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Cours de Littérature de Jeunesse

Chapter · October 2021

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Chaib Sami
Ecole normale supérieure de Ouargla, Algeria
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République Algérienne Démocratique et Populaire
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Ecole Normale Supérieure –ENS Ouargla
Département des langues étrangères
Filière de Français

Polycopié
Elaboré en vue de l’obtention du diplôme d’
Habilitation à Diriger des Recherches
Discipline : Littérature.

Présenté par
M. Sami CHAIB
Maître de conférences classe « B »

Littérature de Jeunesse
A l’adresse des étudiants
Niveau 4ème année PEM/PES

Année Universitaire 2020-2021


Informations générales concernant
le module enseigné :
Module : Littérature de Jeunesse
Coefficient : 2
Types d’évaluation : EMD – Interrogation écrite – Travaux dirigés
etc.
Volume Horaire Hebdomadaire : Cours + TD = 3h
Volume Horaire Annuel : 90h
Niveau : 4ème année Français
Public cible : Etudiants PEM et PES
Spécialité : Langue et Littérature Françaises
Durée : Annuelle
Enseignant chargé du cours :
Dr CHAIB Sami
Maitre de conférences de classe « B »
Ecole Normale Supérieure – Ouargla
Contact : sami.wata05@gmail.com
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ………………………………………………………………..05

I- Présentation et objectif du module…………………………………………….05


II- Motivations et Problématique…………………………………………………06
III- Former à l’enseignement à l’aide de la littérature de jeunesse………………..06
IV- Plan du cours…………………………………………………………………..07

Partie I : Une Littérature juvénile


1. La jeunesse : une ambiguïté notionnelle…………………………………….09
1.1 Psychologie et développement intellectuel de l’enfant et de l’adolescent...09
1.1.1 De la petite enfance à l’adolescence…………………………….…10
1.2 Lecture Enfantine quel intérêt ?...................................................................11
2. La littérature de jeunesse…………………………………………………….12
2.1 Repères conceptuels et soubassement théorique…………………………..12
2.2 Origine et évolution de la littérature de jeunesse………………………….15
2.2.1 La naissance d’un nouveau genre………………………………….15
2.2.2 Divertissement et aspect pédagogique……………………………..16
2.2.3 Développement de l’Age moderne jusqu’à nos jours……………...18
2.3 Littérature et illustration jeunesse………………………………………..19
2.3.1 L’album une nouvelle conception de la littérature juvénile……….20
2.3.2 La bande dessinée nouveau secteur du livre pour enfant………….21

Partie II : Il était une fois le CONTE pour enfant.


1. Le conte n’a pas d’âge……………………………………………………….24
1.1 Qu’est-ce qu’un conte ?...............................................................................24
1.2 Les types de conte…………………………………………………………24
1.2.1 Le conte oral / consigné / écrit………………………………...24
1.2.2 Les autres types génériques……………………………………25
1.3 Caractéristiques du conte………………………………………………….26
1.3.1 Cadrage spatio-temporel…………………………………….…26
1.3.2 Des personnages atypiques…………………………………….27
1.4 Etude structurale du conte…………………………………………………28
1.4.1 La morphologie du conte selon Vladimir Propp………………28
1.4.2 Le Schéma actanciel de Julien Greimas……………………….32
2. Le conte merveilleux…………………………………………………………35
2.1 Le conte de fées…………………………………………………………...35
2.2 Les caractéristiques du conte merveilleux………………………………...35
2.3 Le sens moral des contes merveilleux…………………………………….36
2.4 Les conteurs du merveilleux………………………………………………37
2.4.1 Les contes de Charles Perrault………………………………...37
2.4.2 Les contes des frères Grimm…………………………………..40
2.4.3 Les contes d’Andersen………………………………………...42
3. Le conte fantastique………………………………………………………….43
3.1 Définition de la notion du Fantastique………………………………….…43
3.2 Aperçu historique……………………………………………………….…45
3.3 Le fantastique en littérature……………………………………………….47
3.3.1 Contes et nouvelles fantastiques……………………………….48
3.3.2 Les thèmes du conte fantastique………………………………49
3.3.3 Les fonctions du conte fantastique………………………….…50
3.4 Les conteurs du fantastique……………………………………………..…51
3.4.1 Les contes d’Hoffmann……………………………………..…51
3.4.2 Les contes d’Edgar Allan Poe…………………………………56
3.4.3 Contes et nouvelles de Guy de Maupassant………………...…57

Partie III : Mode d’évaluation et exercices d’applications

1. Interrogations……………………….……………………………………………61
2. Examens sur Table…………………………………………………………….…63

CONCLUSION……………………………………………………………………73

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES……………………………………..…74

ANNEXES…………………………………………………………………………79
Introduction.

I- Présentation et objectif du module

Eveiller la conscience des jeunes esprits au travers des textes littéraires ; tel est le
noble dessein auquel aspire ce module. Si la Littérature de Jeunesse s’est ancrée d’emblée
et de manière tacite dans nos pratiques de classe, elle n’en demeure pas moins assimilable
pour bon nombreux d’étudiants qui en ignorent les fondements théoriques et les aspects
pratiques. C’est dans cette perspective que s’inscrit ce cours qui s’adresse tout
particulièrement aux étudiants de la 4ème année des paliers PEM et PES de l’école normale
supérieure de Ouargla et qui vise à :

1- Rappeler les repères conceptuels et les soubassements théoriques de cette


littérature.
2- Mettre en exergue les différents aspects du développement psychologique et
intellectuel de la petite enfance à l’adolescence.
3- Faire un survol historique de la genèse d’un nouveau genre à l’instauration d’une
véritable industrie du livre pour enfant.
4- Comprendre les mécanismes liés à la production et à la circulation de cette
littérature.
5- Initier les étudiants au CONTE ; ses types, ses caractéristiques ainsi que les
innombrables recherches sur le plan structural et narratologique.
6- Sensibiliser les étudiants normaliens à la nécessité de l’emploi du texte littéraire
et notamment les textes pour enfants dans l’éducation des jeunes apprenants.
7- Leur permettre de plonger dans l’univers des conteurs du merveilleux et du
fantastique.
8- Leur donner l’outillage nécessaire à la stimulation de l’imaginaire de l’apprenant
en s’exerçant à la rédaction des contes.
Ces principaux objectifs ont tous pour but de comprendre l’univers de l’enfant, de se
former à une littérature axée particulièrement aux jeunes esprits et de se cultiver par rapport
aux besoins des apprenants ainsi que de prendre goût à leurs attentes. Voici donc en quelques
mots la finalité de ce module qui tente au mieux d’élucider et d’éclairer ce rapport de
causalité et d’influence qui s’exerce entre imaginaire et développement intellectuel de
l’enfant.

5
Ce module qui s’inscrit dans le champ de la littérature, totalise un nombre de volume
horaire de 90h s’étalant tout au long de l’année universitaire. D’une charge horaire de 3 h, il
comporte une séance de cours et une autre de TD de 1h30 chacune. Une formation qui
s’accompagne d’un mode d’évaluation de type ; contrôle continu et examen sur table ainsi
que quelques présentations et des recherches individuels et collectifs spécifiquement des
collectes de contes de appartenant à notre héritage socio-culturel.

II- Motivation et problématique

Cerner le sujet et les objectifs de notre module de la sorte, nous pousse à émettre,
tout au long de notre cours, une batterie de questions susceptibles de répondre aux objectifs
du module. Ces questions tentent par l’unicité de la thématique traitée de mettre en évidence
le caractère pédagogique et instructif de la littérature de jeunesse et d’appréhender son
contenu. C’est pourquoi trois questions élémentaires à notre cours sont représentées ci-
après :

➢ A Qui s’adresse cette littérature et à quelle catégorie d’âge ?


➢ En quoi cette littérature favorise-t-elle le développement et l’émancipation
de l’esprit de l’enfant ?
➢ Et comment se constitue-t-elle en un nouveau genre doté de ses propres
sous-genres, d’auteurs et d’illustrateurs, mais aussi de ses propres maisons
d’éditions qui en assure sa transmission et sa pérennité.
Ce manuel tentera d’apporter des éléments de réponses à toutes ces questions.

III- Former à l’enseignement à l’aide de la littérature de jeunesse

Peu étudiée à l’université algérienne, la littérature de jeunesse reste déconsidérée dans les
pratiques académiques, et cela en dépit de l’importance capitale des textes littéraires dans la
formation aux langues étrangères. Elle n’en demeure pas moins considérée dans les écoles
normales supérieures où la aussi les différents programmes proposés occultent sciemment le
retour au texte pour enfant comme modèle servant à l’apprentissage de la langue, poussé
certainement par un certain pragmatisme que laisserai entrevoir les nouvelles méthodes
d’enseignement qui bannissent les textes chargés de sens au profit des textes plus usuels.

Cette aversion au traditionalisme pédagogique, dissuade foule d’étudiants à exploiter contes,


comptines, fables, albums et aux autres bandes dessinées qui pourtant débordent de richesses
inouïes autant sur le plan du lexique que sur le plan des idées. Ainsi, la didactique de la

6
littérature de jeunesse est préconisée voire imposée et tout futur enseignant à le devoir de
s’initier et de se former à ce genre à part entière. Un genre qui lui permettra d’arriver à
remplir ses tâches pédagogiques notamment celles liées aux compétences de la
compréhension et la production à l’oral et à l’écrit.

IV- Plan du cours

Ce cours est conçu pour répondre aux questions émises précédemment, nous avons jugé
indispensable de subdiviser notre support pédagogique en trois parties.

D’abord une première partie, dans laquelle nous estimons indispensable et incontournable
d’aborder la psychologie de l’enfant, son développement psychique ainsi que du rôle la
lecture enfantine sur ce dernier. Nous faisons intervenir par la suite, notre outillage théorique
et méthodologique afin d’initier nos étudiants à la littérature de jeunesse, de même, nous
ferons un petit survol historique pour comprendre l’origine et l’évolution de ce genre pour
enfant. Nous conclurons cette première partie en abordant les sous-genres illustratifs à savoir
l’album et la bande dessinée.

Ensuite, une deuxième partie, où il nous parait nécessaire et même essentiel de faire
découvrir à nos étudiants le conte pour enfant, nous commençons par comprendre les
fondements théoriques de ce genre ; sa définition, ses types, ses caractéristiques et de prendre
conscience des différentes études qui concernent sa structure. Nous s’intéresseront tout
particulièrement, par la suite, au conte merveilleux appelé aussi conte de fée où nous allons
comprendre sa nature féerique et onirique et appréhender sa valeur moralisatrice. Nous
terminerons cette partie avec une présentation d’un autre genre et registre, celui du
fantastique, là aussi, nous allons voir sa déclinaison vers la nouvelle, ses thèmes et ses
fonctions.

Enfin, une troisième partie, réservée essentiellement aux travaux, exercices et autres
devoirs et interrogations où nous allons proposer quelques évaluations qui vont renforcer
encore plus la compréhension du cours et serviront d’éventuels modèles et supports qu’ils
pourront utiliser dans leurs classes respectives.

7
Partie I : Une Littérature juvénile

8
1. La jeunesse : une ambiguïté notionnelle

1.1 Psychologie et développement intellectuel de l’enfant et de l’adolescent.

Avant de commencer notre cours sur la littérature de jeunesse, il est important de plonger
dans l’univers de l’enfant et comprendre sa structure psychique. Pour mieux aborder la
notion de « psychologie de l’enfant », il faudrait tout d’abord répondre à la question : qu’est-
ce que la psychologie ? Matière première et véritable pièce maîtresse des sciences
introspectives, La psyché a depuis longtemps suscité intérêt et engouement et fut soumise à
l'épreuve des générations. Emprunté à l'ancien grec Psukhe signifiant « le souffle » d’où
« respiration, haleine, force vitale, vie, ce qui s'échappe de la bouche ou de la blessure
béante du mourant1 », et par extension « âme de l'être vivant, individualité personnelle,
partie immatérielle et immortelle de l'être2 », Correspondant à l'hébreu Nephech et à l'arabe
Al-Nafs. Le terme prend source d'un personnage de la mythologie grecque ; « une mortelle
d'une grande beauté nommée psyché, aimée d'éros dieu de l'amour »3 (Cupidon chez les
Romains) et dont la morale tirée, se veut de faire comprendre que la véritable beauté et celle
de l’esprit qui échappe par son comportement aux tentations et aux afflictions des dieux.

C’est dans cette visée que s’inscrit la psychologie moderne, essentiellement behavioriste à
ses débuts ; elle s’intéresse aux phénomènes observables du comportement humain pour se
tourner de plus en plus aux processus mentaux et notamment ceux sous-jacents à travers la
psychanalyse. Nous retenons pour notre cours une définition simpliste, celle proposée par
James Watson (1913) « La psychologie doit prendre en considération comme objet d`étude
ce que font les hommes de leur naissance jusqu’ à la mort ». A ce titre la psychologie de
l’enfant et de l’adolescent, fait partie intégrante des disciplines du développement humain,
elle correspond à la progression humaine à une étape précoce de la vie, une transformation
qui est régit par la notion de stade ; processus cumulatif influencé par l’interaction continue
des hérédités et du milieu.

1
ROHDE, Erwin, 1999. Psyché : le culte de l’âme chez les Grecs et leur croyance à l’immortalité. Paris,
France. p4
2
CHANTRAINE, Pierre, 1980. Dictionnaire étymologique de la langue grecque : histoire des mots. Paris,
France : Klincksieck. p 187
3
PHILIBERT, Myriam, 1998. Dictionnaire des mythologies: celtique, égyptienne, gréco-latine, germano-
scandinave, iranienne, mésopotamienne. Lieu de publication inconnu, France : Maxi-Livres-Profrance. P 273

9
Dans son cours La psychologie de l’enfant, le professeur Saber Hamrouni de l’université de
Tunis insiste sur la nécessité d’initier les futurs enseignants à la psychologie et au monde de
l’enfant « D’un point de vue pratique, savoir comment les premiers vécus ou les premières
expériences de la vie qui conditionnent et déterminent la personnalité d'un individu, peut
mieux nous aider à sélectionner et à adapter nos modes d'intervention éducative au sujet
(enfant ou adolescent) »4. Il est donc important de bien connaitre son auditoire afin de mieux
adapter son contenu pédagogique car comme on le sait l’enfant n’est pas un adulte en
« miniature ».

1.1.1 De la petite enfance à l’adolescence

Le célèbre psychologue Jean Piaget fut parmi les premiers à vouloir comprendre
l’individualisation de l’être humain. Il cherchait à saisir ce « passage d’un état de moindre
connaissance à un état de connaissance plus poussé ». 5 C’est pourquoi tout son intérêt était
dirigé à ce dynamisme du développement intellectuel de l’enfant, à « cet individu qui part
du zéro » 6.

Dans une logique de stratification et de structure, Piaget dénombre quatre stades de


développement ou manière de voir le monde chez l’enfant.

1) Le stade sensori-moteur (de la naissance à environ 2 ans) : essentiellement


pratique, ce stade correspond à la coordination des capacités sensorielles et motrice
du bébé. L’intelligence du bébé est liée à son action ; c’est par le touché par exemple
qu’il arrive à comprendre le fonctionnement de son corps et à faire la distinction entre
son corps et le mode environnant notamment avec les objets. Exemple : si un bébé
fait tomber un objet ou le met dans la bouche c’est pour se le représenter
mentalement, nature et fonction.
2) Le stade pré-opératoire (de 2 à 7 ans) : essentiellement symbolique, ce stade
correspond aux premières représentations langagières du monde environnant.
L’enfant est incapable à se stade de maitriser les concepts d’invariance ou de
conservation ex : l’invariance des liquides ou des volumes ou de la masse. C’est cette

4
SABER, HAMROUNI, [sans date]. la psychologie de l’adolescent - 17974 Mots | Etudier. In : [en ligne].
[Consulté le 21 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.etudier.com/dissertations/La-
Psychologie-De-l-Adolescent/62096062.html.
5
BRISSET, Christine, 2010. Entre recherche sur le développement du jeune enfant et prescriptions officielles
pour la maternelle. In : Carrefours de l’education. 2010. Vol. n° 30, n° 2, pp. 57-90.
6
Ibid.

10
raison qu’on appelle aussi ce stade ; la période prélogique. De même, à ce stade
l’enfant est décrit comme « égocentrique », il a du mal à comprendre que les autres
ne puissent pas avoir les mêmes pensées que lui ex : un enfant qui veut qu’on lui
achète quelque chose au supermarché. Il aussi du mal à garder un secret (le
mensonge serait lié au progrès de son intelligence).
3) Stade opératoire concret (7 – 12 ans) : A ce stade, l’enfant connait « une mobilité
croissante au niveau de ses structures mentales ». Ces réflexions deviennent de plus
en plus subtiles et il peut désormais commencer à faire des abstractions mentales et
manier des opérations de routines. Ex :il peut retrouver le chemin de la maison d’un
ami.
4) Le stade formel (12 – 16 ans) : dernier stade pour Piaget, ce stade qui correspond à
l’âge de la puberté. L’enfant-adolescent peut désormais manier des opérations
mentales complexes. Il peut raisonner en termes d’abstrait plus complexe comme en
mathématiques ex : comprendre des théorèmes ou des notions abstraites. Il peut aussi
s’intéresser aux problèmes éthiques, philosophiques et existentielles ex : le bien et le
mal, l’infini, la mort etc.

1.2 Lecture Enfantine quel intérêt ?

Dans son livre Les lois naturelles de l’enfant, Céline Alvarez signale qu’il serait très
intéressant de proposer à l’enfant des activités qui lui permettent de non seulement « préciser
ses capacités de perception sensorielle – afin de mieux voir, mieux sentir, mieux entendre,
mieux goûter, mieux percevoir par le toucher –, mais également dénommer tout ce qu’il
perçoit : les couleurs et leurs nuances, les différentes dimensions (épais/fin, long/court,
petit/grand), les textures (rugueux, lisse, soyeux, doux), les sons (grave/aigu, les notes de
musique), les odeurs, ainsi que les différentes saveurs. »7.

Eveiller les sens et l’esprit d’un enfant, viendrait donc à lui faire concevoir le monde par ses
propres yeux, à stimuler son imagination et à le faire rêver. La lecture enfantine a cet impact
majeur dans la construction et le développement de l’enfant, il est primordial non seulement
lui donner à lire mais surtout de lui apprendre à lire. Annick page précise dans son mémoire
« qu’apprendre à lire c’est surtout connaître et manipuler les objets culturels de l’écrit,
comme les livres, les albums, les dictionnaires, les journaux ou encore les magazines, mais

7
ALVAREZ, Céline et MEYER, Catherine, 2016. Les lois naturelles de l’enfant. Paris, France : Les Arènes. P30

11
c’est aussi s’intéresser et participer aux activités de lecture et d’écriture d’adultes. Le
travail cognitif de l’enfant apprenti lecteur porte autant sur les fonctions et les usages de
l’écrit, les aspects culturels, que sur le fonctionnement de la langue écrite, les aspects
linguistiques »8

L’art pour enfant est-il capable de fournir et générer autant de motivation ? « Il n’existe pas
d’art mineurs » disait Jean Cocteau, il serait indéniable aujourd’hui de négliger le rôle de la
littérature de jeunesse dans le développement de la scolarisation et la multiplication des
recherches liées à l’univers de l’enfant. Nous pouvons ainsi lire dans le site littdejeunesse.fr :

« La littérature remplit plusieurs rôles chez l'enfant et l'adolescent: elle leur


sert à mieux connaître le monde qui les entoure tout en les aidant à construire
des attitudes positives, comme l'estime de soi, la tolérance envers les autres,
la curiosité envers la vie. La lecture peut être un moyen d'interpréter
l'expérience humaine, de définir ce que l'on est et ce que l'on pourrait être, de
considérer des possibilités nouvelles et d'envisager des voies inédites. La
littérature peut servir non seulement à informer sur la vie, mais à transformer
la vie. »9

2. La littérature de jeunesse

2.1 Repères conceptuels et soubassement théorique

Maintes tentatives pour définir la littérature de jeunesse ont été intentés de la part des
spécialistes de la question ; ces tentatives répondent, par ailleurs, à des enjeux différents qui
varient en fonction de la multitude des acteurs en lien directe avec cette littérature. En effet,
les avis divergent que l’on se place du côté des éditeurs, des enseignants ou des parents, des
bibliothécaires ou des institutions étatiques tous ont des points de vue discordants suivant la
nature du but visée par le livre pour enfant, néanmoins, ils semblent tous s’accorder sur un
public particulier. Ainsi, comme son nom l’indique « la littérature de jeunesse » s’adresse à
un public identifié comme étant jeune. En ce sens, elle ne se reconnaît pas à quelque chose

8
https://doc.rero.ch/record/232445/files/PF1_2013_MP_PageAnnick.pdf
9
ANON., [sans date]. les enjeux de la littérature de jeunesse. In : [en ligne].
[Consulté le 30 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://littdejeunesse.monsite-orange.fr/page-
577639f236216.html.

12
mais à quelqu’un, le destinataire. De même, l’on ne s’interroge plus sur qui a dit ? Mais pour
qui cela est-il dit ?

Qu’entendons-nous par le terme de « jeunesse » ? Existe-t-il dans le texte et dans sa forme


ce qui spécifie sa jeunesse ? enfance et adolescence sont-ils la même chose ? Y-a-t-il une
ou des jeunesses et par là une ou des littératures de jeunesse ? A ces questions qui mieux que
les maisons d’éditions pour y répondre, versés dans une logique de profit et de gains, ces
maisons qui font du livre un objet de consommations, intègrent des collections et des
catalogues qui sont conçus pour séduire un public ciblé par âge et par sexe. La maison
Hachette avait, à titre d’exemple, des collections distinctes pour filles et pour garçons, elle
poursuit encore de nos jours cette stratégie de vente : il suffit de lire quelques titres de la
série « Journal d’une princesse » de Meg Cabot pour s’apercevoir que ces ouvrages sont
destinés à de jeunes adolescentes.

Ces maisons d’éditions ont donc compris que ce que nous avons tendance à réunir sous le
terme d’enfance, suivant certainement et de manière intuitive les définitions des
dictionnaires, ne serait pas uniquement cette première période de la vie humaine de la
naissance à l’adolescence, car nous avons dans la terminologie moderne plusieurs mot pour
décrire cette enfance : le nourrissant, le bébé, l’enfant et l’adolescent. Dans son ouvrage « La
littérature de jeunesse », Nathalie Prince insiste donc sur le fait de parler de littératures de
jeunesse au pluriel, car comme pressenti par les maisons d’éditions il existe une multiplicité
et variété des jeunes lecteurs, elle explique :

« La variété des lecteurs se réalise dans la variété des livres proposés.


On doit alors avancer avec précaution et supposer qu’il a différentes
littératures de jeunesse. Non pas une littérature de jeunesse mais des
littératures de jeunesse : une littérature de la prime enfance, littérature
de l’âge de raison, une littérature de l’adolescence, voire par tranche
d’âge, ou par catégorie de jeunes : les filles, les prêts adolescents, les
petits garçons… Peut-on mettre sur la même rangée d’une bibliothèque
littérature enfantine et littérature adolescente »10.

10
PRINCE, Nathalie, 2015. La littérature de jeunesse : pour une théorie littéraire. Paris, France : Armand
Colin. p 14

13
Paradoxalement, le terme enfant « In-fans » désigne étymologiquement celui qui ne parle
pas, et donc celui qui ne lit pas. Bien évidemment, la littérature de jeunesse s’adresse à la
partie de son lectorat qui lit de manière approximative, avec un vocabulaire assez restreint,
avec une appréhension sommaire de la syntaxe et du style littéraire. Ceci nous amène à se
poser la question suivante : La littérature de jeunesse est-elle conçue uniquement et
spécialement pour les enfants ? beaucoup d’ouvrages sont écrits sans destination préalable.
En effet, à en croire Myriam Tsimbidy dans son livre Enseigner la littérature de
jeunesse cette dernière englobe des textes à la fois conçus pour les enfants et des textes écrits
pour des adultes qui sont devenus comme des classiques pour la jeunesse à l’instar du Petit
prince d’Antoine de Saint-Exupéry, ainsi que des textes écrits pour des adultes puis adaptés
pour la jeunesse ; citons, parmi tant d’autres, Les trois mousquetaires d’Alexandre Dumas,
Les misérables de Victor Hugo ou encore Robinson Crusoé de Daniel Defoe. Ces ouvrages
ont pour point commun de « jouer un rôle dans la formation intellectuelle et psychologique
du lecteur, de provoquer une émotion esthétique, de l’interpeller dans son rapport au monde,
aux autres et à lui-même et de susciter sa réflexion personnelle »11.

Des aveux des plus grands écrivains des chefs-d’œuvre tels que J.R.R Tolkien pour son
œuvre majestueuse Le seigneur des anneaux ; ce dernier estime qu’il n’a jamais écrit pour
l’adolescence, pourtant son œuvre trône depuis des décennies dans le palmarès des livres les
plus en vogue chez les jeunes. Ainsi, nous remarquons que la plupart des œuvres sont repris
par la littérature de jeunesses et notamment les contes dites « pour enfant » qui pour la
plupart d’entre eux sont retombés dans la catégorie de jeunesse sans pour autant leurs êtres
destinés, comme le confirme Isabelle Nières-Chevrel :

« Il y a d’une part la littérature réorientée vers l’enfance et la jeunesse.


Éditeurs et pédagogues font entrer dans le répertoire des enfants des
textes qui ne leur étaient pas initialement destinés, des contes venus -
directement ou indirectement - de la tradition orale et des classiques de
la culture adulte lettrée. […] Mais il y a d’autre part ce qui constitue
stricto sensu la littérature pour l’enfance et la jeunesse, c’est-à-dire
une littérature adressée ». 12

11
TSIMBIDY, Myriam, 2008. Enseigner la littérature de jeunesse. Toulouse, France : Presses universitaires du
Mirail, DL 2008. P 11
12
NIÈRES-CHEVREL , Isabelle et HADDAD-WOTLING, Karen, 2002. Dictionnaire mondial des littératures.
Paris, France : Larousse. p 265

14
La littérature de jeunesse n’est donc pas en marge de la littérature que lisent les adultes ; elle
s’adresse à des lecteurs dont les interrogations vis-à-vis du sens du monde diffèrent de celles
des adultes et qui n’ont pas le même niveau de langue. C’est donc dans la lecture et dans
l’interprétation que tout se joue ; l’adulte face au même texte peut y trouver d’autres sens et
un autre plaisir. François Ruy-Vidal réclame à ce titre que la littérature pour enfant n’existe
pas : « il n’y a pas d’art pour enfant, il y a de l’Art. Il n’y a pas de graphisme pour enfant,
il y a le graphisme. Il n’y a pas de couleur pour enfant, il y a les couleurs. Il n’y a pas de
littérature pour enfants, il y a la littérature et partant de ces principes, on peut dire qu’un
livre pour enfant est un bon livre quand il est un bon livre pour tout le monde »13.

2.2 Origine et évolution de la littérature de jeunesse

2.2.1 La naissance d’un nouveau genre

De l’antiquité au Moyen Âge, et pendant une partie de la Renaissance la notion


d’enfance n’existait pas, ou presque, ce qui explique l’absence totale d’œuvres spécifiques
pour enfants. Considérés comme étant des êtres en devenir, ils sont voués dès leur jeune âge
à des tâches d’adultes, le plaisir de la lecture et de l’apprentissage était réservé aux seuls fils
des rois et autres privilégiés. De plus, la mort enfantine était monnaie courante, ce qui
explique en partie cette indifférence sociale et naturellement littéraire. Au Moyen Âge, et
vue l’importance du rôle du clergé en Europe, l’intérêt à l’enfance était centré sur
l’éducation, plus précisément sur le fait de désenfanter ; c’est pourquoi, les rares livres dont
le discours pouvait faire référence aux enfants avait un caractère purement didactique. La
primauté était d’inculquer les valeurs morales et les dogmes de l’Eglise, néanmoins d’autres
formes certes rares, mais notables ont pu coexister avec les livres religieux et plus
précisément à travers la littérature populaire et le folklore de manière générale
spécifiquement dans les contes et comptines et quelques chansons de troubadours.

Au XVII e siècle et grâce à la popularisation de l’imprimerie, des histoires pour enfants


divulguées jusque-là de manière orale à travers le folklore ont été éditées. Fables, contes,
mythes et autres formes de récits basés sur l’exemplarité et l’enseignement ont rendu

13
François Ruy-Vidal : – TEXTUALITÉS. In : [en ligne]. [Consulté le 22 septembre 2021]. Disponible à
l’adresse : https://textualites.wordpress.com/2015/11/09/francois-ruy-vidal-il-ny-a-pas-de-litterature-pour-
enfants-il-y-a-la-litterature/.

15
désormais de plus en plus visible l’enfant, mais ne suffisaient pas à faire littérature. Comme
le dénote Ottavi dominique :

« L’enfant est bien devenu visible, dans la culture européenne depuis


le xviii e siècle, alors que d’une certaine manière il était, auparavant,
non pas ignoré, mais invisible. Les étapes de cette « visibilité » peuvent
constituer le fil conducteur d’une réorganisation des connaissances sur
l’histoire de l’enfance, et sur le parcours de la « conscience
européenne » de l’enfance, pour reprendre l’expression de Paul
Hazard. »14

2.2.2 Divertissement et aspect pédagogique

Avec l’émergence en Europe d’une nouvelle classe bourgeoise, le droit au divertissement


est conquis auprès des gens lettrés au XVI et au XVII siècle, l’enfant de cette classe aisée à
désormais le droit de s’amuser tout en s’instruisant. Age d’or pour les contes pour enfant, le
siècle classique va voir apparaitre des grands chefs d’œuvres notamment ceux de Charles
Perrault et de Jean de la Fontaine des ouvrages qui pourtant là aussi ne s’adressait pas
spécifiquement à la jeunesse et dont la portée édifiante ou moralisatrice cherchait non pas
de plaire « mais d’élever le lecteur à des vérités supérieures » 15. La littérature de jeunesse
commence à connaitre ses premières heures de gloires tout en s’ignorant. Cette alliance des
contradictions, entre tradition et renouvellement, didactique et ludique va faire prendre
conscience sur ce nouveau lectorat.

Dans la préface des Fables publiées en 1668, Jean de la Fontaine évoque la force de la lecture
enfantine de ses fables qui, dit-il, sont des badineries qui portent un sens solide :

« Il ne faut point m’alléguer que les pensées de l’enfance sont d’elles-


mêmes assez enfantines, sans y joindre encore de nouvelles badineries.
Ces badineries ne sont telles qu’en apparence, car dans le fond elles
portent un sens très solide. Et comme par la définition du point, de la
ligne, de la surface, et par d’autres principes très familiers, nous
parvenons à des connaissances qui mesurent enfin le ciel et la terre ;

14
OTTAVI, Dominique, 2003. De l’enfant visible à l’enfant transparent. In : La lettre de l’enfance et de
l’adolescence. 2003. Vol. no 54, n° 4, pp. 7-12.
15
PRINCE, Nathalie, 2015. La littérature de jeunesse : pour une théorie littéraire. Paris, France : Armand
Colin. p 30

16
de même aussi, par les raisonnements et conséquences que l’on peut
tirer de ces fables, on se forme et le jugement et les mœurs, on se rend
capable de grandes choses. »16

Dans sa thèse de doctorat Mohammed DOUHI de l’université de Batna avance l’idée que
« Jusqu’à une époque récente, il n’existe pratiquement aucun écrit d’enfant »17, il assure de
même que par conséquent « l’histoire de l’enfance est, avant tout, une histoire du regard
18
que les adultes. Ont porté sur les enfants. » De fait, pour la plupart des périodes,
« l’enfance n’est connue de l’historien que par le biais des pédagogues, des législateurs et
ou des artistes »19

Il faut attendre le siècle des lumières, pour que l’on commence à se poser les véritables
questions pour savoir si la littérature de jeunesse est-elle d’abord celle qui éduque ou celle
qui amuse et distrait. Siècle de la raison pure appelé communément « Le siècle
pédagogique », les lumières ont apporté une certaine veine éducative. Ainsi, John Locke
célèbre philosophe Anglais, fait de l’enfant une figure de la table rase, sorte d’être vierge
molle qu’on peut façonner à notre manière avec les apprentissages souhaitables. Locke
annonce ses principes de la page blanche en disant : « au fils d’un gentleman de mes amis,
que je considérais, à raison de son jeune âge, comme une page blanche ou comme un
morceau de cire que je pouvais façonner et mouler à mon gré »20.

De son coté, Jean Jacque Rousseau affirme dans son article « Economie politique » de
l’Encyclopédie, qu’il est question de trouver des principes d’éducation qui tiennent compte
de la nature particulière de l’enfant. A partir de cette date, l’idée d’écrire des récits
spécialement dédiés aux enfants et aux adolescents et avec un une visée particulière
commence à faire son chemin, qu’ils s’agissent de leur faire acquérir des connaissances, des
enseignements, un savoir vivre ou de bonne conduite ; le droit de l’enfant à l’apprentissage
et aux lectures divertissantes sont reconnus.

16
LA FONTAINE, Jean de, 1934. Fables. Paris, France : Librairie Gallimard,. Préface de 1668.
17
DOUHI, Mohamed. Pour une revalorisation du conte à l’école primaire : Approche didactique et ouverture
culturelle. Doctorat. Université de Batna 2 - Mustafa Ben Boulaid. p 97
18
Ibid.
19
Ibid.
20
LOCKE, John et VIENNE, Jean-Michel, 2007. Quelques pensées sur l’éducation. S.l. : Vrin. p 369

17
2.2.3 Développement de l’Age moderne jusqu’à nos jours

C’est en Angleterre, que va naitre les premières publications spécialement et uniquement


dédiées aux enfants. La Juvénile Library (La librairie de jeunesse) ; boutique londonienne
de John Newbery (1713-1767), va connaitre un engouement fulgurant. La bonne bourgeoisie
s y presse pour découvrir ces nouveaux romans imprimés sur un papier de qualité et illustrés
par des dessinateurs de talents rédigés juste pour les enfants. John Newbery qui présage la
naissance d’un nouveau type de lectorat à qu’il faut offrir une matière à lire ; saisi cette
occasion et conçoit des livres pour la jeunesse dans un esprit purement mercantile, ouvrant
la voie à ce qu’on appelle désormais « les magasins pour enfants ». Affichant sur la
devanture de son magasin l’expression « Let him read » (« laissez-le lire »), John Newbery
affiche clairement son attention de jouer cette dualité entre l’apprentissage et le
divertissement, il nomme son premier livre en prélude à cette nouvelle production
« Instruction and amusement ».

Outre les illustrations qui accompagnent ses livres, Newbery propose des jeux ; une façon
ludique qui devient très lucrative façon pour lui d’attirer de plus en plus d’enfants. Ainsi
dans ses célèbres livres purement récréatifs comme celui de Little Pretty Book (Le joli petit
livre) il propose une lettre avec un petit jeu comme l’explique Nathalie Prince :

« Cette lettre adressée au petit garçon et aux petites filles explique qu’en
plus de l’ouvrage proprement dit sont offertes aux enfants, en une manière
de « bonus », dix épingles sont du côté noir. Pour chaque bonne action, la
nurse de l’enfant piquera une épingle du côté rouge et pour chaque
mauvaise action, plantera une épingle du côté noir. Si les dix épingles sont
plantées du côté rouge, l’enfant recevra un penny ; si les dix épingles sont
du côté noir, il recevra un coup de baguette. Le succès est immédiat »21.

En France et contrairement aux anglais, les premiers livres adressés à l’intention des jeunes
apparaissent un siècle plus tard. L’élan progressiste qui accompagnera la révolution
industrielle va sensiblement faire évoluer les mentalités. La loi Guizot de 1833 ainsi que les
nombreuses réformes éducatives de Jules Ferry qui vont rendre l’école élémentaire gratuite
et obligatoire vont créer un nouveau potentiel ; celui d’un lectorat exclusivement jeune qui
va alimenter le marché du livre. Journaux et maisons d’éditions vont de plus en plus se

21
PRINCE, Nathalie, 2015. La littérature de jeunesse : pour une théorie littéraire. Paris, France : Armand
Colin. p 35

18
tourner vers les jeunes. Les mésaventures de Jean-Paul Choppard de Louis Desnoyers qui
raconte l’histoire d’un jeune enfant malhonnête et impoli va ouvrir le bal aux innombrables
romans qui se démarquent de ce côté moralisateur qui collera pendant des siècles aux livres
pour enfant.

Aujourd’hui, la littérature de jeunesse continue son ascension et se spécialise de plus en plus


dans un univers marqué par le développement des nouvelles technologies. Les Œuvres pour
jeunes et adolescents contribuent largement dans la production des films, séries et autres
bandes dessinées adulés par les nouvelles générations.

2.3 Littérature et illustration jeunesse.

Facilement identifiable par sa typologie, la littérature de jeunesse offre des signes de


reconnaissance qui permettent une meilleure classification et notamment un meilleur étalage
dans les rayons libraires. Nous allons dresser, suivant nos différentes lectures22, une liste
non-exhaustive des différents genres et sous genres nécessaire à notre cours :

➢ Les documentaires : sous sa forme attrayante, ce manuel pédagogique apporte des


connaissances dans divers domaines : histoire, géographie, science naturelle, Art etc.
➢ Les livres d’activités : ce sont des livres qui regroupent des exercices le plus souvent
manuels accompagnés de kits (colle, pâte à modeler, tissus, scoubidous etc.)
➢ Les livres objets : comme leur nom l’indique, ce sont des livres transformables,
polymorphe qui prennent des formes différentes (fleurs, maisons, avions) parfois de
grandes tailles Livres bain, livres lit.
➢ Les Livres animés : ce sont des livres mécaniques à système ingénieux de tirettes et
de glissières. Ces livres permettent des jeux à devinette ou des scènes de théâtres à
portée de main.
➢ Les abécédaires : l’une des formes les plus connues, ces manuels permettent d’épeler
les mots grâce à des images de lettres.
➢ Les bandes dessinées : récits à bulles et à vignettes. La BD a fait la notoriété du genre
pour enfant. Mickey mouse, Batman, Tarzan ou bien Astérix ont inspirés grands et
petits.
➢ Les albums : livre d’enfance par excellence, une agréable synthèse de texte et
d’image qui souvent sont côte à côte permettant un renforcement du sens.

22
Les informations recueillis sont consultables sur le livre Littérature de jeunesse de Nathalie Prince et sur le
site : http://crpe.free.fr/contfran6.htm

19
➢ Les romans : destinés généralement aux jeunes adolescents, ils connaissent de nos
jours un succès notoire. Nous comptons parmi ces romans à triomphe la série Harry
Potter ou encore Twilight tous les deux adaptés au cinéma.
➢ Les Fables : courts récits en vers mettant en scène des animaux. Les conteurs les plus
connus sont Esope et Jean de la Fontaine.
➢ Les comptines : chansonnettes d’écoliers souvent accompagnés de gestes répétés,
parmi les plus célèbres airs familiers : Ainsi font, font les petites marionnettes.
➢ Les contes : lieu de l’imaginaire par excellence, ce sont des histoires généralement
brèves, de tous temps et de chaque culture. Les contes les plus célèbres sont ceux de
Charles Perrault et des frères Grimm.

2.3.1 L’album une nouvelle conception de la littérature juvénile

Historiquement parlant, les albums recouvraient à l’origine les calpins annotés et autres
carnets de voyage sur lesquels on trouvait des dessins et des illustrations. Ce genre
d’ouvrages étaient destinés aux adultes mais au tournant du XIXème siècle, et avec le
développement des livres pour enfants, va apparaitre une nouvelle acception du terme Album
qui demeurera collée aux écrits illustrés destinés aux enfants. Ainsi, Salerno propose une
définition comme suit :

« Nous entendons par album de jeunesse tout ouvrage illustré dont les
illustrations apportent au texte un éclairage différent. Contrairement à
sa fonction dans l’imagier, l’illustration ne redit pas le texte mais lui
fait prendre une dimension signifiante à un niveau supérieur. Ce peut
être une note d’humour, un clin d’œil au lecteur, un approfondissement
du sens, voire un point de vue différent de celui du texte. »23

Dans la même perspective, Van Der Linden définit l’album de jeunesse comme : « un
ouvrage dans lequel l’image se trouve spatialement prépondérante par rapport au texte, qui
peut d’ailleurs en être absent. La narration se réalise de manière articulée entre texte et
images. » 24. Cette façon simple et très efficace d’appréhender l’album au seul critère du

23
SALERNO, Robert, 2006. L’album en classe de FLE : Une approche intégrée du linguistique et du culturel ou
Des goûts et des couleurs, on en discute ! Dialogues et cultures, n° 51, p. 48-51.
24
VAN DER LINDEN, Sophie, 2007. Lire l’album, Le Puy-en-Velay : Atelier du poisson soluble. p 24

20
texte et de l’image facilite sa classification néanmoins qu’elle type de rapport existe-t-il entre
l’image et le texte ?

Dans la majorité des cas, et selon la spécialiste de la littérature de jeunesse Isabelle Nières-
Chevrel, le rapport dominant dans les albums pour enfants est de type illustratif texte / image
qui repose sur cette intermittence chronologique et successive (image première / texte second
ou texte premier / image seconde). La spécialiste oppose à ce rapport illustratif un autre
rapport où image et texte exercent une forme de simultanéité et d’interdépendance l’une sur
l’autre et qui efface l’idée de prééminence (premier / second). Ce rapport à double sens
(image↔texte), la spécialiste, le désigne sous l’appellation d’iconotexte. L’album pour
enfants revêtirait donc deux formes représentées dans le tableau ci-dessous :

Albums
Textes illustrés Iconotextes

Texte / Illustration Texte / Image

Relation de type successif Relation de type simultané

Dominance unidirectionnelle Dominance bidirectionnelle

(texte → image ou image → texte) (texte ↔ image)

Tableau 1 : représentant les deux formes de l’album entre iconotextes et textes illustrés

2.3.2 La bande dessinée nouveau secteur du livre pour enfant.

Autre forme du récit illustré, La bande dessinée s’impose aujourd’hui comme le 9ème Art au
même titre que le cinéma et la littérature. Ce récit séquentiel fait à l’aide d’une succession
de dessins et de textes dans des cases, fait exprimer les pensées, cris et émotions des
personnages dans des bulles appelées phylactères. S’il n’existe pas une date précise pour la
parution des premières bandes dessinées, on fait souvent remonter l’origine de la BD à un

21
certain Rodolphe Töpfer pédagogue suisse qui a eu l’idée en 1827 de dessiner des aventures
en inscrivant des légendes sous ses dessins. Quelques années plus tard, La France qui est à
l’origine d’une presse spécialisée pour la jeunesse verra paraitre un « premier périodique
illustré spécialisé à l’attention de la jeunesse et plus précisément des jeunes filles de bonne
famille. C’est dans ce journal que paraît dans le no 1 du 2 février 1905 Bécassine dessinée
par Joseph Pinchon. La légende veut que ce serai la rédactrice du journal qui ai demandé
au dernier moment, pour remplir sa pagination, une histoire en image à la mode de
Monsieur Christophe. ».25

La bande dessinée dispose d’un lexique spécialisé que tout pédagogue doit connaitre, nous
passerons en revue quelques vocables élémentaires :

➢ Planche : support sur lequel on dessine. On réserve le terme Page au support lorsqu’il
est imprimé.
➢ Bandes : appelés Strip en anglais, ce sont les lignes d’images qui constituent chaque
planche.
➢ Vignettes : chaque bande est constituée d’une ou plusieurs images : ces images
s’appellent Vignettes ou cases.
➢ Bulles : appelés aussi phylactères ; ce sont les petits nuages à l’intérieur des vignettes
dans lesquels les personnages peuvent s’exprimer.
➢ Onomatopées : désignent des mots ou des icones qui suggèrent des bruits, une action,
une pensée.
➢ Cartouches : ce sont des cases rectangulaires qu’on retrouve en haut ou au bord de la
vignette servant aux commentaires « en voix off » de l’auteur.
➢ Cartooniste : nom donné aux dessinateurs des bandes dessinées.

25
http://ekladata.com/lR3d4T3pn7Pei6gX1KI0Z4-Kqb4/histoire_bande_dessinee.pdf

22
Partie II : Il était une fois le CONTE
pour enfant.

23
1. Le conte n’a pas d’âge.

1.1 Qu’est-ce qu’un conte ?

Faisant partie intégrante du patrimoine collectif, le conte demeure la forme d’expression la


plus ancienne et la plus populaire des genres narratifs. Etymologiquement, le terme provient
du verbe latin « computare »26 qui signifie « calculer ». S’apparentant à d’autres genres du
surnaturel, tels que le mythe, la fable et la légende ; le conte partage avec ces œuvres écrites
ou récitées cette spécificité de « mis en scène des êtres de nature humaine et surhumaine
accomplissant des actes relevant de l’ordinaire mais également de l’extraordinaire, dans un
environnement réel ou fabuleux ».27 Ce caractère de l’extraordinaire est enraciné dans le
folklore et les traditions de chaque nation. Le conte se transmet oralement de bouche à oreille
à travers les époques et les régions. Il sera notamment porté par les conteurs, aèdes, grillots
autres hakawatis. Le conte connaitra un nouveau souffle en faisant son entrée dans la
littérature écrite (dite savante) en s’adoptant aux « formes du récit écrit en prose au même
titre que le roman et la nouvelle dont il se distingue par sa brièveté. »28.

1.2 Les types de conte

1.2.1 Le conte oral / consigné / écrit

Trois pratiques littéraires du conte sont à retenir différant dans leurs fonctionnements comme
dans leurs contenus, ce qui nous pousse à les considérer séparément :

D’abord, le conte oral appelé aussi conte traditionnel, se base sur la mémoire collective d’un
groupe donné, création purement populaire ; elle est dans la plupart des cas anonyme. Luda
Schnitzer décrit cette propriété collective du conte en la comparant aux cathédrales :

« Le conte oral ignore ses auteurs. Comme les cathédrales, il est né


d’une multitude de pères inconnus. Au fil des âges, chaque conteur a
utilisé la trame traditionnelle en y brodant au gré de son talent. Tout
en se servant des formules et images créées par ses devanciers

26
ANON., [sans date]. Littré - conter - définition, citations, étymologie. In : [en ligne].
[Consulté le 27 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.littre.org/definition/conter.
27
GEX, Pierre-André, [sans date]. Madame Laurence GRANDGIRARD – Jury Madame Lise WEBER - Jury. In : .
pp. 105.
28
DOUHI, Mohamed. Pour une revalorisation du conte à l’école primaire : Approche didactique et ouverture
culturelle. Doctorat. Université de Batna 2 - Mustafa Ben Boulaid. p 97

24
anonymes, il ajoutait ses propres trouvailles, des allusions à son
actualité, des clichés à la mode, des plaisanteries du jour. Et en
transmettant son œuvre à ses descendants, il les laissait libres de jouer
d’un texte dont la qualité première était sa maniabilité. » 29

Ensuite, le conte consigné, comme son nom l’indique porte la signature de son auteur, c’est
un travail personnel qui est lié au talent de son inventeur.

Enfin, le conte écrit repose généralement sur les adaptations littéraires des contes
populaires. Ces reprises sont, à l’inverse du conte oral, assimilables à un écrivain et à une
époque déterminée. Nous pouvons donner pour exemple les contes populaires recueillis par
Charles Perrault en France ou par les frères Grimm en Allemagne.

Qu’ils s’agissent d’œuvres littéraires personnels ou de de littérature folklorique, de conte


écrit ou de conte oral, l’auteur du récit écrit est toujours « singulier » tandis que l’auteur du
conte oral est « collectif » comme le constate Patrice Coirault :

« […] l’œuvre littéraire procède d’un travail de quelques heures, de


quelques jours, semaines, mois ou années (quand le poète s’y remet à
plusieurs fois), d’une jeunesse, d’une maturité, enfin au plus, d’une vie.
L’œuvre folklorique a besoin de mûrir plusieurs dizaines d’années,
consécutives ou non, à travers plusieurs vies, pendant plusieurs siècles.
De ce point de vue, où le temps ne fait rien à l’affaire, le poète littéraire
est un, le poète populaire est multiple. »30

1.2.2 Les autres types génériques

Il existe plusieurs types de classifications, nous énumérons ici les plus importants :

 Le conte de fées : ce sont les contes qui présentent un cadre d’onirisme, des actions
planifiées et des personnages classifiés en fonction de leurs caractères. Ils fleurissent
plus particulièrement au XVIIème avec Mme d’Aulnoy et Charles Perrault.
 Le conte philosophique : célèbres pour less conceptions philosophiques et morales
qu’ils portent et les situations voisines du réel qu’ils décrivent, ces contes,
témoignent des pensées de leurs auteurs, à l’image de Zadig de Voltaire.

29
Schnitzer, Luda. 1981. Ce que disent les contes. Paris : Sorbier. P 13
30
Coirault, Patrice. 1941. Notre chanson folklorique. Paris : Picard. p 57

25
 Le conte fantastique : très en vogue, à l’époque du romantisme, le conte fantastique
entretient le sentiment de la peur et de l’inquiétude à travers des histoires
surnaturelles. Nodier, Maupassant ou encore Théophile Gautier sont parmi les plus
grands conteurs de ce genre.
 Le conte étiologique : est un conte qui tente de donner, à travers des descriptions
imagées, des réponses à des questions qui relèvent des cosmogonies, de l’origine des
hommes, des animaux, des plantes etc. très présent dans le conte oral il sera saisi par
de nombreux écrivains à l’écrit comme (Ovide, Kipling etc).
 Le conte facétieux : est un genre de conte destinée à amuser le lecteur.
 Le conte satirique : conte qui cherche à se moquer d’une personne, d’une situation
ou d’une idée.

1.3 Caractéristiques du conte

1.3.1 Cadrage spatio-temporel

Sans ancrage temporel, les contes sont toujours inscrits « dans un autrefois » comme le note
George jean. Contrairement au roman, l’indétermination historique du conte permet un
meilleur enracinement dans les traditions immémoriales du groupe qui le produit. Cette
inscription dans le temps du mythe, renvoie l’être à ses origines, au monde raconté et le
plonge dans le temps cyclique à « l’éternel retour » où ni la corruption ni la mort ne viennent
bouleverser sa quiétude comme l’explique Jean-Pierre Aubrit :

« Le conte instaure, en effet, un temps suspendu où les héros «


immuables, immarcescibles » ne vieillissent pas : le Petit Poucet
semble ne jamais devoir grandir, et au bout de cent ans la belle au bois
dormant s’éveille avec la fraîcheur de ses vingt ans »31.

De même, le cadre spatial demeure imprécis dans le conte, contrairement aux légendes qui
bénéficient d’un référencement historique. L’absence d’un cadrage géographique clair et net,
permet une meilleure lisibilité et appréhension du conte. Le décor permet de même une
identification culturelle et ethnique ; des lieux atypiques comme la forêt, le désert ou la
savane rendent possible la reconnaissance d’un conte oriental d’un conte africain.

31
AUBRIT, Jean-Pierre, 2002. Le conte et la nouvelle. Paris, France : Armand Colin : VUEF. p 100

26
1.3.2 Des personnages atypiques

Indispensables au récit, les personnages des contes sont des êtres sans consistances,
dépourvus de profondeur et de complexité. Ce sont des personnages plats qui évoluent dans
un univers manichéiste qui voit l’affrontement du bien et du mal. Sans épaisseur, ils se
distinguent clairement des personnages de la fiction, ni affectivité ni ambiguïté, ils sont
réduits à jouer des rôles et sont facilement remplaçables. Ainsi, « se passe comme si le héros
du conte méritait à peine qu’on lui accorde un certain intérêt, ou qu’on s’attarde à le
considérer. Il n’est d’ailleurs presque jamais décrit, sinon d’un petit mot, d’une formule très
arbitraire, ou d’un superlatif. »32

Cette absence du portrait, fait des personnages des marionnettes ou des figures de jeu de
cartes naïvement dessinés. Pour reprendre les termes de Jean-Pierre Aubrit :

« Le conte est assimilé au petit roman familial dans le schéma est pour
ainsi dire invariable, le roi et la reine ne sont jamais que la figure du
père et de la mère, et comme tel ils obéissent nécessairement un certain
nombre de contraintes archétypale : le roi ne peut rester sans femme,
encore bien moins sans enfants, et si il lui arrive de trouver dans cette
situation fâcheuse, le conte s’empresse de l’en sortir ; de même la reine
n’échappe-t-elle à la détermination maternelle que pour gagner le
statut peu enviable de la marâtre » 33

Tout de même, et aussi paradoxalement que cela puisse paraitre la figure du héros du conte
peut devenir emblématique. En effet, George Jean s’insurge contre cette idée des
personnages aux « apparences ectoplasmiques »34 , il rappelle que le conte « reste pétri de
chair et de sang, jamais il n’ignore le corps de son héros, il est décrit en proie aux besoins,
à la faim, au froid, aux dures fatigues de la route »35.

32
DOUHI, Mohamed. Pour une revalorisation du conte à l’école primaire : Approche didactique et ouverture
culturelle. Doctorat. Université de Batna 2 - Mustafa Ben Boulaid. p 110
33
AUBRIT, Jean-Pierre, 2002. Le conte et la nouvelle. Paris, France : Armand Colin : VUEF. p 101
34
GEORGES, jean, 1990. Le pouvoir des contes, Casterman p 59
35
Ibid.

27
1.4 Etude structurale du conte

1.4.1 La morphologie du conte selon Vladimir Propp

Publié en 1928, La Morphologie du conte du folkloriste russe Vladimir Propp pose les jalons
d’une nouvelle méthode scientifique essentiellement empiriste et qui propose une étude
structurale des contes. Pour démontrer la véracité de son travail, Propp analyse, dans une
perspective historique, des centaines de récits merveilleux appartenant aux terroirs des
contes populaires russes d’Afanassiev. Il délaisse par-là les études menées jusqu’alors par
les autres folkloristes tels que Wundt, sur les motifs et les thèmes qu’il estimait lacunaire
pour permettre une classification des contes. C’est dans un esprit purement formaliste que
Propp veut établir « une loi structurale » qui permet de démontrer la ressemblance entre les
contes du monde entier.

Son étude de la chaine narrative des différents contes, l’amène à postuler l’idée selon laquelle
les contes présentent à la fois des valeurs variables qu’il nomme des « attributs » et des autres
valeurs constantes qu’il nomme des « fonctions ». Anti Aarne célèbre folkloriste finlandais
va prêter à Propp ce postulat, il atteste :

« Un simple examen montre déjà que les fonctions se répètent de


manière frappante. (…) En poursuivant l’observation, on peut
constater que les personnages, si différents soient-ils par ailleurs, font
souvent la même chose. La manière dont ils accomplissent leur fonction
peut être différente : elle constitue donc une grandeur variable. (…)
Mais la fonction en tant que telle est une grandeur constante. La
question importante est de savoir ce que font les personnages du conte,
et non, qui le fait, ni comment – questions accessoires. »36

A travers ses études, Propp dégage 31 fonctions différentes (l’éloignement, la réception de


l’objet magique, le mariage etc.), et établit une typologie des personnages (le héros,
l’antagoniste, l’adjuvant etc.). Cette superposition des « réseaux » lui permet de déterminer
une certaine organisation binaire des fonctions qui se joue sur des oppositions de type
interdiction et transgression de l’interdiction qui aboutira à une réparation à la fin du récit.
Les études proposées par Valdimir propp permettent d’organiser la trame narrative des

36
AARNE, Antti, 1961. The types of the folktale: a classification and bibliography. Helsinki, Finlande :
Academia Scientarum Fennica. p 34

28
contes selon un modèle bien établi. Ainsi, « Pour que l’action débute, il faut que survienne
un élément neuf, créateur de conflit. L’action naît ainsi d’un déséquilibre et sa résolution
devient l’enjeu de la quête. Les rapports de force se modifient au cours du récit et la tension
réside dans l’interrogation sur les moyens de résoudre le conflit. À la fin, la quête aboutit
ou échoue, avec un dénouement heureux ou malheureux. Parfois, le récit ne trouve pas de
solution définitive : la fin reste « ouverte » 37.

Liste des 31 fonctions de Propp :

1. Partie préparatoire : situation initiale ;


éloignement, Un des membres de la famille s’éloigne de la maison :
éloignement des parents ; éloignement des enfants ; mort des parents ;

2. Interdiction, le héros se fait signifier une interdiction, donner un ordre ;

3. Transgression, transgression de l’interdiction ; exécution de l’ordre ;

4. Interrogation, afin d’obtenir des renseignements, l’agresseur interroge le héros ; le


héros interroge l’agresseur ; interrogation est faite par une tierce personne ;

5. Information, l’agresseur reçoit des informations sur le héros, sa victime ; le héros


reçoit l’information sur l’agresseur ;

6. Tromperie : l’agresseur tente de tromper sa victime pour s’emparer d’elle ou de ses


biens ; par la persuasion ; utilisation de moyens magiques par l’agresseur ; autres
formes de tromperies ;

7. Complicité : la victime se laisse tromper et aide son ennemi malgré elle ; le héros
réagit à la proposition de l’agresseur ; le héros se soumet mécaniquement à l’action
magique ; le héros se soumet ou réagit mécaniquement à la tromperie de l’agresseur ;
méfait préalable au cours du pacte trompeur.

8. a) méfait : l’agresseur nuit à l’un des membres de la famille ou lui porte préjudice :
enlèvement d’un être humain ;enlèvement d’un auxiliaire ou d’un objet magique ;
séparation forcée d’avec l’auxiliaire ; vol ou destruction des semences ;
vol de la lumière du jour ; autres formes de vol ; mutilation, aveuglement ; disparition

37
DOUHI, Mohamed. Pour une revalorisation du conte à l’école primaire : Approche didactique et ouverture
culturelle. Doctorat. Université de Batna 2 - Mustafa Ben Boulaid. p 104

29
provoquée ; oubli de la fiancée ; information exigée ou extorquée ; la victime est
emmenée ; expulsion ; abandon sur l’eau ; ensorcellement, transformation ;
substitution ; ordre de tuer ; meurtre ; emprisonnement ; menace de mariage forcé ;
cannibalisme ou menace de cannibalisme ; vampirisme ; déclaration de guerre ;
b) manque, il manque quelque chose à l’un des membres de la famille ; l’un des
membres de la famille a envie de posséder quelque chose ; manque d’une fiancée,
d’un être humain ; d’un auxiliaire, d’un objet magique ; d’une curiosité ;
de l’oeuf à la mort (à l’amour) ; d’argent, de nourriture ;

9. Médiation : moment de transition, la nouvelle du méfait ou du manque est


divulguée, on s’adresse au héros par une demande ou un ordre ou on le laisse partir :
appel ; envoi du héros ; autorisation de partir donnée au héros ; le héros est emmené ;
le héros épargne ou laisse partir un animal ou une personne ; chant plaintif ;

10. Début de l’action contraire, le héros-quêteur accepte ou décide d’agir ;

11. Départ : le héros quitte sa maison ;

12. Première fonction du donateur, le héros subit une épreuve, un questionnaire, une
attaque, etc. qui le préparent à la réception d’un objet ou d’un auxiliaire magique :
mise à l’épreuve ; salutation, questions ; demande de service à rendre après la mort ;
un prisonnier demande qu’on le libère ; demande de grâce ; demande de partage entre
deux personnages qui se disputent ; dispute sans demande de partage formulée ; le
donateur étant mis préalablement dans une situation d’impuissance ; le donateur est
dans une situation d’impuissance, mais ne formule aucune demande ; possibilité de
rendre un service ; tentative d’anéantir le héros ; bataille avec un donateur hostile ;
proposition d’un objet magique en échange d’autre chose ;

13. Réaction du héros, le héros réagit aux actions du futur donateur : épreuve réussie ;
réponse affable ; service rendu au mort ; libération du prisonnier ; la grâce est
accordée ; partage entre les querelleurs ; le héros trompe ceux qui se querellaient ;
divers services rendus, demandes remplies, actions pieuses accomplies ; la tentative
de destruction est détournée ; victoire sur le donateur hostile ; tromperie au cours de
l’échange.

14. Réception de l’objet magique, l’objet magique est mis à la disposition du héros :
l’objet est transmis ; don ayant une valeur matérielle ; le lieu où se trouve l’objet

30
magique est indiqué ; l’objet magique est fabriqué ; il se vend, s’achète ; on le
fabrique sur commande ; le héros le trouve ; il apparaît spontanément ; il sort de
terre ; l’objet magique se boit ou se mange ; l’objet magique est volé par le héros ;
l’auxiliaire magique offre ses services, se met à la disposition du héros ; rencontre de
l’auxiliaire, qui propose ses services ;

15. Déplacements dans l’espace, le héros est transporté, conduit ou amené près du lieu
où se trouve l’objet de sa quête : transfert jusqu’au lieu fixé ; vol dans les airs ;
transport à cheval, portage ; on conduit le héros ; on lui indique le chemin ; le héros
utilise des moyens de communication immobiles ; des traces sanglantes indiquent le
chemin.

16. Combat, le héros et son agresseur s’affrontent dans un combat : combat en plein
champ ; compétition ; jeux de cartes ; pesée ;

17. Marque, le héros reçoit une marque : marque imposée sur le corps ; don d’un anneau
ou d’un mouchoir ; autres formes de marque.

18. Victoire, l’agresseur est vaincu : victoire au cours du combat ; victoire sous une
forme négative (le faux-héros n’accepte pas le combat, il se cache, et le héros
remporte la victoire) ; victoire ou supériorité dans la compétition ; gain aux cartes ;
supériorité pendant la pesée ;

19. Réparation, le méfait initial est réparé ou le manque comblé : prise immédiate
utilisant la force ou la ruse ; un personnage obligeant l’autre à effectuer la prise ; la
prise est effectuée par plusieurs auxiliaires à la fois ; prise de certains objets avec
l’aide d’un appât ; la réparation du méfait est le résultat immédiat des actions
précédentes ; le méfait est réparé instantanément grâce à l’utilisation de l’objet
magique ; il est porté remède à la pauvreté grâce à l’utilisation de l’objet magique ;
chasse ; rupture de l’ensorcellement ; résurrection ; libération ;

20. Retour, le héros revient ;

21. Poursuite, le héros est poursuivi ; vol dans les airs ; le coupable doit être livré ;
poursuite avec une série de transformations en divers animaux ; poursuite avec
transformations en objets attrayants ; tentative d’avaler le héros ; tentative de
supprimer le héros ; tentative d’abattre un arbre en en rongeant le tronc.

31
22. Secours, le héros est secouru : fuite rapide ; le héros jette un peigne ; fuite avec
transformation en église ; fuite au cours de la quelle le héros se cache ; le héros se
cache chez des forgerons ; série de transformations en animaux, en plantes et en
pierres ; le héros résiste à la tentation des objets attrayants ; le héros échappe à la
tentative de l’avaler ; le héros échappe à la tentative de le tuer ; saut sur un autre
arbre.

23. Arrivée incognito, le héros arrive incognito chez lui ou dans une autre contrée ;

24. Prétentions mensongères, un faux héros fait valoir des prétentions mensongères ;

25. Tâche difficile, on propose au héros une tâche difficile : épreuve du manger et du
boire ; épreuve du feu ; épreuve des devinettes ; épreuve du choix ; épreuve de force,
d’adresse, de courage (se cacher ; embrasser la princesse à sa fenêtre ; sauter en haut
d’un portail) ; épreuve de patience ; de fabrication

26. Tâche accomplie, la tâche est accomplie ;

27. Reconnaissance, le héros est reconnu ;

28. Découverte, le faux héros ou l’agresseur, le méchant est démasqué.

29. Transfiguration, le héros reçoit une nouvelle apparence : nouvelle apparence


corporelle ; construction d’un palais ; nouveaux vêtements ; formes humoristiques et
rationalisées ;

30. Punition, châtiment du faux héros ou de l’agresseur ;

31. Mariage, le héros se marie et monte sur le trône : promesse de mariage, mariage
renouvelé ; rétribution en argent et autre forme de richesse.

1.4.2 Le Schéma actanciel de Julien Greimas

S’inspirant des théories de Propp, Julien Greimas publie en 1966 La sémantique structurale
38
,un livre qui fait la jonction entre la morphologie du conte et son univers sémantique. Il
propose une nouvelle organisation basée sur un schéma dénommé schéma actantiel dans
lequel il regroupe les différents actants et relève les relations qu’ils entretiennent entre eux.

38
GREIMAS, Algirdas Julien, 1966. Sémantique structurale: recherche de méthode. Paris, France : Librairie
Larousse.

32
Tout comme au théâtre le personnage principal ou pas, se situe par rapport au rôle narratif
qu’il joue dans l’action, c’est donc un actant qui a une force agissante sur les évènements de
l’histoire elle-même.

Julien Greimas dégage six actants (rôles) : le destinateur, le destinataire, le sujet, l’objet,
l’adjuvant et l’opposant. Ces six actants auxquels correspondent donc six forces agissantes
peuvent comporter un ou plusieurs éléments. Ces derniers peuvent être des personnages
physiques ou des idées ou des sentiments.

Docteur Nehal Diab El-Desouky Khalaf 39


de l’université d’el sadate en Egypte les distingues
de la manière suivante :

1) Le Sujet, c’est un personnage qui doit accomplir une « mission ». Celle-ci consiste
à parvenir à l’élimination d’un problème, d’une difficulté, d’un manque (récupérer
un objet, accomplir une action particulière).
2) L’Objet, c’est ce que cherche à obtenir précisément le sujet. Cela peut être un réel
objet (objet magique, par exemple), mais ce peut être aussi moins concret (le pouvoir,
par exemple).
3) Le destinateur, c’est ce qui pousse le sujet à agir ; il apparaît donc plutôt au début
de la mission. Ce peut être un personnage (dans ce cas, par exemple, il envoie le
sujet en mission), mais ce peut être aussi une chose, un sentiment, une idée (le désir
d'être reconnu), etc.
4) Le destinataire, c'est celui, celle, ceux en faveur de qui la mission doit être
accomplie ; il est donc mis en valeur plutôt à la fin de la mission. L'objet recherché
par le sujet peut par exemple être offert par le sujet au(x) destinataire(s) mais le(s)
destinataire(s) peu(ven)t aussi en profiter comme d'un bien commun (ex. la famille
du sujet). Le destinataire peut être le sujet lui-même, mais nouvellement enrichi par
la possession de cet objet.
5) Les opposants, c'est tout ce qui entrave la progression du sujet dans
l'accomplissement de sa mission. Ils peuvent prendre la forme de personnages

39
DIAB EL-DESOUKY KHALAF, Nehal, 2020. Efficacité d’un programme basé sur le modèle actantiel de
Greimas pour développer les compétences de la rédaction d’un Conte chez les étudiants de section du
français à la faculté de Pédagogie - université de la cité Sadate. In : ‫ للدراسات التربویة‬21 ‫مجلة التربیة فی القرن‬
‫والنفسیة‬. 1 avril 2020. Vol. 1, n° 13, pp. 1-2. DOI 10.21608/jsep.2020.84370.

33
hostiles, mais aussi de n'importe quel obstacle entravant le sujet, alors qu'il cherche
à accomplir sa mission ; celui-ci s'efforce de surmonter ces obstacles.
6) Les auxiliaires (ou les adjuvants), c'est tout ce qui vient aider le sujet à accomplir
sa mission. Ils peuvent prendre la forme de personnages amicaux ou simplement
favorables (volontairement ou non), mais aussi de n'importe quel élément favorisant
l'action du sujet, alors qu'il cherche à accomplir sa mission ; celui-ci bénéficie de
l'aide apportée par ces personnages ou ces éléments.

Exemples : 40

• Un roi (émetteur) demande à un chevalier (héros) d'aller chercher une fleur magique
(objet), et la lui remettre (l'émetteur est ici le destinataire). Sur son chemin, le chevalier devra
se protéger d'un orage (opposant) dans une grotte (adjuvant), puis combattre un dragon
(opposant) qu'il tuera grâce à une épée magique (adjuvant) donnée par un lutin (adjuvant). •
Plus moderne : Le commissaire Dupont (émetteur) charge de l'enquête notre héroïne Martine
(héros), afin de découvrir le meurtrier de Hans (objet). Des indicateurs (adjuvants) fourniront
des indices, des preuves seront trouvées, un suspect (opposant) se croyant inculpé tentera de
tuer Martine. Le coupable (opposant) sera confondu, s'ensuivra une course poursuite et des
échanges de coups de feu avant l'arrestation et la remise du coupable au juge d'instruction
(destinataire).

Figure 1 : Le Schéma actanciel de Julien Greimas

40
ANON., [sans date]. Modèle ou schéma actantiel. In : Dictionnaires et Encyclopédies sur « Academic »
[en ligne]. [Consulté le 28 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://fr-
academic.com/dic.nsf/frwiki/1175585.

34
2. Le conte merveilleux

2.1 Le conte de fées

Dérivé du latin Mirabilia, le conte merveilleux, désigne étymologiquement ce qui provoque


l’étonnement et l’admiration du regard. Très proche du mythe, provenant de traditions
ancestrales, il est l’emprunte visible du patrimoine culturel et des différentes civilisations.
Le conte merveilleux appelé aussi conte de fées, serait donc un art populaire par excellence,
un art qui a fini par trouver son chemin dans la littérature savante. Se basant sur un lexique
rustique et basique, Le conte de fées serait à en croire Claude Rommeru « une histoire
simple, située hors de tout cadre concret, qui met en scène, dans un univers où le surnaturel
a sa place naturelle, des personnages que seuls caractérisent leurs relations de parenté
(mère, fille, parents, enfants) et les sentiments élémentaires (amour, haine, jalousie) qui les
41
séparent ou les unissent » Ce genre littéraire a pour fonction « de véhiculer un
enseignement secret dont ni le narrateur ni l’auditeur n’ont spontanément conscience »42

« On peut appeler conte merveilleux du point de vue morphologique tout développement


partant d'un méfait [...] ou d'un manque [...], et passant par les fonctions intermédiaires
pour aboutir au mariage [...] ou à d'autres fonctions utilisées comme dénouement. »43

2.2 Les caractéristiques du conte merveilleux

Elément inhérent au conte merveilleux, qui délimite sa frontière avec le conte fantastique,
l’imaginaire se déroule dans un monde où l’invraisemblable est accepté. Roger Caillos
explique que « le merveilleux s’ajoute au réel sans lui porter atteinte ni en détruire sa
cohérence » 44 autrement dit le réel et le merveilleux « se juxtaposent sans conflit » 45 alors
que dans le conte fantastique « apparait un désarroi nouveau, une panique inconnue » 46. Il
ajoute :

41
ROMMERU, Claude Auteur du texte, 1998. Clés pour la littérature : sa nature, ses modalités, son histoire /
par Claude Rommeru,... [en ligne]. S.l. : s.n. [Consulté le 28 septembre 2021]. Disponible à l’adresse :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33261625.
42
Ibid
43
PROPP, Vladimir Iakovlevitch et LIGNY, Claude, 1970. Morphologie du conte. Paris, France : Gallimard. p
112
44
CAILLOIS, Roger. In: Encycolpedia universalis corpus 9, cit.P 210
45
Ibid.
46
Ibid

35
« Le conte merveilleux se déroule dans un monde où l’enchantement
va de soi et où la magie est la règle. Le surnaturel n’y est pas
épouvantable, il n’y est même pas étonnant, puisqu’il constitue la
substance de cet univers » 47

Nous pouvons déceler rapidement quelques caractéristiques des contes de fée que nous
énumérons de la façon suivante :

▪ Les personnages sont stéréotypés, sans consistances et ont des rôles déterminés dans
le récit. Exemples : roi et reines, fées, sorcières, paysans, belles-mères méchantes,
ogres, lutins etc.
▪ Les lieux sont facilement identifiables. Exemples : Châteaux, manoirs, forêts
enchantées, village, désert etc.
▪ L’époque est indéterminée, on commence l’histoire par ; il était une fois, Jadis etc.
▪ Le conte regorge d’objets insolites. Exemples : Baguette magique, lampe, miroir,
tapis volant, pomme etc.
▪ Les actions sont diverses ; combattre les dragons, sauver la princesse, jeter une
malédiction etc.
▪ Le dénouement de l’histoire connait une fin heureuse
▪ Le conte permet de dégager une morale au fil de la lecture mais elle peut bien être
clairement énoncée à la fin de l’histoire.
▪ Le narrateur est externe au récit.

2.3 Le sens moral des contes merveilleux

Raconter pour instruire, en l’absence des vecteurs du savoir tel que le livre et l’école, les
sociétés primaires avaient trouver dans la tradition orale l’outil pour combattre les vices et
éduquer la jeunesse. Le conte était donc intimement relié au mythe à la spiritualité et à la
religion, cette idée sera par la suite fructifiée et repris notamment à l’époque des lumières où
le terme « conte moral » prendra toute sa valeur.

Les contes assurent donc d’une certaine manière la survie des valeurs morales propres à telle
ou telle société. C’est un exemple concret pour les jeunes qui se forment à la vie. A la

47
Ibid

36
question quel est l’objectif de la morale d’un conte ? nous pouvons lire sur le site j’ai tout
compris. Com ce qui suit :

« Généralement positif, avec une fin heureuse où le méchant est puni, chaque conte possède
une morale que l'on découvre à sa toute fin, une fois les aventures ou mésaventures du
personnage principal terminées. Cette morale touche une grande diversité de sujets selon le
conte, mais son objectif est toujours le même : éduquer les enfants, leur inculquer de bonnes
valeurs ("bonnes" dans le sens de bonnes pour la société) et leur montrer, par l'exemple, ce
qui est bien à faire et ce qui est mal. »48

2.4 Les conteurs du merveilleux

2.4.1 Les contes de Charles Perrault

Charles Perrault 49est un homme de lettres français. Né à Paris, le 12 Janvier 1628.

Auteur de textes religieux, chef de file des Modernes dans la Querelle des Anciens et des
Modernes, il fut l'un des grands auteurs du XVIIè siècle.

Perrault était un touche-à-tout littéraire qui s’essaya au genre galant avec "Dialogue de
l’amour et de l’amitié" (1660) et "Le Miroir ou la Métamorphose d’Orante".

Il avait commencé en 1696 et termina en 1701 un ouvrage intitulé "Les Hommes illustres"
qui est paru en France pendant ce siècle (2 vol. in-fol.). C'est un recueil de cent deux
biographies, courtes, précises et exactes, accompagnées de portraits gravés.

Perrault contribue à la fondation de l’Académie des sciences et à la reconstitution de


l’Académie de peinture. Entré à l’Académie française en 1671, il y donne l’idée de rendre
publiques les séances de réception et de faire les élections par scrutin et par billets, afin que
chacun soit dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. C’est lui encore qui rédige
la préface du Dictionnaire de l'Académie en 1694.

48
ANON., [sans date]. Quel est l’objectif de la morale d’un conte ? - Question/réponse. In : [en ligne].
[Consulté le 29 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.jaitoutcompris.com/questions/quel-
est-l-objectif-de-la-morale-d-un-conte-4011.php.
49
ANON., [sans date]. Charles Perrault (auteur de Contes). In : Babelio [en ligne].
[Consulté le 27 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.babelio.com/auteur/Charles-
Perrault/3416.

37
Mais ce qui a fait l’immortelle popularité de Charles Perrault, ce n’est ni cette riche
publication, ni ses discussions littéraires, c’est le petit volume intitulé "Contes ou histoires
du temps passé" (1697, petit in-12, édition très rare et contrefaite la même année) qu’il publia
sous le nom de son jeune fils, Perrault d’Armancourt.

L'essentiel de son travail consista en la collecte et la retranscription de contes issus de la


tradition orale française. Il est l'un des formalisateurs du genre littéraire écrit du conte
merveilleux.

Les contes de Perrault inspirèrent plusieurs chefs-d'œuvre du ballet classique, comme :


Cendrillon (Serge Prokofiev) et La Belle au bois dormant (Piotr Ilitch Tchaïkovski). Il existe
de très nombreuses adaptations cinématographiques de ses contes.

Il Meurt à Paris, le 16 Mai 1703. Il sera inhumé dans l'Eglise Saint Benoit -Paris 75005.
(Démolie au début du 2nd empire).

Le petit Chaperon rouge50


Il était une fois une petite fille de village, la plus éveillée qu’on eût su voir : sa mère en était
folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon
rouge qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le petit Chaperon rouge.

Un jour, sa mère ayant cuit et fait des galettes, lui dit : « Va voir comment se porte ta mère-
grand, car on m’a dit qu’elle était malade. Porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. »

Le petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un
autre village. En passant dans un bois, elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de
la manger ; mais il n’osa, à cause de quelques bûcherons qui étaient dans la forêt. Il lui
demanda où elle allait. La pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il était dangereux de s’arrêter
à écouter un loup, lui dit : Je vais voir ma mère-grand, et lui porter une galette, avec un petit
pot de beurre, que ma mère lui envoie. — Demeure-t-elle bien loin ? lui dit le loup. — Oh !
oui, dit le petit Chaperon rouge ; c’est par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, à la
première maison du village. — Eh bien ! dit le Loup, je veux l’aller voir aussi : je m’y en
vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là ; et nous verrons à qui plus tôt y sera.

50
PERRAULT, Charles, 2007. Le petit chaperon rouge. Paris, France : Seuil.

38
Le Loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court, et la petite fille
s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après des
papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait.

Le Loup ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la mère-grand ; il heurte : toc, toc. —
Qui est là ? — C’est votre fille, le petit Chaperon rouge, dit le Loup en contrefaisant sa voix,
qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre, que ma mère vous envoie. — La bonne
mère-grand, qui était dans son lit, à cause qu’elle se trouvait un peu mal, lui cria : Tire la
chevillette, la bobinette cherra. — Le Loup tira la chevillette, et la porte s’ouvrit. Il se jeta
sur la bonne femme, et la dévora en moins de rien, car il y avait plus de trois jours qu’il
n’avait mangé.

Ensuite il ferma la porte, et s’alla coucher dans le lit de la mère-grand, en attendant le petit
Chaperon rouge, qui, quelque temps après, vint heurter à la porte : toc, toc. — Qui est là ?
— Le petit Chaperon rouge, qui entendit la grosse voix du Loup, eut peur d’abord, mais,
croyant que sa mère-grand était enrhumée, répondit : C’est votre fille, le petit Chaperon
rouge, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre, que ma mère vous envoie. —
Le Loup lui cria en adoucissant un peu sa voix : Tire la chevillette, la bobinette cherra. —
Le petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte s’ouvrit.

Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit, sous la couverture : Mets la galette
et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi. Le petit Chaperon rouge
se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-
grand était faite en son déshabillé. — Elle lui dit : Ma mère-grand, que vous avez de grands
bras ! — C’est pour mieux t’embrasser, ma fille ! — Ma mère-grand, que vous avez de
grandes jambes ! — C’est pour mieux courir, mon enfant ! — Ma mère-grand, que vous avez
de grandes oreilles ! — C’est pour mieux écouter, mon enfant ! — Ma mère-grand, que vous
avez de grands yeux ! — C’est pour mieux te voir, mon enfant ! — Ma mère-grand, que
vous avez de grandes dents ! — C’est pour te manger ! Et, en disant ces mots, ce méchant
Loup se jeta sur le petit Chaperon rouge, et la mangea.

39
2.4.2 Les contes des frères Grimm

Jacob Ludwig Karl Grimm 51est un conteur, linguiste et philologue allemand. Né à Hanau ,
le 04 Janvier1785.

Très tôt orphelin, il passe une enfance difficile : il doit assumer la responsabilité de ses cinq
frères et sœurs et subvenir à leurs besoins.

Après avoir fait ses études à Marbourg et à Paris, il occupe, dans son pays, différents emplois
dans l'administration. En 1814, puis en 1815, il revient à Paris, pour récupérer des livres et
des manuscrits qui avaient été subtilisés par les troupes de Napoléon. Il participe au Congrès
de Vienne en 1816.

A cette même époque, il est nommé bibliothécaire en second à Kassel où il demeure jusqu'en
1829, date à laquelle il part à Göttingen où un nouveau poste lui est proposé. Sa destitution,
pour des raisons politiques, en 1837, est retentissante. Il vit alors, durant quatre ans, à Kassel
avec son frère, Wilhelm Grimm, jusqu'à leur nomination à l'Académie des Sciences de
Berlin. En 1848, il est élu au premier Parlement allemand.

Durant toutes ces années, Jacob Grimm a beaucoup écrit, réunissant et publiant les contes et
légendes germaniques : Poésie des maîtres chanteurs (1811) ; Contes d'enfant et du foyer
(1812), dont les plus connus sont Blanche-Neige et les sept nains et Hansel et Gretel ;
Légendes allemandes (1818) et Légende héroïque allemande (1829).

On lui doit également une Histoire de la langue allemande (1848) et un Dictionnaire


allemand (1852-1858) partiellement publié de son vivant. Jacob Grimm est considéré
comme le fondateur de l'histoire d'Allemagne et comme le plus grand représentant de la
méthode historique appliquée aux travaux littéraires. Il meurt à Berlin, le 20 Septembre
1863.

________________________________

Wilhelm Grimm 52est un conteur, linguiste et philologue allemand. Né à Hanau, le 14 Février


1786.

51
ANON., [sans date]. Jacob Grimm. In : Babelio [en ligne]. [Consulté le 1 octobre 2021]. Disponible à
l’adresse : https://www.babelio.com/auteur/Jacob-Grimm/4053.
52
ANON., [sans date]. Wilhelm Grimm (auteur de Contes merveilleux). In : Babelio [en ligne].
[Consulté le 1 octobre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.babelio.com/auteur/Wilhelm-
Grimm/47813.

40
Il ne cessa de participer aux recherches philologiques menées par son frère, Jacob Grimm,
plus connu que lui, et de partager sa vie. Ils étudièrent ensemble le droit à Marbourg.

En 1814, il fut nommé secrétaire de la bibliothèque de Kassel et, en 1831, il rejoignit son
frère à Göttingen, comme bibliothécaire adjoint. Pour des raisons politiques, il quitta, en
même temps que son frère, l'université de Göttingen et débuta alors une carrière
universitaire.

En 1831, il est chargé de cours, et en 1845, il est nommé titulaire. Entre-temps en 1841, il
devient membre de l'Académie des Sciences de Berlin.

Wilhelm Grimm, avec son frère et Görres, publia en 1812 les Contes d'enfants et du foyer,
dont les plus connus sont Blanche-Neige et les sept nains et Hansel et Gretel. La majeure
partie des Contes a été recueillie et rédigée par lui.

Wilhelm meurt à Berlin, le 16 décembre 1859. Il est enterré avec son frère au cimetière de
Matthäus, à Berlin-Schöneberg.

Extrait : Hansel et Gretel des frères Grimm53

Trois jours s'étaient déjà passés depuis qu'ils avaient quitté la maison paternelle. Ils
continuaient à marcher, s'enfonçant toujours plus avant dans la forêt. Si personne n'allait
venir à leur aide, ils ne tarderaient pas à mourir. À midi, ils virent un joli oiseau sur une
branche, blanc comme neige. Il chantait si bien que les enfants s'arrêtèrent pour l'écouter.
Quand il eut fini, il déploya ses ailes et vola devant eux. Ils le suivirent jusqu'à une petite
maison sur le toit de laquelle le bel oiseau blanc se percha. Quand ils s'en furent approchés
tout près, ils virent qu'elle était faite de pain d'épices et recouverte de gâteaux. Les fenêtres
étaient en sucre. - Nous allons nous mettre au travail, dit Hansel, et faire un repas béni de
Dieu. Je mangerai un morceau du toit ; ça a l'air d'être bon ! Hansel grimpa sur le toit et en
arracha un petit morceau pour goûter. Gretel se mit à lécher les carreaux. On entendit alors
une voix suave qui venait de la chambre : - Langue, langue lèche ! Qui donc ma maison
lèche ? Les enfants répondirent : - C'est le vent, c'est le vent, c'est le céleste enfant. Et ils
continuèrent à manger sans se laisser détourner de leur tâche. Hansel, qui trouvait le toit fort
bon, en fit tomber un gros morceau par terre et Gretel découpa une vitre entière, s'assit sur

53
GRIMM, Jacob, GRIMM, Wilhelm, 2007. Hänsel & Gretel: un conte des frères Grimm. Gossau-Zurich
(Suisse), Suisse : s.n

41
le sol et se mit à manger. La porte, tout à coup, s'ouvrit et une femme, vieille comme les
pierres, s'appuyant sur une canne, sortit de la maison. Hansel et Gretel eurent si peur qu'ils
laissèrent tomber tout ce qu'ils tenaient dans leurs mains.

2.4.3 Les contes d’Andersen

Hans Christian Andersen54 est un auteur et poète danois. Né à Odense, le 02 Avril 1805
D'origine très modeste, il grandit au Danemark à l'orée du 19ème siècle. Rien ne permettait
de savoir que ce fils d'un cordonnier et d'une lavandière deviendrait l'un des auteurs de contes
les plus célèbres du monde et, serait, à ce titre, reçu à la cour des seigneurs les plus puissants
de l'époque et serait invité à l'Exposition universelle de Paris. À l'issue d'un apprentissage
comme tailleur, il découvre son amour des belles lettres grâce à une représentation donnée
dans sa ville par le Théâtre royal de Copenhague.

Cette vocation le conduit à la capitale, où ses débuts sont très difficiles. À vingt-six ans, il
initie un voyage de près de dix ans à travers l'Europe et la Turquie. Au cours de ce périple,
Andersen rencontre de grands écrivains, parmi lesquels Victor Hugo et Charles Dickens, et
écrit continuellement poèmes, romans et contes.

En 1835 paraît son premier roman "L'Improvisateur", qui obtient un véritable succès. La
même année, un premier recueil de "Contes" fut publié. Ces contes lui assurèrent une grande
popularité. Ils n'étaient pas destinés à la jeunesse, mais furent perçus comme tels par la suite.
Andersen devint célèbre dans toute l'Europe, bien qu'il ne jouisse pas d'une égale renommée
dans son propre pays.

En 1847 il se rend en Angleterre, y connaissant le triomphe. Charles Dickens lui-même


l'accompagne pour son départ. Peu de temps après, Dickens publie "David Copperfield",
dans lequel on voit dans son personnage Uriah Heep le portrait d'Andersen.

La première publication complète de ses œuvres à Leipzig en 1848 comprend trente-cinq


volumes, à laquelle se sont rajoutés les 34 volumes de celle de 1868.

54
ANON., [sans date]. Hans Christian Andersen (auteur de Contes). In : Babelio [en ligne].
[Consulté le 27 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.babelio.com/auteur/Hans-Christian-
Andersen/65803.

42
Andersen meurt à Copenhague, le 04 Août 1875. Il est enterré dans le cimetière Assistens à
Copenhague.

Extrait : « Le vilain petit canard » 55de Hans Christian Andersen

Les petits obéissaient, mais les canards autour d’eux les regardaient et s’exclamaient à haute
voix : Encore une famille de plus, comme si nous n’étions pas déjà assez. Et il y en a un
vraiment affreux, celui-là nous n’en voulons pas. Une cane se précipita sur lui et le mordit
au cou. Laissez le tranquille, dit la mère. Il ne fait de mal à personne. Non, mais il est trop
grand et mal venu. Il a besoin d’être rossé. Elle a de beaux enfants, cette mère ! dit la vieille
cane au chiffon rouge, tous beaux, à part celui-là : il n’est guère réussi. Si on pouvait
seulement recommencer les enfants ratés ! Ce n’est pas possible,

Votre Grâce, dit la mère des canetons ; il n’est pas beau mais il est très intelligent et il nage
bien, aussi bien que les autres, mieux même. J’espère qu’en grandissant il embellira et
qu’avec le temps il sera très présentable. Elle lui arracha quelques plumes du cou, puis le
lissa : Du reste, c’est un mâle, alors la beauté n’a pas tant d’importance. Les autres sont
adorables, dit la vieille. Vous êtes chez vous, et si vous trouvez une tête d’anguille, vous
pourrez me l’apporter. Cependant, le pauvre caneton, trop grand, trop laid, était la risée de
tous. Les canards et même les poules le bousculaient.

3. Le conte fantastique

3.1 Définition de la notion du Fantastique

Le terme Fantastique dans son acception lexicale réfère à l’idée du surnaturel. Emprunté
étymologiquement à la langue grecque « phantastikos » et latinisé par la suite, le terme passe
finalement dans la langue française, ou il prend la forme d’un adjectif et d’un nom masculin.
Ces deux catégories lexicales renvoient toutes les deux à une certaine « violation d’une
56
régularité immuable » . Nous pouvons ainsi lire dans le Grand Larousse Usuel que
l’adjectif est utilisé familièrement pour indiquer « ce qui s’écarte des règles de
l’habitude. »57 On parle d’une personne qu’« elle est fantastique, qu’elle est toujours de

55
ANDERSEN, Hans Christian, WENSELL, Ulises et LES BELLES HISTOIRES, 2016. Le vilain petit canard.
Montrouge, France : Bayard jeunesse.

56
PALOU, Jean (éd.), 1969. Histoires étranges. Paris, France : Casterman. Préface.
57
LAROUSSE, 1997. Grand usuel Larousse: dictionnaire encyclopédique. Paris, France : Larousse.

43
bonne humeur. »58. Nous pouvons de même lire dans l’Encyclopédie Bordas que le nom
désigne par contre « un genre artistique ou littéraire caractérisé par l’intrusion de
phénomènes surnaturels dans la réalité quotidienne »59.

Si les dictionnaires et autres encyclopédies s’accordent tous à assigner à l’adjectif ce


caractère « de ce qui sort de l’ordinaire », il parait cependant moins facile de donner une
définition précise au genre artistique rattaché au nom. Pour définir la notion du fantastique
et déterminer clairement ses frontières, nombreux sont les théoriciens, auteurs et spécialistes
qui se sont penché sur la nature exacte du fantastique. En effet, l’ambiguïté de la notion ainsi
que la perplexité du genre soulèvent suffisamment de questions qui sont d’autant plus
nécessaires pour mieux cerner le fantastique qui on le verra par la suite, diffèrera d’un pays
à l’autre suivant les traditions littéraires en place.

Pour Stanislaw Lem, « tout ce qui dépasse notre capacité de compréhension est
fantastique ». 60 il rejoint, dit-il, dans son essai, l’avis de Pierre Mac-orlan qui explique que
« le fantastique est une aventure qui n’existe que dans l’imagination de celui qui la
recherche » 61
et l’avis d’Adolpho Broy-Caseras qui pour lui « toute vision imaginaire
devient réelle pour celui qui croit » 62. A travers, ces quelques définitions nous comprenons
que le fantastique serait en nous et qu’il serait fils des visions inexplicables dues à nos
expériences imaginaires

Le fantastique en tant que genre littéraire repose sur cette « rupture de l’ordre reconnu,
irruption de l’inadmissible au sein de l’inaltérable légalité quotidienne »63 ou comme dira
Jean- Pierre Bertrand :

« Est fantastique, ce qui déroge à nos représentations, trouble


nos croyances, déplace nos modèles, divise notre singularité,
dévoile le temps d’une fiction l’altérité qui sommeille en
nous »64

Cependant, le Fantastique, ajoute Roger Caillois :

58
Ibid.
59
BORDAS, 1998. Encyclopédie Bordas. Paris, France : Encyclopédies Bordas.
60
STANISLAW, Lem. IN : essai ( en français) de jean Molino, Paris, 1980, p 3
61
Ibid. p3
62
Ibid. p7
63
CAILLOIS, Roger, 1965. Au cœur du fantastique. Paris, France: Gallimard. P61
64
STANISLAW, Lem. IN : essai ( en français) de jean Molino, Paris, 1980, p 4

44
« ne s’applique pas seulement à ce qui vient de l’au-delà, a ce
qui contredit les sens et la raison, à ce qui nous épouvante , il
introduit aussi, comme par effraction un autre ordre , une
autre dimension dans ce qui est convenu d’appeler le monde
réel »65

Dans cette confrontation des idées, il serait plus aisé de ne s’entretenir dans notre cours qu’à
la seule définition acceptable celle de Tzvetan Todorov, linguiste et spécialiste du fantastique
qui dans son œuvre introduction à la littérature fantastique désigne le fantastique
comme « l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles face à un
événement en apparence surnaturel »66

3.2 Aperçu historique

Le terme ‘ Fantastique’ provient de l’ancien grec « phantasia » qui signifie apparition d’où
« imagination, image qui s’offre à l’esprit »67 et c’est en effet dans la Grèce antique que le
mot trouva refuge dans son « ciel mythologique » 68que les vers homériques de l’Eliade et
de l’odyssée ont relié avec le monde humain, à travers des héros et des demi-dieux au
pouvoir surnaturel « dans le but d’introduire un ordre rationnel dans les légendes relatives
aux dieux ». 69

C’est à l’âge d’or de l’empire musulman que « prirent naissance au pays le plus favorisé de
la nature, ces contes-orientaux, resplendissante galerie des prodiges les plus rares de la
création et des rêves les plus délicieux de la pensée, trésor inépuisable de bijoux et de
parfums qui fascine les sens et divinise la vie »70 ces contes qui regorgent de créatures
fabuleuses, des goules, des afrites, des génies caractérisent tant cette « fantaisie poétique »
71
qui ne cesse de charmer ses lecteurs avides de sensations nouvelles.

Ainsi le moyen âge demeure l’une des périodes inspiratrices du fantastique non seulement
en Asie mais aussi en Europe ; présente dans « les croyances les plus sévères de la vie comme
dans ses erreurs les plus gracieuses, dans ses solennités comme dans ses fêtes »72, Elle a

65
CAILLOIS, Roger, 1965. Histoires Fantastiques d’aujourd’hui. Belgique : Casterman. Préface.
66
TODOROV, Tzvetan, 1970. Introduction à la littérature fantastique. Paris, France : Éditions du Seuil. P 29
67
BÉNÉVENT, Christine et LAGIER, Valérie, 2003. Le Horla. Paris, France : Gallimard. P104
68
NODIER, Charles, 1989. Du fantastique en littérature. Gien, France : Chimères. P 8
69
ANON., 1988. Nouvelle encyclopédie autodidactique Quillet. Bagneux, France : Quillet. P14
70
NODIER, Charles, 1989. Du fantastique en littérature. Gien, France : Chimères. P 8
71
SCANU, Ada Myriam. Séminaire d’histoire littéraire, università degli studi di Bologna,2004 p 12
72
NODIER, Charles, 1989. Du fantastique en littérature. Gien, France : Chimères. P 86

45
peuplé « peuplés nos châteaux en ruines des visions mystérieuses, évoqués les donjons la
figure des fées protectrices, ouvert un refuge impénétrable dans les creux des rochers ou
sous les créneaux des murs abandonnées à la formidable famille des vouvieres et des
dragons»73.

Cependant, il faut attendre le XVIIIème siècle pour que le Fantastique accède à son apogée
« naissant de la crise et de l’instabilité »,74 ce siècle semble être l’âge d’or de la littérature
fantastique « innée à l’homme mais souvent assoupie ( le fantastique) sous le poids des
sciences positives ressort avec le plus de virulence au moments ou les vérités généralement
acquises vacillent, au moment où l’incrédulité en vers la foi religieuse avance, à un moment
ou la déchéance de la société est irréfutable, le fantastique serait alors le fils des époques
de décadence»75 qui se manifeste clairement dans certains pays, tels que l’Allemagne,
l’Angleterre et bien évidemment en France.

En Allemagne, ce genre fut d’une popularité incomparable, le système social germanique «


porte dans ses ferveurs d’imagination une vivacité de sentiments, une mysticité de doctrines,
un penchant universel à l’idéalisme »,76 des qualités qui sont le propre du Fantastique. Et
c’est avec ‘Ernst Theodore Wilhelm Hoffmann’ que le fantastique allemand connaitra une
renommée mondiale grâce à la diffusion de ses contes au gout de folie et de solitude dont
l’influence et incontestable chez les auteurs français, en l’occurrence ; Guy de Maupassant
et Charles Nodier.

En Grande Bretagne, le Fantastique se distingua à l’époque du Préromantisme ; se qualifiant


de Roman Noir ou d’horreur qui « se refugia longtemps sous les brumes de la Grande
Bretagne, épouvantée peut être des pompes mélancoliques du nord dont le théisme lugubre
l’avait porté jusqu’au trône d’Odin »77. Signalons toutes fois que l’Angleterre était à
l’origine de genres qui s’apparentent au fantastique :

❖ La Science-Fiction avec Mary Shelly


❖ Le Roman Policier avec Wilkie Collins
❖ Le Genre Fantasy avec John Ronald Ruel Tolkien

73
Ibid. p 87
74
SCANU, Ada Myriam. séminaire d’histoire littéraire, università degli studi di Bologna,2004 p 12
75
NODIER, Charles, 1989. Du fantastique en littérature. Gien, France : Chimères. P 84
76
Ibid. p 25
77
Ibid. p 19

46
« On nous a tellement accoutumé à l’imitation [...] qu’il est à peu près reçu en dogme
littéraire qu’on n’invente rien en France »78. C’est avec ces quelques mots que Charles
Nodier dénonce l’imitation à laquelle s’est livrée la France, postulant par ailleurs l’existence
des facteurs, (les princesses toutes aimables, les princes et les ogres stupides et féroces, les
charmants métamorphose de l’oiseau bleu), favorisant l’inauguration d’un tel genre en
« Vieille Gaulle ». Cette même Gaulle, qui a vu naitre sur son sol les plus grands conteurs
de ce genre imprégnés des contes d’Hoffmann traduits par Toussenel (1830) : Nodier,
Balzac, Mérimée, Maupassant. Et qui ont apporté leurs touches sur l’approche analytique de
la psychologie humaine, adoptant des démarches aux facettes réalistes, pour rendre ce genre
plus crédible chez le lecteur. Il est à noter que le fantastique en France a pris le rôle de la
critique sociale, qui s’attaque de front au matérialisme bourgeois, menés par l’Isle-Adam et
Octave Mirabeau.

3.3 Le fantastique en littérature

« Le récit fantastique se présente comme la transcription de l’expérience imaginaire des


limites de la raison » 79; C’est dans ce sens que l’élément fantastique se distingue dans les
œuvres littéraires en prenant plusieurs formes et appellations allant du Merveilleux,
Surnaturel et passant par invraisemblable et l’étrange. Ces glissements notionnels et ces
transformations génériques aboutissent au Fantastique actuel.

« La littérature fantastique c’est tout récit qui présente des êtres ou des phénomènes
surnaturels à l’exclusion toute fois des divinités ou des intercesseurs qui sont objet de foi et
de culte […] »80En effet, tout ce qui concerne de près ou de loin la vie religieuse et les
croyances, tels que les mythes et récits hagiographiques voire les miracles des prophètes sont
à écarter. « Le récit fantastique exclut aussi les fables et les allégories ».81 Ainsi deux,
domaines demeurent non-exclus : les contes des fées et les histoires de fantômes, même si
le premier est à discuter.

Le récit fantastique dispose d’une structure dont les étapes sont clairement repérables :

o La préparation : dans cette étape l’apparition des indices laisse à prévoir qu’un
événement insolite va se présenter.

78
Ibid. p 23
79
GOIMARD,Jacques. In: essai (en français) de Jean Molino,cit.P 7
80
CAILLOIS, Roger. In: Encycolpedia universalis corpus 9, cit.P 210
81
Ibid.

47
o La gradation : l’état émotionnel généré chez les personnages (troubles, peur,
psychose, étonnement) et chez le lecteur l’inquiétude due à la transgression des lois
immuables du monde réel (retour des morts, présentations fantasmagoriques)
o Le dénouement : retour à l’état initial ; donnant aux événements surnaturels survenus
des explications rationnelles (le cas du fantastique –étrange) ou bien irrationnelles
(fantastique pure).
Dans son livre, sur le fantastique Joël Malrieu avance que l’une des caractéristiques du récit
fantastique est cette contradiction qui s’opère dans le cadre de vie des personnages, il
explique :

« Le récit fantastique repose en dernier ressort sur la confrontation


d’un personnage isolé avec un phénomène extérieur à lui ou non,
surnaturel ou non mais dont la présence ou l’intervention représente
une contradiction profonde avec les cadres de pensée et de vie du
personnage au point de les bouleverser complètement et durablement
»82

3.3.1 Contes et nouvelles- fantastiques.

Le terme « Nouvelle » de l’adjectif latin Novus dérive du sens « (de la) nouveauté et (de)
l’actualité »83. En littérature, le genre de la nouvelle désigne des « récits brefs obéissants à
certaines contraintes : brièveté ; la clarté de l’intrigue » 84. Très répondu au 19ème siècle, le
fantastique apparait dans le conte et la nouvelle profitant des formes brèves que présentent
les deux genres, car le suspense et le mystère ne peuvent guère durer longtemps, autrement
dit, la longueur est l’élément essentiel de toute création littéraire qui dans sa partie narrative
est étroitement liée à la thématique. Dans ce sens, la thématique fantastique implique la
rapidité de l’effet émotionnelle rêve voire la surprise ne durent point longtemps.

« La littérature fantastique inaugure la période des formes brèves »85. Ainsi, le fantastique
apparaît rarement dans les Romans, car ces derniers comportent plutôt des descriptions ou
des analyses psychologiques souvent longues.

82
MALRIEU, Joël, 1992. Le fantastique. Paris, France : Hachette. p 23
83
BÉNÉVENT, Christine et LAGIER, Valérie, 2003. Le Horla. Paris, France : Gallimard. P112
84
Ibid.
85
PLOUMISTAKI, Kalliopi, 2004. Le fantastique comme forme littéraire, séminaire d’histoire littéraire,
Université Aristote de Thessalonique, p 21

48
3.3.2 Les thèmes du conte fantastique

Dès les années 30 et l’appropriation du genre par le cinéma, le fantastique tend à limiter son
intérêt à la peur, voire à la terreur, qu’il peut susciter chez le lecteur, il semble alors que ce
genre est enclavé au seul univers du monstrueux et de l’effroyable prenant très souvent pour
thèmes: les fantômes, les vampires et autres créatures horribles Ainsi que les possessions
diaboliques, Or « le fantastique n’a pas simplement pour objet la production de petites
machines à faire peur» souligne Balzac dans son Œuvre Ursule Mironet, son volet
thématique s’ouvre aussi pour d’autres types (la magie, le rêve, la métamorphose et le
dédoublement).

Cette immense thématique que recouvre le fantastique amène Tzvetan Todorov à les lier aux
différentes fonctions du littéraire qu’on viendrait à énumérer plus tard. Ce dernier considère
alors qu’il est nécessaire de procéder à un partage des thèmes fantastiques en deux réseaux,
ceux du ‘je’ et ceux ‘tu’, en démontrant l’opposition de ces deux réseaux. Todorov souligne
que :

« Le ‘je’ signifie le relatif isolement de l’homme dans son rapport avec


le monde qu’il construit, l’accent placé sur cet affrontement sans
qu’intermédiaire ait à être nommé, le ‘tu’, en revanche, renvoie
précisément à cet intermédiaire […], cette opposition est azymique ; le
‘je’ est présent dans le tu, mais non l’inverse »86

Ainsi, par le ‘je ‘détermine ; le Pan-déterministe qui nie l’existence du hasard dans un
univers réalité, ultra-rationnel. Todorov ajoute : « Le Pan-déterminisme signifie que la limite
entre le physique et le mental, entre la matière et l’esprit, entre la chose et le mot cesse
d’être étanche »87 . C’est pourquoi, il rejoint les thèmes du ‘je’ au monde de l’enfance, de la
drogue, de la schizophrénie et du mysticisme. Dans l’autre côté, les thèmes du ‘tu’ sont ceux
de la sexualité illicite est souvent associé au fantastique : inceste, dérives du genre, sadisme
et les désirs ont toujours étaient montrée dans une opposition avec la religion, ce qui fait du
fantastique un lieu d’excellence pour ces sujets tabous. Le ‘tu’ sont donc rattacher aux
pulsions inconscientes.

86
TODOROV, Tzvetan, 1970. Introduction à la littérature fantastique. Paris, France : Éditions du Seuil. p 163
87
Ibid. p 119

49
3.3.3 Les fonctions du conte fantastique

Comme toute production littéraire, le conte fantastique reflète comme en un miroir les
valeurs d’une société qui la produit et la poétique littéraire du cercle qui l’entoure. Ainsi, le
fantastique présente deux fonctions comme le démontre Tzvetan Todorov, à la fois Sociale
et littéraire. Il est social à travers le surnaturel présenté dans l’œuvre littéraire, c’est pourquoi
pour nombreux auteurs, le surnaturel n’était qu’un prétexte pour décrire des choses qu’ils
n’auraient jamais osé mentionner en terme réaliste, affirme Peter Penzolat. Le fantastique
est alors la voix de l’auteur et par évidence celle de la société ; qui exprime via l’écrit des
situations et des désirs interdits jugées tabous à l’époque, tout en se révoltant contre les
traditions et les préjugés sociaux.

Le fantastique permet « de franchir certaines limites inaccessibles »88 tel que les thèmes du
‘tu’ le confirme et qui sont à l’essence même des thèmes établis par la censure. Todrov
précise :

« Le fantastique est un moyen de combat contre l’une et


l’autre censure : les déchainement et dérives seront mieux
acceptés par toute espèce de censure, si on les inscrits au
compte du diable »89

Les thèmes du ‘tu’ relèves donc des tabous et de même pour les sujets du ‘je’ mais d’une
manière moins explicite, c’est pourquoi il est clair pour Todorov que ce n’est pas un hasard
que l’autre groupe renvoie à la folie, la pensée psychotique, et qui sont ainsi condamnés par
la société non moins sévèrement que le criminel qui transgresse les interdits. On peut déduire
alors que la fonction du surnaturel est de dérober l’œuvre à la censure et même de la dépasser.

La fonction du fantastique est aussi littéraire, elle se présente sous différents aspects
(pragmatique, sémantique et syntaxique).

➢ Elle est pragmatique, puisqu’elle porte un effet spontané sur le lecteur, qui par la
fantasmagorie l’émerveillent, l’effraye ou simplement le tient en suspens.
➢ Sémantique car le surnaturel y constitue sa propre manifestation, voire son
autodésignation.

88
Ibid. p 166
89
Ibid. p 167

50
➢ Et syntaxique : cet aspect est purement linguistique, il entre dans le développement
du récit, il est lié plus directement que les deux autres aspects à la totalité de l’œuvre
littéraire. Cette fonction est primordiale à la constitution du genre.
Les trois aspects composent la fonction littéraire qui a pour but de classifier le genre parmi
les autres productions fantastiques.

3.4 Les conteurs du fantastique

3.4.1 Les contes d’Hoffmann

Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann90 est un écrivain romantique et un compositeur allemand


né le 24 Janvier 1776 à Königsberg.

Son père est avocat mais préfère la musique et la poésie. Il se sépare très tôt de sa femme, et
Ernst est élevé par ses grands-parents maternels.

Juriste, il sert dans l'administration prussienne de 1796 à 1806 puis de 1814 à sa mort.
Également dessinateur et peintre, son indépendance d'esprit et son goût de la satire lui valent
à plusieurs reprises de sérieux ennuis auprès de ses supérieurs hiérarchiques, qu'il n'hésite
pas à caricaturer.

Mais c'est son activité littéraire qui le rend célèbre : connu sous le nom d'Ernst Theodor
Amadeus Hoffmann ou E.T.A. Hoffmann, il est l'auteur de nombreux contes (Märchen en
allemand) comme "L'Homme au sable" ou "Casse-noisette et le roi des souris" et de plusieurs
romans, dont son œuvre principale "Le Chat Murr". Il devient alors, dès les années 1820,
l'une des illustres figures du romantisme allemand en France et inspire de nombreux artistes
en Europe comme dans le reste du monde (par exemple "Les Contes d'Hoffmann", l'opéra
fantastique en cinq actes de Jacques Offenbach).

Également passionné de musique, il échange en 1812 son troisième prénom, Wilhelm, avec
celui d'Amadeus en hommage à Mozart, son modèle, et devient critique musical puis
compositeur. Il est ainsi l'auteur de plusieurs opéras, en particulier "Ondine", qui est tiré d'un
conte de son ami Friedrich de La Motte-Fouqué, ainsi que d'œuvres vocales et
instrumentales.

90
ANON., [sans date]. Ernst Theodor Amadeus Hoffmann. In : Babelio [en ligne].
[Consulté le 26 septembre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.babelio.com/auteur/Ernst-Theodor-
Amadeus-Hoffmann/130335.

51
Il redevient magistrat à partir de 1804, mais continue à écrire et est couronné de succès. Il
vit entouré d'artistes et d'amis mais, gravement malade (l'ataxie locomotrice puis un tabès),
il meurt le 25 Juin 1822 à l'âge de 46 ans.

Une histoire de fantôme91

Vous savez qu’il y a quelques temps, peu avant la dernière campagne, je fis un séjour sur les
terres du colonel de P... C’était un homme jovial, et sa femme était le calme et l’insouciance
mêmes. Comme leur fils était aux armées, la famille ne se composait plus que des parents,
de leurs deux filles et d’une vieille Française qui tentait de jouer les gouvernantes, bien que
ces demoiselles eussent passé l’âge d’être gouvernées. L’aînée était une aimable créature,
d’une vivacité débordante, non dépourvue d’esprit ; mais, de même qu’elle ne pouvait faire
cinq pas sans y glisser au moins trois entrechats, sa conversation et tout son comportement
procédaient par continuelles sautes d’humeur. Je l’ai vue, en moins de dix minutes, broder,
lire, dessiner, chanter, danser. Elle pleurait un pauvre cousin tué au combat, et, au même
instant, les yeux encore pleins de larmes, elle éclatait de rire parce que la vieille Française
avait par mégarde renversé sa tabatière sur le petit chien qui éternuait aussitôt affreusement,
tandis que la vieille se lamentait : Ah, che fatalità !... ah, carino... poverino !... Car elle ne
s’adressait qu’en italien à ce chien, sous prétexte qu’il était natif de Padoue. La demoiselle
était d’ailleurs la plus agréable des blondes et, avec tous ses caprices, elle avait tant de bonne
grâce que, sans le chercher, elle exerçait sur tout le monde un charme irrésistible. Sa cadette,
prénommée Adelgunde, formait avec elle le plus singulier contraste. Les mots me manquent
pour rendre la très étrange impression qu’elle fit sur moi à notre première rencontre.
Représentez-vous une taille admirable, un visage ravissant. Mais joues et lèvres sont d’une
pâleur de mort, les mouvements sont lents, silencieux, prudents. Qu’un mot, à peine
murmuré, sorte de cette bouche entrouverte, dans le vaste salon, et l’on frissonne comme si
l’on se trouvait en face d’un fantôme. Je surmontai vite ce malaise et, lorsque je parvins à
faire parler cette jeune fille taciturne, je dus convenir que seule son apparence était spectrale
: son étrangeté ne semblait pas exprimer son être véritable. Les quelques mots qu’elle
prononça révélaient une grande délicatesse féminine, du bons sens et de l’aménité. Aucune
trace de tension excessive, bien que le sourire douloureux, les yeux noyés de larmes fissent

91
HOFFMANN, Ernst Theodor Amadeus et LABBE, Stéphane, 2011. Contes. Paris, France : l’École des loisirs.

52
supposer quelque mal physique, qui ne devait pas être sans troubler dangereusement son âme
d’enfant. J’observai avec surprise que toute la famille, y compris la vieille Française,
manifestait un peu d’inquiétude dès qu’on parlait à cette jeune fille : on tentait d’interrompre
la conversation, ou de s’y mêler de la façon la plus saugrenue. Mais il y avait plus bizarre
encore. A peine était-il huit heures du soir que la Française, puis la mère, la soeur, le père
invitaient Adelgunde à se retirer dans sa chambre, comme on envoie les petits enfants au lit
pour qu’ils ne se fatiguent pas trop. La Française l’accompagnait et ni l’une ni l’autre
n’avaient le droit d’attendre le dîner, que l’on servait à neuf heures. Mme de P..., qui avait
remarqué ma surprise, dit un jour en passant, pour couper court à toute question, que sa fille
était souvent malade et qu’en particulier le soir, vers neuf heures, elle avait des accès de
fièvre : le médecin avait donc recommandé de lui faire prendre, dès cette heure-là, le repos
nécessaire. Je sentais bien que les choses devaient être un peu plus compliquées, mais je ne
devinais rien de précis. Je viens seulement d’apprendre, aujourd’hui même, l’effrayante
réalité et de connaître l’événement qui a bouleversé la vie de cette famille heureuse.
Aldegunde avait été l’enfant la plus fraîche et la plus gaie que l’on pût voir. Pour son
quatorzième anniversaire, on avait invité toutes ses compagnes de jeu. Assises en cercle dans
les beaux bosquets du pare, elles s’amusent et rient, sans se soucier des ombres croissantes
du soir ; la brise tiède de juillet augmente encore leur belle humeur. Dans la magie du
crépuscule, elles se mettent à exécuter toutes sortes de danses bizarres, à mimer des elfes et
je ne sais quelles subtiles créatures. « Attendez, s’écrie Adelgunde, lorsque la nuit est tout à
fait tombée, je vais vous apparaître sous la forme de la Dame blanche, dont notre défunt
jardinier nous parlait si souvent. Mais venez avec moi jusqu’au fond du parc, là-bas près du
vieux mur. » Et, s’enveloppant de son châle blanc, elle s’enfuit d’un pas léger sous la
tonnelle, suivie de la bande des jeunes filles badinant et riant à qui mieux mieux. Mais à
peine Adelgunde est-elle arrivée près de la vieille arche à demi effondrée, qu’elle se fige et
reste là, les membres paralysés. L’horloge du château sonne neuf heures. « Ne voyez-vous
rien ? crie Adelgunde, avec l’accent étouffé de l’épouvante, il y a quelqu’un... là, juste devant
moi... Seigneur !... Cette femme tend la main vers moi... Ne voyez-vous donc rien ? » Ses
compagnes ne voient absolument rien, mais toutes sont saisies de frayeur. Elles s’enfuient,
sauf une, la plus courageuse, qui se précipite sur Adelgunde et veut la prendre à bras-le-
corps. Mais à cet instant, celle-ci tombe à terre, blême comme une morte. Aux cris que
poussent les jeunes filles, tout le monde accourt. On ramène Adelgunde au château. Elle finit
par revenir à elle et raconte, tremblant de tous ses membres, qu’en approchant de l’arche,
elle a vu, à deux pas devant elle, une forme aérienne, comme enveloppée de brumes, tendre

53
la main dans sa direction. On attribua naturellement l’apparition aux illusions du jour
déclinant. Durant la nuit, Adelgunde se remit si bien de sa terreur qu’on ne redouta aucune
suite fâcheuse et qu’on crut l’affaire terminée. Mais il devait en aller bien autrement ! Le
lendemain, dès que neuf heures sonnent, Adelgunde, horrifiée, se lève d’un bond, au milieu
du salon, et crie : « La voilà !... Ne voyez-vous rien ?... Là, devant moi ! » Bref, depuis ce
soir fatal, sur le coup de neuf heures, Adelgunde affirmait que l’apparition se tenait devant
elle et y restait quelques secondes. Pourtant personne en dehors d’elle ne voyait rien,
personne n’éprouvait ce genre de malaise qui indique la présence toute proche d’un principe
spirituel inconnu. On déclara donc qu’Adelgunde était folle, et la famille, par un regrettable
égarement, se sentit honteuse de cet état où elle voyait la jeune fille. D’où le traitement
singulier dont je parlai tout à l’heure. On n’épargna ni médecins ni remèdes capables,
pensait-on, de la délivrer de son idée fixe - car c’est ainsi qu’on se plut à désigner la
prétendue apparition -, mais tout fut inutile. Adelgunde supplia en pleurant qu’on la laissât
en paix, puisque le fantôme, qui n’avait en soi rien d’effrayant, ne lui faisait plus peur ; elle
avouait cependant que, chaque soir, après son apparition, elle avait l’impression que son âme
et ses moindres pensées, projetées au-dehors, flottaient autour d’elle, sans corps, et que cela
la laissait malade, épuisée. Le colonel fit enfin la connaissance d’un médecin fameux qui
passait pour guérir les fous par une méthode très ingénieuse. Lorsque le colonel eut décrit
l’état de la pauvre fille, ce docteur éclata de rire et déclara que rien n’était plus facile que de
porter remède à ce genre de démence qui tenait simplement à un échauffement de
l’imagination. L’idée du fantôme, disait-il, était si étroitement associée aux neuf coups de
l’heure que l’esprit n’avait plus la force de les séparer ; il suffirait donc de les dissocier
artificiellement. On y parviendrait aisément en trompant la jeune fille sur le temps et en
laissant passer à son insu la neuvième heure du soir. Si alors le spectre ne se montrait pas,
elle reconnaîtrait d’elle-même sa folie, et quelques fortifiants achèveraient la guérison. On
suivit ce funeste conseil. Une nuit, on retarda d’une heure toutes les montres du château et
jusqu’à l’horloge du village, dont les coups sonnaient lourdement ; ainsi, dès son réveil,
Adelgunde fut trompée d’une heure. Le soir vint. La petite famille était rassemblée, selon sa
coutume, dans une pièce d’angle carrée, plaisamment décorée. Aucun étranger n’était
présent. Madame de P... s’efforçait de raconter toutes sortes d’histoires amusantes ; le
colonel se mit comme d’habitude, surtout quand il était de bonne humeur, à plaisanter la
vieille Française, et Augusta (la fille aînée) en fit autant. On riait, on était plus gai que
jamais... Mais voici que la pendule sonne huit heures - il était donc neuf heures - et
Adelgunde, pâle comme une morte, retombe dans son fauteuil, ses aiguilles lui glissent des

54
mains. Puis elle se relève, le visage torturé par l’épouvante, regarde fixement alentour la
pièce déserte et murmure d’une voix sourde et caverneuse : « Que se passe-t-il ?... Une heure
avant ?... Vous la voyez ? vous la voyez ?... Là, devant moi ! juste devant moi ! » Tous
sursautent, saisis d’effroi, mais personne ne voit rien, et le colonel s’écrie : « Adelgunde,
ressaisis-toi ! Ce n’est rien, c’est pure imagination, une illusion te trompe, nous ne voyons
rien du tout. Et si un fantôme se tenait vraiment juste devant toi, ne devrions-nous pas
l’apercevoir aussi bien que toi ? Reprends-toi, Adelgunde ! - Seigneur ! soupire Adelgunde.
Voulez-vous donc me rendre folle ? Regardez ! La voilà qui tend vers moi son bras blanc...
elle me fait signe. » Et, comme privée de volonté, le regard toujours fixe, Adelgunde saisit
derrière elle une petite assiette, qui se trouve par hasard sur la table, la tend en l’air devant
elle, la lâche..., et l’assiette, comme portée par une main invisible, décrit lentement un cercle
sous les yeux des assistants, puis vient se reposer sans bruit sur la table. Madame de P... et
Augusta s’étaient évanouies et furent bientôt en proie à une violente fièvre nerveuse. Le
colonel se ressaisit de toutes ses forces, mais on vit bien à ses traits bouleversés les ravages
que provoquait sur lui ce phénomène inexplicable. La vieille Française, tombée à genoux, le
visage prosterné à terre, priait en silence : comme Adelgunde, elle ne souffrit ensuite
d’aucune conséquence fâcheuse. Madame de P... fut rapidement enlevée par la maladie.
Augusta survécut, mais la mort eût été préférable à l’état où elle est restée. Elle qui était la
jeunesse même et la joie, elle est en proie à une folie qui me paraît pire que toutes celles qu’a
jamais provoquées une idée fixe. Elle s’imagine en effet être elle-même ce fantôme invisible
et impalpable qui tourmentait sa soeur ; aussi fuit-elle la compagnie de ses semblables, ou
du moins, lorsqu’elle n’est pas seule, évite-t-elle prudemment de parler ou de se mouvoir. A
peine ose-t-elle respirer, car elle est persuadée que si elle trahissait de quelque façon sa
présence, n’importe qui succomberait de frayeur. On lui ouvre la porte, on lui sert son repas,
elle entre et sort furtivement, mange de même, etc. Y a-t-il pire état ? Le colonel, désespéré,
rallia l’armée pour de nouvelles campagnes. Il est tombé dans la victorieuse bataille de W...
Ce qui est fort étrange, c’est que depuis cette fatale soirée Adelgunde soit délivrée de son
fantôme. Elle soigne fidèlement sa pauvre soeur, assistée par la vieille Française. A ce que
Sylvester m’a dit aujourd’hui même, l’oncle de ces malheureuses demoiselles est arrivé ici
pour consulter notre excellent R... sur le traitement que l’on pourrait peut-être appliquer à
Augusta. Fasse le ciel que son improbable guérison soit possible !

55
3.4.2 Les contes d’Edgar Allan Poe

92
Edgar Allan Poe est un poète, romancier, nouvelliste, critique littéraire et dramaturge
américain. Né à Boston le 19 Janvier1809.

Edgar Poe est le second enfant à naître, dans une fratrie de trois enfants. Sa sœur est
handicapée mentale et son frère mourra à 24 ans de tuberculose. Il perd ses parents à un an
d'intervalle de tuberculose, dans sa petite enfance (2 ans). Il est recueilli par John et Frances
Allan de Richmond, en Virginie, où il passe l’essentiel de ses jeunes années, si l’on excepte
un séjour en Angleterre et en Écosse, dans une aisance relative. Après un bref passage à
l’Université de Virginie et des tentatives de carrière militaire, Poe quitte les Allan.

C'est en 1827 qu'il compose ses premiers poèmes, tels "Al Aaraaf". A partir de 1829, il loge
chez sa tante, Mrs. Clemm. Jusqu'en 1833, il vit dans un grand dénuement. Puis, ayant obtenu
un prix, il gagne de la renommée et collabore à un journal de Richmond.

En 1835, il épouse sa cousine Virginia, alors âgée de treize ans, avec laquelle il s'installera
à New York en 1837 ainsi qu'avec Mrs. Clemm. Après l’échec de son roman "Les Aventures
d'Arthur Gordon Pym", Poe réalise son premier recueil d’histoires, les "Contes du Grotesque
et de l’Arabesque", en 1839. Etant donné qu'il est grand buveur, ses excès alcooliques
compromettent ses chances d'une vie matérielle indépendante.

En janvier 1845, Poe publie "Le Corbeau", qui connaît un succès immédiat. Un an après, il
s'installe, dans une misère extrême, à Fordham, près de New York. Virginia meurt
prématurément en 1847, à 24 ans. Incarcéré pour ivresse peu auparavant, il meurt d'une crise
de delirium tremens en 1849 à l'âge de 40 ans.

Auteur des "Histoires extraordinaires" et des "Nouvelles Histoires extraordinaires", il ne fait


pas exception au proverbe qui dit que nul n’est prophète en son pays, car il a d’abord été
reconnu et défendu par des auteurs français, Baudelaire, son traducteur, et Mallarmé en tête.
La critique contemporaine le situe parmi les plus remarquables écrivains de la littérature
américaine du XIXe siècle.

92
ANON., [sans date]. Edgar Allan Poe. In : Babelio [en ligne]. [Consulté le 27 septembre 2021]. Disponible à
l’adresse : https://www.babelio.com/auteur/Edgar-Allan-Poe/18407.

56
L'influence de Poe a été et demeure importante, aux États-Unis comme dans l'ensemble du
monde, non seulement sur la littérature, mais également sur d'autres domaines artistiques
tels le cinéma et la musique, ou encore dans des domaines scientifiques.

Il meurt le 07 octobre 1849. Une pierre commémorative se trouve à l'emplacement originel


de la tombe d'Edgar Poe au cimetière presbytérien de Baltimore.

Extrait « Le masque de la mort Rouge » 93d’Edgar Poe

Dans cette salle s'élevait, contre le mur de l'ouest, une gigantesque horloge d'ébène. Son
pendule se balançait avec un tic-tac sourd, lourd, monotone ; et quand l'aiguille des minutes
avait fait le circuit du cadran et que l'heure allait sonner, il s'élevait des poumons d'airain de
la machine un son d'une note si particulière et d'une énergie telle, que, d'heure en heure, les
musiciens de l'orchestre étaient contraints d'interrompre un instant leurs accords ; les
valseurs alors cessaient forcément leurs évolutions ; un trouble momentané courait dans
toute la joyeuse compagnie ; et les plus fous devenaient pâles.

Mais, quand l'écho s'était tout à fait évanoui, une légère hilarité circulait par toute l'assemblée
; les musiciens s'entre-regardaient et souriaient de leurs nerfs, et se juraient tout bas, les uns
aux autres, que la prochaine sonnerie ne produirait pas en eux la même émotion ; et puis,
après la fuite des soixante minutes, arrivait une nouvelle sonnerie de la fatale horloge et
c'était le même trouble, le même frisson, les mêmes rêveries.

3.4.3 Contes et nouvelles de Guy de Maupassant

Henry-René-Albert-Guy de Maupassant 94est un écrivain français. Né à Tourville-sur-Arques,


le 05 Août 1850

Il passe une enfance heureuse à Étretat, au bord du littoral normand et reçoit son instruction
d’un abbé et de sa mère, qui possède une vaste culture littéraire. Les parents de Guy
déménagent souvent. Il passe donc le reste de son temps entre le port et la campagne, où il
se lie avec les pêcheurs et les paysans des environs qui lui inspireront plus tard plusieurs
personnages.

93
POE, Edgar Allan, 2002. Le masque de la mort rouge : et autres nouvelles fantastiques. Paris, France
94
ANON., [sans date]. Guy de Maupassant (auteur de Bel-Ami) - Babelio. In : [en ligne].
[Consulté le 1 octobre 2021]. Disponible à l’adresse : https://www.babelio.com/auteur/Guy-de-
Maupassant/15613.

57
Il intègre le lycée de Rouen en 1868. Il commence à écrire ses premiers sonnets à l'âge de
13 ans.

A la sortie du lycée, Maupassant est mobilisé pour la guerre de 1870 contre la Prusse. Il sert
dans l’intendance à Rouen jusqu’à la débâcle de 1871.

Il travaille ensuite à Paris comme fonctionnaire au Ministère de la Marine pendant près de


dix ans, puis au Ministère de l’Instruction publique. Il se consacre pleinement à l’écriture en
1880. C'est cette même année qu'il reçoit la reconnaissance du public. Il est introduit dans
les milieux littéraires par Flaubert qui le considère comme son fils spirituel.

Dans les dernières années de sa vie, Maupassant est atteint de troubles nerveux dus à la
syphilis. Son aversion progressive pour la société, qui croît à mesure que sa paranoïa
augmente, le conduit à vivre reclus. Dépressif, physiquement diminué et sombrant peu à peu
dans la folie, il décède à Passy, le 06 Juillet 1893 à l’âge de 43 ans.

Guy de Maupassant a marqué la littérature française par ses six romans, dont "Une vie"
(1883), "Bel-Ami" (1885), "Pierre et Jean" (1887-1888, avec sa célèbre préface dans laquelle
il expose sa vision du roman naturaliste et critique le genre de l’étude psychologique), et
surtout par ses nouvelles (parfois intitulées contes) comme "Boule de suif", qui l'a fait
connaître, les "Contes de la bécasse" (1883) ou "Le Horla" (1887).

Ses œuvres retiennent l’attention par leur force réaliste, la présence importante du fantastique
et par le pessimisme qui s’en dégage le plus souvent, mais aussi par la maîtrise stylistique.

Extrait « La Main » 95 de Guy de Maupassant.

L'Anglais était mort étranglé ! Sa figure noire et gonflée, effrayante, semblait exprimer une
épouvante abominable ; il tenait entre ses dents serrées quelque chose ; et le cou, percé de
cinq trous qu'on aurait dits faits avec des pointes de fer, était couvert de sang. Un médecin
nous rejoignit. Il examina longtemps les traces des doigts dans la chair et prononça ces
étranges paroles : - On dirait qu'il a été étranglé par un squelette. Un frisson me passa dans
le dos, et je jetai les yeux sur le mur, à la place où j'avais vu jadis l'horrible main d'écorché.
Elle n'y était plus. La chaîne, brisée, pendait. Alors je me baissai vers le mort, et je trouvai

95
MAUPASSANT, Guy de, 2014. La main gauche. Paris, France : Groupe Ebooks Libres et Gratuits,.

58
dans sa bouche crispée un des doigts de cette main disparue, coupé ou plutôt scié par les
dents justes à la deuxième phalange. Puis on procéda aux constatations. On ne découvrit
rien. Aucune porte n'avait été forcée, aucune fenêtre, aucun meuble. Les deux chiens de
garde ne s'étaient pas réveillés.

59
Partie III : Mode d’évaluation et
exercices d’applications

60
1. Interrogations

Ecole Normale Supérieure - ENS - Ouargla


Département de français
..............................................................................................................................................................................
3ème + 4 ème année
Paliers : PEP 3+ PEM 4 + PES 4
Enseignant : Dr CHAIB Sami
Module : Littérature de jeunesse

Nom : ........................................................Prénom : ................................................... Palier :..........................

TD 2ème semestre
REALISATION DE LA TÂCHE : Rédiger des parties d’un récit
fantastique en respectant les caractéristiques du
genre
Tu es prêt à présent pour entrer dans la peau d’un auteur de récit fantastique !!!

« La chose »
(1)
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(2)…………………………………………………………………………………………
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(3) La chose était là, sous mon lit, vivante et dangereuse. Je me dis : « Surtout
ne bouge pas ! Il ne faut pas qu’elle sache que tu es réveillé. » Je la sentais gonfler,
s’enfler et étirer l’un après l’autre ses tentacules innombrables. Elle ouvrit la gueule, et
déploya ses antennes. C’était l’heure où elle guettait sa proie. Raide, les bras collés au
corps, je retenais ma respiration en pensant : « Il faut tenir cinq minutes. Dans cinq
minutes, elle s’assoupira et le danger sera passé, je dois rêver ! » Je comptais les
secondes dans ma tête, interminablement. A un moment, je crus sentir le lit bouger.
Qu’est-ce qui lui prend ? Que va-t-elle faire ?

(4) Je sursautai, le cœur battant et les mains moites


car…………………………………………
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(5) Et puis, la chose reprit sa forme naturelle après quelques minutes. Je sautai
sur le tapis, le plus loin possible. Et sous mon lit, je vis mes pantoufles, mes bonnes
vieilles pantoufles que je traînais aux pieds depuis près de deux ans. Elles me sont trop
petites, déjà, et percées en plusieurs endroits. J’étais vraiment déçu. Et un peu triste. Je
me suis dit : « Alors, on ne peut plus avoir confiance en rien ? Il faut se méfier de tout,
même des objets les plus familiers ? ». Je regardai longtemps mes pantoufles. Elles
semblaient parfaitement inoffensives, mais je ne fus pas dupe. Avec beaucoup de
précaution, je les enveloppai dans du papier journal et je ficelai soigneusement le paquet
que je jetai dans la chaudière. Je repartis me coucher sans même remarquer qu’une
épaisse fumée noire envahissait la buanderie….

Bernard FRIOT, Histoires pressées.

CONSIGNES : Lis cet extrait de récit dont il manque l’introduction (1), le


développement (2), et la peur face aux événements fantastiques (5). A toi de rédiger
ces parties manquantes !!!

62
2. Contrôle sur table

Ecole Normale Supérieure - ENS - Ouargla


Département de français
..............................................................................................................................................................................
3ème + 4 ème année
Paliers : PEP 3+ PEM 4
Enseignant : Dr CHAIB Sami
Module : Littérature de jeunesse

Nom : ........................................................Prénom : ................................................... Palier :..........................

Contrôle 2ème semestre


Première question
Racontez une anecdote personnelle qui pourrait illustrer l'une de ces moralités :
- « C'est ainsi qu'à vouloir tromper les autres, on risque d’être ridiculisé par plus malin que soi. »
- « La fable montre qu’il faut parfois se méfier de ceux qui se montrent trop gentils avec vous. »
- « La fable montre que c'est dans les épreuves que l'on reconnaît ses vrais amis. »
Méthode
. Vous rédigerez votre récit au passé simple de l'indicatif.
. Vous utiliserez des phrases simples et des phrases complexes.
. Vous pouvez raconter une expérience personnelle réellement vécue ou l'inventer.

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Deuxième question
Le conte fantastique est un récit qui raconte des évènements inexplicables et surnaturels qui
surviennent dans un univers habituel et familier et dont le but est de susciter
le trouble, l'inquiétude, la peur et l'angoisse chez le personnage principal (et chez le lecteur).

De cette petite présentation du conte fantastique ; imaginez en quelques lignes la scène de ce


tableau fantastique de Goya intitulé, en utilisant bien évidemment les thèmes, le vocabulaire,
l’élément spatio-temporel inhérents à ce genre littéraire.

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………………………………………………………………………………Bonne chance

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Ecole Normale Supérieure - ENS - Ouargla
Département de français
...........................................................................................................................................................
...................
4 ème année
Paliers : PEM 4 + PES 4
Enseignant : Dr CHAIB Sami
Module : Littérature de jeunesse

Nom : ........................................................Prénom : ...................................................


Palier :..........................

E.M.D 1er semestre


A l’aide de la boite à outils suivante imaginez un conte merveilleux.

LE HEROS : LES ADJUVANTS : LES OPPOSANTS : LES ACTIONS :


Un prince Une fée Un ogre Combattre
Une princesse Un génie Une sorcière Se métamorphoser
Un petit paysan Un lutin Un nain Un géant Résoudre une énigme
Un enfant rusé Un cheval rapide Un serpent Surmonter 3 épreuves
Une bergère Un vieil homme Un dragon Affronter une tempête
Une petite fille aveugle Un bel oiseau bleu Un loup Poursuivre des méchants
Un raton Un chat malin Une sorcière déguisée en fée Arrêter un mauvais sort
Un tout petit elfe Un magicien Des plantes carnivores Répondre à des questions
Un jeune chasseur Une sorcière repentie Un monstre marin Voyager

Critères de réussite
Veillez au respect :
- De la structure narrative du conte.
- De la concordance des temps spécifique au conte.
- Les caractéristiques et les lieux spécifiques du conte.

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...................................................................................................................................Bonne Chance.

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Ecole Normale Supérieure - ENS - Ouargla
Département de français
..............................................................................................................................................................................
4ème année
Paliers : PES 4
Enseignant : Dr CHAIB Sami
Module : Littérature de jeunesse

Nom : ........................................................Prénom : ................................................... Palier :..........................

Contrôle 2ème semestre


Question
Le conte fantastique est un récit qui raconte des évènements inexplicables et surnaturels qui
surviennent dans un univers habituel et familier et dont le but est de susciter
le trouble, l'inquiétude, la peur et l'angoisse chez le personnage principal (et chez le lecteur).

De cette petite présentation du conte fantastique ; rédigiez en quelques lignes un récit fantastique
(petit scénario pour un film) en se référant à ces trois scènes, en respectant bien évidemment la
structure, les thèmes, le vocabulaire, l’élément spatio-temporel inhérents à ce genre littéraire.

Scène 1 Scène 2 Scène 3

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………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………….. Bonne chance

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Ecole Normale Supérieure - ENS - Ouargla
Département de français
..............................................................................................................................................................................
3ème + 4 ème année
Paliers : PEP 3+ PEM 4 + PES 4
Enseignant : Dr CHAIB Sami
Module : Littérature de jeunesse

Nom : ........................................................Prénom : ................................................... Palier :..........................

Contrôle 1er semestre


Première question
Enumérez par vrai ou faux les assertions suivantes puis corrigez celles que
vous estimerez être fausses.

1) La littérature de jeunesse englobe des textes conçus uniquement pour les


enfants

2) Au Moyen Âge, la notion d’enfance existait déjà, ce qui explique la présence


d’œuvres spécifiques pour enfants.

3) Vers 1750, la boutique de John Halliday .attire à la sortie du service religieux


les enfants de la bourgeoisie Parisienne, qui y découvrent la La sénile
Library (la librairie de jeunesse) : romans imprimés sur un papier de qualité,
illustrés par des dessinateurs de talents

4) Le conte se réalise dans un univers avec un cadrage géographique spécifique


nommément connu.

5) le conte populaire ne peut se dissocier du groupe ethnique ou de la


communauté dans laquelle il s’inscrit.

Deuxième question
Enumérez brièvement les 3types de contes en les expliquant.
Troisième question
Mon conte soit beau et se déroule comme un long fil !

L’on raconte qu’aux temps anciens il était un pauvre vieux qui s’entêtait à vivre et à
attendre la mort tout seul dans sa maison. Il habitait en dehors du village. Et jamais il
n’entrait ni ne sortait, car il était paralysé. On lui avait trainé son lit près de la porte, et
cette porte s’ouvrait à l’aide d’un fil. Or ce vieux avait une petite fille, à peine au sortir de
d’enfance, qui lui apportait tous les jours son déjeuner et son dîner. Aïcha venait de l’autre
bout du village, envoyée par ses parents qui ne pouvaient eux-mêmes prendre soin du
vieillard.

La fillette, portant une galette et un plat de couscous, chantonnait à peine arrivée :

67
« Ouvre-moi la porte, ô mon père Inoubba, o mon père Inoubba ! »

Et le grand-père répondait :

-Fais sonner tes petits bracelets, o Aïcha ma fille !

La fillette heurtait l’un contre l’autre ses bracelets et il tirait la poignée de la porte à l’aide
d’un fil.. Aicha entrait, balayait la maison, serait le lit. Puis elle servait au vieillard son
repas, lui versait à boire. Après s’être longuement attardée près de lui, elle s’en retournait,
le laissant calme et sur le point de s’endormir. La petite fille racontait chaque jour à ses
parents comment elle avait veille sur son grand-père et ce qu’elle lui avait dit pour le
distraire. Son grand-père aimait beaucoup à la voir venir.

Mais un jour, l’Ogre aperçut l’enfant. Il la suivit en cachette jusqu’à la maison et l’entendit
chantonner :

« Ouvre moi la porte, ô mon père Inoubba, ô mon père Inoubba ! »

Il entendit le vieillard répondre :

-Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !

L’Ogre se dit ; « J’ai compris. Demain je reviendrai, je répèterai les mots de la petite fille, il
m’ouvrira et je le mangerai ! »

Le lendemain, peu avant que n’arrive la fillette, L’Ogre se présenta devant la maison et dit
de sa grosse voix:

» Ouvre moi la porte, ô mon père Inoubba, ô mon père Inoubba ! »

-Sauve-toi, maudit ! lui répondit le vieux. Crois-tu que je ne te reconnaisse pas ?

L’Ogre revint à plusieurs reprises mais le vieillard, chaque fois, devinait qui il était.

I ’ogre mangea du miel pour affiner sa voix.. Il s’entendit de longues heures au soleil. Le
quatrième jour, sa voix fut aussi fine, aussi claire que celle de la fillette. L’Ogre se rendit
alors chez le vieillard et chantonna devant sa masure :

« Ouvre moi la porte, ô mon père Inoubba, ô mon père Inoubba ! »

-Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille ! répondit l’aïeul.

L’Ogre s’était muni d’une chaine ; il la fit tinter. La porte s’ouvrit. L’Ogre entra et dévora le
pauvre vieux. Et puis il revêtit ses habits, prit sa place et attendit la petite fille pour la
dévorer aussi.

Elle vint, mais elle remarqua, dès qu’elle fut devant la maison, que du sang coulait sous la
porte. Elle se dit :

« Qu’est-il arrivé à mon grand-père ? ».

Elle verrouilla la porte de l’extérieur et chantonna

« Ouvre moi la porte, ô mon père Inoubba, ô mon père Inoubba ! »

L’Ogre répondit de sa voix fine et claire :

68
-Fais sonner tes petits bracelets, o Aicha ma fille !

La fillette qui ne reconnut pas dans cette voix celle de son grand-père, posa sur le chemin
la galette et le plat de couscous qu’elle tenait, et courut au village alerter ses parents.
L’Ogre a mangé mon grand-père, leur annonça-t-elle en pleurant. J’ai ferme sur lui la
porte. Et maintenant qu’allons-nous faire ?

Le père fit crier la nouvelle sur la place publique. Alors, chaque famille offrit un fagot et
des hommes accoururent de tous cotes pour porter ces fagots jusqu’à la maison et y
mettre le feu. L’ogre essaya vainement de fuir. Il pesa de toute sa force sur la porte qui
résista. C’est ainsi qu’il brûla.

L’année suivante, à l’endroit même où l’Ogre fut brûlé, un chêne s’élança. On l’appela le
« Chêne de l’Ogre ». Depuis, on le montre aux passants.

Conte Kabyle

1) Que sait-on : du lieu ? des personnages ? à quels temps sont conjuguez les
verbes, donnez des exemples ?
2) Donnez des antonymes aux termes suivants : verrouiller – fine – claire
3) Etablissez le schéma narratif et le schéma actantiel de ce conte

Bonne chance

69
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3ème + 4 ème année
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Module : Littérature de jeunesse

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E.M.D 2ème semestre

Imaginez l'aventure fantastique qu'a pu vivre le marquis de la Tour-Samuel.

Alors le vieux marquis de la Tour-Samuel, âgé de quatre-vingt-deux ans, se leva et vint s’appuyer à la
cheminée. Il dit de sa voix un peu tremblante :
- Moi aussi, je sais une chose étrange, tellement étrange, qu'elle a été l'obsession de ma vie. Voici maintenant
cinquante-six ans que cette aventure m'est arrivée, et il ne se passe pas un mois sans que je la revoie en rêve. Il
m'est demeuré de ce jour-là une marque, une empreinte de peur, me comprenez-vous ? Oui, j'ai subi l'horrible
épouvante, pendant dix minutes, d'une telle façon que depuis cette heure une sorte de terreur constante m'est restée
dans l'âme. Les bruits inattendus me font tressaillir jusqu'au cœur ; les objets que je distingue mal dans l’ombre du
soir me donnent une envie folle de me sauver. J'ai peur la nuit, enfin.

Guy de Maupassant, Apparition, 1883.


Critères de réussite :

▪ Rédiger le récit à la première personne et au passé simple.


▪ Exprimer l'hésitation du narrateur ; pour cela, employer des modalisateurs, des
verbes conjugués au conditionnel, des phrases interrogatives.
▪ Employer des mots du champ lexical de la peur et de ses manifestations physiques.
▪ Créer un cadre spatio-temporel propice au fantastique.

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Département de français
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3ème + 4 ème année
Paliers : PEP 3+ PEM 4 + PES 4
Enseignant : Dr CHAIB Sami
Module : Littérature de jeunesse

Nom : ........................................................Prénom : ................................................... Palier :..........................

Contrôle 1er semestre


Première question
Enumérez par vrai ou faux les assertions suivantes puis corrigez celles que
vous estimerez être fausses.

6) La littérature de jeunesse englobe des textes conçus uniquement pour les


enfants

7) Au Moyen Âge, la notion d’enfance existait déjà, ce qui explique la présence


d’œuvres spécifiques pour enfants.

8) Vers 1750, la boutique de John Halliday .attire à la sortie du service religieux


les enfants de la bourgeoisie Parisienne, qui y découvrent la La sénile
Library (la librairie de jeunesse) : romans imprimés sur un papier de qualité,
illustrés par des dessinateurs de talents

9) Le conte se réalise dans un univers avec un cadrage géographique spécifique


nommément connu.

10) le conte populaire ne peut se dissocier du groupe ethnique ou de la


communauté dans laquelle il s’inscrit.

Deuxième question
Enumérez brièvement les 3types de contes en les expliquant.
Troisième question
Dans les temps anciens, il y avait un puissant sultan du nom de Haroun El-Rachid. Il était le calife
de Baghdâd. Ce roi avait une femme de grande intelligence et de bon conseil. Un jour, elle insista
auprès de lui : « Mon roi, le pouvoir est capricieux et la vie pleine de surprises ! Apprends un métier
manuel. Les mains, on les emporte toujours avec soi. Un jour ou l’autre l’apprentissage d’un métier
révèlera son utilité ! ».
Le Calife accepta et choisit l’art du tissage et de la broderie. Il fit venir un grand maître tisserand-
brodeur et commença son apprentissage. Plus que le tissage des tapis, il aimait la broderie au fil
d’or.. Mais son érudition le poussait à la calligraphie pour décorer les couvertures des livres. Durant
sept longues années, il partagea son temps entre ses responsabilités et sa nouvelle passion pour la
broderie fine.
Mais Haroun El-Rachid était réputé pour son sens aigu de la justice et du bien public. Accompagné
de son vizir, il avait l’habitude de se déguiser en simple marchand et de se glisser au milieu de la

71
foule pour savoir de la vie de ses sujets. Un soir, pour une raison inconnue, il s’en fut seul à travers
de sombres ruelles. Il marchait quand, soudain, il tomba au fond d’un trou. C’était un piège préparé
par des bandits qui devinrent furieux de le trouver sans bourse et les poches vides. Il n’eut la vie
sauve qu’en leur faisant une juteuse promesse: « Je suis tisserand et jamais vous ne trouverez une
personne qui sache tisser et broder mieux que moi ».
C’est ainsi qu’il se retrouva esclave parmi les esclaves. De l’aube au crépuscule, il tissait des tapis
et exécutait de magnifiques broderies que le maître revendait à prix d’or.
Tandis que sa police le recherchait inlassablement dans tout le royaume, le roi réfléchissait à un
projet pour recouvrer sa liberté. Il attendait patiemment le moment propice. Un jour, alors que les
bandits exprimaient leurs satisfactions en soupesant les pièces d’or dans ses mains, le calife lui
proposa : « Apporte-moi une étoffe en velours noir et du fil d’or de belle facture ! Je te façonnerai
une somptueuse broderie, jamais vue de mémoire de commerçant. L’épouse du Calife t’en donnera
une fortune ». Aussitôt, on fit remettre à l’esclave le tissu et une bobine de fil d’or. Il ne fallait pas
perdre un instant. Le roi tisserand, maître de son art, tissa à l’aiguille une broderie en relief
représentant un oiseau posé sur un délicat épi de blé. Un véritable chef d’œuvre !
Le maître des esclaves se précipita au palais avec sa précieuse étoffe sous le bras. Il demanda
audience et fut reçu. Il déroula la magnifique pièce devant la sultane qui poussa un murmure de
ravissement : « Ho ! Cela ferait un somptueux vêtement de cérémonie ! ».
Mais à l’observation, un détail attira son attention. En effet, l’épi de blé sur lequel l’oiseau était posé
demeurait bien droit. Or le poids de l’oiseau aurait dû le faire pencher. Intriguée, elle regarda de plus
près. Elle sentit soudain son cœur bondir dans sa poitrine. Elle venait de reconnaître l’écriture de
l’aiguille de son mari. Ne laissant rien paraître de son émotion, elle poursuivit attentivement
l’observation des motifs. Méthodiquement. Jusqu’à y déceler le message secret calligraphié qu’elle
avait pressenti. Le roi indiquait l’endroit précis où il était détenu. Sur le champ, elle fit arrêter le maître
des esclaves et fit libérer le sultan.
C’est depuis cette époque que l’ont dit : « L’apprentissage d’un métier révèle toujours un jour ou
l’autre son utilité ! »

Conte Arabe

4) Une morale se trouve dans le texte. Expliquez-la.


5) Que sait-on : du lieu ? des personnages ? à quels temps sont conjuguez les
verbes, donnez des exemples ?
6) Etablissez le schéma narratif et le schéma actantiel de ce conte

Bonne chance

72
Conclusion.

Au terme de ce cours, aborder la littérature de jeunesse fut pour nous une expérience à la
fois complexe et passionnante. Complexe, dans la mesure où mener des recherches en dehors
de nos centres d’intérêt exige une maitrise du sujet abordé. Nous avons tenté dans la mesure
du possible d’initier nos jeunes étudiants et de les familiariser à cette littérature et de les
amener à appréhender ses fondements théoriques, de comprendre ses ramifications
génériques et de percevoir ses portées pratiques.

Passionnante, car en dépit des difficultés rencontrés, nous a permis d’apprécier la beauté et
la richesse de cette littérature qui s’adresse à un jeune public. Une littérature qui nous laisse
entrevoir tout un monde d’une jeunesse à la fois ambigu et polymorphe. Contes, légendes,
albums, bandes dessinées, comptines, romans autant de déclinaisons qui sont proposés à nos
jeunes enseignants afin d’éveiller leurs jeunes élèves, de nourrir leurs curiosités, et susciter
leurs interrogations.

Notre cours à permis d’investir de multiples champs et de les relier aussi paradoxalement
que cela puisse paraitre. Toutefois, nous restons persuadés que d’autres pistes de recherches
et de réflexions sont exploitables. C’est pourquoi, nous invitions nos chers étudiants à ouvrir
d’autres horizons de recherche afin de mieux cerner la littérature de jeunesse.

73
REFERENCES
BIBLIOGRAPHIQUES

74
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78
ANNEXES

79
ANNEXE 1

Jack et le Haricot Magique

Il était une fois une pauvre veuve et son fils Jacques qui avaient comme unique ressource le
lait de leur vache Blanchette qu'ils allaient vendre au marché. Mais un jour, Blanchette tomba
malade et ne donna plus de lait. La femme décida de vendre la vache au marché et elle
demanda à son fils de s'en charger. Mais, bien sûr, personne ne voulait acheter de vache qui
ne donnait plus de lait ! Jacques allait rentrer à la maison quand un vieillard s'approcha de
lui. Il lui proposa d'acheter Blanchette en échange d'une poignée de haricots: c'étaient des
haricots très spéciaux qui, d'après ce qu'il disait, étaient capables de pousser en une nuit et
d'être si hauts qu'ils toucheraient le ciel. Le jeune garçon n'arrivait pas à y croire: il lui donna
la vache et prit les haricots. Quand il raconta à sa mère la bonne affaire qu'il avait faite, elle
fut très, en colère. Elle prit les haricots et les jeta par la fenêtre et le pauvre Jacques dut aller
se coucher sans dîner. Le garçon fut réveillé par le soleil qui entrait par la fenêtre. Mais ses
rayons étaient plus faibles que d'habitude car ils avaient du mal à passer à travers le feuillage
très dense qui se trouvait, maintenant, devant la maison. Jacques se leva et regarda avec
curiosité à l'extérieur. Les haricots avaient bel et bien germé. En quelques heures, ils étaient
devenus des plantes immenses dont le haut atteignait le ciel. On n'en voyait même pas la fin.
Les feuilles et les troncs formaient un escalier très pratique.
Le garçon s'y aventura et il grimpa, et grimpa tant, qu'il se retrouva dans une grande allée
qui menait à un château. Il se dirigea sans la moindre peur vers le château, dans l'espoir de
trouver quelque chose à manger. Une géante lui ouvrit la porte et il lui demanda : - Chère
madame, vous n'auriez pas quelque chose à me donner pour mon repas ?
C'est toi qui vas servir de repas, lui dit-elle, si tu ne te sauves pas temps ! Mon mari va bientôt
rentrer, c'est un ogre et il adore les petits garçons tartinés sur du pain ! Mais la femme eut
pitié de lui et le fit entrer. Elle était en train de donner du pain et du lait quand l'ogre revint :
- Vite ! dit la femme, cache-toi bien dans le poêle et gare à toi s'il te trouve! L'ogre était
énorme et faisait très peur. Il regarda autour de lui et dit d'une voix très forte : - Hum, hum
ça sent la chair fraîche! Sa femme fit son possible pour le distraire. - Mais non, c'est
certainement l'odeur du pot-au-feu que je t'ai préparé, viens plutôt y goûter sans tarder !
L'ogre, rassuré, fit un repas très copieux. Puis, il se mit à compter des petits sacs pleins de
pièces d'or et s'endormit. Jacques sortit alors du poêle, prit un des sacs et se sauva en courant.
Grâce à ces pièces d'or, lui et sa mère vécurent sans problèmes pendant un certain temps.

80
Mais un jour, le petit sac fut vide et Jacques décida de retourner au château pour refaire des
provisions. La géante ne le reconnut pas et tout se passa comme la première fois. Quand
l'ogre arriva, le jeune garçon se cacha dans le poêle d'où il pouvait voir tout ce qui se passait
dans la pièce. L'ogre prit une poule et lui dit: - Fais-moi un oeuf ! et la poule pondit aussitôt
un oeuf en or massif! Quand l'ogre et sa femme se furent endormis, Jacques sortit de sa
cachette, prit la poule aux oeufs d'or et se sauva à toute vitesse. Grâce aux oeufs d'or que
donnait la poule, Jacques et sa mère ne manquèrent plus jamais de rien. Mais un jour, Jacques
eut encore envie de retourner dans ce château extraordinaire. - N'y va pas ! lui dit sa mère, il
t'arriverait malheur... Mais Jacques ne put s'empêcher de grimper encore une fois le long du
haricot magique. Arrivé dans le château, il décida de ne pas se montrer à la géante et il alla
directement se cacher dans un chaudron installé dans la cheminée. Quand l'ogre arriva, il
sentit une odeur bizarre. - Hum, hum, ça sent la chair fraîche ! dit-il. Il chercha partout mais
il ne lui vint pas à l'idée de regarder dans le chaudron. Il dîna puis il sortit une harpe d'or. -
Joue! lui ordonna-t-il. La harpe se mit à jouer d'elle-même une musique si douce et si belle
que l'ogre s'endormit sur-le-champ. Alors Jacques sortit sans faire de bruit du chaudron, prit
la harpe et s'enfuit en courant. Mais l'instrument qu'il avait entre les mains se mit à crier: -
Au secours, au secours, patron, on me vole ! L'ogre se leva et se lança à la poursuite du
garçon qui était déjà en train de descendre le long du haricot magique. L'ogre le suivit. Mais
à peine arrivé sur terre, Jacques courut chercher une hache chez lui. Et, s'y reprenant à
plusieurs fois, il réussit à couper le tronc du haricot fabuleux. L'ogre eut juste le temps de se
raccrocher à l'allée qui menait au château pour éviter de s'écraser sur le sol. Jacques, qui était
déjà très riche grâce à sa poule aux oeufs d'or, devint également célèbre grâce à sa harpe
magique. Tant et si bien qu'il put même épouser une princesse.
1. Que sait-on de :

a) Du lieu ? ____________________________________________________________________
b) Des personnages ?
_____________________________________________________________________
c) Observe tous les verbes du récit. A quel temps sont-ils conjugués ?
_____________________________________________________________________
d) A quelle époque se passe le récit ?
_____________________________________________________________________
e) Etablis le schéma narratif et le schéma actantiel

81
ANNEXE 2

Il était une fois un jeune berger qui gardait tous les moutons des habitants de son
village. Certains jours, la vie sur la colline était agréable et le temps passait vite. Mais
parfois, le jeune homme s’ennuyait.

Un jour qu’il s’ennuyait particulièrement, il grimpa sur la colline qui dominait le


village et il hurla : « Au loup ! Un loup dévore le troupeau ! »
A ces mots, les villageois bondirent hors de leurs maisons et grimpèrent sur la colline pour
chasser le loup. Mais ils ne trouvèrent que le jeune garçon qui riait comme un fou de son
bon tour. Ils rentrèrent chez eux très en colère, tandis que le berger retournait à ses moutons
en riant toujours.

Environ une semaine plus tard, le jeune homme qui s’ennuyait de nouveau grimpa
sur la colline et se remit à crier : « Au loup ! Un loup dévore le troupeau ! »
Une nouvelle fois, les villageois se précipitèrent pour le secourir. Mais point de loup, et rien
que le berger qui se moquait d’eux. Furieux de s’être fait avoir une deuxième fois, ils
redescendirent au village.
Le berger prit ainsi l’habitude de leur jouer régulièrement son tour… Et chaque fois, les
villageois bondissaient sur la colline pour trouver un berger qui riait comme un fou !

Enfin, un soir d’hiver, alors que le berger rassemblait son troupeau pour le ramener
à la bergerie, un vrai loup approcha des moutons…
Le berger eut grand peur. Ce loup semblait énorme, et lui n’avait que son bâton pour se
défendre… Il se précipita sur la colline et hurla : « Au loup ! Un loup dévore le troupeau ! »
Mais pas un villageois ne bougea… « Encore une vieille farce ! dirent-ils tous. S’il y a un
vrai loup, eh bien ! Qu’il mange ce menteur de berger ! »

Et c’est exactement ce que fit le loup !

82
ANNEXE 3

Les 3 Petits Cochons


Il était une fois 3 petits cochons. Le jour arriva pour eux de quitter la maison de leur
maman.
- « Au revoir mes chéris, construisez-vous une belle maison, mais prenez garde qu’elle
soit bien solide pour que le grand méchant loup ne puisse entrer vous manger. »
Les 3 petits cochons partirent tous dans une direction différente.
Le premier arriva sur un grand champ et se construisit une maison tout en paille.
Le deuxième partit en direction des bois et se construisit une maison tout en bois.
Le dernier décida de prendre son temps et se construisit une belle maison en briques.
Un fois leur ouvrage terminé, les deux premiers petits cochons rendirent visite à leur
grand frère et se moquèrent de lui :
- « Ah, ah, ah ! tu n’as toujours pas fini ta maison, la mienne est terminée depuis un
moment déjà ! Maintenant, je vais pourvoir m’amuser » cria le premier.
- « Ah ah oui moi aussi, tu devrais lâcher tes briques et venir jouer avec nous » gloussa le
deuxième.
- « Rira bien qui rira le dernier, le travail est toujours récompensé » répondit le troisième
petit cochon qui se remit aussitôt au travail.
Et pourtant ce dernier n’avait pas tort. Devinez qui observait les trois petits cochons en se
léchant les babines ? LE LOUP !
Il arriva chez le premier petit cochon et souffla sur sa maison en paille qui s’envola
aussitôt !
Il arriva chez le deuxième petit cochon, souffla un grand coup et la maison de bois
s’envola également !
Les deux cochons s’enfuirent et se réfugièrent chez leur grand frère.
Le loup s’approcha de la maison de brique, souffla, souffla, encore et encore….. Mais la
maison ne bougea pas.
- « Je ne vais pas me laissez faire ! dit le loup en colère. Je finirai bien par les manger ces
trois petits cochons, paroles de loup! Je sais ; je vais monter sur le toit et entrer par la
cheminée ! »
Quand le troisième petit cochon vit ce que le loup faisait, il plaça une marmite remplie
d’eau très chaude sur le feu ardent. Et juste au moment où le loup arriva, il ôta le
couvercle.
Plouf ! Le loup tomba dans l’eau bouillante.
Il se brûla et sortit très rapidement de la maison !
Les petits cochons décidèrent de s’installer tous les trois dans la maison de briques et ne
revirent jamais le loup !

83
ANNEXE 4

LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTES d'après Hans Christian


Andersen
Il faisait vraiment très, très froid ce jour là; il neigeait depuis le matin et maintenant il faisait
déjà sombre; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par
ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait pieds nus dans la rue. Lorsqu'elle était sortie
de chez elle ce matin, elle avait pourtant de vieilles chaussures, mais des chaussures
beaucoup trop grandes pour ses si petits pieds. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle courut pour
traverser devant une file de voitures ; les voitures passées, elle voulut les reprendre, mais un
méchant gamin s'enfuyait en emportant l'une d'elles en riant, et l'autre avait été entièrement
écrasée par le flot des voitures. Voilà pourquoi la malheureuse enfant n'avait plus rien pour
protéger ses pauvres petits petons. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes: elle en
tenait une boîte à la main pour essayer de la vendre. Mais, ce jour-là, comme c'était la veille
du nouvel an, tout le monde était affairé et par cet affreux temps, personne n'avait le temps
de s'arrêter et de considérer l'air suppliant de la petite fille. La journée finissait, et elle n'avait
pas encore vendu une seule boîte d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait
de rue en rue. Des flocons de neige couvraient maintenant sa longue chevelure. De toutes les
fenêtres brillaient des lumières et de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur
de volaille qu'on rôtissait pour le festin du soir. Après avoir une dernière fois offert en vain
son paquet d'allumettes, l'enfant aperçut une encoignure entre deux maisons. Elle s'y assit,
fatiguée de sa longue journée, et s'y blottit, tirant à elle ses petits pieds: mais elle grelotte et
frissonne encore plus qu'avant et cependant elle n'ose pas rentrer chez elle. Elle n'y
rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait. L'enfant avait ses petites
menottes toutes transies. "Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer
mes doigts?" C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était! Il sembla tout à coup à
la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, comme elle en avait aperçut
un jour. La petite fille allait étendre ses pieds vers ce poêle pour les réchauffer, lorsque la
petite flamme de l'allumette s'éteignit brusquement et le poêle disparut. L'enfant resta là,
tenant dans sa main glacée un petit morceau de bois à moitié brûlé. Elle frotta une seconde
allumette: la lueur se projetait sur le mur qui devint transparent. Derrière cette fenêtre
imaginaire, la table était mise: elle était couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle

84
brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie,
entourée de pommes sautées: et voilà que la bête se met en mouvement et, avec un couteau
et avec une fourchette, vient se présenter devant la pauvre petite affamée. Et puis plus rien:
la flamme de l'allumette s'éteint. L'enfant prend une troisième allumette, et elle se voit
transportée près d'un splendide arbre de Noël. Sur ses branches vertes, brillaient mille
bougies de couleurs: de tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite fille étendit la
main pour en saisir une: l'allumette s'éteint. L'arbre semble monter vers le ciel et ses bougies
deviennent des étoiles. Il y en a une qui se détache et qui redescend vers la terre, laissant une
traînée de feu. "Voilà quelqu'un qui va mourir" se dit la petite. Sa vieille grand-mère, la seule
personne qui l'avait aimée et chérie, et qui était morte tout récemment, lui avait raconté que
lorsqu'on voit une étoile qui file vers la terre cela voulait dire qu'une âme montait vers le
paradis. Elle frotta encore une allumette: une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se
tenait la vieille grand-mère. - Grand-mère, s'écria la petite, grandmère, emmène-moi. Oh! tu
vas aussi me quitter quand l'allumette sera éteinte: tu vas disparaître comme le poêle si
chaud, l'oie toute fumante et le splendide arbre de Noël. Reste, s'il te plaît! ... ou emporte-
moi avec toi. Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le
paquet, pour voir sa bonne grand-mère le plus longtemps possible. Alors la grandmère prit
la petite dans ses bras et elle la porta bien haut, en un lieu où il n'y avait plus ni froid, ni
faim, ni chagrin. Le lendemain matin, les passants trouvèrent sur le sol le corps de la petite
fille aux allumettes; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire : elle était morte de froid,
pendant la nuit qui avait apporté à tant d'autres des joies et des plaisirs. Elle tenait dans sa
petite main, toute raidie, les restes brûlés d'un paquet d'allumettes. - Quelle petit sotte! dit un
sans-cœur. Comment a-t-elle pu croire que cela la réchaufferait ? D'autres versèrent des
larmes sur l'enfant; mais ils ne savaient pas toutes les belles choses qu'elle avait vues pendant
la nuit du nouvel an, ils ignoraient que, si elle avait bien souffert, elle goûtait maintenant,
dans les bras de sa grand-mère, la plus douce félicité.

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ANNEXE 5

Il était une fois une vieille femme qui avait sept garçons et une fille unique, qu'on
appelait « Warda ». Ses frères l'adoraient et elle aussi les aimait beaucoup. Elle était si belle
avec une longue chevelure dorée et ses joues roses qu'elle provoqua une immense jalousie
chez ses belles-soeurs.
Un jour, elles décidèrent de se débarrasser de cette adorable créature. Elles
demandèrent conseil à une vieille sorcière qui leur rendait souvent visite. Elle réfléchit
longtemps, puis trouva une solution diabolique « Laissez-moi faire, dit-elle, dans quelques
jours, vous n'entendrez plus parler d'elle ». Elle revint le lendemain avec un oeuf de serpent
; quand elle se trouva avec toutes les belles-soeurs et Warda, elle dit : « Que celle qui aime
beaucoup ses frères avale cet oeuf d'un seul coup ». Alors Warda arrache l'oeuf de la main
de la sorcière et l'avale sans hésiter.
Après quelques semaines, le ventre de Warda se mit à gonfler (le serpent commençait
à s'y développer). Ce fut le désastre. Les sept frères remarquèrent le ventre de leur soeur. Ils
se demandaient comment une chose horrible pouvait arriver à leur soeur qui ne sortait jamais
et qui était très gentille. Les belles-soeurs profitèrent de l'occasion et commencèrent à
harceler leurs maris avec leurs médisances : « Votre soeur vous a trahis, elle vous a
déshonorés ; il ne faut pas qu'on la voie il faut vous débarasser d'elle. Elle a souillé votre
nom. Seul le sang peut laver cet affront, il vous faut la tuer, sans attendre ».
Ses frères étaient très peinés ; comme ils l'aimaient beaucoup, ils ne voulaient pas lui
faire du mal. Ils décidèrent de l'enterrer vivante. Ils creusèrent un grand trou et enterrèrent
Warda, mais sa superbe chevelure dorée resta sur la surface du sol, tellement elle était
longue. Quelques jours après, l'herbe commença à pousser en se mêlant aux cheveux de
Warda.
Un jour, un jeune chasseur, à dos de cheval passa par là. Il était très fatigué. Il s'arrêta
à cet endroit et décida de se reposer. Il s'assoupit à l'ombre d'un arbre, en laissant son cheval
brouter l'herbe. Mais en arrachant l'herbe, le cheval tirait les cheveux de Warda. De sa tombe,
elle gémissait : « Aïe, tu me fais mal, arrête de tirer les cheveux, tu me fais mal ! ».Elle criait
de plus en plus fort, et le jeune homme assoupi, pas loin, l'entendit. Il se précipita jusqu'à la
tombe et dit : « Qui es-tu femme ? Es-tu de ce monde ou de l'au-delà ? » Warda répliqua : «
Arrête de me tirer les cheveux, je suis de ce monde, fais-moi sortir de ce trou, de grâce, et je
te raconterai mon histoire ».

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L'homme aida Warda à sortir de sa tombe. Il l'emmena chez lui où elle lui raconta
son histoire. Il ne cessait de la regarder ; ébloui par tant de beauté. Pour la garder avec lui, il
lui proposa son aide. Il alla consulter un vieux sage en lui racontant toute l'histoire de Warda.
Celui-ci lui conseilla de donner à Warda de la nourriture très salée, mais en l'empêchant de
boire, ensuite de la suspendre à un mât avec la tête en bas. Le jeune homme retourna chez
lui et fit ce que lui conseilla le vieux sage. Il se mit en face de la jeune fille et attendit
patiemment. Alors le serpent ayant très soif après avoir ingurgité la nourriture salée, sortit
de la bouche de la jeune fille. Warda, soulagée, remercia le jeune homme qui était très épris
d'elle. Il lui proposa le mariage. Ils se marièrent et vécurent très heureux avec leur premier
né qu'elle avait surnommé comme l'un de ses sept frères.
Un jour, un chasseur passa près de chez elle. Elle le reconnut, c'était un de ses frères.
Elle le dit à son mari et lui demanda de l'inviter à manger. Ce fut chose faite et ce fut un vrai
festin. Quand la nuit commença à tomber, l'inconnu voulut partir, mais ses hôtes insistèrent
tellement qu'il resta passer la nuit. Pendant la veillée, le petit garçon demanda à sa mère de
lui raconter une histoire pour trouver le sommeil. Alors, elle commença à raconter son
histoire. Le frère resta abasourdi.
C'était l'histoire de sa soeur. Il regarda la femme et reconnut en elle sa soeur ; oui,
c'était bien Warda, Warda en chair et en os, Warda leur soeur chérie, Warda qu'ils croyaient
morte à jamais. Il l'étreignit avec beaucoup de joie et lui demanda de leur pardonner. Il lui
promit de se venger de la mauvaise femme qui avait tout tramé.
Il rentra chez lui très heureux et raconta l'événement à ses six frères. Ils se mirent
d'accord tous ensemble pour tendre un piège à la maudite sorcière. Ils creusèrent un énorme
trou où ils allumèrent un grand feu. Ils demandèrent à leurs femmes d'inviter la sorcière à la
maison. Quand elle fut devant eux, ils dirent : « Celle qui peut enjamber ce trou, sera
récompensée avec des louis d'or », alors la mauvaise sorcière, sans hésiter, essaya de sauter,
mais hélas, le trou était grand, elle tomba et se brûla complètement.
Les belles-soeurs furent punies par leurs maris, et Warda vécut très heureuse avec
son mari et son enfant.
Ses frères lui rendaient visite très souvent.

Warda,Conte recueilli par Ghezal Umm el-Kheir à Ksar Chellala (Algérie), traduit de
l'arabe pour La Mandragore© par Ali Benmesbah

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