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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

Questions approfondies de psychopathologie (Fouchet)

Cours 1 – 3/04

Examen :
Question annoncée lors du dernier cours, s’appuyer sur le cours pour répondre
Lectures pour s’appuyer : L’autre pratique clinique (Zenoni) , affinity therapy (Myriam Perrin)
Choix, fil conducteur
Moins d’une page A4

Dimension structurale et dynamique de la clinique.

Témoignages cliniques avec comme fil conducteur la question du « pari du sujet ». Peut-on faire le pari qu’il
y a du sujet quel que soit les personnes, patients que nous rencontrons ?

Lignes directrices : on entend par sujet quelque chose qui se produit dans une dynamique structurale qui
implique des rapports, des relations. Implique que ce qu’on appelle sujet, il est impossible de le mesurer
comme tel. Le sujet est ce qui se produit dans des dynamiques de rapport à l’autre, au corps, à l’objet, de
rapport à une série d’éléments qui constituent la structure. Le sujet est donc du côté de l’invention.
Invention de façon de faire, de répondre, de s’engager dans le rapport à l’autre, au corps, à l’objet. Dans le
rapport à quoi finalement est confronté l’être humain (sujet renvoie à la condition humaine, ce qui spécifie
l’être humain de l’animal). Cette dynamique d’invention est posée, à titre d’hypothèse, comme le cœur
même de ce qui fonde la condition humaine. Inventions singulières. Si le sujet arrive dans une institution
c’est qu’il présente socialement un déficit.

Est-il possible dans toutes circonstances de faire le pari du sujet, de l’invention quelques soit les déficits
que montre le sujet ? Cette dimension de l’invention ne relève pas d’une explication des troubles, des
déficits, de ce qui affecte le sujet. Ce n’est pas un explication de ça. C’est se demander si nous avons à faire
à un être humain qui comme les autre s’engage du cote de l’invention de sa trajectoire de vie ? Quel est le
matériel à partir duquel il trace cette trajectoire de vie singulière ?

Peut-on toujours faire le pari du sujet ou parfois n’est-ce pas possible ?


Impossible à parcourir le toujours. Mais est-ce que dans certains cas même compliqués, on peut faire le
pari du sujet ? Question éthique du toujours. A quoi sert ce pari du sujet ? Conséquence pragmatique très
importante. Il faut toujours s’adresser à quelqu’un comme s’il y avait du sujet, même si celui-ci est dans un
état de coma végétatif (pas de position d’objet). Le sujet se produit, a de chance de se produire que si on
fait ce pari. Le pari du sujet est un a priori ! On s’adresse à du sujet en toutes circonstances. Ne pas faire le

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pari du sujet ça a une conséquence sur le sujet. Parler de lui à la troisième personne ce n’est pas mettre
cette personne en position de sujet.

Témoignages : éléments de réflexion de ce que ça peut être un sujet au travail.

Clinique de l’autisme. Côté rapport à l’autre des sujets autistes. Côté relationnel, c’est ce qui ne marche
pas. Pari du sujet pour sujet dits autistes ? Cote rapport au corps, au langage, ce n’est pas évident. Spectre
autistique, sujets autistes qui sont là, pour certains, à ne pas parler. Situation de retrait parfois très radical.
Rapport à l’autre : explosion de passage à l’acte si habitudes changées. Rapport au corps : mutilation, gestes
répétitifs.

On traitera ainsi de la question du pari du sujet dans la clinique de l’autisme. Pari du sujet vision un peu
romantique ? Pari du sujet ce n’est pas l’explication du trouble. Ca ne veut donc pas dire l’explication de
l’autisme. Mais peut-on aller du côté d’une invention à ce qu’il est confronté et comment il y répond. Pas
la cause ni la causalité de l’autisme. Déjà, les causes sont complexes et multifactorielles. Dans les spectre
même, les causes sont aussi multiples. Hypothèses psychanalytiques concernant la causalité de l’autisme :
impossible d’y adhérer selon Fouchet, et sur quoi ces hypothèses ce sont appuyées. Est-ce que passage à
l’acte, retrait radical n’est pas déjà une invention ? On va voir.

Fouchet part de la clinique de l’autisme mais le point important est ce que l’on peut dire de la clinique.
Accueille des êtres humains avec leur difficulté et leur invention. Ce qui est vrai pour Dona, est vrai pour
chacun de nous. On parle d’un pari concernant une mobilisation subjective ; la mobilisation d’un travail
subjectif qui vise à traiter quelque chose qui à avoir avec la condition de l’humain. Le pari du sujet, c’est le
pari d’une réponse/d’une invention singulière et de ses constructions symptomatiques pour faire faire avec
l’Autre et son propre corps.

Aussi l’accueil du social.

Dona Williams « Si on me touche, je n’existe plus » :


Sujet autiste, publie ce qu’elle a à dire d’elle-même. Témoignage a posteriori. Sujets qui se découvrent, à
un certain âge, en mesure d’écrire sur ce qui le concerne. Elle va parler d’elle aussi avant de quand elle était
en mesure d’écrire. Regard rétrospectif du sujet sur ce qui s’est passé pour elle, y compris sur des choses
qui se sont passées pendant son enfance et à propos desquelles sur le moment même elle n’aurait rien pu
dire. Pendant plusieurs années de sa vie, elle ne parlait pas. Au début de sa vie, son tableau clinique
montrerai cas autistique de Kanner (pas Asperger). Reconstruction de ce qui a pu se passer pour elle à un
moment où elle ne pouvait pas en parler. Témoignage qui nous montre que c’est bien hasardeux de faire

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un pronostic, un pari sur ce que va devenir le sujet. Ce pari du sujet c’est aussi tenter de mettre entre
parenthèse le pronostic qu’on pourrait faire par rapport à l’avenir du sujet. En fonction des rencontres, de
la contingence de ce qui va se passer dans l’histoire du sujet, faire le pari que ça va se passer autrement, on
n’en sait rien. C’est une notion importante de la clinique (pas spécifique à la clinique de l’autisme) : le côté
absolument imprévisible de ce que deviendra le sujet. La contingence : on ne peut pas, à l’avance, savoir ce
qui va se produire pour un sujet. Qu’est-ce qu’il va rencontrer de manière contingente, qui lui permettra
de mobiliser les inventions pour potentiellement avoir un avenir. Même quand on rencontre un enfant
totalement mutique, ce n’est absolument pas prédictif de ce qui se passera dans 30 ans. Ici, ce n’est pas
l’autisme comme tel qui est intéressant c’est plutôt que l’autisme peut être considéré comme une loupe
grossissante permettant de mettre en exergue un certain nombre de phénomène.

Ses témoignages ont ouvert beaucoup de piste de réflexion. C’est très intéressant d’avoir de tel témoignage
car c’est beaucoup plus difficile de traiter de question clinique quand on a affaire à une personne qui, à un
moment de son existence, ne parle pas ou qu’il est impossible de l’approcher sans déclencher de multiples
passages à l’actes. Si la personne ne s’exprime pas on a quand même un matériel d’observation mais c’est
plus compliqué pour poser des hypothèses. Un témoignage est un matériel à partir duquel dans le
témoignage lui-même on a la possibilité de repérer les différents éléments de la structure qui sont en jeux
et la façon dont le sujet traite cette structure. Exemple du rapport à l’Autre et du rapport au corps.

Choix de partie dans le témoignage :


- Choses qui se répètent (constantes)
- Ce qui surgit à un moment et qui va faire qu’à ce moment-là il y aura un avant et un après. Ce
moment va créer une différence. Ce que elle-même pose comme central dans son existence.

Toujours s’appuyer sur ce qui est dit, ne pas supposer que quelque chose s’est passé ou qu’elle a pensé
quelque chose. Tant qu’un sujet n’en a pas parlé, on ne sait rien en dire.

La dimension de l’adresse, dans la clinique, est quelque chose de fondamentale quand on s’engage dans la
clinique (surtout quand ce sont nos premières rencontres avec la clinique). On part avec toute une série
d’idéo, il y a tout un imaginaire autours du travail clinique qui parfois ne nous permet pas de mesurer ce
qui est fondamentale. Et, ce qui est fondamentale, c’est la fonction de l’adresse qui s’institue quand un
sujet consent à nous parler. Témoigner et publier de son témoignage, ça fait entrer un mode et un lieu
d’adresse.

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Lecture d’un passage des premières pages du livre :

« ARRETE. Ça s’était l’intrus : le bruit incompréhensible qui venait me déranger. Qu’importe, je continuais
joyeusement sur ma lancée : La gifle »

Inventions de Dona :
1. Ce qu’elle dit de ce qu’a été le début de son existence, moments où il lui était impossible de dire
quoique ce soit.
Dona Williams explique que dans les premiers moment de sa vie, le monde, l’autre, l’environnement
était quelque chose de violent, comme une gifle, qui lui tombait dessus et qu’elle ne comprenait pas.
Elle précise que c’était absolument généralisé. Tout ce qui venait de l’autre vivant, qui s’intéresse à
elle, bienveillant, que l’autre qui lui parle, qui lui apporte quelque chose : tout ça lui « tombait dessus
comme une gifle ».

« La gifle tombait et je faisais l’apprentissage de quelque chose du ‘monde’ » (ce n’est pas sans ironie de
pouvoir dire ça).

L’ironie est une manière extra de traiter l’Autre. C’est quoi l’ironie ? C’est une façon de faire tomber
l’autre de son pied d’estale et donc de se dégager de cet état d’objet dans lequel il nous place. Pour
certain c’est très précieux de servir de l’ironie. C’est une façon de traiter ce qui a d’insupportable chez
nous.

La violence du monde dans les premières années de sa vie, et comment elle y répondait, à cette
violence. Le monde ,c’est cette violence, gifle en permanence. Sa façon de traiter cette violence, c’est
au fond d’une certaine manière, d’effacer l’autre dans sa présence vivante. C’est-à-dire de se
concentrer sur les motifs du papier peint, sur des bruits qu’elle produit elle-même (tapotement de son
menton) qui fait qu’elle n’entend plus la voix de l’autre, par exemple. Effacer le signe même de la
présence de l’autre. Ca lui apportait un apaisement par rapport à cette violence. L’autre lui veut
quelque chose, l’autre s’intéresse à elle et c’est la gifle. Façon faire contre cette violence du monde.
Effacement des signes de la présence de l’autre à travers ses activités répétitives et mono-centrées.
Elle n’entend plus les gens qui parlent. « Ce n’est pas leur parole mais l’attente de ma réponse ».
Violence sourde à laquelle elle est confrontée. Ce que les autres manifestent à l’endroit d’elle-même.
Fonction de ce comportement monomaniaque et répétitif à traiter la violence à quoi elle est
confrontée. Effacer les signes de la présence de l’autre.

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à Kanner remarque qu’une série de comportements du sujet autistes sont des comportements
activement produit. Le retrait, par exemple, le sujet le met en œuvre activement.
Dona Williams témoigne d’un encombrement fondamental (c’est ça la loupe grossissante) : comment
faire pour un sujet, comment ouvrir les portes, mobiliser les inventions subjectives quand de manière
aussi radicale, l’Autre, la présence de l’Autre, la forme que peut prendre le sujet, à avoir avec ce que
nous mobilisons au niveau de l’univers symbolique. La gifle, c’est sa découverte du monde, c’est ce qui
se passe au plus près de ce qu’il se passe pour elle.

« A la longue, je fini par apprendre à me fondre dans tout ce qui me fascine : les motifs du papier peint ou du
tapis ; un bruit quelconque ou mieux encore le bruit sourd et répétitif que j’obtenais en me tapotant le menton.
Dès lors, les gens cessaient d’être un problème et leurs paroles s’évanouissaient dans un marmonnement
indistinct et leur voix se réduisaient à un catalogue de bruit. Je pouvais regarder au travers d’eux jusqu’à n’être
plus là et même, plus tard, avoir le sentiment de m’être fondu dans leur être. »

Ça, c’est fondamental, c’est le premier pas que l’on fait dans ce témoignage à essayer de saisir les
ressorts qu’elle essaie de dégager et surtout, ce à quoi elle est confrontée : le monde comme étant
absolument impraticable ; l’Autre comme étant un réel impraticable : LA GIFLE.

Élan premier en général est un élan qui va vers l’enfant. Ce que Dona ne veut pas car gifle en
permanence. Ca rend les choses compliquées mais ça provoque aussi des escalades. Elle est engagée
dans ses mouvements (papier peint et bruits répétitifs), et sa mère vient la chercher (car ne veut pas la
laisser faire ça toute la journée « qu’es-tu en train de faire ? ». Dona vit à cet instant les gifles.
Dynamique circulaire d’escalade. Comme elle savait qu’elle devait répondre pour qu’on la laisse
tranquille, elle établit un compromis. Elle répétait « qu’es-tu en train de faire » sans s’adresser à
quiconque. Sa mère disait « ne répétait pas ce que je dis ». Et là, la gifle tombe. La présence de l’autre
est signe de son existence et signe de ce qu’il attend et de ses désirs. L’être humain, dans sa position
d’aliénation vient se loger comme l’objet de cette attente et pour D.W, ça faisait apparaitre un univers
ET violent ET incompréhensible.

« Qu’es-tu en train de faire ? (Faisais la voix). Comme je savais que j’étais sensée répondre pour que l’on
arrête de me déranger je ménageais un compromis et répétais « qu’es-tu en train de faire ? Sans
m’adresser à quiconque en particulier ».
« NE REPETE PAS TOUT CE QUE JE DIS, dansait la voix. Sentant à nouveaux un besoin de répondre,
j’obtempérais et la gifle tombait. Je n’avais aucune idée de ce qu’on attendait de moi. Pendant les 3
premières années de ma vie, ce fut là tout mon langage agrémenté des intonations et des infections
vocales de ceux dont je narre à penser qu’ils faisaient partie du ‘monde’. Le ‘monde’ se montrait

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impatient ; importun ; dur et … (je n’ai pas entendu le mot. !). J’appris à lui répondre avec des pleurs et
hurlements ou par l’indifférence »

Ici, l’Autre, c’est la voix. D.W avait compris qu’il fallait qu’elle réponde quelque chose pour qu’on la
laisse tranquille et, évidemment, on ne la laissait pas tranquille.
Rapport à la fois rigoureux, précis en terme de témoignage (pour indiquer comme ça se passe), et en
même temps sans colère, forme assez drôle d’ironie : guillemet à monde. « Monde » pas agréable pour
elle, il se montrait impatient, dur et implacable. Elle a appris à lui répondre par les pleurs, hurlements,
l’indifférence et la fuite à se couper de cette violence du monde. Violence, passage à l’acte,
débranchement, extraction, elle situe ça du côté d’une réponse à la violence du monde des humains
qui lui veulent des choses qui lui tombe comme des baffes car elle ne sait pas ce qu’il se passe. C’est ce
qu’elle pouvait inventer à ce moment-là. Fait partie de son parcours universitaire, ce qu’elle a pu
inventer à ce moment-là.
Papier peint, mais aussi d’autres objets pouvant se brancher de manière monomaniaque. Son cote de
l’invention s’est fait par la rencontre avec les objets. Car rencontre avec les gens : violence, il fallait s’en
débrancher. Découverte dans le monde est du côté de la rencontre avec les objets. L’entrée dans le
monde pour les êtres humains se fait toujours de manière singulière mais que certaines singularité
peuvent s’éloigner de certains schémas qu’on retrouve chez les humains. La dimension relationnelle et
s’attacher aux gens est ce que l’on rencontre assez souvent, même si ça reste singulier. Ca donne
l’illusion que c’est le schéma par lequel il faut passer. Mais pour certains humains ça va passer par autre
chose. Chacun a sa façon de faire mais chemins de traverse pour y arriver. Peut-on à partir de ses objets,
l’amener à un rapport à l’autre et donc tolérer la présence des autres. Si elle s’intéresse à certains
objets, nouvelles façons de jouer avec ses objets. Accompagnement du côté des thérapies des affinités.
On part des activités, des centres d’intérêts, on voit si on peut rebondir sur autre chose.
Première façon de faire avec le monde : branchement sur les objets (permet un retrait) tente d’annuler
la présence de l’autre.
Les personnes avec qui ça allait, elle les investissait comme des objets. « les personnes que j’aimais
étaient des objets » elles étaient des protection contre ceux qu’elle n’aimait pas. Si on arrivait à être
présent comme un objet, ça allait. Monde des humains lui veut quelque chose comparé au monde des
objets. Les personnes qui savaient mettre en sourdine leur demande, leur attente avec leur voix, leur
façon d’être. Modalités de présence à l’inverse que ce que le social proclame comme idéal (relationnel
et communicationnel). Consentir à être un objet et consentir un contact dans le monde de par les objets
à voies singulières à côté du grand courant. Paradoxe sociétal : être un individu mais aussi avoir du
relationnel, communiquer ses émotions,...

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Évidemment, on ne va pas se satisfaire que de ça et se dire « ha, ça à une fonction pour le sujet, dans
ce cas laissons la continuer à admirer les motifs de papiers peint et s’engager dans les tapotements ».
Ça ne veut pas dire non plus que l’on ne va pas partir de là et qu’on ne va pas considérer que c’est un
point de départ. Au fond, c’est à partir de là et de la fonction que ça occupe pour un sujet qu’on va
trouver avec le sujet la possibilité de faire des pas supplémentaires qui permettront au sujet de
mobiliser un peu plus de choses (voir de nouvelles), de rencontrer autre chose tout en maintenant la
fonction que cela occupe pour le sujet. Donc, on ne va pas considérer qu’il s’agit d’un déficit à éliminer,
on va plutôt considérer ça comme étant « le petit trésor à partir duquel on va pouvoir démarrer
quelque chose ».

L’enjeux c’est d’accueillir l’impossible à supporter et la manière dont le sujet le traite. Comment
accueillir, pour D.W, si elle devait entrer en institution, comment accueillir sa fascination pour le papier
peint et ses tapotements. L’accueillir ce qui nous permettra, avec elle d’ouvrir de nouvelle porte dans
une position qui lui permet d’exister, c’est-à-dire pas dans une perspective de déficit.

2. Exemple d’une autre modalité d’invention : le « double »

Le sujet produit à un moment un « double imaginaire » qui va occuper une place et prendre une
fonction dans sa dynamique subjective (et donc traiter quelque chose de la présence de l’autre). Le
double peut prendre diverse forme et est investi par le sujet. Un soignant, dans une institution, peut
être investi dans une fonction de double. Le sujet fera alors faire au clinicien (son double) une série de
chose, soit en lui donnant des indications soit en le prenant par le bras, comme si c’était un
prolongement de lui-même.

A nouveau, soit on n’accueille pas le truc et on le perçoit comme un déficit dans l’optique de ne pas
instrumentaliser les gens soit on perçoit ça comme « un merveilleux point de départ » permettant de
rentrer en contact avec l’autre. Le prendre et l’accueillir comme point de départ c’est autre chose que
de le prendre comme un déficit évidemment.

Pour le Double, le jeu sera d’accepter de faire la marionnette et de voir ce qui se passe quand on
consent à accueillir l’originalité/ l’invention du sujet. Et à ce moment cela permettra de créer de petits
écarts et de voir ce que produisent ces écarts. Cela permettra peut-être de donner lieu à un rire ; une
fantaisie. Accueillir quelque chose de l’invention permettant que de nouvelles portes s’ouvrent et en
même temps on a accès à des nouvelles marges de manœuvres.

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

Ici, les doubles dont elle parle c’est d’abord un double : Willie (une personne qu’elle fait parler). Ce
qu’elle indique c’est que : à un moment, parler c’est compliqué ++ car ça revient à se situer face à un
interlocuteur, se soutenir d’une énonciation avec un Autre qui se soutient également de son
énonciation et ça, ce n’est pas possible pour elle. En revanche, le faire via Willie, c’est faisable.

« (..) Je pris gout à m’endormir (..) j’allais alors sur mes 3 ans. Willie devint mon incarnation extérieure »

Willie est perçu comme une incarnation extérieure où ce n’est pas elle qui parle mais c’est Willie ce qui
signifie que le lieu d’énonciation, ce n’est pas elle (loupe grossissante).
Dire à quelqu’un « tu es vraiment un con » ou créer un personnage et faire dire à ce personnage que
« tu es vraiment un con », ce n’est pas la même chose ! On est ok, l’interlocuteur n’est pas dupe non
plus mais ce n’est pas pareil. On a extrait le lieu d’énonciation pour le poser ailleurs.
C’est fondamental pour elle, elle a trouvé des façons de traiter et d’annuler cette énonciation, elle
arrive à faire parler Willie pour faire en sorte de ne pas devoir parler elle-même.
« Willie devint mon incarnation extérieure ; mon préposé aux affaires étrangères ».

« Willie » = devient l’incarnation extérieure à elle. Un double imaginaire. Willie pourra commencer à
parler. Ce que Willie va dire haut et fort c’est « fou moi la paix ». L’Autre = les affaires étrangères =
quelque chose de violent et d’énigmatique. D.W est en état de guerre permanent et elle a trouvé son
« préposé aux affaires étrangères » qui arrive à traiter de ça.

A nouveau, c’est une loupe grossissante et c’est ça tout l’enjeux de notre travail clinique. C’est l’idée
de soutenir le sujet dans sa possibilité de produire des inventions qui sois pour lui praticable sur le plan
du lien sociale. Voir si c’est compatible avec le futur, ne pas dire si c’est ‘normal’ ou pas ou ‘efficace’ ou
non, il faut voir si c’est praticable au niveau du lien relationnel et avec les personnes soignantes ainsi
qu’avec sa famille. Il faut être assez patient pour pouvoir gérer ça…

Notre social aujourd’hui promeut des discours victimaires : ça permet de dire des choses sur des
situations qui ne vont pas. Mais aussi, l’autre face de la médaille, l’identification au statut de victime,
se penser soi-même avec un destin de victime.

Willie devient son « préposé aux affaires étrangères ». C’est la voix qui parle, celle qui porte un nom.
Pas un dialogue facile avec Willie. Il est préposé au commerce avec les étrangers pour Dona.
Elle aura plusieurs imaginaires, pour traiter, exclure la dimension de l’énonciation. Très compliqué pour
elle l’interlocution qui met en jeux la volonté du sujet et des uns et des autres. L’autre veut quelque
chose à inacceptable pour elle. Elle peut parler, si ce n’est pas elle qui parle. Peut s’énoncer des choses

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si ce n’est pas le sujet qui assume l’énonciation. Dans la clinique : dire des énoncés qui vont mettre
entre parenthèse ce qui est inacceptable. Notre manière de parler, du côté de l’énonciation peut avoir
différentes connotation. Le travail clinique c’est un travail où l’on tente de poser des hypothèses sur
des dynamiques subjective mais c’est aussi un engagement vis-à-vis de l’autre et de notre présence.
On doit prendre en compte les indications amenées par l’Autre et jongler avec ça. On doit parvenir à
se mettre en retrait ou poser sa voix, sous une forme théâtrale, avec son propre style. Être présent sans
pour autant rentre l’autre objet+++ de notre présence (trouver la bonne dialectique). Le jeu, c’est de
trouver la bonne mesure : suffisamment tôt mais pas trop tôt non plus, au risque de rendre notre travail
impraticable car insupportable pour l’autre.

Ce qu’on accueille dans la clinique, c’est de l’ordre de l’autre pour le sujet n’est pas facile, il peut être
très compliqué (« va te faire foutre »), mais c’est ce qui est adressé à l’autre. Les façons de faire d’un
sujet vont pouvoir bouger. Clinique = rencontre avec ce qu’il ne fonctionne pas (mais c’est aussi une
façon de fonctionner).

Jean-Claude Maleval : clinique de l’autisme !

Faire usage de l’intervenant comme double imaginaire pour faire ce que le sujet ne peut pas faire
(Willie). Ca peut être une peluche, un objet. Ce dont le sujet va pouvoir faire usage. « Ouvrir de
nouvelles portes » Fouchet. Manière dont le sujet arrive à entrer dans le monde, à s’en saisir.

Éthique : elle ne dit pas que c’est la faute de sa mère, elle dit qu’elles ont toutes les deux fait ce qu’elles
pouvaient. Cette violence et brutalité qui feraient qu’elle est comme elle est. Elle dira « ça a été difficile
de faire avec ma famille MAIS ça a été difficile pour ma famille de faire avec moi aussi. On a chacun
tenté de faire comme on pouvait ». Elle explique les choses dans une dynamique circulaire : « ce n’est
pas la faute de l’autre, il y avait ma dynamique subjective, celle des autres et chacun faisait comme il
le pouvait ». Elle explique les choses en assumant sa position subjective et en reconnaissant à quel
point c’était compliqué pour tout le monde tout en témoignant de cela et des nouvelles portes que ça
pouvait ouvrir. Cela témoigne d’une rigueur éthique ++. Il n’était pas question de dire que c’était la
faute de l’Autre. Alors que c’est toujours plus facile de dire que c’est la faute de l’autre.

Quand D.W parle de sa famille et de la causalité / responsabilité de son trouble :

« Il serait bien hasardeux d’affirmer que ce fut la brutalité de nos rapports familiaux qui m’a faite comme je
suis »
Elle dit deux choses :

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- Ses rapports familiaux n’étaient pas sans brutalité. De façon générale, c’est assez rare que ce soit
le cas mais ici, elle le dit sans pour autant que ce soit ça qui ait causé ses troubles.

« Jusqu’à ce que je sois pratiquement adulte, je suis certaine de n’avoir jamais, ressassée les scènes de violences
qui n’atteignait que presque pas ma conscience enfantine »

- De toute façon, même si le monde était horrible et violent et tout, c’était en dehors de ce qu’elle
pouvait percevoir.

« Bien que je fusse une des composantes de ce drame familiale. »

- Le drame pour tout le monde, c’est que le fait d’être gentille était tout simplement impossible pour
elle.

Ça aussi, c’est une loupe grossissante. La grande difficulté quand on entre dans la clinique, c’est
que on s’y engage avec des idéo et une série de chose qui nous caractérise. On veut aider l’Autre
et contribuer à ce qu’ils aillent mieux et c’est potentiellement quelque chose avec lequel le sujet
va avoir des difficultés. C’est à la fois notre moteur et aussi ce qui peut poser un problème pour le
sujet.

Question étudiante :
Willie : faux self, vrai self ?
Postfreudien : il y aurait un vrai self et un faux self qui serait une défense ou un paravent qui montre le
vide à la place du quelle ne se trouve pas ce vrai self. Construction d’un vrai self soit découverte de ce
vrai self (montrer au sujet qu’il s’agit d’un faux self pour accéder au vrai). Aussi, on va se construire à
partir des représentations de soi.

3. La lecture
Elle découvre la lecture dans le monde, chez l’autre et à travers des rencontres (des objets ou des
choses). Elle va rencontrer la possibilité de lire (mères grandes lectrices de romans). L’objet livre mais
ne s’y engage pas comme la plupart des gens. Elle va commencer par lire des bottins téléphoniques.
Les bottins c’est le passage par le classement, organisation alphabétique. Elle va se rendre compte que
ce n’est pas comme ça que dans les bottins. Entrée dans la scolarité qui va se faire difficilement. Façon
de s’intéresser aux choses de manière singulière, elle très à côté de ce courant. Passion pour classement
et collection en tout genre. Se mettre à côté d’elle, du bottin, pour voir que ce qui l’intéresse c’est le
classement. Ca ouvre à la dimension de l’apprentissage (ordonner les choses, classement). Dimension
d’invention et ça ouvre une porte sur le monde beaucoup plus importante. Toutes les inventions se

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valent car elles occupent une place importante pour le sujet. C’est vrai mais en même temps certaines
inventions ouvrent à une multiplicité de modalités de rencontre avec le monde beaucoup plus
importante. Elle va puiser chez l’autre (sa mère) son intérêt pour la lecture. Tout dans le monde peut
être classé et ordonné. Elle, elle se débranche, elle sort de l’énonciation (quand on raconte quelque
chose, ça part de notre histoire, mais elle, elle classe). Exemple : raconter une histoire sur les vaches,
mais elle, elle va classer.

« Le réveil du mort » : souhait d’aller à la rencontre du monde. Annuler la présence de l’autre mais aller
à la rencontre avec le monde. « Réveil du mort » : quelque chose qui remet en mouvement Dona, au
lieu de l’extraire.

Rencontre déterminante dans sa vie avec le bottin. Ca a changé sa vie. Rencontre singulière. Accueil
que l’autre va réserver. Annuaires= 1er objet = 1ère rencontre = ouverture vers une partie du monde et
vers le domaine de l’apprentissage.

« L’annuaire devint la salle de classe la plus impersonnelle et la plus commode que j’eusse jamais connue »

Qui suis-je pour délibérer qu’une manière de faire est plus créative que l’autre ? La façon dont ça sera
accueilli par l’autre, comment dans le social ça va être accueilli.

Le domaine vers lequel elle va se diriger à l’université, c’est la linguistique car c’est l’aspect de pure
forme et de pure matérialité du langage qui l’intéresse. Composer/ décomposer ; jouer avec le langage
comme un matériel : c’est ça qui l’intéresse. Les cours de philosophie, littérature sont juste
inaccessibles pour elle.

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Cours 2 – 24/04

Rappel : hypothèses qui se basent sur les dires du sujet, su ce qui se passe et surtout pas sur des
présupposés.

Temporalité qui est marquée par des rencontres dans des effets d’après coup. Cette rencontre aura
produit des mises entre parenthèses, des effacements d’une violence, d’une présence de l’autre
insupportable pour elle. Ce qui aura fait rencontre pour elle, restera à chaque fois marqué par cette
dimension de mise entre parenthèse de cette violence. Ces rencontres sont aussi marquées par des
dimensions nouvelles : le préposé aux affaires étrangères – son double. Traitement de la dimension
énonciative : ce n’est pas moi qui parle. Une parole est donnée à l’endroit de l’autre.

Rencontre avec le bottin téléphonique : elle part de cet intérêt pour arriver dans l’univers éducatif mais
une manière différente des autres enfants. « Loupe grossissante » : singularités qui ne se réduiront pas
à la norme sociale partagée, qui se produit pour tous les sujets. Ici, Dona a une trajectoire singulière
(comme tous les enfants) concernant l’éducation. Elle aura une trajectoire compatible avec le social. Il
y a des incarnations de l’autre qui posent intérêt, qui sont là mais qui ne dérangent pas Dona, puis
d’autres qui suscitent des difficultés (// son prof de philosophie). Mauvaises rencontres : violence
directe, les baffes. Elle s’appuie sur l’ironie pour pouvoir témoigner de ces mauvaises rencontres. Il y a
aussi des rencontres qui ne sont ni bonnes, ni mauvaises et ça c’est bien. D’autres, sont des bonnes
rencontres.

Ce qui va faire rencontre de manière essentielle chez elle c’est l’univers des objets : objets abstraits
comme le langage (ordonner, classer), la musique Donc, autre chose qui l’a intéressé : la musique. Pas
sur le plan des émotions mais la musique comme une mathématique de la musique et de la composition
musicale. Sa mère avait aussi une passion pour la musique classique. C’est donc ce parcours qui lui aura
permis de « faire de son symptôme un métier »1 mais ce dont elle témoigne c’est qu’une série de
difficultés resteront tout au long de son existence, avec une série de malentendus. Son parcours l’a
amené à faire des rencontres, ces gens vont s’attacher à elle mais il y aura toujours cet espace du
malentendu entre, ce que les autres peuvent supposer qui pourrait lui faire plaisir et ce qui est
praticable (ou pas) pour elle (ça aussi = loupe grossissante car l’espace sociale est toujours un espace
rempli de malentendu). Ces rencontres vont marquer son existence, en tirant une trajectoire de vie
tout en étant confronté à la difficulté de la rencontre. On l’a souvent trouvé arrogante, de par sa
distance. Et on lui jetait à la figure « tu es quelqu’un d’arrogant ». Différence d’interprété quelque

1 « Faire de son symptôme un métier » = faire de leur difficulté une voir pour vivre leur existence.

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

chose qui n’est pas là vs ce qui est dit. Être arrogante n’a jamais été dit selon Dona. Ça s’appelle de la
projection : proposer des hypothèses sur des choses qui ne sont pas dites. Les émotions et les attitudes
sont très trompeuses. Quand on fait des hypothèses, on parle plus de soi que des autres. De manière
provocatrice, faire des hypothèses sur base de ce qui est en dessous de ce qui est dit, ça a le même
statut que de dire à Dona, juste par son attitude, qu’elle était arrogante.

On parle de malentendu sur plusieurs plans car c’est aussi le malentendu qui va rendre les choses
praticables. Il y a pas mal de fois où on parle avec des gens et où on a l’impression de se comprendre, de
partager les choses. Si on va au fond des choses, ça c’est un malentendu qui permet de se sentir en
communauté avec l’Autre et où toutes ces discussions peuvent être sérieuse mais la principale fonction de
cette discussion, c’est de nourrir quelque chose de l’ordre du lien social plutôt que de se livrer ou d’éclaircir
ses propres positions. L’autre malentendu c’est la découverte de ce « ha tien, je pensais que …. Mais en
fait, pas du tout ! » Et c’est ce qui va se passer à plusieurs reprises pour elle.

« On s’était permis de me toucher sans y avoir été autorisé. On pensait ne m’avoir donné qu’une simple petite
tape sur l’épaule et c’était tout mon libre arbitre qu’on avait offensé. L’égoïsme ordinaire du premier venu
faisait voler en éclat mon sentiment de paix et de sécurité. L’image rassurante de la vie quotidienne que c’était
fabriqué le tout-venant (le discours courant) était précisément celle qui ruinait et brisait mon fragile équilibre.
Certaines personnes, bien intentionnée, prirent la peine de m’expliquer comment les autres ressentaient mon
attitude. J’en conclus que mon comportement avait toujours deux interprétations possibles : la leur et la
mienne. Ces gens ‘serviables’ essayaient de m’aider à « surmonter mon ignorance » mais sans jamais eux même
chercher à comprendre la façon dont je voyais le monde. Pour eux, tout était simple, il y avait des règles à
respecter et j’avais besoin d’eux pour les apprendre. C’était évident ».

L’égoïsme ordinaire = ça plait d’abord à nous-même de faire la bise aux autres, mais on dit que c’est pour
les autres qu’on le fait. Cet univers social favorise cette proximité. Dans certaines cultures, ça ne va pas.
Notre propre égoïsme ordinaire est sans doute beaucoup plus important de ce que l’on imagine, c’est
humain. Hypothèse qui nous invite à porter notre attention et notre travail sur nous-même.

Décrire l’autre avec cette ironie : effet d’après coup car sur le moment elle ne savait pas le faire.

Il arrivait aux gens de lui faire une série de chose, qui se font habituellement, car ça se fait dans un espace
social et culturel. Exemple : tapoter sur l’épaule alors que pour elle c’est juste impraticable. Et c’est sur ça
que les gens lui disent qu’elle est arrogante en tentant de lui « expliquer » que l’intention de base était
délicate (et bonnes intentions envers Dona) et du coup que la réaction de D.W est mal vécue…

« L’image rassurante de la vie quotidienne que c’était fabriqué le tout-venant »

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

Les rencontres que Dona a pu faire par hasard, c’est une des dimensions de notre travail à rencontre avec
le sujet et faire de notre côté ce qui sera praticable pour le sujet. Donner toutes ses chances à la possibilité
pour le sujet de donner un espace où notre présence ne fait pas obstacle au travail subjectif. Elle a rencontré
peu de psy. Pas dans le sens d’un accompagnement mais plutôt des bonnes rencontres avec de bons objets.
Notamment une psy pendant un certain temps et avec qui ça va bien marcher (qui a su présenter ses
caractéristiques qui montraient quelle était praticable pour Dona) jusqu’au moment où la psy lui prescrit
un médicament (neuroleptique) et que D.W va se renseigner pour savoir ce que ça traite. D.W en viendra
à la conclusion que le psy pense qu’elle est psychotique, plus précisément schizophrène… Et c’est cet acte
de prescription qui fera office de rupture pour D.W. car situait la psy sur un tout autre plan. D.W s’est dit
que « la psy pense que je suis porteuse d’une maladie » à ça tombe comme une baffe. Or ce n’est pas le
cas. Si la psy, à ce moment, avait expliquer que cette possibilité de traitement était à visée d’apaisement et
qu’elle l’avait renvoyé vers un psychiatre ou un médecin, le fait de faire intervenir un tiers pour faire la
prescription, ça aurait pu maintenir le lien et ouvrir à des nouvelles pistes. Au plus on a de casquettes, au
plus on a le risque de mettre le sujet dans une position d’impossible. Dona perd la personne à qui elle peut
se plaindre de tout vu qu’elle avait le rôle de psychiatre aussi. La psy, en portant la casquette de psychiatre
et de psychologue ne permet pas à Dona de se plaindre de sa psychiatre qui prescrit des médicaments vu
que son médecin est sa psy.

Du coup, prudence et réflexion dans ce que l’on fait. Preuve encore que le travail à plusieurs est mieux car
il permet aussi de tirer de l’enseignement des expériences des autres et éviter de faire des boulettes
inutiles.

« C’était mon anniversaire, j’avais invité Tim à diner. Karen, Tim et moi étions réunis autour de la table et puis à
un moment, ils ont levé tous leurs verres et m’ont souhaité un heureux anniversaire. »

« Heureux anniversaire » : même avec des gens avec qui elle a pu nouer de chouettes choses et où ça
devient relativement praticable pour elle, elle va décrire la scène comme quelque chose qui se déroule aux
ralentis et où elle se sent comme dans un rêve.

« Éveillée pourtant comme dans un rêve, Dona était debout, pétrifiée »

C’est-à-dire que même pour raconter ça aujourd’hui, elle doit parler, à la troisième personne, de ce truc
quasi impossible à décrire tellement c’était un moment de vacillation radicale.

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

« J’en gardais la bouche ouverte d’émotion. Et voilà, il me suffisait de penser que j’étais pratiquement ‘normale’
pour que l’une de mes initiatives s’abattis en catastrophe sur mon univers. C’était tout de même étrange, la
façon de ce genre de phénomène se renouvelait constamment ».

Donc, malgré ses initiatives d’être « normale », elle fait le constat qu’elle n’est jamais réellement à la
hauteur et que, finalement, il y a des choses qui ne bougeront pas. Elle est une sorte de socle intraitable,
qui ne va pas bouger et il faut qu’elle fasse avec. Elle parle d’elle à la troisième personne, dissociation sur
le moment. Tellement pétrifiée qu’elle ne peut plus parler en « je », complètement écrasée par la violence
banale de ce qui se passe.

Relation amoureuse où on partage le quotidien avec quelqu’un : ça du mal à durer car il faut mettre son
propre égoïsme ordinaire de côté, se traiter soi-même pour que ça dure. Dona, a rencontré quelqu’un qui
semble avoir renoncé à toutes les expressions de l’amour envers elle, partenaire praticable.

Dans ce témoignage que Dona nous offre, elle a pu s’adresser à nous de manière impersonnelle. C’est plus
facile pour elle d’écrire, que de le dire oralement. Adresse anonymisée qui a sans doute rendu les choses
possibles. Il s’agit vraiment d’une adresse à l’Autre et à nous, en tant que psy, à qui elle donne même des
conseils à la fin de son ouvrage. Ce qui ne manque pas d’ironie. Elle dit aux psys comment faire pour
travailler valablement avec des autistes. Comme si elle parlait au nom des autistes. Hypothèse de Fouchet :
dire des choses du côté d’elle-même, pas en « moi je » mais en parlant des autistes. C’est une forme d’ironie
que de s’adresser au psy et de leurs expliquer comment faire avec les personnes souffrant d’autisme.

« On caractérise l’autisme par la difficulté particulière à communiquer et à s’exprimer. Voici certaines des
stratégies et des démarches, que j’ai moi-même utilisée, afin de compenser ce handicap. Au mieux, la personne
qui souffre d’autisme ne peut parler couramment car la condition de duper et de leurrer son esprit en lui faisant
croire que :
1. Ce qu’elle a à dire n’a aucune importance émotionnelle. C’est-à-dire qu’elle est en train de parader
comme si de rien n’était ;
2. Que celui qui l’écoute, ne pourra pas l’atteindre ni détecter ses intentions au travers des mots qu’elle
emploi. C’est-à-dire qu’il lui faudra s’exprimer au travers d’un jargon, un du langage du ‘poète’ » (…) à
pour que quelque chose se joue elle doit être là mais en même temps d’être hors-jeux

Son discours, lui-même est extrêmement ordonné. Donc, au fond, il faut évacuer cette dimension de
l’énonciation et ne pas se faire attraper par l’Autre, ne pas être objet de l’Autre.

Si on souhaite opérer le pari du sujet, elle nous donne des conseils : ne pas se fier aux représentations
sociales qu’on peut partager sur la manière de travailler. Elle nous invite à sa façon de comment faire le

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

pari du sujet, accueillir le sujet dans sa singularité. Elle conclut que tout cela est compliqué car on ne sait
écouter qu’avec nos propres oreilles.

Cours 3 - 8/05

Traiter les signes de la présence de l’autre est une caractéristique des sujets humains. Présence de l’autre
est un embêtement qui suscite l’invention. La question est celle de la débrouille d’un sujet.

Freud propose comme hypothèse comme différents aspects/stades de la vie pulsionnelle (objet oral, anal).
Une façon d’envisager des choses comme Freud, c’est se référer à différents stages (de la libido, de la vie
pulsionnelle) qui normalise cette vie pulsionnelle comme il faut passer par chacun de ses stades (on espère
couronner de succès). Régression, arrêt aussi dans ce développement. Caractéristiques normatives et
linéaires ou hypothèse que dans chacun de stades de Freud, entre en jeu la dimension de demande et de
désir et que c’est à ça que répond le sujet de manière singulière à nouveau. L’objet oral est comme tous les
objets pulsionnels, est connecté à des pulsions vitales (se nourrir pour vivre). Mais la façon dont ca se passe
pour les êtres humains c’est que c’est objet oral est en même temps pris dans une dimension relationnelle,
sociale, culturelle qui met en jeu la demande et le désir de l’autre. D’où la grande diversité de mettre en
jeu les différences culturelles, familiales, sociétales. Mettre en jeu tout ce qui touche à ce qu’on appelle
« l’art de la table ». Plus que la survie de l’organisme qui rentre en jeu mais pulsion relationnelle. Mettre
en jeu cet objet oral, c’est manger des toutes petites choses mais qui auront été préparées avec invention,
désir, surprise, présence de l’autre. Exemple « Top Chef » : transmission, place des ainées (mise à mal dans
notre modernité). Objet oral : fait entrer en jeu les façons dont les gens vont se débrouiller avec un matériel
qui répondra à la demande et au désir de l’autre. Donc, le stade oral, selon Freud, est connecté à ce que
l’Autre demande ; à la demande de l’Autre. Cette stadologie est le témoin de l’expression de ce avec quoi
l’être humain est confronté au cours de son existence ; à situer dans une dynamique relationnelle. Stade
orale est hautement connecté à la demande de l’Autre : le petit a faim et donc se manifeste par des pleurs.
Tout ça, est pris dans une boucle relationnelle avec la demande de l’Autre et ce n’est jamais sans une pointe
d’angoisse. Cette angoisse est directement liée à toutes les difficultés qui se passent dans ces moments-là :
« Est-ce que je fais ça bien ? » ; « Est ce qu’il a vraiment faim ? » ; « Est-ce que c’est suffisant ? ». Une série
d’attente et de demande avec une série d’angoisse et d’inquiétude. Au fond, l’inquiétude dévoile
l’importance de la demande et c’est quand la demande est suivie d’une non réponse que l’on perçoit
l’importance de ce que l’on fait. L’inquiétude dévoile la façon dont la demande est importante.

Institutions où il y a une cuisine, où on mange : c’est là que ça se joue. Dans la clinique de l’autisme,
beaucoup de choses se jouent pour certains enfants qui essayent de se débrouiller face à l’autre qui
demande qu’on mange. Dans la clinique de l’autisme, on repère toute une sorte de chose où la dynamique

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

de l’Autre est importante et où l’on constate quelque chose de l’ordre du refus. En institution, il n’est pas
rare de voir des thérapeutes s’inquiéter parce que le patient ne mange pas pendant les repas alors qu’en
fait, il va juste se servir dans le frigo une fois que personne ne le regarde. Certains vont simplement refuser
de manger, de venir à table ou ne manger que suivant certains rituels car cela traite de la demande et de
l’arbitraire de l’Autre. « Je ne fais pas comme ça sous prétexte que l’Autre à décider que ça se passerait de
cette manière. Je ne suis pas l’objet de ta décision donc ça se passera comme ça parce que j’ai décidé que
ça se passerait comme ça ». Théâtre où chacun joue sa partie, dans l’institution. Les soignants peuvent être
amenés à devoir faire des choses un peu folles du point de vue de l’extérieur à l’intervenant va s’adresser
au frigo « arrête de te présenter comme une horrible tentation pour cet enfant ! ». Traitement de l’autre
dans ce cas-là. D’où l’importance de régler l’institution, c’est-à-dire d’offrir un cadre qui permet que les
choses soient déjà interprétées et structurante pour tous. Alors, les différentes « injonctions » ne seront
pas dépendante de la volonté ; des arbitraires des intervenants mais quelque chose qui structure
l’ensemble et s’impose à tous (y compris les intervenants). Ce n’est pas l’heure du repas parce que c’est
moi, thérapeute le décide, c’est l’institution qui le dit ». Le « A table » s’adresse à tous, pas que à toi en tant
que malade, nous sommes tous soumis à des règles de l’espace social. Ça inclus tout le monde. On bricole
des choses aussi, mettre une chaise en bordure de la table pour un enfant qui préfère ça etc. Bricolage des
intervenants pour soutenir le bricolage des enfants. Problème, c’est que c’est un petit collectif l’institution,
donc faire des choses qui ne vont mettre à mal personne, et trouver sa place.

Le stade anal, est avant tout pris dans une dynamique relationnelle qui implique la demande de l’Autre. Le
stade du « petit-pot » c’est un stade ou évidemment on est pris dans un truc nécessaire d’expulsion des
selles mais c’est avant tout la porte d’entrée à un espace social, culturel et même familial. D’une culture à
une autre cela ne structure pas de la même manière. On a une demande qui va prendre des formes auquel
le sujet va devoir répondre, dans la clinique mais pas que ! Cela s’adresse à tout sujet (enfant et ado)
susceptible de produire des difficultés et des réponses singulières. La clinique : façon de faire avec la
dimension pulsionnelle du corps. La clinique, le réel, n’a rien de romantique.

Pour certain enfant, répondre à la demande de l’Autre (« non, tu ne fais pas ça n’importe où, tu fais ça dans
le pot ») c’est très compliqué et donc, aller au pot se fera n’importe où, n’importe quand, n’importe
comment. Dans ces conditions, le travail en institution est assez compliqué … ! Pour d’autre, d’aller au pot,
est négociable mais seulement grâce à un rituel (grand contrôle de la propreté des toilettes). Bref au cas
par cas et cela donne lieu à des réponses singulières et des inventions subjectives. La famille, les parents,
les proches rentrent en jeu d’emblée. Ils ont des choses à nous apprendre, à nous enseigner qui découle
des façons de faire de l’enfant. Être à l’écoute pour se laisser enseigner de ce que les parents ont à dire.
Instituions = bulle d’oxygène pour les parents, mais qui vont servir aussi à tout le monde.

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

Le regard (Lacan), c’est être l’objet de l’Autre. Une stratégie parmi tant d’autre sera de l’éviter ou de
marcher en rue avec une capuche sur la tête. Et donc, pas de contact au niveau du regard. Tout dépend
aussi de l’accueil de l’autre (question de tout ce qui est pulsionnel). Le pari c’est de faire un pari même si
c’est un autiste. Ne le privons pas de ce qui à avoir avec la condition humaine. Dimension désirante (au sens
freudien) qui peut rentrer en jeux pour certains sujets. Mais aussi des points d’angoisse, car trop de
présence de l’autre, qui réduit le sujet à être objet de la jouissance de l’autre. Être coincé dans des relations
à l’autre fait surgir l’angoisse. « Mais qu’est-ce qu’il me veut ? ». Prof qui ne regarde pas ses élèves pendant
qu’il donne cours : ça suscite quelque chose à énigme de la volonté de l’autre dans sa demande, dans son
désir. La praticabilité : on s’oriente à partir d’inventions praticables. Ouvrir de nouveaux espaces
praticables. Pour la capuche, c’est praticable dans l’institution, mais pas partout. Accueil des inventions,
proposer de nouvelles inventions qui collent à celles du sujet mais aussi de réfléchir à des lieux d’accueils
de ceux-ci. Exemple de l’atelier protéger. La question qui se pose alors, c’est : est-ce que, ce que veut le
sujet est praticable pour lui ? C’est une question difficile car, la question de la praticabilité est toujours
incertaine, on ne sait pas le dire à l’avance. La question et les difficultés liées aux traitements du regard de
l’Autre, n’est pas spécifique à la clinique de l’autisme. Chacun à sa façon de traiter ce regard de l’autre qui
nous place en tant qu’objet de l’Autre et qui, souvent, donne lieu à de l’angoisse. On a tous une façon de
faire avec l’Autre et des points d’angoisses qui y répondent.

La voix : exemple de parler selon un discours monocorde, c’est une façon de mettre de la distance avec
l’Autre, de mettre entre parenthèse le registre de l’énonciation. C’est une manière qui détonne par rapport
à l’espace social et culturel dans lequel on se trouve mais aussi par rapport aux attendes le l’Autre.

Donc, au cas par cas, d’une part, on remarque que ce qui peut se lire comme déficit, peut potentiellement
apparaitre du côté du fonctionne du sujet, de l’invention. Certes, ça permet de lire autrement la clinique a
priori mais il ne s’agit pas de lire a priori la clinique en termes de tableaux cliniques ! Fouchet ne nous dit
pas que dans toute la clinique de l’autisme ; retrait, isolement a une fonction pour le sujet autiste. Si on fait
ça, on ne rentre pas dans le pari du sujet. On présuppose à l’avance comment il fonctionne. C’est dans la
rencontre avec le sujet que vont se dévoiler les manières de fonctionner. Peut-être que s’isoler va
permettre le traitement de l’autre. Ce n’est pas le tableau clinique qi va nous intéresser mais la dynamique
subjective qui est importante.

Pour D.W, c’est justement quand c’est indirect et monocorde qu’elle exprime un certain nombre de chose
et qu’elle parviendra à s’adresser à l’Autre. « Faire de son symptôme un métier » (personnes qui deviennent
artistes, comédiens, ça leur parle cette expression. Mais elle n’est compréhensible que dans un cadre
sociétal donné. C’est assez rare de pouvoir faire dans la vraie vie de son symptôme un métier. Car pour la

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

plupart des gens, un métier c’est juste bosser pour le loyer et pour vivre). Façons de faire singulières, avec
son style.

Faire le pari du sujet, cela entraine une responsabilité et un respect. L’engagement de se mettre soi-même
au travail pour rendre les choses praticables pour un sujet plutôt que d’attendre que le sujet fasse
directement ce qu’il faut. Vers où va aller le sujet, on ne le saura qu’après coup. Après coups, ça prendra
une place dominante dans sa dynamique subjective. Le praticable, pas praticable, est ce qui nous oriente,
une direction pour le sujet. Ce que ça va donner, on n’en sait rien au départ. Il est clair que si on avait vu
D.W au début de son développement, très peu de gens aurait fait le pari de cette personne ; de sa
praticabilité ; du fait qu’elle puisse plus tard être invitée et faire des conférences à l’université.

Kanner : les trajectoires sont faites de rencontres, et imprévisible au moment où on rencontre le sujet. Il
propose un bilan sur le devenir de plusieurs enfants sur plusieurs décennies. Il s’intéressait aux dynamiques.
Il relève, de l’isolement, que les enfants sont activement engagés à marquer cette rupture.

Le social est toujours normatif. Loupe grossissante d’une dynamique paranoïaque : la localisation au lieu
de l’autre de la jouissance, moi comme objet de la jouissance de l’autre. Jean-Claude Maleval : « la logique
du délire ».

2ème cas clinique : Donald (cas de Kanner)


Permet de saisir une trajectoire sur le long terme. C’est très rare car on dispose rarement d’informations ;
de suivis de patient sur le long terme. En général les enfants passent dans plusieurs institutions en fonction
de l’âge (enfant – ado – adulte) et finalement, on ne sait pas ce que la personne devient et on a plus accès
à ce que la personne est devenue. On ne sait pas penser les choses en trajectoire ; on a peu accès à ça.

Enfant très fort du côté du passage à l’acte, de l’isolement, aucun intérêt pour les autres, intérêt pour
quelque objet. Donald est accueilli alors qu’il n’est qu’un petit enfant. Il présente alors tous les traits de ce
que l’on appelle « l’autisme de Kanner ». Traits qui mettent en avant plan l’aspect déficitaire des difficultés
relationnelles et communicationnelles. Ce cas est, à nouveau, un enseignement sur ce que les choses
peuvent prédirent d’un sujet, des choses que l’on pourrait parier sur la trajectoire d’un sujet quand on le
croise à un moment donné de son existence surtout quand le tableau est hautement déficitaire (comme
pour D.W). Durant les premières années de sa vie, Donal souffre montre beaucoup de déficit du côté du
retrait ; de l’incapacité à entrer en relation ; des difficultés au niveau de l’apprentissage du langage et aussi
sur le pan de la nourriture. En revanche, il présente toute une série d’éléments cliniques en termes de
mémoire et d’intérêt pour certaines choses. Dès l’âge de 2 ans, il savait réciter par cœur le 33ème saut et le
22ème passage du catéchisme presbytérien. (C’est + ou – aussi inhabituel que la passion du bottin

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

téléphonique de D.W). En tous les cas, cela reste le reflet de l’univers des parents. Ce qui va intéresser
Donald, ce sont les questions de classements et d’ordonnancements à partir des généalogies. Ces dernières,
pas du côté des généalogies familiales, ni du côté de l’histoire ou du désir, il s’est intéressé aux valeurs
d’ordonnancement : les présidents des E-U.

Ses intérêts sont également marqués par les codes en se servant du langage comme objet (réciter l’alphabet
à l’envers et à l’endroit). Quand il jouait avec des perles, il les ordonnait toujours de la même manière (non
pas je dépose les perles, mais je dépose un ordre). A partir de ça, le père a su se saisir de sa découverte du
monde (chose qui n’était pas repérable pour le personnel soignant) : le classement et l’ordonnancement et
c’est ce qui va marquer la trajectoire de vie de Donald. Le reste ne l’intéresse absolument pas, il est même
indifférent à ses parents. Cette indifférence, il faut l’interroger quant à la fonction qu’elle occupe pour le
sujet. En tous les cas, si les conditions d’ordonner et classer ne se retrouvent pas dans l’Autre, cela donne
lieu à des colère destructrices car, pas praticable pour lui.

Le fait que le père dépose des perles, va permettre un branchement de Donald sur les objets. Ça aura une
place déterminante avec un effet de rencontre (loupe grossissante). Souvent, ce sont les petites choses qui
nous marquent. On ne sait pas dire pourquoi ça à un effet de rencontre, mais fondamentalement ça reste
énigmatique au sujet lui-même. C’est de l’ordre d’un effet de corps.

Après avoir été accueilli en institution, Donal est placé dans une famille d’accueil à la campagne (on est
dans un contexte de guerre, en Angleterre) Ainsi, en vue d’être mis à l’abris, Donal est placé chez un couple
de fermier, ce qui semble avoir fait rencontre pour Donald. Ce couple, n’ayant aucune formation psy
(Donald : pas beaucoup de rencontres avec du personnel psy. Psy : on ne joue pas trop au psy, on arrive à
modifier le cadre, s’adapter ce qui semble pouvoir être praticable mais aussi mobiliser le sujet), a réussis à
rendre vivant la dimension de l’accueil et du pari du sujet. Ce qui pouvait être lu du côté du déficit a été
accueilli comme quelque chose à partir de quoi on pouvait produire un œuvre.

Les stéréotypies de Donald ont été accueillies. Modalité monomaniaque, impossibilité d’avoir un
engagement quand la réponse était du côté du « non ». Le non a souvent peu de valeur s’il n’est pas
connecté à un oui « non pas maintenant, mais oui ».

Exemple, Donald qui aime le classement et l’ordonnancement, aime beaucoup récolter des animaux morts
et les stocker dans sa chambre. On est d’accord pour dire c’est un peu compliqué, aussi bien au sein du
couple fermier que dans une institution. Donc, Donald a une passion pour les animaux morts, ce qui est
impraticable et incompatible avec le lien social. Cette formule de compatibilité permet de faire une
distinction entre une élan que l’on pourrait avoir (une orientation de travail) qui irait du côté de la

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

socialisation (tenter de socialiser et de normaliser) et l’accueil du sujet dans sa singularité. C’est-à-dire, de


ne pas se préoccuper du fait que ce soit en dehors du discours mais se préoccuper du fait que ce soit
incompatible avec le lien social. Et donc préoccuper par la pente ségrégative que cela risque de creuser
pour le sujet s’il s’engage dans cette voix-là.

L’idée ne sera donc pas de juger sur le fait que ce soit + ou – social (on est pas là pour faire la morale, on
est pas là pour décider des choix politiques et éthiques du sujet dans la société) mais par contre, il s’agit
d’un souci par rapport à la pente ségrégative creusée par le sujet.
Comment soutenir une invention en traitant de cette potentielle pente ségrégative ? Ici, on ne dit pas que
c’est bien ou non de traiter des animaux morts, on fait le constat de dire que ce n’est pas praticable. Et, le
couple de fermier qui a tenté de faire avec cette obsession est arrivé à nouer deux choses : un non et un
oui !

Dans la clinique (pas que celle de l’autisme), c’est l’un des enjeux essentiels de notre travail : à la fois dire
« non, ça ne va pas, dans notre espace de collecter des animaux morts, ça craint » mais « oui, on accueille
quelque chose de ta dynamique sociale ».

Ils ont donc proposé un autre endroit pour qu’il puisse loger ses animaux morts : faire un espace du jardin
qui va devenir un cimetière. C’est noué le « pas possible socialement parlant » mais « oui, on va réfléchir
ensemble et trouver une autre localisation de l’objet auquel tient absolument Donald ». En termes de loupe
grossissante, c’est important de ne pas dire une série de non, de dire « tu n’as qu’à faire autrement avec
autre chose », il ne faut pas prendre les sujets pour des cons.

Sans doute que la représentation du cimetière selon le couple et selon Donald n’était pas la même. Dans
nos représentations, un cimetière c’est un endroit que la communauté met à profit pour marquer le fait
que des personnes comptait pour nous et auxquels on va pouvoir rendre hommage en investissant les
tombes (par exemple). Pour Donald, c’est autre chose, pas du tout dans l’idée d’un désir ou d’une attention
pour les cadavres d’animaux. Peu importe il a su s’en servir en trouvant un espace autre que sa chambre
pour compter-ordonner, ça a ouvert à une dynamique. Ainsi, il a commencé à ordonner ce cimetière et à
marquer les espaces dans lesquels étaient enterré les différents animaux et y associer symboliquement
quelque chose en lien avec l’animal. Ce qui l’a entrainé dans des activités l’amenant à faire appel à l’Autre
(prendre le fermier par le bras) ; à signifier une série de chose au couple mettant en jeux d’aller chercher
des outils ; des planches en bois ; écrire des choses sur ces planches en bois.

Donald s’engage aussi dans l’écriture !! C’est assez répétitif mais à chaque emplacement de tombe, il écrit
un prénom ; l’espèce de l’animal (nécessitant des recherches, permettant le repérage de l’animale) + leur

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Oubihi Marie – Questions approfondies de psychopathologie (Partie Fouchet)

prénom + dates de naissances. Donald devient un logicien avec sa logique propre (mais qui est une logique).
A la date de la mort, il indique la date où il avait trouvé l’animal. à Matériel symbolique nécessaire pour
entre dans un ordonner-classer. Et en dernier, pour clore la série : le nom de famille de ce couple de fermier.
Ça montre quelque chose de la présence de l’Autre dans un univers subjectif. C’est aussi un témoignage
d’affection ou d’appartenance. Ok cela n’est pas conventionnel mais c’est sa façon à lui de le faire. On est
dans un autre espace que celui qui est mis en valeur dans notre espace social. Ce qui nous renvoi au
questionnement des standards posés par notre société et ce qu’on en fait. Accueillir ça, ça a ouvert tout
plein de porte du côté de l’apprentissage ; de la découverte ; de l’écriture. Or, les fermiers auraient juste
pu dire « non », ou encore ne pas persévérer, substituer l’objet en disant ok mais fait ça avec des peluches
et si cela ne fonctionnait pas, s’arrêter avec cet effort. Ils étaient « gentiment fermes avec lui ».

On peut faire le parallèle avec ce qu’il se passe en institution où, souvent on fait une description d’un patient
sous un versant de la plainte car « il n’accepte pas ce que je lui propose ». Se plaindre de quoi ? Du fait que
le sujet ne réponde pas à nos attentes ; nos espérances ou qu’il ne veuille pas se poser en tant qu’objet de
nos attentes ? C’est justement là que le travail commence ! L’image d’avoir un sujet qui ‘fonctionne’ c’est
notre travail à nous, ce n’est pas le problème du sujet. Il n’y a pas de raison de pleurer si un sujet n’est pas
conforme à l’image que l’on se fait d’un patient, c’est notre problème, pas le sien. L’enjeux de notre travail
c’est de le soutenir dans ses inventions et ses trouvailles pour consentir à quelque chose qui soit praticable
pour lui. Persévérer sans se décourager et le soutenir à partir de ses impasses. Attention, parce qu’il ne faut
pas non plus se lancer dans un « oui aveugle » ou un « oui sourd » à une forme de comptabilité sociale.
C’est une forme de position radicale où le sujet se produit comme il se produit peu importe que ce soit
praticable avec le lien social.

Il a pu faire de son symptôme un métier. Adulte, il a une existence hors institution psy. Donald est plutôt
bien accueilli. Pour rappel, tout cela se fait au départ du compter-ordonner qui, de base n’était pas super
évident ni même compatible avec le lien social. Il a réussi à en faire quelque chose lui permettant de se
faire une place dans le social et de travailler comme employé de banque dans une petite bourgade de son
patelin. Travail où il très bien noté dans sa hiérarchie au point où on lui a même proposé des promotions.
Celles-ci il les a refusées car il n’est pas là pour diriger les gens, ni pour que l’on vienne se plaindre auprès
de lui ou que l’on attende quelque chose de lui en dehors du compter ordonner classer les choses). Il devient
aussi trésorier de l’église. Il s’est passionné pour le golf, avec beaucoup d’habilité. C’est intéressant parce
que le golf, c’est une activité qui se joue seul et donc pas de risque de se faire emmerder par l’autre. En
revanche, le bridge se joue à plusieurs : il trouve quelque chose dans l’Autre, il y a une inscription dans le
lien social. Donc, dans sa petite ville, il trouve quelque chose avec l’Autre : c’est le bridge et où certaines
choses seront possibles et d’autres pas. Il est reconnu comme un bon jouer (classer et ordonner) en
revanche, ce qu’il ne sait pas faire et qui ne va pas pour lui : c’est le fait de poser la première carte, de

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commencer la partie. Car commencer une partie, c’est décider (mise entre parenthèse de la question du
désir). Prendre une initiative, ce n’est pas le fruit d’un pur calcul, il doit y avoir un choix, un « moi, je décide
en fonction d’un choix ». Or, ce « moi je », il veut le mettre de côté ; l’exclure ; le mettre entre parenthèse.
Donc, c’est un très bon joueur mais pas s’il est trop sous pression : poser la première carte, se retrouver
tout seul sous le regard des Autres, ce n’est pas praticable.

C’est donc un accompagnement avec 2 faces d’une même médaille : comment accompagner le sujet pour
qu’il puisse trouver un lieu d’inscription dans le sociale et dans l’Autre. Comment le sujet pourra jouer sa
partie de Bridge avec sa particularité (c’est-à-dire le fait qu’il lui est impossible de commencer) et que,
malgré tout, il lui soit possible de jouer au bridge quand même.

Ça éclaire sur les conditions pour qu’une invention subjective puisse trouver son inscription. Ces conditions,
c’est qu’au fond : il y ait quelque chose dans l’autre (que le sujet puisse saisir ; qui vient résonner en lui) et
il décide d’en faire quelque chose. Cela signifie qu’il ne suffit pas d’amener Donald dans une activité liée au
compter-classer et lui dire « ça, c’est la voix que tu vas devoir choisir ». Si ça ne lui parle pas, ça ne
fonctionne pas (et c’est vrai pour tout sujet).

Réflexion : univers « managérial » qui attend qu’on donne des objectifs, en combien de temps etc. On ne
sait pas à l’avance ce que ça va produire. Institutions du champ de la santé sociale dépend aussi du
financement qui attend des résultats.

Globalement, On vit dans un monde qui privilégie de grandes solutions ; des modèles et idéo qui disent
« vrais pour tous ». A la fois ils sont très diversifiés mais ce sont quand même des voies de « pour se réaliser,
voici comment il faire ». Pour se réaliser, il s’agit d’être un individu libre, indépendant communicatif ; qui
exprime ce qu’il faut ; fait ce qu’il faut pour trouver un bon métier en gagnant de l’argent et être heureux,
ainsi il ne dépendra pas des autres. Il y a une sorte d’idéal de l’autonomie qui devient presque un impératif
limite tyrannique. Il faut avoir des relations épanouies sans réellement savoir ce que la signifie

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