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Art et Géométrie

Pistes de travail pour un projet interdisciplinaire


Corinne LACAZE CPD Arts visuels – Corinne.Lacaze@ac-nancy-metz.fr

La géométrie nous renvoie immédiatement aux mathématiques : rigueur, exigence,


lois, théorèmes, équations, mesures, précision, …
On peut se demander comment y glisser de la création, de la poésie, une forme
d’expression, ...
C’est le pari de l’atelier danse cette année, ce sera le mien aussi dans ce dossier, ces
pistes de travail devant vous aider à mettre en place des séances en arts visuels avec
vos élèves qui pourront nourrir vos moments dansés. (et réciproquement !)

La géométrie et les artistes


Un petit historique : On peut dire que la géométrie est apparue dans les œuvres
d’arts avec la naissance de la perspective mais c’est surtout au début de l’art
moderne, vers 1910 que de plusieurs mouvements artistiques, notamment le
Suprématisme et le Constructivisme, mettront en exergue les formes géométriques
simples dans les œuvres. Les premiers Constructivistes sont MALEVICH et
RODCHENKO en Russie ;
A la suite de la révolution Russe, le constructivisme évolue vers une forme
particulière à ce pays qui est le Suprématisme, mouvement de peinture figurative
fondée en 1913 par Kasimir MALEVICH (1878-1935).
Partant du Cubisme, il prône une pure abstraction géométrique en se limitant au
carré, complété ensuite par le triangle et le cercle.
Vous avez sans doute entendu parler de la première toile suprématiste de
MALEVITCH, exposée en 1915 : « Carré noir sur fond blanc » ou « Quadrangle » ou
cette autre toile : « Carré blanc sur fond blanc », de 1918 et actuellement au MoMa de
New York, souvent considéré comme le premier monochrome de la peinture
contemporaine.

Dans l’art moderne, les figures géométriques sont souvent à la base de créations,
notamment dans le Land Art… Voici quelques références d’œuvres à montrer aux
élèves.
Les peintres :
On pense tout de suite à des artistes du XXème siècle comme : Paul KLEE, Sonia et
Robert DELAUNAY, Wassily KANDINSKI, Joseph ALBERS, Otto FREUNDLICH,
Auguste HERBIN, Jean HELION, Piet MONDRIAN, Marc ROTHKO, Victor
VASARELY (père de l’OP ART où les effets optiques nous donnent la sensation de
mouvement)

Paul KLEE, « Le pont rouge » Sonia DELAUNAY, « Rythme couleur »,

Sonia DELAUNAY Vassily KANDINSKY


« Composition pour jazz » « Sur les pointes »

Auguste HERBIN, « Vendredi 1 » « Jour »


Cherchant à codifier des correspondances entre les lettres, les couleurs et les formes, Auguste
HERBIN travaillait à partir de figures simples (carrés, cercles, triangles) et de surfaces de
couleur homogène créant un véritable alphabet plastique.
Jean HELION, « Espaces bleus »

Les sculpteurs, photographes, designers, …:


o Les mobiles et stabiles de CALDER
Calder raconte à propos de la visite qu’il fit à l’atelier de Mondrian à l’automne 1930 :
« Cette seule visite me fit ressentir le choc − ce choc qui, pour moi a tout déclenché.
[…] Et maintenant, à trente-deux ans, je voulais peindre et travailler dans l’abstrait. »
Calder est frappé par les cartons peints en jaune, rouge, bleu, noir, qui sont punaisés
sur le mur de manière à former une belle et grande composition. Dans une lettre datée
de 1934, il précise : « J’ai été bien plus touché par ce mur que par ses peintures, bien
que je les aime aujourd'hui beaucoup. Je me rappelle avoir dit à Mondrian que ce serait
bien si on pouvait les faire osciller dans des directions et à des amplitudes différentes. »

Ainsi Calder surimpose à la vision des œuvres abstraites de Mondrian, une vision
dynamique qui lui est propre. De cette vision vont naître ses futurs mobiles qui
affranchissent la sculpture de la masse et pour laquelle le mouvement va devenir un
matériau à part entière.

Calder rejoint en 1931 le groupe Abstraction-Création qui réunit, entre autres, Piet
Mondrian, Hans Arp, Robert Delaunay et Jean Hélion. La première exposition de ses
sculptures abstraites a lieu à la galerie Percier à Paris, au mois d’avril de la même
année. Fernand Léger écrit à leur sujet dans le catalogue de l’exposition : « Devant ces
nouvelles œuvres transparentes, objectives, exactes, je pense à Satie, Mondrian,
Marcel Duchamp, Brancusi, Arp, ces maîtres incontestés du beau inexpressif et
silencieux. »
o Le photographe français Georges ROUSSE réalise des illusions
d’optique aussi colorées qu’envoûtantes. Il transforme des lieux
désaffectés en de véritables œuvres d’art monumentales. Il arrange des
peintures avec l’architecture environnante pour créer des illusions puis
il les documente en prenant chacune d’elle en photo. Chaque création
visuelle complexe redéfinit la perception générale de l’espace. Cette
série met en exergue un incroyable sens de la perspective et les
spectateurs sont mis au défi de comprendre comment les formes, les
couleurs et l’architecture s’emboîtent.

Voir son site : http://www.georgesrousse.com/actualites/

o L’artiste suisse Felice VARINI est connu pour ses anamorphoses à


grande échelle de formes géométriques sur des pièces et des espaces
extérieurs. Une de ses dernières réalisations, proposée au Grand Palais
à Paris, pour l’exposition Dynamo est assez représentative de son
travail : l’œuvre prend tout son sens une fois que vous trouvez le
« point de vue », endroit précis où apparaissent les formes
géométriques et non plus des formes éclatés, étirées, fragmentées.

Voir une vidéo où il explique son travail: https://youtu.be/2_P-8rArDnE


On peut voir deux de ses œuvres à Nancy :

« Ellipse orange évidée par 7 disques” « Trapèze désaxé autour du rectangle »


au Musée des beaux arts à l’école d’architecture
(œuvre installée en 2010) (œuvre installée en 1996)
Les artistes du Land Art: Richard LONG, Andy GOLWORTHY, Nils UDO …

“White rock line” « Garonne mud cercle »


Richard LONG, 1990, musée d’art contemporain de Bordeaux

« Je choisis la ligne et le cercle parce qu’ils font l’affaire », dit Richard Long. Ce "chemin
minéral" est d'une grande rigueur géométrique malgré le chaos hasardeux de
l’entassement des matériaux. C’est une invite à parcourir l’œuvre dans sa longueur,
selon un précepte de la sculpture minimaliste. Pour Long aussi, la marche invite à la
réflexion : « Marcher, c'est comme dessiner le temps qui passe ».
La boue utilisée pour l’œuvre a été prélevée sur les berges de la Garonne à proximité
du musée. Traces de doigts et éclaboussures viennent contredire (ou souligner) la
géométrie parfaite des cercles.

Andy Goldworthy : cet artiste britannique utilise des objets naturels pour créer
des sculptures souvent éphémères, in situ, qui font ressortir le caractère
particulier de l’endroit où elles sont créées. Il garde des traces de ses œuvres
au moyen d'épreuves photographiques en couleur.

Voir un extrait du film « River and tides » qui permet de cerner son travail :
https://youtu.be/O9TyHzP-8b8
Ou encore : https://youtu.be/LP_-P7ZcWZU
Voir aussi le travail de Jim Denevan qui crée ses œuvres monumentales sur le
sable, la terre ou la glace à l’aide d’un simple bout de bois et d’un râteau :

Voir une vidéo où le voit en train de travailler : https://youtu.be/dxjU93JTcao

On peut également voir une série d’œuvres monumentales de différents artistes en


Nouvelle Zélande : en effet, dans l’immense ferme d’Alan Gibbs, il y a toutes sortes
de sculptures surréalistes, abstraites, géométriques, perdues parmi les plaines
verdoyantes. Voir à ce lien : http://gibbsfarm.org.nz/artworks.php

Les artistes jouent sur les formes mais aussi sur leur reflet, comme Ludovic
FESSON dans « Wild Idea »…

On pourra également aller montrer comment on se sert de la géométrie dans


l’art décoratif, dans l’architecture :
o Pavages
o Mandalas
o Vitraux contemporains, rosaces
o Mosaïques
o Zelliges
o Constructions et géométrie
o …
Des formes géométriques à des pistes de travail en arts :

Le livre de Nicole MORIN et Ghislaine Bellocq : « Math & Art – Rigueur artistique et /ou
flou mathématique ? », CRDP POITIERS, 2002 nous donne des pistes intéressantes,
notamment dans le premier chapitre qui s’intitule : « Lignes, formes et volumes entre
nature, symbole, art et géométrie »
Dans ce livre les auteurs essaient de faire des liens entre les deux domaines, à donner
du sens tant aux concepts mathématiques qu’à la démarche artistique et propose
surtout des œuvres et des témoignages d’expériences de classes que je vais essayer
de reprendre pour proposer une programmation d’activités plastiques autour de
cette thématique. Je vais reprendre le même classement pour vous proposer ces
pistes de travail :

1. Points, lignes, arabesques, spirales et labyrinthes


On pourrait bâtir un travail sur la ligne:
- se repérer dans l’espace : reprendre des tracés de lignes à partir de plans de
l’école, de la ville, …
- chercher des réseaux de lignes : dans des tissus, des broderies, des frottages de
feuille d’arbre, d’écorces, de grilles, grillages, tissus… (en référence à Pierre
Alechinsky qui réalisait des frottages de plaques d’égout par exemple) – on
place une feuille de papier entre un relief et son crayon (crayon graphite, craie grasse)
et on récupère ainsi le réseau de lignes (les dessous de chaussures pour enfants sont
souvent très originaux. On peut aussi frotter les lignes des radiateurs, les carrelages,
…)
- construire un labyrinthe sur du papier quadrillé… les différents labyrinthes
pourront être photocopiés, agrandis, assemblés, juxtaposés ou superposés
(réalisés sur du calque),…
- construire des réseaux de lignes :
o tracer une ligne continue sans lever la main, les yeux fermés, avec deux,
trois crayons, en utilisant une feuille où il y a des obstacles (10 gros
points noirs, trois petites images choisies dans un magazine, gommettes, …)
o tracer des réseaux de lignes avec des billes enduites de peinture et
placées dans une boîte. (Les billes roulant dans la boîte marquent leur trace
colorée sur la feuille.)
o faire des réserves avec du scotch de crêpe que l’on décolle par la suite.

Penser au travail de POLLOCK (dripping : on trace une ligne sur la feuille avec de
la peinture sans que le pinceau ne touche la feuille – coulures, boîte percée,…)
Montrer le travail de Bernard VENET qui sculpte les lignes dans le métal.
Lire le livre : « La petite fille qui marchait sur les lignes » (voir biblio)
2. Fractales
A la fois une théorie mathématique inventée par le mathématicien Benoît Mandelbrot
et un outil précieux pour analyser des phénomènes complexes très variés.
Il serait intéressant de regarder sur ordinateur ces curiosités mathématiques et
d’essayer de les représenter par le dessin. (On trouve aussi des formes de fractales dans la
nature)

Une fractale Un chou romanesco

3. Parallèles et orthogonales, horizontales et verticales, carrés, croix, obliques


et diagonales

« Horizontalité, verticalité, obliquité sont chargées de sens.


Horizontalité vient du grec horizôn, de horizein, borner ou limiter. L’horizon est « ce
qui limite la terre ». L’horizontalité est un symbole de calme, de quiétude, de mort.

Verticalité vient du latin verticalis, de vertex, le sommet, littéralement « qui est au-
dessus du sommet de la tête ». La verticalité est caractéristique de la vie et par suite,
symbole d’ascension. Le sol ou la terre sur lesquels reposent les pieds synonymes de
matérialité.
La tête ou le ciel deviennent symbole de spiritualité. Cette symbolique, semble-t-il
universelle montre que le sens vertical du bas en haut est synonyme de progrès et
son contraire de déchéance. Symbole de la station debout, elle ferme l’espace. Le
regard confronté à plusieurs verticales dans une image est arrêté, il ne pénètre pas
dans l’image.

Obliquité vient du latin obliquitas, penché. L’obliquité, de biais ou incliné par rapport
à une ligne ou un plan horizontal est mécaniquement instable. Elle symbolise le
mouvement, la perte ou la recherche d’équilibre et contribue au dynamisme de
l’image.

Le rectangle et le carré ne se trouvent pas dans des structures naturelles, ce sont des
formes élaborées par l’homme. L’angle que fait l’homme debout avec le sol
horizontal a été qualifié de « droit ». Le carré fait référence à un refuge défensif,
minéral, construit, c’est la citadelle, la forteresse. La Jérusalem céleste, les pyramides
d’Egypte, la Tour de Babel ont une base carrée. » (p.36 Math & Art)
Partant de ces considérations, différents artistes ont utilisé horizontales, verticales,
obliques, carrés, rectangle dans leurs productions : on peut citer :
o MONDRIAN qui revendique une simplification géométrique très
stricte en horizontales et verticales appliquée à la peinture. (la ligne
oblique est irréductiblement bannie car elle amène le regard hors du
tableau)
o THEO VAN DOESBURG qui rejette la plastique de l’équilibre et revient
à l’oblique à 45°, expression de la vie moderne.
o MALEVITCH pour qui « le carré est le symbole de la révolution ou de
la sensation pure, et la fin du néant ».
o DANIEL BUREN qui choisit d’utiliser des bandes alternées de 8,7cm de
large, blanches et colorées sur toutes sortes de supports : toile, papier,
peinture, miroir, plastique, pierre, plâtre, etc.… dans des lieux toujours
différents. Pour lui, ce motif n’a aucune qualité esthétique, c’est un
motif banal, impersonnel, un simple outil peint, imprimé, gravé… ce
qui compte, ce qui constitue l’œuvre, c’est la mise en situation qui va
modifier notre perception des lieux où se trouvent les bandes : dans les
rues, dans les paysages, intégrées à des espaces culturels et maintenant
dans nos maisons.
o DANIEL DEZEUSE qui joue avec le châssis privé de sa toile : pure
forme quadrangulaire, cadre vide qu’il décline en assemblages
orthogonaux ; grilles, échelles, barrières, quadrillages… en matériaux
rigides ou souples, agrafés, teints, posés le long du mur, au sol ou
suspendus.

Des propositions d’activités : (39 à 41 Math et Art)


- Comment faire des lignes (presque) parallèles et (presque) orthogonales ?
Chercher avec quels outils ? quels supports ? (support vertical… = coulures), quelle
technique ? (frottage sur des surfaces ou ces lignes apparaissent…)

- Jeux avec des dessins quadrillés puis déformés (en faisant se déformer le
quadrillage, un nouveau dessin sera tracé)

- Fabrication de quadrillages par collage de bandes de papiers découpées dans


d’anciens travaux, dans des magazines, et coupées au massicot…

- Assemblage de verticales, horizontales, obliques, fabriquées en papier journal


enroulé et scotché, des pailles, des pics à brochettes, …

- Fabrication de quadrillages naturels avec des branches, du raphia,…


4. Centres, cercles, rotations et rayonnements

Cercle vient du latin circulus, de circus, le cirque, l’arène. Il produit deux effets : la
concentration et le rayonnement qui diffuse note regard, selon que nous accordons
plus d’importance au centre ou à la circonférence. Il suscite une idée d’implosion ou
d’explosion. En général, il est « symbole de totalité temporelle et de
recommencement ». Il est, dit Bachelard, assimilation à un ventre féminin, à un
refuge naturel, végétal. C’est une figure fermée et stable.
Pour PAUL KLEE, il est « la plus pure des formes en mouvement, la forme
cosmique », qui « n’apparaît qu’avec la suppression de la pesanteur, avec la
disparition des amarres terrestres ».

Des artistes :
o ROBERT DELAUNAY qui agence des formes circulaires pour donner
une impression de mouvement
o JASPER JOHNS qui peint des cibles
o MARCEL DUCHAMP pour qui la rotation est un leitmotiv (Moulin à
café, Roue de bicyclette)
o Les artistes du land Art reprennent souvent les formes circulaires dans
leurs compositions (voir plus haut)

Des propositions d’activités : (p.50 et 51 Math et Art)

Les mandalas : Les moines tibétains créent ces cercles de sables colorés depuis
plusieurs siècles dans le but de méditer, mais on peut en créer très simplement ;
L’observation de différents mandalas permet de se rendre compte qu’on retrouve
dans tous les mandalas : trois cercles de même centre, trois carrés et des éléments
variables à l’intérieur des carrés… comme les idées maîtresses de construction des
mandalas : le centre du cercle est à l’intersection des diagonales du grand carré et ce
centre est le centre du mandala.
Vous trouverez facilement des tutoriels pour réaliser les mandalas… par exemple :
http://lepetitmanuel.com/blog/differentes-techniques/construire-et-dessiner-ses-
propres-mandalas/

5. Triangles et autres polygones


Tous les polygones peuvent donner lieu à des compositions colorées intéressantes
par assemblage, superposition, juxtaposition…
On retrouve souvent le triangle dans les compositions des tableaux des grands
maîtres (il représente la trinité, base de la chrétienté).
L’hexagone se retrouve dans les cristaux de neige, certains fruits ou végétaux.
On peut imaginer des bijoux, masques ayant pour base certains polygones.

Sites et biblio (à partager et compléter au fil des découvertes)


« Maths & Art - rigueur artistique et/ou flou mathématique ? », Nicole Morin
et Ghislaine Bellocq, SCEREN-CRDP Poitou-Charentes.
« Arts et mathématiques », revue La documentation par l'image, n° 130,
éditions Nathan.
« De toutes les formes, les formes dans l'art », Béatrice Fontanel, collection
«Mon premier musée», Editions Palettes.
« La petite fille qui marchait sur les lignes », Christine Beigel/ Alain Korkos,
Editions Motus, 2004 (voir une vidéo de spectacle sur le site de Christine
Beigel : http://christinebeigel.blogspot.fr/search/label/spectacles
Voir aussi les illustrations sur le site d’Alain Korkos :
http://plumesetpinceaux.hautetfort.com/lignes-2/
Et un dialogue entre l’auteure et l’illustrateur
http://plumesetpinceaux.hautetfort.com/lignes-1/

Des pistes de travail en maternelle autour des ronds et des lignes :


http://circo89-sens2.ac-dijon.fr/IMG/pdf/arts-visuels-et-geometrie1-1.pdf
Le dossier pédagogique du Centre Pompidou Mobile : « Cercles et carrés »
http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-cercles-et-carres-
2013.pdf

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