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Pédiatrie

B 256

Hérédité monofactorielle
Construction et interprétation d’un arbre généalogique. Principes du conseil génétique
Dr Pascale de LONLAY
Département de génétique médicale (Pr A. Munnich, Pr S. Lyonnet), groupe hospitalier Necker-Enfants Malades, 75743 Paris cedex 15

Points Forts à comprendre contraire, si les allèles sont différents, il est dit hétérozy-
gote. L’ensemble des gènes situés sur les chromosomes,
eux-mêmes présents dans toutes les cellules somatiques,
• Le conseiller génétique a un but d’information réalise le génotype ou patrimoine héréditaire de l’individu.
sur le risque de récurrence d’une maladie Le génotype rend compte du phénotype qui représente l’ap-
génétique héréditaire ; il reçoit les couples parence clinique du sujet. Une maladie monofactorielle est
consanguins, âgés, ou présentant un trouble due à une erreur (ou mutation) survenue sur le génotype.
de la fécondité. Il permet un diagnostic prénatal
pour beaucoup de maladies, par des techniques Hérédité autosomique
cytogénétiques, biochimiques ou moléculaires Le caractère étudié est codé par un gène situé sur une des
(diagnostics direct et indirect à partir de l’ADN 22 paires d’autosomes.
fœtal).
• Les difficultés du diagnostic prénatal lorsque 1. Hérédité autosomique dominante
le diagnostic moléculaire direct ne peut être fait • Définition : le caractère étudié est déterminé par un gène
sont les phénocopies, l’hétérogénéité génétique (ou allèle) à l’état de simple copie. Le caractère est ainsi
et le risque de recombinaison pour le diagnostic exprimé, que le sujet soit hétérozygote pour cet allèle ou
moléculaire direct et reconnaître une mutation homozygote pour ce même allèle. Ainsi, dans une maladie
« de novo » d’un parent conducteur dans un cas de transmission autosomique dominante, les sujets atteints
isolé de maladie dominante (pénétrance sont indifféremment des garçons et des filles, nés d’un
incomplète et variabilité d’expression) parent atteint de l’affection ; parmi les frères et sœurs du
ou de maladie liée au sexe (mère conductrice malade, on compte en moyenne un sujet atteint pour un
dans deux tiers des cas) dans la fratrie du fœtus. sujet sain (risque de transmission de 50 %, quel que soit le
sexe) ; les germains sains n’ont eux-mêmes que des enfants
sains. La maladie se transmet ainsi verticalement si la péné-
trance de la maladie est complète.
La génétique est une science en plein essor. L’élaboration • Pièges : la pénétrance d’un gène est le pourcentage de
de la cartographie génétique humaine a permis la localisa- sujets porteurs d’un gène dominant qui en présentent les
tion et l’identification des gènes et ainsi, pour beaucoup de manifestations phénotypiques. Si la pénétrance de la mala-
maladies, un diagnostic moléculaire et un diagnostic pré- die est incomplète, un sujet porteur de l’allèle délétère peut
natal fiables. ne montrer aucun signe de la maladie. De la même façon,
on peut observer au sein d’une même famille un phéno-
type variable : on parle d’expression variable d’un gène.
Hérédité monofactorielle La pénétrance incomplète et l’expression variable d’un
gène sont deux pièges classiques en matière de conseil
La cellule somatique diploïde est composée de 46 chro- génétique. En effet, le généticien clinicien qui ne note
mosomes ou 23 paires de chromosomes. Chaque paire est aucun signe clinique de la maladie chez les parents d’un
constituée d’un chromosome d’origine maternelle et d’un patient peut croire à tort à une mutation de novo et de ce
chromosome d’origine paternelle (les gamètes ou cellules fait donner un conseil génétique rassurant. Une mutation
germinales sont haploïdes). Les 22 premières paires sont de novo est une erreur génétique survenue dans une cellule
appelées les autosomes et la 23e paire les gonosomes ou germinale de l’un des parents du sujet atteint. Le risque de
chromosomes sexuels, XY pour l’homme et XX pour la récidive dans la fratrie de ce patient est négligeable, iden-
femme. Chaque chromosome est constitué d’une molécule tique à celui de la population générale, alors que dans la
d’ADN sur lequel sont définis des sites ou locus. Chaque descendance du sujet atteint, il sera de 50 %. L’âge pater-
chromosome étant en deux copies, chaque gène est lui- nel élevé favorise pour certaines maladies autosomiques
même en double exemplaire (allèles). Les allèles corres- dominantes la survenue des mutations de novo. Dans les
pondent à toutes les formes alternatives d’un gène à un mosaïques germinales, alors que l’histoire familiale est en
locus donné. Si les 2 allèles pour un gène donné sont iden- faveur d’une mutation de novo, l’erreur génétique est conte-
tiques, l’individu est dit homozygote pour ce locus. Au nue dans plusieurs cellules germinales de l’un des parents

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III

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Transmission autosomique dominante. On observe autant de filles que de garçons atteints dans les fratries. Les individus non
atteints ont des enfants sains. Il y a deux exemples de transmission père-fils (II6-III11 et III11-IV9). Exemples de maladies domi-
nantes : achondroplasie, maladie de Steinert, sclérose tubéreuse de Bourneville. (D’après 1).

du sujet atteint (parents cliniquement sains). Le risque de mique récessive, ce d’autant que la fréquence de la muta-
récidive dans la fratrie du sujet atteint est alors supérieur à tion est faible car les deux conjoints ont reçu un gène iden-
celui de la population générale. Les phénocopies corres- tique venant d’un ancêtre commun. La loi de Hardy-Wein-
pondent à un tableau clinique ressemblant à celui de la berg permet de donner la fréquence d’un allèle récessif
maladie génétique mais dont l’origine est différente (autres autosomique par le développement de l’équation (p+q)2 =
gènes, facteurs environnementaux…). p2+2pq+q2 où q est la fréquence de l’allèle muté et p celle
Le diagnostic prénatal d’une maladie autosomique domi- de l’allèle normal, dans une population vaste où les unions
nante peut poser un problème éthique par son pronostic se font au hasard, sans sélection ni migration, et où les taux
souvent non catastrophique, une expression variable de la de mutations se font à taux constant. La fréquence q du
maladie et la possibilité d’une néomutation. gène muté est alors égale à la racine carrée du nombre de
malades q2.
2. Hérédité récessive
• Définition : seuls les sujets homozygotes pour un allèle Hérédité liée au chromosome X
muté sont atteints. Ils naissent de l’union de deux parents
cliniquement sains et tous les deux hétérozygotes (porteurs 1. Hérédité récessive liée à l’X
d’un allèle non muté et d’un allèle muté). Le risque de réci- • Définition : la maladie est due à un gène porté par les
dive dans la fratrie du patient est de un quart à chaque chromosomes sexuels ou gonosomes. L’homme possédant
conception, quel que soit le sexe. À chaque conception, un seul chromosome X et la femme deux, un caractère
4 combinaisons génétiques sont possibles : 1 enfant sur 4 récessif s’exprimera toujours chez l’homme car il est en
est homozygote pour l’allèle sain, 2 enfants sur 4 sont hété- unique exemplaire, et uniquement à l’état homozygote chez
rozygotes comme leurs parents, et 1 enfant sur 4 est homo- la femme. Un homme atteint transmettra à toutes ses filles
zygote pour l’allèle muté et donc malade. un chromosome X porteur de l’allèle mutant (toutes
• Fréquence : les mariages consanguins augmentent la pro- conductrices). Une femme saine conductrice (hétérozy-
babilité d’avoir un enfant atteint d’une maladie autoso- gote) aura 50 % de filles conductrices et 50 % de garçons

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Transmission autosomique récessive. Les parents (hétérozygotes) d’un frère et d’une sœur atteints sont en bonne santé, les
enfants d’un individu atteint sont en bonne santé. Exemples : la plupart des erreurs innées du métabolisme, mucoviscidose, amyo-
trophie spinale infantile, ataxie de Friedreich. (D’après 1).

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autosome (l’inactivation de l’X se fait sur l’X non translo-


I
qué pour préserver l’autosome de l’inactivation), une
consanguinité (homozygotie).

II
• • 2. Hérédité dominante liée au sexe
Il s’agit de la transmission d’un caractère dominant porté
III
• par le chromosome X. Les sujets atteints sont des deux
sexes, mais il y a en théorie deux fois plus de filles atteintes
que de garçons. Cependant, en pratique ces affections sont
IV 3 2 5 2 le plus souvent létales chez le garçon. Il n’y a pas de trans-
mission père-fils. Les hommes atteints n’ont que des filles
atteintes et des fils sains. Les femmes atteintes auront un
3 enfant sur deux atteint, quel que soit le sexe (comme dans
Transmission récessive liée à l’X. Toutes les filles d’un l’hérédité autosomique dominante).
homme atteint sont conductrices obligatoires (II3 et II5). III7
est aussi conductrice obligatoire, dans la mesure où elle a un Hérédités non classiques
frère et un fils atteints. III5 est une conductrice potentielle, mais
la probabilité qu’elle soit conductrice, sachant qu’elle a 5 gar-
1. Hérédité mitochondriale
çons en bonne santé, est faible. Exemples de maladies : myo- Bien que la plupart des sous-unités enzymatiques de la
pathies de Duchenne de Boulogne et de Becker, syndrome de mitochondrie soient codées par le génome nucléaire, la
Lowe, retard mental avec fragilité du chromosome X, maladie mitochondrie a son propre génome, présent en plusieurs
de Hunter. (D’après 1). copies dans chaque mitochondrie. Un tissu, une cellule, ou
même une mitochondrie peuvent contenir un mélange de
molécules normales et mutantes d’ADN mitochondrial : on
atteints suivant le chromosome X qu’elle leur transmettra. parle d’hétéroplasmie. Seules les mitochondries d’origine
Une femme atteinte (homozygote) donnera uniquement des maternelle étant transmises lors de la fécondation, la trans-
gamètes X mutants à ses filles (toutes conductrices) et à mission des mutations mitochondriales est maternelle. Tous
ses garçons (tous atteints). Ainsi une maladie récessive liée les enfants d’une mère porteuse d’une mutation mito-
à l’X touche les garçons et se transmet par les femmes. Il chondriale sont atteints à des degrés variables, selon le taux
n’y a donc jamais de transmission père-fils. Un caractère de mutations porté par les cellules germinales.
récessif lié à l’X peut être hérité ou apparaître de manière
sporadique (mutation de novo). Dans un cas sporadique, la 2. Mosaïques germinales
probabilité a priori qu’une femme ayant un garçon atteint Les mosaïques ne concernent pas que les maladies auto-
soit conductrice est de 2 sur 3. À l’inverse, la probabilité somiques dominantes (se référer au chapitre « hérédité
qu’il s’agisse d’une néomutation est de un tiers. autosomique dominante »).
• Fréquence : l’équation de Hardy-Weinberg est aussi
applicable à l’hérédité récessive liée à l’X. La fréquence 3. Mutations concernant les régions soumises
des hommes atteints est donnée par la fréquence du gène à empreinte parentale et disomie uniparentale
q ; la fréquence des femmes conductrices est de 2pq (fré- Les gènes soumis à empreinte sont d’expression mono-
quence des hétérozygotes) et la fréquence des femmes bien allélique, leurs allèles n’ayant pas le même rôle selon qu’il
portantes est de p2 + 2pq (homozygotes saines et hétéro- s’agit de l’allèle maternel ou de l’allèle paternel. Une diso-
zygotes). mie uniparentale (DUP) de l’un des allèles ou une délétion
• Théorie de l’inactivation de l’X de Mary Lyon : certaines de l’autre allèle peut entraîner une pathologie, tels le syn-
femmes conductrices peuvent manifester des signes cli- drome d’Angelman en cas de délétion maternelle ou de
niques de la maladie, expliqués par la théorie de l’inacti- disomie uniparentale paternelle en 15q11 et le syndrome
vation de l’X de Mary Lyon. Dans les cellules somatiques de Prader-Willi en cas de délétion paternelle ou de diso-
46 XX, l’un des deux X est inactivé. Cette inactivation se mie uniparentalematernelle en 15q11. Ces syndromes sont
fait au hasard et très précocement au cours du développe- le plus souvent sporadiques.
ment de chaque tissu, puis se maintient au cours des divi-
sions cellulaires (l’inactivation est clonale). La femme se 4. Cas particulier des répétitions instables
comporte ainsi comme une mosaïque physiologique. Une de trinucléotides
inactivation aléatoire préférentielle pour le chromosome X Lorsque le phénotype s’aggrave de génération en généra-
normal – non porteur du gène muté – peut expliquer l’exis- tion, on parle d’anticipation. Ce phénomène est observé
tence de signes modérés, cliniques ou biologiques, chez lorsque la mutation est une répétition instable de trinu-
des femmes conductrices. C’est pourquoi par exemple, on cléotides, comme dans le retard mental lié à l’X avec fra-
dosera les enzymes musculaires chez la mère d’un garçon gilité du chromosome X (transmission récessive liée à l’X),
atteint d’une myopathie de Duchenne. la maladie de Steinert (autosomique dominante), les mala-
• Femmes atteintes d’une maladie récessive liée à l’X : on dies neurologiques dégénératives comme la maladie de
recherchera un syndrome de Turner (femme 45, X) ; un tes- Huntington (autosomique dominante) et plus récemment
ticule féminisant (caryotype 46, XY) ; une translocation X- la maladie de Friedreich (autosomique récessive).

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HÉRÉDITÉ MONOFACTORIELLE

Conseil génétique Homme Mariage

Définition Femme
Union
extra-maritale
Le conseil génétique destiné à un couple confronté à un Sexe indéterminé
risque de maladie génétique ou pour lequel l’obstétricien ou grossesse en cours Divorce
a décelé une anomalie fœtale lors d’une grossesse en cours, Nombre d'individus
était autrefois fondé sur une consultation d’information sur 4 2 de même sexe Union consanguine

la nature de l’affection en cause et son risque de récurrence


familiale. Actuellement, grâce aux progrès de la biologie Atteint Jumeaux
monozygotes
moléculaire, elle permet également de dépister les fœtus Hétérozygote pour un
sains et atteints dans beaucoup de maladies. Le diagnostic trait récessif autosomique
Jumeaux dizygotes
prénatal nécessite que le diagnostic ait été établi de façon
objective chez le patient atteint, par des procédés molécu- • Conductrice d'un trait
récessif à l'X ? Jumeaux :
zygotisme inconnu
laires si le gène est connu, par des dosages biochimiques
Cas index
pour les maladies dues à des déficits enzymatiques, ou par 1 2
I
un caryotype pour les anomalies chromosomiques (atten- Décédé
Numérotation des
individus dans un
tion aux phénocopies). Les tests utilisés ont pour unique 1 2 3
arbre généalogique
but de dépister la maladie en cause, et non toutes les mala- Mort in utero
II
dies. Le généticien ne prend aucune décision : le choix de
garder ou d’interrompre une grossesse d’un fœtus atteint
appartient au couple et à lui seul. Le conseiller génétique • Fausse couche
Pas de
est tenu au secret professionnel. Adoption descendance

Constitution d’un arbre généalogique Grossesse en cours


fœtus masculin
La réalisation d’un arbre généalogique permet d’établir le
mode de transmission d’une maladie génétique dans une
famille et de calculer un risque pour un couple de trans- 4
Symboles habituels pour la constitution d’un arbre généa-
mettre le caractère, en tenant compte de leur lien de parenté logique. (D’après 1).
avec le patient atteint. Les générations sont numérotées par
des chiffres romains ; à l’intérieur de chaque génération, indirect. L’utilisation de marqueurs génétiques (polymor-
les individus sont numérotés en chiffres arabes, de gauche phismes) localisés au voisinage du gène concerné permet
à droite, l’individu le plus âgé étant situé à gauche. de distinguer le chromosome normal du chromosome
mutant et de connaître ainsi le statut du fœtus. Le diagnostic
Différentes situations prénatal indirect nécessite de connaître avec certitude le
du diagnostic prénatal diagnostic de la maladie et sa localisation génétique (atten-
Il s’agit d’une démarche médicale multidisciplinaire néces- tion à l’hétérogénéité génétique). Il n’est applicable qu’aux
sitant la collaboration d’un généticien clinique, d’un formes familiales, et seulement si l’on dispose d’ADN du
pédiatre, d’un échographiste, d’un obstétricien, d’un cyto- cas index. Le risque de recombinaison rend le diagnostic
généticien ou d’un généticien moléculaire (voir : pour indirect moins fiable que le diagnostic direct ; on limite ce
approfondir / 1). risque en utilisant des marqueurs intragéniques.
• Maladie monogénique avec gène non localisé ; anoma-
1. Antécédent de maladie génétique héréditaire lies du métabolisme : le diagnostic prénatal se limitera aux
dans la famille méthodes non moléculaires avec dosages biochimiques
dans le liquide amniotique et dosage des activités enzy-
Après avoir vérifié le diagnostic exact chez le cas index, le matiques dans le trophoblaste en cas de déficits enzyma-
mode de transmission, et estimer le risque de récurrence, tiques, surveillance échographique en cas de malformation
on peut proposer un diagnostic prénatal : dépistable en période anténatale, diagnostic de sexe dans
• maladie monogénique avec gène et mutation connus les maladies de transmission liée au sexe.
chez le cas index : on peut proposer un diagnostic direct
• Antécédent d’anomalie chromosomique : le risque de
qui représente le cas idéal, sans risque d’erreur par recom-
récurrence est estimé en fonction du caryotype des deux
binaison mais qui n’est applicable que lorsque la mutation
parents ; la détermination du caryotype fœtal se fait sur cul-
est connue dans la famille : la même mutation est recher-
ture de cellules amniotiques de préférence (risque de mosaï-
chée chez le fœtus, par des méthodes de biologie molécu-
cisime dans les villosités choriales).
laire (utilisant le plus souvent la méthode PCR d’amplifi-
cation de l’ADN), idéalement à partir de prélèvements de
villosités choriales, ou à partir de cellules amniotiques obte-
2. Consultation pour anomalie fœtale
nues par amniocentèse (voir : pour approfondir / 2 et 3). sans antécédent familial
• Maladie monogénique avec gène localisée, voire connu, Il peut s’agir d’un retard de croissance intra-utérin, d’une
mais mutation non connue : on proposera un diagnostic anomalie échographique ; une hyperéchogénicité intesti-

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Pédiatrie

nale est par exemple évocatrice d’un iléus méconial et doit • Analyses biochimiques : risque de transmission d’une erreur congéni-
faire proposer un diagnostic moléculaire anténatal de tale du métabolisme de diagnostic fortement établi.
• Diagnostic moléculaire direct et indirect de maladies génétiques héré-
mucoviscidose ; une clarté nucale évoquant un hygroma ditaires dont le gène est localisé : analyse de l’ADN fœtal au mieux par
kystique doit faire rechercher un syndrome de Turner, un prélèvement de villosités choriales, sinon à partir de cellules amniotiques.
fémur court doit faire pratiquer un contenu utérin (radio-
graphie du squelette fœtal) à la recherche d’une dysplasie
squelettique ; dans tous les cas, il faut essayer de faire un 2 / Techniques de prélèvement
diagnostic, repérer une anomalie létale, apprécier le pro- • Amniocentèse : ponction de liquide amniotique se faisant entre 14 et
nostic du fœtus et en informer les parents ; un caryotype 18 semaines d’aménorrhée, après avoir localisé le placenta par échogra-
phie ; une ponction à l’aiguille retire 10 à 20 mL de liquide ; différents
anténatal par amniocentèse décèlera une anomalie chro- tests sont possibles : analyse biochimique directe, dosage de l’α-fœto-
mosomique. protéine, culture de cellules amniotiques pour caryotype fœtal ou dosage
d’activités enzymatiques, extraction de l’ADN fœtal. Le risque de conta-
3. Consultation pour âge maternel mination maternelle est moins fréquent que dans le cas d’un prélèvement
de villosités choriales.
Une amniocentèse avec caryotype anténatal est proposée • Choriocentèse ou biopsie des villosités choriales : se fait entre 10 et
à toute femme âgée de 38 ans ou plus du fait d’un risque 12 semaines d’aménorrhée, sous contrôle échographique, par voie trans-
accru de trisomie 21 ; le dépistage prénatal de défauts de vaginale ou transabdominale. Chaque prélèvement rapporte 5 à 30 mg de
fermeture du tube neural ou d’anomalies chromosomiques tissu, utilisé pour caryotype fœtal (mais préférer l’amniocentèse en rai-
son des mosaïques dans les villosités choriales), études biochimiques
telle la trisomie 21 est possible à partir de marqueurs mesu- (dosage d’activités enzymatiques), analyse de l’ADN fœtal (attention au
rés dans le sang maternel. Il s’agit de l’α-fœtoprotéine, de risque de contamination de cellules maternelles). Le risque de fausses
la β-hCG et de l’œstriol dont les valeurs sont rapportées au couches liées à la choriocentèse est de 1 % (variable en fonction des
terme de la grossesse (variation des taux tout au long de la centres d’obstétriques), plus élevé que pour une amniocentèse.
grossesse). • Cordocentèse : il s’agit du prélèvement de sang fœtal par une aiguille
introduite par voie transabdominale dans le cordon ombilical, à environ
18 semaines d’aménorrhée.
4. Consultation pour stérilité • Imagerie fœtale : l’échographie fœtale permet de détecter une anoma-
ou fausses couches à répétition lie fœtale idéalement entre 16 et 18 semaines d’aménorrhée. L’échocar-
diographie fœtale associée à la technique de doppler permet de déceler
On proposera un caryotype à la recherche d’un syndrome des malformations cardiaques dès la 15e semaine d’aménorrhée. Le
de Klinefelter en cas de stérilité masculine, et d’un syn- contenu utérin ou la radiographie font le diagnostic de dysplasies sque-
drome de Turner en cas de stérilité féminine ; on recher- lettiques, idéalement à la 20e semaine d’aménorrhée.
chera de même une agénésie des canaux déférents en cas Rarement, une biopsie de peau fœtale ou une biopsie hépatique fœtale
de stérilité masculine avec, si tel est le cas, une recherche (dosage enzymatique) peuvent être indiquées, via un fœtoscope.
moléculaire de mutations du gène CFTR (mucoviscidose).
Des fausses couches à répétition feront pratiquer un caryo- 3 / Diagnostic prénatal moléculaire : dia-
type des deux parents (remaniements chromosomiques gnostics direct et indirect
équilibrés). ■
Utilisables lorsque le gène de la maladie recherchée est localisé (dia-
gnostic indirect) ou connue ainsi que la mutation responsable de la mala-
die (diagnostic direct). Le diagnostic direct va directement rechercher par
Points Forts à retenir des techniques de biologie moléculaire la mutation responsable de la mala-
die après amplification de l’ADN fœtal (PCR). Il s’agit du diagnostic pré-
natal le plus fiable, pouvant se faire à partir d’une biopsie de villosités
• Les maladies génétiques monofactorielles ont choriales [(11 semaines d’aménorrhée (SA)] ou de liquide amniotique
plusieurs modes de transmission possibles qu’il (14 SA). Le diagnostic indirect permet de connaître le chromosome nor-
faut savoir reconnaître sur un arbre généalogique : mal ou mutant hérité par le fœtus grâce à l'utilisation de marqueurs ou
polymorphismes qui sont des variantes génétiques physiologiques à un
transmission autosomique dominante, même locus. Le diagnostic indirect nécessite une pathologie familiale et
autosomique récessive, récessive liée au sexe, d’avoir de l’ADN du cas index. Ses trois inconvénients sont le risque de
dominante liée à l’X, mitochondriale. recombinaison des allèles, diminué par l’utilisation de marqueurs intra-
• On recherchera également une mosaïque géniques, les cas où le statut d’une mère conductrice est incertain : risque
germinale (piège classique en matière de conseil d’avorter un fœtus ayant reçu les mêmes chromosomes que le cas index
avec une mère non conductrice (mutation de novo), pouvant conduire à
génétique), une disomie uniparentale si l’on un geste plus invasif pendant la grossesse, comme une biopsie de foie
dispose de marqueurs polymorphiques et une fœtal pour un fœtus de sexe masculin dont le frère est porteur d’un défi-
répétition instable de trinucléotides devant un cit en OTC (maladie métabolique du cycle de l’urée, récessive liée à l’X),
phénomène d’anticipation clinique. le risque d’hérétogénéité génétique (plusieurs gènes, soit plusieurs locus,
pour une même maladie) et de phénocopie.

POUR APPROFONDIR
POUR EN SAVOIR PLUS
1 / Indications du diagnostic prénatal Sizonenko PC, Griscelli C. Précis de pédiatrie. Chap 6, Géné-
• Analyses chromosomiques : âge maternel élevé, premier enfant porteur tique. Paris : Éditions Payot Lausanne, Doin ; 93-146.
d’une aneuploïdie, un des parents porteur d’un remaniement chromoso- Kaplan JC, Delpech M. Biologie nucléaire. Parizs : Médecine
mique, détermination du sexe fœtal pour une maladie liée au sexe, dépis- Sciences, Flammarion.
tage maternel pathologique (triple test), anomalie échographique du fœtus.

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