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TRAITS BIOGRAPHIQUES DU

PAPE LEON XIII


de SAINT JEAN BOSCO
CHAPITRE I
Naissance, enfance et premières études
L'insigne successeur de Pie IX, notre Très saint Père le
pape Léon XIII, est né le 2 mars 1810 à
CARPINETTO, petite terre de la circonscription
d'Agnani. Ses parents étaient le compte Ludovico
Pecci et Anna Prosperi, qui joignaient à la noblesse
du sang les plus hautes vertus. Du baptême il apporta
deux noms, Vincent et Joachim. Sa mère, l'appela
toujours du premier, et on l'appela ainsi jusqu'à la fin
de ses études ; par la suite il n'employa que le second.
L'éducation de ses premières années ne pouvait pas
être plus soignées. Dieu, qui dans cet enfant préparait
son représentant sur la terre, sembla faire sortir au
fond du cœur de ses parents une voix mystérieuse leur
disant comme la fille du Pharaon à la mère de Moise :
Recevez cet enfant comme de mes mains, et éduquez
le pour moi, à mon amour et à ma gloire. Aussi
employèrent-ils les soins les plus affectueux et la
vigilance la plus attentive pour le conserver dans
l'innocence, pour lui donner un esprit de tendre piété
et de religieuses pensées, et pour former son cœur par
des vertus chrétiennes solides. Ils y réussirent
heureusement.

Arrivé à l'âge de 8 ans, ses pieux parents ne pouvant le


faire instruire convenablement dans sa patrie
envisagèrent de l'envoyer entreprendre ses études dans
une ville importante. Mais avant de se résoudre à
l'éloigner d'eux, ils réfléchirent à des maîtres qui lui
serviraient de pères et d'ange gardien ; des maîtres
dont l’enseignement unirait à la culture de l'esprit
l'éducation du cœur, l'instruction profane à la
formation religieuse ; des maîtres en somme qui, avec
l'amour de l'étude, inculqueraient dans l'esprit encore
tendre de leur fils l'amour de la vertu et la sainte
crainte de Dieu. C'est avec ces convictions qu'ils
l'envoyèrent en 1818 en toute confiance au collège de
Viterbe dirigé par les religieux de la compagnie de
Jésus. Il y demeura six ans et y accomplit le cours de
grammaire et d'humanité.

Notre petit Joachim, doué d'un rare talent et d'un cœur


déjà très incliné au bien, fit là beaucoup de progrès
consolants dans la science et la vertu. De sorte que,
toute proportion gardée, on pouvait lui appliquer les
mots écrits par saint Luc sur l'enfance de Jésus : Et
l'enfant croissait et avançait en sagesse et en grâce
devant Dieu aussi bien que devant les hommes. En
1824 un grand malheur vint troubler les joies
innocentes du pieux adolescent et attrister son cœur.
Une mort inattendue lui enleva sa bonne mère,
apportant la désolation et le deuil dans toute la
famille. Le tendre fils pleura amèrement la perte de
cet ange visible, mais résigné il adora les desseins
impénétrables de Dieu dans les mains duquel, ainsi
que dans les bras de Marie, il s'abandonna avec la plus
vive confiance filiale.
La même année il sortit du collège de Viterbe et vint à
Rome sous la garde de son oncle. En novembre, il
entra au Collège Romain pour poursuivre ses études
de lettres, et après trois ans il aborda les sciences
philosophiques. Aux rares talents dont Dieu l'avait
comblé le jeune Pecci alliait une vie à la fois régulière
et pieuse. Il surpassait singulièrement ses condisciples
et en 1828 il remporta le meilleur prix.
L'un des anciens élèves, homme digne de foi, écrit
dans une lettre privé : Je peux attester que tant qu'il
fut à Viterbe il fut admirer tant pour ses capacités
exceptionnelles que par la singulière régularité des
ses mœurs. Le côtoyant à l'école d'humanité, ou
nous étions élèves,toutes les fois que je le voyais il
montrait un esprit vif et très spirituel. Durant ses
études à Rome,il n'eut jamais ni compagnies,ni
conversations, ni passe-temps ou plaisirs.Son bureau
était son monde ; l avancement dans les sciences son
délice. A l'âge de douze ou treize ans il écrivait en
latin, en proses et en vers, avec une facilité et une
élégance merveilleuse pour son âge.
Voilà les glorieux début de Léon XIII.

CHAPITRE II
Ses études théologiques, son
enseignement philosophique, il est
ordonné prêtre
Ayant terminé avec grand succès ses études de
philosophie, le jeune Pecci, doté de ce double diamant
que sont la vertu et la science, sentait au fond de son
âme une voix secrète qui l'appelait à servir Dieu et
l’Église dans le ministère sacerdotal. Sage et pieux
comme il l'était, ayant considéré le pour et le contre et
pris conseil de son directeur spirituel, il choisit
d’accueillir la gracieuse invitation du Roi du ciel et
entreprit l'étude de la théologie.
A partir de ce jour, son application et son amour pour
la science augmenta de plus en plus. Ses efforts
n'étaient pas seulement stimulés par l'exemple de ses
condisciples et la grande habileté de ses maîtres, mais
surtout par la pensée du ministère auquel il aspirait,
sachant bien que la Gloire de Dieu, l'honneur de
l’Église et le salut des âmes exigent que les prêtres
soient non seulement vertueux mais encore dotés de la
science nécessaire au bien. Avec de telles idées, le
noble Pecci s'appliqua à l'étude de la science de Dieu
avec une ardeur extraordinaire et il y fit d'admirables
progrès durant ces 4 années. En 1830 dans la plus
grande salle du Collège Romain en présence de
nombreuses personnalités parmi les plus considérables
et les plus savantes,il soutint une disputatio publique
qui provoqua les applaudissements les plus vifs et lui
fit remporter le premier prix. Dans les registres du
Collège ; ou fut noté à son éloge ce splendide
triomphe, se lisent ces mots : Dans cette disputatio le
jeune Vincent Pecci a donner une preuve d'un tel
talent qu'il laisse présager qu'il ira fort loin.
Nous avons un témoignage non moins frappant de ses
capacités et de sa science dès cette époque. Lorsqu 'il
était étudiant en théologie, quoique très jeune (à
moins de 20 ans), on lui demanda d'enseigner la
philosophie aux élèves du Collège Germanique.
Cette responsabilité demandait de celui à qui on la
confiait autant de science que de compétences.
Le jeune Pecci, sans ralentir ses propres études, sut
s'en acquitter avec beaucoup d'éloges et à la
satisfaction de tous. En 1831 il terminait son cursus
théologique en accédant aux honneurs du Doctorat. Il
n'avait pas encore vingt et un an.
Entrée à l’académie des Nobles Ecclésiastiques, l'abbé
Pecci fréquenta alors les cours de l'université Romaine
ou il étudia les droits canoniques et civil. Il continua à
se signaler entre tous non moins par l’excellence de
ses capacités que par l'exemplarité de sa vie.
Parmi les nombreux élèves, on en comptait deux
particulièrement exemplaires :Le Duc Sixte Riario
Sforza et le comte Joachim Pecci. Le premier devint
Cardinal Archevêque de Naples ou il mourut en odeur
de Sainteté en septembre de 1877 ; le second dut à sa
sagesse et à ses vertus d’accéder au premier trône du
monde. Ses études terminées l'abbé Pecci, docteur en
droit civil et canonique, laissait une telle renommée
que Grégoire XVI venant à connaître ses rares qualités
d’esprit, se prit d'une haute estime pour sa nature
attachante et le prit en très grande affection. N'étant
pas encore prêtre, il le créa prélat domestique et
référendaire de la signature papale de justice le 16
mars 1837.
Le temps approchait ou il monterait à l'autel. Nous
croyons inutile de rapporter comment il y préparait sa
belle âme. Il reçu les ordres sacrés dans la chapelle de
Saint Stanislas-kostka par les mains du Cardinal
Carlo Odescalchi, et reçu des mêmes vénérables
mains l'ordination sacerdotale dans la chapelle du
Vicariat le 23 décembre 1837. La joie dont il sentit
inonder son cœur fut indicible à l'aurore de ce
nouveau jour ou il eut l'heureux bonheur d'appeler du
ciel par son ordre et d'immoler l'autel de la paix
l'agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde.
Nous croyons que le Divin Sauveur fit aussi ses
délices de s'entretenir avec son ministre, inondant des
plus belles grâces son futur Vicaire, son Général, le
Pasteur suprême de tous les fidèles, le courageux
pilote qui devrait un jour diriger le navire de Saint
Pierre vers le port du salut éternel.

CHAPITRE III
Monseigneur Pecci, Déléguât
Apostolique
La province du Bénévent, sous la douce domination
du Chef de l’Église,était depuis quelque temps en but
à de graves difficultés. Situé loin de Rome dans une
enclave au sein du royaume de Naples, une Camorra
de mafieux y sévissait qui terrorisaient la population
commettant de nombreux meurtres et dévastant tout.
A cela s'ajoutait que quelques familles de
l'aristocratie, aussi puissantes par les affaires que par
l’hérédité, négociaient presque avec cette maffia tant
pour conserver leurs richesses que pour garder la vie
sauve. Ainsi, au lieu de prêter main forte au
gouvernement du Pape pour faire arrêter les criminels
ou au moins pour limiter leurs méfaits, elles leur
donnaient l'hospitalité dans leurs châteaux, les rendant
ainsi plus osés dans leurs délits en dépit des demandes
de l'autorité et au mépris de la sécurité des honnêtes
gens. Inutile de dire que dans une telle situation il n' y
avait plus de sécurité ni de nuit, ni de jour, les familles
étaient presque terrorisées, et de partout on réclamait
des mesures efficaces.
Celui qui serait en mesure de régler un si grave
problème, apaiser les esprits, et rendre la tranquillité
et la paix dans cette province dévastée, aurait bien
mérité de la religion et de la patrie. Mais il fallait un
homme à l'esprit assez perspicace pour trouver les
meilleurs moyens, et possédant un caractère
suffisamment énergique pour les mettre à exécution
avec détermination. Y en avait-il un ?

Le pape Grégoire XVI, tendre père qui désirait


ardemment apporter le salut et la prospérité à ses
sujets, ayant considéré attentivement les choses, vit en
mgr Pecci, malgré ses 28 ans, l'homme qui possédait
les qualités nécessaires pour une affaire aussi difficile.
Il le nomma déléguât et lui confia le gouvernement de
la province du Bénévent, affichant ainsi sa confiance
en ses capacités pour rétablir la paix en peu de temps.
Confirmant l'espérance qu'avait placé en lui le Chef de
l’Église, le jeune déléguât répondit aux attentes de
tous. Fidèle à la confiance qu'on lui avait témoigné en
le choisissant pour cette importante fonction, il s' y
rendit et se mit aussitôt à l’œuvre. Il commence par
s'entourer d'habiles et fidèles auxiliaires, attirant
l'estime des officiers et des soldats, et pour mieux
réussir à donner la chasse aux ennemies de la paix
civile, il s'accorda avec le roi de Naples pour les faire
poursuivre jusque dans ses États. La situation ainsi
préparée changea d'aspect. Il prit des mesures, donna
et fit exécuter ses commandements avec une telle
prudence et un tel courage qu'il fut unanimement
admiré et applaudi. La traque des terroristes qu'il
organisait était si bien conçue et préparée, qu'il arrivait
rarement qu'un des siens perde la vie et il réussissait
très souvent à débusquer les rebelles et à les capturer
sans effusion de sang. Le sage et courageux prélat fut
il est vrai plusieurs fois menacée, mais il ne se donnait
jamais pour perdu.
Il se trouva parfois dans des situations dramatiques,
mais on ne l’arrêta jamais dans la poursuite de son
but. Au contraire, les difficultés et la peur l'aiguillaient
davantage, en pensant qu'il travaillait pour l’Église et
pour Dieu, Prince de la paix et ennemi implacable du
désordre. Au sujet de sa fermeté, on raconte le fait
suivant. Un marquis qui protégeait par intérêt les
malfaiteurs, s'estima offensé de ce que le déléguât les
faisait poursuivre et chercher dans ses terres et dans
ses châteaux. Étant venu le trouver pour l’injurier et le
menacer, ce marquis poussa l'audace jusqu' à le
prévenir qu'il se rendrait à Rome pour le faire déposer
de sa charge. Devant un tel irrespect, Mgr Pecci
répondit paisiblement:
-Y avez vous bien pensé, Monsieur le marquis ?
-Certes oui, Monseigneur !
-A moi il me semble que non, reprit le délégué.
Et comme dans ces affaires là la réflexion n'est
jamais trop longue, Je vous donne l'occasion d'y
pourvoir par trois mois de prison au pain et à
l'eau.
Et il le fit enfermer séance tenante. Par l'application de
moyens efficaces et impartiaux, la province fut purgée
en peu de mois et la calme public fut pleinement
rétabli.
Le pape hautement satisfait, lui en rendit des éloges
mérités, de même que le Roi Ferdinand qui l'invita à
Naples pour recevoir le témoignage de ses
souveraines félicitations. La population, consciente du
bien qu'elle en avait reçu, ne manqua d'applaudir le
jeune délégué. Apprenant qu'il était tombé malade, on
fit à Dieu beaucoup de prières publiques et privées, et
même, spontanément, des processions nu-pieds et en
vêtement de pénitence pour implorer du ciel sa
guérison. L'ayant obtenue elle l'en remercia du plus
profond du cœur.Cette remarquable preuve de bon
gouvernement poussa le Pape à lui confier
successivement les délégations de Spolète et Pérouse.

C'est dans cette ville que le 25 septembre 1841 Mgr


Pecci eut l'honneur d’accueillir avec de grandes
réjouissances populaires l'Auguste Pontife qui
voyageait pour visiter une parties de ses états.Un fait
mémorable, à vrai dire non pas rare mais unique se
produisit à cette époque.A Pérouse, chef-lieu qui
compte vingt mille habitants, il arriva un jour que les
prisons se trouvèrent vides, sans un seul détenu. Signe
évident s'il en est de la sage administration de Mgr
Pecci qui obtenait ces résultats moins par la rigueur
de la justice qu'en sachant éduquer et moraliser les
peuples par les moyens de la religion et ceux qu'elle
suggère. Heureux les peuples s'il étaient ainsi
gouverner !
CHAPITRE IV
Monseigneur Pecci, Nonce en Belgique

Il n' y avait plus de doute qu'à une très haute science


Mgr Pecci joignait une bien rare perspicacité dans le
maniement des affaires les plus difficiles et les plus
délicates. Pour cette raison, le Pontife Romain qui
avait besoin de tels hommes, estima que le mérite, les
vertus et les services de notre Prélat devaient être
employées sans perdre de temps à des causes majeures
pour l'utilité de l’Église. En consistoire du 27 janvier
de 1843 il le créa Archevêque de Damiette, in
partibus infidelium, et le nomma Nonce apostolique
en Belgique auprès de la cour de Léopold 1er.
Le19 février Mgr Pecci était consacré à Rome par le
Cardinal Luigi Lambruschini en l’Église de Saint
Lorent in Panisperna, recevant ainsi l'épiscopat
alors qu'il n'avait pas encore trente trois ans. Parti
pour Bruxelles, il y arriva le 6 avril.
Le roi le prit aussitôt en grande estime, resserrant ainsi
singulièrement ses liens, sa dévotion et son pieux
attachement envers le Saint-Siège si bien représenté
par le digne Prélat.
Mgr Pecci laissa en Belgique le meilleur souvenir
durant les trois ans de sa Nonciature. C'est à son
apostolat que l'on doit le fait que dans ce royaume les
Catholiques se montrèrent toujours fervents dans le
religion et courageux dans l'exécution du bien. Par ses
paroles éloquentes et persuasives, il sut promouvoir
l'éducation chrétienne de la jeunesse. Il favorisa de
magnifiques institutions de charité déjà établies et il
encouragea les personnes de bien à entreprendre les
plus nobles entreprises.
Il honora de sa présence les instituts d'instruction et de
bienfaisance, leur procurant protections et subsides.
Il participa aux offices religieux rehaussant ainsi leur
solennité et montrant aux grands et aux petits le
merveilleux exemple de la plus haute piété.
Le 2 juin 1844 il fit à Bruxelles la célèbres procession
du centenaire de Notre-Dame de la Chapelle au milieu
d'un concours extraordinaire de fidèles. Par ses visites
dans les villes et dans les familles, par la noblesse de
sa physionomie et par la courtoisie de ses manières,
par de sages conseils et suggestions, il alluma de son
zèle apostolique la flamme vive qui s'est développée
et a produit partout cette ferveur religieuse, si
consolante pour l’Église et la société civile, que l'on
observe encore aujourd'hui.
Faisant ainsi le plus grand bien, il a gagné l'estime et
l'affection de toutes les classes de la société.
Son intense amour de la Belgique ne s'est jamais
démenti. Il l'affectionne tant que, revenu en Italie, il fit
de son palais l'asile de tout les Belges qui s'y
présentaient.

Durant les vacances, il accueillait souvent les élèves


du Collège Belge de Rome, logeant de même tous
ceux qui venaient dans la métropole du christianisme.
Il n'est donc pas étonnant que la nouvelle de son
élévation au Souverain pontificat ait éveillé dans toute
la Belgique un immense enthousiasme et une joie
indicible jointe à une filiale promesse de dévotion et
de fidélité inviolable.
Le climat de la Belgique ne convenant pas à la
constitution physique de Mgr Pecci, le Pape, informé
de sa santé, le rappela en Italie. En signe de délicate
bienveillance et d'estime le Roi Léopold, lorsqu'il prit
congé, voulut le décorer du grand Cordon de son ordre
et il lui remit une lettre cachetée à remettre à Sa
Sainteté. Le Nonce, qui avant de rentrer à Rome
désirait visiter une partie de l'Europe, demanda si les
commissions du roi étaient urgentes.
Il suffit, Monseigneur, lui répondit le Prince, que
vous-même remettiez ce pli dans les mains du Pape
dès votre retour. Dans sa lettre à Grégoire XVI, le Roi
Léopold célébrait hautement le caractère, les vertus, et
les services de Mgr Pecci, et suppliait Sa Sainteté de
lui accorder au plus tôt l'honneur de la Pourpre
Sacrée.
C'était le plus bel hommage que le Nonce pouvait
recevoir, le roi témoignant sa satisfaction de l'avoir eu
auprès de lui et de ses sujets comme représentant du
Chef de l’Église et d'avoir bien fait toute chose. Ainsi
se manifestait toujours mieux la virtuosité du jeune
prélat dans les affaires les plus considérables, et le
Pape sentait son cœur ravi en voyant qu'il serait un
jour l'honneur et la gloire du Siège Apostolique.

CHAPITRE V
Monseigneur Pecci, Évêque et Cardinal
de Pérouse, les œuvres de son zèle

La ville de Pérouse avait perdu son pasteur. Aussi,


toujours aussi reconnaissante du sage gouvernement
que Mgr Pecci avait exercé comme délégat, elle
envoya à Rome une députation de Notables pour
obtenir de sa Sainteté l'honneur de l'avoir pour son
Évêque. Une telle démarche plut beaucoup au
Souverain Pontife, qui l’accueillit et y répondit
favorablement.
Après avoir reçu son consentement, Grégoire XVI le
préconisa Évêque de Pérouse au consistoire du 19
janvier 1846, et il l'aurait peu après nommé Cardinal,
si sa mort, survenu en juin de la même année, ne l'en
avait empêcher.
Avant d'aller prendre possession de son évêché, Mgr
Pecci participa à Rome au deuil de l’Église pleurant la
perte de son illustre Chef visible, puis il assista aux
réjouissances célébrant l’élection du Pape Pie IX qui
lui fut donner pour successeur.
C'est le 26 juillet, fête de Sainte Anne, qu'il choisit
pour faire son entrée solennelle à Pérouse, en
mémoire de la comtesse Anne sa très chère mère, dont
l'image était toujours aussi vive dans sa mémoire et
dont le cher nom restait imprimé dans son cœur. Un
peuple innombrable, en liesse, accourut pour le
recevoir.
Toutes les classes sociales venues lui rendre leur
devoirs de respect et d'amour lui montrèrent qu'il
entrait en Père parmi des fils aimants, en pasteur
parmi des brebis dociles voulant se laisser guider vers
le salut éternel en lui faisant goûter les consolations
les plus douces. D'autres fêtes splendides lui seront
faites aussi en 1853, lorsque que le grand Pie IX, en
consistoire du 19 décembre, le créa Cardinal du titre
de Saint Chrysogone.
Le Cardinal Pecci gouverna l’Église de Pérouse 32
ans, période de sa vie qu'il passa dans l'exercice des
plus insignes vertus. Les actes de son long épiscopat,
les œuvres de son zèle sont si nombreuses et si
connues, qu'il serait trop long de les traiter toutes
individuellement. Nous croyons néanmoins devoir
indiquer ici, dans les Grandes lignes, ce qu'il réalisa
de plus mémorables, pour que nos lecteurs aient
comme un aperçu de son œuvre vraiment apostolique
et à combien juste titre le Collège cardinalice le jugea
digne des Clefs de Saint Pierre.
Pour le bon gouvernement et pour la prospérité d'un
diocèse, le clergé est pour l’Évêque ce qu'une armée
bien aguerrie et fidèle est pour un roi. Aussi le soin
principal de l’Éminent Pecci fut de se former,des
prêtres doctes et vertueux, capable de soutenir les
batailles du Seigneur, de défendre l'honneur de
l’Église et de pourvoir efficacement au salut des âmes.
Il institua à cet effet une académie sous le nom de
Saint Thomas d'Aquin, dans laquelle était discutées
des thèses théologiques dans les débats qu'il présidait
lui-même, donnant à chaque participant de salutaires
avis.
Aimant tout particulièrement les jeunes aspirants au
sacerdoce, il s'entretenait souvent avec eux, et tant par
ses exemples que par ses conseils, les confirmait dans
leur vocation, les animant à la pratique des vertus
qu'ils devaient un jour prêcher aux peuples.
Tel était l'affection qu'il nourrissait pour eux que
parfois ils les invitaient à sa table, comme des fils
autour de leur père. Lorsque fut publiée la loi qui
impose au clercs l'obligation du service militaire, les
obligeant à quitter le séminaire pour les quartiers
militaires et les camps de manœuvres, le Bon Pasteur
fonda pour les plus pauvres une œuvre de rachat de
l'obligation militaire, faisant pour eux appel à la
charité de ses diocésains. Plus tard, il institua la pieuse
confrérie de Saint Joachim pour les ecclésiastiques
indigents, procurant un juste repos à ces vétérans qui
avaient dépensé leur vie pour l’Église, les retirant
ainsi de la misère et de l'indigence (dans laquelle les
plaçaient les lois de spoliation du clergé).
Sa bienveillance et sa bonté envers beaucoup de
prêtres de son diocèse furent telles qu'ils le
considèrent toujours comme une bénédiction du ciel et
comme un don magnifique reçu de Dieu.
Il est vrai qu'il les traita toujours avec la mansuétude
d'un père. Ils les recevait facilement en audience
particulière, les animait en œuvres de zèle, écoutait
leurs peines, les consolait joyeusement, les conseillait
dans leurs doutes et les dirigeait dans leurs difficultés.
S'il fallait parfois quelque reproche à certains, il le
faisait avec tant de charité que loin d'exacerber les
esprits et de s’aliéner les personnes, il se les ralliait
par des marques de respect et d'affection, leur
inspirant courage pour mieux faire et pour se montrer
toujours la lumière et l'exemple du peuple. Il parvint
ainsi à former un clergé dévoué et uni ne formant avec
lui qu'un seul cœur et une seule âme pour aimer Dieu
et Le faire aimer.
Aussi à l'annonce de l’élection du Cardinal Pecci au
trône de Saint Pierre, le clergé de Pérouse en montra
une joie immense. Et telle était la grandeur de
l'affection qu'il lui portait, que, ne sachant se résigner
à ne plus l'avoir comme leur propre Pasteur, il
demanda et obtînt comme faveur qu'il continuerait,
bien que Pape à être Évêque de Pérouse, ce que le
Pape accepta.
Ainsi sa Sainteté, chef de l’Église Universelle,
continue aussi à être Évêque du Diocèse de Pérouse
qu'il gouverne par l'intermédiaire de Mgr Carlo
Laurenzi, Évêque d'Amata, et par Mgr Giovanni
battista Pao lucci Archevêque in Partibus
d'AdrianoPoli, nommé en Consistoire du 15 juillet de
cette année (1878) administrateur apostolique tant au
spirituel qu'au temporel de l' Évêché de Pérouse.
Pleinement convaincu que de la bonne ou mauvaise
jeunesse dépend le sort heureux ou malheureux des
familles chrétiennes et de la société religieuse et
civile, il s'employa aussi de tout son pouvoir à
l'instruction religieuse des enfants, unique moyen
efficace de les faire grandir bons et vertueux. Aussi
par des instructions pastorales appropriées, il
recommanda aux curés l'enseignement de la doctrine
chrétienne.
Afin de rassembler plus facilement les jeunes gens
dans des activités récréatives afin de pouvoir les
catéchiser et les éloigner des jeux dangereux et de la
dissipation, il institua les Oratoires, ou Jardins de
Saint Philippe Néri, qui sont des lieux de récréation,
d'instruction et de piété semblables à ceux de
l'Oratoire de Saint François de Sales, de Saint Louis,
de Saint Joseph, et quelques autres, ouvert à Turin et
en diverses villes d'Italie, de France, et d' Amérique
(Par Don Bosco lui-même).
A cette même fin il institua d'autres pratiques, comme
celle des premières Communion solennelles, ne
laissant rien de côté pour que les adolescents boivent
durant leurs tendres années le lait salutaire de la
dévotion et de la piété au sein de leur famille, a
l’église et dans les écoles.
Il pourvut également à la bonne éducation des jeunes
filles appartenant aux meilleurs familles en ouvrant la
noble institution de Saint Anne dans une maison
construite par ses soins, qu'il inaugura au nom et sous
la protection du Saint Père le Pape Pie IX, en en
confiant la direction aux Dames du Sacré Cœur.
Tout en se préoccupant de la culture du clergé et de
l’éducation religieuse de la jeunesse, il n'omit pas de
pourvoir au salut de toutes les âmes confiées à ses
soins. Il établit pour cela les Sacrés Ouvriers
diocésains pour la prédication ; il publia des pastorales
contre le vice de l'incontinence, des instructions pour
la sanctification des fêtes, des édits contre les
blasphème, des décrets aux paroisses sur le
catéchisme aux adultes.Pasteur très vigilant à repérer
les loups et à en avertir aussitôt ses brebis aimées, il
fit paraître des avertissements contre les écoles
protestantes, des déclarations contre le mariage civil,
des pastorales contre l’œuvre impie d'Ernest Renan
nouvel Arius qui nie la divinité de Jésus-Christ contre
les erreurs visant à détruire la religion et la vie
chrétienne ; contre les dangers de perdre la foi, contre
les attaques actuelles du siècle envers la religion, et
contre bien d'autres encore.

Il adressait à chacun de ses coadjuteurs ses


magnifiques instructions pour qu'elle parviennent
telles des flèches, à chaque fidèle dans leur paroisse. Il
écrivit ainsi une lettre pastorales sur les prérogatives
de l'Église catholique ; une autre sur les prérogatives
du Pontife Romain, une troisième sur la puissance
temporelle du Pape, une quatrième sur la guerre
chrétienne, une cinquième sur l’Église catholique et le
XIX siècle, une sixième et une septième sur l’Église
catholique et la civilisation, et d'autres encore toutes
inspirées d'une Science profonde et d'un zèle très
ardent. Plus encore : afin de de mieux connaître les
besoins de ses fidèles et pourvoir efficacement à leurs
besoins il n'accomplit pas moins de six fois la visite
pastorale de son diocèse. Enfin, il faut encore mettre à
son initiative comme son œuvre propre la construction
de 36 églises édifiées depuis les fondations et
beaucoup d'autres restaurées et agrandies.
Son esprit et son grand cœur n'embrassaient pas
seulement les âmes mais aussi les corps de ses
diocésains, attentif qu'il était à étendre sa charité à
l'adoucissement de toutes les misères. Il a pensé aux
orphelins en réformant l'orphelinat masculin dont il
donna la direction aux Frères de la Miséricorde. Il a
ouvert, pour les jeunes filles en périls, le conservatoire
de l’œuvre de bienfaisance Graziani, dont il a donné la
direction aux sœurs belges de la Divine Providence.
Il a béni et inauguré un nouvel Hôpital pour les
femmes souffrant de maladies chroniques, ainsi que
tant d'autres œuvres qu'il a fondées, promues et
soutenues, qu'il serait trop long de les énumérer.
En somme le Cardinal Pecci fut pour son diocèse le
père des pauvres, leur consolateur des affligés, le
soulagement de tous les misérables, vrai disciple de ce
Maître ( le Pape Pie IX), qui, du Vatican comme d'une
source intarissable, versait partout ses bienfaits.
Le pieux Cardinal, conscient que chacun de ses efforts
pour le bien des âmes serait vain s'il n'était
accompagné de la grâce divine, institua
solennellement dans son diocèse la dévotion envers le
Sacré Cœur de Jésus et l'auguste Mère de Dieu, la
Très Sainte Vierge Marie.Ces deux chairs dévotions
furent comme les plus larges canaux par lesquels il fit
descendre du ciel les eaux bienfaisantes pour irriguer
les âmes commises à ses soins, pour leur faire
produire des fleurs et des fruits de toutes les vertus.
Ayant au préalable publié une pastorale, avec une
grande solennité, il consacra la ville et le diocèse au
divin Cœur, plaçant dans cette Arche de Salut chacune
de ses âmes chéries. La vraie dévotion envers la Mère
de Dieu étant aussi au centre du Salut et gage de
prédestination à la gloire, le zélé pasteur n'omit rien
pour l’exciter dans le cœur de ses diocésains.
A cet effet il fonda et ouvrit le sanctuaire du pont de
la pierre en l'honneur de Marie Mère de miséricorde,
et il couronna solennellement dans le dôme de
Pérouse l'image miraculeuse de Notre Dame
Dispensatrice de Toutes grâces ; il demanda et obtint
pour la ville et le diocèse l'Office et la Messe du
Cœur Immaculée de Marie ; il obtint du Saint Père le
Pape Pie IX, des indulgences pour l’éminente Relique
de l'Anneau Sacré du Mariage de la Vierge Marie avec
Saint Joseph, que Pérouse à la chance de posséder ;
enfin dans une solennel consécration il s'est placé lui-
même et toute son Église sous la manteau de Marie
Immaculée. Voilà les moyens avec lesquels son
éminence le Cardinal Pecci fit de Pérouse comme le
modèle des diocèses ; voilà encore comment il alluma
ce feux de charité et de zèle, par lequel il peut à bon
droit être proposé en exemple à tout les évêques du
monde. Siégeant durant de si longues années, au sein
même des bouleversements politiques, il ne manqua
jamais à ses devoirs pastoraux. Dans les circonstances
les plus critiques il fut toujours égale à lui-même,
décidé, charitable, circonspect et prudent. Il sut
toujours inspirer leur respect envers lui-même et
envers sa haute dignité, se faire estimer et admirer des
amis et même de ses ennemis. Les hommes du monde
eux-même rendent hommage à ces belles vertus.

« Le Cardinal Pecci, écrit Ruggiero Bonghi, est


certainement, de tous les membres du Sacré Collège,
un des caractères les mieux trempés et plus
sainement vigoureux. Il a été bon dans les études ; il
a été bon dans le gouvernement ; mais en tant
qu'évêque, il a excellé. »

Chapitre VI
Le Cardinal Pecci créé Camerlingue de
la Sainte Église Romaine il est donné
pour successeur du grand Pie IX.

Parce que nous avons vu au travers ce ses quelques


faits, il semble que l'on puisse dire que dans le
gouvernement de l’Église de Pérouse son éminence le
Cardinal Pecci montra autant de zèle et la même
souveraine sagesse que Pie IX dans le gouvernement
de l’Église universel. Aussi, par une inspiration divine
et peut-être mû par le pressentiment de ce qui devait
se passer bientôt, le grand Pontife par acte consistorial
du 21 septembre de 1877, l’appela près de lui pour
exercer à Rome l'office de Camerlingue ; par cet acte,
d'une certaine manière, Pie IX le désigna pour son
successeur, puisque en cas de vacance du Saint-Siège,
le Camerlingue prend le gouvernement de l’Église.
Je ne dit pas par hasard qu'il le désigna en quelque
sorte son successeur. Tous savent en effet que, dans le
conclave de 1846, Pie IX avait voté en faveur de son
éminence le Cardinal Deangélis, Archevêque de
Fermo, et qui lui conféra ensuite la charge de
Camerlingue parce qu'il l'avait cru digne de ceindre la
Tiar.
Par conséquent, en conférant la même dignité à son
éminence le Cardinal Pecci, Pie IX manifestait
clairement en quelle estime il le tenait et à quel point
il le jugeait orné de toutes les vertus requises pour être
chef de l’Église catholique.
L'admirable Pontife étant mort, le Camerlingue eut la
charge très difficile de préparer en grande partie le
conclave de Février 1878 qui devait lui donner un
successeur.
Malgré la crainte de ceux qui pensait que l'élection se
prolongerait, tant étaient nombreux les sujets dignes
sur lesquels les votes du Sacré Collège auraient pu se
disperser, les qualités du Cardinal Pecci se montrèrent
avec un tel contraste au regard de celles des autres
cardinaux que toutes les pensés serait reportèrent sur
lui.
Ce fut donc sur cet italien de naissance, né dans les
États de l’Église, expérimenté dans les négociations
diplomatiques et dans l'administration du Saint Siège,
Évêque, ayant siégé trente deux ans dans le même
diocèse, docteur en théologie, en droit, en philosophie
et en lettres classiques, riche de toutes les qualités et
vertus, plein de grâce naturelle, si exemplaire, si
pieux, si zélé pour la cause du règne de Jésus-Christ
dans le monde, ce fut sur lui que se rassemblèrent les
regards, les pensées puis les votes des Princes
Électeurs. C'est ainsi que le 20 février, après
seulement trente six heures de Conclave, au troisième
scrutin, il était acclamé Pontife Suprême.

L’Église déposant alors les vêtements de Deuil pour


revêtir ceux des jours de fêtes exultait d'une joie très
pure. Cependant, celui qui était regardé comme le plus
étincelant des diamants pouvant briller sur le premier
trône du monde, se croyant très indigne d'être élevé à
une telle hauteur et discernant la probabilité qui allait
se produire dans le Conclave, pâlit, trembla et pleura.
Nous rapporterons à ce propos le témoignage de deux
de ses Collègues.
Son Éminence le Cardinal Donnet, archevêque de
Bordeaux, revenu de Rome, a prononcé en chair une
émouvante allocution que nous lisons dans la
Semaine Catholique de Toulouse. Nous en relevons
ce très bel épisode de l'élection de Saint Père le Pape
Léon XIII heureusement régnant : « J'ai vu, dit-il,
assez longtemps et de très près le Cardinal Pecci
pendant tout le temps que dura le Concile du
Vatican, il fut mon commensal. Toutes les fois que je
suis allé à Rome, j'ai eu avec ce vénérable Prince de
l’Église des relations fréquentes. C'est vous dire les
liens d'intime amitié qui unissaient nos cœurs. Vous
ne tarderez pas à reconnaître en Léon XIII toutes les
qualités de Pie IX d’impérissable mémoire : la même
douceur, la même affabilité, la même éloquence. La
science et la fermeté de caractère se joignent en lui,
comme en Pie IX, à une rare vertu et à une
prudence consommé. Seul son humilité égale son
mérite.Nos sièges de votant se touchant au Conclave,
je puis vous témoigner de ce que j'ai vu. Pendant
que l'on procédait au dépouillement du scrutin qui
allait le placer sur la Chair de Saint Pierre, alors
que son nom sortait plus fréquemment de l'urne, ce
qui le désignait déjà, selon toutes probabilités,
comme successeur de Pie IX, je vis de grosses larmes
lui glisser des yeux, et sa main laissa tomber la
plume qu'il avait employée. Je pris la plume et je la
lui rendis, en disant : Courage ! Il ne s'agit pas de
Vous en cet instant! Il s'agit de l’Église et de
l'avenir du monde ! Et il leva les yeux au ciel comme
pour implorer l’assistance divine. »
A sont tour le Cardinal de Bonnechose, Archevêque
de Rouen, en parlant à son diocèse, dit la chose
suivante qui a été publié dans la Semaine Religieuse
de cette ville :
« Le Cardinal Pecci, sur lequel s'était concentré la
veille le plus grand nombre de votes, était le matin
du mercredi pâle et peiné. Il alla trouver l'un des
membres les plus vénérables du Sacré Collège (le
Cardinal Bartolini), qui avait toute sa familiarité, et
il lui dit avant l'ouverture du scrutin : je ne peux pas
rester ainsi ; je dois parler au Sacré Collège ; je
crains qu'il commette une erreur ; on me fait la
réputation d'un Docteur, on me croit savant , mais
ce n'est pas le cas ; on suppose que j'ai les qualités
nécessaires pour être Pape et je ne les ai pas ; voilà
ce que je voudrais dire aux Cardinaux. Par bonheur,
son interlocuteur lui répondit : Quant à votre
doctrine, ce n'est pas à vous d'en juger, mais à nous,
quant à vos qualités pour être Pape, Dieu les
connaît, laissez le faire. Il obéit, et bientôt le nombre
des suffrages ayant dépassé les deux tiers des voix, il
était nommé Pape. » Admirons, chers lecteurs, la
puissance et la bonté de Dieu dans ce rapide et
excellent choix du Pape, malgré une époque aussi
difficile pour l’Église Catholique. Oh ! Oui, de même
que l’Église durera jusqu'à la fin des siècles, de même
aussi, jusqu'à la fin des siècles, elle aura toujours son
Chef visible ; et cela par l'infaillible promesse de
Jésus-Christ que les portes de l'enfer ne prévaudront
jamais ni contre l’Église, ni contre la Pierre sur
laquelle elle est fondée.

A cet égard nous voulons fermer ces pages par ces


paroles de l'immortel Pie IX à M. Ideville préfet de
Napoléon III en Algérie, et à son épouse un jour
qu'ils étaient reçus avec leurs enfants en audience
particulière au Vatican : « Les parents dit le grand Pie
IX, peuvent être peinés, en laissant ce monde, parce
qu'ils pensent à leur famille, quant à moi, je m'en
irais joyeux, avec confiance et sécurité ; que Dieu ait
soin de ma famille, de mon héritage et de ma
dynastie. Je crains moins la mort que des hommes
très sagaces, comme par exemple votre Empereur. Je
suis toujours prêt à partir. Vous êtes jeunes tout les
deux et votre vie sera longue ; mais sans me tromper,
c'est la dernière fois que vous me voyez ; et peut-être
pendant longtemps ne reviendrez-vous plus à Rome.
D'ici là , rappelez-vous de moi, de ce que je vous dit :
rappelez-le à cet enfant lorsqu'il pourra le
comprendre. »
Ici le Pape leva les yeux vers le crucifix voisin, et
ensuite en se battant la poitrine, et en regardant
l'enfant : « Gravez profondément dans sa mémoire,
dit-il le souvenir de cet homme vêtu de blanc,
présent aujourd'hui devant lui ; et quoi qu'il arrive
de moi, sachez bien qu'ici, dans ce lieu même, là ou
je suis debout, lorsque l'enfant, plus âgé, reviendra
peut-être un jour avec ses fils et ses petits-fils, sachez
qu'il trouvera toujours ici dans ce même lieu un
autre homme vêtu de Blanc comme moi ! » Ainsi
l'immortel Pie IX, qui nous présente, presque en le
tenant par la main, son successeur Léon XIII, nous
dit : Obéissez- lui comme vous m'obéissez à moi,
vénérez-le, aimez-le avec ce respect et avec cette
affection dont vos âmes furent et seront toujours liées
à moi en Dieu.
Les prophéties sur les Pontifes romains attribuées à
Saint Malachie, Archevêque d'Armagli, sont
célèbres. Ce saint vécu en Irlande (de 1094 à 1148) du
temps de Saint Bernard qui l'appelle dans l'éloge
funèbre qui fit de lui Ange, prophète ; le saint
remarque qu'il porte bien ce nom de Malachie, car il
est l'émule du prophète Malachie en sainteté et en
inspiration prophétique. Quelque uns ne croient pas à
ce qu'il à écrit, et ne le tienne pas en grande
considération. Sans qu'il n'y ait rien d'obligatoire à
cela, il n'y a cependant rien de mal à rappeler ses
prophéties et à les publier sans leur attribuer une
importance déterminante. Nous rappellerons ici
certaines d'entre elles.
Elles commencent à partir de Célestin II élu en 1143.
Chaque Pape n'y est nommé que par quelques mots,
cadrant néanmoins, pour quelques uns, au cheveu
près.

Ainsi, entre autres, pour Pie VI, qui y est appelé


Pèlerin Apostolique, et dont l'histoire et la littérature
s'unissent pour lui donner en effet ce nom parce qu'il
alla à Vienne près de l'Empereur Joseph II en 1783,
pour l'engager à de meilleurs rapports entre ses états et
l’Église catholique.

Pie VII est appelé Victime de l'aigle rapace, c'est à


dire de Napoléon 1er, et nos anciens se rappelle
encore la captivité du septième Pie, et l'usurpation de
ce rapace sur tous les royaumes.

Pie IX est indiqué Crux de Cruce, ce qui ce confirma


par ses tribulations, car il a, pour ainsi dire, porté sur
lui Croix sur Croix.

Quant à la prophétie du Pape qui devait succéder à


Pie IX, elle indique le nom de Lumen de Coelo,
lumière du Ciel.On se demandera comment
s'appliquent ces mots à Léon XIII.
Nous répondrons que les armes du Cardinal Pecci
portent dans la partie supérieur une étoile, ce qui
explique le Lumen de Coelo de la célèbre prophétie.

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