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Le jardin japonais issu de la tradition antique japonaise, peut être trouvé dans les maisons

privées, dans les parcs des villes, comme dans les lieux historiques. Au Japon,
l’aménagement de jardins est un art important et respecté, avec des codes esthétiques. À
l’inverse des jardins occidentaux qui préfèrent une composition géométrique, les jardins
japonais cherchent à interpréter et idéaliser la nature en limitant les artifices.

Il est possible de dresser un catalogue succinct d’éléments présents dans les jardins
japonais, sans chercher plus loin les règles esthétiques qui gouvernent leur agencement. Le
jardin est souvent organisé autour d’un bâtiment depuis lequel il est destiné à être vu. Au-
delà de l’architecture propre au bâtiment, on retrouve la plupart des éléments suivants dans
de nombreux jardins :

 des rochers, choisis pour leur forme, leur taille, leur couleur et leur texture,
 de l’eau : mares, rivières, chutes ; dans le cas d’un lac central on y trouve souvent
une île, et un pont ou des pierres de gué menant à l’île.
 du sable ou du gravier, sur lequel sont dessinés des motifs.
 des éléments décoratifs : lanternes, pagodes, statues, bassins d’eau.
 un salon de thé ou un pavillon,
 une bordure comme une haie, une palissade ou un mur de facture traditionnelle,
 des chemins de terre, de gravier, ou de pierres.

Ces éléments peuvent être réels ou symboliques : dans un jardin sec, l’eau est représentée
par des graviers.
Quelques Principes :
La composition d’un jardin japonais suit trois grands principes : la reproduction de la
nature en miniature, le symbolisme et la capture de paysages.

La miniaturisation a pour but la représentation de scènes différentes dans un espace restreint ;


en plus d’une réduction de taille, elle opère sur une réduction de la complexité — la simplicité
est une caractéristique importante dans la plupart des styles japonais.

Le symbolisme est issu de la fonction religieuse des premiers proto-jardins ; il sert également
au travail de simplification.

La capture de paysages utilise des éléments distants extérieurs au jardin dans sa composition
scénique ; elle agit de concert avec les limites imposées du jardin pour l’insérer dans un
contexte plus large.

La Perspective :
La perspective est liée au principe de miniaturisation : en jouant sur la taille des éléments
proches et lointains, il est possible de donner l’illusion d’espace à certaines zones du jardin.

Au contraire de la perspective occidentale, reposant sur un plan horizontal et un point de


fuite, la perspective du jardin japonais repose sur le « principe des trois profondeurs » de la
peinture chinoise, avec un premier plan, un plan intermédiaire, et un plan lointain. Les vides
entre plans sont occupés par des plans d’eau, de mousse, ou de sable.

La Dissimulation :

Les jardins japonais ne se révèlent jamais complètement à la vue, pour des raisons
esthétiques : cacher certains éléments selon le point de vue rend le jardin plus intéressant et le
fait paraître plus grand qu’il ne l’est réellement. Le miegakure utilise la végétation, les
bâtiments et des éléments de décor comme des lanternes pour cacher ou montrer différentes
parties du jardin selon la perspective de l’observateur.

Les Paysages Empruntés :


:

Le Paysage emprunté est une technique japonaise utilisée


par les paysagistes pour donner l’impression d’un jardin
aux dimensions infinies, les jardins japonais étant
généralement plus petits que les jardins chinois. Des
arbres dissimulent les limites réelles du jardin, et des
éléments distants sont « capturés » dans la composition
du jardin.

Le Paysage Emprunté recourt à quatre plans de composition distincts :


 l’avant-plan joue un rôle relativement mineur,
 le second plan utilise des éléments soigneusement positionnés pour lier le jardin aux paysages
distants, et entraîner le regard vers ceux-ci,
 le troisième plan est constitué par les limites du jardin (arbres, haies, murs) qui dissimulent les
structures environnantes non désirées et créent le cadre qui permet de voir ces paysages
lointains ; ces limites doivent être irrégulières et discrètes pour renforcer le lien (et ne pas
causer de rupture voyante) entre le jardin et le paysage,
 le paysage emprunté lui-même constitue le quatrième plan.

Ainsi, les montagnes situées au-delà du jardin semblent lui appartenir, et on pense pouvoir s’y rendre
par les multiples chemins qui se perdent derrière les rochers.

L’asymétrie :
Le principe d'asymétrie évite qu'un objet ou aspect déséquilibre la composition en paraissant trop
dominant par rapport aux autres, et rend celle-ci plus dynamique. Il associe le spectateur à la
composition, en incitant à parcourir du regard d'un point intéressant au suivant.

Les techniques employées consistent à le mettre hors du milieu du champ de vision, ou à


l'accompagner d'autres éléments. Par exemple, les pierres et les arbres sont souvent disposés en
triangles, symboles de la trinité bouddhiste. De même, les pièces d'un bâtiment attenant au jardin
peuvent être « encastrées » l'une après l'autre, en diagonale, selon un arrangement surnommé « vol
d'oies ».

Éléments :
Les Enceintes :
Les jardins japonais sont systématiquement clos. La notion de grands espaces ouverts, comme les
pelouses du château de Versailles, est étrangère à l’esthétique japonaise, habituée aux vallées et aux
côtes. Les limites du jardin ont le plus souvent un aspect naturel : haies, grands arbres, remblais, murs
de facture traditionnelle, palissades ou clôtures en bambou.

Les limites ne sont pas infranchissables : le jardin est le plus souvent lié à son contexte, par exemple
via l’usage du paysage emprunté.

Les Rochers :

Les rochers jouent un rôle essentiel dans les jardins, issu de leur rôle d'abri des esprits (kami)
dans le passé animiste de la spiritualité japonaise. Les rochers apportent une forte note
« organique » au dessein d'ensemble. Ils sont regroupés, à la manière de sculptures, à des fins
d'illustration et de transition. Les compositions comportent souvent 2, 3, 5 ou 7 éléments.

Les roches sédimentaires sont lisses et arrondies ; elles sont placées au bord des plans d'eau,
ou servent de pierres de gué.

Les roches magmatiques sont d'aspect plus brut ; elles servent elles aussi de pierres de gué,
mais surtout d'accents forts. Elles symbolisent souvent des montagnes.

Les roches métamorphiques sont les plus dures et les plus résistantes ; on les trouve près des
chutes d'eau et des torrents.
Pendant des siècles, les rochers étaient sélectionnés en fonction de leur forme et de leur
texture, et transportés dans leur état d'origine. Plus récemment, des pierres sont taillées, puis
utilisées comme tabliers de pont, comme bassins d'eau, ou comme lanternes. Il s'agit le plus
souvent de roches sédimentaires, les plus simples à tailler.

Sable et Gravier :

Jardin du Zuiho-in, dans le temple Daitoku-ji, Kyōto

L'utilisation de sable et de gravier pour marquer des lieux sacrés remonte à l'antiquité. Des
motifs y sont dessinés à l'aide de râteaux ; initialement, ils représentaient des vagues et des
courants, plus récemment, des formes abstraites sont aussi dessinées. Les motifs ondulants
tracés sur le sable donnent une impression de mouvement, et offrent un contraste net avec les
rochers, statiques.

Chemins :

De nombreux jardins comportent des chemins en terre battue, qui peuvent être recouverts de
graviers, de pierres plates ou de dalles. Outre leur aspect pratique, ils participent à la
composition du jardin : d'une part, l'agencement plus ou moins régulier de pierres elle-même
plus ou moins régulières suggère différents niveaux de formalisme ; d'autre part, en guidant le
visiteur, ils offrent des points de vue choisis par le paysagiste.

L’Eau :

Engetsu-kyo dans le jardin Koishikawa Kōrakuen, à Tokyo

L'eau joue un rôle purificateur dans le shintoïsme, et un rôle esthétique dès les premiers
jardins, fortement inspirés des jardins chinois.
Les plans d'eau sont souvent dessinés en forme de sinogrammes, et presque toujours de
manière irrégulière et asymétrique. La plupart sont alimentés par des cours d'eau naturels,
certains utilisent des canalisations. Les cours d'eau sont eux aussi aménagés : pour représenter
des torrents, ils sont étroits, tortueux, et leur lit est couvert de pierres ; pour représenter des
rivières côtières, ils sont larges, presque droits, et bordés d'herbes sauvages ou de fleurs.

À l'endroit où un cours d'eau se jette dans un plan d'eau, on trouve une petite chute d'eau,
marquée par une formation de rochers. La disposition des rochers et des filets d'eau suit une
classification millénaire introduite dans le Sakuteiki.

Le visiteur peut franchir les étendues d'eau à l'aide d'une multitude de ponts. Les plus simples
sont une succession de pierres de gué, les plus élaborés sont sculptés en bois (parfois peint) ou
en pierre.

Les Plantes :

Momiji au temple Ginkaku-ji, Kyōto

Les plantes sont principalement choisies selon des critères esthétiques : elles servent à
dissimuler ou mettre en valeur certaines parties du jardin, et fleurissent ou prennent des
couleurs à différents moments de l’année. Les mousses sont utilisées dans de nombreux
jardins à vocation religieuse. Les parterres de fleurs sont historiquement rares, mais courants
dans les jardins modernes.

Certaines plantes sont choisies pour des raisons religieuses, comme le lotus sacré, ou
symboliques, comme le pin, qui représente la longévité.

Les arbres sont taillés et leur pousse est soigneusement contrôlée afin de donner des formes
intéressantes. Ils sont généralement inclinés, ce qui dirige leur ombre, et peut permettre de
meilleurs reflets dans l'eau. Certains pins pluriséculaires nécessitent en permanence une série
de béquilles pour les soutenir. En hiver, les branches des arbres anciens les plus fragiles sont
soutenues par des poteaux, ou suspendues à des cordes, afin d'éviter que le poids de la neige
ne les fasse tomber.

Les Animaux :
Carpes koï dans un jardin zen contemporain

Les animaux jouent un rôle relativement discret, mais important. Les carpes koï sont
employées pour leurs couleurs jaune/orangé, mais aussi pour limiter les algues et la végétation
aquatique. Les tortues, grenouilles et salamandres sont des résidents fréquents. Les oiseaux
comprennent les canards et autres gibiers d'eau ; ils ajoutent une note de spontanéité au jardin.
À Nara, des milliers de cerfs Sika habitent les parcs de la ville.

Les Eléments Décoratifs :

Lanterne de pierre, jardin Rikugi-en à Tōkyō

Les lanternes sont apparues avec les jardins de thé. Elles sont utilisées pour éclairer le jardin
de nuit, et pour le décorer de jour. Les premières lanternes étaient en bronze, les plus
courantes sont en pierre, certaines sont en bois. Il existe des dizaines de styles différents, avec
différents niveaux de complexité et de formalisme. Un autre élément apparu avec les jardins
de thé est le bassin d'eau creusé dans une pierre, tout près du sol. Il est alimenté en eau par
une conduite en bambou. Dans les jardins d'agrément, ces bassins peuvent être en bronze
comme en pierre, ils sont plus hauts, et l'eau permet de refléter le ciel ou des arbres
environnants.

Quelques jardins d'inspiration bouddhiste comprennent des petites pagodes, purement


décoratives. Elles se trouvent au bord des étendues d'eau (où elles se reflètent), ou au sommet
de collines artificielles. On trouve parfois des statues, elles aussi d'inspiration bouddhiste.
Dans les jardins des temples bouddhistes, elles sont le plus souvent en bronze ; dans les
jardins d'agrément, elles sont plutôt en pierre.
Historique :

Historiquement, les différents styles de jardins sont apparus sur l'île de Honshū, la grande île
centrale du Japon. Son climat tempéré et humide, avec quatre saisons bien distinctes, a
façonné ces styles, enrichis par la diversité de la flore, dont la variété d'espèces d'arbres
caducs et sempervirents. La géographie de l'île, en bonne partie composée de massifs
volcaniques parcourus d'étroites vallées, a conduit à l'emploi de styles naturels, adaptés aux
contours du terrain, et ne cherchant pas à imposer un grand dessein géométrique aux jardins.
Les paysages de montagne (pentes raides, torrents, chutes d'eau, pâturages) et de côtes
découpées forment autant de motifs naturels qui se retrouvent sous diverses formes dans les
différents styles.

Époques de Kamakura et de Muromachi :

Ginshadan, la mer de sable d'argent, au temple Ginkaku-ji

L'époque de Kamakura marque le passage graduel du pouvoir de la noblesse aux militaires et


l'ascendance des samouraïs, au moment où le bouddhisme zen s'étend dans le pays et où
l'influence de la culture chinoise (Song) se renouvelle. Ces transformations provoquent une
transition en profondeur de la fonction et de l'esthétique des jardins.

Le bouddhisme zen se développe au Japon à partir du Xe siècle. Les premiers jardins zen sont
conçus pendant l’époque de Kamakura ils délaissent les plantes à fleurs au profit d’arbres
sempervirents, et cherchent à créer une atmosphère de calme propice à la contemplation et la
méditation. Musō Soseki un grand prêtre zen de l'école Rinzai, est le principal architecte des
jardins de temple de cette époque. L’ambition de représenter l’univers entier dans le jardin
pousse à l’abstraction et la métaphore, et vers l’époque de Muromachi apparaissent les
premiers véritables jardins secs qui marquent le passage du mimétisme de l'époque Heian au
symbolisme.

La noblesse militaire s’intéresse elle aussi aux jardins, mais les voit comme objets de
contemplation plutôt que comme lieux d’activité. Ces jardins privés de l’époque Kamakura
sont alors principalement conçus pour leur attrait visuel, et leurs concepteurs sont les moines
installateurs de rochers. Ils sont marqués par le style shoin-zukuri d’architecture intérieure :
on les observe depuis une pièce, qui offre une composition similaire à un tableau (en
particulier un tableau peint dans le style chinois de l'époque Song), et qui appelle à la
contemplation. Ils constituent ainsi une sorte de terrarium à ciel ouvert.
Style :

La classification traditionnelle regroupe les jardins en trois grandes catégories 5 :

 shizen fūkeishiki, les jardins qui représentent la nature en miniature ; une variante
courante de cette classification utilise le terme tsukiyama.
 Karesansui, les jardins secs, fortement inspirés par le bouddhisme zen et destinés à la
méditation. Ils utilisent une représentation plus abstraite, où du sable ou du gravier
figure la mer, et des rochers (parfois entourés de mousse) symbolisent des montagnes,
des cascades ou des bateaux.
 Chaniwa, les jardins de thé, comprenant des chemins paysagés menant à une maison
de thé, portés sur une simplicité extrême.

Le Monde Miniature :

Rikugien, un jardin de promenade à Tōkyō

Le jardin avec colline artificielle s’oppose au jardin plat. Ces jardins comprennent au moins
une colline de quelques mètres de haut, ainsi qu’un plan d’eau, des arbustes, arbres et autres
plantes ; le plus souvent, on y trouve aussi des îles, des ruisseaux, et des ponts. Ces jardins
reproduisent ou évoquent en miniature un ou plusieurs paysages célèbres de Chine ou du
Japon. Ils peuvent être vus depuis un point fixe, en particulier la véranda d’un bâtiment, ou
depuis un chemin qui met en valeur plusieurs compositions successives.

Un kaiyūshiki teien est un jardin de promenade, organisé autour d’un lac, à découvrir le long
d’un sentier qui en fait le tour. Il utilise le principe de dissimulation pour dévoiler différentes
scènes à partir du sentier, et fait souvent appel au shakkei pour intégrer les panoramas distants
à ces scènes. Ce type de jardin était très recherché sous l’époque d’Edo.

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