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exilés vivant dans des conditions indignes, coincés


le temps du traitement de leur demande d’asile,
A Lesbos, de nouvelles arrivées de
majoritairement dans le camp de Moria.
migrants provoquent la colère d’habitants
et d’extrémistes
PAR ELISA PERRIGUEUR
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 2 MARS 2020

La journée du dimanche 1er mars a été émaillée de


tensions sur l’île grecque après l’arrivée de plusieurs
bateaux de réfugiés en provenance de Turquie. Des
manifestants ont exprimé leur colère, et parmi eux, des Un bateau de migrants arrivant à Lesbos, le 1er mars 2020. © EP/MP
groupes d’extrémistes. C’est à quelques centaines de mètres de celui-ci que
Lesbos (Grèce), de notre correspondante. – Le des centaines de Grecs s’étaient aussi rassemblés à la
bateau pneumatique a été conduit par les autorités mi-journée pour protester contre l’arrivée de nouveaux
jusqu’au petit port de Thermis, dans l’est de Lesbos. À bus de migrants. Là aussi, flambée de colère. Des
bord, plusieurs dizaines de migrants tétanisés sous les réfugiés de retour d’une course ont dû fendre la foule
huées. Sur le quai, des dizaines de Grecs en rage les d’habitants sous les huées pour rentrer au camp. «
empêchent d’accoster. D’autres badauds regardent la Montrez-moi votre carte d’identité, tout le monde
scène choqués. Au loin, une poignée de gardes-côtes. nous ment, je veux savoir d’où vous venez », nous a
Autour, des journalistes et humanitaires. Personne ne sommé une manifestante, furieuse derrière ses lunettes
parvient à stopper la tension. « Dégagez », « Rentrez de soleil, « si vous avez des questions, demandez au
en Turquie », « Vous avez détruit mon île », « Ici premier ministre Mitsotakis qui nous laisse seuls ».
c’est un mur, vous ne passerez pas », déversent-ils. La voiture d’une bénévole transportant des femmes
Leur haine se tourne ensuite contre la responsable du exilées a dû faire demi-tour sous les insultes.
Haut-Commissariat des Nations unies, prise à partie. Ininterrompues, les tensions se sont poursuivies dans
Puis, des groupes d’hommes de mettent à courser les la soirée. Le camp de transit pour réfugiés Stage2,
journalistes le long du rivage, certains sont frappés vide, situé dans le nord de l’île à Skala Sykamineas,
au sol. Des appareils photo finissent à l’eau. Dans a été incendié. Sur les routes sinueuses de l’île, les
le chaos, le groupe se disperse dans le village côtier humanitaires et journalistes ont évoqué l’existence de
d’ordinaire paisible. barrages mis en place par des groupes extrémistes.
La violence est montée crescendo ce dimanche 1er Dans la soirée, le maire de Lesbos, en alerte, a appelé
mars sur l’île grecque. Dès l’aube, les bateaux de des renforts et demandé le transfert rapide de milliers
migrants ont déferlé à divers endroits de l’île : environ de réfugiés déjà présents sur l’île.
une dizaine, d’après les ONG, transportant entre 350 à La Grèce s’est placée en état d’alerte « maximum
400 migrants ayant transité par la Turquie voisine de » pour protéger ses frontières, a déclaré le porte-
douzaine de kilomètres. À bord, des Afghans, Syriens, parole du gouvernement Stelios Petsas. Pendant
beaucoup d’enfants. Tous avaient entendu l’annonce que le premier ministre Mitsotakis annonçait sur
par les autorités turques, jeudi, de l’ouverture de la Twitter« qu’aucune nouvelle demande d’asile ne
frontière pour les migrants voulant rejoindre l’Union serait acceptée pendant un mois », souhaitant ainsi
européenne. Ces exilés sont venus s’ajouter aux 22 000 dissuader les entrées.
Pourtant, de l’autre côté de la frontière, en Turquie,
des réfugiés veulent tenter la traversée, raconte Hamid,
un réfugié irakien résidant à Izmir. « Les passeurs

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lancent des rumeurs, ils disent qu’il y a des transferts L’île et ses habitants ont été salués pour leur accueil
de migrants des îles vers Athènes, ça encourage les des réfugiés, notamment en 2015. « Mais maintenant
gens à partir », écrit-il par message. Mais beaucoup Lesbos ne peut plus faire face, il n’y a plus assez
prennent selon lui la route d’Édirne, dans le nord-est, de place pour accueillir dignement ces réfugiés, il
à la frontière terrestre avec la Grèce. « C’est moins faut la désengorger», estime anxieux Thanassis, un
dangereux et on ne paie pas les trafiquants », constate résident depuis cinq ans dans le chef-lieu Mytilène.
Hamid. Des extrémistes viendraient aussi de l’extérieur de
Dans cette région, les migrants se retrouvent toutefois l’île, selon des acteurs humanitaires sur le terrain qui
bloqués face aux renforts militaires. Hier, ils étaient les assimilent au parti néonazi Aube dorée. « Tout
toujours 10 000 réfugiés à être repoussés côté turc ça arrive après une forte période de tensions, les
ou dans une zone tampon, parfois à coups de habitants se sentaient déjà menacés par les policiers
gaz lacrymogènes. Mais sur les îles frontalières de antiémeutes. » Lundi, mardi et mercredi dernier (24,
la Turquie comme Leros, Samos, Kos, Chios, qui 25 et 26 février), les riverains avaient manifesté contre
implosent avec 44 000 migrants et réfugiés vivant la création d’un nouveau camp fermé, donnant lieu
dans des conditions indignes, l’inquiétude est grande. à des affrontements d’une violence inédite avec les
Sur la frontière maritime : aucune zone tampon n’est forces de l’ordre. Un tiers des 300 renforts policiers
possible, chaque bateau qui pénètre dans les eaux a dû quitter l’île mercredi et la construction du camp
territoriales grecques doit théoriquement être ramené avait été mise en suspens, apaisant les tensions. Vingt-
à terre, avec le risque d’une confrontation avec des quatre heures plus tard, Ankara annonçait l’ouverture
habitants à bout. de la frontières, remettant le feu aux poudres.

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