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proche des milieux de l’Alt-right, la droite radicale


américaine), cet homme d’affaires est impliqué depuis
Steve Bannon en Europe: beaucoup
2014 dans différentes campagnes électorales. Membre
d’esbroufe et peu de résultats du Tea Party aux États-Unis, il s’est rapproché du
PAR AMÉLIE POINSSOT
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 30 NOVEMBRE 2018 parti d’extrême droite UKIP au Royaume-Uni, auprès
duquel il a créé l’antenne londonienne de Breitbart.
Avec la création de « The Movement » en janvier
Cette dernière contribuera activement au climat pro-
2017, l’ancien conseiller de Donald Trump voulait
Brexit jusqu’au référendum de juin 2016. Bannon est
fédérer les droites dures du continent à l’approche
par ailleurs lié à la société Cambridge Analytica, mise
des élections européennes. Près de deux ans plus tard,
en cause dans l’utilisation de données personnelles
l’initiative du riche Américain est un échec.
sur Facebook, et au sujet de laquelle de nouveaux
Il a eu droit à une couverture médiatique éléments récemment publiés par The New Yorker
impressionnante, des deux côtés de l’Atlantique. montrent qu’elle a eu un rôle dans la victoire du camp
Depuis début 2018, il a fait le tour des capitales du « Leave » dans le référendum britannique.
européennes pour créer « un nouveau mouvement
Devenu directeur de la campagne de Donald Trump,
populiste international ». Onze mois plus tard,
puis conseiller du président américain, Bannon a
l’initiative de l’ancien directeur de campagne de
dû toutefois rapidement tourner la page de son
Donald Trump, l’Américain Steve Bannon, ressemble
expérience politique américaine. En août 2017, il
à un gros bide. Un seul parti au pouvoir sur le continent
quitte la Maison Blanche après sept mois pendant
européen s’est mis dans son orbite. Tous les autres
lesquels il a notamment plaidé pour une sortie
courants qui, dans un premier temps, s’étaient montrés
de l’accord de Paris sur le climat et le recul
intéressés s’en sont détournés. Une enquête publiée
de l’interventionnisme américain. Au moment des
par le Guardian le 21 novembre dernier révèle en outre
violences de Charlottesville, c’est lui qui incite Trump
l’incompatibilité, dans la plupart des cas, de son projet
à dénoncer celles-ci sans désigner les suprémacistes
avec les législations nationales des États membres de
blancs. C’est alors qu’il est poussé vers la sortie.
l’UE.
Sa tentative de reconversion sur le terrain européen
Que veut construire, en réalité, Steve Bannon ? Son
n’est pas gagnée pour l’instant. D’autant que la
idée est de financer et de fournir, aux extrêmes droites
personne avec laquelle il s’est allié pour mener son
du continent, des outils pour remporter les élections :
projet de grande alliance européenne ne représente
analyses de données, sondages, communication sur
rien politiquement. Il s’agit d’un avocat belge,
les réseaux sociaux. Sur son compte Twitter, il dit
Mischaël Modrikamen, membre d’un micro-parti
vouloir « construire l’infrastructure, internationale,
wallon d’extrême droite créé en 2009 qui revendique
pour le mouvement populiste mondial ». Il a basé son
5 000 adhérents et ne compte aucun élu au Parlement à
organisation à Bruxelles et a l’intention d’embaucher
Bruxelles : le Parti populaire. Modrikamen a aussi été
une dizaine de personnes. D’après le quotidien
vice-président de l’ADDE (Alliance de la démocratie
britannique, il a prévu de dépenser entre 5 et 15
directe en Europe), qui a cessé son activité en 2016 sur
millions de dollars d’ici mai 2019. Non dépourvu de
des accusations de détournement de fonds européens.
mégalomanie, l’intéressé indiquait en juillet au Daily
Dans l’enquête filmée du Guardian,il déroule son
Beast qu’il avait pour ambition de faire élire un tiers
schéma.« Je pense que la ligne de division au sein des
des députés au Parlement européen.
politiques occidentales, pour les 20, 30, 40 prochaines
Steve Bannon n’arrive pas de nulle part. Âgé de 64 années, se fera entre, d’un côté, l’approche globaliste
ans, passé par la banque Goldman Sachs, la production du type Macron, Merkel, Obama, Nations unies… et
télévisuelle et la direction de médias (il était jusqu’en de l’autre côté, tous les souverainistes, Salvini, Orbán,
2016 à la tête de Breitbart News, site conspirationniste Trump bien sûr et notre mouvement », dit-il.

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Le discours de Bannon, fait de courtes phrases à Marine Le Pen et Steve Bannon en octobre à Paris, a
l’emporte-pièce, est simpliste, raciste et centré sur les démenti être intéressé. L’AfD en Allemagne et le FPÖ
questions de stratégie et de communication. Dans les en Autriche n’en veulent pas non plus, tandis que le
interviews qu’il donne à la presse, il ne développe porte-parole pour la presse étrangère du gouvernement
pas de pensée politique : il donne simplement une hongrois, Zoltán Kovács, a affiché sa prudence vis-à-
vision manichéenne du monde, où son mouvement vis des influences étrangères. Budapest va mener son
apparaît comme une alternative à Davos et à l’Union propre agenda, a-t-il dit en septembre à Bruxelles.
européenne. Mais, concrètement, quelle société veut- Enfin, même si cela revêt moins d’importance, dans la
il, quelle politique économique, quelle diplomatie ? mesure où le Royaume-Uni n’enverra pas de députés
L’ancien conseiller américain n’entre jamais dans les dans le prochain Parlement européen, le parti dont
détails. L’important, selon lui, c’est l’omniprésence Bannon était le plus proche au départ, le UKIP, a
médiatique, ainsi que le révèle l’enquête parue en également rejeté son aide.
septembre dans Society. « Il faut que dès que les Bref, avant même d’avoir émergé, « The Movement »
gens allument leur télé, ils entendent notre message, a du plomb dans l’aile. Mais surtout, dans les treize
explique l’intéressé au journaliste du quinzomadaire. pays où l’ancien conseiller de Trump a commencé
Notre but, c’est de dominer les ondes. » Qualifié par à tisser des liens, neuf d’entre eux empêchent en
certains de roi des fake news, il s’en amuse : « Ce réalité le financement étranger de partis politiques
genre de surnom, ça m’aide à 100 % ! Et vous savez ou de campagnes électorales. C’est le cas, d’après
pourquoi ? Ce que je préfère, c’est quand mes fake l’enquête du Guardian, de la France, de l’Espagne, de
news deviennent votre réalité. » la Pologne, de la République tchèque, de la Hongrie,
Bannon a passé des mois à réseauter. En février, de la Finlande et de la Belgique. Autrement dit, même
Marion Maréchal Le Pen le rencontrait à Washington. le groupuscule de l’acolyte de Bannon ne pourra pas,
En mars, il participait, à Lille, à un congrès du Front légalement, percevoir les fonds ou avantages en nature
national (Mediapart y était). En mai, il donnait des du mouvement. Dans deux autres pays, ce financement
conférences à Prague et à Budapest. À plusieurs pourrait être possible, mais resterait très limité : il
reprises au printemps, il se rendait en Italie. En juillet, s’agit de l’Allemagne et de l’Autriche. Enfin, quatre
il organisait un séminaire dans un luxueux hôtel de pays approchés par Bannon autoriseraient ce type de
Londres, où l’on trouvait, d’après le Guardian, des financement : l’Italie, les Pays-Bas, le Danemark et
représentants du Vlaams Belang, le parti d’extrême la Suède. Mais dans ces deux derniers, les partis
droite belge flamand, ainsi que des mal nommés contactés ont finalement eux aussi décliné l’offre de
Démocrates suédois… Et en septembre, il retournait l’Américain.
en Italie. Steve Bannon est alors reçu au ministère Le lancement du « Movement » avait été annoncé
de l’intérieur par Matteo Salvini lui-même et, deux pour janvier prochain, avec une vingtaine, voire une
semaines plus tard, il participe à la fête annuelle du trentaine d’organisations et la présence de membres
parti postfasciste Fratelli d’Italia (ancien allié du camp de l’administration Trump et de représentants du Tea
berlusconien, aujourd’hui dans l’opposition). Party. Or, cette échéance arrive après un premier report
Après toutes ces rencontres, seuls la Ligue italienne, (le grand raout devait déjà se tenir en septembre), et
le Parti pour la liberté du Néerlandais Geert Wilders rien n’est venu, dernièrement, confirmer l’opération de
et la formation belge du Vlaams Belang semblent janvier. La tentative de Bannon, qui révèle sa profonde
être encore volontaires pour travailler avec l’homme méconnaissance de l’Union européenne et ce panier
d’affaires américain. En France, le Rassemblement de crabes que sont les extrêmes droites du continent,
national (ex-FN), après une nouvelle rencontre entre semble être morte dans l’œuf.

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