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‫جملــــة أبــــريــــد‬

‫العدد الثاني‬

‫‪2021‬‬ ‫يونيو‬

‫جملة أبريد‬ ‫الكتاب‪:‬‬


‫خمترب اجملتمع واخلطاب وتكامل املعارف‬ ‫الناشر‪:‬‬
‫‪2020PE0034‬‬ ‫رقم االيداع الكانوني‪:‬‬
‫‪2737-8691‬‬ ‫ردمك‪:‬‬

‫‪2‬‬
‫جملــــة أبــــريــــد‬
‫جملة علمية حمكمة‬

‫نصــــف سنــــويـــة‬
‫يصدرها خمترب اجملتمع واخلطاب وتكامل املعارف‬

‫بالكلية متعددة التخصصات بالناظور‬

‫الكلية متعددة التخصصات ‪ -‬الناظور‬ ‫العنوان‪:‬‬


‫‪ 033‬سلوان‪ ،‬الناظور‪ ،‬املغرب‬ ‫صندوق الربيد‪:‬‬

‫‪banhakeia@hotmail.com‬‬ ‫املراسلة‪:‬‬

‫‪3‬‬
Juin, 2021 // numéro 02
Faculté Pluridisciplinaire de Nador
Laboratoire : « Société, Discours et Transdisciplinarité »

ABRID // ABRID
Tasvunt tamesäisit // Revue semestrielle

« Abrid war ittili var s tecri n tussna. »

Publication du Laboratoire :
« Société, Discours et Transdisciplinarité »
Faculté Pluridisciplinaire de Nador
Université Mohamed Premier

4
ABRID - Revue semestrielle
Papier/ électronique (mise sur le net un an après la parution)

Direction de la publication :
Hassan Banhakeia

Comité scientifique :

Mohamed Alyoussfi (FPN) Abdellah Azouagh (FPN)


Jawad Azzoubaa (FPN) Hassan Banhakeia (FPN)
Mohammed Boudhan Fatima Chafyq (FPN)
Hassan Chahbari (FPN) Mouman Chicar (FPN)
Sallem El Azouzi (FPN) Boujemaa El Kouy (FPN)
Azzeddine Ettahri (FLSH Rabat) Younes Ez-zouaine (USMBA-Taza)
El Hossaien Farhad (FPN) Kaoutar Gannoun (FPN)
Abdellah Jarhnine (FLSH Oujda) Lyamani Kassouh (FPN)
Farid Lamrini (FPN) Jaouad Radouani (FPN)
Rachid Saâdi (CRMEF Oujda) Sanae Yachou (FPN)
Mohamed Zerouali (CFIE, Rabat) Samira Rais (FPN)
Mohamed Saddouki (FPN)

Adresse : Faculté Pluridisciplinaire de Nador


Boite Postale : 300
Selouane, Nador. Maroc
Contact : banhakeia@hotmail.com

Dépôt Légal : 2020PE0034


ISSN : 2737-8691

5
EDITORIAL
NOTES IMPORTANTES

Les articles sont lus et examinés au début par deux enseignants-chercheurs en


double aveugle. Ensuite, ils sont évalués dans le sens de voir si la décision diffère d’un
examinateur à un autre. Le responsable de l’édition cherchera un troisième lecteur. Les
décisions sont ensuite soumises par le responsable au comité de rédaction. Par ailleurs,
le nom des lecteurs n’est jamais révélé aux auteurs.
Si l’un des membres du comité de lecture ne s’engage pas à lire et à faire le compte
rendu des articles, sa présence dans le comité de lecture peut être remise en question.
Les auteurs sont les seuls responsables de leurs articles, notamment au niveau du
contenu. S’il y a plagiat dans un article, les membres du comité scientifique refusent la
publication, et la rédaction peut engager des poursuites légales contre l’auteur, tout
comme il va retirer la publication de la version électronique, et un communiqué public
sera diffusé.
Le comité de la revue ne saurait être tenu pour responsable d’une violation des
droits d’auteur.
La revue « Abrid » (« Le sentier ») est une publication littéraire et artistique, à
vocation scientifique et universitaire, de parution semestrielle. Elle est plurilingue,
constituée des langues suivantes : amazighe, arabe, française, anglaise, castillane,
catalane… Sa force sera la pluridisciplinarité et sa polyphonie.
L’équipe « Abrid » se compose d’enseignants-chercheurs de la Faculté
Pluridisciplinaire de Nador (FPN) et d’autres universités, de doctorants et de
chercheurs de multiples horizons.
« Abrid » parait également en ligne, ayant l’ambition d’associer les publications de
manière constante à un grand nombre de visiteurs (internautes).
« Abrid » naît au sein du laboratoire « Société, discours et transdisciplinarité » de
la FPN sous forme d’un lieu de débat et de réflexion autour des thèmes qui relèvent de
la littérature, la tradition orale, la linguistique, l’histoire, la sociologie, et d’autres
disciplines. Elle est, de par son nom, l’entame d’une ouverture sur l’environnement
culturel et linguistique, tout en le plaçant dans des analyses et des débats académiques.
Il y a surtout l’intérêt à découvrir les arts, les savoirs, les cultures et les approches qui
puissent mettre cet environnement dans de nouvelles perspectives.
Plusieurs directions se dessinent dans la thématique de la revue, notamment ouvrir
des champs à peine analysés dans l’environnement amazigh, en particulier rifain. La
réflexion objective, constructive et rationnelle demeure l’outil d’approche. Chaque
publication sera un débat autour d’un sujet nouveau.
Les différentes activités universitaires (journée d’étude, colloque) organisées au
sein de la FPN seront publiées par la revue si les actes correspondent évidemment aux
attentes du comité scientifique.

6
SOMMAIRE
Abrid numéro (2) :
AUTOUR DE LA LEXICOGRAPHIE AMAZIGHE

(Sous la direction de H. CHAHBARI)


Préface 6
H. BANHAKEIA & S. YACHOU: « La traduction dans les dictionnaires 11
bilingues ou l’œuvre du traducteur en exil.»
Mohamed BOUDHAN : « Pour une troisième solution en faveur de 41
l’enseignement d’un amazigh commun. »
Michael PEYRON : « Le dictionnaire comme clef de compréhension 53
du roman en amazigh. »
Hassan CHAHBARI : « Le poids de l’idéologie coloniale dans les 65
dictionnaires amazighes : une aventure ambiguë. »
El Hossaien FARHAD : « Le dictionnaire et l’unification de l’amazighe : 91
Remarques sur le dictionnaire général de la langue amazighe. »
Mouman CHICAR : « Le dictionnaire et la signification, une relation 99
peu féconde. Point de vue. »
Najat ZERROUKI : « L'usage d'un Dictionnaire pour une argotologie du 109
roman beur: statut de l'emprunt des argots maghrébins. »
Youcef MESSOUAF : « La production lexicographique Amazighe, un 117
chemin vers l’unification du Berbère. »
Hassana BOULAHFA : « Quel traitement lexicographique accorder aux 133
mots composés en amazighe ? »
El Hassan BOUCHIHA : « Le dictionnaire amazigh : outil 147
d’apprentissage et support écrit de préservation du patrimoine culturel
amazigh : le cas du conte amazigh rifain.»
Mizian RAHOU : « Le rôle de la néologie dans l’enrichissement de la 161
langue amazighe. »
Lahcen OMARI : « Le problème du classement des entrées lexicales dans 173
les dictionnaires amazighes. Pour un dictionnaire amazighe informatisé. »
Soliman EL BAGHDADI : « Le métalangage critique de la littérature 197
amazighe : pour un dictionnaire notionnel spécialisé en littérature. »
Rachid BELHADI : « Vers l’élaboration d’un dictionnaire contique 205
amazigh. »
Abdelqader BEN ABDILLAH : « Le dictionnaire comme outil 215
d’enseignement des langues au primaire: cas de l’arabe, l’amazighe et le
français dans la ville de Nador au Maroc. »
Ahmed KHETTOUCH : « De ce langage humain faut-il être désespéré? 235
regard sur un cas d’incommunicabilité, véhiculé par le chant amazigh. »
Mohammed SADDOUKI : « La définition lexicographique dans le 243
dictionnaire Tamazight-Français (Parlers du Maroc central) de M. Taifi

7
(1991). »
Abdelaziz LAMRINI ELUAHHABI : « Transfert du lexique de la marine 251
dans Lullaby et Mondo de Le Clézio à l’amazighe. »
Mohamed ALYOUSSFI : « L’enseignement de l’amazigh - langue 259
maternelle- à l’école primaire au Maroc.»
Rachida RAHHOU : « Les réalisations linguistiques dans l’entrée 273
lexicographique. »
Mohamed EL JARARI : « Autour du néologisme « tasekla ».» 285
Samira RAIS : « Le dictionnaire face à la culturalité des langues. » 291
Zakian Benamar et Jawad Azzoubaa: « The poetic dimensions of the 299
affirmative and interrogative in Riffian folk poetry (izran): A syntactic
perspective. »
Hind Amina OUCHRIF : « Les noms de plantes en arabe marocain, cas 319
du Maroc Oriental : Approche linguistique. »
Hassan CHAHBARI : « Esquisse du ‘‘Dictionnaire général de la langue 335
amazighe’’ (IRCAM : 2017). »
Zakia GHALIB : « Modalités externes du verbe rifain. » 345
Lyamani KASSOUH: « Tamarniwt n usnamek n tawalt: “agʷrram” di 363
Arrif, tamyadast n umawal d telsasent. »
Hanane HAMDAOUI: «Les événements culturels et le tourisme. » 375

Articles en arabe:

3 ‫ يقاربت يعجًيت‬،‫" بًُطقت انريف‬Agwrram" ‫ » انتطور اندالني نكهًت‬: ‫اليماني قسىح‬


«.‫وأَثروبونوجيت‬
17 ‫ يحاونت في‬،‫ » ثُائيت انتعدد وانترادف في انًعاجى األيازيغيت بانريف‬: ‫محمد الهاطي‬
«.‫انتأصيم‬
35 ‫ انًعجى‬،‫ » يحالتيت انفعم وإعادة ترتيب انتعاريف في انًعاجى األيازيغيت‬: ‫كمال أقا‬
«.ٍ‫ انفرَسي نًيهود انطايفي وانًعجى انعاو نهغت األيازيغيت ًَوذجي‬-‫األيازيغي‬
57 ‫ » انقيى انتربويت واألخالقيت يٍ خالل يعجى انحيواٌ في انًثم األيازيغ قبيهت‬: ‫عبد هللا أزواغ‬
«.‫آيث بويحي أًَوذجا‬
69 «.‫» في أفق يعجى أحادي انهغت نأليازيغيت‬: ‫الحسين الغلب‬
91 «. » ‫عبد هللا أمنى‬

8
Le dictionnaire et la signification, une relation peu féconde.
Point de vue

Mouman CHICAR
(Labo : Soditrans, F.P. de Nador)

Présentation.
Cette réflexion intervient dans le cadre d’un colloque national autour du
dictionnaire, organisé par le département de Langue et Littérature françaises
affilié à la faculté pluridisciplinaire de Nador.
Dans le présent article, nous souhaitons souligner « la caducité » de l’apport
des dictionnaires quand il s’agit de cerner la signification de « textes »
particuliers comme c’est le cas du conte et du proverbe.
Avant justement d’étayer cette thèse qui peut desservir certains
lexicographes, il est important d’acclamer quelques atouts du dictionnaire pour
apprendre une langue. Le besoin se fait sentir davantage, quand « le trésor
social »1 ciblé, est étranger, étant donné que l’une des composantes nécessaires
à l’expression par le biais de cette langue, est la connaissance de son lexique,
associée à la maitrise des règles grammaticales régissant son fonctionnement, le
tout est à soumettre à la composante phonétique.
En fait, on peut consulter un dictionnaire et l’information recherchée ne
touche pas uniquement, comme on le pense assez souvent, au sens. La première
contribution du dictionnaire pour un apprenant d’une langue étrangère, est la
transcription phonétique qui nous rapproche de la prononciation du terme en
question, une tâche capitale puisque la lisibilité des mots, comme c’est le cas
des langues latines, telles qu’ils sont écrites, n’aboutit pas toujours à une bonne
prononciation. Le problème se pose, à notre connaissance, dans toutes les
langues écrites dont la graphie comporte des lettres qui ne se prononcent pas et
qui par conséquent, ne figurent pas dans la transcription phonétique, telles la
voyelle finale du substantif en Français par exemple, ou encore la consonne
quelle que soit la catégorie grammaticale où elle est intégrée. C’est le cas des

1
Le terme est emprunté à Ferdinand de Saussure qui a qualifié la langue de « trésor social ».
Le substantif « trésor » connote l’importance de la langue et l’adjectif « social » fait allusion à
son caractère social, au sens que l’individu ou les individus n’impactent en rien la langue.

99

9
consonnes« m » et « p » par exemple, tantôt, elles ne se prononcent pas, tantôt
elles se prononcent autrement sous l’effet d’une forme d’assimilation, dans le
verbe « compter » cité à titre d’exemple.
De surcroit, Le dictionnaire est en mesure d’être fort productif quand on
enquête sur l’étymon, la date de parution, la catégorie grammaticale de l’unité
recherchée, son genre et son nombre, l’antonyme ou encore sur le sens dénotatif
du mot se présentant comme une simple explication virtuelle. Cela veut dire
quoi au juste ? Cela veut dire que l’explication proposée est attribuée au terme
en question avant de se faire actualiser dans un contexte précis, alors que tous
les linguistes, si on se fie à ceux qu’on a consultés, convergent vers le même
constat, à savoir, qu’il n’est de sens que dans et par le contexte.

Problème.
Il semble que le dictionnaire est très peu « fécond » quand on examine sa
contribution pour comprendre des formes de « langages » particuliers comme
c’est le cas de l’expression figée, du proverbe et du conte, qui ne se présentent
pas comme des textes dans la mesure où leurs producteurs sont anonymes
contrairement à d’autres écrits tels un roman par exemple. Comme par hasard,
ces formes d’expressions, en l’occurrence, le proverbe et le conte, demeurent
toujours inconnues par le dictionnaire en dépit de l’avancement de la recherche
lexicographique. Expression brève, exprimant une vérité générale ou encore la
sagesse des nations, soutient-on dans différents dictionnaires consultés, écrits
dans plusieurs langues. Or, il est des études parémiologiques qui ont démontré
que le proverbe dans plusieurs cas, n’exprime ni l’une ni l’autre de ces deux
valeurs. Pire encore, il est des proverbes qui se contredisent. Observons ces
exemples : leqreɛ b flusu ara dak rras n busu. Tout d’abord, on a affaire à des
expressions difficilement traduisibles : le chauve avec son argent, donnez-moi
sa tête pour que je l’embrasse (littéralement). En tous les cas, ce proverbe nous
invite à surestimer le riche pour la simple raison qu’il est « riche » justement, ce
qui exclut implicitement le pauvre, un sous-entendu que l’énonciateur ne peut
pas nier et que le récepteur ne peut pas démontrer. Autre chose, il est des
proverbes qui disent une chose et d’autres qui sous-tendent le contraire de cette
chose : ddi bent ɛemmek terfd hemmek, (épouse la fille de ton oncle, elle
supportera tes malheurs (Littéralement), est une expression proverbiale qui
incite les gens à opter pour une épouse qui fait partie de la famille, alors que

100
10
beɛɛed demmek la yeṭlik, (éloigne-toi de ton sang sinon tu seras ruiné),nous
invite à se méfier du mariage avec une personne faisant partie de notre famille.
Lequel des deux proverbes exprime la sagesse des nations ou encore une vérité
générale ? Lequel des deux proverbes doit-on considérer en tant que
déterminisme à être adopté comme une référence ? Peut-on soutenir l’idée selon
laquelle il est question d’information susceptible d’induire en erreur le locuteur
qui consulte le dictionnaire pour exorciser l’ambigüité ?
Loin de vouloir ici reproduire tout ce qui a été dit sur le proverbe dans
beaucoup de travaux universitaires, nous souhaitons tout simplement inviter à la
réflexion sur la posture parfois « aberrante » de l’information mise par le
dictionnaire à la disposition de l’apprenant. Quant au conte, il est conçu par
plusieurs dictionnaires comme étant « un récit mensonger faisant rire les
enfants », alors qu’il est des contes qui se posent des interrogations
existentielles, examinées en profondeur, elles peuvent nous aiguillonner à revoir
certaines de nos attitudes considérées comme immuables. Pourquoi justement,
les personnages contiques qui sont victimes de l’injustice sociale finissent
toujours par triompher ? Par ailleurs, les contes ne font pas souvent rire. Il est
des contes qui incarnent des transformations tragiques en mesure de déclencher
des pleurs. Le conte, en retraçant l’essence des expériences des populations, ne
peut-il pas être conçu comme un support de taille pour relire l’histoire ? Étant
un produit de culture, le conte ne résume pas toutes les représentations
culturelles qui animent nos comportements et nos attitudes quotidiens ? Et les
leçons de morale du type, « rien ne sert à rien », « le mariage entre personnages
issus de couches sociales différentes », « la valorisation de l’esprit collectif »,
« la solidarité » etc. Toutes ces bonnes « vertus » du conte, comme celles du
mythe d’ailleurs grâce à quoi même les sciences qualifiées d’exactes ont appris
énormément de bonnes choses, toutes ces bonnes valeurs ne sont pas évoquées
par le dictionnaire et sont plutôt réduites au « mensonge ».
Compte tenu de tout cela, on peut dire que le dictionnaire présente
« peu » de sens à ceux qui le consultent. Autrement dit, quand on procède à la
comparaison entre la définition de l’unité, objet d’enquête, fournie par le
dictionnaire et celle émanant de l’étude descriptive de la même unité, on se rend
compte à quel point l’écart est énorme.

101

11
Est-ce une forme de « cachexie » face à certains types de textes ?
Peut-on recourir au dictionnaire pour comprendre les proverbes et les
contes ? Nous optons pour le négatif et l’exercice a été fait plusieurs fois à titre
d’expérience quand nous avons découvert, il y a une vingtaine d’années, le
caractère labile du sens et la difficulté d’en parler et d’en « dire des choses
fiables et sensées »2. Observons ce qui se passe quand on essaye d’interpréter
cette expression proverbiale tout en étant muni d’un des fameux dictionnaires
comme c’est le cas du proverbe. Min ikelfen ḥemmu ḏi rbaruḏ. Littéralement,
« qu’est ce qui a poussé Hemmou à faire la guerre » ? Il est question d’un
proverbe qui se présente sous forme d’une phrase interrogative mais qui a la
valeur d’une assertion puisque les locuteurs maitrisant l’Amazigh ne tentent
jamais de répondre quand ils reçoivent cette question dont l’intention de son
producteur n’est pas la réception d’une réponse. Qu’est-ce que le dictionnaire
peut apporter comme contribution pour comprendre le sens de ce proverbe ?
Très peu de chose ou « rien ».
Certes, ce qu’on a qualifié depuis toujours comme « deuxième » poumon
dans l’apprentissage des langues, va nous éclaircir sur la catégorie
grammaticale de chaque unité constitutive et sur la prononciation, on va
apprendre aussi grâce au dictionnaire, pour nous induire en erreur
malheureusement, que Hemmou est un nom propre alors qu’en vérité il est
question, du moins si on se fie à son actualisation dans ce proverbe, d’un nom
commun.
Tout d’abord, s’agissant de ce genre d’expressions, nous estimons qu’il
faudrait cesser de parler du sens mais de raisonner en termes de signification.
En fait, dans ce cas précis, le nom propre devient une étiquette où sont agencées
des valeurs culturelles se partageant des faisceaux sémantiques convergeant
toutes vers le caractère d’une personne stupide. C’est ce trait sémantique
justement, [+stupidité] associé à l’engagement dans une action nécessitant une
certaine force et une certaine acuité, qui rend la signification du proverbe en
question possible. Quand une personne s’engage dans une besogne dont la
réalisation nécessite une énergie dépassant la sienne, elle échoue et c’est là
toute « la leçon de morale » derrière cette expression. La preuve est qu’une fois
ce nom est substitué par un autre n’incarnant pas la stupidité et la faiblesse

2
Une thèse qui constitue la première phrase avec laquelle A.J. Greimas entame sa réflexion sur
le sens en 1970.

102
12
comme traits sémantiques intrinsèques, le proverbe chute. Naturellement, ce
raisonnement tient toujours et garde sa validité, dans une communauté qui
conçoit Hemmou, nom propre d’après le dictionnaire, comme symbole de la
bassesse socialement parlant. On comprend –peut-être- pourquoi le dictionnaire
n’interprète pas un nom propre comme une sorte de faiblesse. Tout d’abord
parce qu’il s’agit d’attribuer un sens à une unité qui n’est pas actualisée dans
un contexte. Et puis, chaque culture nomme à sa manière et décide comment
attribuer de telles valeurs à de tels noms propres. Par ailleurs, pour pouvoir
interpréter pleinement la signification d’un proverbe, il faut recourir au récit
contique qui lui a donné naissance, étant donné que chaque expression
proverbiale se présente comme un résumé du conte.3
Compte tenu de cet ordre d’idées, la signification est un long processus
trouvant son filament dans les cultures au moment où le dictionnaire, comme
produit individuel, ne tient pas compte de ses explications, de cet « effarant
« champ sémantique ». Par conséquent, on peut dire que le dictionnaire met à
la disposition de l’apprenant des mots de la langue avec des postures
sémantiques virtuelles diverses, cela peut coïncider avec le sens ciblé dans un
tel usage mais très rarement avec la signification dans des types de textes
comme produits de cultures. Ce problème se pose, donc, quand on essaye de
déchiffrer la charge sémantique d’unités dont le sens n’est pas manifeste. Il est
question d’une signification qui se présente comme le résultat d’un
investissement collectif qui dépasse la simple dichotomie saussurienne
Signifiant/ Signifié. Ce problème, justement, se pose avec tous les textes et les
discours qui communiquent largement avec la culture, comme des ensembles
signifiants. Dans le cas du conte, la difficulté s’intensifie davantage, puisqu’on
a affaire à des « textes » actualisant des termes dont le sens dénotatif est
tellement simple et explicite en apparence qu’il ne nécessite même pas le
recours au dictionnaire. Imaginons des fragments de récits contiques comme
ceux-là :4« une femme qui a mangé son fils ». « Un sphinx qui a sept

3
Dans une étude intitulée problème de filiation, nous avons essayé de démontrer que le
proverbe provient du conte. Une thèse qui s’explique entre autres, par l’apparition des éléments
de la deixis renvoyant à des personnages contiques. En fait, nous avons constaté qu’il est
question d’une même histoire narrée de deux façons différentes : brève dans le proverbe et
élargie dans le conte, ce qui nous a encouragé à parler d’une dichotomie s’appelant Expansion/
Condensation.
4
Il s’agit d’extraits de contes amazighs traduits en Français dans le cadre d’une étude portant
sur la problématique de filiation des genres de la littérature orale. Un simple examen de ces

103

13
têtes ». « …je ne trouverais pas de vieillard comme toi ». « Un corps qui se
revitalise après s’être coupé en morceaux », Etc. On voit bien qu’il est question
de substantifs et de verbes dont le sens est explicite, simple et connu même par
les locuteurs ayant une connaissance modeste du lexique de la langue en
question. Seulement, « un sphinx qui a sept têtes », cela veut dire quoi d’après
le dictionnaire ?
En guise de proposition de pistes de recherches à ces contraintes
lexicographiques, nous estimons que l’explication du dictionnaire doit incarner
le recours à la composante culturelle et au lieu de se contenter de mettre à notre
disposition une liste de synonymes, ce qui n’est pas sans intérêt bien entendu, le
dictionnaire est « appelé » à passer à l’explication même si cela présuppose une
connaissance approfondie de tout ce qui permet de forger une culture comme
vision du monde, ce qui n’est pas chose aisée, puisqu’on ignore, à ma
connaissance, le nombre de cultures qui existent. Au passage, même au sein
d’une même communauté des fois, on s’inspire de cultures diverses. Admettons
provisoirement que le dictionnaire attribue un sens à chaque unité. Le problème
commence quand on se rend compte, dans ce genre de types de textes, que le
sens proposé n’avance en rien l’exercice de la lisibilité qui présuppose que le
passage d’une phrase à l’autre implique la compréhension de ce qui précède. La
difficulté dégénère quand on saisit que le dictionnaire est incapable de tenir
compte de l’effet que produit l’agencement des mots sur nous dans le cadre
d'une expression figée, d’un proverbe, d’un conte et dans un poème. Dans un
sens, c’est normal puisque le dictionnaire ne peut pas imaginer tous les autres
mots avec lesquels le terme objet de la recherche, peut se concaténer.
Observons comment cette phrase, actualisée par un locuteur comme un
figement, subit un transfert d’un lieu sémantique vers un autre pour exprimer
autre chose que ce que le verbe est censé transmettre comme sens, celui proposé
par le dictionnaire à ses apprenants. yeššiṯ, littéralement, « il l’a mangé ».
Actualisée dans un contexte où l’échange porte sur le relationnel, cette
expression fait allusion à une personne perfide qui emprunte de l’argent mais ne
le rend jamais à l’emprunteur.

genres, nous permet de constater le caractère simple du lexique actualisé dont la signification
est toujours en écart avec le sens dénotatif du dictionnaire, pire encore, des fois l’actualisation
sémantique ciblée, est en rapport de contrariété avec celle présentée par le dictionnaire. En fait
dans le cas de l’un des extraits cités, la femme, contrairement à ce que manifestent les mots,
cette femme n’a pas mangé son fils.

104

14
Compte tenu de ces remarques, nous estimons que c’est justement, cette
« étroitesse » concernant la contribution du dictionnaire à la composante du
sens, qui a entrainé plusieurs philosophes et linguistes à s’engager dans des
réflexions consciencieuses sur le processus de la formation de la signification
au XVII siècle déjà, quand le philosophe anglais John Locke a actualisé, dans
un essai intitulé « Concerning human understanding » pour la première fois le
terme « Sémiotique ». Nous ne souhaitons pas revenir ici sur l’historique de
toutes les théories linguistiques qui se sont penchées sur les difficultés liées à la
production du sens, ce qui est disponible dans tous les fascicules de linguistique
générale. Nous aimerions rappeler tout simplement l’intérêt trapu du grand
savant suisse Ferdinand de Saussure qui a pu désambigüiser des concepts et des
notions mises en instance à cause de leurs caractères cérémonieux, telles la
définition de la langue, du signe linguistique, de la parole etc. C’est pour la
première fois donc, que la langue, comme « mystère », désignée par
méconnaissance des choses comme moyen de communication, est examinée en
profondeur, pour elle-même et non pour des finalités philosophiques, comme on
l’a souvent fait. Le fondateur de la linguistique moderne, en 1879 dès son jeune
âge, s’engage à décrire de l’intérieur « le trésor social » comme « un système
de signes ». Hanté par le désir et « l’obsession » de ne rien laisser au hasard,
Saussure ajoute que le signe linguistique est l’association d’une image
acoustique (Signifiant) et d’une image conceptuelle (Signifié). Un signe n’a de
sens que par les relations de contrariété qu’il entretient avec un autre, avance-t-
il, ce qui sera actualisé par plusieurs linguistes sous l’appellation du « Principe
d’opposition ». C’est en percevant les différences que le monde prend forme,
soutenait assez souvent A. J. Greimas le sémioticien lituanien à partir des
années cinquante du vingtième siècle.5Un seul mot n’a pas de sens. Il en faut
deux et une relation d’opposition. Autrement dit, un signe est défini par ce qu’il
n’est pas ou ce qu’il n’a pas, d’où l’obligation et l’intérêt de le rapprocher avec
un autre avec lequel il est lié avec une sorte d’écart sémantique. Le jour par
exemple, n’a de valeur que par rapport à la nuit.
On voit donc comment la procédure du dictionnaire pèche par une sorte de
volonté aspirant à l’explication d’un terme pris isolément et en dehors de toute
5
Dans « Sémantique structurale 1966, ouvrage de référence, on trouve les concepts inauguraux
pour comprendre les mécanismes qui entrent en jeu dans le processus de la signification. Les
lecteurs, les étudiants en l’occurrence sont invités à lire de manière exhaustive le chapitre
intitulé « La structure élémentaire de la signification ».

105
15
actualisation contextuelle, sans laquelle, il est des savants qui estiment que la
capacité de la langue, pour signifier justement, est rudimentaire comme c’est le
cas de J. L. Austin6. En fait ce pragmaticien linguiste, l’un des grands maitres
de la philosophie analytique à Oxford, et suite à sa remarque faisant valoir la
thèse selon laquelle, il est des énonciations constituant des affirmations qui ne
sont ni vraies ni fausses, ce philosophe donc, auteur de « How to do things with
words » intervient avec l’idée « agaçante » durant le début des années soixante
du siècle dernier qui consistait à dire que le contexte l’emporte sur le langage
dans le processus de la transmission et de la signification. Autrement dit, sans
l’investissement dans le contexte pour un locuteur souhaitant déclencher une
réaction précise chez son interlocuteur (ce qui est désigné par l’appellation
d’ « acte perlocutoire ») c’est à dire l’écartement des facteurs d’échec qui
risquent d’impacter le fonctionnement de la langue et la réception de ce qu’elle
est censée transmettre, tout en mettant de son côté (de l’énonciateur nous
voulons dire) les facteurs de réussite. Sans ses « manœuvres », la langue
saussurienne signifie pudiquement ou encore ne signifie pas pleinement, un
raisonnement peut être décevant, mais conçu en profondeur et dans une optique
« austinienne », il peut se procurer une posture convaincante. Dans le même
sens et pour étayer l’apport du contexte à la signification, nous souhaitons
reproduire ici, pour stimuler davantage la réflexion, le point de vue d’O. Ducrot
tel qu’il a été exprimé dans un article intitulé « Présupposés et sous-entendus » 7
« Décider quelle est la signification de l’énoncé hors de ses occurrences
possibles, c’est là, dépasser le terrain de l’expérience et de la constatation, et
faire une hypothèse, peut-être justifiée, mais en tous cas a besoin d’être
justifiée. Croire qu’on peut éviter cette difficulté à l’aide d’une certaine
expérience imaginaire qui consiste à essayer de se représenter l’effet éventuel
de l’énoncé s’il était prononcé hors contexte, c’est se tromper soi-même, car ce
qu’on appelle une occurrence hors contexte, ce n’est qu’une occurrence dans
un contexte artificiellement simplifié, et il n’est nullement nécessaire que la
signification constatée dans ces conditions permette de comprendre les
significations enregistrées dans les contextes naturels ».

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How to do things with words, traduit en Français par « Quand dire c’est faire », Seuil, Paris,
1970.
7
Revue « Langue française » 1969.

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Conclusion

Nous estimons que l’élaboration de dictionnaires de cultures est


envisageable. La thèse est à prendre au conditionnel vu l’enchevêtrement des
facteurs qui entrent en jeu dans un tel projet. Il faudrait à nos yeux, réfléchir sur
les possibilités de constituer un dictionnaire synchronique au niveau du temps
ciblé et de se focaliser sur une seule communauté culturelle ou sur plusieurs à
condition qu’elles se partagent ces aspects culturels influençant la signification.
Certes le projet est d’une ambition débordante, mais « prévisible » à nos yeux.
Il s’agit, pensons-nous, d’un travail de recherche ahurissant dépassant la simple
investigation lexicographique pour s’étendre vers l’exploration se réclamant de
plusieurs disciplines telles la sociologie, l’anthropologie, l’ethnographie,
l’histoire ou tout simplement toutes les prospections s’intéressant à la culture.
La tâche est énorme et difficilement accessible ! Nous espérons oser dire, que
dans certains textes, fonctionnant comme une sorte de « discours allusifs », où
les mots ne sont pas porteurs d’un sens mais d’une allusion à toute une histoire
comme produit d’un imaginaire collectif, la contribution du dictionnaire risque
de ne pas être seyante.

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Références bibliographiques

- Austin, J.L., (1970), Quand dire c’est faire, Seuil, Paris.


- Bezzazi, A., (1993), Etude d'un corpus de contes oraux au Maroc
oriental. Thèse de Doctorat d'Etat en linguistique. Université Mohamed
1er, Oujda, Maroc.
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Royal de la Culture Amazighe, Asinag, 4-5, Rabat, Imp., El Mâarif Al
Jadida.
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La Haye.
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amazighe : une quête identitaire inachevée », Revue Langues & Usages:
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Paris.
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lexicologie, Armand Colin, Paris.
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sémantique et linguistique, Thèse d’État ès Lettres, Faculté des lettres
et des Sciences Humaines, Oujda.
- Maloux, M., (1988), Dictionnaire des proverbes : sentences et
maximes, Larousse, Paris,.
- Martin, R., (1983), Pour une logique du sens, PUF, Paris.
- Robert, P., Rey, A. et Rey, J., (1967), Le Petit Robert, Paris.

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