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Ma It Rise
Ma It Rise
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
PASCAL MOREL
JUILLET 2002
I
Résumé VIII
Introduction 1
4.6.1.1 L’autoconstruction 84
4.6.1.2 La main-d’œuvre 84
4.6.1.3 Les difficultés 85
4.6.2 La philosophie et le mode de vie 88
4.6.2.1 La simplicité volontaire 88
4.6.2.2 La consommation 89
4.6.2.3 La santé 91
4.6.3 La sensibilisation aux problèmes environnementaux 91
4.6 4 L’implication dans les groupes environnementaux 93
4.6.5 Une démarche de sensibilisation et d’éducation
relative à l’environnement 93
4.7 Des considérations générales et spécifiques enguise de conclusion 96
4.7.1 Recommandations 98
Conclusion 102
Bibliographie 111
Appendice A 115
Appendice B 126
REMERCIEMENTS
Pour réaliser ce mémoire il aura certes fallu de la détermination mais surtout de l’encouragement,
de l’appui et des conseils judicieux. Tous ces ingrédients je les ai trouvés en la personne de mon
directeur de recherche, monsieur Armel Boutard, professeur des sciences de l’environnement.
La grande disponibilité, la rigueur et la justesse de ses corrections, son ouverture d’esprit et sa
grande chaleur humaine ne sont que quelques-unes des qualités qui font de monsieur Boutard
une personne hors du commun. Celui-ci a su insuffler à des générations d’étudiants, et à moi-
même, un bien précieux: le goût de l’étude et du travail bien fait. Toute ma gratitude.
À Michel Bergeron qui m’a ouvert les portes de l’organisme Archibio et à son expérience et
à ses connaissances qui ont été si précieuses pour mon travail de recherche. Cette collabora-
tion m’a permis certes d’apprendre beaucoup mais elle m’a permis d’avoir accès à une bourse
d’étude sans laquelle je n’aurais pu mener à bien un tel projet. Merci.
Pour réaliser cette recherche j’ai bénéficié d’une bourse de recherche en milieu de pratique du
Fond québécois sur la nature et les technologies (ancien FCAR) sans laquelle je n’aurais pu
me consacrer à plein temps à mon travail d’étudiant. Sans celle-ci je me demande si j’aurais
pu mener à bien ce projet tant il aura été accaparant! Merci.
Un grand merci à toutes les personnes qui ont pris le temps de répondre au très long ques-
tionnaire qui m’a donné accès à la matière brute qui m’a permis de comprendre le sens
profond de cette expérience de vie unique. Merci de votre collaboration.
À tous mes amis qui ont su ménager ma susceptibilité, mon impatience et qui ont su rire avec
(ou bien de ) moi quand cela était nécessaire, mais surtout pour tous les précieux échanges qui
m’ont inspiré. Je vous remercie tous du fond du coeur, particulièrement Clément pour avoir
rendu possible la première partie de ce travail (pratique), il y a de cela longtemps mais qui m’a
permis de réaliser cette suite logique (théorique). À ceux et celles qui ont lu et qui m’ont
conseillé pour rendre ce travail lisible: à Michou, Laoued, France et mon unique soeur
Marie-Hélène. Merci infiniment.
À mes parents qui m’ont transmis la curiosité, le goût d’apprendre, le sens de la critique pour
aller voir au-delà des évidences. À ma mère que je remercie pour ses bons petits plats mijotés
qui remontent le moral d’un fils étudiant au moment opportun. À mon défunt père, homme
intelligent et généreux, qui a su me transmettre l’envie d’explorer et de questionner.
Surtout à ma compagne de toujours, Lynne, sans qui cette aventure n’aurait jamais été menée
à bien. Merci pour le support, l’aide, la patience et l’amour inconditionnel dont tu as fait
preuve et l’appui précieux que tu m’as apporté pour relever ce défi. Tout mon amour.
Et enfin à ma muse, ma fille Charlotte, pour qu’elle ait «quelques raisons d’espérer.»
IV
Figure Page
2 Situation géographique 28
3.6 BEPAC 44
l/p./j litres/personne/jour
litres/hab./jour litres/habitant/jour
RÉSUMÉ
L’habitat humain viable est dorénavant une donnée incontournable. La crise environnementale,
qui nous a permis de constater que les ressources planétaires se raréfiaient et que la capacité
des écosystèmes à absorber les déchets des activités humaines diminuait, nous force à
réinventer nos modes de vie et notre manière de concevoir notre rapport à la nature. Devant
le constat de la dégradation des ressources, des écosystèmes et de la qualité de vie, des individus
ont choisi de se prendre en mains et de modifier leur rapport à l’environnement. Les résidants
soucieux de leur milieu de vie façonnent leur habitat de manière à conserver les ressources et
à réduire au quotidien leur «empreinte écologique». Pour ce faire ils ont choisi de construire
leur maison avec une matière renouvelable et disponible en abondance : la paille.
Dans ce travail de recherche, nous avons voulu savoir comment ces maisons ont été construites
et par qui. En premier lieu nous avons élaboré une grille d’analyse et de synthèse pour vérifier
dans quelle mesure nous y trouvions les thèmes et éléments constitutifs de l’habitat viable.
Nous les avons établis par une revue de la littérature en retenant les éléments les plus signifiants
et qui faisaient l’unanimité chez les intervenants tant gouvernementaux que non gouvernementaux
de ce secteur d’activité. Nous y avons appliqué le principe des 5RV2E (Réduire, Réutiliser,
Réemployer, Réparer, Recycler, Valoriser, Éliminer, Éduquer).
Avec la grille nous avons élaboré un questionnaire auquel vingt trois personnes ont répondu.
Une observation participative a également été utilisée. Celle-ci nous a permis de rencontrer
les personnes qui construisent ce type d’habitat, nous avons de la sorte pu tester nos questions
et le cas échéant améliorer le questionnaire. Celui-ci nous a permis de vérifier dans quelle
mesure cet habitat particulier, tout en assurant un confort optimal, répondait à la conservation
de l’environnement, entendue comme principe dynamique de préservation, de restauration et
d’amélioration d’une situation environnementale.
La gestion environnementale a été utilisée comme cadre de référence afin de déterminer les
interrelations entre les différents éléments de l’habitat, de l’environnement et de la santé. La
gestion environnementale du bâtiment nous a permis de déterminer les intrants, les extrants et
la qualité de vie nécessaire à une saine gestion de l’habitat «ballots de paille».
La conservation : de l’énergie, de l’eau, des ressources, de la qualité de vie et la gestion des
déchets forment les thèmes constitutifs de l’habitat viable. Les résultats obtenus nous montrent
que la maison «ballots de paille» est une réponse concrète à la conservation de
l’environnement. De plus le portrait global du répondant nous révèle que celui-ci adhère à
l’idée de la Simplicité Volontaire comme philosophie et mode de vie.
C’est pourquoi nous proposons que le ballot de paille soit reconnu dans le code du bâtiment
comme matériau de construction et que cette technique fasse l’objet d’un programme de
conservation de l’environnement au même titre que les programmes semblables existants (La
Nouvelle maison R2000 et Novo-climat). Ces mesures permettront de faire reconnaître cette
technique de construction tout en favorisant sa diffussion. Outre sa capacité de répondre à la
conservation de l’environnement, cet habitat permet de le faire à des coûts abordables pour la
IX
construction mais aussi à l’utilisation, puisque les coûts de gestion de la maison sont moin-
dres pour le chauffage, l’éclairage, la climatisation, etc..
L’exploration sommaire du mode de vie des répondants nous montre que ceux-ci ont modifié
leur habitudes de vie pour être cohérents avec leur prise de conscience environnementale. Ce
qui nous porte à croire qu’il faudra davantage explorer ce mode de vie des répondants, puisque
celui-ci répond à la nécessité du changement de comportement que nous dicte la crise
environnementale, seule garantie d’un avenir viable pour tous les habitants de la planète Terre.
mots clés: maison ballots de paille, habitat humain viable, conservation de l’environnement,
simplicité volontaire.
INTRODUCTION
Un nombre grandissant de personnes construisent leur habitat de manière à tenir compte des
grandes problématiques contemporaines, associées à la crise environnementale comme : la
dégradation des ressources, la dégradation des écosystèmes et la dégradation de la qualité de
vie. Une de ces manières de faire propose une approche originale puisqu’il s’agit de construire
des maisons résidentielles avec de la paille. Le lecteur aura de quoi s’étonner : il s’agit bien
de ce sous-produit de la culture des céréales, particulièrement des céréales telles le blé,
l’avoine, l’orge ou le riz, que nous utilisons largement dans notre alimentation depuis que nous
pratiquons l’agriculture.
Il peut sembler surprenant, voire anachronique, de construire des maisons avec de la paille au
21ième siècle alors que de nombreux matériaux sont disponibles et abondants sur le marché.
D’autant plus que le commun des mortels gardera dans son inconscient collectif l’histoire des
trois petits cochons et du grand méchant loup dont le souffle puissant aura tôt fait de disperser
aux quatre vents cette matière légère, inflammable, putrescible et qui nourrit les insectes,
logent les rongeurs et dans laquelle on imagine aisément des nids d’oiseaux !
La technique est tombée progressivement dans l’oubli à mesure que les codes et les matériaux
standardisés sont devenus les nouvelles manières de faire dans le domaine de la construction.
C’est au tournant des années 1970 que la technique réapparait. En effet, la crise environ-
nementale a ressorti de l’oubli cette manière de construire car elle propose, pour les promoteurs
de cette technique de construction, une solution à la crise des ressources et à la diminution des
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rejets. De fait, celle-ci utilise le résidu d’une pratique humaine incontournable : l’agriculture,
qui par la culture des céréales assure, en grande partie, la survie de notre espèce. Cette activ-
ité annuelle permet au résidu «paille» de devenir une ressource renouvelable abondante et
disponible à un coût très faible. De plus, cette valorisation de la ressource permet de la soustraire
au bilan négatif de la production de gaz à effet de serre car, là où elle est abondamment
produite, celle-ci est brûlée pour en disposer. Les écologistes se sont appropriés cette approche
de construction car elle répond à leur volonté d’agir concrètement au niveau local tout en
conservant une pensée et des retombées globales.
Dans cette recherche, nous avons voulu savoir si cette technique de construction répondait à
des principes vérifiables de conservation de l’environnement. La conservation est comprise ici
comme une approche dynamique qui considère à la fois la restauration, la préservation voire
l’amélioration d’une situation environnementale. De plus si cette approche s’avère être plus
respectueuse de l’environnement, telle que ces promoteurs le mentionnent, l’est-elle à un coût
abordable et répond-elle à des normes de confort et de santé acceptables ? Si cela s’avère
exact, il nous semble judicieux de promouvoir et de faire connaître cette approche pour sa
capacité de répondre à la volonté des Nations-Unies, en particulier l’agenda 21 qui propose
l’établissement d’habitats humains viables (Rio 1992).
Peu de littérature existe quant à la situation réelle au Québec, où, selon les observateurs et les
acteurs du milieu, cette technique gagne en popularité. Si quelques études existent, elles sont
en général techniques et partielles. Aucune étude globale, à notre connaissance, n’a été réalisée,
particulièrement en ce qui concerne les sciences de l’environnement. Plusieurs études ont été
réalisées en architecture ou en mécanique du bâtiment, cependant aucune d’entre elles ne tient
compte à la fois des aspects bio-physiques de cette réalité et des aspects humains. Il s’agit
donc de s’interroger sur les relations dynamiques et les interactions entre l’habitat, l’environ-
nement et la santé. Pour cela, nous avons construit une grille d’analyse et de synthèse, à par-
tir d’une revue de la littérature existante concernant la construction viable. L’élaboration de
cette grille nous a permis de déterminer des thèmes et des éléments constitutifs de l’habitat
viable. Ceux-ci sont représentatifs des différents documents des intervenants dans le domaine
de la construction tant aux niveaux gouvernementaux que non gouvernementaux, sur la scène
internationale, nationale et locale. Ces thèmes ont été passés au crible de cette nouvelle école
de pensée qu’est la réduction à la source. Réduire la pression en amont sur les ressources pour
pouvoir réduire la pression sur les écosystèmes en aval par la réduction des rejets et des
déchets. Aussi nous y retrouvons les cinq thèmes suivants : la conservation de l’énergie, la
conservation de l’eau, la conservation des ressources, la gestion des rejets et la conservation
de la qualité de vie. Enfin nous avons voulu saisir qui sont les individus derrière cette manière de
construire, nous avons donc établi un sixième thème qui est le portrait global du répondant. En
effet, en absence d’obligations et de contraintes particulières nous avons voulu comprendre qui
sont ces personnes et pourquoi elles construisent leur habitat de cette façon. La gestion
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La recherche est de type qualitatif et empirique. Vingt trois personnes, réparties sur
l’ensemble du territoire du Québec, ont répondu au questionnaire sur une possibilité d’une
trentaine dont nous avons trouvé les coordonnées auprès des différents interlocuteurs dans
le dossier. Cependant il est pour l’instant impossible de recenser le nombre exact de ce type
de constructions au Québec.
Ce mémoire est composé de cinq chapitres. Le premier chapitre est la mise en contexte et
l’élaboration du cadre de référence qui nous a permis de situer notre recherche dans un con-
texte global. Le deuxième chapitre présente la problématique de recherche. Nous y retrouvons
une mise en contexte de l’habitat domestique viable, une définition de l’habitat étudié ainsi
que son historique et son developpement. Dans le troisième chapitre nous présentons différents
intervenants dans le domaine de la construction viable et les documents qui ont servi à
construitre notre grille d’analyse et de synthèse de l’habitat résidentiel viable. Cette grille est
composée de thèmes et d’éléments qui ont servi à la classification de la maison ballots de
paille. Le quatrième chapitre est consacré à la présentation et à l’analyse des résultats de la
recheche. Enfin nous proposons quelques recommandations afin de contribuer à l’avancement
de la reconnaisssance de cette approche de construction. En conclusion, au chapitre cinq, nous
proposons les prémisses d’une analyse sociologique qui pourra être menée comme suite à ce
travail afin de développer notre connaissance de ce mode de vie alternatif qui propose une
troisième voie, entre le passéisme et le progressisme, dans la construction d’un avenir viable.
CHAPITRE I
Selon Jurdant (1988), la crise écologique aurait plusieurs déterminants majeurs dont par-
ticulièrement : la surpopulation, l’épuisement des ressources naturelles et la pollution. Qu’en
est-il aujourd’hui, 14 ans plus tard ? Les ressources ont certes diminuées mais dans quelles
proportions par rapport à la population. La pollution accapare l’information et ses c o n-
séquences se mesurent dorénavant en effet de serre et en changement climatique. La crise
environnementale prend en somme bien des formes. Nous en explorerons quelques-unes dans
ce chapitre. De plus comme la connaissance de ces problèmes évolue, les propositions de réso-
lutions de problèmes ne manquent pas. La gestion environnementale est une réponse concrète
et globale à ces problématiques.
Si la crainte d’une surpopulation constitue une préoccupation majeure, il n’en reste pas moins
que les prédictions démographiques des trente dernières années se sont avérées inexactes. Des
sept milliards d’individus prévus pour l’an 2000, nous sommes en fait six milliards, soit un
milliard de moins. S’il est difficile de faire des projections démographiques, les démographes
s’accordent cependant majoritairement pour prévoir une stabilisation de la population d’ici un
siècle (2100) à 12 milliards d’habitants. Certains estiment même, qu’après ce seuil nous pour-
rions connaître un déclin! (Discover, 1997) ( Albert Jacquard à radio Canada parle d’un seuil
de neuf milliards d’individus). Existe-t-il donc, un réel problème de surpopulation? D’une
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Plus récemment, une manière de calculer ce déséquilibre a été mise au point par le groupe de
travail sur les communautés saines et durables de l’université de Colombie-Britannique. Cette
méthode, élaborée à partir des travaux des chercheurs William Rees et Mathis Wackernagel,
a pour nom «l’empreinte écologique». Celle-ci mesure la consommation de ressources
naturelles des individus que ce soit au niveau d’une région, d’un pays ou de la planète.
«L’empreinte écologique d’un groupe humain correspond à la surface totale, terrestre ou
aquatique, biologiquement productive nécessaire pour produire tous les types de cultures, de
viandes, de poissons, de bois et de fibres qu’il consomme, pour maintenir sa consommation
en énergie et répondre aux besoins en espace nécessaire pour accueillir ses infrastructures.
L’empreinte écologique est comparable à la capacité productive biologique terrestre et
aquatique disponible de ce groupe humain.» (Living Planet Report, 2002)
Actuellement chaque individu dispose d’une superficie de 1,9 hectares. Ce calcul est obtenu en
divisant la superficie totale disponible de terre et de mer productives, soient 11,4 milliards
d’hectares par la population mondiale totale soient 6 milliards d’individus. Si l’empreinte
écologique du consommateur africain ou asiatique est de 1,4 hectares en 1999, celle du nord-
américain est de 9,6 hectares, la moyenne mondiale se situant à 2,3 hectares. C’est dire que nous
avons désormais dépassé la capacité de la terre à soutenir la consommation des humains en
ressources renouvelables !
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Les pays développés accusent une diminution de leur taux de natalité. Celui-ci se situe en deçà
du taux de reproduction nécessaire et suffisant pour assurer la stabilité démographique. Celle-ci
est dorénavant assurée par l’immigration, particulièrement par les ressortissants de pays moins
développés qui cherchent à améliorer leurs conditions de vie économiques, et où, en général, le
taux de natalité est supérieur au taux de mortalité. La pyramide des âges est inversée entre les
pays «en voie de développement», où plus de cinquante pour cent de la population se situe en
dessous de quinze ans, et les pays développés, où les personnes de soixante ans et plus sont plus
nombreuses que celles de quinze ans et moins. La composition de la population se transforme
ainsi de deux manières : d’une part elle est vieillissante car les enfants ne remplacent plus les
personnes âgées qui disparaissent, et, d’autre part, celles-ci sont remplacées par des individus
qui ont une origine culturelle bien différente des premiers. Cette rencontre, entre le vieillissement
de la population et l’émergence de différences culturelles multiples, occasionne des difficultés
qui sont exacerbées et qui sont en général récupérées par des partis politiques qui axent leur
discours sur la sécurité (la différence fait peur), discours qui influence la politique d’un nombre
de plus en plus important de pays industrialisés de ce début de millénaire. Parmi les facteurs qui
expliquent cette dénatalité, nous retrouvons particulièrement celui de l’émancipation des
femmes, leur introduction massive au marché du travail et l’accession, pour tous, à l’éducation.
Ces facteurs ont modifiés notre rapport à la descendance. L’urbanisation est aussi un facteur
déterminant. En effet, la force de travail que représente la descendance dans un milieu rural agri-
cole n’a plus sa raison d’être en milieu urbain. Nous constatons également que dans les «pays en
voie de développement», la même tendance se reproduit et là où nous rencontrons ces mêmes
indicateurs nous avons une décroissance du taux de natalité. Si les campagnes de limitation des
naissances, que nous avons financées dans les «pays en voie de développement», n’ont connu
qu’un succès mitigé, l’augmentation de la qualité de vie des populations donnent des résultats
prometteurs en terme de contrôle des naissances (éducation, émancipation des femmes,
accessibilité à la richesse...).
La population vieillissante des pays développés concentre de plus en plus de richesse aux quelles
la population jeune des pays en voie de développement n’a pas accès. Ce déséquilibre dans la
répartition des richesses risque de créer des problèmes qui menacent la sécurité planétaire. Durant
toute sa vie, un bébé né dans un pays industrialisé consommera « soixante fois plus d’énergie, dix
fois plus d’eau et trois fois plus de calories alimentaires » (Boutard 2000) qu’un bébé né dans
7
Deux métabolismes naturels déterminent le rapport des êtres vivants à la matière par la trans-
formation de l’énergie solaire. L’anabolisme qui favorise la croissance et crée de la matière et
le catabolisme qui favorise la biodégradation ou la décomposition de cette même matière. Ce
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sont deux processus de combustion lente. L’humain s’est, quant à lui, affranchi de cette lim-
ite par l’utilisation de plusieurs sources d’énergies depuis la maîtrise du feu jusqu’à la fusion
nucléaire. Cette utilisation de l’énergie, à des fins essentiellement de production de biens et de
services est caractéristique de processus de combustion rapide qui demande la consommation
d’énormes quantités d’énergie en des temps très courts (processus à haute puissance). La con-
séquence de ce fait est que nous consommons les ressources naturelles d’une façon exponen-
tielle et que du même coup, nous accélérons la production des rejets de toutes sortes.
L’ensemble des matières premières ou des phénomènes naturels utilisés pour la production
d’énergie proviennent des ressources naturelles. Celles-ci se classent en deux types : les
renouvelables et les non-renouvelables. Parmi les premières nous retrouvons les énergies
solaire, lunaire et terrestre, sous les formes de l’hydroélectricité, de l’énergie éolienne, les
marée-motrices, le géothermique, etc. Ici nous parlons de flux de ressources qui est par
nature renouvelable. Leur limite d’utilisation est l’accessibilité en terme économique, plus
particulièrement la grandeur des bénéfices à court terme. Si le rayon de soleil perdu hier n’a
aucune incidence sur la capacité du soleil à se renouveler il en est autrement des ressources
de biomasse comme la biomasse forestière par exemple. Pour ce type de ressources il faut
que le taux de cueillette n’excède pas le taux de renouvellement pour en assurer sa pérennité.
Si nous prenons le cas des céréales, sur lequel nous reviendrons au sujet de l’habitat «ballots
de paille», il suffit d’en assurer une plantation suffisante pour que celle-ci suffise à
nos besoins.
La deuxième catégorie concerne les ressources non-renouvelables, les ressources minières et fossiles
accumulées dans la croûte terrestre : charbon, pétrole, gaz naturel, sable bitumineux, etc. Celles-ci
sont le résultat de la décomposition des biomasses des temps reculés. Comme il est question ici de
«stocks» leur accessibilité est encore un calcul coût bénéfice, mais leur renouvellement est nul.
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Nous connaissons la durée probable de ces «stocks», de telle sorte que nous pouvons d’ores
et déjà envisager leur durée de vie (voir paragraphe : épuisement des ressources).
L’eau est un cas à part dans la mesure qu’elle est un «stock» qui se renouvelle localement à
cause du cycle de l’eau. La particularité de ce «stock» est qu’il est à 97% formé d’eau salé et
que la majorité du reste est gelé. Le rôle de l’eau est fondamental dans le cycle de la vie. Le
corps humain est composé à 70% d’eau et la vie des organismes vivants dépend à la fois de
sa présence et de son rôle de véhicule de la chaleur de l’équateur vers les pôles. Si l’eau douce
se renouvelle par le cycle incessant de l’évaporation-transport-condensation-pluie et que nous
avons accès à une eau sans cesse renouvelée de par son cycle et de par sa circulation il ne faut
pas s’y méprendre : les activités anthropiques, et particulièrement les déchets de ces activités,
ont en effet contaminé les supports, les réservoirs, au point que nous ne pouvons pratiquement
plus consommer l’eau des lacs ou des rivières sans traitement préalable. Dans certains cas
l’eau des nappes phréatiques est elle aussi contaminée ce qui la rend impropre à la consom-
mation. Connaissant cela et le peu de disponibilité de l’eau potable, (0,000 01 de la ressource
eau), et la surconsommation qu’en fait le nord américain moyen (400 litres/hab./jour), nous ne
pouvons pas exploiter l’eau comme une ressource renouvelable.
Dans les années 1990, au Québec, le gouvernement provincial a pratiqué des investissements
publiques majeurs dans la décontamination de l’eau. Sept milliards de dollars ont été investis
dans des usines d’épuration des eaux. Cependant, durant cette même période, le secteur agricole,
de par ses pratiques industrielles, arrosages de biocides et ses épandages, a contribué à
augmenter la pollution des cours d’eau, qui se trouve à un niveau supérieur à ce qu’il était
avant ces investissements dans la décontamination des eaux urbaines et industrielles.
Dans le tableau 1.1, une année est une unité de durée de la ressource en supposant que cette
ressource soit la seule disponible. Le charbon représente la source d’énergie ayant une plus
grande disponibilité. Un effort particulier est mis en œuvre pour l’utiliser sous forme liquide ou
gazeuse (liquéfaction et gazéification) et pour limiter ses effets négatifs par la désulfuration. Si
le charbon devait remplacer toutes les autres formes d’énergie il durerait plus ou moins
150 ans. En fait, la véritable consommation de charbon représente 200 années de disponibilité
car elle n’est pas la seule ressource consommée. Quant à l’énergie nucléaire sa forme actuelle
d’utilisation ne représente que cinq années équivalentes d’utilisation de cette ressource mais le
problème de la disposition des déchets du tout nucléaire demeure entier et représente une véri-
table menace pour les générations futures. Le pétrole représente une couverture de seize années
équivalentes du tout pétrole pour les gisements connus à quarante-cinq ans avec les réserves
probables. De ce tableau, il faut retenir que nous dépendons fortement des ressources fossiles
et que leur disponibilité dans le temps diminue drastiquement. Nous commençons à exploiter
des réserves plus difficilement accessibles, ce qui augmente considérablement leur coût
d’exploitation.
Au-delà des conflits annoncés et de la diminution des ressources, les conséquences de la consom-
mation de masse se mesurent aussi par l’effet déstabilisateur sur les écosystèmes. Le processus de
combustion rapide implique une plus grande consommation de ressources et d’énergie. Ce qui
entraîne des rejets considérables dans la nature, que l’effet tampon des écosystèmes ne peut plus
absorber. Celui-ci est la capacité d’un milieu à absorber, à décomposer et transformer les rejets qui
viennent de l’activité humaine ou de catastrophes naturelles. Ici, le problème est la quantité reçue
qui augmente sans cesse. De plus, la toxicité des rejets : pesticides, toxines, furanes, dioxines et la
nouveauté des molécules créées qui ont souvent des aspects agressifs pour une composante ou
l’autre des écosystèmes, contribuent à dégrader les écosystèmes de façon plus incontrôlable.
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La dégradation des ressources et des écosystèmes n’est pas sans effet sur la qualité de vie des
habitants de la planète. La raréfaction des ressources et les conflits potentiels et réels
qu’engendrent le contrôle de ces mêmes ressources concernent l’ensemble des individus. Les
évènements tragiques du 11 septembre 2001 sont là pour nous rappeler que le contrôle de
certains sur les richesses et l’exclusion des autres est une source de conflits majeurs sur
l’échiquier géo-politique mondial.
La qualité de vie que doit apporter la gestion environnementale comprend la qualité de l’envi-
ronnement du milieu (eau, air, sol et santé publique), l’amélioration de l’hygiène, la sécurité au
travail, la vie socio-communautaire, et bien-entendu la qualité de l’habitat résidentiel.
(Boutard, 2002)
Les différentes crises que nous avons connues depuis un demi-siècle ont profondément transformé
notre conscience du monde. L’après guerre avec sa menace nucléaire, nous a plongé dans cette
terrible vérité que nous avons la capacité de détruire la planète. Celle-ci est, du coup, devenue plus
petite et plus fragile. Les premiers pas sur la lune des astronautes américains et la vue splendide
de la planète bleue nous a également permis de voir celle-ci comme un énorme organisme
vivant que James Lovelock (1979) a développé dans son «hypothèse de Gaïa». Cette
métaphore ou cette réalité n’en a que plus accentué le coté de finitude et de petitesse. Le choc
pétrolier des années 1970 a lui aussi tiré la sonnette d’alarme en nous ramenant les pieds sur
terre et en nous faisant découvrir que les ressources ne sont pas aussi illimitées qu’on le
pensait. Parallèlement, les mouvements écologiques se sont développés, souvent liés à l’après-
guerre et à la lutte anti-nucléaire, telle que, par exemple : l’Union Internationale pour la
Conservation de la Nature créé en 1948. Les différentes catastrophes écologiques (marées
noires, Tchernobyl) ainsi que la disparition d’espèces animales ont aussi relancé la création
d’organismes internationaux comme Greenpeace qui a eu 30 ans cette année ! (2001). Les
amies de la terre, le Sierra Club, La World Wildlife Fund sont aussi des organismes qui ont émergé
dans les dernières années du 21ième siècle. Devant cette effervescence des mouvements écologiques
et cette nouvelle réalité, celle de la limite des ressources et de la prise de conscience de la pollu-
tion engendrée par nos modes de production, les États ont créé des instances internationales dont
le mandat est de trouver des solutions viables pour notre développement économique. C’est dans
ce contexte de changement de paradigme qu’apparaît à Stockholm à la Commission mondiale sur
l’environnement et le développement, en 1987, le concept de développement durable (D.D), sur
lequel nous reviendrons au chapitre suivant.
À cette période, l’ancien équilibre Est-Ouest, qui reposait sur la guerre froide et la menace
nucléaire, a disparu en même temps que le mur emblématique de Berlin. Depuis l’économie
néo-libérale triomphe et se répand à travers la planète comme seul modèle de développement
économique. Ce modèle, qui repose particulièrement sur la croissance, semble plutôt mettre en
opposition le développement et le durable. Les événements tragiques du World Trade Center
du 11 septembre 2001 nous interpellent sur les excès du néolibéralisme. Celui-ci rencontre de
14
nouvelles résistances, qui en visant le centre des affaires des États-Unis, semblent poser la
question de la répartition et de l’exclusion de la richesses à travers la planète.
La nouvelle conscience des limites des ressources de la planète Terre a forcé les différents
secteurs industriels et les entreprises à porter un autre regard sur leurs activités économiques.
Si elles sont loin de s’être toutes conformées à une approche moins dévastatrice et moins pol-
luante de notre milieu de vie, elle peuvent selon leur volonté utiliser la gestion environ-
nementale comme cadre d’une bonne et saine pratique d’intervention. La gestion environ-
nementale est comprise comme une saine pratique de gestion dans le but de conserver et de
protéger l’environnement et la santé des individus.
«La conservation de l’environnement est l’ensemble des actions qui caractérisent une
dynamique de préservation ou de restauration ou d’amélioration de la situation environ-
nementale» (Sauvé, 1987)
«La conservation est une notion : elle recouvre la préservation, l’entretien, l’utilisation
durable, la restauration et l’amélioration du milieu naturel.» (UICN/PNUE, 1980).
Ceci dit le tournant semble s’amorcer au sein de différentes entreprises. Le maître mot est doré-
navant le développement durable (D.D) auquel essayeront de se conformer les différents
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secteurs de l’économie. Sans élaborer pour l’instant sur les mérites ou les incongruités de ce
concept «fourre tout» nous pouvons resituer la gestion environnementale dans le cadre du D.D
comme un outil pour le mettre en œuvre. En effet, il faut comprendre celle-ci comme une
pratique et une application concrète de la pensée environnementale. Si les activités
humaines ont été longtemps subordonnées à l’économie, la conservation et la protection de
l’environnement commandent dorénavant une modification des systèmes de production,
encadrés par une législation plus contraignante. Les remises en question qui accompagnent
cette nouvelle pratique sont nombreuses. Elle commande, entre autre, de prendre en compte
les trois enjeux de la problématique environnementale et leurs aspects politiques, sociaux,
financiers, économiques, législatifs, etc. Cette démarche est nécessairement socialement
critique puisqu’elle remet en question certaines valeurs et qu’elle implique une modification
des attitudes et des comportements. Le gestionnaire moderne l’aura compris, il ne s’agit plus
seulement de développer des technologies qui réduisent l’impact environnemental mais
aussi de développer une manière d’agir sur les causes des problèmes environnementaux.
Enfin, et contrairement à la croyance, ce changement de pratique qui intègre la gestion
environnementale permet de réaliser des économies à court terme et n’est pas incompatible
avec une rentabilité à long terme où la durabilité de l’activité est assurée.
La gestion environnementale représente bien des avantages pour l’entreprise qui la met en
œuvre. Elle permet d’améliorer l’image corporative de l’entreprise et elle représente sutout un
moteur pour développer des technologies et des produits nouveaux. Elle permet d’élaborer
une politique environnementale qui protège l’environnement et elle permet d’établir un code
d’éthique. Elle favorisera l’implication de tout le personnel de l’entreprise. Et enfin, de par
l’amélioration des méthodes de production, elle permet des économies en terme de réduction
de consommation d’énergie, de diminution des déchets et des coûts reliés à leur traitement. De
plus la valorisation et la satisfaction de la main-d’œuvre améliorera la productivité de l’entreprise.
Cette mise en œuvre ne se fera cependant pas sans quelques résistances ou quelques efforts au
sein même des entreprises. Un programme de formation sera nécessaire pour effectuer les
changements. Il devra être donné par des formateurs soucieux d’intégrer le savoir-faire et la
connaissance des employés.
Finalement le système de gestion environnementale peut aller jusqu’à la prise en charge des
coûts externes à la production par l’entreprise, coûts qui généralement sont pris en charge par
la collectivité. Dans ce cas l’entreprise aura une action proactive et internalisera ses propres
externalités. L’externalité représente ici un coût ou un bénéfice externe qui n’est pas pris en
charge par le marché. Autrement dit, celui qui agit ne paie pas toujours l’intégralité du coût de
son action. Ici nous faisons référence à la pollution ou à la perte de la biodiversité. Ainsi en
est-il, par exemple de l’industrie de la construction qui contribue d’une part à l’enrichissement
global par la mise en chantier de bâtiments, en permettant à des institutions et à des individus
de se loger et de travailler, mais qui, d’autre part, contribue grandement à la pollution globale
(GES) endossée par la collectivité.
Dans ce contexte il est possible d’étudier les interactions entre le milieu urbain et ses habitants
dans une approche écosystémique car :
«Tout en gardant ses spécificités culturelles, la ville peut être décrite comme un écosystème
dans la mesure où elle constitue un circuit de distribution et d’échange de matière, d’énergie
et d’information reliant des groupes humains par des dynamiques bien précises. [...] .On
observe au sein d’une agglomération urbaine, un éclatement des sous-systèmes différents
mais complémentaires constitués des unités territoriales, économiques ou culturelles.»
(Esquissaud, 1990).
Comme nous l’avons vu précédemment la notion d’environnement ne se limite pas aux seuls
écosystèmes naturels. Si la ville devient un écosystème composée de bâtiments, la maison
résidentielle se définit comme un environnement particulier qui fait partie de l’écosystème
complexe qu’est l’environnement urbain. De la même manière, la forêt représente un écosys-
tème complexe composée particulièrement d’arbres. L’arbre devient un écosystème à lui seul
en interaction avec le sol, le soleil, l’air, l’eau, etc. Dans cette optique la maison devient un
environnement à étudier, un écosystème à mieux comprendre.
• Les intrants
«Une bonne gestion environnementale commence par une utilisation rationnelle des
ressources qui entrent dans le bâtiment (les intrants)» (Gravenor, 1998)
Pour construire et voir au bon fonctionnement d’un habitat comme la maison résidentielle,
un certain nombre de ressources sont nécessaires. C’est ce que nous appelons les intrants.
Une gestion rationnelle et efficace doit être mise en œuvre pour minimiser les impacts de
ces ressources sur l’environnement et la santé. Les éléments concernés sont : les matériaux
de construction, les matériaux et les produits d’isolation et de finition, l’énergie, la qualité
de l’air, l’utilisation de l’eau, les consommations diverses, les différents équipements
comme les appareils électro-ménagers, etc.
• Les extrants
Les extrants sont composés des intrants qui ressortent de l’habitat sous forme dégradée
et sous formes de rejets. On y retrouve : le bruit, les eaux usées (toilette, vaisselle, lavage,
bain, douche), la consommation d’énergie (électricité) la combustion des combustibles
fossiles et de biomasse (gaz, pétrole, bois de chauffage), les déchets de construction, les
déchets de consommation, les matières décomposables, les matières récupérables, etc.
Ces rejets seront solides, liquides, gazeux, ondulatoires (bruit, chaleur, etc.).
• La qualité de vie
21
La qualité de vie fait référence à l’appréciation des occupants de la maison, de leur con-
fort et de leur santé. Elle correspond à des normes en vigueur de confort, d’hygiène, de
qualité de l’air, et de salubrité. Elle présente également des éléments de sécurité et de bon
fonctionnement liés aux activités telles la cuisine , le sommeil, le loisir. Elle assure aussi
une qualité thermique et d’humidité optimale, qui sont aussi garante de la santé. Ainsi
qu’une qualité d’éclairage et acoustique qui favorisent un meilleur confort.
Il ne saurait être question de terminer cette partie sans apporter quelques éléments de
réflexions critiques à propos du développement durable qui est l’objectif de référence de
la gestion environnementale. Comme nous y faisons référence à plusieurs endroits dans ce
travail, il nous est apparu opportun de mettre à jour certaines contradictions et de proposer,
à la suite de Armel Boutard, la notion de code de bonne pratique en lieu et place du
développement durable.
«Le développement durable est la plus belle réussite dans cet art du rajeunissement des
vielles lunes. Il constitue un bricolage conceptuel, visant à changer les mots à défaut de
changer les choses, une monstruosité verbale par son antinomie mystificatrice. Le
«durable» est alors ce qui permet au concept de survivre.» (Latouche, 2001)
autre. La logique néo-libérale a démontré à maintes reprises que les effets négatifs de ce type
de développement étaient à la fois récurrents et faisaient partie intégrante de sa réalité. La
conservation de l’environnement ou l’épanouissement des humains n’ont pas de place dans le
développement qui exprime la logique néo-libérale qui met les individus en compétition les
uns contre les autres avec son lot de vainqueurs mais surtout de vaincus.
Les auteurs du rapport du D.D avaient reconnu les limites de cette expression : «Parvenir à
une définition du développement durable qui serait acceptée par tous reste un défi». Il faut
reconnaître que l’objectif poursuivi reste légitime. Ici il est question de réconcilier les intérêts
des intervenants des sphères économique, environnementale et sociale. Particulièrement de
concilier la volonté de croissance économique aux nécessités de conservation de l’environ-
nement (viabilité des écosystèmes) à celles de réponses aux besoins des pays en développe-
ment (viabilité des communautés).
Les pays industrialisés pourront ajuster, d’une manière plus réaliste, les effets de leur croissance
économique à la conservation de l’environnement biophysique, l’objectif est de réduire les
impacts environnementaux associés à l’activité économique à un seuil inférieur à celui de l’effet
tampon naturel des écosystèmes.
«La poursuite de cet objectif caractérise une gestion de «bonne pratique» ou de «saine
gestion» ; expressions a priori aussi floues que celle du développement durable mais qui
se justifient par une pratique dont les effets locaux et régionaux peuvent être évalués dans
l’immédiat.» (Boutard, 2002).
Pour définir cette pratique, les responsables gouvernementaux travailleront avec les citoyens
des communautés impliquées. Elles sera le reflet de choix de société. Nous pouvons de la sorte
sortir de la notion trop générale du développement durable pour proposer un code de bonne pra-
tique, approche plus concrète, plus souple et plus adaptée aux différentes réalités auxquelles il
s’adresse. Le choix du cadre de bonne pratique participe d’une attitude proactive guidée par des
principes. Ceux-ci sont des principes largement reconnus sur la scène internationale et d’ores
et déjà employés. Ils sont au nombre de trois :
23
S’il n’existe pas une seule définition claire de l’approche écosystémique nous pouvons retenir
les éléments suivants, il s’agit d’une approche globale, holistique et dynamique. Cette approche
repose sur la notion d’écosystèmes qui sont les sous-ensembles constituants de la biosphère.
Elle considère les systèmes dans leur ensemble et les interconnexions qui les animent. Elle est
interactive et de ce fait, elle met en interrelation les éléments du système. L’activité humaine,
ou anthropique, joue un rôle important dans l’approche écosystémique. De la même manière
qu’elle considère des notions d’échelle spatiale et temporelle, elle tient compte des différents
acteurs. Elle pourrait se résumer comme étant la prise en compte des problèmes écologiques
dans leurs dimensions tant économique que sociale. Elle s’oppose à l’approche classique,
sectorielle et partielle qui ne prend pas en compte toutes les dimensions des problèmes
environnementaux. Cette approche classique est fragmentée et n’a pas permis, dans le
passé, d’apporter des solutions concrètes à ces problèmes et a même, à maintes occasions,
contribué à aggraver la situation. Elle est de type réactif et a démontré son inefficacité à
résoudre la crise environnementale.
C’est pourquoi l’approche écosystémique, de type proactif, permet de créer une synergie entre
les connaissances et participe à la réponse, à la compréhension et à la résolution des problèmes
environnementaux.
CHAPITRE I1
Dans un contexte de dégradation des ressources et des écosystèmes et de leurs effets néfastes
sur la santé des populations, il semble aujourd’hui urgent de mettre en œuvre une gestion
environnementale des divers secteurs de l’activité humaine. La gestion environnementale est
comprise ici comme une saine pratique de gestion qui permet à la fois de valoriser les acquis
socio-économiques d’une organisation, d’une entreprise ou d’un mode de vie et de conserver
et de protéger l’environnement ainsi que la santé des individus. Nous traitons particulièrement,
dans cette recherche, de l’habitat humain que nous limiterons à sa dimension domestique. Une
approche écosystémique permettra d’identifier les différents éléments de la fonction habitat,
leurs interrelations et leurs incidences sur l’environnement et la qualité de vie de ses occupants.
En somme, la pratique de cette recherche s’inscrit au cœur des interactions dynamiques entre
l’environnement, la santé et l’habitat. Nous essayerons, dans ce travail, de comprendre en quoi
l’habitat domestique «ballots de paille» favorise la conservation de l’environnement. Nous
nous demanderons si elle correspond aux critères de confort et de santé habituellement acceptés
par l’industrie pour les constructions résidentielles et si elle l’est pour un coût abordable.
L’habitat et ses interrelations avec l’environnement et la santé sont depuis fort longtemps
inscrits à l’agenda des nations de ce monde et les comités d’études internationaux s’y réfèrent
maintenant en terme de préoccupation pour un «développement durable». C’est au milieu des
25
Le programme propose, entre autre, de promouvoir une politique viable de l’énergie, des transports
et «une production durable de l’industrie de la construction.» Le programme préconise aussi, à
l’article 6, la protection et la promotion de la santé, particulièrement au point 6 E, où il est
question de la «réduction des risques pour la santé dus à la pollution et aux menaces
écologiques». Quant à l’article 7, il s’intitule «promotion d’un modèle viable d’établissements
humains» et réclame un logement adéquat pour tous en plus d’une méthode de gestion qui
intègre les utilisations des sols, de l’eau, des matériaux et des déchets.
• Faire un rien d’une montagne: mise en application des trois R dans la construction
résidentielle (1990) ;
26
L’industrie de la construction est reconnue comme ayant un impact considérable sur l’envi-
ronnement et la santé. En ce qui concerne l’environnement voici quelques exemples :
Les produits utilisés dans la fabrication des matériaux de construction influencent aussi la
santé des habitants tels que les composés organiques volatils (COV) dont le formaldéhyde se
retrouve dans les colles et les résines utilisées dans la fabrication des contre-plaqués, du bois
aggloméré, des panneaux de particules, de la laine isolante, des peintures, des tissus
d’ameublement, des colles à menuiseries, des papiers peints et des moquettes. En plus des
COV on retrouve aussi les pesticides, les fibres d’amiante, etc., dans les sous-tapis et le bois
traité...
Il peut en découler un problème de qualité de l’air intérieur qui à son tour entraîne des
problèmes respiratoires, d’asthme, de fatigue chronique et même, dans le cas d’exposition à
long terme, de cancers (celui des sinus est caractéristique de l’exposition à l’amiante).
«La dimension éthique est prioritaire. Il s’agit d’apprendre à habiter autrement son milieu
de vie : le résident utilisateur devient un habitant qui apprécie et soigne son environnement
biophysique et humain» ( Lucie Sauvé )
L’origine de la construction des maisons en ballots de paille remonte à la nuit des temps.
L’humain a toujours adapté son habitat aux particularités du milieu. De la grotte transformée
en troglodyte, la case en terre séchée, celui-ci a toujours fait preuve d’une grande capacité
d’adaptation par l’utilisation des caractéristiques «environnementales» des lieux et des
matières disponibles. La brique adobe, composée d’argile et de paille mélangée et séchée au
soleil, est un matériau de construction largement utilisé sur tous les continents depuis des
siècles. Ce matériau est certainement l’ancêtre de la technique de construction en ballots de
paille. Cette technique utilise le résidu de la culture de céréales pour ériger les murs, soit la
28
paille sous forme de ballots qui, pressés, sont assemblés comme de grosses briques qui for-
ment à la fois l’isolation et les murs de la maison. Ceux-ci sont recouverts des deux côtés d’un
crépi variable mais généralement fait de sable, de chaux et de ciment qui protège la paille des
intempéries, des rongeurs et des insectes. Ce crépi peut être fait d’éléments variés comme le
plâtre, l’argile, la sciure de bois...
Sand Hills
1850
Figure 2.1 Stationary «two-horsepower» baler Figure 2.2 Simonton House, Nebraska, 1908
(The Straw Bale House, 1994) (The Straw Bale House, 1994)
C’est dans la région des Sand Hills, vastes plaines arides dans le centre des États-Unis, plus
particulièrement dans l’état du Nebraska, qu’apparaissent les premières maisons connues en
«ballots de paille». C’est vers 1850 que les premiers colons arrivent dans cette région et s’y
installent. Comme tous les pionniers, ils construisent leur maison avec les matériaux
disponibles sur place. Cette région se distingue par le fait qu’aucun matériau courant n’est
accessible : ni arbre, ni pierre ni même de glaise. De telle sorte, que les colons construisent avec
29
le seul matériau dont ils disposent en abondance : l’herbe. Les premières maisons construites
le seront effectivement avec de l’herbe mise en bottes. Cette technique est inspirée des tribus
indiennes (les Sioux) qui construisent des huttes avec de la terre recouvertes d’herbe. C’est en
améliorant cette technique de base que les premières maisons en «ballots de paille» apparaissent
au Nébraska. La toute première maison aurait été construite autour de 1886 ou 1887 (Welsch,
1974). Il faut savoir qu’à la même époque les premières presses stationnaires à paille «stationary
horse and the steam-powered baler» sont inventées et que nos colons sont des agriculteurs qui
cultivent les céréales. Pas surprenant que dans ce contexte, les ballots, qui ressemblent à de
grosses briques végétales, soient transformés en matériau de construction. L’idée a fait son
chemin et s’est répandue dans la région jusqu’aux années 1950, au moment ou les matériaux de
construction, les méthodes modernes et les codes de construction sont devenus les nouvelles
manières de faire. Une partie de ces constructions sont encore visibles aujourd’hui et l’un des
plus vieux bâtiments de ce type sert encore pour l’accueil de travailleurs agricoles, c’est le Fawn
Lake Ranch, il a été construit entre 1900 et 1914 (voir photos). Aussi,
«En 1920, le ministère de l’Agriculture du Nord Dakota a édité des manuels de construction
en ballots de paille. En 1950, un manuel de ce même type est édité au Danemark : l’idée fait
son chemin...» (Cauwel, 1997)
Figure 2.3 Fawn Lake Ranch Headquarters and Figure 2.4 Monhart House, Nebraska, 1925
bunkhouse, Nebraska, 1900-1914 (The Straw Bale House, 1994)
(The Straw Bale House, 1994)
Comme le montre ces photos nous constatons que les maisons ont été construites en 1900 et
1925 et elles sont encore dans cet état aujourd’hui. Ces photos nous démontre que ce type de
construction assure le test de la durabilité et de la longévité.
30
Si la technique a semblé entrer dans l’oubli à mesure que les matériaux de construction de
masse envahissent le marché, celle-ci connaît un nouvel essor à la fin des années 1970 début
des années 1980, après la parution d’un article de Roger Welsch en 1974. Cet article sera
déterminant dans la renaissance de cette technique de construction aux États-Unis. Depuis, ce
regain d’intérêt appartient à la légende et les constructeurs écologiques se sont apropriés cette
technique de construction qui correspond à leur préoccupation environnementale.
Cette manière de construire dépasse les frontières américaines pour se retrouver partout dans
le monde et particulièrement dans nos sociétés industrielles. Au Québec, l’organisme sans but
lucratif Archibio a été créé en 1991 pour développer une approche écologique en construction
à partir du travail des pionniers dans le domaine, à savoir Clode de Guise, François Tanguay
et Michel Bergeron, co-fondateurs de l’organisme (voir bibliographie). Dans les pionners, on
retrouve aussi Louis Gagné constructeur indépendant. François Tanguay réalise au début des
années 1980 une construction en «ballots de paille» avec une technique différente de la
technique Nebraska : une structure en poutres et poteaux «post-and-beam» porte les charges
tandis que les ballots forment le remplissage des murs en assurant ainsi l’isolation. François
Tanguay contribuera à faire connaître la technique au Québec et en France où il réalise
plusieurs projets de construction. Il donne également des ateliers de formation pendant
plusieurs années. En France, l’article de Welsch avait été traduit et quelques expériences de
construction en ballots ont été réalisées, notamment au Larzac par un groupe qui faisait la
promotion de la non-violence comme résolution de problèmes, dans un contexte très chargé
politiquement. Aussi, construite en 1921 en France, la maison Feuillette, surprenante avec
son ossature de bois et remplissage en ballots de paille, a été proposée par son concepteur
comme prototype pour la reconstruction de fermes et habitations paysannes après la guerre.
Elle est aujourd’hui encore en parfait état. (Cauwell, 1997).
Une recherche sommaire sur Internet démontre que ce type de construction fait l’objet d’une
multitude de publications et de sites. À elle seule, la SCHL propose une bibliographie d’une
trentaine de monographies sur le sujet, et de quarante-trois articles, sans compter six docu-
ments audiovisuels. Une fiche technique, «Mur porteur fait de ballots de paille et mortier», a
31
été réalisée, en 1983, par la SCHL pour en déterminer sa conformité en termes de solidité
(résistance à la charge), de coefficient d’isolation (rendement thermique), de résistance au feu,
et de taux d’humidité. Cette étude, à la demande de Louis Gagné, et sous sa responsabilité, a
été menée conjointement par une firme de consultants et le Conseil national de recherches du
Canada. Louis Gagné est l’un des premiers québécois à construire une maison en «ballots de
paille» en 1981. Celui-ci met au point une technique nouvelle : les murs sont porteurs et sont
assemblés comme des grosses briques jointées entre-elles par un mortier de chaux qui sert
aussi de revêtement. Son aproche a été inspiré davantage des maisons en torchis que des
maisons en «ballots de paille» dont il ignorait l’existence au moment de mettre sa technique
au point. L’étude confirme que la résistance à la charge du mur du prototype respecte les
normes exigées pour la construction résidentielle. La teneur en humidité est de 13,36 %, ce
qui offre une résistance thermique suffisante sans avoir à poser un pare-vapeur. Une étude plus
récente menée par une firme indépendante, pour le compte de la SCHL, et qui mesurait
l’humidité dans les murs de bottes de paille a été réalisée dans une région humide, en
Nouvelle-Écosse. Cette étude montre que :
«la teneur moyenne en humidité des murs oscille entre 6,8% en décembre-janvier et
12,2% en juillet, ce qui est bien inférieur au seuil de 20 %, considéré comme pouvant
provoquer des dommages structuraux et pour la santé, dans les murs en bottes de paille»
(SCHL, 1998)
La valeur totale RSI, résistance thermique mesurée en unité du standard international est de 6,17
ce qui correspondait à deux ou trois fois le rendement thermique d’un mur à ossature de bois à
ce moment. Les résultats de l’essai de résistance au feu étonnent les experts de l’époque :
«Le mur de ballots de paille résiste en effet à une simulation d’incendie où la tempéra-
ture est élevée jusqu’à 43,4 degré Celsius durant quatre heures au lieu des deux heures
normalement requises. Le revêtement de mortier a résisté deux heures à des températures
atteignant 1010 degrés Celcius avant qu’une minuscule lézarde n’apparaisse». (SCHL,
1983)
Dans les mêmes conditions, un mur à parement de briques (briques de 100 mm, contre-plaqué
de 9,5 mm et revêtement intérieur de placoplâtre) résiste environ deux heures trente minutes.
Enfin l’étude comparative des coûts montrait qu’un mur en bloc de ciment (non isolé) était de
15% moins élevé que le mur en «ballots de paille», un mur de stucco (placoplâtre sur charpente
32
en bois avec montants de 38 x 89 mm, valeur RSI 3,4 de l’isolant contre-plaqué de 9,5 mm,
papier de construction et revêtement de stucco) 20% plus élevé que le mur en ballots et enfin
le coût d’un mur à parement de brique (même description que précédemment mais avec des
briques de 100 mm à la place du stucco) est 55% plus élevé (SCHL, 1983).
Ceci dit, un constat s’impose : cette technique de construction est encore largement méconnue.
Elle semble connue par un noyau d’initiés et de convaincus, certes de plus en plus nombreux,
qui adhèrent à l’idée que cette technique est respectueuse de l’environnement. Nous avons
voulu vérifier si cette technique de construction était connue ou non auprès d’une vingtaine
d’étudiants en sciences de l’environnement et quelle impression leur laissait l’idée de construire
un habitat avec des «ballots de paille». Ils devaient répondre, avec un minimum de renseigne-
ments, à la question suivante : Aimeriez-vous vivre dans une maison en ballots de paille ? Si
oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ? Un certain nombre de préjugés ont été soulevés. Plusieurs
33
répondants ont manifesté leur manque de confiance en la technique, par exemple : la peur du
feu, le risque de pourrissement, le doute quant à la solidité de la maison, sa durabilité, son
coefficient d’isolation et sa résistance aux intempéries. Spontanément plusieurs ont répondu
négativement à la question à cause de ces préjugés. Par contre, certains autres aspects ont
obtenu la faveur générale : le côté plus naturel et écologique de la construction, l’économie
d’énergie, la fraîcheur mais aussi le côté imaginaire que cela suscite, les souvenirs de la paille
qui sent bon mais aussi l’histoire des trois petits cochons :
«Oui car l’isolation est de bonne qualité. C’est original et cela utilise moins de matériaux
usinés (je crois). Non car si le méchant loup souffle dessus...»
Toutes sortes de raisons qui d’un côté illustrent bien le manque d’information et qui de l’autre
côté indique le désir d’en savoir plus :
«Spontanément : non, principalement à cause des courants d’air ! Toutefois après
quelques secondes de réflexions je me dis que si une telle construction peut se faire, c’est
qu’elle doit être habitable donc si on enlève les courants d’air ce serait plutôt oui.»
Ces «pour» et ces «contre» méritent d’être étayés puisque l’on constate un intérêt grandissant
pour ce type de construction dans la population en général (Bergeron, 2001). Une validation
scientifique de la qualité environnementale de cette technique nous semble nécessaire pour
apporter la crédibilité à sa reconnaissance et à sa diffusion.
Si cette technique s’avère aussi intéressante que ses promoteurs l’affirment, nous voulons
cerner les difficultés rencontrées par les constructeurs de maison en «ballots de paille» dans
l’élaboration de leur projet de construction, afin de faire des recommandations qui faciliteraient
l’accessibilité à ce type d’habitat.
« Il faut choisir un lieu qui soit en bon air et belle vue. La santé souffre toujours d’un air
malsain et une vue triste entretient ou fait naître la mélancolie. On se fixera à une situa-
tion qui réunisse la salubrité de l’air aux agrément de la vue. La trop grande sécheresse
nuit à la poitrine, la grande humidité est source de mille accidents... il faut avoir de l’eau
et être à portée des lieux où l’on trouve les choses nécessaires à la vie. Il faut être éloigné
du bruit ».(Marc Aurèle Laugier, 1755)
34
Les préoccupations reliées à l’environnement, l’habitat et la santé ne sont pas nouvelles, comme
en témoigne cette citation de Marc Aurèle Laugier dans son Essai sur l’architecture écrit en
1755. Les éléments énoncés dans cette citation se retrouvent tous dans les éléments constitutifs
de l’habitat viable. Cette notion nous parvient des préoccupations liées au développement et à
l’environnement qui occupe une place privilégiée sur la scène internationale depuis le Rapport
Brundtland.
La maison représente notre «troisième peau» après celle bien-sûr qui nous enveloppe et les
vêtements que nous portons. En cela elle se comporte comme un organisme vivant, elle
respire, elle consomme des matières premières et elle évacue des déchets :
«Tout comme l’être vivant qui doit maintenir un équilibre interne et vivre en harmonie
avec son environnement, le bâtiment doit offrir à ses occupants un milieu sain et fonc-
tionnel et contrôler les impacts sur le milieu extérieur.» (Grovenor,1998).
La fonction première du bâtiment est de nous abriter pour notre sécurité, notre confort et aussi
pour y exercer diverses activités comme le travail, le loisir, le sommeil. La forme des bâti-
35
ments varie selon son usage mais aussi son origine culturelle, géographique, historique. Mais
quelqu’en soit son usage ou son origine, l’atteinte d’une bonne performance environnemen-
tale demeure le défi à atteindre dans le contexte des trois types de dégradations mentionnées
comme parties de la crise environnementale. Pour mesurer cette performance nous nous
référons au cadre de la gestion environnementale.
Dans ce travail, il est question de voir dans quelle mesure la maison «ballots de paille» se con-
forme ou non à un tel système. La conservation des ressources, l’efficacité énergétique, la
santé et la qualité de vie des occupants sont les éléments incontournables d’une bonne gestion
environnementale. Ceux-ci forment les principaux thèmes et éléments utilisés par les gestion-
naires des bâtiments (voir chapitre 3). La réduction à la source (en amont) des intrants et de
la consommation d’énergie favorise la réduction des impacts environnementaux (en aval) dont
en particulier les émissions de gaz à effet de serre, l’épuisement de la couche d’ozone, et la
conservation des ressources. En somme, la gestion environnementale est entendue ici comme
une approche qui se penche étroitement sur les interactions dynamiques entre l’environ-
nement, la santé et la qualité de vie et l’habitat.
L’habitat ballots de paille est présenté par ses promoteurs comme un habitat qui préserve l’en-
vironnement. L’avantage indéniable de la paille se retrouve dans le fait qu’elle est le résidu de
la culture de céréale. Celle-ci fait partie de notre environnement depuis que nous nous sommes
sédentarisés, c’est-à-dire depuis que nous pratiquons l’agriculture. Les céréales sont cultivées
partout sur la planète et représente la base de l’alimentation de tous les humains. Que ce soit
par l’ingestion directe sous une forme transformée ou une autre, nous pensons ici au blé avec
le pain ou avec les pâtes, à l’avoine avec le gruau, au riz qui est largement consommé dans
tous les pays. Mais aussi aux animaux qui consomment des céréales et dont la destination
finale est notre assiette sous forme de viande ou encore de fromages et autres produits laitiers.
La production de paille est donc immense à l’échelle planétaire, en particulier dans la région
des plaines de l’ouest de l’Amérique du Nord, que ce soit au Canada ou aux États-Unis. Une
étude californienne évaluait la production de paille de riz à 20 millions de tonnes annuellement,
36
ce qui représente suffisamment de paille pour construire cinq millions de maisons de 2000
pieds carrés ! Nous le constatons donc la paille est une matière première annuellement renou-
velable. Par contre à l’inverse de ce constat un autre s’impose avec autant de force : la même
paille est actuellement brûlée et éliminée massivement contribuant ainsi à la production de gaz
à effet de serre. Parallèlement, le bois qui est également une ressource renouvelable, subit une
telle exploitation qu’on estime qu’il disparaît l’équivalent de la superficie de la Grèce chaque
année en forêt (Laure Waridel, 2001). La forêt représente le poumon de la terre, ce qui n’est
pas qu’une représentation symbolique du rôle de la forêt mais une évidence pour les Nations,
la communauté scientifique et la plupart des individus informés. Cependant l’exploitation com-
merciale qui en est faite n’est pas garante d’assurer le taux de renouvellement de la matière
ligneuse, que dire alors de tous les autres usages et de toutes les autres valeurs dont la diversité
biologique n’est pas la moindre !
CHAPITRE III
Ce chapitre présente la méthodologie qui nous a mené à l’élaboration des thèmes et éléments de
notre grille d’analyse et de cueillette des données des paramètres de la maison «ballots de
paille». Cela nous a conduit à faire une revue de la littérature afin de retenir les ouvrages les plus
significatifs. Il aurait été trop long par ailleurs de rapporter dans ce travail tous les éléments des
différents outils d’évaluation des bâtiments. Nous avons retenu les éléments qui se rapprochent
le plus de l’habitat résidentiel pour évaluer l’impact de la maison «ballots de paille» sur l’envi-
ronnement et la santé. L’idée est d’arriver à déterminer les éléments constitutifs de l’habitat
viable en tenant compte de l’expertise nationale dans le domaine et ce, à travers les publications
importantes produites par différentes instances gouvernementales et non-gouvernementales
telles que Travaux Publics et Services Gouvernementaux Canada, la Société d’Hypothèque et de
Logement, le «Building Environmental Performance Assessment Criteria», les «Green
Buildings Confrences». Nous avons aussi utilité les éléments propres à l’action environ-
nementale regroupés sous l’acronyme des 5RV2E (Boutard, 2002).
Nous avons consulté le «Guide pour une construction et une rénovation respectueuse de l’en-
vironnement» publié par Travaux Publics et Services Gouvernementaux Canada (TPSGC). Ce
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guide s’inscrit dans la volonté de rendre conforme les activités de construction aux principes
du Développement Durable (D.D) proposés dans le rapport de la commission Brundtland en
1987. À Travaux publiques Canada, les Services Immobiliers (S.I) ont élaboré la Stratégie du
D.D, en tenant compte des modifications de la Loi que le vérificateur général a imposé aux
ministères fédéraux (15 décembre 1995). Particulièrement adaptée pour les services immobiliers
de la fonction publique, la politique consiste à mettre en œuvre des «critères de consommation
d’énergie, d’utilisation des ressources et de santé en accord avec les principes du développement
durable» (R. Cole, Auger A ,1996). Cette politique a été amorcée à partir de 1990 avec le plan
vert et le code fédéral de gérance de l’environnement de 1991. Le plan vert a été remplacé par
la stratégie fédérale de développement durable en 1996. Les cinq principaux sujets retenus sont :
- Veiller à ce que l’installation de ventilation respecte les - Éliminer l’humidité dans le sous-sol
exigences de la norme ASHRAE 62 - Éliminer les dégagements gazeux des matériaux de
- Examiner la possibilité d’une ventilation naturelle. finition dans l’air intérieur
- Prescrire des matériaux sans formaldéhyde (ou très
peu), sans COV ou sans émanation d’autres
produits chimiques pour 85% des surfaces intérieures
du bâtiment...
- Les moquettes: réduire l’usage (-50%), utiliser un
adhésif à faible toxicité ou à base d’eau
- Éviter que la condensation ne se forme sur les surfaces
intérieures (10 degrés min)
- S’assurer que l’air frais provient d’un endroit non
contaminé.
40
41
42
C’est dans le Code National du Bâtiment du Canada que l’on retrouve les exigences pour les
installations de plomberie. Les mesures de conservation des eaux concernent les trois points
suivants : eau domestique, CVCA et aménagement paysager. Pour les eaux domestiques il est
surtout question d’installer des appareils économiseurs d’eau.
En somme les éléments retenus par la stratégie fédérale de développement durable en 1996
concernent la consommation des ressources, l’utilisation de l’eau, de l’énergie et de ses
répercussions sur l’environnement. La production de déchets de construction et des sources
de pollutions occupent une place importante. Nous retrouvons également des préoccupations
concernant la santé des travailleurs dans ces édifices.
En somme le BEPAC a été réalisé pour permettre aux propriétaires et aux locataires d’édifices
à bureaux de valoriser et de mesurer leurs efforts vis à vis l’environnement. Le concept des
3R (Récupérer, Réduire, Recycler) se retrouve derrière cette approche. Entre autre l’idée de
réduire à la source se retrouve derrière la majorité des thèmes employés. Bien que le BEPAC
ait été créé pour les intervenants de la construction en général, il est plus orienté vers les
grands édifices plutôt que les bâtiments résidentiels.
Cependant, nous avons conservés dans l’élaboration de notre grille d’analyse les éléments
qui nous semblent les mieux adaptés au secteur résidentiel. Il ne faut pas oublier que peu de
réglementation concerne l’habitat résidentiel «durable». Pour l’instant ce sont des mesures
volontaires, le BEPAC par exemple donne droit à un certificat de performance au niveau du
design et de la gestion des édifices à bureaux.
Comme nous l’avons vu précédemment, les documents consultés concernent les édifices
d’envergure. Relativement peu de références sont réalisées pour le secteur résidentiel. Ceci
dit, la SCHL a élaboré une grille en cinq éléments : «Les cinq composantes essentielles de la
maison saine», qui bien que succincte, a le mérite de déterminer les éléments de base d’une
architecture saine pour le secteur résidentiel. La réflexion poursuivie par la SCHL à ce sujet
est la même que pour les deux outils précédents et tente de répondre aux problèmes que crée
la construction résidentielle sur l’environnement et la santé des occupants. Nous la repro-
duisons intégralement ci-dessous.
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Cette liste, proposée par la SCHL, est l’outil qui se rapproche le plus de notre sujet de
recherche puisqu’elle concerne le secteur résidentiel. Les éléments de cette liste seront passés
au crible du cadre de référence des anciens 3R devenus maintenant RVE (voir définition para-
graphe suivant). Ceci nous permettra de garder une distance critique par rapport aux éléments
que nous utiliserons dans notre grille d’analyse et de collecte des données. Aussi nous
ajouterons des éléments que nous pensons pertinents à l’approche de construction qui respecte
l’environnement.
Enfin au niveau international les «Green Buildings Conferences» de 1998 et 2000 tentent de
mettre en commun des expertises nationales, qui permettent l’échange d’informations des dif-
férents intervenants dans le domaine de la construction. À cet égard le Canada est impliqué dans
les débats internationaux et une partie de son expertise est largement partagée à travers le monde.
Bien que le contenu de ces conférences soit très intéressant, il ne nous semble pas nécessaire de
les résumer dans le cadre de cette recherche car, de fait, les conférences reprennent les thèmes
que nous retrouvons dans les documents susmentionnés. Cependant, elles proposent des méthodes
d’évaluation quantitatives fort intéressantes, qui pourraient faire l’objet d’un autre travail de
recherche puisque cette maîtrise est d’abord et avant tout une recherche qualitative. Ceci dit, il
est important de mentionner ces conférences car elle témoignent de l’effervescence au niveau
international dans l’application de l’agenda 21 pour l’établissement d’habitats humains viables.
L’approche des 5RV2E, autrefois les 3R appliqué en premier lieu aux déchets (réduire,
récupérer, recycler), est un cadre de référence qui favorise l’action positive et efficace en
matière d’environnement. Cet acronyme, définit par Armel Boutard (2002), est composé de
5 fois la lettre R, une fois la lettre V et 2 fois la lettre E, et identifie les actions de: Réduction,
Réemploi, Réutilisation, Récupération, Réparation, Recyclage, Valorisation, Élimination des
risques et Éducation.
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Réduire à la source, c’est à dire diminuer l’utilisation des matières premières, et par con-
séquent la pression sur les ressources renouvelables ou non, et réduire les rejets polluants en
deça de l’effet tampon des milieux afin d’en assurer la pérennité. L’innovation technologique
permettra de faire plus avec moins tandis qu’un changement de comportement permettra de
faire l’économie de ces ressources.
- Réemployer comme c’est le cas lorsque nous ramenons nos bouteilles vides là ou elles
sont consignées ;
- Récupérer les objets laissés pour compte (fin juin dans les ruelles de Montréal!) comme
le mobilier, les vieux vêtements (village des valeurs, friperies, etc.) les électroménagers
afin de prolonger leur durée de vie utile sans modifier leur vocation première ou très peu ;
- Réparer les machines, processus technologique pour optimiser leur rendement et leur
efficacité énergétique en diminuant leur rejet (la vielle voiture). Réparer également
dans le sens de repenser l’objet de consommation de masse à courte durée de vie utile
pour prolonger leur utilité en facilitant leur réparation (le toaster brisé qui coûte plus
cher à réparer qu’à remplacer). Et enfin Réparer les erreurs du passé comme se soucier
davantage des actions passées qui ont causé des préjudices à l’environnement (sites
d’enfouissement oubliés) ou des préjudices à des groupes dont nous avons pillé sans
vergogne les ressources (pays du sud, autochtones) et sans se soucier de leur bien-être.
Par Valoriser nous entendons l’action qui consiste à donner une valeur ajoutée à un rejet.
L’exemple du compost à ce sujet est intéressant. Il permet de transformer les déchets
organiques de toutes sortes (déchets de table, matières ligneuses, végétaux,...) en humus qui
servira à amender le sol. C’est aussi changer la forme finale d’une ressource comme fabriquer
un produit à partir des composantes d’un autre, comme par exemple transformer du plastique
en vêtement (la laine polaire).
Par éliminer, nous parlons d’éliminer les risques à la santé inhérents à nos modes de production
et de rejets de diverses matières de manière sécuritaire.
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Et, enfin, éduquer, puisque tout cela se mettra en œuvre par la sensibilisation et l’éducation du
plus grand nombre, y compris de nos décideurs, et qu’il faudra amener les gens à modifier leur
comportement de consommateurs.
Le design environnemental se réfère à une démarche qui demande que soit optimalisée la réduction
des impacts environnementaux des phases de conception, de construction et d’utilisation d’un
aménagement domiciliaire répondant aux besoins des utilisateurs. Comme nous l’avons vu dans
le Guide de TPSGC, le cycle de vie d’un produit sert à en évaluer les intrants et les extrants et
d’en mesurer les incidences environnementales. Il concerne l’acquisition des matières premières,
la fabrication, l’utilisation, la réutilisation et l’entretien et enfin le recyclage et la gestion des
déchets (TPSGC).
50
Cette approche comprend les rénovations et la démolition éventuelle. Elle se doit de favoriser
l’économie des matières premières, l’économie de l’énergie, l’économie de l’eau et également
l’économie des ressources financières, et de favoriser le recyclage et la récupération :
• les RVE des matières premières tout au long de leur cycle de vie, de l’énergie, de l’eau ;
• l’amélioration du confort intérieur ;
• et tout cela pour un coût globalement moindre pour l’occupant à l’utilisation.
Cela doit être compris dans une approche systémique car il faut tenir compte globalement des
coûts à la construction et d’opération pour un nombre d’années d’occupation comparable à
l’aménagement domiciliaire classique.
Nos deux premières références ont été conçues pour les bâtiments publics, commerciaux et
édifices à plusieurs étages. Le Guide et le BEPAC ne sont pas adaptés au secteur résidentiel,
mais à des édifices de plus grande envergure, là où une gestion environnementale nécessite
des ressources humaines pour gérer des programmes de contrôle et une quincaillerie propre à
ces grands édifices : systèmes de chauffage, de ventilation, air conditionné, etc. Les thèmes et
les éléments principaux que nous retrouvons dans les cinq composantes de la SCHL sont plus
appropriés. De fait les documents émis par cet organisme s’adaptent au secteur résidentiel et
on y retrouve les mêmes sujets et préoccupations que dans les deux autres références. La
conservation des ressources ou de l’énergie, la réduction des déchets de construction et de
consommation, la santé des occupants forment les thèmes qui composent la gestion des
intrants et des extrants et la gestion de la qualité de vie. Ces thèmes nous permettront
d’évaluer de quelle manière l’habitat «ballots de paille» répond à la conservation de l’environ-
nement et à la santé de ses occupants. La gestion des intrants et des extrants se mesurera à
partir des thèmes que nous avons définis comme : la conservation de l’énergie, la conservation
de l’eau, la conservation des ressources et la gestion des rejets. La gestion de la qualité de vie
sera, quant à elle, mesurée à partir du thème de la conservation de la qualité de vie et enfin le
thème du portrait global des répondants nous aidera a déterminer qui sont ces personnes et à
comprendre pourquoi elles ont choisi de construire un habitat de la sorte.
Nous avons aussi retenu l’approche des RVE qui s’utilisent comme outil d’analyse des actions
qui entourent la construction et le vécu au quotidien de la maison. On y retrouve le principe
51
de faire plus avec moins, il est une façon de faire avec une éthique environnementale.
«Le cadre de référence des RVE rassemble un ensemble de moyens d’actions «à la
source» susceptible de faire partie de la solution optimale au problème global à résoudre.
Il peut offrir une liste de rappel des actions possibles et stimuler un remue-méninge dans
une démarche de résolution de problèmes à l’étape de la recherche de solutions»
(Boutard, 2002).
Pour construire notre grille d’analyse nous avons passés les différents éléments de la con-
struction viable au crible des RVE. Cet outil
«d’apparence anodine est ce qui se fait de mieux en terme de gestion environnementale.
S’il est appliqué rigoureusement, il contribuera à la conservation de la qualité de l’envi-
ronnement pour les générations futures.» (Gareau, 1999).
Nous avons donc appliqué l’idée de la réduction à la source partout où cela était pertinent
et possible de le faire. Ici, par exemple, nous pensons à la réduction de l’utilisation de
l’électricité. La maison «ballots de paille» à un haut rendement en efficacité thermique ce
qui devrait rendre le chauffage et la climatisation moins énergivore. L’utilisation du solaire
passif est un élément important dans cette réduction de la consommation d’énergie, ce qui
sera un complément à l’approche de la SCHL qui favorise de grandes fenêtres pour réduire
la facture liée à l’éclairage. La réduction de la consommation d’eau pourra être réalisée à
l’aide de toilette adéquate (comme par exemple la toilette à compost, donc sans eau) ce qui
représentera une économie d’eau importante à l’endroit où nous la gaspillons le plus (30%
à 40% de la consommation totale dans le secteur résidentiel). Nous pouvons encore réduire
le transport lié aux matériaux tout en encourageant l’économie locale puisque la paille est
généralement un matériau qui s’achète localement. La valorisation dans cette recherche
constitue un point crucial dans la mesure où la paille, déchet de l’agriculture, devient un
matériau de construction, ce qui constitue une valorisation extrêmement intéressante.
Comme nous l’avons vu dans la présentation de l’habitat «ballots de paille» l’élimination
représente un autre avantage intéressant. Il est de deux sortes : d’abord l’élimination du
risque relié au feu. Celui-ci, sans être éliminé complètement, représente un avantage impor-
tant puisque les murs résistent, contrairement à la croyance, davantage à la chaleur que des
murs conventionnels. De plus l’élimination de la paille elle-même est sans doute son moin-
dre défaut puisqu’il est possible de la composter sur place ou de lui trouver d’autres usages
comme le paillis au jardin, ce qui s’harmonise bien avec le mode de vie des répondants.
52
Il ne faut pas oublier que peu de réglementation concerne l’habitat résidentiel viable. Pour
l’instant ce sont des mesures volontaires, le BEPAC par exemple donne droit à un certificat
de bonne conduite environnementale.
Par contre des règlements municipaux, provinciaux et fédéraux s’appliquent aux projets de
construction, comme la loi sur la qualité de l’environnement au Québec et la loi sur la
protection de l’environnement au Canada qui donnent une série de règlements auxquels
doivent se conformer les intervenants du secteur de la construction. Ceci dit, certains éléments
comme le Code modèle national pour l’énergie dans les bâtiments ont des exigences élevées
en terme d’efficacité énergétique qui tendent à devenir la norme. Entre autres règlements nous
retrouvons ceux-ci :
Ces thèmes sont composés d’éléments qui servent à pondérer ceux-ci pour établir de quelle
manière la maison «ballots de paille» répond à la conservation de l’environnement, nous
présentons ceux-ci dans le tableau 3.8.
À noter que nous n’avons pas tenu compte dans notre approche de l’échelle territoriale et de
l’occupation au sol. Ces deux éléments qui sont importants dans la classification de l’habitat
viable ne cadraient pas dans notre approche. Il s’agit ici d’habitat, à observer, qui sont aussi
des maisons unifamiliales, dispersées sur le territoire.
Nous avons ainsi un choix de thèmes et d’éléments qui forment le cadre logique de notre ques-
tionnement et que nous avons utilisé pour construire un questionnaire. Ce questionnaire
(Annexe A) sera l’outil principal de notre recherche, il nous permettra de compiler et par la
suite d’analyser les résultats à partir desquels nous pourrons évaluer l’état de la maison «bal-
lots de paille» et sa capacité de répondre à la dégradation des ressources, à la dégradation des
écosystèmes et à la dégradation de la qualité de vie.
Le but de l’enquête était de faire la cueillette de données sur le terrain pour vérifier si les
éléments de gestion environnementale et de construction viable étaient présents ou non dans
la conception et la réalisation de cet habitat particulier. La première partie du questionnaire
avait pour objectif de déterminer si les éléments retenus dans la conception de la maison
répondaient à l’ensemble des thèmes et éléments de la construction viable, ceux que nous
avons retenus dans la construction de la grille d’analyse. Pour certaines données nous les
avons comparé à la maison standard pour en apprécier les différences. Les deuxième et
troisième parties avaient pour objectif de connaître nos répondants afin d’en tracer un portrait
et de déterminer ce que ces personnes ont en commun et leurs particularités. Nous avons voulu
également déterminer les difficultés rencontrées par les promoteurs/occupants de ces maisons
pour proposer des recommandations pour faciliter l’accession à cette approche de construc-
tion si besoin est et pour sa diffusion le cas échéant.
55
L’échantillonnage a été réalisé de façon aléatoire. Les répondants devaient répondre aux
exigences suivantes : avoir participé à la conception de la maison et l’occuper ou l’avoir
occupé. Un seul questionnaire a été envoyé aux répondants. Sur vingt-huit questionnaires
vingt-trois ont été complétés et retournés à l’expéditeur. quartoze hommes et neuf femmes ont
répondus. Les résultats (Annexe B)ont été compilés de deux manières soit qualitative et quan-
titative selon les réponses. Nous avons transformé certaines réponses en pourcentage pour
faire une lecture et une interprétation plus facile et plus significative des données. Une partie
des réponses étaient des commentaires, nous les avons synthétisés et interprétés de manière à
mieux expliciter les propos.
La recherche qualitative est une méthode de diagnostic souple et inductive. Elle s’intéresse à
la vie quotidienne et à ses manifestations. Elle étudie en profondeur des évènements qui sont
difficilement quantifiables. Le travail de recherche est d’abord l’interrogation que se pose le
chercheur. L’idée naît du vécu et de la confrontation d’une personne avec un évènement. Elle
participe de l’intuition et de la curiosité que le chercheur entretient pour cette réalité. Dans le
cadre de la maîtrise en science de l’environnement notre intérêt s’est porté sur les personnes
qui construisent des maisons en ballots de paille qui se veulent écologiques. Ce sujet, parce
que peu connu, se prête bien à une recherche empirique. C’est en allant sur le terrain que nous
pouvons comprendre le potentiel de cet habitat. Nous avons donc choisi d’utiliser une
recherche de type qualitatif parce que nous pensons que c’est la méthode qui se prête le
mieux à notre sujet d’étude étant donné le nombre relativement restreint des répondants et
la dispertion géographique de ceux-ci. Le questionnaire est l’outil privilégié de notre
enquête pour savoir comment cet habitat a été conçu (design) et comment les occupants le
gère. Il nous a servi à caractériser le milieu étudié, soit la maison «ballots de paille». Il nous
a également permis de vérifier si les grands principes de l’habitat écologique, tels que
relevés dans la littérature, particulièrement à partir des thèmes que nous avons définis, se
retrouvent dans l’approche que les répondants ont privilégiée pour la construction de leur
habitat résidentiel. Enfin pour comprendre pourquoi des personnes construisent de telles
maisons, il nous est apparu opportun de sonder les répondants quant à leur philosophie de
vie . Nous avons donc inclus dans le questionnaire une série de questions pour tracer un por-
56
trait global du répondant pour mieux cerner qui il est, ce qu’il fait, et plus particulièrement
ses habitudes de consommation, ce qu’il consomme et comment, quelle est sa conscience
environnementale et si il est impliqué dans des groupes ou organismes environnementaux
ou autres. Nous avons aussi voulu savoir quelles ont été les difficultés rencontrées avant,
pendant et après le chantier et par qui la maison a été construite, etc.
Finalement notre questionnaire se compose de trois sections. Des questions propres au milieu
étudié :
Les documents consultés pour élaborer notre grille d’analyse et de synthèse nous assurent de la
pertinence des éléments adaptés au secteur du résidentiel pris en compte. Nous avons repris la
classification de la SCHL, les cinq composantes de la maison saine, outil qui se rapproche le plus
de notre sujet d’étude, que nous avons quelque peu modifié. Nous avons inclus des éléments
supplémentaires inspirés des autres outils consultés comme le «Guide pour une construction et
une rénovation respectueuses de l’environnement de TPSGC» et les cinq thèmes du «Building
Environmental Performance Assessment Criteria» (BEPAC). Nous avons également modifié
certains éléments pour les rendre plus conformes à une approche des 5RV2E, en faisant primer,
partout où il était possible de le faire, la réduction à la source comme première stratégie.
Nos données de terrain sont donc organisées autour de six grands thèmes qui se subdivisent en
plusieurs éléments. Ceux-ci forment notre grille d’analyse et de synthèse des éléments consti-
tutifs de l’habitat viable. Ils nous permettent l’évaluation de l’habitat «ballots de paille» en ce
qui a trait à la conservation de l’environnement, de plus ils nous donnent la possibilité de tracer
un portrait global du répondant. Les voici dans l’ordre de présentation de ce présent chapitre :
58
La discussion sur les résultats de recherche suivra la logique présentée ici. Ceci dit, nous retrou-
vons les éléments mentionnés en fonction des différents thèmes mais il arrive que ces éléments
peuvent dans certains cas se retrouver dans plusieurs thèmes. Nous avons donc dû simplifier
pour ne pas trop alourdir la rédaction des résultats de recherche. L’exemple de l’éclairage naturel
illustre bien cette réalité: il permet de réduire la consommation électrique par une utilisation du
soleil, ce qui est un élément du thème 1 (T1) conservation de l’énergie, il agit également au
niveau psychique comme régulateur hormonal ce qui classerait cet élément également dans le
thème 5 (T5) soit la conservation de la qualité de vie. Ceci dit, nous codifierons les éléments de
la façon susmentionnée (T1) ou (T5) chaque fois qu’un élément se retrouvera dans plusieurs
thèmes à la fois. Ceci permettra de souligner les interrelations propres à des effets de synergie
entre les différents thèmes.
bioxyde de carbone contre 18,1 tonnes en moyenne dans le reste du Canada, La Maison du
21ième siècle) cela s’explique par sa production d’hydroélectricité. Longtemps considérée
comme source d’énergie «propre», l’hydroélectricité suscite des remises en question de plus
en plus nombreuses quant à ses impacts environnementaux. En effet la création de réservoirs
par le biais de l’inondation d’immenses territoires, mène à la libération du méthyle mercure,
substance nocive pour la santé animale et humaine, et produit du méthane et du dioxyde de
carbone, résultat de la dégradation des végétaux submergés, deux gaz qui contribuent forte-
ment au GES. Avec la réduction à la source et l’utilisation d’énergies alternatives, il nous est
possible de faire beaucoup mieux en terme d’efficacité énergétique pour l’habitation.
Une des mesures à prendre, afin de réduire la consommation d’énergie, est de rendre l’enveloppe
thermique plus efficace. Selon la SCHL, la pose d’isolant additionnel dans les murs et le vide
sous le toit des maisons traditionnelles sont fondamentaux pour obtenir une meilleure efficacité
énergétique. Un coefficient d’isolation plus élevé (mesure de la résistance thermique des
murs) permet de diminuer la consommation des ressources de chauffage, quelle qu’en soit la
source. Ceci aura pour effet de réduire la consommation d’énergie et donc les émissions de
gaz à effet de serre (BEPAC, TPSGC).
Selon l’estimation des répondants la moyenne du coefficient d’isolation des murs des maisons
de notre échantillonnage se situe à R-42. Selon la fiche technique de la SCHL :
«les essais indiquent que la valeur totale RSI (établie en fonction du rapport paille et
mortier contenu dans une rangée verticale de six ballots et appareillés par sept joints
horizontaux et un joint vertical) est de 6,17. Ce rendement thermique, équivaut à deux ou
trois fois celui d’un mur actuel à ossature de bois» (Mur porteur fait de ballots de paille
et mortier, Programme d’encouragement à la technologie du bâtiment résidentiel, SCHL,
1984 ).
La moyenne du taux d’isolation du toit se situe à R-38. Notons ici que les maisons ont été
construites depuis 1989. En comparaison, le coefficient d’isolation de la maison standard
se situe autour de R-24 pour les murs et R-40 pour le toit. Si l’on tient compte du facteur
temporel, les maisons construites au début des années 1990 ou avant ont donc un coeffi-
60
cient d’isolation moindre que celles construites après 1995, et leur enveloppe thermique
est globalement supérieure à celle de la maison standard. L’aspect «isolation supérieure»
est un élément important dans le choix de la technique paille. À la question : «Pour quelles
raisons avez-vous utilisé les ballots de paille dans votre construction?», l’isolation
supérieure arrive en deuxième position, juste après le choix écologique. De plus l’effet
masse thermique, qui détermine la quantité de chaleur que le bâtiment peut emmagasiner,
obtenue par la combinaison mortier/enduit et l’isolation thermique que procure la paille,
n’est pas négligeable. Ce qui est un facteur important pour favoriser l’approche du solaire
passif. Cette combinaison de masse thermique et d’appoint d’énergie solaire contribue à un
plus grand confort (T5) et à diminuer la consommation d’énergie.
Le code modèle de l’énergie pour les maisons du Conseil national de recherche du Canada
(CNRC) publié en 1997 et le programme de la maison R-2000 de Ressources naturelles
Canada (RNCan) exigent des normes supérieures. Le niveau d’isolation est de R-42,2 pour le
toit et de R-24,7 pour les murs. La maison «ballots de paille» répond davantage à ces normes
d’efficacité énergétique que la maison standard.
Selon la SCHL, des portes et fenêtres à haute efficacité énergétique sont les compléments
nécessaires à une isolation supérieure. Selon TPSGC et le BEPAC, la performance thermique
Figure 4.1 Type de portes utilisées Figure 4.2 Type de fenêtres utilisées
61
et la capacité des fenêtres à réduire les pertes de chaleur sont les éléments à retenir.
En ce qui concerne les ouvertures, des fenêtres doubles neuves ont été utilisées dans 69% des
cas, 9% à double vitrage, alors que des fenêtres doubles recyclées l’ont été dans 22% des cas.
Les portes sont isolées ou double dans une proportion de 87,5% tandis que 12,5% sont recyclées
(T4). On peut donc avancer que les répondants ont majoritairement choisi, pour leurs ouvertures,
des éléments performants quant à la conservation de l’énergie. L’élément recyclage représente
un des volets de l’approche des 5RV2E. Encore faut-il s’assurer de l’efficacité thermique des
portes ou fenêtres recyclées et de leur étanchéité.
Pour assurer un bon éclairage, la SCHL préconise de grandes fenêtres, tandis que TPSGC
mentionne les gains de chaleur dus au soleil. L’orientation sera donc importante pour béné-
ficier à la fois des gains calorifiques dus au soleil (solaire passif) et d’un éclairage supérieur
à coût moindre. Dans le cas qui nous occupe, tous les répondants trouvent dans l’orientation
de leur maison, un gain en terme de chauffage et d’éclairage. Laissons parler les chiffres : 91%
des maisons ont une orientation sud/ sud-ouest/sud/ sud-est et 95 % des répondants disent
avoir tenu compte du gain solaire dans l’orientation de leur maison.
Figure 4.3 Orientation maison, en pourcentage Figure 4.4 Orientation fenêtres en pourcentage
62
Les fenêtres sont majoritairement orientées vers le sud : 53%, 17% sont orientées vers l’ouest,
13% sont orientées vers l’est et un minimum de 7% sont orientées vers le nord. En fait une
seule personne, parmis les répondants, n’a pas pu choisir l’orientation de sa maison à cause du
milieu où elle est construite, soit en ville. Cette orientation de l’est à l’ouest, en maximisant le
sud et en minimisant les ouvertures au nord, confirme bien que les répondants ont largement
choisi de bénéficier de l’apport gratuit de l’énergie du soleil.
La qualité de l’éclairage est importante pour assurer le confort dans une maison (T5). Selon
les documents consultés, l’éclairage naturel et la vue sur l’extérieur sont fondamentaux afin
d’assurer la qualité de l’éclairage et le confort visuel (T5) (SCHL, TPSGC, BEPAC). De plus,
cette manière de faire permet de réduire la consommation d’électricité à la source. Un con-
trôle électrique et un éclairage à haute efficacité complètent cette approche. Si 100 % des
répondants disent avoir maximisé l’éclairage naturel, 37,5 % utilisent des ampoules à haute
efficacité et 8,5 % déplorent ne pas trouver ce type d’équipement dans leur milieu. Par contre,
50 % ne ressentent pas le besoin d’en utiliser puisqu’ils consomment peu d’éclairage élec-
trique. Si 90 % d’entre eux considèrent qu’ils utilisent si peu d’électricité qu’ils ne sentent pas
le besoin d’économiser en période de pointe, 35 % des répondants font quand même l’effort
d’économiser pendant cette période.
Mais là ne s’arrètent pas les gains d’une telle pratique, il faut considérer l’aspect bénéfique sur la
santé de l’éclairage naturel (T5) : «Le spectre de la lumière joue un rôle majeur dans certains
processus de régulation hormonale et exerce des effets directs sur le psychisme.» (Éco-logis, p. 77).
Avez-vous maximisé
l’éclairage naturel dans
votre maison ?
• Chauffage
Les sources de chauffage utilisées par les répondants sont divisées principalement entre
l’électricité (22%) et le bois de chauffage (63,5%). 50% des répondants utilisent un foyer de
masse et 13,5% un poêle à combustion lente. L’apport du solaire passif n’est pas négligeable
puisqu’il apporte contribue pour 10%, et enfin le pétrole contribue pour 4%.
Les répondants ont choisi une ressource renouvelable comme source principale de
chauffage. 47% d’entre eux ont accès à cette ressource localement (T3), 37% se la
procurent directement sur leur terre (T3) et 13% du bois utilisé est du bois recyclé (T4),
seulement 3% vient de l’extérieur. Les systèmes de chauffage au bois sont connus pour
être efficaces et les exigences en terme de contrôle des émissions sont de plus en plus
élevées, particulièrement sous la pression des assureurs.
Le foyer de masse est une technologie ancienne mais la performance au niveau calori-
fique versus les émissions toxiques est toute à fait exceptionnelle. Cet ouvrage de
maçonnerie est conçu généralement avec deux chambres à combustion, la première
permet de brûler le bois tandis que la deuxième brûle les gaz maximisant ainsi l’apport
calorifique du combustible et diminuant de la sorte l’émission des polluants dans
l’atmosphère. La masse accumule la chaleur et la redistribue pendant douze à vingt
quatre heures, c’est donc un type de chauffage par radiation qui procure une grande
satisfaction en terme de confort chez les utilisateurs (T5).
64
• Chauffe-eau
Le chauffe eau est un élément important dans la consommation électrique. La SCHL
préconise d’utiliser un chauffe-eau à haute efficacité. Si la majorité des répondants
possèdent un chauffe-eau fonctionnant à l’hydroélectricité, soit 64%, nous constatons
que 36% utilisent d’autres sources d’énergie comme le gaz, l’énergie solaire et un
système de récupération de la chaleur du système de chauffage pour produire l’eau
chaude. Cela nous donne une consommation d’électricité inférieure à la moyenne des
ménages québécois ( 93,97%) au tout hydroélectrique.
Quelques unes de ces mesures alternatives représentent un gain en économie d’énergie et
en efficacité énergétique. Par contre des économies d’énergie sont simples à réaliser par un
changement de comportement comme prendre une douche à la place d’un bain (T2), ce que
font 77% de nos répondants. Le monopole d’Hydro-Québec sur l’énergie et le manque de
volonté de cette entreprise à développer des méthodes alternatives, peuvent expliquer qu’il
soit difficile ou beaucoup plus coûteux de diversifier la source de chauffage de son eau.
par les différents intervenants dans le domaine. Nous trouvons une moyenne de
1,15 appareils à économies d’énergie par maison. À cela nous pouvons ajouter les chauffe-eau
qui utilisent la chaleur du système de chauffage l’hiver ou un système solaire. De plus une
partie non négligeable des répondants mentionnent qu’ils n’utilisent carrément pas certains
types d’appareils électriques. Ainsi en est-il du lave-vaisselle (T2), seulement quatre répon-
dants sur vingt-trois en possèdent, ou de la sécheuse à la linge qui n’est utilisée que par cinq
répondants.
«Une chasse utilise autant d’eau potable que la quantité nécessaire pour irriguer la terre
de culture qui nourrit son utilisateur. L’épuration de ses effluents détruit autant de matière
organique qu’il faut pour fertiliser, après compostage, ces mêmes terres. L’usager de
W-C détruit donc chaque année sa base alimentaire, dans un monde où les deux tiers de
l’humanité ne mange pas à leur faim.» (Orszagh, 1998)
L’utilisation efficace des ressources fait référence encore une fois aux 5RV2E. La position
fondamentale à prendre pour la conservation des ressources est la réduction à la source
comme première méthode de conservation. En ce qui concerne une utilisation judicieuse de
l’eau, l’utilisation d’économiseur d’eau comme les appareils de plomberie à débit réduit
représente un avantage certain. Un pourcentage significatif de répondants déclarent en
posséder. Ainsi nous retrouvons vingt-trois lavabos (100%) avec un débit réduit, treize
douches (57%) à débit réduit, et 40% des toilettes sont à faible consommation d’eau ; en
40 %
35 %
100 %
30 % 90 %
Toilette sèche
80 % Faible débit
25 %
70 % Débit normal
Douches
20 % 60 %
Lavabos
50 %
15 %
40 %
10 % 30 %
20 %
5%
10 %
0% 0%
ajoutant à cela l’utilisation de toilettes sèches par 25% de répondants (T4). C’est finalement
65% des résidants qui réduisent la consommation d’eau à l’endroit où celle-ci est la plus
gaspillée.
Rappelons que la consommation d’eau au Canada est de 343 litres/personne/jour, 1000 l/p/j à
Montréal (en incluant les fuites) et se répartit de la façon suivante : 30% pour les toilettes, 35%
pour le bain ou la douche, 20% pour la lessive, le nettoyage 5% et 10% pour la cuisson et la
boisson. D’après une étude de Ressources Naturelles Canada (1995) on trouve, dans la
population en général, 41% de douche et 34% de robinet à débit réduit, ce qui n’est pas
quand même pas négligeable. Nous constatons que nos répondants se situent au-dessus de
ces proportions, ceux-ci prennent majoritairement (77%) une douche rapide plutôt qu’un
bain, économisant ainsi jusqu’à 76 litres d’eau à chaque douche.
«Quand on sait que 98% de l’azote contenu dans les eaux usées urbaines provient de nos
W-C et que cet azote asphyxie les rivières à la sortie de la station d’épuration et pollue
les eaux souterraines via les boues épandues sur les terres, on comprend les conséquences
de notre geste quotidien de tirer la chasse.» (Orszagh, 2001)
Le traitement des eaux usées est obligatoire selon la loi. 100% des répondants traitent leurs
eaux usées, 10% sont raccordés au tout à l’égout et 60% ont des fosses septiques avec des
champs d’épuration. Par contre, 30% des répondants utilisent des systèmes alternatifs (écoflo,
roseaux épurateurs, autres). Quatorze répondants auraient utilisé des techniques alternatives
pour épurer leurs eaux usées si les coûts avaient été moindres et si la législation avait été dif-
férente. Il est important de noter ici que 25% des répondants utilisent des toilettes sèches à
compost malgré une législation qui s’y oppose. Certains répondants ont même installé leur
fosse septique et leur champ d’épuration mais utilisent des alternatives à ce système.
L’épuration des eaux est un domaine délicat. Les normes existent mais elles semblent inefficaces
pour un bon nombre de répondants. Le système actuel pour les résidences isolées, non branchées
au système de tout à l’égout qui forme le lot des résidences en milieu rural, aurait une durée de
vie de 20 ans, mais «selon une étude du Programme de garantie des maisons neuves de
67
Système alternatif
Roseau - phragmite
Système maison
Écoflo
Fosse septique
Tout à l’égout
l’Ontario, le tiers des installations polluent l’environnement après seulement cinq ans.» (Yves
Perrier la Presse, 2002), ce qui vient sans contredit confirmer l’opinion qu’ont les répondants du
système classique d’épuration. Ça explique la réponse de 60% des répondants qui utiliseraient
des techniques alternatives pour épurer les eaux, particulièrement «le roseau épurateur», si elles
étaient plus accessibles au niveau des coûts et des normes : «C’est trop cher et très lourd bureau-
cratiquement» mentionnons un répondant qui a également entrepris une bataille juridique pour
la reconnaissance de sa toilette à compost. Le système d’épuration par roseaux est une
biotechnologie québécoise qui a fait ses preuves a plusieurs endroits. L’usine de meubles de
Shermag à Lennoxville, le parc du Cap St Jacques de la CUM, un centre de désintoxication à
Beauvoir près de Sherbrooke, le zoo de St Félicien, etc., sont des endroits où la technologie
d’épuration avec les roseaux est utilisée efficacement. Ce type d’épuration :
«élimine pratiquement le phosphore et ne produit aucune matière en suspension, alors
que les autres technologies produisent de 8 à 12 mg/l d’eau usée. Quant aux coliformes
fécaux, il rejette moins de 500 unités dans 100ml d’eau, alors que le ministère de
l’environnement les tolère jusqu’à 50 000.» (Yves Perrier, 2002).
peuvent se déposer. Ces matières seront ensuite compostées. Les eaux usées ruissèlent
lentement dans le bassin de filtration parcouru de racines qui, en six à douze heures, les
nettoient grâce aux micro-organismes qui s’y sont développés. L’eau peut servir ensuite à
l’irrigation des champs où être acheminée vers un lac ou un cours d’eau.» (Éco-logis,
1999).
Cependant les avantages sont nombreux tant au niveau de l’entretien que de l’écologie locale :
«Une station végétale aménagée dans les règles de l’art et régulièrement alimentée ne
demande pratiquement aucun entretien. Les plantes marécageuses constituent un biotope
humide intéressant pour de nombreux petits animaux ; elles ne génèrent pas de mauvaises
odeurs, et leur efficacité est même supérieure à celles des grandes stations d’épuration.
Des études récentes ont révélé que ces stations tuent les colibacilles, les virus et autres
germes pathogènes qui survivent habituellement dans les stations d’épuration. Les boues
résiduelles ne contiennent pas de polluants industriels, et peuvent sans problèmes fertiliser
les sols.» (Éco-logis, 1999)
Les eaux grises sont récupérées par cinq répondants sur vingt-trois tandis que trois ont l’inten-
tion de le faire, huit sur vingt-trois utilisent l’eau de pluie et trois ont l’intention aussi de le faire
pour arroser le jardin ou les plantes. La récupération des eaux grises demandent un minimum
d’installation. Peu de produits existent sur le marché. La disponibilité de ceux-ci faciliterait la
mise en place de récupérateurs d’eaux usées. Surtout que la demande ou la volonté de le faire
est là.
69
La position fondamentale prise dans la conservation des ressources est la réduction à la source
comme première méthode de conservation.
L’emploi de matériaux de proximité ou produits localement est un autre élément pour soutenir
l’économie locale. Cette pratique fait preuve de responsabilité sociale, elle soutient l’économie
locale et la création d’emploi dans les régions (T5). De plus, elle s’intègre dans une démarche
responsable vis à vis l’environnement, puisqu’elle contribue à réduire l’impact du transport sur
les changements climatiques par une réduction de la production des gaz à effet de serre. La
paille est, dans 90% des cas, produite dans la région de construction de la maison, dont 55%
localement. Le bois utilisé est d’une part du bois à croissance rapide (SCHL) (épinette 34%,
pruche 21,5%, pin 33%) et d’autre part il provient d’une scierie locale à 57,5% auquel
s’ajoutent 15% de bois coupé directement sur la propriété du constructeur. Nous retrouvons
également un pourcentage de 6% de bois recyclé qui respecte le principe des RVE. Enfin 18%
de ce bois a été coupé avec un souci de préserver la forêt qui s’apparente à celui de la foresterie
durable. Là encore, le pourcentage est relativement bas mais suffisant pour être significatif. La
foresterie durable est une pratique récente et il est difficile de trouver des produits certifiés sur
le marché (Waridel, 2002), de plus l’échantillonnage s’étend sur une période de douze ans, de
telle sorte qu’au début des années 1990 nous ne trouvions pas de bois certifié ou provenant de
telle pratique.
9%
Locale
Régionale
31 % Autres
60 %
28 % 19 %
57 %
Les matériaux de finition utilisés sur les murs, le crépi pour 90% des répondants, sont consti-
tués en grande partie par du sable qui est une matière première relativement brute requièrant
peu d’énergie pour sa production, tout comme le brin de scie (matière réccupée) et l’argile. De
71
plus ces trois matériaux se retrouvent localement. Par contre le ciment et la chaux requièrent
beaucoup d’énergie et quelques composés chimiques dans leur élaboration. La SCHL fait une
recherche sur la fabrication du crépi de ciment qui est l’élément le plus discuté de cette
technique, puisque le ciment, particulièrement, s’intègre difficilement dans une approche de
construction viable. Nous croyons cependant que le bilan global de la construction est positif
et que la maison en ballots de paille correspond aux critères les plus importants de la construction
viable. Ceci dit, la technique continue d’évoluer et de nouvelles explorations sont menées.
L’utilisation de l’argile comme crépi semble être une piste très intéressante. Certains répon-
dants ont utilisé du crépi sans ciment. Celui-ci offre une bonne résistance aux intempéries. En
ce qui concerne le ciment, le calcul à réaliser serait de mesurer l’énergie intrinsèque de la
paille et du crépi, l’énergie utilisée à sa fabrication son transport et à sa disposition, et la com-
parer à la somme de l’énergie totale pour produire tous les matériaux classiques que nous trou-
vons dans les murs d’une maison standard : matériaux de finition extérieurs, intérieurs, coupe
vapeur et laine isolante. En ce qui concerne le cycle de vie du ciment, sa durée de vie utile est
très longue et une fois son cycle achevé le ciment peut être recyclé dans la confection du
réseau routier. (TPSGC).
Les répondants sont majoritairement installés en milieu rural : vingt vivent en pleine campagne,
deux sont installés en ville, et enfin un est dans un village.
En ce qui concerne le site, les répondants ont tenu compte de l’environnement arboricole
quand c’était possible, 65% le mentionne, certains ont même replanté des arbres pour faire des
brise vents. Quatre sur vingt mentionnent avoir été contraints dans leur choix de site, «être en
ville» ou «être sur un site déjà construit» ne leur laissait pas le choix de tenir compte des
arbres. Quelques répondants ont réutilisé des matériaux qui étaient sur place ou ont récupéré
des éléments d’une maison plus ancienne.
72
domaine de la construction résidentielle sont recyclés par ce secteur de l’industrie alors que la
presque totalité est recyclable. Dans la gestion des déchets de construction, les répondants
démontrent une attitude proactive : 69,5% des matériaux de construction ont été recyclés soit
en les réutilisant ou en les brûlant pour le chauffage ; 18% ont pris le chemin du site de matériaux
secs et enfin un taux relativement bas de 12,5% ont été envoyés au site d’enfouissement. On
constate ici une pratique diamétralement opposée à celle de l’industrie.
Le recyclage des produits de consommation courante fait partie du quotidien des répondants :
vingt et un d’entre-eux (92%) affirment recycler, alors que deux ne répondent pas à la
question. Ce qui est supérieur à la moyenne québécoise qui recycle dans une proportion de
74,9% selon Recyc-Québec. Si les données sur les habitudes de compostage des québécois
n’existent pas, puisque la pratique est encore peu répandue, 83% des répondants affirment
qu’ils pratiquent le compostage. Cette pratique confirme le comportement responsable des
répondants vis à vis de l’environnement.
13 %
Recyclés
69 %
La qualité de vie est fondamentale pour assurer la poursuite des activités à l’intérieur de
l’habitat construit, dans lequel rappelons-le nous passons la plus grande partie de notre vie,
jusqu’à 90% pour certains. Cet habitat doit être en mesure de garantir le confort et la santé des
occupants à un coût abordable.
Tous les auteurs s’accordent pour dire que la santé des occupants d’une maison est liée à la
qualité de l’air intérieur (QAI). Depuis la reconnaissance du «syndrome des tours à bureau»,
«syndrome des édifices hermétiques» ou «syndrome du bâtiment malsain» on entérine le fait
que les occupants de ces édifices « ressentent de la fatigue et réagissent aux produits chimiques
présents dans l’air » (TPSGC). La SCHL et Santé Canada reconnaissent que la santé de
certaines personnes peut être affectée négativement par la mauvaise qualité de l’air intérieur
des bâtiments. Une personne sur cinq est atteinte de problèmes respiratoires, particulièrement
les bébés, les personnes âgées et les femmes enceintes. Ce qui est l’équivalent d’au moins une
personne pour 80% des foyers. (Richard Robert, Tomalty Ray, 2002). Selon TPSGC, il faut
donc, pour résoudre ce problème, réduire ou éliminer l’utilisation des produits toxiques à la
source, là ou c’est possible. Le BEPAC, recommande également le contrôle à la source comme
première stratégie pour le maintien de la qualité de l’air intérieur. La ventilation mécanique
sera utilisée comme deuxième stratégie pour pallier à la qualité déficiente de l’air intérieur,
stratégie incontournable quand il s’agit d’édifices d’envergure et hermétique. En ce qui con-
cerne la maison individuelle traditionnelle si l’étanchéité due au pare-vapeur et les matériaux
nocifs sont tous deux présents, la ventilation mécanique est nécessaire et représente un
investissement supplémentaire important. La norme CSA/F326 recommande un changement
d’air aux trois heures. En outre il faut se doter d’un échangeur d’air pour assurer la qualité de
l’air frais. Celui-ci doit alors être doté d’un ventilateur récupérateur de chaleur (VRC) dégagée
par l’air vicié qui préchauffe l’air sans le contaminer (La Maison du 21ième siècle, 2000).
Cette approche, mise de l’avant par le gouvernement du Québec et désormais incluse dans le
code national du bâtiment, se veut une réponse aux problèmes d’augmentation de cas
75
d’asthme chez les enfants (4 fois plus en 1984 qu’en 1978). C’est aussi pour répondre aux
problèmes que peut causer la présence de moisissure dans un sous-sol humide et mal ventilé.
La ventilation naturelle est l’approche la plus intéressante. Elle ne requiert aucune énergie
supplémentaire et elle n’est pas une source de pollution en soi. Dans l’approche globale des
RVE la réduction à la source de la consommation électrique, constitue un plus pour la classifi-
cation du bâtiment résidentiel en tant que viable, à condition d’assurer un confort équivalent.
D’autant plus qu’il est moins coûteux d’ouvrir une fenêtre que d’installer un système d’aération
(T1). La question économique demeure un élément important dans le choix des répondants.
L’habitat écologique ne doit pas être globalement plus coûteux que l’habitat standard, même si
des coûts supplémentaires peuvent résulter d’une approche différente, dans tous les cas ceux-ci
devront être récupérés par des avantages ou des économies à l’usage. Nous pensons ici aux
économies de chauffage réalisées par exemple par une isolation supérieure.
La figure 4.16 montrent clairement que les répondants se sont plutôt attardés au choix des
matériaux et des produits de finition. Les matériaux choisis sont moins nocifs pour la santé.
Les murs sont en grande partie recouverts de crépi (un mélange de mortier composé de deux
tiers sable et d’un tiers chaux et ciment) certains mortiers n’ont pas de ciment, d’autres sont
réalisés avec de l’argile. Ces surfaces sont le plus souvent recouvertes de latex ou de lait de
chaux. Les éléments qui composent le ciment se trouvent en abondance dans la nature, et le
béton non traité a d’excellentes caractéristiques quant à la QAI (TPSGC). Les planchers sont
en béton ou recouverts de bois. Aucun plancher ne comporte de moquette et l’utilisation de
tapis est rare. Nous pouvons donc conclure à une présence minimum de composés organiques
volatils (COV) dans l’espace intérieur de ces maisons. La majorité des COV proviennent des
liants que l’on trouvent dans l’équipement et les matériaux de construction manufacturés,
ainsi que les combustibles. Ils sont responsables de la plus grande partie des contaminants
intérieurs et de certains symptômes du syndrome des édifices hermétiques.
«Plusieurs COV sont de puissants narcotiques (dépression du système nerveux central).
Ils peuvent aussi provoquer des réactions de sensibilisation au niveau des yeux, de la
76
peau, des voies respiratoires et du cœur. À plus haute concentration, ils peuvent aussi
endommager le foie et les reins.» (Manuel de l’éco-logis, 2001).
Sans doute pour des raisons économiques, une bonne partie des répondants ont gardé leurs
planchers à l’étape du contreplaqué ou est-ce plutôt parce que le contreplaqué une fois peint
leur convient? Il est vrai qu’ils utilisent ainsi moins de matériaux. Mais il s’agirait alors d’un
mauvais calcul, car pour la QAI, les colles utilisées pour la fabrication des contreplaqués peu-
vent contenir du phénol-formaldéhyde, un gaz incolore classé cancérogène probable par
l’ACGIH pour une exposition répétée. À faible concentration il peut causer l’irritation des
yeux et du nez, sécheresse et démangeaisons de la gorge. À une concentration plus élevée il
peut causer un râle des bronches et une sensation d’étouffement. L’irritation de la peau, maux
de tête et fatigue, troubles de la mémoire et dermatose allergique complètent ce tableau. Il est
recommandé en conséquence de réduire à la source, d’améliorer le système de ventilation et
d’enrober tous les matériaux contenant du formaldéhyde. Ceci dit, la quasi totalité des répon-
dants ont recouvert leur plancher de vernis à l’eau, de la sorte ils ont enduit les surfaces d’une
couche protectrice.
100
90
23 %
80 Produit finition dans la maison
Matériaux de finition
70 Matériaux planchers
21 %
Matériaux sous planchers
60
Toit matériaux isolant
50
22 %
40
30
5%
20 17 %
5%
2%
10 8% 4%
10 % 8% 10 %
0
Non toxique Moyennement Toxique
Quant aux produits de finition ils sont pour la majeure partie des produits à base d’eau, de la
peinture et des vernis acryliques ou des huiles naturelles, une partie étant certifiée, 47% des
répondants disent avoir utilisé des produits ayant un label (éco-logos) comme Green Cross ou
Choix environnemental. La paille présente quant à elle le grand avantage d’être une matière
naturelle relativement stable, contrairement à la laine de verre qui dégage des COV et dont
«les fibres peuvent être cancérigènes et libérer des polluants» (TPSGC). De plus, les liants
utilisés dans la laine peuvent émettre des COVqui augmentent les risques d’émission toxiques
en cas d’incendie (TPSGC). Ici la paille utilisée comme isolant, est détournée de l’enfouisse-
ment (T4) où elle contribuerait en se décomposant à la production de méthane. Elle aurait
aussi pu finir brûlée, auquel cas elle aurait contribué à la production de dioxyde de carbone.
Ces deux gaz, méthane et CO2, sont deux gaz à effet de serre. À l’état de croissance, nous
pourrions même considérer que la paille contribue au puits de carbone dans les mécanismes
propres. Avantages considérables sur les matériaux d’isolation comme les laines isolantes qui
sont plutôt des sources de pollution.
Les données ceuillies dénotent, en général, un réel souci de la part ds répondants quant à la qual-
ité des matériaux et des produits de finition. Aucun des répondants n’utilise d’aération
mécanique. La plupart des répondants pensent que la qualité de l’air intérieur fait partie des
avantages associés à la technique «ballots de paille». Allant dans le même sens, John Daglish
architecte de Biotique Habitat nous fait remarquer, dans son ouvrage Construction en ballots
de paille 1994, les faits suivants :
«Il est supposé que le mur enduit à base de chaux est capable d’absorber et de dégager
de l’humidité naturellement régularisant ainsi l’humidité intérieure. Par conséquent,
plutôt que d’avoir un air sec encourageant la création et le mouvement des poussières ou
d’avoir un air saturé d’humidité permettant le développement des moisissures, nous
avons un environnement bien tempéré réduisant les effets des polluants à l’intérieur. Il
est aussi considéré qu’un mur n’ayant pas de pare-vapeur est capable d’effectuer le trans-
fert et l’équilibre gazeux (en particulier CO2 et O2, gaz carbonique et oxygène)».
Effectivement cette technique n’utilise pas de pare-vapeur, le mélange paille et mortier assurant
une bonne étanchéité d’une part et d’autre part la porosité du mortier assure que l’échange
gazeux s’effectue. De plus, la capacité du mur de paille, enrobé de mortier à l’intérieur et à
78
l’extérieur, assure un contrôle efficace de la vapeur d’eau régularisant ainsi le taux d’humidité
dans les murs (Serious Straw Bale, 2000). La composition chimique de la paille est semblable à
celle du bois qui supporte un taux d’humidité jusqu’à 20% avant de voir apparaître des
moisissures. En règle générale le taux d’humidité de la paille avoisine 15% au moment de la
récolte. Des études ont démontré que ce taux d’humidité, bien que variable dans le temps, se
maintenait en-dessous de 12%. À la question à savoir pourquoi il n’est pas conseiller d’utiliser
un pare-vapeur dans la technique paille et mortier, Pierre Gilbert du GREB répond :
«Pour ne pas rendre étanche la maison et ne pas bloquer la porosité des murs, ce qui évite
d’avoir recours à des systèmes d’échange d’air mécaniques. Ces systèmes consomment
de l’énergie mais ce n’est pas leur seul défaut. Ils contribuent à remettre en circulation
les fines particules de poussières, aidés en cela par les modes de chauffage par convection
qui sont les principaux modes de chauffage des maisons aujourd’hui. Monter l’isolation
d’une maison à R55 sans la rendre étanche, combiner le chauffage radiant par masse
thermique au chauffage solaire passif, cela permet de rencontrer une foule d’objectifs en
termes écologiques, énergétiques, économiques, de confort et de santé des occupants.
Des gains sur tous les plans.»
Il y a consensus chez les répondants en ce qui a trait à la qualité de l’air intérieur : «La maison
respire bien» ; «Il n’y a pas de produits nocifs dans celle-ci» ou ; «Je sens la différence en
hiver quand je rentre dans une autre maison. L’air est plus pur, plus léger chez nous, je respire
beaucoup mieux» et encore : «Les matériaux sont plus sains». Un répondant affirme même
que sa fille n’a plus de problème d’asthme depuis qu’ils habitent dans la maison. En fait 100 %
des répondants se disent satisfaits de la qualité de l’air intérieur de leur maison. Parmi les
commentaires associés à ces choix, un autre consensus se dégage : Ce type de construction
garde la chaleur en hiver et la fraîcheur en été ce qui augmente le confort intérieur et la
satisfaction des occupants. Ceci explique également qu’aucun des répondants n’a installé
l’air conditionné. Cette maison étant naturellement tempérée : «À preuve nul besoin de
conditionner l’air de nos maisons au mois de juillet, et ce, à la grande surprise de nos vis-
iteurs». Plusieurs des répondants ont prévu des pares chaleur pour contrer la chaleur de
l’été : «Les galeries ont été conçues pour apporter l’ombre en été».
79
4.5.4 La ventilation
La ventilation des maisons est un élément fort complexe, il est maintenant obligatoire de ven-
tiler les maisons. Cependant la technique de construction ballots de paille comprend quelques
particularités qui semblent lui conférer un avantage certain sur la technique de construction
conventionnelle. Si nous résumons les éléments sus mentionnés, dans la maisons ballots de
paille, nous constatons : Que les constructeurs favorisent les matériaux et les produits de
construction les moins nocifs possibles pour la QAI ; que l’absence de pare-vapeur ne rend
pas ces maisons étanches, contrairement au maisons conventionnelles (effet sac de plastique) ;
que l’humidité est naturellement régularisée ; et que l’absence de sous-sol empêche le
développement des moisissures. Cette synergie entre la conception et les éléments de la mai-
son permet de penser que la maison ballots de paille n’a pas besoin de système de ventilation
mécanique. Comme nous l’avons déjà dit, ceci représente un avantage certain dans l’approche
des RVE notamment en réduissant à la source la consommation d’énergie. De plus, il faut con-
sidérer que la ventilation mécanique demande de l’entretien et une installation performante
(T1). D’un côté le risque existe que l’entretien soit négligé ce qui aurait pour conséquence de
dégrader l’air plutôt que de l’améliorer. De l’autre, cela représente des coûts supplémentaires
non négligeables. Les autres éléments qui influencent la QAI sont à prendre en considération
comme le système de chauffage, la ventilation de la cuisinière, ou les habitudes de vie, parti-
culièrement la fumée de cigarette. Devant le taux de satisfaction des occupants (100%) pour
la QAI on peut penser que celle-ci répond totalement aux attentes des répondants. Ceci dit des
mesures quantitatives de la qualité de l’air pourraient être réalisées dans chacune des maisons
pour confirmer ces appréciations qualitatives. Il sera plus judicieux pour les maisons «ballots
de paille» que l’obligation de ventiler mécaniquement soit davantage assujettie à ces mesures
plutôt qu’à une norme standardisée.
La construction écologique rappelons-le ne doit pas être globalement plus élevée en terme de
coûts puisqu’il est question ici de réduire ou de récupérer ou encore de réutiliser. Il est impor-
tant que l’approche globale en écologie du bâtiment reste à un niveau accessible pour tous.
80
Compte tenu du fait que nous passons plus de 90% de notre temps à l’intérieur, la question de
la qualité de l’air intérieur est primordiale pour la santé des occupants. Comme nous l’avons
mentionné dans le chapitre consacré à cet élément la qualité des matériaux et la ventilation de
la maison assurent cette QAI. Des gestionnaires avisés prendrons en compte qu’un environ-
nement sain favorisera la santé des occupants que ce soit au travail ou à la maison.
Globalement cette approche permettra de réduire les dépenses en soin de santé et sera
profitable pour tous. Ce n’est certes pas le seul avantage que nous pouvons tirer de cette
approche, la pression sur les ressources (T2, T3) ou la contribution aux GES (T4), pour ne
nommer que ceux-là, sont également diminuées. La question se pose donc à savoir si la mai-
son en ballots de paille est abordable financièrement et de quelle manière elle se compare à la
maison standard. Pour répondre à cette question nous avons défini un standard type «ballots
de paille» pour pouvoir le comparer à un standard type «maison conventionnelle». Nous avons
donc fait des moyennes pour les comparer. Cette méthode de calcul a bien-sûr des limites. Elle
ne reflète pas les écarts entre les différentes maisons mais elle donne cependant une idée du
coût moyen de celles-ci. Notre standard moyen «ballots de paille» se définit comme suit :
superficie habitable moyenne est de 1912 pieds carré sur deux étages sans sous-sol. Le coût
moyen, de toutes les maisons, se situe à 80 925$. En divisant ce coût moyen par la superficie
moyenne des maisons nous obtenons un coût de 42,32$ du pied carré pour des maisons finies
et donc habitables. Nous avons aussi déterminé que ces maisons se situent dans un standard
moyen, c’est à dire entre la maison économique et la maison luxueuse. Ce rapport se compare
très bien avec le coût de 70$ du pied carré pour une résidence dont la superficie et l’état se
rapproche de notre maison ballots de paille. La superficie de la maison conventionnelle est
donc de 2000 pieds carré, de standard moyen, de deux étages sans sous-sol.
Il ne faut pas perdre de vue que la maison ballots de paille est en partie ou en totalité auto-
construite par les occupants. Ceci dit un certain nombre d’entre eux ont quand même payé de
la maind’œuvre ou fait exécuter des travaux spécialisés . Les chiffres compilés dans notre
recherche ne sont pas assez complets pour évaluer la part exacte de ces coûts, mais nous
croyons qu’ils ne sont pas négligeables et qu’ils représentent une part appréciable du coût
total. À titre d’exemple le coût moyen des foyers de masse se situe autour de 12 000$, 50%
81
des répondants en ont un et ce type d’ouvrage est réalisé par un spécialiste. Nous pensons que
la différence entre les coûts moyens des deux maisons est suffisamment grande pour absorber
les coûts supplémentaires de main d’œuvre que représenteraient le fait de faire construire
entièrement la maison «ballots de paille».
L’utilisation de produits facilement disponibles à un coût raisonnable est mis de l’avant par la
SCHL. Si il est plus avantageux de vivre en milieu rural, comme 90% des répondants à cette
recherche, pour se procurer les matériaux comme la paille, le bois de construction brut, le
sable, il n’est pas évident par contre de trouver des matériaux de construction plus
écologiques. Il faut être plus près des centres urbains pour y avoir accès. Ceci dit en règle
générale l’approche de construction écologique n’est pas encore suffisamment répandue pour
trouver facilement ce type de matériaux. Ici, nous sommes devant le problème classique de
l’offre et la demande : pas assez de demande, pas assez de matériaux ou pas assez de matériaux
pas assez de demande. Pour notre part nous pensons que la demande pourrait être davantage
82
À la question : Est-ce que vos choix écologiques vous ont coûté plus cher pour construire ?
Dix répondants estiment que non, tandis que neuf pensent que oui alors que quatre se sont
abstenus de répondre. Malgré cette ambivalence dans la réponse, les coûts importent peu
puisque dix-sept répondants sont persuadés qu’ils récupèreront leur investissement dans le
temps, entre autre, par des économies d’énergie et de chauffage. De plus, ils sont majoritaire-
ment persuadés qu’ils rentabiliseront leur investissement par un plus grand confort du fait de
l’isolation et de l’amortissement du bruit par l’enveloppe de la maison pour dix-neuf d’entre
eux, et vingt et un par une meilleure qualité de vie. Ici les commentaires des répondants font
l’éloge du très grand confort, de la solidité, de l’ambiance ou encore que la maison est presque
autonome en énergie et économe en bois de chauffage. On apprécie l’esthétique et le style par-
ticulier de celle-ci. Le confort se mesure aussi par la fraîcheur de la maison en été et la chaleur
en hiver. Nous avons déjà nommé le consensus sur la qualité de l’air intérieur. La qualité du
chauffage radiant qui, combiné à l’effet masse thermique des murs, assure un confort élevé.
L’opposition, de l’étanchéité du pare-vapeur à la porosité des murs, qui donne l’impression
que les murs respirent etc. La maison est comparée par plusieurs répondants à une troisième
peau qui respire donnant ainsi une sensation de bien-être. Et enfin, dans un autre ordre d’idée,
la fierté, l’enrichissement et la communication pour dire qu’il est possible de réaliser une mai-
son réunissant toutes ces qualités.
«La technique paille et mortier est une technique géniale en soi, non seulement parce
qu’elle est écologique et qu’elle utilise des ressources de premières mains et facilement
accessibles mais aussi parce qu’elle est accessible à nombre de gens qui n’ont pas besoin
de connaissances très spécialisées en construction. C’est une technique de construction à
laquelle j’ai adhérée parce que justement elle correspond à des choix globaux de vivre et
de penser. Encore une fois consommer moins mais mieux en prenant conscience des
répercussions au niveau local, et même international que peut avoir notre mode de
consommer. Et construire comme ça s’inscrit tout à fait dans cette philosophie de vie.»
Le confort est aussi une perception qui est tributaire de l’appréciation que l’on s’en fait. À ce
titre la plupart des répondants apprécie le confort de leur maison du fait qu’ils ont réalisé
celle-ci selon leur vœu, et qu’elle est conforme à l’idée qu’ils ont d’un habitat viable.
«Premièrement nous en sommes fiers! Ensuite, on en retire un bien-être particulier, face
à la chaleur et la belle énergie de notre maison. On se sent impliqué personnellement pour
83
cette action locale, qui s’inscrit dans un processus tendant vers une plus grande écologie,
vers un plus grand respect de la Terre et des humains. Je crois que certains sont inspirés
par notre expérience, à tout le moins, conscientisés!»
Que peuvent avoir de particulier ces personnes pour entreprendre un tel projet ?. Nous ten-
terons dans ce chapitre de tracer un portrait de ceux-ci, tout d’abord en regard du chantier de
construction, des choix qu’ils ont fait et de la manière qu’ils ont construit, mais aussi des dif-
ficultés qu’ils ont rencontrées. Nous nous attarderons sur leur philosophie et mode de vie pour
savoir quelle perception ils ont d’eux-mêmes et nous confronterons cette perception à leur
habitudes de consommation, d’alimentation et de soins de santé. Cela nous permettra de vérifier
la cohérence entre la façon de construire et la façon de vivre. Nous verrons qu’au delà de la
manière de consommer, les répondants sont des personnes impliquées dans des organisations
mais aussi dans un processus de changement. Leur projet est une démarche de sensibilisation qui
permet une démarche d’éducation relative à l’environnement. Et enfin leur mode de vie s’inscrit
dans un projet de transformation sociale plus grand qui se nomme : la Simplicité Volontaire.
La moyenne d’âge des répondants est de 46 ans (plus vieux 59 ans, plus jeune 30 ans). Seize
hommes et neuf femmes ont répondu au questionnaire. Dix-sept ont des formations universitaires,
quatre collégiales, trois secondaires et un autodidacte. Quarante-deux adultes et vingt-sept
enfants habitent ces maisons, nous y retrouvons dix-sept familles, quatre personnes vivent
84
seules et deux familles sont monoparentales. Le revenu familial moyen se situe entre 30 et
50 000$ pour 39% des répondants, les plus bas revenus se situent en-dessous de 20 000$ pour
17% des répondants, un autre 17% se situe entre 20 000 et 30 000$ tandis que 9% des revenus
les plus élevés sont au-dessus de 100 000$.
Ils ont choisi de construire une maison en ballots de paille en premier lieu pour des raisons
écologiques, ensuite pour l’isolation supérieure que permet cette technique, ensuite pour des
raisons économiques (moins cher) et enfin pour des raisons esthétiques. Ceci dit 61% des
répondants ont choisi cette technique pour toutes ces raisons.
4.6.1.1 L’autoconstruction
Les répondants ont participé à la construction de leur maison dans une proportion de 96%,
dont 54% à toutes les étapes et 46% à une ou plusieurs étapes de la construction. Ils l’ont fait
d’abord comme un défi personnel, une manière de se réaliser, ensuite pour des raisons
économiques et pour la possibilité d’utiliser des techniques alternatives. Le fait de connaître
quelqu’un qui avait déjà autoconstruit a été un élément déclencheur, et enfin dans une moin-
dre mesure c’est une habitude familiale. L’absence de main-d’œuvre n’étant qu’un élément
marginal dans le choix de mettre la main à la pâte.
4.6.1.2 La main-d’œuvre
Les répondants ont quand même fait appel à différente main-d’œuvre, selon leurs besoins et
leurs disponibilités. Seulement quatre des répondants ont fait appel à un entrepreneur, un seul
à un entrepreneur qualifié dans le domaine de la construction en «ballots de paille». Onze
chantiers ont utilisés de la main-d’œuvre, autres que la famille ou les amis. Sur sept chantiers,
on retrouve de la main-d’œuvre connaissant la construction en ballots de paille, alors que sur
les quatre autres elle ne connaissait pas la technique. On note aussi que plusieurs répondants
ont eu de la difficulté avec celle-ci, dans certain cas, ils se plaignent de l’incompétence de
certains. Si sept répondants mentionnent avoir trouvé de la main-d’œuvre facilement, cela
s’explique par le fait que là où des maisons en «ballots de paille» avaient été construites, la
85
main-d’œuvre locale a acquis un savoir faire et de l’expérience. Par contre, cinq répondants
ont eu de la difficulté à en trouver. Une quarantaine de personnes salariés ont travaillé sur les
chantiers auxquelles s’ajoutent vingt-six non salariés, que ce soit à temps plein ou à temps
partiel. La famille des répondants s’est impliquée dans 70% des cas, que ce soit de façon
ponctuelle ou pour de menus travaux ou de manière plus intense, comme tout l’été. Le sup-
port moral de cette participation familiale semble avoir été appréciée par de nombreux répon-
dants. La technique se prête bien au fait de faire des corvées, en particulier quand vient le
moment de manipuler les ballots. Le temps moyen de la construction s’étend sur dix neuf mois
avec des écarts de trois mois à quatre ans! Ces écarts s’expliquent en partie par l’ampleur du
projet, le temps que les répondants ont pu y consacrer et les moyens financiers dont ils dis-
posaient. Une bonne partie des répondants, treize, ont trouvé que la durée du chantier était
plus longue que prévue : «C’est toujours plus long qu’on pense».
Nous constatons que cette approche demande du temps et de l’énergie. La technique n’est pas
standardisée, les délais de construction sont plus longs que dans l’approche conventionnelle
où les futurs propriétaires se font livrer la maison clé en main. Les défis que représentent une
telle approche ne sont certes pas à la portée de tous. Le choix d’un mode de vie semble
conditionner ces actions. Le temps à consacrer, l’énergie, les habiletés tant manuelles
qu’organisationnelles à développer représentent un défi pas toujours facile à réaliser. Ici on
privilégie sans doute des valeurs plus humaines, une certaine simplicité et une plus grande
convivialité, un sens du communautaire, où la corvée rappelle l’entraide d’autrefois. Des
valeurs que nous ne retrouvons pas dans la construction conventionnelle où les projets sont
livrés à date précise, et où, en règle générale l’acheteur travaillera à payer son hypothèque
plutôt que de travailler à construire sa maison. Le moins que l’on puisse dire c’est que deux
conceptions du monde se confrontent dans ces choix différents.
La construction de maison en ballots de paille se heurte bien à quelques préjugés. Les plus
communs étant la peur du feu, de l’humidité, des rongeurs, des insectes, ou pour la solidité,
86
l’histoire du grand méchant loup n’est jamais très éloignée de la maison en paille! Il est assez
remarquable de constater la diversité des réactions des différents interlocuteurs, on y retrouve
ainsi une certaine perplexité ou curiosité voire du scepticisme mais aussi de l’intérêt. La
plupart des répondants, vingt, ont cependant informé, lors de leurs démarches, les différents
interlocuteurs rencontrés de la technique de construction utilisée. Ceux-ci bien que surpris en
premier lieu, ont cédé à l’étonnement et se sont laissés convaincre du bien-fondé de la
technique. Les répondants, qui ont montés des dossiers solides, n’ont eu que peu de difficultés
à convaincre les autorités locales de la validité de la technique. Il a été certainement plus
difficile pour les pionniers de convaincre les différents intervenants du milieu. Mais là où il y
avait des antécédants, il a été plus facile pour les suivants de construire. La fiche technique
que Louis Gagné (1984) a réalisé avec l’aide de la SCHL en a aidé plusieurs dans leurs
démarches.
• Financement
En général les répondants n’ont pas eu de difficultés à emprunter les fonds nécessaires à la
construction. Quatorze d’entre eux ont un emprunt hypothécaire. Seuls deux d’entre eux
mentionnent avoir eu des difficultés pour emprunter. Par contre, une bonne partie (six) a
diversifié sa source d’emprunt en empruntant à des amis ou à la famille. Une partie non
négligeable (treize) a autofinancé, en tout ou en partie, son projet. On constate donc qu’un
nombre important de répondants a diversifié sa source d’emprunt. Ici, on retrouve une
cohérence avec l’idée d’auto-construire par mesure d’économie et l’autofinancement qui per-
met de payer moins d’intérêt, donc d’être plus indépendant face au système économique et
financier.
matériaux que ceux reconnus par le code. Il est possible de le faire à la condition de démontrer
que le résultat obtenu réponde aux exigences du code. De plus, une fois le permis de construction
obtenu, il ne devrait pas y avoir, en principe, d’opposition à emprunter ou à assurer. Ceci dit, les
démarches de construction sont individuelles et en l’absence de normalisation, les répondants
se sont butés à des difficultés dues au manque d’ouverture ou à l’opportunisme de certains ;
comme en témoigne ce commentaire :
«On adore notre maison. Des gens de toute sortes l’aiment aussi. Mais l’expérience de faire
changer les lois municipales pour pouvoir obtenir un permis de construire était lourde. En
plus travailler avec les «professionnels» de la construction était insultant à chaque jour.
Nous payons une lourde dette a cause d’un contracteur croche et incompétent..»
Si nous constatons que la construction en ballots de paille connaît quelques préjugés au départ,
le travail des pionniers a balisé le terrain pour les suivants. Les différentes études de la SCHL
et les différents projets de construction de toutes sortes rendent la tâche plus facile à ceux qui
suivent cette piste. Il est possible, à partir de la littérature disponible de monter un dossier qui
saura convaincre les différents intervenants pour mener à bien son projet. Une expérience par-
ticulière a été menée par des répondants au Saguenay Lac St-Jean. Ceux-ci ont élaboré un éco-
village à quelques pas de la ville de La Baie. Dans l’élaboration de leur projet, le Petit Patelin,
ils ont négocié une dérogation avec les autorités municipales, pour ne pas être soumis au code
du bâtiment pour leurs projets de construction. La municipalité a accepté sous condition que ce
groupe fournisse des études sérieuses, démontrant l’efficacité de leur technique de construc-
tion. Le projet a été accepté, et devant le sérieux de leur démarche ils n’ont pas eu de diffi-
cultés au moment de passer à l’action. Cette démarche est intéressante car elle contribue à sen-
sibiliser un grand nombre de personnes par sa visibilité et les résultats du projet démontrent un
impact important :
«Sur mon milieu cela a donné beaucoup de visibilité à notre éco-village. Des visites
de conseil d’administration d’organismes s’organisent régulièrement. Avons incité
quelques projets de maisons de paille et de foyers de masse. On remarque un grand
pouvoir de conviction : quatre maisons bien construites et une maisonnette, ça parle de
soi-même. Rares sont les visiteurs qui ne tombent pas sous le charme. Les architectes, les
ingénieurs et les techniciens ne résistent pas non plus ni aux arguments ni à un examen
attentif.»
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Vingt et un répondants mentionnent avoir une philosophie de vie particulère. Ce qui semble
caractériser celle-ci est une approche simple, axée sur des valeurs où le respect des autres et
de l’environnement occupe une place prépondérante. «Pas de grande doctrine : fraternité,
compassion, entraide et surtout ouverture» mais aussi «L’amour de la vie, le sacré de la nature
et la liberté d’être». Le choix d’une vie saine et équilibrée se décelle dans leurs commentaires
sur leur philosophie de vie, ce qui est corroboré par leurs habitudes de consommation que
nous verrons plus loin. Nous retrouvons également le souci de préserver le patrimoine naturel.
La cohérence personnelle dans les actes posés est un élément fondamental que l’on retrouve
dans l’acte de construire, mais aussi dans la manière de consommer. Les répondants démontrent
une grande satisfaction dans le fait d’avoir construit leur habitat selon leurs convictions
personnelles. Non seulement était-il possible de le faire, mais dans les faits, ils l’ont réalisé. Ce
sentiment permet de penser que d’autres peuvent le faire et, si on reste modeste dans son affir-
mation, on a l’impression de participer à un monde meilleur. En construisant leur propre maison,
les répondants ont acquis un plus grand contrôle sur leur environnement. et ont développé un plus
grand sens de l’autonomie. Plus largement, plusieurs répondants voient dans leur mode de vie
une occasion de contribuer à un changement social . Il est question ici de consommer moins
certes mais encore mieux, de consommer dans un esprit de durabilité. Il est aussi question d’une
quête de sens et d’un rapport critique au développement : «En fait, notre inspiration est gandhienne
et nous trouvons que le développement durable est un bon canal, pour peu qu’il intègre une
bonne vision territoriale et qu’il soit résolument humaniste». Enfin il est possible de contribuer
au changement «Générer un système agricole, social, etc. qui soit le moins agressif possible sur
les ressources».
La simplicité est un terme récurrent pour un certain nombre d’entre eux qui la mentionnent
clairement : «Le plus simple possible. », «Nous vivons simplement, sainement », «Simplicité,
nature, respect, le présent, la paix, etc.». Cette simplicité est décrite dans les commentaires au
sujet de leur philosophie de vie «Consommer moins mais mieux en terme de qualité de vie et
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de durabilité (achats chez producteurs de la région)...» Il n’est donc pas étonnant qu’à la ques-
tion : Dans quelle mesure suivez-vous le principe de la simplicité volontaire? ; la presque
totalité des répondants (vingt) exprime clairement qu’ils la pratiquent. Neuf déclarent la pra-
tiquer beaucoup et onze de manière plus modérée. Seuls deux répondants ne la pratiquent pas
ou peu. Si certains avouent ne pas avoir lu à ce sujet, le titre évocateur de l’ouvrage de Serge
Mongeau (1985) correspond à leur réalité : «Sans avoir lu ou vraiment en avoir entendu parler,
le titre correspond à notre approche». Pour d’autres ce sont des réminiscences d’habitudes famil-
iales qui se perpétuent dans leur mode de vie actuel «Étant issu d’une famille de neuf enfants,
ce «nouveau concept» constitue pour moi un «réflexe d’enfance». La simplicité représente
aussi une voie globale : «La simplicité à bien meilleure goût pour la planète». La simplicité
est aussi une attitude de résistance face à un monde qui se globalise et qui uniformise par la
consommation de masse :
«Je crois que je suis non consommatrice par rébellion. Je pense que la société de con-
sommation a été créée pour endormir et emprisonner l’individu. Par contre, celle-ci est
très efficace au niveau du contrôle et du pouvoir qu’ont les grandes compagnies sur les
gouvernements et les gouvernements sur leur population ».
Si l’attitude est volontaire elle n’a pas besoin d’être absolue pour être effective : «J’essaie le
plus possible de suivre cette démarche, le plus possible sans en faire une maladie». La
responsabilisation personnelle face à son mode de vie est également compatible avec une
vision généreuse de partage et ouverte sur le monde » «Réduire mon niveau d’endettement,
dépendre le moins possible, autosuffisance, partage communautaire des ressources, vision à
très long terme (200 ans)». Si la volonté de réduire sa consommation personnelle est bien
réelle rien n’est cependant définitivement acquis, tout reste un travail constant à réaliser :
«Nous sommes en démarche depuis plusieurs années afin de diminuer nos besoins et nous
avons encore beaucoup de chemin à parcourir».
4.6.2.2 La consommation
• Habitudes de consommation
Les habitudes de consommation viennent confirmer cette approche d’une plus grande simplicité.
En effet à la question : Comment vos habitudes de consommation se comparent-elles à celles de
la plupart des gens ? Quartorze répondants affirment moins consommer, sept beaucoup moins, un,
90
un peu plus et un, au-dessus de la moyenne. Les éléments retenus pour fin de comparaison se
situent au niveau du nombre de véhicules possédés ou au niveau de la consommation d’essence.
Plusieurs répondants mentionnent n’avoir qu’un seul véhicule usagé et disent limiter leurs
déplacements : «Nous limitons la consommation d’essence» ou «le nombre de véhicule est le
même mais on rationalise au maximum les transports». En ce qui concerne le mobilier ou les
vêtements, une partie des répondants se les procurent dans les comptoirs vestimentaires ou les
commerces de produits usagés. Les loisirs sont également simples «loisirs : sobres mais joyeux !»
• Habitudes alimentaires
La cohérence au niveau de la consommation se conjugue aux habitudes alimentaires qui se
distinguent par la consommation de produits biologiques pour dix-neuf des répondants, dont
treize d’entre eux contribuent à leur alimentation par une production personnelle du jardin.
Cinq autres pratiquent l’agriculture supportée par la communauté, c’est à dire qu’ils s’appro-
visionnent directement chez un producteur maraîcher dont les productions sont certifiées
biologiques. Celui-ci s’engage à livrer une fois par semaine, en saison, un panier de produits
de la ferme contre un engagement de la part du consommateur qui paye à l’avance une partie
de la récolte. Il est davantage question d’une relation de partenariat, le client s’engage auprès
du jardinier et réciproquement, de telle sorte que celui-ci reçoit un meilleur prix pour ses
produits qu’en transigeant avec un commerce, et le client paye moins cher en retour de son
engagement puisqu’il n’y a pas d’intermédiaire entre les deux. L’organisme Équiterre fait la
promotion de cette approche. La mission de celui-ci est de promouvoir le commerce équitable,
en particulier avec les pays du sud, en développant une approche avec le minimum d’inter-
médiaires entre les producteurs et les consommateurs. De telle sorte, que le consommateur
utilise son pouvoir d’achat pour payer un juste prix pour les denrées transigées avec le pro-
ducteur. Actuellement la filière café est la plus développée, mais on retrouve d’autres produits
alimentaires comme le sucre, le thé ou le cacao, mais aussi des produits artisanaux. Le slogan
utilisé par une des fondatrices de l’organisme, Laure Waridel, est d’ailleurs très explicite quant
à sa destination : «Acheter c’est voter!». Dans une société de consommation de masse l’acte
d’acheter devient politisé et est ainsi utilisé comme un pouvoir mis à la contribution d’un
monde plus juste et plus équitable. Cette préocfaçon d’acheter ou plutôt de s’approvisionner
en aliment s’inscrit également dans le parcours des répondants qui font preuve de préoccupa-
tions tant sociales qu’environnementales. :«Nos habitudes alimentaires ne sont pas différentes
91
d’une grande partie de celles de l’humanité» mais aussi «Diversifiée et aussi équitable». Autre
distinction dix-sept répondants ont un régime alimentaire moins carné ou végétarien.
• Habitudes d’achats
Les habitudes d’achats différent aussi dans leurs formes. Huit répondants font partie de groupes
d’achat pour l’alimentation ce qui permet d’éliminer les emballages et de rendre l’alimentation
plus économique. Douze mentionnent pratiquer le troc ou l’échange. Les centres d’achats ou
les commerces de grandes surfaces ou les magasins d’entrepôts ne sont pas très fréquentés par
les répondants. Ils n’y vont pas plus qu’une fois par mois, et certains pas du tout.
4.6.2.3 La santé
L’approche à la santé est aussi diversifiée et l’utilisation des médecines alternatives est importante.
Vingt et un répondants sur vingt trois disent utiliser des thérapies alternatives comme :la
naturopathie, l’acupuncture, la phytothérapie, les huiles essentielles, l’aromathérapie, le mas-
sage, l’homéopathie, l’ostéopathie, la médecine chinoise, mais aussi le yoga la méditation et
le jeûne. Dans ce domaine, encore, les répondants font preuve d’autonomie, ils se prennent en
main et mise sur la diversité des approches pour conserver leur santé. La santé n’est donc pas
seulement une affaire de spécialistes et de médicaments. En adoptant cette approche, ils font
également preuve de critique face à un système de santé qui par sa spécialisation tend à
déresponsabiliser l’individu face à une approche de santé globale.
• Au niveau local
La conscience des problèmes environnementaux est bien présente chez les répondants. Ceux-
ci font mention des différentes problématiques aux niveaux local, régional, national et inter-
national. Tous les thèmes importants s’y retrouvent : la pression exercée pour la création d’une
autoroute, les différents problèmes reliés à l’agriculture (les produits chimiques, les OGM, les
épandages des boues résiduelles des papetières sur les terres agricoles, les méga-porcheries,
etc.) mais aussi les méga-dépotoirs, la coupe à blanc des forêts, etc., c’est en tout une
vingtaine de problématiques au niveau local qui sont ainsi évoquées par les répondants.
92
• Au niveau régional
Au niveau régional nous retrouvons à peu près les mêmes problématiques auxquelles
s’ajoutent l’érosion éolienne des sols, la pollution due aux fosses septiques, la qualité de l’air,
de l’eau, du sol, mais aussi la préservation des habitats et la problématique des déchets dan-
gereux et la surconsommation énergétique de certaines entreprises.
• Au niveau national
Quelques problématiques s’ajoutent au niveau national, ici il est fait mention d’une trentaine
de problèmes différents comme la contamination des nappes phréatiques, l’effet de serre, la
pollution du fleuve St Laurent, les méga projets hydroélectriques, la gestion des ressources
naturelles, les différents types de pollution dont la pollution industrielle, la surconsommation,
l’étalement urbain et la pollution agricole. Le libéralisme marchand est également pointé du
doigt.
• Au niveau international
Enfin au niveau international les grandes problématiques de l’heure s’y retrouvent. Il est fait men-
tion d’une vingtaine de problématiques différentes. On retrouve ici : les changements climatiques
et l’effet de serre ; le réchauffement planétaire ; la surpopulation ; la pollution industrielle en
général mais particulièrement l’industrie de la guerre et les déchets nucléaires ; l’usage abusif des
ressources naturelles ainsi que l’abus des êtres humaines qui sont réduit à l’état de simple
consommateur ; la perte de la biodiversité ; l’augmentation de la consommation de viande ; la
voiture ; l’épuisement des ressources fossiles ; la diminution des terres arables et les OGM ;
la pollution des océans et l’effet de serre. L’énoncé de toutes ces problématiques environ-
nementales, du local à l’international en passant par le régional, ne laisse aucun doute de la
prise de conscience environnementale des répondants. Ceux-ci ont choisi un mode de vie
responsable au niveau local comme réponse aux problématiques globales. Mais en plus de
cette cohérence au niveau du mode de vie et de la prise de conscience environnementale, une
partie non négligeable des répondants s’impliquent dans des organisations qui ont à coeur de
résoudre ces problématiques, là encore l’implication va du local au global.
93
L’implication dans les organisations est également une pratique que nous retrouvons chez
plusieurs répondants. Certains en ont fait un mode de vie : «C’est trente ans de ma vie».
D’autres ont réussi à concilier le travail à leurs préoccupations comme les quelques répon-
dants qui travaillent à la région laboratoire du développement durable au Saguenay. Le plus
grand nombre est impliqué au niveau local, soient huit d’entre eux dans des groupes écologistes
et un qui a été conseiller municipal. Au niveau national quatre répondants sont membres de
l’Union paysanne, qui fait la promotion, entre autre chose, d’une agriculture paysanne, en
opposition à une agriculture industrielle, plus responsable au niveau social et environnemental.
Et enfin, au niveau national et international, trois répondants sont membres de Greenpeace,
qui mène des actions très médiatisées de sensibilisation aux problèmes environnementaux. En
fait la fréquentation des groupes de pression est le fait de la moitié des répondants qui sont
impliqués à plusieurs niveaux à la fois. Pour l’autre moitié des répondants qui ne s’impliquent
pas dans des groupes les raisons qu’ils donnent à cet effet sont multiples.
Certains ne ressentent pas le besoin d’une telle implication, tandis que d’autres n’ont pas le
temps, ou pensent qu’ils n’ont pas d’emprise à l’intérieur d’un groupe. Enfin certains répondants
préfèrent faire de la sensibilisation autour d’eux : «Je préfère sensibiliser les gens que je
côtoie» ou «Je suis plutôt anarchiste et je préfère influencer un changement doucement entre
amis et voisins, non au sein d’un groupe».
Dans la démarche qu’implique le fait de construire en «ballots de paille», la grande majorité des
répondants ont dû sensibiliser les différents interlocuteurs rencontrés. Cette sensibilisation est en
elle-même une démarche d’éducation relative à l’environnement. En expliquant pourquoi ils
construisaient de cette façon les répondants ont nécessairement parlé de leur conception de
l’environnement. Nous retrouvons plusieurs représentations-types de l’environnement telle que
94
définit par Lucie Sauvé (1992, 1994, 1997). Ici nous faisons d’abord face à la notion envi-
ronnement problème, où il est question de résoudre des problèmes liés à la pollution et la
surconsommation. «L’activité humaine a des impacts négatifs sur l’environnement. La santé
et même la survie sont menacées» (Sauvé, 1992). Cette représentation amène les répondants
à développer un comportement responsable face à l’environnement et dans le processus de
résolution de problèmes, ils font preuve d’autonomie et de créativité, mais aussi de pragmatisme.
La réponse concrète est de construire une maison efficace en terme de conservation de
l’énergie, de l’eau, des ressources, de disposition des rejets tout en assurant une qualité de vie
elle-même garante de la «bonne» santé des répondants. Ensuite nous retrouvons la notion
d’environnement milieu de vie qui se caractérise par la connaissance du milieu qui nous
entoure et qu’on aménage de telle sorte qu’il réponde à nos exigences. Le lieu à investir est
bien-sûr la maison et son environnement immédiat. Les répondants ont décidé d’habiter ce
milieu de vie et ont développé un sentiment d’appartenance à ce lieu. Les autres valeurs liées
à cette représentation sont l’esthétisme, le confort et la convivialité, autant de valeurs qui se
rattachent à la construction en ballots de paille. En effet le côté esthétique de cette construction
est un des éléments importants dans le choix de construire avec cette technique, le côté plus
convivial est lui aussi important puisque la technique est plus souple et se prête bien au travail
non spécialisé. De plus le mode de vie des répondants correspond bien à la convivialité ne
serait-ce, par exemple que dans l’action de recevoir visiteurs et curieux venant de partout afin
de questionner les répondants, au sujet de la construction et également la collaboration de la
famille et des amis sur le chantier. Enfin, cette démarche s’inscrit dans une représentation projet
communautaire puisqu’elle est aussi le lieu où s’engager. Les différentes approches, mises de
l’avant par les répondants, démontrent un esprit critique orienté vers l’action (praxis), pour
une partie d’entre eux, l’action sera dirigée vers des organismes locaux, régionaux voire
internationaux. Pour la quasi totalité, l’ensemble des démarches entreprises a eu un impact
direct dans la communauté. Enfin, la mise en œuvre de ces projets de vie et leurs réalisations
s’inscrivent dans une perspective de bio-régionalisme, en ce sens que tout en étant une
démarche ancrée dans un territoire, elle contribue à dynamiser et à enrichir ce territoire. Les
matériaux sont achetés localement, que ce soit la paille, le sable , le bois de chauffage ou de
construction. On y pratique l’échange et le troc et on achète localement les produits de
consommation disponibles. Enfin on entretient des rapports avec la communauté où on a
choisit de vivre.
95
«L’ERE propose plutôt une construction collective du savoir, dans une perspective
critique. Il s’agit d’apprendre à apprendre ensemble, au cœur de ce milieu de vie que
nous partageons.» (Sauvé, 1992)
Les répondants ont largement repoussé individuellement les limites de leur savoir pour modifier,
dans l’action concrète, leur comportement et particulièrement leur mode de vie. S’ils ont
acquis des connaissances nouvelles, ils sont passés à l’action plutôt que de rester «des pollueurs
instruits» (Sauvé, 1992). Si l’ERE permet de développer un sentiment d’appartenance à sa
communauté (milieu de vie) elle contribue à développer un savoir et un pouvoir faire afin de
permettre aux individus de devenir des acteurs responsables dans ce milieu. La démarche dans
laquelle les répondants ont évolué, s’inscrit donc dans un parcours d’identification de
problèmes (l’habitat, l’environnement, la santé), de recherche de solutions concrètes, d’appli-
cation de ces solutions et de sensibilisation des différents intervenants dans le milieu de vie
environnant. La grande majorité des répondants ont eu a faire face à de nombreuses questions,
aux différentes étapes de réalisation de leur projet. En effet, ceux-ci ont rencontré des inter-
venants du monde municipal, de la construction, des commerçants, des fournisseurs de
matériaux, des producteurs agricoles, des voisins, des amis et de la famille. Il a fallu expliquer
à toutes ces personnes pourquoi ils avaient choisi de construire de cette façon. Il n’a pas toujours
été facile de le faire. Certains se sont butés à du scepticisme, voire à un certain rejet mais dès
que les explications ont été données la plupart des gens ont démontré de la curiosité : «Nous
avons été marginalisés au début mais on nous a posé beaucoup de questions par la suite». Il a
donc fallu sensibiliser, voir éduquer les gens autour de soi. Le plaisir de partager son expérience
est très présent, cela permet de faire avancer la connaissance de cette approche et favorise une
mise en réseau non formelle des promoteurs de la technique :
«Dans les premières années de construction j’ai pris plaisir à accueillir les nombreux
visiteurs sans distinction pour les curieux ou les intéressés ce qui m’a permis d’observer
toutes sortes de réactions certaines amusantes et d’autres gratifiantes. Je me sens
privilégiée d’avoir pu expérimenter ce genre de construction et je remercie toutes les
personnes du milieu qui m’ont aidée à y avoir accès».
La construction en ballots de paille suscite donc la curiosité et les répondants manifestent leur
empressement à partager leur expérience avec les autres. De plus un sentiment de fierté
d’avoir accompli cette réalisation se dégage des commentaires, mais aussi l’idée d’être
cohérent dans sa pratique.
96
L’expérience est enrichissante et globalement les répondants sont satisfaits de leur choix de
construction et de vie. Ils ont conscience de participer à la sensibilisation des problèmes envi-
ronnementaux tout en contribuant à apporter des solutions. Bien-sûr ce type d’expérience
n’est ni facile ni sans difficulté. Pour les personnes qui ont engagé de la main-d’œuvre, par
exemple, le manque de qualifications de celle-ci a occasionné quelques difficultés
mémorables. De plus, comme la technique n’est pas standardisée, les nouveaux projets sont
encore soumis aux limites du constructeur qui doit expérimenter, ce qui occasionne des délais
qui peuvent contribuer à augmenter la durée du chantier. Devant ce constat, les futurs promo-
teurs devront chercher des conseils spécialisés auprès des personnes qui détiennent de l’expéri-
ence dans la construction de maison en «ballots de paille». C’est en autre, la mission de l’or-
ganisme sans but lucratif Archibio qui détient l’expérience la plus crédible au Québec.
Un autre élément à prendre en compte est la température, puisque la pluie représente un risque
important pour la paille, conséquemment il faudra prendre des précautions supplémentaires
pendant le chantier pour éviter que la pluie occasionne des dégâts à la paille. Il faudra bien
faire attention de ne pas enduire le mur trop humide car celui-ci risque une dégradation rapide
qui n’est évidemment pas souhaitable. De plus le taux d’humidité intérieure sera élevé et le
confort moindre, à ce sujet un répondant, ayant connu ce problème, commente: «Je recom-
manderais au gens de mettre un échangeur d’air pour réduire le taux d’humidité les premières
années». Auto-construire est extrêmement prenant et demande des ressources personnelles
importantes pour faire face à la réalité d’un chantier, quelques-uns parlent de quasi «burn-out»
ou d’épuisement. Il faut donc être capable de gérer le temps et le stress que peuvent amener
la responsabilité d’un chantier, ce que tous les répondants ont réussi à faire malgré les
difficultés rencontrées :
97
Autre point important il faut être attentif aux relations humaines, particulièrement lorsque le
couple s’investit dans le projet :
«Il ne faut pas négliger l’aspect humain (relations sociales) lorsque l’on bâtit. C’est très
éprouvant. Il faut se réserver du temps pour relaxer et apprécier ce que l’on fait, pas trop
se mettre de pression. Un chantier peut être la mort d’un couple si on ne prend pas ses
limites et celles de l’autre en compte»
4.7.1 Recommandations
Comme nous pensons que les personnes qui construisent de telles maisons sont «naturellement»
des personnes respectueuses des milieux de vie et soucieuses de leur qualité de vie nous disons
que la construction d’une maison écologique est, dans ce contexte, une application concrète du
« penser globalement, agir localement, être personnellement » ( Steeve Van Matre ).
L’approche de construction ballots de paille est un apport positif pour «un modèle viable
d’établissements humains» (agenda 21). Il est désormais incontournable de faire connaître
et reconnaître cette approche de construction auprès des décideurs pour en permettre la pro-
motion et la diffusion. Comme un nombre grandissant de québécois et de québécoises con-
99
De plus le ballot de paille devra être considéré comme un matériau de construction et reconnu
comme tel dans le code du bâtiment. Ceci aura le mérite de codifier des normes de qualité
et de reconnaître officiellement la technique ce qui facilitera l’accessibilité au permis de
construction. Cette reconnaissance permettra, au personnes désireuses de construire avec ce
matériau d’avoir accès à du financement (prêt hypothécaire ou autre). Cela permettra égale-
ment aux futurs propriétaires d’assurer plus facilement leur maison.
Au-delà de ces considérations nous pensons que cette technique pourrait faire l’objet d’un
programme comme la Nouvelle Maison R-2000. La maison ballots de paille, tout comme la
nouvelle maison R-2000, répond à la réduction de la consommation d’énergie, à la chasse aux
polluants intérieurs et au respect de l’environnement à un coût abordable. Cette mesure
favoriserait d’une manière positive et proactive la reconnaissance de cette approche de
construction et en faciliterait sa diffusion. Ces difficultés levées un plus grand nombre de
personnes pourront construire leur maison de cette manière. Il faudra toutefois s’assurer de
former de la main-d’œuvre compétente pour construire, une mission qui pourra être endossée
par Archibio.
Le gouvernement fédéral :
Par la Société canadienne d’hypothèque et logement, tout en continuant à faire de la recherche
du contôle de la qualité, pourra contribuer à la diffusion de la technique auprès des constructeurs
pour la rendre accessible au plus grand nombre. La SCHL est un organisme incontournable
dans la reconnaissance et la diffusion de la technique.
Le gouvernement provincial :
Celui-ci pourra intervenir au niveau du Code du bâtiment. Il interviendra également pour la
diffusion de la technique auprès des associations professionnelles et des divers publics
concernés tout en favorisant la recherche et le développement de celle-ci.
Il apportera un support financier à l’organisme sans but lucratif Archibio dans la poursuite de
sa mission.
Archibio :
Le groupe d’intervention en architecture écologique devra mettre sur pied un programme de
diffusion et de promotion pour faire connaître la technique auprès de différents publics,
comme les associations professionnelles, les municipalités, les différents ministères tant
provinciaux que fédéraux susceptibles de s’intéresser à la construction et au développement
durable, etc. Dans un deuxième temps un programme de formation pourra être mis sur pied
101
«This straw appears small and ligth, and most people do not know how really weighty it
is. If people knew the true value of this straw, a human revolution could occur, which
would become powerful enough to move the country and the world» (Fukuoka, 1975)
À la lecture de ces données nous constatons que la vie des répondants s’organise dans un espace
que nous nommerons critique par rapport à la société industrielle. Ce sont des personnes qui
démontrent une ouverture sur le monde et qui font preuve d’une prise de conscience tant
sociale qu’environnementale. Sans vouloir uniformiser le discours de ceux-ci, on ne peut que
constater que le mode de vie de chacun trouve un écho dans celui des autres. Ici on a intégré
les différentes problématiques de l’époque : la crise environnementale et les problèmes qu’elle
occasionne comme la surconsommation des ressources et la surproduction des déchets. Ils ont
choisi, pour répondre à ces problématiques, de se responsabiliser, sans attendre de l’État qu’il
légifère pour forcer à diminuer la consommation d’énergie, d’eau, de ressources et de déchets.
Si l’approche écosystémique force à traiter les problématiques environnementales d’une
manière globale, le mode de vie que favorise les répondants à cette recherche participe de la
même approche. Ici on aborde les problèmes de manière globale, holistique.
Le titre évocateur du chercheur scientifique Fukuoka «La révolution d’un seul brin de paille»
préfigure des changements à venir. Même si ce livre s’applique à une forme d’agriculture qui
n’utilise pas de produits chimiques et qui préconise un travail minimum du sol, de telle sorte
qu’on a appelé celle-ci l’agriculture sauvage. Bien qu’encore peu utilisée, cette pratique
103
connaît des résultats intéressants et de plus en plus de fermes à travers le monde l’utilisent.
L’utilisation de la paille dans la construction, d’objet concret qu’il est au départ, devient un
révélateur et un prétexte à expérimenter et à explorer un mode de vie différent. La paille
devient une allégorie qui permet l’émergence d’un nouveau syncrétisme. Ici fusionne l’affirmation
d’une nouvelle citoyenneté qui a intégré les différents courants de la pensée «post idéologique»
dont on constate l’émergence avec l’effondrement du mur de Berlin et «néo environnementale» qui
participe à la postmodernité, entre déconstructivisme et reconstructivisme .
«La postmodernité est plurielle, elle se tisse dans la mouvance, l’abolition des ordres
antérieurs, le questionnement et la recherche. Elle se caractérise entre autres par la
coexistence de diverses manifestations de nihilisme (déconstructiviste) et par diverses
avenues transformationnelles (reconstructivistes)». (Sauvé, 1998).
C’est à dire qu’ici il est question de construire un monde nouveau, différent, loin de la
polarisation politique (gauche/droite) et dont la forme s’organise à partir du vécu quotidien,
en dehors de la sphère des groupes de pression (environnementaux).
«Économie, écologie : presque le même mot. Le premier parle de la «mesure» (nomos),
le second du «sens» (logos). L’économie écologiste, c’est une activité mesurée, orientée
par un sens.» (Lipietz, 1993)
Le logos s’affirme d’abord à travers l’oïkos: la maison devient le lieu de l’application de cette
nouvelle conscience environnementale. Elle rejoint le nomia de l’autre oïkos, c’est à dire de
l’économie qui est l’art de la réduction par excellence. Cette racine grecque commune à
l’écologie et à l’économie nous révèle leur interdépendance et se situe dans la sphère de la
relation au milieu de vie.
«Oïkos se construit et se transforme à la jonction entre nature et culture : elle est faite des
composantes biophysiques du milieu, en étroite interaction avec les composantes socio-
culturelles des populations qui y vivent.» (Sauvé, 1998 )
vie des répondants puise ses racines dans le courant social de la Simplicité volontaire, celui-
ci propose un mode de vie différent de celui de la majorité de nos contemporains vivants dans
les pays développés. Il se veut une réponse à nos problèmes de société particulièrement en ce
qui concerne la surconsommation et la pollution excessive.
«Il est basé sur une recherche active par laquelle sont repensés tous les aspects de la vie
et leurs implications sur la communauté et sur l’environnement; sur le plan matériel cela
entraîne nécessairement une simplification du mode de vie.» (Malie Montagutelli, 1986).
Devant les différents constats des dégradations successives et la prise de conscience de notre
mode de vie destructeur, un nombre croissant d’individus ont choisi une philosophie et un style
de vie pour être cohérents avec leur pensée. Ce choix est d’abord individuel et volontaire, il
n’est pas dicté par une quelconque autorité supérieure, ce n’est pas non plus un dogme ou une
doctrine qui enfermerait l’individu, mais un choix conscient qui revêt une forme différente
selon l’individu qui le pratique. Un choix difficile puisqu’il s’inscrit à contre courant du
discours dominant qui, malgré les prises de conscience quant à la limite des ressources et les
conséquences dévastatrices de notre mode de vie sur l’environnement (dégradation des
ressources, dégradation des biodiversités et dégradation de la qualité de vie) continue de faire
la promotion de la consommation pour assurer la croissance et la «santé économique». Au lende-
main des évènements du 11 septembre 2001, certains chefs d’états n’ont-ils pas fait la
promotion de la consommation pour contrer les effets négatifs d’un tel évènement!
La Simplicité Volontaire puise son inspiration à plusieurs sources. Une de ses origines plonge
ses racines dans une secte religieuse : les Quakers, fondée en 1652 par l’anglais George Fox.
Les Quakers sont nés en réaction au conformisme et au ritualisme de l’Église Anglicane, ils
migrent en Amérique, d’abord à la Barbade, ensuite au Rhodes Island et enfin en
Pennsylvanie, état créé par Willian Penn, Quaker lui-même qui reçoit cet état par charte
royale. Les Quakers croyaient en la bonté de l’homme, leur pratique n’est pas dogmatique et
chacun est libre de suivre sa conscience. Ils avaient des convictions libertaires, ils s’op-
posèrent très tôt à l’esclavage (création de la société contre l’esclavage: 1755) et étaient con-
nus pour être pacifiques. On les retrouve à l’origine du mouvement pacifiste aux États-Unis
105
au début du dix-neuvième siècle, ils se battent pour un monde plus juste et pour une plus
grande égalité, on les retrouve dans la lutte contre le nucléaire, la faim dans le monde, etc. La
section de San Francisco en 1974 élabore un système pour proposer un mode de vie plus réaliste
que le mode de vie dominant aux États-Unis, le «Simple living Collective». Celui-ci est en
conformité à leur croyance et leur mode de vie qui préconise déjà la simplicité mais le principe
sera dorénavant appliqué aux divers aspects de la vie: la consommation, l’énergie, la nourriture,
le travail, la santé, la vie économique et politique.. .Le livre «Taking Charge» publié en 1977
présente cette approche. Le courant de la Simplicité volontaire émerge donc d’un courant
religieux et philosophique. Mais il n’est pas le seul. Au milieu du dix-neuvième siècle les
Trancendentalistes, influencés par les philosophies orientales, préconisaient la simplicité dans
la vie quotidienne pour atteindre leur objectif spirituel. Le plus connu de ceux-ci, Henri David
Thoreau, a publié en 1854 : «Walden ou la vie dans les bois», qui relate sa propre expérience.
Celui-ci vécut deux ans dans une petite maison dans les bois où il fit l’expérience d’une vie
simple et méditative, une vie empreinte de simplicité matérielle favorable à la recherche
spirituelle, il termine son ouvrage avec ces mots :
«J’appris au moins ceci par mon expérience: que si l’on avance avec confiance dans la
direction de ses rêves, si l’on s’efforce de vivre la vie que l’on a imaginée, on trouvera
un succès inattendu dans la vie ordinaire...À mesure que l’on simplifie sa vie, les lois de
l’univers apparaîtront moins complexes, la solitude ne sera plus solitude, la pauvreté ne
sera plus pauvreté, ni la faiblesse faiblesse.» (Thoreau, 1854)
H. D. Thoreau est une figure emblématique aux Etats-Unis. Il incarne des valeurs comme
l’amour de la liberté, le respect de la personne humaine et de la nature et enfin de la quête
spirituelle,valeurs dans lesquelles se retrouvent un nombre non négligeable d’américains, en
particulier ceux qui adhèrent à l’idée de la Simplicité Volontaire. Une autre influence importante,
et qui rejoint celles déjà nommées nous vient de l’Inde. C’est Gandhi, le libérateur pacifique de
ce pays, qui s’est d’ailleurs inspiré de l’essai sur la désobéissance civile de H. D. Thoreau pour
mener à bien ses actions de libération, qui l’a érigé en système social inspiré d’une philosophie
et d’une pensée religieuse qui prônait des valeurs simples et essentielles. Sans rien avoir
d’ésotérique ce système visait la satisfaction des besoins par leur réduction délibéré et
systématique au contraire de leur multiplication. La simplicité et la frugalité étaient au cœur
de son modèle socio-politique. C’est un américain, Richard Gregg, docteur en droit et diplômé
de l’université de Harvard, qui a rejoint le Mahatma Gandhi et a passé sa vie en Inde, qui le
106
premier nomme la Simplicité Volontaire. C’est dans un article du journal hindou le Visva
Bharati Quaterly (1936) que celui-ci reprend les idées maîtresses de Gandhi et en donne une
première définition :
«La Simplicité volontaire requiert à la fois des conditions intérieures et des conditions
extérieures. La simplicité volontaire implique un objectif unique, de la sincérité et de
l’honnêteté vis-à-vis de soi-même. Cela signifie aussi éviter le désordre et la trop grande
diversité, éviter de posséder beaucoup de choses qui n’ont rien à voir avec le but princi-
pal de la vie. Il nous faut ordonner et guider notre énergie et nos désirs, nous restreindre
dans certaines directions afin de permettre une plus grande abondance dans d’autres. Cela
implique une organisation réfléchie de la vie, en vue d’un certain objectif.» (Gregg, 1936)
Le chemin à parcourir est donc un choix personnel guidé par une réflexion de tous les instants
et qui donne une direction à notre action. Le dépouillement facilite la quête et la récompense
sera de découvrir une joie durable et réelle et non pas illusoire comme peuvent en procurer les
jouissances matérielles. Elle est avant tout un choix moral qui permettra une distribution des
biens matériels de manière plus juste et équitable. La vie quotidienne sera transformée par cette
prise de conscience et celui « qui repense ainsi sa vie aura le pouvoir de changer la société dans
laquelle il vit » (Malie Montagutelli). Enfin comme nous sommes tous des consommateurs, la
simplicité agira directement à ce niveau de telle sorte que chaque individu pourra agir sur la vie
économique de la société. Tout cela a nécessairement des implications politiques puisqu’en
diminuant notre consommation nous réduisons l’exploitation des êtres humains. Nous retrouvons
ici le slogan déjà nommé de : Acheter c’est voter! Cette idée de la Simplicité Volontaire est
intéressante à suivre puisqu’elle forme un pont entre l’Orient et l’Occident, d’un point de vue
philosophique d’abord mais aussi d’un point de vue pragmatique.
L’idée a fait du chemin depuis la publication de cet article en 1936. Elle a été largement reprise
par des économistes, des sociologues et des écologistes qui y ont vu une possibilité de solution
aux déséquilibres planétaires et aux problématiques environnementales. L’économiste et
philosophe E.F Schumacher a travaillé sa vie durant à propager et à développer cette idée qu’il
nous livre dans son désormais célèbre ouvrage «Small is beautiful» (1973). Il nous propose de
changer l’économie par l’adhésion à des principes philosophiques stricts qui constituent les
107
valeurs de base de son mode de pensée. L’homme est au centre de ses préoccupations et
celui-ci occupera la première place de telle sorte que la taille des institutions et des structures
seront à sa hauteur. « L’homme est petit, par conséquent ce qui est petit est beau. Aller vers le
gigantesque, c’est se diriger vers l’autodestruction. » (Schumacher, 1973). Il a pu mettre
lui-même ses différentes théories à l’épreuve dans plusieurs pays du Tiers Monde, en Inde et
en Afrique notamment, mais aussi aux Etats-Unis. Il crée ainsi un programme d’action basé
sur les technologies intermédiaires devenu par la suite technologies appropriées, celle-ci sont
à visage humain, parceque plus simples, moins coûteuses et moins contraignantes que la
super-technologie des pays développés.
«Elle offrira l’avantage d’une grande souplesse d’adaptation aux différentes conditions
socio-économiques et de plus rendra à l’homme toute sa dignité. Elle convient aux pays
riches comme aux pays pauvres; simplement pour les premiers, elle représente un choix,
une politique consciente traduisant le désir de ne plus surexploiter ni surconsommer,
alors que pour les seconds, elle apporte l’espoir de sortir de la misère.» (Schumacher,
1973)
La Simplicité Volontaire prend son essor au tournant des années 1975 elle s’effectue en réaction
à la société de consommation et de gaspillage et en s’alimentant au discours écologiste, elle
rejoint les individus qui ressentent le besoin d’une plus grande liberté, entre autre le mouvement
du retour à la terre, mais aussi le désir de retrouver des racines et celui de vivre son quotidien
dans la paix et l’harmonie. Elle est largement tributaire du mouvement et des idées de la
contre-culture des années 1970 qui par la somme de ces expériences forme une subculture. Le
sociologue Duane S. Elgin, à l’époque ou il faisait partie de l’institut de Recherches de
Stanford a étudié ce phénomène. Par la suite il écrit le livre «Voluntary Simplicity, Toward a
108
Way of Life That is Outwardly Simple, Inwardly Rich», dans lequel il divise l’ensemble de la
société en quatre catégories relativement à la Simplicité Volontaire
• Les adeptes qui sont engagés dans le mode de vie et qui sont les activistes du
mouvement ;
• Les adeptes partiels qui, bien que pratiquant le mode vie, manquent de cohérence ;
• Les sympathisants qui, bien que d’accord avec l’idée, n’ont pas changé leur mode de
vie. Ceux-ci jouent un rôle capital : le mouvement dépend de leur volonté
d’harmoniser leur mode de vie avec leurs valeurs ;
• Et enfin les indifférents, les ignorants ou les opposés où on retrouve ceux qui n’ayant
pas connu l’abondance vont la rechercher à tout prix, et à l’autre extrémité de
l’échelle sociale ceux qui sont orientés vers la réussite et qui voit la Simplicité
Volontaire comme une menace à leur style de vie.
Il serait plus exact de parler de courant plutôt que de mouvement. La démarche est, rappelons-le,
personnelle et aucune organisation ne donne des directives, on ne se conforme pas à un
comportement type mais on adhère à des idées. La manifestation de ces idées est riche et
complexe et elle intervient à différents niveaux. Il est d’abord question d’améliorer la qualité
de vie sans que cela passe nécessairement par le plan matériel. Il est aussi question d’un
désaveu du système politico-économique mais aussi de la possibilité d’assumer ses
responsabilité vis-à-vis des autres. Cela correspond à la recherche d’un modèle social et
finalement à un art de vivre qui permet de s’épanouir en fonction d’un idéal.
« La Simplicité Volontaire n’est pas du tout un mouvement de retour à la nature, ni une
« dé-modernisation » dans une vie de pauvreté qui refuserait la technologie sophistiquée,
mais une approche raisonnable en fonction des ressources disponibles sur la planète. Sur
le plan de la vie quotidienne, c’est une prise de conscience, une façon de vivre plus
responsable, plus autonome, plus gratifiante pour l’individu. » (Malie Montagutelli)
Concrètement, ces prises de conscience ont amené un nombre croissant d’individus à changer
leur mode de vie pour être conséquent avec leur pensée. Ceci s’inscrit dans le penser globale-
ment et agir localement. Cinq principes guident ces actions :
Ces principes s’appliqueront à la vie quotidienne et s’ils décrivent le mode de vie des adeptes
de la Simplicité Volontaire, chacun les appliquera à sa façon et selon ses moyens mais aussi
au gré de son imagination voire de sa fantaisie !
Au Québec Serge Mongeau, médecin et écrivain, écrit en 1985 le premier ouvrage québécois,
«La Simplicité volontaire», sur le sujet. Devant le succès de son livre, il publie une deuxième
édition enrichit en 1998 : «La Simplicité Volontaire, plus que jamais...». Ce livre connaît
également un franc succès pour ce type de littérature qui témoigne de la popularité grandis-
sante de ce mode de vie auprès des Québécois et des Québécoise. Si la pratique de ce mode
de vie est individuelle elle ne va pas à l’encontre du regroupement. En effet des groupes se
sont formés et proposent une mise en réseau des individus qui veulent promouvoir ce mode
de vie. Internet est le médium privilégié de cette mise en réseau.
Comme nous l’avons mentionné dans le profil particulier des répondants, la grande majorité
d’entre eux se retrouve dans l’idée de la Simplicité Volontaire. Leurs actions personnelles cor-
respondent bien aux principes qui guident ce choix. Une conscience globale et une action
locale que nous retrouvons dans les choix de la manière de construire mais aussi dans la
manière de consommer. La simplification du mode de vie apparaît dans toutes les manifestations
de celles-ci. Nous l’aurons compris il s’agit ici, tout comme le cadre de référence des 5RV2E,
de faire plus avec moins. Ces quelques éléments d’analyse nous ont permis de faire le lien
entre les éléments bio-physiques (l’habitat viable) de notre recherche et le parcours particulier
des répondants qui s’inscrit dans ce cheminement et tire leurs racines dans le mouvement
social de la contre culture des années 1970. Les limites de cette recherche ne se prêtent pas à
une analyse en profondeur de ce phénomène. Une prochaine recherche devra explorer les
aspects sociologiques de cette réalité afin de les approfondir. Cela nous permettrait entre autre
de développer davantage les liens entre la réalité de la conservation de l’environnement dans
110
une manifestation matérielle qu’est la construction d’une maison et l’esprit qui habite les indi-
vidus qui participent à cette réalité. Cette compréhension accrue du cheminement particulier
de ces individus. nous aiderait à relever les déterminants de ce mode de vie dans le but d’éla-
borer un plan de sensibilisation, voire d’éducation, en vue de contribuer au développement
d’un avenir viable. L’enjeu en vaut certainement la peine puisque ce projet de vie est porteur
d’espoir :
«La Simplicité Volontaire représente une source de vitalité pour les société développées
capable de leur amener la renaissance, de redonner de l’élan aux forces créatrices.
Historiquement, ces sociétés passent par quatre phases, la croissance intensive, l’é-
panouissement, le déclin et l’effondrement. Dans cette perspective, la Simplicité
Volontaire serait la lumière au bout du tunnel, la promesse de renouveau.» (Duane S
Elgin, 1981)
Ici les répondants nous montre une troisième possibilité en dehors d’une dualité passéiste/pro-
gressiste «une troisième possibilité : celle d’une application de la technologie plus
respectueuse de l’environnement» (Des Jardins, 1995)
111
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APPENDICE B
B1 Résultat 126