Vous êtes sur la page 1sur 35

ECOLE SUPERIEURE DU PROFESSORAT ET DE L'EDUCATION

Diplôme Universitaire
DU Concevoir et animer des ateliers de philosophie
avec les enfants et les adolescents à l'école et dans la cité

L'utilisation du livre-album comme support pédagogique


permet-elle à des élèves de niveaux différents (dans une même
classe) d'enrichir le dialogue philosophique ?

Présenté par Lorena NAVARRO


Sous la direction de Edwige CHIROUTER
Août 2023

1
Remerciements

Merci,
Je tiens à remercier en première place, ma famille et mon conjoint pour tout leur
soutien inconditionnel.
Aux voisins et amis qui se sont occupés de mes enfants quand j'en avais besoin.
A ma famille chilienne qui est si loin et qui me manque tellement.
Bien sûr à l'école François Dolto, qui m'a donné l'espace pour réaliser les ateliers
Aux enfants de GS et de CE1 pour leur disponibilité et leur empathie quand parfois
je ne prononçais pas correctement un mot.

Lorena Navarro

2
Sommaire

Remerciements.....................................................................................................................................2
Sommaire..............................................................................................................................................3
Introduction..........................................................................................................................................4
I. Les ateliers des philosophies, la littérature jeunesse (livre-album), développement cognitif et la
réflexion en communauté.....................................................................................................................6
I.1. La place du la littérature (livre-album) comme support pédagogique dans les ateliers de
philosophie...........................................................................................................................................6
I.1.1. Le livre-album et ses caractéristiques.....................................................................................6
I.1.2. L'implication de la littérature jeunesse dans les ateliers de philosophie.................................8
I.1.3. Le développement cognitif des enfants de GS et CE1..........................................................11
I.1.4. Le dialogue philosophique, un espace d’enrichissement......................................................14
II. Analyse de l’expérimentation.....................................................................................................16
II.1. Présentation et contexte..............................................................................................................16
II.1.1. Présentation de l’école.........................................................................................................16
II.1.2. Présentation de la classe......................................................................................................17
II.1.3. Analyse des séances.............................................................................................................18
A) Séance de préparation......................................................................................................18
B) Séance : Quelles différences faites-vous entre être ami et être copain ?.........................20
C) Séance : L’amitié : Qu’est-ce qu’un ami ?.......................................................................23
D) Résumé de la séquence de la liberté.................................................................................26
E) Résumé de la séquence « C’est quoi la peur ? »..............................................................28
Conclusion..........................................................................................................................................30
Bibliographie......................................................................................................................................31
Annexe 1 : Dessins d’élèves...............................................................................................................32
Annexe 2 : Photos de quelques ateliers..............................................................................................33

3
Introduction

Depuis quelques décennies, la pratique de la philosophie avec les enfants s'est développée dans le
monde entier, et ceci grâce à l'un de ses initiateurs Matthew Lipman, (fondateur de la Philosophie
pour Enfants) qui est le premier à proposer une méthode de discussion philosophique.
Aujourd'hui, le développement de l'esprit critique dès le plus jeune âge, l'apprentissage coopératif
entre pairs et la nécessité de démocratiser l'enseignement de la philosophie prennent de plus en plus
d'importance dans les enjeux de l'éducation.
Au fil des années, diverses formes de pratiques se sont mises en place, comme l'alliance entre
littérature et philosophie.
La littérature jeunesse est sans aucun doute une grande contribution à la pratique pédagogique, c'est
une ressource qui aide les élèves non seulement à développer leur compréhension littérale, mais qui
permet également différentes alternatives dans le développement de la pensée. Edwige Chirouter,
titulaire de la première Chaire de l'UNESCO consacrée à la pratique de la philosophie avec les
enfants et référente principale sur le sujet, précise dans une de ses ouvrages « La littérature permet
d’explorer les possibles et d’apporter ainsi de la complexité à la réflexion » 1. Il m'a donc semblé
intéressant de proposer comme sujet la capacité des enfants à réfléchir en écoutant vraiment l'autre,
en étant capable de créer des réflexions communes, en utilisant la littérature comme support, en
valorisant la richesse que l'on peut trouver dans son contenu, comme le dit si bien Madame
Chirouter « la fiction littéraire ferait appel à nos émotions et la philosophie mobiliserait nos
capacités rationnelles » 2. D'un point de vue professionnel, la littérature et la philosophie constituent
une intéressante combinaison de compétences pour animer des ateliers avec des enfants.
Au cours de mon expérience d'enseignement, j'ai eu l'opportunité d'animer diverses activités autour
de la littérature jeunesse et principalement autour du livre album ; puisque j’avais collaboré avec
une association française travaillant sur le sujet. Puis, j'ai découvert la philosophie avec les enfants,
en réalisant des recherches sur internet, j'ai trouvé la formation proposée par l’université de Nantes.
Malgré ma récente arrivée en France, j'ai osé m'inscrire…sans aucun doute, un beau défi.

Le stage s’est déroulé dans une classe de GS/CE1. La classe est composée de 15 élèves de GS et de
9 élèves de CE1 : 13 filles et 11 garçons. Le groupe est animé par la professeure Delphine Jobard,

1
Chirouter, E. (2019). Les lumières de la fiction. La littérature pour apprendre à philosopher. Dans E. Chirouter & N.
Prince (dirs). Lumières de la fiction. Philosophie (avec les enfants) et littérature (de jeunesse) (pp. 33-42). Raison
Publique.
2
Chirouter E. (2019), La philosophie (avec les enfants) et la littérature (de jeunesse) pages 44.

4
l’assistante et l’AESH. Les caractéristiques de cette classe sont détaillées plus précisément dans la
partie concernant l’analyse de l’expérimentation.
La classe appartient à l’école primaire publique Françoise Dolto de la commune de Séné
(Morbihan), qui est composé de 8 classes dont les niveaux sont mélangés. Généralement, les écoles
avec un petit nombre d'élèves, ont tendance à conformer des classes avec des niveaux qui se
suivent, Dans ce cas, il s´agit de deux niveaux avec un développement cognitive-émotionnel plus
éloigné (GS et CE1).
Ainsi, j’aimerais savoir dans quelle mesure la littérature jeunesse peut contribuer à améliorer la
pratique de la philosophie ; en dialoguant dans une rencontre de pensées, à exercer les compétences
dans l’exercice du collectif.
Les enfants sont-ils capables de réfléchir à un thème proposé par la littérature, indépendamment de
la différence d'âge ? La différence d'âge des enfants peut-elle être un avantage lorsqu'ils
réfléchissent ensemble ? Peut-elle enrichir le dialogue et faire progresser les capacités de réflexion ?
Le temps estimé pour les ateliers permettra-t-il de répondre en partie à la question de ce mémoire ?
L'utilisation du livre-album comme support pédagogique permet-elle à des élèves de niveaux
différents (dans une même classe) d'enrichir le dialogue philosophique ?

Dans la première partie de mon plan, je commencerai par la partie théorique : La place de la
littérature jeunesse dans les ateliers de philosophie ; le développement cognitif des étudiants
concernés et le dialogue philosophique au sein des ateliers
Par la suite, dans une deuxième partie, je procéderai à une présentation et une analyse des actions
qui ont été menées dans la classe des élèves de GS et CE1 dans le cadre du stage.

5
I. Les ateliers des philosophies, la littérature jeunesse
(livre-album), développement cognitif et la réflexion en
communauté.

I.1. La place du la littérature (livre-album) comme support


pédagogique dans les ateliers de philosophie.

I.1.1. Le livre-album et ses caractéristiques

La littérature est l'une des expressions artistiques que l'homme a utilisées pour recréer les situations
qu'il imagine ou les expériences qu'il a vécues, en utilisant la langue écrite afin de la communiquer.
Il existe plusieurs types de littérature qui regroupent différents genres littéraires et les différents
publics de lecture. Dans la littérature jeunesse se trouve le genre du livre-album, c'est l'un des plus
remarquables de cette littérature. Il est né dans les années 60, de l'union de deux formes
d'expression artistique : l'écrit et l'illustration. Ce sont deux langages qui se rejoignent pour raconter
une histoire.
L'album jeunesse est une forme littéraire, caractérisée par un mode de narration basé sur l'utilisation
conjointe de l'image et du texte-histoire, comme le définit bien Sophie Van der Linden « l’album
serait une forme d’expression présentant une interaction de textes (qui peuvent être sous-jacents) et
d’images (spatialement prépondérantes) au sein d’un support, caractérisée par une organisation
libre de la double page, une diversité des réalisations matérielles et un enchaînement fluide et
cohérent de page en page » 3.Le livre-album parvient à échapper aux conventions littéraires, son
format, et surtout l'utilisation d'une grammaire visuelle, lui permettent d'accroître la complexité du
livre. Il présente une série de caractéristiques qui en font une ressource potentielle pour une
approche critique du développement de la pensée des enfants, puisque comme l'affirme Teresa
Duran 4 « le livre-album est hétérodoxe non seulement à cause de ce qu'il dit, mais aussi à cause de
comment et qui le dit, puisqu'un bon livre-album ne laisse jamais le lecteur indifférent ». C'est
précisément la bonne littérature qui provoque les émotions et les réflexions les plus profondes.
Au sein de l'univers du livre-album, on peut distinguer une richesse de contenus différents, par
exemple, l'un des livres vus avec les élèves impliqués dans ce mémoire, était le livre « Disparais ! »
de Michaël Escoffier et Matthieu Maudet, l’école des loisirs. La protagoniste de cette histoire

3
DER LINDEN, Sophie. Lire l’album. 2e édition. Le Puy-en-Velay, L’Atelier du Poisson Soluble, mars 2007. Pages et
espace du livre, p.87.
4
DURAN, T. Àlbums i altres lectures: anàlisi dels llibres per a infants. Barcelona: AMRS, 2007, p. 79
6
s’appelle Charlotte. Elle vit avec des parents qui ne sont pas vraiment ses parents, car elle vient
d'une autre planète. Dans cet endroit, il n'y a pas de règles, elle peut faire tout ce qu'elle veut.
Ses parents terrestres lui donnent de nombreux ordres qui lui paraissent absurdes : se laver, ranger,
faire ses devoirs. Charlotte prend alors la décision de se débarrasser de ses parents et pour atteindre
son objectif elle a besoin d'une boîte magique avec une baguette !
C'est un livre amusant avec une histoire à laquelle s’identifie beaucoup les enfants, puisqu'ils rêvent
de faire tout ce qu'ils veulent, surtout de défier ce que leurs parents leur imposent. Disparais ! invite
les élèves à réfléchir sur la liberté et les interdits.

Un autre livre travaillé est celui d'Anthony Browne « Marcel et Hugo » ; L'histoire commence avec
Marcel, un petit chimpanzé qui se sentait seul et sans amis. Les autres personnages, de gros gorilles,
le bousculaient et le croyaient inutile. Un jour, alors qu'il se promène dans le parc, Marcel entre en
collision avec Hugo, un très gros gorille. Hugo pensera-t-il la même chose que les autres ? Ce
personnage va-t-il changer l'histoire de Marcel ? C’est un album représentatif du monde des enfants,
plein d’émotions où l'image exprime ce que le texte ne dit pas forcément.

Ainsi de suite, on peut trouver différents albums qui sont de grands inducteurs de débats, ou qui
rassemblent un grand nombre de sujets pouvant être abordés dans des ateliers de philosophie avec
des enfants. Dans le même sens, M. Dervaux, nous dit « la lecture et l'étude d'albums permettent de
travailler, vivre, rêver, d'apprendre à comprendre le monde et ses lieux, les gens et leurs différences,
de partager des émotions » 5
.Les contenus des albums sont également d’une grande richesse. La
lecture d'un livre-album met la pensée de l'élève en constant mouvement, ce qui nécessite le
développement du raisonnement. L’enfant développe ainsi des compétences réflexives.

5
Dervaux, Monique, Des livres à fabriquer et à lire, Nathan Pédagogie, 1999 (p. 7 à 19)
7
I.1.2. L'implication de la littérature jeunesse dans les ateliers de philosophie

La littérature jeunesse permet d'imaginer des possibles, d'aller à la rencontre de mondes inconnus,
de découvrir de nouvelles manières de penser et d'agir, de simuler ce que l'on a envie d'être. Et cela,
pour les enfants qui apprennent à vivre, est une expérience d'ordre éthique. La littérature jeunesse et
sa grande richesse permet aux enfants de se détacher de leurs propres histoires, de pouvoir aborder
des thèmes tels que l'amour, la mort, l'amitié, la peur et la liberté, en prenant de la distance par
rapport à leurs propres expériences.
La lecture peut leur offrir l'opportunité d'affronter le présent et de se projeter dans l'avenir. J. Bruner
faisait référence à ce type d'expérience lorsqu'il affirmait que « la fonction de la littérature en tant
qu'art est de nous exposer à des dilemmes, à l'hypothétique, à la série de mondes possibles auxquels
un texte peut renvoyer » 6.Envisager la littérature dans cette perspective et ne pas l'abaisser au statut
d'instrument didactique ou doctrinal, permet de reconnaître une œuvre littéraire où le comportement
humain peut favoriser les émotions, les réflexions intimes et les dialogues avec autrui. Comme le
défend bien Martha Nussbaum, les textes littéraires, en tant que forme particulière d'écriture,
présentent un contenu éthique distinctif et controversé « Certaines œuvres littéraires ont contribué à
l'analyse de certaines questions importantes sur les êtres humains et la vie humaine » 7. De ce point
de vue, la littérature a une alliance importante avec la philosophie, surtout ce qu'elle implique, qui
est de pouvoir faire de la philosophie avec des enfants et des adolescents en utilisant la littérature
jeunesse comme support pédagogique. Dans ce long chemin de recherche et d'expérience, Madame
Chirouter a mis la littérature en pratique pour entrer dans le processus de pensée.
Selon Mme. Chirouter, il y a trois conclusions principales à tirer de la manière dont la littérature
peut aider les enfants à philosopher « La littérature permet d’explorer les possibles et apporter ainsi
de la complexité à la réflexion », « Les références littéraires aident à maintenir les exigences de
pensée », « La littérature instaure une « bonne distance » entre l’expérience personnelle et le
concept » 8.De ces affirmations on comprend qu'il est impossible pour l'être humain de connaître
tous les mondes possibles et encore plus quand on est enfant et qu'on n'a pas assez d'expériences du
monde extérieur autre que celui de sa famille et de ses proches, c'est là que la littérature nous donne
cette variété de mondes possibles.

6
Bruner, J. (1987) Realidad mental y mundos posibles Barcelona: Gedisa
7
Nussbaum, M. C. (2005). El conocimiento del amor. Ensayos sobre filosofía y literatura. Madrid: Antonio Machado
Libros,p.25.
8
Chirouter, E. (2019). Les lumières de la fiction. La littérature pour apprendre à philosopher. Dans E. Chirouter & N.
Prince (dirs). Lumières de la fiction. Philosophie (avec les enfants) et littérature (de jeunesse) (pp. 33-42). Raison
Publique.
8
En même temps, pour maintenir les exigences de la pensée, il importe de construire une pensée
critique, lucide et rigoureuse, comme le propose Michel Tozzi, philosophe et didacticien de la
philosophie, dans les travaux qu'il a réalisés, il propose trois critères qui permettent de progresser
dans la réflexion philosophique : L'argumentation qui consiste essentiellement à expliquer la raison
de ce qu'il dit, la problématisation en soulevant la complexité d'une question ou d'un énoncé et la
conceptualisation qui tente de définir un concept 9.
D'autre part, suivant l'idée de Mme. Chirouter, la « bonne distance » permet d'analyser des œuvres
littéraires sans implication personnelle et d'universaliser les thèmes les plus complexes et les plus
sensibles pour les enfants.10 Pourtant, lorsque les enfants écoutent ou lisent une histoire, ils se
sentent identifiés aux personnages, c'est une activité mentale qui privilégie le plan réflexif et
émotionnel, comme le dit si bien Paul Ricoeur « Expériences de pensée que nous faisons dans le
grand laboratoire de l’imagination »11. Dans cet espace où les enfants peuvent s'écouter et vivre une
expérience imaginaire et réflexive, les émotions sont également impliquées en même temps tel que
ressentir de l'empathie pour les personnages ou interpréter leurs désirs et leurs sentiments. Ceci est
bien exprimé dans le livre « Emotions démocratiques » de Martha Nussbaum, philosophe
américaine, concernant « l’imagination narrative » : « J’entends par là, explique-t-elle, la capacité à
imaginer l’effet que cela fait d’être à la place de l’autre, à interpréter intelligemment l’histoire de
cette personne, à comprendre les émotions, les souhaits et les désirs qu’elle peut avoir. » 12
. Car,
explique-t-elle : « apprendre à voir un autre être humain non pas comme une chose mais comme
une personne ne va pas de soi : cela s’apprend et se construit ».
D'après les recherches et informations qui ont été menées sur l'importance de la littérature jeunesse
et les apports dans tous les domaines qu'elle peut avoir, on peut dire que sa médiation est un
excellent inducteur de réflexion philosophique, comme le conclut Mme Chirouter « On ne peut pas
affirmer que la littérature permet aux enfants de mieux philosopher, mais elle est un support
particulièrement pertinent pour le développement de la pensée réflexive »13.

9
-Tozzi M. et al, L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, CRDP Montpellier-CNDP-Hachette, 2001.
10
Chirouter, E. (2019). Les lumières de la fiction. La littérature pour apprendre à philosopher. Dans E. Chirouter & N.
Prince (dirs). P.40
11
RICOEUR, Paul. Soi-même comme un autre. Seuil, 1990. (L’ordre philosophique). p.194.
12
M. Nussbaum, (2011) Les Emotions démocratiques, Paris, Climats p.122
13
Chirouter, E. (2019). Les lumières de la fiction. La littérature pour apprendre à philosopher. Dans E. Chirouter & N.
Prince (dirs). P.41
9
Le rôle de la littérature de jeunesse dans les ateliers de philosophie
La philosophie nous permet de mieux comprendre le monde et ainsi de contribuer également aux
questions existentielles que nous nous posons en tant qu'êtres humains. Les enfants, dès leur plus
jeune âge, commencent déjà à se poser ce type de questions ; si intime mais universelle à la fois.
Dans cette approche de l'enfant vers la philosophie, où la littérature jeunesse aide d'une certaine ma-
nière à mieux comprendre le monde, et à trouver ses propres réponses.
Paul Ricoeur est un philosophe français qui a rapproché la littérature de la philosophie. Il a dévelop-
pé l'idée de la littérature comme expérience de pensée : « Les expériences de pensée que nous
conduisons dans le grand laboratoire de l’imaginaire sont aussi des explorations menées dans le
royaume du bien et du mal » 14. Ceci montre clairement que l’imaginaire n’est pas seulement mené
de manière éthique mais s’approche plutôt d’un plan métaphysique.
Madame Chirouter nous dit : « La fiction littéraire n’est donc pas seulement de l’ordre de l’imagi-
naire ; mais elle dispose aussi d’une « fonction référentielle » qui dévoile des dimensions insoup-
çonnées de la réalité. C’est cette fonction qui permet de donner du contenu et de la profondeur aux
ateliers de philosophie à l’école primaire »15. Ces dimensions sont ce que l’on cherche à retrouver
dans la littérature jeunesse ; heureusement, il existe aujourd’hui un grand nombre d’auteurs et d’ou-
vrages qui proposent une vision philosophique où l’on peut aborder différents thèmes existentia-
listes.
Les enfants se posent des questions métaphysiques et la littérature jeunesse pourrait les aider à ré-
fléchir par eux-mêmes.
Bruno Bettelheim est un pédagogue et psychothérapeute américain. Il a écrit le livre « Psychana-
lyse des contes de fées ». Ses histoires peuvent sensibiliser les enfants aux difficultés, à approfondir
la vie et à proposer des solutions tout en stimulant l’imagination.
Pour Edwige Chirouter : « La publication et le succès de Psychanalyse des contes de fées marquent
certainement un tournant décisif dans la reconnaissance du rôle que peut jouer la littérature dans le
développement affectif et intellectuel de l’enfant » 16
Lorsqu'elle aborde dans les ateliers différents textes littéraires ayant un apport philosophique, Ed-
wige Chirouter ne se réfère pas seulement à la compréhension du texte mais plutôt à l'interpréta-
tion : « Parce que l’on va d’abord s’intéresser à ce que me dit le texte, à ce qu’il peut m’apporter,

14
Ricoeur, P. Soi-même comme un autre, Paris, Seuil ; coll « Essai »,1990 p.194

15
Chirouter, E. Aborder la philosophie en classe à partir d'albums de jeunesse page 22
16
Chirouter, E. Aborder la philosophie en classe à partir d'albums de jeunesse page 29
10
l’enseignant va devoir pointer les zones d’ombre, les questions, les mystères, qui traversent l’œuvre
»17. Il s’agit pour l’élève de saisir cette dimension réflexive de la littérature.

17
Chirouter, E. (2010), « Philosopher avec enfants… grâce à la littérature de jeunesse à l'école, en segpa et ailleurs…
», La lettre de l'enfance et de l'adolescence, 2010/2-3 (n° 80-81), pp. 115-122.
11
I.1.3. Le développement cognitif des enfants de GS et CE1

Dans le groupe où j'ai fait mon stage de DU, j'ai trouvé une classe où il y avait des élèves qui étaient
dans deux niveaux différents (GS et CE1) c'est-à-dire une partie en maternelle et l'autre en primaire,
ce qui me provoquait des interrogations et de possibles difficultés.
Comment puis-je animer un même atelier de philosophie pour deux niveaux différents ? C'était une
des premières questions, alors j'ai concentré ma pratique sur la recherche de supports intéressants
pour les deux niveaux, dans lesquels ils pouvaient interagir.
Pour mieux comprendre les niveaux auxquels se situe mon groupe d'étude, je commencerai par une
définition de ce que signifie le développement cognitif, puis ce que disent différentes théories sur le
sujet.
Quand on parle de développement cognitif, on fait référence à l'acquisition d'habiletés, selon la
source d’information, Naître et grandir (fiable et validée scientifiquement) : « Le développement
cognitif désigne l’acquisition de capacités comme la mémoire, l’attention, le raisonnement et la
planification. C’est ce qui permet à l’enfant de gérer ses émotions, ses pensées et ses
comportements, en plus de l’aider à emmagasiner des connaissances, à résoudre des problèmes, à
exercer son jugement et à comprendre le monde qui l’entoure. Le développement cognitif comprend
aussi le développement du langage, c’est-à-dire la capacité d’un enfant à communiquer, à
comprendre ce qui lui est dit et à s’exprimer verbalement » 18.Mais plus spécifiquement, quel est
l'objectif de l'éducation cognitive ? Les objectifs de l'éducation cognitive sont d'éduquer les
structures du savoir, de développer les fonctions intellectuelles, d'apprendre à apprendre et
d'apprendre à penser.
Les principales sources théoriques de l'éducation cognitive sont donc légitimement Piaget pour la
construction active de l'intelligence, Vygotski et Bruner pour la médiation sociale des
apprentissages et du développement.
Aujourd'hui avec l'évolution de la psychologie cognitive et des neuroscience (les neurosciences
permettent de comprendre le fonctionnement cognitif du cerveau), les stades du développement de
l’enfant selon Jean Piaget ne peuvent se réduire à le catégoriser de manière aussi fermée, puisque le
développement cognitif de l’être humain est bien plus complexe et dynamique.
La nouvelle psychologie de l’enfant remet en cause ce « modèle de l’escalier » (Piaget) ou, pour le
moins, indique qu’il n’est pas le seul possible.
Olivier Houdé est un enseignant-chercheur et psychologue français. Professeur de psychologie du
développement à l'Université de Paris a été le pionnier en France de l’exploration du
18
https://naitreetgrandir.com/fr/etape/3-5-ans/developpement/4-5-ans/fiche.aspx?doc=ik-naitre-grandir-enfant-4-5-ans-
intellectuel.
12
développement cognitif de l’enfant au moyen de l’imagerie cérébrale ;« Penser par soi-même
nécessite de lutter contre ses propres automatismes mentaux. Notre cerveau contient des neurones
dotés de cette capacité. En les entraînant régulièrement, nous progressons vers une pensée plus
dynamique et robuste. »19
Depuis la dernière décennie du 20e siècle, les progrès des neurosciences était spectaculaire. La
recherche sur le cerveau comportement, les connexions disponibles dans l’organisation
fonctionnelle du cerveau et les processus mentaux sont la révolution et la conception que nous
avons de nous-mêmes.
D'un autre point de vue, nous nous retrouvons avec Lev Vygotsky, penseur qui a introduit la notion
du développement intellectuel de l'enfant comme une fonction des groupes humains plutôt que
comme un processus individuel : « Dans une vision socio-constructiviste, dépasse les structures et
place l'enfant dans un moment et un espace social spécifiques où se produit son développement. En
ce sens, le langage commence par être social ; et bien qu'ils diffèrent ensuite par leur fonction
(langage égocentrique et socialisé), ils visent toujours la communication et le contact social »20.
Pour cet auteur, le langage a un développement spécifique qui trouve ses propres racines dans la
communication pré-linguistique et qui ne dépend pas nécessairement du développement cognitif,
mais plutôt de l'interaction avec son environnement.
Cependant, des recherches ultérieures ont montré que l'individu ne peut donc pas être identifié
globalement à un seul stade de développement cognitif qui structurerait complètement sa façon de
penser et d'agir, quelles que soient les situations de la vie quotidienne.
L'éducation cognitive est un domaine en devenir où la recherche et la pratique sont indispensables
pour qu'elle continue d'être un lieu privilégié pour les nouvelles pédagogies.
Le développement du langage, est un des aspects qui compte pour nous lors de la conduite des
ateliers de philosophie avec les enfants. Comme nous l'avons vu précédemment, la théorie socio-
constructiviste s'inscrit dans le cadre du dialogue philosophique, puisqu'elle pointe vers une écoute
collective, où différents points de vue sont partagés, et où l'empathie avec l'autre s'accomplit,
comme le note Johanna Hawken. : « c’est de cette facette de l’intellect enfantin – ouvert sur
l’extériorité et l’altérité – dont témoignent les discussions philosophiques. Nous nous positionnons
en contrepoint de l’enfermement egocentrique et misons, dès l’âge de cinq ans, sur le déploiement
collectif de la pensée socialisée au travers du dialogue philosophique. Et de facto, lorsque les
enfants se placent en situation d’écoute véritable, lorsqu’ils sont prêts à accueillir pleinement l’idée

19
Houdé, O. Dossier Les neurones de la pensée libre. Cerveau & Psycho – n°72 novembre - décembre 2015
20
Vigotsky, L. (1934). Pensamiento y lenguaje. Buenos Aires, Fausto, 1998
13
d’autrui et à tenter de l’embrasser pour ce qu’elle est, on peut penser qu’ils font preuve d’empathie
intellectuelle : ils se sont mis à penser avec l’autre ». 21
Enfin, c'est dans la pratique et le développement des ateliers de philosophie avec les enfants que l'on
peut voir si toutes ces recherches des experts et aussi leurs pratiques ont pu démontrer que les
enfants sont capables d'empathie et de dialoguer philosophiquement compte tenu de la différence d
´âge. Dans le cadre de ce stage, bien que les âges soient différents, cette différence d’âge (environ 2
ans) n’est pas si importante.
Nous savons bien que toutes les expériences d'ateliers philosophiques avec des enfants sont
différentes, elles dépendent de nombreux facteurs et peut-être même plus que la différence d'âge des
enfants, l'un des points les plus importants (à mon avis) est l'expérience, la pertinence et la
connaissance de l'animateur dans la préparation des ateliers en prenant en compte tous les aspects
au moment de sa réalisation.

21
Johanna Hawken, « La discussion philosophique avec les enfants : Une dispositif communicationnel égalitaire
comme pratique éducative de l’ouverture d’esprit. », Éducation et socialisation [En ligne], 53/2019.
14
I.1.4. Le dialogue philosophique, un espace d’enrichissement
Au cours des ateliers, je me suis interrogé sur l'idée de savoir si la littérature était un bon
moyen pour enrichir ce dialogue philosophique, étant donné qu'au sein du groupe ils avaient des
âges différents, cela me causerait-il un inconvénient ou plutôt un avantage ? Cependant, il y a
certaines nuances, je pense que c'est plutôt l'occasion d'enrichir le dialogue philosophique. Mais en
quoi consiste le dialogue philosophique ? Est-ce que sa réalisation nécessite certaines conditions ?
Johanna Hawken, docteur en philosophie, nous parle du dialogue philosophique : « Le dialogue
philosophique prend sa source dans la pluralité des idées et vit grâce au déploiement subtil et
approfondi de ces divergences »22.
Dans cette perspective, le dialogue entre enfants dans les ateliers de philosophie devient un espace
où ils peuvent s'exprimer en faisant connaître leurs idées, et qui dans la diversité qui peut exister
entre eux, enrichit cette pluralité, c'est-à-dire qu'ils peuvent donner leur avis au sein d´un même
espace, où ils seront entendus et valorisés.
Cette pluralité d'idées chez les enfants d'âges différents peut être encore plus évidente, puisqu'ils
sont dans des tranches d'âge différentes. Par conséquent, une thématique d'amitié, de peur ou
d'amour, par exemple, fera émerger une diversité d'idées et trouvera des divergences. De plus, la
littérature comme support peut aider à cette rencontre d'idées autour d'une même histoire. Comme le
dit M. Nussman dans son livre « Emotions démocratiques » : « Les comptines et les histoires sont
ainsi une préparation essentielle pour l’attention véritable aux autres » 23.
Cet espace accueillant où les idées se confrontent dans un dialogue calme et respectueux est ce que
H.Arendt appelle une « oasis » 24 : des lieux de vie pour la réflexion.
C'est dans les ateliers de philosophie avec les enfants que l'on tente de construire cette « oasis » où
s'ouvre un espace à la rencontre de l'autre, dans le respect des différences.
Madame Hawken le définit comme : « L’oasis est un espace au sein duquel les différences sociales,
politiques, éthiques, esthétiques, individuelles et affectives peuvent exister dans la lumière » 25.
Dans cette « Oasis » où la littérature est présente, elle serait un outil approprié et incitatif pour
cultiver les caractéristiques du dialogue philosophique au sein de ce que M. Lipman défini comme «
communauté de recherche » : « Une communauté de recherches philosophiques cherche à éduquer
les enfants à un modèle où les difficultés sont affrontées ensemble, dans un esprit de coopération et
où la diversité des avis doit être cultivée comme une richesse précieuse » 26.

22
HAWKEN,J.. 1... 2... 3... Pensez ! Philosophons les enfants ! Chronique Sociale,2019 p148
23
M. Nussbaum, (2011) Les Emotions démocratiques, Paris, Climats p.126
24
H,Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, seuil 1993,2001.p.153.
25
HAWKEN,J.. 1... 2... 3... Pensez ! Philosophons les enfants ! Chronique Sociale,2019 p149
26
LIPMAN Matthew, À l’école de la pensée. Bruxelles,éd.DeBoeck,1996
15
Pour en revenir à la littérature et à la richesse que l'on peut trouver dans le dialogue philosophique,
on voit chez les enfants que lorsqu'ils trouvent dans la littérature différents éléments qui sont liés à
leur vécu et qui, de ce fait, perturbent et mobilisent leur intérieur, ils établissent un dialogue direct
entre eux et le texte qu'ils lisent ; c'est-à-dire qu'ils établissent une relation, un échange d'idées,
d'émotions, d'intérêts, de sentiments. En quelques mots, une relation intersubjective s'établit ainsi
entre l'enfant et l'œuvre.
Selon J. Hawken, « Le dialogue philosophique se définit par le travail intersubjectif produit pour la
rencontre entre les enfants : les esprits s’ouvrent, les idées circulent, si bien que les barrières entre
subjectivités se déconstruisent. » 27.
Ainsi, dans ce dialogue philosophique de rencontres et d'intersubjectivités qu'ils partagent avec la
littérature, il ressort clairement que les livres peuvent toujours être un bon support pour philosopher.

27
HAWKEN,J.. 1... 2... 3... Pensez ! Philosophons les enfants ! Chronique Sociale,2019 p150
16
II. Analyse de l’expérimentation

II.1. Présentation et contexte

II.1.1. Présentation de l’école


La pratique des ateliers a été réalisée dans la commune de Séné (Morbihan, Bretagne) dans l'École
primaire publique Françoise Dolto. Cet établissement public qui accueille 122 élèves fait partie de
la circonscription d'inspection du 1er degré du Golfe - Questembert et de l'académie de Rennes.

Le groupe scolaire Françoise Dolto de Séné dispose de deux espaces : une école maternelle et une
école élémentaire avec 8 classes en total.

Espace de l´école maternelle : 3 salles de classe, une salle pour la motricité, une bibliothèque, une
cour "vue sur mer " (bac à sable, cabane, toboggan, jardin arboré, potager ...), un préau et une can-
tine.

Espace de l´école élémentaire : 6 salles de classe, une salle « arts plastiques », deux espaces de bi-
bliothèque, une cour (terrain de basket, de foot, parcours de billes, potager...) et 2 préaux.

A proximité de l'école : la médiathèque Grain de Sel, la salle des associations et le gymnase Le Derf
(20 minutes à pied par le sentier côtier).

L'indicateur de position sociale (IPS)28 permet d'analyser le niveau d'attractivité local de


l'établissement au regard des catégories sociales des parents d'élèves, leurs diplômes, pratiques
culturelles, les conditions matérielles, le capital culturel et l’implication des parents dans la
scolarité. L'école primaire publique Françoise Dolto a un IPS moyen de 112.90 (158 étant le chiffre
le plus élevé). C'est une école d'excellence.
Le public socio-culturel de cette école est plutôt mixte, le climat scolaire est serein et les conflits
graves entre élèves sont rares.

28
https://www.123ecoles.com/ecole-primaire-publique-francoise-dolto-de-sene-56
17
II.1.2. Présentation de la classe

La classe est composée de 15 élèves de GS et de 9 élèves de CE1 : 13 filles et 11 garçons. Le


groupe est animé par la professeure Delphine Jobard, l’assistante et une AESH qui s'occupe d'une
jeune fille en difficulté de langage.
Cette classe a les caractéristiques d'avoir un niveau très hétérogène parmi les élèves, considérant
que nous avons deux niveaux dans la même classe. Chaque classe fonctionne de manière
indépendante, sauf pour les activités manuelles et les ateliers de philosophie.
Le climat de classe est bon, les élèves ont l'habitude de vivre ensemble, cependant le fait qu'ils ne
partagent pas les mêmes matières et contenus crée clairement une distance entre eux.
Aussi les élèves de GS ont une certaine tendance aux bavardages, aux prises de parole
intempestives, et aussi la difficulté à suivre les règles de la salle de classe comme pour exemple :
lever la main pour demander la parole, écouter attentivement, concentration, autonomie quand ils
travaillent en groupe.
Les élèves de CE1, plus âgés (environ 2 ans de plus) et plus sérieux dans leurs activités respectent
les règles de la classe de manière plus naturelle, en plus du fait qu'en général ils sont assez
coopératifs et participatifs.

18
II.1.3. Analyse des séances

Atelier philosophique avec des élèves de GS et CE1 de l’école François Dolto.


Emploi de temps : Mardi et Jeudi / Horaire : 11h30 à 12h10 (40 minutes environ)

A) Séance de préparation

La première séance s´est déroulée le mardi 01/03/2022. Lors de ce premier moment, je commence
par me présenter et puis leur explique en quoi consiste les ateliers que nous allons réaliser
ensemble.
Pour chaque atelier, j'ai toujours suivi le rituel de la bougie, les images de Socrate et de Confucius
(écouter deux fois avant de parler), bâton de la parole, symbole de la philosophie, le tout dans le but
de faire la différence avec les autres activités.
Dans le premier atelier, je présente Socrate (à l'aide d'une marionnette en papier), j'explique ce qu
´est la philosophie et la question philosophique, en m’appuyant sur la vidéo « 1 jour 1 question ».
Ensuite, nous avons défini ensemble les règles de l'atelier et son importance.
Enfin, chacun, selon ce qui a été discuté, élabore une question philosophique, certains élèves ont
dessiné et d'autres ont écrit leurs questions. Puis, ils ont présenté leur question en expliquant
pourquoi elle était importante pour eux. (Outil pédagogique : « Pourquoi…Pourquoi…
Pourquoi… ? » Dans l'outil chaque enfant écrit, explique et illustre la question philosophique qui
est la plus importante pour lui. Ensuite il présente la question au groupe et finalement démontre son
importance pour tous les humains. Johanna Hawken dans le livre 1...2…3…Pensez ! Philosophons
les enfants !)
Ainsi, je pense que ce premier atelier était assez complexe pour les enfants, puisque la proposition
d'expliquer une question philosophique n'était pas tout à fait simple. Les élèves de CE1 ont eu plus
de facilité à répondre.
A la fin de la vidéo qui explique brièvement ce qu'est la philosophie, et au moment de la commenter
en groupe, j'interviens et demande : « Qu'est-ce que la philosophie ? »
Les réponses sont les suivantes :
- « La philosophie est comme une machine dans la tête qui pense, pense et pense »,
- « En philosophie, il n'y a ni bonnes ni mauvaises réponses. »
- « C'est quand on se pose beaucoup de questions. »
Pour les petits en GS, ce n'était pas encore très clair pour eux, mais au moment de dessiner leurs
questions philosophiques, ils se dirigeaient clairement plus vers les émotions.

19
Ensuite, chaque élève de CE1 a élaboré une question philosophique et a expliqué pourquoi elle est
importante.
Par exemple :
-Citlalli (CE 1) Question philosophique 1 : « Pourquoi on est comme ça ? » Explication : « Cette
question est importante parce qu'il y a des moments où on ne veut pas être à sens unique et au final
ça va parce que peu importe que ce soit beau ou laid, par exemple. »
Je voulais souligner une partie de ce premier atelier, car il me paraissait important qu'il soit
explicite, comment les élèves ont réussi à comprendre certaines notions importantes pour pouvoir
débuter le cheminement philosophique, notamment en utilisant la littérature.
Bien que tout le monde n'ait pas été en mesure de bien comprendre l'objectif de l'activité, il sera
renforcé dans les séances suivantes.
Une des choses qui m'a le plus compliqué était le temps alloué pour l'atelier. Je n'ai pas pu le
clôturer comme je l´aurai souhaité. Le nombre d'élèves présents est un facteur à prendre en compte
dans la gestion du temps.
Afin de répondre à la question posée dans ce mémoire si le support pédagogique de la littérature
peut enrichir le dialogue philosophique quel que soit différence d'âge des enfants, j´ai analysé les
ateliers que j´ai animé autour de la thématique de l'amitié. En effet, il s'agit d'un sujet pour lequel
les étudiants de tous âges l´abordent à des moments différents de leur vie et qui leur est très familier
et concret.

Les caractéristiques du livre-album favorisent le développement de l'esprit critique. Le livre album


présente des sujets d'actualité, il n'échappe pas à la réalité, il ne l'adapte pas et ne le simplifie pas
pour le rapprocher des enfants, au contraire, il les confronte à des problématiques complexes qui se-
ront montrées avec sérieux et profondeur, mais sans perdre de vue l'aspect ludique de la lecture ni le
plaisir qu'elle leur procure.
Tous les attributs qui sont attribués au livre album, notamment auprès des auteurs les plus reconnus,
en font une ressource totalement propice au développement d'ateliers de philosophie, grâce à son
grand attrait esthétique et bien sûr à son contenu, c'est que cela nous permet d'aborder des sujets va-
riés, dans une perspective plus philosophique et non moraliste.

Dans les pages suivantes, certaines des séances et leurs approches philosophiques seront analysées.

20
B) Séance : Quelles différences faites-vous entre être ami et être copain ?

L'amitié est un sujet qui génère beaucoup de polémiques dans les écoles, notamment dans la cour de
récréation, à partir des jeux et des relations qui sont générés. (Ex Dans la discussion philosophique,
les enfants présentent fréquemment leurs conflits lorsqu'ils jouent, provoquant une rupture
(momentanée) avec l'autre)
De toute évidence, les petits n'ont pas une notion très claire de l'amitié, encore moins de la
différenciation ou de la catégorisation. L'idée qu'ils ont sur la notion d'amitié dépendra davantage de
leurs expériences et de leur environnement social et culturel.
Pour introduire le thème de l’amitié, nous avons regardé le dessin animé des "P'tits philosophes" de
Sophie Furlaud (Pommes d'Api, Bayard Jeunesse) puis lu le livre « Marcel et Hugo » (Auteur :
Anthony Browne / Editeur Ecole Des Loisirs).

Résumé de l’histoire :

Marcel se sent seul, il n’a pas d’ami. Il constate avec


amertume que tout le monde semble s’amuser tandis que
lui n’est intégré dans aucun groupe. Il croit qu’il est un «
bon à rien ». Un jour au parc, alors qu’il marche tête
baissée, il va recevoir un choc et atterrit au sol. Ce choc se
nomme Hugo, un gorille qui dépasse Marcel de trois têtes.
C’est ainsi que va naître une amitié qui va grandir au fil
des jours et des expériences. Pif-la-terreur cherche des
problèmes à Marcel, alors Hugo va s’imposer et faire fuir
le dur-à-cuire. De même, Hugo ne sachant pas lire, alors
Marcel lui fait découvrir les joies et les richesses qu’offre une bibliothèque. Ainsi, Hugo et Marcel
ne se ressemblent pas mais ils se complètent.
L'objectif est qu'à partir de l'album on puisse distinguer la notion conceptuelle entre « être ami » et
« être copain ».
La lecture de « Marcel et Hugo », enseigne qu'une relation d'amitié se construit dans la durée, qu'il
n'est pas nécessaire d'être pareil pour être ami, qu'on peut toujours compter sur des amis dans les
moments difficiles, que les amis s'aident mutuellement les uns les autres pour devenir meilleurs.
De plus, les enfants s'identifient aux personnages, soit se retrouvent dans le personnage de Marcel,
un personnage un peu timide qui ne se rapproche pas facilement des autres, soit d´Hugo, qui
n'hésite pas à aider les autres dans leur faiblesse.
21
« Marcel et Hugo » est un album qui est bien compris par les deux niveaux des classes, aussi bien
pour les enfants de GS que de CE1.
A la suite de la lecture, il a fallu s´assurer que les enfants aient une bonne compréhension de l
´histoire pour ensuite orienter la séance vers une discussion plus philosophique.
Pour entrer dans la réflexion philosophique autour de l´histoire du livre "Marcel et Hugo", il faut se
remémorer ce qui a été vu au début de l'atelier. Les élèves commencent donc à se rappeler qu'il
s'agit d'une question philosophique, des règles élémentaires de bon fonctionnement de l'atelier, puis
les exigences intellectuelles nécessaires à la discussion (voir annexes).
Après avoir lu et compris le livre « Marcel et Hugo », la première question qui a été posé est : «
Marcel et Hugo sont-ils amis ou copain ? » Le bâton de la parole a été utilisé pour ordonner les
réflexions des enfants.
Extrait de quelques réponses. (Les réponses ne sont pas exactes, car la transcription est basée sur
des notes prises après la séance, les enregistrements vidéo n'ayant pas de volume)

Elève 1 (CE1) « Les amies c’est un lien un peu plus fort que la copine. Par exemple a une amie s´est
sûr que tu vas l´inviter à ton anniversaire et les amies se chamaillent très rarement. Et un copain, tu
joues un jour et à l´autre jour non »
Elève 2 (CE 1) « Ami c’est fort, copain c´est moins fort. »
Animatrice : « Qu´est-ce que cela signifie que c´est plus fort ? »
Elève 2 (CE 1) « C’est normal que Citlalli et moi pense la même chose parce que nous
sommes amies ».
Dans ce cas, ils font la différence entre un ami et un copain selon l'intensité de la relation
(comme dans le livre, où les deux personnages vivent des moments intenses).
Elève (GS) « Quand tu es ami avec quelqu’un, c´est par hasard quand il y en a un qui arrive
en retard et qui met le ticket a l´autre, ça veut dire qu’on est ami »

(Aidez l'autre) (A l´entrée de la salle de classe le matin, chaque élève doit faire connaitre sa pré-
sence grâce à un ticket avec son prénom). Ce même élève mentionne le livre pour dire que la cou-
leur de peau n'a pas d'importance, nous sommes toujours amis (comme Marcel et Hugo).

On peut remarquer que la lecture de l'album permet aux enfants de faire des références et des dis-
tinctions, en l'occurrence de voir l'amitié indépendamment de leurs différences.

Elève X (CE1) : « Quand tu joues beaucoup avec un copain alors il peut devenir ton ami » (Idée de
durée)

22
Dans cette première expérience avec l'album de Marcel et Hugo, la distinction entre être ami ou être
copain reste floue. Les enfants de CE1 peuvent faire la différence de l'intensité des relations qu´ils
ont entre eux. Les enfants de GS ne font toujours la différence entre les deux termes et leur
participation aux réflexions sont moindres que celles des CE1.
Lors dans la séance, les enfants ont été attentifs (participatifs) pendant la lecture du livre.
Cependant, un seul enfant de GS a mentionné une partie de l'histoire lors du partage des réflexions.
Indépendamment du fait que l'enseignant était présent avec nous, je n'ai pas remarqué que les
enfants se sentent obligés de répondre ou veuillent trouver la bonne réponse. Pour eux, il est clair
qu'il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses.
Le groupe lui-même est bien séparé, ils n'interagissent pas beaucoup entre les groupes GS et CE1.
Ils sont physiquement dans la même pièce, mais le fait qu'ils fassent tout le temps des activités
séparées ne donne pas l'impression d'être le même groupe.
Concernant l´auto-évaluation de mon intervention, je pense qu´elle aurait pu être meilleure. J´aurai
du mieux reformuler les idées ou utiliser des stratégies contrastées pour que les enfants puissent
mieux différencier les concepts. Même si cela était clair pour moi, je ne l'ai pas appliqué pendant l
´atelier : j'ai écouté les réponses des enfants plutôt que de les confronter à une autre situation. Je
pense que j'aurais pu profiter davantage dans la prise de référence littéraire pour pouvoir avancer
davantage dans la discussion philosophique. Une autre difficulté était le temps imparti pour les
ateliers, je ne pouvais pas bien calculer le temps nécessaire à la clôture, donc je n'ai pas posé toutes
les questions que j'avais concernant le livre. Ainsi, les enfants ont commencé à chuchoter entre eux
et parfois il était difficile d'entendre leurs interventions.

23
C) Séance : L’amitié : Qu’est-ce qu’un ami ?

Livre : Ami-Ami / Auteur(s) : Rascal & Cirel. / L’école des Loisirs, coll. ?
Résumé de l’histoire :
Un petit lapin blanc vit dans la vallée, seul et sans
ami. Un méchant loup, noir et longiligne vit quant à
lui sur la colline, et fait la douloureuse expérience de
la solitude. Tout d’eux semblent différents : l’un est
petit, l’autre grand, l’un mange des légumes et l’autre
seulement de la viande, l’un fait des collections et
l’autre non… Un jour, au hasard du chemin, ils se
rencontrent. Pris de surprise, le lapin offre des fleurs
au loup. Puis, le loup lui propose de venir visiter sa
maison. Mais l’amitié est parfois difficile. En effet, le
lapin veut un ami qui soit semblable à lui tandis que
le loup, ayant tant attendu l’amitié, pense que toute personne doit être aimée comme il est. Ainsi, la
dernière parole qu’il émet est « Moi, je t’aime comme tu es. »
Cet album est propice à générer un débat si l'amitié entre un loup et un lapin est possible, puisque
dans leur représentation à un niveau général une amitié ne serait pas possible puisque le loup de par
sa nature prédatrice voudrait toujours manger le lapin, alors la question se pose « Un loup et un
lapin peuvent-ils être amis ? » À partir de cette question, les enfants pourront se demander s'ils
peuvent être amis en étant différents, bien qu'à la fin du livre, il ne soit pas clair s'ils ont vraiment
fini par être amis. Cela peut donner des interprétations différentes, ce qui le rend plus intéressant.
L'histoire elle-même est attrayante pour les deux niveaux et adaptée pour une bonne
compréhension.
Dans cette deuxième lecture, il était difficile pour les enfants de décider s'il pouvait y avoir une
amitié entre le lapin et le loup. Par exemple, une fille de CE1 a dit :« Un peu oui et un peu non,
parce que les animaux qui se connaissent depuis tout petit peuvent être amis, mais si le loup ;
comme dans l’histoire ; connait le petit lapin à l’âge adulte, peut-être qu’il va le manger. C’est
comme le chien et le chat quand ils se connaissent depuis toujours, ils sont amis mais si c’est le
contraire, ils se disputent tout le temps ».
On retrouve ici l'intensité du concept d'amitié, mais en comparant la situation de l'histoire avec leur
propre expérience.

24
Alors avant d´écouter les réflexions des enfants, j'interviens et questionne : « Ça veut dire que si le
loup et le lapin se connaissaient beaucoup, ils pourraient être amis ? mais dans l'histoire ils viennent
de se rencontrer, donc ils peuvent vraiment être amis ? »

En général, les enfants de CE1 répondent à la question du livre de manière très similaire à la ré-
ponse précédente, "que la relation entre le lapin et le loup dépendra du fait qu'ils passent du temps
ensemble", "que c'est possible, même si les deux sont différents car ils peuvent trouver quelque
chose en commun avec le temps". Pour d'autres enfants, ce n'est pas possible, car « cela ne corres-
pond pas avec la nature du loup, de plus le lapin exige des choses que le loup ne peut pas lui donner,
donc il est difficile de nouer une amitié ».

Les enfants GS restent dans la simplicité et pour eux le fait de donner quelque chose à une autre
personne en fait immédiatement un ami, même s´ils ne se connaissaient pas. Par exemple, ils di-
saient des choses comme « Le loup est très gentil avec le lapin, il veut être son ami. ». D'autres en-
fants font la distinction entre ce que raconte l'histoire et ce qui se passe dans la vraie vie, « donc
dans la réalité il est impossible que le loup et le lapin soient amis, par contre dans l'histoire oui ».

En complément de la lecture de l'album qu'ils décrivent, les enfants ont également réalisé d'autres
activités, par exemple, « Est-il possible d'être amis avec un robot, votre professeure, votre mère,
votre animal de compagnie, etc. ? ».
Pour terminer, nous donnons une définition de ce qu'est un ami pour eux. (Résumant ses propres
paroles)
Un(e) ami(e), c'est...
« quelqu'un avec qui on peut jouer »
« pour sortir ensemble, pour prendre une glace, etc. »
« quand est-ce que je suis invité à un anniversaire »
« quelqu'un qu´on invite à son anniversaire »
« c'est plus fort qu'un copain »
« quelqu'un qu'on aime beaucoup »
« une copine que tu aimes beaucoup »
« quelqu'un qui est là pour toi »
« quelqu'un qui nous aide »

25
Exemple de dessins réalisés par les enfants sur le thème de l´amitié.

26
D) Résumé de la séquence de la liberté

Dans la première séance, nous avons lu l'histoire de Charlotte livre album « Disparais ! de Michaël
Escoffier (voir résumé du récit page 9) dans laquelle les enfants ont répondu à la question, « Que
feriez-vous à la place de Charlotte le jour de votre liberté ? ».
C'était une belle occasion pour les enfants d'exprimer leurs souhaits de liberté. Généralement, pour
tous les enfants voulait jouer, regarder la télé, manger des sucreries sans restriction, d'autres plus
audacieux voulaient enfreindre toutes les règles de la maison. Puis face à la vraie vie, je leur
demande « Pourquoi les règles existent ? » Bien que la plupart l'ait associé au code de la route, d
´autres ont cité les conséquences de vivre dans un monde sans règles. A titre d'exemple : « S'il n'y a
pas de règles dans la maison pour regarder la télévision plus tard, je peux avoir mal à la tête et être
malade. » ou un autre enfant dit « S'il n'y a pas de règles, nous pouvons nous blesser ou avoir un
accident ».
Quand on demande « Pourquoi une règle est importante dans la vie ? » Les enfants de CE1
pourraient l´expliquer plus facilement et dire par exemple : « Les règles nous font nous respecter. »,
« Les règles nous aident à prendre soin de nous, car sinon quelqu'un pourrait nous faire du mal. »
Pour les enfants GS, il était plus difficile d'expliquer pourquoi les règles étaient importantes.
Ensuite, ils ont essayé de définir la liberté et ce que c'était pour eux. Cette partie était plus
compliquée car certains enfants étaient concentrés sur le fait qu´être libre, c'est faire tout ce que l'on
veut. Mais il est clair qu'il ne peut y avoir une telle liberté car il y a des lois naturelles qui ne le
permettent pas.
Pour finaliser cette partie, les enfants ont fait des dessins de ce qu'était la liberté pour eux. La
plupart d'entre eux l'ont lié à un moment de plaisir, comme voyager, partir en vacances, aller chez
les grands-parents, jouer jusqu'à très tard avec des amis, etc.

27
« Partir en vacances et dormir à l´hôtel »

Dessins réalisés par les enfants autour du thème de la liberté

28
E) Résumé de la séquence « C’est quoi la peur ? »
Les deux livres utilisés pour cette séquence sont : « Thomas n’a peur de rien » de Christine
Naumann-Villemi. Ce livre raconte l'histoire de Thomas, un garçon qui n'a peur de rien ! Ses
parents, bien sûr, s'inquiètent de cette situation ; Il n'a pas peur des monstres ou des loups ; pas
même les sorcières... mais rien ? réellement ? Jusqu'à ce qu'il doive aller chez le dentiste et qu'il lui
annonce qu'une petite souris viendra chercher sa dent.
Dans cette histoire résumée, nous abordons le thème des peurs, avec une dose d'humour pour le
détacher de l'aspect négatif de cette émotion, chaque enfant peut s'identifier aux différentes peurs et
voir comment chacun peut avoir peur de différentes choses et en rationaliser certaines.
Tromboline et Foulbazar ; le cauchemar Claude Ponti, Ecole Des Loisirs
Tromboline et Foulbazar, les deux poussins malicieux, échappent à "une mauvaise nuit horrible"
avec la complicité de leur vieille amie la Fourmi-à-grosse-voix et Woualazili Doudou. Adémar
Tousseul, le cauchemar, s’approche tout doucement. Il veut faire passer une mauvaise nuit horrible
à Tromboline et Foulbazar. Mais les plans d’Adémar vont être mis à mal par une succession
d’incidents... et finalement, c’est le matin ! Adémar a perdu, il reste dans son trou. Un livre simple
et divertissant qui permet de dédramatiser les cauchemars et de réfléchir à la recherche de solutions
pour s'en débarrasser.

Cependant, pour les enfants de CE1 la lecture n'était pas très intéressante, par contre pour les GS
c'était plus motivant vu qu'ils connaissaient l'histoire et pouvoir parler de leurs peurs leur causaient
de l'excitation.
Le premier livre que nous avons lu était « Le Cauchemar ». Les enfants parlaient de leurs
cauchemars et des moyens qu'ils utilisaient pour s'en débarrasser. Cet échange était captivant quand
les plus grands leur donnaient des idées pour se débarrasser d'un cauchemar et même d’une peur.
Puis nous avons lu le livre « Tomas, n'a peur de rien ». Certains enfants disaient qu'ils n'avaient pas
peur, mais en écoutant ce que disaient les autres et en réfléchissant, ils se sont rendu compte que
tout le monde avait peur, même les adultes.
Dans cette séquence, les enfants de GS et CE1 ont pu partager beaucoup plus d'idées, avoir des
points de rencontre et réfléchir vers un dialogue plus partagé.

29
Exemples de dessins des enfants autour de la thématique de la peur.

De cette courte expérience de stage à animer des ateliers de philosophie avec les enfants, je me
rends compte de toutes les faiblesses et erreurs qui ont été commises. J´ai compris l´importance de
bien structurer les idées des enfants, de donner des consignes très précises, d´établir des liens entre
les idées. Une mauvaise définition et gestion du temps pour chaque activité, m'a conduit à ne pas
toujours pouvoir bien clôturer certaines séances. D'un point de vue plus positif, les élèves ont
participé attentivement à la plupart des activités proposées, notamment à l'écoute de la lecture des
livres.
A la fin du stage, les enfants étaient tristes de ne pas continuer ces ateliers de philosophie. Ils ont
demandé de nouveaux sujets, mais malheureusement ce n'était pas possible. Cela m'a fait très
plaisir, malgré que je sois un peu déçu de ma performance.
Permettre aux enfants de répondre aux exigences du discours philosophique, est assez complexe.
Malgré mes efforts, je pense qu´il faut avoir une bonne préparation et qu'il faut un certain temps de
pratique pour y parvenir.

30
Conclusion

L'objectif de ce mémoire était d'évaluer l´utilisation du livre-album comme support pédagogique


dans les classes de GS et CE1 et étudier comment il peut enrichir le dialogue philosophique quelles
que soient les différences d'âge entre les élèves.
Lors des ateliers avec les deux groupes d'âges différents et avec un nombre élevé d’élèves (23), j'ai
pu vérifier que pour certaines réflexions ils étaient capables de s´écouter les uns les autres et de
s'enrichir mutuellement. Cependant, à d'autres moments, il est arrivé que les plus petits restaient
dans leurs réflexions centrées sur eux-mêmes.
La place du livre-album comme inducteur dans les ateliers menés, bien qu'il soit un support de
ressources inépuisables, la rigueur de l'animateur est indispensable pour approfondir, justifier et
développer leurs idées.
Lors de cette expérience professionnelle, la durée du stage n'était pas suffisante pour déterminer si
l'échange entre les deux groupes d'âges différents a contribué à enrichir les ateliers. Cependant, dans
certains dialogues ils ont réussi à avancer un peu plus dans des compétences philosophiques
essentielles (problématiser, conceptualiser et argumenter). Cela me fait prendre conscience que le
temps consacré à l'atelier, sa continuité est d'une grande pertinence ; puisque cela permet de bien
visualiser l'évolution et aussi d’être exigent pour aller plus loin dans leur réflexion.
De plus, je me suis également rendu compte que la pratique de la philosophie avec les enfants est un
domaine délicat, où un grand nombre de décisions ont un impact direct sur la qualité des ateliers.

31
Bibliographie

Ouvrages
CHIROUTER, E. (2015). L'enfant, la littérature et la philosophie. Paris: L'Harmattan.
DER LINDEN, Sophie. Lire l’album. 2e édition. Le Puy-en-Velay, L’Atelier du Poisson Soluble,
mars 2007. Pages et espace du livre.
DURAN, T. Àlbums i altres lectures: anàlisi dels llibres per a infants. Barcelona: AMRS, 2007.
NUSSBAUM, M. C. (2005). El conocimiento del amor. Ensayos sobre filosofía y literatura.
Madrid: Antonio Machado Libros
TOZZI M. et al, L’éveil de la pensée réflexive à l’école primaire, CRDP Montpellier-CNDP-
Hachette, 2001.
RICOEUR Paul(1996) Soi-même comme un autre, Point-Seuil.
NUSBAUM, M (2011) Les Emotions démocratiques, Paris, Climats
VIGOTSKI, L. (1934). Pensamiento y lenguaje. Buenos Aires, Fausto, 1998
HAWKEN, J.. 1... 2... 3... Pensez ! Philosophons les enfants ! Chronique Sociale,2019
ARENDT A. Qu’est-ce que la politique ? seuil 1993,2001
LIPMAN Matthew, À l’école de la pensée. Bruxelles, éd. DeBoeck,1996

Articles
CHIROUTER E. (2019). Les lumières de la fiction. La littérature pour apprendre à philosopher.
Dans E. Chirouter & N. Prince (dirs). Lumières de la fiction. Philosophie (avec les enfants) et
littérature (de jeunesse) (pp. 33-42). Raison Publique.
HAWKEN, J (2019) « La discussion philosophique avec les enfants : Une dispositif
communicationnel égalitaire comme pratique éducative de l’ouverture d’esprit.», Éducation et
socialisation
MATA J.(2014)“Ética, literatura infantil y formación literaria”. Impossibilia Nº8, Págs. 104-1

Sites internet
https://eligeeducar.cl/acerca-del-aprendizaje/segun-jean-piaget-estas-son-las-4-etapas-del-
desarrollo-cognitivo/
https://naitreetgrandir.com/fr/etape/3-5-ans/developpement/4-5-ans/fiche.aspx?doc=ik-naitre-
grandir-enfant-4-5-ans-intellectuel
https://www.123ecoles.com/ecole-primaire-publique-francoise-dolto-de-sene-56

32
Annexe 1 : Dessins d’élèves

Recette de l’amitié

33
Annexe 2 : Photos de quelques ateliers

34
Exigences intellectuelles
On
argumente en
On explique donnant des
ce que l’on dit exemples

35

Vous aimerez peut-être aussi