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Français 101 B.

Séguin

Alfred de Vigny et le romantisme

Vie et œuvre de Vigny (1797-1863).


Le comte Alfred de Vigny occupe une place à part dans la poésie
romantique. Il se sentit d’abord porté vers la carrière militaire, où
s’étaient illustrés son père et ses aïeux. En 1823, il partit pour la
guerre d’Espagne mais son régiment, laissé en observation à la
frontière, ne prit part à aucun combat. Aussi démissionna-t-il pour
se retirer dans sa « tour d’ivoire ».
À partir de 1828, il se mêla au mouvement romantique, collaborant
au Conservateur littéraire de Victor Hugo. Il publia ses Poèmes
antiques et modernes ; puis il se tourna vers le roman et le théâtre.
Il ne donna plus, comme poèmes, que Le Mont des Oliviers et La
Maison du berger. Après sa mort seulement parut le livre intitulé
Les Destinées, qui comprend ses plus beaux poèmes : La Colère de
Samson, La Mort du loup, La Bouteille à la mer, L’Esprit pur.

La philosophie de Vigny

Vigny est surtout un penseur. De là sa production réduite qui sup-


pose de longues méditations. Sa philosophie est empreinte d’un
pessimisme qui le mène non pas au désespoir ni à la foi, mais au
stoïcisme et à la pitié. Le point de départ de ce pessimisme est
l’isolement douloureux et humiliant dans lequel se sent l’homme
supérieur. L’humanité, dont il est pourtant le guide, ne le com-
prend pas et ne l’aime pas. Or, ce n’est pas l’amour qui le console-
ra : l’amour n’est que trahison. Ce n’est pas non plus la Nature, si
accueillante pour Lamartine : la Nature n’est pas une mère, mais
une tombe. L’homme peut-il au moins tourner les yeux vers le
ciel ? À ses angoisses, la Divinité donne-t-elle une solution? Non.
Dieu est indifférent et l’homme ne répondra plus que par un froid
silence avant de s’enfermer dans un stoïcisme farouche. Cepen-
dant, il peut trouver une diversion à son malheur dans la pitié et
dans l’amour pour ses semblables. Il peut aimer la majesté des
souffrances humaines. Il peut lutter avec la nature et en triompher.
Il peut surtout préparer le progrès pour l’humanité future. Que le
poète travaille à son œuvre, sans en attendre la récompense ac-
tuelle ou le résultat immédiat : si son œuvre est vraiment grande,
un jour elle sera comprise et féconde.

Les Drames d’Alfred de Vigny

En 1835, Vigny obtient un triomphe avec Chatterton.


Chatterton est tiré par Vigny de son roman de Stello paru en 1833.
C’est l’histoire d’un jeune poète méconnu, malade, logé chez un
industriel avare et dur, John Bell. Il ne trouve de pitié qu’auprès
d’un quaker établi dans la maison et de Kitty Bell, femme de John.
Celle-ci secourt discrètement Chatterton, mais elle évite de le ren-
contrer et de lui parler, tant elle se sent troublée par sa présence.
Un amour inconscient, fatal, puissant malgré son mutisme, s’est
emparé de ces deux cœurs. C’est l’expression de cet amour com-
battu et refoulé, se trahissant par des gestes, des intonations et des
maladresses, qui élève ce drame à la hauteur d’une tragédie.

Le roman historique
En 1832, Vigny donna Stello, dans lequel l’histoire n’intervient
qu’à titre d’exemples. Il s’agit, pour l’auteur, de démontrer une
thèse, à savoir que le poète, ou plus généralement l’homme de
lettres, est un incompris quelle que soit la forme politique de la so-
ciété où il essaie de vivre : monarchie absolue, monarchie constitu-
tionnelle, empire ou république.

[Source : Charles-Marc Des Granges, Les Grands écrivains fran-


çais des origines à nos jours, Librairie Hatier, 1900]
Poème célèbre d’Alfred de Vigny

La mort du loup

Les nuages couraient sur la lune enflammée


Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
Nous avons aperçu les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
Nous avons écouté, retenant notre haleine
Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine
Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement
La girouette en deuil criait au firmament ;
Car le vent élevé bien au-dessus des terres,
N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,
Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés,
Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.
Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,
Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête
A regardé le sable en s'y couchant ; Bientôt,
Lui que jamais ici on ne vit en défaut,
A déclaré tout bas que ces marques récentes
Annonçaient la démarche et les griffes puissantes
De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.
Nous avons tous alors préparé nos couteaux,
Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,
Nous allions pas à pas en écartant les branches.
Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,
J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,
Et je vois au-delà quatre formes légères
Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,
Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,
Quand le maître revient, les lévriers joyeux.
Leur forme était semblable et semblable la danse ;
Mais les enfants du loup se jouaient en silence,
Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,
Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.
Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,
Sa louve reposait comme celle de marbre
Qu'adoraient les romains, et dont les flancs velus
Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.
Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées
Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.
Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ;
Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,
Du chien le plus hardi la gorge pantelante
Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair
Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,
Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,
Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.
Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ;
Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.
Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.
II

J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,


Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher.

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,


Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !
Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. »
Autres poèmes romantiques célèbres

Le lac (Alphonse de Lamartine, 1820)

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,


Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,


Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,


Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;


On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre


Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !


Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,


Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,


Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,


Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,


Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?


Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,


Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !


Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,


Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

La nuit de décembre (Alfred de Musset, 1835)

LE POÈTE

Du temps que j'étais écolier,


Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s'asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau :


A la lueur de mon flambeau,
Dans mon livre ouvert il vint lire.
Il pencha son front sur sa main,
Et resta jusqu'au lendemain,
Pensif, avec un doux sourire.
Comme j'allais avoir quinze ans
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d'un arbre vint s'asseoir
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin ;


Il tenait un luth d'une main,
De l'autre un bouquet d'églantine.
Il me fit un salut d'ami,
Et, se détournant à demi,
Me montra du doigt la colline.

A l'âge où l'on croit à l'amour,


J'étais seul dans ma chambre un jour,
Pleurant ma première misère.
Au coin de mon feu vint s'asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux ;


D'une main il montrait les cieux,
Et de l'autre il tenait un glaive.
De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve.

A l'âge où l'on est libertin,


Pour boire un toast en un festin,
Un jour je soulevais mon verre.
En face de moi vint s'asseoir
Un convive vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau


Un haillon de pourpre en lambeau,
Sur sa tête un myrte stérile.
Son bras maigre cherchait le mien,
Et mon verre, en touchant le sien,
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit ;


J'étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s'asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ;


Comme les anges de douleurs,
Il était couronné d'épine ;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m'en suis si bien souvenu,


Que je l'ai toujours reconnu
A tous les instants de ma vie.
C'est une étrange vision,
Et cependant, ange ou démon,
J'ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus tard, las de souffrir,


Pour renaître ou pour en finir,
J'ai voulu m'exiler de France ;
Lorsqu'impatient de marcher,
J'ai voulu partir, et chercher
Les vestiges d'une espérance ;

A Pise, au pied de l'Apennin ;


A Cologne, en face du Rhin ;
A Nice, au penchant des vallées ;
A Florence, au fond des palais ;
A Brigues, dans les vieux chalets ;
Au sein des Alpes désolées ;

A Gênes, sous les citronniers ;


A Vevey, sous les verts pommiers ;
Au Havre, devant l'Atlantique ;
A Venise, à l'affreux Lido,
Où vient sur l'herbe d'un tombeau
Mourir la pâle Adriatique ;

Partout où, sous ces vastes cieux,


J'ai lassé mon coeur et mes yeux,
Saignant d'une éternelle plaie ;
Partout où le boiteux Ennui,
Traînant ma fatigue après lui,
M'a promené sur une claie ;

Partout où, sans cesse altéré


De la soif d'un monde ignoré,
J'ai suivi l'ombre de mes songes ;
Partout où, sans avoir vécu,
J'ai revu ce que j'avais vu,
La face humaine et ses mensonges ;

Partout où, le long des chemins,


J'ai posé mon front dans mes mains,
Et sangloté comme une femme ;
Partout où j'ai, comme un mouton,
Qui laisse sa laine au buisson,
Senti se dénuder mon âme ;

Partout où j'ai voulu dormir,


Partout où j'ai voulu mourir,
Partout où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie


Je vois toujours sur mon chemin ?
Je ne puis croire, à ta mélancolie,
Que tu sois mon mauvais Destin.
Ton doux sourire a trop de patience,
Tes larmes ont trop de pitié.
En te voyant, j'aime la Providence.
Ta douleur même est soeur de ma souffrance ;
Elle ressemble à l'Amitié.

Qui donc es-tu ? - Tu n'es pas mon bon ange,


Jamais tu ne viens m'avertir.
Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !)
Et tu me regardes souffrir.
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,
Et je ne saurais t'appeler.
Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ?
Tu me souris sans partager ma joie,
Tu me plains sans me consoler !
Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître.
C'était par une triste nuit.
L'aile des vents battait à ma fenêtre ;
J'étais seul, courbé sur mon lit.
J'y regardais une place chérie,
Tiède encor d'un baiser brûlant ;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille,


Des cheveux, des débris d'amour.
Tout ce passé me criait à l'oreille
Ses éternels serments d'un jour.
Je contemplais ces reliques sacrées,
Qui me faisaient trembler la main :
Larmes du coeur par le coeur dévorées,
Et que les yeux qui les avaient pleurées
Ne reconnaîtront plus demain !

J'enveloppais dans un morceau de bure


Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu'ici-bas ce qui dure,
C'est une mèche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
Je me perdais dans tant d'oubli.
De tous côtés j'y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde,
Mon pauvre amour enseveli.

J'allais poser le sceau de cire noire


Sur ce fragile et cher trésor.
J'allais le rendre, et, n'y pouvant pas croire,
En pleurant j'en doutais encor.
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée,
Malgré toi, tu t'en souviendras !
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée,
Ces sanglots, si tu n'aimais pas ?

Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ;


Mais ta chimère est entre nous.
Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures
Qui me sépareront de vous.
Partez, partez, et dans ce coeur de glace
Emportez l'orgueil satisfait.
Je sens encor le mien jeune et vivace,
Et bien des maux pourront y trouver place
Sur le mal que vous m'avez fait.

Partez, partez ! la Nature immortelle


N'a pas tout voulu vous donner.
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle,
Et ne savez pas pardonner !
Allez, allez, suivez la destinée ;
Qui vous perd n'a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumée ; -
Eternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée,
Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?

Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre


Une forme glisser sans bruit.
Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre ;
Elle vient s'asseoir sur mon lit.
Qui donc es-tu, morne et pâle visage,
Sombre portrait vêtu de noir ?
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ?
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j'aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,


Pèlerin que rien n'a lassé ?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l'ombre où j'ai passé.
Qui donc es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs ?
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ?
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?

LA VISION

- Ami, notre père est le tien.


Je ne suis ni l'ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que j'aime, je ne sais pas
De quel côté s'en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.

Je ne suis ni dieu ni démon,


Et tu m'as nommé par mon nom
Quand tu m'as appelé ton frère ;
Où tu vas, j'y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j'irai m'asseoir sur ta pierre.

Le ciel m'a confié ton coeur.


Quand tu seras dans la douleur,
Viens à moi sans inquiétude.
Je te suivrai sur le chemin ;
Mais je ne puis toucher ta main,
Ami, je suis la Solitude.

Demain, dès l’aube (Victor Hugo, 1856)

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,


Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,


Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,


Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Thomas Chatterton

Né(e) à : Bristol , le 20/11/1752


Mort(e) à : Holborn , le 24/08/1770

Poète anglais dont la renommée a sans doute dépassé l'importance


d'une œuvre brutalement interrompue par une mort tragique. Le
suicide à dix-huit ans de Thomas Chatterton a certes contribué à
accréditer le mythe du poète, ami des dieux mais victime de la
société bourgeoise dont l'argent est l'idéal et qui méprise les
valeurs spirituelles et les artistes. Telle est la signification
qu'Alfred de Vigny, dans Stello (1832) puis dans Chatterton
(1835), donna à la destinée du jeune Anglais. Quant aux
romantiques anglais, ils tressèrent pour Chatterton une couronne
d'éloges et Keats lui dédia son Endymion. Cependant, les honneurs
que le romantisme rendit à Chatterton ne s'adressent pas seulement
à l'infortune de l'auteur, mais aussi à l'originalité du poète. Et celle-
ci est double. On sait que Chatterton, fasciné dès l'enfance par des
manuscrits médiévaux, opéra une sorte de dédoublement en
assumant le personnage d'un moine du xve siècle, Thomas Rowley,
dont il créa l'œuvre poétique. Si elle n'abusa que fort peu de
monde, la critique n'a cessé de discuter le talent dont elle fait
preuve, l'érudition et l'application qu'elle manifeste, les influences
qui s'y font jour. Quoi qu'il en soit, ces poèmes, conçus en partie à
l'ombre de la cathédrale de Bristol, jetaient un pont entre les genres
littéraires du Moyen Âge décriés par le classicisme et le XVIIIe
siècle, opérant ainsi ce gothic revival qui joua un rôle majeur dans
l'élaboration du courant romantique. (Source : Babelio)
Qu’est-ce que le romantisme en littérature ?

Source : TOUTCOMMENT

Le Romantisme, en littérature, est un mouvement qui re-


groupe des auteurs et leurs œuvres autour d'une conception
commune de l'art où le sentiment mélancolique occupe une
place centrale avec le mystère et le fantastique. Les thèmes
principaux du Romantisme sont la Nature comme refuge, la
mélancolie, le rêve, le beau, la mort, le voyage, l'ailleurs, la
nostalgie du passé.

Le préromantisme en littérature
Ce mouvement littéraire regroupe des artistes et des œuvres
qui annoncent le romantisme français de la fin du 18ème et
du 19ème siècle. Cette école fait la part belle à l'expression
des sentiments et se focalise sur la sensibilité du moi. Le
style et la personnalité de l'auteur sont mises en avant et la
nature tient un rôle majeur.

Le romantisme allemand et britannique en


littérature
L'origine du romantisme
Le romantisme voit le jour à la fin du 18ème en Angleterre et
en Allemagne, avant de gagner toute l'Europe du
XIXe. Les Graveyard anglais (poètes du cimetière) ex-
priment dès 1760 les émotions tristes, voire morbides, liées
à la perte d'un être cher et au deuil.
Parmi les romantiques allemands et britanniques majeurs,
on trouvera plus tard :
 Lord Byron (1788 - 1824)
 Shelley (1792 - 1822)
 John Keats (1795 -1821)
 Goethe (1749 - 1832)
 Shiller (1759 - 1805)

Image: gravure de B.Roubaud, représentant les romantiques français

Le romantisme français en littérature


Le romantisme littéraire français du 19ème siècle brise les
règles de pensée et de composition du Classicisme, en
place depuis la Renaissance. Victor Hugo prendra la tête de
ce nouveau mouvement littéraire.
Les romantiques français
 Chateaubriand (1768 - 1848)
 Victor Hugo (1802 - 1885)
 Théophile Gautier (1811 - 1872)
 Alphonse de Lamartine (1790 - 1869)
 Alfred de Vigny (1797 - 1863)
 Gérard de Nerval (1808 - 1855)
 Alfred de Musset (1810 - 1857)
 George Sand (1804 - 1876)
Informations complémentaires sur le romantisme

Source : Accès littéraire

Le Romantisme est un courant littéraire d’origine allemande. Il débute en France au début


du XIXème siècle et concerne autant la littérature que les autres arts (notamment la pein-
ture). Il éclot en réaction au rationalisme des Lumières, et promeut l’imagination libérée. Le
début du XIXème est politiquement et socialement instable, ce qui se répercute sur les au-
teurs qui s’expriment à travers ce courant. Toutefois, certains auteurs du XVIIIème siècle
sont appelés pré-romantiques car ils annoncent un courant plus grand, après les Lumières.
Un artiste romantique est la plupart du temps un artiste engagé, à la recherche d’un idéal,
autant politique que spirituel.
Le Romantisme, contrairement aux Lumières qui se fondent sur les idéaux humanistes de la
Renaissance, prend en compte la littérature du Moyen Âge, comme dans Notre-Dame de
Paris de Victor Hugo. Les auteurs redécouvrent aussi William Shakespeare.
Le courant touche tous les gens littéraires, à savoir le théâtre, la poésie et le roman et se re-
marque grâce à certains thèmes récurrents :

> Le « moi » est exalté, ce qui explique une forte utilisation de la première personne, ainsi
que la naissance de l’autobiographie. Le « moi » s’affirme et l’auteur assume pleinement ce
qu’il avance. C’est ainsi que l’individu prime sur la personne sociale. Cette idée se déve-
loppe d’ailleurs tout au long du siècle.
> La mélancolie est partout dans les œuvres romantiques, car l’auteur se sent impuissant
face aux événements. L’auteur romantique se sent isolé dans une société qu’il a du mal à
comprendre, et il se réfugie dans sa solitude. Dans la même veine, l’écrivain romantique se
sent maudit par sa condition, et incompris. On appelle cela le « mal du siècle ». Toutefois,
la passion, surtout amoureuse, est aussi très récurrente car c’est elle qui permet l’inspiration
et l’énergie de l’artiste. Les œuvres mettent ainsi en valeur la vigueur des mouvements et de
la force humaine. Les registres lyriques et élégiaques sont donc les registres qui prévalent
dans le Romantisme.
> La proximité avec la nature se retrouve constamment dans les œuvres romantiques. Cette
nature est sans limite et sauvage. L’auteur aspire aussi au Beau et à l’Infini.
> Le fantastique est souvent présent dans les œuvres romantiques. Il est lié à l’exaltation
de l’imaginaire. Cela peut mener à la folie.
> La spiritualité, et donc la proximité à Dieu, est récurrente. Cela va de pair avec la volonté
de se mettre en avant et de montrer, d’une certaine manière, son génie.
> L’auteur est appelé par l’ « ailleurs » et l’exotisme, ce qui explique la fascination pour
l’Orient ou l’Italie. Ceci s’explique par les mythes formés autour des campagnes napoléo-
niennes puis par les politiques orientales qui suivent le Consulat et l’Empire. Cet intérêt a
donné naissance au concept d’Orientalisme, que l’on retrouve très souvent, notamment en
peinture chez Delacroix.
Principaux auteurs romantiques.
Poésie : Hugo, Lamartine, Musset, Vigny

Théâtre : Hugo, Musset, Vigny

Roman : Chateaubriand, Hugo, Constant, Mme de Staël, Musset, Stendhal

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