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Surface des solides

Propriétés électroniques
par Jacques DERRIEN
Professeur à l’Université Aix-Marseille II, Faculté des Sciences de Luminy

1. Surfaces et interfaces ............................................................................ A 246 - 2


1.1 Surface propre ............................................................................................. — 2
1.2 Surface réelle ............................................................................................... — 4
2. Concepts de calcul de la structure électronique des solides ..... — 4
2.1 Propriétés électroniques de volume d’un solide ...................................... — 4
2.2 Solide avec une surface .............................................................................. — 6
3. Propriétés électroniques des surfaces propres............................... — 8
3.1 Densités d’états d’énergie........................................................................... — 8
3.2 Surfaces propres des métaux s-p............................................................... — 8
3.3 Surfaces propres des métaux de transition .............................................. — 10
3.4 Surfaces propres des semi-conducteurs ................................................... — 11
4. Propriétés électroniques des surfaces avec adsorbats ................ — 14
4.1 Concepts de calcul....................................................................................... — 15
4.2 Chimisorption sur les surfaces des métaux s-p ........................................ — 16
4.3 Chimisorption sur les surfaces des métaux de transition........................ — 17
4.4 Chimisorption sur les surfaces des semi-conducteurs............................. — 18
5. Conclusion ................................................................................................. — 19
Références bibliographiques ......................................................................... — 20

a science des matériaux a toujours été une préoccupation majeure de notre


L humanité. Parmi les différents états de la matière (gaz, liquide, solide),
l’état solide, et plus particulièrement l’état solide cristallisé, a procuré très tôt
aux scientifiques un large champ d’investigations, aboutissant à de fructueux
résultats.
En effet, le milieu cristallin, caractérisé par la répétition périodique et ordonnée
d’un motif identique constitué d’ions, d’atomes ou de molécules, présente alors
des propriétés de symétrie intéressantes dans l’espace (symétrie du réseau cris-
tallin). Ces propriétés de symétrie permettent une simplification relative de la
compréhension des phénomènes collectifs dans le milieu cristallin et aussi une
modélisation plus aisée de ses propriétés physiques. L’illustration de ces
avantages peut être trouvée à la fois dans les études de structure cristal-
lographique (article Cristallographie géométrique [A 1 305] dans la présente
rubrique) et de structure électronique (article Structure électronique des solides
11 - 1990

[A 1 335] dans la présente rubrique).


Cependant, tout solide est terminé par une surface qui délimite son volume.
Le rôle de cette surface est primordial puisqu’elle régit les interactions du milieu
environnant avec le solide. Elle est d’autant plus importante lorsque le rapport
surface/volume d’un matériau donné est grand. C’est le cas par exemple des
agrégats, des petites particules constituées de quelques atomes métalliques
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utilisées en catalyse, des couches ultraminces utilisées en revêtement optique,


en couche de passivation ou de protection, en microélectronique, etc.

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Or, la surface d’un solide présente un arrangement du motif d’ions, d’atomes


ou de molécules sérieusement perturbé par rapport à l’arrangement périodique
situé à l’intérieur de la masse du solide. De plus, suivant la direction perpendicu-
laire à la surface, on assiste à une perte de symétrie de translation. Les propriétés
physiques de la surface d’un cristal se trouvent alors fortement modifiées
comparées aux propriétés volumiques. Cette modification concerne à la fois la
structure cristallographique (article Surface des solides. Physisorption. Chimi-
sorption. Ségrégation [A 244]) et la structure électronique de surface qui fait
l’objet de cet article.
La compréhension des propriétés électroniques de surface exige une bonne
connaissance des structures de bande d’énergie d’un solide massif qui n’est pas
généralement aisée à acquérir pour des lecteurs non spécialistes. Nous rappel-
lerons dans cet exposé, quand cela sera nécessaire, les résultats essentiels acquis
sur un solide volumique, en les justifiant et aussi souvent que possible avec plus
d’arguments phénoménologiques que de développements des calculs sophis-
tiqués de la mécanique quantique, qui risquent à notre avis de déborder rapi-
dement le cadre de ce traité. Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur aux
articles de Mécanique quantique [A 196], de Cristallographie géométrique
[A 1 305] et de Structure électronique des solides [A 1 335].

Notations et Symboles 1. Surfaces et interfaces


Symbole Définition Le problème de structure électronique de surface d’un solide est
intimement lié à celui de la structure cristallographique, de la
a paramètre du réseau cristallin morphologie et de la composition chimique de la surface, et ces
D barrière de potentiel due aux charges de surface dernières caractéristiques dépendent de la nature du solide, de son
milieu environnant et des conditions de formation de la surface à
E énergie de l’électron
étudier. Nous allons, tout d’abord, examiner qualitativement, dans
Ec énergie cinétique de l’électron cette partie, les conséquences de l’existence d’une surface.
Econduction énergie du minimum de la bande de conduction
EF énergie du niveau de Fermi
Eg largeur de la bande interdite ou gap 1.1 Surface propre
E valence énergie du maximum de la bande de valence
E vide énergie du vide 1.1.1 Généralités
, constante de Planck réduite
I énergie d’ionisation En pratique, une des manières naturelles d’obtenir une surface
k vecteur d’onde propre à partir d’un solide purifié est de le cliver suivant une direction
cristallographique donnée, partageant ainsi le solide en deux parties.
kx nombre d’onde
Les surfaces ainsi obtenues (figure 1) sont en général constituées
N nombre de particules de portions de terrasses planes, correspondant aux plans atomiques
N (E ) densité totale d’états d’énergie du cristal initial, séparées par des défauts de structure tels que des
 nombre de mailles élémentaires d’un cristal défauts ponctuels (lacunes, atomes de même nature adsorbés sur
r vecteur position les terrasses...), des défauts linéaires (dislocation), des marches, etc.
U énergie potentielle de l’électron dans un champ Si cette opération de clivage ou de fracture d’un cristal se fait dans
moyen une enceinte sous ultravide (pression absolue de l’ordre
UH énergie du potentiel de Hartree de 10–10 Torr, ou 1,33 × 10–8 Pa), on peut espérer que la surface clivée
UP S énergie somme des pseudo-potentiels ne sera pas contaminée rapidement par les gaz résiduels de
l’enceinte. On a affaire à la classe des surfaces propres. Les défauts
UX C énergie du potentiel local d’échange et de topologie et de rugosité discutés précédemment sont appelés
de corrélation des électrons
défauts intrinsèques. Les premiers plans atomiques à la surface sont
uk fonction d’espace présentant la périodicité alors constitués des mêmes atomes que ceux des plans situés dans
du réseau cristallin
la profondeur du volume du solide. Mais ces atomes de surface ont
 volume du cristal une partie de leur liaison chimique, avec leurs plus proches voisins,
µ énergie de Fermi des électrons manquante, car leur nombre de coordination est moins élevé que
Φ travail de sortie celui des atomes de volume. Ils sont moins liés chimiquement et
χ affinité électronique la création d’une surface va coûter de l’énergie au système. Cette
Ψ fonction d’onde totale des particules énergie superficielle varie selon le type de plan atomique formant
ψ fonction d’onde de l’électron la surface et elle détermine d’ailleurs la forme d’équilibre et le phéno-
mène de facettage d’un cristal. Le fait que les atomes de surface ont
des liaisons rompues entraîne des conséquences sur leurs propriétés
physiques, que l’on va examiner ci-après.

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Figure 2 – Relaxation normale des plans de surface


Figure 1 – Exemple de morphologie d’une surface

1.1.2 Conséquences sur la cristallographie


de surface

Lors du clivage, les électrons libérés par la rupture des liaisons


chimiques et localisés autour des atomes de surface ne sont que
rarement en situation énergétique favorable à un équilibre. Ils
peuvent se recombiner entre eux grâce à de légers déplacements
des atomes de surface par rapport à la position d’équilibre qu’ils
avaient avant le clivage. C’est la raison pour laquelle le premier plan
atomique à la surface se trouve généralement à une distance
différente de celle entre deux plans de volume. Cette relaxation
normale à la surface peut affecter éventuellement les quelques plans
suivants (2e et 3e plans), mais généralement avec une amplitude très Figure 3 – Reconstruction d’une face (110) d’un cristal cubique
faible (figure 2). face centrée. Vue de dessus

Exemple : le premier plan de la face (110) d’un cristal d’aluminium


propre, Al, présente une relaxation normale de – 10 ± 3 % par rapport Il peut aussi arriver que la reconstruction du premier plan de
aux plans de volume. Les résultats sont déduits des expériences de dif- surface, tout en dilatant ou contractant la maille initiale dans le
fraction d’électrons lents et des modélisations en théorie dynamique rapport (m × n ), la fait aussi tourner autour de la normale d’un certain
(article Métallographie par diffraction des rayons X, des électrons et des angle θ par rapport à la direction initiale de a et b. On précise alors
neutrons [M 100] du traité Matériaux métalliques). cette rotation R par la notation (m × n ) R θ.
Des déplacements d’atomes parallèlement à la surface peuvent Exemple : la figure 4 montre un modèle proposé pour expliquer la
s’effectuer aussi pour rechercher une position de minimum d’énergie surstructure  2 × 2  R 45 o observée sur la face propre (001) du
(équilibre stable) lors de la création de la surface. Cette relaxation tungstène. La maille de surface est di
tangentielle peut donner lieu à un réseau cristallographique du
latée d’un facteur 2 et tourne de 45o par rapport à la maille de
premier plan de la surface, de périodicité bidimensionnelle
volume.
complètement différente de celui des plans de volume. On observe
alors un phénomène de reconstruction de surface avec apparition
de surstructures détectées habituellement par diverses techniques
de diffraction de surface (électrons lents ou rapides, ions énergéti- 1.1.3 Conséquences sur la structure électronique
ques ou atomes, etc.). de surface
Un réseau plan à deux dimensions (2 D) est caractérisé par une Les charges électroniques localisées sur les atomes de surface
maille élémentaire construite sur deux vecteurs de base a et b (article créent un moment dipolaire important qui modifie le potentiel élec-
Cristallographie géométrique [A 1 305] de la présente rubrique). trostatique interne du solide et, par conséquent, l’énergie d’extrac-
Dans le cas où il n’y a pas de relaxation tangentielle, la maille tion des électrons vers le vide (travail de sortie). Le potentiel de
élémentaire du premier plan de la surface reste identique à celle des surface est aussi modifié par rapport à celui du volume. Un électron,
autres plans du volume. On a alors une structure de surface notée qui se propage de l’intérieur du solide vers sa surface, va subir un
(1 × 1). En revanche, si des déplacements d’atomes ont eu lieu paral- changement brutal du potentiel cristallin. Ses fonctions d’onde vont
lèlement à la surface, la maille élémentaire de surface se trouve être très différentes de celles du volume. Elles peuvent donner
modifiée par rapport à celle du volume, par exemple m fois suivant naissance à des états d’énergie de surface supplémentaires dans le
a et n fois suivant b ; on note alors une surstructure de surface de diagramme des bandes d’énergie d’un solide discutées plus en détail
type (m × n ). au paragraphe 2.2.
Exemple : la figure 3a montre une vue de dessus de la face (110) L’existence de ces densités électroniques de surface peut changer
d’un cristal cubique face centrée sans reconstruction de surface [struc- complètement les propriétés du solide. Par exemple, on peut
ture (1 × 1)]. La figure 3b montre une possibilité de reconstruction de observer une couche de surface magnétique sur un substrat para-
surface de type (2 × 1) causée par le rapprochement de deux rangées magnétique ou, au contraire, une surface non magnétique (couche
d’atomes. morte) sur un solide ferromagnétique. Elles expliquent aussi le rôle
joué par les atomes de surface dans les réactions chimiques se
déroulant à la surface d’un solide intervenant dans la catalyse
hétérogène, l’oxydation, la corrosion, etc., ou les propriétés inter-
faciales des composants microélectroniques.

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à l’étude des surfaces des solides ordonnés (cristaux). L’état actuel


des connaissances sur les solides désordonnés ne permet pas encore
de tirer des conclusions définitives sur leurs propriétés électroniques
de surface.
Enfin, remarquons que la complexité du problème de structure
électronique des surfaces empêche la résolution complète d’une
façon analytique des équations mathématiques formulant le pro-
blème physique. On se contente, dans la plupart des cas, d’expliquer
d’une façon phénoménologique les formulations de ces équations
et on donne les résultats de ces calculs obtenus par méthode numé-
rique. De plus, le domaine des surfaces continue à évoluer rapide-
ment, la synthèse faite au moment de la rédaction de cet article est
loin d’être définitive et devra être probablement complétée dans les
années futures.

Figure 4 – Modèle de reconstruction ( 2 × 2 ) R 45o 2. Concepts de calcul


de la surface (001) du tungstène
de la structure
électronique des solides
1.2 Surface réelle
Nous rappelons dans les paragraphes suivants les concepts des
Nous avons discuté précédemment (§ 1.1) sur un exemple de méthodes de calcul de la structure électronique des solides avant
surface propre obtenue par clivage sous ultravide. Ces surfaces de montrer comment on peut étendre ces concepts aux cas des
propres servent surtout de support aux études fondamentales de surfaces des solides.
compréhension et de modélisation des phénomènes superficiels.
Les surfaces réelles des solides sont souvent contaminées et Tout solide est forcément limité par une surface qui environne son
profondément perturbées par le milieu environnant. Outre les volume. Pour étudier seulement les propriétés de volume d’un cris-
défauts intrinsèques évoqués précédemment dans le cas des tal, on peut le modéliser comme une répétition périodique infinie
surfaces propres, on peut trouver une multitude de défauts extrin- de mailles élémentaires dans l’espace, s’affranchissant ainsi des
sèques tels que des atomes ou molécules venant du milieu environ- problèmes de surface. On dit alors que l’on a affaire à un solide
nant (contaminants) chimisorbés sur la surface (adatomes ou tridimensionnel infini (3 D). On peut aussi utiliser des conditions aux
adsorbats). Selon les conditions de température ou de pression limites cycliques de Born-von Karman pour s’affranchir des surfaces
atmosphérique, ces adsorbats peuvent croître, interdiffuser et réagir (article Structure électronique des solides [A 1 335] de la présente
chimiquement avec le solide, donnant lieu ainsi à la naissance d’une rubrique).
couche superficielle de composition chimique et de morphologie
complètement différentes de celle du solide.
Exemple : une surface du silicium semi-conducteur clivé sous ultra- 2.1 Propriétés électroniques
vide et exposée ensuite à la température ambiante (pression de volume d’un solide
atmosphérique ≈ 105 Pa) se voit très rapidement recouverte d’une
couche native d’oxyde de silicium de composition proche de SiO2 et 2.1.1 Problème à N corps
d’épaisseur de l’ordre de 20 Å (20 × 10 –10 m).
Les propriétés d’une telle surface réelle seront alors celles d’une Les propriétés de la matière tirent essentiellement leur origine des
interface semi-conducteur-oxyde (exemple précédent) ou plus géné- interactions coulombiennes entre les particules chargées
ralement d’une interface solide-solide. Par extension de cette constituantes : interaction électron-électron, noyau-noyau, électron-
terminologie d’interface, on peut dénommer la surface propre d’un noyau. On a affaire à un système physique de N particules, N étant
solide sous ultravide comme une interface solide-vide. très grand (environ 1028 électrons par mètre cube de matière solide,
par exemple).
Tous les phénomènes évoqués avec l’interface solide-vide (surface
propre), tels que la reconstruction de surface, les états électroniques Formellement, pour décrire l’état d’un tel système de N corps en
localisés, etc., peuvent aussi se dérouler à l’interface solide-solide interaction, il faut résoudre l’équation de Schrödinger de N parti-
(surface réelle). La seule différence entre les deux types d’interfaces cules (article Mécanique Quantique [A 196] de cette rubrique) :
réside dans le fait que les modifications subies par les atomes aux Ψ = Ψ (1)
interfaces peuvent s’étendre, dans le premier cas, sur un ou deux
premiers plans atomiques du solide au maximum (de l’ordre de 5 Å Ψ est la fonction d’onde totale décrivant N particules,  l’énergie
de profondeur soit 5 × 10 –10 m), alors que dans le second cas elles propre associée à Ψ et  l’hamiltonien total de N particules :
peuvent affecter plusieurs plans atomiques de l’interface selon la
,2 1 1
nature des deux solides en présence (de l’ordre de 100 Å de
∑ – ----------- + ----- ∑ U i , j + ----- ∑ U I , J + ∑ U i , I
2
 = -∇ (2)
profondeur dans certains cas). i
2m i 2 i, j 2 I, J i, I
L’étude des propriétés électroniques de surface dans cet article
Les indices i, j correspondent aux électrons, les indices I, J aux
concerne donc essentiellement les surfaces propres et les surfaces
ions. Le premier terme du second membre de l’équation (2) repré-
réelles avec des adsorbats en faible quantité (chimisorption). En
sente l’énergie cinétique des électrons. Les deuxième, troisième et
principe, tout système physique présentant une perte de symétrie
quatrième termes représentent respectivement les énergies d’inte-
de translation suivant une direction de l’espace, et confinant ainsi
raction électron-électron, noyau-noyau et électron-noyau. On a
les électrons à se propager dans un espace infini à deux dimensions
négligé l’énergie cinétique des ions supposés immobiles par rapport
(solide 2 D par opposition à un solide classique 3 D), peut être
aux électrons. On se rend compte aisément qu’il est quasi impossible
assimilé à une interface et la méthodologie décrite ci-après pour les
de résoudre exactement l’équation (1).
surfaces peut lui être appliquée. On se limite aussi dans cet article

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2.1.2 Problème à un corps où E est l’énergie de l’électron et ψ (x ) sa fonction d’onde ; |ψ (x )|2 d x


représente alors la probabilité de trouver l’électron dans l’espace dx .
Les diverses techniques de calcul pour résoudre approximative- Les solutions à une dimension de l’équation (5) sont :
ment l’équation (1) cherchent à réduire ce problème à N corps à celui
d’un seul électron en mouvement sous l’action d’un champ ψ kx ( x ) = A exp ( ik x x ) (6)
(potentiel) moyen créé par les autres électrons et les noyaux. 2
,2kx
Formellement, il suffit ensuite de résoudre l’équation de avec E ( k x ) = --------------- (7)
2m
Schrödinger d’un électron dans ce champ moyen, qui s’écrit :
H ψ i = Ei ψ i (3) où k x est le nombre d’onde de valeur réelle quelconque et A une
constante de normalisation.
où ψi est la fonction d’onde de l’électron i distingué au départ des La fonction d’onde de l’électron dépendant du temps est :
autres électrons j, Ei son énergie associée et H son hamiltonien :
φ k x ( x, t ) = ψ kx ( x ) exp ( – i ω t ) = A exp  – i ( ω t – k x x )  (8)
2
H = – ,2 ∇ i /2m + U (4)
φ k x ( x, t ) représente une onde progressive se déplaçant le long de
avec U énergie potentielle de l’électron dans le champ moyen l’axe x où :
des autres électrons et noyaux. |k x | = 2 π / λ
avec λ longueur d’onde de Broglie.
2.1.3 Méthode des champs moyens autocohérents Dans ce cas simple, plusieurs remarques s’imposent.
• kx n’est pas quantifié : toutes les valeurs réelles quelconques
La résolution de l’équation (3) ne peut se faire que si l’on sait déter-
de kx sont valables (– ∞ à + ∞).
miner en particulier le champ (ou le potentiel) moyen des autres élec-
trons, c’est-à-dire leurs fonctions d’onde, qui ne sont autres que les • L’énergie n’est pas quantifiée : toutes les valeurs comprises entre
solutions de l’équation de Schrödinger que l’on cherche à résoudre ! 0 et ∞ sont permises. Elles forment un spectre continu d’énergie.
En pratique, on utilise au départ des fonctions d’onde d’essai choisies La figure 5 représente la variation parabolique de E (k x ) en fonction
aussi proches que possible de la réalité du problème posé pour de kx . Elle est appelée courbe de dispersion d’un électron libre.
calculer le champ (potentiel) moyen. On résout ensuite l’équation (3) La probabilité de trouver l’électron dans l’espace dx autour d’un
avec ce champ (potentiel) moyen d’essai. Les fonctions d’onde solu- point x quelconque devient :
tions de l’équation (3) seront ensuite réutilisées à leur tour comme
nouvelles fonctions d’onde d’essai pour recalculer un nouveau ψk x ( x ) 2 dx = A 2 dx indépendant de x
champ moyen et résoudre à nouveau l’équation (3) avec ce champ,
et ainsi de suite. Quand les fonctions d’onde d’essai convergent vers Physiquement, ce résultat signifie qu’il n’y a pas de localisation
les fonctions d’onde solutions, on admet alors que le problème est de charge électronique dans l’espace. L’électron est dit délocalisé.
résolu. Le champ calculé de cette façon est dit autocohérent. C’est Les considérations précédentes peuvent se généraliser à trois
la méthode des champs autocohérents utilisée couramment en dimensions. Les fonctions d’ondes sont alors de la forme :
physique des solides. L’une des méthodes les plus anciennes est celle
de Hartree-Fock, développée à son origine pour étudier les systèmes ψk (r ) = A exp (i k · r ) (9)
atomiques et moléculaires. Les diverses méthodes plus récentes
proposées ces dernières années se différencient en général par leur où r (x, y, z ) est le vecteur position dans l’espace de l’électron et
façon de déterminer le champ (ou le potentiel) moyen et par leur k (kx , ky , kz ) son vecteur d’onde.
degré de sophistication dans les calculs pour reproduire avec le
maximum de précision les mesures expérimentales.
Nous ne pouvons pas dans le cadre de cet article étudier toutes
les méthodes et les lecteurs pourront se référer pour plus de détails
aux traités spécialisés [1] [2]. Il est, en revanche, très instructif de
se rappeler qu’une fois le problème de N particules en interaction
mutuelle ramené à celui d’une seule particule dans un champ
(potentiel) moyen des autres particules, la résolution de ce dernier
est une très bonne introduction qualitative aux concepts des bandes
d’énergie permises et interdites d’un solide.

2.1.4 Bandes d’énergie d’un solide

Il s’agit de rechercher les solutions de l’équation de Schrödinger


d’un électron soumis à un champ moyen des autres particules
[équations (3) et (4)].

2.1.4.1 Cas d’un électron libre


Supposons tout d’abord que l’électron se déplace librement dans
tout l’espace en l’absence des autres particules. L’énergie d’inter-
action U est alors nulle. Si la direction de déplacement est suivant
l’axe x , on a alors :

, 2 d 2ψ (x )
- = E ψ (x)
– ------------ ----------------------- (5)
2m dx 2
Figure 5 – Courbes de dispersion E (kx )

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2.1.4.2 Cas d’un électron dans un cristal Les valeurs permises de kx sont maintenant quantifiées. Elles sont
cependant très nombreuses et leur intervalle ∆ kx = 2π /L est très petit
Cette situation peut s’illustrer de la façon suivante. Prenons
pour un cristal macroscopique ( L  a ) . Par conséquent, les valeurs
comme exemple le sodium métallique (Na). Chaque atome de Na
permises de l’énergie E (kx ) seront aussi très nombreuses et forment
contient 11 électrons. 10 d’entre eux, appartenant aux orbitales élec-
un spectre quasi continu.
troniques profondes et appelés électrons de cœur, sont fortement
liés au noyau pour former un ion de cœur avec une charge nette Les fonctions d’onde de Bloch sont des ondes progressives.
de + e (e = 1,6 × 10 –19 C). Dans l’atome Na libre, le dernier électron Assemblées en paquet d’ondes, elles représentent l’électron (dit de
externe, appelé électron de valence, subit l’attraction de son ion de Bloch) qui se propage à travers le solide sous l’influence du potentiel
cœur et se déplace dans une orbitale localisée autour de l’ion. Quand moyen cristallin V (r ). À chaque fonction de Bloch, caractérisée par
on comprime ensemble les atomes libres d’un gaz de Na pour former un vecteur d’onde k réel permis, est associée une énergie permise
le solide Na, le recouvrement des orbitales des électrons de valence E (k ). La relation de dispersion E (k ) varie d’une façon quasi continue
est tellement grand que l’on ne peut plus décrire ces électrons avec k. Il existe cependant dans cette courbe de dispersion certaines
comme demeurant localisés autour de leurs ions respectifs. Chaque valeurs de k où E (k ) présente une discontinuité importante. Les
électron de valence va subir l’influence du potentiel des autres ions fonctions de Bloch associées n’y ont plus des vecteurs k réels, mais
et son état électronique est une solution de l’équation de Schrödinger complexes. Elles correspondent à des ondes stationnaires. Ces
d’un électron de valence dans un champ (potentiel) moyen de tous ondes stationnaires prennent naissance à cause de l’interférence des
les autres ions. ondes électroniques diffractées par les ions du réseau périodique.
Ces ondes stationnaires sont caractérisées par des densités élec-
La figure 6 représente l’énergie potentielle U (x ) d’un tel électron
troniques concentrées en certains sites du réseau cristallin (électrons
dans le champ moyen des ions de cœur, le long d’une direction
localisés) et expliquent l’origine des bandes d’énergie interdites
cristallographique (x ) donnée, de paramètre de réseau a . On voit
(figure 5b ). Inversement, les électrons de Bloch (électrons déloca-
apparaître la périodicité du réseau dans la forme de l’énergie :
lisés) peuvent occuper tous les états des bandes d’énergie permises.
U (x ) = – e V ( x )
où V (x ) est le potentiel moyen des ions.
Près des ions de cœur, l’énergie d’attraction est forte, loin des 2.2 Solide avec une surface
ions elle est quasi nulle.
Exemple : pour un cristal cubique de Na d’arête L de l’ordre Nous allons voir, grâce à un exemple simplifié, comment on peut
de 1 cm (10–2 m), on voit que cette périodicité le long de l’arête se transposer tous les concepts utilisés précédemment dans le solide
répète à l’échelle de la figure de – ∞ à + ∞ puisque le paramètre a est tridimensionnel infini (ou fini, mais soumis aux conditions cycliques
de l’ordre de 4 Å (4 × 10–10 m). de périodicité aux limites) à un solide terminé par une surface.
La résolution de l’équation (4) se fait analytiquement connaissant Supposons maintenant que le solide soit infini suivant les axes x, y
l’énergie moyenne U qui a la périodicité d’un réseau cristallin. On et que la surface qui limite le solide soit perpendiculaire à l’axe z
démontre dans ce cas (article Structure électronique des solides (figure 7a ).
[A 1 335] de la présente rubrique et [3]) que la solution est une fonc-
tion d’onde de Bloch :
2.2.1 Potentiel de surface
ψk (r ) = uk (r ) exp (i k · r ) (10)
Si l’électron se déplace dans le plan x, y parallèlement à la surface,
uk (r ) possède la périodicité du réseau cristallin, exp (i k · r ) repré-
il subit un potentiel cristallin moyen qui se répète à l’infini et qui
sente de nouveau une onde plane progressive de vecteur d’onde k
se calcule comme dans le cas d’un solide 3 D par les méthodes de
réel. Les valeurs de k ne sont plus continues comme dans le cas
champs autocohérents discutées précédemment. Si l’électron se
des électrons libres, mais soumises aux conditions aux limites dites
propage perpendiculairement à la surface suivant l’axe z, il va subir
cycliques de Born-von Karman pour s’affranchir des problèmes de
un potentiel cristallin moyen qui va se modifier à l’interface cristal-
surface limitant le cristal.
vide à cause de l’interruption du solide par cette surface. De nouveau,
Exemple : le cristal cubique d’arête L (1 cm) et de paramètre du ce potentiel de surface subi par l’électron peut se calculer par les
réseau a (4 Å) présente un très grand nombre de mailles élémentaires approximations successives des méthodes de champs auto-
(≈ L /a ). Le cristal est considéré comme infini. Alors on doit avoir cohérents par exemple. La figure 7b schématise l’énergie potentielle
ψ kx ( x ) = ψ kx ( x + L ) suivant l’une des arêtes x (conditions aux limites d’un tel électron se propageant perpendiculairement à la surface.
Pour sortir du cristal (z < 0), l’électron doit acquérir suffisamment
cycliques). Appliquée à l’équation (6), cette condition impose que : d’énergie pour sauter la barrière de surface.
kx = (2π/L ) n
avec n entier quelconque n = 0, ± 1, ± 2, ± 3, ... 2.2.2 États de surface de Tamm

Nous remarquons que c’est le même problème que celui traité


par Kronig et Penney [3] avec une variation brutale du potentiel à
la surface. Il n’y a plus une répétition périodique du potentiel
de – ∞ à + ∞ , mais on a une perte de symétrie de translation
à z = 0.
Tamm [4] a résolu ce problème en approximant l’énergie poten-
tielle par un puits de profondeur U0 constant pour z > 0 (cristal) de
période (a + b ) et limité à la surface z = 0 par un mur d’énergie W
constant plus haut que U0 (figure 7c ), représentant l’énergie de
liaison de l’électron au cristal. L’énergie E de l’électron dans le cristal
est supposée inférieure à W et à U0 . En résolvant l’équation de
Figure 6 – Énergie potentielle U (x ) d’un électron Schrödinger, on trouve des solutions de Bloch ψ (z ) pour z > 0 (états

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électroniques de volume). Les solutions pour z < 0 (vide) sont


données par une onde décroissant exponentiellement :
ψ ( z ) = C exp ( η z ) z  0
,2η2
où ---------------- = W – E
2m
Les conditions aux limites imposent que chaque fonction ψ (z ) du
volume du cristal doit coïncider avec la fonction ψ (z ) du vide à z = 0.
Il en est de même de leurs dérivées. Et cela est toujours valable pour
des valeurs de kz réels, car pour chaque énergie E (kz ), il existe deux
fonctions de Bloch correspondant à deux valeurs ± kz . En prenant
une combinaison linéaire de ces deux fonctions, on arrive à satisfaire
les conditions aux limites à z = 0. Cette combinaison linéaire montre
que l’onde dans le cristal près de la surface est une onde stationnaire
le long de l’axe z (z > 0). On verra plus loin que les oscillations de
cette onde stationnaire peuvent affecter légèrement le spectre des
énergies des bandes permises de volume.
En même temps, on peut aussi considérer des solutions avec des
valeurs kz complexes qui satisferont l’équation de Schrödinger à la
surface.
2
On trouve une solution pour l’énergie E = , 2 k z  2 m pour
chaque intervalle kz a tel que :
n π  kz a  ( n + 1 ) π

Or, dans chaque tel intervalle, il y a déjà une bande d’énergie


permise correspondant à des kz réels (états de volume). Il s’ensuit
que la solution trouvée pour la surface doit se trouver dans la bande Figure 7 – Énergie potentielle d’un électron
interdite associée à la bande permise dans cet intervalle de kz a .
L’interruption du réseau par une surface introduit donc des états loca-
lisés d’énergie de surface supplémentaires se positionnant dans les
bandes interdites de volume. Ces états sont appelés états de surface
de Tamm. Ils proviennent de la différence entre le potentiel de surface
et celui du volume. Les états de surface sont dits sortis des bandes
de volume correspondants.

2.2.3 États de surface de Shockley

Shockley [4] remarque que les états de Tamm sont les Figure 8 – Énergie potentielle symétrique à la surface
conséquences directes d’une terminaison asymétrique du potentiel (modèle de Shockley) et asymétrique (modèle de Tamm)
cristallin à la surface. Utilisant une terminaison symétrique jusqu’à
la surface et résolvant l’équation de Schrödinger d’un électron dans
un tel potentiel (figure 8), il démontre que pour de larges séparations
interatomiques, il n’existe pas d’états de surface. L’essentiel de ces
résultats est reporté sur la figure 9 qui illustre qualitativement le
comportement de deux bandes permises voisines en fonction du
paramètre a du réseau d’une chaîne finie d’atomes, limitée par deux
surfaces à ses extrémités. Quand a est grand, les bandes dégénèrent
en des niveaux discrets (spectre d’atomes isolés). Quand a décroît,
les atomes sont comprimés ensemble pour former un solide, la dégé-
nérescence des niveaux discrets est levée et on a formation des ban-
des. À une certaine distance a  , les limites des bandes se croisent
(courbes en tireté sur la figure 9). On dit qu’il y a hybridation des
bandes. Pour a < a  , il y a échange entre les deux bandes avec deux
niveaux qui se localisent entre les deux bandes permises. Ce sont
les états de surface dus aux terminaisons symétriques du potentiel
de surface du cristal, mais leur existence est soumise dans ce cas
à la condition d’hybridation des bandes.

2.2.4 Généralisation à un cristal fini


avec une surface Figure 9 – Formation des états de surface
par hybridation (d’après Shockley [4])
Bien que l’on ait déduit les résultats précédents à partir de la réso-
lution de l’équation de Schrödinger à une dimension (le long de
l’axe z, perpendiculaire à la surface) en oubliant totalement les autres
dimensions supposées alors infinies, ces résultats restent valables
pour un cristal de dimensions finies suivant les axes x, y et pré-

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sentant une surface perpendiculaire à l’axe z. Il suffit d’appliquer les On a alors :


conditions de périodicité cyclique de Born-von Karman suivant les E max
2
axes x, y. La fonction d’onde d’un électron dans ce cas est une fonc- N ( E ) dE = ----------
tion de Bloch à deux dimensions : E min 

ψ k/ / ( r / / , z ) = u k/ / ( r / / , z ) exp ( ik / / ⋅ r / / ) (11) si E min et E max sont les énergies des extrémités de la bande permise
considérée.
avec r/ / coordonnées de surface dans le plan x, y, N (E ) dE est en fait le nombre total de solutions de l’équation de
k/ / vecteur d’onde de surface correspondant au Schrödinger ayant une signification physique réelle dans un inter-
plan (kx , ky ), valle d’énergie dE par unité de volume du cristal :
z coordonnée suivant la perpendiculaire à la sur-
face,
N ( E ) dE = ∑ δ  E – E ( k )  dE (12)
k
uk (r / / , z ) fonction de l’espace possédant la périodicité du
réseau de surface (x, y ). où δ (E ) est la fonction de Dirac de E . La sommation se fait sur tous
les états k permis.
En remplaçant cette fonction de Bloch de surface dans l’équa-
tion de Schrödinger, on retrouvera les résultats discutés précé-
demment [2]. 3.1.2 Densité locale d’états

Remarque N (E ) est la densité totale d’états par unité de volume du cristal.


Si l’on veut connaître plus précisément la densité en chaque point r
En conclusion de cette brève introduction aux structures élec-
du cristal, on définit alors N (E, r ) une densité locale d’états au
troniques de surface, retenons que, schématiquement, pour un
point r, telle que :
cristal infini (ou fini avec les conditions cycliques), il existe des
états de volume (états délocalisés) dans des bandes d’énergie
permises séparées par des bandes interdites. À la surface d’un N (E) =  N ( E, r ) dr (13)
cristal, les atomes n’ayant plus le même nombre de voisins que
ceux situés dans le volume créent un potentiel cristallin de L’intégration de dr se fait dans l’unité de volume du cristal. Si l’on
surface très différent de celui du volume qui donne naissance à appelle ψk (r ) la fonction d’onde électronique normalisée de vecteur
des états de surface (états localisés) se situant généralement d’onde k au point r du cristal, alors :
dans les bandes interdites. Leur existence et leur position en
énergie dépendent de la nature du solide, de la perturbation du N ( E, r ) = ∑ ψk ( r ) 2 δ E – E (k ) (14)
k
potentiel cristallin de surface par rapport à celui du volume, et de
la reconstruction de la surface (§ 3).
Parallèlement, l’existence d’une onde stationnaire perpendicu-
N ( E, r ) = ∑ Nk ( E, r ) (15)
k
laire à la surface affecte aussi légèrement les états de volume des
bandes permises dus à la dégénérescence des états de surface. où Nk (E, r ) est souvent appelée densité locale d’états ayant un
vecteur d’onde k donné.

3. Propriétés électroniques 3.2 Surfaces propres des métaux s-p


des surfaces propres 3.2.1 Modèle du jellium
Les atomes de métaux des groupes IA, IIA, IIIA, appelés métaux
Dans le paragraphe 2, on a introduit qualitativement l’existence
simples, sont liés ensemble par des électrons de valence de type s
des états de surface d’un solide causée par l’interruption du réseau
et p. Les orbitales s et p s’étalent largement dans l’espace et forment
du cristal. On va examiner dans ce paragraphe, séparément et avec
dans le métal des bandes larges et proches de celles d’un électron
plus de détails, le comportement des diverses familles de solides
libre (bande quasi parabolique). On assimile alors le mouvement des
classées en plusieurs groupes à cause de la similitude de leurs
électrons de valence dans ce type de métal à celui d’un gaz élec-
structures électroniques. Dans la mesure où l’on veut distinguer les
tronique se déplaçant librement dans un fond continu positif
états de surface des états de volume, il est nécessaire d’introduire
remplaçant les ions de cœur, de potentiel faiblement variable
les diverses notions de densités d’états d’énergie.
(modèle du jellium ). La figure 10 représente schématiquement
l’énergie potentielle d’un électron se déplaçant dans ce métal.

3.1 Densités d’états d’énergie


3.2.2 Fonction d’onde dans la région superficielle
On rappelle que, pour un cristal 3 D contenant  mailles élémen-
taires et de volume total  , on trouve que le nombre total d’orbitales Soit un électron se propageant, dans le cadre du jellium, le long
ou d’états électroniques par bande d’énergie permise est de 2 . de l’axe z du volume (z > 0) vers la surface (z = 0). L’onde incidente
le représentant est de la forme :

3.1.1 Densité totale d’états ψk (r / / , z ) = A exp (i k / / · r / / ) exp (– i k z z ) (16)


Arrivée à la surface, cette onde est réfléchie vers le volume du
On définit alors la densité totale d’états d’énergie N (E ) comme cristal et s’écrit :
étant le nombre d’états par unité de volume et par unité d’énergie.
ψk (r / / , z ) = A exp (i k / / · r / / ) exp (+ i kz z + χ ) (17)
avec χ déphasage dû à la réflexion.

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Figure 10 – Énergie potentielle d’un électron


dans le modèle du jellium (d’après [2])

L’onde électronique de l’électron pour z > 0 est alors la combi-


naison linéaire de ces deux ondes incidente et réfléchie, c’est-à-dire
une onde stationnaire suivant l’axe z :
ψk (r / / , z ) = 2 A′ exp (i k / / · r / / ) cos (kz z + χ /2) (18)
Figure 11 – Densités locales d’états obtenues par les calculs
Cette onde doit être bien entendu égale à celle calculée du côté dans un modèle de jellium pour plusieurs énergies E (d’après [2])
vide :
ψk (r / / , z ) = C exp (i k / / · r / / ) exp (η z ) (19)
à la surface z = 0 (condition de continuité) ; leurs dérivées respectives photoémission angulaire, le vecteur d’onde k // parallèle à la surface
doivent aussi satisfaire à ces conditions. est conservé. En collectant les électrons dans divers angles d’émis-
sion, on peut déduire les différents vecteurs d’onde de l’état initial
occupé par les électrons dans le solide et tracer ainsi leur relation
3.2.3 Densité d’états de surface de dispersion E (k // ). La figure 13 représente les résultats d’une telle
expérience effectuée sur la face (100) de l’aluminium. Les
directions k // sont notées par les directions de haute symétrie de la
Si l’on veut connaître la densité d’états près de la région super- zone de Brillouin de surface (articles Structure électronique des
ficielle, on doit appliquer l’équation (13) en utilisant la fonction solides [A 1 335] et Cristallographie géométrique [A 1 305] de cette
d’onde stationnaire précédente (18). rubrique).
On obtient en particulier la densité locale d’états en un point z de
la surface, ayant un vecteur d’onde k / / parallèle à la surface :
3.2.5 Travail de sortie
N k / / ( E, z ) = ( 1/ π k z )  1 + cos ( 2k z z + χ )  (20)

Le premier terme représente la contribution du volume, uniforme Connaissant la densité d’états de la surface NS (E ), on peut prévoir
en z, tandis que le second terme représente celle de la surface théoriquement diverses grandeurs caractéristiques dépendant
oscillant avec z. L’intégration sur tous les k // permis donne la densité fortement des propriétés électroniques de surface, en particulier le
locale d’états au point z : travail en sortie Φ, qui est l’énergie nécessaire à communiquer à un
électron du cristal pour l’éjecter dans le vide à partir du niveau de

 2E Fermi E F . Sur la figure 14, on a représenté schématiquement les


1 niveaux énergétiques définissant Φ :
N ( E, z ) = -----------  1 + cos ( 2k z z + χ )  dk z (21)
2π 2 0
Φ=D–µ
Un calcul dans l’approximation du jellium montre que la densité
locale d’états oscille avec z près de la surface, mais atteint très vite où D est la barrière de potentiel due aux charges de surface et µ
la valeur asymptotique de la contribution du volume, en particulier l’énergie de Fermi des électrons en l’absence de ces charges. Ces
pour des grandes énergies (figure 11). quantités sont mesurées par rapport au niveau du vide, à partir de
l’énergie potentielle interstitielle du cristal. Les calculs effectués dans
le cadre du jellium sont comparés aux mesures expérimentales dans
3.2.4 États de surface la figure 15. Le travail de sortie des métaux simples est porté en
ordonnée en électronvolts (1 eV = 1,6 × 10 –19 J). En abscisse, le para-
mètre r S , utilisé dans le calcul, représente qualitativement le rayon
La mise en évidence des états occupés de surface se fait grâce de la sphère contenant un électron. À l’intérieur de cette sphère le
à la technique de photoémission résolue angulairement (article potentiel cristallin varie comme 1/r. À chaque métal correspond un
Caractérisation des surfaces et des matériaux stratifiés par rayons X r S donné. Un modèle plus raffiné que le jellium (correction par un
[P 1 085] dans le traité Analyse et Caractérisation). On trouve dans pseudo-potentiel cohérent) aboutit à un meilleur accord théorie-
la courbe de distribution en énergie des électrons émis par le solide, expérience. Plus la densité électronique de la surface est forte, plus
soumis au faisceau de photons, un pic d’intensité localisé à environ les énergies d’interaction entre les électrons sont grandes, et l’on
2,7 eV au-dessous du niveau de Fermi. Ce pic est très sensible à l’état constate donc une augmentation monotone de Φ avec l’augmenta-
de propreté de la surface et une légère contamination par l’oxygène tion de la densité électronique de surface. Pour chaque métal, selon
le fait disparaître rapidement (figure 12). Il reflète des états de la densité électronique des faces cristallines étudiées, on observe
surface dégénérés avec les états de volume occupés au-dessous de aussi cette tendance.
E F comme discuté précédemment (§ 3.2.3). Dans le processus de

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Figure 15 – Travail de sortie des métaux simples (d’après [2])

3.3 Surfaces propres


Figure 12 – Spectre de photoélectrons émis par la surface (100) des métaux de transition
de l’aluminium excité par des photons d’énergie , 

Ce sont des métaux des groupes IIIB à VIII dont les électrons de
valence sont de type s, p et d. Les orbitales d sont plus confinées
et plus directionnelles dans l’espace que les orbitales s et p. Les
propriétés physiques des métaux de transition, appelés souvent
métaux d , puisent leur origine essentiellement dans les caracté-
ristiques particulières de ces orbitales d. La méthode courante pour
calculer les structures électroniques des métaux d est la technique
de la liaison forte (article Mécanique quantique [A 196]).
Les mêmes types de calcul de densité d’états [5] peuvent être
effectués sur les surfaces des métaux de transition. Les résultats
obtenus sont notés sur la figure 16.
On retrouve dans la densité d’états la forme particulière à deux
bosses rappelant l’existence d’une bande interdite ou gap entre les
liaisons liantes et antiliantes des électrons (article Structure élec-
tronique des solides [A 1 335] de cette rubrique). Pour un plan dense
[(111) d’un cristal cubique à faces centrées ou (110) d’un cubique
centré], il existe un rétrécissement de la largeur de la bande de
surface par rapport à celle du volume. Ce fait provient du nombre
de proches voisins plus réduit à la surface que dans le volume
(figure 16a ).
Figure 13 – Courbe de dispersion E (k//) pour la surface (100)
La figure 16b montre les résultats obtenus sur la face ouverte (100)
de l’aluminium (d’après [2])
du molybdène. On constate un plus grand rétrécissement de la bande
et surtout une densité locale d’états de surface au milieu du gap due
à la résonance des atomes de surface avec ceux du volume. Dans
tous les cas, les calculs montrent que la densité locale du deuxième
plan de la surface est déjà très proche de celui du volume et justifie
a posteriori la technique de la liaison forte.
Pour conclure sur les calculs réalisés sur les métaux, il faut noter
que la plupart d’entre eux ont été effectués pour des surfaces non
reconstruites ou non relaxées. Quand on dispose des connaissances
expérimentales des arrangements d’atomes aux surfaces (recons-
truction ou relaxation), on peut en principe introduire ces infor-
mations sur la géométrie des atomes dans les calculs et reproduire
plus fidèlement encore les mesures expérimentales de structure de
bande de surface des métaux.

Figure 14 – Énergie potentielle et travail de sortie

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diquement avec une séparation de vide entre les tranches de


matériau. L’avantage de cette technique réside dans la périodicité
de translation dans les trois directions. Le calcul est fait alors exacte-
ment comme pour un cristal parfait.

3.4.2 Méthode de calcul de l’énergie totale

Elle s’appuie sur la théorie de la fonctionnelle de la densité [5],


qui permet de dire que l’énergie totale de l’état fondamental d’un
système électronique non uniforme (et a fortiori uniforme) est une
fonctionnelle unique de la densité électronique locale n (r ). Plus
précisément, si un gaz de N électrons est placé dans un
potentiel V (r ) (potentiel des ions du solide par exemple), il existe
alors une fonctionnelle F [n (r )] indépendante de V (r ), telle que
l’énergie totale E de l’état fondamental donnée par :

E =  U ( r )n ( r ) dr + F  n ( r )  (23)

soit minimale pour la densité électronique réelle du système des


N électrons à l’équilibre. La fonctionnelle F [n (r )] se décompose en
énergie cinétique, en énergie coulombienne d’interaction entre les
électrons et en énergie d’échange et de corrélation E X C :

E =  U ( r )n ( r ) dr + E C  n ( r ) 
(24)
e2
+ --------
2
 n ( r )n (r ′ )
-------------------------------- d r d r ′ + E X C  n ( r ) 
r–r′
avec e charge de l’électron,
EC énergie cinétique du gaz d’électrons de densité n (r ), sans
interaction.
En admettant que E doit être minimale lorsque l’on fait varier n (r )
arbitrairement en tenant compte de la conservation des charges :
Figure 16 – Comparaison entre la densité locale d’états de surface
et la densité locale d’états de volume du Mo (d’après [5])

n ( r ) dr = N (25)

On démontre que la résolution du problème de N électrons en


3.4 Surfaces propres interaction passe par des solutions de N équations d’un électron
des semi-conducteurs du type :

Il existe quelques méthodes de calcul plus particulièrement adap-


 ,2 2
 – ------------- ∇ i + U ( r ) + e 2
 2 m
 n (r ′ )
r– r′

-------------------- d r ′ + U X C  ψ i ( r ) = E i ψ i ( r ) (26)

tées aux études de surface des semi-conducteurs, dérivées directe-
ment de celles utilisées pour le volume. L’extension aux surfaces où :
nécessite, d’une part, l’introduction de la rupture de symétrie due
à la surface et, d’autre part, l’introduction des différents modèles n (r ) = ∑ ψi (r ) 2 (27)
structuraux de surface (relaxation, reconstruction, etc.). i

et :
3.4.1 Méthode des pseudo-potentiels 1 ∂E X C
U X C = ------- ---------------- (28)
autocohérents  ∂n
Les équations précédentes sont autocohérentes en ce sens que
Elle est calquée sur celle décrite pour le volume dans le la densité locale n (r ) détermine les potentiels, qui permettent de
paragraphe 2.1.3. On résout l’équation de Schrödinger d’un électron résoudre l’équation (26), et par suite les fonctions d’onde ψi qui, à
avec un pseudo-potentiel : leur tour, permettent de calculer n (r ). Il faut donc adopter, de
nouveau, les méthodes itératives des champs (potentiels) auto-
,2 2 cohérents déjà décrits dans le paragraphe 2.1.3. Une fois l’équation
H = – ------------ ∇ i + U P S + U H + U X C (22)
2m résolue (fonction d’onde et énergie propre), on calcule l’énergie
totale E du système et l’on peut tester les configurations d’équilibre
où U P S est une énergie somme des pseudo-potentiels des ions, U H possibles. Cette technique a permis ainsi d’éliminer plusieurs
et U X C sont respectivement les énergies du potentiel de Hartree et modèles de structure de surface proposés pour divers semi-
du potentiel local d’échange et de corrélation des électrons. conducteurs pour expliquer certains résultats de photoémission ou
Par la méthode itérative des potentiels autocohérents, on calcule de diffraction, mais qui ne satisfont pas la condition requise d’équi-
ainsi les fonctions d’onde et les énergies du système. Pour reproduire libre préconisée par le calcul de l’énergie totale.
les surfaces, on simule par exemple le cristal par une tranche de
matériau (de 12 couches atomiques environ) que l’on répète pério-

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3.4.3 Stabilité structurale


et reconstruction de surface

Les surfaces des semi-conducteurs ne présentent pas générale-


ment, lors de leur création, la terminaison idéale d’un plan du
volume. C’est le cas, par exemple, du Si face (111), qui après clivage
donne une surstructure (2 × 1). Cette surstructure se transforme en
une surstructure (7 × 7) par un traitement thermique (§ 1.1). De
même, les plans des surfaces (110) des composés semi-conducteurs
III-V, tels que GaAs ou InSb, gardent leur périodicité de maille de
surface (1 × 1), mais subissent une forte relaxation (§ 1.1).
Les instabilités de géométrie idéale peuvent s’expliquer par la
déshybridation des orbitales des électrons de valence à la surface.
En effet, si l’on suit le schéma des liaisons sp 3 pour décrire la struc-
ture de tels semi-conducteurs, on se souvient que chaque atome est
au centre d’un tétraèdre et relié à ses plus proches voisins par quatre
liaisons sp 3 équivalentes. En clivant le cristal pour créer la surface,
on a coupé, selon la direction de clivage, une ou plusieurs de ces
quatre liaisons par atome. Ces liaisons incomplètes ne sont plus
énergétiquement stables et une sorte de déshybridation se produit
pour les orbitales des atomes de surface qui poussent ces derniers Figure 17 – Terminaisons idéales aux diverses faces
vers une configuration géométrique différente (reconstruction ou d’un semi-conducteur covalent
relaxation de surface). Les propriétés électroniques des surfaces ne
peuvent être calculées d’une façon précise que si l’on connaît ces
configurations géométriques.

3.4.4 Surfaces des semi-conducteurs covalents

Les terminaisons idéales du volume, sans reconstruction d’un


semi-conducteur covalent, sont représentées sur la figure 17 pour
les trois surfaces de bas indice. Sur la face (111), par exemple, il y
a un atome par maille de surface ayant une liaison pendante coupée.
On s’attend donc à trouver une bande d’états de surface à moitié
remplie, localisée dans le gap près du niveau de Fermi, avec des
fonctions d’onde localisées, elles, à la surface. En revanche, sur la
surface (110), il y a deux atomes par maille de surface, chacun avec
une liaison pendante, d’où l’existence de deux bandes d’états de
surface, une remplie, une vide. Finalement, sur la surface (100) où
il n’existe qu’un atome, avec deux liaisons coupées, par maille de
surface, on devrait aussi trouver deux bandes d’états de surface dans
la zone de Brillouin de surface. Ces résultats sont effectivement
retrouvés par les calculs effectués pour cette géométrie idéale (1 × 1)
sans reconstruction, mais ils ne correspondent pas aux mesures
expérimentales. De fait, les surfaces (1 × 1) du Ge et du Si présentent,
lors de leur création par clivage à température ambiante, une
surstructure (2 × 1). Pendant très longtemps, on a supposé que la
reconstruction (2 × 1) pouvait s’expliquer par un modèle en sillons,
où des rangées d’atomes suivant la direction ( 110) du premier plan
de surface sont alternativement déplacées au-dessus (+ 0,18 Å) et
au-dessous (– 0,11 Å) du plan idéal de volume (figure 18). Les
atomes du deuxième plan de surface sont déplacés latéralement
pour respecter les distances des liaisons arrière. On assiste, de fait,
selon ce modèle, à une déshybridation des liaisons initiales sp 3 vers
des liaisons p 3 et un fort caractère s de la liaison pendante (rangée
d’atomes élevés), ou vers des liaisons sp 2 et un fort caractère pz de
la liaison pendante (rangée d’atomes abaissés). Doublant le para-
mètre du réseau de surface suivant une direction donnée, on divise
par conséquent la dimension de la zone de Brillouin par deux, cette
zone contient par la suite deux bandes d’états de surface des liaisons
pendantes. En effet, les atomes abaissés avec un caractère pz pour
leur liaison pendante donnent naissance à une bande d’états à plus
haute énergie, tandis que les atomes élevés avec un caractère s de
leur liaison pendante induisent une bande d’états à plus faible
énergie. La figure 19 schématise cette situation trouvée d’ailleurs Figure 18 – Modèle en sillons de la surface Si (111)
par les calculs de type pseudo-potentiel. Le modèle en sillons avec une surstructure (2 × 1)
n’explique cependant pas tous les résultats expérimentaux et très
récemment un nouveau modèle en chaînes plus cohérent a été
proposé [6].

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Figure 19 – Densités d’états des bandes


de surface de Si (111) reconstruite (2 × 1)

Dans le modèle de chaînes, les deux premiers plans de surface


se reconstruisent pour former des anneaux d’atomes de coordina-
tion 5 et 7 avec des atomes en position similaire à ceux d’une
face (110). Ces atomes forment des chaînes en zig-zag parallèles, de
type polyacétylène, avec des liaisons pendantes sur les plus proches
voisins, donnant lieu à des liaisons de type π entre les atomes d’une
chaîne. Ce modèle, représenté sur la figure 20, est confirmé par des
expériences de microscopie par effet tunnel. Il concorde aussi avec
les expériences de photoémission angulaire et respecte le caractère
covalent de la surface.
Le silicium présente une autre particularité. Après un traitement
thermique (à environ 800 oC) sous ultravide, la surface (111) du Si
présente une surstructure (7 × 7). La géométrie est très complexe et
n’a pu être identifiée récemment que par microscopie électronique
à haute résolution et par effet tunnel, qui montrent que la maille de
surface est composée d’adatomes, de lacunes et de dimères séparés
par une faute d’empilement. Cette reconstruction fait intervenir au
moins trois premiers plans de la surface (111). Les expériences de
photoémission montrent l’existence de trois états de surface, dus
aux adatomes et aux atomes de surface [6].
Notons enfin que la surface (100) du Si, particulièrement utilisée
en technologie microélectronique, présente également une
surstructure (2 × 1) expliquée par un modèle de dimères, à la fois
symétriques et antisymétriques, avec aussi beaucoup de lacunes.
On retrouve expérimentalement par photoémission les résultats des
calculs prévus pour cette surstructure [6].

3.4.5 Surfaces des composés semi-conducteurs

Pour illustrer ces cas, on ne discute que sur l’exemple du GaAs


qui cristallise dans le système cubique. La face de clivage est (110),
formée de rangées alternées de Ga et de As. Les deux types de
liaisons pendantes, une pleine localisée sur les atomes (As) du Figure 20 – Modèle de chaînes
groupe V, une vide localisée sur les atomes (Ga) du groupe III, de la reconstruction (2 × 1) pour Si et Ge
donnent naissance à deux bandes d’états de surface situées près
des bandes de volume. La déshybridation entraîne une modification
des orbitales sp 3 vers des orbitales sp 2, avec trois liaisons équiva-
lentes ayant chacune un électron et une orbitale vide perpendiculaire Les structures de bandes ont été étudiées par photoémission et
à la surface comme pour la molécule GaCl3 . Pour la même raison, sont expliquées assez correctement par les calculs. La figure 22
les atomes du groupe V vont adopter des liaisons de type s 2p 3 montre les calculs d’énergie totale pour la surface (110) du GaAs.
comme dans AsH3 , les trois liaisons liantes de type p et la liaison Les états de surface sont tracés en traits pleins et notés Ai ou Ci selon
pendante de type s. Ces changements provoquent une relaxation qu’ils sont localisés sur les anions ou sur les cations. Les états de
des atomes dans laquelle on observe un déplacement des atomes volume sont en pointillés. Les directions k sont notées par les points
de As au-dessus d’un plan de surface idéal et un déplacement des de haute symétrie de la zone de Brillouin de surface.
atomes de Ga au-dessous ; en même temps, il y a aussi des dépla- On remarque que les états des anions A5 ont été repoussés vers
cements latéraux. La figure 21 schématise l’arrangement atomique la bande de valence, alors que les états des cations C3 ont été
de cette surface. repoussés vers la bande de conduction due à la relaxation de la
surface.

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Figure 21 – Bandes d’états de volume, de surface et arrangement


atomique de GaAs (110) relaxée
Figure 23 – Courbure de bande d’un semi-conducteur de type n
due aux états de surface accepteurs

conduction pour remplir les états de surface et crée ainsi une charge
d’espace positive dans la zone superficielle. De même, un semi-
conducteur de type p a ses bandes courbées vers le bas à la surface
par une charge d’espace négative dans la zone superficielle. Ces
déficits de porteurs majoritaires donnent naissance à des couches
de déplétion et d’inversion semblables à celles trouvées aux jonc-
tions p-n (article Physique des dispositifs électroniques [E 1 100]
dans le traité Électronique). La courbure de bande à la surface peut
être mesurée expérimentalement par la grandeur VS telle que :
VS = Φ – I + ξ
avec Φ travail de sortie,
I énergie d’ionisation,
ξ mesure la distance entre E F et le sommet de la bande de
valence en volume.
Si la densité des états de surface est grande, un grand potentiel
de surface peut être compensé par une très faible variation du niveau
d’énergie des états de surface par rapport à E F , ce dernier demeurant
alors ancré aux états de surface.
Figure 22 – Relation de dispersion de GaAs (110)
L’exemple est donné par le Si dont le travail de sortie d’une surface
propre varie très peu, de 4,92 à 4,76 eV, en passant du type p au
type n, alors que E F se déplace dans le volume à travers tout le gap
3.4.6 Neutralité, courbure de bande à la surface (soit 1,1 eV environ). L’énergie de Fermi E F est fixée à la surface au
des semi-conducteurs milieu du gap. Cela peut s’expliquer par la présence de deux bandes
d’états de surface séparées par un faible gap (figure 19).
Pour un semi-conducteur covalent, à cause du principe de Contrairement à l’exemple précédent, la surface propre (110) des
neutralité totale, on s’attend à ce que la bande d’états de surface composés semi-conducteurs ne montre pas un ancrage de E F dans
soit à moitié pleine. En effet, les électrons dans les états de surface le gap, car les bandes d’états de surface sont repoussées vers les
compensent alors le départ des états du sommet de la bande de bandes de volume à cause de la relaxation de la surface (figure 21).
valence. Le potentiel de surface doit s’ajuster localement, de telle
façon que la bande d’états de surface se fixe en son milieu au niveau
de Fermi, E F . Si le semi-conducteur n’est pas dopé (semi-conducteur
intrinsèque), le potentiel de surface ne peut pénétrer profondément 4. Propriétés électroniques
dans le solide (pas plus que les états de surface) et cette
compensation se fait à l’échelle atomique. Si le semi-conducteur est des surfaces
dopé (semi-conducteur extrinsèque), E F se déplace dans le gap. Pour
fixer toujours la bande d’états de surface à E F , une charge d’espace avec adsorbats
s’établit à la surface du semi-conducteur et courbe les bandes. Le
potentiel de surface peut alors s’étendre sur plusieurs centaines Les surfaces réelles des solides sont généralement recouvertes par
d’angströms selon le niveau de dopage (figure 23). des atomes, des molécules, etc., provenant du milieu gazeux envi-
En fait, les états vides de surface agissent comme des accepteurs ronnant. Ce phénomène d’adsorption a pour origine les situations
qui peuvent se remplir avec les porteurs du semi-conducteur, et vice- particulières des atomes de surface des solides auxquels il manque
versa les états pleins comme des donneurs. Un semi-conducteur de des liaisons par rapport à ceux du volume. Le réarrangement de ces
type n, en général, a ses bandes courbées vers le haut (figure 23). liaisons manquantes par les adsorbats peut se faire schématique-
En effet, le semi-conducteur donne des électrons de sa bande de ment de deux façons.

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■ Si l’interaction attractive adsorbat-substrat est faible (c’est-à-dire reste du substrat. Le niveau de l’adsorbat forme deux états liant et
si les forces d’interaction sont de type Van der Waals), alors les antiliant (figure 25b ). Il faut remarquer que dans la réalité plusieurs
énergies associées aux liaisons adsorbat-substrat sont du même atomes sont simultanément adsorbés, les interactions latérales entre
ordre de grandeur que la chaleur de liquéfaction des gaz adsorbés qui adsorbats entrent aussi en compte et le problème devient immensé-
ne dépasse guère 30 kJ/mole (0,3 eV/particule). Il en résulte que l’état ment complexe. Il arrive aussi qu’une molécule, lors de son adsorp-
électronique du gaz adsorbé et celui de la surface initialement propre tion, subisse une forte perturbation par le substrat et puisse se
sont très peu modifiés par l’adsorption. C’est le phénomène de la décomposer en atomes (chimisorption dissociative), compliquant
physisorption que nous n’étudierons pas ici. encore plus le schéma des états électroniques.
■ Si, en revanche, l’interaction adsorbat-substrat est forte, la satu- Formellement, pour décrire la chimisorption, on postule que
ration des liaisons manquantes implique un transfert ou une mise en l’hamiltonien du système est :
commun d’électrons entre les deux partenaires. Les énergies de  = S + A + C (29)
liaison peuvent alors être élevées (environ 40 à 600 kJ/mole). C’est
le phénomène de chimisorption que nous aborderons dans cet article avec S hamiltonien du substrat que l’on peut représenter par
au point de vue de la structure électronique (article Surface des soli- sa structure de bande avec éventuellement ses états de
des. Physisorption. Chimisorption. Ségrégation [A 244]). surface propre,
Il est à remarquer que les grandes forces de liaison adsorbat-  A hamiltonien de l’adsorbat généralement isolé (dans
substrat peuvent provoquer un réarrangement des atomes de sur- les calculs) avec son niveau atomique E A de ses
face du substrat ; les états électroniques de l’adsorbat et du substrat ZA électrons,
se trouvent alors fortement modifiés par rapport à ceux d’avant
l’adsorption.  C hamiltonien du couplage entre ces deux entités.
La résolution de la relation (29) se fait en se ramenant à un
problème à un électron par diverses techniques d’approximation
plus ou moins adaptées, selon les types de forces d’interaction en
4.1 Concepts de calcul présence. Il n’y a pas de méthode universelle et une discussion
exhaustive de ces techniques déborderait très rapidement le cadre
de cet article. On se contente dans la suite d’expliquer phénoméno-
La théorie de la chimisorption reste toujours, à l’heure actuelle, logiquement quelques résultats expérimentaux obtenus sur des
un défi, tant il existe une grande variété de paramètres dans le systèmes typiques.
système mis en jeu, par exemple la nature et la force de l’interaction
adsorbat-substrat ou les propriétés des surfaces des substrats. Géné-
ralement, les grandeurs physiques à déterminer sont :
— la structure géométrique du système adsorbat-substrat ;
— la structure électronique des états chimisorbés ;
— l’énergie de liaison de l’adsorbat ;
— le transfert de charge relié au moment dipolaire de surface.
Qualitativement, pour fixer les idées sur ce qui se passe dans le
processus de chimisorption, on considère un atome (molécule)
neutre, loin d’une surface supposée métallique par exemple. Si
l’énergie d’ionisation I de l’atome est inférieure au travail de sortie
Φ du métal, un électron est transféré de l’adsorbat au métal et, inver-
sement, si l’affinité électronique χ est supérieure à Φ, un électron
est transféré du métal à l’adsorbat.
Dans ces deux cas extrêmes, la liaison sera ionique. Si, en
revanche, I > Φ et χ < Φ, l’atome (molécule) est stable dans son état Figure 24 – Diagramme énergie-espace
neutre, une liaison covalente s’établit entre l’adsorbat et le substrat d’un atome isolé et d’un métal
(figure 24).
Exemple : pour l’atome hydrogène I = 13,6 eV et χ = 0,7 eV.
Comme Φ est de l’ordre de 4 à 6 eV pour tous les métaux de transition,
on s’attend à ce que l’hydrogène forme une liaison covalente lors de sa
chimisorption.
Au cours de l’adsorption, les niveaux discrets d’énergie des
orbitales de l’adsorbat interagissent avec le substrat pour produire
un nouvel ensemble d’états électroniques qui sont en général élargis
et déplacés par rapport à ceux d’avant l’adsorption. De tels états
d’adsorption contiennent maintenant beaucoup de caractéristiques
du substrat.
Cependant, d’ores et déjà, notons que ces phénomènes ne
concernent que les atomes de surface et n’affectent donc que très
peu de plans atomiques superficiels. La figure 25 montre les change-
ments de ces états lors de l’adsorption d’un atome. Si l’interaction
n’est pas trop forte entre adsorbat et substrat, le niveau atomique
EA de l’adsorbat est peu élargi et forme un état lié virtuel gardant Figure 25 – Diagramme énergie-espace
son caractère atomique (figure 25a ). Si l’interaction est forte, le sys- d’un atome adsorbé sur un métal
tème adsorbat couplé aux atomes de surface du substrat se
comporte comme une supermolécule de surface perturbée par le

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4.2 Chimisorption sur les surfaces Ces deux atomes forment des liaisons ioniques avec Al ; l’atome de
Cl devient chargé négativement et celui de Li chargé positivement,
des métaux s-p comme prévu d’ailleurs par leur électronégativité relative à Al. Il n’en
est pas de même pour Si dont l’électronégativité est similaire à celle
4.2.1 Densité de charges superficielles d’Al. Le niveau Si 3p est donc situé près de E F . Seule la partie basse
énergie de ce niveau est remplie d’électrons formant la liaison liante.
Les propriétés des surfaces des métaux simples dont les électrons
de valence sont de type s et/ou p sont bien décrites par le modèle
du jellium (§ 3.2). Lors de l’adsorption d’une particule sur de telles
surfaces, le transfert ou le partage d’électrons (respectivement
liaison ionique ou covalente) entre adsorbat et substrat va changer
le potentiel de surface. Pour illustrer ce cas, prenons une mono-
couche de césium déposée sur la surface de l’aluminium [2]. Un
transfert d’électrons se fait du Cs vers Al (liaison ionique). La couche
de Cs est alors simulée par un plan d’ions positifs placés en face
du cristal semi-infini Al représenté par le jellium. Les calculs
montrent alors que le changement de la densité des charges électro-
niques, induit par l’adsorbat, est très important à la surface, mais
décroît très rapidement à partir de la surface en oscillant vers la
densité initiale de volume. La figure 26 représente ces calculs pour
une couche complète de Cs et pour une fraction de couche. Les
changements observés, qui s’atténuent très vite, sont les
conséquences de l’écrantage de toute perturbation externe par les
électrons s et p du métal (écrantage Thomas Fermi et oscillations
de Friedel). La distribution spatiale de cette densité de charges, dans
l’exemple précédent, provoque l’apparition d’un dipôle électrique
perpendiculaire à la surface, qui fait varier le travail de sortie du Figure 26 – Changement relatif de la densité de charges induite sur Al
système. par chimisorption du Cs d’après le modèle du jellium (d’après [2])

Exemple : la figure 27 représente la variation du travail de sortie Φ


par l’adsorption d’un métal alcalin sur la face (110) du Ni. Le transfert
de charge, au fur et à mesure de l’adsorption, fait baisser le travail de
sortie du Ni vers celui du métal alcalin. Ce phénomène trouve des
applications technologiques importantes, en particulier dans les fila-
ments de tungstène thorié utilisés comme émetteurs d’électrons par
effet thermo-ionique, ou dans les photocathodes à affinité électronique
négative (GaAs + Cs + O).

4.2.2 États de surface induits par chimisorption

Considérons le cas de l’oxygène adsorbé sur l’aluminium. C’est


aussi l’étape précurseur de l’oxydation d’un métal. Si seuls les
électrons O 2p participent aux liaisons chimiques avec le substrat
qui est traité comme une grosse molécule, alors on a quatre orbitales
moléculaires, deux liantes, deux antiliantes. Comme le substrat n’est Figure 27 – Variation du travail de sortie   du Ni (110)
pas une molécule mais contient environ 1023 électrons par centi- par adsorption des métaux alcalins
mètre cube, les électrons de valence O 2p vont interagir avec un
continuum d’états d’énergie E  E 0 , où E 0 est le bas de la bande
de valence de Al. Les niveaux des atomes d’oxygène au-dessous
de E F vont donc être remplis par les électrons de l’aluminium et
forment les états résonnants, induits par l’adsorption, provenant
d’électrons incidents du volume et diffusés par les adsorbats.
L’origine physique vient du fait qu’initialement ces états, avant
adsorption, représentent les ondes stationnaires correspondant aux
accumulations de charges à la surface (§ 2.1). Avec l’adsorption,
l’onde incidente voit une autre phase lors de la réflexion à la surface
et son état propre va se modifier ainsi que les accumulations de
charges. Particulièrement, l’accumulation de charges entre
l’adsorbat et le substrat donne des états de caractères liants situés
à basse énergie au-dessous de E F et vice-versa des états antiliants
au-dessus de E F .
Les densités d’états induits par l’adsorption des atomes de Li, Si
et Cl sur Al sont représentées figure 28. Les calculs dans un modèle
du jellium montrent que le niveau d’énergie Cl 3p est au-dessous
du niveau E F. Il est donc rempli d’électrons de Al. Il y a transfert
de charge de Al vers Cl. En revanche, le niveau Li 2s est situé Figure 28 – Variation relative de la densité de charges induite
au-dessus de E F , il est donc vide, transférant son électron vers Al. par chimisorption des différents atomes Cl, Si, Li sur Al

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4.3 Chimisorption sur les surfaces


des métaux de transition

Du point de vue catalytique, les métaux de transition sont les plus


intéressants à considérer à cause d’une bande étroite d’électrons d
intervenant d’une façon prépondérante dans les liaisons chimiques
à la surface. Les méthodes théoriques de résolution de la chimi-
sorption sur les métaux d sont principalement basées sur les liaisons
fortes [1] [5]. On assimile alors le métal à un agrégat de plusieurs
atomes et l’on calcule pour le système adsorbat-métal le spectre des
états d’énergie comme pour une grosse molécule.

4.3.1 États de surface induits par chimisorption

Prenons le cas de CO adsorbé sur Ni (100). Sur la figure 29a, on


a représenté les orbitales externes de la molécule CO qui sont
rangées dans l’ordre croissant en énergie d’ionisation : les orbitales
5σ (provenant essentiellement des orbitales C 2s et C 2pz ), les orbi-
tales 1 π (de C 2p x , 2py et O 2px , 2py ) et enfin les orbitales 4σ (de
O 2s, O 2pz ). Les premiers états d’énergie non occupés et qui ne sont
pas représentés sur la figure correspondent aux orbitales antiliantes
2 π * (de C 2px , 2py et O 2px , 2py ).
En assimilant le substrat Ni à un agrégat et en calculant la
chimisorption de CO sur Ni, on a reproduit la variation en énergie
de ces orbitales en fonction de la distance CO-Ni. La géométrie
utilisée est une géométrie de molécule CO linéaire avec CO pointé
perpendiculaire à la surface Ni et terminé par un atome de C sur
l’atome Ni. La figure 29b montre les résultats de ces calculs. En Figure 29 – Orbitales moléculaires du CO
ordonnée à droite de cette figure (distance CO-Ni → ∞ ), les
énergies des orbitales de la molécule CO libre sont représentées
par des traits. Les résultats de photoémission de CO en phase
gazeuse sont indiqués, pour comparaison, par des flèches (voir
aussi en haut de la figure 30). Seul le niveau 1 π est mal reproduit
par la théorie, cela est dû aux techniques de calcul utilisées. Au fur
et à mesure que CO se rapproche du substrat (gauche de la
figure 29b ), ses niveaux d’énergie initiaux vont se déplacer vers
les basses énergies de liaison (hautes énergies d’ionisation).
L’orbitale CO 5σ est la plus perturbée par l’adsorption, car elle
intervient fortement dans l’hybridation avec les électrons d du Ni.
À des distances inférieures à 3,7 Å, on constate un croisement des
orbitales 5σ et 1 π. À distance d 0 entre CO-Ni, de l’ordre de 3,5 Å
qui correspond d’ailleurs à la molécule Ni(CO)4 , ces deux orbitales
se renversent. Il y a un transfert d’électrons de CO 5σ vers Ni qui,
cependant, redonne ces électrons aux orbitales initialement
antiliantes CO 2 π *. En effet, ces dernières orbitales vont se dépla-
cer aussi vers les basses énergies au-dessous de E F et, de ce fait,
peuvent recevoir des électrons. C’est le modèle donneur-accepteur
en chimisorption, bien connu dans la chimie des carbonyles de
métaux.
La figure 30 montre les résultats expérimentaux de photo-
émission en ultraviolet sur une faible quantité de CO (0,6 mono-
couche moléculaire) adsorbée sur Ni (100). On distingue nettement
un pic dû à l’émission des états non liants des électrons d du Ni près
de E F et surtout deux autres pics dus à la chimisorption, appelés
P1 et P2 ; P1 correspond aux orbitales 4σ du CO et P2 à l’ensemble
des orbitales 1 π et 5σ que nous avons décrites figure 29.
Le spectre haut de la figure 30 montre aussi la photoémission de
CO en phase gazeuse et l’on reconnaît facilement les trois niveaux
5σ, 1 π et 4 σ de CO que nous pouvons comparer avec les calculs
de la figure 29. Nous remarquerons bien que l’origine des énergies
en photoémission des solides est toujours prise à E F = 0 (ou éven-
Figure 30 – Photoémission de CO adsorbé sur Ni.
tuellement au sommet de la bande de valence E valence = 0), alors que
En haut photoémission de CO en phase gazeuse (d’après [2])
pour les gaz elle sera prise au niveau d’énergie du vide (E vide = 0).

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4.3.2 Énergie de liaison

Cette énergie E  est une mesure de la force d’interaction entre


adsorbat et substrat ; on peut y accéder par diverses expériences
(article Surface des solides. Physisorption. Chimisorption. Ségré-
gation [A 244]). Dans le modèle des liaisons fortes, elle peut être
formulée comme la somme de deux termes : un terme de bande
attractif et un terme répulsif E R :

E = 
–∞
EF
E δ N ( E ) dE + E R (30)

où δN (E ) est la variation de densité d’états du système lors de


l’adsorption. Le terme répulsif provient des interactions des
électrons des couches internes de l’adsorbat et du substrat.
Exemple : le tableau suivant montre les valeurs E  calculées et
Figure 31 – Divers modèles possibles pour la chimisorption
comparées aux valeurs déduites des expériences pour la chimisorption
de l’oxygène sur silicium (111)
de H, O et S sur Ni.
Énergies de liaison (en eV)
Calcul Expérience
Ni-H 3,4 2,8
Ni-O 4,2 4,3
Ni-S 5,2 4,5
Les désaccords entre la théorie et l’expérience proviennent essentiel-
lement des géométries de la surface chimisorbée encore mal connues.

4.4 Chimisorption sur les surfaces


des semi-conducteurs

Les semi-conducteurs occupent une place de choix dans les tech-


nologies électroniques. L’évolution des circuits miniaturisés vers la
très haute intégration (maximum de composants dans un minimum
de place) implique une diminution des dimensions des circuits. De
ce fait, les modes de fonctionnement de ces composants sont forte-
ment régis par les propriétés de leurs surfaces et de leurs interfaces.
L’étude de la chimisorption est primordiale dans cet objectif. Elle est
très complexe et la plupart des résultats obtenus à ce jour peuvent
être encore remis en cause. Pour illustrer ces propos, nous étudions
deux exemples :
— l’un concernant la chimisorption d’un gaz (O2) ;
— l’autre la chimisorption d’un métal (Ag) sur un semi-conducteur
(Si).
Figure 32 – Comparaison entre calculs et expérience
de photoémission de l’oxygène adsorbé sur Si (111)
4.4.1 Chimisorption de O2 sur Si (111) (d’après [2])

C’est l’étape précurseur de l’oxydation de Si. À température


ambiante, plusieurs types d’adsorption, atomique ou moléculaire, Sur la courbe expérimentale, on observe essentiellement un pic
peuvent en principe se produire. Les modèles correspondants sont vers – 6,5 eV au-dessous de E F . Les calculs semblent prouver que
représentés sur la figure 31. Par des expériences de pertes d’énergie ce pic provient des états liants O-Si construits à partir des
d’électrons (article Spectrométries de pertes d’énergie des électrons orbitales O 2p et Si 3s, 3p. Ils suggèrent aussi un modèle d’adsor-
dans les solides [P 2 635] du traité Analyse et Caractérisation), on ption dissociative O / Si plutôt qu’une adsorption moléculaire à
arrive à mesurer les vibrations des liaisons Si-O à la surface. Ces l’inverse des expériences de pertes d’énergie.
mesures ne peuvent pas expliquer les modèles d’adsorption La situation est loin d’être éclaircie et d’autres expériences à
atomique (figures 31a et c ), mais en revanche préconisent les l’échelle atomique sont nécessaires. Les contradictions actuelles
modèles d’adsorption moléculaire (figures 31b, d, e et f ). peuvent provenir des difficultés de contrôler tous les paramètres
Par photoémission, on peut aussi enregistrer les densités des états (température, pression, artefacts, etc.) qui excitent le gaz avant
occupés lors de l’adsorption. La figure 32b montre les résultats pour adsorption. En particulier, si la température est supérieure à 500 oC,
une monocouche d’oxygène adsorbée. On note que, dans ce cas, on peut assister à un début d’oxydation de Si donnant des couches
la reconstruction (7 × 7) de la surface initiale disparaît pour donner de SiO2 .
lieu à un autre arrangement atomique plus ou moins ordonné. Pour
faire des calculs, on suppose alors une surface idéale (1 × 1) non
reconstruite et l’on effectue les calculs pour une chimisorption
dissociative O/Si (figure 32a ) et moléculaire O2 /Si (figure 32b ).

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Figure 34 – Courbes de photoémission du Si (111) propre


et recouvert d’une couche d’argent

hauteur de la barrière de Schottky. Signalons également que la


plupart des métaux réagissent fortement avec les semi-conducteurs,
même à température ambiante. Les atomes métalliques peuvent
interdiffuser avec le substrat et donner à l’interface une zone diffuse
constituée d’alliages ou de composés de ces deux matériaux,
compliquant ainsi l’étude de la formation de l’interface.
Pour simplifier, on n’étudiera que le cas de Ag sur Si (111) qui
semble former une interface abrupte (pas d’interdiffusion à longue
distance). On n’évoquera pas non plus le cas de l’adsorption Ag/Si
à température ambiante qui met le système métal/semi-conducteur
dans un état métastable et fortement dépendant de la température,
des conditions de propreté et de dépôt de Ag sur Si, etc. Le cas traité
est observé avec un dépôt d’une monocouche de Ag sur Si, recuit
à T > 200 oC pour obtenir une surface stable ordonnée. La sur-
structure observée lors de cette adsorption est  3 × 3  R 30 o dont
un modèle possible est reproduit sur la figure 33. La photoémission
Figure 33 – Modèle possible pour la surstructure 3 × 3 R 30 o montre alors, pour cette surface, l’apparition des pics d’émission des
de Ag adsorbé sur Si (111) électrons d de Ag (– 5,5 à – 7,5 eV) et deux autres pics d’états induits
par la chimisorption, notés a et b (figure 34). Ces pics peuvent
provenir des états liants entre les orbitales Ag 4d, 5s et Si 2s, 2p,
4.4.2 Chimisorption de Ag sur Si (111) conformément aux concepts de la chimisorption.
L’adsorption d’un métal sur un semi-conducteur est la clé de la
formation d’une diode Schottky (article Physique des dispositifs élec-
troniques [E 1 100] du traité Électronique). La présence des états de
surface propre a une grande influence sur les mécanismes de cette 5. Conclusion
formation.
Pour les semi-conducteurs covalents , l’existence des bandes La physico-chimie des surfaces des solides est, par essence, un
d’états de surface, de forte densité, situées dans le gap, conduit à domaine interdisciplinaire très riche mais complexe. C’est une
une courbure de bande du semi-conducteur (§ 3.4) et fixe le niveau science jeune qui s’est fortement développée depuis les trois
E F dans le gap. L’adsorption des divers métaux n’a que très peu dernières décennies, parallèlement aux progrès considérables des
d’influence sur cette fixation et la hauteur de la barrière de Schottky technologies d’ultravide, d’élaboration et de caractérisation des
ne dépend pas de la nature des métaux adsorbés. surfaces, et des moyens de calcul et d’informatique sophistiqués.
En revanche, pour les semi-conducteurs ioniques, la relaxation du Cet article n’a pour ambition qu’une brève introduction élémentaire
plan de surface a repoussé les bandes d’états de surface vers celles aux propriétés électroniques des surfaces des solides, résumant
des volumes ; il n’y a pas de courbure de bande et pas de fixation l’essentiel des acquis actuels. Le domaine évoluant sans cesse, la
a priori de E F dans le gap. Sa position dépend alors de la nature synthèse faite au moment de la rédaction de cet article est loin d’être
des métaux lors de leur adsorption et aussi, par conséquent, de la définitive.

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A 246 − 20 © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales

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