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« Demain comme jamais; vb078; » : Date : 09/03/200808 // Pages : 52 / Mots : 0

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ME CONTACTER : 7 rue Anatole France 78110 Le Vésinet // Blog : http://demain-comme-jamais.-
5 blogspot.com/
…Mon Blog pour un échange avec les lecteurs. On y trouve : ma présentation du projet, des
commentaires… mes vidéos ainsi que les croquis des costumes…

PROLOGUE
H2 est aveugle mais à l’aise dans ces déplacements qu’il débute sur
10scène avant l’arrivée du public qu’il ignore. Le décor est sobre (atem-
porel, indéterminé). Une vidéo (image) est projetée derrière lui…
[Autre mémoire comme le sera le répondeur… Procédé utilisé par H1
pour communiquer : médiation] PF (pour petite fille) est derrière H2,
et, sans le toucher, semble le guider sans bruit.

15 H2 : S’adressant à ses pieds (autre que le public) Je ne sais plus. A


l'âge de 8 ans, je voyais encore devant moi. Puis quelques
docteurs soucieux-aux-pathes ont affirmé que cela ne durerait
pas. A 10 ans je partais pour le Franklinzin, dans une petite bour-
gade où vivait seul un oncle… un ami… quelqu’un de connu de
20 mes parents… Je pris le train pour la première fois. Il était ma-
gnifique à ce que j’en pensais, merveilleux… le plus beau des
trains qui n’est jamais été… un souvenir de gamin déjà nourris
d’imaginaire… d’inventions blotties, piochées au fond d’un sac.
Et du haut de mes trois pommes, il me semblait le sentir rugir
25 comme font les chats les jours de neige. On me bouscula pour
monter. Puis elle s'éloigna, me laissant à m’intérieur. Les portes
glissèrent… un fracas… elles... Je restais là, assis sur une sorte
de banquette… rembourrée de mousse… aux extrémités froides,
glacées même (découvre ce qui l’entoure par le touché). Des H0
30 rentrés progressivement l’entourent sans bruit. Pas un bruit (ou si-
lence). Puis il me semble qu'il y eut un élan en avant indécis. J'é-
tais seul pour la première fois de ma vie. Les voix s’éloignaient
avec les pas, les appels… Ils ne revinrent pas. Les reflets des
rails traversaient mon oreille… Les secousses incessantes du wa-
35 gon, chaque cris du dehors, chaque silence, chaque frisson,
chaque senteur... Tant à saisir, tant de vitesse, d’indécision à
capter, à garder au fond de soi pour se nourrir, se relier à ce qui
en dépassait : des films de westerns, quelques idées rêvées. Le
sol siffla pour la cent trente-quatrième fois, alourdissant mon
40 corps sous le poids du temps et de l'ivresse fulgurante d’un pay-
sage... invention de mouvements verdoyants. (Courte pause où il

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semble s’endormir) Les H0 sortent. PF, qui ne le touche pas, s’ap-
proche le plus de lui (derrière pour l’image). Une main, douce, se
posa délicatement sur mon cou, certainement plus chaud.

45PF/voix off : Où allons-nous ?

H2 : Attend ! Où es-tu ? Comment es-tu entrée ? Je…

PF : Avec toi. Cela fait longtemps que je t'observe. Je peux m’as-


seoir maintenant ?

H2 (méfiant) : Non !

50PF : Bien, comme tu veux. Tu te souviens où nous nous rendons ?


(Attend sa réponse) Alors ?

H2 : Mon père m'a dit...

PF : Bien ! Si tu veux discuter tout seul… Et puis je ne suis pas


vraiment inconnue.

55H2 : C’est que je ne me…

PF : Tu penses que tu pourrais m'oublier ? Même mon visage, tu


le connais... sans le voir ni l’effleurer !

H2 : Pourquoi faire ? Pourquoi t'oublier, pourquoi…

PF : Il y en a qui rêvent de m’oublier… Pour voir !

60H2 : Tu n'as qu'à partir, et je t'oublierai !

PF : On ne se débarrasse pas de moi comme ça ! Et si je de res-


tais plantée là…

H2 : C’est pour cela que nous partons ? Une fuite en avant…

PF : Je ne sais pas... Quelle heure penses-tu qu'il soit ? (Elle ferme


65les yeux pour l’écouter.)

H2 attentif : C’est comme quand… quand papa va bientôt retour-


ner travailler pour les machines qui lui font peur.

PF : Tout à fait ! (court silence) Il met son gros blouson marron,


serre ses chaussures… Il ajuste sa casquette en l’embrassant…
70 Cela me plaît !

H2 : J'ai vu juste ?

PF : Pas mal en avance sur…

H2 : En avance ? Les cours ! Maman j’y vais… mon sac… je suis


en retard…

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75 PF : (place de la mère) Calme toi ! Voilà, du calme, regardes-moi…
ici… là…

H2 : Tu vas faire le voyage avec moi ? Il est long, tu sais… L’oncle


sera content de te voir…

PF : En tout cas je ne partirai pas sans toi… et arrête : je ne suis


80pas ta mère !

H2 : Ils savent que tu es là ?

PF : Non. Ils ne pensent pas… à moi… Tu m'as invitée à monter


ici, à t'accompagner en quelques sortes. Et, même si tu leur di-
sais, ils ne t'écouteraient pas. Ils ont peur… Oh regarde, le clo-
85ché, la tour, les… Nous arrivons à Veugle !

H2 : A cette époque-là, je lui disais "tu" (« tu » est dit avec PF).


Elle était ma petite sœur avant de faire partie de moi. Pause. A
Veugle le train ouvrit ses portes...

PF : 2 minutes d’arrêt en bordure du quai attention à la ferme-


90 ture des portes.

H2 : J'ai entendu ce même frottement de tôle rouillée qu'au dé-


part. Elle m'avait laissé des cendres… (Elle lui donne une pelote de
laine tirée de sa poche puis s’écarte.) Rentrer chez soi. Au pied d’un
chêne en feu aux racines baignées d’encre ou de mots volant en
95 fumée…

PF : Prends ça et, quand tu voudras te souvenir de moi, serres-la


très fort contre ton cœur. (Il sort une pelote de laine de sa poche.)

H2 : C’est doux…

PF : Je te laisse, on m'entend. H2 Joueur il serre la pelote contre lui


100puis la tend vers PF en essayant de la trouver pour la toucher…

PF : J’ai plus le temps Lui arrive… [« Lui » fait référence à « H1 »


omniprésent et est accompagné d’une mimique quand il est
nommé (H1 la répète)]

H2 touche PF avec la pelote. Baisse progressive de la lumière : Les


105murs de ma chambre sont vert comme la casquette de papa ? Il
y a de la lumière, même la nuit, et cela ne me dérange pas. Tout
le monde dort…

PF En s’éloignant : Tu es le dernier ici.

H2 : Ah oui ? (attentif) Tu as raison ! Résonnance des pas… écho…


110silence qu'a la maison lors des départs en vacances quand…
Abandonnée. Oncle ? (Apelle) Les murs me regardent, me

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parlent…Tous alignés, imperturbablement présents. Et toi, tu... tu
m'observes... C'est ça ?

PF : Je t'observe…

115H2 Il tourne le dos au public : Je suis...

PF : A Veugle, de nouveau. Retour de la lumière.

H2 : Ne me laisses pas seul… L’oncle sera content de te voir.

PF : Je suis là… tu ne veux pas m’oublier. Regarde autour de toi.


N’es pas magnifique ?

120H2 : Je ne sais pas…

PF : Tu trouve ça beau ?

H2 : Je…

PF : Tout seul… enfin. Pause Où allons-nous ?

H2 : Nous…

125PF : C’est vert ?

H2 : Non !

PF : C’est beau ?

H2 : Oui !

PF : Qu’y a-t-il ?

130H2 : Du calme…

PF : Où ?

H2 : Loin de tout !

PF : Tu aime ?

H2 : Oui…

135(Un dialogue rapide où PF questionne H2 sans attendre sa réponse


peut continuer […])

PF : Aimes-tu cette Primalodérodonna ?

H2 : Oui !

PF : Tu mens ! Tu n’en a jamais vu !

140H2 : C’est un mélange de Primanelade du Granthé méridionale et


d’une Dronna des terres Thélriènes…

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PF : Tu es le fou qui fait si peur à transpercer les réalités, à tordre
les espaces, à révéler les points qui ne se touchent jamais pour
en former une seule et même ligne qu'on leur a dit transversale.
145 Ils ont si peur que toi ! Ouverture d'un vertige tourné vers l'hori-
zon monstrueux alors que tout te quitte… retour à Veugle...

H2 et PF alors qu’ils s’écroulent. PF s’éloigne et fait écho à H2 : Où


est tu ? Reviens !

Court silence. H2 est seul et se recroqueville en boule, il est dans le


150contact avec lui-même, avec son corps… Puis PF se rapproche de H2.
Ils se parlent comme à travers une porte.

H2 : Pourquoi cette porte ?

PF : L’oncle y vit, heureux ?

H2 Regarde derrière lui, cherche : Il est à l’abri, derrière, protégé,


155invisible…

PF : Quand pourrons nous la franchir ?

H2 : Il est assis dans son fauteuil rembourré… en cuir. Il ne le


quitte presque plus.

PF : Pourquoi, il n’aime pas le soleil ?

160H2 : Non… Ils s’assoient dos à dos contre la porte imaginée.

PF : Tout autour un cercle aux fées… des cendres ici… tout au-
tour de lui ?

H2 : Il… Il n’a plus besoin de soleil…

PF : Emmitouflé dans sa robe de nuit.

165H2 : Oui… Tout autour, une robe de nuit et des étoiles à


dessiner…

PF et H2 : A destiner… A deviner…

PF se lève, fait quelques pas attentive à quelque chose de l’extérieur


(coulisses)
170H2 : C’est eux ? Je ne les ai pas oubliés au fond !

PF : Ils ont condamné toutes les portes et caveaux… pour eux il


n’existe rien au-dedans… Lui a décrété, ils ont entendu…

PF et H2 : Sans moi tu n’es rien à leurs yeux…

PF : L’oncle a raison… tu n’es pas pareil qu’eux.

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175H2 : Ils ne le voient pas, et eux ? Il indique un point dans le public
en se prosternant pour attirer les regards vers ce point… Pionniers de
la grande coure vêtus d’apparats qui en disent long en un si-
lence… (Il regarde quelque chose d’invisible et semble admiratif)

PF : Le stoppant Tu pourras aller sans moi ? Promet-moi que tu se-


180ras fort d’avancer sans toi ! Que tu pourras dessiner le monde
sans crayons ni compas… Modeler l’univers que tu veux.

H2 : M’affirmer quand je n’aurais rien dit… Tout laissé derrière


toi.

PF : Ici, dans cette grande chambre bleue.

185H2 : Elle est d’un vert…

PF : A Veugle, toutes ces couleurs que tu lui donnes… Toute cette


ampleur que tu lui dessines… Je ne toucherai à rien… J’observe
derrière toi ces grains d’à venir que tu donnes au temps pour s’é-
crouler.

190H2 : Tu vas attendre que tous mes repères prennent place… Que
toutes mes envies animent le silence ?

PF : Quel visage me donnes-tu ? Qui es tu au fond… Qui étais-tu


hier ? Quelle Prizlathe préfères-tu ? Montre leur à eux… qu’on te
croit !

195H2 : Je ne sais pas si je pourrai me réinventer demain…

PF : Tu lâcheras ma main… seul, tourné vers autre chose qui te


dépasse encore…

H2 : Je t’aime ! Je t’aime ! Je t’aime !

PF En s’éloignant quand il l’appelle : Moi aussi…

200H2 : Reviens ! Ne me laisse pas dans ces vertiges, tâtonnement


d’inconnu…

PF il la cherche. Elle tente de s’en éloigner puis, après un long silence :


Nous n’aurions pas dû franchir leurs remparts… ils nous en
veulent d’être d’un notre côté…

205H2 : Et comment tout cela finira-t-il ?

PF : C’est à toi de voir ! Je sais juste que tout commença ainsi,


dans ce wagon.

H2 : Nous allons à Veugle alors !

PF : Pour se voiler la face et… Elle observe H2 absorbé, pensif…

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210H2 : Deux étoiles abattues contre la muraille… Et le temps qui
court, tout autour, toujours…

PF : Tu es fou !

H2 (comme une révélation) : Je sais…

PF et H2 : La guerre éclate à Bangkok… au 7 de la rue de Batheft,


215à Prague, une oie se maquille… la vie continue.

PF et H2 (tout les deux) : Le train en partance marque un arrêt ou


boissons fraîches vous sont agréable bar vous souhaite un joyeux
parmi nous 2 minutes d’arrêt bordure du voyage… Deux per-
sonnes « H0 » rentrent sur scène.

220 H2 : Je finissais ma phrase en serrant ce bout de laine, cette pe-


lote, comme si s’était ma vie… Comme si tout était là, au creux
de ma main… à la peau de ma paume posée. Les gens portaient
des chapeaux aux formes. Ils étaient dans leurs villes affublés de
cette joie de se reconnaître ainsi en l’autre. Autres formes cou-
225 sues sur leurs têtes. Comment m’accueilleraient-ils, moi, sans
tête couverte ? Ils portent des chaussures à pois bleus le matin
et à lassés orangés la nuit. Je ne suis rien. Tous les matins Lui
parle et réveille ces têtes perdues dans les étoiles qu’ils ne re-
gardent jamais… Alors que moi je ne les oublie pas ces mortes…
230 (Pause durant laquelle les H0 s’assoient, dos au public, près d’un
écran blanc qui descend à leur niveau). Ils l’écoutent… Lui est écou-
té, comme un conte à qui l’on doit tout. Et tous les matins ils
écoutent leur histoire, ils s’informent, pour savoir, pour
s’instruire… Ils s’informent, ils s’uni-forment d’un haut de forme,
235 ils se déforment et se réforment… pour se voir en vie et sans en-
vie. A Veugle j’avais loisir d’oublier ces dires que l’on mâche. Le
temps d’inscrire au grand chêne quelques signes sans noms. A
Veugle je donnais au soleil un nom de planète et je le regardais
en face sans peur de me brûler les ailes. Loin d’eux reclus dans
240 mes calcules sans résultats, dans mes constructions sans fonda-
tions… loin.

H1 depuis le public/l’écran : « nulle part ».

H2 : Et là… Chaque chose n’avait qu’un parfum… le soleil changeait


245aussi souvent de robe que les pierres changent de souvenirs. Un jour,
alors que je dormais, elle est revenue. Elle n’était presque plus…
Comme une mort ?

PF : Chut… Il faut que tu y retourne… que tu prennes l’herbe


250entre tes mains, que tu t’y allonge et regarde le ciel… Peut
importe ma présence.

H2 : Derrière la porte… le soleil…

255PF (en aidant H2 à s’allonger sur scène) : Du calme. Attend moi ici…

PF sort et les H0 restent sur scène… l’écran s’éteint (H1 disparait).

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PREMIÈRE PARTIE
H2 est couché sur scène. Les H0 se lèvent sans y faire attention et
260alignent des chaises comme sur un quai. Des spots en direction du pu-
blic les mettent en contre jour... L’écran s’allume, présence de H1. Dia-
logue entre les deux H0 : « 1 » et « 2 ».

1 : Tu viens, on s’assoit. Il y a de la place, là, un peu plus loin.

2 : Attends, on ne se met pas trop loin non plus…

2651 : Tiens… Lui tend un journal.

2 : Merci j’allais l’oublier. Comme que donc dit donc que je suis
absent ! (H2 se lève alors que les deux autres sont absorbés dans leur
lecture.)

1 : Il a l’air bien triste, celui-là ! Tu ne trouves pas ?

2702 : Où ? Lui, adossé au pilonne ? Et puis lis plutôt, on n’aura peut-


être pas le temps sur le trajet !

1 : Non… le grand qui est debout derrière la ligne. Il regarde l’-


heure…

2 : Bien oui, sur le quai d’une gare…

2751 : Attends ! Tu crois qu’il nous a vus ?

2 : Mais…

1 : Il nous a vus ?

2 : Je pense que… Lui le voit alors il peut nous voir… C’est dans
l’ordre de ces choses ! On va nous entendre, calme toi à la fin !
280Lis !

1 : Il est louche ! Il n’arrête pas de regarder autour de lui… Et


puis, il tient quelque chose au niveau de son ventre. Avoue que
c’est bizarre de se tenir comme ça, en public, sur un quai !

2 : Tu as raison, il fait même très étrange avec ses tongs ; il pleut


285dehors ! Et puis arrête, Lui va nous entendre… On ne devrait pas
s’en occuper ! Tu veux qu’il rapplique ici et qu’on nous em-
barque ?

1 Parlant moins fort : Il a encore reluqué l’horloge… Je ne le sens


pas, ce type. Je ne le sens pas !

2902 : Tu veux appeler la sécurité ? H1 apparait à l’écran durant la pro-


chaine réplique.

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4 Rentrant au niveau de 1 et 2, il passe sa main devant leurs yeux
comme pour les endormir : On se sent mieux, là : ce ciel bleu, ces
soucis qui s’envolent, ce silence… Merci qui ? Dit en sortant :
295Merci la grande CoMédia !

2 : Le train, il arrive dans deux minutes.

1 : Il fait un pas en avant !

2 : Pas la peine de me marcher sur les pieds…

1 : Il devrait être assis, il lui reste une minute… il se tient bien


300près du bord.

2 : Tu penses à quoi ? Tu devrais sortir plus souvent, arpenter le


monde pour voir les habitudes des uns…

1 : Je suis bien mieux chez moi à regarder et écouter la…

2 : C’est plus facile.

3051 : Lui nous parle sans nous poser de questions… Il a encore re-
gardé l’heure et dans le tunnel !

2 : Il est anxieux ou en retard !

1 : Il va sauter…

2 : Un suicide ? Les trains s’arrêtent avant ! T’imagines pas, si-


310non ! On n’arriverait jamais à l’heure !

1 : Il a une bombe !

Voix off (H2) : Même sous la torture, je parlerai… Qu’on com-


prenne ce qui s’est passé… Les chaises sont déplacées dans l’agita-
tion par les H0 puis d’autres, venus des coulisses s’assoient, le calme
315revient quand H1 rentre sur scène. Ils se mettent à lire des journaux…
(Extinction des lumières le temps que le public soit calme et attentif :
variable). H1 va et vient.

H1 parle à H2 qui est pensif et pousse des petits cris (onomatopées) :


Ceux qui sont debout se sont rassis (Les H0 sont assis, se relèvent
320quand H1 commence sa phrase et se rassoient…) Et tout ce bruit a
déjà agité quelques branches sur les cimes, lointaines comme
elles sont ! De temps d'aujourd'hui on n'a pas vu d'entendu ça. Il
y a eu certains rêveurs, des clowns en pate, des génies analpha-
bètes, étouffés, neutralisés par le Média... (Futur « HD ») oubliés…
325Il éclate de rire en regardant des hommes (Futurs « H00 »), vêtus de
noir, rentrés pour attraper H2 qui prend la fuite à la dernière seconde.
Ils le poursuivent… H2 disparait dans les coulisses (ils le suivent). H1
annonce une station. H2 réapparaît directement par d’autres coulisses
avec les H00 en blanc. Ils s’assoient et lisent des journaux. H1 ne fait

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330plus attention à eux et sort. Un écran s'allume doucement et on y voit
le visage de H1 plan fixe et peu éclairé... [L’installation d’un écran sug-
gère une présence extérieure, lointaine, mais omniprésente] Puis H1
ressort de l’écran… effervescence sur scène… et réapparait sur scène,
le calme revient.

335H1 tourne autour de H2, l’ausculte puis donne une leçon au public Il
est à la fois excité et fier : L'Homme est assis devant moi, à-Veugle.
Il n'a ni lecture ni pensée avec lui. Bonne cachète, ingénieux si-
lences… Il n'a rien, et c'est bien triste de le voir surgir dans le si-
lence en cette fin de journée. Il n'est pas si jeune que ça. Il a pris
340sa tête dans ses mains. Il n'a plus que sa tête à porter vu qu'il n'a
rien amené ! Il y a le « Matin sup' » et le « CityParici » qui
viennent de sortir. Mais il n'a rien. On (avec les H0/H00 et depuis
les coulisses) se va toujours, portant la lecture sous le bras... pour
voir… je dirais... (Il sort un journal de sa poche) une guerre… une
345famine… quelques titres et mots pour instruire la journée. Par
exemple ce matin, (Les H0 sont au courant de ces informations et ac-
compagnent H1… Il dicte et écrit (selon si sur scène ou à l’écran) on
compte 56 arrestations, 2 interpellations, 3 délits non traités. Il y
a eut 19 inaugurations. On compte 68 points de naissance et
350donc, comme je vous l’expliquais tout à l’heure, chose toujours
inexpliquée : 1 décès. Quelques offres d'emploi, 53 abandons
dont 3 graves. 69 directives en cours d'abrogation... Il loupe
quelque chose ! Ses yeux sont tout mouillés ! Il ne pleut pas au
dehors. Tout est clair dehors.

355Un arrêt de métro : nom de gare, annonce (de H1). Extinction des lu-
mières puis retour très progressif jusqu’à l’aveuglement du public. PF
rentre et se met à son aise sans se soucier de H1.

H1 est sur scène et sur l’écran d’où les H0 peuvent le voir : Trois
hommes vont entrer. Ils vont s’assoir comme le font toutes per-
360sonnes qui vont pour êtres assises (les H00/H2 s’assoient). Ils
ouvrent leur journal page une, comme le font toutes personnes
qui ouvrent leur journal page une. Il est assis, lui aussi. On ouvre
son journal (ordre)… Merci. Tout va comme tout va, ils vont ! Ils
sont tous tombés sur la fameuse demande d'emplois qui va nour-
365rir l'espoir du soir. Ils ont tout le temps qu'ils veulent. Et quand la
lumière se fera… il aura sûrement disparu (H2). Tous sortent. L’é-
cran s’éteint et PF se met face à H2.

Texte souligné : H2 et PF le disent ensemble. Différences: H2/PF.


H2 : Je me nettoie le visage… Ça fait depuis ce matin, depuis tout
370à l’heure. J’ai mis une autre chemise qu’on ne me reconnaisse
pas. Une belle chemise. J’ai regardé le miroir et celui qui s’y trou-
vait m’a surement fixé, lui aussi… dans les yeux peut-être ? Je
me suis assis, sans l’oublier… ce temps… s’est il arrêté, dans

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cette bulle de savon à la vanille ? Qu’a-t-elle vu, elle qui me re-
375garde, qui m’observe ? Suis-je beau ? Suis-je élégant au moins ?
Elle a tourné le regard… c’est ça ? Elle a baissé les yeux pour les
reposer sur ses genoux ? Elle s’est nettoyé le visage… sans se
poser sur mon nez, ma joue, mon oreille… en s’oubliant d’un coin
d’œil.

380PF face à H2 : Le soleil se reflétait sur l’écran et toute sa chaleur


pénétrante emplissait mon corps comme il le fait des fois avec
les caves, les chaussées, les entrepôts… par une fenêtre perchée
qui ne s’attend plus à être traversée.

H2 avec PF : Les larmes pour nettoyer le visage et que le soleil


385entre, s’il peut, s’il n’a pas trop peur de moi… Changer les
choses, être soi-même un/une autre.

PF : Se regarder en face/farce… choisir. Je me serais noyé pour


changer de peau ça n’aurait rien changé… un acronyme dans un
390journal quelconque qui m’aurait, lui, vu passé par là ? J’ai été
lâche. Quand on ne voit plus au dehors… On reste là, proche en
soi, en espérant qu’il n’y fasse pas si sombre… et qu’on pousse
la porte sans rien demander et qu’il soit con.

395H1 (voix off) : Il est parmi nous. Il s’est assis comme font toutes
les personnes en s’asseyant… Euh… Il respire… Il a les yeux ou-
verts… Comme nous… Mais il n’a de lecture ni d’idée. Il transite.
Si vous le rencontrez merci de nous le préserver. Excusez le pour
ce désagrément.
400
Tous se tournent vers H2, assis, et, dès qu’il bouge, font mine de
ne pas l’avoir vu.
H1 (En parlant de H2 depuis l’écran) : Il... H1 marque une pause et on
entend le nom de la station : on sort/rentre. Il ne bouge pas. Il n'a
405pas de journal. Le « A nous Patous » vient de paraître ce matin.

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DEUXIÈME PARTIE
Tous, sauf H2 et un H0 -dans le rôle de « Machin »-, sortent. Dialogue
entre H2 et Machin dont l’intonation donne un autre sens aux mots.

Machin : Les voyageurs en partance pour Uruk-mère suivent le


410protocole 1.1.3,6.3,3.33.3.3.3.33.3.3.12.3.3.3,3…

H2 : J’ai peur de m’être mal fait comprendre…

Machin : Une double portion avec…

H2 : Avant tout, qui… qui êtes-vous ? Je veux dire, on se connaît ?

Machin : La machine à frites.

415H2 : Vous êtes nombreuses en ce moment… J’aime bien vous


voir.

Machin : Les menus maxi 1 et maxi 3 sont en réduction.

H2 : Vous avez… je veux dire tu… as appris ça où ?

Machin : La PatateCorporation version


4205.2.2.3.2.2.2.3.3.6.6.3.33.3.33.3.3.3.33…

H2 : Je vois. Tu as de la famille en ville ? Des enfants ?

Machin : Trois Patoides pour une portion simple… 3 pour 1 !

H2 : Et vous avez pensé à faire autre chose. Je me sens si seul…


J’ai envie de…

425Machin : Clisodium, Soufrure de sulfate ardu d’oubliliasé compor-


dicé d’amidon calbouditien primaire soulsifié en 22.5. 5 Milililitre
de clispodien fondu !

H2 : Non… j’y ai pensé mais il y a tant de choses à voir dans le


monde ! Je…

430Machin (le coupant) : Je ne pense pas, j’obéis : commandez et


vous aurez ce que vous voulez !

H2 : Bon conseil mais ca ne me ramènera jamais mes souvenirs,


mes rêves.

Machin : Votre commande est prête si vous voulez.

435H2 : Ca n’a pas été trop dur ?

Machin : Deux Cryspiz en bonus, rien de plus… Un sourire au ca-


ramel, un instant unique d’ivresse… découvrez vite notre offre
mervilla !

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H2 : Ca me manque aussi !

440Machin : Veuillez renifler votre carte. Bon appétit ne rend pas la


journée bonne.

H2 : Vous n’avez pas à me parler comme ça ! Laissez-moi si c’est


comme ça !

Machin (en sortant) : Au plaisir… Et, entre nous, il pense que tu es


445le mort.

H2 alors que PF rentre : Laisse-moi un peu parmi eux. J’ai le droit


de voir…

PF : Ne rentre pas trop tard !

H2 : Laisse-moi ! J’en ai assez, va-t-en, laisse moi dans cette


450danse qui prend !

Un orage gronde au loin... un lieu extérieur à H1. PF sort. Depuis les


coulisses, ou dans le public, annonce à la criée des titres de journaux
dont « CityParici »… Bref flash lumineux. Même situation qu’au début
de la première partie.

455H2 : En défaisant la pelote que lui avait donnée PF en descendant du


train. Je ne sais pas ce qui m'arrive... Je me suis réveillé et je ne
me rappelle de rien. Ah si... quand même. Je me souviens que
c'était bien. Elle m’a laissé… ça…

Ce qui suit, des passages où deux textes se mélangent (entre H0 et


460H00), doivent être pensé ainsi. Un groupe vient compléter l’autre, le
déformer, lui et son propos… A force ces souvenirs se dissolvent… L’-
histoire se réécrit selon son aventure entre H1/PF.

H00/H0 Et si dehors j’avais oublié quelque chose ? Si… dans le


jardin ? Je cours ! Le ciel est plus beau que tous les ciels… Je sens
465tout mon souffle, tout mon corps, l’herbe sous mes pieds… Je
crie ! Je chute…

H2 : En me levant, j'ai regardé cette petite lumière, cette petite


fille. De quoi se refaire une beauté…

H00/H0 Le vent crépite dans l'interrupteur. Les grandes avenues


470se vident avec le soir qui monte. Un parfum d'été qui rappelle sa
fin s’empare de son épaule. Ces odeurs d'herbes, d'un chant d'é-
té reposé à l'oreille, d'une chanson qui peut entendre/attendre.
Deux grands bras de sourires flottent dans le vent vaporeux. Et...
Il n'y a rien... absolument rien. Le vent siffle et joue dans
475ce sommeil qui se veut d'un hiver d'hier. Juste comme ça..
Retour total de la lumière… qui crée une coupure, un retour.
H1 à l’écran et sur scène : Les nouvelles donnes ont fait de la
banque Nambruss une banque du présent d’avenir : 60% de la

25
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population aurait récemment pu répondre positivement à cette
480affirmation... (Pause, il appuie pour annoncer la nouvelle station. Des
H00 rentrent et certains sortent. Il fait 64°4 F en cabine et 30°C en
extérieur.

H2 : à mi-voix comme s’il oubliait : Je me suis levé et j'ai... j'ai...


485(Bref flash lumineux aveuglant)… H1 coupe H2, l’empêche d’avancer,
de finir sa phrase, de penser.

H1 : Un homme se serait évadé cette nuit de sa chambre. Il est


comme vous. Si vous le trouvez, merci de me le signaler au plus
vite. Il serait assis et habillé. Il n’a pas de journal avec lui et
490voyage seul. Les H0/H00 s’observent discrètement, craintifs. L’écran
(présence de H1) s’éteint : Agitation entre les H0/H00.

H0 et H00 : Le vent crépite dans l'interphone. Il n'y a personne


dehors. Le parfum humide d'un été qui rappelle sa fin. Le si-
lence lancine et cette chanson qui peut entendre... Marcel
495vient tout juste de rentrer et Lui l'entend. Le noir cri du ciel
perche son attente sur cette porte fermée... et il n'y a rien... ab-
solument rien. Le vent siffle et joue dans ce sommeil qui se veut
d'un hiver d'hier. C'est tout. Il est entré et par l'interphone chu-
chote : Silence. Il n'y a dans cette ville que le son d'un acte
500qui oublie déjà sa fin.

H2 : Je suis retourné sous le grand chêne pour y enterrer ce


qu’on ne comprendrait pas demain. Pour garder à la mémoire de
quoi se souvenir… Quand nous aurons oublié… je n’ai pas fait de
carte à boussole.

505PF rentre et dépose une dizaine de pelotes de laine à ses pieds (elle
les sort de sa poche : son costume²) et les H0/H00 se jettent dessus
comme des charognes affamées.
H2 : Alors, tu abandonnes tout : tes envies, tes rêves, tes
conquêtes ? Sans toi, je ne suis rien… Mais sans moi, il te reste
510des passés. Notre oncle, maman, papa, cette nuit d’étoiles,
Frankzin… nos voyages… toi… et qui sait tout ce que j’y ai lais-
sé ?
PF : Elles ne m’appartiennent plus (elle montre les pelotes pré-
sentes dans sa poche) Et puis vois comme ils sont affamés ! Ils
515n’en ont pas eu depuis longtemps… Seul toi, dernier de notre
longue lignée tournée vers ton espérance… Écoute, ils vont tout
brûler, tout ça… Tu seras seul, sans toi… perdu dans les rues…
Plus d’étoiles… Des murs sans barreaux ni fenêtres… plus d’é-
toiles… Laisse-toi aller sans tous ces murs qui t’entourent… la
520plus haute des tours… Le plus beau détour… Plus d’étoile.
Extinction des lumières le temps de la réplique de H2.
H2 : La fenêtre est fermée sur la maison. Une nuit et tout s’é-
vapore… des murs sans barreaux ni fenêtres…

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La lumière revient, H2 est au milieu de la scène et tient la pelote de
525laine donnée par PF serrée contre lui.

H0/H00 s’adressent à H2 : Vous vous êtes peut-être trompé de


mots. Deuxième escalier a droit à son premier! Au moins deux
mots pour un mois d'avril et d'espoir. Vous auriez dû dire que c'é-
530tait le plus beau jour de votre vie jusque là. Vous oubliez
toujours l'essentiel ! (Ils lui tendent des « médicalements »
qu’il ne prend pas.) Et là, vous pourriez raconter, continuer...
préciser... sans tout dévoiler... mais dites-le maintenant... Ce
temps qui vous connaît n’attend pas (bref flash).
535H2/PF : Et je n'ai rien dis à cette merveille/de cette réalité qui
me... (Réflexion, ils se regardent, court silence.) Que demain/hier
n’existe plus. Merveille qui m’a… (La superposition de ce que PF dit
avec H2 les rendent incompréhensible… Il oublie, H00 ne le coupe
pas.)
540H00/H0 (la Co-Média, grande éloquence) : Bienvenue parmi nous…
Un oubli magnifique, des absences formidables ! La Grande
Co-Média vous salut, splendides portes fermées, belles
craintes, belles cages, heureuses fausses et cachots ! Nous
allons murer tout ça… Et puis pourquoi ne pas choisir la cou-
545leur tant que vous y êtes ? Laissez-nous/vous faire !

PF : Laissez-le ! Vous ne connaissez rien… de lui… du reste !

H0/H00 Un rire dans le silence, un sourire, un œil qui me cherche,


550des larmes/lames… je m’écoule… léger, au sol vert. Mon cœur sur
l’herbe… un œil qui me cherche, mon cœur qui me traverse, un rire
qui m’éveil. Je suis tout présent… Le souffle cour, je regarde…
j’échappe, j’ai le cœur qui bat, la tête ici. Un silence puis un son, un
mot, un œil qui me cherche, un sourire…
555
H2 : Je veux voir ce qu’on me réserve.

PF (toute seule) : La guerre éclate à Bangkok… au 7 de la rue de


Batheft, à Prague, une oie se maquille… Deux serviteurs ont
560prêté allégeance à la reine cuillère des serviettes pliées dessert
un 17/20 à toute l’administration des choux à la crème qui
décernent un 15/20 à tous les fêtards aux cernes
protubérantes… La guerre entre les oies et leurs gaveurs de
Prague prend fin dans un coincement d’aile et quelques plumes
565en moins… Quelques nains de jardins aspirent devant chez eux à
des vacances à la plage et conformément à la législation qui
interdit d’élever la voix publique dans les jardins anglais et que
les pelouses en polyuréthane sont revenues à la mode dans la
confection d’espaces vert automatisés…
570
H1 : Sortez !

PF s’enfuit et H2 s’évanouit et les H0/H00 le retiennent puis l’assoient


en finissant d’installer le décor... PF rentre et lui met une pelote de
575laine dans la poche en lui adressant un adieu.

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TROISIÈME PARTIE
H0/H00 (discrets) Il a pris un café trop noir... Bisou, mon gros
nous nous nous nounours. Après que PF soit revenue sur scène l’un
d’eux embrasse H2 sur la joue, ce qui le réveille en sursaut.
580
H2 : [Souligné fin : Joué/dit] Et après je me suis réveillé, mortifié ;
les épaules lourdes et le regard léger… là-bas… révélé. Il s’est
passé que… c’était beau…

PF2 : (autre perception de PF : elle a la robe rouge que PF avait,


585apparente, sous son costume. Elle fait des pelotes et tir le fil de celle
défaite par H2 et qu’il a laissé dans l’une de ses poches) qui est rent-
rée et s’est assise avant le réveil de H2… Et c'est tout ça qui t'a rê-
veillé ?

H2 qui n’est plus aveugle : Au rêve veillé…

590PF2 : Tu étais seul ? Je me suis dis que… Tu m’as manqué… (Elle


poursuit, plus affectueusement) Tu as bien fait de la quitter… Et
puis c’était pas un travail sérieux !

H2 : Je... Rien n'est sûr. Il y a dans ce jardin abandonné une


grande bâtisse, haute de murs blanc au toit large. Il y a là-bas un
595soleil qui ne veut de mal à personne.

PF2 : Comment le soleil pourrait-il vouloir du mal aux gens ?

H2 : Si j’y étais rentré me protéger… Il prend des médicalements.

PF2 : Mais il n’y a rien dans la demeure… reste tranquille ! Et


puis d’abord comment es tu rentré ? Tu sais bien : c’est fermé !
600(Va vérifier dans les coulisses) Ca va…

H2 : A l’intérieur, j’aurais cousu des flamants au rosé cuits au


fou. Le soleil, il m'a vu oublier qui j'étais quand je l'ai fixé en face.
Une boule de feu, du rouge, puis plus rien. Je suis rentré… Tout
est magnifiquement unique (il semble découvrir avec extase une
605table, une chaise – Seuls éléments présents dans le décor –… comme
s’il n’en avait jamais vu).

PF2 : Carl, Léonie ? Tout, vraiment ? Ton nom ? Ma main sur ton
épaule ?... Tu ne te souviens plus où nous en sommes ?

H2 : L’oncle est surement mort pourfendu au soleil. Je peux te tu-


610toyer ?

PF2 : C’est que…

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H2 : Tu crois qu’ils vont nous trouver. Ils se rappellent de nous ?
PF remet son costume sur scène (fait parti du décor/dans une
armoire).

615H2 : L’oncle va-t-il s’en sortir ? Hein ? S’il y a une chose dont je
me souviens c’est qu’il avait promis que nous retournerions au
chêne, avec lui… Ca te dit quelque chose le… le chêne ? A son
retour… il est…

PF : Il est au front, à la porte de la Grande CoMédia. Il n’a jamais


620été aussi seul… à se sentir battre le cœur. C’est ça qu’il lui est ar-
rivé quand ils t’ont retrouvé.

H2 : J’ai pleur… De l'eau, restée longtemps dans mes yeux a


décidé de voir dehors, ailleurs, en espérant... peut-être que c'est
cela...

625PF : (voix-off) C’est moi qui fais couler tes yeux… Tu n’es plus à
Veugle… Vois ce qui t’a toujours été refusé, tout ce que le soleil
t’a laissé de liberté… imaginé démaginé… oublier. La lumière va
en diminuant.

H2 : Tant affronts m’entourent depuis mon retour… Tant de dé-


630couvertes qui n’en sont pas… Ca n’a pas changé alors.

PF : Si, lui il a changé… ce regard et celui là, et l’autre ou celui-


ci ! Ils t’observent, tous, tournés vers toi. Tout le monde t’ob-
serve, tu le sens qui te respire et te répondent en leur présence…
(Elle parlait des objets l’environnant.)

635H2 : Tu…

PF : Ces larmes c’est tout ce qu’il te reste d’hier… quand tu as


décidé de partir. Tu vas les essuyer et voir clair pour de bon ?

H2 : Il faut choisir. Alors qu’elle va pour le serrer dans ses bras : re-
tour immédiat d'une lumière très forte...

640H1 affolé (Depuis l’écran) : Trois nouveaux complexes et deux dé-


couvertes sont présentés nouvellement en page 8 et 12, dans
leurs rubriques respectives. On note également une nette
amélioration des censeurs et des CoMédiens.

Les H0/H00 (rentrés sur scène dans le noir) reprennent leurs journaux,
645terrifiés, et lisent à voix haute les prévisions météorologiques : 60 °F
pour 35 °C, temps orageux, prévision de tempête ascendante par
nord nord est sud-ouest… Les conseils sont : rester calfeutré
chez soi… n’adresser la parole à personne, pas même à ses voi-
sins… Consolider ses portes à l’aide n’importe quoi. Cyclone et
650vent agité à très agité, à très très agité en quart nord nord sud-

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sud. Il est également conseillé de dormir jusqu’à nouvel ordre…
Silence

H0 et H00 Je dois retourner au chêne déterrer les trésors que j’ai


cachés… Me rappeler du goût de l’oubli, de la patience de
655l’absence et retrouver le plaisir de parler des langues mortes…

H1 et H2 : Assis ! (l’écran s’éteint en même temps que les lumières


de la scène).

H0/H00 Se regarder en face. Je me serais noyé pour changer


de peau… Ça n’aurait rien changé… un acronyme dans un jour-
660nal quelconque qui m’aurait, lui, vu passé par là ?

PF : J’oublie parfois… (La lumière revient doucement jusqu’à la fin de


sa réplique. Ils reprennent leurs conversations). Quand je dors, je
laisse toutes mes craintes, délivrée au-delà des rives… eaux des
rives, sans barrages... A Veugle, je t’y aurais laissé, libre… Mais
665tu vas prendre goût aux pépites… à leur couleur qui n’apparte-
nait qu’à toi…

H2 : Je ne sais pas ce qui m’attend, j’ai tout oublié quand ils


m’ont trouvé.

Un H0 : Aux dernières nouvelles un complexe hôtelier serait im-


670planté dans les bas-fonds de la ville. Toute rébellion s’est dissi-
pée…

PF : Ils pensent que l’oncle est mort…

H2 : Le serait-il ? Il est si loin qu’on ne le voit plus…

PF : Il est à l’autre bout de Veugle, aux confluents de la Trizda et


675du Ritzianéta…

H2 : Il s’est posé pour voir si un message, par nous, ne glissait


entre les flots…

PF : Ils…

H2 : Qui ?

680PF : Eux, tous… nous cherchent pour brûler la Veuglette, puis, à


Veugle, ils construiront des tours… Ils éclaireront tout, ils expli-
queront tout… Des gyrophares, des chercheurs, des radars… Que
lumière soit faite...

PF sort en même temps que rentre un dernier personnage. Il est vêtu


685d'une cape noire réversible en blanc (« HD »). Il tire deux longs rideaux
sur la scène qui la fait ressembler à une chambre d'hôpital (espace
intime) voire à un confessionnal.

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H2 : qui ne l’a pas vu rentrer (après un court silence) Tu me
manques.

690 A l’extérieur, une violente explosion…

HD après un court silence : Vous n’avez pas à vous en faire… Elle va


vous laisser la retrouver votre mémoire. Vous l’attendez depuis
longtemps ?

H2 : Qu’est-ce que vous y connaissez ?

695 HD : … Vous attendez ?

H2 : Elle… ça me manque pour être…

HD : Seulement, elle s’en est allée. Vous êtes seul… avec moi bien
sûr.

H2 : Je… Je ne suis même pas sûr de la reconnaître.

700 HD : Mais je comprends… On était amoureux de toutes ces jolies


inconnues ? De tous ces jolis inconscients qu’on gardait le plus
près de soi… Nous avons les plus grands spécialistes avec nous et
donc avec vous... Pour ma part, je ne suis pas là pour vous
guérir… Une clope… ? Non, vous ne fumez pas, c’est juste ! Atten-
705 dez un instant. (Il met en place les quelques éléments de décor de
cette chambre d'hôpital.)

H2 : Et tout ça… Ça a toujours existé ?

HD : Cette chaise je viens de l’amener… elle est née avant votre


arrivée bien sûr !

710 H2 : Avant c’était moi qui… J’ai toujours imité le monde…

HD : Ce qui veut dire ?

H2 : A Veugle je n’ai jamais… le monde était plus… cachotier, pru-


dent, secret…

HD : Alors vous allez me prendre… Du stricon Barfiolé 6500…


715 Quelque chose comme 2… non 3 Stripoliozéthamines de Protéine
en M34 sans A33 à 100 dosettes par paquet, venez me voir quand
vous en aurez plus… Puis, toujours, avant les repas et les non-re-
pas, une injection de Criodonnée… (Épelle Criodonnée) en 9 milli-
litres. Ça ira ou je vous le note ?

720 Des H0/H00 rentrent sur scène…

HD / H0 et H00 : Je pense que nous sommes d’accord… Bon dé-


but ! (H2 se redresse) Il est déjà 8 heures… Ça vous dirait, un thé ?
Ah non… C’est juste, vous ne buvez pas de thé ? Tais-toi ! Une

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glace, alors ? Ah non, vous n’aimez pas les glaces ! Voyez vous
725 cette belle grimace qui se dessine ?

HD et Les H0/H00 tendent un miroir vers H2 qui se cache.

HD / H0 et H00 : Vous voulez vous asseoir ? Non, c’est juste,


vous vous sentez mieux debout… dehors ! Vous allez bien ?
Vous avez faim ?

730 Extinction progressive de la lumière le temps de la prochaine réplique.

H0/H00/[H2] Il est entré, et de mémoire on ne s'en souvenait


pas. [On a essayé de se souvenir] si on s'était souvenu...
[Mais le temps qu'on] se souvienne, nous, nous, nous, nous
735 avions oublié. Oublié la réponse, la question qui devait
suivre. Puis nous nous sommes réveillés. Et Lui aussi… Et, dans
ce jardin, nous avons oublié la question... Ou plutôt nous n'é-
tions pas invités (PF est sortie du groupe et a rejoint H2). marcel est
arrivé de l'autre côté, heureux, merveilleux dans son costume,
740 fidèle à lui-même, beau, tranquille... Et il n'a rien dit, plongé
dans cet éclat de soleil. Pétrifié par la vision de son astre.
Depuis, nous, nous, nous, nous, nous, nous, nous ne savons plus.
Et il a préféré tout oublier : ce qui restera. La grande bâtisse…

PF : Un peu d’avenir écrit il y a longtemps déjà…

745H2 (ne voit pas PF) : Je n’ai pas osé lui dire à quel point…

PF : Tu te souviens de ces pas…

H2 : J’ai si froid et faim maintenant… Depuis que le silence est un


vide qui se comble par sa présence et qu’il est l’inverse de ce qui
l’entoure…

750PF : Tu te souviens hein ? De cet air de piano ? J’en frisonne ! Tu


m’as manqué… Quand j’ai su qu’ils t’avaient retrouvé… Je regar-
dais si tu n’avais pas écris un mot… J’ai laissé toute la poussière
sur les meubles, les murs… les portent ouvertes… en grand.

H2 : depuis que les choses s’imposent d’elle-même…

755PF : Toute cette poussière pour rien… pas une lettre sur cette
épaisseur de toile… Tendue comme à l’enfance. Tu te souviens ?
Silence

H0 : Et il crie de tout son cœur que ce silence ait été prononcé


par un autre.

760H2 : Demain comme jamais. Il y avait tant en ce monde, tant à


dire, à voir à vivre… Que je n’ai pas su lui dire à quel point je l’ai-

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mais… Ce silence qui ne devait rien changer… J’aurais dû le voir
ce temps qui passe !

PF : Elle souffle comme sur une vitre pour y écrire un mot (sur la buée)
765Je suis là…

H0/H00/PF : (paroles « soufflées » vers H2) La fenêtre est fermée


sur la maison. Et il y a eu ce contentement... cette immensité de
silence sensible. Cette grande bâtisse est toujours fermée…
Lui raconte que [avec H2 : « même les fous n’y sont jamais rent-
770rés… »] Elle l’y attend/entend (en échos).

HD : Alors eux... vous les entendez ! (Il rallume l'écran à l'arrière...


sur lequel apparaît H1) Bisou mon gros nounours ! Et tâche d'être
un peu seul ! Je reviens (sort).

H2 : Il ne me reste pas grand chose. Il y avait sûrement beau-


775coup de bonheur pour que je pleure tout à l'heure… que tout res-
sorte par les eaux plutôt que par les mots. Silence… C’est beau !

PF : Comment ça, pleurer ?

H2 : Pourquoi m’avoir laissé ? Tu ne penses pas que je souffre


suffisamment ?

780PF : Tu…

H2 : Tout ici crie de se taire, de regarder et d’attendre… J’ai pris


goût à tout cela… A ces réponses faciles qui ne demandent rien.
Ce magnifique intérieur… cette table, cette chaise…Trop de
tout… je suis seul. Loin d’être à Veugle tout est là, sagement or-
785donné.

PF : Moi ça me calme, c’est rassurant de se savoir entouré…


d’exister.

H2 : Tu étais sûrement plus belle…

H1 et HD ricanent à l'écran.

790PF : Ces restent de toi qui coulent… (Touche son visage, mime des
larmes) Elle, elle, elle (goute par goute)... ça fait mal ?

H2 : Je... Tu as sûrement raison… Mais ça soulage.

PF : Ah... Tu va y retourner, alors ?

H2 : Il y a cette lumière derrière moi (l'écran) qui pèse et assom-


795brit ce souvenir mêlant colique et doute. Cette époque me fa-
tigue… (Il ne trouve pas de mots alors il se frappe la main, violem-
ment sur quelque chose de dur) Ca fait mal… Cette chaise…

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PF : C’est une tasse à pied et à oreilles !

H2 : Une chaise ! [Escalade calme durant laquelle PF prend le dessus


800(...) Je ne continue pas le texte il est important que l’effervescence soit
spontanée, improvisée.]

H2 : La grande CoMédia… Ou était-ce ton sourire que j’ai vu dans


cette fleur. Ils ont raison d’avoir peur de nous voir perdus dans
ces allées fleuries… loin d’eux, de toute cette agitation sans vie,
805de tous ces bruits qui ne veulent rien dire. Quel chemin prendre
maintenant ?

PF : Si jamais ils me prennent, serre-moi dans ton cœur… Tu


pourras faire ça pour toi ? C’est bien.

H2 : L’oncle est mort… Lui en parlera bientôt aux infos. On en


810fera beaucoup de bruit… oui, du bruit… qu’on oublie tout le
reste.

PF : Ils…

H2 : Ils ne peuvent pas rentrer… Ça ira.

H0/H00 : On a essayé de se souvenir si On s'était souvenu...


815Mais le temps que On se souvienne, nous, nous, nous, nous
avions oublié. Marcel tenait cette petite balle bleue. Et
nous nous sommes réveillés. Marcel est arrivé de l'autre côté,
heureux, merveilleux dans son costume, fidèle avec lui-même…
lui m’aime... Et il n'a rien dit. Depuis nous nous, nous, nous,
820nous, nous, nous ne savons plus. Et il préfère tout oublier… Ça a
déjà commencé. Marcel a donné la balle à la petite fille (elle sort
une pelote de laine bleue de sa poche). Marcel lui a sourit (H2 sou-
rit).
Sur...
825Saut...
Suspend.
Des gens...
Me veulent...
Pressant le pas.
830Que tout avance...
Poum, poum, poum !
Du meilleur au pire ?
Est-il mieux d'attendre...
Que ma tête s'en remette...
835Et que tout reprenne place...
Pour réfléchir ce qui me vient...
Voir ce qui a ma rive n'advient ?
Passeur des passés, des sources.
S'asseoir et se voir en reflet...
840Soi, ici, à la barre posé, fort.
Attente... attendrissante...
Attendre... Attendre...

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Attentes... tendues...
Ou sourire ou périr ?
845Ou sourire de souffrir ?
Un sas avant de passer...
D'être d'autre rive en visage ?
Présage du naufragé... s'aborder ?
D'autres rides au passage... y aller ?
850Partir ou s'abandonner aux siens, seul.
De construire comme pré vu... survivre...
Dé construire, courir et mourir... se sentir libre...
Ou oublier au masculin et sans "e"... l'oubliée ?
Des rives en visage où se nicher et écrire dans l’âge...
855Inspirer avant d'exprimer... Exprimer sans respirer ?
Comme une pause en suspension sur de l'abysse qui prend.
Poudrière poussiéreuse... oublieuse des oubliettes à
mèche.
Sur un lit de mots qu'on prend pour des cailloux... des grains...
860Du temps pausé, allongé, sur la grève, la peau salée,
sablée...
Ces montagnes, belles majestés, face à l'inconnue des horizons
nés...
Ces grains au sol aux vents et terres azurées tenaient
865face, un silence.
Et les plus grands réduits au nombre de leur taille... passés,
passif...
Du temps à naître... à n'être plus rien qu'une masse, sans
couleur...
870Une autre rive... une rivale qui s'éclate de rire au rocher.
Qui s'entend vivre dans une vague ivresse tangue...
Comme les gens mélangés d'êtres...
Poum, Poum, Poum !
Ce on qui n'est rien...
875Ces mélanges...
Ces sons...
Cessons.
Ce con.
Qu'on.
880Ce on.
Con.
-----Bref flash et extinction des autres lumières. Seul l'écran reste
allumé. Les H0/00 reprennent leurs journaux, terrifiés... L’un d’entre
eux chasse PF…----
885
H1 (toujours depuis l’écran mais entre également sur scène en
criant) : Silence ! Silence ! Silence ! Les groupes terroristes ont,
cet après-midi, tenté de renverser l’État instauré par… par moi et
votre coopération dévouée. La nouvelle est grande : Le
890Médiateur a résolu cette discontinuité protubérante afin de vous
assurer le calme qui nous est requis pour le bon déroulement des
alinéas communicatifs de l’ordre et du silence. Merci pour votre
concentration. Votre dévoué CoMédiateur.

895Retour progressif à la normale (les lumières se rallument et l'écran

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s'éteint alors que l’on voit H1 reprendre une lecture et sortir de scène)

H2 : J’ai fondu en larmes… recoloré ce reste de moi, ce reste d’un


mois ou plus… un passé si lointain… Un trésor nourri à l’ombre
900d’un chêne trop bavard.
QUATRIÈME PARTIE
Noir, on discerne les H0/H00 installant le décor d'intérieur : une chaise,
un tabouret, une table basse, une malle, un coffre à alcool (décors plus
rempli d’objets)... Une lumière arrive de la droite par les coulisses, en
905laissant le visage de H2 dans l’ombre.

H2, après avoir appelé à l’interphone : Je suis revenu à ma chambre, et


j'y ai dormi il me semble. (Il se couche)

HD rentre sur scène… Les H0/H00 en chœur enjoué : On n’est pas


là… HD ressort.

910H0/H00 : Il a marché droit vers elle en jouant de la trompette


pour nous oublier, nous mettre de côté. On a essayé de se
souvenir si On s'était souvenu... Mais le temps qu’On se
souvienne, nous, nous, nous, nous avions oublié. Marcel te-
nait cette petite balle bleue qu’il voudrait laisser. Et nous
915nous sommes éveillés. Une vague de sourires dégoulinant par la
plaie… Des boulevards… solitaires… des traces de pas dans le
vide. Et il n'a rien dit. Depuis, nous nous, nous, nous, nous,
nous, nous ne savons plus. Et il préfère tout oublier… Lui a tout
gardé pour lui mais je ne m’en souviens pas. Nous oublier
920avec ses parcs verts et ses ciels bleus. Ça commence !
Garde-la avec toi… Un gouffre à combler. Ils s’assoient partout
sur scène, attendent sans bruit...

H2 prend un café, s’allume une cigarette qu’il écrase aussi tôt. Il s’as-
925soit, se relève de suite puis cherche quelque chose qu’il ne trouve pas.

H2 : Il n'y avait personne à l'intérieur. Alors, j'ai écouté le répon-


deur à bande [Mémoire artificielle].

Répondeur (diction extérieure de PF) : Vous n'avez pas de nou-


veaux messages. Les H0 peuvent faire un écho discret.

930H2 : Original, je me suis dit.

Répondeur (l’annonce est cette fois une voix artificielle) : Vous n'a-
vez pas de nouveaux messages…

Voix (PF2) : Nabami... Nabami ? Décroche, s'il te plaît ! Il faut


qu'on se revoie pour en parler... Si tu veux, demain, au parc de
935Heligs. Ça te dit ? Prends soin de toi. Bisou, mon gros nounour...
Salut, rappelle-moi...

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PF (rentre sur scène. H2 ne la voit pas) : Marcel, continue. (H2 l’i-
gnore et ne la regarde pas du tout). [H2 et PF parlent en même
temps (deux répliques). H2 plus fort.]

940H2 : J'ai pris un café trop noir... Elle est morte… elle est morte…
morte !
PF : L’oncle est mort… Veugle, Marcel, moi… nous.

H2 : Je ne peux plus…
PF : Tu ne peux pas… Non !

945H2 : Des prises qui s’éloignent à mon regard. (Il tente de s’agripper
à des H0 qui se retirent à son approche.)

Voix (PF) S’il te plaît… S’il te plaît… Dis-moi que tu vas le faire.
Dis-moi que tu ne vas pas tout laisser tomber… Continue, tu es
seul maintenant… Je ne t’empêcherai plus d’y retourner. Tu n’as
950pas répondu, enfin... Tu as surement tout fermé comme Lui l’a
demandé… Ce répondeur te laisse.

Après s’être assis un temps au calme H2 débute un dialogue avec lui-


même. Il parle seul avec lui-même : « 0H ».

0H : Et tu as bien eu raison de faire appel à toi.

955H2 : Quoi ? (Courte pause) Tu es revenue ?

0H : On n'est jamais mieux servi par soi que par soi-même ! Tu as


du doute en toi ?… Rappelle-toi !

H2 : Je voudrais juste savoir si j'ai rêvé... Il y a de ces fois où j’ai


rêvé de me souvenir… de ces visages, des choses que Lui, seul,
960 oublie… du poids des gens… voir net en sentir ce que sont les
réalités pour vous. Voir comme vous cette lumière… comprendre
au présent sans penser en homme à Veugle… si, enfin, demain
s’annonce tel qu’hier.

0H détaché, peu accueillant, désagréable : Peu importe, en fait ! Le


965« problème », c'est plutôt que tu t'en souviennes. Penses-tu vrai-
ment avoir dormi pour échapper à une voix du passé ? Ce café
ne t'a pas arrêté... Je regarde ? (Il se penche dans une direction,
vers les coulisses côté cour) Non ! Crois-moi, cela sera fort vain...
Tu iras voir la petite fille demain, très tôt. Lui te regardera et tu
970ne le supporteras pas... Impossible pour toi de penser à ce que tu
vas vivre maintenant... Et pourtant on est là… dans le silence qui
Lui fait si peur ! La Grande CoMédia a dressé ses drapeaux, et
plus personne ne le conteste. Tous, excepté toi, parti à Veugle,
seul et trop tôt, à temps... Tu n’as plus besoin d’elle. Elle n’est
975qu’un mensonge qui a laissé place à la liberté ! La vraie : celle de
voir le monde tel qu’il t’est donné de le voir…

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H2 : Mais je ne suis pas allé à Veugle pour cela ! Je suis prêt à
m'en vouloir. Allons-y… Voyons ce que j’ai au passé…

0H : Dépassé tant de choses sont passées… Mais ne t’inquiète


980pas, une petite danse et on y arrive : tu es si naïf !

H2 Que me réserve t-il alors que j’arpentais rues et jardin dans


une conscience à Veugle ?

0H : Tu vas tant vouloir revenir... Rends-moi la balle bleue !

H2 : Non, je lui rendrai…

9850H : Rend la moi ! Tu n’en as plus besoin… Tu ne la supportais


plus de toute manière. C’est elle ou toi… Hier ou demain !

H2 : Pousse toi, tu me fatigues ! Rouge ou blanc…

0H : Qu’est ce que ça veut dire !

H2 : Pauvre gamin présomptueux… Laisse-moi cette part obscure


990où tu te cachais… je ne veux pas t’avoir sans cesse sur le dos !
Allé, vas t’en !

0H : Vraiment ? Tous ces échecs ? Toutes ces mascarades qui t’é-


tripent ?

995H2 : Oust, hors d’ici…

0H : Rend la moi ! J’ai faim d’avenir… s’il te plait ! S’il te plait…

H2 : Sans ces masques, je ne suis rien ! Alors laisse moi y retour-


ner, je ne veux plus de ces réalités futiles, de ces matins où l'on
m'appelle Marcel, de ces nuits où j'ai tellement hâte de me ré-
1000veiller que je ne dors plus... Tu me laisseras exister vagabond
dans mon futur ? Il m’appartient… Et quand j’aurais mis le
masque je pourrai enfin le brûler.

0H : Je la décolorai alors…

H2 : Non !

1005Des H0 rajoutent des meubles au décor jusqu’à rendre la scène inex-


ploitable, comme un grenier où tout s’entasse.

H0/H00 Cette fois, je ne pense pas que tu puisses oublier.


Qu’est-ce qu’oublier sinon renaître ailleurs, sans soi pour
se porter, pour se déporter, se reprocher, se rapprocher… se
1010reprocher ?

H2 : Oui, de l’enfance… de l’absence. Un espace où se blottir…


aveuglement… sans hier, sans demain… libre de ne pas l’être.

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10150H : Je… je… je… Je n’ai rien oublié : tout est là… si tu me la ren-
dais maintenant ?
H0/H00 : Et dehors… à courir…
0H : Jamais ! Mais on peut être amis et je te la prêterai…
H0/H00 : Puis à vivre, à courir, à s’élancer au jardin… libre, au
1020soleil… sans nous, sous le soleil et un ciel… tout simplement :
les pieds par terre, dans l’herbe, à s’écouler… à s’écrouler… à
rêver… à réveiller les pierres tombées à terre… Et si présent,
tombé, qu’il y reste… à la terre tombale.
0H : Ok mec. C’est vrai… tu es aussi Marcel… C’est à elle que tu
1025dois ce nom ridicule (il est très énervé) ! Ce que tu veux dépous-
siérer sans peur, tu n’y connais rien ! Ce n’est pas une de ces
réalités que tu as inventées, déliré de toute logique ! Et écoute
bien : je ne vais pas te laisser entrer si facilement… Personne
n’est jamais revenu ici voir ce qu’il a laissé derrière lui. Voir le so-
1030leil en face te brûlerait moins les ailes que tout ce que nous al-
lons, ensemble, ouvrir… Tout ce que tu as abandonné pour
Veugle est là, à l’ombre.
H2 : Tout, vraiment ?
0H : Et il n’y a ni de grand ni de petit… de petit ou de plus
1035grand…
H2 : De grand ou de plus grand…
0H (avec un H0 ou H2…) : Tout est lié sans différence… Et une lu-
mière à la barque, un son d’automne à la cannelle, la douceur
d’une nappe amidonnée…
1040H2 : … Les tartes dorées au four sur une crème pleine d’amour
(se mime en train d’en manger les yeux fermés)…
0H (le coupant) : On ne peut retourner dans son avenir… Il vaut
mieux oublier. Ce ne sont que choses dépassées !
H2 : Ne t’arrête pas, j’en veux encore !
10450H (agacé) : Moi, je suis spécialisé dans le passé… Pas de rêves
qu’elle appelle « révélations créatrices » ou « élévations »… Mais
dans les antiquités de poussière, les parchemins de mensonges,
les passes-passes et les clefs rouillées, les sortilèges, les sorties
de secours… Enfin, tous ces trucs-là ! Alors, ne venez pas me sa-
1050lir le plancher. Il y en à assez de ce monopole high-tech. Je suis
un artisan : vous pensez qu’on peut survivre, nous, face à la
montée du marché de l’autre continent ?… Ah ! C’est qu’il faut se
rendre compte, môsieur, que bientôt il n’y aura plus le choix si on
se laisse marcher sur les pieds !
1055H2 : Mais si !
0H : Mais nan…
H2 : Mais si !
0H : Mais nan… Et vous pensez que l’avenir se fera sans nous ?
Vous y croyez, vous, à tout ça ? Il faut choisir ses rêves… Moi, je
1060ne fais pas dans le raccommodage ! Tout ce qui est resté depuis

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la chute de la tour jusqu’à l’essor de la Grande CoMédia… Tout
est là, sous vide, pré usagé, arrivé par mes secrets… Libre à toi
de tout défaire ou de t’en défaire ! (Flashs lumineux puis lumière
aveuglante vers le public à qui 0H s’adresse.) Vous n’en reviendrez
1065pas… Offres réduites pour les moins de 6 mois et les synes-
thètes. D’ailleurs, si vous en connaissez… ils se font plutôt rare,
et j’ai toujours adoré me lier à eux… ce tissage… visage qu’ils
mettent au monde. Ma carte de visite, au cas où ! (Il tend – à H2 –
une carte qu’il fait tomber à ses pieds. Demande-lui, à elle, si tu
1070veux rentrer. Elle pourra peut-être t’aider ? ! Tu veux rentrer
maintenant que nous t’avons sorti dans ce beau jardin ?
H2 : Je… Je ne sais pas… Tu sais j’ai…
0H : Ah ne compte pas sur moi pour t’éclairer là-dessus ! Moi, les
choix… J’observe les conséquences… j’emmagasine ce qui se
1075transforme en demain.

H2 : Vous avez beaucoup en commun au fond de moi.

0H : Mais moi je te laisse voir, farfouiller, faire ton choix et es-


sayer de sortir tout ça de son aile qui te protège !

1080H2 : Je…

0H : Si si, tu as du temps… gratis, pour toi, aujourd’hui ! Tout en


pièces des passés… La grande bâtisse : encore un de ces rêves
idiots, idolâtres îlots lyriques… Ca ne marchera jamais… Tu ne
veux pas rentrer ? Regardes toutes ces belles choses qui t’en-
1085tourent !

H2 : Je…

0H : T’aurais mieux fait de cadenasser tout ça… de tout enterrer


ça t’aurait mieux sauvé !

H2 : Du silence…

10900H : Pour imaginer ? De la fuite ! Passé sous le nez ! Ne pas


prendre part.

H2 : Deux grandes portes ont fait face… Deux imposantes gar-


diennes de mystère. Pour qu’il y ait solution à trouver et
questions à inventer… Y voir serait y brûler tout Veugle en sa
1095fondation… [Cette réplique a valeur d’exorcisme face à 0H… Dernier
opposant à sa liberté : lui-même].

H2 (0H déstabilisé) : Toutes les… Très belle décoration... Toutes les


demandes sont d'abord... Joli mobilier... Tu vas devoir sentir...

0H : C'est fort inutile et un peu méprisant de votre part de


1100m'accueillir ainsi, moi qui… Je peux vous tutoyer ? Moi qui t'ai
tant volé, pillé, menti, violé, saccagé, estampillé... Me traiter de

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menteur, va encore... mais la fanfare qui vient... j'espérais la
reconnaissance d'un pareil service. Cette réaction qu’ont les gens
m'étonne toujours. Voir à quel point ceux qui ont peur de moi
1105peuvent être si inconsidérément prêts à me tourner le dos alors
que nous nous-nous, nounours, nounous… nous-nous
connaissons, que je les connais si bien... Oublions ce que j'ai pu
dire. Tu devras souffrir pour être belle... Vois là ! (Il fait des allés
retour comme pour un défilé de mode… ensuite il retourne en
1110coulisses.

H2 : Vous n'avez aucun pouvoir. Vous ne tiendrez plus longtemps.

0H : C'est là tout mon pouvoir de n’en avoir aucun. Et puis on


1115passe mieux les frontières quand on peut se charger de babioles
au retour. C’est Carl qui le disait…

H2 : Carl ? Parlez moi de lui… S’il te plait ?

11200H : J’aime mieux ça ! Je sais que tu t’en souviens… le cher


Papa, le géant des foires. « Tu te trimballes avec un ouvre-boîte
et quelques coupe-ongles et tu restes planté deux jours au poste
à expliquer tes relations avec ton épicier la veille du
jour de la Pâque... Non, toi, si tu veux ». Un brave…
1125
H2 : Vous avez les poches pleines… Vous tenez trop à vous…
Votre poussière vous ressemble… vous n’avez plus prise sur
moi ! (Il se met une claque et poursuit) Je peux toujours rentrer à
Veugle su je veux ! Cette chaise est rose, cette girafe orange… Je
1130me laisse de la place… Un coin à l’ombre, à Veugle… Tant de
portes fermées ! Une courgette cleptomane, une paire de
chaussons paumés, des phares à brouillard… Des calles basses
pour grands chalutiers…

11350H : Non !

PF (rentrée discrètement par derrière) : Le monde te modèle par sa


présence, son regard… Fais-lui farce !

1140H2 : Les portes sont ouvertes, je n’ai plus de raison d’entrer.

H0/H00 Et si présent, tombé, qu’il y reste… À la terre


tombée ! Tourné vers cette promise : au-delà. A la nuit tombée !
De retour au pays…

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1145 CINQUIÈME PARTIE
Un H0 (« 4 ») place des pelotes de laine blanche dans toutes les
poches…

PF en voix off : Continues à y croire… Nous y sommes presque.


L’écran redescend doucement… On y voit une illustration de révoltes
1150(clichés/archives), ou bien il peut rester éclairé (vide). Le décor d’inté-
rieur peut être retiré progressivement et à vue plutôt qu’à la fin de la
réplique (il n y a pas de coupure temporelle !)

H2 : (H0 rajoutent des détails visuels à ses souvenirs…) Puis je me


suis réveillé à 21 ans. Je me souviens de ce jour où avec papa
1155 nous nous sommes rendus à la grande fête du village. Il y avait
tant de monde pour notre si petite ville. Pour la première fois de
ma vie je découvrais les pavés de nos rues invisibles, piétinés par
tant d'inconnus. Mon papa m'a emmené manger ces nuages
roses qui collent aux doigts. J'en ai mis dans ces oreilles toutes
1160 poilues parce que je fais trop de bruit. Puis nous avons continué
tout droit sur l'allée centrale. Et je ne sais plus très bien... Il m'a
reposé au sol. Je me suis agrippé à sa jambe comme il aime que
je fasse. Je savais qu'il était heureux que je sois là. A midi le soleil
s'est placé au dessus de nos têtes. Mon papa me fait de
1165 l'ombre avec sa main. Les gens le regardent. Mon papa aime
bien qu'on le regarde, il dit. Mais ces yeux étaient tout bazar. Je
ne sais pas trop ce que c'était, mais mon papa il avait l'air
ailleurs comme ça... comme quand on se lève le matin et qu'on
pensait être parti de la chambre. Et, pour finir, il a plu un temps,
1170 de très très grosses grosses gouttes sont tombées sur mon nez et
j'ai éternué... c'était froid et la barbe à papa a toute fondu.

HD : Génialisimospectaculario !

H0/H00 Qu’est-ce qu’oublier sinon renaître ailleurs ? Sans soi


pour se déporter, pour se supporter, se détacher, se dépasser ? Puis
1175à courir au jardin… Au dehors de hors… tout simplement : les pieds
dans l’herbe, les yeux dans ce vert, dans les cieux, à s’écouter… à
s’essouffler… à Rêver… à réveiller ce qui tiens, ici, dans le creux de
sa main.

1180 H2 : Puis je me suis réveillé à 18 ans cette fois. Avec ce regard


nouveau… porté sur Veugle et ses remparts. Je n'ai pas oublié
qu'il était plus grand que moi, c'était un géant... Et c'est ainsi
qu'il m'abandonna pour faire les foires, attirer le passant. La cage
était là… et les gens le regardaient… Fières d’une liberté acquise.
1185 Mon père était heureux et ils étaient certains qu’il réfléchissait
leur arrogance… Que sa tête s’abreuvait et qu’ainsi ils l’édu-
quaient à reconnaître les formes qui sont leurs. Ainsi, des deux
côtés On regarda l’autre comme le plus pauvre… de la pitié pour

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ce qu’on ne connaissait pas… ou plus. [Les gens, nombreux
1190 (H0/H00) font face à lui (H2) et on ne se rend pas trop compte de qui
est derrière les barreaux]… Mon père aimait me raconter cette
histoire. Il disait qu’en être à regarder avait fait de lui un gardien.
Qu'être penseur lui avait montré que les barrières n'existent pas.
Il est tout dans son monde, prêchant la parole folle, annonçant
1195 qu'il sauvera ceux et celles qui y croient, là, depuis sa cage aux
barreaux sciés. H2 s’assoit… Et 1 et 2 (des H0/H00) rentrent et
montrent H2 du doigt.

2 : On en a trouvé un dehors !

12001 : Encore un ? Où donc ? (Ambigüité sur leur rôle… Sont-ils là pour


le soutenir ?)

2 : Hors zones ! (Ils sont tout excités)

1 : Ah ! Et pas de journaux non plus, je suppose ?

2 et 1 : Eh bien, non !

12051 : Ton nom ?

2 : Tu te rappelles de ton nom ?

3 (H2) : Nom/Non ?

2 : Tu ne te rappel pas ? Comment te nomme-t-on ?

1 : Quel visage te donne-ton ? Ton nom ?

12103 : Heu… non, je ne crois pas.

1 : Il n’a pas honte l’ami ? (3, hésitant secoue la tête dans tous les
sens)

H2 (3) après réflexion : Marcel ? Marcel !

2 : Un miraculé !

12151 : Oui, regarde, ils ont bien dû le raser ! (il montre le costume de
H2 avec de courts bouts de laine colorés). Moi je ne me savais
même plus aimer quand je m’en suis sauvé !

2 : Je l’adore, cette petite. Pas toi, camarade ?

1 : Viens là voyou que je t’embrasse !

12202 : Combien de doigts ?

H2 (réfléchit puis, face à son oubli décide d’inventer quelque chose) :


Douze !

1 : Et là ? (Joueur, en montre d’avantage)

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H2 : Quatre ! (Sans réfléchir et tout aussi joueur)

12251 et 2 vont pour serrer/retenir H2 dans leurs bras mais PF prend sa


place et H2 se relève.

H2 (Le texte souligné indique que les H0/H00 réagissent ou l’accom-


pagnent) : Le sol est trempé. Les néons projettent de l'ombre au
sol. Les yeux fermés, le codeur qui bat, doucement. Un éclat de
1230 lune, deux étoiles, quatre chaises, deux messieurs, huit fenêtres,
trois horizons, dix-neuf nuages… (Liste dit comme une liste, un
constat découpé, sans liens entre les choses vues… Toute la suite dé-
file devant ses yeux, très vite. Ressent un suspens.) Puis lentement.
Il est assis pour mieux se pencher. Les lumières argentés défilent
1235 dans le noir crissement de métal. Les portes s'ouvrent. Le froid
cynisme du dehors se couche à ses yeux. Il lève la tête. Le vent
est seul à jouer sur le quai. Seul à visiter les rues toutes ruisse-
lantes d'un silence… Elle a le regret bleu et l'œil marron… Mar-
moneuse la lune ! Marmoneuse, la lune ! Elle éclaire à peine de
1240 sa main cette chose qui penche... ce tranchant regard perdu
dans l'inconnu (parle de lui-même), dans ce reflet d'absence qui
est sien. Il a raison. L'ombre est là, portée par la lune ni pré-
sente, ni absente, ni différente, quittée des regards. Point
aveugle sur l’horizon… somnoleuse, lumineuse, obnubileuse,
1245 homme de bille heureuse…

4 (un H0/H00 sorti discrètement) Entre en courant et coupe H2 qui n’é-


coute pas, dans des idées lointaines… : On a une place ! Des années
de lutte, de conflit, d’humiliations… de refus sourds… Et qu’ils
veulent notre avis !

1250PF rentre en courant des coulisses : Comment ça ?

4 un papier à la main : Ils disent vouloir reconstruite et compter


avec nous…

H1 et HD depuis l’écran alors que 4 lit leur message : « Nous voulons


faire lumière sur nos divergences passées. »

12552 : Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

1 : Ils arrêtent tout ? Les coupes ? Les…

4 : Ils veulent reconstruire « un rapport de tolérance et d’ouver-


ture » ! Finies les réunions secrètes dans ces caches sordides…
J’ai la tête pleine de poussière à respirer ici ! Je me rappelle à
1260peine : le soleil, il change de couleurs selon les saisons ?

PF : Pourquoi arrêter ? Quel intérêt a-t-il tout lumineux et blanc ?

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2 : Adieu les utopies… Nous allons de l’avant : nos rêves se réa-
lisent à présent !

4 : Plus besoin de penser tout bas ce qu’on aimerait ne pas avoir


1265à crier…

2 et 4 : Le monde nous attend.

1 : Vous voulez y aller… les rejoindre ? Sortir et aller demander


vos journaux ? C’est ça qu’ils offrent, non ? Ils offrent leur liberté
et ses règles que Lui seul conteste ! Et si c’était un piège ?

12702 : Réclamons des otages !

4 : C’est prévu dans ce dit contrat ! (indique le passage concerné)

1 : C’est pour demain que je me bas !

PF : Moi aussi ! Je… porte tous ces pas dépassés… Tous ces
bouts de passés qui attendent… Je…

12752/4 : Allons-y ! (H2 est toujours dans ces pensées)

PF : La liberté pour laquelle je me bas n’en a rien à faire de la re-


connaissance… Elle vit sans cet apparat, cette satisfaction bor-
née… Ma liberté n’a pas de fin !

4 : Alors, pourquoi se cacher ici ? (il distribue les tractes) Pourquoi


1280espérer sans cesse ce qui là, à notre portée ? Pourquoi attendre
d’être enfin heureux ?

PF : Ne lisez pas… Leurs places… Vous allez prendre leurs places


dans leurs mascarades… Et Lui ou lui (peut montrer l’écran et
H2)… Vous devez choisir l’un des deux (H2 ou H1) ! Il a besoin de
1285nous… de ces passés qu’il porte… C’est temps des passés qui
l’emportent… de moments qu’il apporte… Pour naître de nou-
veau.

4 : Et nous ?

PF : Il m’aime ! Il vous aime… et bientôt il n’aura plus honte…

1290Tous sauf PF : C’est aujourd’hui que nous aurons le temps… le


présent, lui, n’attend pas…

PF : On ne doit pas le laisser disparaitre ! C’est tout ce qu’il reste


de… (Les autres sortent et elle va pour les retenir sans finir sa
phrase)… Attendez ! Ce que vous leur donnerez, ils ne vous le
1295rendront jamais… Mieux encore, dans votre satisfaction des
grands jours, vous les rejoindrez… Allez parler avec eux, qu’ils
aient de quoi discuter et s’animer… Il n’y a chez vous que la

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culture intime, l’impalpable, la folie, le secret, l’unique, l’humani-
té de Veugle… Bientôt des plus-values…

13004 : C’est aujourd’hui qu’il faut tenter l’impossible qu’il le de-


vienne enfin…

1 : N’ais pas si peur… Il est peut-être temps de le laisser affron-


ter ce qui l’entoure… de le laisser comme prévu et pour de bon.
Nous avons déjà tant attendu de lui (montrant H2).

1305PF : Attendez jusqu’à demain… pour lui… pour nous deux… qu’il
se souvienne de de(ux)main(s) tendu(es) vers lui !

Tous vont s’assoir en acquiesçant... Dès qu’ils sont assis H2 se lève. PF


reste debout et l’observe.

H2 : Puis ils déterrèrent tout ce qu'ils venaient de cacher au soleil.


1310 Ils prirent les paroles et les choses que Lui ne veut plus croire et
les offrirent à un fou dans une foire… un fou que l'on prendrait
pour un fou, à notre tour. Le sage, instruit des plus hautes sphères,
n'en tint pas compte, et continua sa rive de paroles dites. L'-
homme rentra chez lui et but sa soupe froide, abandonnée pour
1315 une pareille rencontre. C'est ici également que les hommes ont fait
pleurer la lune en une et une belle fois seulement... en décidant
que l'on ne devait pas fixer le soleil de peur de devenir à Veugle...
Le fou aurait le dernier mot, et il serait seul à se le dire. Ils don-
nèrent aux hommes ce qu'ils n'avaient plus vu jusqu'alors… Pour
1320 penser et panser le passé tant de temps qu’il lui faudrait.

H0 : Ils ne firent rien… ou plutôt ils brûlèrent tout… Que Lui, seul,
ne leur reproche rien.

H2 : Silence de solitude. La nuit était tombée pour une fois si bien


que l'on pourrait penser ce qui était vu au jour... un moment où
1325 chacun se glisserait dans son intimité… sans gêne… se réfléchis-
sant, se préservant, s’inspirant du lendemain… tant que l'on res-
pecterait les pleurs de la lune en méditant comme elle, de plus
haut. Il reprit ces mots que balbutiait la lune mêlant colique au
doute face à ce vénérable avenir… sûrement déjà éclipsé sur un
1330 autre de ses flancs cachés au monde. Les portes closes, de nou-
veau sûr d'être seul, l'homme se remit où il était. Lui entreprit de
réveiller ceux qui suivirent le fou. On ouvrit les yeux de ceux qui
s’en dormaient (H1/HD rentrent et bousculent ceux qui dorment. Puis
ils sortent tous sauf H2/PF qui se sont rapproché l’un de l’autre, assis
1335 dans un coin)… Alors, il leva les yeux sur le monde implacable qui
frappait à sa porte. A l’abri de la lune, compagne fidèle…
Marmoneuse… (Pause avant que 1 et 2 rentrent sur scène accompa-
gnés de deux personnes qui restent extérieures à leurs agissements –
H0/H00-)

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13401 : Encore un ! (Ne font pas attention à PF comme invisible.)

2 : Où l’as-tu trouvé ?

1 : Juste là : près de la zone !

2 : Des journaux ?

1 : Vous avez vos papiers ?

13452 : Il n’a pas l’air de nous comprendre !

1 : Monsieur… Vous vous souvenez d’avant, de Veugle et des Mé-


diateurs ?

H2 : Je ne peux pas ! Je ne peux plus…

1 : Tu vois qu’il parle… le brusque pas.

13502 : Bien ! Alors, nous vous laissons là… Vous êtes libre, après
tout !

1 : Tenez… (Il lui met un journal dans sa poche et récupère une pelote
dedans puis ils sortent –H0/H00 restent sur scène, toujours
silencieux-).

1355 H2 : On le verrait le matin, tout endormi de voyage. Il sortit de sa


poche une petite pelote de fil blanc… Trop petite pour être vue.
Et, la tenant d'une main droite plus ferme, il retourna sur les
traces, toutes les traces qu'il avait en mémoire… Avec lui, la terre
en sang promit de garder à l'écart du soleil cette triste justice
1360 faite aux hommes et aux femmes de Veugle. Seul avec un bout
de ficelle baignant dans ses restes… n’y croyant plus tout à fait…
Pourquoi ne pas tout rejoindre ? Pourquoi… Il jette le journal au sol.

H0/H00 : Silence (dit comme une consigne et un constat) ! Il n'y a


dans cette ville que le son d'un acte qui oublie déjà sa fin.
1365Il est temps, regardez cette mère assise à la pierre… Un frère
qui s’en va, un ami.

1 rentre accompagné de H1 et s’adresse à H2 : Dans le monde d’au-


jourd’hui, vous n’avez pas votre place, M. Komindo Nabami. Il
1370pourrait brûler un papier comme symbole de sa disparition fictive. Ils
passent devant une tombe imaginaire. H2 est devant, assis, face au
public. Puis PF2 / H1 / HD sortent.

H2 : C’est comme si ces mots résonnaient encore et toujours


dans ma tête pour la première fois. Comme si…

1375PF (voix off comme un souffle –elle est hors de la scène-) : Conviens
que tu t’es toujours appelé Marcel…

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H2 en sortant : (…) Comme s’ils ne m’appartenaient pas vrai-
ment… Comme s’ils étaient à d’un autre passé, là, devant moi.

H1 apparaît sur scène et aide H2 à sortir en le tenant par l’épaule !

1380PF (rentre) : Je m’appel Marcel !

H00 (1, 2 et 5…) absorbés dans leur lecture : Votre nom, c’est Ko-
mindo Nabami !

H2 rentre en courant à la rencontre de PF : Marcel !

H0 : Appelez vous comme bon vous semble… Silence, ils se re-


1385mettent à lire.

1 (H00) : Nous savons quel furent nos erreurs… Tout est écrit,
nous avons gagné !

H0/H00 : Mais nous ne nous sommes jamais battus. Pourquoi


avoir ainsi peur de nous ? Nous ne vous voulons que du
1390bien… Si, vraiment !

H2 : Vous ne voulez rien du tout !

H0 : Si, la paix…

H00 : L’entente…

H2 : Regardez-moi ! Regardez-moi ! Vous ne vous souvenez


1395même plus de moi !

PF : De notre fin à tout les deux !

H0 / H00 : Vous êtes fou ou bien il y a méprise… Laissez-moi fi-


nir… cette lecture… je vous prie. Mais je vous écoute. Si allez-
y, vraiment… Oui, très bien, assurément ! Vous ne pouvez qu’a-
1400voir raison. Effectivement… Nous y consentons volontiers ! As-
surément. Ne le prenez pas mal mais vous avez raison.

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PF / H2 : C’est à vous… A toi que je veux parler !

H0 On écoute… PF Tient la tête de H00 pour qu’il l’ait orientée vers


1405l’extérieur.

H2 : Et là, 5 cm au-dessus ? Vous ne savez plus ce que c’est que


la haine, la guerre, l’union, l’amour…

1410H0/H00 Si, attendez… (S’indiquant réciproquement un endroit sur la


page) Ah c’est ici !

H2 : Mais lâchez moi ces…

1415H0 et H00 (tout énervés par son insistance) : On doit lire !

PF/H2 : Levez le nez au-dehors… Il vous a… obligés…

H0 et H00 / PF et H2 : Non ! Si ! Non ! Si ! Non ! [...]


1420A la fin, H2 cède… Les H0/H00 ont réussi à couvrir sa voix et à vider le
conflit… à le dévitaliser en le rendant mécanique.

PF vient fermer les yeux de H2 avec ses mains et chuchote… : Imagi-


nez l’illisible… Connaissez l’occulté… Écoutez les cris de derrière
1425les portes des châteaux forts…

Les H0/ H00 sortent en courant… PF garde fermés les yeux de H2 et


l’aide à s’assoir face au public sur l’avant de la scène… flash lumineux.
PF retire ses mains et H2 a les yeux fermés.

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1430 SIXIÈME PARTIE
PF sort… silence. H2 se couche sur scène… silence. Puis PF rentre sur
scène, doucement. Elle l’aide à se relever et l’habille d’un autre cos-
tume [à voir].Elle le recouche. PF retire une partie de son costume et
se retrouve en robe (PF2)… H2 a toujours les yeux fermés…

1435H2 se réveillant et voyant PF : Désolé d’arriver si tôt ! Ma femme


habitait ici avant… Moi aussi, d’ailleurs, je m’y suis habitué...

PF : C’était il y a long temps ?

H2 : Elle vous ressemblait… si si, vraiment.

PF : Je… Marcel…

1440H2 : Nous allions souvent au parc Heligs. Êtes-vous déjà allé au


parc ? Enfin… il ouvrait encore le soir à cette époque… Vous… On
se connait depuis longtemps… enfin bref je ne vais pas vous em-
bêter avec mes pulsions ! (PF2 lui propose un café). Non je ne
prends plus de café : Ça m’excite, et après, je ne sais plus ou
1445donner de la tête.

H0/H00 (rentrés discrètement) : Il a pris un café trop noir... Bi-


sou, mon gros nounours ! (L’un d’eux embrasse H2 sur la joue.) Des
sourires en flot au coin d’un boulevard plus vide qu’en
nature… Une pierre tombale, au hasard d’un jardin surtout
1450fleuri… Un cœur essoufflé… Une telle présence qu’il ne s’en re-
lèvera pas… Tant de…

PF2 : Toujours pas de café, alors… comme tu veux. As-tu quelque


chose à me raconter de ta journée ?

1455H2/H0 et H00 (comme un souvenir) : Je… Tu sais très bien ce qu’on


en pense… Tu n’aurais pas dû retourner tout seul au parc…

PF2 : Tu y es retourné n’est-ce pas ? (H2 hoche de la tête, gêné


comme le serait un enfant face à un inconnu…) Vous ne devriez pas
prendre ces choses-là ! Les… les Médi-Calmants… Ça va vous
1460rendre vulnérable !

H2 : Mes Médi-Calmants ! Il parle doucement et, pendant ce temps,


sans passer devant lui, les H0/H00 retirent le décor intérieur. Autre
espace… Ouverture, plus de lumière…H2 se prend un verre pour
prendre ses Médi-Calmants et PF remet son costume.

1465PF : L’oncle…

H2 : Laisse-moi !

PF : Il…

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H2 : … Il est grand le parc, immense, j’ai failli me perdre… Je
passe par-dessus les grilles maintenant… (Courte pause.) Avant…
1470Avant, elle poussait la porte. Il me parait si vide sans elle… Ca
présence à emplir mon monde : celui qui m’était réservé. Tant de
vide maintenant que j’y vois !

PF : Tu n’y étais jamais allé sans nous… L’onc…

H2 : … Mais maintenant ce n’est pas la même chose… Tu crois


1475qu’ils ont coupé les arbres, hein ?

PF : Je ne sais pas. Cela changerait quelque chose ? Tu ne l’a pas


vu… Je veux dire tu ne…

H2 : J’y ai enterré ton cœur… je crois que c’était le tien… Ils


étaient hauts et protecteurs… Là je n’y ai rien vu de tel !

1480PF2 + H1 /H0 : Rien ne change plus, les rêves des enfants s’é-
vaporent et ils marcheront sans broncher sur nos pas sans explo-
rer les coins d’ombres, les taillis abandonnés des regards. Tout
restera dans l’ordre consenti. La nature cessera de croire, et
tout finira en cancer… dans un accord mélodieux lancé d’une
1485corniche… Il avait raison.

H2 : Jamais je ne le reconnaitrais si je le voyais dans les rues


avec ca robe d’étoiles…

PF : Les histoires n’auront plus l’envie de se cacher sous les lits…


Les hommes bleus déserteront nos villes pour s’enterrer avec
1490leurs trésors… Les étoiles ne brilleront plus en été et personne ne
verra ces animaux réfugiés loin des chemins (Décor/vidéo possible
évoquant des constellations)… Ces nuages en forme de baleine ou
de banane, de pigeons volcaniques, de coccinelles violettes à
pois vert, des Prizampolinacés et leurs œufs, un yalinthézorus au
1495coup déformé…

H2 : Je ne te connais pas… c’est comme si, au fond… Pourquoi


sommes-nous revenus ici alors ? Tu es sûre qu’on ne se connait
pas ?

H0/H00 : Un rire m’éveille. Le souffle court…

1500H2 : C’était un beau connard.

H0/H00 : Le souffle cour, je regarde… j’échappe, j’ai le cœur


sans …

H2 : Arrête avec ça… Il est trop tard… Le rideau est tombé… La


Grande ComMedia est seul public à ses représentations…

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1505PF : J’ai cru qu’en me voyant te souviendrais de ton nom et de
ces deux mots enfouis sous terre…

H2 : Je voulais juste me souvenir que je les avais enterrés… Tu


comprends ? Ils appartiennent à un autre temps dépassé. Mais je
ne les oublierai jamais ! Je veux juste… partir d’ailleurs. (Silence)

1510PF : Et Lui ?

H2 : A Veugle ils ne nous trouveront pas…

Ils se regardent puis s’assoient face au public, sans bouger… (ils sont
face à un couché de soleil ou un beau paysage… attendris par le si-
lence, le calme : un autre lieux… Ils ne tiennent pas compte du public
1515et profitent juste d’un moment présent même si ailleurs).

H2 : Est-ce la première fois que nous venons ici ?

4 (porte le costume de H1 et annonce depuis l’écran comme sur scène


en tournant le dos au public)… Des H0/H00 se tiennent derrière lui et
applaudissent : La première réunion de notre union se tiendra cet
1520après-midi… Je solliciterai votre attention… Pour qu’à l’avenir le
dialogue soit fait et construise la rencontre tant attendue mais
jamais atteinte. Merci encore à vous tous… Courte extinction de lu-
mière suivie d’un flash lumineux.

Le décor d’intérieur est remis (par les H0/H00) très vite dans l’agitation
1525et le bruit (joué)… Saut inattendu dans le temps. H2 s’assoit sur le pre-
mier fauteuil venu puis attend… Long silence, ancrage, calme… Tout
se repose – coupure d’électricité, puis retour faiblard de la lumière
(lampe avec ampoule et à allumage lent).

H2, plus calme : J’ai cette vague idée que rien ne m’aurais retenu
1530 ici… une chambre minable, une vue sur rien, des en-vies… oui
des en-vies en bocaux… Comme boire, manger et boire et dormir
et reboire tant qu’il est encore soif ! Ne plus dormir avec tout ce
café dans le sang… Je m’dégoûte… Ce n’est même pas du café :
c’est du Kroumf (en regardant un pot de café sur sa table) ! Et j’ai de
1535 moins en moins envie… Je préfère mes conserves maintenant !
Me préserver de ce que seule la vie garde en réserve ! À quoi
cela peut-il me servir de rembobiner tout ça ? On ne peut pas re-
vivre son passé, alors que… tout est là ! Il hurle puis grimace, fait le
clown ou imite un lapin, une grenouille avant de se jeter dans un fau-
1540 teuil où, après un peu de calme, il s’endort… nécessite une bonne « im-
provisation ». Les H0/H00 le portent dans un autre fauteuil… et re-
mettent quelques bibelots en place et rajoutent des éléments choisis,
anachroniques, grotesques. La lumière diminue, la nuit tombe (la lu-
mière projetée sur l’écran s’éteint et ne se rallume pas)… puis la lu-
1545 mière revient doucement (avec le jour). Dans ce temps, on entend des
annonces radiophoniques invitant au calme et à l’arrêt d’émeutes. Les

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H0/H00 restent sur scène, assis en demi-cercle devant H2. Ils installent
un écran en silence… Les images projetées d’autodafés laissent seule-
ment place à une réalité pleine de bonheur, de sourires et de liesse.

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1550 SEPTIÈME PARTIE
L’écran s’éteint. Puis H2 s’éveille.

H0 : Bonjour. Bien vécu ?

H2 (Le texte souligné indique que le peuple parle : voix extérieure. HD


est sur scène à orchestrer, à danser, à courir : effervescence.) : On a
1555 chanté que rien ne serait plus comme avant. 90% de la popula-
tion a cru à ce rêve si bleu. (Souligné : Pas forcément dis… Portrait
de ce qui peut être joué sur scène.) Et on a déposé des dizaines de
pelotes de laine d’un bleu prussien (si le costume le permet des
pelotes sont découpées de ce dernier)… Des brouettes emplies de
1560 ces belles pelotes bleues bringuebalées, bondissantes… de ces
fils fuyards qui s’en mêlent, qui s’en fuient… Des enfants qui
rient. Un amour inconditionnel pour l’avenir ou plutôt une joie du
présent… une satisfaction béate ! Des enfants crient tant ils sont
tous heureux, là, à jouer avec ces bouts d’laine qui s’entassent
1565 dans les rues et qui enflent… qui enflent … qui enflent… Ils ont
laissé leurs espérances dirigées par eux, se sentant plus que
jamais soudés, unis dans ces idéaux...

HD est accompagné par de plus en plus de monde (des personnes


rentrent sur scène) : Hier, nous vous promettions le changement…
1570Aujourd’hui, je vous promets de ne plus faire les erreurs pas-
sées ! Hier est dépassé… Les craintes de le revivre ont fait de
nous des hommes angoissés et fatigués de tout ce bagage affli-
geant… De tous ces souvenirs macabres, qui, toujours plus vieux
soient-ils, nous sont reprochés comme aux premiers jours… Je
1575vous promets la différence permanente… Un oubli des mots d’é-
chec pour des horizons accueillants : une vie réussie ! (ils
sortent.)

2 et 3 qui étaient en spectateur…

2 : En somme, ils avaient bien raison là-haut… Une nouvelle ère


1580commence ! Une ère de miracles prônés par des miraculés qui
s’en prennent aux dieux.

3 : Odieux… T’as bien raison… On ne peut pas rester les bras


croisés à les entendre, à les voir, maintenant si heureux face au
drame qu’ils bâtissent.

15853 : Ils défoncent les portes, ils démurent… Puis ils bouclent tout :
nul lieu où se cacher, où ne pas être retrouvé.

1 : À Veugle, il fait nuit… C’est beau…

3 : Une flamme… crépitement nocturne.

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1 : Hé dis… hé ? Tu… c’est vrai que c’est beau… (Silence.)

15903 : Nous ne sommes plus très nombreux.

1 : Que vont-ils faire de toutes ces pelotes ?

3 : Ils vont tisser, repiquer, découper…

1 : Et celui qui les fait rêver portera ce manteau d’histoires tis-


sées entre les hommes…

15954 : Tant de bonheur !

1 : Au diable !

4 : Oui (ou cris de joie alors qu’il se sépare de ses pelotes de laine) !
Ils se battent (3 empêche 1. 4 ne comprend rien.)

1 : À quoi bon ? Laisse-le !

16003 : Ils ne voient rien venir… Rien. Face à un grand brouillard qu’ils
n’osent traverser…

1 : Et On leur a tout pris… en leur promettant la lune…

3 : Ils ne la regardent plus. Ils sont « pressés » Lui avait-il dit. Elle
est belle ce soir.

16051 : Elle doit se sentir bien mal aimée par tout ceux et celles qui
l’oublient cette « sphère ».

3 : Alors, c’est fini ? Les farces, les inepties, les choses de la vie,
les interdits, les nuits de fête et d’oubli passagère, les courses
après son ombre?… les folies de la vie qui la rendent…

16101 : Vivante !

3 : Ces histoires qui font vivre debout, ces savoirs et ces doutes
de toujours… ce silence…

3 : Ces mots qui lançaient les journées des hommes dans l’incon-
nu de leur temps.

16153 : Et si on dormait ?

1 : Bonne idée !

3 : Comme les ours. Et on reviendrait voir, un siècle ou deux plus


tard, si tous les fous sont morts ou réveiller les derniers… Debout
les petits choux ! Debout, debout, debout, debout, debout, de-
1620bout, debout…

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1 : Des comme nous il n’y en aura plus beaucoup ! Les autres
ours auront trois oreilles au moins et des palmes au bout des
pates arrière !

3 : J’aime les ours ! Ils sont si doux dans leurs grottes à entendre
1625le temps passer, à dessiner sur les murs des histoires rêvées…

1 : Tu crois que les ours, ceux qui dorment… tu penses qu’ils sont
plus intelligents ou plus heureux ?

3 : Dors, et tu verras bien !

1 Ils doivent ruminer leurs histoires et imaginer leurs futures


1630conquêtes amoureuses, s’inspirant du vide qui les protège… de
ces yeux fermés… pour dessiner comme aux parois des grottes…

3 : Et sentir les poils qui leur poussent sur le dos… (Ils sont très
joueurs)

1 : Sur les oreilles… C’est là qu’ils sont le plus long à leur réveil ?

16353 : Sûrement ! Mais ils ont tellement voyagé, vu… vagabondant


dans des restes d’avenir.

4 : J’aimerais bien être coiffeur d’ours… J’ai toujours voulu aider


les ours.

3 : Je pense que ça pousse mieux sur les épaules… C’est plus


1640pratique les épaules poilues…

4 : C’est plus utile les épaules poilues pour les ours…

1 : Même pour les albinos ou ceux aux yeux bleus !

4 : C’est beau, les yeux des ours…

3 Surtout, lorsqu’ils ont les yeux bleus et quand ça mange du ca-


1645ramel à la cacahouète…

1 C’est bon les cacahouètes… pour les moustaches (Ils s’en-


dorment tout souriant).

Voix off (HD) forte : « La Grande Co-Média ! Laissez nous rentrer ! »

H2 : C’est que j’étais en train… (Paniqué) en train oui… de dormir.

1650 HD (rentre par les coulisses) : Il se fait tard… Je me suis toujours de-
mandé ce qu’il y avait dans cette bâtisse…

H2 : Vous venez pour quelles raisons ?

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HD : Ah c’est vous ! Je croyais que nous étions d’accord ? Je vous
ait attendu à la boutique… Ca fait déjà un mois de ça. Vous
1655 dormiez ?

H2 : C'est-à-dire que…

HD : Oui les MédiCamants… Il vous en reste ?

H2 : Quels médicaments ?

HD : Vous êtes venu me voir… Je savais que la dose était trop


1660 forte !

H2 après réflexion : Ah oui vous enquêtiez sur mon passé, ça fait


long temps… je n’ai pas besoin de vous… J’ai mieux à faire
maintenant.

HD : Ne dites pas de sottises ! Je venais juste vous dire de dimi-


1665 nuer les doses prescrites : vous devriez… vous vous sentirez
mieux avec la moitié. Je vous redonne ma carte de visite, tenez...

H2 : Je…

HD : C’est la seule chose à faire pour retrouver votre vue et votre


sang froid.

1670 H2 : Je ne suis plus à Veugle depuis que j’ai retrouvé cette « formi-
dable capacité qu’est la vision »… J’ai perdu tous mes souvenirs,
mes rêves… elle est partie, vous avez ce que vous vouliez, sortez
d’ici avant que je ne vous fende le crâne en deux !

HD : Vous n’y voyez pas plus clair… je ne parlais pas de mon vi-
1675 sage mais d’hier. C’est toujours aussi flou pour vous… Vous avez
tout oublié et même vos souvenirs intimes quand, à votre enfance
vous dessiniez le monde avec des crayons…

H2 : Je…

HD : Maintenant c’est Lui qui vous regarde, tout entier. Passez à la


1680 boutique à l’occasion, récupérer vos affaires et discuter shopping
autour d’un lait de coco. Mais vous avez déjà bien fait le ménage…

H2 : Sortez…

HD : Une dernière petite question : Pourquoi vous obstinez vous à


garder cette casquette et cette pelote de laine ?

1685 H2 : Ils sont tous mes restes des passés… Prenez le reste je n’en
ai plus besoin… Mais vous le savez déjà. Partez maintenant.

HD retire les éléments du décor et le sort par les coulisses puis sort à
son tour.

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H0 à l’écran ou en voix off : Je suis fou… (Succèdent d’autres per-
1690 sonnes telles que PF et PF2 ou H2.. qui reprennent cette réplique
comme des condamnés.)

H0 : Le nouveau pouvoir est déjà en place. Que vous est-il arrivé


enfin ?

H2 : La Co-Média se positionne déjà sur les rempares qu’elle a


1695montés pour se cacher du temps, du dehors : des Maux et des fo-
rêts profondes, des coins obscurs, des bastions perdus, des
ombres dissimulatrices… des puits sans lumière où vivent lutins
et farfadets. Extinction de l’écran progressif.

Un H0 qui avait réveillé H2 : Cet après-midi, tu vas revoir celle que


1700tu ne nomme plus… une première fois. Tu… (H2 acquisse d’un
geste) Bien !

Tout le monde, sauf H2, sort de scène. Une série de regards (yeux ou-
verts de face) sont projetés, sur deux écrans... cela répond directe-
ment à la suite de personnes venues annoncer leur folie… Elles
1705pleurent et sont souriantes (filmé au préalable).

H2 est dans une réflexion qui va peu à peu le submerger et dans la-
quelle il va rentrer et changer d’espace. Il peut, pour différencier les
degrés de présence, agir librement (en se préparant à manger ou en
nettoyant son appartement..) et perdre peu à peu la concentration sur
1710son activité et la donner plutôt à ce qu’il pense. Les questions qu’il se
pose trouvent alors une réponse… L’idée est donc qu’il se parle et
prenne peu à peu conscience de son état… PF peut être face à lui mais
il ne s’adresse pas à elle qui le regarde. La présence de HD est pos-
sible.

1715 [Texte Souligné : H2+HD/ Emphase : H2+PF] H2 : Regarder les


choses en face. Lui doit regarder les choses en face à l’heure qu’il
est. Mais les choses les plus proches, les plus collées à nous. Si
près qu’une table sue l’époque d’un temps baigné d’amour, de
marmots, d’alcool, de silence un mois d’août… Et, dans l’œil de
1720 l’autre, on ne voit que le sien, celui de l’incertitude d’un néant re-
fermé sur lui-même… que des joies, des tristesses, des moments
seuls, existant solitaires… entre eux et pour eux : sueur du
vide. Ruines, friches, accrochées à ce qui se construit sans elles…
Lui n’y voit rien dans son histoire !

1725 HD fanfaronne avec H1 ils sont là pour le déstabiliser...

H2 : Il y a ce même silence dans un œil sourd : une impassible


concentration sur ce qui reste autour malgré tout… A ce
regard ouvert, cet iris béant… regard sur un océan sans
côtes… Le regard ouvert dans les deux sens… tourné vers les
1730 deux mondes : vu ou non de tous ; existant ou non pour tous…

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estuaire accueillant la vague à lame, étincelle Prusse dans ce
vert hypnotique...

HD et PF se battent, ils parlent entre eux, H2 est un objet de leur


convoitise.

1735 H2 : Le regard ouvert dans les deux sens… Il y a ce jardin


abandonné si près de soit qu’il en est invisible, caché d’habi-
tudes… cette lueure dans l’œil, l’immensité du regard ouvert
de l’enfant… moment indicible de vulnérabilité. Il n’y a pas tant
de souffrance que ça. Souvent du vide, de l’absence à com-
1740 bler…

PF : Tu vois que je n’ai pas disparu !

HD : Il veut savoir qui est son Oncle sa mère… Pourquoi le monde


lui a été caché si longtemps…

H2 et PF : désemparés : Je n’ai eu de cesse d’être à Veugle


1745 pour espérer le meilleur et construite l’horizon de mes
rêves…

HD : Un passé qui s’efface pour te laisser nu.

PF : Un vide abyssal solitaire reculant les frontières…

HD : Sombre… happé par un avenir de décombres…

1750 PF : … Te laissant modeler les prises sur cette paroi glissante. HD


sort.

H2 (parlant de plus en plus fort il fait face et s’affirme) Quand elle m’a
regardé dans les yeux, elle a pleuré. Elle se voyait comme je l’a-
vais vue… unique force et réalité au monde… Ces pas de danse
1755 au parc… Elle comprit que non, jamais je n’avais pu l’oublier…
Que Veugle était là, tout proche…

PF : Allez, petit ! Il nous manque assez…

H2 : C’est pour cela que nous sommes partis ? C’était toi dans le
train en partance pour le Franklinzin ?

1760 H2 s’est placée au centre de la scène, recroquevillé, la tête cachée


entre ses jambes… Puis les H0 remettent le décor du train – Le pre-
mier, épuré, ce qui signifie qu’un élément doit l’énoncer –. Ils disposent
des journaux au sol qui tapissent alors la scène comme des feuilles
mortes. Abandon des lieux (des sonorités rappelant celles du vent
1765 peuvent aider à constituer ce décor d’absence, de vide : Lieu de po-
tentiel, espace où il est encore possible de ne plus entendre par-
ler de Lui…
H2 se relève alors qu’on entend la chute d’un immeuble : La Grande

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Co-Média s’effondre… Et un repère lumineux, comme au début de la
1770 première partie est reproduit (lumière frontale au public).

A la place de la vidéo des regards la vidéo de métro est projetée sur les
écrans : lieux vides, déserts… lenteur.

PF : Je ne veux pas te déranger… Ca va ? Si… Si tu as besoin de


quelque chose… on est à côté.

1775 H2 : Merci… ça ira.

H2 ou voix off (car il est seul et se parle en s’adressant à PF) : Le mé-


tro clôt ses portes, et nous reprenons la route (les écrans re-
montent). Et de notre siège, le regard reflété sur le dehors, nous
1780 voyons cette station toute entière qui s’éloigne, dans la nuit. Le
quai, les lampes, les pancartes, le public qui attend… Elle m’a
souri. J’ai répondu par le même sourire encourageant… C’est la
seule chose qui me resterait à mon départ, au terminus. Tout le
monde, par la fenêtre, l’a regardée, stupéfait par tant d’ingéniosi-
1785 té. Une pelote de laine atterrit dans ma poche… elle était de cou-
leur et vous me dites que c’était cela « une couleur » (Une multi-
diction en plusieurs langues : « rouge »). Je pense que, pour une fois,
le monde vit quelle humanité il devrait engendrer : plus cruelle,
plus dépecée, plus conscience d’elle-même pour voir le monde
1790 par ses yeux fermés. Volonté d’un homme à Veugle. Et On la re-
garda se vider de son sang : elle n’était déjà plus. Au prochain ar-
rêt, elle devrait descendre sans me dire « au revoir » : être la
même inconnue… inspirée dans la vie d’un autre. Lui en mourût
un peu aussi… Oui un peu… Juste assez pour perdre son image.
1795
PF sort.

Un H0 présent au réveil de H2 : En un regard, tout cela ?

H2 : Je ne crois pas que nous nous soyons revus depuis… Aura-t-elle


1800fait un pas vers moi cette vie qui me dépasse ? Un rayon de soleil… Un
seul tout m’est revenu. Il sort de scène.

H2 : (H0/H00) C’est ce qu’on appelle « retour » ? C’est à toi que j’ai


1805acheté mon dernier rêve ? Une pierre tombale, au hasard d’un larcin
fleuri… Un cœur essoufflé… une telle présence qu’il ne s’en relève-
ra pas… Telle une pierre tombée… Tant de… Et il n’a rien dit… si
bien que la question n’existerait plus… Nous nous nous nous… nours
nous… nounou nous nours… nounours… Inutilité sans fond… Aux
1810portes du parc fermé.
Les H0 et H00 sortent.

95
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ÉPILOGUE
H2 : Nous ne formions plus qu’un. Elle connut les battements
1815 d’un cœur, le froid du vent sur sa peau, la conscience du poids
de ses os, de la tension de ses muscles… Une concentration…
une présence spontanée qui fait d’un acte une réalité qui se ré-
pond en conséquence…

[Il faudrait trouver un moyen physique d’exprimer cette conscience du


1820monde liée au corps, incarnée. Je pensais à l’introduction d’une choré-
graphie (danse).]

PF2 rentre sur scène aveuglée par un flash. H2 se met derrière elle
comme elle l’avait fait au début de la pièce, éclairage de H2 due des-
sus, douche ne l’éclairant que lui (retournement de situation).

1825H2 : en sortant… Voit ce qu’est l’abandon de ses repères, de sa


vie…

PF2 : Tout m’agresse… Oui j’arrive… Où donc ? Oui mon petit,


tout va bien… Prague ?

Note pour les prochaines répliques : quand H0 coupe PF, c’est comme
1830s’il avait laissé échapper un mot en respirant ce qu’elle allait lui dire.

PF2 : Je me suis sentie…

H0 : …vide… On sait.

PF : Alors, pourquoi n’avoir rien fait ?

H2 : C’était le mieux à faire… Te laisser le temps de croire en


1835moi.

H0 : Être aussi à Veugle… sourde… muette… incertaine…


unique… intelligente… cruelle… juste… réelle… solitaire… amou-
reuse… seule… oubliée… perdue… belle… étonnante… joyeuse…
sans nom… sans visage…

1840PF2 : Pour lui…

H0 : N’y retourne pas avec lui… c’est à la porte qu’il doit se co-
gner, gratter. On a failli le perdre la dernière fois… Ça faisait trop
d’y être pour lui… trop à saisir pour un être de Veugle.

PF2 : Mais il était si libre… Qui va m’accompa…

1845H0 : Tu accompagneras H2… il porte le nom que nous lui donne-


rons. (Souligné : avec d’autres H0/H00.)

PF2 : Je…

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H0 : Il n’y aura plus rien, même au-dehors… rien que toi, nue.
Voilà qui il est maintenant… de quoi oublier et se réinventer…

1850PF2 : Pour qu’il…

On entend d’avantage les cris du vent.

H0 : Promet-moi seulement de lui laisser la place. Toi aussi, tu


vas disparaître… comme l’oncle. Lui sera le seul à rester vivant.
Les avenues seront vides et, enfin, il n’y aura plus d’avenue. Il lui
1855faudra ce silence pour écouter et ne plus rien æntendre… Seul
face à la toile blanche qu’il aura dépeinte…

PF2 : Pour qu’il y ait de nouveau assez de place pour le voir…

H0 : Oui… tout recommencer.

PF2 : Tiens… (lui tant une pelote reprise à H2)

1860H0 Merci.

PF2 : N…

H0 : Montre-lui comment réincarner le monde à sa manière… Ce


dernier homme de Veugle…

1865PF : Et tout son oubli lui donnerait une nouvelle liberté… vierge
mais à son image… sans même qu’il s’en souvienne.

H2 entré par les coulisses du fond : Ne m’appelle plus Marcel.

PF2 : Je t’aime. Tu n’a jamais raison et juste envie…

H2 (sortant une pelote de sa poche) : Je ne pouvais pas tout laisser


1870tomber… J’ai fait un rêve… je n’ais pas pu te laisser m’abandon-
ner à eux. Prends cette pelote et quand tu voudras te souvenir
de toi sers ce bout de moi entre tes doigts.

PF2 : Plus maintenant… Ca va aller, ça commence, ça


1875commence... Rêveilles toi… je reste à côté de toi, voilà…

H2 : Et si dehors j’avais oublié quelque chose ? Si… Dans le jar-


din. Je cours. Le ciel est plus beau que tous les ciels… Je sens
tout mon souffle, tout mon corps, l’herbe sous mes pieds… Je
1880cris ! J’ai le souffle court… je regarde… j’échappe, j’ai le cœur qui
bat… Un rire dans le silence, un sourire, un œil qui me cherche,
des larmes… je m’écoule… léger, au sol vert. Mon cœur sur l’-
herbe… un œil qui me cherche, mon cœur qui me traverse, un
rire qui m’éveille. Je suis tout présent… Le souffle cour, je re-
1885garde… j’échappe, j’ai le cœur qui bat, la tête ici. Un silence puis

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un son, un mot, un œil qui me cherche, un sourire… Le vent qui
vibre, la terre sous les pieds… je m’écoule… léger, au sol vert. Un
rire m’éveille. Le souffle cour, je regarde… j’échappe, j’ai le cœur
sans questions… L’heure y est, la terre sous les pieds, le vent qui
1890siffle, un oiseau qui passe, les mains entre dans les cheveux…
Mon cœur sur l’herbe… un rire qui vermeil, mon cœur qui court
encore, qui tourne sous le soleil, le ciel si bleu. Et j’y suis, pour de
bon. Dans le jardin. Je cours. Le ciel est plus beau que tous les
ciels… je m’écroule… Plus de questions, juste le temps qui ne
1895s’en pose plus. Rien entre moi et le présent, plus rien… juste moi
et le présent qui court devant moi, le soleil, une main dans les
cheveux, du vert dans les yeux. Mon cœur y va… J’ai toujours…
J’avais oublié… Ça me manque… Laisse-moi sortir ! J’ai fixé le so-
leil.

1900PF : Oui.

H2 : C’est comme ca que c’est arrivé ?

PF et H2 : Oui.

PF : On… je… On n’y retournera pas ? Jamais ?

H2 : Non… jamais plus.

1905PF : C’est le dernier rêve que j’ai vu ?

H2 : Oui.

PF : Tu sais… sers moi dans tes bras ca suffira.

H2 : Chut… Il faut que tu y retournes… seule, avec toi, que tu


prennes l’herbe entre tes mains, que tu t’y allonges et regarde le
1910ciel…

PF : Mais…

H2 : Si… tu verras. Fais-toi confiance à présent.


1915
PF : Je…

H2 : Moi aussi… si tu savais comment !

1920PF : Tu…

H2 : Tout est si simple finalement… Il te laissera repartir si tu lui


demande.

1925PF : Nous…

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H2 et PF : Réveille-toi, ouvre les yeux… à nouveau.

H0/H00 : Personne n’est sorti de la grande bâtisse… Les plus fous


1930attendent aux pieds des grands chênes… On fut fort sage et libé-
ra les quelques secrets qui pouvaient réconcilier les hommes. On
descendit, pour finir, protéger les rêves et enseigner le passé qui
fut caché aux hommes… pour que l’avenir ne recommence pas !

Mise en scène entre H2 et PF similaire à celle à l’ouverture en


1935première partie…

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