Vous êtes sur la page 1sur 8

1.

Alphonse de Lamartine – ‘Le Lac’


L’analyse:

Introduction

 Un des poèmes les plus connus du Romantisme, et peut-être même


de la langue française - avec le vers « Ô Temps, suspends ton vol ».
 Lamartine reprend une histoire tragique qui lui est arrivé  : la mort
de sa fiancée Elvire. - c’est le prétexte à une réflexion d’ordre général sur le
temps passé, la perte, la mort.

Plan

- 1ère partie → l’évocation d’un amour ancien,


- 2ème partie → la méditation philosophique.

Comme de nombreux poèmes, ce poème s’apparente d’abord à un poème


d’amour : « le vent jetait l’écume de tes ondes / Sur ses pieds adorés », « le bruit
des rameurs qui frappaient en cadence / Tes flots harmonieux. » Un amour
malheureux, puisque nous comprenons dès le début que la femme aimée n’est
plus là. C’est l’évocation du souvenir de cette femme qui est le premier sujet du
poème (« l’année à peine a fini sa carrière, / Et près des flots chéris qu’elle
devait revoir ».) Puis, cette femme revient et parle au poète : « Tout à coup »,
« la voix qui m’est chère / Laissa tomber ces mots » (c’est une prosopopée : le
poète fait parler une morte !)
+ Un poème de la douleur
La douleur est donc omniprésente dans ce poème. Elle s’exprime à travers
des effets poétiques:

1. La ponctuation « Ô lac ! », « Regarde ! », « Où tu la vis s’asseoir ! », « Ô


temps ! », « heures propices ! », « Des plus beaux de nos jours ! », etc.
2. Les jeux de sonorités : « toujours poussés », « nouveaux », « nuit »,
« retour », « pourrons-nous », « jour », avec une assonance en « ou » qui
mime la plainte.
3. La fantôme de la jeune femme privilégie le «  o » : « Ô », puis « vol »,
« propices », « votre », « beaux ».

Le titre:

Le titre offre au poème un sens nouveau – сe sont: le calme, la réflexion,


la méditation : en tant que surface lisse où se reflète l’image, c’est le retour sur
soi et l’introspection. C’est la thématique de l’eau aussi : l’eau, c’est le temps
qui passe - une allégorie.

La méditation philosophique

Lamartine privilégie la thématique de la « nature ». La nature est en


accord avec les sentiments humains : il y a une harmonie universelle.
Personnification du lac et personnification du temps. Le poète tutoie les
éléments naturels : « tu la vis », « tu te brisais », « tes ondes », « t’en souvient-
il » - rapport intime entre l’homme et la nature, selon les principes de Rousseau
(Les Rêveries du Promeneur solitaire).

La réflexion sur le temps qui passe

L’enjeu profond du poème est cette réflexion sur le temps qui passe. En fait, il
s’agit davantage d’une « méditation », comme l’indique le titre du recueil. Ce
thème du temps qui passe est un thème classique : c’est le tempus fugit antique.
La première strophe nous donne d’emblée le vrai sujet du poème : « Ainsi,
toujours poussés vers de nouveaux rivages, / Dans la nuit éternelle emportés
sans retour, / Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges / Jeter l’ancre un
seul jour ? ». Il en ressort un cri, devenu célèbre : « Ô temps ! suspends ton
vol ».

L’élégie

La forme poétique adoptée répond à cette thématique : l’élégie. D’abord


des strophes saphiques : trois alexandrins et un hexasyllabe, avec un effet de
chute par l’hexasyllabe plus court ; Puis une strophe purement élégiaque, avec
l’alternance d’alexandrins et d’hexasyllabes, quand Elvire parle.

C’est le lyrisme

Lamartine reprend la tradition classique gréco-latine pour faire parler la


fiancée morte. De cette tradition classique antique, il reprend aussi le thème
du carpe diem : « Aimons donc, aimons donc ! De l’heure fugitive, /
Hâtons-nous, jouissons ! ». Mais avec une tonalité particulière, puisqu’il est
déjà trop tard - le pathos poétique, propre aux Romantiques.

2. Alfred De Vigny – ‘La mort du loup’

Texte

J'aperçois tout à coup deux yeux qui Le père était debout, et plus loin, contre un
flamboyaient, arbre,
Et je vois au-delà quatre formes légères Sa louve reposait comme celle de marbre
Qui dansaient sous la lune au milieu des Qu'adorait les romains, et dont les flancs
bruyères, velus
Comme font chaque jour, à grand bruit Couvaient les demi-dieux Rémus et
sous nos yeux, Romulus.
Quand le maître revient, les lévriers Le Loup vient et s'assied, les deux jambes
joyeux. dressées
Leur forme était semblable et semblable la Par leurs ongles crochus dans le sable
danse ; enfoncées.
Mais les enfants du loup se jouaient en Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,
silence, Sa retraite coupée et tous ses chemins
Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant pris ;
qu'à demi, Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,
Se couche dans ses murs l'homme, leur Du chien le plus hardi la gorge pantelante
ennemi. Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu qui traversaient De pouvoir leur apprendre à bien souffrir
sa chair la faim,
Et nos couteaux aigus qui, comme des A ne jamais entrer dans le pacte des villes
tenailles, Que l'homme ait fait avec les animaux
Se croisaient en plongeant dans ses larges serviles
entrailles,  Qui chassent devant lui, pour avoir le
Jusqu'au dernier moment où le chien coucher,
étranglé, Les premiers possesseurs du bois et du
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a rocher.
roulé.  
Le Loup le quitte alors et puis il nous III
regarde.  
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom
la garde, d'Hommes,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son Que j'ai honte de nous, débiles que nous
sang ; sommes !
Nos fusils l'entouraient en sinistre Comment on doit quitter la vie et tous
croissant. ses maux,
Il nous regarde encore, ensuite il se C'est vous qui le savez, sublimes
recouche, animaux !
Tout en léchant le sang répandu sur sa A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on
bouche, laisse
Et, sans daigner savoir comment il a péri, Seul le silence est grand ; tout le reste est
Refermant ses grands yeux, meurt sans faiblesse.
jeter un cri. - Ah ! je t'ai bien compris, sauvage
  voyageur,
II Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au
  cœur !
J'ai reposé mon front sur mon fusil sans Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme
poudre, arrive,
Me prenant à penser, et n'ai pu me A force de rester studieuse et pensive,
résoudre Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord
trois, monté.
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le Gémir, pleurer, prier est également lâche.
crois, Fais énergiquement ta longue et lourde
Sans ses deux louveteaux la belle et tâche
sombre veuve Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande  
épreuve ; Puis après, comme moi, souffre et meurs
Mais son devoir était de les sauver, afin sans parler. "
 
 
Au tout début du poème, le loup se comporte paisiblement, il est même
assis contre un arbre : “Le père était debout, et plus loin, contre un arbre”. Cela
ne correspond pas à l’image traditionnelle du loup. Après, sentant la menace
arriver, il décide de se sacrifier en allant attaquer le chien qu’il juge le plus
dangereux. Ainsi il domine sa peur pour établir une stratégie de combat. Alors
que les chasseurs lui tirent dessus, le loup, qui tient la gorge du chien dans sa
gueule, avant de le lâcher, ne témoigne aucune souffrance et meurt en silence.
 
 Le symbolisme de l’héroïsme du loup (le romantisme)
 
Le loup représente le personnage romantique qui est prêt à donner sa
vie pour sauver plus faible et vulnérable que lui: “Mais son devoir était de les
sauver”. Dans ce texte, le narrateur veut persuader le lecteur, en utilisant
notamment le registre pathétique et une ponctuation expressive : “Malgré nos
coups de feu qui traversaient sa chair, Et nos couteaux aigus qui, comme des
tenailles, Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles”. 
 
 Un récit philosophique
  
Le narrateur assiste à la battue malgré lui, il ne s’implique pas dans
l’action et se dissocie peu à peu du groupe des chasseurs. La transition entre
récit et morale a eu lieu entre la deuxième et la troisième partie: “J'ai reposé
mon front sur mon fusil sans poudre, Me prenant à penser, et n'ai pu me
résoudre. A poursuivre sa Louve et ses fils”.
Dans la deuxième partie du poème, la morale est implicite : “De pouvoir
leur apprendre à bien souffrir la faim, A ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles”.
La morale devient clairement explicite dans la troisième partie du poème
puisqu’il adresse des reproches aux hommes : “Que j'ai honte de nous, débiles
que nous sommes !”.
 
 Les procédés épiques qui traduisent la violence du combat
 
Le combat est décrit avec le registre épique : “deux yeux qui
flamboyaient”, “gueule brûlante”. Il y a aussi le champ lexical de la violence :
“n'a pas desserré ses mâchoires de fer”, “ coups de feu qui traversaient sa chair”,
“nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, se croisaient en plongeant dans
ses larges entrailles”, “tout baigné dans son sang”.  

 La morale (le stoïcisme)


Le loup a un comportement stoïque face cette mort injuste qu’il accepte
dignement et sans se plaindre, contrairement aux hommes qui se lamentent sans
cesse pour des choses sans importance. Le poète condamne fermement la
faiblesse des hommes qui devraient prendre exemple sur le loup : “Gémir,
pleurer, prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler, Puis après, comme moi, souffre et
meurs sans parler.”
 
3. Alfred de Musset – ‘Les nuits’

Les Nuits - la souffrance comme inspiration

Musset parcourt le thème de la souffrance et de l'importance de celle-ci


dans le processus de création poétique, ainsi que dans la vie. Il met en scène
le poète, tourmenté par la peine, en dialogue avec sa muse, tendre et maternelle.

Dans la Nuit de mai, la muse exhorte le poète à chanter, en utilisant son


mal pour son inspiration. Mais celui-ci ne peut pas dépasser sa souffrance, et
reste mutique:

LE POÈTE M'éblouit-elle de clarté ?


Pourquoi mon coeur bat-il si vite ? Dieu puissant ! tout mon corps frissonne.
Qu'ai-je donc en moi qui s'agite Qui vient ? qui m'appelle ? -Personne.
Dont je me sens épouvanté ? Je suis seul ; c'est l'heure qui sonne ;
Ne frappe-t-on pas à ma porte ? Ô solitude ! ô pauvreté !
Pourquoi ma lampe à demi morte
Dans la Nuit de décembre, le poète se trouve face à un double de lui-
même, apparaissant toujours durant les heures sombres de son existence. A
force de l'interroger, la vision lui révèle son nom : la solitude :

LE POÈTE
Partout où, le long des chemins,
J'ai posé mon front dans mes mains,
Et sangloté comme une femme ;
Partout où j'ai, comme un mouton,
Qui laisse sa laine au buisson,
Senti se dénuder mon âme ;
Partout où j'ai voulu dormir,
Partout où j'ai voulu mourir,
Partout où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Dans la Nuit d'août, le poète est empli de joie. Mais la muse s'en
inquiète : est-il bercé des illusions de la guérison ? Mais le poète se fait sourd
à ses mises en garde :

LA MUSE Poser mon front brûlant sur sa porte


Depuis que le soleil, dans l'horizon entr'ouverte,
immense, Comme une veuve en pleurs au tombeau
A franchi le Cancer sur son axe enflammé, d'un enfant.
Le bonheur m'a quittée, et j'attends en LE POÈTE
silence Salut à ma fidèle amie !
L'heure où m'appellera mon ami bien- Salut, ma gloire et mon amour !
aimé. La meilleure et la plus chérie
Hélas ! depuis longtemps sa demeure est Est celle qu'on trouve au retour.
déserte ; L'opinion et l'avarice
Des beaux jours d'autrefois rien n'y Viennent un temps de m'emporter.
semble vivant. Salut, ma mère et ma nourrice !
Seule, je viens encor, de mon voile Salut, salut consolatrice !
couverte, Ouvre tes bras, je viens chanter.

Dans la Nuit d'octobre, le poète se croit guéri. Mais lorsqu'il évoque ses
souvenirs, il en vient à maudire celle qui l'a fait souffrir. Alors, la muse le
console : grâce à cette expérience, il est plus à même d'apprécier l'existence.
Le poète, en même temps que le jour qui se lève, choisit de renaître:

LA MUSE Ont enseveli dans l'ombre


Apaise-toi, je t'en conjure ; Mon printemps et mes beaux jours !
Tes paroles m'ont fait frémir. C'est ta voix, c'est ton sourire,
Ô mon bien-aimé ! ta blessure C'est ton regard corrupteur,
Est encor prête à se rouvrir. Qui m'ont appris à maudire
Hélas ! elle est donc bien profonde ? Jusqu'au semblant du bonheur ;
Et les misères de ce monde C'est ta jeunesse et tes charmes
Sont si lentes à s'effacer ! Qui m'ont fait désespérer,
Oublie, enfant, et de ton âme Et si je doute des larmes,
Chasse le nom de cette femme, C'est que je t'ai vu pleurer.
Que je ne veux pas prononcer. Honte à toi, j'étais encore
LE POÈTE Aussi simple qu'un enfant ;
Honte à toi qui la première Comme une fleur à l'aurore,
M'as appris la trahison, Mon cœur s'ouvrait en t'aimant.
Et d'horreur et de colère Certes, ce cœur sans défense
M'as fait perdre la raison ! Put sans peine être abusé ;
Honte à toi, femme à l'œil sombre, Mais lui laisser l'innocence
Dont les funestes amours Était encor plus aisé.

Les problématiques - souffrance, solitude et inspiration.

Vous aimerez peut-être aussi