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Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique


Université d’Oran

Faculté de Médecine

Département de Pharmacie

MODULE DE TOXICOLOGIE

Notions d’écotoxicologie

Cours de graduation en Pharmacie, dispensé par :


Docteur SAADI R.
Notions d’écotoxicologie

I. Historique et définition :
L'écotoxicologie est née dans les années 70, à la suite de problèmes de santé publique et de
perturbation de populations animales provoqués par des polluants.
Plusieurs exemples ont particulièrement marqué les mémoires: la maladie d’Itaï Itaï (cadmium), la
maladie de Minamata (mercure)…
Ces accidents révélaient :
-les conséquences néfastes pour l'homme pouvant résulter de la pollution de l'environnement.
-la transformation possible dans les milieux naturels de certains polluants en des formes plus
toxiques.
-et leur transfert possible via les chaînes alimentaires.
Ainsi naissait l'écotoxicologie : « étude des modalités de contamination de l'environnement par les
agents polluants naturels ou artificiels produits par l'activité humaine ainsi que de leurs mécanismes
d'action et effets sur les êtres vivants qui peuplent la biosphère » (Ramade, 1977).
La toxicologie classique limite ses études aux organismes, tandis que l'écotoxicologie tente de
mesurer l'impact des substances chimiques, physiques ou biochimiques, non seulement sur les
individus mais aussi sur les populations et les écosystèmes entiers et sur les équilibres dynamiques
qui les caractérisent.
L’écosystème: c’est le système qui combine en une seule unité à la fois: les organismes vivants
(biocénose : végétaux, animaux, procaryote) et leur environnement physique (biotope : eau, roche,
Air, sable)

II. Modalité de contamination de l’environnement


a- Comment un polluant contamine-t-il l'environnement?

-Exemple d'un polluant directement introduit dans l'environnement: un pesticide


Un polluant peut se disperser très rapidement dans les différents compartiments (air, eau et sol) de
l'environnement. Ex. pesticides, bien qu'ils soient appliqués sur une culture, on les retrouve
également dans les sols, dans les rivières et dans l'air.

-Exemple d'un polluant introduit indirectement dans l'environnement: l'éthinylestradiol, hormone


de synthèse présente dans la pilule contraceptive
Tous les polluants ne sont pas volontairement et directement introduits dans les milieux naturels
comme le sont les produits phytosanitaires. C'est par exemple le cas de l'éthinylestradiol, l'hormone
de synthèse présente dans la pilule contraceptive.

b- Que devient le polluant une fois dans l'Environnement ?

Le polluant se répartit selon ses propriétés et selon les conditions du milieu: par exemple, un produit
faiblement soluble dans l'eau aura tendance à s'accumuler dans les sédiments ou encore à flotter en
surface (cas des hydrocarbures). A l'inverse, un polluant soluble sera plutôt réparti dans la colonne
d'eau de la rivière (par exemple le dioxyde de soufre SO2).

Une fois le polluant dans l'environnement :

* Il peut être rapidement dégradé ou au contraire persister dans l'environnement.


Ex. : les PCB (Polychlorobiphényles) qui sont des polluants très persistants (= faiblement
biodégradables).

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Notions d’écotoxicologie

* Il peut se transformer ou se combiner avec d'autres composés et devenir plus ou moins toxique
que la forme initiale. Ex : le pesticide DDT peut être transformé en DDE par l'activité microbienne
dans l'environnement; le DDE est un composé encore plus toxique que le DDT.

* Il peut être « piégé » et ne pas contaminer les organismes vivants ou au contraire être « disponible
» et les contaminer : ce concept se nomme la biodisponibilité.

III. La biodisponibilité

La biodisponibilité d’un polluant désigne sa capacité à entrer en contact et à exercer un effet sur les
organismes voire, pour les substances sujettes à une bioamplification, à s’accumuler dans les
organismes et dans l’édifice trophique.
C'est le statut physique (adsorbé, solubilisé) ou chimique (complexé, ionisé) dans lequel se trouve un
polluant et qui conditionne son écotoxicité.
Un polluant bio-disponible est un polluant auquel les organismes sont directement exposés.
Au contraire, un polluant non bio-disponible est un polluant auquel les individus ne sont pas exposés.
C'est le cas par exemple des polluants stockés dans les sédiments. Lorsqu'ils sont stockés, ils ne
présentent un risque que pour les organismes fouisseurs (exemple : vers, larves), les organismes
vivant uniquement dans l'eau ayant peu de chances d'y être exposés (exemple : les poissons).
Si nous prenons l’exemple du Hg fixé dans les sédiments, il est sous forme non toxique pour les
organismes qui vivent dans les sédiments car non bio-disponible. Le Hg qui se trouve en solution
dans les sédiments est, à l’inverse, toxique pour les organismes des sédiments car bio-disponible
pour eux.

IV. Effets sur les êtres vivants

Comme on l'a vu précédemment, si un polluant se trouve dans le milieu naturel et qu'il est
biodisponible, c'est à dire assimilable par les organismes, il est susceptible d'induire des effets sur les
êtres vivants.

a- Comment un polluant s'accumule-t-il dans les organismes vivants?

Une fois le polluant absorbé par un organisme, il est susceptible de s'accumuler au cours du temps
dans les tissus. Il peut ainsi s'accumuler de façon très importante au point que les concentrations
dans l'organisme sont très supérieures à celles que l'on trouve dans le milieu. Ce processus est
appelé bioaccumulation.

Cette bioaccumulation est extrêmement importante car si un polluant s'accumule dans un


organisme, sa concentration augmente dans cet organisme au cours du temps et les effets toxiques
qui ne se révèlent pas à dose très faible sont susceptibles d'apparaître après accumulation. De plus, si
un polluant reste plus longtemps dans un organisme, il aura d'autant plus de probabilité d'induire
des effets néfastes.

Les substances bioaccumulables sont des substances lipophiles. Le caractère « lipophile » est exprimé
par un le « coefficient de partage octanol/eau », c'est le Kow (o pour octanol et w pour water). Pour
évaluer si une substance est lipophile ou non, on s'intéresse plus particulièrement au logarithme du
Kow : plus le log Kow de la substance étudiée est grand, plus cette substance est lipophile. C'est le
cas par exemple du Bisphénol A, produit industriel qui est susceptible d'avoir des effets sur la
reproduction des animaux.

Par ailleurs, c'est par ce processus de bioaccumulation que les polluants se transmettent tout au long
de la chaîne alimentaire : la concentration est ainsi de plus en plus importante à mesure que l'on

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Notions d’écotoxicologie

monte au sommet de cette chaîne alimentaire dans laquelle on trouve des grands prédateurs tels
que les poissons, les grands mammifères ou encore l'Homme.

b- Quelles transformations subissent ces composés une fois dans l'organisme?

Une fois absorbé par l'organisme, le polluant peut subir des transformations biologiques appelées
biotransformations. Ces biotransformations ont pour but de détoxifier les polluants. Elles fabriquent
ainsi un métabolite (= produit de la biotransformation) moins toxique. Cependant, il peut arriver que
ces biotransformations provoquent l'apparition de métabolites plus toxiques que le composé initial
(ex : le HAP).

c- Quels sont les effets de ces polluants sur les écosystèmes ?

L'atteinte par un toxique d'une ou de plusieurs espèces au sein d'un écosystème risque de provoquer
une rupture de l'équilibre biologique, avec des conséquences parfois néfastes même pour les
espèces qui n'ont pas été directement affectées : défaut de nourriture, eutrophisation, favorisation
d'une espèce,…

Les effets des polluants peuvent être très divers. Ils peuvent, par exemple :

• altérer la reproduction des animaux :


Par exemple, le pesticide DDT est à l'origine d'un amincissement de la coquille des œufs de grèbes
(une espèce d’oiseaux) qui diminue le succès de la reproduction avec une mortalité accrue des petits.
• provoquer une augmentation de la mortalité :
C’est le cas, par exemple au cours d'une marée noire où de nombreux oiseaux et organismes
aquatiques périssent.
• modifier les conditions du milieu :
Certains polluants peuvent par exemple acidifier un cours d'eau. Certaines espèces qui ne peuvent
vivre dans un milieu trop acide, disparaissent.

V. Les mécanismes d’action de polluants

L’écotoxicologie étudie les modes d'action des polluants sur les organismes vivants, modes d'actions
qui aboutissent à la toxicité d'un produit. Comprendre ces modes d'action peut permettre de
détecter la pollution le plus rapidement possible en mettant au point des biomarqueurs et de lutter
contre ces effets toxiques.

Par exemple, un produit qualifié de « perturbateur endocrinien » peut imiter une hormone naturelle
telle que l'œstrogène, l'œstradiol ou la testostérone, en se fixant sur un récepteur cellulaire à la
place de cette hormone naturelle : cette fixation constitue son mode d'action et peut être à l'origine
d'un effet sur l'organisme, telle qu'une perturbation de la reproduction.

VI. Évaluation de la toxicité des polluants

A l’heure actuelle, nous disposons de deux types de méthodes pour évaluer les risques des
substances, des produits, des installations et des procédés: des méthodes liées à la chimie
analytique et une approche biologique.

Une analyse chimique donne les concentrations de différents polluants dans un échantillon. Par
contre, elle ne pourra évaluer leurs biodisponibilités pour les organismes vivants. A l’inverse, en
réalisant un « test daphnie », on met en contact un échantillon de l’eau de la rivière avec des
organismes et on observe la toxicité sur le crustacé. De plus, lors d’une analyse chimique on peut

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Notions d’écotoxicologie

oublier un polluant ou au contraire en analyser certains qui ne sont pas présents, ce qui coûte cher.
Un autre inconvénient de l’analyse chimique réside dans le faite qu’elle ne permet pas toujours de
prédire des effets de synergie entre les différents composés présents parfois à de très faibles
concentrations.
En effet, La recherche en écotoxicologie a permis de mettre au point différents outils permettant de
définir la toxicité d'un produit ou d’un mélange de produits vis à vis des êtres vivants ou encore
d'évaluer l'état d'un milieu naturel.
* Les effets de substances polluantes peuvent être évalués en laboratoire par:
Tests in vitro:
Ils consistent à évaluer l'effet d'un composé sur des cellules (exemple bio marqueurs).
Tests in vivo:
Ils consistent à exposer un organisme vivant à la substance testée. Cette substance peut être ingérée,
injectée directement dans l'animal, inhalée ou encore se trouver dans le milieu de vie de l'organisme
(par exemple dans l'eau d'un aquarium).
* Les effets de ces substances peuvent également être évalués sur le terrain : tests in situ
Les effets d'une pollution peuvent être évalués directement sur le terrain, c'est ce que l'on nomme
les tests in situ.

VIII.1 -Espèces sentinelles


Les différents tests utilisés en l'écotoxicologie utilisent différentes espèces d'organismes vivants que
l'on nommera "espèces sentinelles".

Les espèces sentinelles sont des organismes choisis comme modèles d'étude afin d'étudier l'effet ou
le comportement d'un ou de plusieurs composés (ou d'une pollution) ou de mettre au point une
méthode de détection d'une pollution.

Ce sont donc des espèces couramment utilisées lors de tests écotoxicologiques en raison d'un certain
nombre de caractéristiques : facilité de manipulation, facilité d'élevage en laboratoire (afin de
disposer de stocks d'organismes pour réaliser des expériences), sensibilité à certains types de
polluants (comme les perturbateurs endocriniens), représentativité d'une famille d'êtres vivants (les
poissons, les mollusques, etc.).

Parmi les espèces sentinelles les plus utilisées en écotoxicologie, on peut citer:
-organismes aquatiques: la daphnie, le poisson zèbre, l'algue d'eau douce…
-organismes terrestres: le ver de terre, l'abeille...

VIII.2. Bioessai

Pour évaluer la toxicité d’une substance, des tests de laboratoire standardisés sont utilisés. Le
principe est de déterminer à quelle concentration une substance provoque des effets toxiques
(mortalité, baisse de reproduction, baisse de respiration, …) afin d'appréhender les effets de cette
substance sur les populations du milieu.
Des organismes vivants sont mis en contact avec les substances à tester et les effets de cette
exposition sont observés. Pour une évaluation correcte de la toxicité, il est nécessaire d’effectuer ces
tests sur plusieurs organismes de la chaîne trophique (en général : bactéries, algues, daphnies
(micro-crustacés), poissons…).
Selon les manifestations dans le temps, on distingue deux types de toxicité :

* La toxicité aiguë se manifeste après une exposition très courte à une concentration élevée de
substance toxique.

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Notions d’écotoxicologie

Pour les essais de toxicité aigüe, les résultats sont généralement exprimés par une CE 50
(Concentration Efficace). La CE 50 est la concentration pour laquelle les effets sont observés pour 50
% des individus testés. Les effets observés sont, par exemple, la létalité (le «E» est alors remplacé par
le «L» CL50) ou l’inhibition de la mobilité (le «E» est alors remplacé par le «I» CI 50).

* La toxicité chronique se manifeste après une exposition longue à une concentration faible de la
substance toxique. La substance peut exprimer sa toxicité de différentes façons:

- Elle peut se bio-accumuler dans les tissus de l'organisme. Après un temps de latence suffisamment
long, la concentration accumulée dépasse le seuil de toxicité chronique et les effets toxiques
s'expriment.

- La substance peut également provoquer à de faibles concentrations de légers symptômes. Lorsque


ces symptômes se prolongent dans le temps, ils entraînent un dysfonctionnement de l'organisme
beaucoup plus important.

Pour les essais de toxicité chronique, les résultats sont généralement exprimés par les valeurs de
référence suivantes :

* La NOEC : No Observed Effect Concentration c’est la plus forte concentration pour laquelle aucun
effet n’a été observé

* LOEC : Low Observed Effect Concentration c’est la plus faible concentration pour laquelle on a
observé un effet

CE 50 : Concentration effective 50% : c’est la concentration qui induit 50% de l’effet maximum

Ces valeurs de référence que sont les NOEC, LOEC et CE50 sont très utiles car elles permettent de
déterminer les normes de rejet des différents produits potentiellement polluants (voir VII. Méthode
d’évaluation du risque).

Il existe des tests (bioessais) qui sont couramment utilisés car présentent l’avantage d'être
standardisés : des normes décrivent le protocole exact de ces tests, permettant ainsi de pouvoir
comparer les résultats obtenus dans les laboratoires du monde entier. Des kits de tests ont même
été mis au point: ils contiennent tout le matériel nécessaire à la réalisation d'un test, y compris les
organismes.

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Notions d’écotoxicologie

Ces tests sont utilisés pour évaluer la toxicité d'une substance (par exemple un nouveau composé qui
va être mis sur le marché) ou d'un prélèvement (par exemple un prélèvement de sol de friche
industriel potentiellement pollué aux métaux lourds).

Il existe différentes catégories de tests, permettant d'évaluer la toxicité des polluants vis à vis des
différents compartiments des écosystèmes:

VIII.2.1- Bioessais aquatiques


A-Essai de toxicité aigûe (à court terme)

ESSAI DE MOBILITE DE DAPHNIES


Ce test a pour objectif d'évaluer la toxicité aiguë du produit testé pour la faune aquatique (micro-
crustacés). Ce test permet de déterminer la concentration du produit testé qui, en 24 h, immobilise
50 % des daphnies (Daphnia magna) mises en expérimentation (concentration efficace initiale
inhibitrice, CE 50i - 24 h).

TEST MICROTOX
Il permet d'évaluer la toxicité aigüe d’un ou de plusieurs produits vis-à-vis des bactéries. La bactérie
marine utilisée dans ce test, émet naturellement des photons. En présence de toxiques, son
métabolisme est affecté, ce qui se traduit par une chute de sa luminescence. En utilisant cette
propriété, ce test permet donc de déterminer la concentration du produit testé qui diminue de 50 %
le métabolisme de la bactérie étudiée (CI 50).

TEST DE SURVIE DES POISSONS :


Ce test vise à évaluer la toxicité aigüe de produits sur une espèce de poisson d’eau douce (le poisson
zèbre) à différents stades de son développement. Ainsi, les concentrations en polluants induisant
une mortalité de 50 % des individus (CL50) peuvent être déterminées.

B-Test de toxicité chronique (à long terme)

ESSAI DE REPRODUCTION DE DAPHNIES: Ce test évalue la toxicité chronique (à long terme) du


produit testé pour la faune aquatique (micro-crustacés). Il consiste à mesurer la reproduction
(nombres de jeunes produits) de daphnies exposées à différentes concentrations d'un composé
après 21 jours d'expérimentation. Comme l'ensemble des essais de toxicité chronique, ce test
s'intéresse en particulier à la NOEC (No Observed Effect Concentration) et à la LOEC (Lowest
Observed Effect Concentration):

-la NOEC: dans ce test, c'est la plus forte concentration testée où la reproduction des daphnies n’est
pas différente de celle des témoins

-LA LOEC: dans ce test, c'est la plus faible concentration testée où la reproduction des daphnies est
statistiquement différente de celle des témoins

TEST ALGUES: Ce test vise à évaluer la toxicité chronique du produit testé pour la flore aquatique. Il
consiste à mesurer la croissance (sous microscope) d’une algue d'eau douce après 72h d'exposition
au produit ou au prélèvement d'eau testé : certains composés auront pour effet d'inhiber la
croissance de l'algue, révélant ainsi leur toxicité vis à vis des végétaux aquatiques.

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Notions d’écotoxicologie

VIII.2.2- Tests d’écotoxicité terrestre


Différents tests permettent d’évaluer la toxicité de polluants sur les organismes terrestres tels que
les animaux vivant dans le sol (exp: vers de terre) ou les végétaux.

TESTS VERS DE TERRE:


Il existe deux tests vers de terre : l'un évalue la toxicité aigüe (court terme) et l'autre la toxicité
chronique (long terme). Pour le premier, on évaluera la mortalité de vers de terre exposés, pendant
14 jours, à un sol pollué : on déterminera la concentration létale pour 50 % des individus (CL50). Pour
le second, on déterminera les effets à long terme (4 à 8 semaines) de polluants sur la reproduction
des organismes : on s'intéressera à la concentration sans effet sur la reproduction (NOEC).

TESTS VEGETAUX : Différents tests permettent d’évaluer la toxicité de polluants présents dans le sol
sur la germination, la croissance ou l’élongation racinaire de végétaux.

VIII.2.3- Tests de génotoxicité/cancérogénécié


Ces tests évaluent la toxicité de polluants sur l’ADN (génotoxicité) et leur faculté à induire un cancer
chez un organisme (cancèrogénicité).

ESSAI DES COMETE : L’essai des comètes permet de mesurer les cassures de l'ADN (molécule support
de l'information génétique) induites par un polluant, qu'on appellera alors agent génotoxique. Après
application d'une technique particulière appelée électrophorèse, les noyaux dont l’ADN a subi des
cassures (dues à un polluant) prennent une forme de comète alors que les noyaux dont l’ADN n’est
pas endommagé restent ronds.

VIII.3. Test insitu


Les bioessais ont l'avantage d'être relativement faciles à mettre en place et à standardiser. Ils ont en
revanche l'inconvénient d'être peu "réalistes" : ils ne tiennent pas compte l'ensemble des variations
environnementales telles que les conditions météorologiques, l'habitat de l'organisme. Les tests in
situ sont des tests effectués sur le terrain, c'est à dire sur le site que l'on veut analyser ou étudier. Ils
ont l'avantage d'être plus réalistes que les tests de laboratoire puisqu'ils sont soumis à l'ensemble
des facteurs environnementaux.

Les tests in situ peuvent ainsi permettre d'évaluer la qualité d'une rivière et de détecter les effets
d'une pollution sur les organismes d'un cours d'eau. Ils sont en revanche bien plus difficiles à mettre
en place et à standardiser : il est compliqué d'établir un protocole précis de ces tests, et les
scientifiques travaillent pour l'instant "au cas par cas". Or, cette standardisation est indispensable
pour pouvoir comparer les résultats de ces tests entre laboratoires. Ces tests sont donc encore
aujourd'hui à l'état de développement et sont pour l'instant essentiellement utilisés par les
laboratoires de recherche. Cependant, on peut s'attendre à ce qu'ils soient de plus en plus utilisés à
l'avenir en tant qu'outil de contrôle de la qualité des milieux naturels.

VIII.4. Mesure de biomarqueurs (d’exposition et d’effet)

La mesure de biomarqueurs (premières interactions au niveau cellulaire avec un ou des


contaminants) est considérée comme une méthode très sensible, précoce et prédictive d’effet à long
terme.

En réponse à une agression de type agent chimique, l’organisme mobilise son système de défense
basé sur la sécrétion d’enzymes chargées d’éliminer le toxique avant qu’il ne se concentre dans

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Notions d’écotoxicologie

l’organisme. Les biomarqueurs sont une mesure du niveau d’expression de ces enzymes dans
l’organisme, élevée ou très basse, elle traduit une exposition à des agents polluants.

Des modifications enzymatiques sont fréquemment mesurées. Ex : cholinestérase sanguine inhibée


par des insecticides organophosphorés, activité aminolévulinatedéshydratase (ALAD) inhibée par le
plomb, enzyme à cytochrome P450 (activité EROD) du foie ou poumons augmente sous l’effet des
hydrocarbures, PCB ou dioxines.

Si la toxicité est démontrée avant les perturbations notables du métabolisme, chez un organisme, il
est possible d’exploiter cette information en terme de gestion des risques.

Les biomarqueurs d’effet correspondent à des cibles moléculaires qui, lorsqu’elles sont atteintes,
signifient que les mécanismes de défense ou de détoxication de l’organisme n’ont pas été
suffisamment efficaces pour contrer l’action néfaste d’un xénobiotique (ex. : capacité de
phagocytose en immunotoxicité, dommages à l’ADN en génotoxicité…). Les conséquences peuvent
être parfois irréversibles, entraînant à terme la mort de l’animal ou bien une incapacité à se
reproduire. De tels effets peuvent par la suite altérer la structure même des populations et donc des
écosystèmes.

VIII.4. Les bio-indicateurs

Le terme bioindicateur désigne des espèces biologiques ou animales qui, du fait de leurs
particularités écologiques, réagissent face à une pollution par une modification nette et spécifique de
leurs fonctions vitales.
Les bioindicateurs peuvent être exposés à un ensemble de polluants, ce qui nous permet d'observer
leurs effets conjoints.
* Exemple des lichens pour la mesure de la pollution atmosphérique :
Forte aptitude des lichens à bioaccumuler des contaminants présents dans l’atmosphère.
Corrélation entre teneur en soufre des lichens et distance des sources d’émissions industrielles.
Bon indicateur de contamination en métaux radioactifs ou toxiques (comme le plomb :
augmentation des teneurs en Pb dans les lichens poussant aux abords des autoroutes).
Un bio-indicateurs écologique de toxicité peut reposer sur le principe de la sélection des organismes
résistants aux pollutions au détriment des organismes sensibles.
A l’échelle d’un peuplement, les individus ou les espèces les plus faibles vont disparaître sous la
pression du polluant (mort ou fuite), laissant la possibilité aux espèces résistantes de se développer
davantage. Ce phénomène entraîne l’établissement de peuplements dont la structure reflète la
qualité de l’eau, notamment au travers de l’analyse des présences/absences. Ils serviront de bio-
indicateurs.

VII. Une méthode d’évaluation de risque environnemental


Pour mieux comprendre comment cette évaluation est réalisée, il faut tout d'abord préciser la notion
de risque environnemental. Ce dernier dépend de deux paramètres: la dangerosité de la substance
(sa toxicité) et l'exposition des milieux naturels à cette substance. En clair, une substance très
toxique mais auxquels les organismes vivants sont très peu exposés (par exemple car elle est
produite en petite quantité) présente un risque environnemental faible. A l'inverse, une substance
modérément toxique mais que l'on retrouve dans les cours d'eau à des fortes concentrations
présente un risque environnemental fort.

RISQUE ENVIRONNEMENTAL = TOXICITE DE LA SUBSTANCE x EXPOSITION

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Notions d’écotoxicologie

Les directives européennes 93/67/EC, 793/93/EC et 1488/94/EC définissent la méthode d'évaluation


de ce risque environnemental. Cette méthode consiste, pour chaque substance potentiellement
dangereuse pour l'environnement, à définir:

-une PNEC (Prédicted No Effect Concentration): C’est la plus forte concentration de la substance
sans risque pour l'environnement. Elle définit donc la toxicité de la substance vis à vis de
l'environnement.

La PNEC est égale à la NOEC la plus faible (ou par défaut la CL50 la plus faible) multiplié par un
facteur de sécurité qui permet d'abaisser le risque.

-une PEC (Prédicted Environmental Concentration): c'est la concentration prévisible de la substance


dans l'environnement. Elle définit donc l'exposition des milieux naturels à cette substance.

La comparaison des valeurs de PEC et de PNEC permettent de tirer une conclusion quant au risque
que représente une substance pour l'environnement. En effet, si la concentration prévisible de la
substance (PEC) est supérieure à la concentration sans risque pour l'environnement, alors il y a un
risque potentiel pour les écosystèmes.

Pour mieux comprendre, nous allons prendre deux exemples, en considérant que la concentration
prévisible de la substance (PEC) est de 2 µg/l :

-la concentration sans effet (PNEC) est de 0,22 µg/l, alors PEC > PNEC et on considère qu'il y a un
risque pour l'environnement. Il est alors nécessaire de prendre des mesures pour réduire l'exposition
des écosystèmes telles que la limitation des usages de la substance.

-la concentration sans effet (PNEC) est de 8 µg/l, alors PEC < PNEC et on considère que le risque est
acceptable pour l'environnement, même si la vigilance est nécessaire.

VIII. Conclusion

Une centaine de milliers de substances chimiques sont actuellement utilisées. Afin de réduire
l'impact des activités humaines sur les écosystèmes, il est nécessaire de réglementer les émissions de
ces substances potentiellement polluantes.

Ainsi, un des objectifs de l'écotoxicologie est d'évaluer et de prévenir les risques des polluants pour
l'environnement. Cette évaluation des risques est nécessaire pour les substances chimiques
nouvelles mais aussi pour les substances existantes.

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