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Après le Brexit, les Verts dépassés par
l’extrême droite au Parlement européen
PAR LUDOVIC LAMANT
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 3 FÉVRIER 2020
Philippe Lamberts et Ska Keller au Parlement européen. © Reuters
Alors que la Commission a fait du « Green Deal » sa
priorité, le groupe des Verts passe derrière celui du RN
à Strasbourg en nombre d’élus, à cause du Brexit. Des
élus veulent relancer les négociations avec les élus du
Mouvement Cinq Étoiles pour limiter la casse.
Bruxelles (Belgique), de notre envoyé spécial.–
Effet collatéral du Brexit, le départ des 73 élus
britanniques au 1er février n'a pas fondamentalement
changé les rapports de force au Parlement européen.
Mais, étant donné la fragilité de l’actuelle majorité,
constituée par les conservateurs du PPE, les
sociaux-démocrates et les libéraux de Renew, ces
modifications pourraient peser plus lourd que prévu
sur les textes clés de la mandature.
Sur les 73 sièges, seuls 27 d’entre eux vont
être redistribués, afin de répondre aux évolutions
démographiques des pays de l’UE (les 46 autres postes
restent vacants, en vue d’éventuels élargissements).
Si le nombre d’eurodéputés allemands, par exemple,
reste inchangé (96), la délégation française passe
de 74 à 79 députés (2 LREM, 1 Vert, 1 RN, 1
PS-Place publique). L’Espagne et l’Italie gagnent
respectivement cinq et trois élus.
Sur un axe gauche-droite, le Brexit se traduit par
une légère poussée à droite de l’hémicycle : le PPE
(dont LR) comme Identité et démocratie, l’un des
groupes d’extrême droite (avec le RN), ont gagné
des sièges. À l’inverse, les sociaux-démocrates, les
libéraux (emmenés par LREM) et les écologistes
perdent un peu de terrain.
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Ce dernier groupe est aujourd’hui la quatrième force
de l’hémicycle. En passant de 74 à 67 sièges (- 7), il
est même l’une des principales victimes du Brexit au
Parlement, dépassé par les élus RN et leurs alliés.
L’affaire pourrait encore se compliquer au cours
de l’année, si les députés d’ECR – aujourd’hui
sixième groupe – devaient accueillir les 13 élus
hongrois du Fidesz, aujourd’hui au PPE (à ce stade,
le PPE maintient la suspension, sans aller jusqu'à
l'exclusion). Les Verts pourraient alors glisser en
sixième position. « Ce n’est pas amusant, reconnaît le
Belge Philippe Lamberts, coprésident du groupe des
Verts. On perd un pays où l’on avait spécialement
bien réussi, avec 11 députés. On aurait perdu l’Italie,
c’était plus simple pour nous. » Les Verts n’ont aucun
élu italien à Strasbourg.
Lamberts poursuit : « Au Parlement, il y a toujours
un arbitrage à faire entre la taille du groupe et sa
cohésion. Certains jouent la taille, les socialistes,
le PPE, les libéraux, l’extrême droite. Nous avons
toujours privilégié la cohésion politique, pour
présenter une image cohérente à travers l’Europe. »
Après le Brexit, le groupe des Verts va donc perdre
son statut de premier opposant à la Commission
d’Ursula von der Leyen (une « opposition constructive
», qui les avait incités à s’abstenir lors du vote
final, en novembre 2019, sur le nouvel exécutif).
Lors des plénières, les Verts s’exprimeront après les
interventions des élus d’extrême droite. Leur temps de
parole global sera réduit, de même que le budget alloué
au fonctionnement du groupe.
Le Belge Philippe Lamberts et l'Allemande Ska Keller au Parlement
européen, à Bruxelles, le 26 mai 2019. © Reuters / Yves Herman
« Cela sera forcément agaçant de devoir écouter
des élus d’extrême droite avant qu’un écolo prenne
la parole en plénière, réagit l’Allemand Sven
Giegold, chef de la délégation Grünen au Parlement.
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Mais l’arithmétique ne va pas vraiment changer :
les conservateurs et les sociaux-démocrates auront
besoin des libéraux, ou de nous, et parfois des deux,
pour construire des majorités. Nous resterons clés
dans les négociations. »
Reinhard Bütikofer, une autre figure clé chez les
Grünen, relativise aussi la signification de ce recul :
« Ce que j’ai appris, depuis le début de la nouvelle
législature, est que notre poids relatif ne dépend pas
seulement de nos résultats électoraux de mai 2019,
mais aussi de notre représentation au Conseil. »
L’élu fait référence à l’institution de l’UE où siègent
les gouvernements nationaux. Des Verts participent
à des exécutifs en Autriche, en Finlande ou encore,
dans une certaine mesure, en Lituanie. Et Bütikofer,
qui rêve d’un exécutif écolo à Berlin l’an prochain,
d’assurer : « On va perdre sept sièges, mais l’on
sera toujours bien plus puissants que nous ne l’avons
jamais été. »
Le Français David Cormand, élu à Strasbourg en mai
dernier, est plus prudent : « Les Verts ont été l’un
des vainqueurs des dernières européennes. Cela ne
peut pas se traduire, au bout de six mois, par un
recul au Parlement. Il faut donner un sens politique à
tout cela. On ne peut pas dérouler le tapis rouge aux
fachos ! » En clair, Cormand plaide, avec d’autres élus,
pour relancer les discussions avec des non-inscrits qui
pourraient rejoindre le groupe des Verts en cours de
mandature. Ce qui permettrait au groupe de rester
numéro quatre.
Le cas des deux députés catalans indépendantistes
de droite, dont Carles Puigdemont, a un temps fait
débat, mais ces derniers ont jeté l'éponge en début de
semaine, conscients qu'ils ne parviendraient pas à
intégrer le groupe. Mais ce sont surtout les 14 élus
du Mouvement Cinq Étoiles (M5S) qui monopolisent
l’attention, et divisent le groupe.
La discussion n’est pas nouvelle – elle fut déjà vive
lors du mandat précédent. Mais elle gagne ces jours-
ci en intensité. « Le M5S est une collection de gens
dont certains sont proches de nous, et d’autres moins.
Sur l’euro, il y a eu une clarification, avec le départ
de certains députés [partis pour la Ligue – ndlr]. Mais
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sur la question migratoire, je reste inquiet », résume
Philippe Lamberts, qui juge l’éventuel rapprochement
« extrêmement compliqué ».
En octobre 2019, le Parlement européen a rejeté, à
deux voix près, une résolution appelant à intensifier
les opérations de recherche et de sauvetage en
Méditerranée. Les M5S se sont abstenus, parce que
leur amendement, qui revenait à valider les décrets
pris par Matteo Salvini en Italie, avait été rejeté. Le
Français David Cormand se dit, lui, partisan d’un «
oui, si », c’est-à-dire assorti de conditions : « Avec les
M5S qui sont ici à Bruxelles, il n’y a pas de sujet : ils
ont voté à 85 % comme nous lors du mandat précédent.
Le sujet qui existe, c’est le M5S en Italie, et leurs
alliances avec la Ligue. »
Dans la délégation allemande, Reinhard Bütikofer «
ne veut pas tirer de conclusion » à ce stade, tant
que le débat est en cours. Mais l’affaire semble,
manifestement, mal embarquée. Il ne croit pas, en
particulier, à l’argument des 85 % : « Si vous regardez
les votes des partis allemands au Parlement européen,
ils votent tous la même chose sur 85 % des textes.
L’important, c’est ce qu’il se joue dans les 15 %
restants… »
Il liste trois conditions, encore loin d’être remplies
d’après lui : la cohérence sur le fond, leur engagement
à exclure tout nouvel accord avec la Ligue à Rome et
enfin le respect de règles élémentaires de démocratie
et de transparence dans la gestion du groupe. « Sur tout
cela, rien n’est finalisé », dit-il.
Même point de vue pour Sven Giegold : « J’entends
souvent dire que les Allemands refuseraient de faire
entrer les M5S, parce qu’ils ne voudraient pas d’une
grosse délégation concurrente dans leurs rangs…
Mais ce n’est pas le problème. Nous ne voulons pas
nous retrouver accusés d’aider ceux qui torpillent
les efforts européens pour garantir les droits de
l’homme », insiste-t-il, en référence au vote d’octobre
sur les sauvetages en Méditerranée.
Au-delà de ces différences d’approche, tous les élus
écolos avec qui Mediapart a échangé sur ce sujet
sont conscients d’une autre difficulté : intégrer le
M5S au moment où le mouvement fondé par Beppe
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Grillo s’effrite, et où un espace encore incertain
semble se rouvrir pour les gauches transalpines,
entre l’apparition des Sardines, la volonté du Parti
démocrate de « gauchir » la ligne et la promesse d’un
ancien ministre M5S, Lorenzo Fioramonti, de lancer
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Amis de Mediapart, Société des salariés de Mediapart.
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un parti écolo. Accepter l’entrée du M5S dans les
rangs écolos à Bruxelles pourrait aussi s’avérer contre-
productif pour le renforcement des Verts en Italie.
Boite noire
L'article a été corrigé le 3 février : le M5S s'est abstenu,
et n'a pas voté contre la résolution sur le sauvetage en
mer Méditerranée.
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