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La Sexualité.
Cours donné à l’université de Clermont-Ferrand (1964)
suivi de
Le Discours de la sexualité.
Cours donné à l’université de Vincennes (1969)
Édition établie, sous la responsabilité de François Ewald,
par Claude-Olivier Doron
2018
Phénoménologie et Psychologie
1953-1954
Édition établie, sous la responsabilité de François Ewald,
par Philippe Sabot
2021
Dans la même collection
Françoise Héritier
L’Exercice de la parenté
1981
Gershom Scholem
Du frankisme au jacobinisme
La vie de Moses Dobruska,
alias Franz Thomas von Schönfeld
1981
Francis Zimmermann
La Jungle et le Fumet des viandes
Un thème écologique dans la médecine hindoue
1982
Pierre Vilar
Une histoire en construction
Approche marxiste et problématiques conjoncturelles
1982
Robert Darnton
Bohème littéraire et Révolution
Le monde des livres au XVIIIe siècle
1983
Albert O. Hirschman
L’Économie comme science morale et politique
1984
Jacques Julliard
Autonomie ouvrière
Études sur le syndicalisme d’action directe
1988
Edward P. Thompson
La Formation de la classe ouvrière anglaise
1988
« Points Histoire », no 460, 2012
Marshall Sahlins
Des îles dans l’histoire
1989
Maurice Olender
Les Langues du Paradis
Aryens et Sémites : un couple providentiel
1989
« Points Essais », no 294, 1994
Richard Hoggart
33, Newport Street
Autobiographie d’un intellectuel issu des classes populaires
anglaises
1991
« Points Essais », no 720, 2013
Louis Marin
De la représentation
1994
Bernard Lahire
Tableaux de famille
Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires
1995
« Points Essais », no 681, 2012
Jacques Revel
(textes rassemblés et présentés par)
Jeux d’échelles
La micro-analyse à l’expérience
1996
Michel Foucault
« Il faut défendre la société »
Cours au Collège de France 1975-1976
1997
Reinhart Koselleck
L’Expérience de l’histoire
1997
« Points Histoire », no 438, 2011
Michel Foucault
Les Anormaux
Cours au Collège de France 1974-1975
1999
Hervé Le Bras
Naissance de la mortalité
L’origine politique de la statistique et de la démographie
2000
Michel Foucault
L’Herméneutique du sujet
Cours au Collège de France 1981-1982
2001
Alphonse Dupront
Genèse des temps modernes
Rome, les Réformes et le Nouveau Monde
2001
Carlo Ginzburg
Rapports de force
Histoire, rhétorique, preuve
2003
Michel Foucault
Le Pouvoir psychiatrique
Cours au Collège de France 1973-1974
2003
Michel Foucault
Sécurité, Territoire, Population
Cours au Collège de France 1977-1978
2004
Michel Foucault
Naissance de la biopolitique
Cours au Collège de France 1978-1979
2004
Roger Chartier
Inscrire et Effacer
Culture écrite et littérature (XIe-XVIIIe siècle)
2005
Michel de Certeau
Le Lieu de l’autre
Histoire religieuse et mystique
2005
Paolo Prodi
Christianisme et Monde moderne
2006
Michel Foucault
Le Gouvernement de soi et des autres
Cours au Collège de France 1982-1983
2008
Michel Foucault
Le Courage de la vérité
Le Gouvernement de soi et des autres II
Cours au Collège de France 1984
2009
Pierre-Michel Menger
Le Travail créateur
S’accomplir dans l’incertain
2009
« Points Essais », no 735, 2014
Didier Fassin
La Raison humanitaire
Une histoire morale du temps présent
2010
suivi de Signes des temps
« Points Essais », no 839, 2018
Michel Foucault
Leçons sur la volonté de savoir
Cours au Collège de France 1970-1971
suivi de Le Savoir d’Œdipe
2011
« Points Essais », no 896, 2021
Yan Thomas
Les Opérations du droit
2011
Émile Benveniste
Dernières Leçons
Collège de France 1968-1969
2012
Michel Foucault
Du gouvernement des vivants
Cours au Collège de France 1979-1980
2012
Gérard Lenclud
L’Universalisme ou le Pari de la raison
2013
Stéphane Audoin-Rouzeau
Quelle histoire
Un récit de filiation (1914-2014)
2013
« Points Histoire », no 512, 2015
Michel Foucault
La Société punitive
Cours au Collège de France 1972-1973
2013
Michel Foucault
Subjectivité et Vérité
Cours au Collège de France 1980-1981
2014
Nathan Wachtel
Des archives aux terrains
Essais d’anthropologie historique
2014
Michel Foucault
Théories et Institutions pénales
Cours au Collège de France 1971-1972
2015
« Points Essais », no 897, 2021
Edward P. Thompson
Les Usages de la coutume
Traditions et résistances populaires en Angleterre (XVIIe-XIXe siècle)
2015
Dominique Julia
Le Voyage aux saints
Les pèlerinages dans l’Occident moderne (XVe-XVIIIe siècle)
2016
Danny Trom
Persévérance du fait juif
Une théorie politique de la survie
2018
Michel Foucault
La Sexualité
Cours à l’université de Clermont-Ferrand 1964
suivi de
Le Discours de la sexualité
Cours à l’université de Vincennes 1969
2018
Antoine Lilti
L’Héritage des Lumières
Ambivalences de la modernité
2019
« Points Histoire », 2022
Christiane Klapisch-Zuber
Mariages à la florentine
Femmes et vie de famille à Florence (XIVe-XVe siècle)
2020
Michel Foucault
Binswanger et l’analyse existentielle
2021
Roger Chartier
Éditer et Traduire
Mobilité et matérialité des textes (XVIe-XVIIIe siècle)
2021
Michel Foucault
Phénoménologie et Psychologie
2021
« Hautes Études » est une collection
des Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales,
qui en assurent le suivi éditorial,
des Éditions Gallimard et des Éditions du Seuil.
ISBN 978-2-02-145278-5
www.seuil.com
Copyright
Avertissement
Introduction
Notes
[Deuxième partie] - L'anthropologie comme réalisation de la critique
A. L'anthropologie hégélienne
B. L'anthropologie de Feuerbach
Notes
[Troisième partie] - La fin de l'anthropologie
Introduction
B. Biologie et psychologie
C. Dionysos
D. Les interprétations
Notes
Situation du cours
Introduction
1. Le mot « anthropologie », employé par Ernst Platner en 1772
(Anthropologie für Aerzte und Weltweise 1), par Johann Friedrich
Blumenbach 2, utilisé ensuite par Immanuel Kant 3, par Georg Wilhelm
Friedrich Hegel 4, par Maine de Biran 5 dans un sens proprement
philosophique.
2. Puis, dans le courant du XIXe siècle, il est employé dans trois sens
concurrents :
– le sens philosophique : Ludwig Feuerbach 6 ; Immanuel Hermann
von Fichte (Anthropologie 7) ;
– le sens naturaliste : Paul Broca 8 ;
– le sens théologique : Heinrich Wichart : Metaphysische
Anthropologie 9 ; Karl Gustav von Rudloff : Die Lehre vom Menschen auf
dem Grunde der göttlichen Offenbarung 10.
Il y a des chevauchements philosophiques : l’anthropologie de Paul
Broca ayant des prétentions philosophiques, et l’anthropologie
philosophique ou théologique cherchant à intégrer le point de vue de
l’homme comme être de nature.
3. Enfin, il se produit un regroupement des sens du mot, qui laisse de
côté l’évolution de l’homme comme espèce animale et pose le problème
d’une réflexion qui serait à la fois :
– point de vue total sur l’homme b,
– et fondement critique de toutes les thématisations objectives entre
lesquelles se répartissent les diverses sciences de l’homme.
C’est cette double présomption dont Edmund Husserl fait l’examen
dans Ideen II 11 et toute une série de manuscrits. C’est elle qui devait
s’exprimer dans l’Anthropologie de Max Scheler 12 (et dont on trouve
l’esquisse dans : Contribution à la notion d’homme 13, et le texte
La Situation de l’homme dans le monde 14).
4. À la suite de ce regroupement, le thème anthropologique s’explicite
très largement à travers les diverses formes de réflexion sur l’homme.
– Soit à travers le problème de l’unité du sens d’être de l’homme :
Paul Ludwig Landsberg : Einführung in die philosophische
Anthropologie 15.
Theodor Litt : Die Selbsterkenntnis des Menschen 16.
Paul Häberlin : Der Mensch. Eine philosophische Anthropologie 17.
Wilhelm Keller : Vom Wesen des Menschen 18.
– Soit à travers le problème de l’homme comme chiffre de la
transcendance et comme figure dans l’histoire de la révélation à travers les
significations du monde :
Edmund Schlink : Der Mensch in der Verkündigung 19.
Emil Brunner : Der Mensch im Widerspruch ; Offenbarung und
Vernunft 20.
Ou des études comme celle d’Erich Dinkler sur l’anthropologie de saint
Augustin 21, ou celle de Magdalena Alida Hendrica Stomps sur Martin
Luther 22.
– Soit [pour finir] à travers tous les problèmes soulevés par une
interrogation sur le style de cohérence des expériences vécues, sur les
structures générales selon lesquelles s’articule la présence au monde, sur
l’homme enfin comme fondement originaire et source significative de tout
ce qui prend pour lui le visage du monde.
Erwin Straus, Hans Kunz, Ludwig Binswanger, Viktor Emil
von Gebsattel 23.
Ce repérage purement sémantique non seulement montre un
déplacement du thème anthropologique de la situation marginale,
frontalière qu’il occupait jusqu’à la fin du XIXe siècle vers une position
centrale dans une problématique du sens du monde 24 ; mais ce déplacement
n’a guère lui-même qu’un sens d’index du mouvement effectif par lequel la
réflexion contemporaine s’est trouvée requise pour l’élucidation du sens
d’être de l’homme, comme thème majeur aussi bien de la philosophie
comme interrogation sur le sens d’être de l’être que des sciences de
l’homme comme analyse des formes de son être naturel, historique ou
social.
Ce ne sont pas ces déplacements sémantiques, ni la délimitation des
divers domaines thématiques, qui nous occuperont ; mais seulement ce
mouvement réel par lequel on en est venu à cette problématique autochtone
de l’anthropologie.
A. L’anthropologie et la philosophie
classique
Malgré l’abondance des traités De l’homme, de René Descartes 25 à Claude-
Adrien Helvétius 26, jamais la philosophie classique n’a senti l’exigence de
définir l’autonomie de l’idée anthropologique.
Pourquoi ? Ceux-là mêmes qui ont cherché à isoler cette autonomie ont
tenté de découvrir les obstacles que la philosophie classique opposait à une
science de l’homme.
α. Le dualisme (Straus 27). Mais il semble qu’il n’y ait rien là de
contradictoire avec le domaine essentiel de l’anthropologie : nous verrons à
travers quel dualisme Maine de Biran et à travers quel pluralisme Scheler
ont constitué une science de l’homme, ou du moins ont su en reconnaître
l’exigence c.
β. La prééminence du thème théologique. Feuerbach disait dans les
Thèses provisoires pour la réforme de la philosophie : « Le mystère de la
théologie, c’est l’anthropologie 28. » Et, dans les Principes de la philosophie
de l’avenir : « La tâche des temps modernes était la réalisation et
l’humanisation de Dieu, la transformation et la résolution de la théologie en
anthropologie 29. » Il n’y avait pas de connaissance de l’homme parce
qu’elle était aliénée en Dieu, avec l’homme lui-même.
En fait, sans préjuger le sens effectif de l’anthropologie, elle n’a cessé,
depuis l’origine, de se présenter comme un déchiffrement en l’homme des
signes de la transcendance (voir tout le mouvement des théologiens inspirés
du troisième volume de la Philosophie de Karl Jaspers 30).
γ. Le privilège accordé aux formes de la rationalité abstraite et a priori.
Par exemple Keller (De l’essence de l’homme 31) : toutes les anthropologies
ont échoué jusqu’à présent parce qu’elles se constituaient soit par en haut (à
partir d’une rationalité abstraite donnée au niveau d’un entendement infini),
soit par en bas (à partir d’un a priori matériel, comme la nature ou
l’histoire).
En fait, là encore, on pourrait objecter les aspects réels de
l’anthropologie (Hegel, Feuerbach ; et Häberlin 32 qui veut faire de
l’anthropologie un secteur de l’ontologie générale).
En fait, les obstacles réels étaient ailleurs.
1. [L’application au corps]
a. D’un côté, il semble que l’homme avant la chute détienne une vérité
de l’homme, qui s’obscurcit et s’aliène par le péché.
D’une part, il y avait harmonie, ou plutôt continuité parfaite entre les
lois générales définies par la volonté de Dieu et les mouvements particuliers
par lesquels l’âme était portée vers son objet. Le mouvement humain était
dans le prolongement de la rectitude du vouloir divin. Et Dieu n’avait donc
pas besoin de s’occuper de l’homme par des volontés particulières. Les
accidents du monde de l’homme relevaient immédiatement de l’universalité
des lois de la nature. Monde et nature appartenaient à la même universalité
concrète.
Or c’est cette universalité que le péché a rompue : « le péché a
corrompu la nature, et mis une espèce de contradiction dans le rapport que
les lois générales ont avec nous » (Entretiens sur la métaphysique et la
religion, VI 90). D’où la nécessité pour Dieu d’avoir recours à des volontés
particulières qui tiennent compte « de la honte du libre arbitre » (De la
recherche de la vérité, I, 5 91) et dont le système d’universalité ne peut plus
être pensé comme nature, mais comme grâce.
D’autre part, cette continuité des volontés de Dieu dans la nature et des
mouvements de l’homme dans l’obéissance, loin d’absorber l’homme dans
les vérités de la nature, autorisait, ou plutôt fondait l’entière liberté de
l’homme.
Adam n’était attaché à Dieu par aucun « plaisir prévenant » (De la
recherche de la vérité, I, 5), mais par le libre exercice de sa connaissance.
Malebranche cite saint Jean : « Dieu a fait l’homme dès le commencement,
et après lui avoir proposé ses commandements, il l’a laissé à lui-même
(Deus ab initio constituit hominem et reliquit illum in manu consilii sui) »
(ibid. 92).
Et il était en même temps absolument maître des mouvements de son
corps : non qu’il en fût tout à fait détaché (car l’union de l’âme et du corps
est naturelle – ibid.), mais parce qu’il « éprouvait [le plaisir] de l’âme
beaucoup plus grand que celui du corps » (ibid. 93 ; d’une manière beaucoup
plus nette que dans De la recherche de la vérité : « Avant le péché […],
l’homme avait nécessairement ce pouvoir sur son corps qu’il détachait, pour
ainsi dire, la partie principale du cerveau d’avec le reste de son corps, et
qu’il empêchait sa communication ordinaire avec les nerfs qui servent au
sentiment, toutes les fois qu’il voulait s’appliquer à la vérité »,
Conversations chrétiennes, II 94).
Donc, avant la chute, l’homme était de plain-pied avec l’universalité
concrète du monde et de la nature, et la vérité qu’il y déchiffrait, ou plutôt
qu’il en recevait, il était entièrement libre de la recevoir. Liberté et vérité se
nouaient dans cette universalité concrète où la nature prenait pour l’homme
le visage familier de son monde. Et le logos de la vérité était, d’entrée de
jeu, anthropologie.
b. Mais en fait, même le monde d’Adam ne détenait pas ses
significations de l’homme lui-même, et si l’homme pouvait s’y reconnaître,
ce n’est pas dans la mesure où il y déchiffrait sa propre vérité, mais dans la
mesure seulement où il y reconnaissait le visage de Dieu.
– En effet, [d’une part] Adam avait, comme nous, un esprit fini, et
d’autre part « il est constant que ces propriétés [des corps qui
l’environnaient] sont infinies » (De la recherche de la vérité, I, 5 95). Adam
avait donc besoin du jugement naturel, puisque, sans lui, « il eût été obligé
de se détourner l’esprit de la vue des perfections de son vrai bien pour
examiner la nature de quelque fruit afin de s’en nourrir » (ibid.). Il avait
donc des sens et une imagination comme les nôtres, qui transcrivaient dans
son langage humain, et par les voies courtes du jugement naturel, le texte
infini de la vérité k.
– [Par ailleurs], la maîtrise qu’il exerçait sur son propre corps, et sur les
mouvements qui s’y accomplissaient, n’était ni mouvement de constitution
de la vérité ni ouverture originaire sur la vérité, mais lui autorisait
seulement le déchiffrement d’une vérité qui n’était pas constituée à son
niveau. « Ainsi, consultant l’idée claire jointe au sentiment dont il était
touché à l’occasion de ces objets [sensibles l], il voyait clairement que ce
n’étaient que des corps puisque cette idée ne représente que des corps. Il
concluait donc que les divers sentiments dont Dieu le touchait n’étaient que
des révélations » (Entretiens sur la métaphysique et la religion, VI, 7 96).
Donc : le bonheur d’Adam ou encore l’existence d’un homme qui n’a
pas péché ne constitue pas la condition ontologique d’une anthropologie.
Tout au contraire, elle assure à l’expérience du monde une transparence
assez grande pour que deviennent claires les significations transcendantes
qui l’ont constituée, et pour qu’il soit impossible à l’homme, dans son
interprétation du monde, de tomber dans l’« anthropologie ».
c. Cela a pour conséquences que l’anthropologie, comme langage
humain du monde, n’est pas le dévoilement de la vérité de l’homme, mais
seulement cette présomption de l’homme, une fois que le péché a obscurci
le visage de Dieu dans le monde et détourné l’attention vers les sentiments
immédiats du corps, cette présomption qui lui fait transcrire le Verbe de
Dieu dans les balbutiements de son langage : devant l’application des lois
générales de la volonté divine, l’homme parlera de colère et de vengeance.
Mais justement, pour se faire entendre des hommes dont le pouvoir
d’attention est maintenant retenu par les corps, Dieu parlera le langage des
corps, il prendra le visage humain. Ainsi la grâce suivra-t-elle les chemins
du monde de l’homme. « L’Écriture est pleine d’anthropologies 97. »
L’anthropologie, c’est l’orgueil de l’homme pécheur dont la
présomption fait Dieu à son image, mais c’est aussi la complaisance de
Dieu qui veut que le pécheur soit racheté, pour sa plus grande gloire. Adam
n’est pas la vérité anthropologique de l’homme, c’est l’homme avant
l’anthropologie. Et l’anthropologie, en ce sens, ne dit pas la vérité de
l’homme, mais le désordre de cette vérité.
Désordre, dont nous avons vu les conséquences. Conséquences dont la
première est l’éloignement de la nature par rapport à l’homme et, dans cette
distance, la cristallisation du monde. Mais le monde est la première des
anthropologies, puisqu’il n’est pas autre chose que le langage de Dieu dans
le vocabulaire de l’imagination. Si bien que le fruit de ce désordre est
encore tout habité par Dieu, et qu’il est comme possibilité de rachat, comme
lieu de la grâce actuelle, finalement comme incarnation du Verbe, meilleur
que le monde avant la Chute. Le monde racheté est meilleur que le monde
qui n’a pas connu le péché.
Et pourtant, c’est bien le monde qui sert de support au péché, puisqu’il
n’y a eu péché que du jour où Adam a cessé de faire attention « à la
présence de son Dieu » dans la nature, pour s’attacher aux objets liés à son
sentiment : « douceur espérée du fruit défendu » ou encore « tendresse
naturelle pour sa femme et […] crainte déréglée de la contrister » (De la
recherche de la vérité, I, 5 98).
C’est donc le monde en tant que tel qui, en attachant un instant
l’attention, a fait commettre le péché. Plus exactement l’attention, en se
détachant de Dieu, a détaché le monde de la nature et ce fut le péché.
Par conséquent, ce n’est même pas dans le péché que l’homme pourra
trouver sa vérité : le péché n’est pas pour l’homme une seconde nature, une
autre vérité. La volonté humaine, même lorsqu’il le commet, ne peut être
que bonne ; elle est seulement une volonté bonne, mais enfoncée dans le
monde : « Il n’y a que la puissance de mal aimer, ou plutôt de bien aimer ce
que nous ne devons point aimer, qui dépende de nous » (De la recherche de
la vérité, IV, 1 99).
*
Dans la philosophie classique, l’homme ne peut jamais se tenir à lui-même
le langage de sa vérité, parce que, en fait, il a été dépouillé de sa vérité :
– soit au profit d’une nature qui dissipe ce monde dont la philosophie
grecque avait fait jadis la patrie de l’être et de l’homme ;
– soit au profit d’une sémantique qui ne confère aux figures du monde
qu’une valeur purement symbolique, empêchant ainsi l’homme de
déchiffrer dans le monde sa propre vérité ;
– soit au profit d’une perfection où l’homme n’a pas à s’accomplir, mais
à accomplir seulement la vérité de Dieu, effaçant ainsi celle de sa finitude
propre : la vérité de son bonheur n’est que le malheur de sa vérité.
Pourtant, c’est bien dans cette réflexion éthique que la philosophie du
e
XVIII siècle s’est approchée le plus près de cette réflexion sur l’homme et
E
I. XVIII SIÈCLE
1. [Le bonheur]
2. [La sensation]
l’homme.
II. KANT
Bien sûr, il serait tout à fait erroné de voir dans la critique un retour à
l’homme qui serait [le] premier mouvement anthropologique, malgré le
texte de la Logique sur l’anthropologie à laquelle se rapportent la
métaphysique (que puis-je savoir ?), la morale (que dois-je faire ?), la
religion (qu’est-il permis d’espérer ?) 126.
1. Ernst Platner, Anthropologie für Aerzte und Weltweise, Leipzig, Dyck, 1772 ; la réédition
augmentée en 1790 de cet ouvrage (Neue Anthropologie für Aerzte und Weltweise, Leipzig,
S. L. Crusius) connut un énorme succès. Platner (1744-1818) était médecin et philosophe.
À Leipzig, il fut professeur extraordinaire de médecine, mais occupa aussi ensuite les chaires de
physiologie et de médecine.
2. Johann Friedrich Blumenbach (1752-1840) est un célèbre médecin, anatomiste,
anthropologue allemand. Son Histoire et description des os du corps humain (Geschichte und
Beschreibung der Knochen des menschlichen Körpers, Göttingen, Dieterich, 1786) fait de lui le
fondateur de l’anthropologie physique. Il promeut le concept de « race caucasienne », tout en
défendant l’idée d’une unité de souche de l’espèce humaine (adepte de la théorie
« dégénérationniste »).
3. Immanuel Kant, Anthropologie in pragmatischer Hinsicht, Königsberg, F. Nicolovius, 1798.
En 1961, Michel Foucault consacra sa thèse complémentaire à une traduction française de ce
texte. Intitulée Anthropologie du point de vue pragmatique, elle parut aux éditions Vrin en 1964,
mais c’est seulement en 2008 que sera publiée, chez le même éditeur, la longue « Introduction à
l’“Anthropologie” » que Foucault avait rédigée dès 1961 en vue de la soutenance de sa thèse et
dont il n’avait gardé qu’un court extrait pour l’édition de 1964 (Immanuel Kant, Anthropologie
d’un point de vue pragmatique, trad. et intro. par Michel Foucault, prés. par Daniel Defert,
François Ewald et Frédéric Gros, Paris, Vrin, 2008).
4. L’anthropologie occupe le premier chapitre de la première partie (« Esprit objectif ») de la
Philosophie de l’esprit (elle-même troisième et dernière partie de l’Encyclopédie des sciences
philosophiques, initialement parue en 1817, puis révisée en 1827 et en 1830). Dans une chemise
intitulée « Anthropologie de Hegel », Foucault avait relevé plusieurs citations de la Philosophie
de l’esprit dans la traduction d’Augusto Vera (Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Philosophie de
l’esprit, 2 vol., trad. et éd. par Augusto Vera, Paris, G. Baillière, 1867-1869) : voir BNF, Fonds
Foucault, cote NAF 28730, Boîte 37, feuillets 40-46 (le numéro de feuillet correspond à la
numérotation des fiches sur le site du projet « Foucault fiches de lecture » : eman-
archives.org/Foucault-fiches/ [consulté en avril 2022] ; nous adoptons le même système de
référencement pour tous les autres feuillets cités).
5. Maine de Biran, Nouveaux Essais d’anthropologie (posthume), intro. par Pierre Tisserand et
Henri Gouhier, Paris, PUF, 1949. Cet ouvrage constitue le tome 14 venant clore l’édition
complète des Œuvres de Maine de Biran entreprise en 1920 par P. Tisserand chez Félix Alcan.
On trouve une fiche de lecture de ce titre dans les manuscrits de Foucault (Boîte 37, feuillets 25-
26). En 1947, Henri Gouhier avait publié un livre important (Les Conversions de Maine
de Biran, Paris, Vrin) montrant comment Maine de Biran s’était attaché toute sa vie à édifier
une science de l’homme qui devait être à la morale ce qu’est la physiologie à la médecine.
Toutefois, à l’inverse du positivisme futur d’Auguste Comte, il maintenait l’exigence de ne pas
séparer objectif et subjectif, et se livrait ainsi à une étude du « moi ».
6. Voir infra, section « L’anthropologie de Feuerbach », feuillet 63, p. 86.
7. Immanuel Hermann von Fichte, Anthropologie. Die Lehre von der menschlichen Seele.
Neubegründet auf naturwissenschaftlichem Wege für Naturforscher, Seelenärzte und
wissenschaftlich Gebildete überhaupt, Leipzig, Brockhaus, 1856. Il s’agit du fils de Johann
Gottlieb Fichte (1762-1814), l’auteur de la Doctrine de la science (1812).
8. Paul Broca (1824-1880) est le fondateur de la Société d’anthropologie de Paris (1859), de la
Revue d’anthropologie en 1872 et de l’École d’anthropologie de Paris en 1876. Ses positions
théoriques sur l’inégalité des races ont conduit les idéologues racistes à se réclamer de lui.
9. Heinrich Wichart, Metaphysische Anthropologie vom physiologischen Standpunkte und ihr
Verhältniß zu den Geheimnissen des Glaubens, Münster, Theissing, 1844.
10. Karl Gustav von Rudloff, Die Lehre vom Menschen auf dem Grunde der göttlichen
Offenbarung, 2 vol., 2e éd., Gotha, Perthes, 1863.
11. Edmund Husserl, Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen
Philosophie (désormais Ideen), t. II, Phänomenologische Untersuchungen zur Konstitution, éd.
par Marly Biemel, La Haye, Martinus Nijhoff (Husserliana, vol. 4), 1952 [1912-1918,
posthume] ; trad. fr. : Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie
phénoménologique pures, t. II, Recherches phénoménologiques pour la constitution, trad. par
Éliane Escoubas, Paris, PUF, 1982. On trouve dans la Boîte 42a un dossier « Ideen II »
comprenant de nombreuses fiches de lecture traduites par Foucault et problématisées
(feuillets 336-344). Le texte Phénoménologie et Psychologie rédigé au début des années 1950,
ainsi que diverses ébauches de la même époque (édition établie par Philippe Sabot, Éditions de
l’EHESS-Gallimard-Seuil, 2021), revient à plusieurs reprises sur Ideen II pour indiquer la
scansion théorique qu’elles représentent dans le destin d’une phénoménologie s’efforçant de se
radicaliser. Il montre comment l’anthropologie pour Husserl a pu constituer tout à la fois un
point d’hérésie critique et un inéluctable centre de gravitation théorique : « L’évolution de la
pensée de Husserl, depuis le rationalisme idéaliste des Logische Untersuchungen [1900-1901]
jusqu’à l’idéalisme descriptif des écrits sur l’Histoire et la généalogie de la Logique, n’est que la
découverte de l’exigence toujours plus pressante d’une anthropologie » (Phénoménologie et
Psychologie, op. cit., p. 285).
12. Mort prématurément en 1928, Max Scheler laisse inachevée son Anthropologie. On trouve
dans la Boîte 37 une bonne cinquantaine de fiches de lecture de Foucault rédigées sur les
ouvrages cités dans le cours (Contribution à la notion d’homme et Situation de l’homme dans le
monde), mais aussi d’autres œuvres (La Pudeur, L’Homme du ressentiment, Nature et formes de
la sympathie, Le Sens de la souffrance). Il est régulièrement présenté par Foucault au début des
années 1950 comme le philosophe qui relève le défi théorique consistant à réordonner la
philosophie au sens d’une anthropologie fondamentale : « la phénoménologie est bien le
fondement philosophique de l’exigence anthropologique […]. Les successeurs de Husserl ne s’y
sont pas trompés : anthropologie de Scheler, de Heidegger, de Sartre » (M. Foucault,
Phénoménologie et Psychologie, op. cit., p. 285).
13. M. Scheler, « Zur Idee des Menschen » [1914], dans Vom Umsturz der Werte.
Abhandlungen und Aufsätze [Le Renversement des valeurs], 2e éd., t. 1, Leipzig, Der Neue-Geist
Verlag, 1919, p. 171-195.
14. Id., Die Stellung des Menschen im Kosmos, Darmstadt, Otto Reichl, 1928. Dernier opus
achevé du vivant de son auteur, La Situation de l’homme dans le monde est traduit en français et
préfacé par Maurice Dupuy (Paris, Aubier, 1951).
15. Paul Ludwig Landsberg, Einführung in die philosophische Anthropologie, Francfort-sur-le-
Main, Vittorio Klostermann, 1934 (voir note suivante).
16. Theodor Litt, Die Selbsterkenntnis des Menschen, Leipzig, F. Meiner, 1938. Sur une fiche
de lecture intitulée « Anthropologie » (Boîte 37, feuillet 718) et qui se présente comme une
courte bibliographie d’une dizaine de références, Foucault mentionne le livre de P. L. Landsberg
ainsi que celui de T. Litt aux côtés d’autres ouvrages ou articles (Max Horkheimer,
« Bemerkungen zur philosophischen Anthropologie », Zeitschrift für Sozialforschung, vol. 4,
no 1, 1935, p. 1-25 ; Franz Josef Brecht, Der Mensch und die Philosophie, Halle-sur-Saale, Max
Niemeyer, 1932 ; Hellmuth Plessner, Macht und menschliche Natur. Ein Versuch zur
Anthropologie der geschichtlichen Weltansicht, Berlin, Junker und Dünnhaupt, 1931). Il s’agit
essentiellement d’écrits allemands des années 1930 relatifs à l’anthropologie philosophique.
17. Paul Häberlin, Der Mensch. Eine philosophische Anthropologie, Zürich, Schweizer Spiegel,
1941. Voir dans la Boîte 42 les notes de lecture de Foucault sur cet ouvrage (chemise
« Häberlin », feuillets 465-469). Une traduction française, assurée par Pierre Thévenaz, avait
paru sous le titre Anthropologie philosophique (Paris, PUF, 1943).
18. Wilhelm Keller, Vom Wesen des Menschen, Bâle, Verlag für Recht und Gesellschaft, 1943.
On trouve dans la Boîte 37 une série de notes de lecture sur ce texte (feuillets 720-732).
Professeur de philosophie et de psychologie systématiques à l’université de Zurich, Wilhelm
Keller (1909-1987) a élaboré une approche très existentielle de l’anthropologie.
19. Edmund Schlink, Der Mensch in der Verkündigung der Kirche. Eine dogmatische
Untersuchg, Munich, C. Kaiser, 1936.
20. Emil Brunner, Der Mensch im Widerspruch. Die christliche Lehre vom wahren und
wirklichen Menschen, Berlin, Furche Verlag, 1937 ; id., Offenbarung und Vernunft. Die Lehre
von der christlichen Glaubenserkenntnis, Zurich, Zwingli-Verlag, 1941.
21. Erich Dinkler, Die Anthropologie Augustins, Stuttgart, W. Kohlhammer, 1934.
22. Magdalena Alida Hendrica Stomps, Die Anthropologie Martin Luthers. Eine
philosophische Untersuchung, Francfort-sur-le-Main, Vittorio Klostermann, 1935.
23. Dans une fiche de lecture intitulée « La théorie anthropologique » (Boîte 42, feuillet 455),
Foucault écrit que l’on retrouve une « forme d’interrogation » portant, entre autres, sur « les
différents modes selon lesquels l’homme est et peut être dans le monde ». Il mentionne
précisément Gebsattel, Kunz et Straus. Les ouvrages ou articles cités dans cette fiche sont :
Viktor Emil von Gebsattel, « Über Fetischismus », Der Nervenarzt, vol. 2, no 1, 1929, p. 8-20 et
id., « Süchtiges Verhalten im Gebiet sexueller Verirrungen », Monatsschrift für Psychiatrie und
Neurologie, vol. 82, no 3, 1932, p. 8-177 ; Hans Kunz, « Zur Theorie der Perversion »,
Monatsschrift für Psychiatrie und Neurologie, vol. 105, no 1-2, 1942, p. 1-26 ; Erwin Straus,
Geschehnis und Erlebnis. Zugleich eine historiologische Deuteung des psychischen Traumas
und Renten-Neurose, Berlin, Springer, 1930. Le nom de Ludwig Binswanger apparaît aussi. Ce
dernier est l’auteur d’un article publié en 1931, sous le même titre que le livre d’E. Straus paru
l’année précédente (Geschehnis und Erlebnis) et qui reprend, pour les commenter et les
critiquer, ses conclusions sur le rapport entre l’événement et le vécu. Sur ces trois auteurs, voir
aussi le début du texte de Foucault consacré à l’analyse du cas Ellen West par L. Binswanger
(Binswanger et l’analyse existentielle, édition établie par Elisabetta Basso, Paris, Éditions de
l’EHESS-Gallimard-Seuil, 2021, p. 43).
24. C’est ce déplacement que Foucault entend étudier en situant le problème de la constitution
du sens d’être du monde au centre de l’interrogation de la phénoménologie : celle-ci refuserait
les écueils à la fois du psychologisme, du logicisme et du naturalisme, mais dériverait
inexorablement vers une anthropologie philosophique, puisque le monde est par définition
« humain ». Cette anthropologie représente donc tout à la fois, par-delà la brisure ignorée du
geste philosophique nietzschéen, une direction précieuse et un piège redoutable pour la pensée
contemporaine. Au moment de son projet de départ à Uppsala, Foucault, dans le cadre de la
présentation de sa candidature, adresse à Georges Dumézil un curriculum vitae mentionnant
comme projet de thèse principale une « Étude sur la notion de “Monde” dans la
phénoménologie et son importance pour les sciences humaines ».
25. L’Homme, écrit par René Descartes au début des années 1630, paraît pour la première fois
de manière posthume en latin en 1662 (trad. par Florent Schuyl, Leyde, apud Petrum Leffen et
Franciscum Moyardum), puis en français en 1664 (éd. par Claude Clerselier, Paris, C. Angot).
26. Claude-Adrien Helvétius, De l’homme, de ses facultés intellectuelles et de son éducation,
2 vol., Londres, Société typographique, 1773. Une nouvelle édition critique, par Gerhardt
Stenger et David Warner Smith, est parue en 2011 (Œuvres complètes, t. II, Paris, Champion).
27. Voir supra, note 23.
28. « Das Geheimniss der Theologie ist die Anthropologie » (Ludwig Feuerbach, Vorläufige
Thesen zur Reform der Philosophie [1842], dans Sämtliche Werke – désormais noté : S.W., suivi
des numéros de volume et de page –, éd. par Wilhelm Bolin et Friedrich Jodl, 1903-1911,
Stuttgart, Frommann Verlag ; ici S.W., II, 222).
29. « Die Aufgabe der neueren Zeit war die Verwirklichung und Vermenschlichung Gottes – die
Verwandlung und Auflösung der Theologie in die Anthropologie » (id., Grundsätze der
Philosophie der Zukunft [1843], S.W., II, 245).
30. L’ouvrage Philosophie de Karl Jaspers paraît en trois volumes, respectivement intitulés
Philosophische Weltorientierung, Existenzerhellung et Metaphysik (Berlin, Springer, 1932 ;
trad. fr. : Philosophie. Orientation dans le monde, Éclairement de l’existence, Métaphysique,
trad. par Jeanne Hersch, Paris, Springer, 1986). Le troisième volume est consacré à la
« Transcendance ». Du rapport entre la théologie chrétienne et Jaspers, on peut retenir les
polémiques avec Karl Barth (malgré leur référence commune à Søren Kierkegaard) et le rapport
nettement plus apaisé avec l’existentialisme chrétien évoqué par Paul Ricœur et Mikel Dufrenne
(dans Karl Jaspers et la philosophie de l’existence, Paris, Seuil, 1947). On trouve une série de
fiches de lecture de Foucault sur le concept de transcendance chez Jaspers (Boîte 42b,
feuillets 3 et suiv.).
31. W. Keller, Vom Wesen des Menschen, op. cit.
32. Sur cet auteur, voir supra, note 17.
33. Aristote, dans Pierre Duhem, Le Système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques
de Platon à Copernic, t. I, La Cosmologie hellénique, Paris, Hermann, 1913, p. 199.
34. R. Descartes, Principes de la philosophie, II, 25 (dans Œuvres de Descartes, 13 vol., éd. par
Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, 1897-1913 – désormais noté A.T. [pour
Adam et Tannery], suivi des numéros de volume et de page –, IX, 76 ; VIII, 53 pour le texte
latin).
35. Voir P. Duhem, Le Système du monde, op. cit., p. 201.
36. Ibid., p. 202.
37. Ibid., p. 203.
38. Ibid., p. 207.
39. Ibid., p. 208.
40. Ibid.
41. « Ils [les philosophes] avouent eux-mêmes que la nature [du mouvement] leur est fort peu
connue ; et, pour la rendre en quelque façon intelligible, ils ne l’ont encore su expliquer plus
clairement qu’en ces termes, motus est actus entis in potentia, prout in potentia est, lesquels
sont pour moi si obscurs, que je suis contraint de les laisser ici en leur langue, parce que je ne
les saurais interpréter » (R. Descartes, Le Monde ou Le Traité de la lumière, chap. VII, dans
A.T., XI, 39).
42. Voir la présentation par P. Duhem de « La physique d’Aristote », dans Le Système du
monde, op. cit., p. 130-234.
43. R. Descartes, A.T., XI, 11. Le sujet « elles » se réfère à des « petites parties qui ne cessent
point de se mouvoir » et qui « à cause de leur petitesse [ne peuvent] être aperçues par aucun de
nos sens ».
44. Galilée, cité dans Alexandre Koyré, Études galiléennes, Paris, Hermann, 1939, p. 83.
45. R. Descartes, Principes de la philosophie, trad. par Claude Picot, dans A.T., IX, 84 ; VIII,
62 pour le texte latin.
46. La doctrine de Descartes est celle de la constance de la quantité de mouvement, quantité
déterminée à partir de la formule « mv » (le produit de la masse par la vitesse).
47. Id., A.T., IX, 85-86 ; VIII, 63 pour le texte latin (Foucault ici condense des séquences de
texte ; le texte complet est : « Article 39. La deuxième loi de la nature : Que tout corps qui se
meut tend à continuer son mouvement en ligne droite. La seconde loi que je remarque en la
nature, est que chaque partie de la matière, en son particulier, ne tend jamais à continuer de se
mouvoir suivant des lignes courbes, mais suivant des lignes droites, bien que plusieurs de ces
parties soient souvent contraintes de se détourner, pour ce qu’elles en rencontrent d’autres en
leur chemin, et que… lorsqu’un corps se meut, il se fait toujours un cercle ou anneau de toute la
matière qui est mue ensemble »).
48. Id., A.T., IX, 87 ; VIII, 65 pour le texte latin.
49. Exposées dans les articles 46 à 52 (id., A.T., IX, 89-93).
50. Id., A.T., IX, 83 ; VIII, 61 pour le texte latin.
51. Id., A.T., IX, 74 ; VIII, 65 pour le texte latin.
52. Voir A. Koyré, Études galiléennes, op. cit., p. 87.
53. R. Descartes, A.T., XI, 46-47.
54. Lettre trad. par Charles Appuhn, dans Baruch Spinoza, Œuvres, Paris, Garnier Frères, 1929,
t. III, p. 293.
55. Scolie de la Proposition XXXV : « Quand nous regardons le soleil, nous imaginons qu’il est
distant de nous d’environ deux cents pieds, et l’erreur ici ne consiste pas dans l’action
d’imaginer cela prise en elle-même, mais en ce que, tandis que nous l’imaginons, nous ignorons
la vraie distance du soleil et la cause de cette imagination que nous avons. Plus tard, en effet,
tout en sachant que le soleil est distant de plus de 600 fois le diamètre terrestre, nous ne
laisserons pas néanmoins d’imaginer qu’il est près de nous ; car nous n’imaginons pas le soleil
aussi proche parce que nous ignorons sa vraie distance, mais parce qu’une affection de notre
Corps enveloppe l’essence du soleil, en tant que le Corps lui-même est affecté par cet astre »
(B. Spinoza, Éthique, démontrée suivant l’ordre géométrique et divisée en 5 parties, trad. par
C. Appuhn, Paris, Garnier Frères, 1913, II, « De la nature et de l’origine de l’âme », p. 199-
200).
56. Nicolas de Malebranche, De la recherche de la vérité, où l’on traite de la nature de l’esprit
de l’homme et de l’usage qu’il en doit faire pour éviter l’erreur des sciences, 3 vol., éd. par
Geneviève Lewis, Paris, Vrin, 1946 (t. I, I, 7, p. 40 pour la perception des étoiles ; II, 7, p. 121
pour la peur de mourir).
57. R. Descartes, A.T., I, 350 (la date ordinairement retenue est celle du 20 mai 1630).
58. Id., A.T., IX, 22.
59. Id., A.T., VI, 113.
60. Voir la définition par Descartes des passions dans Les Passions de l’âme [1649], Première
partie, art. 27-29 : « Après avoir considéré en quoi les passions de l’âme diffèrent de toutes ses
autres pensées, il me semble qu’on peut généralement les définir des perceptions ou des
sentiments, ou des émotions de l’âme, qu’on rapporte particulièrement à elle, et qui sont
causées, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits » (A.T., XII, 349-350).
61. Id., Règles pour la direction de l’esprit (Regulae ad directionem ingenii), trad. par Jean
Sirven, Paris, Vrin, 1932, p. 73 (A.T., X, 412 pour le texte latin).
62. Id., A.T., VI, 115 (« Des images qui se forment sur le fonds de l’œil »).
63. Id., Règles pour la direction de l’esprit, op. cit., p. 75, souligné dans l’original (A.T., X,
413-414 pour le texte latin).
64. La phrase exacte dans la traduction de J. Sirven est : « il faut concevoir que le sens commun
joue aussi le rôle d’un sceau pour former dans la fantaisie ou imagination (fantasia vel
imaginatio) comme dans la cire les mêmes figures ou idées (figuras vel ideas) » (ibid., p. 76 ;
A.T., X, 414 pour le texte latin).
65. Voir supra, note précédente.
66. Jean-Paul Sartre, L’Imagination, Paris, Félix Alcan, 1936, p. 7-8.
67. R. Descartes, A.T., VI, 130.
68. Id., A.T., VI, 114.
69. Id., A.T., IV, 166.
70. Id., Sixième méditation métaphysique, dans A.T., IX, 61.
71. Foucault renvoie ici au doute hyperbolique de Descartes, qui porte moins sur des contenus
sensibles déterminés que sur l’existence même du monde matériel. Ce doute se nourrit de
l’expérience du rêve : « Combien de fois m’est-il arrivé de songer, la nuit, que j’étais en ce lieu,
que j’étais habillé, que j’étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ! » (id.,
A.T., IX, 14).
72. « Le corps agit tellement sur l’âme, qu’il est pour elle un empêchement ; nous le sentons
bien, quand nous nous piquons avec une aiguille ou autrement : cela nous affecte au point que
nous sommes incapables de penser à autre chose » (id., Entretien avec Burman. Manuscrit de
Göttingen, éd. et trad. par C. Adam, Paris, Boivin, 1937, p. 15 ; A.T., V, 150). Foucault préfère
parler ici d’« épingle » (le terme latin est acus) comme Jean-Henri Roy dans L’Imagination
selon Descartes (Paris, Gallimard, 1944, p. 154).
73. L’examen théorique de cette « parenté » est au centre du manuscrit de Foucault rédigé au
début des années 1950, édité sous le titre Phénoménologie et Psychologie (op. cit.).
74. N. de Malebranche, De la recherche de la vérité, op. cit, I, 6, p. 31.
75. Ibid., p. 27-28.
76. K. Jaspers, Philosophie, t. I, Philosophische Weltorientierung, op. cit. (trad. fr. :
Philosophie, op. cit.).
77. N. de Malebranche, Entretiens sur la métaphysique et la religion, suivis des Entretiens sur
la mort, éd. par Armand Cuvillier, Paris, Vrin, 1945, p. 235.
78. Id., De la recherche de la vérité, op. cit., I, 7, p. 39.
79. Id., « Préface », dans De la recherche de la vérité, op. cit., p. XV-XVI.
80. « Mais ce qui est de particulier aux analystes, c’est que, voyant que leur esprit ne pouvait
pas être en même temps appliqué à plusieurs figures, et qu’il ne pouvait pas même imaginer des
solides qui eussent plus de trois dimensions, quoiqu’il soit souvent nécessaire d’en concevoir
qui en aient davantage, ils se sont servis des lettres ordinaires qui nous sont fort familières afin
d’exprimer et d’abréger leurs idées. Ainsi l’esprit n’étant point embarrassé ni occupé dans la
représentation qu’il serait obligé de se faire de plusieurs figures et d’un nombre infini de lignes,
il peut apercevoir tout d’une vue ce qu’il ne lui serait pas possible de voir autrement, parce que
l’esprit peut pénétrer bien plus avant et s’étendre à beaucoup plus de choses lorsque sa capacité
est bien ménagée » (ibid., III, 3, p. 226-227).
81. Foucault avait rédigé quelques fiches de lecture sur le « jugement naturel » (Boîte 37,
feuillets 945 et suiv.).
82. N. de Malebranche, De la recherche de la vérité, op. cit., I, 7, p. 38-39.
83. Ibid., p. 56-57 pour la conservation de la vie ; p. 39-40 pour l’appréciation des distances.
84. Foucault avait pu être incité à cette comparaison entre Henri Bergson et Nicolas
de Malebranche par Maurice Merleau-Ponty, dont il avait suivi les cours à l’École normale
supérieure (ENS, rue d’Ulm) en 1948-1949 sur le problème de l’union de l’âme et du corps (au
programme de l’agrégation cette année-là) ; on retrouve du reste un certain nombre de notes
prises à ce cours (Boîte 38, feuillets 182 et suiv.). Voir Maurice Merleau-Ponty, L’Union de
l’âme et du corps chez Malebranche, Biran et Bergson, éd. par Jean Deprun, nouv. éd. augm.,
Paris, Vrin, 1978 [1968]. Mais Merleau-Ponty à aucun moment n’interroge ces trois philosophes
dans la perspective longue de l’anthropologie.
85. N. de Malebranche, De la recherche de la vérité, op. cit., I, 7, p. 57-58.
86. Les premières révélations sont surnaturelles, les secondes naturelles ; dans les secondes, il y
a une possibilité d’erreur « non pas qu’elles soient fausses par elles-mêmes, mais parce que nous
n’en faisons pas l’usage pour lequel elles nous sont données, et que le péché a corrompu la
nature […] » (id., Entretiens sur la métaphysique et la religion, op. cit., VI, 7, p. 189).
87. Ibid., p. 60 ; la phrase exacte est : « Non, je ne vous conduirai point dans une terre
étrangère » (deuxième réplique de Théodore).
88. Virgile, Les Géorgiques, I, 463-464 (« Solem quis dicere falsum audeat ? »).
89. N. de Malebranche, Traité de morale, éd. par Henri Joly, Paris, E. Thorin, 1882 [1707],
p. 20 ; la phrase exacte est : « Car la foi passera, mais l’intelligence subsistera éternellement. »
90. Id., Entretiens sur la métaphysique et la religion, op. cit., VI, 7, p. 189.
91. Id., De la recherche de la vérité, op. cit., I, 5, p. 23.
92. Ibid. ; voir Ecclésiastique 15, 14 ; Foucault attribue par erreur cette citation à saint Jean.
93. N. de Malebranche, De la recherche de la vérité, op. cit., I, 5, p. 21.
94. Id., Conversations chrétiennes, dans lesquelles on justifie la vérité de la religion et de la
morale de Jésus-Christ, éd. par L. Bridet, Paris, Garnier Frères, 1929, p. 39.
95. Id., De la recherche de la vérité, op. cit., I, 5, p. 24.
96. Id., Entretiens sur la métaphysique et la religion, op. cit., VI, 7, p. 189.
97. La citation complète est « l’Écriture est faite pour tout le monde, pour les simples aussi bien
que pour les savants, elle est pleine d’anthropologies » (id., Traité de la nature et de la grâce,
Premier discours, LVIII, dans Œuvres complètes de Malebranche, t. II, éd. par Antoine-Eugène
Genoude et Honoré de Lourdoueix, Paris, Sapia, 1837, p. 314). Malebranche ici emploie
« anthropologie » au sens ancien de projection anthropomorphique.
98. Id., De la recherche de la vérité, op. cit., I, 5, p. 24.
99. Ibid., t. II, IV, 1, p. 3.
100. Foucault fait ici encore écho à la citation suivante : « Car la foi passera, mais l’intelligence
subsistera éternellement » (id., Traité de morale, op. cit., p. 20).
101. L’expression est de Martial Guéroult, c’est par elle qu’il caractérise l’apport de Leibniz à
la pensée de Fichte (voir L’Évolution et la Structure de la doctrine de la science chez Fichte,
Paris, Les Belles Lettres, 1930).
102. « Ainsi notre bonheur ne consistera jamais et ne doit point consister dans une pleine
jouissance, où il n’y aurait plus rien à désirer et qui rendrait notre esprit stupide » (Gottfried
Wilhelm Leibniz, Principes de la nature et de la grâce fondés en raison, dans Œuvres
philosophiques de Leibniz, éd. par Paul Janet, 2e éd. rev. et augm., Paris, Félix Alcan, 1900, t. I,
p. 731).
103. Id., « Trois dialogues mystiques inédits de Leibniz », trad. par Jean Baruzi, Revue de
métaphysique et de morale, vol. 13, no 1, janvier 1905, p. 1-38, ici p. 33.
104. Id., Discours de métaphysique et analyse détaillée des Lettres à Arnauld, éd. par Émile
Thouverez, Paris, Belin frères, 1910, p. 93.
105. Sixième lettre de Gottfried Wilhelm Leibniz à Antoine Arnauld, datée du 9 octobre 1687,
« Correspondance de Leibniz et d’Arnauld (1686-1690) », dans Œuvres philosophiques de
Leibniz, op. cit., t. I, p. 606 ; la phrase exacte est : « Et c’est cette société ou république générale
sous ce souverain monarque qui est la plus noble partie de l’univers […]. »
106. Id., « Trois dialogues mystiques inédits de Leibniz », art. cité, p. 33.
107. Id., Discours de métaphysique et analyse détaillée des Lettres à Arnauld, op. cit., p. 94.
108. Sixième lettre de G. W. Leibniz à A. Arnauld, op. cit., p. 606-607.
109. Gotthold Ephraim Lessing, Lessings Sämtliche Werke, Stuttgart, J. G. Cotta’sche
Buchhandlung, 1893, t. XII, 76, p. 366.
110. G. W. Leibniz, Dialogue entre un habile politique et un ecclésiastique d’une piété
reconnue, dans Œuvres de Leibniz, t. II, éd. par Louis-Alexandre Foucher de Careil, Paris,
Firmin-Didot, 1859, p. 533.
111. Id., Essais de théodicée, dans Œuvres philosophiques de Leibniz, op. cit., t. II, p. 153.
112. Ibid., p. 162.
113. Id., Abrégé de la controverse réduite à des arguments en forme, ibid., p. 362.
114. La différence entre « monadique » et « monadologique » a été introduite par les
commentateurs de Leibniz pour signifier une différence de « point de vue » (point de vue
individuel : « multiplicité dans l’unité » ; point de vue systématique : « multiplicité des unités »,
pour reprendre les expressions de Michel Fichant, dans « Idéalité de la monade et réalité de la
“monadologie” », Les Études philosophiques, no 119, 2016, p. 515-536). Sur cette distinction,
Foucault pouvait lire à l’époque Léon Brunschvicg (Philosophie des mathématiques, Paris,
Alcan, 1930, p. 238) ou Martial Guéroult (L’Évolution et la Structure de la doctrine de la
science de Fichte, op. cit., t. I, p. 11).
115. C.-A. Helvétius, « Préface », dans De l’homme, de ses facultés intellectuelles et de son
éducation, op. cit., t. I, p. XI.
116. Ibid., p. 2.
117. Ibid., p. 5.
118. Ibid., p. 4.
119. Ibid., p. 3.
120. Étienne Bonnot de Condillac, Traité des sensations, éd. par François Picavet, Paris,
Delagrave, 1885, p. 178.
121. Denis Diderot, Lettre sur les sourds et muets à l’usage de ceux qui entendent et qui
parlent, dans Œuvres complètes de Diderot, éd. par Jules Assézat et Maurice Tourneux, t. I,
Paris, Garnier frères, 1875, p. 343-428, ici p. 400.
122. É. B. de Condillac, Traité des sensations, op. cit., p. 185.
123. Ibid., p. 180.
124. I. Kant, Anthropologie, suivi de Rapports du physique et du moral, trad. par Joseph Tissot,
Paris, Ladrange, 1863, p. 331, souligné dans l’original. Pour une traduction plus récente, voir
celle de M. Foucault lui-même (sa thèse complémentaire de 1961), publiée chez Vrin en 1964
puis rééditée en 2008 : Anthropologie d’un point de vue pragmatique, op. cit. ; voir supra,
note 3.
125. Sur l’Erinnerung comme souvenir et intériorisation chez Hegel, voir infra, feuillet 97,
p. 115.
126. « Le domaine de la philosophie en ce sens cosmopolitique se ramène aux questions
suivantes : 1. Que puis-je savoir ? 2. Que dois-je faire ? 3. Que m’est-il permis d’espérer ?
4. Qu’est-ce que l’homme ? À la première question répond la métaphysique, à la deuxième la
morale, à la troisième la religion, à la quatrième l’anthropologie. Mais au fond, on pourrait tout
ramener à l’anthropologie, puisque les trois premières questions se rapportent à la dernière »
(I. Kant, Logique [1800], 2e éd. rev. et augm., trad. par Louis Guillermit, Paris, Vrin,
1970 [1966], p. 25, souligné dans l’original).
127. Id., « Analytique transcendantale », § 27, dans Critique de la raison pure, trad. par Jules
Barni, Paris, Germer-Baillière, 1869, t. I, p. 191.
128. Id., « Préface de l’auteur », dans Anthropologie, op. cit., p. 1-6, ici p. 1.
129. Id., « Analytique des principes », dans Critique de la raison pure, op. cit., p. 195, souligné
dans l’original.
130. Id., Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. par Victor Delbos, Paris, Delagrave,
1907, p. 79.
131. On ne retrouve pas ces expressions comme telles dans l’Anthropologie de Kant. Pour être
très générales, elles n’en indiquent pas moins le projet théorique et les points d’irréductibilité du
texte dans son rapport aux trois Critiques. Dans l’« Introduction » qu’il rédigera plus tard pour
sa propre traduction au début des années 1960 (voir supra, note 3), Foucault insiste fortement
sur l’importance des concepts d’« exercice » et d’« usage » pour saisir la singularité de
l’entreprise de Kant : « L’Anthropologie se déploie donc selon cette dimension de l’exercice
humain » ; exploration d’une « région où liberté et utilisation sont déjà nouées dans la
réciprocité de l’usage » (M. Foucault, « Introduction à l’“Anthropologie” », art. cité, p. 33-34).
132. Foucault décline ici le plan de la première partie (« Anthropologie didactique ») de
l’Anthropologie. La seconde partie, intitulée « Caractéristique anthropologique », porte sur les
« caractères » (des personnes, du sexe, du peuple, des races, du genre).
133. I. Kant, La Dissertation de 1770, trad. par Paul Mouy, Paris, Vrin, 1942, p. 19. Nous
avons restitué le texte de la traduction de P. Mouy, mais le manuscrit semble reprendre la
citation telle qu’elle apparaît dans Lucien Goldmann (La Communauté humaine et l’univers
chez Kant, Paris, PUF, 1948, p. 88), laquelle introduit un faux sens : « concevoir les parties,
étant donnée la composition du tout, par une notion abstraite de l’entendement ».
134. Id., La Dissertation de 1770, op. cit., p. 25.
135. Ibid., p. 19-20.
136. Voir, pour la distinction entre une universalitas réflexive et une universitas intuitive, les
pages décisives de Jules Vuillemin dans L’Héritage kantien et la révolution copernicienne,
Paris, PUF, 1954, p. 274 ; on trouve ce texte référencé dans les notes de lecture de Foucault
(Boîte 42a, feuillet 50).
137. I. Kant, La Dissertation de 1770, op. cit., section I, § 2, p. 24-27.
138. Voir la traduction de L. Goldmann dans La Communauté humaine et l’univers chez Kant,
op. cit., p. 138.
139. Kant écrit ici : « Car si tout est conditionné dans l’espace et le temps (intérieurement),
aucun tout n’est possible. Ceux-là donc qui admettent un tout absolu de conditions purement
conditionné, qu’elles soient limitées (finies) ou illimitées (infinies), se contredisent. »
140. Sur la question proposée par l’Académie des sciences de Berlin pour l’année 1791 : Quels
sont les progrès réels de la métaphysique en Allemagne, depuis Leibniz et Wolf, dans
Prolégomènes à toute métaphysique future, suivi de deux autres fragments, trad. par J. Tissot,
Paris, De Ladrange, 1865, p. 363, note 1.
141. Karl Leonhard Reinhold fait partie des premiers post-kantiens. Il est connu pour avoir
donné une présentation axiomatico-déductive de l’œuvre du maître dans une
« Elementarphilosophie » (1789-1794 ; voir en français K. L. Reinhold, Philosophie
élémentaire, trad. par François-Xavier Chenet, Paris, Vrin, 1989).
142. Publié de manière anonyme en 1792, ce texte écrit par Gottlob Ernst Schulze, philosophe
allemand qui tenta contre Kant de réaffirmer la force du scepticisme de David Hume, se
présentait comme une attaque du livre de Reinhold. Fichte rédigea dès 1793 une recension de ce
texte dans laquelle il soulignait l’accord de fond entre Schulze et Reinhold.
143. I. Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, op. cit., p. 1.
144. Ibid., p. 3.
145. Id., Critique de la raison pure, op. cit., « Logique transcendantale », division I :
« Analytique transcendantale », livre I : « Analytique des concepts », chapitre 1 : « Du fil
conducteur », troisième section, § 10, « Des concepts purs de l’entendement », p. 135-136
(traduction légèrement modifiée).
146. Ibid., I-1, « De la faculté de signifier », p. 116.
147. Voir le texte de Kant : Essai pour introduire en philosophie le concept de grandeur
négative, 2e éd., trad. et éd. par Roger Kempf, préf. de Georges Canguilhem, Paris, Vrin,
1991 [1949].
148. « En conséquence, le déplaisir n’est pas simplement un défaut de plaisir, mais le motif
positif de la suppression, totale ou partielle, du plaisir […] » (ibid., p. 32).
149. Ibid., I-3, « Du souverain bien physique et moral », p. 256.
150. Ibid., p. 267.
151. Ibid., p. 268. Kant plus précisément écrit : « On peut donc dans la caractéristique et sans
tautologie, distinguer dans ce qui appartient à l’appétit (qui est pratique), l’élément
caractéristique en naturel ou disposition de nature, en tempérament ou manière de sentir, et en
caractère proprement dit ou manière de penser. »
152. « L’entendement n’a été défini plus haut que négativement : un pouvoir de connaître non
sensible. Or, nous ne pouvons, indépendamment de la sensibilité, participer à aucune intuition.
L’entendement n’est donc pas un pouvoir d’intuition » (I. Kant, Critique de la raison pure, « De
l’usage logique de l’entendement en général », trad. par André Tremesaygues et Bernard
Pacaud, Paris, Félix Alcan, 1905, p. 103).
153. Id., Prolégomènes à toute métaphysique future, op. cit., « Préface », p. 10.
154. Foucault ne fait que reproduire la fameuse question des Prolégomènes (voir note
précédente) en substituant « homme » à « métaphysique ».
155. Voir par exemple dans sa Théorie de la représentation, la critique par Reinhold de Georg
Bernhard Bilfinger qui « confond le sens interne avec la conscience qui ne peut pourtant être un
simple élément de la faculté d’être affecté » (Philosophie élémentaire, op. cit., p. 93).
156. Voir supra, note 142.
157. Médecin, physiologiste, professeur d’anatomie comparée allemand, Johannes Peter Müller
est connu pour son Handbuch der Physiologie des Menschen (parution en 3 volumes entre 1833
et 1840, Coblence, Hölscher ; parution en français : Manuel de physiologie, Paris, J.-
B. Baillière, 1851) qui consacre les apports positifs de la chimie et de la physique à l’étude de
l’homme.
158. Physicien (1838-1916), Ernst Mach est aussi connu pour ses travaux en psychologie de la
perception (définition d’un sixième sens de l’orientation – « le principe de Mach ») et en
philosophie des sciences (thèse du développement scientifique comme ayant une « fonction
d’économie » dans la conservation de l’espèce). On trouve une fiche de travail dans la boîte
intitulée « Critique de Mach et d’Avenarius », qui établit les critiques de Husserl face à cette
conception évolutionniste de la science (Boîte 42a, feuillet 782).
159. Philosophe (1843-1896), Richard Avenarius est le fondateur de cet « empiriocriticisme »
qui sera si violemment combattu par Vladimir Ilitch Lénine (Matérialisme et Empiriocriticisme,
1908). Il prétend établir un « concept naturel du monde » comme un en-dehors irréductible à la
métaphysique aussi bien qu’au matérialisme.
160. Professeur de philosophie et de psychologie (il a eu comme élèves E. Husserl et S. Freud à
l’université de Vienne), Franz Brentano est connu pour avoir remis en pleine lumière le concept
médiéval d’« intentionnalité » de la conscience qui sera un des piliers théoriques de la
phénoménologie. On trouve sur cet auteur et son rapport à Husserl une série de fiches de lecture
rédigées par Foucault (Boîte 42a, feuillets 697 et suiv.).
161. Foucault reprend ici la progression hégélienne de l’Esprit subjectif/objectif/absolu qui
scande son Encyclopédie des sciences philosophiques.
[DEUXIÈME PARTIE]
A. L’anthropologie hégélienne 1
Il y a deux anthropologies : [d’une part] la section particulière qui porte ce
titre et d’autre part tout le mouvement de l’esprit subjectif 2.
En effet : [dans] la première section, l’anthropologie désigne la forme
immédiate et naturelle de l’esprit subjectif, mais tout le chapitre sur l’esprit
subjectif est caractérisé par :
1. le fait que l’esprit y a immédiatement rapport à lui-même (alors que
c’est au monde qu’il aura rapport dans l’esprit objectif) ;
2. le fait que son être est d’être auprès de soi, donc dans une liberté
immédiate qui ignore la nécessité du Dasein [être-là] ;
3. le fait qu’ainsi il se développe dans son idéalité pure, donc dans la
forme de la connaissance : la connaissance est donc déterminée par soi-
même.
Ces traits caractérisent justement cette perspective anthropologique qui
se définit dans son unité avec la critique. Et c’est dans cette dialectique de
l’esprit subjectif que Hegel réalise, effectue et dépasse la critique.
Les problèmes particuliers de l’anthropologie au sens étroit :
1. Qu’est-ce que l’âme ? C’est la présence immédiate de l’esprit dans la
nature (voir citation 3). D’où :
– Le problème de l’immatérialité ne se pose pas, parce que :
α. il suppose que l’esprit est une chose ;
β. il oublie que la vie est déjà la forme objective de la matière
supprimée.
– Le problème de l’âme et du corps ne se pose pas : il se poserait s’il
s’agissait du rapport de deux choses particulières ; mais il s’agit en fait du
particulier et de l’universalité.
L’âme, c’est l’universalité immédiate du corps.
Le corps, c’est l’être autre.
D’où les rapports de séparation et d’unité de l’âme et du corps.
L’âme peut donc se définir comme l’éveil de l’esprit, mais inversement
l’âme n’est possible que dans la mesure où l’esprit veille déjà dans la
nature. L’âme, c’est l’éveil de cette veille b. Elle est l’unité et la liberté du
matin.
2. Cela explique l’unité profonde de l’âme avec les déterminations
naturelles qui semblent la déterminer et l’emprisonner, mais où elle est déjà
sa première négativité et sa première liberté :
– les qualités,
– les changements,
– l’Empfindung [sensation] 4.
3. Mais cette unité reconnue permet l’éclosion du sentiment, de la
Fühlung comme intériorité de la sensation :
– le rêve comme forme immédiate du sentiment :
• tout emprunté dans son contenu au monde,
• mais comme forme immédiatement subjective de ce monde,
• le monde devenu mon monde.
Ainsi le rêve peut devenir significatif. C’est le monde décliné à la
première personne, l’idios kosmos [monde propre] d’Héraclite 5.
– La folie 6, c’est le moment de la fixation du rêve comme moment
subjectif à l’intérieur de l’élément de la conscience objective. D’où la
dialectique propre de la folie :
α. Aliénation de soi à l’intérieur de soi ; ensablement à l’intérieur de
la subjectivité ; et en même temps fixation à l’être immédiat naturel.
D’où l’accès par le corps et par l’âme.
β. Mais la conscience conserve les formes extérieures de
l’objectivité ; il y a dissociation entre l’âme et la conscience :
dédoublement de la personnalité. L’objectivité de la conscience va
travailler à l’intérieur du contenu subjectif de l’âme.
γ. Le travail de la rationalité comme thérapeutique 7.
N.B. Elle est possibilité absolue, comme le crime par rapport au droit.
4. L’habitude 8, comme Gewohnheit, se fixe une demeure dans sa propre
subjectivité :
– sans l’expression du rêve,
– ni le déchirement de la folie.
C’est le travail de la conscience qui se reconnaît dans la sphère de
l’âme : c’est l’unité du sommeil et de la veille, du silence du caractère et du
tapage de la folie 9.
Avoir une habitude, c’est, pour la conscience, être chez soi dans son
âme.
B. L’anthropologie de Feuerbach
INTRODUCTION
Pour lui, comme pour Hegel, il s’agit de « réaliser » la critique, c’est-à-dire
d’en effectuer le contenu au niveau d’une anthropologie, et par là même de
la supprimer comme détermination a priori des formes de la connaissance,
puisque l’anthropologie doit :
– être justement une détermination concrète ;
– développer un contenu d’expérience plus large que la seule
connaissance.
L’anthropologie, c’est, pour Feuerbach, le développement critique de
l’essence concrète, du wirkliches Wesen de l’homme.
Mais comment le développement et l’exploitation du domaine concret
d’une essence particulière peuvent-ils avoir le sens et la portée d’une
critique ?
À deux conditions :
1. La première, c’est que cette essence constitue l’a priori concret, non
seulement de toute connaissance possible, mais de toute expérience réelle.
L’anthropologie doit donc se présenter comme retour à l’immédiateté
concrète, redécouverte des formes les plus primitives sous lesquelles
l’homme habite sa propre vérité.
Donc la philosophie doit être avant tout prière pour un regard meilleur,
pour une lumière plus neuve et plus proche du matin : « La logique, je l’ai
apprise dans une université allemande ; mais l’optique, l’art de voir, je l’ai
apprise d’abord dans un village allemand » (Fragments philosophiques 10).
D’où la nécessité d’évacuer les positions d’une philosophie spéculative
qui ne retrouve la demeure concrète de l’homme que dans l’élément du
savoir absolu.
α. Donc nécessité de renverser la philosophie spéculative : « ce qui est
originaire, premier dans la réalité, est ce qui est dérivé, subordonné en
philosophie ; et inversement, ce qui est dernier dans la réalité est ce qui est
premier dans la philosophie » (La Question de l’immortalité du point de vue
anthropologique 11) ;
β. et par conséquent d’abandonner l’hégélianisme, qui est « la
Wirklichkeit absolue de l’idée de philosophie » (Sur la critique de la
philosophie hégélienne 12), au profit d’une philosophie qui unira « ce qu’il y
a de plus élevé et ce qu’il y a de plus commun, ce qu’il y a de plus proche et
ce qu’il y a de plus lointain, l’abstrait et le concret, le spéculatif et
l’empirique, la philosophie avec le Leben [vie] » (Lettre à Karl Riedel 13).
La philosophie sera donc fin de la philosophie, mais non pas pour la
raison hégélienne qu’elle serait savoir absolu, mais pour la raison qu’elle
est retour à l’immédiat, redécouverte par l’homme de sa patrie la plus
familière : « Pas de religion ! – c’est ma religion ; pas de philosophie ! –
c’est ma philosophie » (Fragments philosophiques 14).
Et une telle philosophie « trouvera son plus grand triomphe dans le fait
qu’elle ne paraîtra pas être une philosophie à toutes ces têtes pesantes et
cuistres (plumpen und verschulten) qui placent l’essence de la philosophie
dans le Schein [apparence] de la philosophie » (L’Essence du christianisme,
« Préface à la deuxième édition 15 »).
La philosophie, comme mise [au] jour de l’essence concrète de
l’expérience, est donc le non-être philosophique pour la philosophie
spéculative. Et pourtant ce n’est pas autre chose que l’existence concrète de
la philosophie.
2. En effet, quel est le sujet philosophant de cette philosophie ?
Ce n’est pas le philosophe hégélien, une individualité déterminée portée
à l’absolu (ce qui fait que l’hégélianisme n’est pas autre chose que la
tentative « de restaurer par la philosophie das verlorene Christentum [le
christianisme déchu] » (Principes de la philosophie de l’avenir, 21 16), mais
c’est au contraire l’humanité en général telle qu’elle s’incarne sans cesse
dans des individus déterminés. Johann Wolfgang von Goethe (à Friedrich
von Schiller) : « ce sont seulement les hommes dans leur ensemble qui
vivent l’humain 17 ».
Et le signe qu’on est un philosophe, c’est qu’on n’est pas professeur de
philosophie, car la philosophie n’est pas l’affaire d’une fonction
déterminée, mais de l’essence tout entière de l’homme : « le vrai
philosophe, c’est l’homme universel » (Sur l’évaluation du livre L’Essence
du christianisme 18).
Mais si le philosophe, c’est l’homme universel, toute réalisation de la
philosophie comme mise [au] jour de l’essence concrète de l’expérience
doit être, en même temps, réalisation par l’homme de son essence. Ou
plutôt, la philosophie comme réalisation de la critique ne doit pas être autre
chose que l’expression de la critique comme réalisation de l’homme.
Et c’est pourquoi la nouvelle philosophie est liée à l’apparition d’un
homme nouveau ; elle n’est au fond que l’exigence réfléchie de l’homme
nouveau : « Tout autre chose est une philosophie qui tombe dans une
époque commune avec des philosophies antérieures, tout autre chose une
philosophie qui tombe dans une nouvelle période de l’humanité ; tout autre
chose une philosophie qui ne doit l’existence qu’à un besoin philosophique
(Fichte/Kant) ; tout autre chose une philosophie qui correspond à un besoin
de l’humanité ; tout autre chose une philosophie qui est immédiatement
histoire de l’humanité » (Nécessité d’une réforme de la philosophie 19).
Donc la réalisation de la critique comme anthropologie a pour
condition :
– que la critique se déploie dans le domaine de l’expérience la plus
originaire et la plus immédiate ;
– que l’anthropologie, comme analyse de l’essence concrète de
l’homme, ne soit que l’autre versant d’une réalisation critique de l’homme
par lui-même.
Si tel est bien le sens de la philosophie de Feuerbach, il n’est pas
légitime d’en chercher les dimensions essentielles du côté d’un
sensualisme, d’un naturalisme, d’un matérialisme qui impliquent seulement
des analyses abstraites et une critique spéculative.
I. LA RÉDUCTION PHÉNOMÉNALE
1. [La sensibilité]
2. [L’essence sensible]
Que l’essence sensible soit l’essence absolue ne veut pas dire que l’élément
sensible est l’absolu de l’essence, mais que dans cet élément sensible
l’essence est présente absolument, en chair et en os.
– Il ne faut pas confondre le Verstand [entendement] avec la sensibilité,
et épuiser en cela les vérités de l’entendement : « s’il est vrai qu’avec les
sens on lit le livre de la nature, on ne le comprend pas avec les sens. […] Il
faut le traduire et l’interpréter » (Contre le dualisme du corps et de
l’esprit 23).
– Mais ce travail ne se fait pas au-dessus de la sensibilité dans l’espace
abstrait d’une présence non sensible ; il se fait comme universalisation des
provinces de la sensibilité. « Le sens est universel et infini, mais seulement
dans son domaine, à sa manière […]. Le Geist [esprit], c’est la
Zusammenfassung [connexion], l’unité des sens, l’Inbegriff
[rassemblement] de toutes les réalités […]. Il fond le Provinzialgeist
[provincialisme] des sens en un Gemeingeist [esprit commun] » (ibid. 24).
Ce qui fait que :
α. d’un côté, le Geist n’est pas autre chose que l’essence même de la
Sinnlichkeit [sensibilité], l’« unité universelle des sens » ;
β. d’un autre côté, « les mots que nous lisons avec les sens ne sont pas
des signes arbitraires, mais des expressions déterminées, à la mesure des
choses, et caractéristiques 25 ».
Le Denken n’implique aucun arrière-monde par rapport à la sensibilité :
il en est la grammaire immédiate ; il est le message qui prend du sens dans
l’élément universel de la sensibilité. C’est la révélation du logos dans
l’évangile des sens. « Lire dans leur Zusammenfassung [connexion] les
Évangiles des sens, c’est le Denken 26. »
1. L’origine de la religion
2. La genèse de la religion
a. D’une part, l’homme, lié à cette nature qui est pourtant par essence
autre que lui, attaché à elle, enfoncé en elle de telle sorte qu’il ignore et ne
maîtrise pas les mouvements de son cœur et que lui échappent les suites de
ses actions, l’homme va imaginer cette nature comme un autre lui-même, en
la dotant de libre arbitre et de toute-puissance.
C’est là l’œuvre de l’imagination ; mais ici l’imagination ne permet pas
un devenir humain de la nature, mais un devenir surnaturel et inhumain de
la nature :
– Surnaturel : cette projection de soi-même dans la nature fait surgir une
dimension de non-naturel, qui devient l’essence de la nature : « le miracle
est le nerf de la religion » ; « supprimer le miracle, c’est supprimer la
religion » (L’Essence de la religion, 52 46). Se projeter dans la nature, ce
n’est pas pour l’homme rendre la nature humaine, c’est la rendre
surnaturelle.
– Inhumain : comment agir sur ces formes humaines cachées derrière la
nature et inaccessibles à travers elle ? Par un sacrifice, une négation, un
refus de l’humain. D’où l’importance du sacrifice, soit magique, soit
chrétien (que ta volonté soit faite).
Miracle et sacrifice sont deux dimensions constituantes de l’expérience
religieuse et ils manifestent l’un que la nature devient, dans la religion,
surnaturelle, l’autre qu’elle y devient inhumaine. Le rôle [de l’imagination]
est inverse de celui qui était analysé plus haut. Aussi bien Feuerbach
l’appelle-t-il volontiers dans cet usage religieux Phantasie.
La religion, c’est l’aliénation dans l’imaginaire du devenir humain de la
nature.
b. D’autre part, sa dépendance à l’égard de la nature, l’homme
l’éprouve aussi dans la forme de son désir.
– [D’abord,] les besoins et les désirs de l’homme sont infinis, alors que
les satisfactions ne le sont pas.
– Mais cette continuité et ce mouvement infini du désir trouvent leur
objet effectif dans l’espèce qui se développe à l’infini de manière continue.
Exemple de la sexualité.
Donc l’enchaînement du désir aux conditions naturelles de l’individu
fait pressentir un accomplissement possible au niveau d’une totalité achevée
et d’une universalité effective.
– D’où la projection de Dieu comme porteur anticipé et mythique des
réalisations de l’espèce. « La représentation que l’homme se fait de Dieu
n’est que la représentation que l’individu se fait de son espèce. Dieu comme
raison de toutes les réalités, et de toutes les complétudes, n’est rien d’autre
que la raison des propriétés de l’espèce, partagée entre les hommes et se
réalisant dans le cours de l’histoire universelle, conçue à titre de
compensation pour le profit de l’individu limité » (Principes de la
philosophie de l’avenir, 12 47).
– D’où les deux autres dimensions de l’espace religieux :
α. La croyance, qui « délivre les vœux humains des limites de la
raison naturelle » (L’Essence du christianisme, 14 48), c’est le désir
humain porté aux dimensions de l’infini [et] transporté dans la sphère
de l’effectivité. La croyance, c’est l’essence infinie du désir déployée et
extériorisée dans le concept de la toute-puissance.
β. La prière : c’est l’extériorisation du désir dans la croyance à la
toute-puissance. La prière repose sur la certitude que la puissance du
Gemüt [esprit] est plus grande que la force de la nature, que le
Herzenbedürfnis [élan du cœur] enchaîne dans une nécessité universelle
le destin du monde 49.
Par la croyance et la prière, l’extériorisation du désir, au lieu d’effectuer,
comme dans l’amour, le devenir naturel de l’homme, ne fait que l’engager
dans un devenir non naturel : puisque, en oubliant la limite de ses désirs,
l’homme cesse de se subordonner à la nature et fait du subjectif et de
l’humain « die Sache selbst [la chose elle-même] » (ibid. 50).
c. Les deux mouvements dans lesquels s’aliènent le devenir humain de
la nature et le devenir naturel de l’homme, ces deux mouvements sont
absolument corrélatifs et s’engrènent l’un sur l’autre au point que
Feuerbach peut retracer en suivant une seule ligne la genèse du miracle, de
la croyance, de la prière et du sacrifice.
Mais cette unité ne doit pas faire oublier le double aspect du processus :
l’aliénation du devenir humain et l’aliénation du devenir naturel.
– C’est ce qui explique que « le miracle soit le visage extérieur de la
croyance, et la croyance l’âme intérieure du miracle » (L’Essence du
christianisme, 14 51). Au moment même où le devenir humain s’aliène dans
l’objectivité fantastique du miracle, le devenir naturel de l’homme se perd
dans la subjectivité insensée de la croyance.
– Cette unité des deux processus et cette dualité de la genèse sont
exprimées par Feuerbach lui-même : « L’essence de la nature, en tant que
différente de la nature, i. e. en tant qu’essence humaine, l’essence de
l’homme, en tant que différente de l’homme, i. e. en tant qu’essence non
humaine – telle est l’essence de Dieu, et l’essence de la religion ; tel est le
secret de toute mystique et de toute spéculation ; tel est le miracle de tous
les miracles » (Conférences sur l’essence de la religion, Ajouts et
remarques 52).
Donc le mouvement de la religion s’oppose terme à terme au
mouvement de la Wirklichkeit [réalité concrète] qui, partant de la différence
absolue, de l’altérité sans recours de l’homme à la nature, en accomplit le
dépassement dans un devenir humain et un devenir naturel. La religion au
contraire, partant du sentiment de begriffensein [être compris] de l’homme
dans la nature, qui recouvre leur Anderssein [être-autre] conceptuel, fait
naître un devenir inhumain de l’homme et un devenir non naturel de la
nature.
C’est, au sens strict du terme, l’aliénation : les contenus conceptuels
retournés contre eux-mêmes.
Mais cette aliénation pose deux problèmes :
– L’imagination et l’amour, qui sont ce par quoi un monde est possible
et réel, portent en eux, quand celui-ci devient désir et celle-là Phantasie
[fantasme h], la possibilité et la réalité d’un contre-monde. La genèse
concrète de la Wirklichkeit autorise aussi bien l’abstraction dans une
Unwirklichkeit [irréalité].
Dans quelles conditions peut se produire réellement l’aliénation ?
– La naissance de la religion se fait à partir de ce Begriffensein de
l’homme dans la nature, qui, comme expérience affective, est absolument
originaire pour notre existence. La religion ne détient-elle pas alors autant
de vérité que la Wirklichkeit qui naît de l’altérité de l’homme et de la
nature ? La religion n’est-elle pas la vérité, dans la forme du Gefühl
[sentiment], d’un rapport fondamental de l’homme à la nature, dont la
philosophie dégage une vérité tout opposée, qui, pour être conceptuelle,
n’en est pas forcément plus valable ni plus fondamentale ?
On en viendrait ainsi à l’idée que l’homme est à l’égard de la nature
dans une situation ambiguë :
– D’une part une implication originaire qui est comme la première des
dimensions affectives de l’existence humaine : l’homme éprouve sa finitude
individuelle sur l’horizon d’une nature qui le dépasse. Il ne peut y avoir
d’existence humaine et celle-ci ne peut s’annoncer ce qu’elle [est] que dans
le paysage d’une nature où son individualité trouve place.
– D’autre [part] une altérité qui définit dans leur pureté conceptuelle
l’essence de l’homme et l’essence de la nature : et si l’homme peut se
retrouver dans la nature, et la nature dans l’homme, ce ne peut être que dans
le mouvement de cette altérité dépassée.
Ainsi se dessine une des lignes de tension les plus constitutives de toute
pensée anthropologique : d’un côté, le thème d’une implication originaire,
la recherche d’un sol commun, la quête d’une patrie perdue, et alors
l’anthropologie est le vaisseau d’Argos de ce trésor perdu ; d’un autre côté,
le thème d’une détermination de l’essence de l’homme, des dimensions
propres de l’existence et du mouvement par lequel elle prend, en fin de
compte, son sens naturel, en découvrant le visage humain de la nature.
C’est la tension entre l’exigence d’un fondement originaire [et]
l’exigence d’une purification d’essence.
Ce problème, qui sera celui de la phénoménologie, était déjà celui de
Feuerbach, mais il est demeuré sans élaboration, dans une confusion
caractéristique.
INTRODUCTION
Ce concept d’aliénation était courant dans cette pensée critique, mais il a été
repris et approfondi.
Elle comprend :
– Le concept de positivité (religion et droit) : l’histoire est aliénation, en
tant qu’elle est la position absolue de la positivité 71.
– Le concept de travail, comme concept de la réalisation de soi dans la
matière ou dans la vie (l’objet, l’esclavage). Toute production réelle est en
ce sens aliénation.
– L’illusion de la conscience : prendre l’objet pour le sujet et le sujet
pour l’objet – quand la vie se donne pour [la] matière ou la conscience se
donne comme vie.
– L’objectivité (en général) : la nature en général, etc. Toute la
Phénoménologie de l’esprit 72 est l’odyssée de cela : l’Idée n’est objective
que dans la forme de l’aliénation.
Or pratiquement chez Hegel :
α. C’est cette dernière forme d’aliénation qui commande toutes les
autres : c’est parce que l’idée ou la conscience peuvent s’aliéner que
l’objectivité est possible, que la conscience se trompe sur elle-même, que le
produit du travail échappe à son producteur, et que finalement l’histoire a la
pesanteur de la positivité.
β. Comme destin essentiel et fondamental de l’homme, l’aliénation ne
peut être surmontée que si elle se saisit comme telle et s’énonce dans sa
vérité : c’est l’Erinnerung [souvenir].
Et par Erinnerung il faut entendre l’intériorisation et le souvenir, c’est-
à-dire :
– la suppression de l’objectivité (Entäusserung = extériorisation 73) ;
– celle de l’histoire par le souvenir, la répétition.
Dans la répétition sans histoire de la conscience, l’objectivité perd sa
forme d’extériorité : c’est la phénoménologie qui est ainsi le destin de
l’esprit surmonté.
Les interprétations d’Henri Lefebvre 74 et de Jean Hyppolite 75 vont dans
ce sens, et c’est effectivement à cette aliénation que s’en tient la critique
prémarxiste des écrits de jeunesse 76.
INTRODUCTION
Mais en fait ce Leben n’est-il pas une notion mixte, artificielle et abstraite
qui risque d’invalider d’entrée de jeu toute la philosophie de Dilthey ?
En réalité, par Leben, Dilthey ne définit pas un concept clé, mais
seulement une région qui est à la fois région du fondement et de l’immédiat.
Le Leben, c’est le concept dans lequel on essaie d’enfermer le thème de la
proximité absolue de l’originaire. D’où :
α. La philosophie se présentera comme une explicitation du Wirkliches
[réel] : « Le trait philosophique le plus fondamental de notre époque, c’est
son Wirklichkeitssinn [sens du concret] » (Culture et philosophie
contemporaines 90) ; et [une] critique de Locke, Hume et Kant pour qui
« dans les veines du sujet connaissant ne coule pas un sang réel, mais la
sève raréfiée de la raison en tant que pure Denktätigkeit [activité
pensante] » (Introduction aux sciences humaines, « Préface 91 »).
β. Ce Wirkliches, il s’énoncera de lui-même dans l’expérience concrète,
et non à travers des concepts. Critique de la philosophie universitaire
(Kathederphilosphie) : « De l’ivresse philosophique de vos années
d’université, il ne vous restera qu’une Katzenjammer [gueule de bois]
philosophique » (Culture et philosophie contemporaines 92). Ce que la
philosophie a à comprendre, c’est ce que l’homme a déjà compris, dans sa
vie courante, « le banc devant la porte, l’arbre avec son ombre, la maison et
le jardin » (Les Types de vision du monde et leur formation dans les
systèmes métaphysiques 93).
γ. Donc suppression de tout au-delà : et par « au-delà », il ne faut pas
simplement entendre l’au-delà métaphysique des transcendances, mais l’au-
delà de l’expérience concrète. La philosophie du Leben doit se mouvoir
dans le « gelebte Leben [vie vécue] ». « Nous ne savons rien d’un porteur
de la vie » (Le Problème épistémologique 94).
D’où le privilège absolu de l’expérience : « La pensée fondamentale de
ma philosophie, c’est que jamais jusqu’alors l’expérience dans sa totalité,
dans sa plénitude et dans son intégrité, n’a été placée au fondement du
Philosophieren [philosopher] » (Pensée fondamentale de ma philosophie 95).
Mais cette expérience n’est pas soumise aux préjugés chosistes de
l’empirisme : citant Fichte, Dilthey [affirme que] dans l’expérience le sujet
ne doit pas se découvrir comme « substance, comme être et comme donnée,
mais comme vie, comme activité et comme énergie » (L’Édification du
monde historique dans les sciences de l’esprit 96).
D’où : « Empirie, ohne Empirismus [l’empirie, non l’empirisme] »
(Philosophie de l’expérience 97).
5. Coordonnées historiques
2. Le déploiement du Leben
Le problème z :
1. Le retour au Leben [vie] répondait à une triple question : comment se
fait-il qu’il y ait un monde qui me soit ouvert ? Comment se fait-il que je
puisse être lié au monde dans une unité immédiate ? Comment puis-je
tracer, dans ces paysages, les voies de mon désir, et y redescendre les
chemins de ma familiarité ?
Les trois questions, qui soulèvent la même interrogation (comment puis-
je être parent du monde dans sa vérité ?), reçoivent une réponse dans le
Leben qui est à la fois sol de toute expérience, raison du monde et essence
concrète de l’homme, et qui a trois dimensions : le Verstehen
[compréhension] qui ouvre le monde ; le Gefühl [sentiment] qui m’unit à
lui ; le Trieb [pulsion] qui y dessine son cheminement.
2. Or ce retour au Leben devait initialement non seulement dégager le
fondement de la critique, mais aussi développer la critique des sciences de
l’homme. Non seulement fonder la réponse aux questions sur ce que
l’homme peut savoir, doit faire, et peut espérer, mais encore montrer
comment l’homme peut devenir objet d’une science, ou du moins thème
d’une connaissance objective.
[Pourtant] le Leben n’a pas défini ces conditions d’une connaissance
objective de l’homme, mais seulement le sol de l’expérience en général. Le
sens originaire de l’expérience, ou encore l’essence concrète de l’homme
explicitée comme Leben, ne fixe pas les conditions de possibilité et de
validité d’une science de l’homme. Autrement dit, le fondement de la
critique en l’homme n’est pas, de soi, la critique de la connaissance de
l’homme, quand bien même ce fondement est requis au niveau d’une
expérience originaire, d’une essence concrète et d’un monde immédiat.
La philosophie de Dilthey rencontre ici un problème décisif : est-il bien
possible de trouver dans le retour même à l’originaire le fondement d’une
objectivité ?
3. Il y a donc dans la pensée de Dilthey une tension qui correspond à
celle qu’on trouvait chez Feuerbach : cette tension s’était instaurée entre la
purification de l’essence et la reprise de l’originaire. Chez Dilthey, elle se
trouve entre cette même reprise de l’originaire et la constitution de
l’objectivité.
N.B. On voit comment, dans l’« anthropologie » comme lieu de
réalisation et de suppression de la critique, se dessine l’espace dans lequel
la réflexion phénoménologique développera sa surface portante : problème
d’un retour à l’originaire qui soit à la fois fondement de l’objectivité et
purification de l’essence. On comprend pourquoi la phénoménologie peut
se présenter comme antianthropologie et faire renaître sous ses pas
l’anthropologie.
En tout cas, dans le cadre anthropologique où acceptent de se maintenir
Feuerbach et Dilthey, on peut constater :
α. que Feuerbach trouvait une solution dans le développement spontané
d’une essence concrète de l’homme responsable du devenir humain de la
nature et du devenir naturel de l’homme, mouvement qui permettait l’oubli,
l’abstraction et l’aliénation, mais qui dessinait aussi la norme d’une
objectivité fondée sur la culture et l’amour.
Mais ce caractère purement normatif de l’essence authentique
maintenait la répétition de l’originaire sous l’équivoque d’une essence de
l’homme posée comme réelle, reconnue comme aliénée, et revendiquée
dans son authenticité. Équivoque dont on ne sortait que par le coup de force
de l’histoire : la réalité de l’essence étant d’être rappelée de son aliénation à
son authenticité, et cela, aujourd’hui même.
β. Pour Dilthey, la tension entre cette question sur l’originaire et ce
problème du fondement sera résolue non par une analyse de l’essence de
l’homme, mais par une analyse du Geist dans le mouvement par lequel, à
partir de ses formes originaires, il va vers son objectivation : objectivation
qui permet de le ressaisir dans les concepts de la psychologie ou les formes
de l’histoire.
Mais le problème est de savoir s’il n’y a pas une équivoque assez
semblable à celle de Feuerbach entre le Leben, les formes psychologiques
du Seelenleben [vie de l’âme] et les figures historiques du Weltleben [vie du
monde]. En tout cas, cette tentative pour rejoindre le fondement de
l’objectivité à partir du mouvement de l’objectivation est indissociable
d’une perpétuelle tentation de se dérober au cadre de la description du
Leben, pour glisser soit vers une analyse psychologique, soit vers une
genèse historique.
1. Catégories du vécu
2. L’unité du vécu
3. L’expression
CONCLUSION
On se trouve maintenant au niveau de la problématique classique de
Dilthey : intuition du monde, compréhension, objectivité des sciences
humaines, philosophie de la philosophie.
D’une façon singulière, en ce qui concerne le Verstehen, il n’est pas
cette méthode opposée à l’explication et réservée aux sciences humaines. Il
est « le mode d’élucidation du Leben et du Geist 167 ». Mais nous sommes en
mesure maintenant de donner son poids à la formule.
1. Le Verstehen nous est apparu comme une dimension originaire du
Leben : ce par quoi à l’intérieur du Leben un monde s’ouvre pour nous.
2. On a pu le suivre au cours des différentes formes d’objectivation :
α. d’abord comme saisie de la Bedeutung [signification] ; β. puis comme
structure de l’expression ; γ. enfin il apparaît comme élucidation de l’esprit
dans l’élément de l’histoire.
3. Le Verstehen apparaît comme la forme d’intelligibilité qui est
emportée dans chaque moment de l’objectivation du Geist. Et c’est
pourquoi il est à la fois :
α. le mouvement par lequel le Geist s’élucide lui-même : nous le
trouvons ainsi comme Fremdverstehen [compréhension des autres],
comme Selbstverstehen [compréhension de soi], comme compréhension
de l’expression, du langage, finalement comme compréhension de
l’histoire ;
β. mais c’est en même temps la méthode philosophique par
excellence dans la mesure où le Verstehen est compréhension de lui-
même, c’est-à-dire compréhension de sa liaison originaire avec
l’Erlebnis [expérience vécue], l’expression et l’histoire.
– Au sens étroit et technique, l’herméneutique sera l’« art de
comprendre les expressions fixées par écrit » (Ajouts aux
manuscrits 168).
– Mais au sens large, c’est l’« interprétation de toutes les
créations du Geist » (L’Édification du monde historique dans les
sciences de l’esprit 169) : c’est-à-dire la lecture, à partir des structures
et des contenus expressifs, de la totalité du mouvement par lequel le
Leben s’objective en Geist.
– D’où : critique de la psychologie et en même temps du
relativisme historique, l’herméneutique au sens large dessinant la
manière dont le Geist s’exprime par-delà et à travers les
modulations psychologiques, dont il peut se déchiffrer au filigrane
des formations historiques.
Le Verstehen est donc bien plus que la méthode des sciences humaines :
– C’est le fondement de la possibilité de connaître, et l’enracinement
dans l’expérience originaire des conditions de la connaissance.
– C’est aussi la figure de l’intelligibilité aux divers niveaux de
l’objectivation : à la fois lumière intérieure de cette objectivation et
principe d’intelligibilité des formes de l’objectivité.
– Il est donc fondamentalement exercice de la critique : il est sa
justification et sa tâche. Il est l’acte de la philosophie : ce par quoi
l’homme reconnaît dans le discours de l’histoire le sens de l’expérience
la plus silencieuse qu’il fait de sa patrie.
C’est pourquoi dans le monde historique verstandene [compris],
l’homme se sent chez lui.
a. Le titre a été ajouté ainsi que le saut de page. Dans le manuscrit, « A. L’anthropologie
hégélienne » apparaît comme une subdivision de « 2. L’anthropologie comme
réalisation de la critique ».
b. Souligné dans l’original.
c. Les notes de Jacques Lagrange précisent : « ce n’est pas le déploiement de l’essence à
la Leibniz » (p. 33).
d. Souligné dans l’original.
e. Souligné dans l’original.
f. Termes et phrases en italique (hors mots allemands) soulignés dans l’original.
g. Souligné dans l’original.
h. C’est la traduction que propose Foucault d’après les notes de Jacques Lagrange
(« lorsque l’imagination devient fantasme et l’amour désir individuel, l’essence de
l’homme s’aliène », p. 34).
i. Suit un passage biffé dans le manuscrit : « 1. Il faut donc par-delà l’aliénation
religieuse retrouver le sol où s’enracine cette aliénation. Retrouver l’expérience
positive qui est à l’origine de la religion. La religion n’est pas une action et une
production consciente ; c’est un processus involontaire, qui a ses racines dans les
fondements les plus profonds de l’essence humaine, et sur lequel repose ce qu’on
appelle la “conscience naturelle de Dieu” ou l’“instinct de religion”. Cette expérience,
c’est celle du dépassement, du “Über”, soit sous la forme naturelle des forces
cosmiques, soit sous la forme morale des lois communes. »
j. Dans la marge : « Bildung [culture] et Einbildung [imagination] ».
k. Dans la marge : « Ethik [éthique] et Liebe [amour] ».
l. Nous ajoutons cette subdivision. Le manuscrit présente « L’homme réel et l’homme
aliéné » sous la forme d’un titre en haut de page. Voir les « Règles d’établissement du
texte » à propos du plan général du cours, p. 11.
m. Souligné dans l’original.
n. Souligné dans l’original.
o. Souligné dans l’original.
p. Dans la marge : « objectivation ».
q. Dans la marge : « individualisation et dépersonnalisation ».
r. Termes en italique soulignés dans l’original.
s. Il manque le verbe dans le manuscrit ; nous proposons « s’exerçait », d’après le sens
général de la phrase.
t. Souligné dans l’original. Dans la marge : « le marxisme n’est ni une philosophie ni la
fin de la philosophie : c’est l’assignation la plus impérieuse à philosopher autrement ».
u. Nous ajoutons cette subdivision. Le manuscrit présente « Le thème anthropologique
chez Dilthey » sous la forme d’un titre en haut de page. Voir les « Règles
d’établissement du texte » à propos du plan général du cours, p. 11.
v. Le terme allemand est Zusammenhang qu’on préfère traduire ici par « connexion ».
w. Foucault dans le manuscrit écrit « (1 et 4) » après « Gefühl » et « (2) » après « Trieb »,
sans que l’on puisse comprendre ce que désignent ces renvois.
x. Souligné dans l’original.
y. Dans la marge : « Le Leben apparaît comme notre patrie : c’est alors qu’il est monde ;
il apparaît comme notre parent : c’est alors qu’il est Geist. »
z. Souligné dans l’original.
Notes
1. On trouve dans le Fonds Foucault de la BNF (Boîte 37) une chemise intitulée
« Anthropologie de Hegel » où figurent des citations recopiées de la section « Anthropologie »
de la Philosophie de l’esprit dans la traduction d’Augusto Vera (op. cit.).
2. La Philosophie de l’esprit de Hegel (qui est elle-même la troisième partie de l’Encyclopédie
des sciences philosophiques [1817], venant après la Science de la logique et la Philosophie de la
nature) comprend trois grandes sections : « Esprit subjectif », « Esprit objectif » et « Esprit
absolu ». La section « Esprit subjectif » se subdivise elle-même en : « Anthropologie » (§ 389
à 413 ; dans la traduction française utilisée par Foucault, ibid., p. 83-467), « Phénoménologie »
et « Psychologie ». « Anthropologie » se présente comme une étude de l’âme.
3. Foucault sans doute évoque-t-il le paragraphe 389 où Hegel définit l’âme comme l’esprit
présupposant « la nature […] sous forme d’universalité simple dans son être concret […]
universalité où il n’est pas encore esprit, mais âme » (G. W. F. Hegel, Philosophie de l’esprit,
op. cit., p. 84).
4. Ce sont les trois premières déterminations de l’âme naturelle (§ 392 à 403 : « qualités
naturelles », « changements naturels », « sensation »).
5. Référence ici à l’aphorisme d’Héraclite : « L’homme éveillé vit dans un monde de
connaissance ; mais celui qui dort s’est tourné vers le monde qui lui est propre (idios kosmos) »
(Diels-Kranz, 89 ; la citation provient de Plutarque, De la superstition, 3, 166c) dont Foucault
affirme en 1954, dans sa longue introduction à l’ouvrage de L. Binswanger, Le Rêve et
l’Existence (trad. par Jacqueline Verdeaux, Paris, Desclée de Brouwer, p. 9-128) qu’il fut
séminal pour Binswanger, lequel « est revenu à plusieurs reprises sur ce principe, pour en
prendre toute la mesure, et mettre au jour sa signification anthropologique » (M. Foucault, Dits
et Écrits. 1954-1988, t. I, 1954-1969, éd. sous la dir. de Daniel Defert et François Ewald, Paris,
Gallimard, 1994, no 1 [1954], p. 65-118, ici p. 90).
6. Là encore, Foucault ne fait que décliner le plan de l’« Anthropologie » de Hegel.
7. Voir, sur ce point (la possibilité d’un « traitement » de la folie à partir d’une prise sur la
raison), notre « Situation », infra, p. 250.
8. Ce sont les derniers paragraphes de la section consacrée à l’« âme naturelle ».
9. L’« habitude » est la dernière détermination de l’âme naturelle et sensitive qui reprend, en les
synthétisant dans l’unité calme d’un « chez soi », entre autres : le caractère (§ 396 – « Qualités
naturelles »), le sommeil et la veille (§ 399 – « Changements naturels ») et la folie (§ 410 –
« Sentiment de soi »).
10. « Logik lernte ich auf einer deutschen Universität, aber Optik – die Kunst zu sehen, lernte
ich erst auf einem deutschen Dorfe » (L. Feuerbach, Fragmente zur Charakteristik meines
philosophischen Entwicklungsganges, dans S.W., II, 379).
11. Id., Die Unsterblichkeitsfrage vom Standpunkt der Anthropologie (1846. 1866), dans S.W.,
I, 93-262 ; trad. fr : voir J. Vuillemin, « La signification de l’humanisme athée chez Feuerbach
et l’idée de nature », dans Jean Wahl (dir.), Le Diurne et le Nocturne, dans la nature, dans l’art
et dans l’acte, Neuchâtel, La Baconnière, 1952, p. 17-46, ici p. 27.
12. « Wenn die Hegelsche Philosophie die absolute Wirklichkeit der Idee der Philosophie
wäre » (L. Feuerbach, Zur Kritik der Hegelschen Philosophie [1839], dans S.W., II, 164).
13. « Dass sie das Hohe stets mit dem scheinbar Gemeinen, das Fernste mit dem Nächsten, das
Abstrakte mit dem Concreten, das Speculative mit dem Empirischen, die Philosophie mit dem
Leben verbindet » (id., Brief an C. Riedel [1839], dans S.W., II, 398).
14. « Keine Religion ! – ist meine Religion ; keine Philosophie ! – meine Philosophie » (id.,
Fragmente…, dans S.W., II, 391).
15. « Ihren höchsten Triumph darin findet, dass sie allen plumpen und verschulten Köpfen,
welche in den Schein der Philosophie das Wesen der Philosophie setzen, gar nicht Philosophie
zu sein scheint » (id., Vorrede zur zweiten Auflage vom Wesen des Christenthums [1843], dans
S.W., VII, 283).
16. « Die Hegelsche Philosophie ist der letzte grossartige Versuch, das verlorene,
untergegangene Christenthum durch die Philosophie wieder herzustellen » (id., Grundsätze der
Philosophie der Zukunft [1843], dans S.W., II, 277).
17. Cité par L. Feuerbach dans Zur Kritik der Hegelschen Philosophie [1839] (S.W., II, 162 –
avec la mention : « Briefw. mit Schiller, IV, S. 469 »).
18. « Der wahre Philosoph ist der universelle Mensch » (id., Zur Beurtheilung der Schrift : das
Wesen des Christenthums [1842], dans S.W., VII, 273).
19. « Etwas ganz Anderes ist es mit einer neuen Philosophie, die in eine mit den früheren
Philosophieen gemeinschaftliche Epoche fällt, und mit einer Philosophie, die in einen ganz
neuen Abschnitt der Menschheit fällt ; d. h. etwas Anderes ist es mit einer Philosophie, die nur
dem philosophischen Bedürfnis ihr Dasein verdankt, wie z. B. die Fichtesche in bezug auf die
Kantische, – etwas ganz Anderes mit einer Philosophie, die einem Bedürfnis der Menschheit
entspricht ; etwas Anderes mit einer Philosophie, die in die Geschichte der Philosophie gehört,
und nur indirekt durch sie mit der Geschichte der Menschheit zusammenhängt, – und etwas
ganz Anderes mit einer Philosophie, die unmittelbar Geschichte der Menschheit ist » (id.,
Nothwendigkeit einer Reform der Philosophie [1842], dans S.W., II, 215).
20. Allusion à la scène rapportée dans les Évangiles (Matthieu, XXVIII, 6 ; Marc XVI, 6 ; Luc,
XXIV, 6) : deux ou trois femmes (Marie de Magdala, une « autre » Marie, Salomé, Jeanne, etc.,
selon les versions), dites « Saintes Femmes », proches de Jésus, se rendant à son tombeau le
trouvèrent ouvert et vide. Un ange se tenait là, assis, pour leur annoncer : « il n’est pas ici, il est
ressuscité ».
21. « Das Geheimniss des unmittelbaren Wissens ist die Sinnlichkeit » (L. Feuerbach,
Gründsätze der Philosophie der Zukunft, dans S.W., II, 301).
22. « Das absolute Wesen als sinnliches Wesen, das sinnliche Wesen als absolutes Wesen
erfasst hat » (id., Das Wesen des Christenthums in Beziehung auf den Einzigen und sein
Eigenthum [1845], dans S.W., VII, 298).
23. « “Mit den Sinnen lesen wir das Buch der Natur, aber wir verstehen es nicht durch die
Sinne.” […] Wir übersetzen und interpretiren nur das Buch der Natur » (id., Wider den
Dualismus von Leib und Seele, Fleisch und Geist, dans S.W., II, 357).
24. « Der Sinn ist universell und unendlich, aber nur auf seinem Gebiete, in seiner Art ; der
Geist dagegen ist auf kein bestimmtes Gebiet eingeschränkt, schlechtweg universell ; er ist die
Zusammenfassung, die Einheit der Sinne, der Inbegriff aller Realitäten, während die Sinne nur
Inbegriffe bestimmter, exclusiver Realitäten sind. Der Geist ist daher un- und übersinnlich,
inwiefern er über die Particularität und Beschränktheit der Sinne hinaus ist, ihren
Provinzialgeist zum Gemeingeist verschmilzt » (ibid., S.W., II, 354).
25. « Die Worte, die wir mit den Sinnen darin lessen, sind keine leeren, willkürlichen Zeichen,
sondern bestimmte, sachgemässe, charakteristische Ausdrücke » (ibid., S.W., II, 357).
26. « Die Evangelien der Sinne im Zusammenhang lessen, heisst : Denken » (ibid.).
27. « Nur ein reales Wesen erkennt reale Dinge » (Friedrich Jodl, Ludwig Feuerbach, Stuttgart,
F. Frommann, 1904, p. 33).
28. « Der Mensch ist die Existenz der Freiheit, des Ich, des Absoluten » (ibid., p. 33-34). Il faut
donc plutôt traduire « existence de la liberté » qu’« existence de l’objet ».
29. On trouve cette expression chez J. Vuillemin dans « La signification de l’humanisme athée
chez Feuerbach et l’idée de nature », art. cité, p. 19-20 et 23.
30. « Ist folglich die Natur im Kopfe und Herzen des Menschen eine von der Natur ausser dem
menschlichen Kopfe und Herzen unterschiedene Natur » (L. Feuerbach, Entgegnung an
R. Haym [1848], dans S.W., VII, 516 ; trad. fr. : voir Vladimir Iliitch Lénine, Matérialisme et
Empiriocriticisme. Notes critiques sur une philosophie réactionnaire, chap. II, 3, Paris, Éditions
sociales, 1948 [1908]).
31. « Aber gleichwohl ist der Mensch ein von Sonne, Mond und Sternen, Steinen, Thieren und
Pflanzen, kurz von allen den Wesen, die er in den gemeinsamen Namen : Natur zusammenfasst,
unterschiedenes Wesen » (L. Feuerbach, Entgegnung an R. Haym, dans S.W., VII, 516).
32. « Ich verstehe unter Natur den Inbegriff aller sinnlichen Kräfte, Dinge und Wesen, welche
der Mensch als nicht menschliche von sich unterscheidet ; […] Natur, sage ich, ist Alles, was
Du siehst und nicht von menschlichen Händen und Gedanken herrührt » (id., Elfte Vorlesung,
dans S.W., VIII, 113).
33. « Die Physiologie für sich selbst weiss nichts vom Geiste ; ja der Geist ist für sie Nichts,
weil seinerseits der Geist das Nichts der Physiologie ist. Das Denken ist nur durch sich selbst
bestimmt und bestimmar, d. h. nur aus und durch den Gedanken erkennbar » (id., Kritik des
Idealismus. Von F. Dorguth [1838], dans S.W., II, 143).
34. « “Die Natur nur durch sich selbst zu fassen, dass die Nothwendigkeit derselben keine
menschliche oder logische, metaphysische oder mathematische, d. h. keine abstracte, dass die
Natur allein das Wesein sei, an welches ‘kein menschlicher Maassstab’ angelegt werden dürfe
und könne” » (id., Entgegnung an R. Haym, dans S.W., VII, 519-520) ; trad. dans V. I. Lénine,
Matérialisme et Empiriocriticisme, op. cit., chap. II, 3.
35. « Die Kraft der Phantasie [ist] Naturkräfte […], und sind folglich die Bilder des Menschen
von Sonne, Mond und Sternen und den übrigen Naturwesen, wenn gleich auch diese Bilder
Naturgebilde sind, doch andere Gebilde, als die Gegenstände derselben in der Natur » (ibid.,
S.W., VII, 516) ; trad. – légèrement modifiée par Foucault – dans V. I. Lénine, Matérialisme et
Empiriocriticisme, op. cit., chap. II, 3.
36. « Die Säuere als Geschmack ist der subjektive Ausdruck einer objectiven Beschaffenheit
des Salzes » (ibid., S.W., VII, 514) ; trad. dans V. I. Lénine, Matérialisme et Empiriocriticisme,
op. cit., chap. III, 3.
37. « Ordnung, Zweck, Gesetz drücken nämlich im Sinne des Menschen etwas Willkürliches
aus » (ibid., S.W., VII, 519) ; trad. – légèrement modifiée par Foucault – dans V. I. Lénine,
Matérialisme et Empiriocriticisme, op. cit., chap. III, 3.
38. « Aber als Mann beziehst Du Dich wezentlich, nothwendig auf ein anderes Ich oder Wesen
– auch das Weib » (id., Das Wesen des Christenthums in Beziehung…, dans S.W., VII, 301) ;
Louis Althusser traduit : « comme mâle, tu te rapportes essentiellement, nécessairement, à un
autre moi ou être : à la femme » (L. Feuerbach, Manifestes philosophiques. Textes choisis, 1839-
1845, trad. par L. Althusser, Paris, PUF, 1973, p. 228).
39. Foucault synthétise ici tout un développement présent dans les Pensées sur la mort et
l’immortalité (1830) : « Car l’être personnel en tant que tel, uniquement comme personne,
n’aime pas mais exclut et repousse ; la personne conçue strictement comme personne ne peut
pas aimer, mais uniquement haïr, diviser, séparer » (L. Feuerbach, Pensées sur la mort et
l’immortalité, trad. par Christian Berner, Paris, Éditions du Cerf, 1991, p. 60).
40. Id., Todesgedanken (1830), dans S.W., I ; trad. par J. Vuillemin, dans « La signification de
l’humanisme athée chez Feuerbach et l’idée de nature », art. cité, p. 19.
41. Foucault reprend ici un passage du livre de F. Jodl : « Und diese Bestimmtheit des Ortes
kann von Raum nicht abstrahiert werden, wenn der Raum in seiner Wirklichkeit erfasst werden
soll [la détermination du lieu est indissociable de l’espace saisi dans sa réalité effective] »
(F. Jodl, Ludwig Feuerbach, op. cit., p. 37-38), qui lui-même synthétise le paragraphe 44 des
Grundsätze de Feuerbach : « le concept universel de l’espace n’est un concept réel et concret
qu’à la condition d’être relié à la détermination du lieu [Bestimmtheit des Orts, dans S.W., II,
307] » (L. Feuerbach, Manifestes philosophiques, op. cit., p. 189).
42. Encore une fois, Foucault reprend F. Jodl : « Das Nämliche gilt von der Zeit. Auch sie ist
keine blosse Anschauungsform, sondern wesentliche Lebensform und Lebensbedingung [La
même chose s’applique au temps. Ce n’est pas non plus une simple forme de perception, mais
une forme essentielle et une condition de vie] » (F. Jodl, Ludwig Feuerbach, op. cit., p. 38).
43. Foucault reprend à nouveau une phrase du livre de F. Jodl, traduite et recopiée sur une fiche
de lecture : « La proposition de la philosophie spéculative “l’essence absolue se développe à
partir de soi” doit se renverser : “seule une essence se déployant dans le temps est une essence
absolue, i. e. vraie et effective” » (ibid., p. 38 ; voir Boîte 37, feuillet 73).
44. « Nur ein sich entwickelndes, sich zeitlich entfaltendes Wesen ist ein absolutes, d. h.
wahres, wirkliches Wesen » (L. Feuerbach, Vorläufige Thesen zu Reform der Philosophie
[1842], dans S.W., II, 233).
45. Friedrich Schleiermacher est connu pour avoir élaboré une « théologie du sentiment » en
comprenant l’essence de la religion dans l’affect (Gefühl) d’absolue dépendance à l’égard de
l’Univers (particulièrement dans sa Doctrine de la foi, 1821). C’est cette intuition que
Feuerbach reprend au début de son Essence de la religion : « Le sentiment que l’homme a de sa
dépendance, voilà le fondement de la religion » (L. Feuerbach, La Religion. Mort, immortalité,
religion, trad. par Joseph Roy, Paris, A. Lacroix-Verboeckhoven & Cie, 1864, p. 86). Foucault
ici cite directement F. Jodl (Ludwig Feuerbach, op. cit., p. 75).
46. « Die Wunder aufheben, heisst die Götter selbst aufheben » (L. Feuerbach, Das Wesen der
Religion [1845], dans S.W., VII, 496).
47. « Die Vorstellung des Menschen von Gott die Vorstellung des menschlichen Individuums
von seiner Gattung, dass Gott als der Inbegriff aller Realitäten oder Vollkommenheiten nichts
Anderes ist, als der zum Nutzen des beschränkten Individuums compendiarisch
zusammengefasste Inbegriff der unter die Menschen vertheilten, im Laufe der Weltgeschichte
sich realisirenden Eigenschaften der Gattung » (id., Grundsätze der Philosophie der Zukunft,
dans S.W., II, 259).
48. « Der Glaube entfesselt die Wünsche des Menschen von den Banden der natürlichen
Vernunft » (id., Das Wesen des Christenthums [1841], dans S.W., VI, 152).
49. Foucault reprend ici une phrase de L’Essence du christianisme (chap. XIII) : « Gott ist das
Jawort des menslichen Gemüts ; das Gebet […] die Gewissheit, dass die Macht des Gemüts
grosser als die Macht der Natur, dass das Herzenbedürfnis die allgebietende Notwendigkeit, das
Schicksal der Welt ist » (id., Das Wesen des Christenthums, dans S.W., VI, 148 ; cité aussi par
F. Jodl, Ludwig Feuerbach, op. cit., p. 85).
50. L. Feuerbach, Das Wesen des Christenthums, dans S.W., VI, 149.
51. « Das Wunder ist das äussere Gesicht des Glaubens – der Glaube die innere Seele des
Wunders » (id., Das Wesen des Christenthums, dans S.W., VI, 151).
52. « Das Wesen der Natur als von der Natur unterschiedenes, als menschliches Wesen, das
Wesen des Menschen als vom Menschen unterschiedenes, als nicht menschliches Wesen – das
ist das göttliche Wesen, das das Wesen der Religion, das das Geheimniss der Mystik und
Speculation, das das grosse Thauma, das Wunder aller Wunder » (id., Zusätze und
Anmerkungen, dans S.W., VIII, 404).
53. « Er giebt der Natur und Menschheit die Bedeutung, die Würde wieder, die ihr der
Theismus genommen » (id., Dreissigste Vorlesung, dans S.W., VIII, 357).
54. On trouve une affirmation semblable dans le livre de F. Jodl : « Hand in Hand
damitgehtaber die Herausarbeitung des idealen Wesenskernes, der in der Religion steckt »
(F. Jodl, Ludwig Feuerbach, op. cit., p. 104).
e
55. Foucault avait rédigé une série de notes sur « Le problème de la Bildung au XIX siècle »
(Boîte 43, feuillets 6-13).
56. « Ich verneine nur das phantastische Scheinwesen der Theologie und Religion, um das
wirkliche Wesen des Menschen zu bejahen » (L. Feuerbach, Dritte Vorlesung, dans S.W., VIII,
29).
57. « Die Aufgabe der neueren Zeit war die Verwirklichung und Vermenschlichung Gottes – die
Verwandlung und Auflösung der Theologie in die Anthropologie » (id., Gründsätze der
Philosophie der Zukunft, dans S.W., II, 245).
58. « Soll die Philosophie die Religion ersetzen, so muss die Philosophie als Philosophie
Religion werden, so muss sie das auf eine ihr conforme Weise in sich nehmen, was das Wesen
der Religion constituirt, was diese vor der Philosophie voraus hat » (id., Nothwendigkeit einer
Reform der Philosophie, dans S.W., II, 218). La fin de la traduction de Foucault est fautive : il
s’agit de l’« avantage » de la religion sur la philosophie.
59. « An die Stelle des Himmels die Erde, des Gebetes die Arbeit, der Hölle die materielle
Noth, an die Stelle des Christen der Mensch » (ibid., S.W., II, 219).
60. « Ist praktisch der Mensch an die Stelle des Christen getreten, so muss auch theoretisch das
menschliche Wesen an die Stelle des göttlichen treten » (ibid.).
61. Référence à l’opuscule de Kant « Qu’est-ce que les Lumières ? », publié dans le Berlinische
Monatsschrift au mois de décembre 1784 (« Was ist Aufklärung ? »). Foucault reviendra plus
longuement sur ce texte, la définition kantienne des Lumières et le « sens philosophique » de
l’Aufklärung plus de vingt ans après cette première mention toute suggestive – particulièrement
en 1978 (M. Foucault, Qu’est-ce que la critique ?, suivi de La Culture de soi, éd. par Henri-Paul
Fruchaud et Daniele Lorenzini, Paris, Vrin, 2015) et en 1982-1983 (voir par exemple id., « What
is Enlightenment ? », dans Œuvres, t. II, éd. par Frédéric Gros, Paris, Gallimard, 2015, p. 1380-
1397).
62. On entend classiquement par cette expression la période s’étendant de la chute de
Robespierre (juillet 1794) jusqu’à l’insurrection royaliste réprimée par Bonaparte
(octobre 1795). Elle correspond à l’abandon de la « Terreur », l’instauration d’une « république
bourgeoise » et le refus d’une « radicalité » révolutionnaire.
63. Texte bref mais essentiel, fondateur de la pensée hégélienne du politique, Le Droit naturel a
été rédigé dans les années 1802-1803 pour le Kritisches Journal der Philosophie, fondé avec
Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling (période dite « d’Iéna », de 1801 à 1807, où Hegel
entama sa carrière universitaire comme Privatdozent à l’université d’Iéna). Jean Hyppolite, qui
avait publié en 1948 une Introduction à la philosophie de l’histoire de Hegel (Paris, Marcel
Rivière), consacre le quatrième chapitre de son ouvrage à cet article.
64. « La logique, je l’ai apprise dans une université allemande ; mais l’optique (l’art de voir), je
l’ai apprise d’abord dans un village allemand » (Fragmente…, trad. par Henri Arvon, dans id.,
Ludwig Feuerbach ou La Transformation du sacré, Paris, PUF, 1957, p. 5).
65. « On voit également, d’après ces discussions, combien Feuerbach s’abuse lorsque (dans la
Revue trimestrielle de Wigand, 1845, t. II), se qualifiant d’“homme communautaire”
[Gemeinmensch], il se proclame communiste et transforme ce nom en un prédicat de
l’“homme”, croyant ainsi pouvoir retransformer en une simple catégorie le terme de
communiste qui, dans le monde actuel, désigne l’adhérent d’un parti révolutionnaire
déterminé » (Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, t. I, Feuerbach, trad. par
Renée Cartelle, Paris, Éditions sociales, 1953, p. 29).
66. « Obéis aux sens ! Là où commence le sens, cessent la religion et la philosophie, mais en
échange t’est donnée la vérité simple et nue […]. Obéis aux sens ! Tu es mâle de la tête aux
pieds […]. Mais comme mâle tu te rapportes essentiellement, nécessairement à un autre moi ou
être : la femme » (L. Feuerbach, Manifestes philosophiques. Textes choisis, 1839-1845, trad. par
L. Althusser, op. cit., p. 227-228). Sur la relation homme/femme chez Feuerbach, voir supra,
p. 94-95.
67. Le texte de Marx sur le fondement de la division du travail dans la division sexuelle
homme/femme se trouve dans L’Idéologie allemande (t. I, Feuerbach, op. cit., p. 19-22).
Foucault en avait recopié des extraits sur une fiche intitulée « Division travail » (Boîte 37,
feuillet 430).
68. Publié en 1835, Vie de Jésus de David Friedrich Strauss, bientôt traduit en français par
Émile Littré, présente un Jésus privé de toute transcendance (D. F. Strauss, Vie de Jésus, ou
Examen critique de son histoire, 2 vol., trad. par Émile Littré, Paris, Ladrange, 1839-1840). Le
scandale provoqué par ce livre entraîna la révocation de Strauss comme répétiteur de
philosophie au séminaire protestant de Tübingen.
69. L. Feuerbach, Zusätze und Anmerkungen, dans S.W., VIII, 404 (pour le texte original déjà
cité, voir note 52, supra).
70. Sur la critique marxiste de la religion, on trouve dans les fiches de lecture de Foucault au
moins deux prises de notes (Boîte 37, feuillets 397 et 421), à partir de la Critique de la
philosophie du droit de Hegel (1927) et de L’Idéologie allemande, t. II (1932).
71. Le concept de « positivité » chez Hegel est explicité par Jean Hyppolite dans le troisième
chapitre de son Introduction à la philosophie de l’histoire de Hegel (op. cit.).
72. Foucault avait consacré à Hegel et à sa Phénoménologie de l’esprit son premier mémoire de
philosophie sous la direction de Jean Hyppolite en 1949 (« La constitution d’un transcendantal
dans la Phénoménologie de l’esprit de Hegel », dactylogramme inédit, BNF, Fonds Foucault des
années 1940 et 1950, cote NAF 28803), mais il centrait son analyse sur la formulation d’un
« transcendantal historique ». Pour une présentation claire et puissante de ce mémoire de 1949,
voir Jean-Baptiste Vuillerod, La Naissance de l’anti-hégélianisme. Louis Althusser et Michel
Foucault, lecteurs de Hegel, Lyon, ENS Éditions, 2022.
73. Il existe tout un débat chez les spécialistes de Hegel pour la traduction française de
Entäusserung. Hyppolite opte plutôt pour « aliénation » et réserve « extranéation » pour
Entfremdung (Lefebvre traduit quant à lui « étrangement »). Gwendoline Jarczyk et Pierre-Jean
Labarrière, comme beaucoup de marxistes, traduisent à la manière de Foucault Entäusserung
par « extériorisation » et Entfremdung par « aliénation ».
74. C’est dans Le Matérialisme dialectique (Paris, Félix Alcan, 1939) que Foucault pouvait
trouver les principales analyses d’Henri Lefebvre sur le sens hégélien de l’aliénation.
75. J. Hyppolite, Genèse et Structure de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, Paris, Aubier,
1946.
76. On ne peut qu’être stupéfait de découvrir dans ce cours, comme en passant, une thèse
(l’aliénation est un concept prémarxiste) qui sera au cœur du célèbre Pour Marx de L. Althusser
(Paris, Maspero, 1965) une bonne décennie plus tard. On trouve dans la Boîte 37 une chemise
intitulée « Marx. Écrits de jeunesse », comportant une dizaine de feuillets (notes de lecture sur
« Le vol de bois mort », « La Question juive », etc.).
77. La fiche « L’homme réel » se trouve dans la Boîte 37 (feuillet 399), portant une citation de
K. Marx et F. Engels, L’Idéologie allemande, t. I, Feuerbach, op. cit.
78. Allusion à un passage de La Sainte Famille (1845) : « Du fait que la vérité, comme
l’histoire, est un sujet éthéré, séparé de la Masse matérielle, elle ne s’adresse pas aux hommes
empiriques, mais “au tréfonds de l’âme”. Pour que l’homme fasse d’elle une “véritable
expérience”, elle ne s’attaque pas à son corps grossier, niché au fond de quelque cave anglaise
ou sous le toit de quelque mansarde française, mais elle “se faufile” dans ses entrailles idéalistes
qu’elle parcourt “de bout en bout” » (K. Marx et F. Engels, La Sainte Famille ou Critique de la
critique, contre Bruno Bauer et consorts, trad. par Erna Cogniot, Paris, Éditions sociales, 1969,
p. 97).
79. On entend par ce terme une « expérience de pensée », prisée des économistes, consistant à
s’imaginer vivre dans une île déserte afin de décrire un modèle économique simplifié. La
« critique des Robinsonnades » se trouve dans Le Capital (1867, livre I, 4) et dans la
Contribution à la critique de l’économie politique (1859) ; voir aussi l’introduction de 1857 aux
manuscrits de 1857-1858, dénommés « Grundrisse ».
80. Comme l’établira L. Althusser, les textes de jeunesse de Marx donnent une grande place au
concept d’aliénation pour décrire l’exploitation sordide du travailleur à l’âge du capitalisme
industriel (voir en particulier ses Manuscrits de 1844. Économie politique et philosophie,
présentation, trad. et notes d’Émile Bottigelli, Paris, Éditions sociales, 1990).
81. Foucault avait rédigé plusieurs fiches sur « L’abstraction chez Marx » (Boîte 37,
feuillets 255-256).
82. On peut répertorier une centaine de fiches de lecture rédigées par Foucault sur Marx. Elles
se trouvent dans les Boîtes 10, 37 et 43.
83. Une fiche existe sous ce nom (Boîte 37, feuillets 410-411), sans référence bibliographique
précise, qui présente cette dialectique selon deux phases : 1. « produit du travail fortement
individualisé » ; 2. éclatement des sociétés primitives, développement de l’échange et perte du
« travail individuel » dans une « masse indistincte ».
84. Foucault revient à plusieurs reprises sur l’injonction feuerbachienne de « dépenser sur la
terre les trésors qui ont été récupérés sur les cieux » (l’expression apparaît dans une ébauche
d’« Introduction », dans M. Foucault, Phénoménologie et Psychologie, op. cit., p. 292). Voir
aussi (en formulation inversée) : « Feuerbach a dit qu’il faut récupérer sur la terre les trésors qui
ont été dépensés aux cieux » (id., « Foucault répond à Sartre » [entretien avec Jean-Pierre
Elkabbach], dans Dits et Écrits, op. cit., t. I, no 55 [1968], p. 662-668, ici p. 664).
85. En 1883, après un premier livre consacré à F. Schleiermacher (qui conceptualise la méthode
herméneutique, voir infra, note 111), Wilhelm Dilthey fait paraître une « Introduction aux
sciences de l’esprit » (Einleitung in die Geisteswissenschaften) qui systématise la distinction
entre « expliquer » et « comprendre », selon la formule fameuse : « nous expliquons la nature,
nous comprenons la vie psychique » (l’ouvrage sera traduit en 1942 en français par Louis
Sauzin sous le titre Introduction aux sciences humaines. Essai sur le fondement qu’on pourrait
donner à l’étude de la société et de l’histoire, Paris, PUF). Plus tard, Dilthey publiera encore, en
1905, Studien zur Grundlegung der Geisteswissenschaften et, en 1910, Der Aufbau der
geschichtlichen Welt in den Geisteswissenschaften (L’Édification du monde historique dans les
sciences de l’esprit, trad. par Sylvie Mesure, Paris, Éditions du Cerf, 1988). Ce terme est parfois
rendu par « sciences morales ».
86. « Denn mir schneint das Grundproblem der Philosophie von Kant für alle Zeiten festgestellt
zu sein » (W. Dilthey, Die dichterische und philosophische Bewegung in Deutschland. 1770-
1800. Antrittsvorlesung in Basel, 1867, dans Gesammelte Schriften, éd. par Bernard
Groethuysen et al., Leipzig-Stuttgart, Teubner-Vandenhoeck und Ruprecht, 1914-1936 –
désormais noté G.S., suivi des numéros de tome et de page –, V, 12).
87. « Wir müssen das Werk dieser Transzendentalphilosophie fortsetzen » (id., Das
geschichtliche Bewusstsein und die Weltanschauungen, dans G.S., VIII, 14).
88. Id., Ideen über eine beschreibende und zergliedernde Psychologie (1894), dans G.S., V,
139-240 ; trad. fr. : id., Le Monde de l’esprit, t. I, trad. par Maurice Rémy, Paris, Aubier, 1947,
p. 156-157.
89. « Die schöpferische Natur des Menschen als den Grund der Erkenntnis » (id.,
Weltanschauung und Analyse des Menschen seit Renaissance und Reformation, dans G.S., II,
109).
90. « Der allgemeinste Grundzug unseres Zeitalters ist sein Wirklichkeitssinn » (id., Die Kultur
der Gegenwart und die Philosophie, dans G.S., VIII, 194).
91. « In den Adern des erkennenden Subjekts, das Locke, Hume und Kant konstruierten, rinnt
nicht wirkliches Blut, sondern der verdünnte Saft von Vernunft als bloßer Denktätigkeit » (id.,
« Vorrede. Einleitung in die Geisteswissenschaften », dans G.S., I, XVIII).
92. « Dann bleibt eben von dem philosophischen Rausch Ihrer Universitätsjahre nur ein
philosophischer Katzenjammer zurück » (id., Die Kultur der Gegenwart und die Philosophie,
dans G.S., VIII, 200).
93. « Die Bank von seiner Tür, der schattige Baum, Haus und Garten » (id., Die Typen der
Weltanschauung und ihre Ausbildung in den metaphysischen Systemen, dans G.S., VIII, 79).
94. « Wir wissen von keinem erlebbaren oder erfahrbaren Träger des Lebens » (id., Das
erkenntnistheoretische Problem, dans G.S., VII, 334).
95. « Der Grundgedanke meiner Philosophie ist, daß bisher noch niemals die ganze, volle,
unverstümmelte Erfahrung dem Philosophieren zugrunde gelegt worden ist » (id.,
Grundgedanke meiner Philosophie, dans G.S., VIII, 175).
96. « Nicht als Substanz, Sein, Gegebenheit, sondern als Leben, Tätigkeit, Energie » (id., Der
Aufbau der geschichtlichen Welt in den Geisteswissenschaften, dans G.S., VII, 157).
97. Id., Philosophie der Erfahrung. Empirie, nicht Empirismus, dans G.S., XIX, 17-38.
98. « […] Mich im geist der grossen Aufklärung an die erfahrbbare Wirklichkeit als die eine
welt unseres Wissens zu halten » (G.S., V, 418).
99. « Nur auf dem Standpunkt des Pantheismus ist eine Interpretation der Welte möglich,
welche ihren Sinn vollständing erschöpft » (id., Die Jugendgeschichte Hegels, dans G.S., IV,
260).
100. « […] Zurückübersetzen in die geistige Lebendigkeit, aus der sie hervorgegangen ist » (id.,
Plan der Fortsetzung zum Aufbau der geschichtlichen Welt in den Geisteswissenschaften, dans
G.S., VII, 265).
101. « Hat […] den Sinn der Welt nicht aus dem Begriff göttlicher Vollkommenheit abgeleitet,
vielmehr das Universum aus sich selber auszulegen unternommen » (id., Die Jugendgeschichte
Hegels, dans G.S., IV, 210).
102. Pour la mention de ces auteurs dans la perspective d’un « idéalisme objectif », voir
l’évocation de « der Philosophie des objektiven Idealismus in ihren energischsten
Repräsentanten, wie den Stoikern, Bruno, Spinoza, [Anthony Ashley-Cooper, comte de]
Shaftesbury […], Goethe, Tieck oder Gottfried Keller [la philosophie de l’idéalisme objectif à
travers ses représentants les plus énergiques tels que les stoïciens, Bruno, Spinoza, Shaftesbury,
Goethe, Tieck ou Gottfried Keller » (G.S., IV, 211 ; Dilthey cite aussi, plus haut dans le texte,
Schelling et Hegel).
103. « Der herrschende Impuls in meinem philosophischen Denken, das Leben aus ihm selber
verstehen zu wollen » (id., Autobiographisches, dans G.S., V, 4).
104. « Das philosophische Denken der Gegenwart dürstet und hungert nach dem Leben » (id.,
Plan der Fortsetzung…, dans G.S., VII, 268) ; le texte porte donc la « philosophie
d’aujourd’hui » plutôt que « notre époque »).
105. Sans renvoyer à des textes précis, Foucault résume ici une évocation générale du Leben
diltheyen. C’est ainsi qu’il peut écrire, dans une fiche de lecture, « Le Leben s’oppose à
l’homme comme quelque chose de “rätselhaft” [énigmatique], “undurchdringlich”
[impénétrable], et dans son impénétrabilité il devient une “unheimliche Macht” [force
étrangère]. D’où la Fremdartigkeit [étrangeté] de la vie, qui n’a pas simplement une
signification positive, mais aussi un sens positif. Elle s’oppose comme une puissance agressive,
comme un sphinx » (Foucault synthétise ici un développement présent dans Otto-Friedrich
Bollnow, Dilthey. Eine Einführung in seine Philosophie, Stuttgart, W. Kohlhammer,
1955 [1936], p. 29-30).
106. « Diese vernünftige Gestaltung der Welt erwies sich als Illusion in Natur und Geschichte »
(W. Dilthey, Jugendtagebuch, p. 82 ; cité dans O.-F. Bollnow, Dilthey, op. cit., p. 31).
107. « Und die heutige Analyse der menschlichen Existenz erfüllt uns alle mit dem Gefühl der
Gebrechlichkeit, der Macht des dunklen Triebes, des Leidens an den Dunkelheiten un den
Illusionen, der Endlichkeit in allem, was Leben ist » (id., Der Aufbau der geschichtlichen Welt
in den Geisteswissenschaften, dans G.S., VII, 150).
108. « Sondern jeder Anfang ist willkürlich » (id., Einleitung in die Geisteswissenschaften,
Zusätze zum ersten Buch, dans G.S., I, 419).
109. « Es gibt keinen absoluten Punkt » (id., Aufzeichnungen zur Poetik, dans G.S., V, CX).
110. « Der letzte Erklärungsgrund der Welt ist die Tatsächlichkeit, die reine Faktizität » (id.,
Das geschichtliche Bewusstsein und die Weltanschauungen, dans G.S., VIII, 53).
111. Dans ses Leçons sur l’herméneutique (dispensées à Halle puis Berlin entre 1803 et 1830 ;
trad. par Marianna Simon, Paris, Vrin, 1974 sous le titre d’Herméneutique), F. Schleiermacher
théorise deux types d’interprétation (grammaticale et technique) et deux procédés de l’art
(divinatoire et comparatif).
112. « Alles Philosophieren ist nicht nur in diesem empirischen Bewußtsein gegründet, sondern
es bleibt an dasselbe gebunden. Es kann nur interpretieren » (id., Begriff der Philosophie, dans
G.S., VIII, 141).
113. « Der Zusammenhang seines persönlichen Daseins wird nun für den philosophischen
Dichter zu dem des Lebens selber » (id., Das Erlebnis und die Dichtung, Leipzig,
B. G. Teubner, 1907, p. 423 ; cité par O.-F. Bollnow, Dilthey, op. cit., p. 45).
114. « [Leben] ist seinem Stoffe nach eins mit der Geschichte. An jedem Punkte der Geschichte
ist Leben » (W. Dilthey, Plan der Fortsetzung…, dans G.S., VII, 256).
115. « Geschichte ist nur das Leben, aufgefaßt unter dem Gesichtspunkt des Ganzen der
Menschheit, das einen Zusammenhang bilden » (ibid.).
116. Foucault contracte ici une longue phrase : « Uns ist nie blosse innere Lebendigkeit oder
blosse äussere Welt gegeben, sind immer nicht nur zusammen, sondern im lebendigsten bezuge
aufeinander [Ce qui est donné, ce n’est jamais une simple vitalité intérieure ou un simple monde
extérieur ; nous sommes toujours non seulement ensemble, mais dans la relation la plus vivante
les uns avec les autres] » (id., G.S., VIII, 16).
117. « Was er als diese Welt anschaut, träumt oder denkt, ist immer diese Relation, nichts
Anderes » (id., Das geschichtliche Bewusstsein und die Weltanschauungen, dans G.S., VIII, 27).
118. « Ist es doch derselbe Akt von Auseinanderhalten des Selbst und der Objekte innerhalb des
Bewußtseins, gleichsam von Furchung innerhalb dieses Bewußteins » (id., Beiträge zur Lösung
der Frage vom Ursprung unseres Glaubens an die Realität der Außenwelt, dans G.S., V, 124).
119. « So wird in dem Impuls und dem Widerstand, als in den zwei Seiten, die in jedem
Tastvorgang zusammenwirken, die erste Erfahrung des Unterschiedes eines Selbst und eines
Anderen gemacht » (ibid., G.S., V, 105). M. Rémy traduit : « C’est donc par l’impulsion et la
résistance, ces deux aspects de tout processus tactile, que nous faisons l’expérience d’une
différence entre moi et quelque chose d’autre » (dans id., Le Monde de l’esprit, op. cit., t. I,
p. 109-110).
120. « Die einen beglücken mich, erweitern mein Dasein, vermehren meine Kraft, die anderen
üben einen Druck auf mich und schränken mich ein » (id., Die Typen der Weltanschauung und
ihre Ausbildung in den metaphysischen Systemen, dans G.S., VIII, 78-79).
121. M. Foucault reprend ici un développement d’O.-F. Bollnow (Dilthey, op. cit., p. 63).
122. « Jeder mit Baümen bepflanzte Platz, jedes Gemach, in dem Sitze geordnet sind, ist von
Kindesbeinen ab uns verständlich » (W. Dilthey, Plan der Fortsetzung…, dans G.S., VII, 208).
123. « Alles, was ihn umgibt, wird von ihm verstanden […]. Die Bank vor seiner Tür, der
schattige Baum, Haus und Garten » (id., Die Typen der Weltanschauung und ihre Ausbildung in
den metaphysischen Systemen, dans G.S., VIII, 79).
124. À propos de l’unheimliche Macht [force inquiétante] et de la Fremdartigkeit des Lebens
[étrangeté de la vie], voir supra, note 105.
125. « Der Mittelpunkt aller Unverständlichkeiten sind Zeugung, Geburt, Entwicklung und
Tod » (W. Dilthey, Die Typen der Weltanschauung und ihre Ausbildung in den metaphysischen
Systemen, dans G.S., VIII, 80).
126. « Das tiefe Rätsel der Korruptibilität in der Zeit » (id., Handschriftliche Zusätze und
Ergänzungen der Abhandlung über die Typen der Weltanschauung, dans G.S., VIII, 144).
127. « Der Lebendige weiß vom Tod und kann ihn doch nicht verstehen. Vom ersten Blick auf
einen Toten ab ist dem Leben der Tod unfaßlich » (id., Die Typen der Weltanschauung und ihre
Ausbildung in den metaphysischen Systemen, dans G.S., VIII, 80-81).
128. « Das Gefühl des Lebens in uns den Tod nur als aüßeres Faktum hinnehmen, aber nicht
wirklich fassen kann » (id., Das geschichtliche Bewusstsein und die Weltanschauungen, dans
G.S., VIII, 45).
129. La formule est d’O.-F. Bollnow : « Jeder Lebensbezug enthält immer schon ein
Lebensverständnis » (Dilthey, op. cit., p. 64).
130. « Die dem Wissen unzugängliche Tiefe scheint sich aufzutun in ihm » (id., Studien zur
Grundlegung der Geisteswissenschaften, dans G.S., VII, 52).
131. C’est ainsi que Dilthey peut distinguer trois types de philosophie, selon qu’elles enracinent
leur vision du monde dans la volonté, la représentation ou l’affectivité (voir Odo Marquard,
« Typologie de la vision du monde. Notes sur une forme de pensée anthropologique des XIXe et
e
XX siècles », dans Des difficultés avec la philosophie de l’histoire. Essais, trad. par Olivier
Mannoni, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2002, p. 119-135).
132. « Diese Kategorien nicht a priori auf das Leben als ein ihm Fremdes angewandt werden,
sondern […] sie im Wesen des Lebens selber liegen » (W. Dilthey, Plan der Fortsetzung…, dans
G.S., VII, 232).
133. Ibid., G.S., VII, 269.
134. Id., Beiträge zum Studium der Individualität, dans G.S., V, 241-316 ; trad. – légèrement
modifiée par Foucault – dans id., Le Monde de l’esprit, op. cit., p. 277.
135. Ibid., p. 252.
136. Ibid., p. 253.
137. Ibid., p. 252.
138. « Erleben ist eine unterschieden charakterisierte Art, in welcher Realität für mich da ist »
(id., Fragmente zur Poetik, Das Erlebnis, dans G.S., VI, 313).
139. « Das Erlebnis tritt mir nämlich nicht gegenüber als ein Wahrgenommenes oder
Vorgestelltes ; es ist uns nicht gegeben » (ibid., G.S., VI, 313).
140. « Das Erlebnis steht nicht als ein Objekt » (id., Der Aufbau der geschichtlichen Welt in den
Geisteswissenschaften, dans G.S., VII, 139).
141. « Sein Dasein für mich ist ununterschieden von dem, was in ihm für mich da ist » (ibid.,
G.S., VII, 139).
142. « Wir bewegen uns nicht in der Sphäre der Empfindungen, sondern der Gegenstände, nicht
der Gefühle, sondern Wert, Bedeutung usw » (id., Fragmente zur Poetik, Strukturpsychologie,
dans G.S., VI, 317).
143. « Die Realität Erlebnis ist für uns dadurch da, daß wir ihrer innewerden, daß ich sie als zu
mir in irgendeinem Sinn zugehörig unmittelbar habe » (id., Fragmente zur Poetik. Das Erlebnis,
dans G.S., VI, 313).
144. « Das konkrete Bewußtsein von Gegenwart also Vergangenheit und Zukunft in sich
enthält […]. Wir erfassen die Bedeutung eines Momentes der Vergangenheit. Er ist bedeutsam,
sofern in ihm Bindung für die Zukunft » (ibid., G.S., VI, 314).
145. « Was wir unter Zukunft als Zweck setzen, bedingt die Bestimmung der Bedeutung des
Vergangenen […]. Wir erfassen die Bedeutung eines Momentes der Vergangenheit. Er ist
bedeutsam, sofern in ihm eine Bindung für die Zukunft » (id., Plan der Fortsetzung…, dans
G.S., VII, 233).
146. « Der Zusammenhang des Erlebens in seiner konkreten Wirklichkeit liegt in der Kategorie
der Bedeutung. […] Diese Bedeutung ist in diesen Erlebnissen als deren Zusammenhang
konstituierend enthalten » (ibid., G.S., VII, 237).
147. « Bedeutung als erste Kategorie des Lebens » (id., Anmerkungen, dans G.S., VII, 361).
148. « Bedeutung ist die umfassende Kategorie, unter welcher das Leben auffaßbar wird » (id.,
Plan der Fortsetzung…, dans G.S., VII, 232).
149. « Wie eine Insel erhebt sich aus unzugänglichen Tiefen der kleine Umkreis des Bewußten
Lebens » (ibid., G.S., VII, 220).
150. « Was im Erleben ohne Besinnen auftritt, wird im Ausdruck desselben gleichsam
herausgeholt aus den Tiefen des Seelenlebens » (id., Anhang, Der logische Zusammenhang in
den Geisteswissenschaften, dans G.S., VII, 328).
151. « Das Erlebnis erhält einen Ausdruck. Dieser repräsentiert es in seiner Fülle » (id.,
Fragmente zur Poetik. Strukturpsychologie, dans G.S., VI, 317).
152. « Denn wie eine Insel erhebt sich aus unzugänglichen Tiefen der kleine Umkreis des
bewußten Lebens. Aber der Ausdruck hebt aus diesen Tiefen heraus » (id., Plan der
Fortsetzung… dans G.S., VII, 220).
153. « Denn das lyrische Genie liegt in einer erhöhten Macht des Erlebens und in der Erhebung
des Erlebten zum Bevusstsein eben durch die Kraft, es auszudrücken [le génie lyrique réside
dans une intensité accrue d’expérience et dans l’élévation de cette expérience à la conscience
par la puissance même de l’expression] » (id., Von deutscher Dichtung und Musik, Stuttgart-
Göttingen, Teubner-Vandenhoeck und Ruprech, 1957, p. 80 ; cette citation suit la précédente
dans le livre d’O.-F. Bollnow où Foucault puise la plupart de ses citations : Dilthey, op. cit.,
p. 179).
154. « Sie haben als Bestandteile der Wissenschaft, ausgelost aus dem Erlebnis, in dem sie
auftreten » (W. Dilthey, Plan der Fortsetzung…, dans G.S., VII, 205).
155. Voir supra, note 153.
156. « Es will vom Autor überhaupt nichts sagen » (W. Dilthey, Plan der Fortsetzung…, dans
G.S., VII, 207).
157. Sur une fiche de lecture intitulée « La musique » appartenant au dossier Dilthey (Boîte 37,
feuillet 1003), Foucault recopie la citation suivante : « Il n’y a pas Zwiefachheit von Erlebnis
und Musik [dualité entre expérience vécue et musique], pas de double monde, pas de passage de
l’un à l’autre. Le génie, c’est justement le Leben dans la Tonsphäre [sphère sonore], comme si
elle seule était là, un oubli de tout destin et de toute souffrance dans ce Tonwelt [monde sonore]
et de telle sorte que tout cela s’y trouve » (G.S., VII, 222). Les grandes évocations par Dilthey
de Johann Sebastian Bach, Georg Friedrich Haendel, Wolfgang Amadeus Mozart, Joseph Haydn
se trouvent dans id., Von deutscher Dichtung und Musik, op. cit.
158. « Ein Geistiges sich loslöst von seinem Schöpfer » (id., Plan der Fortsetzung…, dans G.S.,
VII, 207).
159. Si l’on se réfère à la fiche « esprit objectif », dans le dossier Dilthey (Boîte 37,
feuillet 1002), la première citation porte : « Par là [l’esprit objectif], j’entends les formes variées
dans lesquelles la Gemeinsamkeit [communauté] qui existe entre les individus s’est objectivée
dans le Sinneswelt [monde des sens] » (G.S., VII, 208). Le livre d’O.-F. Bollnow, qui sert de
guide à Foucault, présente dans son quatrième chapitre de la troisième partie une série de
citations sur l’esprit objectif (« Der Objektive Geist »), Dilthey, op. cit., p. 194-195 et 198-200.
160. « Wir eben in dieser Atmosphäre, sie umgibt uns beständig. Wir sind eingetaucht in sie »
(W. Dilthey, Der Aufbau der geschichtlichen Welt in den Geisteswissenschaften, dans G.S., VII,
146).
161. On trouve au terme de la fiche intitulée « Le Verstehen » (Boîte 37, feuillet 1005) cette
citation : « Une proposition est compréhensible par la Gemeinsamkeit [communauté] qui
consiste dans un Sprachgemeinschaft [commun linguistique] en rapport avec la signification des
mots et les formes de flexion, comme avec le sens de l’articulation syntactique » (G.S., VII,
209).
162. « Der Mensch erkennt sich nur in der Geschichte, nie durch Introspektion » (id., Plan der
Fortsetzung…, dans G.S., VII, 279).
163. « Was der Mensch sei, sagt ihm nur seine Geschichte » (id., Zur Weltangschauungslehre.
Traum, dans G.S., VIII, 224).
164. « Die Totalität der Menschennatur ist nur in der Geschichte » (id., Handschriftliche
Zusätze und Ergänzungen der Abhandlung über die Typen der Weltanschauung, dans G.S., VIII,
166).
165. « Was der menschliche Geist sei, kann nur das geschichtliche Bewußtsein an dem, was er
gelebt und hervorgebracht hat, zur Erkenntnis bringen » (id., Die Jugendgeschichte Hegels, dans
G.S., IV, 528).
166. La citation précédente se conclut par une critique de Nietzsche. Peut-être est-ce à ce
jugement que Foucault fait allusion. O.-F. Bollnow de son côté avait repris et commenté dans un
long paragraphe la plupart des jugements de Dilthey sur Nietzsche (« Dilthey und Nietzsche »,
dans Dilthey, op. cit., p. 222-224).
167. Foucault ne donne aucune référence, mais on peut penser à un passage des Manuscrits
relatifs à une suite de L’Édification du monde historique dans les sciences de l’esprit : « Kurz,
es ist der Vorgang des Verstehens, durch den Leben über sich selbst in seinen Tiefen aufgeklärt
wird » (W. Dilthey, Plan der Fortsetzung…, dans G.S., VII, 87).
168. « Das kunstmäßige Verstehen von schriftlich fixierten Lebensäußerungen » (id., Zusätze
aus den Handschriften, dans G.S., V, 332).
169. « Die Interpretation der Schöpfungen des Geistes » (id., Der Aufbau der geschichtlichen
Welt in den Geisteswissenschaften. Anhang, dans G.S., VII, 319).
[TROISIÈME PARTIE]
La fin de l’anthropologie
Introduction : I. L’anthropologie et la fin de la philosophie ; II. La
nature et la fin de l’anthropologie : le scandale de l’évolutionnisme.
A. La critique comme méthode et comme problème : I. Une critique
matinale ; II. Les dés pipés des savants ; III. La tragédie originaire
ou la liberté du désert ; IV. Le dépassement de l’interrogation
kantienne. B. Biologie et psychologie : la tentation du naturalisme :
I. L’évolutionnisme supérieur : une épreuve du devenir ; II. La
psychologie de la psychologie ; Mythologie de la psychologie : la
conscience comme cause ; Le sujet de la pensée ; Le langage
rationnel ; La volonté motrice ; Le monde vrai ; La connaissance
comme croyance. C. Dionysos philosophos : I. Le retour à la nature
comme forme absolue de la répétition ; II. La métaphysique de la
vérité ; La connaissance absolue comme mort de l’être ; La
connaissance comme interprétation ; Le dépassement de la vérité :
être la pensée ; La familiarité de l’apparence ; Les sens classiques
du dionysiaque ; Ariane et le théâtre ; Dionysos aujourd’hui : au-
delà du mythe, la métaphysique nouvelle comme jeu des apparences.
D. Les interprétations : I. Lecture de Jaspers : l’historicité et la
transcendance de l’être ; Le christianisme de Nietzsche et le
nietzschéisme du Christ ; II. Lecture de Heidegger : commenter un
poème, interpréter une philosophie ; La pensée de Nietzsche comme
point d’achèvement de la métaphysique ; La mort de Dieu,
l’athéisme bourgeois et le nihilisme historial.
Introduction a
B. Biologie et psychologie
Mais dire que l’homme n’est pas la vérité de la vérité, ou que la vérité n’est
pas la vérité de l’homme, c’est peut-être la question philosophique
fondamentale, [pourtant] la formuler ou plutôt transformer cette
interrogation en problème, n’est-ce pas être renvoyé nécessairement à une
forme pré-philosophique d’interrogation ?
Dire que l’homme n’est pas la vérité de la vérité, n’est-ce pas pour
profiler derrière lui une vérité qui lui est antérieure, n’est-ce pas simplement
prendre au sérieux le fait qu’il est un animal ? N’est-ce pas transformer la
question en problématique de l’évolution f ?
Dire que la vérité n’est pas la vérité de l’homme, n’est-ce pas laisser
venir au jour une vérité plus sourde que sa conscience, plus silencieuse que
son langage, mais plus profonde que ses travaux et ses jours ? N’est-ce pas
simplement prendre au sérieux le fait qu’il oublie ? N’est-ce pas
transformer la question philosophique en analyse psychologique g ?
Bref, l’approfondissement philosophique qui libère l’homme et la vérité
pour les restituer à leur énigme originaire, cet approfondissement n’est-il
pas compensé par un affadissement dans les thèmes du naturalisme ?
C’est ce qui semble par moments, quand on considère la « philosophie
nietzschéenne de la vie » inspirée par l’évolutionnisme et la « psychologie
nietzschéenne des instincts et du mensonge », que l’on situe quelque part
entre François de La Rochefoucauld et Sigmund Freud.
En fait, ce biologisme et ce psychologisme ne sont pas les déviations,
mais les voies elles-mêmes de l’interrogation philosophique.
I. L’ÉVOLUTIONNISME
II. LE PSYCHOLOGISME
N
I. LA NATURE
3. Le dépassement de la vérité
4. Dionysos
I. JASPERS
Pour Jaspers, Nietzsche le « Dionysos philosophos 125 » est :
1. Celui qui le premier a dépassé réellement l’idéalisme kantien de
l’objet – et cela en prenant au sérieux les phénomènes. Toute la critique
nietzschéenne serait la découverte de la présence de la vérité dans les
phénomènes, dans les apparences, sans aucune référence à une forme
absolue ou à un sol originaire de l’objectivité.
2. Cette mise entre parenthèses des formes de l’objectivité donnerait à la
vérité un sens nouveau : elle serait interprétation de l’être par la vie, forme
constituée de l’existence vivante. « La vérité n’est pas quelque chose qui est
pour soi, quelque chose d’inconditionné et d’absolument universel ; elle est
plutôt indissolublement liée à l’être du vivant, dans un monde interprété par
lui 126. »
Si bien que la vérité, tout en se dissolvant dans la vie de l’existence, fait
corps avec cette vie elle-même : elle ne se dissipe et ne s’esquive hors des
formes de l’objectivité que pour se maintenir, dans un style insaisissable,
comme trame secrète de l’existence. « Aussi cette théorie de la vérité oscille
toujours entre la négation de toute vérité qui peut subsister et l’étonnement
provoqué par une vérité non encore saisie 127. »
3. Qu’est-ce que cette vérité de l’existence vivante ?
Cette vérité comme négation de la vérité rationnelle de l’entendement a
un contenu positif : c’est l’historicité de l’existence z, exprimée par
Nietzsche comme devenir, comme devenir positif, comme dépassement
incessant de soi-même à l’intérieur du temps.
1. [Caractères de l’historicité]
L’historicité se caractérise par le fait : α. d’une part qu’elle n’a son origine
qu’en soi-même ; β. [d’autre part qu’elle] tombe toujours dans
l’« énonciabilité du mouvement 128 », donc dans la sphère de la rationalité.
D’où le double aspect de toute philosophie en général : d’une part,
critique donc chute, et rappel à soi ; d’autre part, saisie de l’historique à
partir de la rationalité. « Sans la philosophie négative, il n’y a pas de
philosophie positive. C’est seulement dans le feu purificateur du rationnel
que l’homme peut prendre conscience de son historicité positive 129 » aa.
Ces deux côtés, qui caractérisent les rapports de l’historicité et de la
rationalité, on les retrouve dans l’œuvre de Nietzsche :
– la négativité rationnelle comme critique des valeurs ; mais c’est à
partir d’elle, et dans le cadre, qu’elle fait éclater, de la biologie, de la
psychologie, de l’histoire, que s’indique, dans l’urgence de son appel,
– la positivité historique, qui est définie comme Volonté de Puissance :
devenir/dépassement.
La Volonté de Puissance comme dénominateur psychologique commun
à toute la critique négative des valeurs, et comme essence positive de tout
être, dans la forme du devenir et du dépassement, assure dans la pensée de
Nietzsche l’unité entre l’historicité positive et la négativité rationnelle dans
laquelle elle se perd, mais à partir de quoi, pourtant, elle se rappelle à soi-
même.
3. La transcendance de l’être
II. HEIDEGGER
En quoi consiste pour Heidegger cette activité qui depuis le XIXe siècle a le
statut ambigu de la critique historique d’une œuvre, de l’interprétation du
sens philosophique d’une pensée et de la sémantique de la vérité qui se
trouve prononcée par cette pensée à travers cette œuvre ? De Hegel à
Dilthey et à Nietzsche, toute philosophie non seulement emporte avec elle
la possibilité d’une Deutung [interprétation] de l’histoire philosophique,
mais elle s’éprouve et se reconnaît elle-même dans son sens philosophique,
par le fait qu’elle est la condition historique nécessaire pour la possibilité de
cette Deutung.
Depuis le XIXe siècle, la philosophie s’interprète comme interprétation et
se fonde comme fondement de son histoire, mais elle se fonde comme
fondement de son histoire parce qu’elle ad s’interprète comme interprétation.
Mais qu’est-ce que l’interprétation ?
– Lorsque Dilthey pose lui-même la question, dans l’essai sur
l’herméneutique 161, il ne répond qu’en faisant l’histoire de l’interprétation,
sur le mode circulaire de l’interprétation.
– Or Heidegger, en posant la même question dans divers textes, tente de
fonder le sens de l’interprétation de telle sorte que si sa philosophie
s’interprète comme interprétation, c’est parce que sa philosophie se fonde
comme fondement.
Comment fonde-t-il le sens de l’interprétation ?
Qu’est-ce que commenter un poème, qu’est-ce qu’interpréter une
philosophie ?
1. Qu’est-ce que commenter un poème ?
Dans l’avant-propos aux Erläuterungen [Commentaires] sur la poésie
de Friedrich Hölderlin 162, il dit que le commentaire :
– a pour but de faire en sorte que ce qui est poématisé (Gedichtete)
se tienne là (dastehe) sous le jour d’une lumière plus claire 163 ;
– mais doit tendre, en faveur de ce qui est poématisé, à se rendre lui-
même superflu : le pas ultime, le plus difficile à franchir, du
commentaire, c’est de disparaître devant le pur « Dastehen [se tenir
là] » du poème 164 ;
– de telle sorte que si le commentaire réussit, nous avons le
sentiment, ou plutôt nous entendons (wir meinen 165) que nous avons
toujours déjà compris, de cette manière-là, le poème.
Le commentaire ne prête pas un sens, bien qu’il en découvre ; il ne fait
pas jaillir la lumière des ténèbres, bien qu’il élucide. Il rend plus
transparente la lumière où se présente le poème, de telle sorte que la
lumière est mieux oubliée pour le plus grand profit de ce qui est poématisé
dans le poème. Le commentaire, l’Erläuterung, parcourt, à voix haute, et
selon toute la longueur de sa périphérie, le cercle dans lequel s’accomplit la
tautologie de la compréhension.
Est-ce que l’interprétation philosophique suit le même chemin que le
commentaire poétique ? Peut-on traiter et reprendre le Gedachte [pensé]
d’une pensée, comme le Gedichtete d’un poème ?
2. Qu’est-ce qu’interpréter une philosophie ?
Contrairement au commentaire poétique, ce n’est pas prononcer à haute
voix ce qui est déjà dit et laisser la parole être là, c’est au contraire dire ce
qui n’a pas été dit, énoncer l’Ungesagte [non-dit]. Toute la différence entre
prononcer et énoncer.
Dans un cours sur les Grundprobleme der Phänomenologie (1927), il
dit : « Non seulement nous pouvons, mais nous devons comprendre les
Grecs, mieux qu’ils ne se comprenaient eux-mêmes ; et c’est de cette
manière seulement que nous entrons en possession de leur héritage 166. »
Le commentaire philosophique ne se contente pas de rendre plus
transparente la lumière dans laquelle se tient la présence ; il fait venir,
absolument, en toute lumière. Il ne redit pas, il dit.
Le commentaire ne disparaît pas devant ce qu’il commente ; au lieu de
s’y perdre, il doit le perdre. Il y a dans le commentaire un abandon, un
congé, qui, s’il laisse lui aussi la pensée de l’autre à sa liberté, s’il la laisse à
sa place, ne lui donne pas la même liberté que la lumière à l’œuvre d’art. Il
y a quelque chose de nocturne dans le laisser-être, dans l’abandon du
commentaire philosophique, quelque chose de nocturne qu’invoquait
Nietzsche lorsqu’il appelait pour lui-même cet abandon, à quelques jours de
la folie. À Georg Brandes (4 janvier 1889) : « Après m’avoir découvert
(entdeckt), ce n’était pas un tour de force de me trouver (finden) ; la
difficulté, c’est maintenant de me perdre (verlieren) 167. »
Comment cette énonciation de l’Ungesagte [non-dit], comment cet
abandon, que le destin de Nietzsche semble placer sous la constellation de
la folie, comment peuvent-ils échapper à l’arbitraire, et à la chute dans le
hasard ?
3. La nécessité du commentaire
α. Revenons à cet abandon :
– Perdre une pensée ne veut pas dire : la laisser tomber, la laisser
derrière soi, la traverser comme un paysage. Le commentaire n’est pas
un récit de voyage qui ne donne à la terre que le sens des routes
parcourues, il doit au contraire laisser à la pensée ses racines dans le sol
où elle les a enfoncées ; c’est la laisser à sa place, et penser à ce qu’elle
pense dans le libre élément de son contenu d’essence.
– Mais cela ne veut pas dire non plus que l’on peut faire le tour
d’une pensée en la reconstituant dans l’autonomie d’une représentation
d’ensemble (Gesamtdarstellung), puis en la dépassant en suivant les
chemins de la contradiction.
Le dépassement n’est pas effectué par une « Widerlegungsliteratur
[littérature de réfutation] », mais lorsque l’on ramène à [sa] vérité
originaire, au sol premier de son commencement ce qui, à l’intérieur
d’une pensée, n’a pas été pensé.
L’abandon qui appartient à l’essence du commentaire philosophique est
donc le contraire de l’oubli et du déracinement qui arrache et rejette : il
consiste à laisser la pensée dans le sol de sa croissance, la laisser prise et
retenue dans cette terre qui s’est refermée sur son oubli fondamental. Non
pas ouvrir la terre pour examiner les racines d’une pensée ; mais scruter
cette terre close où s’est enfermé le noyau de nuit d’une pensée.
L’interprétation philosophique d’une pensée, ce n’est pas une spéculation
d’herboriste sur les mystères de la croissance, c’est un combat effectif avec
la terre d’où elle est née.
β. Mais, avons-nous dit, dans ce combat doit être pensé ce qui est
Ungedachte [impensé] dans la pensée, ce qui est Ungesagte [non-dit] dans
ce que dit une œuvre. Comment cela est-il possible ?
Est-ce là une manière de faire qui se rattache à la grande tradition de
l’herméneutique, et d’une manière singulière à la Tiefenpsychologie
[psychologie des profondeurs] comme le dit Karl Löwith 168 ? D’après
Löwith, Heidegger fait sortir de ce qui a été dit par un penseur quelque
chose qui n’a pas été dit, et qui est le motif caché, mais efficient de ce qui a
été dit.
En fait, ce rapprochement est injuste, parce que tout le ressort de la
Tiefenpsychologie, c’est la réduction à l’autre (la conscience à l’inconscient,
la culpabilité au désir, la mémoire à l’immémorial), alors que
l’interprétation de Heidegger se présente toujours comme retour au même.
Le commentaire rencontre la même chose que le texte qu’il explique. Et s’il
dit ce qui n’a pas été dit dans le texte, ce n’est pas parce qu’il est
herméneutique, déchiffrement d’un inconscient de l’histoire, mais dans la
mesure où ce qu’a dit une œuvre et ce qu’elle n’a pas dit, ce n’est qu’une
seule et même chose. Ses paroles ne s’expliquent pas analytiquement par ce
qu’elle ne dit pas dans son silence ; son silence et ses paroles tiennent le
même langage ; ses jours et ses nuits disent les louanges d’une même
lumière.
C’est dans le midi toujours juste, toujours identique de cette lumière que
l’interprète pense ce qui n’a pas été pensé dans une pensée et dit ce qui n’a
pas été dit dans son silence et dans sa nuit ; mais cette lumière révèle en
même temps que ce qui a été pensé c’est ce qui n’a pas été pensé, et que ce
qui a été dit c’est ce qui a été tu.
Nous voyons donc que la différence n’est pas si grande, entre le
commentaire de l’œuvre d’art et l’interprétation de la philosophie, entre la
manière d’éclairer ce qui a été Gedichtete [poématisé] dans le Gedicht
[poème] et la manière d’énoncer ce qui a été Ungedachte [impensé] dans le
Denken [penser].
– D’abord, on retrouve le même élément de liberté, dans lequel on laisse
le poème ou la pensée être ce qu’ils sont. En effet, au bout du compte :
• l’énonciation de l’Ungesagte [non-dit] dans le Gedacht [pensé]
aboutit à le laisser être ce qu’est le Gedachte [pensé] lui-même,
dans la forme tautologique du même ;
• et l’abandon de la pensée aboutit à [la] laisser debout dans la
terre où s’est faite sa croissance.
– Puis, et surtout, le commentaire révèle que l’œuvre pensée comme
l’œuvre d’art est un combat entre la terre sur laquelle elle repose et qui
recèle sa nuit, et le monde qu’elle rassemble dans l’espace de sa lumière.
Reprendre ce combat, c’est laisser se déployer la vérité de l’œuvre, pensée
ou art, c’est retrouver ce à partir de quoi une vérité est possible, le point où
le dévoilement est en même temps recel, où l’éveil est oubli, où le jour
emporte avec lui les puissances de la nuit.
Or ce point, c’est la constellation sous laquelle se déploie le destin de
l’être. Et tout comme l’œuvre d’art n’est ce qu’elle est que si elle met en
œuvre la vérité, de même la pensée ne pense que si elle met en œuvre le
destin de l’être. Par voie de conséquence, le commentaire poétique montre
comment la vérité est mise en œuvre dans l’œuvre, l’interprétation
philosophique montre comment dans une pensée se déploie le destin de
l’être.
Avec cette idée de la Seinsgeschichte [histoire de l’être], on voit
comment le relativisme de l’interprétation (c’est-à-dire celui auquel est
soumise l’interprétation / celui auquel l’interprétation soumet la
philosophie) est dépassé, dans la forme que lui donnait Dilthey, ainsi que
toutes les philosophies qui ne se fondaient qu’en s’interprétant comme
interprétations. Maintenant, l’acte même d’interprétation [trouve] son sens
et sa validité, sa nécessité comme forme de réflexion philosophique, dans la
mesure où la philosophie se fonde comme fondement, en tant que
déploiement du destin de l’être.
Il y aurait à examiner encore [ceci] :
– Comment le commentaire de l’œuvre d’art et l’exégèse de la pensée
se fondent-ils tous deux sur la circularité du Verstehen [compréhension] ?
Question qui découpe une ouverture sur cette autre question, à partir de
quoi elle prend jour et s’éclaire : quels sont les rapports de la
Geschichtlichkeit [historicité] du Dasein et de la Geschichte [histoire] du
Sein [être] ae ?
– Comment l’histoire de l’être en vient-elle à prendre corps dans une
parole, dans un Sagen [dire] ? Est-ce que cette histoire n’est pas possible
seulement à partir du Sagen, de telle sorte que le commentaire, comme
énonciation de l’Ungesagte [non-dit] sous la constellation du destin de
l’être, ne serait ce qu’il est que parce qu’il est la répétition du Sagen lui-
même ? S’il en est ainsi, on en arriverait à cette idée que, si le commentaire
est possible, ce n’est pas sur l’horizon constitué d’une histoire de la
philosophie, mais en tant que répétition du Sagen, c’est-à-dire [à cette idée
que,] en tant que mise [au] jour de ce à partir de quoi l’être a un destin, le
commentaire serait ce à partir de quoi une histoire de la philosophie [est
possible af].
3. La mort de Dieu
a. Cette dernière section du manuscrit est précédée dans le dossier d’un feuillet non
paginé portant les mentions suivantes : « Périr par la connaissance absolue, etc. –
renversement du kantisme : pour un accès à l’ontologie ; – appel à une connaissance
non réduite : philologie = tragique / évolutionnisme = devenir / psychologie = volonté.
A. Dionysos : – les interprétations traditionnelles ; – les deux moments de Dionysos :
a. contre Apollon / b. contre Ariane. Ontologie : Ja Sagen [dire oui]. B. Le devenir.
C. La volonté. »
b. Les notes de J. Lagrange précisent ici : « Freud et Nietzsche » (p. 47).
c. Dans la marge : « le philosophe n’a pas été dupé par le rêve, il a été dupé par la veille.
Redonner sa place au rêve ».
d. Les notes de J. Lagrange ici précisent : « La vie le plus souvent s’appuie sur le
mensonge ; toute la vérité de la veille est déjà dans le rêve. La démarche
philosophique ne doit pas être une problématique de la vérité, mais la redécouverte du
moment pur où vérité et erreur ne sont pas encore différenciées et valorisées l’une par
[rapport à] l’autre. C’est l’expérience lyrique à l’état pur » (p. 48-49).
e. Dans la marge : « une vérité qui ne “permet à personne de danser, n’est pas pour nous
du tout une vérité” [Fragments pour Zarathoustra, dans Inédits. 1882-1888, W., XIV,
407, cité par K. Jaspers dans Nietzsche. Introduction à sa philosophie, trad. par Henri
Niel, Paris, Gallimard, 1950, p. 325] ; “Maintenant je suis léger, maintenant je vole,
maintenant je me vois sous moi, maintenant un dieu danse pour moi” [Ainsi parlait
Zarathoustra, W., VI, 58, cité par K. Jaspers, ibid., p. 225] ».
f. Souligné dans l’original.
g. Souligné dans l’original.
h. Les notes de J. Lagrange ici précisent : « voir Freud. Une certaine atteinte au
narcissisme de l’homme puisque l’évolutionnisme semble décaler l’homme par
rapport à la vérité » (p. 50).
i. Souligné dans l’original.
j. Suit un passage biffé dans le manuscrit : « a. Cette importance, elle la détient, sans
doute, de ce qu’elle est critique de la morale, critique des idoles, voir Le Crépuscule
des idoles : comment on philosophe au marteau ou les loisirs d’un psychologue. b. En
même temps que cette critique de la morale, il y a la découverte de l’instinct, comme
ce à partir de quoi s’est constituée la morale : voir les deux manières de critiquer la
morale ».
k. Dans la marge : « Lorsqu’à l’être a été substitué le sens ».
l. Suit un passage biffé dans le manuscrit : « γ. C’est-à-dire que la connaissance comme
volonté de vérité est fondamentalement refus de la vérité, refus du danger de la vérité.
La découverte de l’instinct comme plus fondamental que la vérité, la découverte que
la connaissance ne se fonde pas sur la vérité, mais sur le besoin de la vérité, cette
découverte double nous amène à l’idée que la recherche de la vérité est fuite devant le
vrai, et que le besoin de connaissance est peur. « Psychologie de la métaphysique –
Influence de la peur » [La Volonté de puissance, op. cit., p. 102 (I, 220)]. Mais peur
devant quoi ? 7. C’est ici que la psychologie de la métaphysique arrive à son point
final, son vrai sens. La métaphysique comme connaissance de la vérité est une peur, et
cette peur c’est la peur du devenir. Peur du devenir sous les trois formes de sérieux
absolu qu’il présente : – il n’a pas de terme et il n’aboutit pas à l’être / – il n’est pas
une apparence, c’est l’être qui est une apparence : / – il n’a aucune valeur : la valeur
totale du monde est impossible à évaluer ».
m. Les deux termes en italique sont soulignés dans l’original.
n. Ce paragraphe est précédé de la mention d’une subdivision (« 1. Le dépassement de la
vérité vers l’être ») qui ne sera pas poursuivie.
o. Les notes de J. Lagrange établissent des correspondances pour faire entendre ce que
l’on doit deviner derrière chacun de ces « penseurs » : « métaphysique classique
/ penseurs transcendantaux / Nietzsche : arrière-fond du fondement critique lui-même.
La pensée nietzschéenne est la métaphysique de la pensée critique, pensée qui par
l’approfondissement du sens de la nature va découvrir l’horizon d’une métaphysique
critique » (p. 56).
p. Souligné dans l’original.
q. Souligné dans l’original.
r. Les quatre termes en italique sont soulignés dans l’original. Les notes de J. Lagrange
ici précisent : « Le dionysiaque est l’ensemble des thèmes réflexifs par lesquels
Nietzsche découvre que cette disparition de la vérité est liée à la disparition de toute
vérité de l’homme » (p. 59).
s. La caractérisation de « pessimisme […] individualiste » pour Dionysos semble
contradictoire avec l’idée que c’est Apollon qui pour Nietzsche incarne le principe
d’individuation. Les notes de J. Lagrange correspondant à ce passage indiquent à
propos de Dionysos : « principe d’absorption de l’individualité dans le monde ;
principe de désordre, hubris même du monde ; principe de la barbarie elle-même »
(p. 59).
t. Les notes de J. Lagrange précisent : « après la rupture avec Wagner » (p. 59).
u. Souligné dans l’original.
v. Dans la marge : « Anéantissement de la vérité dans le désir. »
w. Les notes de J. Lagrange précisent ici : « Löwith, Kaufmann, Jaspers + article de
Vuillemin ». Il s’agit respectivement de : Karl Löwith, Von Hegel zu Nietzsche. Der
revolutionäre Bruch im Denken des neunzehnten Jahrbunderts : Marx und
Kierkegaard, 2e éd. rev., Stuttgart, W. Kohlhammer, 1950 [1941] ; Walter
A. Kaufmann, Nietzsche. Philosopher, Psychologist, Antichrist, Princeton, Princeton
University Press, 1950 ; Karl Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit. Les trois
ouvrages font l’objet d’une critique par Jules Vuillemin dans son article « Nietzsche
aujourd’hui », paru dans le numéro 67 des Temps modernes (mai 1951, p. 1921-1954).
x. Foucault a biffé un premier titre : « Répétition et retour ».
y. Passage biffé : « Et la première question, c’est de savoir si une pensée métaphysique
est encore possible : si un discours peut encore trouver sa distance d’expression dans
le délire du mouvement dionysiaque / si ce discours peut être autre chose
qu’expression esthétique, œuvre d’art ».
z. Souligné dans l’original.
aa. Suit un passage biffé dans le manuscrit : « ces deux côtés, on les retrouverait chez
Nietzsche dans la critique des valeurs (à partir de la psychologie, de la biologie) et de
la Volonté de Puissance comme positivité absolue du devenir ».
ab. Les notes de J. Lagrange ici précisent : « Pour Jaspers, le monde chrétien serait tout
différent. Dieu est toujours présent. La volonté de Dieu est accès à l’absolu. Pour
naître à Dieu il faut mourir à ce monde-ci ; la science doit être l’instrument de cette
mort absolue » (p. 66).
ac. Dans la marge : « Dionysos + le Crucifié ».
ad. Termes en italique (hors mot allemand) soulignés dans l’original.
ae. Dans la marge : « voir Löwith ».
af. Le verbe manque dans le manuscrit ; nous proposons « est possible », selon le sens
général.
ag. Dans la marge : « L’homme se trouve petit pour la grandeur de la mort de Dieu : il
faudrait que l’homme soit un dieu pour supporter la mort de Dieu. »
Notes
1. Allusion au texte de Kant consacré à Emanuel Swedenborg (Rêves d’un visionnaire [1766],
trad. par Francis Courtès, Paris, Vrin, 2002).
2. Cette expression énigmatique (« la maladie d’un berger ») peut renvoyer au chapitre 15 de
La Généalogie de la morale [1887] (Troisième dissertation) où Nietzsche compare le prêtre à un
être malade de ressentiment qui inocule insidieusement son mal à l’ensemble de son troupeau.
3. Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra. Édition complète [1883-1885], trad. par
Geneviève Bianquis, Paris, Aubier, 1946, p. 259-261.
4. Id., Par-delà le bien et le mal. Prélude d’une philosophie de l’avenir [1886], trad. par Henri
Albert, Paris, Mercure de France, 1927, p. 68-69.
5. Ibid., p. 52.
6. Id., L’Origine de la tragédie, ou Hellénisme et Pessimisme [1886], trad. par Jean Marnold et
Jacques Morland, Paris, Mercure de France, 1923 [1901], p. 40.
7. Id., Ainsi parlait Zarathoustra, op. cit., p. 217-219.
8. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 100.
9. Id., Le Gai Savoir [1882], cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction à sa philosophie, trad.
par Henri Niel, Paris, Gallimard, 1950, p. 225 (F. Nietzsche, Werke, t. V, p. 342 ; K. Jaspers
renvoie à l’édition Nietzsche’s Werke, Leipzig, C. G. Naumann, 1901-1912, en 16 volumes –
désormais notée W., suivi du numéro de tome et de page).
10. F. Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 26-27 ; trad. légèrement modifiée par
Foucault.
11. Id., Le Gai Savoir, trad. par H. Albert, Paris, Mercure de France, 1901, p. 253 ; trad.
librement modifiée par Foucault.
12. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 11-12.
13. Id., Inédits du temps de Humain trop humain et de Aurore, 1875/1876-1880/1881, dans W.,
XI, 268. La traduction est vraisemblablement de Foucault. Le fragment de Nietzsche est cité par
Martin Heidegger dans Vorträge und Aufsätze, Pfullingen, Günther Neske, 1954 ; trad. fr. :
Essais et Conférences, trad. par André Préau, Paris, Gallimard, 1958, p. 96.
14. Id., La Volonté de puissance [1906], cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 229 (W., XII, 410).
15. Id., La Généalogie de la morale, cité dans Claire Richter, Nietzsche et les théories
biologiques contemporaines, Paris, Mercure de France, 1911, p. 59 (W., VII, 474).
16. Id., Considérations inactuelles [1873-1876], cité dans C. Richter, Nietzsche et les théories
biologiques contemporaines, op. cit., p. 60 (W., I, 359).
17. Id., Ecce homo [1888], trad. par H. Albert, Paris, Mercure de France, 1909, p. 48.
18. David Friedrich Strauss (1808-1874) est un historien et théologien allemand (qui publia en
1835 une Vie de Jésus qui fit scandale), auquel est consacrée toute la première Considération
inactuelle.
19. Id., Considérations inactuelles, I : « David Strauss », 7, trad. par H. Albert, Paris, Mercure
de France, 1907, p. 63 ; trad. légèrement modifiée par Foucault.
20. Chargé de cours (Privatdozent) de philosophie et économie à l’université de Berlin, Eugen
Karl Dühring professe à partir de 1870 un socialisme idéaliste et réformateur qui lui attirera
bientôt les foudres de Friedrich Engels qui écrit sous forme d’articles (1875-1878) son Anti-
Dühring. Son épistémologie repose sur un matérialisme dogmatique et optimiste. Par ailleurs, à
travers au moins deux ouvrages (La Question juive et La Surestimation de Lessing et sa défense
des Juifs), il défend des thèses antisémites qui seront reprises par des écrivains nationaux-
socialistes.
21. E. K. Dühring, La Valeur de la vie (1865), cité dans C. Richter, Nietzsche et les théories
biologiques contemporaines, op. cit., p. 203.
22. F. Nietzsche, La Volonté de puissance. Essai d’une transmutation de toutes les valeurs
(études et fragments), § 323, trad. par H. Albert, Paris, Mercure de France, 1903, t. II, p. 108.
23. Id., L’Antéchrist [1906], cité dans C. Richter, Nietzsche et les théories biologiques
contemporaines, op. cit., p. 53 (W., VIII, 219).
24. Id., Considérations inactuelles, cité dans C. Richter, Nietzsche et les théories biologiques
contemporaines, op. cit., p. 49 (W., II, 366).
25. Id., Ainsi parlait Zarathoustra, cité dans C. Richter, Nietzsche et les théories biologiques
contemporaines, op. cit., p. 218 (W., VI, 109).
26. « [La nature] a jeté la clef ; et malheur à la curiosité fatale qui parviendrait un jour à
entrevoir par une fente ce qu’il y a à l’extérieur de cette cellule qu’est la conscience, et ce sur
quoi elle est bâtie, devinant alors que l’homme repose, indifférent à son ignorance, sur un fond
impitoyable, avide, insatiable et meurtrier, accroché à ses rêves en quelque sorte comme sur le
dos d’un tigre » (id., Vérité et Mensonge au sens extra-moral, trad. par Michel Haar et
Marc B. de Launay, Paris, Gallimard, 2009, p. 9).
27. Id., La Généalogie de la morale, cité dans Claire Richter, Nietzsche et les théories
biologiques contemporaines, op. cit., p. 228 (W., VII, 381).
28. Id., Ainsi parlait Zarathoustra, cité dans C. Richter, Nietzsche et les théories biologiques
contemporaines, op. cit., p. 218 (W., VI, 109).
29. Ibid., p. 225 (W., VI, 173).
30. F. Nietzsche, Fragments, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme, trad. Jeanne
Hersch, Paris, Minuit, 1949, p. 73 (W., VIII, 139).
31. Id., Considérations inactuelles, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 214 (W., III, 36) ; trad. légèrement modifiée par Foucault.
32. Id., L’Antéchrist, cité dans C. Richter, Nietzsche et les théories biologiques contemporaines,
op. cit., p. 285 (W., VIII, 218).
33. Id., Inédits. 1881-1886, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 131 (W.,
XII, 22).
34. Id., Le Crépuscule des idoles, trad. par H. Albert, Paris, Mercure de France, 1918, p. 223 ;
trad. modifiée par Foucault.
35. Foucault note « La Volonté de puissance, II, 369 », mais il s’agit d’une phrase du texte de
1872 « La joute chez Homère » : « Dans ses facultés les plus nobles et les plus élevées,
l’homme est tout entier nature, et porte en lui l’étrangeté de ce caractère naturel. Ses aptitudes
redoutables et qu’on tient pour inhumaines sont peut-être même le sol fécond d’où seul peut
surgir une quelconque humanité sous la forme tant d’émotions que d’actions et d’œuvres »
(F. Nietzsche, Écrits posthumes, 1870-1873, trad. par Jean-Louis Backès, M. Haar et
M. B. de Launay, Paris, Gallimard, 1975, p. 192).
36. Foucault revient infra sur les dernières phrases de l’aphorisme 575 qui clôt Aurore :
« Pourquoi ce vol éperdu dans cette direction, vers le point où jusqu’à présent tous les soleils
déclinèrent et s’éteignirent ? Dira-t-on peut-être un jour de nous que, nous aussi, gouvernant
toujours vers l’ouest, nous espérions atteindre une Inde inconnue – mais que c’était notre
destinée d’échouer devant l’Infini ? Ou bien, mes frères ou bien ? – » (F. Nietzsche, Aurore.
Réflexions sur les préjugés moraux [1881], trad. par H. Albert, Paris, Mercure de France, 1901,
p. 418-419).
37. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 46-47.
38. Id., cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 134 ; Jaspers ne précise pas la
provenance de la citation.
39. Id., Inédits. 1875-1881, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 135 (W.,
XI, 297).
40. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 44.
41. Ibid.
42. Ibid., p. 45.
43. Le fragment de Nietzsche (fragment 87 du livre I dans La Volonté de puissance, trad. par
G. Bianquis, éd. par Friedrich Würzbach, Paris, Gallimard, 1995 [1937-1938], t. I, p. 39)
présente six « erreurs monstrueuses » qui servent à Foucault de principes de subdivision (1 à 6).
44. Ibid., p. 39 (livre I, t. I, 87).
45. Id., Aurore, op. cit., p. 139.
46. Id., La Volonté de puissance, op. cit., trad. par G. Bianquis, p. 39 (livre I, t. I, 87).
47. Ibid., p. 42 (livre I, t. I, 96).
48. Id., Inédits. 1881-1886, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 229 (W.,
XII, 6).
49. F. Nietzsche, La Volonté de puissance, op. cit., p. 39 (livre I, t. I, 87).
50. Ibid., p. 46 (livre I, t. I, 102).
51. Ibid. (livre I, t. I, 105).
52. Ibid., p. 44 (livre I, t. I, 99).
53. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 40.
54. Ibid. ; trad. légèrement modifiée par Foucault.
55. Id., La Volonté de puissance, op. cit., trad. par G. Bianquis, p. 47 (livre I, t. I, 106).
56. Ibid., p. 45 (livre I, t. I, 101).
57. Ibid., p. 48 (livre I, t. I, 110). La citation complète est : « Si le caractère de l’existence était
d’être fausse – et cela pourrait être – que serait alors la vérité, toute notre vérité ? […] Une
cynique falsification du faux ? […] Le faux à une plus haute puissance ? […] »
58. Ibid., p. 39 (livre I, t. I, 87).
59. Ibid.
60. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 194
(W., XVI, 56).
61. Ibid., p. 194 (W., XV, 476).
62. Id., Aurore, op. cit., p. 334.
63. Id., La Naissance de la tragédie [1872], cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…,
op. cit., p. 227 (W., I, 342).
64. Ibid., p. 228 (W., XII, 399).
65. Id., La Volonté de puissance, op. cit., trad. par G. Bianquis, p. 102 (livre I, t. I, 220).
66. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 74.
67. Id., Le Crépuscule des idoles, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 330 (W., VIII, 161).
68. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 330
(W., XV, 228).
69. Id., Par-delà le bien et le mal, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 330 (W., VII, 16).
70. Foucault se réfère ici sans doute au chapitre 9 de La Naissance de la tragédie : « Œdipe
meurtrier de son père, époux de sa mère, Œdipe déchiffrant l’énigme du Sphinx ! Que lorsque
les forces divinatrices et magiques rompent le sortilège propre de la nature, il doit y avoir eu à
l’origine quelque prodigieuse monstruosité pour en être la cause. Car comment pourrait-on
forcer la nature à livrer ses secrets, sinon en lui résistant victorieusement, c’est-à-dire en faisant
ce qui est contre nature ? » (cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 228 ; W.,
I, 67-68).
71. Ibid.
72. Id., Aurore, op. cit., p. 418-419.
73. Ibid., p. 341.
74. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 74.
75. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 299
(W., XIV, 30).
76. Ibid., p. 213 (W., X, 324).
77. Ibid., p. 297 (W., V, 147).
78. Ibid., p. 364 (W., XVI, 167).
79. Id., La Volonté de puissance, op. cit., trad. par G. Bianquis, p. 48 (livre I, t. I, 109).
80. Id., Inédits. 1881-1886, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 175 (W.,
XII, 4).
81. Id., Inédits. 1882/1883-1888, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 291
(W., XIII, 64).
82. Ibid., p. 293 (W., XIII, 69).
83. Lettre du 26 août 1888, citée dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 293.
84. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 296
(W., XVI, 100).
85. Id., Inédits. 1881-1886, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 201 (W.,
XII, 49).
86. Id., Humain, trop humain. Un livre pour esprits libres, cité dans K. Jaspers, Nietzsche.
Introduction…, op. cit., p. 293 (W., II, 23).
87. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 293
(W., XVI, 10).
88. Id., Par-delà le bien et le mal, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 295 (W., VII, 191).
89. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 296
(W., XVI, 95).
90. Id., Écrits et Esquisses. 1869-1872, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 199 (W., XI, 24).
91. Id., Le Gai Savoir, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 291 (W., V,
332).
92. Id., Inédits. 1881-1886, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 201 (W.,
XII, 49).
93. La citation exacte porte « le » et non « la » : ce que « le savoir de l’erreur » ne transcende
pas, c’est le fait que « l’erreur [soit] la condition de la vérité »
94. Id., Inédits du temps d’Aurore, dans W., XI, 268. Voir la citation complète de Nietzsche
supra, feuillet 134, p. 163 et note 13.
95. Id., Écrits et Essais. 1873-1876, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 229 (W., X, 208).
96. Ibid., p. 213 (W., X, 34-35).
97. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 293
(W., XVI, 97).
98. Id., Inédits. 1882/1883-1888, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 294
(W., XIV, 40).
99. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 195
(W., XVI, 84).
100. Id., Le Gai Savoir, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 203 (W., V,
11).
101. Id., Ainsi parlait Zarathoustra, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 201 (W., VI, 112).
102. Id., Humain, trop humain, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 202
(W., III, 201).
103. Charles Andler, Nietzsche. Sa vie et sa pensée, t. VI, La Dernière Philosophie de
Nietzsche. Le Renouvellement de toutes les valeurs, 10e éd., Paris, Gallimard, 1931, p. 357.
104. C’est dans son Gai Savoir (aphorisme 372) que Nietzsche affirme que rien n’est resté de
Spinoza que ce bruit d’ossements.
105. F. Nietzsche, Inédits. 1881-1886, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 231 (W., XII, 259).
106. Id., Inédits. 1882/1883-1888, cité dans K. Jaspers, Nietzsche, op. cit., p. 231 (W., XIV,
253).
107. Id., Poésies, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 231 (W., VIII, 432).
108. Pour entendre cette expression énigmatique, on peut reprendre un développement inédit
daté de 1955-1956 (Boîte 65, dossier 1) : « La pesée du monde. […] – l’aurore : le matin
d’avant le matin, ni la nuit ni le jour : ni l’apparence ni la dissolution de toute apparence, mais
l’apparaître de l’apparence, que l’apparence cache dans sa jalousie (Eifersucht). Dans cette
clarté qui n’est pas encore diurne, qui n’est pas encore apparence, le monde est : déchiffrable,
pensable, fini, offert au plaisir, aménagé par les rêves, ouvert dans ses secrets ; une chose
humaine et bonne. » La « pesée du monde » fait référence au passage des « Trois maux » dans
Ainsi parlait Zarathoustra : « En rêve, dans l’ultime rêve de l’aube, je me trouvais aujourd’hui
debout sur un promontoire, au-delà du monde, et tenant une balance, je pesais le monde. Oh !
pourquoi faut-il que l’aurore m’ait trop tôt surpris ! Elle m’a éveillé par son ardent reflet, la
jalouse ! » (trad. par G. Bianquis, op. cit., p. 372-373).
109. F. Nietzsche, La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…,
op. cit., p. 376 (W., XVI, 39).
110. Ibid. (W., XVI, 372).
111. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 339.
112. Ibid., p. 337 ; trad. légèrement modifiée par Foucault.
113. Ibid., p. 338.
114. Ibid., p. 340.
115. Id., Inédits. 1882/1883-1888, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 377 (W., XIV, 364).
116. Id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 339 ; trad. légèrement modifiée par Foucault.
117. Id., Inédits. 1882/1883-1888, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 408 (W., XIII, 385).
118. Id., Le Gai Savoir, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 409 (W., V,
142-145).
119. Id., La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit.,
p. 409 (W., XVI, 244).
120. Ibid., p. 410 (W., XV, 116).
121. Propos rapportés par Carl Albrecht Bernoulli, Franz Overbeck und Friedrich Nietzsche.
Eine Freundschaft, Iéna, E. Diederichs, 1908, p. 234, cités dans K. Jaspers, Nietzsche.
Introduction…, op. cit., p. 410.
122. « Pour ne point parler du tout de la sottise dans l’indignation morale qui est, chez un
philosophe, le signe infaillible que l’humour philosophique l’a quitté. Le martyre du philosophe,
son “sacrifice pour la vérité”, fait venir au jour ce qu’il tient de l’agitateur, du comédien, caché
au fond de lui-même. Et, en admettant que l’on ne l’ait considéré jusqu’à présent qu’avec une
curiosité artistique, pour plus d’un philosophe, on comprendra, il est vrai, le désir dangereux de
le voir une fois, de le contempler une fois sous un aspect dégénéré (je veux dire dégénéré
jusqu’au “martyr”, jusqu’au braillard de la scène et de la tribune). En face d’un pareil désir, il
faut cependant bien se rendre compte du spectacle qui nous est offert : c’est une satire
seulement, une farce présentée en épilogue, la démonstration continuelle que la longue tragédie
véritable est terminée ; en admettant que toute philosophie fût à son origine une longue
tragédie » (id., Par-delà le bien et le mal, op. cit., p. 54).
123. Id., L’Origine de la tragédie, op. cit., p. 221-222.
124. Comme indiqué, le manuscrit portait d’abord « Répétition et retour » comme titre du
dernier développement consacré à Nietzsche. L’élaboration du concept nietzschéen de répétition
(ce terme est du reste présent tout au long du cours et représente une véritable grille
d’intelligibilité pour Foucault) et de son rapport avec l’Éternel Retour est présente dans un
inédit de la Boîte 65 (six premiers feuillets du dossier « Uppsala, 1955-1956 »), permettant de
faire le lien avec l’Histoire de la folie à l’âge classique (Paris, Gallimard, 1972, d’abord paru en
1961 sous le titre Folie et Déraison), puisque c’est là que s’élabore aussi le concept de déraison.
125. Titre du septième et dernier chapitre du quatrième et dernier livre de La Volonté de
puissance (op. cit., t. II, p. 438 ; voir fragment 23 [13] de 1888 dans l’édition de Giorgio Colli et
Mazzino Montinari). Georges Bataille dans L’Expérience intérieure (Paris, Gallimard, 1943)
reprend cette expression dans son évocation de Nietzsche : « il eut pour fin non la connaissance
mais, sans séparer les opérations, la vie, son extrême, en un mot l’expérience elle-même,
Dionysos philosophos » (p. 51).
126. K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 187.
127. Ibid., p. 188.
128. Ibid., p. 124.
129. Ibid.
130. F. Nietzsche, La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…,
op. cit., p. 437 (W., XV, 381) ; trad. légèrement modifiée par Foucault.
131. Ibid. (W., XVI, 380).
132. K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 201.
133. Ibid., p. 432.
134. Ibid.
135. Ibid., p. 433. Jaspers écrit : « La confusion entre la vérité objectivement explorable et la
vérité éclairable, ou la confusion entre la connaissance toujours particulière et relative des
choses de ce monde [et] la transcendance entraîne l’ambiguïté qui naît lorsque, pour s’exprimer,
la transcendance se sert des concepts de la connaissance de la nature, de la psychologie et de la
sociologie. »
136. Ibid., p. 434.
137. Ibid., p. 364-365.
138. Cette phrase est précédée de la mention : « Voir fiche : Jaspers, Critique de la philosophie
de l’histoire ; Origine de la philosophie de l’homme. » Les fiches de lecture sur Jaspers dans la
Boîte 37 concernent Psychologie der Weltanschauungen (Psychologie des conceptions du
monde ; 1919). Il y est question de la fin de la « philosophie prophétique » et des rapports entre
psychologie, histoire et philosophie (feuillets 569 et suiv.).
139. F. Nietzsche, La Volonté de puissance, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme,
op. cit., p. 63 (W., XV, 204).
140. K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme, op. cit., p. 64.
141. F. Nietzsche, Inédits. 1882/1883-1888, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme,
op. cit., p. 72 (W., XIV, 204).
142. C’est ainsi que Nietzsche qualifie l’humanité dans Ainsi parlait Zarathoustra (« Des
grands événements »).
143. F. Nietzsche, Inédits. 1881-1886, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme,
op. cit., p. 73 (W., XII, 24).
144. Johann Wolfgang von Goethe à Fritz Schlosser, Goethe-Briefe aus Fritz Schlossers
Nachlass, éd. par Julius Frese, Stuttgart, Krabbe, 1877, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le
christianisme, op. cit., p. 74.
145. F. Nietzsche, Inédits. 1882/1883-1888, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme,
op. cit., p. 74 (W., XIII, 304).
146. K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme, op. cit., p. 75.
147. Ibid., p. 79.
148. Ibid., p. 80.
149. Ibid., p. 81.
150. F. Nietzsche, La Généalogie de la morale, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le
christianisme, op. cit., p. 13 (W., VII, 275).
151. K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme, op. cit., p. 72.
152. Jaspers a développé l’idée que les limites ne sont jamais une simple barrière, mais, autant
pour la pensée que pour les existences, un point de révélation, un appel, une provocation à soi,
une épreuve existentielle. Cet aspect avait été bien repéré par Gabriel Marcel (« Situation
fondamentale et situations limites chez Karl Jaspers », Recherches philosophiques, vol. 2, 1932-
1933, p. 317-348) et Jeanne Hersch dans son Illusion philosophique, publiée en 1936 et
consacrée à la pensée de Jaspers (Paris, Félix Alcan), qui elle aussi insistait sur cette dimension
créatrice de la limite chez Jaspers.
153. L’expression revient plusieurs fois dans le livre (K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme,
op. cit., p. 13, 15, 59, etc.).
154. K. Jaspers, Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 440.
155. Ibid., p. 441.
156. Ibid., p. 449.
157. F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, cité dans K. Jaspers, Nietzsche et le
christianisme, op. cit., p. 119 (W., VI, 241).
158. K. Jaspers, Nietzsche et le christianisme, op. cit., p. 108-109.
159. Id., Nietzsche. Introduction…, op. cit., p. 460.
160. Id., Nietzsche et le christianisme, op. cit., p. 120.
161. W. Dilthey, « Die Entstehung der Hermeneutik » [1900], G.S., V, 317-331 (trad. fr. : Écrits
d’esthétique, suivi de La Naissance de l’herméneutique, trad. par S. Mesure, Paris, Éditions du
Cerf, 1995).
162. Martin Heidegger, Erläuterungen zu Hölderlins Dichtung, Francfort-sur-le-Main, Vittorio
Klostermann, 1944.
163. « Der letzte, aber auch schwerste Schritt jeder Auslegung besteht darin, damit das im
Gedicht rein Gedichtete um einiges klarer dastehe » (ibid., p. 7).
164. « Mit ihren Erläuterungen vor dem reinen Dastehen des Gedichtes zu verschwinden »
(ibid., p. 8).
165. « Er ist gut, wenn wir das meinen » (ibid.).
166. « Wir wollen nicht nur, sondern müssen die Griechen besser verstehen, als sie sich selbst
verstanden. Nur so besitzen wir das Erbe wirklich » (M. Heidegger, Heidegger Gesamtausgabe,
éd. par Friedrich-Wilhelm von Herrmann, Francfort-sur-le-Main, Vittorio Klostermann, t. XXIV,
1975, p. 157). Ce cours a été professé par Heidegger à l’université de Marbourg durant le
semestre d’été de 1927, paru en allemand du vivant de l’auteur en 1975. La traduction française,
réalisée par Jean-François Courtine, date de 1985 : « Non seulement nous voulons, mais nous
devons nécessairement comprendre les Grecs mieux qu’ils ne se comprenaient eux-mêmes.
C’est à cette seule condition que nous prendrons effectivement possession de l’héritage » (id.,
Les Problèmes fondamentaux de la phénoménologie, trad. par J.-F. Courtine, Paris, Gallimard,
1985, p. 141).
167. Lettre à Georg Brandes du 4 janvier 1889, Turin (Nietzsche signe : « Le Crucifié »), dans
F. Nietzsche, Dernières Lettres, hiver 1887-hiver 1889. De La Volonté de puissance à
L’Antichrist, trad. par Yannick Souladié, Paris, Manucius, 2011.
168. K. Löwith, Heidegger. Denker in dürftiger Zeit, Francfort-sur-le-Main, S. Fischer, 1953,
p. 92, note 2.
169. M. Heidegger, Sein und Zeit, dans E. Husserl (dir.), Jahrbuch für Philosophie und
phänomenologische Forschung, vol. 8, 1927, p. V-IX et 1-438, § 76 : « La possibilité que
l’enquête historique présente “pour la vie” une “utilité” ou des “inconvénients” se fonde dans le
fait que la vie même est historiale à la racine de son être, et qu’elle s’est par suite à chaque fois
déjà décidée, en tant que facticement existante, pour une historialité authentique ou
inauthentique. Nietzsche, dans la deuxième de ses Considérations intempestives (1874) a
reconnu, et a dit avec autant de netteté que de pénétration l’essentiel au sujet de l’“utilité et des
inconvénients de la science historique pour la vie” » (trad. fr. : M. Heidegger, Être et Temps,
trad. par Emmanuel Martineau, Paris, Authentica, 1985, p. 297).
170. « Nietzsches Wort “Gott ist tot” », dans M. Heidegger, Holzwege, Francfort-sur-le-Main,
Vittorio Klostermann, 1950 ; trad. fr. : « Le mot de Nietzsche : “Dieu est mort” », dans Chemins
qui ne mènent nulle part, trad. par Wolfgang Brokmeier, Paris, Gallimard, 1962, p. 253-322.
171. M. Heidegger, Überwindung der Metaphysik [1936-1946], dans Vorträge und Aufsätze,
op. cit. ; trad. fr. : Essais et Conférences, op. cit., p. 80-115.
172. Id., Was heisst Denken ?, Tübingen, M. Niemeyer, 1954 ; trad. fr. : Qu’appelle-t-on
penser ?, trad. par Aloys Becker et Gérard Granel, Paris, PUF, 1959.
173. Id., Wer ist Nietzsches Zarathustra ? [1953], dans Vorträge und Aufsätze, op. cit. ;
trad. fr. : Essais et Conférences, op. cit., p. 116-150.
174. Foucault fait suivre la citation de l’indication « (H.) » qui peut renvoyer aussi bien à
Heidegger qu’à ses Holzwege. Heidegger évoque ainsi : « le danger que l’homme ne s’installe
avec toujours plus d’obstination à la simple surface et sur la seule façade de son essence
traditionnelle » (id., Qu’appelle-t-on penser ?, op. cit., p. 53).
175. « L’homme est la bête non encore déterminée » (F. Nietzsche, Par-delà le bien et le mal,
cité par M. Heidegger, dans Qu’appelle-t-on penser ?, op. cit., p. 53). Henri Albert traduit :
« l’homme est un animal dont les qualités ne sont pas encore fixées » (F. Nietzsche, Par-delà le
bien et le mal, op. cit., p. 111).
176. M. Heidegger, « Cours du semestre d’hiver 1951-1952 », dans Qu’appelle-t-on penser ?,
op. cit., p. 53-60.
177. « L’achèvement de la métaphysique commence avec la métaphysique hégélienne du savoir
absolu entendu comme esprit de la volonté » (id., Essais et Conférences, op. cit., p. 86).
178. F. Nietzsche, Le Gai Savoir, op. cit., aphorisme 125, p. 179 ; trad. légèrement modifiée par
Foucault.
179. Ibid., p. 180.
180. Voir supra, note 20.
181. « La tentative pour éclaircir le mot de Nietzsche “Dieu est mort” a la même signification
que la tâche d’exposer ce que Nietzsche, pour démontrer sa propre position par rapport à lui,
entend par nihilisme » (M. Heidegger, « Le mot de Nietzsche : “Dieu est mort” », art. cité,
p. 262).
182. « Le “monde-vérité” et le “monde-apparence”, traduisez : le monde inventé et la réalité
[…] » (F. Nietzsche, Ecce homo, op. cit., « Préface », p. 12).
ARIANNA SFORZINI
SITUATION DU COURS
On trouve dans les archives de Michel Foucault 1 déposées à la Bibliothèque
nationale de France (BNF) une boîte numérotée 46, intitulée « Cours à
l’université de Lille ». Cette boîte, rassemblant plus de quatre cents
feuillets, comprend plusieurs dossiers contenant : des développements
concis qui ont pu servir de « mini-cours » pour agrégatifs sur des sujets
divers 2, deux manuscrits 3 et un cours complet à destination des étudiants.
C’est ce dernier texte que nous éditons ici, sous le titre La Question
anthropologique 4.
Ces leçons ont été prononcées à l’École normale supérieure (ENS)
pendant l’année scolaire 1954-1955, mais peut-être avaient-elles déjà fait
l’objet d’une première présentation à l’université de Lille (ou encore à
l’ENS avant 1954) 5. Les notes de l’année 1954-1955 déposées à l’Institut
Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) par Jacques Lagrange 6, très
assidu aux cours donnés par Foucault rue d’Ulm, reproduisent de manière
quasi exhaustive 7 le déroulé du manuscrit. Par ailleurs, d’autres notes,
prises cette fois par Gérard Simon dans le même cadre, précisent la date 8 :
les leçons auraient eu lieu au cours du mois de décembre 1954 et des
premiers mois de 1955.
La première page du manuscrit porte « Chap. 1. Connaissance de
l’homme et réflexion transcendantale », comme si Foucault tenait à donner
à ce cours la forme virtuelle d’un livre. Mais on ne trouve aucune mention,
dans les pages qui suivent, d’un deuxième et troisième chapitres. Nous
avons donc fait le choix de désigner l’ensemble de ces leçons manuscrites
sous un titre plus général : La Question anthropologique. La façon dont la
philosophie a été saisie par l’exigence anthropologique – mais aussi les
formes et les aléas de ce saisissement – sert de fil rouge à la réflexion
foucaldienne. La première page des notes de Jacques Lagrange,
correspondant au début du manuscrit, porte d’ailleurs en guise de titre :
« Problèmes de l’anthropologie/Foucault ».
En octobre 1955, avant qu’il ne quitte Paris pour Uppsala (Suède) pour
y occuper le poste de lecteur et directeur de la Maison de France, Foucault
mène une série de recherches théoriques à la fois en philosophie et en
psychologie 9. Après une agrégation de philosophie réussie en 1951, c’est
comme assistant en psychologie qu’il a été recruté à la Faculté des lettres de
Lille à partir du mois d’octobre 1952 (il y dirigea l’Institut de
psychologie 10), et c’est sous ce même titre qu’il enseigna à l’ENS 11. Sur la
base de cet intérêt pour la psychologie, il a pu fréquenter Jean Delay à Paris
et effectuer des stages à l’hôpital Sainte-Anne, ainsi que nouer des liens
avec Jacqueline Verdeaux qui le mit en relation avec Ludwig Binswanger,
son initiateur à la psychiatrie existentielle 12. Son rapport à la psychologie
est néanmoins polémique : il ne cesse d’en contester l’empirisme borné et le
naturalisme aveugle. Tout en en maîtrisant parfaitement l’histoire et les
développements scientifiques les plus récents 13, il recherche toujours le
dépassement de sa version positiviste, prenant appui pour cela, assez
classiquement, sur la phénoménologie ou le marxisme. Dans le même début
des années 1950, Foucault comme on l’a dit rédige deux autres manuscrits 14
qu’il renonce à publier – le premier sur la psychiatrie existentielle de
Binswanger et le second sur la phénoménologie husserlienne –, dans
lesquels il tente de trouver des voies critiques de dépassement de la
psychologie positive.
Le cours sur l’anthropologie de 1954-1955 détonne donc par un contenu
purement philosophique, alors même qu’il n’aurait pas été surprenant de le
voir élaborer le projet anthropologique à partir des acquis de la psychologie,
comme l’avait fait par exemple Philippe Muller quinze ans auparavant en se
fondant sur les travaux de Max Scheler 15. Dans ce cours, de René Descartes
à Martin Heidegger, de Nicolas de Malebranche à Ludwig Feuerbach, de
Gottfried Wilhelm Leibniz à Georg Wilhelm Friedrich Hegel, d’Immanuel
Kant à Friedrich Nietzsche, chaque fois des philosophes majeurs sont
convoqués pour retracer le destin de l’anthropologie. Or, dans les mêmes
années 1953-1955, Foucault ne laisse pas transparaître cette inquiétude
philosophique puissante dans ses textes publiés. Il y a le manuscrit sur la
phénoménologie husserlienne, certes, témoignant aussi de ses lectures
approfondies de Maurice Merleau-Ponty et Martin Heidegger, mais qui n’a
pas abouti à une publication de son vivant. À cette époque, Foucault
travaille à la rédaction de deux articles sur la psychologie 16, il rédige une
introduction à la traduction d’un ouvrage de Binswanger (Le Rêve et
l’Existence 17), il corrige les épreuves de son premier livre (Maladie mentale
et Personnalité 18). Dans l’ensemble de ces écrits publics, il n’est jamais
question de Leibniz ou de Nietzsche, de Malebranche ou de Kant.
Le sens que Foucault donne à l’« anthropologie » est spécifique.
Au sens universitaire en effet – il suffit de consulter n’importe quelle
« histoire de l’anthropologie » pour s’en convaincre 19 –, le terme désigne
cette discipline qui, à partir essentiellement de l’étude des sociétés dites
« archaïques », « sans histoire » (sur fond de préjugés évolutionnistes, elles
étaient autrefois appelées « primitives »), pose la question de la nature
humaine, de son unité et de sa définition. L’habitude savante la plus
prégnante a été d’opposer à cette recherche fondée sur l’ethnologie ou
l’ethnographie une anthropologie « physique » (on préfère aujourd’hui
l’adjectif « biologique ») : cette dernière retrace l’histoire naturelle de
l’humanité comme espèce vivante 20. Or Foucault, dans ce cours où il se
concentre largement sur le XIXe siècle, n’évoque à aucun moment les
premières écoles d’anthropologie ni leurs représentants : ni Lewis Henri
Morgan, ni Edward Burnett Tylor, ni James George Frazer ; pourtant, il est
bien question d’évolutionnisme. On ne rencontre pas davantage Émile
Durkheim, Marcel Mauss ou Lucien Lévy-Bruhl, et rien sur le culturalisme
américain ou le fonctionnalisme britannique non plus. Même Claude Lévi-
Strauss et son anthropologie structurale, dont la thèse et certains des articles
essentiels avaient déjà paru 21, sont absents.
Puisque sont privilégiés ici les grands philosophes de la tradition
occidentale (Kant, Hegel, etc.), on pourrait penser que Foucault explorerait
au moins les conditions d’émergence d’une anthropologie cette fois
proprement philosophique. Mais par « anthropologie philosophique », on
entend déjà dans les années 1950 principalement deux mouvements de
pensée bien stabilisés 22. D’abord, un courant théorique d’inspiration
allemande, illustré par trois références majeures (Max Scheler, Helmuth
Plessner et Arnold Gehlen 23) qui tentent de faire fond, de manière toutefois
diversifiée, sur les acquis de la biologie contemporaine afin de ressaisir la
« différence » humaine 24. Soit encore une réflexion méta-historique
(Bernard Groethuysen, Michael Landmann 25) qui raconte comment, depuis
Socrate, une certaine « essence » de l’homme n’a cessé de se chercher et de
se définir dans la philosophie. Foucault a sans doute connaissance de ces
auteurs 26, mais le parcours de pensée du cours est irréductible à ces deux
entreprises. L’anthropologie telle qu’il l’entend n’est ni une discipline
universitaire déterminée (culturelle ou biologique) ni un projet
philosophique fondamental. Certes, il commence dans les premières pages
par un « repérage sémantique » rapide, qui va du livre d’Ernst Platner
(1772) à celui de Paul Häberlin (1941) 27, pour montrer comment, au
e
XIX siècle, les « ouvrages d’anthropologie » se sont initialement distribués
L’ANTHROPOLOGIE IMPOSSIBLE
e
L’intérêt de Foucault pour la philosophie du XVII siècle a toujours été
marqué. On se souvient qu’au moment de répondre aux objections que
Jacques Derrida portait contre sa lecture, dans l’Histoire de la folie, d’un
fragment des Méditations, Foucault avait su déployer une connaissance
méticuleuse du texte de Descartes 35. On trouve du reste dans les archives de
la BNF une série de documents 36 remontant aux années de formation à
l’ENS, se présentant moins comme des fiches de lecture que comme des
mini-cours ou des bilans réflexifs sur des sujets divers : « L’esprit de
Descartes », « Histoire des Méditations », etc. Le texte intitulé « La
méthode des Méditations » est particulièrement étonnant : il contient
l’essentiel de ce que Foucault plus tard opposa à Derrida (dans « Mon
corps, ce papier, ce feu »), à savoir que les Méditations doivent être
comprises moins comme un fil démonstratif que comme un processus
spirituel entraînant, pour le rédacteur ou le lecteur, une série de
transformations éthiques 37. On se rappelle aussi qu’un des tout premiers
projets de thèse envisagés par Foucault avait été un « Malebranche
psychologue », sous la direction d’Henri Gouhier 38, lequel pouvait
apparaître à l’époque comme l’un des plus pointus spécialistes de
l’oratorien 39.
C’est donc armé de cette culture cartésienne – dont témoignent
également, au milieu des années 1960, une série de leçons encore inédites
sur Descartes qu’il prononça à l’université de Tunis 40 – que Foucault
entreprend de démontrer, dans la première partie du cours, pourquoi l’idée
d’un questionnement anthropologique, à la fois autonome et fondateur pour
la pensée philosophique, est impensable à l’âge classique. En bref :
pourquoi la question « qu’est-ce que l’homme ? » ne pouvait pas se poser.
Certes, on peut faire état ici et là de l’usage attesté du terme même
d’« anthropologie » (anthropologia en latin), dans un sens du reste surtout
théologique 41 ; on peut arguer du fait que Descartes a bien rédigé un traité
de L’Homme, mais le compte n’y est pas pour Foucault : il ne s’agit jamais,
pour la philosophie classique, d’établir un rapport sans médiation de
l’homme à sa propre vérité, de faire de ce dernier l’épicentre en même
temps que le destinataire d’un monde qui le rendrait familier à lui-même.
On a pu, à cet empêchement, trouver un certain nombre de raisons :
prééminence écrasante du thème théologique, dualisme radical de l’âme et
du corps, promotion de formes trop abstraites de rationalité. Mais c’est un
autre triptyque d’« obstacles 42 » que Foucault va dresser : une pensée de la
nature infinie défigurant le thème grec du « monde » (kosmos) ; une
trajectoire de l’imagination qui la contraint à n’être jamais que la structure
d’indication d’un Verbe transcendant ; enfin, une plénitude d’être (bonheur)
qui n’est jamais atteinte que par l’intervention de la Grâce divine.
C’est en 1962 seulement, avec la publication en français de Du monde
clos à l’univers infini 43, que les études historiques d’Alexandre Koyré
connaissent en France le succès qu’elles méritent. Mais Foucault avait déjà
pris connaissance, pour son cours, des Études galiléennes de 1939 44.
Faisant fond sur les thèses de Koyré, mais aussi sur celles de Pierre
Duhem 45, et prenant appui sur l’exemple de la théorie du mouvement chez
Aristote et Descartes, Foucault montre comment le concept classique d’une
nature « écrite en langage mathématique » (Galilée), pleine de la gloire de
Dieu, incommensurable à un homme prisonnier de son imperfection, efface
le thème grec d’un kosmos animé d’une rationalité téléologique et faisant
sens pour l’homme et ses projets. La Natura infinie des classiques rend le
« monde » impensable et, partant, l’anthropologie impossible – cette
dernière supposant une circularité parfaite et sans reste entre l’homme, sa
vérité et son monde 46.
Le deuxième pan du triptyque porte sur l’imagination 47. Par elle en
effet, l’homme peut tisser des liens avec un monde fini, concret, à la mesure
cette fois de sa vérité : celui de la sensibilité et des images. C’est ici que
Malebranche et sa théorie du « jugement naturel », particulièrement étudiée
par Foucault 48, sont convoqués pour faire valoir que l’imagination ne
dessine jamais à l’homme le chemin de sa propre vérité (même négative :
illusions et erreurs). En tant que tels, ni le corps, ni les sens, ni les images
ne sont trompeurs : ils véhiculent toujours, sous la forme simplifiée d’un
vade-mecum pratique, les vérités instituées de la nature. Ce qui peut
apparaître comme mensonger dans les informations du corps provient d’un
brouillage causé par les croyances de l’âme. Les images, prises en elles-
mêmes, ne contiennent aucune vérité proprement humaine. Elles ne font
que décliner, selon leur ordre propre, ces lois physiques qui font la
perfection de la nature. Le monde sensible ne formule jamais pour les
classiques le langage de sa propre vérité, il s’épuise à indiquer la Création.
Le dernier pan du triptyque 49 semble pourtant esquisser la possibilité
d’une anthropologie, rendue impensable par l’infinité mathématique de la
nature et le mouvement de l’imagination, à partir de l’examen de la
condition humaine aux deux extrémités de son histoire. Après tout, ce
bouclage de l’homme sur sa propre vérité ne doit-il pas être réfléchi comme
profondément inactuel ? En effet, il s’accomplirait soit dans la condition
paradisiaque (compromis ensuite par le péché originel), soit après la mort
comme récompense du juste dans la cité bienheureuse des élus. Il n’y aurait
d’anthropologie pensable qu’à travers la description de l’homme avant ou
après l’histoire.
C’est là que, reprenant Malebranche, Foucault décrit la possibilité d’un
cercle vertueux, en Adam, de sa vérité, de sa liberté et de sa nature 50 –
cercle que le péché brisera. Cependant, ce cercle ne tient pas son
mouvement de lui-même. Il demeure animé par Dieu, de telle sorte que la
condition paradisiaque, même si elle le rend totalement transparent à sa
vérité et à sa liberté, suspend Adam au bord de toute anthropologie
possible. Convoquant, à l’autre bout, la condition terminale de l’humanité
après le jugement de Dieu, Foucault, à travers la référence à Leibniz, décrit
ce monde où l’homme, au-delà de l’histoire, communiquerait sans
médiation avec sa vérité – les lois de la nature et le Verbe de Dieu étant
subordonnés à la production d’une cité des bienheureux. Toutefois, là
encore, Foucault démontre que cet état, à l’autre bout de la chaîne
temporelle, ne représente pas une complétude proprement humaine, mais
demeure l’expression de la perfection divine.
Foucault fait donc entendre, tout au long de ce premier moment, une
thèse provocatrice. Elle résonnera encore longtemps dans l’œuvre à venir,
jusqu’à parfois s’y résumer, mais elle était parfaitement articulée dès 1954 :
à l’âge classique, l’homme n’existe pas. Ou plus exactement : la pensée
classique est incapable de le faire exister dans et par sa vérité propre,
comme essence autonome ou racine du savoir. L’Histoire de la folie à l’âge
classique déplie en 1961 la même conclusion dans le chapitre intitulé « Le
cercle anthropologique 51 », dressant le constat de l’impossibilité pour la
pensée classique de faire communiquer l’homme, sa vérité et sa folie – alors
que cette équivalence sans médiation forme le cœur de l’âge moderne
(Philippe Pinel et Sigmund Freud). L’autre grand opus archéologique,
Les Mots et les Choses, reconduit, de manière plus ample encore, la même
affirmation. Seul le vocabulaire diffère : l’épistémè classique interdit qu’une
figure du savoir comme l’homme soit autre chose qu’un pli dérivé de la
représentation ; la modernité, au contraire, place cette figure (comme
doublet empirico-transcendantal) au point de gravitation et de structuration
des discours de vérité, rendant compte de l’émergence à la fois des
anthropologies philosophiques et de l’ensemble des sciences humaines.
Nietzsche, armé de son herméneutique philologique, est encore en 1966
celui qui sonne le glas de ce dispositif anthropologique, en dépit d’une
persistance « humaniste » (voir la dénonciation de Jean-Paul Sartre comme
un « homme du XIXe siècle 52 » au moment de la polémique autour des Mots
et des Choses et de la « mort de l’homme »).
Cette première étape du cours est décisive, pour autre chose pourtant
que ces effets d’annonce à long terme. Elle dessine un premier trio
conceptuel (la nature, l’imagination, le bonheur) qui se révèle structurant
pour la suite du texte. Ces concepts représentent ainsi les trois principaux
verrous à faire sauter pour rendre possible une anthropologie véritable :
penser une nature qui ne soit plus la surface d’inscription des Lois
éternelles ; une imagination qui ne soit plus asservie à la traduction d’un
Verbe transcendant ; un bonheur, enfin, qui ne dépende plus d’une Grâce
supérieure.
LA TRANSITION KANTIENNE
décroître, même si, jusque dans les années 1950, on peut dire que Nietzsche
était apprécié surtout comme poète et comme provocateur. Ce sont des
écrivains comme André Gide, Jean Giraudoux ou Paul Valéry qui ont assuré
sa première renommée 119. On interroge alors surtout son « immoralisme »,
son « antidémocratisme », son « athéisme ». Dans les années 1930, il est
revendiqué à la fois par le Collège de sociologie (Georges Bataille, Roger
Caillois, Michel Leiris) et la droite fasciste (Pierre Drieu la Rochelle, etc.).
Jean Wahl, qui avait participé à l’aventure du Collège et dont Foucault
pouvait suivre les cours en Sorbonne 120, rendait compte régulièrement des
publications nietzschéennes dans la Nouvelle Revue française 121.
La Question anthropologique nous montre que Foucault avait acquis
dès le début des années 1950 une connaissance très extensive des textes de
Nietzsche. Daniel Defert, dans sa « Chronologie », indique que Foucault
aurait « commencé un texte sur Nietzsche » au mois de novembre 1954 122.
Dans le présent volume, il se réfère très peu au texte allemand, citant
Nietzsche essentiellement dans ses traductions françaises – celles d’Henri
Albert au Mercure de France pour les textes classiques, mais aussi de
Geneviève Bianquis chez Gallimard et Aubier pour La Volonté de puissance
et le Zarathoustra. Pour autant, Foucault n’épouse pas les contours de cette
première réception française, pas plus qu’il n’anticipe son propre Nietzsche
« généalogiste ». Inscrivant l’œuvre dans le destin philosophique brisé de
l’anthropologie, il lui pose essentiellement la question de la vérité – sa
compatibilité avec la nature humaine, sa compossibilité avec une essence de
la connaissance, sa dimension tragique, etc. 123. En cela, il aura été précédé
par le livre de Karl Jaspers de 1936 : Nietzsche. Einführung in das
Verständnis seines Philosophierens. Une grande partie des citations
présentes dans le cours proviennent d’ailleurs de cet ouvrage, dans sa
traduction française 124.
Le parcours emprunté par Foucault pour éprouver l’effet dynamite de la
conception nietzschéenne de la vérité sur l’anthropologie est long,
compliqué, parfois sinueux. Cinq angles d’attaque peuvent être distingués,
qui dessinent des cercles concentriques plus qu’ils ne s’étagent de manière
démonstrative. Mais il s’agit toujours d’une même entreprise : montrer
comment la pensée de Nietzsche fait s’effondrer toute anthropologie
possible, en dénouant le rapport de l’homme à sa vérité. Ce « dénouement »
s’effectue par une remise en cause violente de l’idée de vérité, qu’elle soit
dénoncée comme fiction, illusion (ce qui jette a fortiori le discrédit sur une
prétendue « essence humaine »), ou qu’elle soit réinvestie comme exercice
dionysiaque de la pensée, obligeant l’homme qui veut l’éprouver et la défier
à transgresser ses propres limites et à faire l’expérience de son déchirement
indéfini (passage au « surhomme »).
Le premier angle d’attaque est paradoxal : il concerne l’évolutionnisme
de Charles Darwin 125. Au même moment, dans Maladie mentale et
Personnalité, Foucault s’attache à montrer combien la doctrine
évolutionniste (il cite les Croonian Lectures de John Hughlings Jackson 126)
entraîne immanquablement la psychopathologie vers les morosités cliniques
du concept de régression 127. Il y pointe ses profondes « insuffisances » pour
capter les vérités de la folie. Au contraire dans ce cours, ressaisie
philosophiquement (ce que sans doute seuls Nietzsche et Freud auront osé
faire), la rupture darwinienne, quand bien même elle autorise les platitudes
des anthropologies biologiques, mine profondément le dispositif
anthropologique. Car l’« essence humaine » ne peut trouver sa vérité qu’en
acceptant de s’enfoncer dans des couches d’animalité, des courants de vie
archaïques, qui dissolvent les traits unis et rassurants de son visage.
Le deuxième angle d’attaque tente de saisir la singularité d’un geste
critique qui outrepasse Kant et s’attaque à l’idée même de vérité 128. Ce
geste fait surgir une pensée vraiment libre qui affronte, au prix de la
solitude, le danger de considérer la vérité comme un préjugé ne valant pas
mieux que l’erreur. Il réactive également le souvenir grec de la tragédie
comme origine oubliée de la philosophie, quand elle acceptait de se
confronter au point d’indissociation de la vérité et de l’erreur, de l’être et du
néant. Cette nouvelle pensée critique, qui nous émancipe de l’obligation de
vérité, est l’acide qui dissout les certitudes anthropologiques.
La déchéance d’un homme, perdu pour la vérité par la critique,
s’approfondit avec la prise au sérieux de son fond animal ou de sa structure
psychique : c’est le troisième angle d’attaque 129. Il peut sembler étrange
d’aller trouver des appuis scientifiques alors même que l’on dénonce
l’entreprise de vérité, mais ces appuis sont aussitôt subvertis par Nietzsche.
Les énoncés « scientifiques » dont il se saisit ne le conduisent pas à
simplement rabaisser les prétentions éthérées de l’homme – en exhibant son
enfermement dans des déterminations positives –, mais plutôt à produire
des concepts qui seront autant de provocations pour une pensée libre. Ainsi
l’évolutionnisme de Nietzsche met-il au défi l’homme de se confondre avec
un pur devenir. La nature et la vie dont il est question ne sont pas la patrie
pacifique des vérités premières ou le courant calme assurant à chacun sa
conservation, mais un chaos d’intensités qui sont autant d’aiguillons pour
être autrement. En outre, Nietzsche ne se fait « psychologue » que pour
mettre en accusation les notions de « conscience » et de « volonté »
(simples fictions grammaticales) et faire de la « connaissance » l’expression
avant tout d’un besoin de sécurité face au danger des instincts, du multiple,
de la vie comme lutte multiforme et explosive.
Si Nietzsche peut toutefois aussi aisément dépasser le naturalisme, qu’il
soit biologique ou psychologique, c’est qu’il a d’emblée subverti l’idée de
« nature » – et c’est le quatrième angle d’attaque 130. Au fond, Foucault lui-
même n’a cessé de faire porter au concept de nature des enjeux irréductibles
autant qu’incontournables. Confondue avec (ou soutenue par) le Verbe
(Natura sive Deus), elle était signalée comme l’obstacle majeur au
déploiement d’une anthropologie à l’âge classique – séparant l’homme de
sa vérité et le rendant dépendant de la vérité. Or, à l’âge moderne,
l’anthropologie se définit a minima comme un discours de vérité se donnant
pour objet la « nature humaine ». La nature devait alors nécessairement
constituer le « cadre » de l’anthropologie – patrie d’origine ou demeure
promise de l’homme. Elle désignera soit cette extériorité que l’homme, par
le travail et la connaissance, s’approprie progressivement jusqu’à y tracer
son visage de vérité (la nature faite « monde »), soit, plus simplement
encore, le nouage intérieur de l’homme sur la vérité (« nature humaine »
justement). Néanmoins, c’est une tout autre dimension que Nietzsche
projette ici : la nature comme danger, retour de ce qui n’a jamais
commencé, feu primitif et sauvage où s’embrasent les concepts d’homme et
de vérité. On est au plus près de ce qu’exactement vingt ans plus tard, au
crépuscule de son existence, Foucault retrouvera dans son cours sur les
cyniques : l’animalité comme mise au défi d’une répétition en soi de la bête,
la nature comme mise au scandale des vérités communes 131.
Pour Foucault, ce « retour » si particulier à une « nature » si singulière
ouvre la possibilité de ce qu’il nomme une « métaphysique de la vérité », le
cinquième et dernier angle d’attaque 132. Cette terminologie pour désigner
un cheminement critique (qui va de l’annonce par Nietzsche d’un risque de
« périr par la connaissance 133 » jusqu’à son autoproclamation comme
« bouffon de nouvelles éternités 134 ») peut surprendre, tant Nietzsche est
régulièrement reconnu ou dénoncé comme le pourfendeur de toute
métaphysique possible. Mais c’est oublier (même si évidemment l’analyse
de Foucault sera divergente) que Jaspers comme Heidegger, pour des
raisons très différentes, ont précisément montré que la pensée de Nietzsche
demeurait inscrite jusqu’au bout dans la métaphysique, parce que dépendant
d’une expérience chrétienne de la totalité pour Jaspers, ou d’un oubli initial
de l’être pour Heidegger. C’est aussi et surtout oublier que l’on peut
entendre autre chose par ce terme que la projection d’arrière-mondes – dès
La Naissance de la tragédie du reste, le pôle dionysiaque est identifié
comme « métaphysique 135 ». La « métaphysique de la vérité » conçue par
Nietzsche ne renvoie certainement pas à un platonisme séparateur des
mondes – que Foucault appelle, pour le différencier, « métaphysique de
l’idée vraie 136 ». Elle désigne d’abord une expérience critique de la pensée
opérant ce dédoublement des concepts qui rend la pensée de Nietzsche si
profondément indécidable : la « vérité » est préjugé, erreur, fiction utile ou
défi, intensité, contradiction pure ; la « connaissance » est besoin de
sécurité, défiguration rassurante ou péril suprême exigeant un courage
unique ; la « philosophie » est pieux mensonge, clarté rassurante du jour ou
acte risqué, enfoncement dans la nuit ; l’« être » est arrière-monde fictif,
transparence intelligible illusoire ou fonds opaque du monde, pli
énigmatique, chaos définitif. À partir de ces vacillations conceptuelles, cette
« métaphysique » peut dès lors désigner un « cheminement » spirituel
comprenant, comme toute bonne tragédie encore une fois, trois actes qui
sont en même temps, pour ainsi dire, trois distributions de la lumière
provoquées par l’exercice critique : le scintillement des interprétations
multiples, l’éclair de la vérité et le midi de l’être.
Premièrement, le scintillement des interprétations. Le « fondement de
l’être 137 », le fonds dionysiaque du monde, est, pour Nietzsche, non
seulement rétif à la connaissance, mais dangereux pour celui qui exerce
cette connaissance. L’impossibilité d’une connaissance absolue ne conduit
pourtant pas au renoncement, mais à l’acceptation pour la connaissance de
se faire interprétation, herméneutique, lecture partielle qui tout à la fois bute
contre et trouve sa ressource dans l’énigme de l’être, la fatalité opaque
d’une « parole » initiale.
Deuxièmement, l’éclair de la vérité. Accepter que tout soit
interprétation ne signifie pas renoncer à la vérité, et encore moins décréter
que toutes les interprétations se valent. C’est parce que « nous n’avons pas
la vérité 138 » et parce qu’il est impossible de la trouver qu’il devient urgent,
exaltant de la chercher : c’est là qu’est l’authentique courage – ce que
Foucault appelle le « principe de retournement de l’interrogation
philosophique 139 ». La pensée doit accepter de vouloir une « vérité » qui
sera toujours position et contradiction, affirmation et suppression de soi – et
qui donc représente pour la pensée son accomplissement et sa défaite. C’est
là qu’intervient la métaphore de l’éclair. Car l’éclair s’exalte dans la nuit et
s’y supprime, la nuit est sa condition et son effondrement – comme la
pensée pour la vérité.
Troisièmement, le midi de l’être. L’effort de ce cheminement, de cette
ascèse métaphysique est soutenu par une « volonté » de penser qui n’est
surtout pas « volonté de vérité 140 », ou plutôt : qui ne cesse de s’arracher à
la volonté de vérité comme quête de certitudes. Mais par là même se définit
pour elle un dernier défi. Puisque cette volonté de penser se nourrit de
l’impossibilité d’« avoir la vérité » et de « penser l’être » se dessine pour
elle « la tâche d’être la vérité, et d’être la pensée – sans se reposer sur une
vérité de la pensée ni se réfugier dans une pensée de la vérité » 141. C’est ce
moment, ce défi, que Foucault appelle le « dépassement de la vérité 142 ». La
vérité-éclair ne se dépasse pas dans une épistémologie du vrai et du faux,
mais dans une éthique du « véridique 143 ». Il s’agit pour Nietzsche de
penser au « midi de l’être », c’est-à-dire : à la verticale du monde, en ayant
dissipé les ombres des préjugés, des croyances ; dans une transparence qui
fait s’évanouir les brumes des arrière-mondes et laisse apparaître le monde
dans son immanence radicale, définitive.
Ce « midi de l’être » dont parle Foucault n’est surtout pas un « Midi de
l’Être ». La philosophie ne se réinvente pas comme expérience mystique,
elle se découvre comme « acte ». Cette expression (« acte de
philosopher 144 »), que Foucault trouve chez Karl Jaspers, permet de mieux
comprendre une série d’affirmations caractérisant ce moment de midi,
lesquelles autrement pourraient ne sembler relever que d’une rhétorique
superficiellement brillante, « khâgneuse » et un peu creuse : « l’apparence
qui se dépasse comme vérité, mais apparaît dans son apparaître à la lumière
de l’être » ; « Dionysos, c’est donc le retour au monde, le retour à
l’apparence du monde dans la lumière de l’être par-delà la négation de la
vérité du monde » ; « la vérité a disparu dans l’apparaître de l’apparence qui
transparaît au travers de la lumière de l’être 145 »…
Disons les choses un peu autrement : le midi de l’être, c’est le thème
d’un regard vertical sans concession porté sur l’immanence, laquelle se
donne à voir une fois dissipées les idéologies. On ne s’étonnera pas alors du
fait que, bien plus tard, Foucault s’autorise de Nietzsche pour redéfinir la
philosophie comme « diagnostic du présent 146 ». La formule est ramassée,
mais c’est du même « acte de penser » qu’il s’agit : un acte situé au « midi
de l’être » parce que vertical ; un acte « véridique », mais qui ne se soutient
d’aucune vérité instituée ; un acte supportant la lumière crue qui fait voir
au-delà des croyances. Et cet acte condamne en même temps à la solitude
celui qui l’exerce, parce que, comme le rappelle Zarathoustra, les moutons
préféreront toujours l’« ombre fraîche » au soleil (Ainsi parlait
Zarathoustra, « Des érudits »).
Et s’il faut un nom pour illustrer cette « métaphysique de la vérité » qui
s’accomplit dans un « dépassement de la vérité », un nom pour personnifier
l’éclat de l’éclair et la lumière de midi, pour dire la souffrance et la joie de
cette ascèse, on choisira : Dionysos – « Dionysos philosophos 147 ».
Dionysos pour Foucault, c’est un nom pour dire l’intensité. L’intensité,
c’est toujours le point de superposition, d’indissociation de la vérité et de
l’erreur, de la joie et de la souffrance, de la vie et de la mort, de la nuit et du
jour, de l’éternité et de l’instant. L’éclair aveugle, midi éblouit. Moment
ultime, méditation terminale. Foucault veut faire résumer par le dieu
extatique le pari fou de Nietzsche. Les interprétations lénifiantes du
dionysiaque (courant de vie, puissance de l’instant…) sont vite écartées.
Livrant sa propre lecture du dionysiaque, Foucault rappelle la réécriture
nietzschéenne du mythe du labyrinthe 148 : Ariane, après avoir sauvé Thésée
de sa volonté de vérité, le perd en l’affrontant à la vérité de son désir ; et
elle-même abandonnée, perdue bientôt par Thésée, se sauvera dans
Dionysos (« ne faut-il pas commencer par se haïr, lorsqu’on doit
s’aimer ?… / je suis ton labyrinthe… 149 »). Tout ce jeu de la perte et du salut
– où la perte toujours équivaut au salut, le salut à la perte –, cette fable
réinventée, doit selon Foucault nous faire leçon. De la même manière que
Marx disait que pour obtenir l’émancipation concrète des hommes, on ne
doit attendre aucun secours des propos humanistes mais qu’il faut faire
confiance aux luttes difficiles, douloureuses, Nietzsche nous enseigne qu’il
est inutile d’espérer qu’au soleil de midi le « véridique » puisse promettre la
restauration d’un homme authentique. Surgira plutôt le « bouffon de
nouvelles éternités 150 ».
LIBERTÉ ET VÉRITÉ
Beauté : 1.
Bedeutung (signification) : 1, 2, 3 n.53, 4 n.144 à 5.
Bildung (culture, formation) : 1, 2, 3 n.55.
Biologie/biologique : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10-11, 12,
13-14.
Bonheur : 1, 2, 3, 4-5, 6-7, 8, 9, 10, 11 n.102, 12, 13,
14, 15-16.
Échange : 1, 2 n.83.
Égoïsme : 1, 2-3.
Élucidation : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8.
Empirisme/empirique : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8 n.13, 9 n.78.
Énigme : 1-2, 3, 4-5, 6, 7, 8-9, 10 n.70.
Entendement : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 n.152, 10, 11,
12.
Épreuve : 1, 2, 3, 4, 5, 6 n.152, 7 n.173.
Erinnerung (souvenir) : 1, 2 n.125, 3.
Erlebnis (expérience vécue) : 1-2, 3, 4, 5 n.139, 6 n.140-143-
151, 9 n.157.
Erreur : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10-11, 12 n.d, 13, 14-
15, 16, 17, 18-19, 20, 21, 22.
Espace : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10-11, 12 n.41.
Étendue : 1, 2, 3.
Esprit : 1-2, 3, 4-5, 6, 7, 8 n.4, 9-10, 11, 12, 13-14, 15,
16-17, 18 n.2., 19 n.3, 20 n.159, 21-22, 23, 24-25, 26, 27,
28, 29.
Essence : 1, 2-3, 4-5, 6-7, 8, 9-10, 11-12, 13-14, 15, 16,
17-18, 19 n.43, 20-21, 22-23, 24-25, 26-27, 28, 29, 30, 31,
32, 33 n.174, 34-35, 36, 37-38, 39, 40, 41, 42.
Esthétique : 1, 2, 3 n.y.
Étant : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8.
Éthique : 1, 2-3, 4 n.24, 5, 6-7, 8-9, 10 n.173.
Étrangeté/étranger : 1 n.32, 2, 3-4, 5, 6, 7.
Être (sens d’–) : 1-2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.
Évolutionnisme/évolution : 1, 2, 3 n.158, 4, 5, 6, 7 n.a, 8,
9, 10-11, 12, 13-14.
Exil : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8 n.i, 9, 10, 11.
Existence : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8-9, 10-11, 12, 13, 14-15,
16-17, 18, 19, 20, 21-22, 23-24, 25, 26, 27.
Expérience : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7-8, 9, 10-11, 12-13, 14,
15, 16-17, 18, 19, 20-21, 22-23, 24, 25, 26 n.119, 27 n.153,
28, 29 n.d, 30, 31, 32, 33, 34 n.125, 35 n.37, 36, 37, 38,
39, 40.
Explication : 1-2, 3, 4, 5.
Expression 1, 2, 3, 4-5, 6, 7-8, 9 n.153, 10 n.y, 11, 12,
13, 14.
Extérieur/extériorité/extériorisation : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9,
10-11, 12-13, 14, 15 n.73, 16, 17, 18.
Familiarité/familier : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.
Fantaisie : 1, 2 n.64.
Femme : 1-2, 3, 4 n.38, 5 n.66 et 6 n.67.
Finalité 1-2, 3, 4.
Finitude/fini : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8-9, 10-11, 12-13, 14-
15, 16, 17, 18, 19, 20-21, 22, 23, 24-25, 26 n.108, 27, 28-
29, 30, 31.
Folie : 1-2, 3 n.9, 4, 5, 6, 7, 8.
Fondement/fondamental/fonder : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 n.12, 8,
9, 10-11, 12 n.i, 13, 14-15, 16-17, 18, 19-20, 21, 22, 23,
24, 25, 26, 27-28, 29-30, 31-32, 33, 34, 35, 36, 37-38,
39, 40, 41, 42, 43.
Habitude : 1 2 n.9, 3.
Hégélianisme/hégélien : 1, 2-3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10 n.177,
11, 12.
Herméneutique : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7.
Histoire/historique/historicité : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10,
11-12, 13-14, 15, 16, 17-18, 19 n.72, 20-21, 22 n.r, 23-24,
25, 26-27, 28, 29, 30, 31-32, 33, 34 n.170, 35.
Homme : 1-2, 3-4, 5, 6, 7-8, 9-10, 11-12, 13-14, 15-16,
17-18, 19, 20, 21-22, 23, 24 n.77, 25-26, 27-28, 29-30, 31-
32, 33-34, 35-36, 37-38.
Horizon : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
Humanisme/humaniste : 1, 2, 3-4, 5-6, 7 n.59, 8, 9.
Idéalisme/idéalité : 1, 2, 3, 4, 5 n.102, 6, 7, 8.
Illusion : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 n.32.
Image : 1-2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9.
Imaginaire : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9.
Imagination : 1-2, 3-4, 5-6, 7-8, 9-10, 11 n.64, 12-13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20 n.48, 21.
Immanence : 1, 2, 3 n.48, 4-5.
Immédiat : 1-2, 3-4, 5-6, 7-8, 9, 10, 11-12, 13, 14, 15-
16, 17, 18, 19.
Implication : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7.
Inconscient : 1, 2, 3, 4, 5.
Individualité/individu : 1 n.114, 2, 3-4, 5, 6-7, 8, 9-10, 11
n.p, 12, 13-14, 15, 16.
Infini/infinité : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13,
14-15, 16 n.83, 17, 18 n.36, 19.
Inquiétude : 1-2, 3, 4, 5.
Instinct : 1, 2 n.j, 3-4.
Intentionnalité : 1 n.160, 2.
Intérieur/intériorité/intériorisation : 1, 2 n.125, 3, 4, 5, 6-7,
8-9, 10, 11, 12.
Interprétation : 1 n.111, 2, 3-4, 5, 6-7, 8-9.
Intersubjectivité/intersubjectif : 1, 2.
Intuition : 1-2, 3, 4 n.152, 5, 6, 7, 8.
Marchandise : 1.
Marxisme : 1-2, 3, 4, 5.
Mathématiques/mathématique : 1, 2, 3.
Matérialisme : 1, 2.
Matière/matériel/matérialité : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11, 12.
Matin/matinal : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 n.108.
Métaphysique : 1, 2, 3, 4 n.u, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11 n.l,
12, 13, 14, 15-16, 17-18, 19, 20, 21 n.37, 22, 23 n.173.
Midi : 1, 2, 3.
Miracle : 1-2, 3.
Moderne/modernité 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.
Monde : 1, 2, 3-4, 5-6, 7-8, 9, 10, 11, 12 n.23 et 13 n.24,
14, 15-16, 17-18, 19-20, 21, 22-23, 24-25, 26-27, 28-29,
30, 31-32, 33, 34, 35-36, 37-38, 39, 40-41, 42-43, 44-45,
46-47, 48-49, 50, 51, 52, 53 n.108, 54, 55
Mort : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20-21.
Musique : 1, 2 n.157, 3.
Mythe/mythologie : 1, 2-3, 4, 5-6, 7, 8-9, 10.
Raison/rationalité/rationalisme/ratio : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-
9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17-18, 19-20, 21-22, 23, 24,
25, 26-27.
Réalisation : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11, 12, 13,
14.
Réalité/réel : 1, 2-3, 4-5, 6, 7, 8, 9-10, 11-12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25.
Regard : 1, 2.
Religion : 1, 2, 3, 4-5, 6-7, 8-9, 10, 11.
Renversement : 1, 2, 3, 4 n.a.
Répétition/reprise : 1, 2-3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13-
14, 15-16, 17, 18-19, 20 n.173.
Représentation : 1-2, 3, 4, 5, 6.
Retour : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14, 15,
16, 17-18, 19, 20, 21, 22, 23.
Retour (éternel) : 1, 2-3, 4.
Rêve : 1, 2-3, 4-5, 6-7, 8, 9, 10 n.108, 11 n.75.
Révélation : 1, 2-3, 4 n.86, 5, 6, 7, 8.
Révolution : 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10.
Romantisme/romantique : 1, 2, 3.
Téléologie : 1, 2, 3.
Temps/temporalité : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10.
Terre : 1, 2, 3-4, 5.
Texte : 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8-9, 10, 11, 12-13, 14, 15-16.
Théâtre : 1.
Théologie/théologique/théologien : 1, 2-3, 4, 5 n.30, 6, 7.
Théorie/théorique : 1, 2, 3-4, 5-6, 7, 8-9, 10, 11-12, 13-
14.
Totalité/total/totalisation : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11,
12, 13-14, 15-16, 17, 18-19, 20, 21, 22, 23 n.l, 24, 25,
26, 27.
Tragédie/tragique : 1-2, 3-4, 5, 6-7, 8, 9, 10 n.173.
Transcendance/transcendant : 1-2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 16-17, 18-19, 20 n.135, 21.
Transcendantal : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8-9, 10 n.72, 11, 12,
13.
Travail : 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14-15,
16, 17-18, 19, 20 n.67, 21 n.83, 22, 23.
Trieb (pulsion) : 1-2.
Union : 1, 2, 3, 4 n.84.
Unité : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7-8, 9 n.114, 10-11, 12-13, 14-15,
16, 17, 18-19, 20, 21, 22-23, 24, 25-26, 27-28, 29, 30,
31.
Univers : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9.
Universalité/universalitas/universel : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8,
9, 10, 11, 12, 13-14, 15-16, 17-18, 19, 20, 21-22, 23 n.37,
24.
Albert, Henri 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Althusser, Louis 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12
Andler, Charles 1, 2
Apollon (mythologie) 1, 2, 3, 4
Appuhn, Charles 1, 2
Ariane (mythologie) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Aristote 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Arnauld, Antoine 1, 2, 3, 4
Aron, Jean-Paul 1
Aron, Raymond 1, 2
Arvon, Henri 1, 2, 3
Assézat, Jules 1
Avenarius, Richard 1, 2, 3, 4
Bachelard, Gaston 1
Bach, Johann Sebastian 1
Backès, Jean-Louis 1
Badia, Gilbert 1
Barni, Jules 1
Barth, Karl 1
Baruzi, Jean 1
Basso, Elisabetta 1, 2, 3, 4
Bataille, Georges 1, 2
Becker, Aloys 1
Bergson, Henri 1, 2, 3
Berner, Christian 1
Bernoulli, Carl Albrecht 1
Bert, Jean-François 1, 2
Bianquis, Geneviève 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Biemel, Marly 1
Biemel, Walter 1
Bilfinger, Georg Bernhard 1
Binswanger, Ludwig 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Blumenbach, Johann Friedrich 1, 2
Bolin, Wilhelm 1
Bollnow, Otto-Friedrich 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Bonaparte, Napoléon 1
Bottigelli, Émile 1
Boubaker-Triki, Rachida 1
Boudot, Pierre 1
Bourgeois, Bernard 1, 2, 3
Boxel, Hugo 1
Brandes, Georg 1, 2
Brecht, Franz Josef 1
Brentano, Franz 1, 2
Broca, Paul 1, 2, 3
Brogowski, Leszek 1
Brokmeier, Wolfgang 1
Brunner, Emil 1, 2
Bruno, Giordano 1
Brunschvicg, Léon 1
Canguilhem, Georges 1, 2
Cartelle, Renée 1
Caruso, Paolo 1
Char, René 1, 2
Chateaubriand, François-René de 1
Chenet, François-Xavier 1
Christ/Jésus/le Crucifié 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10
Clerselier, Claude 1
Cogniot, Erna 1
Cohen, Hermann 1, 2
Colli, Giorgio 1
Comte, Auguste 1
Condillac, Étienne Bonnot de 1, 2, 3, 4, 5, 6
Courtès, Francis 1
Courtine, Jean-François 1, 2
Cuvillier, Armand 1
Dandois, Bernard 1
Darwin, Charles 1, 2
Da Silva, Emmanuel 1
Defert, Daniel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Delay, Jean 1
Delbos, Victor 1
Deleuze, Gilles 1, 2
Deliège, Robert 1
Deprun, Jean 1
Derrida, Jacques 1, 2, 3
Descartes, René 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36,
37, 38, 39, 40, 41
De Waelhens, Alphonse 1
Diderot, Denis 1, 2, 3, 4, 5
Dilthey, Wilhelm 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36,
37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54,
55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64
Dinkler, Erich 1, 2
Diogène 1
Duhem, Pierre 1, 2, 3, 4, 5, 6
Dühring, Eugen Karl 1, 2, 3, 4
Dumézil, Georges 1
Dupuy, Maurice 1, 2
Durkheim, Émile 1
Elden, Stuart 1
Engels, Friedrich 1, 2, 3, 4, 5, 6
Eribon, Didier 1, 2
Escoubas, Éliane 1
Ewald, François 1, 2, 3, 4
Feuerbach, Ludwig 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35,
36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53,
54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71,
72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89,
90, 91, 92
Fichant, Michel 1
Fischer, Joachim 1
Foucher de Careil, Louis-Alexandre 1
Galilée 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Genoude, Antoine-Eugène 1
Gens, Jean-Claude 1
Gide, André 1
Giraudoux, Jean 1
Goethe, Johann Wolfgang von 1, 2, 3, 4, 5
Goldmann, Lucien 1, 2, 3, 4
Gouhier, Henri 1, 2, 3
Granel, Gérard 1
Groethuysen, Bernard 1, 2, 3, 4, 5
Gros, Frédéric 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Guéroult, Martial 1, 2, 3, 4, 5
Guillermit, Louis 1, 2
Gurvitch, Georges 1, 2
Haar, Michel 1, 2
Häberlin, Paul 1, 2, 3, 4, 5
Haendel, Georg Friedrich 1
Han, Béatrice 1
Haydn, Joseph 1
Hegel, Georg Wilhelm Friedrich 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33,
34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49
Heidegger, Martin 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32
Helvétius, Claude-Adrien 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Hémery, Jean-Claude 1
Héraclite 1, 2, 3
Herrmann, Friedrich-Wilhelm von 1
Hersch, Jeanne 1, 2, 3
Hölderlin, Friedrich 1
Horkheimer, Max 1
Hume, David 1, 2, 3
Husserl, Edmund 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16
Janet, Paul 1
Jarczyk, Gwendoline 1
Jaspers, Karl 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36,
37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54,
55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72,
73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85
Jodl, Friedrich 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Joly, Henri 1
Kant, Immanuel 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36,
37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54,
55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63
Kastler, Alfred 1
Kaufmann, Walter Arnold 1
Keller, Gottfried 1, 2
Keller, Wilhelm 1, 2, 3, 4
Kempf, Roger 1
Kierkegaard, Søren 1, 2, 3
Kojève, Alexandre 1, 2
Koyré, Alexandre 1, 2, 3, 4, 5
Kunz, Hans 1, 2
Labarrière, Pierre-Jean 1
Lagrange, Jacques 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23
Landmann, Michael 1, 2
Launay, Marc B. de 1, 2
Lefebvre, Henri 1, 2, 3
Leibniz, Gottfried Wilhelm 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18
Leiris, Michel 1
Lénine, Vladimir Ilitch 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Le Rider, Jacques 1
Lessing, Gotthold Ephraim 1, 2
Levinas, Emmanuel 1
Lévi-Strauss, Claude 1, 2
Lévy-Bruhl, Lucien 1
Lewis, Geneviève 1
Littré, Émile 1
Litt, Theodor 1, 2
Locke, John 1, 2, 3
Lorenzini, Daniele 1, 2, 3
Lourdoueix, Honoré de 1
Löwith, Karl 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Luther, Martin 1, 2
Mach, Ernst 1, 2, 3
Maine de Biran, Pierre 1, 2, 3
Malraux, André 1
Marcel, Gabriel 1, 2
Marnold, Jean 1
Marquard, Odo 1, 2
Martineau, Emmanuel 1, 2, 3
Marx, Karl 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27
Mauss, Marcel 1
Mauzi, Robert 1, 2
Mendousse, Jean 1
Merleau-Ponty, Maurice 1, 2, 3, 4, 5
Mersenne, Marin 1
Mesland, Denis 1
Mesure, Sylvie 1, 2
Midas 1
Molitor, Jacques 1
Montaigne, Michel de 1
Montinari, Mazzino 1
Niel, Henri 1, 2, 3
Nietzsche, Friedrich 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35,
36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53,
54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71,
72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89,
90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105,
106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119,
120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133,
134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147,
148
Œdipe 1, 2, 3, 4
Osmo, Pierre 1
Overbeck, Franz 1
Pacaud, Bernard 1
Parménide 1
Pascal, Blaise 1
Peiffer, Gabrielle 1
Picavet, François 1
Picot, Claude 1
Pinel, Philippe 1, 2
Pinto, Louis 1
Platner, Ernst 1, 2, 3, 4, 5
Platon 1, 2, 3
Plessner, Helmuth 1, 2, 3, 4, 5
Plutarque 1, 2
Préau, André 1
Protagoras 1
Queneau, Raymond 1
Reinhardt, Karl 1, 2
Reinhold, Karl Leonhard 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Rémy, Maurice 1, 2, 3
Richter, Claire 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9
Ricœur, Paul 1
Robespierre, Maximilien de 1
Rousseau, Jean-Jacques 1, 2
Roy, Jean-Henri 1
Roy, Joseph 1, 2, 3
Sartre, Jean-Paul 1, 2, 3, 4, 5
Sauzin, Louis 1, 2
Scheler, Max 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11
Schleiermacher, Friedrich 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7
Schlink, Edmund 1, 2
Schlosser, Fritz 1, 2
Schopenhauer, Arthur 1
Schulze, Gottlob Ernst 1, 2, 3
Serge, Victor 1
Shaftesbury, Anthony Ashley-Cooper (comte de) 1
Silène 1
Simon, Gérard 1, 2, 3
Simon, Marianna 1
Simplicius 1
Sirven, Jean 1, 2
Socrate 1, 2, 3
Sommer, Christian 1
Souladié, Yannick 1
Sphinx 1, 2
Spinoza, Baruch 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8
Stenger, Gerhardt 1
Stirner, Max 1, 2
Tarr, Raissa 1
Thésée (mythologie) 1, 2, 3, 4
Thévenaz, Pierre 1
Thouverez, Émile 1
Tieck, Ludwig 1
Tisserand, Pierre 1
Tissot, Joseph 1, 2
Tourneux, Maurice 1
Tremesaygues, André 1
Verbaere, Laure 1
Verdeaux, Jacqueline 1, 2, 3
Virgile 1
Vuillemin, Jules 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13
Vuillerod, Jean-Baptiste 1, 2, 3
Wagner, Richard 1, 2
Wahl, Jean 1, 2, 3, 4, 5
Weber, Florence 1
Weber, Max 1
West, Ellen 1
Wichart, Heinrich 1, 2
Würzbach, Friedrich 1
Zarathoustra 1, 2, 3, 4, 5, 6
Découvrez Hautes études
Proche des laboratoires de l’école parisienne éponyme,
lancée par Jacques Julliard en 1981.
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