Vous êtes sur la page 1sur 3

Directeur de la publication : Edwy Plenel

www.mediapart.fr
1

Washington Post, ne le sait pas encore, mais il pourrait


connaître un séjour mouvementé dans la capitale
En Allemagne, les travailleurs d’Amazon
allemande.
trouvent des soutiens
PAR LUDOVIC LAMANT
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 27 MARS 2018

La campagne « Make Amazon Pay » (« Faites


payer Amazon ») prépare son coup depuis quelques
De Berlin à Leipzig, la campagne « Make Amazon semaines. Elle veut tout faire pour empêcher la
Pay » tisse des solidarités entre activistes des gauches remise de ce prix au fondateur d’un groupe qui obéit,
alternatives et travailleurs précaires dans les entrepôts selon elle, à un triptyque terrifiant : « Exploitation,
Amazon du pays. Quatrième volet de notre série sur surveillance, contrôle »(voir affiche ci-contre). « Des
les batailles de l’ubérisation en Europe. travailleurs d’Amazon, de Cologne et d’ailleurs en
Allemagne, vont venir en bus à Berlin. Mais nous
Le 24 avril prochain, Jeff Bezos, le tout-puissant
ne voulons pas qu’ils se mettent en danger pendant
patron d’Amazon, est attendu à Berlin. Il doit recevoir
les actions. Donc ce sont des activistes extérieurs à
le prix Axel Springer, censé récompenser « des
l’entreprise qui prendront en charge les blocages »,
personnalités qui se distinguent par leur sens de
explique à Mediapart John Malamatinas, l’un des
l’innovation et leur capacité à créer des marchés
porte-parole de la campagne.
». Bezos, qui est aussi le propriétaire du prestigieux
Make Amazon Pay a surgi fin 2016 à Hambourg,
en marge d’une réunion de collectifs des gauches
alternatives et autonomistes connus sous l’étiquette
Ums Ganze (« Tout autour »). Ces activistes sont
persuadés que se trouve aujourd’hui, au croisement
des questions sociales et de la numérisation de
l’économie, la clé des luttes de demain. Ils plaident
pour des actions communes avec les précaires du
secteur, souvent peu syndiqués. « Nous sommes plus
que des robots ou de la data », martèlent-ils.
À Berlin, fin 2017, ces mêmes militants ont posé
les bases de leur action dans un manifeste. Leur
objectif est double : venir en soutien aux travailleurs

1/3
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
2

d’Amazon, très mobilisés en Allemagne depuis fin de sa production vers la Pologne lorsque des
2013, mais aussi lancer une discussion plus large sur grèves bousculent l’activité en Allemagne, des grèves
l’impact des nouvelles technologies sur le monde du transnationales ont même vu le jour.
travail. « Nous avons jeté des ponts avec d’autres Les ouvriers de l’entrepôt de Poznan, en Pologne,
pays comme la Pologne ou l’Italie », précise John avaient par exemple effectué en 2015 des « grèves du
Malamatinas, qui s’est aussi beaucoup investi dans zèle », en soutien aux blocages à Leipzig. Un cas très
les récentes batailles de Blockupy visant la Banque rare de mouvements sociaux transnationaux qui n’est
centrale européenne (lire notre reportage à Francfort pas sans rappeler les euro-marches de 1997, après les
en 2015). Des syndicats majoritaires comme Ver.di ou suppressions de postes massives du groupe Renault
le parti de la gauche critique Die Linke soutiennent dans plusieurs usines d’Europe.
officiellement l’initiative.
Comme le décrit cette enquête fouillée de la revue
Cette campagne ne surgit pas en Allemagne par Jacobin, des mouvements similaires commencent à
hasard. C’est de loin le pays le plus mobilisé face prendre forme en Italie, mêlant travailleurs d’Amazon
au géant numérique. À intervalles réguliers, depuis et activistes solidaires de leur combat, souvent issus
cinq ans, des grèves troublent le bon fonctionnement des centres sociaux italiens. Lors du dernier Black
des neuf entrepôts, où travaillent quelque 12 000 Friday, en novembre 2017, les trois principaux
personnes (dont un tiers sont syndiquées, un niveau syndicats italiens avaient ainsi appelé à une grève au
beaucoup plus élevé qu’en France, selon les chiffres sein du principal entrepôt Amazon de la péninsule,
publiés par le journal Bastamag). Afin d’atténuer les dans les environs de Milan.
effets des grèves, par exemple lors du Black Friday
Le site milanais compte près de 4 000 travailleurs, dont
en novembre ou à Noël, Amazon fait appel à des
moins de la moitié sont embauchés avec des contrats
intérimaires et des saisonniers.
permanents. Mais, pour contrer les effets de la grève, le
géant de l’Internet n’avait pas hésité à passer un contrat
avec quelque 2 600 travailleurs saisonniers. L’impact
avait finalement été quasiment nul. Pour la première
fois, des débrayages ont aussi eu lieu sur des sites du
groupe en Espagne en 2018.
Cette vague de mobilisations, aux résultats encore
Des ouvriers d'Amazon à Wroclaw (Pologne), timides, de la Pologne à l’Allemagne, passant par
en décembre 2015 © Reuters / Kacper Pempel l’Italie, ne frappe pas encore la France. Pourtant, les
Le bilan de ces blocages est toutefois limité : si conditions de travail y sont tout aussi problématiques,
les salaires ont été légèrement augmentés, le géant comme l’a récemment décrit Mediapart dans un
américain refuse toujours de reconnaître la convention débat vidéo(à voir ci-dessous). Joint par Mediapart,
collective de son secteur, le commerce de détail et la Sylvain Alias, représentant du syndicat SUD pour
vente à distance. « C’est exactement pour cela, parce l’Île-de-France dans le secteur commerce et services,
qu’Amazon s’en fout, que nous avons voulu venir en confirme : « La campagne Make Amazon Pay n’a
soutien », insiste John Malamatinas. pas vraiment pris en France. Cela s’explique d’abord
Il participe avec d’autres à des blocages de sites parce qu’il n’y a pas vraiment de coordination
– plus efficaces que des grèves pour interrompre syndicale entre les différents sites français, nous
pendant quelques heures les livraisons d’un entrepôt échangeons peu, et SUD est le seul syndicat à avoir
Amazon –, sans que les travailleurs ne prennent vraiment relayé l’initiative. »
le risque, eux-mêmes, de perdre leur poste. Face
à la stratégie d’Amazon de reporter une partie

2/3
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
3

Si la CGT est majoritaire parmi les salariés de différentes, poursuit Sylvain Alias. En Allemagne
l’entrepôt de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), la comme en Italie, les extrêmes gauches, notamment
CFDT l’est sur le site de Lauwin-Planque, près de celles qui viennent des centres sociaux autonomes,
Douai (Nord), tandis que SUD se dit majoritaire s’intéressent davantage à la question du numérique,
dans l’usine de Saran, près d’Orléans (Loiret). « cela me semble être moins le cas en France jusqu’à
Cela s’explique aussi par des cultures politiques présent. »

Directeur de la publication : Edwy Plenel Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
Directeur éditorial : François Bonnet Courriel : contact@mediapart.fr
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90
Capital social : 24 864,88€. Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS,
publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris.
Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart
(Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier
directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez
Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012
Société des Amis de Mediapart. Paris.

3/3

Vous aimerez peut-être aussi