RÉPARER LA FRACTURE

NUMÉRIQUE :
MISE-À-JOUR DU MILIEU CARCÉRAL
Proposé par
Audrey CERIANI, Valon HALILI, Marie HEER, Virginia IVANYI,
Hélène MEJSTRIK, Dany Cyaka NKURUNZIZA & Juliane TENDON
Sous l’encadrement de
Ayshe KIZILÇAY

Coordonné par
Prof. Yaniv BENHAMOU & Seth Médiateur TUYISABE

Cours transversal : Comprendre le numérique 2 (CN2) - Université de Genève | UNIGE

PLAN
Le cas Le public cible
En tant que moyen crucial notamment pour Nous espérons que notre livrable servira de
maintenir des contacts sociaux, s’informer et se ressource pour inspirer les autorités genevoises à
former, l’accès aux technologies de l’information et entreprendre des démarches afin de favoriser
de la communication (TIC) et à une connexion l'accès à Internet et aux TIC dans les
Internet devient de plus en plus essentiel pour établissements carcéraux. Ce document pourrait
concrétiser les droits des personnes en détention. également être une source d'information précieuse
pour les personnes détenues et pour toutes les
En effet, des centres pénitentiaires dans d’autres parties prenantes du domaine carcéral, qu'elles
États ont permis l’accès au numérique à leurs soient directement ou indirectement liées à ce
détenu·e·s, un changement qui s’avère concluant : secteur, telles que des avocat·e·s, des gardien·ne·s
selon la RAND (Research and Development) de prison ou des proches de personnes détenues.
Corporation⁰, les détenu·e·s participant à des
programmes d'éducation correctionnelle ont en De plus, grâce à sa forme, le livrable pourrait
moyenne 43 % moins de risques de récidiver, et intéresser un public adulte plus large
ceux ayant participé à des programmes ultérieurement. En effet, accessible à toutes et à
d’enseignement académique ou professionnel en tous, y compris à celles et ceux qui ne sont pas
prison ont 13 % plus de chances d’obtenir un emploi familiers avec le milieu carcéral, il offre des
après leur libération. informations permettant au grand public de
s’informer et de se sensibiliser sur le sujet. Les
Concernant Genève, des tensions au niveau légal et défenseur·euse·s des droits humains, les personnes
technique empêchent l’avancement d’un tel projet. membres des institutions carcérales et les
personnes détenues peuvent y découvrir des
Dès lors, le cas consistera en une analyse moyens techniques et juridiques à développer pour
pluridisciplinaire des enjeux et du cadre légal améliorer les conditions de détention et favoriser la
entourant l’accès au numérique en détention pénale réinsertion.
et administrative, en vue d’élaborer des solutions
juridiques et pratiques. Le livrable
Se présentant sous format magazine, ce livrable
Cette analyse sera abordée en considérant trois vise à faciliter son accessibilité au public cible et
aspects : numérique, juridique et social, permettant permet d'intégrer diverses problématiques,
ainsi une approche complète de la question. notamment les modalités d'accès, les conditions de
mise en œuvre, ainsi que les avantages et les limites
La problématique imposées par les enjeux sécuritaires, offrant ainsi
Notre recherche vise à explorer et comprendre les les clés nécessaires à la compréhension du sujet.
obstacles à la transition numérique dans les prisons.
Chaque membre de l'équipe estudiantine apporte
La problématique centrale sur laquelle repose cette son expertise et sa formation dans un domaine
étude est la suivante : spécifique pour contribuer à l'élaboration de ce
livrable. L'objectif est de mettre en lumière les
Quelles sont les barrières logistiques, sociales et possibilités de réalisation du projet à l'avenir.
légales empêchant la transition numérique dans
le milieu carcéral et comment passer outre pour Accessibilité
permettre l'amélioration des conditions de Un format PDF du livrable est disponible et
détention ? accessible à toutes et à tous sur la page web du
projet. Pour le consulter, rendez-vous sur la
Cette question guide l'analyse des facteurs qui plateforme Digital-Clinics UNIGE, sous la rubrique :
limitent l'intégration des technologies numériques 'Projet des étudiant.es, Édition 2024, Prisons et
en prison et examine les stratégies potentielles numérique'.
pour surmonter ces défis, dans le but ultime de
favoriser une meilleure gestion carcérale et
d'améliorer les conditions de vie des personnes en
détention.

“Nous vous remercions pour votre lecture et votre

intérêt qui illuminent chaque étape de ce projet !”

- L’équipe estudiantine GT2 : Prisons et numérique www.unige.ch/digital-clinics/index.php?cID=259

⁰ RAND (Research and Development) Corporation. (2013). Evaluating the Effectiveness of Correctional Education.
 TABLE DES ABRÉVIATIONS

al. alinéa

art. article

ATF Arrêt du Tribunal fédéral

CEDH Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre
1950 (RS 0.101)

Cf. Se référer à

CNPT Commission Nationale de Prévention de la Torture

consid. considérant

CourEDH Cour Européenne des Droits de l’Homme

CP Code pénal suisse, du 21 décembre 1937 (RS 311.0)

Cst Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (RS 101)

Cst-GE Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (RS/GE A 2 00)

infra en dessous

LEI Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, du 16 décembre 2005 (RS 142.20)

let. lettre

Quid Qu’en est-il de

RFavra Règlement de l’établissement de détention administrative de Favra, du 1 novembre 2017, (RS/GE

F 2 12.09)

RPE Recommandation Rec(2006)2-rev du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles
pénitentiaires européennes, du 11 janvier 2006

RRIP Règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées, du 30
septembre 1985 (RS/GE F 1 50.04)

supra au-dessus

TIC Technologies de l’information et de la communication

1
18
TABLE DES MATIÈRES

NUMÉRIQUE
QUID DE L’ASPECT NUMÉRIQUE 3

LA SITUATION À GENÈVE 4

QU’EN EST-IL À L’ÉTRANGER ? 5

LES DÉFIS LIÉS AU NUMÉRIQUE 7

JURIDIQUE
QUID DE L’ASPECT JURIDIQUE 9

L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE EN DÉTENTION À GENÈVE 11

QUID DU DROIT À L’ÉTRANGER 13

SOCIAL
PROPOSITIONS DE PLATEFORMES 15

TÉMOIGNAGES 18

MOTS-CROISÉS 19

CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 21

REMERCIEMENTS 22

2
18
 QUID DE L’ASPECT NUMÉRIQUE
LE NUMÉRIQUE, QU’EST-CE QUE C’EST ?

De quoi parle-t-on quand on traite du numérique ?

Le terme "numérique" désigne tout ce qui est relatif à la technologie utilisant des systèmes
informatiques et des réseaux pour traiter et stocker des informations sous forme de données
numériques. Cela inclut une vaste gamme de technologies telles que les ordinateurs, les
smartphones, l'internet et les logiciels divers.

Le numérique a transformé de nombreux aspects de la vie quotidienne et professionnelle,

facilitant la communication, l'accès à l'information, l'automatisation des processus et
l'interaction sociale. Il joue un rôle crucial dans les secteurs tels que l'éducation, la santé, le
commerce, et l'industrie, en rendant les services plus accessibles et efficaces grâce à des
innovations continues. Le numérique est donc essentiel dans le monde moderne, influençant les
modes de vie, les économies et les cultures autour du globe.

L’introduction du numérique
L’introduction du numérique dans le milieu carcéral consiste à mettre à disposition des outils
informatiques qui possèdent une connexion à internet, que ce soit un ordinateur, une tablette
ou encore un téléphone.

Le numérique dans le cas présent, fait référence au fait d’avoir une connexion à internet et de
pouvoir l’utiliser.

Qu’est-ce qu’est la transition au numérique ?

La transition vers le numérique dans le milieu
carcéral peut avoir plusieurs significations
différentes.

Il peut aussi s’agir de la gestion administrative et

logistique du côté du personnel carcéral, par
exemple l’informatisation des dossiers des
détenu.e.s et la planification des horaires, ou alors
le renforcement de la surveillance et de la sécurité
avec de nouveaux outils numériques telles que la
reconnaissance faciale ou les capteurs de
mouvements. OpenAI. (2024). Computer and Jail. DALL·E 2.

Vers un accès élargi à l’information pour les détenu.e.s ?

Dans ce magazine, nous explorons en détail la question de l'accès à l'information et la
connectivité Internet pour les personnes incarcérées. L'objectif est de mettre en lumière les
enjeux et les bénéfices potentiels de fournir un accès numérique aux détenu.e.s.

Cela pourrait non seulement permettre à ces individus de maintenir des liens essentiels avec
leurs familles et ami.e.s, mais aussi de participer à des programmes éducatifs en ligne,
favorisant leur réinsertion sociale et professionnelle.

De plus, l'accès à un système de télémédecine pourrait améliorer significativement leur bien-

être en offrant des consultations médicales à distance, réduisant ainsi les contraintes
logistiques et les coûts associés aux soins de santé en milieu carcéral.

3
 LA SITUATION À GENÈVE
Getty Images, Dmytro Kosmenko.

Afin de comprendre au mieux et avoir une idée de la situation quant à la numérisation

des établissements carcéraux genevois, nous avons eu l’honneur de visiter la prison de Champ-
Dollon et l’établissement fermé de La Brenaz grâce à l’aide du directeur de la communication de
l’office cantonale de la détention, Laurent Forestier, et voici ce que nous avons appris sur place.

À La Brenaz
Dans l’établissement fermé de La Brenaz, les
détenu.e.s peuvent demander d’utiliser
Skype, un logiciel de communication vidéo,
pour contacter des proches.
Tout comme dans la prison de Champ-Dollon,
ils peuvent demander à utiliser des
ordinateurs avec lesquels ils ont accès à des
formations informatiques tel que Excel et
peuvent apprendre le français et l’anglais.
Les détenu.e.s peuvent également faire des
demandes pour avoir accès à des cours sur
des tablettes dans l’établissement fermé de la
Brenaz. Ces tablettes leur servent donc de
support d’apprentissage, ayant accès à une
version sécurisée et limitée de Wikipédia.
Quels sont les problèmes actuels ?
Le problème principal de la prison de Champ-
Dollon est que les murs de cet établissement
sont trop épais. Ayant été construit en 1977,
la prison n’a pas été conçu avec l’optique
d’être apte à recevoir des outils
informatiques.
À Champ-Dollon
Dans la prison de Champ-Dollon les détenu.e.s
ont accès à des ordinateurs sur inscription.
De plus, les détenu.e.s ont accès à des
formations informatiques tel que Excel, un
logiciel de gestion de données.
Ces ordinateurs ne permettent pas aux
détenu.e.s d’avoir accès au terminal de
l’ordinateur.
Un dernier “outil numérique” auxquels les
détenu.e.s ont accès sont les télévisions dans
leurs chambres, ces dernier.e.s ayant accès aux
mêmes chaînes que les personnes hors des
prisons.
Tout comme dans la prison de la Brenaz, les
détenu.e.s, ceux de l’établissement de Champ-
Dollon ont aussi accès à des télévisions dans
leurs chambres.
Dès le 27 mai 2024, Champ-Dollon sera
également équipée d’une salle avec accès aux
tablettes, comme à la Brenaz.
Le saviez-vous ?
À Champ-Dollon, ces ordinateurs se font rares.

Bon à savoir !

Dans certains établissements, un système de “whitelist”

existe pour permettre aux détenu.e.s d’utiliser des
ordinateurs de manière plus sécurisée.

Une "whitelist" est une liste de personnes, de programmes

informatiques ou de sites Web qui sont autorisés à accéder à un
certain système ou à utiliser certaines fonctionnalités.

Cela fonctionne comme une liste d'admission, où seuls les

éléments spécifiquement approuvés sont permis, tandis que
tout ce qui n'est pas sur la liste est généralement bloqué ou
restreint.

4
 QU’EN EST-IL À
L’ÉTRANGER ?
Tablettes GTL
(États-Unis)
GTL Inspire Inmate Tablets. (2021). Tablette GTL. Officer.

Des tablettes comme outils de Qu’en est-il de la sécurité ?

communication, formation ou encore de Ces tablettes possèdent un niveau de sécurité
loisirs. important.
Aux États-Unis, 2’300 établissements sont
équipés de tablettes « Inspire Tablet » mise Pour commencer, elles utilisent un réseau sans
en service par la société Global Tel Link (GTL, fil propriétaire.
2023).
Ensuite, elles ne permettent pas à l’utilisateur
Ces tablettes permettent aux détenu.e.s de d’avoir accès aux réglages de l’appareil. Les
communiquer par téléphone, vidéos ainsi que seules modifications possibles par l’utilisateur
messages. sont de changer le volume, la luminosité ou
encore la rotation de l’écran.
Elles permettent également d’avoir accès à
des vidéos éducatives sur les tablettes.
Enfin, l’accès à internet n’est pas possible
Enfin, les tablettes sont aussi là pour divertir depuis l’appareil.
les détenu.e.s, on y trouve des applications
spécialement installées avec de la musique,
des bibliothèques de livres (ebook) ainsi que
des jeux et des films.
Malheureusement, des problèmes sont
apparus dans la mise en place du système de
tablettes dans certaines prisons...

En effet au Colorado, le système de tablettes

GTL a aussi été mis en place, mais
contrairement à des établissements d’autres
Armstrong, M. (2018). Global Tel Link. Slate.
états américains, la numérisation des prisons
fut un échec (Raher, 2017) .

La raison est que cette prison essayait de tirer

le plus de profits possibles de cette situation.

Bon à savoir !
Les prix pour différents services tels
qu’envoyer des messages, appeler des proches
Un réseau sans fil propriétaire est un réseau
ou écouter de la musique sont trop élevés.
qui utilise des technologies de communication sans fil,
comme le Wi-Fi, mais qui est conçu et géré
De plus, alors que les tablettes pourraient être
spécifiquement par une entreprise pour
utilisées afin de faciliter la réinsertion, les
ses propres besoins.
établissements carcéraux ont jugé qu’il était
préférable de ne pas le faire car le coût pour
Il utilise des protocoles personnalisés
avoir accès à du contenu éducationnel est trop
ou des configurations spécifiques qui peuvent
élevé.
être uniques à l'entreprise qui les déploie.

5
 Prison Cloud (Belgique)

Des ordinateurs fixés au mur de chaque Qu’en est-il niveau sécurité ?

cellule
En Belgique, plus précisément dans le centre
de détention de Beveren, les détenu.e.s
reçoivent une clé USB personnelle qu’ils
branchent à l’ordinateur (De Matharel, 2015).
En utilisant leur identifiant, ils peuvent alors
avoir accès à un espace nommé Prison Cloud.
Sur cette plateforme, les détenu.e.s ont accès
à leur dossier judiciaire, à des cours en ligne, et
peuvent passer des appels vidéos. De plus, ils
ont aussi accès à de nombreux films et
plusieurs sites sélectionnés pour les aider dans
leurs réinsertions.
Il y a cependant plusieurs restrictions. Tout
d’abord, les cours ne sont que sous format
textuel, il n’y a aucune vidéo explicative.
Quant aux films, le prix est de 3€ par film.
Ces ordinateurs sont bien sécurisés à l’aide
de plusieurs méthodes.
Tout d’abord, ils utilisent le système de
whitelist comme expliqué précédemment.
De plus, malgré qu’ils n’ont pas le droit
d’avoir les appels sous écoute sans
l’autorisation du juge, le personnel a accès à
la liste des numéros contactés ainsi que la
durée des appels.
Pour finir, les détenu.e.s n’ont pas accès à
leur boîte mail afin d’éviter qu’ils contactent
d’autres individus afin de poursuivre de
potentielles activités criminelles.

Fuites d’informations dans la prison

Malgré le système de sécurité mis en place par le centre de détention de Beveren, des
détenu.e.s ont réussi à communiquer avec l’extérieur et certains ont en profité pour continuer
leurs activités criminelles.

Étant donné que la prison utilisait le système de whitelist et que les boîtes mail étaient
bloquées, cela semblait impossible, mais les détenu.e.s ont utilisé une des fonctionnalités du
site VDAB qui est un site flamand dédier à l’emploi et la formation professionnelle. Une fonction
du site est d’envoyer des mails et c’est ainsi que les détenu.e.s communiquaient hors de la
prison.

Depuis cette fuite, les détenu.e.s ont uniquement accès au site de la bibliothèque, leur
permettant de réserver des livres et les recevoir en cellule, en attendant de trouver des
solutions pour d’autres potentielles failles dans le système.

Smart Prison (Finlande)

Un cas de prison numérique réussi
Tout comme le centre de détention de Beveren, la prison finlandaise de Hämeenlinn a équipée
les cellules indivuelles d’ordinateur portable (Puolakka, 2021) .

Ces ordinateurs leurs permettent alors de communiquer avec le personnel, le service de santé
et même certains partenaires de la prison. De plus, les détenu.e.s peuvent contacter leurs
proches et accéder à plusieurs sites web filtrés par une whitelist.

Ces sites comportent notamment Moodle (Moodle, 2024): une plateforme d’apprentissage en
ligne utilisée pour créer des formations virtuelles sur laquelle les utilisateur.trice.s peuvent
collaborer et être évalués, des sites d’achat en ligne ainsi que plusieurs sites d’aide à la
réhabilitation. Ils ont aussi accès au site Elements of AI (A Free Online Introduction To
Artificial Intelligence For Non-experts, 2024) qui est une plateforme d’apprentissage en ligne
maintenue par l’université d’Helsinki et qui leur permet d’en apprendre davantage sur les
Intelligences Artificielles. Cela a permis à certain.e.s détenu.e.s de quitter les prisons avec de
nouvelles connaissances et certain.e.s ont même été embauché.e.s à leur sortie de prison grâce
aux sorties qui leur étaient permis afin de faire des entretiens d’embauche.

18
6
 LES DÉFIS LIÉS AU
NUMÉRIQUE
L'intégration du numérique en prison est
confrontée à des défis financiers,
organisationnels et techniques.
Financièrement, cela implique des
investissements importants dans des
dispositifs sécurisés et une infrastructure
réseau, ainsi que des coûts de formation et
de maintenance élevés.
Sur le plan organisationnel, la provenance
des appareils est cruciale pour éviter les
liens entre détenu.e.s et fournisseurs,
tandis que la sécurité exige des protocoles
stricts et une surveillance constante pour
prévenir les abus. L'introduction de la
technologie peut perturber les routines et
susciter une résistance au changement chez
les détenu.e.s et le personnel.
En ce qui concerne l’aspect technique, la
sécurité est cruciale pour contrôler les contenus
et les communications des détenu.e.s. Cela
implique la mise en place de réseaux sécurisés
pour prévenir les intrusions extérieures et
bloquer les communications non autorisées. Les
appareils doivent être configurés pour limiter
l'accès à certaines applications et
fonctionnalités, tout en protégeant les données
personnelles conformément aux lois sur la vie
privée. Il est essentiel d'assurer la compatibilité
avec les systèmes existants, de maintenir les
logiciels à jour et de prévoir des solutions en cas
de panne pour garantir le bon fonctionnement de
l'établissement.

Mini-jeu : Le chemin du signal

Hélas, le Wi-Fi n’apprécie pas vraiment les murs en béton...
Serez-vous capable de guider son signal à travers ce labyrinthe de ciment afin que la
personne en détention puisse avoir accès à Internet ?

Le saviez-vous ?
Les murs en béton peuvent sérieusement interférer avec le signal Wi-Fi. Le
béton est un matériau dense et contient souvent des armatures en métal, qui
agissent comme un bouclier contre les ondes radio. Ces caractéristiques font du
béton un obstacle redoutable pour le Wi-Fi, car les ondes peinent à le traverser.
Ainsi, si un routeur est situé dans une pièce entourée de murs en béton, il
pourrait rencontrer d’énormes difficultés à canaliser un signal fort dans
7 d'autres parties des pièces d’un bâtiment.
 David Lacombled. 2013.
Digital Citizen: Manifeste pour une citoyenneté numérique.

18
8
 QUID DE L’ASPECT JURIDIQUE
DROITS FONDAMENTAUX

« La liberté d’opinion et la liberté Et à Genève ?

d’information sont garanties » Il existe une disposition analogue dans la
C’est ce qu’indique la Constitution fédérale à Constitution genevoise à l’article 26 alinéa
son art. 16 al. 1 dans son catalogue des droits 2, qui dispose ce qui suit : « toute personne
fondamentaux. L’alinéa 3 de cette même a le droit de recevoir librement des
disposition expose que « toute personne a le informations, de se les procurer aux
droit de recevoir librement des informations, sources généralement accessibles et de les
de se les procurer aux sources généralement diffuser ».
accessibles et de les diffuser ».
Qu’en est-il d’internet ?
Ce que précise le Tribunal Fédéral De nos jours, internet est un moyen
Il s’agit du « droit de recevoir librement, sans considérablement utilisé afin de
contrôle des autorités, des nouvelles et des transmettre et de recevoir les
opinions et de se renseigner aux sources informations. Mais est-ce que l’accès à
généralement accessibles ou disponibles »¹. internet fait parti du droit à l’information ?

DROIT À L’INFORMATION VIA INTERNET

Qu’en pense la CourEDH ?

La CEDH détient également un article
consacré à la liberté d’expression et LE SAVIEZ-VOUS ?
d’information (art. 10 CEDH). La Suisse est dans l’obligation de suivre
les principes de la CEDH puisqu’elle a
La CourEDH a tranché, à plusieurs reprises, la ratifié ladite convention.
question du droit à l’information via internet.
Elle indique que :

“Grâce à leur accessibilité ainsi qu’à leur

Bon à savoir ! capacité à conserver et à diffuser de grandes
quantités de données, les sites Internet
La CEDH est une Convention
contribuent grandement à améliorer l’accès du
qui garanti des droits
fondamentaux. En fait parti public à l’actualité et, de manière générale, à
notamment, l’interdiction de la faciliter la communication de l’information”².
torture, le droit à un procès
équitable, l’interdiction des
discriminations et bien plus
Nous pouvons donc supposer que l’accès à
encore³ ! internet entre dans le champ d’application de
l’art. 10 CEDH.

¹ ATF 120 Ia 190, consid. 2a.

² CourEDH, arrêt “Times Newspaper Ldt c. Royaume-Uni” (N°1 et 2) du 10 mars 2009, § 27; voir aussi arrêt “ Cengiz et autres c.
Turquie” du 1er décembre 2015, § 52.
9 ³ Conseil fédéral, La Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme.
 DROITS FONDAMENTAUX (SUITE)

RESTRICTION DES DROITS FONDAMENTAUX

Dans le milieu carcéral, les détenu.e.s n’ont pas un accès illimité

à internet. Est-ce donc possible de restreindre cette liberté
fondamentale ?

En effet, les droits fondamentaux peuvent

être restreints. Cependant, il est utile de se
Pour ce faire, il est nécessaire de respecter demander si une privation de
les principes de l’article 36 alinéa 1-4 Cst. l’accès à internet ne
Cette disposition explique que toute constitue pas une restriction
restriction doit être fondée sur une base excessive de leurs libertés
légale, un intérêt public ou privé fondamentales en matière de
prépondérant, et il faut que la restriction soit communication avec des
proportionnelle quant au but visé. C’est tiers, de formation ainsi que
pourquoi les détenu.e.s peuvent être d’information.
privé.e.s d’un tel droit si les conditions ci-
mentionnées sont remplies.

RESTRICTION DU DROIT À L’INFORMATION EN DÉTENTION

L’exemple d’un détenu lituanien⁴ les droits d’autrui et de prévenir la

Un détenu lituanien avait saisit la CourEDH
pour violation de son droit à l’information de
l’art. 10 CEDH. Cette personne souhaitait
accéder à un site internet lui permettant de
prendre connaissance d’informations au
sujet d’une formation universitaire.
La CourEDH a exprimé qu’il n’y avait pas une
obligation de donner un accès à tous les sites
internet aux détenu.e.s. Il a donc fallu
analyser le cas concret pour savoir si une
ingérence de l’État était possible, ce qui
limiterait donc le droit à l’information.
criminalité.
Condition 3 : la proportionnalité
Le site internet en question permettait au
détenu de se renseigner quant à la formation
universitaire et au marché de l’emploi. Ceci
était en faveur de l’intimé puisque ces
considérations soutenaient sa réinsertion.
Toutefois, la prison offrait une possibilité de
formation d’un niveau d’école secondaire, ce
qui n’était pas pertinent pour l’intimé qui
visait un diplôme universitaire.

Condition 1 : la base légale En outre, certaines indications ne se

Au moment des faits (2006), il n’existait pas trouvaient que sur ce site internet. Les
de base légale limitant l’accès à internet pour autorités auraient donc pu accorder un accès
les détenu.e.s. Malgré cela, la base légale limité et surveillé qui aurait difficilement
était justifiée par le règlement intérieur de la constitué un risque pour la société.
prison qui interdisait les détenu.e.s à
travailler avec des appareils de En conclusion
communication radio et électronique. Le fait de ne pas donner l’accès au site
internet au détenu ne se justifiait pas par un
Condition 2 : l’intérêt prépondérant risque pour la sécurité comme invoqué par le
Cette condition était remplie dès lors qu’une gouvernement lituanien. La Cour a donc
restriction à ce droit permettrait de protéger conclue à une violation de l’art. 10 CEDH.

⁴ CourEDH, arrêt “Jankovskis c. Lituanie”, du 17 janvier 2017, § 55 - 64. 10

 L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE EN
DÉTENTION À GENÈVE
LA DÉTENTION ADMINISTRATIVE

L’EXEMPLE DE LA PRISON DE FAVRA

Favra
Favra est une prison de détention
administrative. C’est-à-dire que les détenu.e.s
y sont incarcéré.e.s uniquement pour des
raisons d’expulsion ou d’extradition vers leur
pays d’origine (art. 1 al. 1 RFavra). Il faut noter
que ces personnes peuvent être incarcérées
pendant 18 mois au maximum (art. 79 al. 2 LEI).
Le règlement de l’établissement de détention
administrative de Favra (RFavra) donne des
indications complémentaires quant au but de la
détention. Cette dernière poursuit l’objectif
“d'assurer le bon déroulement de la procédure
de renvoi ou d'expulsion“ (art. 2 al. 1 RFavra).
L’accès au numérique à Favra
Le Conseil d’État genevois édicte à l’art. 40 al. 2
RFavra qu’« elle [la personne détenue] n’est pas
autorisée à communiquer par courrier
électronique ou par une autre voie électronique.
Tout appareil individuel, par exemple les
téléphones mobiles et les émetteurs-
récepteurs, est interdit ».
Le règlement ne dispose pas davantage
d’articles qui concernent l’accès au numérique,
notamment l’accès à internet. Cependant, des
modifications ont été apportées via une
jurisprudence⁵. En effet, ces modifications
étaient nécessaires au vu du motif
d’incarcération des personnes en détention
administrative. Nous vivons dans une ère où le
numérique est omniprésent. Nous nous en
servons au quotidien et les détenu.e.s en
détention administrative doivent pouvoir en
faire de même.

BON À SAVOIR !
La CNPT
La Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) est chargée de visiter
régulièrement les établissements de détention afin de vérifier si les conditions de
détention sont conformes aux droits fondamentaux des détenu.e.s. À la suite des visites,
elle propose des recommandations concrètes aux autorités⁶.

Suite à une visite de la prison de Favra en octobre 2019, la CNPT propose que les
détenu.e.s puissent disposer d’un accès gratuit à internet, et cela, conformément aux
recommandations internationales. Elle aurait également aimé que les autorités envisagent
un usage limité du téléphone portable⁷. Des modifications ont été apportées suite à cette
visite⁸.

⁵ Cf. infra p. 12.

⁶ CNPT, Portraits et tâches.
⁷ CNPT, Lettre, § 17.
11 ⁸ Cf. infra p. 12.
La jurisprudence
Un détendu a saisi le Tribunal administratif
de première instance, à Genève. Il avait
pour grief des conditions de détention
déplorables et inadaptées à Favra en se
basant, entre autre, sur le manque d’accès à
internet. Le juge répond à cela que
“[p]artant, dès lors que selon les récentes
informations de l'OCPM un accès à Internet
est désormais garanti à Favra, ce dont M.
A___ est désormais informé et que les soins
ambulatoires et d'urgences y sont assurés, il
n'apparait pas que les conditions de M.
A___, détenu administrativement depuis le
26 avril 2023 contreviennent aux exigences
légales et jurisprudentielles”⁹.
En effet, deux ordinateurs sont à disposition
des détenu.e.s depuis avril 2023 avec un
accès gratuit à internet. Afin d’y accéder,
les personnes détenues peuvent s’inscrire
pour bénéficier d’une heure par jour et par
personne de cet accès. Deux autres
ordinateurs seraient vraisemblablement mis
en place durant l’été 2024. Un poste Skype
est également mis à leur disposition¹⁰.

LA DÉTENTION PÉNALE

L’EXEMPLE DE LA PRISON DE CHAMP-DOLLON

Champ-Dollon
Champ-Dollon est une prison de détention Toutefois, Champ-Dollon accueille
pénale et avant jugement. La détention également des détenu.e.s en exécution de
avant jugement (ou provisoire) impose que peine. L’infrastructure de la prison n’est pas
les personnes soient incarcérées depuis la adaptée à ce genre de détention, ce qui
notification de l’acte d’accusation et jusqu’à défavorise les personnes incarcérées qui
l’entrée en force du jugement (art. 220 CP). sont limitées par le nombre de cabine
téléphoniques¹².
Elle dispose d’un règlement dans lequel
aucune autorisation ou interdiction des
Lorsque les détenu.e.s ne sont pas
appareils électroniques n’est inscrite¹¹.
condamné.e.s à être renvoyé dans
Toutefois, le site officiel de la république et
leur pays d’origine après leur séjour
canton de Genève précise que les téléphones
en détention, il est tout de même
portables sont interdits au sein de la prison.
préférable de leur accorder un large
accès aux vidéoconférences. Ceci
L’interdiction d’appareils électronique au
favoriserait leur réinsertion auprès
sein de Champ-Dollon s’explique par le
de leur proches se trouvant en
régime même de détention préventive. En
Suisse ou à proximité de la Suisse¹³.
effet, ce type de régime prévoit une
limitation de contact avec l’extérieur.

LA BASE LÉGALE CENTRALE EN MATIÈRE DE DÉTENTION

L’art. 75 du code pénal : “L’exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le

comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre
d’infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires,
assurer au détenu l’assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté
et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel
et des codétenus”.

⁹ Arrêt du tribunal administratif de première instance, JTAPI/475/2023 du 28 avril 2023, consid. 21.
¹⁰ D‘après un échange avec le service de la communication de l‘office cantonal de la détention.
¹¹ Cf. RRIP.
¹² Antille/Paychère, p. 346.
¹³ Antille/Paychère, p. 344.
12
 QUID DU DROIT À L’ÉTRANGER
EN FRANCE

Il n’existe pas de droit à

l’information en tant que tel
dans la constitution française.
Celui-ci découle donc de
théories doctrinales.

BON À SAVOIR !
La Doctrine
Ensemble de travaux que l’on utilise afin d’interpréter le droit¹⁴.

LES RECOMMANDATIONS NATIONALES

À ce jour, les détenu.e.s des établissements pénitenciers du pays

ne bénéficient pas d’un accès au numérique. Dans ce sens,
plusieurs institutions recommandent qu’un tel accès soit mis en
place afin de permettre une meilleure réintégration à la sortie.

À titre d’exemple, il y a le Défenseur des droits (DDD) dont

l’objectif est de veiller à ce que les droits de tous et toutes soient
respectés et de manière égalitaire. Cette autorité administrative
indépendante précise qu’il serait dans l’intérêt des détenu.e.s de
leur garantir un accès effectif à différents sites internet dans le
but de se former et de s’informer. Elle ajoute également que tout.e
détenu.e devrait jouir d’un “coffre-fort” numérique afin d’y
stocker ses différents fichiers¹⁵.

Comme autre exemple, il existe un rapport de la mission

d’information sur les Services pénitentiaires d’insertion et de
probation (Spip), du 15 février 2023, et dans lequel il est
recommandé d’ouvrir les portes de l’accès au numérique en prison
dans le but de promouvoir l’autonomie de la personne détenue et
de faciliter les échanges avec l’extérieur, notamment en ce qui
concerne la recherche d’emplois¹⁶.

¹⁴ Bovet/Carvalho, 2017.
¹⁵ Défenseur des droits (DDD), 2019 ; Hédon, 2021.
13 ¹⁶ Harribey/Mercier, 2023.
 DANS L’UNION EUROPÉENNE

Comme nous l’avons vu plus haut, la base légale européenne

énonçant un droit à l’information relève de l’art. 10 CEDH¹⁷. Nous
avons également retenu que l’accès au numérique découlait de droit.
Toutefois, toutes les prisons en Europe ne bénéficient, pour le
moment, d’un tel accès. C’est pourquoi, divers organes européens
ont édictés des recommendations allant dans ce sens, afin de guider
chaque pays faisant partie de l’union européenne.

LES RECOMMANDATIONS EUROPÉENNES

Il existe une règle pénitentiaire européenne (RPE) n°24 et son commentaire provenant du
conseil d’Europe, dans lequel celui-ci précise que “ les autorités pénitentiaires doivent être
conscientes des nouvelles possibilités de communiquer par voie électronique qu’offre la
technologie moderne. À mesure que ces possibilités se développent, apparaissent aussi des
moyens de les contrôler, si bien que les nouveaux modes de communication électroniques
peuvent être utilisés selon des modalités qui ne menacent ni la sûreté, ni la sécurité”. De
plus, il conseille dans sa règle pénitentiaire européenne n°5 de maintenir une vie derrière les
barreaux, en se calquant sur la vie à l’extérieur¹⁸.

En d’autres termes, l’union européenne recommande à ce que le quotidien en prison se

rapproche le plus possible des aspects du monde extérieur et cela toujours dans le but de
pouvoir être un jour réinitégré.e dans la société sans avoir de lacunes dues à l’évolution du
numérique.

¹⁷ Cf. supra, p. 9.
¹⁸ Cf. RPE

JEU DES SEPT ERREURS

⑦
⑥ ⑤ ④ ③ ② ①
serrure porte.

14
cadre au mur, manche, écran couleur, élément sur le bureau, grille d’aération, REPONSES: Barreaux fenêtre,
 PROPOSITIONS DE PLATEFORMES
Canva. (2024). Wire of a prison. MAGIC STUDIO
PLATEFORME D’ÉDUCATION
En Suisse, l’article 82 du Code Pénal prévoit
que «le détenu doit, autant que possible,
pouvoir acquérir une formation de base et une
formation complémentaire correspondant à
ses capacités». Les établissements carcéraux
devraient donc, en théorie, avoir des moyens
suffisants pour assurer à chaque détenu.e un
accès à l’éducation. Pourtant, la présence
d’une personne spécifiquement dédiée à la
formation n’existe pas dans toutes les prisons
(Sophie Ciola, 2021).
En Angleterre, le Prisoners Education Trust
(PET) propose des cours d'apprentissage à
distance aux personnes incarcérées en
Angleterre et au Pays de Galles. Une analyse
de 2021 menée par le Justice Data Lab sur
plus de 9,000 détenu.e.s montre que la
participation à une intervention fournie par
Prisoners Education Trust augmente les
chances de trouver un emploi dans un délai
d'un an. Même s'ils ne trouvent pas d'emploi,
les détenu.e.s sont moins susceptibles de
récidiver au cours de l'année que les autres
détenu.e.s qui ne trouvent pas d'emploi.
Ces données encourageantes démontrent les
bienfaits qu’une plateforme d’apprentissage
pourrait apporter aux établissements
carcéraux genevois.
15
CONTACT PROCHES
Il est essentiel de reconnaître l'impact
profond que l'isolement peut avoir sur la
santé mentale des détenu.e.s. Être coupé.e.s
du monde extérieur, séparé.e.s de leurs
proches et privé.e.s de contact humain peut
exacerber la solitude, dépression et anxiété
que constitue déjà le quotidien carcéral.
Laurent Gétaz, médecin adjoint agrégé au
Service de médecine pénitentiaire des HUG
et responsable de l’unité de médecine à la
prison de Champ-Dollon, a déclaré en 2021
que les suicides sont 8 à 9 fois plus élevés en
prison, et l’explique notamment par la mise
en place de mesures contre la transmission
du coronavirus ce qui a aggravé l’isolement
social.
Les appels vidéo offrent une précieuse
connexion avec le monde extérieur,
permettant aux détenu.e.s de maintenir des
liens affectifs avec leurs proches. Ces
contacts humains sont essentiels pour
préserver leur santé émotionnelle et
favoriser leur réadaptation sociale. En
investissant dans ces services, nous
favorisons le bien-être des détenu.e.s et de
leurs familles, tout en contribuant à faciliter
leur réintégration dans la société.
 PLATEFORMES DE SANTÉ

Nous soutenons que les détenu.e.s doivent avoir droit à des opportunités équitables
d’accès aux conseils, aux soins et à un suivi comparable à ceux offerts au reste de la
population.
Selon Karen Klaue de l’Office fédéral de la santé publique, le principe dit «d’équivalence»
est un impératif non seulement moral mais aussi juridique.

En effet, en vertu des droits fondamentaux et des droits de la personne inscrits dans la
Constitution et dans le Code pénal, il incombe à l’Etat de prévenir la mauvaise santé des
personnes incarcérées. À cette fin, il doit prendre toutes les mesures nécessaires en
matière de surveillance et de prévention.

Nous suggérons donc la mise en place de plateformes de santé au sein des établissements
pénitentiaires, afin de garantir un suivi efficace de la santé des détenu.e.s, y compris un
suivi de lutte contre la toxicomanie via des appels vidéo sécurisés sous supervision, ou
encore la possibilité de participer à des groupes de soutien tels que Alcooliques Anonymes.

QUID DE LA SANTE MENTALE ? Dans le cadre pénitentiaire, le numérique

Les liens entre l’univers carcéral et la
société civile questionne les valeurs qui
font société. En Suisse, l’univers
carcéral n’est pas une fin en soi. La
plupart du temps, il s’agit d’un passage
avant de réintégrer la société.
Les sciences humaines et médicales
établissent que les conditions de
restriction de liberté ou l’incarcération
peuvent provoquer un repli sur soi. Les
conditions de vies sont souvent
éprouvantes, notamment dans un
contexte de surpopulation carcérale.
Les technologies numériques peuvent
fournir un soutien continu et
personnalisé aux utilisateur.ice.s.
constitue une nouvelle fenêtre en faveur du
soutien psychologique des détenu.e.s.
La création de conditions qui favorisent le
bien-être psychique peuvent contribuer au
développement de la résilience individuelle et
aider à surmonter les obstacles de ce milieu.
Concrètement, nous encourageons la mise en
place d’une plateforme numérique pour la
santé mentale qui donne accès à divers
programmes tels que des programmes
d’éducation pour la gestion du stress, le suivi
des émotions, un accès à la méditation ou
encore un espace virtuel pour recevoir du
soutien.
La justice criminelle des États-Unis a déjà
recours à la stratégie virtuelle pour des
programmes qui favorisent la réinsertion des
détenu.e.s Des études confirment que le
potentiel de la réalité virtuelle pour améliorer
la santé mentale donne de bons résultats sur
les jeunes délinquants.e.s et adultes,
particulièrement lorsqu’ils présentent un
deficit de l’attention (ADHD) ou des troubles
liés à un choc post-traumatique ou encore de
l’impulsion (Lee and al. 2023).
À l’échelle sociétale, soutenir le bien-être
émotionnel des détenu.e.s pourrait
encourager l’engagement dans une nouvelle
voie : la réalisation de soi et la résilience pour
tous.

LE SAVIEZ-VOUS ?
Scannez ce code QR pour accéder à
Les personnes qui se trouvent en prison
un questionnaire ont tendance à être plus souvent
malades que le reste de la population.
16
 ORIENTATION PROFESSIONNELLE

Dans le contexte de la réinsertion des détenu.e.s, une approche centrée sur

l’orientation professionnelle est un élément important à considérer. L’université
de Yale et l’université de New Haven aux États-Unis ont toutes deux introduit
des programmes d’accès à l’éducation supérieure au sein des prisons. En 2023-4,
plusieurs détenu.e.s ont obtenu leurs diplômes intra-muros.

Ces programmes ont démontré la capacité des détenus.e.s à se réaliser et à

prendre un nouveau départ. Certain.e.s ont transcendé leurs milieux socio-
économiques et dépassé la limitation imposée par la détermination sociale grâce
à la création d’opportunités institutionnelles. Actuellement, l’orientation
professionnelle des détenu.e.s reste limitée en Suisse. Par exemple les
possibilités de qualification sont restreintes : les détenu.e.s ne sont peu voire pas
exposé.e.s à de nouvelles activités comme de nouveaux métiers en fonction de
leur potentiel respectif ou encore les métiers du futur.

Les activités prospectives professionnelles ne correspondent pas forcément à

leurs aspirations individuelles, qui pourraient être encouragées. Le potentiel des
détenu.e.s pourrait être d’abord cultivé par des outils en ligne comme des tests
de personnalité à travers une démarche inclusive. Ensuite, un accès à des sites
informatifs pourrait être un important outil pour favoriser l’émergence d’une
vocation ou de projets professionnels.

Finalement, la possibilité de bénéficier de programmes pour préparer à la

réinsertion dans le monde du travail pourrait construire un sentiment
d’appartenance et d’identité, de devenir un membre fonctionnel de la société à
part entière et responsabiliser les détenu.e.s à pleinement assumer la
responsabilité citoyenne, et ce dans le respect des règles de la réhabilitation.

17
 TÉMOIGNAGE - ETHAN MOELLER
Ethan Moeller est un entrepreneur américain avec plus de 20 ans d'expérience diverse dans la
création, le lancement et la croissance d'entreprises dans des environnements difficiles. Il a fondé
la société NSENA VR en 2016, qui produit du contenu de formation en réalité virtuelle a
l’intention des policier.ère.s, des officiers de police et des détenu.e.s. Les personnes incarcérées
ont notamment l’opportunité d’apprendre la gestion monétaire, acquérir des compétences
informatiques mais ont aussi accès à des vidéos en réalité virtuelle pour apprendre à utiliser une
caisse en libre service, un téléphone, une carte de crédit..Nous avons eu l’occasion de lui poser
quelques questions sur ses projets.
Ethan Moeller. (s. d.). X.com.

Comment avez-vous intégré la technologie numérique en prison avec le défi que

cela représente ?
“Après une décision de la Cour suprême des Etats-Unis, nous avons été mandatés par le haut service
correctionnel pour des prisons de moyenne à haute sécurité. Nous avons travaillé avec des jeunes
détenus de 10 à 40ans, condamnés à perpétuité puis mis en libération conditionnelle. Nos objectifs
étaient d’améliorer la formation, la santé mentale, de réduire la consommation de drogues et de
favoriser la réinsertion.”

Quid de la sécurité ?
“Le principal risque consiste en le détournement de la technologie par les détenu.e.s, c’est-à-dire d’utiliser la
technologie pour autre chose que ce qui est prévu. Après discussion avec les comités d’examens
institutionnels, voici plusieurs solutions:
1) Créer des technologies qui sont simples à utiliser;
2) Définir un nombre d’employés pour chaque salle d’utilisation;
3) Offrir des technologies ludiques comme des jeux;
4) Contrôler la communication - nous avons désactivé les puces de communication des casques VR et
téléphones portables.”

Concrètement, sur quel projet avez-vous travaillé ?

“Nous avons introduit la réalité virtuelle dans 5 départements correctionnels d’Etats dans beaucoup de
prisons.”

Quels sont les effets positifs observés ?

“Selon certains détenus, ils ont pris conscience d’une réalité qu’ils n’ont jamais vu de leur vie. Ils ont eu
davantage confiance en la formation.”

Il n’existe aucun moyen qui permette mieux aux gens de découvrir un environnement comme
s’ils y étaient. Le but de la formation est de rapprocher les gens de la réalité afin qu’ils
puissent s’entraîner sans encourir de risques ou de coûts énormes. Rien ne fait mieux que la
réalité virtuelle. Pour le monde carcéral très restrictif, la VR est l’outil idéal pour se former. Il
en va de même pour l’éducation, car les gens peuvent mieux apprendre s’ils expérimentent.

ETHAN MOELLER

18
 JEU DES MOTS-CROISÉS

Appareil électronique disponible Institution proposant des cours

dans 2'300 établissements d'apprentissage à distance aux
américains personnes incarcérées en
Angleterre et au Pays de Galles
Liste d'adresses ou de personnes qui
ont été exclues d'un service ou d'un Situation de quelqu'un qui se trouve
accès sans compagnie, séparé,
momentanément ou durablement,
Ensemble des droits subjectifs de ses semblables
primordiaux de l'individu
Technologies de l'Information et de
Plus grande prison du canton de la Communication
Genève
Ecart entre ceux qui ont un accès Personne condamnée ou prévenue
régulier et effectif aux technologies Commettre de nouveau une infraction
numériques et ceux sans un tel
accès

19 Récidiver ⑩ Détenu, ⑨ TIC, ⑧ Solitude, ⑦ PET, ⑥ Fracture, ⑤ Champ-Dollon, ④ Fondamentaux, ③ Blacklist, ② Tablette, ① REPONSES:
20
 BIBLIOGRAPHIE

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https://rowman.com/ISBN/9781498534277/Virtual-Reality-and-the-Criminal-Justice-System-Exploring-the-Possibilities-for-Correctional-
Rehabilitation

REMERCIEMENTS

Nous tenons d’abord à exprimer notre reconnaissance envers les membres de la LSDH pour leur collaboration
et leur contribution au projet, ainsi qu’à Monsieur Ethan MOELLER pour son témoignage; Monsieur Claude-
Alain BARRAUD (directeur des infrastructures et de la logistique de l’office cantonal de la détention à
Genève); Monsieur Raoul SCHRUMPF (directeur stratégique de l’office cantonal de la détention à Genève) et
aux agents de détention Cédric, Christian, David et Patrick pour leur précieuse aide. De même, nous
souhaitons remercier Monsieur Laurent FORESTIER (directeur de la communication de l’office cantonal de
la détention à Genève) qui nous a particulièrement soutenu durant l’élaboration de notre projet.

Nous exprimons également nos plus sincères remerciements à Prof. Yaniv BENHAMOU (responsable du
cours); Monsieur Seth Médiateur TUYISABE (Assistant d'enseignement et de recherche); Madame Emma
SCHENKENBERG et Madame Bei CAI.

Enfin, nous remercions vivement Madame Ayshe KIZILÇAY pour son encadrement et dévouement. Nous
avons eu un grand plaisir à collaborer avec elle et son expérience nous a permis de garder un esprit critique.

22
RÉPARER LA FRACTURE NUMÉRIQUE :
MISE-À-JOUR DU MILIEU CARCÉRAL

Un magazine alliant actualités, informations et divertissement

“Quelles sont les barrières logistiques, sociales et légales

empêchant la transition numérique dans le milieu
carcéral et comment passer outre pour permettre
l'amélioration des conditions de détention ?“

C’est la question centrale que les étudiant.e.s interfacultaires de

l’Université de Genève se sont posé.e.s.

Ce magazine est le fruit d’un travail de recherches approfondies

concernant la question du numérique dans les prisons
genevoises. Entre témoignage, rubriques informatives et projets
pour l’avenir, cet ouvrage vous permettra d’étayer ou de
construire un avis sur le sujet !

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courant du contenu internet auquel
vous auriez accès en tant que
détenu.e

Université de Genève
Rue du Général-Dufour 24
CH - 1211 Genève 4