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Lubrification en mise en forme

Principes généraux et choix


par Éric FELDER
Ingénieur Civil des Mines de Paris
Docteur es Sciences
Maître de Recherches Groupe Surfaces et Tribologie
CEMEF (Centre de Mise en Forme des Matériaux)
UMR 7635 CNRS-École des Mines de Paris

1. Généralités sur la lubrification ....................................................... M 3 015 – 3


1.1 Divers régimes de lubrification ............................................................. — 3
1.1.1 Nature et phénomènes physiques sous-jacents......................... — 3
1.1.2 Domaines d’existence et conséquences pratiques..................... — 4
1.2 Lubrifiants de mise en forme ................................................................ — 5
1.2.1 Leurs diverses fonctions............................................................... — 5
1.2.2 Principales formulations ............................................................... — 6
1.3 Caractérisation mécanique du frottement et de l’usure...................... — 7
1.3.1 Conditions de contact ................................................................... — 7
1.3.2 Lois de frottement classiques....................................................... — 7
1.3.3 Interprétation physique et généralisations des lois de frottement — 8
1.3.4 Loi d’usure ..................................................................................... — 8
2. Règles de formulation du lubrifiant en fonction du procédé
de mise en forme ................................................................................ — 10
2.1 Conséquences générales du frottement sur les conditions
de mise en forme ................................................................................... — 10
2.1.1 Puissance et forces de mise en forme ......................................... — 10
2.1.2 Cinématique et pression de contact ............................................ — 10
2.1.3 Température d’interface................................................................ — 12
2.2 Frottement résistant ............................................................................... — 13
2.2.1 Tréfilage, étirage et filage ............................................................. — 13
2.2.2 Emboutissage ................................................................................ — 13
2.2.3 Usinage .......................................................................................... — 13
2.2.4 Forgeage ........................................................................................ — 14
2.3 Frottement moteur et résistant ............................................................. — 14
2.3.1 Étirage sur mandrin ...................................................................... — 14
2.3.2 Laminage de tôles ......................................................................... — 15
Références bibliographiques.................................................................... — 17

e but de ce dossier est de présenter les modalités spécifiques de la lubri-


L fication des procédés de mise en forme des métaux. Ces aspects sont en
pratique extrêmement importants : en effet, le choix du lubrifiant et sa mise en
œuvre conditionnent directement le succès de l’opération de mise en forme. De
mauvaises conditions de lubrification peuvent conduire à :
— un non-respect des dimensions du produit (défaut de remplissage des
outils, incapacité de la machine de formage à fournir l’énergie ou la force néces-
saire pour former totalement le produit du fait d’un frottement excessif...) ;
— conférer au produit un mauvais état de surface (rugosité excessive, défauts
de surface type rayures, incrustations...) ou de mauvaises propriétés méca-
niques (endommagement interne ou superficiel) ;
— engendrer une usure rapide de l’outil qui fait sortir le produit de ses tolé-
rances dimensionnelles et oblige à réparer ou rebuter l’outil ;
— dans les cas extrêmes, conduire à la rupture de l’outil ou de la pièce.

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LUBRIFICATION EN MISE EN FORME _______________________________________________________________________________________________________

Dans ce dossier, nous présentons les principes généraux de la lubrification,


puis les règles à respecter dans le choix du lubrifiant selon le procédé.
Cet exposé sur la lubrification lors de la mise en forme fait l’objet de
plusieurs dossiers :
— « Lubrification en mise en forme. Caractérisation du frottement et de
l’usure » ;
— « Lubrification en mise en forme. Maîtrise des régimes de lubrification ».
Une fiche documentaire fournit les modalités courantes de lubrification des
principaux procédés de mise en forme des alliages métalliques usuels. Enfin
les dossiers consacrés aux lubrifiants [BM 5 340] [BM 5 341] [BM 5 343]
[BM 5 344] et [BM 7 065] de la base documentaire « Génie mécanique »
contiennent un ensemble d’informations pratiques (fournisseurs, nature pré-
cise...) sur ces principaux lubrifiants.
Le lecteur pourra consulter utilement les dossiers spécialisés de la rubrique
« Mise en forme » de la base documentaire « Matériaux métalliques ». Une pré-
sentation plus détaillée des aspects scientifiques est faite en [1] et pour le lami-
nage en [2] ; le lecteur pourra également se reporter à la référence [3].

Symboles et notations Symboles et notations

Symbole Unité Définition Symbole Unité Définition

a = λ /ρ c p m2 · s–1 Diffusivité thermique p Indice de viscosité de la loi


de frottement de Norton-Hoff
A Aplatissement de la zone
de déformation plastique pr Pa Pression réelle de contact
Aa (Ar ) m2 Aire de la surface apparente R m Rayon des cylindres
(réelle) de contact ou (laminage) ou d’une
éprouvette de compression
b = λρ c p J · m–2 · s–1/2 · K–1 Effusivité thermique
Ra (RT ) m Rugosité moyenne (totale)
cp J · kg–1 · K–1 Capacité thermique massique S = Ar /Aa Fraction d’aire réelle
K Pa · sm Consistance du métal en contact
(à chaud) v (v ) m · s–1 Vecteur vitesse (module)
h m Épaisseur du film lubrifiant, vref m · s–1 Vitesse de référence pour la loi
hauteur de lopins de Norton-Hoff
de compression
∆v (∆v) m · s–1 Vitesse de glissement du métal
H m Épaisseur de tôle (laminage) sur l’outil (module)
HV Dureté Vickers δV m3 Volume perdu par usure
δh m Profondeur d’usure de l’outil x m Coordonnée le long
k Pa Cission maximale du métal de l’interface dans la direction
de v
k˜ Pa–1 Vitesse d’usure t s Temps
δ m Longueur de glissement T Pa Vecteur contrainte
du métal en un point de l’outil
α rad Angle d’attaque métal-outil
 m Longueur de tôle laminée (laminage, filage, étirage,
ou de fil tréfilé tréfilage)
m Indice de viscosité du métal
α (β) s –m (Pa · sp · m–p) Coefficient de frottement
ou du lubrifiant de Norton-Hoff
m Coefficient de frottement
ε s–1 Ordre de grandeur
de Tresca de la déformation du métal
n Normale unitaire extérieure . s–1 Vitesse de déformation
à la surface du métal ε généralisée
N Nombre de pièces formées η (η0 ) Pa · s Viscosité du lubrifiant (à p = 0
P N Force normale (mécanisme) et θ = θ0)
p Pa Pression de contact (opposée ρ kg · m–3 Masse volumique
de la contrainte normale λ W · m–1 · K–1 Conductivité thermique
de contact)

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tement thermique des pièces d’armement en acier mises en forme


Symboles et notations par forgeage à chaud et usinage. Ils ont trouvé une solution en
inventant le procédé de phosphatation-savonnage qui minimise le
Symbole Unité Définition frottement en formage à froid : un tel mode de lubrification permet
de fabriquer ces pièces par forgeage à froid et l’écrouissage corres-
~ pondant confère à la pièce dénuée d’éléments de durcissement
λ Allongement du métal structural la dureté requise. Cette technique de lubrification par les
µ Coefficient de frottement savons métalliques permet de séparer le métal de l’outil dans les
de Coulomb opérations de formage à froid entraînant des conditions de contact
σ Pa Contrainte normale dans sévères (pressions de contact et/ou vitesses de glissement élevées),
le métal selon la direction x elle s’est étendue au forgeage à froid des divers alliages métalliques
σ0 Pa Contrainte d’écoulement et au tréfilage des aciers (cf. dossiers sur le Tréfilage de l’acier et
plastique du métal Forgeage à froid de l’acier ).
τ (τ ) Pa Cission de frottement ● Au début de son développement, vers 1921, le filage à chaud
(module) des aciers ou des alliages métalliques durs ne disposait comme
lubrifiants que de produit à base de graisse graphitée ; de ce fait, on
τmax Pa Cission maximale d’une loi
de Coulomb limitée Tresca ne pouvait filer que des pièces de petites dimensions du fait d’une
dégradation rapide des outils pour des durées de contact pro-
τr Pa Cission réelle de contact longées. L’invention de la technique de lubrification au verre par le
θ K ou oC Température Français Séjournet peu après la Seconde Guerre mondiale a permis
de réaliser des tubes en acier sans soudure par filage à chaud vers
1 200 oC (cf. dossier sur le Filage de l’acier et des métaux difficiles à
déformer ) : un film épais de verre se forme à partir de la gargousse
de verre pilée et, s’écoulant entre le métal et l’outil, assure une
Indices bonne protection thermique et mécanique de la filière. Cette tech-
nique s’est par la suite étendue selon diverses modalités spéci-
1 Métal fiques au travail à chaud des alliages durs à base de titane,
2 Outil zirconium, tungstène, nickel...
s Surface ■ Toutefois formuler rationnellement un lubrifiant pour une opé-
ration de mise en forme donnée pose un ensemble de problèmes
très spécifiques (§ 2), l’analyse scientifique de ces problèmes est dif-
ficile et ne fournit, le plus souvent, que des indications semi-quanti-
1. Généralités tatives. C’est l’expérience qui reste le critère de choix décisif, d’où
l’intérêt de bien concevoir et interpréter les essais de frottement et
sur la lubrification d’usure.

L’expérience quotidienne nous offre maints exemples de frot- 1.1 Divers régimes de lubrification
tement, d’adhésion et d’usure entre corps solides : il faut exercer
une force non négligeable pour faire glisser un meuble de poids 1.1.1 Nature et phénomènes physiques sous-jacents
élevé sur le plancher et ainsi vaincre le frottement des pieds du
meuble sur le plancher ; le démoulage après cuisson d’une tarte ou Rappelons brièvement le cas simple, mais exemplaire, d’un
d’un gâteau peut s’avérer problématique du fait de l’adhésion mécanisme comme un palier [4] lubrifié par une huile. L’évolution
entre la pâte et le moule si celui-ci n’a pas été correctement beurré du coefficient de frottement µ [définition précise cf. § 1.3.2] avec la
au préalable ; c’est l’usure de la mine de crayon (et l’adhésion du vitesse de rotation ou courbe de Stribeck met en évidence les deux
graphite au papier) qui permet d’écrire sur une feuille de papier. La grands régimes de lubrification (figure 1) :
mise en forme des métaux pose des problèmes similaires : — à basse vitesse, on observe un régime de frottement élevé et
— en tréfilage, un frottement fil-filière excessif provoque la décroissant fortement quand la vitesse s’élève ; il s’agit du régime
rupture du fil ; de frottement mixte ou par film discontinu ;
— en forgeage à chaud entre matrices profondes, la pièce — au-delà d’une certaine vitesse, le frottement est modéré
formée peut rester collée à l’une des matrices. µ ≈ 0,02 et éventuellement croît légèrement avec la vitesse ; le
Le praticien observe couramment une évolution marquée de son système est dit en régime hydrodynamique de lubrification ou de
outillage (et du produit) induite par son usure d’abord à l’échelle film continu. L’usure des pièces, mesurée par k˜ (§ 1.3.4), décroît
fine de sa rugosité (brillantage des cylindres de laminage à froid), alors de plusieurs ordres de grandeur par rapport au régime de
voire en durée prolongée à l’échelle macroscopique (creusement film discontinu.
des cordons de bavure des matrices de forge à chaud ou des
L’interprétation de ces phénomènes fondamentaux, qui sont
portées de filière de filage à chaud).
valables tant pour les mécanismes que pour la mise en forme
Parmi les techniques permettant de maîtriser le frottement, lubrifiée par des produits visqueux de viscosité η est due à Rey-
l’adhésion et l’usure entre deux corps, la lubrification est certai- nolds (cf. dossier sur les Matériaux pour paliers lisses ) : la visco-
nement la plus courante et la plus anciennement pratiquée. Elle sité du lubrifiant lui permet d’être entraîné dans l’interface et de
consiste à intercaler entre les deux corps un troisième corps de supporter une partie ou la totalité de la force normale appliquée.
faible cission (propre à minimiser le frottement et l’usure) et (ou) On démontre que l’épaisseur h du film lubrifiant augmente avec le
de contrainte de rupture faible (propre à minimiser l’adhésion). produit ηv. Aux faibles vitesses où η reste constante (conditions
isothermes), h augmente donc avec la vitesse et, pour des vitesses
■ Le choix du lubrifiant est un problème crucial dans beaucoup de suffisamment élevées, assure une séparation complète des deux
procédés de mise en forme, comme le démontrent deux exemples antagonistes ; le frottement est dû au cisaillement du film lubrifiant
« historiques ». et est donc très modéré (figure 2a ). Pour des vitesses insuffisan-
● Durant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands disposaient tes, l’épaisseur du film lubrifiant, plus faible, ne peut empêcher le
de peu d’éléments d’alliage permettant le durcissement par trai- contact des deux antagonistes au niveau des sommets de leur

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tive de η et du produit ηv, donc de l’épaisseur du film lubrifiant ;


le système peut alors se retrouver en régime de film discontinu,
µ
Tourillon voire gripper.
0,10 (Ø 2 mm) En régime mixte ou de film discontinu, l’usure et le frottement
sont plus élevés du fait des interactions directes entre les deux
Film discontinu P=1N corps qui peuvent être schématiquement de deux types :
R
— labourage microplastique : les aspérités du corps le plus dur
0,05 ou des particules dures (débris d’usure...) présentes à l’interface
Film continu N s’enfoncent dans le corps le plus mou, l’écrouissent superficiel-
lement et (ou) y creusent des stries avec formation de bourrelets
Coussinet ou microcopeaux (figure 2b ). Ceci induit un frottement important
0 et une usure par abrasion soit directement (micropeaux), soit
0 200 400 Ø 2,1 mm)
N (tr/min) indirectement : un passage répété des aspérités produit la
formation de particules par fatigue mécanique ;
µ = C/PR — adhésion-rupture-transfert : les deux corps adhèrent loca-
avec C couple de rotation, Tourillon en acier lement fortement l’un à l’autre et le mouvement relatif produit la
P force normale, Coussinet en laiton déformation plastique, puis la rupture de ces jonctions ; la sépa-
R rayon.
ration se fait généralement dans l’un des deux corps et produit une
particule de transfert adhérant (collée) à l’autre corps (figure 2c ).
Figure 1 – Interprétation de la courbe d’évolution du frottement Une discussion plus détaillée des phénomènes d’usure est faite
avec la vitesse d’un palier lubrifié par un fluide silicone de viscosité dans les articles consacrés à l’Usure des contacts mécaniques de
η = 0,3 Pa · s, d’après [5] la base documentaire Génie mécanique. L’expérience montre que
l’addition au lubrifiant de composés bien spécifiques des corps
antagonistes peut, en régime de film discontinu, limiter le niveau
de frottement. Les mécanismes d’action ne sont pas tous connus.
On peut citer l’abaissement de la contrainte de rupture des jonc-
v2 Outil tions par diffusion d’éléments du lubrifiant qui précipitent aux
interfaces sous forme de composés fragiles ; la formation à la sur-
face des corps, par adsorption, de films monomoléculaires dits
Film tapis de Hardy de faible cission ; la réaction des additifs avec les
débris arrachés aux antagonistes et la formation in situ d’un film
v1 lubrifiant solide dit film réactionnel.
Métal

a déformation d'un film intercalaire mince ou épais 1.1.2 Domaines d’existence


et conséquences pratiques
v2 On peut schématiquement, mais de manière intéressante,
Bourrelet Microcopeau
représenter le domaine d’existence de ces divers régimes pour un
Outil mécanisme très chargé dans un diagramme force normale-vitesse
(figure 3a ). Ce diagramme est a priori limité vers le haut par la
force normale Pc initiant la déformation plastique du mécanisme
v1 Métal
Strie (avarie de volume). À vitesse v modérée et constante et à force
normale P croissante, le frottement et l’usure augmentent alors
b labourage microplastique du corps le plus que le régime de lubrification passe du régime hydrodynamique au
mou par les aspérités du corps le plus dur régime mixte, puis au régime de grippage ou d’avarie du contact
où les zones d’adhésion se multiplient et s’étendent, produisant un
fonctionnement par à-coups du mécanisme. La frontière inférieure
v2 du régime mixte remonte avec la viscosité du lubrifiant, la frontière
Transfert Adhésion
Outil supérieure avec l’efficacité des additifs.
Rupture Pour un procédé de mise en forme donné lubrifié par un produit
visqueux additivé, les régimes de lubrification peuvent être
représentés dans un diagramme analogue, mais où la déformation
v1 Métal plastique imposée au métal ε remplace la force normale du
mécanisme ; là aussi, le domaine est limité à la déformation εc que
l’on peut imposer par le procédé sans rupture ou défaut d’entraî-
c déformation plastique des jonctions microscopiques nement du produit. À ces détails près, les domaines sont schéma-
formées par adhésion tiquement semblables, mais nous avons détaillé, dans le domaine
mixte, le domaine de passage du lubrifiant par poches isolées du
Figure 2 – Les divers mécanismes d’interaction domaine de formation de films réactionnels, à vitesse plus élevée
entre deux corps solides en mouvement relatif (donc de température plus forte). On voit que la formulation du
lubrifiant est d’autant plus critique, que l’on cherche à augmenter
la productivité du procédé, c’est-à-dire à augmenter v et (ou) ε
(pour diminuer le temps et le nombre d’opérations de formage).
rugosité (ou microgéométrie cf. dossier sur les Tolérances et écarts (0)

dimensionnels, géométriques et d’états de surface ). Par ailleurs, le Nous reviendrons sur ce schéma dans le dossier abordant la
temps nécessaire pour évacuer par conduction thermique, convec- maîtrise des régimes de lubrification pour expliquer son allure et
tion ou rayonnement l’énergie dissipée diminue quand la vitesse comment, par exemple, la rugosité du métal et de l’outil le modifie.
croît ; la température des pièces et du lubrifiant augmente donc À ce stade, les informations de ce diagramme sont utilement
avec v ; aux vitesses élevées, ceci produit une diminution significa- complétées par celle du tableau 1 qui précise les conséquences du

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Tableau 1 – Caractéristiques principales des principaux régimes de lubrification


Dégradation de l’outil
Régime de lubrification Frottement Rugosité du métal
(valeurs indicatives de k˜ )

Régime hydrodynamique avec film Croissante en peau d’orange (Fatigue, corrosion ?)


µ ≈ 0,02 à 0,1 ∆Ra ≈ 0,3 D∆ε
lubrifiant fluide continu k˜ ≈ 10 –17 à 10 –16 Pa –1
Régime mixte ou de film lubrifiant (fatigue, abrasion... ?)
discontinu dit poches-plateaux µ ≈ 0,1 à 0,15 Décroît et tend vers celle des outils corrosion
Film réactionnel lubrifiant obtenu par
évolution d’un régime poches-plateaux k˜ ≈ 10 –16 à 10 –12 Pa –1

Devient identique à celle des outils


Contact quasi sec ou film très mince ε  εcr µ  0,15 (si lubrifiant efficace) Abrasion
(oxydes superficiels, tapis de Hardy ?...) ε  εcr m → 1 localement Croît avec la déformation par rayures (adhésion-rupture ?)
et arrachements
D diamètre moyen des grains du métal.
Ra rugosité arithmétique moyenne.
εcr déformation critique différente de εc .

régime de lubrification sur trois aspects importants de la mise en


forme : le niveau de frottement, l’état de surface final du produit et
le mode de dégradation de l’outil : P
— le régime de film épais permet de limiter le frottement et Déformation plastique
l’usure de l’outil, mais il nécessite l’utilisation de lubrifiants très Pc
visqueux ou de forte consistance (corps non newtoniens) ; en Mixte
outre, il laisse se développer à la surface du métal une rugosité qui Suivant Grippage
additifs
croît en raison directe de la taille du grain du métal et de la défor- µ ≈ 0,1 à 0,3 µ ≈ 0,13 à 5
mation imposée ; d’où un aspect de surface mat et rugueux réd- ∼ ∼
k ≈ 1 à 5x10-15Pa-1 k ≈ 10-14 à 10-12 Pa-1
hibitoire pour certains produits qu’on souhaite lisses et brillants ;
— le frottement et l’usure restent modérés en régime mixte, ce
qui permet de « lisser » le métal par diminution de sa rugosité. η
Ces concepts s’appliquent directement et couramment en mise Hydrodynamique
en forme à froid (température ambiante) où la maîtrise du frot- ∼
tement et de l’état de surface final du produit est essentielle. La µ ≈ 0,02 à 0,1 k ≈ 10-16 à 10-15 Pa-1
plupart s’appliquent à la mise en forme à chaud, mais le manque 0
v
de connaissance sur le comportement des lubrifiants aux sollici-
tations thermiques le long des interfaces métal-outil rend le pro- a mécanisme sous haute pression (pièces en acier)
blème de la formulation rationnelle de lubrifiants efficaces encore
plus complexe.

1.2 Lubrifiants de mise en forme


ε
1.2.1 Leurs diverses fonctions Mise en forme impossible
εc
Elles sont en général très variées et interviennent à divers
moments : pendant et après la mise en forme. Le lubrifiant doit Suivant Grippage-
être présent à l’interface métal-outil ; il faut donc que le métal l’y additifs Rupture produit
entraîne ou qu’il puisse s’infiltrer le long de l’interface métal-outil. Mixte
Les problèmes scientifiques en jeu peuvent être physico-chimiques poches-plateaux
(mouillabilité, adhérence). Les traitements de surface peuvent
apporter une solution à ce problème : les revêtements de conver- Film réactionnel
sion du type phosphatation (aciers au carbone) ou les dépôts de
produits salins (aciers inoxydables) permettent d’« accrocher » les η
savons métalliques ; le laminage skin-pass de tôles entre cylindres Hydrodynamique
rugueux, le grenaillage ou les décapages chimique ou mécanique
créent des poches réservoir de lubrifiants liquides sur le métal ou 0
v
permettent l’accrochage du graphite sur les matrices de forgeage
à chaud. On peut également changer la nature du lubrifiant utilisé ;
b opération de mise en forme
le problème d’entraînement semble en effet moins aigu avec les
liquides qu’avec les solides. Les diverses fonctions du lubrifiant
durant la mise en forme et le problème scientifique associé sont
rassemblés dans le tableau 2. De la même façon, le tableau 3 Figure 3 – Représentation schématique des diverses régions
récapitule les fonctions du lubrifiant après la mise en forme ou de lubrification induites par un produit visqueux contenant
entre deux opérations de mise en forme. (0) des additifs (d’après [6] pour la figure a )

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Tableau 2 – Fonctions du lubrifiant durant la mise en forme


Problème pratique Problème scientifique
1. Diminution des forces et des énergies de mise en forme Réduire le coefficient de frottement

2. Refroidissement de l’outillage Augmenter les transferts thermiques par convection, conduction,


rayonnement

3. Réduire l’échauffement du métal (structures métallurgiques, Réduire la température de surface


brûlure) et de l’outillage (fluage, abrasion, fatigue thermique) Réduire le coefficient de frottement
Écran thermique pour la mise en forme à chaud
La rugosité varie dans le même sens que l’épaisseur du film :
4. Obtention d’un état de surface désiré : ordinaire ou brillant, non — film épais : produit mat et rugueux ;
rayé, lisse, ... — film mince : produit lisse et brillant.
Abrasion par un lubrifiant solide...

5. Minimiser l’usure de l’outillage Limiter l’action des agents d’abrasion, l’adhésion


Ne pas corroder l’outil
6. Entraînement du produit en laminage, remplissage de gravures en Assurer un niveau minimal de frottement
estampage à chaud, ...
7. Lubrifier les parties annexes : Assurer la lubrification des paliers et autres mécanismes de support
exemple, roulements des cages à laminoirs des outils
8. Homogénéiser l’écoulement (angles morts, hétérogénéité de Réduire les hétérogénéités de déformation, en général réduire
dureté dans le produit...) le frottement
(0)

Tableau 3 – Fonctions du lubrifiant après la mise en forme


Problème pratique Problème scientifique
9. Éviter le collage du produit sur l’outillage : Adhésion métal-métal
exemple, forge à chaud

10. Conservation du produit Éviter la corrosion atmosphérique


Éviter l’attaque chimique du métal par le lubrifiant
11. Refroidissement du produit et de l’outillage Augmenter les transferts thermiques
Faciliter les opérations ultérieures :
12. Ne pas tacher au cours de traitements thermiques (recuit...) Limiter le craquage des chaînes hydrocarbonées...
Dégradation lente du pouvoir lubrifiant (attention au vieillissement)
13. Servir de lubrifiant pour les opérations ultérieures Solubilité dans les solvants
14. Élimination facile du résidu...

D’autres considérations importantes entrent en ligne de compte : Les formulateurs de lubrifiant ont donc développé des batteries
le coût du produit, sa toxicité, sa biodégradabilité, la facilité de de tests ou d’essais plus ou moins simples, chacun visant à appré-
manutention, son retraitement après usage... D’une manière géné- cier quantitativement dans quelle mesure tel produit ou mélange
rale, les coûts de retraitement devenant de plus en plus élevés, on de produits remplit une fonction donnée. Certains tests simples
tend à réduire le volume des produits et additifs issus de base pétro- peuvent fournir des indications intéressantes sur le mode d’appli-
lière, et à compenser cette perte d’efficacité du lubrifiant par l’amé- cation ou le comportement du lubrifiant : test d’étalement de
lioration des performances des outils (par exemple en formage à goutte permettant d’apprécier l’aptitude du lubrifiant à mouiller les
froid remplacement d’un acier à outil « classique » par un acier surfaces à lubrifier ; pour le forgeage à chaud, tests d’accrochage
rapide revêtu d’un film céramique fin (quelques micromètres) et dur du lubrifiant sur la surface des matrices supérieures permettant de
(type TiN). Suivant l’opération considérée, les fonctions essentielles voir que l’accrochage requiert une rugosité minimale d’outils ;
varient notablement. Ainsi en tréfilage, réduire le coefficient de frot- essais de chauffage de lopins de poudre de verres compactée pour
tement ne présente en général que des avantages. Ceci n’est pas apprécier leur température de début de ramollissement. Ces tests
le cas en laminage à chaud ou en forge à chaud à cause de la fonc- sont très spécifiques et parfois de nature confidentielle. Nous ne
présenterons donc que les tests de frottement et d’usure spéci-
tion 6 (tableau 2). Par ailleurs, une diminution de frottement en
fiques de la mise en forme.
laminage ou en forge à chaud peut s’accompagner d’une usure
accrue [cf. § 2.1.2]. En mise en forme à chaud, l’emploi de graphite
a, a priori, des côtés positifs (réduction du frottement et de l’usure) 1.2.2 Principales formulations
et négatif (augmentation des transferts thermiques du métal vers
On peut regrouper les lubrifiants en trois catégories.
l’outil et donc de la fatigue thermique de l’outil, du fait de la forte
conductivité thermique du graphite). Ceci montre que, parfois, cer- ■ Les lubrifiants à base d’eau (eau « pure », émulsion, microé-
taines fonctions sont plus ou moins contradictoires. On essaie de mulsions, eau graphitée...) s’imposent là où le refroidissement de
sortir de ce dilemme par l’utilisation de mélange de plusieurs pro- l’outillage est un problème primordial à cause de la valeur élevée de
duits. De toute façon, le produit doit réaliser un compromis entre la capacité thermique massique de l’eau (mise en forme à chaud).
les divers impératifs, plus ou moins importants, suivant les cas. Ceci Leur utilisation se développe dans les procédés à froid à forte
explique, par ailleurs la très grande variété de produits utilisés. vitesse de déformation où le refroidissement du produit et de

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l’outillage est un problème important : laminage à froid, tréfilage de


fils de cuivre et de fils fins en acier (voir dossier sur « Le tréfilage de Outil
l’acier ») ou usinage à grande vitesse. Leur faible coût les fait préfé- σ = -p
Outil
rer aux autres lubrifiants quand le problème de frottement est peu δh
T1
crucial. Les additifs limites (acides, gras, ...) assurent la formation n
d’un film lubrifiant mince. ∆v
τ p
■ Les huiles légères, d’assez faible viscosité, utilisées à froid impo- Métal
sent un frottement mixte modéré. Leur coût est plus élevé que celui Métal
des émulsions. Interface

■ Les lubrifiants de forte consistance (huiles épaisses, graisses,


savons, verres métalliques, solides lamellaires du type graphite ou a vecteur contrainte à l'interface b usure de l'interface
MoS2...) interposent en général entre l’outillage et le métal un film
épais qui réduit le frottement et l’usure de l’outillage ; mais ils Figure 4 – Aspect macroscopique du contact métal-outil
confèrent de ce fait un aspect mat au produit (cf. § 1.1.2) et peuvent
être difficiles à éliminer ultérieurement (verres...). Malgré ces
inconvénients, ces lubrifiants s’imposent dans les procédés où les L’une des particularités de la mise en forme est que la pression
sollicitations mécaniques et (ou) thermiques des outillages se de contact et la vitesse de glissement peuvent elles-mêmes for-
situent à la limite des capacités de résistance des matériaux à outils tement dépendre de τ (cf. § 2.1.2). La température d’interface θs ,
disponibles : la lubrification du verre permet le filage à chaud d’un qui conditionne aussi les performances du lubrifiant et le frot-
profilé en acier de plusieurs mètres (cf. dossier sur le « Filage de tement, dépend de τ et ∆v, mais ceci est classique. En outre, dans
l’acier et des métaux difficiles à déformer »), la forge à froid des certains cas, les phénomènes interfaciaux ont une forte influence
aciers a été rendue possible par l’invention du traitement de phos- sur la distribution de température ; c’est le cas dans la mise en
phatation – savonnage, également utilisée dans le tréfilage des fils forme à chaud de métaux séparés de l’outil par un film intercalaire
d’acier au carbone de gros diamètres (  1 mm ) (cf. dossier sur le de faible conductivité thermique (oxydes « naturels », verres...) ;
« Tréfilage de l’acier »). Dans ce cas, le succès du lubrifiant savon est ces films introduisent une différence significative de température
dû au revêtement de phosphatation qui sert de joint d’adhérence superficielle métal-outil [1] [2] :
entre l’acier et le savon, lequel diminue le frottement, et de lubrifiant ∆θ = θ1 – θ2
d’appoint : il évite la formation de rayures sur les filières en cas
d’amincissement excessif du film de savon. La température de travail du lubrifiant est alors d’autant plus
incertaine que θ1 et θ2 sont différents ; des écarts de 1 000 oC
s’observent dans le cas des aciers. Ces différences de température
1.3 Caractérisation mécanique ont, par ailleurs, une influence importante sur les phénomènes
d’usure en mise en forme à chaud (cf. § 1.3.4).
du frottement et de l’usure
1.3.1 Conditions de contact 1.3.2 Lois de frottement classiques
Considérons l’interface métal-outil selon un point de vue On adopte en général une hypothèse d’isotropie de l’interface :
macroscopique (figure 4). En chaque point de cette interface de le vecteur τ est de même direction que le vecteur ∆v, mais de sens
normale n, les conditions mécaniques de contact sont caracté- opposé et dissipe par unité d’interface une puissance W˙ :
f
risées par les grandeurs suivantes :
— les vitesses du métal et de l’outil, respectivement v 1 et v 2 ; ∆v ˙ = τ ∆v
τ = – τ --------- Wf (5)
— les vecteurs contraintes, T1 et T2 respectivement action de ∆v
l’outil sur le métal et du métal sur l’outil. Notons que cette hypothèse d’isotropie est sujette à caution pour
On peut généralement avec une bonne approximation négliger, le frottement d’un outil de rugosité très texturée (anisotrope) en
sur le plan mécanique, « l’épaisseur » de l’interface et ses phéno- régime mixte.
mènes internes (cisaillement des films interfaciaux, déformation Les deux lois classiques de Coulomb et Tresca présentent une
plastique superficielle du métal et de l’outil (figure 2). On a alors : analogie profonde avec la loi de comportement plastique à froid :
— égalité des vitesses normales en vertu de la loi de conser- il ne peut y avoir glissement des deux corps l’un sur l’autre que si
vation de la masse : τ atteint une valeur critique τg , indépendante de la vitesse de
v1 · n = v2 · n (1) glissement :

— égalité de l’action et de la réaction (en module) : τ < τg → ∆v = 0

T1 = – T2 = T (2) τ = τ g → ∆v b0

La relation (1) exprime que la discontinuité de vitesse entre le Les deux idéalisations diffèrent par la valeur de τg :
métal et l’outil : — loi de Coulomb : τg = min (µp,k ) (6)
∆v = v 1 – v 2 (3)
— loi de Tresca : τg = m k 0Bm B1 (7)
est tangentielle ; le vecteur contrainte T se décompose classi-
quement en composante normale et tangentielle : avec k cission maximale du métal,

T = – pn + τ (4) µ et m nombres appelés respectivement coefficient de


frottement de Coulomb et de Tresca.
avec p pression de contact (opposée de la contrainte normale), Dans tous les cas, on voit que la valeur de τg est compatible avec
τ cission de frottement, dont le module τ est la grandeur le critère de plasticité qui impose la limitation τ g Bk (pour un
fondamentale caractérisant l’efficacité de la lubrification
dans les conditions du contact, corps qui vérifie le critère de plasticité de Mises, k = σ 0 ⁄ 3 où σ0
∆v vitesse de glissement. est la contrainte d’écoulement du métal).

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Le cas m = 1 correspond au frottement maximal. On l’appelle en notant S la fraction d’aire réelle en contact ; si la rupture de
souvent « frottement collant » expression à éviter, car frottement chaque microjonction se fait sous la cission τr , la cission de frotte-
maximal n’implique pas forcément absence de glissement (cf. § ment s’écrit donc :
2.1.2). τ = τr Ar /Aa (10)
L’idéalisation de Norton-Hoff établit, en revanche, une relation
d’où µ = τ /p = τr /pr (11)
biunivoque entre τ et ∆v analogue à celle de la viscoplasticité à
chaud. On a : L’analyse classique identifie pr à la dureté du métal qui est de
⎛ ----
l’ordre de 3σ0 . La loi de Coulomb exprime que la cission de rup-
- – 1⎞
1
τ⎝p ⎠ ture des microjonctions dépend peu de la pression de contact, car
τ = – β ( ∆ v )p – 1 ∆ v ou -τ
∆ v = – -------------------- elle correspond à la cission de films interfaciaux soumis à une
β1p contrainte normale indépendante de p. L’expérience [7] montre
avec p nombre généralement compris entre 0 et 1. qu’elle décrit bien en première approximation le frottement en for-
mage à froid lubrifié pour des pressions de contact inférieures à
Notons que β, coefficient de frottement de Norton-Hoff, a une 1,5 – 2σ0 . Afin de tenir compte simplement du fait que, pour des
dimension et s’exprime dans le système international en pressions de contact croissantes, l’aire réelle de contact tend vers
Pa · (s/m)p. Cette idéalisation implique : l’aire apparente et la cission de frottement vers la cission des
microjonctions, on généralise la loi de Coulomb (Coulomb limité
τ = β (∆v )p Tresca) sous la forme suivante, également implantée dans les
Si p tend vers 0, l’idéalisation de Norton-Hoff tend vers celle de codes de calcul usuels et dépendant de deux paramètres, µ et m
Tresca dont elle est le cas limite et singulier. Cette idéalisation est (ou τmax ) :
le plus souvent utilisée en mise en forme à chaud où la contrainte
d’écoulement plastique est de la forme : τg = min (µp, m k ) ou τg = min (µp, τmax ) (12)
L’introduction d’une cission maximale τmax permet de dissocier la
1+m
˙ ----------------- cission maximale de l’interface de celle du métal au voisinage de
σ0 = σ1 ε où σ1 = 3 2 K
l’interface, dont la valeur peut ne pas être représentative de la rhéo-
logie effective du film lubrifiant. Nous rediscuterons plus en détail
La grandeur K est l’équivalent, pour une telle loi, de la cission tous ces points dans le dossier relatif aux régimes de lubrification.
maximale k d’un métal dont la contrainte d’écoulement est indé-
pendante de la vitesse de déformation. On exprime alors la loi de Les codes de simulation numérique par éléments finis per-
frottement de Norton-Hoff de la manière suivante, plus courante : mettent maintenant de prendre en compte des lois de frottement
beaucoup plus complexes, basées soit sur des modèles théoriques
d’interface, soit sur des résultats expérimentaux. On peut donc pré-
∆v p – 1
τ = α K -------------------
p
- ∆v (8) ciser les variations des coefficients de frottement avec des gran-
v ref deurs caractéristiques des conditions de contact. Ainsi, divers
résultats relatifs au formage à froid lubrifié [7] mettent en évidence
avec vref vitesse de référence, de l’ordre de la vitesse de l’outil. des lois du type :
Ainsi, le coefficient α est indépendant de l’unité de longueur et µ = µ ( p, ∆ v , δ  1 , δ  )
de masse et est homogène à s–m. Ce type de formulation est
implanté par exemple, à côté des lois de Coulomb et de Tresca,
dans les logiciels FORGE2® et FORGE3® développés par le CEMEF
pour simuler les procédés de mise en forme.
δ 1 =  ∆ v dt ; δ =  ∆ v dt (13)
point du métal point de l ′ outil

δ 1 et δ sont respectivement la longueur de glissement d’un


1.3.3 Interprétation physique et généralisations point du métal sur l’outil et la longueur de glissement du métal en
des lois de frottement un point de l’outil.

Les interprétations classiques élémentaires de ces lois de frot- De telles lois peuvent traduire :
tement permettent de préciser schématiquement leur domaine de — la portance des poches de lubrifiant piégées à l’interface
validité : (dépendance en p et ∆v ) ;
— la cission de frottement de Tresca, ou plus généralement de — l’évolution géométrique des microcontacts avec le glissement
Norton-Hoff, peut s’identifier à la cission d’un film interfacial visco- δ 1.
plastique, d’indice p, dont l’épaisseur serait sensiblement uniforme Par ailleurs, une telle formulation permet de rendre compte de la
le long de l’interface (figure 2a ) ; différence couramment observée expérimentalement entre coef-
— dans le cas extrême de la mise en forme à chaud et sans ficient de frottement statique [début de glissement ( δ 1 – 0)] et
lubrifiant d’un métal dénué de films de contamination, pour des frottement dynamique : la cission de frottement tend à se stabiliser
durées de contact importantes, le métal, du fait de son compor- à une valeur indépendante de δ 1 après un certain glissement,
tement viscoplastique, tend à épouser les irrégularités de l’outil et valeur souvent inférieure à la valeur initiant le glissement. La prise
sa vitesse peut être considérée comme égale à celle de l’outil ; on en compte de cette différence est particulièrement importante lors-
est alors dans des conditions de contact (dit collant bilatéral au que la longueur de glissement du métal sur l’outil est faible (sur le
sens des codes de calcul) où v 1 = v 2 avec une bonne poinçon d’emboutissage, en laminage). Enfin, le glissement du
approximation ; c’est le cas par exemple du filage à chaud des métal en un point de l’outil δ est proportionnel au nombre N de
alliages d’aluminium ; pièces formées (forgeage, emboutissage, filage...) ou à la longueur
— le frottement de Coulomb correspond plus à un régime mixte L de produit (laminage, tréfilage), une telle formulation peut
de lubrification où la surface de contact macroscopique d’aire Aa décrire l’influence sur le frottement de l’évolution de l’outil par
est fractionnée en une multitude de microcontacts réels (figure 2b, transfert, érosion de sa rugosité, usure...
c ) d’aire totale Ar sous la pression réelle de contact pr supposée
uniforme ; si les « creux » n’ont aucune portance, on a donc :
1.3.4 Loi d’usure
p Ar p
A r = A a ------- ou S = -------- – ------- (9) L’usure des pièces de tribomètres (figure 4b ) vérifie géné-
pr Aa pr ralement la loi d’Archard : le volume perdu par une pièce δV est

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proportionnel à la force normale P et à la longueur de glissement


δ (durant le temps δt ) : 100

δh (µm)
δV = k˜ P δ (14) W = 1,35%
~ 80
où la grandeur k , homogène à l’inverse d’une contrainte, est la
vitesse d’usure dans les conditions de contact. On déduit aisément,
des relations P = pA a et δV = A a δh , que la profondeur d’usure δh 60
de l’outil en un point M de l’interface : 55NiCrMoV 6


9,1%
40
δh = k˜ p ∆v dt (15)
X32CrMoV 33
point de l ′ outil 9,45%
20
■ À partir d’observations expérimentales, nous avons proposé [8] X60CrMoV 51
[9] l’expression suivante de la vitesse d’usure : 0
0 1000 2000 3000
HV 1 N
k˜ = K F K W HV 2 f ⎛ -------------⎞
–m
(16)
⎝ HV 2 ⎠ a influence du nombre de forgeages N sur la profondeur
d'usure (lubrifiant Delta 144; θ2 = 220°C, θ1 = 1150°C)
● La valeur m exprime la dépendance de la vitesse d’usure
vis-à-vis de la dureté Vickers de l’outil HV2 ; une valeur m  2,1 à 2,5
semble décrire correctement cet effet pour divers matériaux de
8

Profondeur d'usure δh (µm)


filière de tréfilage (acier, carbure de tungstène lié cobalt, diamant) et
divers aciers de matrice de forge à chaud d’acier. 6
● La fonction f qui dépend de la dureté relative, rapport dureté de 4
la surface du métal HV1 sur dureté de l’outil HV2 , permet d’exprimer
le fait que si la surface du métal est dépourvue de phases (carbures,
alumine, oxydes...) de dureté comparable ou supérieure à celle de
2
l’outil (HV1 /HV2  1), la vitesse d’usure de l’outil est très faible. Delta 144
Nous avons montré que la fonction suivante, proposée par Magnée, Berulit 909
permet de représenter la vitesse d’usure d’outils de forge à chaud
dans diverses conditions [9] : 101
8
4,54
HV 1 HV 1
f ⎛ -------------⎞ = 1 – exp ⎛ – 0,05 ⎛ -------------⎞ ⎞ 6
(17) Sumidera
⎝ HV 2 ⎠ ⎝ ⎝ HV 2 ⎠ ⎠
4 182

avec f qui vaut environ 0,96 pour HV1 = 2,5 HV2 et qui tombe à wF 19 U
0,5 si HV1 = 1,77 HV2 et 0,05 pour HV1 = HV2 .
2
● Pour les aciers à outil, KW exprime l’effet sur l’usure des
éléments d’addition formant des carbures par l’intermédiaire du
tungstène équivalent (cf. [M 4 587]) :
0
W = ( % W ) + 2 ( % Mo ) + 4 ( % V ) + 0,5 ( % Cr ) 600 800 1000 1200
θ1 (°C)
(18)
K W = 1 + 5,1 exp ( – 0,085 W ) b influence du lubrifiant et de la température du métal filé θ1
sur l'usure d'acier X32CrMoV 3.3 (N = 300 billettes; θ2 = 220°C)
● Le facteur d’usure KF décrit de manière empirique l’influence W tungstène équivalent
des films interfaciaux et donc du lubrifiant : a priori, ce facteur
décroît lorsque l’épaisseur du film lubrifiant croît.
■ Les figures 5 offrent la possibilité d’apprécier la validité des
Lubrifiants Nature Fabricant
formules (15) à (18) qui permettent de notablement alléger la con-
ception d’essais d’usure. Sumidera 104 10% graphite + eau
Sumidera 182 Schaaff und Meurer
● La formule (15) prévoit que la profondeur d’usure est propor-
tionnelle au nombre N de pièces formées, en accord avec les résul- Delta 144 40% graphite + eau Deutsche Acheson
tats de la figure 5a ; par ailleurs, on voit sur la figure 5a que la pente Delta 31 18% GmbH
∂δh / ∂N relative à des aciers traités au même niveau de dureté Berulit 909 Eau graphitée Carl Bechem Gmbh
décroît fortement quand le tungstène équivalent W croît, en accord
semi-quantitatif avec la formule (18). wF 19 U Eau + sel Klüber lubrication
● La formule (16) permet de découpler l’effet sur l’usure du Les lubrifiants cités étaient disponibles durant la période
lubrifiant de l’effet d’autres paramètres ; la figure 5b montre que ce de cette étude publiée en 1978.
facteur peut rester sensiblement constant pour certains lubrifiants
dans un domaine étendu de température θ 1 de formage ; par contre,
on voit que le lubrifiant Delta 144 a des performances croissantes Figure 5 – Aspects expérimentaux de l’usure d’outils (HV2 450)
avec θ 1 . en filage d’acier avec faible réduction, d’après [10]

● Nous avons montré en [9] que l’introduction de la dureté


relative permet d’expliquer l’évolution de l’usure de cet acier avec
θ 1 , HV1 étant la dureté des oxydes superficiels de l’acier mis en ■ Le mode d’application d’une telle formulation est sensiblement
forme. différent selon les conditions de formage.

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● En mise en forme à froid avec des outils homogènes (sans


dépôt de films minces de haute dureté ou traitement de diffusion),
les duretés de surface de l’outil et des phases abrasives du métal
mis en forme peuvent être considérées comme constantes. La Ws (m)
profondeur d’usure s’exprime par la relation plus simple :

δh = k˜ I avec I =  p ∆v dt
(19)
point de l ′ outil

I est l’index mécanique d’usure qui dépend de la géométrie de


l’opération, du frottement et de la rhéologie du métal mis en forme.
Il est calculé automatiquement dans les logiciels FORGE2® et
FORGE3® et permet ainsi de déterminer simplement les zones de la
surface de l’outil de forte usure et d’optimiser la gamme de fabrica- 0 1
m
tion pour les réduire. L’effet d’un changement d’outil peut être prévu
par les formules (16), (17) et (18) moyennant une hypothèse sur la
valeur HV1 de la dureté des phases abrasives du métal mis en forme. Figure 6 – Évolution possible avec le coefficient de frottement de Tresca
˙
● En usinage et en formage à chaud, les duretés HV1 et HV2 m de la puissance dissipée W S ( m ) dans un écoulement de géométrie
dépendent fortement de l’histoire des températures de surface du fixée. La courbe est convexe, donc se situe en dessous de sa tangente,
métal et de l’outil θ 1 et θ 2 et l’usure doit être calculée avec la relation peut comporter des points anguleux et peut se terminer par un segment
plus complexe (15) qui doit intégrer des lois d’évolutions de ces de droite horizontal. Une telle évolution doit être observée
duretés avec l’histoire thermique spécifique des matériaux en simulation numérique, ce qui permet de tester le code de calcul
considérés. Un traitement en postprocesseur exploitant les calculs
thermomécaniques couplant outil et métal déformé a été testé avec
succès pour le forgeage à chaud des aciers avec aciers à outils Supposons pour simplifier que les conditions aux limites portent
nitrurés ou non nitrurés [9] et est en cours d’implantation dans les uniquement sur le vecteur vitesse v. On démontre qu’un champ de
logiciels FORGE2® et FORGE3®. vitesse solution vs (pas forcément unique) se situe dans l’ensemble
des champs de vitesse incompressibles et respectant les conditions
aux limites et, dans cet ensemble, minimise la puissance dissipée :
2. Règles de formulation ˙ ( v ,m ) =
W
 ˙
σ 0 ε dV +
 mk ∆v dS
du lubrifiant en fonction V S0

du procédé de mise en forme ˙ ( v ,m ) = W


˙ (m )BẆ ( v ,m )
W s s
(20)
Pour formuler correctement un lubrifiant pour une opération de
mise en forme donnée, il importe au préalable de bien connaître
les conséquences du niveau du frottement sur l’issue de l’opé- ⎧ divv = 0 (incompressibilité)

ration du point de vue faisabilité, c’est-à-dire la réponse à des ⎪
questions du type : ∀ v ⎨ ∆v · n = 0 sur S 0

— la machine de mise en forme peut-elle fournir l’énergie et la ⎪
force nécessaires ? ⎩ v vérifie les conditions aux limites
— y a-t-il risque de rupture de l’outil ? du produit ? (vitesses imposées par l′outil)
— la géométrie, les propriétés du produit en volume (résistance,
ténacité...) et en surface (rugosité) sont-elles acceptables ? La valeur de la puissance effectivement dissipée W˙ S ( m ) est la
— par quel mode d’usure et avec quelle vitesse l’outil va-t-il se
même pour tous les champs de vitesse solution. Une analyse
dégrader ?
complémentaire montre que la puissance de mise en forme aug-
Inversement, le niveau de frottement résulte des propriétés du mente avec le frottement. En outre, la courbe représentative de
lubrifiant et des conditions de contact... Nous allons donc donner ˙
d’abord des règles générales qui fournissent des éléments de l’évolution de W S ( m ) avec m est convexe (figure 6) ; sa pente
réponse à ces questions, puis les préciser procédé par procédé en décroît quand m augmente et peut éventuellement devenir nulle
nous limitant aux cas simples.
pour une certaine valeur de m : l’effet du frottement tend à
s’atténuer de plus en plus quand le frottement augmente.
2.1 Conséquences générales Dans le cas de procédés où l’écoulement est canalisé par
du frottement sur les conditions l’outillage (volume V bien défini) et la puissance est fournie par
de mise en forme une seule « force » (couple de laminage, force de tréfilage, d’éti-
rage, de filage, d’emboutissage profond...), on en conclut que la
2.1.1 Puissance et forces de mise en forme force et l’énergie de mise en forme augmentent avec le
frottement ; il est probable que ce résultat est valable pour des
Considérons la mise en forme d’un corps de volume V sous les conditions géométriques, rhéologiques ou tribologiques plus
conditions schématisées comme suit : générales ; d’un point de vue énergie et force de mise en forme, on
— le corps est rigide parfaitement plastique (RPP) ; son critère a donc intérêt à choisir un lubrifiant minimisant le frottement.
de plasticité est celui de Mises avec la contrainte d’écoulement σ0
et la cission maximale k = σ 0 ⁄ 3 ; 2.1.2 Cinématique et pression de contact
— le frottement à la surface S0 des outils est du type Tresca, de
La formule (20) montre que l’écoulement va s’effectuer en
coefficient m . réalisant un optimum entre puissance dissipée par déformation

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plastique et puissance dissipée par frottement. On peut prévoir a


priori qu’une augmentation du coefficient de frottement va Section
déplacer cet optimum dans le sens d’une augmentation de la puis- 1155 B-B
sance dissipée par déformation plastique et réduction globale de la
vitesse de glissement du métal sur l’outil. B

Les conséquences pratiques en sont très importantes, car le


frottement et la géométrie du produit vont en fait fortement B
conditionner le champ de vitesse et de déformation du produit et
ceci de deux façons.
1168 Section
La plupart des opérations de mise en forme comporte une C-C
C
direction privilégiée L qui est soit la direction d’entraînement ou L
d’évacuation du métal (laminage, filage, étirage...), soit la direction N
de déplacement des outils (usinage, forgeage, emboutissage) ; C
l’ordre de grandeur de la composante de la vitesse du métal vL
dans cette direction est imposée par les outils. Supposons que le L T
volume V où le métal s’écoule s’inscrit dans un parallélépipède
rectangle de côtés  L (dans la direction L ),  T et  N tels que :
N cotes en mm
 T   L ,  N

Alors, le frottement rendra négligeable la composante vT (dans Figure 7 – État de déformation plane du métal imposé
par le frottement dans la mise en forme de pièces allongées
la direction travers long), dans la plus grande partie de l’écou-
lement v T  v L et la déformation est du type plan : (plan LN )
(figure 7), par contre les extrémités seront le siège d’un écoule-
ment tridimensionnel beaucoup plus complexe pour une analyse
quantitative de cet effet en forgeage. -vN

■ Pour préciser l’effet de la géométrie et du frottement sur vL et vN , m y


considérons le cas simple de l’écrasement plan entre tas plats d’une
barre d’aplatissement A = a /h (avec a la demi-largeur de la barre et
h sa demi-hauteur) sous le frottement de Tresca m (figure 8). Deux 2h
champs de vitesse peuvent schématiquement décrire le processus x
de déformation plastique.
● Le premier, dit en croisillon, où la section de la barre est sépa- 2a
rée en quatre triangles par les deux diagonales, animés chacun
d’une vitesse uniforme : vN
m
— blocs adjacents à l’outil :
1
vx = 0 vy = ± v N
Collant
— dans les deux autres blocs :
Glissant
v x = ± Av N vy = 0

Ce champ de vitesse discontinu décrit un écoulement par 0,5


cisaillement interne sans glissement du métal sur l’outil de puis-
sance (pour une longueur unité de barre) indépendante de m :
˙ = 4 av k ( A + 1/A )
W N

● Le second dit de déformation uniforme où v varie linéairement 0


avec les coordonnées du point considéré : 0 1 2 3 3,4 4 A = a/h

vx = vN x /h
Figure 8 – Influence de la géométrie et du frottement
vy = – vN y /h
sur le mode d’écoulement du métal en écrasement plan
Ce champ décrit un écoulement où le métal glisse sur l’outil avec
une vitesse croissant du centre aux bords ; sa puissance croît
linéairement avec m : ■ Dans tous les cas, on peut estimer la force de forgeage par la
formule :
˙ = 8a v k ( 1 + m A /4 )
W N
F = W˙ / ( 2v )
N
■ La figure 8 fournit dans le plan (A, m ) le domaine où chacun de
ces champs dissipe moins d’énergie que l’autre : Ces conclusions sur la cinématique du contact s’appliquent aussi
au laminage de tôles, opération de grande similitude mécanique
— le champ sans glissement se situe aux faibles aplatissements
(cf. § 2.3.2). Bien qu’élémentaire, cette analyse fournit des résultats
A 1;
très proches de ceux d’une analyse plus exacte.
— le champ avec glissements aux forts aplatissements A  3,41 ;
— dans le domaine 1  A  3,41, une augmentation de frot- D’un point de vue pratique, on constate que la formation de
tement transforme l’écoulement glissant, de puissance croissante films de transfert sur l’outil ou son usure par abrasion sont
avec m , en écoulement « collant » de puissance constante. fonction croissante du glissement du métal sur l’outil (cf. § 1.3.3).

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— λ 1 , ρ 1 , cp 1 , a 1 = λ 1 /(ρ 1 c p1), b 1 = λ 1 ρ 1 c p1 respectivement


τ
β -p la conductivité thermique, masse volumique, capacité thermique
massique, diffusivité et effusivité thermique du métal ;
— λ 2 , ρ 2 , cp 2 , a 2 , b 2 les grandeurs analogues relatives à l’outil.
L Un élément de surface du métal est soumis, lors de la mise en
forme, à une vitesse de glissement ∆v durant le temps tp . Si θ 1 est
-σ dx σ + dσ la température initiale du métal, il se retrouve à l’interface à la
2h
x
2 (h + dh) température moyenne θ s , en l’absence de films interfaciaux de
forte épaisseur [11] :

f σ0 ε tp
θ s = θ 1 + ------------------ + 0,8 ------------
-
b 1 ( m k ∆v – φ 2 ) (22)
ρ 1 c p1

τ -p avec f = 1 en usinage et f = 0,5 pour les procédés sans enlèvement


de matière.
Figure 9 – Forces appliquées à une tranche de métal Le dernier terme représente l’échauffement moyen dû à l’énergie
dans la zone de déformation plastique dissipée par frottement limité par φ 2 , flux de chaleur absorbé par
l’outil en contact sur une longueur de l’ordre de  ; le précédent
l’échauffement moyen dû à l’énergie de déformation plastique. Soit
θ 2 la température de l’outil et e une longueur caractéristique de la
Lubrifier une opération de forgeage ou de laminage peut ainsi conduction thermique dans l’outil, on peut écrire φ 2 sous la forme :
transformer un écoulement de type collant en un écoulement de
type glissant avec augmentation de l’usure par abrasion de l’outil θ s – θ2
φ 2 = 4 λ 2 ⎛⎝ -------------------⎞⎠ (23)
ou formation de films de transfert sur l’outil. e
■ Considérons pour terminer la mise en forme de pièces allongées Le report de (23) dans (22) fournit aussitôt :
et plates dans la direction L telles que  T   I   N , soit
A =  L / N 1 ; l’analyse précédente montre que l’écoulement du
λ2 tp f σ0 ε m k ∆v t p
métal se fait dans le plan LN avec glissement le long de l’outil ; θ 1 + 3,2 ------------------ θ 2 + ----------------- - + 0,8 --------------------------------
l’analyse par tranches permet alors de préciser l’influence du frot- b1 e ρ 1 c p1 b1
tement sur l’état de contrainte dans la zone de déformation pour θs ≈ ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- (24)
une tranche d’épaisseur dx petite, l’écriture de la nullité de la ⎛ λ2 tp ⎞
⎜ 1 + 3,2 --------------------⎟
composante selon 0x de la résultante des forces appliquées ⎝ b1 e ⎠
(figure 9) fournit la relation :
Si le frottement conditionne peu ∆v (cf. § 2.1.2), on remarque
dx
2 ( h + dh ) ( σ + d σ ) – 2h σ – 2 ( p sin β ± τ cos β ) ---------------- = 0 déjà que la température d’interface est fonction croissante du frot-
cos β tement ; en examinant chaque cas, on voit aisément que la tempé-
rature d’interface est fonction croissante de la déformation
où le signe devant τ est le signe de la composante de ∆v selon 0x. imposée ε et de la vitesse moyenne des outillages dans le domaine
Comme dh = – tan β dx, on en déduit : des conditions industrielles.
h d σ + (σ + p ) dh ± τ dx = 0 Le terme au dénominateur traduit la réduction de température
due à l’extraction de chaleur le long de l’interface par l’outil. En
Si l’angle β est petit et le frottement modéré, le critère de plasti- effet, si un point de l’outil est en contact durant le temps tc , la pro-
cité s’écrit en première approximation σ + p = 2 k. D’où :
fondeur de pénétration thermique est de l’ordre de 12a 2 t c [11],
dh dx On prend donc :
dp = 2k --------- ± ---------
h h
(21) e = min ( 2 ; 12a 2 t c ) (25)
σ = 2k – p
pour décrire simplement et continûment les phénomènes entre les
■ On en conclut en particulier que la pression de contact p et la deux cas limites décrits ci-dessous :
contrainte axiale σ subissent des variations de l’ordre de Aτ donc
d’autant plus importantes que le frottement et l’aplatissement de la — contact quasi permanent outil-métal (tréfilage, tournage,
zone de déformation sont plus élevés. perçage) t c  t p donc e = 2 et dans le cas simple du tréfilage,
par exemple, θ 2 représente la température du fluide refroidissant la
2.1.3 Température d’interface filière et  la longueur de l’interface fil-filière. On a t p ≈  /v ,

Nous allons donner ici des règles simples pour estimer la tem- ∆v ≈ v vitesse de tréfilage ; pour des vitesses croissantes θ s croit
pérature d’interface. Le lecteur trouvera dans les dossiers [M 3 012] doublement puisque θs a la forme :
et [M 3 013] des analyses plus fines relatives à divers procédés.
Pour formuler correctement le lubrifiant, il importe en effet de con- θ s = ( α + β m v ) ⁄ ( 1 + γ  /v )
naître ses conditions thermiques de travail et comment, lorsqu’il
est utilisé comme fluide de refroidissement, il peut limiter la tem- avec α, β et γ grandeurs non explicitées ;
pérature de travail des outils. — contact périodique (laminage, forgeage, emboutissage), on a
On considère la mise en forme d’un corps RPP répondant au alors :
critère de Mises sous un frottement de Tresca ; la déformation
subie par le métal est de l’ordre de ε. Soient : t c  t p ; e = 12a 2 t c et ( 3,2 λ 2 tp  ( b1 e ) ≈ b 2 /b 1 )

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C’est le cas où l’outil limite au maximum l’échauffement de 2.2 Frottement résistant


l’interface.
Enfin, il existe des cas de contact périodique (fraisage, filage) où 2.2.1 Tréfilage, étirage et filage
tc est notablement supérieur à tp . Ce sont les cas les plus
complexes où il faut analyser plus finement et localement le Dans toutes ces opérations, le frottement n’a qu’un rôle parasite
problème. et sa minimisation ne présente que des avantages (figure 10) :
— en tréfilage ou étirage, la contrainte σ e augmente avec le
Dans tous les cas de contact périodique, la température θ 2
frottement et ne peut dépasser σ 0 sous peine de rupture par
représente la température de surface de l’outil avant chaque mise
striction du produit formé ; toute diminution de frottement permet
en forme et résulte d’un bilan entre la quantité de chaleur fournie
donc d’augmenter la réduction imposée ;
par le métal sur la surface de contact avec le métal S c durant le
— en filage, la contrainte de filage σ f croît fortement avec la
temps T c et la quantité de chaleur évacuée par conduction ou
cission de frottement τ c de la billette sur le conteneur ; un frot-
convection par le milieu environnant l’outil sur une surface S e
tement élevé induit des déformations marquées de la billette très
durant le temps T e où le flux peut s’écrire schématiquement :
en amont de la filière ; par ailleurs, en filière plate, l’écoulement
Φ e ≈ h (θ 2 – θ e ) (26) comporte une zone morte le long de la filière et le cisaillement
intense du métal, qui s’écoule sur la zone morte, peut induire des
avec h coefficient de transfert, défauts superficiels (criques, arrachements) si le métal mis en
forme manque de ductilité. Comme l’étendue de cette zone morte
θe température de l’environnement (≈ 20 oC), pour le lami- est fonction croissante du frottement conteneur-billette, la sup-
nage, le refroidissement est continu et T c = T e . pression de ces défauts par élimination de la zone morte nécessite
Dans le cas général, on a le bilan : d’adoucir (d’incliner) d’autant plus le profil de la filière que τ c est
plus élevé : le coût outillage en est d’autant plus augmenté.
Φ2 Sc Tc = Φe Se Te Signalons enfin que, en filage à chaud des profilés de fine
épaisseur en alliage d’aluminium, le frottement dans les zones cali-
soit, compte tenu de (23) et (26) :
brantes cylindriques, dites portées de filières, a une influence con-
sidérable [M 3 146] [M 3 147] Conception des filières de filage
θ s – θe d’aluminium ; il augmente la pression de filage (rôle résistant),
θ 2 = θ e + ---------------------------------------------
- (27)
eh S e T e ⎞ mais il conditionne aussi la répartition de vitesse finale dans le
⎛ 1 + ---------- - --------------- produit et peut ainsi provoquer la formation de défauts d’origine
⎝ 4 λ2 Sc Tc ⎠
cinématique : ondulations, vrillages, différences de longueurs entre
écoulements. On raccourcit donc la hauteur des portées des parties
Les équations (24), (25) et (27) permettent d’estimer les deux trop « freinées » pour supprimer ces défauts ; le frottement a un
températures significatives pour le lubrifiant : rôle analogue en forgeage (§ 2.2.4).
— θ 2 qui conditionne l’alimentation de l’interface en lubrifiant ;
— θ s qui conditionne son évolution le long de l’interface. 2.2.2 Emboutissage
Pour l’opération simple d’emboutissage profond (figure 11a), le
Exemple de calcul de température d’interface frottement du flan, sur le serre-flan (qui assure la planéité de la
On considère la frappe à froid à grande cadence (300 pièces/min) de tôle) et la filière, est parasite et la contrainte axiale de traction,
pièces en acier avec un outillage en acier. Il s’agit d’opérations dans l’épaisseur de la tôle au niveau de la filière, en est fonction
périodiques : à chaque frappe, de durée T e = 0,2 s, on impose au métal croissante : un frottement sur le serre-flan excessif va provoquer la
de contrainte d’écoulement σ 0 = 500 MPa, une déformation ε = 0,5 et rupture du flan par striction : on a donc tout intérêt à minimiser le
une vitesse de glissement moyenne ∆v = 0,2 m/s durant le temps frottement tôle-filière-serre-flan. Les opérations plus complexes
t p ≈ t c ≈ T c = 0,1 s. Supposons S e = 10 S c et θ e ≈ θ 1 = 20 oC. Métal (figure 11b, c) mettent en compétition divers modes de défor-
et outil sont en acier, donc : mation de la tôle et l’influence du frottement sur le succès de l’opé-
ration est plus complexe. Comme le long du serre-flan, on peut
λ 2 = 46 W · m–1 · K–1 a 2 = 13 mm2/s ρ 1c p1 = 3,6 MPa · K–1 régler les compétitions d’écoulement entre partie en rétreint et
b 1 = b 2 = 1,3 × 104 J · m2 · s–1/2 · K–1. partie en simple glissement en introduisant des joncs de retenue
Les relations (24), (25) et (27) fournissent : (figure 11b, c ), on a intérêt à diminuer le frottement sous le
serre-flan pour faciliter la venue des zones en rétreint et augmenter
1 le frottement sous le poinçon pour y limiter l’amincissement de la
⎧ θ s = ------ ( θ 2 + 53 + 561m ) tôle (et les risques de rupture) lors de son cintrage par expansion.
⎪ 2
⎪ Nous reviendrons dans le dossier consacré aux régimes de lubri-
⎨ e = 3,9 mm fication sur les moyens permettant de réaliser cet objectif. Souli-
⎪ gnons simplement que les conditions de contact de la tôle sur les
⎪ θ = 20 + (θ – 20 ) / ( 1 + 4 × 10 – 4 h )
⎩ 2 s outils sont très particulières et se caractérisent par des vitesses de
glissement et des pressions de contact modérées (figure 11d ).
• 1er cas :
— lubrifiant moyen : m = 0,2 ; 2.2.3 Usinage
— refroidissement plus ou moins naturel (convection) :
Pour une opération simple de coupe orthogonale, l’analyse simple
h = 103 W · m–2 · K–1 de Lee et Schaffer montre que la force de coupe, l’épaisseur du
θ 2 = 100 oC ; θ s = 133 oC copeau et la longueur de contact copeau-outil sont toutes trois fonc-
tion croissante du frottement (figure 12). En outre, une forte adhé-
• 2e cas :
sion copeau-outil va provoquer, à vitesse modérée, la formation
— bon lubrifiant : m = 0,1 ; d’une arête rapportée ou zone morte sur l’outil entraînant une aug-
— refroidissement amélioré par projection d’eau : mentation de la rugosité de la surface usinée et, à forte vitesse, un
échauffement considérable de l’outil entraînant sa dégradation
h = 104 W · m–2 · K–1
rapide. La minimisation du frottement copeau-outil est donc très
o
θ 2 = 30 oC θ s = 70 C souhaitable, mais particulièrement difficile.

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p σ

σ0 τ σ1

~
σ0 (a + b In λ)
0
x

σ 0
x
L h
τ

τc
Zone morte

τp
0 R
x
σf Filière plate
2r

p
τc
α

σe ~
λ = (R /r )2
2R σ 2r ~
(λ > 4)
~
σf = σ0 (a + b In λ) + 2 τc L /R + 2 τp h/r
[pour τc = 0 ; a = 1,1 ; b = 1,27 ; pour τc = k ; a = 0,37; b = 1,36]

p σf contrainte de filage
τc cission de frottement du conteneur
τp cission de frottement de la portée
On a indiqué l'évolution avec τc du profil de la filière
σe contrainte d'étirage apte à supprimer la zone morte, les défauts associés,
~
σe ≈ In λ [σ0 + τ cotan α] et à assurer une lubrification de la filière.

a tréfilage b filage avant avec filière plate

Figure 10 – Influence du frottement sur la contrainte de filage et de tréfilage axisymétrique

2.2.4 Forgeage des matrices. Ainsi la hauteur de rémontée par filage axial d’une
nervure (figure 13c ) peut se déduire en première approximation,
En forgeage de produits plats, la pression de contact croît de de l’équation suivante :
manière marquée des bords au centre du produit selon le
mécanisme décrit au paragraphe 2.1.2 ; cette colline de frottement 2
 r′ L
prend des proportions considérables en forgeage à chaud de pro- σ b = τ b ------- = σ 0 ln ⎛⎝ -----⎞⎠ + 2 τ n ------ (28)
h r r
duits très plats comme les aubes de turbomachine (figure 13a ) et
la maîtrise des dimensions finales du produit nécessite la prise en La remontée de matière dans la nervure sera d’autant plus
compte de la déformation élastique des matrices. La minimisation rapide que la cission τ b le long de la bavure est plus élevée et que
du frottement est alors hautement souhaitable. la cission τ n le long de la nervure est plus faible.
La situation est plus nuancée dans le cas de formes plus
complexes :
— dans certaines géométries de filage mixte, par exemple 2.3 Frottement moteur et résistant
avant-arrière (figure 13b ), la répartition du métal entre l’avant et
l’arrière dépend des frottements de la billette sous le poinçon, le 2.3.1 Étirage sur mandrin
long de la filière et du conteneur. Ainsi, une diminution du frot-
tement sous le poinçon favorise la remontée du métal le long du Le mandrin entraîne le godet dans la filière par l’intermédiaire de
poinçon [cas (1) figure 13b] ; la cission de frottement τ m qui est motrice ; par contre, la cission
— le frottement du métal sur le cordon de bavure introduit une de frottement τ f le long de la filière est résistante (figure 14). On en
contre-pression σ b qui facilite la remontée du métal dans les creux conclut, par un raisonnement esquissé sur la figure et analogue à

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Jonc Serre-flan 
Poinçon
Poin on
Fc force de coupe

Matrice
s Fc  épaisseur du copeau
Y s avance
Y longueur du contact
a emboutissage profond b compétition expansion-rétreint
ou rétreint pur
a géométrie de l'opération
Rétreint
Jonc de
retenue Fc
1 m
wks 4
Glissement 0,87
Fs
0,5

Serre-flan 2
Flexion 0

0
Poinçon 0 15 30 45
Tôle d'acier α (°)
k cission maximale du métal usiné
w largeur du copeau
Fs Force avec laquelle le serre flanc est appuyé
appuyé sur la matrice
b force de coupe
c les divers modes de déformation des pièces industrielles

 4
1 m
s 0,87
Sous le serre-flan Au nez du poinçon
Pression de jusqu'à 30 à 40 < 10 2 0,5
contact (MPa)
Vitesse de 0
0,2 à 0,4 < 10-3
glissement (m/s) 0
Longueur de 0 15 30 45
glissement (m) 0,05 à 0,15 très faible α (°)
c épaisseur du copeau

Y 4
d conditions de contact
s 1 m
0,87
Figure 11 – Emboutissage des tôles 2
0,5

celui du paragraphe 2.1.2, que la contrainte σ e est fonction crois- 0


sante de τ f et fonction décroissante de τ m : la réduction par passe 0
0 15 30 45
sans rupture du produit augmente par diminution de τ f et augmen- α (°)
tation de τ m . Bien évidemment, il faut que la modification des d longueur de contact
conditions de contact le long du mandrin, qui permet d’augmenter
τ m , ne compromette pas le succès de l’extraction du godet du
mandrin après l’opération, donc n’entraîne pas une adhésion trop Figure 12 – Influence du coefficient de frottement m
forte du godet sur le mandrin. et de l’angle de coupe α sur une coupe orthogonale
selon le modèle de Lee et Schaffer

2.3.2 Laminage de tôles


L’entraînement d’une tôle dans la cage de laminage est assuré
par le frottement (figure 15a ). On voit ainsi aisément que l’enga- L’analyse cinématique du paragraphe 2.1.2 relative au forgeage
gement ne peut se produire que si : se transpose sans difficulté au cas du laminage et fournit le dia-
gramme de fonctionnement donné sur la figure 16.
τ > p tan α soit µ > tan α et m > 2 tan α (29)
À faible aplatissement A, il y a non-glissement ou contact
La condition de non-patinage du produit engagé est moins statique (∆v = 0) sur tout l’arc de contact où le métal a la vitesse
contraignante et correspond à une valeur critique de µ ou m périphérique des cylindres ; la cission de contact est celle fournie
moitié environ des valeurs précédentes (cf. figure 16). Il n’en reste par la condition de non-patinage ; force, couple et contraintes
pas moins la nécessité de maintenir un niveau minimal de frotte- d’interface ne dépendent que de la géométrie de l’opération ; les
ment. cylindres se dégradent par fatigue ou adhésion-rupture.

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p F e0
σ0
15
Godet

Cas pratique Mandrin


10 (m ≈ 1) τt
τm

5 Filière
e
Cas parfaitement lubrifié
(m = 0) σe
0

Pièce e0 épaisseur initiale e épaisseur finale

a profil de la pression de contact pour le forgeage Figure 14 – Les deux types de frottement en étirage
à chaud d'une aube de turbomachine sur mandrin (repassage) de godets

Cylindre
-p ≈ -2 k

α
τ Produit

Cylindre
cas (1) cas (2)
a entraînement du produit

b compétition d'écoulement en filage mixte avant-arrière


p
τ
1
Bien lubrifié r 2k 2

Sec C T
τn
3

Nervure 0 x
L
2
τb Cordon v2
de bavure 3
h 1
C T
σb v1
 r'

τn cission de frottement au niveau de la nervure


v2
τb cission de frottement au niveau de la bavure
b influence de τ et des tractions T et contretractions C
c défaut de remplissage d'un pièce nervurée sur la vitesse de la tôle

Figure 13 – Influence du frottement en forgeage Figure 15 – Influence du frottement en laminage

À aplatissement élevé, la zone de non-glissement ou neutre À aplatissement élevé et frottement modéré, les formules (21)
n’occupe plus qu’une fraction de l’aire de contact, voire se réduit à permettent d’analyser l’opération et mettent en évidence
une ligne : en amont, la tôle dont la vitesse est inférieure à celle l’influence du frottement, des tractions et contretractions sur la
des cylindres est entraînée dans l’emprise par la cission (motrice). vitesse de la tôle (figure 15b ) : la vitesse de la tôle augmente avec
En aval, la tôle va plus vite que les cylindres et la cission de frot- une augmentation du frottement et de la traction T et une dimi-
tement y est résistante. Force, couple, vitesse de la tôle et intensité nution de la contretraction C. Ces conclusions montrent que le frot-
des contraintes de contact sont fonctions croissantes du tement conditionne fortement les conditions de laminage sur train
frottement ; le glissement du métal induit une usure par abrasion tandem où la tôle est simultanément en déformation sur plusieurs
des cylindres. cages : la diminution de vitesse de la tôle induite par une dimi-

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∆v = 0
1,0
A = 2  / (H1 + H2) r r
Abrasion
H1 = 20 mm moyenne
R = 250 mm Fatigue

r > 60%
r < 5%

R 0,5 Abrasion Limite ∆v ≠ 0


élevée d'engagement


H1 H2
r
r
∆v = 0
Patinage
0
∆v = 0
0 1 2 3 4 A
10 20 30 r (%)

Figure 16 – Influence du coefficient de frottement m et de la réduction r sur le mode d’écoulement de la tôle et les modes d’usure des cylindres
de laminage

nution brutale du frottement sur une cage peut être compensée par Dans ce domaine, une analyse simple basée sur la formule (15)
le développement selon une mécanique assez complexe de fournit une estimation de la diminution de rayon des cylindres du
traction et contretraction entre les cages dans les limites de résis- fait de leur usure par abrasion [2] :
tance de la tôle ; en pratique, le contrôle en continu par ordinateur 3⁄2
de la vitesse des cylindres permet de limiter les risques d’incidents A ( H1 – H2 )
(rupture de la tôle par traction excessive, formation de boucles par δR ≈ 0,057k˙ σ 0 ⎛⎝ 1 + m 4 ⎞⎠
--------------------------------
H2 R 1 ⁄ 2
-L (30)
déficit d’entraînement). Il n’en demeure pas moins souhaitable
d’imposer, sur l’ensemble des cages, un frottement aussi stable avec L longueur de la tôle laminée (cf. figure 16 pour définition
que possible et supérieur au niveau minimal d’entraînement de A, H 1 , H 2).
(Cf. Laminage. Objectifs et modélisation et Laminage. Analyse ther- Cette formule (30) montre que l’usure augmente fortement et de
momécanique et applications]. manière non linéaire avec la réduction imposée.

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