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A travers le réel : entretiens avec Fabien

Tarby
GENCOD : 9782355260568

PASSAGE CHOISI

De l'analyse

Fabien Tarby : Ma première question, Slavoj Žižek, sera personnelle : qu'avez-vous appris de
votre propre analyse ? Il y a bien sûr, dans cette question, un problème plus profond :
comment relier une histoire personnelle, une singularité psychanalytique, aux éléments
universels ?

Slavoj Žižek : C'est une belle question... Mais il me faut dire d'abord que je ne suis pas prêt à
lier mon travail théorique à mon expérience personnelle de l'analyse. Ce qui concerne mes
traumatismes, mon identité personnelle, ne concerne pas la vérité de la théorie elle-même.
Les fondements de ma théorie, je les ai pensés, empiriquement, avant même mon analyse.
Je ne crois pas que l'on apprendra quelque chose de ma théorie en analysant mes
traumatismes personnels. D'ailleurs celle-ci a été un échec total organisé par moi. Il n'y a
justement aucun secret, là-dedans. Je suis entré en analyse dans un moment de désespoir
amoureux, pas loin d'être absolu. J'étais au bord du suicide. L'analyse fonctionnait très bien
pour moi d'une manière toute bureaucratique. Je me souviens très précisément de la manière
dont j'ai pensé, pendant une semaine, à me tuer. Et l'analyste m'a dit : «Rendez-vous
demain, à 14 heures.» J'ai pensé : «Oui, je vais me tuer, mais il y a un rendez-vous, là,
demain.» Et c'est ce qui m'a sauvé, mais littéralement en un sens que je disais
bureaucratique. Un mois et demi, deux mois après, après que j'ai renoncé à me suicider,
mon seul but, dans l'analyse, a été de ne rien faire bouger, d'empêcher tout changement
subjectif. J'opposais une résistance absolue. Et je crois, malheureusement, que j'ai réussi.
J'ai inventé du symptôme, etc., mais, cela, tous les patients le font. Mais toute mon
économie (et aujourd'hui encore je parle trop) a été de parler tout le temps. Pourquoi ? Parce
que ma part à moi, dans l'analyse, a été de parler tout le temps pour empêcher l'analyste de
me poser une question véritable, qui pouvait changer quelque chose. J'ai été actif à chaque
instant pour empêcher tout changement. Cela a marché, un an, deux ans. Et puis je suis
parti.

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