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STOCKMANS Cécile ROMA 2

Notice :
Absalon de Duché de Vancy

Année 2005-2006
2

Joseph-François Duché de Vancy, Absalon

Date(s) ou période(s) de rédaction(s) : 1701. On sait d’après Mme de Maintenon dans sa


correspondance du trois août 1701 avec le comte d’Ayen qu’Absalon serait achevé dans
quinze jours.
Date(s) de création(s) : Absalon a été joué la première fois le 12 août 1700. C’est une
représentation privée au collège d’Harcourt. Ce n’est que le 7 avril 1712 qu’elle fut
représentée à la Comédie Française.
Date de la première publication : le privilège de l’édition date du 12 décembre 1701 et
l’achevé d’imprimer du 15 juillet 1702.

Résumé :

La scène est près des murs de la Ville de Manhaïm, dans la Tente de David. David est roi
d’Israël. Il a fui la rébellion menée par Amasa qui soulève Jérusalem contre lui. David est
avec son fils Absalon, un de ses ministres, Achitophel et le général de ses armées, Joab.
Celui-ci conseille au roi d’attaquer. Achitophel lui conseille plutôt d’attendre des renforts.
David penche pour le conseil d’Achitophel. Il lui fait confiance. Absalon parle à cœur ouvert
à Achitophel. Il a peur de perdre le sceptre d’Israël à cause de Joab. Il est persuadé que celui-
ci ne l’aime pas. Joab pourrait avoir de l’influence sur le roi. Sa succession au trône est en
danger. De plus Adonias, son frère, est de pair avec Joab. La couronne pourrait revenir à
Adonias. Achitophel lui dit qu’il a mis sur pied un plan. Absalon devra l’exécuter. C’est
Achitophel qui avec l’aide d’Amasa a répandu la fureur parmi les Hébreux. Quand Achitophel
se retrouve seul avec Zamri, son confident, il lui révèle que le plan en question, il ne le fait
pas pour Absalon mais pour lui. « Enfin mes ennemis vont devenir ma proie. / Joab, Abiatar,
Aduram, Cisaï, / Le superbe Sadoc, le fier Abisaï,/ Tous ceux qui réunis par leur haine
commune,/ Prétendent sur ma chute élever leur fortune,/ Avant la fin du jour surpris,
enveloppés,/ Me rendront par leur mort tous mes droits usurpés. » [I, 5] Le projet
d’Achitophel devra s’accomplir cette nuit en ces lieux. Le roi ne pourra que fuir ou mourir.
Zamri pense qu’Absalon refuserait une telle entreprise. Achitophel ne compte pas le lui dire.
Avant le départ de Zamri, Achitophel lui donne une lettre que Zamri devra transmettre au roi
pour le tromper. Tharès et Thamar, femme et fille d’Absalon ont atteint le camp. Elles
viennent parler à Absalon. Tharès essaie de lui faire renoncer son projet mais en vain. On
accuse Absalon d’être l’auteur de ce complot. Le roi et la reine ne donnent pas foi à ces bruits.
Quand Tharès voit qu’Absalon ne changera pas d’avis, elle persuade David de jurer devant
Dieu que s’il y a un traître dans le camp, la femme et les enfants de celui-ci seront torturés et
brûlés. Ainsi David parle en ces termes : « Toi qui du haut des Cieux à nos conseils présides, /
Qui confonds d’un regard les complots des perfides, / Dieu juste! venge-moi, punis mes
ennemis:/ Souviens-toi du bonheur à ma race promis./ Si quelque traître ici se cache pour me
nuire,/ Lève-toi, que ton bras s’arme pour le détruire ;/ Que se livrant lui-même à son funeste
sort,/ Ce jour puisse éclairer ma vengeance et sa mort. » [II, 4] Ensuite elle se donne en otage
à Joab. Sa conduite fait changer les plans d’Absalon. Il en parle à Achitophel en lui disant :
« (…) mes desseins ont changé:/ Le devoir sur mon cœur a repris son empire. » [III, 2]. Mais
Achitophel le persuade de rejoindre les rebelles et promet que Séba, à qui David fait
confiance, restituera à Absalon sa femme et sa fille. Tharès informe son mari que David vient
juste d’apprendre que l’armée d’Amasa est en train de le proclamer roi. La vérité a éclaté au
grand jour. Joab est chargé de l’arrêter. Elle le prie encore une fois de renoncer à son plan et,
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quand il lui demande de fuir avec lui, elle lui dit qu’elle est prisonnière. Il la quitte après lui
avoir promis de la sauver. Une lettre apportée pour Absalon tombe entre ses mains. Plus tard
une preuve du plan de son mari est donnée à David par Joab, qui lui demande de ne pas faire
confiance aux descendants de Saül mais d’avoir confiance en Séba et en les Ephraimites. La
reine reporte la faute sur Tharès qui est la fille de Saül. Elle veut sa mort. Elle a excité la
révolte chez son fils. Tharès donne la lettre qu’elle avait eue à l’intention d’Absalon. Cette
lettre est écrite par Séba lui-même. Dans la lettre, Séba montre sa participation au complot.
Tharès fait entendre au roi qu’Absalon est moins coupable qu’Achitophel. Cisaï confirme
cette accusation. Cisaï a interrogé un soldat ennemi. Celui- ci a révélé le nom d’Achitophel.
Achitophel serait même celui qui a conduit le projet. Joab veut la mort de Tharès. David
refuse et demande à Cisaï d’appeler Absalon auprès de lui. Il veut lui parler. L’entretien a lieu
après que Thamar prie son père de sauver sa mère. Absalon admet son hostilité à l’égard de
Joab et son désir d’être nommé successeur de David: « Je ne puis ni ne veux chercher à me
défendre./ Il est vrai, mon orgueil a fait mes attentats,/ J’ai craint de voir régner mon frère
Adonias,/ Contre le fier Joab j’ai suivi ma colère:/ Mais, si je puis encore être cru de mon
Père,/ S’il peut m’être permis d’attester l’Eternel,/ Voilà ce qui peut seul me rendre criminel./
Jouer d’un séducteur, qu’à présent je déteste,/ Le traître Achitophel a commis tout le reste./ Je
sais qu’après les maux que je viens de causer,/ Une fatale erreur ne saurait m’excuser:/ J’ai
tout fait, vengez-vous, punissez un coupable,/ Ou plutôt sauvez-moi du remord qui
m’accable,/ Quelques affreux que soient vos justes châtiments,/ Ils n’égaleront point l’horreur
de mes tourments. » [IV, 4] David lui accorde son pardon. Absalon demande à David
d’accorder la grâce à Tharès. David le lui promet et insiste pour que les chefs de la
conspiration se rendent. Absalon accepte mais apprenant que Joab attaque l’armée d’Amasa,
il va rejoindre les rebelles. Tharès et Thamar se retrouvent. La reine les rejoint. Elle leur dit
que le coupable est Achitophel. Le roi arrive. Cisaï les informe que Joab après avoir rusé avec
les rebelles, les a battus, qu’Achitophel s’est pendu et qu’Absalon pris par les cheveux dans
les rameaux a été mortellement blessé par Joab. Apporté sur la scène, Absalon accepte son
destin, déclare que Dieu a guidé la main de Joab, confie sa famille à David et meurt.

Commentaire :

Joseph-François Duché de Vancy est né en 1668 et est mort en 1704. Il commença à


écrire à la fin du 17ème siècle. Sa protectrice était Mme de Maintenon, une parente. Entre 1701
et 1715 il n’écrivit que des tragédies religieuses. Mme de Sévigné note dans une lettre du 9
mars 1689 que Racine devait traiter Absalon. H.C. Lancaster dit que Mme de Maintenon avait
d’abord demandé les services de Racine pour composer des tragédies bibliques. Racine
préféra composer Esther et Athalie. Mme de Maintenon a dû faire appel à d’autres auteurs :
Duché et Boyer. La première tragédie que Duché compose pour Mme de Maintenon était
Jonathas. Ses autres pièces sont Débora et Absalon. Ces pièces furent composées pour le
théâtre de Saint-Cyr. Après la mort de Racine, Mme de Maintenon donne la position qu’il
avait tenue à Boyer et puis à Duché. Ces trois tragédies de Duché ont été dédiées à Louis
XIV. D’après H.C. Lancaster, si William III était mort seulement quelques mois plus tôt, on
aurait vu dans la pièce une allusion à l’expulsion de James II d’Angleterre par son fils et la
mort de ce dernier. Le thème d’Absalon avait rencontré un intérêt particulier à Saint-Cyr et à
la Cour de Versailles dès la fin du 17ème siècle. Des circonstances historiques l’avaient associé
au thème d’Athalie. Absalon eut davantage de succès qu’Athalie. On avait vu des
rapprochements avec les derniers événements d’Angleterre et l’avènement de Guillaume
d’Orange au pouvoir. Absalon représentait la Révolution, Athalie la Restauration.
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Absalon est basé sur l’Ancien Testament et plus particulièrement sur la saga de Saul et
de David. L’histoire d’Absalon, troisième fils de David, est développée dans le deuxième
livre de Samuel, du chapitre 13 au chapitre 19. Nous trouvons l’exécution des jugements de
Dieu qui avait ordonné que David soit puni dans ses enfants. Chez Duché, Absalon devient un
joli mélodrame mondain qui nous mène loin de l’histoire. On a un monde où l’harmonie est
sauvegardée et où les valeurs ne sont pas vraiment mises en question. Duché énuméra dans la
préface d’Absalon toutes les modifications qu’il avait apportées à l’épisode biblique. Il fait
d’Absalon un repentant et attribue ses erreurs à Achitophel. Il changea le lieu de la mort
d’Absalon, ajouta Tharès et fit de Thamar sa fille au lieu de sa soeur. Duché inquiet de ses
changements, consulta des hommes d’église importants et fut rassuré. Duché fait plus de
changements que ce qu’il mentionne. Il met Absalon, sa famille et Achitophel dans le camp
de David. David préfère le conseil d’Achitophel à celui de Joab. Duché arrange plus tard un
plan de bataille. Il fait de la femme d’Absalon une descendante de Saul.
Duché est nourri du modèle antique aristotélicien plus que de la tradition chrétienne
des Protestants. Il est élève et imitateur de l’incomparable Racine. Sa méthode était similaire à
celle de Boyer, son prédécesseur à Saint-Cyr. Débora et Absalon de Duché ; Saül et Hérode
de Nadal ; Joseph de Genest représentent la prolongation au début du 18ème siècle du groupe
de tragédies bibliques inspirées par Esther et Athalie de Racine. Aucun de ces auteurs n’avait
le don de Racine pour communiquer de la poésie biblique dans leurs vers. Excepté pour
l’association de leurs sujets avec la Bible, personne d’entre eux n’est vraiment religieux. Les
auteurs étaient gênés par leur respect pour l’Ecriture Sainte sans être capables d’y trouver une
compensation de l’inspiration. Absalon de Duché, Joseph de Genest et Electre de Longepierre
sont les seules tragédies du début du 18ème siècle dans lesquelles est réalisée une réforme
suggérée au 17ème et illustrée dans les deux dernières pièces de Racine.
La tragédie d’Absalon a été représentée avant sa première publication. Il s’agit de
représentations privées. Il y a eu la représentation au collège d’Harcourt le 12 août 1700, et
celle de 1701 à Saint-Cyr. Ces deux représentations étaient probablement jouées par les
pensionnaires d’Harcourt d’une part et les pensionnaires de Saint-Cyr d’autre part. Une autre
représentation eut lieu à Versailles chez Mme de Maintenon où l’on avait fait faire un joli
théâtre, le 19 janvier 1702. Pour cette dernière, on sait grâce au Journal de Dangeau qu’il y
eut quelques répétitions chez la Duchesse de Bourgogne le 29 décembre 1701 ainsi que le 3,
le 5 et le 18 janvier 1702. La duchesse de Bourgogne figurait Thamar et portait une robe
brodée avec la couronne et les bijoux. Les rôles de David, d’Absalon et de Tharès, et de la
Reine, étaient attribués respectivement au duc d’Orléans, au comte et à la comtesse d’Ayen, et
à Mademoiselle de Melun. Le jeune comte de Noailles y jouait aussi un rôle. Les autres
acteurs étaient Baron le père qui joua probablement Achitophel et quelques domestiques de
M. de Noailles. Les habits étaient beaux. Le roi assista à cette pièce. La Gazette de Rotterdam
signale que le 30 janvier 1702 la tragédie d’Absalon a été jouée à la Cour et qu’elle a très bien
réussi. Une nouvelle représentation se fait le 3 février 1702 chez Mme de Maintenon. Absalon
fut suivi d’une farce, Ceinture Magique de J.B. Rousseau. Le roi était présent. Une autre
représentation eut lieu le 22 février 1702 aussi dans les appartements de Mme de Maintenon
suivie cette fois des Précieuses Ridicules. Louis XIV était également présent. Une lettre de la
Comtesse d’Alègre à l’abbé Dangeau, précise qu’elle fut représentée en 1705. L’abbé
Mervésin aurait fait un prologue. Huit ans après la mort de Duché, sa femme obtient la
permission de faire jouer pour la première fois la tragédie à la Comédie Française le 7 avril
1712. David était joué par Ponteuil, Absalon par Beaubourg, Joab par Philippe Poisson,
Achitophel par Guérin d’Estriché, Tharès par la Duclos, Thamar par la Nesle. La tragédie a
été jouée 12 fois en 1712, du 7 au 29 avril. Marie-Anne de Châteauneuf joua aussi le rôle de
Tharès à la Comédie Française. En 1731, Absalon termina la saison à la Comédie Française.
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En 1741, elle fut jouée à la Comédie Française. La pièce n’est plus reprise après 1755. Entre
1712 et 1755 Absalon a été joué 39 fois à la Comédie Française.
Dans le Répertoire de la Comédie Française, Absalon est la seule pièce mentionnée
parmi l’ensemble de l’œuvre de Duché. La pièce est précédée d’une épître qui prouve son
succès. La Motte loue cette œuvre. Les pièces jouées pour Saint-Cyr, entre autres celles de
Boyer et de Duché, sont supérieures aux autres drames bibliques de cette période. Dangeau
dans son Journal, rapporta que le roi apprécia la pièce. Louis XIV et Mme de Maintenon
étaient tellement contents des représentations de cette pièce que le roi envoya à Duché 1000
livres de pension et Mme de Maintenon 100 pistoles. La duchesse d’Orléans, dans sa lettre du
5 février 1712 à la duchesse de Hanovre, parle de la pièce qu’elle a été voir lors de sa
représentation du 3 février. Elle dit que les acteurs sont bons. Elle parle de son fils qui joue
dans la pièce et qu’elle trouve excellent. Une autre de ses lettres adressées au roi d’Espagne
Philippe V loue l’interprétation des acteurs. Un éloge de Duché figure dans le Journal des
Sçavans, le 24 octobre 1707. Herr parle du succès de cette pièce et de son intérêt théâtral mais
elle dit aussi qu’il ne fut pas du tout suivi à cause, pense-t-elle, de la grande importance
accordée aux rôles féminins et de la violence du sujet très atténuée. Sous Louis XV, les
auteurs s’intéressèrent à des personnages à l’âme plus noire qui permettaient des contrastes
plus violents avec la vertu et de débattre des problèmes moraux portés à leur sommet. Le sujet
convenait au 18ème siècle car il entraînait des réflexions sur l’amour et les liens de la nature. Il
pouvait illustrer une situation discutée dans l’art de l’époque : celle du fils qui abandonne sa
famille avec ou sans retour. Les autres pièces françaises sur le thème d’Absalon sont au
nombre de cinq. Nous avons deux Absalon par R.P. Pierre Xavier Marion l’un en 1737 et
l’autre en 1740. En 1741, La Mort d’Absalon est donnée par un auteur inconnu. En 1797, un
Absalon par Gross et en 1820 un Absalon par M. Bourguignon d’Herbigny. Absalon de
Duché, pour H.C. Lancaster, est supérieure à ses productions passées et même à toutes les
autres tragédies bibliques écrites dans les 25 ans qui suivirent la production à la cour
d’Athalie. Il trouve la pièce bien construite et l’entretien entre David et son fils, le complot
d’Achitophel, et la scène jouée par Tharès efficaces. Nous avons un beau coup de théâtre
quand Tharès s’innocente elle-même en présentant la lettre. Le suspense est bien préservé. Le
récit de la bataille est bref. Le succès de la pièce est pour beaucoup dû au rôle de Tharès.
Selon les frères Parfaict, la pièce remporta un tel succès que la Duchesse de Bourgogne
décida de la donner à Versailles. Les frères Parfaict louent le rôle de Tharès et l’entretien à
l’acte IV entre David et Absalon. Le Mercure de France d’août 1730 dit préférer l’acte II et
l’acte IV aux autres, trouve la haine d’Absalon pour Joab peu motivée, la Reine et Thamar
inutiles et le changement d’attitude de la Reine à l’égard de Thamar inexplicable. Les 39
représentations de la pièce à la Comédie Française restèrent au répertoire jusqu’en 1755. La
Harpe louait la pièce bien qu’il trouvât le rôle de la Reine inutile, David pas assez actif dans
l’acte V et le récit de la mort d’Absalon trop long. Mais il estimait l’action bien développée
dans les quatre premiers actes, les caractères bien tracés, deux scènes remarquables (celle où
Tharès s’offre en otage et celle dans laquelle David s’entretient avec son fils). Il regretta que
la pièce ne fût pas jouée plus longtemps. Absalon de Duché a servi à Dom Pedro pour sa pièce
Inès. Le caractère d’Inès ressemble à celui de Tharès : Inès est loyale envers le roi, refuse de
se sauver alors qu’elle le peut, insiste auprès de Pedro pour sauver son père et offre de rester
comme otage pour convaincre le roi du bon comportement de son fils. Entre 1701 et 1715
Absalon fait partie des 12 tragédies les plus populaires. Elle fut représentée 16 fois. Ainsi
Duché fut loué après sa mort pour le succès de ses tragédies bibliques. Dans le Journal de
Trévoux de juillet 1705, l’Abbé Tallemant parle de Duché qui est mort depuis peu. « Il avait
beaucoup de talent. […] Il a fait des pièces de théâtre qui ont réussi. Il s’était appliqué à des
sujets de piété, et il a mis en vers plusieurs cantiques sacrées. Les pièces qu’il a composées
sur des histoires prises de l’Ecriture Sainte, ont été mieux reçues que les autres. Il a même eu
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cet honneur que son Absalon a été joué à la Cour par les personnes les plus élevées. » Duché a
été nommé comme poète « officiel » de l’institution.
Avec Absalon, nous sommes dans le tragique. La nature des péripéties est le fatum. Il
y a eu faute d’Absalon et puis vengeance du Dieu. David avait attesté Dieu pour punir le
coupable. L’issue est également tragique. C’est la mort du héros. Beaucoup débattent sur la
nature tragique du théâtre religieux. Nombreux pensent que la tragédie biblique ne peut pas
être classée au sein de la tragédie. Ce point de vue s’éloigne de la position des contemporains
de ce théâtre. Duché considérait ses pièces comme des tragédies et la dénomination « tragédie
chrétienne » tendit à se généraliser sans choquer le public.
Duché désire apporter sur la scène de grands caractères. Les personnages sont des
nobles. Ils sont présentés soit bons, soit mauvais excepté pour le personnage d’Absalon. Il
nous paraît à la fois grand et faible. C’est le caractère central. Il est le fils du roi David : beau,
fougueux et orgueilleux. Mais son amour pour sa femme Tharès et sa fille Thamar puis son
repentir sincère en font un héros sympathique. Il est très influencé par Achitophel. Son plan
n’est pas de tuer, ou de détrôner son père, mais d’obtenir la succession pour lui seul. Il avoue
sa crainte qu’Adonias puisse régner et sa haine pour Joab, mais il place sur Achitophel la
responsabilité de la rébellion. Sa défaite fait ressortir sa fatale rencontre avec le chêne. David,
roi d’Israël, est représenté comme un roi âgé, très influençable, pieux, bienveillant, dévoué à
son fils capricieux. Achitophel est vu comme le chef du complot. Il influence David et
Absalon, prend part à la lutte et est employé comme Oenone dans Phèdre, pour diminuer la
culpabilité du héros. Duché donne de l’importance aux rôles féminins : la Reine, Tharès et
Thamar. Tharès, est une belle figure de femme aimante, vertueuse et héroïque. Elle met tout
en œuvre pour faire revenir Absalon à la vertu. Accusée de comploter contre David, car elle
est la fille de Saul, elle est en réalité très loyale au roi et veut sacrifier sa vie pour empêcher
son mari de faire la révolte. Thamar aurait pu être omise bien qu’elle soit reliée à l’action en
aidant à motiver les décisions de son père. Pour H.C. Lancaster, Thamar a été probablement
ajoutée en vue de donner un rôle à la Duchesse de Bourgogne. A la fin de la pièce, le destin
de chacun des personnages nous est connu. David continue à régner. Absalon est mort.
Achitophel aussi. Tharès et Thamar sont confiées à David.
En faisant d’Absalon un repentant et en attribuant ses erreurs à Achitophel, Duché
inspire aux spectateurs de la pitié pour le protagoniste et fait comprendre que des faiblesses
similaires pourraient les conduire à des crimes semblables. « Tel est le but de la tragédie ; elle
doit plaire, mais en même temps elle doit instruire, et son principal objet est de purger les
passions. » [préface d’Absalon].
La finalité morale excluait toute intrigue amoureuse. Pour éviter les épisodes d’amour,
il fallait opter pour un sujet pieux. Duché choisit un épisode biblique. Il semble avoir
considéré la référence religieuse et l’amour profane comme antinomiques. Il adopte donc la
conception restrictive de la moralité du théâtre de Saint-Cyr qui était imposée.
Duché appartenait au parti dévot, ce qui garantissait la moralité de l’auteur. La finalité
morale excluait toute intrigue amoureuse. Duché, en optant pour un épisode biblique, semble
avoir considéré la référence religieuse et l’amour profane comme contradictoires. A Saint-
Cyr, la moralité du théâtre était imposée. Duché précise avoir expurgé le texte de tout amour
profane. Un but éducatif lui était assigné. L’engouement de la fin du siècle pour le théâtre
sacré correspond à l’évolution des préoccupations morales et spirituelles de Louis XIV.
Il s’agit d’une tragédie en 5 actes et divisée en scènes. Elle reprend le modèle latin.
Pour chaque scène, on a la mention des personnages. La pièce compte 10 personnages sans
compter les gardes. L’acte I est composé de 5 scènes. Le premier acte s’ouvre sur la colère
d’Absalon et se termine par le mauvais plan d’Achitophel. L’acte II compte aussi 5 scènes.
Nous avons l’intervention de Tharès qui essaie à tout prix de ramener son mari à la vertu et
qui donne un très bel exemple de sacrifice. L’acte III comporte 7 scènes. Les rumeurs
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circulant sur Absalon sont confirmées. Il est coupable du complot contre David. L’acte IV est
composé de 8 scènes. David s’entretient avec Absalon. Il pardonne à son fils. Le dernier acte,
composé de 6 scènes annonce la mort d’Absalon. Le nombre de personnages présents sur
scène dans cette pièce est assez important pour l’époque. Jean-Pierre Perchellet nous dit que
dans les pièces créées entre 1680 et 1715, les scènes à trois intervenants restent rares. Dans un
tel contexte, Absalon de Duché peut paraître exceptionnel. En effet à l’acte II scène 4, cinq
personnages interviennent ; à l’acte III scène 6, quatre; et à l’acte V scène 6, six. Avec
Tiridate de Campistron, Amasis de La Grange-Chancel, aucune autre tragédie ne dépasse un
tel résultat avant 1715. Le grand nombre des personnages a un rôle sur l’effet d’accélération.
On constate que les spectateurs apprécient de plus en plus les scènes peuplées. Pour ce qui
concerne les unités, Duché les respecte. L’unité de temps est soutenue. Il y insiste même: «
Avant la fin du jour vous en serez vengé » [I, 1, vers 18]. L’espace est limité : le lieu est le
camp de David. H.C. Lancaster souligne sur ce point que d’habitude le lieu est le hall d’un
palais. L’unité d’action est respectée. Un problème s’impose : le complot exercé contre
David. Ce problème est résolu à la fin de la pièce. Pour respecter les règles de bienséance et
de convenance, Duché évite de parler de la vie polygame de David et de la cohabitation
d’Absalon avec les femmes de son frère qui se trouvent dans l’Ancien Testament.
Madeleine Garros et Edith Borroff émettent l’hypothèse qu’Absalon ainsi que Débora
auraient été mises en musique par Moreau. Anne Piéjus détruit cette hypothèse. L’étude des
sources de l’institution, la lecture de nombreux récits contemporains et la disparition totale de
musique composée sont ses arguments. Aucun nom de compositeur n’est mentionné ni aucune
musique insérée dans la tragédie. Duché mit sa plume au service des pensionnaires d’un
couvent. On est dans le cadre d’un théâtre scolaire.
La pièce compte 1629 vers. La pièce est divisée en cinq actes mais la répartition des
vers par acte est inégale : l’acte I (353 vers), II (339 vers) et IV (353 vers) sont de longueur
moyenne. L’acte III (368 vers) est dominant. C’est l’acte le plus long. L’acte V (216 vers) lui
est le plus court. Il sert de dénouement. Il s’agit d’une structure classique. Ce sont des vers en
alexandrin à rimes plates.
Nous avons un développement antique : débat du pour et du contre. Absalon hésite
entre la révolte et la soumission. Il est partagé entre le discours d’Achitophel et le discours de
Tharès. Achitophel le pousse à combattre tandis que Tharès le pousse à la vertu.
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Bibliographie

Sources premières :

DUCHE DE VANCY Joseph-François, Absalon, Paris, Jean Anisson, 1702


Remarque : je ne l’ai pas utilisée car ni à l’ulb ni à la bibliothèque royale mais je la mentionne
parce que c’est la première publication de la pièce.
-, « Absalon », dans : Pièces de Théâtre 77, Paris Bruxelles, Simon t’ Serstevens, 1727, 83p.
Remarque : version sur laquelle je me suis basée.
-,-, dans : Théâtre Edifiant ou Tragédies Tirées de l’Ecriture Sainte, ss la dir. de J-F. Duché,
Paris, Duchesne, 1757, 96p.
-,-, dans : Théâtre des Auteurs du Second Ordre ou Recueil des Tragédies et Comédies
Restées Au Théâtre Français, Paris, A. Egron, 1816, t. 2, 73p.
-, -, dans : Répertoire du Théâtre François, ss la dir. de M. Petitot, Paris, Foucault, 1817, t. 2,
98p.

Sources secondaires :

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century, Baltimore-Paris, Hopkins-Presses universitaires de France, 1929, v.1, p.318, 325, 327
et 328
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critique concernant le théâtre à Paris sous Louis 14 (1659-1715), Paris, Droz, 1934, p.48, 49,
212
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LANCASTER Henry Carrington, Sunset, a history of Parisian drama in the last years of
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32, 33, 52, 82, 84, 85, 86, 87, 96, 97, 188, 302, 333
-, French tragedy in the reign of Louis 15 and Voltaire, Londres, Cumberlege, 1950, v.1 p.70,
86
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PERCHELLET Jean-Pierre, L’héritage classique. La tragédie entre 1680 et 1814, Paris,
Champion, 2004, p.135, 162, 195, 213 et 214, 240 et 241, 335 (« Les dix-huitièmes siècles »)

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