, soit
encore organiser des sessions de préparation au passage à l’emploi.
Depuis quelques années, l’incitation ministérielle à réduire le taux
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d’échec en première année d’université a porté les disciplines à mettre


en place des formes de soutien au projet professionnel des étudiants.
Cependant, cette initiative positive, lourde en coût mais légère en pra-
tique, se heurte à des difficultés d’organisation multiples  : le grand
nombre d’étudiants oblige à intervenir en groupes et empêche le suivi
personnalisé, et le volontariat des enseignants, plutôt portés sur leur
matière, ne peut remplacer une formation spécifique et professionnelle
relative au domaine du conseil en orientation.
Les PAIO, ou missions locales, assurées en général par les municipalités,
sont confrontées d’autres difficultés. Travaillant avec un public n’ayant
pas seulement un problème d’emploi mais aussi des problèmes d’inser-
tion sociale, de formation, de santé, voire de logement, les conseillers en

137
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

insertion professionnelle (CIP) se trouvent paradoxalement peu formés


et soumis à des pressions institutionnelles importantes puisqu’ils doivent
trouver une solution, qui plus est dans l’urgence.
Une étude exploratoire (Duhamel, Zéroulou, 2004) souligne qu’ils
sont conduits à passer assez vite d’une attitude d’écoute à une logique
de prescription en fonction des formules existantes. À partir d’un entre-
tien de repérage et selon la situation perçue, ils proposent souvent une
action spécifique, dirigée soit vers l’emploi (formule DIP, dynamique
d’insertion professionnelle, Trace, trajet d’accès à l’emploi, ou encore
la formule DPP, définition de projet professionnel, selon le niveau sco-
laire), soit vers une formation, soit vers un accompagnement social.
On retrouve dans ces démarches des éléments du bilan de compé-
tences comme l’entretien, le diagnostic ou l’idée de projet, mais sans
méthodes bien définies et avec beaucoup d’intuitions et d’approxima-
tions. Il en résulte une grande diversité de pratiques au niveau à la fois
des antennes et des conseillers, l’ensemble se déroulant dans le cadre
assez contraignant d’un accès à l’un des dispositifs.

Pour les salariés : bilan professionnel


ou bilan de compétences ?
Si jusqu’ici le bilan de compétences est plutôt resté à l’écart du fonction-
nement de l’entreprise, ou a même parfois été utilisé à contre sens dans
une logique de départ du salarié, il reprend toute sa place avec les derniers
textes relatifs au droit individuel à la formation. Il est inséré à juste titre
parmi les actions de formation professionnelle et permet aux salariés de
s’y préparer ou de mieux définir leurs compétences dans une perspective
d’évolution interne ou externe à l’entreprise. Il s’articule aussi avec une
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et peut
donc intéresser l’employeur, et ce d’autant plus qu’il constitue une for-
mation limitée en temps, proche des 20 heures annuelles permises.
Toutefois, dès lors qu’il entre dans la logique de l’entreprise, il
devient aussi un enjeu plus central et doit se positionner par rapport
aux pratiques déjà existantes. Il ne faut pas le confondre avec l’entretien
ou le bilan annuel, ni avec l’entretien ou le bilan professionnel.
L’entretien annuel est une pratique relativement répandue dans les
grandes entreprises, qui consiste chaque année à réaliser un entretien
d’évaluation entre le salarié et son supérieur immédiat (n + 1). Chacun
reçoit une note en fonction d’une appréciation globale. Celle-ci peut

138
parfois être associée à une prime, à une sanction verbale, à un chan-
gement d’indice ou à une promotion. Il est possible aussi d’y parler
des formations souhaitées ou souhaitables. Cet entretien est à la fois
redouté et attendu, autant par le supérieur que par le subordonné : il est
attendu car il joue comme un lieu d’échange et de communication ; il
est redouté car il peut générer une sanction, positive ou négative, et il
risque aussi de détériorer de ce fait le climat relationnel entre les deux
parties qui auront à continuer à travailler ensemble ensuite. D’autre
part, le n + 1 n’est pas toujours préparé à conduire un tel entretien, n’a
pas souvent de référentiels précis et objectifs, et tend à éviter les difficul-
tés en passant sur les questions sensibles et en notant dans la moyenne.
Les informations consignées remontent aux niveaux supérieurs et sont
fréquemment réduites au minimum pour les mêmes raisons. Parfois,
les conséquences sont rendues négligeables pour éviter les problèmes,
ce qui tend à annuler les effets théoriquement prévus, par exemple en
terme de motivation au travail.
On a montré, à partir du schéma d’emprise analytique, qu’une des
difficultés principales vient du mélange des objectifs qui associent l’éva-
luation des personnes et l’analyse des situations de travail. Le sentiment
d’évaluation crispe les relations et limite l’expression des informations
impliquantes, tandis que l’analyse réciproque permet la communication
et la régulation des problèmes communs. Il est donc préférable que cette
analyse n’attende pas un an pour exister et qu’elle soit dissociée des ques-
tions de personnes. Il en ressort que cette pratique de bilan d’année est très
éloignée de la logique et des caractéristiques d’un bilan de compétences.
L’entretien professionnel, présent dans l’article  1 de l’accord ANI
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de septembre 2003, mais non dans la loi de mai 2004 (Fernandez, 2004),


a lieu tous les deux ans minimum et renvoie aux accords de branche.
Ce n’est pas un entretien d’évaluation, il permet de formuler un projet
professionnel avec le collaborateur et met à jour les demandes du salarié
en matière de formation. Les modalités d’application peuvent varier,
mais il est certain qu’il ne peut remplacer un bilan de compétences, ne
serait-ce que par les enjeux et les conséquences directes pour les salariés.
Cet entretien peut le précéder puisque le bilan fait partie des formations
possibles à demander, mais il serait préférable qu’il le suive : en effet cet
entretien professionnel suppose que le salarié comme le manager connais-
sent les compétences à acquérir par formation et aient préparé leurs projets,
pour l’un en termes d’évolution personnelle, pour l’autre en termes de défi-
nition des compétences nécessaires au développement de l’entreprise.

139
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

Il serait illusoire de demander à cet entretien de remplacer un bilan


de compétences ou de permettre une réflexion personnelle sur une évo-
lution de carrière. En revanche il peut devenir un lieu de discussion
opportun sur le projet de formation dans l’entreprise une fois que le
salarié a éclairci lui-même ses compétences, son projet et les axes sur
lesquels progresser, à partir d’un bilan de compétences. C’est spécifique-
ment ce genre de scénario que l’on peut recommander pour articuler les
différents dispositifs existants.
Le bilan de compétences, qui a gagné son droit d’entrée dans l’en-
treprise et n’est donc plus réduit à une gestion personnelle indépendante
du lieu de travail, doit encore y trouver sa place sans perdre ses caracté-
ristiques. Les principales critiques des managers portaient sur le fait qu’il
n’était pas intégré au projet d’entreprise, qu’il était utilisé par les salariés
pour eux-mêmes et non pour l’organisation. Sous entendu, cela voulait
dire aussi qu’ils s’en désintéressaient car ils ne pouvaient pas avoir accès
aux informations du dossier personnel. Il faut donc préciser la logique
des processus pour éviter les attentes et les représentations erronées.
Pour être utile à l’entreprise, un bilan de compétences suppose
d’abord qu’une gestion par les compétences soit mise en place. À ce
niveau, cela revient à la question générale du transfert de toute forma-
tion et de son application dans le travail. Si l’on souhaite qu’une forma-
tion innove ou soit efficace, il faut pouvoir la mettre en œuvre, ce qui
demande conjointement une réorganisation de l’activité. L’apport issu
d’un bilan de compétences n’échappe pas à cette règle. On peut souhai-
ter que le développement des bilans de compétences pour les salariés
facilite le passage à une organisation gérée en fonction des compétences.
Mais le bilan de compétences n’est pas à assimiler à un lieu de négo-
ciation. L’une de ses retombées est d’y préparer le salarié. Dès lors, il est
important de bien distinguer les deux moments : le premier, en tant que
bilan de compétences, doit permettre au salarié de découvrir ses compé-
tences, de faire le point et de construire son projet, ce qui demande de
pouvoir s’exprimer dans un lieu protégé, en dehors du regard d’autrui,
et de dialoguer avec un conseiller compétent qui ne soit pas un respon-
sable hiérarchique.
À ce titre, la confidentialité n’est pas seulement une protection, elle
est une condition même de l’expression et de la focalisation sur soi et
ses compétences. Une fois cette démarche assurée, le salarié se trouve
alors prêt à négocier l’intégration de ses compétences à son travail en

140
fonction des compétences demandées par l’entreprise. Si cette négocia-
tion s’appuie sur la synthèse du bilan de compétences, elle ne demande
pas que les dimensions personnelles soient transmises et c’est au salarié
à présenter les aspects qu’il souhaite pour valoriser son activité.
Une gestion claire et distincte de ces deux temps est indispensable. Il
est nécessaire, pour assurer la réussite même du bilan de compétences, de
dissocier ce qui est d’ordre personnel, et qui doit le rester, de ce qui est de
la présentation à autrui d’éléments de type professionnel qui font l’objet
d’une négociation sociale. L’expérience de l’entretien annuel d’évalua-
tion va dans ce sens également puisqu’on a remarqué que son contenu
était faible, voire édulcoré, lorsque la pression évaluative était forte. La
gestion des BCA de l’ANPE conduit aux mêmes conclusions : une pres-
sion ou emprise par obligation de transmission de la synthèse du bilan
de compétences pousse à établir un rapport officiel distinct de l’ensemble
des échanges et des réflexions personnels.
Il faut en tirer parti pour le bilan de compétences des salariés et éviter
de transformer un temps d’investigation personnelle en temps d’évalua-
tion par un tiers extérieur. Il faut le rappeler au risque de déplaire, un
bilan de compétences n’est pas là pour qu’un employeur sache tout de
ses employés ou pour augmenter les contrôles évaluatifs, et il est de la
compétence du conseiller de veiller à respecter la confidentialité annon-
cée au bénéficiaire sous peine d’altérer gravement les relations et de
nuire à l’image du bilan de compétences.
Étant donné que la prestation bilan de compétences est au cœur d’en-
jeux entre les différentes parties plus ou moins concernées, institutions,
entreprises, centres de bilans, conseillers, bénéficiaires, il est nécessaire de
définir les éléments qui fondent sa qualité, d’autant plus que la diversité
des structures de conseil s’ajoute à celle des catégories multiples concer-
nées. Chacun pourra ainsi s’y retrouver et l’objectif du bilan consistant à
faire le point sur ses compétences pourra être atteint, sans être détourné
par des attentes divergentes. Cela permettra également de positionner les
différentes prestations et dispositifs de conseil en orientation par rapport
à ces éléments constitutifs d’une démarche de qualité.

Comment définir un bilan de qualité ?


Il faut d’abord rappeler que la qualité d’un service ne peut se calquer
sur celle d’un produit marchand. Celui-ci renvoie surtout à des normes

141
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

de conformité et d’utilité, tandis qu’un service s’appuie davantage sur


un mode de relations assuré dans de bonnes conditions. Or l’aspect
normatif risque de nuire à cette relation en imposant des règles et des
contraintes. Une qualité relationnelle demande en premier de ne pas
traiter l’autre comme un produit, de le considérer comme un partenaire
et de tenir compte de ses attentes et de sa façon de percevoir la situa-
tion à traiter où il est partie prenante. Trop d’erreurs ont été commises
en voulant imposer le bien sans se préoccuper de l’avis des gens. Il est
nécessaire de remarquer que cette composante interactive intervient sur
les conditions de mise en œuvre de la qualité du service. Il s’agit donc
d’organiser un style de relations qui y répond.
On peut passer en revue les éléments de qualité relationnelle du
bilan de compétences en suivant son déroulement temporel en trois
temps, sachant qu’il faut aussi tenir compte du contexte général de la
prestation et partant s’assurer au préalable de conditions extérieures de
base, comme la reconnaissance officielle du dispositif et de l’organisme
spécialisé, la présence de conseillers qualifiés et compétents en psycho-
logie, l’utilisation de méthodes adéquates aux objectifs annoncés. Par
exemple, il faut s’assurer que le bilan consiste bien à repérer des compé-
tences et à construire un projet, qu’il se positionne explicitement dans
le champ de la formation professionnelle. Inversement il est utile de
vérifier qu’il ne vise pas une évaluation normative ou comparative sui-
vie de retombées sous forme de catégorisation sociale ou d’affectation
sur un niveau d’emploi imposé, ou qu’il ne transforme pas la prestation
en sorte de thérapie courte plus ou moins pychanalysante et le bénéfi-
ciaire en patient.

Temps 1 : critères de qualité dès l’accueil


– L’accueil personnalisé est un premier indice de qualité. Il tend à se
généraliser dans la formation d’adulte, au moins dans les souhaits,
mais il faut savoir que ce n’est pas une évidence, notamment dès que
le nombre de personnes à accueillir augmente, comme dans l’Éduca-
tion Nationale. Cela signifie qu’on quitte le standardisé pour passer à
une relation sur mesure. Paradoxalement, cette amélioration sensible
a été critiquée pour son coût. Elle devient pourtant une nécessité dès
lors que l’on vise une adaptation des dispositifs à la diversité des situa-
tions et des individus et que l’on cherche à augmenter par là le taux
de réussite et l’efficacité du système. Cet accueil comprend le plus
souvent un entretien permettant de situer la demande de l’intéressé.

142
– Le fait que le conseiller s’assure de l’engagement volontaire du
bénéficiaire est un autre critère de qualité. Il faut se rappeler que le
volontariat de la démarche est un facteur favorable à la réussite, mais
qu’il ne se décrète pas. Quand il est faiblement présent, il est d’autant
plus utile de présenter la démarche pour éviter les attentes et percep-
tions fausses, de rechercher avec la personne ce qui lui conviendrait
le mieux, et de vérifier qu’elle est d’accord pour entreprendre une
démarche personnelle.
– L’information sur la démarche, ses objectifs et ses méthodes fait par-
tie d’un accueil de qualité. C’est indispensable pour obtenir l’adhésion
et la coopération du bénéficiaire, sachant qu’un bilan de compétences
ne peut se réaliser sans sa participation active. Pour s’impliquer, il doit
avoir une idée claire des étapes et des résultats possibles.
– C’est là aussi qu’intervient la garantie explicite de confidentialité
des échanges. Ce n’est pas seulement une règle de déontologie des
psychologues, c’est la condition de l’instauration de la confiance
entre le conseiller et l’intéressé qui va permettre de progresser dans les
échanges. À défaut, le discours sur soi sera limité, réduit à des bana-
lités ou parsemé d’éléments socialement souhaitables et attendus, ce
qu’on appelle la désirabilité sociale. Pour découvrir des aspects de soi,
des éléments impliquants, comme ses compétences, ses souhaits ou
ses orientations encore peu définies, il est nécessaire de se trouver
dans un lieu de protection permettant de s’exprimer personnellement
sans risque. C’est ensuite seulement, une fois les idées clarifiées et les
objectifs construits, que l’on pourra affronter l’extérieur, se présen-
ter socialement, défendre son projet. À l’inverse, la perspective d’une
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intrusion externe au moment de la centration sur soi fige l’activité


d’auto-analyse, et le non respect de la confidentialité annoncée jette
la suspicion sur le conseiller mais aussi sur l’ensemble du système.
– L’analyse de la demande avec l’intéressé est aussi un gage de qualité.
Il ne suffit pas d’être accueilli de façon personnalisée, encore faut-il
définir avec un professionnel ce qui convient le mieux. La demande
initiale est parfois floue ou stéréotypée. Le bénéficiaire peut penser
qu’il vient chercher une solution toute faite ou un profil de person-
nalité. Le conseiller a pour tâche non seulement d’identifier une
demande mais de la définir plus précisément avec le demandeur. C’est
une étape importante du bilan de compétences qui conduit à clarifier
les objectifs à atteindre et à préciser de façon réaliste ce qui peut être
attendu, ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Par exemple, il faut

143
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

indiquer qu’un bilan ne donne pas un emploi d’office, ce qui n’est pas
son objectif immédiat, mais qu’il permet de rassembler des informa-
tions sur soi pour mieux se positionner sur le plan professionnel, pour
mieux savoir ce que l’on cherche et comment le trouver. Quelquefois,
l’analyse de la demande conduit à repérer des questions qui ne relè-
vent pas directement du domaine professionnel, comme il arrive avec
des gens en grande difficulté sur le plan personnel. Il faut savoir alors
les orienter sur d’autres dispositifs que le bilan de compétences qui
n’est pas prévu pour résoudre tous les problèmes, même si parfois il
peut aussi jouer un rôle de mise ou de remise en route psychologique.

Temps 2 : qualité dans la recherche


d’informations sur ses compétences
Il est sans doute plus difficile de repérer les qualités de cette phase qui
forme le contenu même de la démarche, dépend de la situation du béné-
ficiaire et fait appel à différentes méthodes. Pourtant quelques critères
explicites et relativement simples peuvent servir de guide.
– Le bilan gagne à se dérouler sur un temps suffisamment long, par
exemple une durée de trois mois. Cela signifie déjà qu’il ne s’agit
pas d’attendre une solution immédiate ou magique de la part du
conseiller. D’autre part un étalement dans le temps permet au bénéfi-
ciaire de progresser à son rythme et d’assurer une maturation de son
projet. C’est pour cette raison que beaucoup de conseillers considè-
rent qu’une limitation à six semaines impose une pression excessive et
empêche de réaliser un travail en profondeur avec l’intéressé.
– Afin de gérer la démarche, il est important que les méthodes soient
explicitées et en rapport avec les objectifs. Cette activité demande
un conseiller, professionnel de la psychologie, qui sait choisir les
méthodes adaptées à la situation et expliquer ses choix afin d’obtenir
l’accord de l’intéressé, ce qui se distingue d’une passation standard
sans information donnée sur ce qu’elle va apporter.
– Il est encore possible d’aller plus loin et de proposer une participation
du bénéficiaire à la démarche. Cette opération, qui est loin d’être
classique dans l’utilisation habituelle des tests, modifie la perspective
et la place donnée à l’intéressé. Celui-ci n’est plus l’observé qui subit
une procédure mais devient vraiment un partenaire qui comprend et
donne du sens à ce qu’il entreprend comme démarche méthodique.
Dans ce cadre les instruments deviennent des supports d’interactions
qui vont générer de la connaissance non seulement pour le conseiller

144
mais aussi pour le bénéficiaire du bilan. Cette utilisation des méthodes
le fait accéder au statut d’observateur et diminue ainsi la dissymétrie
de la passation.
– Parmi les méthodes possibles proposées, il est souhaitable d’opter
pour celles qui permettent de rassembler des informations sur les
compétences. Il ne s’agit donc pas de s’occuper en premier lieu de
savoir chercher un emploi, ce qui centrerait la personne sur l’exté-
rieur plutôt que sur elle-même. Mais il n’est pas non plus prioritaire
de s’occuper en priorité de la personnalité et de son évaluation. Il est
d’ailleurs curieux que la personnalité soit plus étudiée que les apti-
tudes, à l’instar du recrutement, alors que l’on sait qu’elle intervient
moins dans le travail que ces dernières. Le bilan de compétences n’est
pas une découverte de soi clinique pour se faire plaisir, pour se poser
des questions existentielles ou pour se soigner. Il doit permettre de
repérer ses compétences en vue de se positionner sur le plan profes-
sionnel et sur celui de ses projets. Il se situe sur un créneau bien précis
et il est préférable d’y rester, sans dérives sur d’autres objectifs plus ou
moins implicites. C’est aussi une condition pour permettre au bilan
de compétences d’être reconnu dans le milieu de l’entreprise.

Temps 3 : l’accès aux résultats, synthèse et projet


– La qualité du bilan de compétences passe enfin par l’accès aux résul-
tats. C’est un indice important de qualité : les informations sont des-
tinées au bénéficiaire, d’où cette dénomination, et à lui seul. Il pourra
en user ensuite, pour tout ou partie, vis-à-vis d’instances extérieures,
pour faire valoir ses compétences. Mais au niveau du bilan, elles
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lui appartiennent et il peut les restructurer à sa façon. Il faut noter


que cette pratique n’est pas généralisée dans nos sociétés, dans les
recrutements, les concours ou les structures hospitalières et qu’il faut
bien souvent que la personne insiste pour obtenir les résultats qui la
concernent pourtant directement, même si ce droit existe et si le code
de déontologie des psychologues le soutient.
– Mais il faut encore s’approprier les conclusions. Les informations
en retour, qui permettent de tirer parti pour soi des avancées issues du
bilan, ne sont pas suffisantes si l’intéressé ne peut s’y retrouver et se
les approprier. C’est l’intérêt de la synthèse du bilan de compétences
qui permet au bénéficiaire de rassembler les données multiples.
À ce niveau des recherches sont en cours (Lemoine, Goby, 2003) pour
mieux comprendre les processus d’appropriation et d’intégration des

145
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

informations sur soi et les conditions qui les facilitent. Il apparaît déjà
qu’il est préférable de ne pas attendre la fin du bilan pour les découvrir
et qu’un accès progressif aux données en cours de constitution facilite
l’autoréflexion et l’appropriation sélective.
C’est en effet souvent au moment même de répondre à une question
que l’on découvre les réponses que l’on possède ou non. L’idée est
ainsi de traiter les données à chaud, au moment de leur émergence,
pour favoriser leur auto-analyse dans l’interaction avec le conseiller.
Mais cela a pour conséquence de demander de revoir le mode d’utili-
sation des instruments de mesure et des tests qui deviennent alors des
supports à l’analyse et non plus des outils de catégorisation sociale.
– L’existence d’une aide à la construction de projet, personnel, profes-
sionnel ou de formation, est un autre critère de qualité du bilan. Elle
suit logiquement la synthèse et permet de déboucher sur des actions
concrètes, réalisables, où le bénéficiaire est informé des procédures
pour les réussir. C’est aussi le moment où le conseiller peut vérifier,
avec l’intéressé, les progrès réalisés au cours du bilan de compétences,
à partir des reformulations, des argumentations plus élaborées, d’un
niveau plus élevé de clarté dans les compétences. Ce souci de vérifi-
cation en commun des apports obtenus constitue un indice supplé-
mentaire de la qualité de la prestation.

Tableau 4 : Critères de qualité du bilan de compétences1

Accueil personnalisé.
Vérification du choix personnel.
Temps 1 Information sur la démarche, objectifs, étapes et méthodes.
Confidentialité assurée.
Analyse de la demande.
Temps suffisant disponible.
Méthodes explicitées et adaptées aux objectifs.
Temps 2 Participation du bénéficiaire à la démarche.
Centration sur les compétences.
Ni évaluation, ni psychologisation ou thérapie.
Accès aux informations sur soi, résultats en retour.
Explicitation des données obtenues.
Soutien à la réflexion personnelle et à l’analyse de la situation.
Temps 3
Synthèse des informations recueillies.
Construction d’un projet personnel ou professionnel.
Vérification de l’appropriation des données par le bénéficiaire.

1 L’ensemble de ces critères suppose un conseiller qualifié et compétent (si possible psychologue),
utilisant des méthodes adéquates, ainsi qu’un organisme reconnu et spécialisé (par ex. un CIBC).

146
Conclusions et perspectives
Il reste à conclure que le bilan de compétences peut être une formule
de référence pour l’ensemble des démarches d’orientation tout au long
de la vie, à condition que la diversité de ses applications possibles ne
viennent pas le modifier et l’altérer dans sa logique, sa méthode et son
contenu. Il se trouve au centre de la problématique de l’orientation
continue et la définit non comme une contrainte pour les personnes en
échec mais comme une possibilité de choix et de maîtrise des évolutions
personnelles. Réinséré par les textes de 2003 et 2004 au cœur du disposi-
tif de la formation continue, il constitue à la fois une formation courte,
donc de coût limité, et une préparation aux formations professionnelles
dont il peut faciliter la réussite. On peut ainsi le considérer comme un
investissement dans un jeu gagnants-gagnants puisqu’il apporte un plus
à la fois aux personnes et à l’entreprise.
Bien sûr, il ne faut pas tout lui demander, sous peine de susciter des
déceptions, et il convient de respecter les conditions qui en assurent la
qualité et de le situer sur un créneau bien précis pour éviter les distor-
sions. Ni solution miracle au chômage ou à la gestion des compétences,
ni havre social pour tous les déprimés à soutenir psychologiquement, le
bilan de compétences gagnera à être utilisé comme il est prévu : permettre
aux personnes de repérer et analyser leurs compétences et d’élaborer leur
projet dans un dispositif d’accueil, en présence d’un conseiller compé-
tent qui leur propose une démarche méthodique pour progresser vers ces
objectifs. Ces dispositions, déjà définies légalement, comportent des élé-
ments de qualités appréciables, sous réserve qu’ils soient mis en œuvre.
Cela demande donc un dispositif qui assure les conditions d’autono-
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mie et de faisabilité, des professionnels suffisamment formés et qualifiés


pour encadrer la démarche, et des méthodes vérifiées et accessibles corres-
pondant aux buts recherchés et permettant une appropriation des résul-
tats qu’elles suscitent. Dans cette perspective, le bilan de compétences,
loin de se distordre sous des pressions sociales divergentes, peut devenir
le prototype de l’orientation choisie et maîtrisée, duquel les autres dispo-
sitifs pourraient à bon escient se rapprocher au niveau des exigences de
qualité à remplir. Dans ces conditions, il s’ouvre sur l’avenir.

147
11. Diversité des dispositifs
et qualité des bilans de compétences

L’essentiel

 Une multiplicité de dispositifs de bilans se réfèrent plus


ou moins aux caractéristiques du bilan de compétences.
Pour s’y retrouver, il est utile de vérifier si les critères de qualité
sont présents, et ce tout au long de la démarche.
 Au départ, il est important d’avoir un accueil personnalisé,
d’obtenir des informations sur la démarche, de pouvoir la choisir,
de s’assurer de la confidentialité des données, de commencer
par une analyse de la demande.
 Il est nécessaire de disposer d’un temps suffisant,
d’une explicitation des méthodes, d’être centré
sur les compétences, de pouvoir participer à la démarche.
 Enfin, l’accès aux informations sur soi est indispensable,
de même que le soutien à la réflexion personnelle, à la synthèse
et à la construction d’un projet personnel ou professionnel.

148
Chapitre 12

De la nécessité
de consolider
une démarche
innovante :
du bilan à l’analyse
des compétences

Résumé

 Il s’agit de rassembler les avancées et les originalités


du bilan de compétences, du côté des usagers, des conseillers,
et de l’organisation du dispositif. Malgré ces aspects positifs,
plusieurs difficultés subsistent qui conduisent à envisager
les développements futurs.

149
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences

Faire le point
Après plus de 20 ans d’existence, peut-on faire un bilan du bilan de compé-
tences ? Ou plutôt, afin d’éviter ce terme trop utilisé et trop chargé de sens
évaluatif ou économique, peut-on faire le point sur les avancées mais aussi
les limites et les détournements de ce dispositif mis au service du public ?
Faire le point est une notion de marine qui consiste à se repérer par
rapport à un point de départ et aussi par rapport à l’objectif visé. Elle
suppose donc l’idée d’une direction, d’un sens dans lequel progresser,
et ce à partir d’une référence que l’on prendra comme étant celle du
législateur et des buts qu’il recherchait en mettant en place le dispositif
du bilan de compétences. Y a-t-il eu changement, progrès, dérive ou
encore réponse à des situations nouvelles  ? C’est ce que nous propo-
sons d’examiner ici.
Mais faire le point s’oppose aussi à une notion très répandue dans les
représentations courantes des responsables institutionnels et de la plu-
part des gens, celle d’évaluation, qui revient en force dans une culture
de marché, de comparaison sociale et de compétition, et qui demande à
la fois de mesurer les résultats, les performances, l’atteinte des objectifs,
et de juger de la valeur des personnes ou des organisations en les situant
les unes par rapport aux autres.
Ces processus, qui ne font que reprendre l’ancienne notion d’éva-
luation, très présente dans les systèmes scolaires et maintenant étendue
aux milieux professionnels, sont poussés à l’extrême en s’appliquant
à des dimensions psychologiques associées aux activités de travail et
de formation des adultes. On se trouve ainsi dans un flux social qui
généralise les mesures et partant le repérage systématique d’autrui dans
ses dimensions personnelles, et qui utilise ces données pour classer et
hiérarchiser les individus (par exemple par rapport à l’accès à une for-
mation ou à un emploi) ou les organisations (par exemple en prestige
ou en qualité).
Dès lors, faire le point, ce qui est aussi le propre du bilan de compé-
tences, risque toujours de prendre un sens différent de celui d’analyser
les éléments d’une situation complexe, et de se réduire à estimer la valeur
globale du système. On se retrouve alors rapidement dans une opération
mentale simplificatrice et binaire trop souvent rencontrée, celle de déci-
der du bien et du mal, sous couvert de bon et de mauvais, de plus et de
moins, d’éloges ou de blâmes, qui se transforme in fine en financement
ou non financement du dispositif, ce qui revient à l’encenser pour utilité

150
sociale reconnue ou à le supprimer, et dans les deux cas à en modifier
l’image sociale.
Aussi, afin d’éviter ici de tomber dans ce piège de l’évaluation,
nous proposons d’examiner les enjeux individuels et sociaux, les
apports et les avancées pour les différentes parties concernées, bénéfi-
ciaires, conseillers, organisations de soutien, mais aussi les difficultés
de réalisation et les inflexions, voire les dérives dans la mise en œuvre
et les adaptations successives liées aux situations plus générales en
changement. Enfin, les perspectives possibles d’évolution et de déve-
loppement seront esquissées en fonction des choix adoptés et des
moyens à développer en conséquence, selon qu’il s’agit de se repérer
ou d’être repéré.

Les acquis et les avancées du bilan


de compétences
Du côté des usagers
Plutôt que d’attribuer des notes, bonnes ou mauvaises, examinons
d’abord les apports du bilan de compétences en terme de processus
et d’avancée auprès de ses usagers, sachant qu’ils se trouvent dans
un monde changeant et que le bilan est prévu pour leur permettre
d’analyser leurs compétences et de repérer comment ils peuvent en
tirer parti.
Parmi les effets, on peut distinguer les aspects sociaux et les apports
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psychologiques. Sur le plan social, on note la préparation à une forma-


tion professionnelle, avec une meilleure réussite (cf. Patte, Pouchard et
Lagabrielle, 2002 ; Vonthron, Lagabrielle et Pouchard, 2007). Quand le
stagiaire a un projet et sait ce qu’il souhaite, il choisit sa formation et
tend à la terminer avec succès, ce qui demande d’autre part une forma-
tion adaptée au projet visé. Il en est de même pour l’accès à l’emploi,
sachant que celui-ci ne dépend pas uniquement d’un bilan de compé-
tences mais aussi des conditions du marché.
Les effets sont donc indirects au sens où le bilan prépare les per-
sonnes à mieux se situer sur le plan professionnel, à définir leurs objec-
tifs et à se trouver dynamisées pour chercher plus et mieux dans le
milieu du travail en fonction de leurs compétences. D’où l’importance

151
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences

des effets psychologiques qui sous-tendent et nourrissent les effets


visibles en termes de projet et de réalisation professionnelle.
Sur le plan psychologique, indéniablement toutes les études réalisées
conduisent à établir l’existence d’apports significatifs (par exemple : Fou-
lard, 2004 ; Gaudron et Croity Belz, 2005 ; Ruffin-Beck, 2008 ; Michaud
et Savard, 2008 ; Ruffin-Beck et Lemoine, 2011). En particulier, les béné-
ficiaires sont le plus souvent satisfaits ou très satisfaits de la démarche
entreprise, même quand au départ ils ne savaient pas clairement sur quoi
ils s’engageaient et ne percevaient pas ce qu’ils pouvaient en retirer.
C’est ici qu’il faut rompre avec les idées stéréotypées sur la motivation
initiale et intégrer que celle-ci peut se développer au fur et à mesure, comme
lorsque l’on découvre un plat nouveau et que l’on y prend goût. Mais, pour
cela, encore faut-il que la nouveauté réponde à une attente cachée, à une
découverte bienvenue ou à un enrichissement psychologique.

La satisfaction engendrée par la démarche


du bilan de compétences
Si l’on cherche sur quoi se fonde cette satisfaction, les bénéficiaires d’un bilan
mettent en avant trois éléments associés :
• le fait d’être accueillis, écoutés et soutenus ;
• le fait de découvrir une méthode pour repérer leurs compétences dans un
contexte non évaluatif ;
• et le fait, qui est consécutif, d’accéder à une clarification de leurs com-
pétences, base à partir de laquelle ils peuvent construire un projet qui leur
convient et qui est à la fois réaliste et possible. ■

Plusieurs études réalisées dans des lieux et des milieux différents mon-
trent en effet que la satisfaction des bénéficiaires vient d’abord du progrès
dans la clarté de l’analyse et du repérage des compétences. Ce résultat
n’est pas surprenant, dans la mesure où l’on sait que le public qui arrive
en bilan de compétences se trouve dans une situation de transition, d’in-
certitude, de flou quant à son avenir et y découvre un endroit qui le ras-
sure et qui lui apporte des moyens pour mieux comprendre sa situation et
y faire face. En conséquence, le bilan améliore aussi la qualité de l’image
de soi (cf. Fayeulle et Lemoine, 2005) et favorise la dynamisation, l’aug-
mentation de l’activité et de la recherche d’information dans le milieu du
travail. Ruffin-Beck et Lemoine (2011), Saint-Jean, Mias et Bataille (2003),
ont montré un lien entre l’accompagnement, qui apporte du sens au par-
cours professionnel, et la concrétisation du projet professionnel.

152
Du côté des conseillers
Du côté des conseillers bilans, il faut constater également des éléments de
progression sur le plan des compétences développées et offertes. Outre l’aug-
mentation sensible des emplois pour les psychologues depuis les années
1990, nombre de centres de bilan, et notamment les CIBC (centres inte-
rinstitutionnels de bilans de compétences) ont développé une expérience
professionnelle, adaptée à l’accueil et à l’accompagnement psychologique
des personnes, et partant une formation de leurs intervenants. Les béné-
ficiaires n’ont pas seulement découvert dans le bilan de compétences un
lieu protégé avec une prise en charge des problèmes liés aux compétences,
mais ils ont trouvé aussi des conseillers attentifs et capables de proposer des
méthodes pour progresser dans l’analyse et le repérage des compétences, et
donc permettre aux personnes de mieux se situer dans le milieu du travail.
Il faut souligner ici l’importance de ces pratiques pour faire évoluer
les méthodes et plus largement les conceptions de l’intervention et du
conseil en psychologie.
Les méthodes ne sont plus seulement des moyens de prélever de
l’information sensible sur autrui, elles deviennent une démarche
méthodique mise à disposition des intéressés, afin qu’ils s’appro-
prient des connaissances nouvelles sur eux-mêmes.
C’est une évolution épistémologique considérable où le sujet humain
n’est plus considéré comme un objet de science, déterminé de l’exté-
rieur, mais acquiert le statut de participant, dans une relation à la fois
personnalisée et organisée de façon méthodique à son profit. C’est en
effet lui qui est prioritaire pour accéder aux informations qui le concer-
nent, comme la prise de conscience de ses compétences.
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Le rôle du conseiller et de ses méthodes s’en trouve changé d’autant


puisqu’il s’agit alors, non plus de dresser un profil statique, catégori-
sant, mais de co-construire avec l’intéressé l’image qu’il acquiert pro-
gressivement sur ses compétences à partir d’une analyse méthodique
(cf. Lemoine et Goby, 2003 ; Lemoine et Akotia, 2006).
Cet aspect participatif est une originalité et un acquis importants. Il
porte à reconsidérer la place des sciences humaines et notamment de la
psychologie, à redéfinir le rôle des savants, des experts et des décideurs
extérieurs, et à donner une place plus grande aux intéressés qui devien-
nent davantage « source d’emprise » sur leur milieu et sur eux-mêmes
en connaissant mieux les facteurs externes et internes en jeu, ce qui les
prépare à savoir décider par eux-mêmes et en connaissance de cause.

153
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences

C’est sur le fond une nouvelle répartition des connaissances en


sciences humaines qui redéfinit les « pôles d’emprise » et de décision :
est-ce des déterminants extérieurs, un représentant de l’institution, un
conseiller expert, ou est-ce l’intéressé qui définit ses choix, ses objectifs
et ses moyens d’agir ? Le bilan de compétences donne la priorité à la der-
nière alternative, dans la lignée du souhait dominant actuel d’un déve-
loppement d’une autonomie individuelle face aux contraintes sociales,
organisationnelles et institutionnelles.

Du côté du dispositif et des organisations


Une troisième série d’apports vient de l’existence du dispositif lui-
même  : le bilan de compétences renouvelle la façon de concevoir
l’orientation personnelle et professionnelle et constitue une première
réalisation concrète d’une possibilité d’orientation tout au long de la
vie. Il répond ainsi à la nécessité qui vient de la mobilité croissante du
travail et de l’emploi en permettant à chacun de se préparer et de s’ajus-
ter aux variations qui touchent le marché et les entreprises. À partir du
moment où la notion de compétences remplace de plus en plus celle
de qualification et devient la notion clé pour gérer les emplois et les
transformations du travail, chacun, salarié ou futur salarié (demandeur
d’emploi ou étudiant), se doit de connaître et de valoriser son panel de
compétences afin de se situer et de trouver une place dans la société.
Parallèlement à une gestion prévisionnelle des emplois et des compé-
tences (GPEC), nécessaire à la gouvernance des entreprises, il est logique
et attendu qu’un dispositif similaire soit mis à la disposition des individus
afin qu’ils puissent gérer leur évolution professionnelle. Le bilan de com-
pétences constitue une première réponse à cette nécessité et équilibre ainsi
la situation entre les deux pôles, employeurs et salariés. Il peut permettre
une nouvelle base de négociations entre les parties, une fois que chacune
d’elle a fait le clair sur son orientation générale, ses objectifs et ses moyens.
Mais le bilan de compétences est aussi un dispositif qui redéfinit
la conception de l’orientation. Celle-ci n’est plus seulement scolaire et
limitée à une étape préparant le choix initial d’une profession ; elle n’est
pas uniquement professionnelle, car elle intègre des dimensions person-
nelles plus larges. Elle rompt surtout avec une pensée encore dominante
selon laquelle l’orientation est gérée par des tiers en fonction de critères
extérieurs, comme le niveau de réussite dans telle ou telle discipline
scolaire ou comme la seule conjoncture économique.

154
Non pas que ces déterminants ne jouent pas, mais ils n’intervien-
nent plus comme des déterminismes automatiques qui s’imposent de
l’extérieur sans passer par l’avis de l’intéressé.
Plus encore que l’orientation continue nécessitée par les change-
ments du temps, cette conception d’une orientation gérée et conduite
par la personne concernée elle-même tranche avec des années de direc-
tivisme sous couvert de lois du marché ou de connaissances scienti-
fiques établies et déterminantes d’office. Elle apporte une ouverture
selon laquelle tout n’est pas joué d’avance, par exemple en fonction
du nombre d’emplois existants, sachant que cette donnée est sujette
aussi à évoluer puisqu’il est possible de créer des emplois et de ne
pas se satisfaire de ceux qui existent déjà. On se place alors dans une
perspective de construction de l’orientation par la personne, par oppo-
sition à un état des choses tout fait et inamovible face auquel il n’y
aurait qu’à s’incliner.
Cette maîtrise de l’orientation par les personnes constitue une pers-
pective générale de société qui n’est sans doute pas encore admise dans
les faits par les décideurs institutionnels. Si elle concerne l’orientation
professionnelle et donc le choix d’une profession ou encore d’un emploi,
terme générique dévalorisé et réduit aux seules conditions du marché,
elle porte aussi sur un autre secteur sujet à décision ou au contraire à
contrainte, celui de la formation.
Le bilan de compétences entre à bon escient dans le champ du
droit individuel à la formation (D.I.F.). À ce titre, il est à la fois une
formation, et non un soin ou une cure, puisqu’il apporte des moyens
nouveaux pour gérer mieux les compétences, et une préparation au
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choix de la formation. Les études montrent en effet (par exemple,


Patte et al., 2002) que le maintien et la réussite d’une formation tien-
nent beaucoup au fait que l’intéressé l’a choisie, s’y engage, et y trouve
un moyen de réaliser ses objectifs. A contrario, on sait que les envois
en formation décrétés comme un besoin sans demander l’avis des inté-
ressés, les formations parking, et les formations sans but précis perçu
par les formés produisent des taux d’abandon et d’échec importants et
conduisent à une utilité sociale et personnelle quasi nulle.
Face à cela, le dispositif du bilan de compétences peut préparer
efficacement à l’entrée en formation et conduire à augmenter sen-
siblement le niveau d’engagement, de maintien et finalement de
réussite.

155
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences

Les difficultés et les dérives du système


Cependant, ces résultats et ces effets indéniables sont actuellement mis
en question par plusieurs facteurs qui concourent à discréditer ce dispo-
sitif et à le trouver inefficace. J.-P. Gaudron et N. Cayasse (2004) notent le
paradoxe selon lequel l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS),
dès 1997, souligne l’absence de changement intervenu dans la situation
professionnelle alors même que la plupart des bénéficiaires se déclarent
satisfaits de leur bilan de compétences. Les rapports actuels de l’IGAS
vont actuellement dans le même sens en fustigeant le manque d’effi-
cacité des formations. Il nous faut donc examiner les raisons de cette
divergence d’appréciation. En fait, elle n’est pas nouvelle et dépend des
critères d’évaluation de référence. Sont-ils purement économiques à
court terme ou prennent-ils en compte les apports psychologiques qui
permettent seuls de maintenir la qualité de vie au travail, et in fine un
travail de qualité ?
Dès 1977, une étude sur le rapport à la formation entretenu par
les formés apportait des éléments de compréhension à ce phénomène
(cf. Lemoine, 1977) : la formation n’apportait pas d’abord les effets atten-
dus initialement par les stagiaires en termes de promotion ou de rému-
nération supplémentaire (ce qui dépend d’abord de l’entreprise), mais ils
y découvraient d’autres sources d’intérêt comme les échanges, la prise de
distance sur leur travail et une ouverture sur des connaissances nouvelles.
Cela signifie d’une part que les attentes avaient évolué au cours de la
formation, et d’autre part que les effets directs sur le travail dépendaient
moins de la formation elle-même que de la possibilité de l’utiliser dans
l’entreprise. Mais des effets indirects, en termes de motivation et de
maintien de l’intérêt pour le travail, sont rarement pris en compte. Une
recherche récente (cf. Loi, 2008) montre qu’une formation de courte
durée (dans une structure d’accueil et de soins d’handicapés) ne modifie
ni l’organisation du travail, ni la possibilité de promotion, mais permet
au personnel de se ressourcer, par comparaison à ceux qui ne l’ont pas
suivie et qui s’épuisent.
On peut penser que le même genre de phénomène se produit avec
le bilan de compétences : il ne résout pas les problèmes structurels du
chômage mais il apporte aux bénéficiaires une capacité plus grande à
y faire face en leur permettant de savoir mieux gérer et valoriser leurs
compétences. On comprend mieux dès lors que les différences d’évalua-
tion s’accentuent dans la mesure où les appréciations proviennent de

156
deux sources différentes, l’une du point de vue des bénéficiaires, l’autre
de celui des représentants institutionnels.
Pour approfondir la compréhension des écarts entre les avis des uns et
des autres, on peut se placer dans la perspective générale des systèmes de
formation des adultes et suivre leur évolution en fonction des modifica-
tions des problèmes économiques et de la demande consécutive des insti-
tutions de financement de la formation. Comme le soulignait P. Goguelin
dès 1995 pour la formation continue (première année de son plafonne-
ment en terme de croissance), celle-ci est passée d’une perspective de pro-
motion des hommes et d’un outil d’adaptation face aux changements
techniques et organisationnels à un outil de gestion sociale du chômage,
avec l’apparition de formations parking aussi coûteuses qu’inefficaces.
Il est intéressant de constater que les rapports de l’IGAS et ceux du
Sénat ressortent quasiment les mêmes conclusions 13 ans plus tard en
insistant sur les coûts trop élevés et sur le manque d’efficacité sur l’em-
ploi. Mais pour évaluer l’utilité sociale, encore faut-il connaître les réfé-
rences et les objectifs à atteindre. Or, il semble bien que le seul critère
retenu soit en ce moment celui de l’emploi, quel qu’il soit, précaire ou
non, et que les différents dispositifs ne soient regardés que dans leur
rapport coût/résultat immédiat sur ce critère.
Dans ce contexte, le bilan de compétences se trouve doublement visé,
en tant que dispositif intégré au droit individuel à la formation (DIF) et
en tant que dispositif d’orientation professionnelle, et il est déjà touché
dans ses modes de financement et par suite dans les méthodes et dans
les objectifs qui y sont mis en œuvre. En effet, dispositif élaboré pour les
salariés comme un moyen d’orientation personnelle et professionnelle au
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cours de la vie, il est devenu, sous l’effet des problèmes liés à l’emploi, un
outil antichômage parmi tout un ensemble de dispositifs d’accueil, d’in-
formation et de prise en charge, sans que soient reconnues ses spécificités.
Dès 2001, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) imposait, pour
répondre à cette demande, une nouvelle forme de bilan qui ne corres-
pondait pas au cahier des charges relié à la loi de 1991 sur le bilan de
compétences. Ce bilan de compétences, déclaré approfondi (BCA) mais
spécifique à l’ANPE et en réalité accéléré, puisque sa durée était limitée à
six semaines, (traduction exacte du A de BCA !) obligeait les prestataires
de services à réduire le temps de prise en charge et modifiait sensible-
ment l’esprit du bilan de compétences : l’absence de démarche volon-
taire, l’envoi des informations personnelles à des tiers, l’orientation des

157
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences

méthodes directement axées sur la recherche d’emploi (comment faire


un CV ou une lettre de motivation) associés à un temps plus limité et à
une prestation moins rémunérée pour les centres constituaient autant
de contraintes qui transformaient de fait les objectifs et les moyens du
bilan de compétences. Le travail sur la connaissance de ses compétences
et sur la construction d’un projet personnel s’en trouvait détourné au
profit d’une centration immédiate sur le marché de l’emploi (cf. Bezin,
2003 ; Lemoine et Goby, 2003).
Depuis 2007, cette tendance s’est sensiblement accentuée, en pire :
d’une part, l’ANPE a rompu avec la notion de bilan de compétences,
et de l’autre, en 2008, elle a proposé des niveaux de prestations à ses
partenaires à un niveau très bas (descendant parfois jusqu’à 400 euros
alors qu’un bilan de compétences «  classique  » revient en moyenne
à 2  000  euros). De ce fait, plusieurs prestataires, qui proposaient une
démarche de qualité encore proche du bilan de compétences, mais en
restant sans doute trop dépendants d’un commanditaire unique, se sont
trouvés en difficulté financière grave ; et les autres ont dû modifier leurs
prestations en les réduisant et en les aménageant sous une autre forme.
Dans le cadre de ce financement minimal, le cahier des charges
change : il suffit de vérifier auprès du demandeur d’emploi quel type de
« boulot » lui est possible et de lui donner l’information sur les emplois
disponibles. Il ne faut donc plus de qualification pour les conseillers et
une simple secrétaire fait l’affaire ! Un professionnel de la psychologie
devient alors un personnel trop qualifié et donc trop coûteux ! Dans les
centres qui ont répondu aux critères de financement alloués, les procé-
dures ne ressemblent quasiment plus à celles prévues dans un bilan de
compétences, et les prestations en sont réduites d’autant.
Le but unique et immédiat devient de placer les demandeurs d’emploi
sur des emplois existants. Ce but est sans doute louable mais il ne corres-
pond plus à un bilan de compétences. D’une part, les centres sont pous-
sés à prendre prioritairement des personnes sans difficultés personnelles,
afin qu’elles ne soient pas susceptibles de constituer un frein à la reprise
d’emploi. D’autre part, les procédures se trouvent fortement accélérées :
l’entretien de diagnostic se réduit à vérifier que le candidat répond à
un cahier des charges administratif et à mettre en œuvre des actions en
fonction d’une déclaration de projet supposé déjà là. Des ateliers en col-
lectif (et non plus personnalisés) sont ensuite proposés : ils visent surtout
des techniques de base pour préparer un CV, écrire une lettre de moti-
vation type, s’informer sur les annonces de propositions d’emplois, par

158
internet ou par téléphone, et se renseigner sur les possibilités du marché
de l’emploi. Les entretiens de suivi ou d’accompagnement consistent à
revenir sur les contacts pris, à soutenir le candidat dans ses actions, à lui
proposer des offres d’emplois collectées par le centre. Aucun de ces cri-
tères ne correspond à une prestation de qualité telle qu’elle pouvait être
réalisée dans un bilan de compétences digne de ce nom.
Il s’agit donc essentiellement d’une préparation rapide à la recherche
d’un emploi et d’une incitation à persévérer. Mais il n’est question ni
d’analyse des compétences, ni de définition ou de construction d’un
projet professionnel. Dès lors, il n’est plus décemment possible de parler
de bilan de compétences, ce type de prestations ne visant qu’à inciter à
trouver et à accepter le premier emploi qui se présente.
À ce sujet, il faudrait se demander également quelle est l’efficacité de
ce genre de préparation qui présuppose que l’intéressé connaisse déjà le
secteur dans lequel chercher. Que deviennent ceux qui ne savent pas où
ils en sont, qui n’ont pas de projet précis, qui ne sont pas prêts pour se
maintenir dans un emploi ? Il faudrait aussi se demander s’il suffit de
placer quelqu’un sur le premier emploi venu ou s’il n’est pas préférable
de le préparer à viser un métier ou une profession. S’il y a urgence, faut-il
pour autant sauter les étapes et supposer que la connaissance des com-
pétences et la construction d’un projet sont des éléments superflus  ?
N’est-ce pas inverser l’ordre logique que de viser un emploi avant de
savoir lequel convient ? Peut-on à ce point se passer de méthode quand
on est dans le secteur social ? Si oui, il suffit d’un agent de placement,
mais c’est justement parce que cette activité s’est avérée insuffisante,
y compris à Pôle Emploi, qu’il est nécessaire de faire appel à des pro-
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fessionnels du conseil psychologique, et ceux-ci doivent alors avoir les


moyens d’exercer leur activité avec des méthodes appropriées. À défaut,
et sous prétexte de traitement plus égalitaire, le système commence à
produire davantage d’inégalités, puisqu’il est admis qu’un demandeur
d’emploi n’a pas à avoir accès à un véritable bilan de compétences au
titre de la loi de 1991 mais doit se contenter d’une prestation au rabais.
Sans doute, le bilan de compétences n’est pas la solution à tous les
maux et le penser a pu conduire à lui demander des miracles. Mais un
demandeur d’emploi, par définition en transition, ne nécessite-t-il pas
autant d’attention qu’un salarié ou un cadre qui se pose des questions
sur son évolution professionnelle  ? Et n’est-ce pas un investissement
social judicieux que d’aider avec méthode des personnes à se situer pro-
fessionnellement ?

159
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences

Mais le bilan de compétences ne risque pas seulement de subir


une modification de ses objectifs et de ses moyens, il souffre aussi des
attentes multiples à son égard, de son succès relatif, et par conséquent
de la démultiplication des publics potentiels et de la diversité des centres
de prestation, ce qui contribue à son dévoiement. Il serait certainement
nécessaire d’adapter le bilan de compétences aux différents publics
accueillis, comme les handicapés, les jeunes scolarisés, les créateurs
d’entreprise, les salariés, les demandeurs d’emploi. Cela permettrait de
préserver les grandes avancées de la démarche qui se fondent sur la par-
ticipation du bénéficiaire et la mise en place avec lui d’une démarche
méthodique et explicite.
À ce sujet, la diversité des centres autorisés et l’absence d’une charte
de qualité sur les méthodes utilisées et sur les compétences des conseillers
n’aident pas à donner une image clarifiée des prestations et à valoriser
la démarche aux yeux des usagers et des institutions de financement.
Mais encore faudrait-il que ces dernières reconnaissent la qualité et ne
la bradent pas selon la règle du « mieux disant », où le marché revient à
ceux qui proposent le plus petit prix sans s’occuper du niveau de qualité
des prestations.
La situation est ainsi devenue paradoxale  : c’est au moment où la
demande d’orientation tout au long de la vie se fait sentir davantage
en raison des incertitudes et des mobilités professionnelles croissantes
que les dispositifs capables d’apporter des réponses de qualité se trou-
vent mis en difficulté par les institutionnels eux-mêmes, alors que leur
rôle serait de les soutenir, de les développer et de veiller à la qualité des
prestations proposées.

Les développements
et positionnements à assurer
Malgré ces difficultés grandissantes, il nous faut réaffirmer l’originalité
et l’utilité sociale des bilans de compétences dans une période où la
formation à l’orientation est une priorité pour les personnes confron-
tées à des modifications fréquentes et rapides dans leur métier. S’il est
nécessaire d’adapter le bilan de compétences aux différents publics et
aux demandes variées, cette évolution du dispositif ne peut se réaliser
au détriment de la qualité de l’intervention. Alors même qu’elle est déjà
de courte durée (20 heures en moyenne), il n’est pas acceptable qu’elle

160
soit amputée des avancées et du progrès qu’elle a contribué à susciter
tant sur le plan du conseil psychologique que sur celui des méthodes
d’accompagnement.
Il faut savoir que gérer un bilan de compétences au sens de la loi de
1991 n’est pas réalisable sans un niveau de qualification élevé et sans
respecter le temps de la découverte, de l’appropriation des informations
impliquantes sur soi et de la maturation d’un projet. Cette démarche
complexe demande des compétences en psychologie, des méthodes
définies et n’a rien à voir avec une simple information donnée sur l’état
du marché par un agent peu qualifié ou maintenant par un ordinateur.
Non pas qu’il faille se priver de cette information, mais il est nécessaire,
pour qu’elle devienne efficace, qu’elle soit intégrée dans la sphère, dans
la logique et dans la perspective de la personne concernée qui se l’ap-
proprie. En dehors de cela, les données utiles restent enfermées dans le
Bottin sur l’étagère et ne sont pas utilisées. À ce titre, les propositions
du rapport Lunel (2007) sur l’insertion professionnelle, préconisant l’in-
formation sur les formations et les métiers, sont nécessaires mais n’in-
sistent pas assez sur les moyens d’un travail continu « d’éducation au
choix ».
Il reste ainsi à résoudre quelques contradictions d’importance : d’un
côté il est proposé de développer les actions personnalisées d’accompa-
gnement (Rapports publics, octobre 2007, et juillet 2008), et de l’autre
elles sont considérées comme trop chères et trop lentes, voire parfois de
luxe. De même, la formation est reconnue comme un vecteur important
du développement économique et de la promotion sociale mais la for-
mation tout au long de la vie ne permet pas assez d’accéder aux diplômes
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en fonction d’une tendance à la réduction de sa durée et de ses coûts.


Dans le même sens, les rapports officiels font appel à l’égalité de chacun
mais les demandeurs d’emploi doivent se contenter d’une prestation au
rabais et les dispositifs actuels de Pôle Emploi ne leur permettent plus
l’accès à un bilan de compétences dans de bonnes conditions. Même la
Cour des comptes (Cour des comptes, 2008 et suivants) pointe le suivi
déficient des demandeurs d’emploi. Il faut donc se demander de quelle
efficacité il s’agit quand seul le court terme est visé et que le but est de
placer les personnes au plus vite, sans s’occuper du taux de récurrence
du chômage pour ces mêmes salariés qui restent en situation difficile.
Devant ces manques de coordination et de logique, on peut seule-
ment formuler quelques souhaits. Bien qu’il soit vu comme insuffisant
pour résoudre les problèmes du temps, le bilan de compétences reste

161
12. De la nécessité de consolider une démarche innovante :
du bilan à l’analyse des compétences

un dispositif de référence pour gérer les mutations et les difficultés qui


s’en suivent dans un milieu du travail en changement rapide. Alors qu’il
est une innovation française qui se met en place dans d’autres pays,
comme l’Italie, la Suisse ou la Belgique, on peut souhaiter qu’il évolue
vers plus d’efficacité, mais ses composantes et ses avancées demeurent
incontournables : conseil personnalisé, méthode de progression assurée
par des personnes qualifiées, et notamment par des psychologues qui
maîtrisent l’activité de conseil, d’analyse des compétences et assurent la
confidentialité. Si l’on voulait améliorer le dispositif, il faudrait d’abord
lui permettre de fonctionner dans sa logique en veillant au niveau de
qualité et d’homogénéité des prestations, ce qui suppose un finance-
ment en fonction de critères qui ne soient pas que gestionnaires et
comptables.
Si l’on admet que l’accès à un métier (et non à un emploi quelconque)
et l’évolution en cours de carrière professionnelle se préparent, alors le
bilan de compétences reste un modèle à étendre et un moyen pertinent
mis à la disposition des personnes. Il intervient à la fois comme outil
d’orientation personnelle et comme éducation au choix, en offrant
une méthode d’analyse des compétences. Il se situe comme une étape
préparatoire à une démarche de formation réfléchie et motivée, à un
changement de travail ou à une reconversion professionnelle organisés
en amont afin d’augmenter les chances de réussite.
Dans ce cadre, il faut penser à son extension possible à des publics
nouveaux et ciblés, comme les créateurs d’entreprise ou les étudiants,
en prévoyant des adaptations nécessaires, même si l’une des sources de
ses difficultés vient sans doute de son utilisation pour d’autres domaines
sans adaptation suffisante. À moins que ce ne soit lié aux attentes trop
importantes qu’il suscite. Évidemment, un dispositif aussi central ne peut
que subir des pressions multiples et entraîne des difficultés d’application,
mais en matière d’aide à l’auto-orientation, il rassemble des éléments de
progrès indéniables, au point que l’on pourrait dire : s’il n’existait pas, il
faudrait l’inventer.

162
L’essentiel

 Le bilan de compétences apporte la possibilité de s’orienter


à partir d’une analyse de ses compétences.
 Le rôle du conseiller s’en trouve changé : d’expert évaluant
les personnes et apportant une solution, il devient
un accompagnateur proposant des méthodes qui leur permettent
d’éclairer leur situation et leurs compétences.
 Le bilan de compétences est un dispositif qui renouvelle
la façon de concevoir l’orientation personnelle et professionnelle.
Il est aussi un lieu de formation.
 Cependant, les contraintes économiques et les évaluations
comptables à court terme risquent d’altérer ses avancées
en favorisant l’émergence de bilans au rabais et de moindre
qualité.
 Le bilan de compétences, dans ses composantes originales,
reste un prototype comme outil d’orientation personnelle
et comme éducation au choix, en offrant une méthode d’analyse
des compétences préparant la construction d’un projet de vie.
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163
Chapitre 13

Pratiques du conseil :
comparaison 
de méthodes

Résumé

 On compare ici différents types de conseil aux personnes :


le conseil directif, le conseil par simple information, le conseil
par atelier de groupe, le conseil scientifique, et le conseil
par analyse méthodique des compétences.
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 Le niveau d’autonomie et le niveau de méthode utilisés


permettent de dresser un tableau des formes de conseil.

165
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes

Le conseil individuel en orientation, comme l’accompagnement, est


devenu une notion très utilisée qui cache des pratiques bien différentes.
Nous analysons ici plusieurs activités dites «  de conseil  », en visant à
mettre en évidence les processus psychologiques qu’elles impliquent et
les conséquences qui s’en suivent.
Le conseil suppose au moins une interaction entre deux personnes
(et parfois entre plusieurs), sachant que celle-ci se place toujours dans
un cadre ou un contexte plus large susceptible de la modifier. On peut
le caractériser selon deux dimensions principales  : son aspect plus ou
moins directif et son côté plus ou moins méthodique et/ou institution-
nalisé reposant sur des règles et des critères sociaux externes.

Le conseil au sens commun (CC)


C’est le cas le plus fréquent, entre deux connaissances ou deux proches
qui échangent des avis, sans compétences professionnelles particulières
ou labellisées.

• «  J’ai été en vacances dans tel pays ou région, les gens sont accueillants,
les produits locaux excellents, et les paysages charmants. » La conclusion peut
varier, allant de la suggestion à l’incitation directe : « Cela te dirait d’y aller ? »,
« Tu pourrais y aller aussi », « Tu devrais y aller ».
• Question emploi, un scénario possible peut se développer sur le même
registre  : «  Je connais ce poste, il est intéressant, tu pourrais chercher de ce
côté-là. »

Analyse de ces deux interactions : le conseil est fondé sur une expé-
rience personnelle et donné à titre privé. Il est transmis amicalement, dans
une relation de confiance par proximité, avec une valeur affective posi-
tive. Il s’appuie sur quelques arguments se référant à une situation vécue
ou connue. Il relève d’une influence qui passe par un processus d’imita-
tion plus ou moins incitative et qui atténue l’incertitude. Mais ce genre de
conseil n’est pas forcément pertinent ou adapté et il manque d’ouverture
et d’alternatives sur le plan de l’information. Il peut susciter un essai si
celui-ci n’est pas trop difficile ou encore un rejet si le conseil s’immisce
trop dans la sphère des prérogatives personnelles et rend dépendant. Cela

166
correspond alors à la situation de contre-emprise qui annule l’effet de l’in-
fluence ou de l’emprise source initiale. Selon le niveau de pression exer-
cée, y compris sur le plan affectif, ce conseil peut être assez directif ou
seulement inciter à un approfondissement de la réflexion personnelle.

Le conseil par orientation directive


programmée (type scolaire) (OS)
Ce conseil repose sur une conception institutionnalisée de l’orientation
des individus. Il fonctionne sur des règles sociales bien établies et ren-
voie à des arguments rationnels et statistiques définissant les « besoins
du système de production  » ou la demande sociale à laquelle doivent
répondre les individus. Il est en général fondé sur une évaluation indi-
viduelle en terme de comparaison hiérarchique (notes et classement) et
une analyse de la conjoncture extérieure (nombre de places existantes),
sur le modèle des grandes écoles. Chacun se situe donc dans le système
en fonction de sa place reconnue et son espace de liberté se trouve limité.
C’est la conception classique et ancienne d’une orientation qui répond
d’abord aux exigences de la société avant de se préoccuper des souhaits
et choix individuels. Elle laisse peu de place à l’initiative personnelle et
vise à insérer chacun dans un rôle social existant. En cela, elle reste une
référence idéalisée (chacun à sa place), mais contestée par une culture qui
donne priorité à l’individu sur l’exigence sociale institutionnelle.
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• « En fonction de vos dates et de votre budget, vous pouvez opter pour telle
ou telle destination mais seulement celles-là.
– Alors je choisis cette option-là parmi celles qui sont possibles. »
• «  Au vu de vos résultats en mathématiques et de votre niveau à l’examen,
vous pouvez choisir telle ou telle filière, et vous devez indiquer l’ordre de priorité
demandé.
– Je ne suis pas encore très fixé, mais je pense que je vais d’abord prendre
telle option… »

À l’opposé de ces directives rendues quasi automatiques, où le choix


est limité à quelques options prévues dans les procédures ou mainte-
nant dans les logiciels, on trouve une autre modalité de conseil basé sur
la seule information.

167
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes

Le conseil par information (I)


Sur le plan du conseil, une pratique assez répandue consiste à mettre en
place un service d’information auquel tout un chacun peut s’adresser.
Elle s’oppose au caractère directif de la formule précédente. Le modèle de
référence classique est celui de l’office de tourisme : c’est un lieu précis,
placé à un endroit propice, où il est connu que l’on peut trouver une
personne compétente pour indiquer les possibilités locales à découvrir.
Cette formule a été étendue à la recherche d’une orientation scolaire et
professionnelle et à la demande d’emploi. Elle correspond à des structures
d’accueil et d’information. Le dialogue se déroule sur ce modèle général :

• « Je cherche à savoir ce que l’on peut visiter aujourd’hui dans cette ville.
– Voici un plan avec les principaux monuments. Vous pouvez voir ceci ou cela.
Tel musée est fermé ce jour, les autres sont ouverts de telle à telle heure… »
• « Je cherche un emploi pour l’été…
– Voici une liste d’offres d’emploi. Vous pouvez aussi vous documenter à par-
tir des fiches métiers (fiches ROM), en regardant l’annuaire des professionnels
ou encore en vous documentant sur Internet dans telle ou telle rubrique. »

Analyse du modèle de dialogue : le conseil est minimal dans la mesure


où il se limite à une information disponible à rechercher. Il peut être fourni
soit par un agent qui indique où trouver une documentation, et dans ce cas
il joue aussi un rôle d’accueil par sa présence directe, soit par un logiciel à
partir duquel il est possible de chercher des renseignements. L’avantage de
la formule est de limiter l’influence ou la pression exercée sur le demandeur
et de le laisser choisir ce qu’il veut à partir d’une base de données existante.
En cela, c’est un progrès sensible par rapport à l’orientation directive car
l’individu a un espace d’autonomie important. L’inconvénient vient du
fait que l’information ne sert que si l’on sait ce que l’on cherche. L’utilisa-
teur doit donc être proactif, c’est-à-dire avoir l’initiative de la recherche et
avoir défini ce qu’il cherche. À défaut, l’information n’est pas utilisée. Il lui
faut aussi assumer la variété des choix possibles et avoir les moyens de choi-
sir. Une autre limite vient du fait que les renseignements sont standardisés,
donc assez généraux et non adaptés à chacun.
Enfin, on peut se demander si le processus de décision passe par un
simple choix sur catalogue pour des activités qui engagent la personne

168
sur son avenir. Choisit-on un métier comme un bien de consommation
courante vu dans une brochure ? Ne faut-il pas un temps de réflexion,
de maturation, de préparation psychologique avant de se décider dans
une option implicante ?
Si la documentation est nécessaire, elle n’est pas suffisante et demande
à être confrontée à des dimensions personnelles, à une connaissance des
possibilités et des compétences de la personne concernée. À défaut, on
risque de revenir à une orientation imposée en fonction du premier
emploi disponible, et on connaît malheureusement le peu d’efficacité
de la formule trop souvent utilisée pour « caser » un demandeur d’em-
ploi au plus vite. Pourtant, le faible taux de réussite à long terme devrait
conduire à rechercher d’autres méthodes plus adéquates même si elles
semblent au départ prendre un peu plus de temps.

Le conseil par ateliers techniques


de présentation (ATP)
Un modèle qui se développe actuellement consiste à dépasser la
simple information pour donner davantage d’atouts aux personnes en
recherche professionnelle. Il part du principe que les gens ne savent pas
se présenter ou se valoriser et qu’il est nécessaire de leur apprendre à
connaître les formules et les procédures afin qu’ils proposent une image
plus conforme aux attentes du marché.
Dans ce but se développent des ateliers techniques de présentation :
savoir rédiger un curriculum vitae, savoir écrire une demande d’emploi,
savoir rédiger une lettre de motivation, savoir utiliser le web, savoir
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répondre à un entretien d’embauche, savoir remplir un test, etc.

Fiche pratique
Le déroulement d’un atelier technique
de présentation

Ces ateliers se déroulent en général en collectif avec les conseils d’un animateur.
Ils ont l’intérêt de préparer à des situations concrètes rencontrées au cours de la
recherche d’emploi. À ce titre, ils apportent des techniques utilisables et donnent
des indications sur les attentes et les critères des recruteurs. Ils peuvent donc aider
des personnes qui ne connaissent pas bien le milieu du travail en les entraînant à
répondre selon les normes sociales en vigueur.

169
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes

Cependant, leur déroulement demande à être bien maîtrisé afin d’éviter des éva-
luations négatives devant les autres stagiaires, ce qui suppose que l’animateur ait
une formation suffisante pour gérer un groupe et pour travailler avec méthode
sur les résultats obtenus en retour, surtout lorsqu’un enregistrement vidéo est
utilisé. Les risques de dévalorisation venant du groupe, voire d’autodévalorisation
face à sa propre image, sont possibles et à éviter. À défaut, ces techniques peu-
vent devenir des instruments à double tranchant, à moins qu’ils ne se cantonnent
à un simple conditionnement peu adaptable en dehors du groupe.
D’autre part, la transposition à des situations réelles risque d’être assez limitée,
notamment si l’apprentissage est insuffisant ou incomplet.

La lettre de motivation
Rédiger une lettre de motivation suppose de savoir écrire, ce qui ne s’apprend
pas par un atelier de quelques heures. Un professionnel du recrutement détectera
assez vite si la lettre de motivation correspond à un discours stéréotypé ou non.
En fait, le style de présentation de soi a intérêt à se situer sur un registre per-
sonnel. L’utilisation de recettes toutes faites et le plus souvent apprises de façon
superficielle donne un résultat médiocre et se trouve vite prise en défaut dès
qu’une question un peu différente et non prévue apparaît. Sauf à avoir véritable-
ment acquis le niveau et intégré les modes de fonctionnement attendus dans un
milieu donné, l’appel à des formules types est peu efficace et la déstabilisation
qui s’ensuit est d’autant plus difficile à assumer.

Ce mode de conseil s’appuie sur un apprentissage technique qui fait


appel à des directives à suivre du genre : « Faites ceci, ne faites pas cela. »
Si ces techniques ont l’intérêt d’être rassurantes et d’apporter quelques
bases nécessaires pour certains, elles comprennent des injonctions visant à
se soumettre à une procédure établie d’une façon générale et évitent donc de
se poser des questions sur les choix professionnels et les décisions à prendre.
On notera la différence avec la perspective du bilan de compétences.
Celui-ci ne se limite pas à une somme de techniques, aussi utiles soient-
elles. Il offre une démarche centrée sur la personne et ses compétences,
et il n’incite pas à suivre des formules standardisées à l’avance. Mais il
laisse une marge d’autonomie importante dans le choix des outils et de
la démarche. En particulier, l’attention est d’abord centrée sur l’inté-
ressé et non sur des techniques qui tournent l’attention vers l’extérieur
et le « comment faire ».

170
L’ordre de la démarche a toute son importance  : il est nécessaire
de savoir où l’on va avant de savoir comment s’y prendre. En d’autres
termes, suivre des techniques sans les intégrer à une perspective person-
nelle a toutes les chances de ne pas aboutir, tandis que définir d’abord
ses possibilités et ses objectifs permet ensuite de rechercher les moyens
nécessaires pour y arriver.

Le conseil scientifique (CS)


Il faut se rappeler que l’activité scientifique mise au service du conseil en
orientation individuelle s’est développée pour réduire, voire supprimer, les
imperfections des systèmes existant antérieurement. Il s’agissait à l’époque,
dès la fin du XVIIIe siècle, de substituer la reconnaissance venant d’un état
de naissance à la reconnaissance du mérite, du savoir et du travail menés
pour le bien public. Dans le même sens, les tests, dès le début du XXe siècle,
avaient pour but un souci de justice et de réduction des erreurs de juge-
ment sur les capacités des individus. Ils se sont même donné l’objectif de
prévoir les aptitudes futures avec une marge d’erreur calculée à l’avance. Il
s’agissait donc déjà de détecter les compétences potentielles afin que cha-
cun puisse se développer en fonction de ses possibilités et non en fonction
de son rang social d’origine. Et toutes les méthodes scientifiques mises en
place concouraient à ce bel objectif social.
Cependant, il est apparu que l’usage des techniques scientifiques pou-
vait être multiple, participer aussi à une nouvelle classification sociale et
faciliter la sélection des individus. Cela explique sans doute une grande
partie des critiques sur l’usage des tests psychologiques dans les années
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1960 et l’erreur de les avoir pris pour cible alors que l’idée même de sélec-
tion continue à être répandue dans la société indépendamment d’eux. Ils
étaient tenus pour responsables d’un processus social alors qu’ils évitaient
que celui-ci s’exerce sans contrôle et avec des méthodes non valides.
Mais cette polémique sur les méthodes de tests scientifiques, qui a
sans doute contribué à un manque de recherches à leur sujet en France,
peut se rattacher à d’autres réticences que celle relative à l’idée de sélec-
tion. En effet, dans les représentations mentales habituelles, l’activité
scientifique conduit à des résultats exacts et vérifiés, donc considérés
comme vrais et intangibles. Par principe, elle établit des lois générales
qui, sur le plan des sciences humaines, deviennent des réalités sociales et
des injonctions non modifiables. L’utilisation et la lecture des méthodes
quantitatives, dont les tests, n’échappent pas à cette tendance forte.

171
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes

Dès lors, un résultat attribué à un individu, que ce soit dans le


domaine de l’intelligence ou de la personnalité, ne reste pas une simple
information en terme de positionnement dans un décile par rapport
à une population parente (par exemple, se trouver dans le deuxième
décile signifie se trouver dans les 20  % de la population de référence
qui a le mieux réussi le test). Il tend à devenir, qu’on le veuille ou non,
une caractéristique établie et immuable de la personne, donc un état
permanent qui la situe socialement (cf. Lemoine, 1992). On observe
par ailleurs ce même phénomène dans des disciplines dominantes avec
le passage de «  il a réussi des exercices de maths  » à «  il est fort en
maths ». C’est sans doute une tendance générale de l’esprit humain que
de généraliser, de passer d’une partie à l’ensemble et d’attribuer «  un
état » (classification permanente) à partir du « faire » (quantité déduite
de phénomènes observables).
Il en résulte que l’activité scientifique réalisée sur l’humain acquiert
des propriétés spécifiques. On a montré qu’elle jouait comme une
source d’emprise (cf. chapitre  5), à la fois par le prélèvement d’infor-
mations impliquantes sur autrui et par les résultats qui en ressortent et
qui deviennent des informations nouvelles disponibles pour les uns ou
pour les autres.
Ces résultats interviennent aussi comme des données établies, qui
s’appuient sur un savoir validé et reconnu, et par conséquent ils devien-
nent irréfutables. Sur le plan social, ils conduisent à consolider des
directives à partir d’une base logique difficile à récuser. Dans ce cadre, le
conseil professionnel tend à être considéré comme une obligation incon-
tournable ou même une prédiction et se retrouve à un niveau de direc-
tivité élevé à partir de voies ou d’impasses tracées à partir des données
obtenues, selon une logique de causalité linaire évidente et affirmée.

Cette dérive peut être illustré à partir d’un test d’intérêts professionnels comme
le test de Holland (version française IPH)  : à partir de la meilleure intention,
puisqu’il s’agit de prendre en compte les intérêts du répondant, on arrive facile-
ment à un profil d’intérêts définis en terme de secteurs professionnels et même
de métiers vers lesquels l’individu est dirigé. Une simple déclaration d’intérêts
devient ainsi une injonction d’orientation professionnelle, sans distinction faite
entre ce qui peut relever du loisir ou du travail (on peut aimer la musique sans
devenir musicien professionnel !).

172
Bien sûr, on se situe ici au niveau de dérives provenant de personnes
insuffisamment formées ou se trouvant dans l’obligation d’orienter au
plus vite en fonction de contraintes institutionnelles fortes. Mais ces
dérives existent bien et sont en partie attribuables à la conception du
test qui définit les intérêts pour des activités professionnelles et facilite
ainsi le saut logique mais erroné entre goût déclaré et solution immé-
diate, dans une forme de causalité directe fallacieuse. On ne peut que
recommander ici des lectures sérieuses sur l’orientation et sur la psycho-
métrie (par exemple Guichard et Huteau, 2005 ; Bernaud, 2007) afin de
se prémunir des usages abusifs venant de ces données pseudo scienti-
fiques prises comme établies.

Le conseil par l’analyse


méthodique des compétences (AMC)
Afin de permettre à l’activité scientifique de garder l’avantage de ses
méthodes sans risquer de valider des pratiques directives qui appuient
les tendances institutionnelles du même genre, il est nécessaire d’in-
sister sur le côté spécifique des sciences humaines et de la psychologie
en particulier qui consiste à ce que des sujets humains étudient leurs
semblables ou des objets leur appartenant et non seulement des objets
considérés comme neutres et indépendants.
Le modèle de l’emprise par analyse scientifique (Lemoine, 1994) peut
contribuer à éclairer cette situation sociale induite par l’apport d’informa-
tions impliquantes nouvelles. Selon la façon de traiter ces informations,
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des interactions différentes apparaissent entre le scientifique (ou source) et


le sujet étudié (ou base). Si l’on adopte la tendance générale immédiate, la
source accumule des informations sur la base. Celles-ci deviennent auto-
nomes par rapport à leur origine et peuvent être utilisées de plusieurs façons :
soit au profit de tiers qui acquièrent ainsi une emprise par connaissance des
autres, soit au profit de l’intéressé (la base) qui, dans certaines conditions,
peut s’approprier ces informations, les faire siennes et en tirer parti.
Le bilan de compétences a l’avantage de former un dispositif où l’ob-
jectif officiel est de permettre au bénéficiaire (la base) «  d’analyser ses
motivations et intérêts professionnels et personnels… d’identifier ses com-
pétences et aptitudes professionnelles et personnelles » (cf. Annexe). Dès
lors, il se situe dans la perspective d’une appropriation des informations
sur soi et d’une démarche scientifique qui donne une place importante à

173
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes

l’activité de la personne réalisant cette opération d’analyse méthodique de


ses compétences. Celle-ci se situe donc dans une configuration où l’on fait
appel à des méthodes d’analyse rigoureuses tout en offrant un espace d’au-
tonomie à l’intéressé (cf. Figure 1 ci-après). Cette conjonction est possible
à partir du moment où le bénéficiaire (la base) participe à la démarche qui
le concerne, est associé à la méthode d’analyse des compétences et accède
ainsi à de l’information nouvelle sur lui, ce qui lui permet de s’orienter en
connaissance de cause.
Par exemple, quelques items de tests peuvent servir de point de
départ pour relier les réponses à des situations connues de l’intéressé
(Lemoine et Akotia, 2006).
Cette interaction spécifique modifie le sens donné au test : il ne s’agit
plus de dresser un profil mais d’enrichir la dimension issue des questions
par des apports personnalisés qui concourent à expliciter et à clarifier les
compétences évoquées. C’est à partir de là que le bénéficiaire s’approprie
davantage les informations qui le concernent, établit ses compétences
acquises ou à acquérir et se trouve avoir les moyens d’élaborer un projet
qui se construit au cours de l’interaction. Il participe pleinement à l’ac-
quisition de connaissances sur lui et à sa propre orientation.
On n’est plus dans une logique d’évaluation, mais dans une
démarche d’analyse méthodique concernant des éléments de soi, ici
les compétences.
L’analyse des compétences à laquelle est associé l’intéressé reprend
donc dans ses grandes lignes la démarche du bilan de compétences expo-
sée précédemment (chapitres  3 et 4). Elle souligne le fait que le bénéfi-
ciaire participe aux méthodes avec un conseiller qui, plutôt que de donner
des conseils, encadre les étapes de la démarche réalisée pas à pas. Elle fait
ressortir qu’il s’agit bien d’analyser des compétences, c’est-à-dire de les
mettre à distance pour mieux les repérer, en procédant avec méthode. À
ce titre, il s’agit moins d’un bilan ponctuel que d’une mise en perspective
permettant de se donner des repères et de construire un projet.
Mais la réalisation de cet objectif de niveau élevé demande que plu-
sieurs conditions soient réunies, et d’abord qu’un temps suffisant soit
alloué pour mettre en œuvre la démarche. Depuis plus de quinze ans,
des psychologues conseillers, notamment dans les CIBC, ont expéri-
menté des formes d’interactions qui mettent en avant l’intervention sur
les méthodes avec le bénéficiaire plutôt que les modèles centrés sur un
contenu imposé « scientifiquement » aux sujets.

174
Encore faut-il qu’ils aient les moyens de mettre en œuvre leurs acquis
et leurs réflexions professionnelles sur l’accès à l’analyse des compé-
tences dans l’interaction même avec les bénéficiaires. À défaut, ils se
trouvent obligés de revenir à des pratiques connues et peu satisfaisantes
qui n’offrent que des techniques dans un cadre plutôt directif. Si l’on
comprend bien que le souci des institutionnels est de favoriser l’emploi,
faut-il pour cela négliger les méthodes de qualité et sauter les étapes
indispensables à une efficacité durable ?

Conclusion : options d’orientation


Le conseil personnalisé constitue sans nul doute un progrès. Il évite les
interventions collectives rarement adaptées à chacun et répond à une
demande de prise en charge individuelle dans un contexte mouvant
où toute personne cherche un jour ou l’autre à se repérer ou à définir
ses perspectives, ses compétences et ses possibilités. Mais il reste encore
une pratique peu professionnelle et peu structurée, qu’il semble possible
d’exercer sans formation particulière ou par le seul truchement de classi-
fications administratives. On y retrouve alors toutes formes d’influences
plus ou moins directes qui limitent d’autant l’autonomie des personnes
conseillées. Les techniques mêmes peuvent y contribuer et se substituer
au problème à résoudre qui est d’arriver à ce que la personne concernée
soit en état de se décider et d’élaborer son projet en toute clarté et en
connaissance de ses possibilités.
L’appel à une démarche rigoureuse et scientifique permet d’éloigner
des solutions inadéquates mais n’apporte pas la solution automatique-
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ment. Encore faut-il que la démarche soit explicite pour l’intéressé ; à


défaut, les conclusions peuvent être prises pour des affirmations toutes
faites et des directives que l’on doit suivre, à moins qu’elles soient reje-
tées en bloc et rendues inefficaces. Pour éviter ces écueils, il est donc
nécessaire d’associer l’intéressé à la démarche et de l’aider à découvrir
par lui-même ce qui le concerne directement. À ce titre, il ne suffit pas
qu’il ait une impression d’autonomie mais il est nécessaire qu’il parti-
cipe et s’implique, ce qui demande une autre gestion de la transmission
de connaissances sur les compétences.
L’utilisation de méthodes bien définies a l’avantage d’apporter un sou-
tien et de progresser sur des registres repérables. Mais leur mise en œuvre a
intérêt à être adaptée au type de problème. L’accès à l’information sur les

175
13. Pratiques du conseil : comparaison de méthodes

métiers ou le contexte professionnel est indispensable mais n’a d’effet que


si elle est attendue et recherchée, ce qui suppose une personne dynamique
et réceptive  ; autrement, elle reste inutile. De même, l’apprentissage de
techniques de communication peut devenir un atout, mais à condition
d’éviter son utilisation sous forme de recettes à suivre par automatisme.
L’analyse des compétences réalisée avec méthode et avec la participa-
tion de l’intéressé intervient comme étape préparatoire indispensable.
Elle permet aux personnes désorientées de se repérer, de retrouver du
sens, de connaître mieux leurs possibilités et leurs limites, d’envisager le
travail sous un autre jour, et pour certains, de se dégager de l’obsession
du premier emploi venu. Elle apporte donc un dynamisme, un souffle,
une perspective qui aide à repartir, à se situer, et parfois à éviter de pen-
ser que rien n’est possible. Sauter cette étape sous prétexte d’efficacité
immédiate, c’est rendre inefficace les informations disponibles, laissées
de côté, les techniques avancées, inutilisées, et les meilleurs conseils sur
ce qu’il faudrait faire.
Cette méthode d’analyse de compétences, mise en place dans le
bilan de compétences, donne sa place à d’autres types d’intervention
comme la recherche d’informations, l’apprentissage de techniques de
présentation, l’utilisation de tests scientifiques, la découverte du milieu
professionnel, mais elle les situe dans une démarche prise en charge par
l’intéressé à partir du moment où il perçoit mieux ses compétences et
ses possibilités. Elle apporte donc une ligne directrice qui met en pers-
pective les différentes activités et techniques proposées. Elle offre ainsi
un espace incontournable pour organiser la démarche avec la participa-
tion indispensable de l’intéressé, ce qui demande une prestation profes-
sionnelle de qualité dans un temps suffisant.
Mais peut-être, pour valoriser cette démarche d’analyse des com-
pétences, faut-il renouveler le concept de bilan de compétences, qui
somme toute n’est pas vraiment un bilan au sens gestionnaire mais plu-
tôt un temps de ressourcement, de réflexion et de préparation à la déci-
sion et à l’action. Il faudrait aussi la situer pleinement comme un temps
de formation personnelle à objectif professionnel. En conséquence, il
reste nécessaire de lui donner les moyens d’exister et de se développer
en qualité afin d’assurer à tout adulte, salarié ou non, la possibilité de
mieux gérer ses choix et ses orientations, notamment dans les périodes
de changement, de doute et de transition.

176
Espace d’autonomie +

AMC

CC

Non Méthodique +
méthodique
I

ATP

OS
CS
Directivité + influence +
Emprise +

CC : conseil commun ; AMC : analyse méthodique des compétences ;


I : information ; ATP : atelier technique de présentation ;
OS : orientation scolaire ; CS : conseil scientifique

Figure 1 – Types de conseil en fonction du niveau d’autonomie


et de méthode

L’essentiel

 Les pratiques du conseil sont multiples, allant du conseil


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directif à la simple information, en passant par des techniques


de groupe et le conseil scientifique, lui-même source d’injonctions
catégoriques.
 Pour le situer, le bilan de compétences est une démarche
interactive de conseil assurée avec méthode, veillant à rendre
le bénéficiaire autonome.
 Il gagnerait à se présenter comme une pratique
méthodique d’analyse des compétences réalisée
avec la participation de la personne qui en est le bénéficiaire.

177
Conclusions

Dans une période où les incertitudes sur l’emploi ne sont pas dissipées,
où l’apparition constante de nouveaux métiers ne permet pas de prévoir
avec précision les évolutions de demain et les exigences futures relatives
au travail, les bilans de compétences offrent indéniablement un dispo-
sitif et un ensemble de moyens aux personnes qui cherchent à mieux
se situer dans la société. Quand on sait que la question de l’orientation
est l’une des plus difficiles, et ce d’autant plus qu’elle est très souvent
traitée par défaut, ou par élimination, dans le système scolaire, on en
arrive à se demander pourquoi ce dispositif de bilan de compétences
n’est pas davantage mis en place. Pourquoi toujours attendre que les
problèmes s’aggravent pour jouer les pompiers dans la précipitation et
l’inefficacité ?
Évidemment, le bilan de compétences n’est pas une panacée, un
remède à tous les maux ou une formule magique qui pourrait être
réduite en temps par ceux-là mêmes qui ont à traiter des problèmes
d’emploi dans l’urgence. Mais il faut savoir que, dans une logique de
compétences qui demandent de plus en plus aux individus, le bilan est
devenu un chaînon indispensable de la gestion de l’évolution profes-
sionnelle tout au long de la vie. Il représente un dispositif léger, souple,
et somme toute peu coûteux en comparaison des problèmes traités trop
tard. Il est surtout un dispositif bien adapté, mis au service des per-
sonnes qui souhaitent gérer leur avenir en réduisant autant que possible
les impondérables ou les déterminismes économiques et sociaux.
Connaître mieux ses compétences, construire son projet et savoir ce
que l’on souhaite obtenir, voilà des objectifs qui, s’ils ne sont pas évi-
dents à réaliser sans méthode, aident à se situer et apportent une source
de satisfaction intérieure et de dynamisation dans ses relations. C’est se
positionner résolument à l’opposé de la résignation, de la soumission
et de la dépendance. C’est en soi un acte fondateur, comparable à celui
de dire non à une situation donnée qu’on n’accepte plus. Il indique
qu’une configuration même difficile n’est pas forcément inéluctable, et
que rassembler ses compétences peut être le commencement d’un nou-
veau départ. Il est désolant de voir que des gens pensent qu’il n’y a rien
Conclusions

à faire alors qu’ils sont loin d’avoir exploré toutes les pistes possibles et
qu’ils n’ont pas mobilisé leurs potentialités.
Mais le bilan de compétences n’est pas seulement un service aux
personnes. Il renouvelle aussi la conception même de l’activité scien-
tifique en psychologie. En donnant une place centrale aux intéressés,
à l’accès à la connaissance de soi ou d’aspects de soi, il va à l’encontre
d’une certaine idée scientiste issue du XIXe siècle. Il montre d’abord que
la relation au savoir passe par une interaction et par une méthode. En
cela il ne s’agit pas d’introspection. Mais cette interaction n’est pas obli-
gatoirement standardisée, dissymétrique et hiérarchique  : en un mot,
la méthode n’est pas la seule propriété du savant, qu’il garderait d’au-
tant plus jalousement qu’elle serait la source de son pouvoir et de son
emprise sur autrui.
On a montré, en s’appuyant sur des pratiques, que la conception scien-
tifique peut évoluer. Dans des conditions de partage des méthodes et du
savoir, l’intéressé peut aussi accéder à une augmentation de la connais-
sance de soi. Cela n’est plus réservé à un expert, ou à un gourou, qui
dirait qui on est et ce que l’on doit faire. En d’autres termes, l’emprise de
l’analyse scientifique peut ne pas être unilatérale. Le psychologue gagne
alors en image et en utilité. Il n’est plus celui qui impose mais celui qui
suscite, qui amorce et qui accompagne une démarche personnelle. Il n’est
pas celui qui rend responsable, mais celui qui apporte à autrui des moyens
de se mieux connaître pour se mieux diriger. C’est tout un programme.

180
Annexe

Les textes officiels


relatifs au bilan
de compétences
en France

On trouve les références instituant le dispositif des bilans de compé-


tences dans plusieurs textes officiels, et principalement dans :
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• la loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991 relative à la formation profes-


sionnelle et à l’emploi ;
• le décret n° 92-1075 du 2 octobre 1992 relatif au bilan de compétences
et modifiant le code du travail ;
• la circulaire DFP n° 93-13 du 19 mars 1993 relative aux bilans de com-
pétences. Le dossier associé à cette circulaire définit les dispositions
générales et spécifiques du bilan de compétences.
Le Réseau des Praticiens de Bilan de Compétences de Haute-
Normandie a édité un Guide Repère en 1993 (cf. bibliographie).
La loi de 1991 institue le bilan de compétences, le positionne dans
le cadre du droit à la formation professionnelle des salariés, définit les
congés qui y sont associés et la prise en charge des frais afférents.

181
Annexe

Le décret de 1992 précise les trois phases du bilan  : la phase préli-


minaire, celle d’investigation et celle des conclusions avec constitution
du document de synthèse. Il indique la nécessité d’une convention tri-
partite entre le salarié bénéficiaire du bilan, l’organisme prestataire et
l’organisme paritaire agréé au titre du congé individuel de formation. Il
précise les obligations des organismes prestataires de bilans ainsi que les
conditions d’attribution du congé de formation.
On remarque que les étapes du bilan sont explicitement mention-
nées, et de même la place et l’activité du bénéficiaire. Par exemple la
phase 1 a pour objet « de confirmer son engagement dans la démarche »
et « de l’informer des conditions de déroulement du bilan, ainsi que des
méthodes et techniques mises en œuvre ». La phase 2 permet au béné-
ficiaire «  d’analyser ses motivations et intérêts professionnels et per-
sonnels  », «  d’identifier ses compétences et aptitudes professionnelles
et personnelles et, le cas échéant, d’évaluer ses connaissances  », «  de
déterminer ses possibilités d’évolution professionnelle ». La phase 3 per-
met au bénéficiaire « de prendre connaissance des résultats détaillés de
la phase d’investigation ».
Dès le départ, la place du bénéficiaire est donc centrale, il réalise
l’analyse de ses compétences, est informé sur les méthodes, et reçoit
les résultats, ce qui correspond au processus d’auto-analyse par auto-
attention (cf. chap. 4 et chap.  7), à une appropriation partielle des
méthodes, et à une appropriation des résultats issus de l’information
venant de lui (cf. chap. 7).
La circulaire de 1993 indique les dispositions générales et spécifiques
de réalisation des bilans de compétences par les organismes presta-
taires, les modalités de contrôle et de régulation et crée une instance
de concertation et un comité national d’experts auprès de la Délégation
à la Formation Professionnelle. Un dossier lui est associé. Il précise les
modalités de mise en œuvre des bilans dans les différents dispositifs.
Ce dossier est particulièrement détaillé. Il reprend et développe les
dispositions générales du décret en précisant :
• la définition et la finalité du bilan de compétences,
• son contenu en trois phases,
• les règles déontologiques,
• les obligations administratives des prestataires,
• les conditions du droit au congé pour bilan,
• les conditions d’habilitation des prestataires de bilans,
• les dispositions spécifiques relatives aux salariés,

182
• les dispositions spécifiques relatives aux personnes sans emploi,
• les dispositions liées au crédit-formation individualisé (prise en charge).
On remarque notamment une insistance sur le respect du consen-
tement du bénéficiaire, sur les conditions précises du déroulement des
bilans, sur les compétences reconnues des organisations prestataires de
service, et sur les règles déontologiques.
Les obligations en matière de déontologie concernent neuf domaines
précis :
1. le respect du consentement du bénéficiaire,
2. la conclusion d’une convention tripartite,
3. le respect du secret professionnel,
4. la nature et la teneur des investigations menées par le prestataire,
5. l’organisation du bilan de compétences en trois phases identifiables,
6. la notion de propriété des résultats détaillés et du document de synthèse,
7. la communication au bénéficiaire des conclusions détaillées du bilan,
8. l’obligation de présentation du document de synthèse au bénéficiaire,
9. le recours à des méthodes et techniques fiables, mises en œuvre par
des professionnels qualifiés1.
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1 On notera à ce sujet que la profession de psychologue n’est pas mentionnée textuellement, même
si l’insistance sur la qualification du prestataire a conduit en pratique à ce que les centres de bilans
emploient majoritairement des psychologues (personnes ayant obtenu le titre par un DESS de psycho-
logie ou un DEA avec stage validé, précédé d’une licence et d’une maîtrise de psychologie, ou encore
d’un master, mention psychologie).

183
Glossaire

Accompagnement  : démarche du conseiller consistant à suivre l’activité


du bénéficiaire, à la soutenir en apportant un cadre et des méthodes pour
progresser. Ce terme s’oppose à l’expertise et à l’influence au sens où le
conseiller apporte moins un contenu que des moyens pour rassembler des
informations sur soi. Il souligne que le bénéficiaire (voir ce mot) est l’acteur
principal de la démarche de bilan.
Analyse : activité permettant de décrire, dissocier, repérer des objets difficiles
à saisir spontanément, réalisée par une méthode scientifique d’observation
systématique et construite à partir de références théoriques explicitées. Cette
notion s’oppose à celle d’évaluation dans la mesure où l’on ne porte pas de
jugement de valeur sur la personne. L’analyse d’autrui induit une relation
spécifique étudiée par la notion d’emprise analytique (voir ce mot).
Appropriation psychologique : processus par lequel le sujet ou bénéficiaire
accède à des résultats ou à des informations portant sur lui, en prend
possession et les intègre comme éléments nouveaux le constituant.
L’appropriation des méthodes signifie que le bénéficiaire connaît la
démarche utilisée et l’applique par lui-même, au lieu de subir une situation
de prélèvement d’informations sur lui sans savoir quelle dimension est traitée
et sans en connaître les finalités. L’appropriation s’oppose au fait d’être
dessaisi ou dépossédé des informations portant sur soi (Lemoine, 1994).
Aptitude  : substrat constitutionnel d’une capacité (Piéron). Les aptitudes
sociales impliquent une habileté dans le domaine des relations sociales et
sont objet de formation (Lewin).
Auto-analyse  : analyse réalisée par soi-même et sur soi-même. Elle
est possible à partir du moment où le sujet s’est approprié la démarche
scientifique et l’applique pour lui-même. Elle se réalise à partir d’une auto-
attention focalisée sur quelques aspects de sa conduite, de ses opinions ou
de ses représentations. Elle participe à l’élaboration d’une image de soi.
La centration sur ses compétences et leur repérage est une forme d’auto-
analyse. Elle passe le plus souvent par des relais d’emprise (voir ce mot)
constitués par des méthodes ou par une relation avec un conseiller dans le
cadre d’une auto-emprise analytique induite de l’extérieur (par un tiers).

184
Auto-attention : attention portée à certains aspects de sa propre conduite
ou de ses caractéristiques personnelles, notamment à partir d’une relation
d’emprise analytique (voir ce mot). La focalisation de l’attention sur des
aspects précis de soi (conduite, état psychologique, compétences, etc.) crée
un processus d’auto-attention qui constitue l’un des éléments de l’auto-
analyse.
Auto-connaissance : connaissance de soi ou des aspects composant le sujet.
Elle est le résultat d’une appropriation d’informations sur soi, obtenues par
des résultats d’analyse portant sur soi ou par une démarche d’auto-analyse.
Auto-emprise : emprise ou action exercée sur soi par soi-même. Les verbes
pronominaux indiquent le processus en cours ; par exemple, se décider à,
s’observer, se prendre en charge. Elle indique une maîtrise de sa conduite ou
un essai de maîtrise, notamment suite à une auto-attention focalisée. Mais
elle peut aussi consister à intégrer des normes sociales extérieures.
Bénéficiaire : personne adulte, salariée ou en recherche d’emploi, réalisant
son bilan de compétences. Elle est bénéficiaire du bilan car c’est elle qui
s’approprie les informations psychologiques qui la concernent sur ses
compétences. Elle l’est aussi au sens où elle a un rôle central dans la démarche
du bilan. On l’appelle aussi la personne intéressée, l’intéressé, ou parfois le
consultant (qui consulte), mais ce dernier terme porte à confusion avec la
profession de consultant en entreprise (qui conseille après avoir analysé les
problèmes de l’organisation).
Bilan de compétences  : dispositif institutionnalisé permettant à une
personne adulte (cf. bénéficiaire) d’analyser ses compétences et de construire
un projet professionnel ou personnel avec le soutien d’un conseiller (voir ce
mot).
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Capacité : ensemble de performances constatées définies par un référentiel


ou norme. Elle représente la possibilité de réussite dans l’exécution d’une
tâche (Piéron).
Centre d’évaluation  : dispositif visant à tester des compétences à partir
d’une mise en situation et à porter un jugement ou évaluation sur la personne
en vue de la retenir ou non dans le cadre d’un recrutement.
Compétences : ensemble d’aptitudes et de capacités mises en œuvre pour
résoudre une situation-problème. Les compétences ne s’observent qu’au
moment de leur réalisation, mais sont supposées présentes potentiellement
auparavant. Elles demandent donc un niveau de formation suffisant pour
faire face à un problème nouveau, réussir à le résoudre et montrer ainsi
que l’on est performant. Dans la pratique, le discours sur les compétences

185
Glossaire

inclut non seulement des connaissances reconnues par un diplôme mais une
capacité à les mettre en œuvre dans une situation donnée. Il comprend donc
des valeurs normatives reliées au travail comme le sens des responsabilités,
de la communication, ou la mobilisation personnelle.
Conseiller  : personne qualifiée accompagnant le bénéficiaire dans la
démarche du bilan de compétences. Contrairement à ce qu’évoque le
terme, le conseiller ne conseille pas (par exemple sur des choix à réaliser)
mais propose un cadre de progression dans le bilan après avoir analysé la
demande avec le bénéficiaire. Le plus souvent (mais pas toujours), il est
psychologue (ou il a une formation suffisante en psychologie).
Déontologie  : ensemble de règles professionnelles définissant les devoirs
envers les personnes qui s’adressent à un spécialiste, tel le psychologue. Le
fait d’informer le bénéficiaire sur la démarche de bilan, d’expliciter les étapes
et les méthodes, de lui donner les informations le concernant (résultats
en retour) et de ne pas les diffuser vers des tiers constituent des règles de
déontologie.
Dynamisation  : notion indiquant une élévation du niveau d’activité  ; par
exemple, aller chercher de l’information dans le milieu plutôt qu’attendre
d’être aidé. Elle se situe sur un axe d’activité-passivité.
Effets du bilan  : phénomènes observables provenant de la réalisation du
bilan de compétences. Ils portent sur plusieurs dimensions  : l’emploi, la
formation, les aspects psychologiques comme le niveau d’estime de soi,
de dynamisation, la capacité à décrire ses compétences, et à construire un
projet professionnel précis.
Emprise : relation de détermination entre deux ou plusieurs agents sociaux,
les uns appelés source d’emprise (S), les autres base d’emprise (b). Le résultat
final de l’emprise (E) est le résultat des emprises et contre-emprises induites
par elles ; ce schéma d’emprise minimal SEb avec ses déterminations croisées
est très général, il se distingue de la notion d’influence plus centrée sur l’effet
de la seule source.
Emprise analytique : détermination de la conduite d’un agent social analysé
(appelé base) par une source qui l’analyse. Cette relation d’emprise induite
par l’analyse et la connaissance d’autrui qui en résulte entraînent une emprise
inverse sous forme d’évitement à l’analyse lorsque celle-ci est subie ou que
sa finalité risque de nuire à l’analysé. Mais l’analyse peut être recherchée
dans le cas plus favorable où la base peut se l’approprier (cf. appropriation).
L’emprise analytique induit aussi une relation de soi à soi par l’attention que
la base se porte à elle-même en se sachant analysée. Dans cette situation

186
la base tend à devenir l’analyste de sa propre conduite, ce qui est facilité
lorsqu’elle dispose des méthodes généralement détenues par la source. On
obtient ainsi un processus d’auto-analyse (voir ce mot).
Enjeu : au sens habituel, objet que l’on risque et que l’on peut gagner ou
perdre. Sur le plan psychologique, l’enjeu porte sur l’image de soi qui ressort
d’une analyse de ses compétences. Il augmente lorsque des conséquences
sociales en découlent ou lorsqu’un tiers porte un jugement ou procède à
une évaluation globale de la personne. Le fait de réduire l’enjeu de l’analyse
psychologique la facilite en favorisant la mise en confiance, d’où l’importance
des règles déontologiques à respecter. L’enjeu s’accentue avec le niveau
d’implication (voir ce mot).
Estime de soi : façon plus ou moins positive ou négative de se considérer.
Elle s’accroît en général avec le sentiment de réussite et avec une évaluation
positive formulée par autrui, et elle diminue suite à l’échec ou à un jugement
de valeur négatif. Cependant certains auteurs considèrent qu’elle est
relativement stable pour un individu donné et qu’elle correspond à un trait
de la personnalité.
Évaluation : jugement de valeur global, positif ou négatif, porté sur autrui
et s’appuyant ou non sur des mesures. On a montré que l’évaluation gêne la
démarche d’analyse et celle d’auto-analyse.
Expertise : analyse systématique d’une situation et conclusions consécutives
établies scientifiquement par un spécialiste. Quand elle s’applique à autrui
et porte sur des objets impliquants, elle induit une relation dissymétrique et
crée le sentiment d’un verdict.
Finalité perçue (destination)  : représentation par le sujet (ou base
d’emprise), en termes de conséquences, de l’utilisation ou de la destination
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d’informations recueillies sur lui. Elle suscite en partie une attitude de rejet
ou de confiance vis-à-vis de l’analyse selon qu’elle est considérée comme un
risque ou un gain pour l’intéressé.
Formation professionnelle des adultes : formation réalisée par des salariés
dans le cadre du droit à la formation en cours de carrière. Le bilan de
compétences se situe dans le cadre général de ce dispositif légal.
Gestion de carrière  : terme indiquant que le salarié est porté à prendre
des décisions d’orientation professionnelle tout au long de sa vie active et à
conduire son évolution professionnelle dans un contexte fluctuant.
Gestion de soi : activité de l’intéressé visant à maîtriser ou à gérer par lui-
même des aspects qui concernent sa personne, comme ses compétences,
son image sociale, son positionnement professionnel. La gestion de soi

187
Glossaire

suppose une auto-connaissance minimale et donc le fait d’avoir acquis une


capacité d’auto-analyse.
Implication  : ce qui concerne directement la personne. Une analyse est
impliquante lorsqu’elle porte sur des aspects importants pour l’intéressé,
comme ses compétences, ses goûts, ses opinions, son image de soi, son
identité. L’implication est une variable qui détermine le sentiment de se trouver
sous emprise analytique. Elle suscite un mouvement d’appropriation des objets
(physiques ou psychologiques) investis par la personne, ou encore une activité
pour éviter d’en être dépossédé. Un domaine particulier porte sur l’implication
au travail qui est vue souvent comme un attachement à son travail, mais peut
aussi être considérée comme le fait de le faire sien, de se l’approprier.
Influence : activité visant à modifier l’opinion ou le comportement d’autrui,
ou son résultat. Elle porte donc sur des contenus et se distingue de la relation
d’emprise, plus structurelle. Par exemple le fait de prélever de l’information
sur autrui correspond à une emprise, non à une influence.
Logique des compétences  : orientation actuelle dans les organisations
consistant à traiter l’évolution des emplois à partir d’une analyse des
compétences qu’ils demandent et non plus à partir d’une logique de poste
associée à une qualification. Le bilan de compétences se situe dans ce cadre
général mais se limite surtout à une gestion individuelle des compétences
du côté des salariés. Il aurait sans doute intérêt à évoluer en s’intégrant
davantage à la logique des organisations qui fait de plus en plus appel à la
notion de compétences.
Méthodes  : ensemble des moyens construits scientifiquement pour
étudier un objet donné. Les entretiens, les questionnaires, les tests sont des
méthodes visant à rassembler des informations psychologiques portant sur
des personnes. Ils demandent à être validés.
Objectifs  : buts à atteindre. La centration sur des objectifs définis est
généralement considérée comme une source de dynamisation et de
structuration de l’activité.
Orientation professionnelle  : sens donné à une activité dans le temps  ;
construction d’une perspective professionnelle en fonction d’objectifs à
atteindre. Le bilan de compétences est une activité permettant de définir
une orientation professionnelle. Il se différencie de l’orientation scolaire qui
est plus reliée au niveau de réussite ou d’échec dans les études. Il s’appuie
sur une clarification des compétences et la construction d’un projet précis.
Participation : place qu’occupe le bénéficiaire dans la démarche de bilan.
Celui-ci ne reçoit pas passivement des informations sur lui déterminant son

188
orientation, mais se présente comme un acteur central de la démarche
dans les trois phases du bilan  : définition de la demande, investigation
psychologique, synthèse et plan d’action.
Phases du bilan  : le bilan comprend trois étapes principales  : la phase
d’information sur la démarche et d’analyse de la demande, la phase
d’investigation personnalisée comprenant le repérage des compétences
antérieures et actuelles, la phase de synthèse avec rédaction d’un rapport et
élaboration d’un projet professionnel et/ou personnel.
Portefeuille de compétences  : document rassemblant l’ensemble des
formations et expériences professionnelles réalisées afin de les faire valoir.
Projet  : plan d’action finalisé en vue de la réalisation d’une orientation
professionnelle ou personnelle. La construction d’un projet demande à la fois
une connaissance suffisante de ses compétences et des possibilités offertes
par le milieu, y compris des moyens pratiques à mettre en œuvre pour y
accéder. Le projet renvoie à une gestion par objectifs.
Qualification : reconnaissance officielle, validée par un diplôme, d’aptitudes
ou de niveau de formation, d’expertise ou de connaissances théoriques
ou techniques. Elle est acquise soit par formation soit par expérience
professionnelle. Elle sert de référence pour les grilles statutaires et les échelles
de rémunération des salaires.
Relais d’emprise : intermédiaire matériel (méthode, ordinateur, dispositif)
ou humain (individu, groupe, organisation) qui transmet une emprise
spécifique sans en être la source initiale qui reste souvent cachée ou non
présente. Une méthode d’investigation ou un test informatisé peut ainsi
produire une emprise analytique sans la présence humaine interactive. Un
conseiller peut aussi jouer un rôle de relais d’emprise s’il intervient soit au
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nom d’un tiers, soit à la demande de l’intéressé lui-même.


Résultats en retour : information donnée au bénéficiaire suite aux analyses
réalisées. La connaissance des résultats d’analyse est un facteur important
dans l’appropriation des éléments étudiés concernant l’intéressé. Elle lui
permet d’ajuster les représentations qu’il a de ses compétences, et elle a
en ce sens un rôle de formation. Elle suit logiquement la participation à la
démarche et à l’utilisation des méthodes d’investigation.
Synthèse du bilan  : il s’agit de rassembler l’ensemble des informations
recueillies dans les phases précédentes du bilan, d’en rédiger un rapport
où figurent également le projet élaboré et le plan d’action correspondant.
La synthèse réalisée avec lui est remise au bénéficiaire. Elle joue un rôle
d’engagement sur le projet défini, de validation du bilan et de portefeuille

189
Glossaire

de compétences. On distingue le plus souvent les éléments écrits, à usage


possible vis-à-vis de tiers, et les informations plus personnelles qui peuvent
rester orales ou être notées à part.
Tests : on appelle test une situation standardisée servant de stimulus à un
comportement ; celui-ci est évalué par une comparaison statistique avec celui
d’autres individus placés dans la même situation, ce qui permet de classer le
sujet examiné (Pichot). La situation de test est caractéristique de l’emprise
analytique : elle crée une relation dissymétrique dans laquelle un sujet (base)
est examiné par un tiers (source). Cependant, il est possible de concevoir
d’autres modes de relations dans le cadre de ces instruments généralement
validés sur une population donnée. Par exemple, le fait d’informer le sujet
sur les buts recherchés, le fait de le faire participer à la démarche et celui
d’utiliser les résultats comme le début d’une réflexion sur soi, modifient
sensiblement la place du sujet et l’objectif d’utilisation des tests. Il s’agit
alors moins d’évaluer et de classer un individu par rapport à d’autres que de
lui permettre de prendre conscience de certaines de ses caractéristiques ou
de certaines de ses compétences. La relation est changée, de même que les
effets des tests sur l’intéressé qui peut s’approprier ce qu’ils apportent au lieu
de subir une situation de passation et des résultats indiscutables.

190
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