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Linguistique et langues africaines

9(1) | 2023
Special issue: Bantu universals and variation

Khady Faye, Dictionnaire seereer/français, français/


seereer
Sylvie Voisin

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/lla/6177
DOI : 10.4000/lla.6177
ISSN : 2822-7468

Éditeur
Llacan UMR 8135 CNRS/Inalco

Référence électronique
Sylvie Voisin, « Khady Faye, Dictionnaire seereer/français, français/seereer », Linguistique et langues
africaines [En ligne], 9(1) | 2023, mis en ligne le 30 juin 2023, consulté le 31 octobre 2023. URL : http://
journals.openedition.org/lla/6177 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lla.6177

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Khady Faye, Dictionnaire seereer/français, français/seereer, Dakar, L’Harmattan Sénégal, 2022,
273 p.

Par Sylvie Voisin


Aix-Marseille Université, UMR 5596 Dynamique du langage (DDL)

Le sereer fait partie des langues parlées au Sénégal pour lesquelles il existe une longue tradition de
documentation et dont les premiers recueils de lexique appartiennent aux plus anciens connus pour
les langues d’Afrique sub-saharienne. D’Avezac en 1845 publie des listes de vocabulaire de plusieurs
langues parlées sur la côte ouest dont le sereer (« séraire »). Ces données auraient été recueillies, selon
les auteurs, soit par Barbot lors son séjour en 1681-1682, soit par La Courbe lors de sa mission de
1685-1687, soit par Chambonneau lors de son premier séjour de 1673 à 1677. Contrairement à cer-
taines langues documentées dans le recueil de d’Avezac, les publications sur le sereer, sans être parti-
culièrement denses, restent régulières. Ainsi, en 1865, paraît l’étude de Faidherbe sur la langue kéguem
(ou sérère-sine). En 1901, le père Greffier publie deux ouvrages : un dictionnaire français-sérère précé-
dé d’un abrégé de grammaire (Greffier 1901a) et une grammaire (Greffier 1901b). La documentation et
les connaissances sur cette langue ne cessent de croître et, entre 1972 et 1977, paraissent les 6 volumes
de l’incontournable dictionnaire du R.P. Léonce Crétois. Avec ses plus de 20 000 mots, il reste, à ma
connaissance, le dictionnaire le plus large effectué à l’heure actuelle sur une langue atlantique, famille
à laquelle appartient le sereer.
Le dictionnaire qui vient d’être publié aux éditions L’Harmattan Sénégal s’ajoute donc à une
documentation et description de la langue qui ne demande qu’à être complétée, mais qui est loin
d’être inexistante. Le titre présente l’ouvrage comme un dictionnaire bilingue seereer/français suivi
d’entrées français/seereer. L’introduction de quelques lignes fournit des indications sur les Sereer. La
présentation de la langue commence par une section « Écriture » qui se résume à reprendre l’article 1
de la Constitution sénégalaise qui reconnait à la langue sereer le statut de langue nationale (p. 9). S’en
suit la copie du rapport de présentation de la langue sereer produit lors de la révision de l’orthographe
et de quelques règles dans le cadre de la politique linguistique du Sénégal mise en place par le président
Abdoulaye Wade en 2005 (p. 11-20). Quelques règles de grammaire et de conjugaison sont fournies
(p. 21-25). Une section « Vocabulaire » distincte du dictionnaire recense quelques emprunts, quelques
éléments de conversation courante et proverbes (p. 27-34). Vient la partie dictionnaire, renommée
« Lexique » dans le cœur de l’ouvrage. Cette section débute (p. 37) par un rappel de l’alphabet sereer
déjà présenté dans l’introduction (p. 13) et un tableau de la conjugaison du verbe gar ‘venir’ (p. 38)
également proposé en introduction (p. 20). L’autrice inventorie ensuite les abréviations utilisées dans
le lexique, essentiellement dans la première partie. Contrairement à ce que laisse supposer le titre de
l’ouvrage, le lexique commence non pas par des entrées sereer/français mais par des entrées français/
sereer. Il est présenté sous forme de colonnes. Les deux parties français/sereer (p. 41-138) et sereer/
français (p. 139-273) ne fournissent aucun exemple d’utilisation des termes. Il s’agit donc bien d’un
lexique dans sa forme la plus minimale. Certaines entrées ne sont pas des mots ou des locutions,
mais des phrases : ‘il est à l’intérieur’ o xe kam fee (p. 98), ‘où étais-tu ?’ mam ref o? (p. 113) ; ou
des verbes conjugués : ‘ce n’est pas bon’ faaxe (p. 65), ‘j’achète’ um jik (p. 101). En ce qui concerne
les entrées lexicales proprement dites, leur traitement soulève beaucoup de doutes sur la fiabilité des
données et leur interprétation. Pour ne donner qu’un seul exemple : p. 107 sont présentées plusieurs
entrées sur le thème du mariage, dont les premières sont reproduites ci-dessous :

‘mariage n.’ ndolnir


‘mariage’ ngulook
‘mariage n.’ tak
‘mariages’ kulook

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2 comptes rendus

On trouve ainsi pas moins de 4 entrées qui renvoient au nom mariage. Aucune information n’est
fournie pour expliquer les distinctions de sens des mots sereer ndolnir, ngulook, tak. Le dernier n’est
retrouvé dans aucun dictionnaire sereer présent dans la base de données RefLex (Segerer & Flavier
2013) et ressemble fortement au nom wolof pour ‘mariage’ takk g‑, emprunt non signalé ou non
repéré par l’autrice. Les consonnes de classe pour les noms ne sont jamais indiquées. L’alternance
consonantique que connait le sereer entre le singulier et le pluriel n’est pas indiquée dans l’entrée, mais
dans des entrées séparées ‘mariage’ ngulook, ‘mariages’ kulook. Ce recours aux entrées singulier et
pluriel est fréquent, sans pour autant être systématique. On peut également relever l’absence régulière
de la mention de la catégorie grammaticale pour certaines entrées dans la partie français/sereer et son
absence quasi totale dans la partie sereer/français.
La publication d’un nouveau dictionnaire est pour les linguistes un événement qui éveille la cu-
riosité, avec parfois l’espoir de découvrir, au détour d’un mot, d’une entrée, de nouvelles relations
qui permettent de mieux comprendre la structuration du lexique d’une langue. Malheureusement, le
manque de soin dans la relecture et la mise en page de l’édition et les éléments fournies par l’autrice
n’apportent rien. Mme Faye, locutrice native, très certainement amoureuse de sa langue, ne parvient
pas à lui rendre hommage.

Références
Avezac, Armand d’. 1845. Vocabulaires guiolof, mandingue, foule, saracole, séraire, bagnon et
floupe, recueillis à la côte d’Afrique pour le service de l’ancienne Compagnie royale du
Sénégal, et publiés pour la première fois d’après un manuscrit de la Bibliothèque royale. In
Notice sur le pays et le peuple des Yebous en Afrique, 206-267. Paris : Librairie orientale de
Mme Ve Dondey-Duprey.
Crétois, Léonce. 1972. Dictionnaire sereer-français. Différents dialectes. 6 vol. (I : A-C, 1972 ; II :
D-G, 1973 ; III : H-L, 1974 ; IV : M-N, 1975 ; V : N-S, 1976 ; VI : T-ƴ, 1977). Dakar : Centre
de linguistique appliquée de Dakar.
Faidherbe, Louis. 1865. Étude sur la langue kéguem ou sérère-sine. Annuaire du Sénégal et dépen‑
dances pour l’année 1865, 173-245.
Greffier, H. 1901a. Dictionnaire français-sérère, précédé d’un abrégé de la grammaire sérère.
Saint-Joseph de Ngasobil (Sénégal) : Mission de la Congrégation du Saint Esprit et du Saint-
Cœur de Marie.
Greffier, H. 1901b. Grammaire sérère. Saint-Joseph de Ngasobil (Sénégal) : Mission de la Congréga-
tion du Saint Esprit et du Saint-Cœur de Marie.

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