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«Examen DE UNIVERSA»
(Sujet 4- Dogme)
Kaslik-Liban
2009-2010
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Sujet no. 4
Mt 16 :13-20 est une scène christologique par excellence. Elle indique un indice clair de
la conscience qu’avait Jésus de lui-même, et marque un détour dans la foi des disciples.
Etudiez la christologie de ce texte, en insistant sur le sens et les implications du titre
« Christ » donné à Jésus. Expliquez la portée actuelle du messianisme chrétien face aux
messianismes sociopolitiques contemporains (donnez des exemples).
P. Antoine Mikhael
Plan :
Introduction + texte
1- Approche exégétique
1.1. Etude du texte
1.1.1. Qui suis-je ?
1.1.2. Réponse des hommes
1.1.3. Réponse de Pierre
1.2. Etude du titre « Messie »
1.2.1. Dans la tradition juive, le Messie est le roi oint
1.2.2. Dans le christianisme, le Messie est Jésus de Nazareth
1.2.2.1. À l’époque de Jésus Christ
1.2.2.2. Après la résurrection
1.2.2.3. Paul de Tarse
2- Conscience de Jésus, foi des disciples, et confession de foi des premiers chrétiens
2.1. Conscience de Jésus de lui-même
2.1.1. Les différentes thèses à propos de la conscience de Jésus (pas
nécessaire, seulement pour l’information et si on demande à
ce propos)
Thomas d’Aquin
Herman Shell
Karl Rahner
Jean Galot
2.1.2. Les indices bibliques de la conscience de Jésus de Lui même
L’appellation « Abba »
L’autorité de Jésus
Les miracles de Jésus
2.2. Le détour dans la foi des disciples
2.3. La confession de foi des premiers chrétiens
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Conclusion
1- Approche exégétique
Ce passage marque un tournant car c’est la première fois que l’identité de Jésus
comme Christ, Fils de Dieu est dévoilée par un disciple. Cette révélation amorce la
deuxième partie de l’évangile : Jésus annonce juste après et pour la première fois sa
mort et sa résurrection.
Césarée de Philippe : est une ville construite par le tétrarque (gouverneur d’une partie de
la Palestine) Philippe, fils d’Hérode le Grand (l’an 4 av.JC)
1.1.2. Réponse des hommes (qui ne sont pas de son cercle immédiat)
Dans la réponse des disciples, ce qui frappe d'abord, c'est la variété des opinions
qui circulent au sujet de Jésus; mais cette multiplicité revêt une unité typiquement juive
et biblique; personne ne croit que Jésus est une individualité exceptionnelle détachée de
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l'histoire du peuple d'Israël. Tous pensent que Jésus pourrait être un envoyé de Dieu, un
rappel et un accomplissement de ses interventions historiques dans le passé; on
l'attendait en se tournant autant vers le passé que vers l'avenir; les grandes figures du
passé paraissaient être le gage de la délivrance espéré.
Le peuple voyait que Jésus faisait “des miracles au-dessus de la puissance des
hommes”. Il était donc un grand homme.
- Jean le Baptiste : Prophète du Nouveau Testament qui prend les paroles du
prophète Isaïe pour « préparer le chemin du Seigneur ».
- Elie : Grand prophète de l’Ancien Testament qui se bat pour rétablir le culte du
Dieu d’Israël, notamment contre les dieux Baal. Elie désigne l'espoir de la restauration
d'Israël.
- Jérémie : Prophète au moment de l’exil. Il n’est pas cité dans Marc et Luc.
Jérémie est une figure de la Passion, il est celui qui annonce à la fois, l'échec de la forme
que revêtaient à l'époque l'Alliance et le sanctuaire et la promesse d'une Nouvelle
Alliance qui surgira du déclin.
Enfin, Ces personnages rapportés par les disciples sur l’identité de Jésus sont en
lien avec l’attente du Messie dans la tradition juive. Plusieurs considéraient Jésus
comme un précurseur du Messie.
La messianité de Jésus ne doit pas être dite aux hommes et ceux qui la confessent
doivent se préparer à souffrir; ne pouvait être donnée qu'à ceux qui accepteraient de
partager les souffrances de Jésus.
Le véritable Messie; c'est le " Fils de l'homme'', qui est condamné à mort et qui de
ce fait ne peut entrer dans sa gloire que comme Ressuscité trois jours après.
- Fils du Dieu vivant : Dénomination propre à Matthieu. Renforce l’origine divine
de Jésus, qui accompli sa mission de messie. Le Dieu qui l’envoie est vivant dans sa
manière d’intervenir auprès des humains, dans ce qu’il donne la vie.
"Le Fils", lié à Dieu par une relation sans pareille. Le mot "Fils" désigne son
égalité et son unité avec le Père autant que Jésus est le Fils et non pas un simple
synonyme de Messie.
Fils " du Dieu vivant", une formule biblique désigne Jésus comme le représentant
du Dieu qui intervient dans l'histoire pour juger et sauver son peuple par opposition à
l'impuissance des idoles muettes.
Le lien entre le titre de Christ (Messie) et celui de Fils était conforme à la tradition
biblique (Ps 2,7 ; Ps 109).
deux messies, le Messie fils de Joseph qui devait succomber dans la lutte contre les
puissances adverses et le Messie fils de David qui devait régner.
Si le judaïsme orthodoxe et le judaïsme "traditionaliste" croient en un Messie
"physique" à venir pour apporter la paix dans le monde, le judaïsme réformé enseigne
qu'il y aura une ère de paix, etc., et donc des temps messianiques, mais pas de messie : la
paix viendra comme résultat du tikkoun olam ("réparation du monde") réalisé par un
effort collectif vers la justice sociale et non les actions d'un seul homme.
dans la Michna : " tu le (Messie) trouveras à la porte de la ville, au milieu des pauvres et
des malades".
Cette conception d'un Messie temporel, puissant, libérateur politique de son
peuple et vainqueur des nations, était établie à Jésus par ses disciples et par plusieurs de
ses contemporains. Au contraire, les pharisiens le rejettent parce qu'il n'est pas assez
Messie, c'est-à-dire chef politique disposé à soulever la nation contre les romains.
Devant Pilate, ses ennemies l'accusent de tendances politiques, très conformes à l'idée
qu'ils se faisaient du messianisme : il est le roi des Juifs, il met tout le peuple du pays en
révolution.
Les apôtres croyaient à une rédemption politique, telle que la comprenaient les
pharisiens; Jésus remet les choses au point en prenant lui-même le titre de Messie et en
expliquant que la souffrance et la mort forment une partie essentielle du programme
messianique, et il leur ouvre l'intelligence au vrai sens des écritures; il se déclare donc
Messie en faisant de ses souffrances non pas un obstacle dont il a triomphé, mais un
moyen qu'il a employé pour justifier son titre.
Au lieu d'un Messie disposé à réaliser les rêves de la foule d'un royaume temporel
et de domination universelle, cette foule ne trouvait plus en face d’elle que des
promesses spirituelles et qu'un aliment surnaturel dont l'idée même paraissait
inconvenable. Bon nombre d'entre lui se refusèrent à être plus longtemps les disciples
d'un Maître si peu conforme à leur attente.
Jésus : Vision linéaire, statique (il savait qu’il est le Fils de Dieu), et la vision
ascendante, progressive.
De même, Rahner parle d’une vision immédiate, en ce qui concerne l’identité
et la mission de Jésus, en effet, on peut parler d’une connaissance parfaite à ce
propos. D’autre part, la connaissance humaine était en progression.
Le P. Galot parle de l’unique connaissance humaine (mystique) de Jésus, dans
cette connaissance, il y a deux contenus :
o Le contenu commun partagé avec l’homme (connaissance religieuse,
humaine, spirituelle), la limite de cette connaissance constitue une
preuve ou un signe de la réalité de l’Incarnation.
o Le contenu propre à lui en tant que « Fils », concernant son identité et
sa mission, cette connaissance est reçue de Dieu à travers un contact
« mystique », dans lequel l’élément sensible et matériel est dépassé et
pas éliminé.
Notre texte offre non seulement un indice de la conscience qu’avait Jésus de lui
même, mais également il marque un détour dans la foi des disciples, et offre
encore une preuve que ces derniers ne voyaient pas dans Jésus un simple
prophète, bien que leur foi n’a pas atteint sa maturation qu’après la résurrection.
Ce texte exprime à la fois l’insatisfaction des contemporains qui identifient Jésus
à un prophète, et la vraie foi des disciples en lui, Messie et Fils de Dieu, foi dont
Pierre est la porte-parole.
L’interrogation de Jésus concerne le nom qui doit lui être appliqué à lui,
personnellement. Le cadre liturgique juif (jour de l’expiation) montre la
perspective nouvelle de l’accomplissement de l’ancienne liturgie, et le cadre
géographique païen montre l’intention de Jésus de se situer en dehors du cadre
religieux juif : il veut que ces disciples font un recul par rapport à l’expérience
qu’ils ont vécue jusqu’à présent, et provoquer leur réflexion. Une telle intention
est renforcée par l’expression de Fils de l’homme, expression qui attend
certainement un nom qui ait un caractère divin.
Sans doute, la confession de Pierre marque un écart de la pensée de la foule, qui
voyait dans Jésus un prophète. Cela montre que le problème essentiel était celui
de l’identité : on cherchait à identifier Jésus à un personnage connu. En effet, la
question personnalisée de Jésus à ses disciples indique son insatisfaction devant
l’opinion de la foule, et sa demande aux disciples d’aller plus loin : il demande
une profession de foi ! L’usage de « Vous » démontre cette demande (N.B. cette
question marque aussi sa conscience qu’il est plus qu’un prophète, car les
prophètes ne posent pas une question pareille).
La question de Jésus implique en effet une pédagogie qui consiste à demander une
prise de position personnelle. La plupart des déclarations formelles de son identité
dans les évangiles proviennent d’un autre que lui. Cependant, le croyant ne peut
confesser qui est Jésus s’il ne tient cette révélation de celui qui en possède la clef.
Dans ce sens, la question de Jésus aide les disciples à découvrir son identité.
Ainsi, la confession de Pierre constitue un tournant décisif chez les synoptiques.
En fait, l’expérience des disciples avec Jésus diffère tout à fait de celle des gens.
Ces derniers ne voyaient pas en lui qu’un personnage révolutionnaire, un prophète
ressuscité, tandis que Jésus est absolument différent de cette image. C’est
pourquoi il a fallu une période de vie commune avec les disciples avant de poser
cette question. Durant cette période, on peut dire que Jésus a fourni à ces disciples
des indications, par des paroles et des actes, pour susciter une réponse valable, qui
soit un engagement dans le mystère. Or, la réponse de Pierre rejoint l’intention de
Jésus et énonce son nom divin. Ce qui confirme cette proclamation c’est : tout
d’abord le silence demandé par Jésus, qui prouve que la déclaration du nom divin
de Jésus est une déclaration qui ne se comprend bien qu’après Pâques, une fois
que son mystère est définitivement éclairé. De même, la réponse de Jésus à
Simon, prouve qu’il s’agit d’une révélation unique du mystère divin où le Père
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s’exprime dans son fils. Il y a un niveau divin dans cette profession de foi, car
Pierre montre par cela qu’il s’est ouvert à la pensée du Père. Pierre dit dans cela
au nom des disciples à la fois ce qu’il a vu de Jésus en vivant avec lui et ce que
Jésus est pour lui, il exprime l’être et l’agir. Il exprime le role de Jésus en tant que
sauveur, en tant qu’accomplissant de l’œuvre de Dieu, et il confesse en lui la
présence de Dieu, l’expression parfaite de son Dieu, la représentation en chair et
en os de tout ce qui constitue sa foi et son espérance. Enfin, la réponse de Pierre
porte le principe doctrinal qui demeure essentiel à la nouvelle religion fondée par
Jésus, donc, cette profession est destinée a rester celle de l’Eglise.
que leur tâche est d’affirmer l’humanité de Jésus plutôt que sa masculinité. Jésus a
traité les femmes avec bienveillance, comme des personnes humaines dignes de
respect. Il les a appelées à être ses disciples. Les souffrances et la mort de Jésus
ont également un sens très fort pour les femmes asiatiques. Elles considèrent la
crucifixion de Jésus comme un immense cri contre le patriarcat. La croix nous
montre la kénose du patriarcat.
D’après ces différentes approches, Jésus est vu, même par les non-chrétiens, comme le
prophète prédicateur luttant pour la justice des pauvres et des opprimés et mourant à
cause de sa lutte. Cette vision prend comme repère l’intérêt presque exclusif au caractère
prophétique de la personne de Jésus, et au sens social et politique de son message, à la
nature subversive de sa lutte pour la justice, à son option préférentielle pour les pauvres
et à la libération sociopolitique qu’il apporte au opprimés et aux sans-défense, contre les
détenteurs du pouvoir religieux et politique. Ce messianisme est habité par le cri de la
révolte biblique contre l’oppression, par une conception qui identifie le Dieu biblique
avec les pauvres. Ce messianisme est capable, pour beaucoup d’hommes, d’être un
principe de critique et de réforme des sociétés.
Cependant, cette lecture d’un messianisme sociopolitique, d’un messianisme
prophétique s’avère limitée et insuffisante, de même, elle comporte une fausse
interprétation du message même de Jésus, qui ne peut pas être réduit à cet aspect.
L’annonce de la bonne nouvelle du royaume par Jésus, et son appel à la conversion
constituent le centre de l’Évangile. Il a annoncé cette bonne nouvelle aux pauvres,
reprenant ainsi la parole prophétique d’Isaïe, manifestant ainsi son action messianique
en faveur de ceux qui attendent le salut de Dieu. Par conséquent, il manifeste la
proximité de Dieu envers les « humbles » (malades, pauvres, souffrants, pécheurs,
méprisés, marginés…), plus, il s’identifie lui même à eux, étant pauvre par amour.
Cependant, cette identification ne nous permet pas d’interpréter son message
uniquement dans une orientation sociopolitique, sinon, on risque de faire une relecture
unilatérale de l’évènement-Jésus. Les Évangiles prouvent un refus d’aucun engagement
sociopolitique de sa part, son opposition aux autorités et ses controverses avec eux
n’étaient pas systématiques, sans aucun objectif politique. De même, aucune
identification du royaume céleste avec un royaume terrestre n’était faite par lui (Jn 18,
36). Le caractère de son message était non politique et réconciliateur, en appelant
non à une libération dans le sens sociopolitique, mais d’une qui est plus profonde,
celle du mal du péché, et du pouvoir de la mort, en d’autres termes, il s’agit d’une
libération spirituelle. Il ne s’est jamais appelé « libérateur », mais il s’est attribué une
mission libératrice : il est le Messie sauveur, et le Fils qui révèle et actualise l’amour
infiniment miséricordieux de Dieu. Donc, la raison de l’action préférentielle envers les
pauvres et les humbles, ne se trouve pas en eux, mais en Dieu lui même. Le Règne de
Dieu est un don de lui, non pas une réalité que l’homme peut mériter ou obtenir par ses
propres forces. Ce règne a un caractère surnaturel et spirituel, un caractère réconciliateur
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universel, il ne s’agit pas d’un désir de réformisme social, mais d’une volonté de faire
régner l’amour dans les cœurs des hommes. En effet, sa praxis sociale n’a d’autre
inspiration et d’autre finalité que l’amour, qui exige le pardon et l’absence de la haine.
En fait, l’objectif de Jésus n’était pas la lutte contre les oppresseurs en faveur des
opprimés, mais la réconciliation des hommes avec Dieu, en les appelant tous à la
conversion, l’épisode de Zacchée montre cela (Lc 19, 1-11). À travers cette libération,
Jésus a voulu édifier une société fraternelle, il veut jeter les fondements de l’amour qui
doit régner dans la communauté chrétienne. Jésus n’a pas apporté à l’humanité ni une
révolution politique ni un nouveau régime de justice sociale, mais la libération qu’il
accomplit est destinée à produire des conséquences sur tout le comportement humain :
elle établit de nouvelles relations humaines qui doivent transformer les coutumes
politiques et l’état social.
D’après la doctrine sociale de l’Église, Jésus a refusé le pouvoir oppresseur et
despotique des chefs sur les nations, mais il ne conteste jamais directement les autorités
de son temps. Il condamna explicitement toute tentative de divinisation et
d’absolutisation du pouvoir temporel. Jésus, le Messie promis, a combattu et a vaincu la
tentation d’un messianisme politique, caractérisé par la domination sur les nations. Il est
le Fils de l’homme qui est venu pour servir et donner sa vie. Il vient instaurer le règne de
Dieu, afin de rendre possible une nouvelle vie en commun dans la justice, la fraternité, la
solidarité, et le partage. Le règne inauguré par Lui perfectionne la bonté originelle de la
création et de l’activité humaine, compromise par le péché. Libéré du mal et réintroduit
dans la communion avec Dieu, tout homme peut poursuivre l’œuvre de Jésus, avec
l’aide de son esprit : rendre justice aux pauvres, affranchir les opprimés, consoler les
affligés, rechercher activement un nouvel ordre social qui offre des solutions appropriées
à la pauvreté matérielle et puisse endiguer plus efficacement les forces qui entravent les
tentatives des plus faibles à sortir d’une condition de misère et d’esclavage. Quand cela
se produit, le Règne de Dieu est déjà présent sur cette terre, bien que ne lui appartenant
pas. En lui, les promesses des prophètes trouveront finalement leur accomplissement. La
foi en jésus Christ permet en effet une compréhension correcte du développement social,
dans le contexte d’un humanisme intégral et solidaire, elle constitue un guide dans le
travail de collaboration.