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Ici un moodboard qui présente la collection à travers des dessins et des photos de
différentes pièces.
Les dessins et les dossiers techniques
La partie la plus fastidieuse et la plus importante. Tous les
détails doivent être pensés à ce moment. Les silhouettes version
croquis de mode comme on les imagine, qui sont présentes sur
le moodboard, ne sont que la partie « fun » du travail de dessin.
Le dessin essentiel est le dessin technique, celui qui permettra
au modéliste de concevoir le vêtement. Il doit être précis et est
souvent réalisé par informatique sur un logiciel comme
Illustrator. La mode est une technique, un savoir-faire dans la
conception des vêtements.
Notre imagination n’a pas de limite mais le corps humain et les
matières pour la production, oui.
Le modélisme, c’est-à-dire tout ce qui concerne la création de
patrons, est régi par des codes à la fois dictés par la
morphologie des hommes ou des femmes, ainsi que par les
propriétés techniques du tissu (chaîne et trame, jersey...).
C'est vraiment la partie fastidieuse où il ne faut louper aucun détail !
Le choix des matières utilisées dans la collection se fait
au moment du salon « Première Vision ». C’est le
rendez-vous textile de chaque début de saison : il a lieu
deux fois par an, en février et septembre. Salon
international, tous les meilleurs fabricants de tissus s’y
retrouvent.
Les étapes de création précédentes permettent d’arriver
sur le salon avec des idées précises sur les matières et
les couleurs. Sans quoi, il serait très facile de
s’éparpiller ! On a toujours envie de se laisser aller à
choisir des tas de tissus différents. Sur place, je me sens
comme un enfant dans un magasin de jouets. Il y a de
très belles choses qui viennent d’Italie, du Japon ou du
Royaume-Uni.
Octobre 2015 : sourcing et suivi de production
Tout est lancé. C’est une période propice aux déplacements pour aller
rencontrer les fabricants et surveiller de près la mise au point du premier
échantillon.
Cette année, je pars pour le Portugal - dans un petit village non loin de Porto -
visiter l’usine qui produit les chemises Patrons.
L’occasion d’une petite parenthèse sur le « made in ». Pour moi qui suis
designer, le contact avec les usines est primordial. J’attache plus d’importance
à la manière et aux conditions dans lesquelles sont fabriqués les vêtements,
qu’à leur pays d’origine. Chez Patrons, nous travaillons en France, comme au
Portugal ou en Chine.
BonneGueule l'a déjà évoqué, le « made in France » n’est pas un gage de
qualité ou de savoir-faire absolu. On trouve de tout : des façonniers très haut
de gamme comme des fabricants peu recommandables (cf :
les scandales d’ateliers clandestins découverts en banlieue parisienne ces der
nières années
).
Le plus important est la traçabilité, la qualité des matières premières et la
relation de confiance tissée avec les façonniers.
Novembre 2015 : validation des prototypes
Retour à Paris. La collection prend forme. Les premiers
prototypes arrivent, la phase de correction / validation
commence. Il faut vérifier que les mesures sont bien conformes
aux dossiers techniques et finir de valider les matières choisies
pour l’échantillon commercial.
Il faut être rigoureux jusqu’aux moindres détails ! C’est l’assurance
d’une collection qui tient la route. En moyenne, il faut
deux prototypes par modèle pour arriver à la validation du
prototype commercial. Un premier qui n'est pas tout à fait correct,
que l'on renvoie à l'usine pour être corrigé, et un second qui sera
parfois (mais pas toujours) le bon.
C’est un coût à évaluer en début de saison car la note peut être
salée. Préparation et précision sont les clés pour ne pas
exploser le budget.
Décembre 2015 : élaboration de la stratégie de communication
Si les usines ont tenu les délais, ce qui n’est malheureusement pas toujours le
cas, la collection est enfin prête !
Cette saison, aucun nuage à l’horizon ! Mais les retards dans la mise au point
créent souvent beaucoup de stress en fin de saison.
Décembre : c’est le moment de penser à la communication à mettre en
place autour de cette nouvelle collection. En effet il ne suffit pas de faire
de beaux vêtements pour donner envie. C’est ma casquette de directeur
artistique : donner vie à ces vêtements, en images, pour créer le lookbook qui
sera envoyé aux acheteurs et aux clients retails.
Cette saison, le décor est naturellement le même que celui inspirant la
collection. L’équipe de Patrons part donc en Irlande du Nord au mois de
janvier 2016 pour faire le shooting photo de la collection dans les
magnifiques décors de La Chaussée des Géants.
Un lieu idéal pour recevoir l'inspiration.
Mais ne soyons pas trop pressés, il reste encore beaucoup de travail.
Organiser la production du shooting n'est pas une mince affaire, il faut :
Faire le casting du mannequin qui sera le visage de la saison,
Choisir un photographe professionnel ; dans ce cas, le talentueux Manu
Fauque,
Organiser le voyage : billet d’avions, logement, etc.
Je travaille également depuis plusieurs saisons avec un réalisateur de film,
Cédric Coldefy, qui produit nos images chaque saison pour Patrons. Il faut
bien s’organiser pour ne pas trop dépenser mais aussi s’assurer que les
conditions sur place seront optimales pour toute l’équipe.
De mon côté, je préfère travailler dans la durée avec les mêmes personnes
pour créer une complicité et passer des moments agréables. Il faut aussi
savoir se détendre, même hors des heures de boulot, surtout si on passe 4
jours ensemble à l’étranger 😉
Fin décembre tout se précise : vivement 2016 pour présenter la
collection ! En attendant ça sera détente et quelques jours en famille pour les
fêtes.
Janvier 2016 : production des supports de communication
Le dénouement. C’est comme un accouchement. Des mois de réflexion, de
travail acharné, et tout prend forme.
Il nous reste encore notre petite virée en Irlande pour produire les photos de
la campagne. Ce sera un moment formidable de travail avec l’équipe sur les
routes sinueuses de la côte.
Les photos et le film de campagne de la collection en poche, je dois encore
m’occuper de la mise en page et de la DA du book papier. Je mets un point
d’honneur à toujours imprimer le book, c’est un objet qui met en valeur tout
notre travail.
Fin janvier, la collection est réellement terminée. C’est un peu de moi que je
laisse après ces mois d’efforts et c’est une autre partie du travail qui
commence : la vente de la collection aux revendeurs. Mais ça, c’est une autre
histoire, avec tout autant de challenges.
Le public, lui, ne verra la collection en boutique ainsi que le film
qu'en septembre 2016.
Le mot de la fin
En écrivant ces quelques lignes, je prends encore une fois
conscience de la difficulté de mon métier et des enjeux à chaque
saison.
Je pourrais avoir envie de baisser les bras mais je suis animé par
une passion indéfectible : un amour du produit et du savoir-faire
des artisans qui travaillent à mes côtés. Innover et proposer une
vision de la mode masculine.
Faire des vêtements, c’est être ancré dans une réalité concrète.
C’est une économie réelle qui peut parfois paraître superficielle
même si, finalement, tout le monde a besoin de se vêtir et se
soucie de son apparence.
Je ne prétends pas habiller l’humanité mais j’y contribue à mon
échelle, en y mettant tout mon cœur et ma passion.