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TEXTES EAF 2023

Lycée Privé Paul Mélizan Classe 1ère C / Mme S. Gobet

Texte : Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « A une passante »

La rue assourdissante autour de moi hurlait.


Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.


Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit! – Fugitive beauté


Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?

Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!


Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!
Texte : Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Albatros »

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage


Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,


Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !


Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées


Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Texte : Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Alchimie de la douleur »

L'un t'éclaire avec son ardeur,


L'autre en toi met son deuil, Nature !
Ce qui dit à l'un : Sépulture !
Dit à l'autre : Vie et splendeur !

Hermès inconnu qui m'assistes


Et qui toujours m'intimidas,
Tu me rends l'égal de Midas,
Le plus triste des alchimistes ;

Par toi je change l'or en fer


Et le paradis en enfer ;
Dans le suaire des nuages

Je découvre un cadavre cher,


Et sur les célestes rivages
Je bâtis de grands sarcophages.
Texte : Tristan Corbière, Les Amours jaunes, « Bonne fortune, fortune ».

Odor della feminita.

Moi, je fais mon trottoir, quand la nature est belle,


Pour la passante qui, d'un petit air vainqueur,
Voudra bien crocheter, du bout de son ombrelle,
Un clin de ma prunelle ou la peau de mon coeur...

Et je me crois content – pas trop ! – mais il faut vivre :


Pour promener un peu sa faim, le gueux s'enivre...

Un beau jour – quel métier ! – je faisais, comme ça,


Ma croisière. – Métier !...– Enfin, Elle passa
– Elle qui ? – La Passante ! Elle, avec son ombrelle !
Vrai valet de bourreau, je la frôlai... – mais Elle

Me regarda tout bas, souriant en dessous,


Et... me tendit sa main, et...
m'a donné deux sous.

Rue des Martyrs.


Texte : V. Hugo, Les Contemplations, « J’aime l’araignée, j’aime l’ortie ».

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,


Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu’elles sont maudites, chétives,


Noirs êtres rampants ;
Parce qu’elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu’elles sont prises dans leur œuvre ;


Ô sort ! fatals nœuds !
Parce que l’ortie est une couleuvre,
L’araignée un gueux ;

Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,


Parce qu’on les fuit,
Parce qu’elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit.

Passants, faites grâce à la plante obscure,


Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;


Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,

Pour peu qu’on leur jette un œil moins superbe,


Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !
Texte : Olympe de Gouges, La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, préambule

Préambule
Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d'être constituées en Assemblée
nationale.
Considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des
malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer dans une déclaration
solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration,
constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs
devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes, pouvant être à
chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les
réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent
toujours au maintien de la Constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.
En conséquence, le sexe supérieur, en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles,
reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les Droits suivants de la
Femme et de la Citoyenne.
Texte : Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, articles 1 à 6.

Article premier. La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits. Les distinctions sociales
ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Article 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de la Femme et de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et
surtout la résistance à l'oppression.

Article 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n'est que la
réunion de la Femme et de l'Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d'autorité qui n'en
émane expressément.

Article 4. La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l'exercice
des droits naturels de la femme n'a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l'homme lui oppose ;
ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Article 5. Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société ; tout ce
qui n'est pas défendu pas ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être
contraint à faire ce qu'elles n'ordonnent pas.

Article 6. La loi doit être l'expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens
doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la
même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être
également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans
autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.
Texte : Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, postambule

Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l'univers ; reconnais tes droits. Le
puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de
mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l'usurpation. L'homme
esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il
est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d'être aveugles ?
Quels sont les avantages que vous recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain
plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre
empire est détruit ; que vous reste t-il donc ? La conviction des injustices de l'homme. La réclamation
de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu'auriez- vous à redouter pour une si
belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs
français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n'est
plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-
vous à répondre. S'ils s'obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction
avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de
supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l'énergie de votre
caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais
fiers de partager avec vous les trésors de l'Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l'on vous
oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n'avez qu'à le vouloir.
TEXTE : Louise Labé, Épître dédicatoire à Clémence de Bourges

Étant le temps venu, Mademoiselle, que les sévères lois des hommes n'empêchent
plus les femmes de s'appliquer aux sciences et disciplines, il me semble que celles qui ont la
commodité doivent employer cette honnête liberté que notre sexe a autrefois tant désirée, à
apprendre celles-ci, et montrer aux hommes le tort qu'ils nous faisaient en nous privant du
bien et de l'honneur qui nous en pouvaient venir : et si quelqu'une parvient en tel degré que
de pouvoir mettre ses conceptions par écrit, le faire soigneusement et non dédaigner la
gloire, et s'en parer plutôt que de chaînes, anneaux, et somptueux habits, lesquels ne
pouvons vraiment estimer nôtres, que par usage. Mais l'honneur que la science nous
procurera sera entièrement nôtre, et ne nous pourra être ôté, ni par finesse de larron, ni par
force d'ennemis, ni longueur du temps. Si j'eusse été tant favorisée des Cieux, que d'avoir
l'esprit grand assez pour comprendre ce dont Il a eu envie, je servirais en cet endroit plus
d'exemple que d'admonition. Mais ayant passé partie de ma jeunesse à l'exercice de la
Musique, et ce qui m'a resté de temps l'ayant trouvé trop court pour la rudesse de mon
entendement, et ne pouvant de moi-même satisfaire au bon vouloir que je porte à notre
sexe, de le voir non en beauté seulement, mais en science et vertu passer ou égaler les
hommes, je ne puis faire autre chose que prier les vertueuses Dames d'élever un peu leurs
esprits par-dessus leurs quenouilles et fuseaux, et s'employer à faire entendre au monde que
si nous ne sommes faites pour commander, si ne devons-nous être dédaignées pour
compagnes tant dans les affaires domestiques que publiques de ceux qui gouvernent et se
font obéir.
TEXTE : Montesquieu, Les Lettres persanes, lettre finale.

ROXANE A USBEK
A Paris.

Oui, je t'ai trompé ; j'ai séduit tes eunuques ; je me suis jouée de ta jalousie ; et j'ai su de ton
affreux sérail faire un lieu de délices et de plaisirs.
Je vais mourir ; le poison va couler dans mes veines: car que ferais-je ici, puisque le seul
homme qui me retenait à la vie n'est plus? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien
accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges, qui ont répandu le plus
beau sang du monde.
Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule, pour m'imaginer que je ne fusse dans le
monde que pour adorer tes caprices? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit
d'affliger tous mes désirs ? Non : j'ai pu vivre dans la servitude ; mais j'ai toujours été libre:
j'ai réformé tes lois sur celles de la nature; et mon esprit s'est toujours tenu dans
l'indépendance.
Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait ; de ce que je me suis
abaissée jusqu'à te paraître fidèle ; de ce que j'ai lâchement gardé dans mon coeur ce que
j'aurais dû faire paraître à toute la terre ; enfin de ce que j'ai profané la vertu en souffrant
qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies.
Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour: si tu m'avais bien
connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine.
Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un coeur comme le mien t'était soumis.
Nous étions tous deux heureux; tu me croyais trompée, et je te trompais.
Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de
douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage ? Mais c'en est fait, le poison me
consume, ma force m'abandonne ; la plume me tombe des mains ; je sens affaiblir jusqu'à ma
haine ; je me meurs.

Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rebiab 1, 1720.


Texte : Abbé Prévost, Manon Lescaut, rencontre entre Manon et Des Grieux

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour
plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je
devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous
vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures
descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui
se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant
qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire
tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à
la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le
monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au
transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être
arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût
encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui
demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance.
Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse.
L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je
regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui
fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré
elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était
déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens.
Texte : Abbé Prévost, Manon Lescaut, la lettre de Manon à Des Grieux.

Je te jure, mon cher Chevalier, que tu es l'idole de mon cœur, et qu'il n'y a que toi au monde
que je puisse aimer de la façon dont je t'aime ; mais ne vois-tu pas, ma pauvre chère âme,
que, dans l'état où nous sommes réduits, c'est une sotte vertu que la fidélité ? Crois-tu qu'on
puisse être bien tendre lorsqu'on manque de pain ? La faim me causerait quelque méprise
fatale ; je rendrais quelque jour le dernier soupir, en croyant en pousser un d'amour. Je
t'adore, compte là-dessus ; mais laisse-moi, pour quelque temps, le ménagement de notre
fortune. Malheur à qui va tomber dans mes filets ! Je travaille pour rendre mon Chevalier
riche et heureux. Mon frère t'apprendra des nouvelles de ta Manon, et qu'elle a pleuré de la
nécessité de te quitter.

Je demeurai, après cette lecture, dans un état qui me serait difficile à décrire car j'ignore
encore aujourd'hui par quelle espèce de sentiments je fus alors agité. Ce fut une de ces
situations uniques auxquelles on n'a rien éprouvé qui soit semblable. On ne saurait les
expliquer aux autres, parce qu'ils n'en ont pas l'idée ; et l'on a peine à se les bien démêler à
soi-même, parce qu'étant seules de leur espèce, cela ne se lie à rien dans la mémoire, et ne
peut même être rapproché d'aucun sentiment connu. Cependant, de quelque nature que
fussent les miens, il est certain qu'il devait y entrer de la douleur, du dépit, de la jalousie et
de la honte. Heureux s'il n'y fût pas entré encore plus d'amour ! Elle m'aime, je le veux croire
; mais ne faudrait-il pas, m'écriai-je, qu'elle fût un monstre pour me haïr ? Quels droits eut-
on jamais sur un cœur que je n'aie pas sur le sien ? Que me reste-t-il à faire pour elle, après
tout ce que je lui ai sacrifié ? Cependant elle m'abandonne ! et l'ingrate se croit à couvert de
mes reproches en me disant qu'elle ne cesse pas de m'aimer ! Elle appréhende la faim. Dieu
d'amour ! quelle grossièreté de sentiments ! et que c'est répondre mal à ma délicatesse !
TEXTE : Abbé Prévost, Manon Lescaut, les confidences de Manon à Des Grieux sur sa
tromperie.

Elle m'apprit alors tout ce qui lui était arrivé depuis qu'elle avait trouvé G... M..., qui
l'attendait dans le lieu où nous étions. Il l'avait reçue effectivement comme la première
princesse du monde. Il lui avait montré tous les appartements, qui étaient d'un goût et d'une
propreté admirables. Il lui avait compté dix mille livres dans son cabinet, et il y avait ajouté
quelques bijoux, parmi lesquels étaient le collier et les bracelets de perles qu'elle avait déjà
eus de son père. Il l'avait menée de là dans un salon qu'elle n'avait pas encore vu, où elle
avait trouvé une collation exquise. Il l'avait fait servir par les nouveaux domestiques qu'il
avait pris pour elle, en leur ordonnant de la regarder désormais comme leur maîtresse.
Enfin, il lui avait fait voir le carrosse, les chevaux et tout le reste de ses présents ; après quoi,
il lui avait proposé une partie de jeu, pour attendre le souper. Je vous avoue, continua-t-elle,
que j'ai été frappée de cette magnificence. J'ai fait réflexion que ce serait dommage de nous
priver tout d'un coup de tant de biens, en me contentant d'emporter les dix mille francs et
les bijoux, que c'était une fortune toute faite pour vous et pour moi, et que nous pourrions
vivre agréablement aux dépens de G... M... Au lieu de lui proposer la Comédie, je me suis mis
dans la tête de le sonder sur votre sujet, pour pressentir quelles facilités nous aurions à nous
voir, en supposant l'exécution de mon système. Je l'ai trouvé d'un caractère fort traitable. Il
m'a demandé ce que je pensais de vous, et si je n'avais pas eu quelque regret à vous quitter.
Je lui ai dit que vous étiez si aimable et que vous en aviez toujours usé si honnêtement avec
moi, qu'il n'était pas naturel que je pusse vous haïr. Il a confessé que vous aviez du mérite, et
qu'il s'était senti porté à désirer votre amitié. Il a voulu savoir de quelle manière je croyais
que vous prendriez mon départ, surtout lorsque vous viendriez à savoir que j'étais entre ses
mains. Je lui ai répondu que la date de notre amour était déjà si ancienne qu'il avait eu le
temps de se refroidir un peu, que vous n'étiez pas d'ailleurs fort à votre aise, et que vous ne
regarderiez peut-être pas ma perte comme un grand malheur, parce qu'elle vous
déchargerait d'un fardeau qui vous pesait sur les bras.
TEXTE : Zola, Nana, incipit, l’entrée en scène de Nana.

Un frisson remua la salle. Nana était nue. Elle était nue avec une tranquille audace, certaine de
la toute-puissance de sa chair. Une simple gaze l’enveloppait ; ses épaules rondes, sa gorge
d’amazone dont les pointes roses se tenaient levées et rigides comme des lances, ses larges
hanches qui roulaient dans un balancement voluptueux, ses cuisses de blonde grasse, tout son
corps se devinait, se voyait sous le tissu léger, d’une blancheur d’écume. C’était Vénus
naissant des flots, n’ayant pour voile que ses cheveux. Et, lorsque Nana levait les bras, on
apercevait, aux feux de la rampe, les poils d’or de ses aisselles. Il n’y eut pas
d’applaudissements. Personne ne riait plus, les faces des hommes, sérieuses, se tendaient,
avec le nez aminci, la bouche irritée et sans salive. Un vent semblait avoir passé, très doux,
chargé d’une sourde menace. Tout d’un coup, dans la bonne enfant, la femme se dressait,
inquiétante, apportant le coup de folie de son sexe, ouvrant l’inconnu du désir. Nana souriait
toujours, mais d’un sourire aigu de mangeuse d’hommes.
[...]
Ce qui suivit acheva d’empoigner la salle. Diane s’en était allée, furieuse. Tout de suite, assise
sur un banc de mousse, Vénus appela Mars auprès d’elle. Jamais encore on n’avait osé une
scène de séduction plus chaude. Nana, les bras au cou de Prullière, l’attirait, lorsque Fontan,
se livrant à une mimique de fureur cocasse, exagérant le masque d’un époux outragé qui
surprend sa femme en flagrant délit, parut dans le fond de la grotte. Il tenait le fameux filet
aux mailles de fer. Un instant, il le balança, pareil à un pêcheur qui va jeter un coup d’épervier
; et, par un truc ingénieux, Vénus et Mars furent pris au piège, le filet les enveloppa, les
immobilisa dans leur posture d’amants heureux. Un murmure grandit, comme un soupir qui se
gonflait. Quelques mains battirent, toutes les jumelles étaient fixées sur Vénus. Peu à peu,
Nana avait pris possession du public, et maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui
montait d’elle, ainsi que d’une bête en folie, s’était épandu toujours davantage, emplissant la
salle. À cette heure, ses moindres mouvements soufflaient le désir, elle retournait la chair d’un
geste de son petit doigt.
TEXTE : M. Duras, L’Amant, la scène de rencontre.

L'homme élégant est descendu de la limousine, il fume une cigarette anglaise. Il regarde la
jeune fille au feutre d'homme et aux chaussures d'or. Il vient vers elle lentement. C'est visible,
il est intimidé. Il ne sourit pas tout d'abord. Tout d'abord il lui offre une cigarette. Sa main
tremble. Il y a cette différence de race, il n'est pas blanc, il doit la surmonter, c'est pourquoi il
tremble. Elle lui dit qu'elle ne fume pas, non merci. Elle ne dit rien d'autre, elle ne lui dit pas
laissez-moi tranquille. Alors il a moins peur. Alors il lui dit qu'il croit rêver. Elle ne répond
pas. Ce n'est pas la peine qu'elle réponde, que répondrait-elle. Elle attend. Alors il le lui
demande : mais d'où venez-vous ? Elle dit qu'elle est la fille de l'institutrice de l'école de filles
de Sadec. Il réfléchit et puis il dit qu'il a entendu parler de cette dame, sa mère, de son manque
de chance avec cette concession qu'elle aurait acheté au Cambodge, c'est bien ça n'est-ce pas ?
Oui c'est ça.
Il répète que c'est tout à fait extraordinaire de la voir sur ce bac. Si tôt le matin, une
jeune fille belle comme elle l'est, vous ne vous rendez pas compte, c'est très inattendu, une
jeune fille blanche dans un car indigène.
Il lui dit que le chapeau lui va bien, très bien même, que c'est … original...un chapeau
d'homme, pourquoi pas ? Elle est si jolie, elle peut tout se permettre.
Elle le regarde. Elle lui demande qui il est. Il dit qu'il revient de Paris où il a fait ses
études, qu' il habite Sadec lui aussi, justement sur le fleuve, la grande maison avec les grandes
terrasses aux balustrades de céramique bleue. Elle lui demande ce qu'il est. Il dit qu'il est
chinois, que sa famille vient de la Chine du Nord, de Fou-Chouen. Voulez-vous me permettre
de vous ramener chez vous à Saigon ? Elle est d'accord. Il dit au chauffeur de prendre les
bagages de la jeune fille dans le car et de les mettre dans l'auto noire.
Chinois. Il est de cette minorité financière d'origine chinoise qui tient tout l'immobilier
populaire de la colonie. Il est celui qui passait le Mékong ce jour-là en direction de Saigon.
Elle entre dans l'auto noire. La portière se referme. Une détresse à peine ressentie se
produit tout à coup, une fatigue, la lumière sur le fleuve qui se ternit, mais à peine. Une
surdité très légère aussi, un brouillard, partout.
TEXTE : Molière, Le Malade imaginaire, Acte I, scène 1, monologue Argan.

Plus, du vingt-septième, une bonne médecine, composée pour hâter d'aller et chasser
dehors les mauvaises humeurs de monsieur, trois livres." Bon, vingt et trente sols ; je suis
bien aise que vous soyez raisonnable. « Plus, du vingt-huitième, une prise de petit-lait clarifié
et dulcoré pour adoucir, lénifier, tempérer et rafraîchir le sang de monsieur, vingt sols." Bon,
dix sols. « Plus, une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoard,
sirop de limon et grenades, et autres, suivant l'ordonnance, cinq livres." Ah ! monsieur
Fleurant, tout doux, s'il vous plaît ; si vous en usez comme cela, on ne voudra plus être
malade ; contentez- vous de quatre francs. Vingt et quarante sols. Trois et deux font cinq, et
cinq font dix et dix font vingt. Soixante et trois livres quatre sols six deniers. Si bien donc que,
de ce mois, j'ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines ; et un, deux,
trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements ; et, l'autre mois, il y
avait douze médecines et vingt lavements. Je ne m'étonne pas si je ne me porte pas si bien
ce mois-ci que l'autre. Je le dirai à monsieur Purgon, afin qu'il mette ordre à cela. Allons,
qu'on m'ôte tout ceci. Il n'y a personne. J'ai beau dire : on me laisse toujours seul : il n'y a
pas moyen de les arrêter ici. (Il agite une sonnette pour faire venir ses gens.) Ils n'entendent
point, et ma sonnette ne fait pas assez de bruit. Drelin, drelin, drelin. Point d'affaire. Drelin,
drelin, drelin. Ils sont sourds... Toinette ! Drelin, drelin, drelin. Tout comme si je ne sonnais
point. Chienne, coquine ! Drelin, drelin, drelin. J’enrage ! (Il ne sonne plus, mais il crie.)
Drelin, drelin, drelin. Carogne, à tous les diables ! Est-il possible qu'on laisse comme cela un
pauvre malade tout seul ? Drelin drelin, drelin. Voilà qui est pitoyable ! Drelin, drelin, drelin.
Ah ! mon Dieu! Ils me laisseront ici mourir. Drelin, drelin, drelin.
TEXTE : Molière, Le Malade imaginaire, portrait de Thomas Diafoirus

MONSIEUR DIAFOIRUS.- Monsieur, ce n’est pas parce que je suis son père, mais je puis dire
que j’ai sujet d’être content de lui, et que tous ceux qui le voient, en parlent comme d’un
garçon qui n’a point de méchanceté. Il n’a jamais eu l’imagination bien vive, ni ce feu d’esprit
qu’on remarque dans quelques-uns, mais c’est par là que j’ai toujours bien auguré de sa
judiciaire, qualité requise pour l’exercice de notre art. Lorsqu’il était petit, il n’a jamais été,
ce qu’on appelle mièvre, et éveillé. On le voyait toujours doux, paisible, et taciturne, ne
disant jamais mot, et ne jouant jamais à tous ces petits jeux, que l’on nomme enfantins. On
eut toutes les peines du monde à lui apprendre à lire, et il avait neuf ans, qu’il ne connaissait
pas encore ses lettres. "Bon, disais-je en moi-même ; les arbres tardifs, sont ceux qui portent
les meilleurs fruits. On grave sur le marbre bien plus malaisément que sur le sable ; mais les
choses y sont conservées bien plus longtemps, et cette lenteur à comprendre, cette
pesanteur d’imagination, est la marque d’un bon jugement à venir." Lorsque je l’envoyai au
collège il trouva de la peine ; mais il se raidissait contre les difficultés, et ses régents se
louaient toujours à moi de son assiduité, et de son travail. Enfin, à force de battre le fer, il en
est venu glorieusement à avoir ses licences ; et je puis dire sans vanité, que depuis deux ans
qu’il est sur les bancs, il n’y a point de candidat qui ait fait plus de bruit que lui dans toutes
les disputes de notre École. Il s’y est rendu redoutable, et il ne s’y passe point d’acte où il
n’aille argumenter à outrance pour la proposition contraire. Il est ferme dans la dispute, fort
comme un Turc sur ses principes ; ne démord jamais de son opinion, et poursuit un
raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique. Mais sur toute chose, ce qui me
plaît en lui, et en quoi il suit mon exemple, c’est qu’il s’attache aveuglément aux opinions de
nos anciens, et que jamais il n’a voulu comprendre, ni écouter les raisons, et les expériences
des prétendues découvertes de notre siècle, touchant la circulation du sang, et autres
opinions de même farine.
TEXTE : Molière, Le Malade imaginaire, la consultation de Toinette

TOINETTE.- Donnez-moi votre pouls. Allons donc, que l’on batte comme il faut. Ahy, je vous
ferai bien aller comme vous devez. Hoy, ce pouls-là fait l’impertinent ; je vois bien que vous
ne me connaissez pas encore. Qui est votre médecin ?

ARGAN.- Monsieur Purgon.

TOINETTE.- Cet homme-là n’est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De
quoi, dit-il, que vous êtes malade ?

ARGAN.- Il dit que c’est du foie, et d’autres disent que c’est de la rate.

TOINETTE.- Ce sont tous des ignorants, c’est du poumon que vous êtes malade.

ARGAN.- Du poumon ?

TOINETTE.- Oui. Que sentez-vous ?

ARGAN.- Je sens de temps en temps des douleurs de tête.

TOINETTE.- Justement, le poumon.

ARGAN.- Il me semble parfois que j’ai un voile devant les yeux.

TOINETTE.- Le poumon.

ARGAN.- J’ai quelquefois des maux de cœur.

TOINETTE.- Le poumon.

ARGAN.- Je sens parfois des lassitudes par tous les membres.

TOINETTE.- Le poumon.

ARGAN.- Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c’était des
coliques.

TOINETTE.- Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez ?

ARGAN.- Oui, Monsieur.

TOINETTE.- Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin ?

ARGAN.- Oui, Monsieur.


TOINETTE.- Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise
de dormir ?

ARGAN.- Oui, Monsieur.

TOINETTE.- Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre
nourriture ?

ARGAN.- Il m’ordonne du potage.

TOINETTE.- Ignorant.

ARGAN.- De la volaille.

TOINETTE.- Ignorant.

ARGAN.- Du veau.

TOINETTE.- Ignorant.

ARGAN.- Des bouillons.

TOINETTE.- Ignorant.

ARGAN.- Des œufs frais.

TOINETTE.- Ignorant.

ARGAN.- Et le soir de petits pruneaux pour lâcher le ventre.

TOINETTE.- Ignorant.

ARGAN.- Et surtout de boire mon vin fort trempé.

TOINETTE.- Ignorantus, ignoranta, ignorantum. Il faut boire votre vin pur ; et pour épaissir
votre sang qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon
fromage de Hollande, du gruau et du riz, et des marrons et des oublies, pour coller et
conglutiner. Votre médecin est une bête. Je veux vous en envoyer un de ma main, et je
viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville.
TEXTE : Molière, Dom Juan, tirade du libertinage.

DOM JUAN : Quoi ? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on
renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ? La belle chose de
vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une
passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper
les yeux ! Non, non : la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont
droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux
autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit
partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne.
J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire
injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune
les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser
mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en
avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes
inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur
extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour
les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs,
l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les
petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur
et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître
une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter; tout le beau de la passion est fini, et nous
nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient
réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire.
Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai
sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire,
et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter
l'impétuosité de mes désirs
: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût
d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
TEXTE : Marivaux, L’Ile des esclaves, scène 3.

CLEANTHIS : Madame se lève ; a-t-elle bien dormi, le sommeil l'a-t-il rendue belle, se sent-
elle du vif, du sémillant dans les yeux ? vite, sur les armes ; la journée sera glorieuse. "Qu'on
m'habille !" Madame verra du monde aujourd'hui ; elle ira aux spectacles, aux promenades,
aux assemblées ; son visage peut se manifester, peut soutenir le grand jour, il fera plaisir à
voir, il n'y a qu'à le promener hardiment, il est en état, il n'y a rien à
craindre.

TRIVELIN, à Euphrosine : Elle développe assez bien cela.

CLEANTHIS : Madame, au contraire, a-t-elle mal reposé ? "Ah ! qu'on m'apporte un miroir ;
comme me voilà faite ! que je suis mal bâtie !" Cependant on se mire, on éprouve son visage
de toutes les façons, rien ne réussit ; des yeux battus, un teint fatigué ; voilà qui est fini, il faut
envelopper ce visage-là, nous n'aurons que du négligé, Madame ne verra personne
aujourd'hui, pas même le jour, si elle peut ; du moins fera-t-il sombre dans la chambre.
Cependant, il vient compagnie, on entre : que va-t-on penser du visage de Madame ? on croira
qu'elle enlaidit : donnera-t-elle ce plaisir-là à ses bonnes amies ? Non, il y a remède à tout :
vous allez voir. "Comment vous portez-vous, Madame ? - Très mal, Madame ; j'ai perdu le
sommeil ; il y a huit jours que je n'ai fermé l'œil ; je n'ose pas me montrer, je fais peur." Et
cela veut dire : "Messieurs, figurez-vous que ce n'est point moi au moins ; ne me regardez pas,
remettez à me voir ; ne me jugez pas aujourd'hui ; attendez que j'aie dormi. J'entendais tout
cela, car nous autres esclaves, nous sommes doués contre nos maîtres d'une pénétration !... Oh
! ce sont de pauvres gens pour nous.

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