Infrastructure
177
Findings fait le point sur les travaux en cours dans les domaines opérationnels, économiques et sectoriels entre-
pris par la Banque mondiale et ses états members dans la Région Afrique. Le bulletin est publié périodique-
ment par le Centre de Documentation pour le compte de la Région. Les opinions émises dans Findings
n'engagent que le(s) auteur(s) et ne sauraient être attribuées au Groupe de la Banque mondiale.
Electrification des zones rurales : enseignements tirés de l'expérience
L'expérience acquise par la Banque jusqu'à
nos jours indique qu'il est rare que des pro-
grammes d'électrification rurale soient en
mesure de s'autofinancer. Cependant, il
s'avère que les populations rurales tirent des
avantages externes des principales synergies
créées avec l'introduction de l'électricité
(par exemple, on constate une amélioration
de leur accès à la communication et aux
services éducatifs ainsi qu'un rehaussement
de leur situation économique de même que
la création de centres de santé supplémen-
taires, le renforcement de la qualité des soins
fournis et des mesures de sécurité à travers le
pays). Les programmes d'électrification
rurale (PER) devraient chercher à optimiser
les bénéficies tant économiques que sociaux
qu'ils procurent. Certains des enseigne-
ments tirés et des pratiques optimales
appliquées (extraites des sources indiquées
en page 3) sont résumés ci-dessous.
Enseignements tirés
• Les facteurs essentiels au renforce-
ment de l'électrification incluent l'ex-
istence de conditions économiques prop-
ices ; l'engagement soutenu du gou-
vernement vis-à-vis des objectifs du
projet ; la mise en place d'institutions
publiques compétentes ; et la décen-
tralisation des centres de décision.
• L'extension des réseaux électriques
n'est pas toujours la solution la plus
rentable du point de vue coûts/effi-
cacité ; la décentralisation des modes
de prestation et des sources alterna-
tives d'énergie - telles photo-
voltaïques solaires, micro centrales et
autres sources d'énergies renouve-
lables - devrait être envisagée tout en
s'assurant que ce sera l'option de
développement la moins coûteuse qui
sera choisie. Il existe d'innombrables
moyens de réduire les coûts des
branchements par unité de réseau,
Février 2001
par exemple en introduisant des
équipements standards, une concep-
tion et une construction réticulées,
les procédés opérationnels et pra-
tiques optimales les mieux adaptés
aux conditions propres aux zones
rurales plutôt que de se fier à des pra-
tiques aux coûts élevés et dis-
pendieuses 'gold-plated' qui convien-
nent davantage aux zones urbaines.
• Les critères de sélection et d'organisa-
tion des priorités devraient être
ouverts et objectifs. Les ingérences
d'ordre politique au niveau de l'im-
plantation des PER peuvent forte-
ment augmenter les coûts du pro-
gramme d'extension.
• Les bénéfices que l'on peut tirer de
l'électrification découlent directe-
ment de l'usage qui en est fait ainsi
que des coûts des sources alternatives
d'électricité et d'énergie. Idéalement,
les PER devraient être introduits dans
des zones où il existe déjà une
demande pour des services qui
opèrent à l'aide d'électricité - en
général, il s'agit de zones de crois-
sance agricole où existent des entre-
prises rurales et où les revenus sont
d'origine rurale. Cependant, afin
d'amplifier et d'accélérer l'impact de
développement, il serait souhaitable
de fournir une assistance technique et
de procurer un type de services dont
les entreprises rurales ont besoin en
vue de stimuler la demande.
• La viabilité du projet dépend dans
une large mesure de la politique des
prix. Un système efficace de recou-
vrement des coûts (combiné avec des
moyens plus efficaces d'allouer les
subventions lorsque nécessaire)
représente l'élément le plus impor-
tant pour la viabilité sur le long terme
des PRE.
• Les familles rurales sont davantage
freinées par les charges initiales asso-
ciées au branchement des services que
par la perspective de régler des fac-
tures mensuelles. Il est nécessaire de
mettre en place des arrangements fin-
anciers conséquents afin que les coûts
des branchements soient plus abord-
ables.
• Subventionner les coûts opéra-
tionnels est une méthode qui s'est
avérée être considérablement contre-
productive et nuire à la situation
financière des services publics, à leur
capacité d'extension et, en dernière
analyse, aux PRE eux-mêmes.
• Il se peut que le secteur privé soit
intéressé à contribuer aux pro-
grammes d'électrification des zones
rurales, même si le pays est pauvre.
Toutefois, ce secteur exige la mise en
place préalable d'un cadre juridique
et d'options de gestion des risques, y
compris la garantie de règles équita-
bles en termes de compétition et la
possibilité de récupérer l'ensemble de
ses investissements .
• Les PRE peuvent bénéficier large-
ment de l'implication des commu-
nautés locales ou, au contraire, souf-
frir de leur manque de participation.
• Les PRE parviendront à stimuler la
croissance économique et l'emploi si
d'autres conditions nécessaires sont
satisfaites . Les PRE parviennent à
réduire la pauvreté dans les zones
rurales, du fait d'une augmentation
générale des revenus causée par les
usages rentables de l'électricité.
• Les enseignements tirés des projets
d'électrification rurale qui ont réussi
démontrent qu'une fois que l'élec-
tricité est disponible dans une zone,
les ménages de classe moyenne et
riches sont les premiers à l'adopter.
Mais, si le projet se consacre unique-
ment à promouvoir l'usage de l'élec-
tricité auprès des ménages de moyens
modestes - en réduisant les frais de
branchement et les taux minimaux -
le taux d'adoption de l'électricité
croit considérablement, y compris
parmi les foyers les plus pauvres.
L'enquête révèle que dans les régions
où les taux d'adoption sont élevés, les
pauvres bénéficient largement des
programmes d'électrification rurale.
Par ailleurs, bien que ces derniers dis-
posent de moins de moyens que les
milieux aisés, ils opteront pour l'élec-
tricité si les politiques de branche-
ment leur conviennent. Sans électri-
fication des zones rurales ou tout
autre programme destiné à encour-
ager une couverture extensive des
populations pauvres, ces dernières
n'auront d'autre alternative que de se
procurer du kérosène, une source de
lumière médiocre et fort coûteuse.
• Il est difficile d'estimer le nombre de
personnes qui souhaiteraient avoir de
l'électricité mais qui, en fait, nient ce
besoin. De même, il n'est pas aisé de
mesurer la capacité et volonté des
populations d'assumer les charges
d'électrification.
• Les projets qui servent de démonstra-
tion (approche typiquement suivie
par les donateurs) ne procurent pas
une mesure exacte de la viabilité.
Pratiques optimales
Réforme du secteur de l'énergie (l'idéal
serait que les réformes soient continues
après que le projet a été évalué):
• Etablir un cadre de travail réglemen-
taire impartial, transparent qui inclu-
rait des garanties juridiques que les
services publics peuvent appliquer de
façon indépendante - c'est à dire par
le biais de contrats de gestion/conces-
sions.
• Approuver des principes réglemen-
taires qui permettent d'assurer une
discipline financière, des tarifs
adéquats et l'établissement de con-
trats avec les services publics sur une
base compétitive et incitative.
• Diviser les responsabilités entre les
autorités régulatrices et les compag-
nies chargées de l'exécution.
• Ouvrir le marché aux investissements
et opérateurs privés.
2
Etablissement des priorités
• Chacun des PER qui a réussi à
développé son propre - transparent -
système de classement a identifié les
zones qui devaient recevoir de l'élec-
tricité en priorité.
Durabilité financière/Recouvrement
des coûts
• Identifier d'une part les facteurs d'or-
dre économique qui peuvent limiter
l'extension des services électriques et
d'autre part les avantages
économiques potentiels qui
découleraient du choix pour des
options moins coûteuses et qui reposent
sur l'utilisation de sources d'énergie
alternatives.
• Assurer la durabilité commerciale afin
d'assurer que l'électrification des
zones rurales est viable.
• Un système rationnel de recouvrement
des coûts devrait prendre en consid-
ération les coûts d'investissement de
capitaux, le niveau de participation
locale, le nombre et la densité des
consommateurs, la demande
éventuelle en électricité, de même
que la volonté et la capacité de la
population de subvenir aux
paiements.
• Le régime des tarifs devrait garantir
que les PRE sont financièrement
viables et n'épuiseront pas les
ressources opérationnelles. Les tarifs
devraient couvrir le coût total de la
transmission/génération de voltage
moyen, en plus des coûts d'opération
et de maintenance de voltage faible.
Ils devraient également couvrir les
coûts de renouvellement du capital
éventuel.
• La structure des tarifs doit assurer
que toute subvention est juste,
équitable et durable. Un modèle "
efficace " de subvention améliore l'ac-
cès par les pauvres (rehaussement de
la qualité de la vie, réduction des
dépenses en énergie) ; appuie les
mesures incitatives pour une presta-
tion/consommation efficace. En
outre, un tel modèle doit être
appliqué en tenant compte des con-
 traintes financières et humaines du
gouvernement/de la puissance élec-
trique. Des programmes de subven-
tion efficaces encouragent l'électrifi-
cation rurale. Une partie du capital
peut être subventionnée, obtenue à
des taux concessionnaires ou en tant
que don du gouvernement ou des
donateurs. Les subventions ne
devraient pas être utilisées pour les
charges opérationnelles. Un tarif
minimal faible est acceptable sur la
base de la redistribution des revenus.
• Limiter les coûts de construction/opéra-
tionnels : évaluer les critères tech-
nologiques disponibles durant la
phase de planification ; utiliser un
équipement peu coûteux ; recourir à
des technologies/approches innova-
trices et des vendeurs locaux ; stan-
dardiser les matériaux. Envisager l'u-
tilisation de panneaux électriques
prêts à fonctionner afin de réduire les
coûts de branchement. Concevoir un
système pour les charges prévues
(plus faibles dans les zones rurales
que dans les zones urbaines) afin de
réduire les coûts de construction ;
prévoir de faire des améliorations
dans le futur.
• Envisager l'apport de ressources
financières afin de répartir les coûts
entraînés par les branchements sur
une longue période, ou offrir des
coûts plus bas aux pauvres afin que
les bénéfices de l'électrification puis-
sent profiter à un grand nombre de
personnes ; considérer également de
prendre des dispositions en vue de
procurer une assistance financière
destinée au crédit/la location d'ap-
pareils ménagers électriques.
• Dans le cadre de l'extension des réseaux
électriques, il est généralement impor-
tant de mesurer la totalité des consom-
mations en électricité. Il se peut qu'il y
ait des exceptions à cette règle pour
les ménages qui consomment très
peu d'électricité fournie de nuit
seulement par des générateurs locaux
de petite taille. Dans de telles circon-
stances, il pourrait être nécessaire de
charger un coût fixe pour chaque
appareil ménager électrique, étant
donné leur utilisation limitée. De
telles mesures évitent les dépenses
inutiles auxquelles pourraient donner
lieu la lecture des compteurs élec-
triques et leurs coûts.
• Inclure des programmes de gestion
qui prennent en considération la
demande dans la conception du pro-
jet afin de déplacer une partie des
charges rurales vers les périodes hors-
pointe.
• Agences d'exécution. Il n'existe pas
de modèle unique de structure insti-
tutionnelle . Cependant, dans tous
les pays où les programmes d'électri-
fication rurale ont été un succès, les
agences d'exécution bénéficient d'au-
tonomie opérationnelle et sont
tenues responsables ; l'équipe de
direction tendait à être dynamique et
les employés ont bénéficié de la sécu-
rité d'emploi ainsi que des possibilités
de se développer sur le plan profes-
sionnel. Il est important de parvenir à
des arrangements contractuels clairs
entre le gouvernement et les agences
d'exécution.
Participation des communautés
locales.
• Il est plus probable que les projets
seront viables si les parties prenantes
au niveau local sont impliquées dans
leur conception et implantation. Un
moyen d'y parvenir consiste à établir
un Comité d'Electrification Rurale
qui puisse évaluer la demande, édu-
quer les consommateurs, et promou-
voir l'usage courant de l'électricité.
Cette méthode peut également con-
tribuer à réduire les problèmes poten-
tiels qui pourraient survenir au
niveau des droits de passage nécessaires
pour la construction et l'entretien des
lignes électriques.
• Dans certains cas, tels la Thaïlande, la
communauté a fourni des contribu-
tions considérables en termes de cap-
ital et de main d'œuvre ; cette
démarche permet de réduire les coûts
du programme. Les activités exigeant
un travail intensif au niveau de la dis-
tribution des services aux clients peu-
3
vent être exécutées dans le cadre de
contrats avec des organisations au
niveau des villages sur la base d'une
commission pour chaque type de
service fourni.
• L'établissement de procédures insti-
tutionnelles et organisationnelles
appropriées pour la planification, le
financement du projet ainsi que la
passation de marchés pour les biens
et les activités de construction est très
important pour une implantation
positive des PRE qui implique la par-
ticipation des petites communautés.
• Le concept Area Coverage Rural
Electrification (ACRE)-- un système
de distribution basé sur des coopéra-
tives électriques rurales qui apparti-
ennent à leurs membres, a remporté
du succès (exemple du Bangladesh).
Les auteurs de cet article sont Arun Sanghvi,
spécialiste principal en matière d'énergie,
Région Afrique, Division énergie, et
Douglas Barnes, spécialiste en énergie,
Région Asie du Sud, Division énergie. La
recherche au niveau des bureaux de la
Banque mondiale a été menée par le per-
sonnel de la division responsable de la qual-
ité des opérations et du développement des
connaissances au sein de la Région Afrique
(Suzanne Essama et Diana Masone). Pour
plus d'information, veuillez contacter
Aasanghvi@worldbank.org ou
Dbarnes@worldbank.org
Sources
1. Consultations avec Douglas Barnes,
SASEG, Arun Sanghvi, AFTG1, et Alan
Townsend, PSAPP. Selina Wai Sheung
Shum, EASEG, recommande également
des sources.
2. Prêts pour le secteur de l'énergie élec-
trique dans les pays de l'Afrique
SubSaharienne. Résumé d'une étude sec-
torielle (#15780), OED, 1996.
3. Ouganda-Energy pour des réformes
rurales, PCD, mai 5, 2000.
4. Participation privée aux extensions des
réseaux électriques au Mozambique,
Yuriko Sakairi, Forum sur les ressources
naturelles, Journal des Nations Unies,
 Volume 24, Numéro 4, novembre 2000,
et "Expérience d'un programme d'électri-
fication par micro turbine à gaz dans le
cadre de contrats de gestion au
Mozambique", Yuriko Sakairi, article
publié dans Brochure sur l'énergie et les
mines d'octobre 1999.
5. Electrification rurale dans le monde en
développement: Enseignements tirés des
programmes qui ont réussi, Douglas F.
Barnes et Gerald Foley, version prélimi-
naire, novembre 1998.
6. Etude de cas: Approche choisie par la
Thaïlande pour l'électrification rurale:
Evaluation du success de cette approche.
Tuntivate Voravate et Douglas F. Barnes,
Version préliminaire, avril 2000. Ne
peut être cité sans autorisation.
7. Promouvoir les investissements privés
dans le domaine de l'électrification rurale
-Le cas du Chili, Viewpoint, Note #214,
Réseau secteur privé et infrastructure,
juillet 2000.
8. Electrification rurale en Asie: Revue de
l'expérience de la Banque, résumé de l'é-
tude sectorielle (#13291), OED, 1994.
9. Electrification rurale: examen approfondi
des coûts et bénéfices, OED Précis 90,
mai 1995.
10. Energie rurale et développement:
Amélioration l'approvisionnement en
énergie pour deux milliards d'habitants,
Banque mondiale, 1996.
11. Energie: Prestation de services pour les
populations pauvres à travers le monde,
ESMAP Rapport énergie & développe-
ment 2000.
12. Récents rapports d'achèvement des pro-
jets et rapports d'évaluation de la per-
formance.

Les auteurs de cet article sont Arun Sanghvi, spécialiste principal en matière d'énergie, Région Afrique, Division énergie, et Douglas Barnes, spé-
cialiste en énergie, Région Asie du Sud, Division énergie. La recherche au niveau des bureaux de la Banque mondiale a été menée par le personnel
de la division responsable de la qualité des opérations et du développement des connaissances au sein de la Région Afrique (Suzanne Essama et Diana
Masone). Pour plus d'information, veuillez contacter Aasanghvi@worldbank.org ou Dbarnes@worldbank.org