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ARCHITECTURE DES
CARRIÈRES
Entre métamorphoses et dormance
n0 4 : Nature.s
n0 5 : Espace.s
Cahier n0 1
Remerciements
Ce travail n’aurait pas été possible sans les critiques de Luca Ortelli, Christian Gilot, Alexandre Buttler
et Stefano Zerbi que je remercie chaleureusement. Je remercie aussi Grégoire Testaz pour les précieuses
informations sur la géologie, Marion Beetschen pour son aide à l’élaboration de ce travail, ainsi que mes
amis et collègues d’études pour leur soutien.
Table des matières
Un regard 7
Carrière.s 12
Problématique 13
Archétypes 24
Une « collecte des origines » 24
Extraction: architecture d’un espace soustrait 26
Notes 34
Bibliographie 36
Un regard
Durant toute l’élaboration de ce travail, je suis allé à la recherche de ce
qui était n’était encore pour moi qu’une présence vague et fuyante, à la fois
sous des principes théoriques et sous les apparences d’un monde trop concret,
trop « plein de matière ». C’est donc en parcourant les carrières à la recherche
d’une lecture intermédiaire, portée sur l’un des « usage du monde »1 que sont
les carrières, que ce travail s’est orienté et structuré. Aux travers de nombreux
parcours, errances parfois, dans un territoire aux contours alors incertains, c’est
tenter d’observer simplement, de poser un regard sur l’architecture et la carrière
comme « la manifestation sensible du milieu, la réalité spatiale vue et ressentie,
[qui] naît lentement et péniblement de la réalité naturelle et géographique »2.
Carrières de la Molière.
7
Pierres, blocs, poussières
Partout les immenses façades
d’une Architecture
en devenir Disparaît
dans la végétation
La pierre Encore
tout autour
12 13
Éléments premiers pour une architecture
des carrières
« On ne trouve pas l’espace, il faut toujours le construire »
Gaston Bachelard10
Poser la question d’une architecture des carrières, c’est poser la question d’une
définition, et donc des limites, à la fois de la discipline qu’est l’architecture et
de son rôle dans le monde contemporain, mais aussi des limites physiques
et théoriques de l’architecture elle-même. Comment aborder un thème aussi
vaste, dans un travail si limité, à la fois dans le temps et l’espace, sans tomber
dans les banalités, les évidences, les dogmatismes ou encore les généralités de
définitions exclusives, qui anéantiraient la présence physique et l’expérience de
l’œuvre architecturale ?
Le texte qui suit se propose d’explorer une architecture au travers de cette
matière qui lui donne corps, que ce soit dans la réalisation du projet ou déjà
au travers du papier et de l’ordinateur lors de l’élaboration de ce dernier. Un
questionnement donc sur les éléments d’une architecture des carrières, non pas
celle qui se construit à partir de cette dernière ou celle qui pourrait y prendre
place, mais bien l’architecture produite par l’extraction de la matière même.
14 15
Pierre, matière et forme
La pierre est peut-être la première raison d’être de la carrière. Elle y est
omniprésente, écrasante, étouffante d’une poussière épaisse, portant les traces
d’un long dialogue entre une matière, difficilement gagnée sur la nature, et la
mise en forme des blocs, émergent lentement sous les outils des carriers. Entre
matière et forme, il y a donc une forme d’émergence, que clarifie Aristote à
travers une métaphore : un sculpteur dispose d’un bloc de marbre ; tant qu’il
ne l’a pas attaqué de ses ciseaux avec la volonté d’y inscrire une forme, le bloc
contient encore toutes les formes possibles d’un bloc de marbre. Il y a donc
d’une part le bloc de marbre prêt à contenir un grand nombre de formes, mais
pas toutes car sa matière ne les supporte pas toutes, et d’autre part la volonté du
sculpteur à vouloir inscrire une forme particulière, avec des outils particuliers.
La sculpture, une fois réalisée, se trouvera ainsi comme la détermination d’un
des possibles, articulé entre les possibles de la matière et la détermination de
la forme11.
La pierre de la carrière peut être ainsi définie comme l’émergence d’un
ensemble de possibles, desquels il faudra par la suite déterminer une forme ;
la carrière, quant à elle, peut être définie comme le lieu d’un premier passage,
d’une première détermination.
L’esclave des jardins Boboli, «Atlas», sculpture sur marbre de Michel Ange, 1519.
Source: La Sculpture - De la Renaissance au XXe siècle, Taschen, Paris, 1996.
16 17
Lignes, surfaces et volumes
De ce dialogue entre matière et forme se dessine, au sein de la carrière, de
nombreuses lignes et surfaces ainsi que de nombreux volumes. Lignes, surfaces
et volumes décrivent un système de falaises et de terrasses, affirmant la verticale
et l’horizontale dans une nouvelle géométrie. Prises dans leur ensemble, elles
définissent les dos des blocs arrachés à la masse rocheuse, en une composition
qui semble hésiter à laisser sa forme à la matière, et donner sa matière à la forme.
En les parcourant, on peut y lire, comme sur des esquisses, les gestes sûrs et
si longtemps répétés par les mains et le corps des carriers pour s’approprier la
matière, tout comme la résistance de cette dernière. Lignes, surfaces et volumes
constituent ainsi un ensemble permettant de saisir un premier rapport entre
le plein et le vide, entre le dedans et le dehors, prémisses à la définition d’un
espace. La carrière se détache ainsi des continuités environnantes pour établir
un lieu particulier dans des rapports qui lui son propres.
18 19
« Espace architectonique »
L’extraction de matériaux laisse un espace en creux, contenu dans un territoire
et une matière constellés de traces, qui sont autant de lignes, de surfaces et de
volumes distincts de leur environnement. L’espace de la carrière est ainsi tenu
entre les découpes pratiquées dans une matière qui n’avait jusqu’ici pas de
forme architecturale particulière. Si la matière extraite constitue les blocs et
donc les possibles d’une architecture à venir, la matière restante définit, elle,
l’espace de la carrière. En d’autres termes, l’espace de la carrière est constitué
de l’espace laissé entre ce qui, ailleurs, a pris forme et l’espace laissé entre ce qui
attend d’être extrait. En ce sens, l’espace de la carrière est le lieu d’articulations,
de passages de la matière et de l’espace d’un état à un autre, décrivant de
constantes métamorphoses.
Mais si cette observation permet d’établir un lien entre la matière, la forme
et l’espace, elle ne clarifie par encore en quoi cet espace est différent de l’espace
environnant et en quoi il se rapprocherait d’un espace en architecture.
Dom Hans Van Der Laan, architecte hollandais, traduit cette préoccupation
par la définition de ce qu’il appelle « l’espace architectonique »12. Définissant
deux conditions d’espace préalable, « celui horizontalement orienté de
notre expérience, et celui verticalement orienté de la Nature », il définit le
commencement de l’architecture « au moment où nous plaçons des murs «Espace architectonique».
verticaux sur la surface horizontale de la terre »13. Si l’architecture commence par
le mur, l’espace architectonique, « pour se différencier de l’espace environnant,
a besoin de deux murs, placés de telle sorte à ce qu’un nouvel espace soit défini
entre eux »14. Cet espace, formé par deux murs, n’est pas pour autant retranché
de l’espace immense et ouvert de la nature, mais vient s’y superposer, établissant
ainsi une relation intérieur-extérieur telle que « l’un et l’autre [des espaces
peuvent, dans une contraposition,] s’agrandir et se compléter tout en formant
en même temps un tout »15.
20 21
Architecture
À la lumière de cette définition, la carrière établit, par les éléments premiers
décrits ci-dessus, un système de plans définissant un espace. Cet espace revêt
cependant un caractère particulier : les plans qui le définissent ne sont pas
véritablement construits, au sens où il ne s’agit pas d’une addition d’éléments,
mais de parties coupées dans une masse plus grande. Si les murs décrits ci-dessus
par Van der Laan sont construits, ayant deux faces définissant et reliant deux
espaces, les plans de la carrière n’ont, quant à eux, qu’une seule face articulant,
dans un rapport d’asymétrie, la matière d’un côté et l’espace de l’autre. Ces
murs, à la fois aussi profonds que les montagnes et aussi fins que leur surface
marquée par l’extraction, appartiennent à la fois à la matière et à l’espace qu’ils
définissent. Leur structure évoque ainsi un langage de l’extraction, en miroir de
l’espace architectonique.
La carrière peut donc être définie comme une architecture particulière en ce
sens que, par un système de lignes, de surfaces et de volume laissés dans la matière
par l’extraction et qui constituent un système spatial, elle évoque l’architecture
qui sera par la suite construite avec les matériaux extraits. C’est donc d’une part
l’appropriation de la matière et d’autre part la capacité d’évocation d’un espace
architectonique qui caractérisent l’architecture des carrières.
non plus sous la ville, mais au coeur du processus urbain. L’espace de la carrière
devient une partie importante de l’espace de la ville, en parallèle duquel vont
se construire bâtiments publics et infrastructures avec les matériaux excavés22.
À Lalibela aussi bien qu’à Petra, les ordres de l’architecture classique sont
directement sculptés dans la masse rocheuse qui met en abîme un processus de
construction pétrifié dans la pierre.
Syracuse illustre peut-être mieux que tout autre, avec ses gigantesques carrières
exploitées au cœur de la ville pendant plus de 2000 ans, ce rapport complexe
entre ville et carrière. À la fois souterraines et à ciel ouvert, les carrières de
Syracuse, appelées les Latomies, furent utilisées aussi bien en tant que prison et
carrière, que couvent, terrains agricoles, jardins ou encore décharges, décrivant
un organisme urbain tout à fait singulier, à la fois structurant et structuré au
cours du temps par le tissu urbain de Syracuse21.
Certaines villes, parmi lesquelles Petra en Jordanie ou Lalibela en Éthiopie, Carrière de Cusa, Sélinonte, Sicile.
se sont établies dans les masses rocheuses mêmes, plaçant cette fois l’excavation, Source: Phillipson, David, Ancient Churches of Ethiopia, Yale University Press, Yale, 2009, p. 151.
28 29
La recherche de matériaux de meilleure qualité a parfois concouru, Les carrières de Carrare, situées dans les Alpes apuanes, exploitant des
parallèlement à l’extraction et l’utilisation de la carrière comme fondation, gisements de marbre apparemment sans limites et d’une qualité réputée
à la l’ouverture de carrière indépendante du lieux d’édification. Désormais extraordinaire, sont sans doute l’une des manifestations les plus complexes
uniquement dédiées à l’extraction de pierre, les carrières deviennent des espaces de cette articulation entre la carrière et son contexte particulier. Exploitées
à part entière, où se développeront des méthodes et techniques d’extraction de façon continue depuis presque 2000 ans, les carrières de Carrare se sont
spécifiques. L’architecture des carrières suit dès lors ses propres règles entre : développées en une architecture des carrières sans précédent jusqu’au 20e
la matière, la technique et les éléments d’architecture à extraire. Parallèlement, siècle. Autant par leur taille que les multiples variations de leur morphologie,
l’architecture est libérée des contraintes liées à l’emploi des matériaux locaux. elles articulent un espace entre la géologie et la géométrie des parois verticales
Cette autonomie de la carrière, et d’une certaine manière de l’architecture aussi, et des terrasses, formant gradins, tunnels, galeries et chambres souterraines.
a pour corollaire la construction d’une distance qui demande d’importantes L’exploitation en blocs souvent de grandes dimensions, qui étaient jusqu’au
infrastructures autant politiques, économiques, et technologiques, que de début du 20e siècle transportés par des luges en bois et des chars jusqu’au port,
transport23. à structurer un ensemble de terrasses reliées par des rampes.
En tant qu’objet autonome, la carrière peut se spécialiser dans la fabrication Si l’extraction de « blocs » de marbre caractérise les carrières de Carrare,
d’un ou plusieurs matériaux, sous forme de pierres de construction, voire d’éléments certaines carrières se caractérisent par l’extraction d’autres formes, comme des
d’architecture. Chaque carrière ainsi « spécialisée » développera une forme, une meules, des bornes ou alors des colonnes. La carrière de Cusa, à Sélinonte en
structure ainsi qu’un espace particulier, évoluant dans le temps, et qui sont Sicile, a extrait d’immenses tambours pour les colonnes des temples et villes
liés à la fois à la nature pétrographique de la roche, à la morphologie naturelle antiques de Sélinonte et Syracuse. Les tambours, creusés à la verticale sur une
préalable au site d’extraction, aux technologies et savoirs-faire disponibles, hauteur allant jusqu’à trois mètres, pesaient un poids considérable, nécessitant
aux moyens de transport et infrastructures, ainsi bien sûr qu’aux matériaux la mise en place d’une exploitation se développant horizontalement de manière
de construction souhaités. L’architecture d’une carrière particulière répondra à pouvoir faire, par la suite, rouler les tambours jusqu’aux chantiers. De plus,
ainsi à la fois d’une logique interne propre à ce qui y est extrait et d’un contexte la forme des tambours a laissé les marques très visibles d’une matière encore
particulier. émergeante.
Saverio, Salvioni, dessin des carrières de Carrare. Carrière de Cusa, Sélinonte, Sicile.
Source : Julien, Pascal, Marbres de carrières en palais, édition le bec en l’air, 2006, p. 136. Source: Siza, Alvaro, Esquissos de viagem/Travel sketches, Documentos de Arquitectura, Porto, 1988, p. 32.
30 31
Page suivante : L’Idole.
Image du tournage du film Le testament d’Orphée, de Jean Cocteau, aux Beaux-de-Provence.
Source : Photographie de Jean Clergue, 1959. www.anneclergue.fr
32 33
Notes Bibliographie
ADAM, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984.
1 Bouvier; Nicolas, L’usage du monde, Payot, Paris, 1992.
2 Turri, Eugenio, Antropologia del pasaggio, Edizioni du Communità, Milan, 1983, p. 51. Cité par
ADAM, Jean-Pierre, L’archietcture grecque. 1. Les principes de la construction, A.
Camporesi, Piero, Les belles contrées, Gallimard, Paris, , 1995, [traduit de l’italien par Brigitte Pérol, et J. Picard, Paris, 2002.
1992], p. 12.
BACHELARD, Georges, Le nouvel esprit scientifique, PUF, Paris, 1983.
3 Rey, E., Dictionnaire étymologique de la langue française, Le Robert, Paris, 1992, p. 355.
4 Ibid. BABLET, Denis ; et al., Adolphe Appia : 1862-1928 : acteur, espace, lumière, Pro
5 Ibid. Helvetia, Zürich, 1981.
6 Ibid. BENEVOLO, Leonardo, Histoire de la ville, éditions Parenthèses, Paris, 1983,
7 Ibid. [1975].
8 Ibid.
9 Office Fédéral des Statistiques (www.bfs.admin.ch).
CAMPORESI, Piero, Les belles contrées, Gallimard, Paris, , 1995, [traduit de
10 Bachelard, Georges, Le nouvel esprit scientifique, PUF, Paris, 1983. l’italien par Brigitte Pérol, 1992].
11 Hersch, Jeanne, L’étonnement philosophique, Gallimard, Paris, 1981, p. 59. CHOLLIER, Alexandre, Autour du cairn, Héros-Limites édition, Genève,
12 Van Der Laan, Dom Hans, Der Architektonische Raum, E. J. Brill, leiden, 1992, 42. 2009.
13 Ibid., p. 6.
FIORE, Vittorio, Il verde et la roccia, sul recupero della Latomia dei Cappuccini
14 Ibid., p. 12. « Um jedoch ein Stück Raum vom Großen abzutrennen, wird eine zweite Wand
benötigt, die sich so zur ersten verhält, daß ein neuer Raum zwischen den beiden entsteht ». in Siracusa, Edizioni della Meridiana, Milan, 2009.
15 Ibid., p. 13. « Die beiden Raumbilder können so aufeinander abgestimmt weren, daß sie sich Gubler, Jacques, Adolphe Appia ou le renouveau de l’esthétique théâtrale. Dessins
wechselseitig voll ergänzen und gleichsam ein Ganzes bilden ». et esquisses de decors, éditions Payot, Lausanne, 1992.
16 Adam, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984, p. 23.
17 Voir à ce sujet : Chollier, Alexandre, Autour du cairn, Héros-Limites édition, Genève, 2009.
HERSCH, Jeanne, L’étonnement philosophique, Gallimard, Paris, 1981.
18 Adam, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984, p. 23. JULIEN, Pascal, Marbres de carrières en palais, édition le bec en l’air, 2006.
19 Adam, Jean-Pierre, L’archietcture grecque. 1. Les principes de la construction, A. et J. Picard, Paris, PHILLIPSON, David, Ancient Churches of Ethiopia, Yale University Press,
2002, p. 74.
Yale, 2009.
20 Erri de Luca, Le jour avant le bonheur, Gallimard, 2010 (traduit de l’italien), p. 15.
21 Fiore, Vittorio, Il verde et la roccia, sul recupero della Latomia dei Cappuccini in Siracusa, Edizioni della REY, E., Dictionnaire étymologique de la langue française, Le Robert, Paris,
Meridiana, Milan, 2009, p. 51-60. 1992.
22 Phillipson, David, Ancient Churches of Ethiopia, Yale University Press, Yale, 2009, p. 87.
SIZA, Alvaro ; et al., Esquissos de viagem/Travel sketches, Documentos de
23 Développements dans le Cahier n0 2.
Arquitectura, Porto, 1988.
VAN DER LAAN, Dom Hans, Der Architektonische Raum, E. J. Brill, leiden,
1992.
34 35
HISTOIRE ET TERRITOIRE
des carrières en Suisse
Cahier n0 2
«O land, you who bring everything back to yourself, as the ultimate measure. You
are truly the modulus that enters into each thing. You have moulded the city and the
forms of government. You have conducted the sounds of language. You have defined
the arts of the word and the figure ».
Dimitris Pikionis1
Table des matières
Histoire d’un territoire 6
Notes 24
Bibliographie 26
Histoire d’un territoire
Depuis l’Antiquité grecque au moins, l’exploitation des carrières a fabriqué
ce qui pourrait se dénommer un territoire de l’extraction. Cette exploitation a
souvent su tirer parti des espaces ainsi gagnés à la nature pour acquérir des
matériaux permettant de repousser, d’une certaine manière, les conditions
humaines à la fois limitées dans l’espace et le temps.
Bien que les traces écrites révélant l’existence de carrières dans l’Antiquité
soient rares, voire inexistantes, les bâtiments et les carrières, qui ont perduré
jusqu’à nos jours, révèlent une maîtrise de la pierre et des technologies relatives
à l’extraction, à la taille, au transport ainsi qu’à la mise en œuvre.
L’extraction se faisait à l’aide d’outils simples qui sont pour la plupart encore
utilisés de nos jours : pics de carriers ou smilles, têtu-pics, escoudes, leviers,
masses et coins en bois ou métalliques. Dans les carrières les plus simples,
les affleurements des bancs étaient simplement décapés horizontalement à
l’aide d’un levier forcé dans les fissures ou les « diaclases2 naturelles3 ». « Par la
suite, c’est le principe du front de taille qui va s’imposer avec plusieurs modes
d’attaque :
- des blocs carrés où le plus souvent rectangulaires sont définis par
creusement au pic léger de tranches d’extraction, qui sont des fossés
plus ou moins larges, sur trois côtés et si possible le long des lits de
carrière ; sur un autre côté du bloc, des emboîtures régulièrement
espacées désignent l’emplacement de coins qui seront encastrés à coups
synchronisées de masse pour provoquer la rupture du bloc […],
- le système des cavités préparatoires alignées prévaut pour la taille en
gradins, à partir du haut ou du bas. […] Dans ce cas, au moins deux des
faces du bloc étant déjà dégagées par l’enlèvement du bloc précédent, il
se trouve fissuré par la rainure puis détaché par une forte pression aux
angles ;
- monolithes et taillées en tambours, les colonnes sont progressivement
dégagées en position verticales par une galerie circulaire où s’introduit
le carrier [souvent un enfant pour limiter la taille de la galerie]. Pour
finir, la base est à son tour entaillée en creusant une ligne de rupture.
Aux temps romains, les fûts seront extraits de préférence en position
couchées […] »4.
Les blocs, une fois détachés des bancs rocheux, étaient retaillés sur place ou
découpés, avant d’être transporté vers les ateliers. Le transport se faisait à l’aide
de treuils, de traîneaux en bois, de chariots, de bateaux ou encore de machines
de transport telles celles de Chersiphron de Métagénès5.
16 17
Principales régions géologiques et position des carrières.
Distribution des carrières selon Niggli, 1915. Carte composée d’après : De Quervain, François, Die nutzbaren Gesteine der Schweiz, Kümmerly & Frey,
Source : Niggli, Peter, « Die natürlichen Bausteine und Dachschiefer der Schweiz », In: «Beitrage zur Bern, 1969, p. 120 ; Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011,
Geologie der Schweiz», geotechnische Serie V», Francke, Bern, 1915, p. 221. p. 60.
18 19
Une économie entre industrie et artisanat mise en œuvre en tant qu’entreprise de construction, stockages de matériaux et
décharges. Si cette diversité de produits extraits de la carrière et de l’utilisation
de son espace correspond souvent à des besoins économiques, les carriers
En Suisse en 2006, presque 80% des matières premières consommées semblent avoir depuis l’Antiquité su tirer parti de toutes les pierres produites
par années sont extraites du sous-sol, dont 45% proviennent de l’étranger34, lors de l’extraction.
constituant inévitablement un territoire et des espaces considérables pour la Les entreprises d’extraction de pierre de taille peuvent êtres distinguées
plupart cachés, ou au mieux délaissés. Les matériaux minéraux, ne comprenant en deux groupes41 : celles d’une taille suffisante et largement industrialisée
ni les matériaux fossiles ni les métaux, constituent à eux seuls 50% des matières et diversifiée, permettant de rivaliser avec une concurrence européenne, voir
premières extraites en Suisse, dont presque 90% se composent de sables, mondiale, et celles presque artisanales, employant moins de dix employés, mais
graviers et ciment réservés à la construction. L’extraction de pierre de taille produisant une pierre recherchée utilisée en grande partie pour la rénovation.
ne représente quant à elle que 1% de l’extraction des matériaux minéraux en Les premier type d’entreprises, que nous qualifierons ici d’industrielles,
Suisse35. représente en réalité des entreprises bien petites en comparaison internationale.
La production actuelle de pierre de taille des 23 plus grandes carrières Comprenant en moyenne une trentaine de d’employés42, elles produisent souvent
analysées dans la thèse de Stefano Zerbi, atteint environ 225’600 m3 par an, d’autres matériaux pierreux tout en exerçant des activités liées à la construction.
représentant un volume d’exploitation légèrement supérieur à celui qui s’était Les carrières de La Cernia, à Neuchâtel, ou encore celles d’Ostermundigen, à
stabilisé entre les années 1960 et 200036. Ceci bien que le nombre d’exploitations Berne, sont en ce sens exemplaires. Toutes deux sont rattachées à une entreprise
ait été, dans le même intervalle, considérablement réduit, passant de 230 en 1965 de construction, exploitant la carrière non seulement pour la pierre de taille,
à 63 en 200537. La production par entreprise, après avoir été constante depuis mais encore pour des matériaux, tels que les sables et graviers, et espaces de
le début du 20e siècle jusque dans les années 1980, est aujourd’hui environ stockages de machines et matériaux.
10 fois supérieure. Cette augmentation dénote d’une part l’amélioration des Les entreprises d’extraction de petite taille, employant moins de dix employés,
méthodes d’extraction et d’autre part « une pression grandissante sur le peu de exploitent ce qui serait convenu d’appeler des « micro-carrières ». Ces dernières
gisements encore exploités, [impliquant] un plus grand impact au niveau de produisent des pierres relativement rares, peu exploitées et parfois réservées
l’environnement »38. à un usage exclusif comme les pierres ollaires du val d’Hérens, exploitées à
La majorité de la production suisse de pierre de taille est consommée dans Évolène pour la construction de fourneaux.
le pays même, l’exportation étant relativement limitée. L’importation de pierre
de taille, quant à elle, représente l’équivalent d’environ 80% de la production
indigène39.
- Calcaires et marbres 44 %
- Granites et gneiss 33 %
- Grès 13 %
- Schistes 6%
- Diverses 4%
20 21
35 Office Fédéral des Statistiques (www.bfs.admin.ch).
Notes 36 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 126.
37 Ibid., p. 99.
1 Kenneth, Frampton et al., Dimitris Pikionis, Architect 1887-1968: A Sentimental Topography, 38 Ibid., p. 126. L’impacte sur l’environnement est développée dans le cahier n0 3.
Architectural Association, London, 1989. 39 Ibid., p. 126.
2 Cassure de terrain sans déplacement relatif. « Le terme de diaclases peut s’appliquer à tout système 40 Schwarz, Hanspeter, Die Steinbrüche in der Schweiz, Drückerei Wetzikon AG, Zürich, 1983, p. 72,
à peu près régulier de fissures effectives de la roche, qu’elles soient approximativement planes ou cité dans : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011,
franchement gauches » (Géol., 1972, p. 486 [encyclop. de la Pléiade]), (www.cnrtl.fr). p. 101.
3 Adam, Jean-Pierre , L’architecture grecque. 1. Les principes de la construction, A. et J. Picard, Paris, 41 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 126.
2002, p. 77.
42 Ibid., p. 126.
4 Ibid., p. 77.
5 Ibid., p. 81.
6 Ibid., p. 74.
7 Ibid., p. 74.
8 Ibid., p. 80.
9 Adam, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984, p. 24.
10 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoffe der Schweiz, Schweizerische Geotechnische
Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 176-177.
11 Ibid., p. 176.
12 Ibid., p. 177.
13 Zerbi Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p.
96.
14 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoffe der Schweiz, Schweizerische Geotechnische
Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 177.
15 Ibid., p. 177.
16 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 96.
17 Ibid., p. 96.
18 Ibid., p. 96.
19 Ibid., p. 96.
20 Camporesi, Piero, Les belles contrées, Gallimard, Paris, traduit de l’italien par Brigitte Pérol, 1995
[1992], p. 41.
21 Ibid., p. 41.
22 Ibid., p. 41.
23 Ibid., p. 55.
24 Ibid., p. 64-65.
25 Ibid., p. 60..
26 La Confédération Suisse est née de la Constitution Fédérale de 1848 (Dictionnaire historique Suisse,
www.hls-dhs-dss.ch).
27 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 97.
28 Hans-Peter Bärtschi, Anne-Marie Dubler, Dictionnaire historique suisse, édition en ligne, consulté
le 27 décembre 2012 (www.hls-dhs-dss.ch).
29 Ibid.
30 Schwarz, H., Die Steinbrüche in der Schweiz, Drückerei Wetzikon AG, Zürich, 1983, p. 14, cité
dans : Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p.
97.
31 Construite entre 1882.
32 Septfontaine, Michel, Belles et utiles pierre de chez nous, Musée cantonal de géologie, Lausanne,
1999, p. 13.
33 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 97.
34 Kohler, Florian ; Zecha, Laurent, Besoins matériels de la Suisse Statistique suisse de l’environnement No.
14, OFS, Neuchâtel, 2006, p 8-10. Note : les auteurs considèrent le poids des matériaux et non
leur volume.
22 23
Bibliographie
ADAM, Jean-Pierre, La construction romaine, A. et J. Picard, Paris, 1984.Adam,
Jean-Pierre, L’archietcture grecque. 1. Les principes de la construction, A. et
J. Picard, Paris, 2002.
BEYELER, Anton, Jungo, Patricia, Klaus, Gregor, Les zones protegées et leurs
utilisations, Office Fédéral des Statistiques, Neuchâtel, 2004.
CAMPORESI, Piero, Les belles contrées, Gallimard, Paris, traduit de l’italien
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DU COLOMBIER, Pierre, Les chantiers des cathédrales, J. & P. Picard, Paris,
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SEPTFONTAINE, Michel, Belles et utiles pierre de chez nous, Musée cantonal
de géologie, Lausanne, 1999.
Cahier n0 3
Table des matières
Principes et techniques d’extraction 7
Principes d’extraction 8
Principe d’extraction en gradins 8
Principe d’extraction en bandes verticales 10
Principe d’extraction souterrain 10
La pierre extraite 18
Dimensions des blocs de carrières 18
Outils de découpe et de façonnage de la pierre 20
Produits 22
Déchets et co-produits 23
Stockage et transport dans la carrière 24
Notes 26
Bibliographie 27
Principes et techniques d’extraction
Les différents types et leur morphologies relatives décrits ci-dessus, sont
tous reliés à des principes et techniques d’extractions particulière, décrivant le
processus d’extraction dans son ensemble. Les principes déterminent les règles
pour extraire un ou plusieurs blocs soit en gradins, en bandes verticales ou en
souterrain. C’est eux qui déterminent la volumétrie possible de l’extraction. Les
techniques, quant à elles, décrivent les moyens d’extraction. Dans une sorte de
« stéréotomie à l’envers »1, elles définissent, par les outils, la texture à la fois des
fronts de la carrière et des matériaux extraits. À travers les outils, comme le dit
Henri Focillon2, c’est la main qui se prolonge, une relation au monde qui se
construit, une mesure qui prend forme, une dimension qui s’établit et enfin des
possibles qui s’ouvrent dans la matière et l’esprit.
Extraction souterraine
Si, dans les deux techniques présentées jusqu’ici, la roche à extraire présentait
toujours au minimum deux faces dégagées, la carrière souterraine, du moins lors
de sont avancement, ne présente qu’un seul plan d’extraction. Les machines ne
peuvent donc plus, dans un premier temps, être déposée sur la matière, mais
doivent se positionner face à elle. Le front de taille est alors découpé, soit par
haveuse, soit par perforation, selon un maillage. Une fois les blocs découpés sur
quatre de leurs côtés, le cinquième composant le front de taille, il peut alors
être détaché par l’introduction de coins écarteurs, afin de le libérer de sa partie
arrière encore prise dans la masse rocheuse. Une fois le banc supérieur dégagé
et le ciel de carrière prolongé, les blocs peuvent à nouveaux être exploités en
gradins ou en bandes verticales.
14 15
placée sur un chariot. Posté sur des rails, ce dernier maintient une tension
constante tout au long de la découpe, de manière à permettre une coupe
régulière de la pierre. Le fil diamanté, de 8 à 12 millimètres de diamètre, est
constitué d’une succession d’anneaux métalliques sertis de diamants reliés par
un câble. Mesurant jusqu’à 80 mètres, il est possible de le diviser par tranche
de 4 à 5 mètres au fur et à mesure de la découpe de façon à garder le chariot
sur une même portion de rail.
Le fil se place dans deux voire trois fores ou saignées préalablement pratiquées
dans la roche et se coupant à angle droit sur un plan vertical ou horizontal. La
scie à fil diamanté étant souvent employée en Suisse en complément d’une
autre technique d’extraction – par perforation en ligne ou par haveuse –, elle
se limite généralement à la découpe des grandes faces de blocs mesurant 12
par 6 par 3 mètres, qui sont redécoupés sur place. La découpe peut cependant
largement dépasser ces dimensions, comme dans la carrière de Salvan qui
découpe à l’aide de cette technique un tunnel d’une trentaine de mètres, en
tranches de 4 mètres de haut par 1.5 de larges, afin de ménager un nouvel accès
à la carrière.
Water-jet et Flam-jet
Les techniques relativement récentes du Water- et du Flam-jet découpent la
pierre en employant respectivement des jets d’eau à très haute pression et une
flamme à très haute température. L’eau et la flamme sont guidées au bout d’une
lance tenue par un homme ou une machine, produisant des sillons d’environs
dix centimètres de large et pouvant atteindre une profondeur de 3 mètres pour
le Water-jet et de 20 mètres pour le Flam-jet14. Dans les deux cas, la surface de
roche débitée est relativement lisse et homogène. Ces techniques, demandant
des quantités d’eau ou d’énergie considérables – en comparaisons des autres
techniques – posent de nombreux problèmes environnementaux outre ceux
purement économiques liés aux énergies considérables qu’elles nécessitent15.
Elles ne sont actuellement pas utilisées en Suisse.
22 23
Stockage et transport dans la carrière foreuses, etc. qui doivent êtres déplacées d’un gradin à l’autre, ou du fond de
carrière à la surface.
Les moyens de transport, utilisés pour le déplacement des matériaux Enfin, les treuils, placés en haut ou en bas de la carrière, selon la position où
extraits, et les relations qu’ils entretiennent avec les différents types de carrières l’on souhaite amener les blocs, permettent de faire « glisser » les blocs du front
influencent fortement la structure et la gestion spatiale de ces matériaux. Le de taille jusqu’à un point donné, où ils seront généralement pris en charge par
transport est effectué par des machines mobiles ou immobiles. un dumper ou chargés avec une pelle mécanique sur un camion. Pour faciliter
Les machines mobiles comprennent des dumpers, des camions et des pelles la manœuvre, des déchets d’extraction et des boues sont disposés de sorte à
mécaniques. Elles présentent l’avantage d’un développement spatial étendu former un lit sur lequel les blocs vont être ensuite soit retenus, soit entraînés
qui demandera en contrepartie de nombreux accès parfois complexes à réaliser, par un treuil. Cette technique est quasiment identique à l’une de celles utilisées
comme des routes ou des rampes. Ces dernières sont généralement construites depuis l’Antiquité pour déplacer de grands blocs sur des lits d’argile.
à l’aide de déchets produit par l’extraction. Constituant un stock, ces derniers Le stockage des matériaux extraits se fait généralement au sein même de
seront parfois réemployés comme agrégats. Les rampes que nous avons pu la carrière. Une fois les blocs détachés du front de taille, ils sont stockés à
observer étaient larges d’environ 4 mètres à leurs sommets, s’ouvrant sur leur proximité de ce dernier, avant d’être travaillés dans des ateliers. Ce stockage
base d’un angle d’environ 30 degrés, selon la nature des déchets employés. permet de constituer une réserve de blocs pour la période hivernale. En effet, à
N’autorisant la circulation que dans un sens, les véhicules doivent se croiser cette période l’extraction se voir fortement réduite, voire totalement arrêtée, et
soit à un contour, soit à la base de la rampe. les blocs, déjà extraits, sont alors travaillés en atelier. Les produits sortant des
Les dumpers, ou bouteurs, sont capables de porter des charges parfois ateliers sont stockés sur une autre aire de stockage plus grande que la première
très importantes sur des chemins demandant un minimum d’aménagement. et protégée des intempéries. Les aires de stockages et les ateliers occupent une
La rampe maximale que ces machines peuvent gravir dépend en partie du surface largement supérieure au front de taille, ce qui nécessite parfois leur
chargement, qui doit se trouver en amont du véhicule pour empêcher un déplacement dans des espaces industriels. Dans ce cas, le stockage en carrière
basculement, et de la qualité de la piste ; l’angle de la rampe est généralement de peut être limité à quelques jours de production.
15 degrés. Les camions permettent de charger des charges souvent équivalentes
aux bouteurs, mais ils ne sont pas indépendants : ils doivent être chargés, à la
différence des bouteurs, par une autre machine. Ainsi sont-il généralement
limités aux transports entre les différentes phases de façonnage des blocs de
pierre.
Le deuxième type de machines, immobiles celles-ci, comprend des grues,
des derricks et plus rarement des treuils. Les matériaux extraits peuvent êtres
déplacés sur un rayon limité à partir d’un point fixe, et plus rarement mobile
dans le cas où les grues sont fixées sur des rails. L’utilisation des grues et derricks
off re l’avantage, par rapport aux moyens de transports mobiles, de ne pas avoir
à aménager des surfaces de circulation parfois considérables. En revanche, elles
ne permettent pas un développement sur une vaste étendue.
Les grues sont généralement placées au fond de la carrière, limitant la
hauteur du front de taille à la hauteur de la grue. Placées sur des rails, elles
permettent de suivre l’avancement d’un voire plusieurs fronts de tailles. Ne
permettant pas un développement vertical aussi important que les grues, les
derricks sont, quant à eux, généralement placés en amont de la carrière ou
sur un des côtés de cette dernière. Ancrés en plusieurs points, ils permettent
en revanche un déplacement latéral des matériaux souvent plus larges que les
grues, ce qui les a longtemps fait préférer à ces dernières. Les grues et derricks
rencontrés dans les carrières sont souvent limités au déplacement d’un poids de
40 à 50 tonnes, correspondant aux poids des machines, pelleteuses, dumpers,
24 25
Notes Bibliographie
1 Je fait ici référence au concept de « ruines à l’envers » que Robert Smithson décrit en ces mots : FOCILLON, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943.
2 Focillon, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943, p. 111.
3 Singewald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992, SINGEWALD, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung,
p. 5. Rudolf Müller, Köln, 1992.
4 Ibid., p. 160.
5 Ibid., p. 155.
ZERBI, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL,
6 Ibid., p. 160. Lausanne, 2011.
7 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 110.
8 Ténacité : « résistance à la rupture d’un matériau » (source : www.cnrtl.fr).
9 Singenwald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992,
p. 161.
10 Ibid., 1992, p. 165.
11 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 111.
12 Observation à Lodrino.
13 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 113.
14 Ibid., p. 114.
15 Ibid., p. 113.
16 Ibid., p. 132.
17 Ibid., p. 122.
18 Ibid., p. 122.
19 Ibid., p. 131.
20 Ibid., p. 103.
21 Ibid., p. 141. Note : ces chiff res ne prennent pas en compte les « déchets » produits lors de
l’extraction, et qui sont aujourd’hui en partie valorisé.
22 Selon la norme européenne, les argiles sont des particules mesurant moins de 2μm, les limon entre
2μm et 20μm et les sables entre 20μm et 2mm (source : www.wikipedia.org).
26 27
NATURE.S
Cahier n0 4
Table des matières
Une autre nature 7
Géologie 9
Minéralogie et pétrographie 10
Formation des roches 12
Tectonique 13
Ecologie.s 23
Notions d’écologie générale 24
Dynamiques des milieux et successions complexes 26
Végétation suisse 27
Quelques habitats des carrières 27
Plancher 28
Dépôts et déchets d’exploitation 28
Falaises 30
Plateaux 31
Lisières ou ourlets 32
Plans d’eau 32
Notes 36
Bibliographie 38
Une autre nature
Ce cahier explore les carrières dans leurs relations à la nature sous deux
dimensions particulières et complémentaires : la géologie et l’écologie. Celles-
ci concourent toutes deux à la définition d’une architecture des carrières en
établissant, l’une par la roche, l’autre par le vivant, les limites à la fois spatiales
et temporelles des carrières. Une nature plurielle donc, aussi bien proie aux
lentes dérives des continents qu’aux transformations quotidiennes du monde
vivant, qui participe à la définition des espaces en constantes transformations
des carrières.
7
Géologie
« De fait notre globe n’est qu’un grand édifice […] ».
Viollet-le-Duc1
Géologie du Plateau avec implantation des carrières sur un drumlin. Géologie des Alpes, vallées glaciaires avec implantation des carrières.
Carte composée d’après : Labhart, Toni ; Decrouez, Danielle, Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé, Carte composée d’après : Labhart, Toni ; Decrouez, Danielle, Géologie de la Suisse, Delachaux et Niestlé,
Lausanne, 1997, p. 48. Lausanne, 1997, p. 94.
16 17
« Dessins géologiques » et dessins tectoniques et géologique, sur ses transformations et sur l’état ancien et moderne de ses
glaciers »31. Il y présente deux thèses au travers desquelles il tente d’expliquer
la formation des Alpes. La première repose sur l’existence d’une structure
John Ruskin et Eugène Viollet-le-Duc, deux architectes contemporains cristalline, modèle géométrique capable de structurer et de donner forme – ou
du 19e siècle, ont exploré la pierre au travers de dessins, que Stefano Zerbi Forme – aux montagnes ; la seconde repose, elle, sur les érosions successives
nomme les « dessins géologiques »29, à la fois comme matériau d’architecture, de cette géométrie. Si les thèses avancées par Viollet-le-Duc sont aujourd’hui
mais aussi comme celui de la géologie. Ils ont tout deux recherché, à travers le insuffisantes, et en partie erronées, pour décrire et expliquer la formation des
dessin, les structures géologiques fondamentales et structurantes le paysage ; Alpes, elles décrivent un modèle métaphorique dans lequel architecture et
des structures qui seront plus tard décrites par la phénomènes tectonique. Ces géologie se rencontrent.
recherches les amèneront tout les deux à poser des hypothèses qui, si elles ne se Pour Viollet-le-Duc, la formation actuelle des Alpes, qui pourrait être
sont pas révélées toutes exactes on contribué de manière significative au débat étendue à la formation de toute la croûte terrestre, décrit l’état actuel d’un long
scientifique. processus d’érosion pratiqué sur un état original – qu’il faut comprendre ici
C’est à travers ses livre « The Stone of Venice » et « Works »28 que John Ruskin comme un système, comme le suggère Jacques Gubler dans un essai sur Viollet-
aborde le long chemin des pierres, des montagnes à l’architecture, jusqu’à la le-Duc32. En d’autres termes, et pour reprendre ceux de Pierre Frey dans son
ville. Son expérience s’appuie en grande partie sur les nombreuses observations ouvrage consacré à Viollet-le-Duc, « la beauté de la montagne, qui vaut pour
consignées lors de ses divers voyages à travers les Alpes et une passion pour toute la terre, est qu’en prenant forme, elle perde sa Forme – originelle »33.
la géologie. Au travers de ces dessins, Ruskin semble chercher, au-delà de La géologie prend, au travers des regards de ces deux architectes, la
préoccupations picturales, l’architecture d’un paysage. dimensions particulière d’une architecture faite de parties contenues dans un
système. Ce dernier fonctionne comme un système théorique qui, confronté
aux épreuves du temps, prendra sa forme en confrontation avec les pluies, les
neiges, les glaces, et l’érosion qui en découle, qui cacheront souvent une lecture
directe des phénomènes géologique dus à la tectonique.
La carrière donne, par la mise à nu de la structure tectonique de la géologie,
un nouveau regard sur ce à ce système. La carrière produit donc, par un processus
de prélèvement de la matière, comme les dessins axonométriques écorchés si
chères à Viollet-le-Duc, une forme de tectonique à l’envers, se situant entre
celle géologique, où elle emprunte sa matière, et celle architecturale à laquel les
matériaux extraits seront destinés.
Viollet-le-Duc affirme, quant à lui, que « de fait notre globe n’est qu’un grand
édifice […] »30. Réduisant ainsi l’étendue terrestre à un édifice, l’imagination
peut dès lors aisément établir des rapports entre des parties terrestres désormais
distinctes et identifiables. Les longues études qu’il mène aux cours de nombreux
séjours à Chamonix puis à Lausanne amèneront à publier, en 1876, un ouvrage
intitulé Le Massif du Mont-Blanc, portant « sur sa constitution géodésique
18 19
Viollet-le-Duc, Modifications apportées à un sommet.
Source : Viollet-le-Duc, Le massif du Mont Blanc, étude sur sa constitution géodésique et géologique, sur ses
transformation et sur l’état ancien et moderne de ses glaciers, J. Baudry éditeur, Paris, 1876, p. 76. Tectonique à l’envers.
20 21
Ecologie.s
« Vint la vie : une humidité sophistiquée, promise à un destin inextricable ; et
chargée de secrètes vertus, capable de défis, de fécondité. Je ne sais quelle glue précaire,
quelle moisissure de surface, où déjà enfièvre un ferment. Turbulente, spasmodique,
une sève, présage et attente d’une nouvelle manière d’être, qui rompt avec la
perpétuité minérale, qui ose l’échanger contre le privilège ambigu de frémir, de
pourrir, de pulluler ».
Robert Caillois, Pierres, Gallimard, Paris, 1966, p.128.
Le plancher
Le « plancher » ou le « sol de la carrière » se compose généralement d’un
banc de roche affleurant ou faiblement couvert par des dépôts minéraux. Ces
derniers se forment principalement par l’accumulation de poussières, de sables,
de graviers ou de pierres, tombant lors des nombreux transports de matériaux,
projetés dans l’air lors de l’extraction, ou encore transportés et déposés par
les eaux de sciage et de pluie. Ainsi, le sol de la carrière, sans cesse piétiné
par le déplacement des véhicules, est généralement formé d’un sol pauvre en
substrat, peu fertile et peu capable de retenir l’eau, de réguler l’hydrométrie
et les importants écarts de températures. Il présente souvent des conditions
extrêmes propices à l’installation d’une végétation pionnière et thermophile,
voir xérophile58, contrastant souvent avec celle des sols environnants. La
végétation qui y prend forme est en général herbacée, sous forme d’une prairie
mi-sèche, voire sèche, ou alors de buissons59.
Il faut encore préciser que la dimension des particules de matière présentes
dans l’air et les boues de sciages, relative au mode d’extraction, peut modifier Plancher et front de taille. Carrière d’Arzo, Tessin.
grandement le sol, notamment sa fertilité et sa capacité à réguler l’hydrométrie
et la température. Ainsi, les loess, particules dont la dimension se situe entre
les argiles et les sables, sont très fertiles, alors que les argiles, plus fines, ne le
sont pas. Ces dernières par contre retiennent beaucoup mieux l’eau, à tel point
que des réserves d’eau peuvent se former même en surface60, donnant lieu à
l’apparition d’une végétation humide.
32 33
Des îles dans le territoire
Les différents habitats des carrières, décrits ci-dessus, révèlent la grande
diversité des espaces, mais aussi l’extrême fragilité d’un système spatial inscrit
dans de constantes métamorphoses. Ces modifications spatiales continues
rendent souvent extrêmement complexe une lecture de l’impact réel des
carrières sur l’environnement. Aussi bien parmi les professionnels de la pierre
et les scientifiques que dans le monde politique, les avis portant sur l’impact
des carrières sont très divergents, tant en ce qui concerne leur implantation ou
leur exploitation que leur « renaturation ».
Selon l’Office Fédéral de l’Environnement, dont un rapport est publié
chaque année, pendant « longtemps, les gravières et les carrières ont été
assimilées à des fractures dans le paysage [mais] aujourd’hui […] ces surfaces
représentent de précieux habitats complémentaires aux zones alluviales des
cours d’eau, dont la majeure partie a disparu sur le Plateau »70. Les carrières,
en grande partie abandonnées, puis dans un deuxième temps classées comme
zones naturelles, décrivent ainsi une valeur particulière, outre celle culturelle ou
géologique. Elles peuvent ainsi, et de manière paradoxale quand on considère
la destruction qu’elles impliquent, définir « des refuges ou des îles non
seulement intéressantes pour la diversité qui s’y trouve, mais encore comme
documentation »71. Les mêmes auteurs précisent que ces valeurs, écologique Albrecht Dürer, Steinbruch, 1495/97.
et documentaire, devraient contribuer à une autre vision que celle, souvent Source : British Museum ; www.britishmuseum.org
normative, portée sur l’environnement, et qui veut que la majorité des carrières
sont remblayées et « renaturées » une fois l’exploitation arrêtée.
La nature « délaissée »72 des carrières, partie d’un territoire souvent en marge
de la planification territoriale, trouve parfois, sous la forme de « palympseste
vivants »73, de nouveaux espaces de liberté, « sauvages » et imprévisibles.
Milieu 1 Transition Milieu 2 Milieu 1 Transition 1 Milieu de la Transition 2 Milieu 2
carrière
Cahier n0 5
Table des matières
Glossaire 6
Métamorphoses 8
Types et morphologies 8
La carrière en flanc de taille 12
La carrière en fosse 18
La carrière en puits 24
La carrière souterraine 28
Règles de composition des espaces des carrières 34
Types et morphologies
Ce cahier analyse les carrières en activité en Suisse selon leur type et leur
forme ; ceci pour mettre en évidence les principes spatiaux et les structures des
carrières, ainsi que leur transformation dans le temps. La géologie d’une part,
et les méthodes et techniques d’extraction d’autre part sont intimement liées
pour définir les types et la formes des carrières.
Les carrières de pierre de taille en activité en Suisse peuvent êtres divisées
en deux catégories principales1 : les carrières à ciel ouvert et les carrières
souterraines. Les carrières à ciel ouvert se déclinent, selon leur morphologie,
en trois types principaux : en « flanc de taille », en « puits » et en « fosse ». Les
carrières souterraines, peu présentes en Suisse, se développent généralement en
galeries ou en chambres.
Ces différentes morphologies sont le plus souvent combinées au sein d’une
même carrière, que se soit dans l’espace ou dans le temps. Il en résulte un objet
dont la métamorphose est probablement la seule constante spatiale, donnant
forme à une sorte d’indétermination spatiale au sein de la carrière. De plus,
au sein d’un même type de carrière, l’exploitation de roches différentes ainsi
que l’utilisation de techniques différentes impliquent des variations et des
morphologies très contrastées.
6 7
Glossaire
1 Découverte
15 3 Pied de carrière
9
4 Front de taille
5 Ciel de carrière
8
9
6 Pilier tourné, demi tourné
1
4
7 Berme ou vire
7
10 8 Corniche
3
14 9 Plateau
10 10 Aires de stockage
5
2
11 Eaux
6
12 Déchets
4 12
13 Ateliers bureaux
13
14 Lits de carrière
11
15 Derrick
8 9
Dielsdorf-Steinmaur
Rorschach
St. Margethen
Lisberg
Mägenwil Teufen
Bollingen Lehholz
Soleure Bollingen Uznaberg
Nuolen-Gweiduntliweid
Root
Neuchatel
Kraunchtal
Ostermundigen
Alpnach
Seiry Gurten-Köniz
Murist Massonens
Villardlod
Andeer
S.Bernardino
Legiuna
Cresciano
Maggia
Calanca
Lodrino
Onsernone
Salvan
L’accès au front de taille se fait dans ce type de carrières soit par un système
de rampe, s’organisant dans les carrières de grandes dimensions en de véritables
spirales, soit par des derricks ou grues disposées sur des rails sur le « sol de
carrière ». Une fois les limites de l’espace d’exploitation atteintes, et si aucune
possibilité d’agrandissement n’est possible horizontalement, la carrière peut
éventuellement se développer en carrière en puits ou en carrière souterraine.
À partir d’une première creuse, ou d’un accident naturel du terrain
– changement de déclivité, affleurement rocheux –, le banc est généralement
dégagé sur toute sa hauteur puis exploité. Suivant la structure géologique, un
front de taille sera ouvert et se prolongera de manière rectiligne, de sorte à
générer un fossé, ou de manière rayonnante.
Les carrières en fosse, se développant de façon rectiligne,suivent généralement
un banc de roche pris latéralement entre deux bancs non exploitables. Une fois
toute la largeur du banc dégagé, soit en gradins, soit de manière à former une
falaise constituée parfois par les plans de clivage entre deux types de roches
différentes, le front de taille avance de façon régulière toujours dans la même
direction. Si la carrière est exploitée suffisamment longtemps, l’espace prendra
la forme d’un immense fossé.
Carrière en fosse.
20 21
La carrière en fosse peut aussi se développer de façon rayonnante à partir
d’un point central, par l’ouverture simultanée ou successive de plusieurs fronts
de taille. Chacun de ces fronts cherche à exploiter la roche au maximum,
dans le périmètre donné par le parcellaire, et parfois ses variations de teintes,
structures et duretés. L’ensemble de la carrière définit alors un nouveau plan
horizontal, artificiel et en dessous du niveau « naturel » du terrain, autour
duquel les différents fronts se font face en un espace introverti. Ce nouveau
plan de référence accueille parfois, lorsque les fronts de taille sont suffisamment
éloignés de son centre, certaines activités propres à la fabrication des produits
de la carrière et leurs nécessaires aires de stockage. Ainsi prend parfois forme,
entres les grues, les derricks et les dumpers, un ensemble de bâtiments, souvent
hétéroclites et « blanchis » de poussières, comprenant hangars, ateliers de taille,
bureaux, bétonnière ou encore châteaux d’eau.
Carrière en fosse.
22 23
La carrière en puits
La carrière en puits est caractérisée par une forte verticalité qui contraste
souvent avec l’horizontalité du terrain environnant. Dangereuse, sombre,
étroite, profonde, elle se confond aux interstices d’une géologie crevassée,
presque souterraine et invisible de la surface. C’est cette carrière, telle une tour
inversée, bordée de derricks et de grues qui étaient autrefois accompagnées
d’immenses « cages d’écureuils », et parcourue d’escaliers interminables, étroits
et précaires.
Tout comme les carrières en fosse dont elles peuvent être un prolongement,
les carrières en puits se développent principalement sur le Plateau suisse. Ayant
aujourd’hui presque totalement disparu en Suisse – il n’en reste plus que deux
exemples à proximité de Rapperswil –, les carrières en puits encore en activité
exploitent des roches sédimentaires, connues sous le nom de molasse d’eau
douce inférieure4, se trouvant sur le Plateau.
Se développant verticalement jusqu’à des profondeurs de cinquante mètres
– parfois plus dans d’autres pays –, les carrières en puits demandent une
technique plus précise et complexe pour l’extraction que les autres types de
carrières. Outre les grues et derricks, devenus indispensables au déplacement
des blocs et des machines de la surface au fond de la carrière, il faut de plus
évacuer les déchets d’extraction et l’eau qui a tendance à s’y accumuler, afin de
dégager un minimum de place pour l’extraction. L’eau remplissant souvent une
partie du fond de carrière provient de la pluie, de sources ou encore de la nappe
phréatique environnante et, si elle sert au refroidissement des machines, elle
doit être évacuée et traitée en surface. L’étroitesse de la fosse concourt, dans
certains cas de carrières se développant longitudinalement, au resserrement des
parois, qui doivent dès lors êtres consolidées afin d’empêcher la propagation de
fissures qui déstabiliseraient l’ensemble.
Carrière en puits.
26 27
La carrière souterraine
La carrière souterraine est peut-être la plus étrange des carrières : sorte
de grande grotte artificielle, elle invite aux transports de l’inconscient et de
l’imaginaire. Si tous les autres types de carrières s’articulent entre une matière,
un territoire et le ciel, la carrière souterraine est celle de la totale immersion
dans la matière, le vide et l’ombre ; la nuit. Cachée sous la ville ou enfouie
dans la montagne, elle est un monde en miroir de celui de la surface, véhicule
d’un imaginaire proche de la grotte des origines, dont l’écho distordu ne fait
qu’évoquer les méandres interminables. Une grotte immense et « bizarre »
donc, pour reprendre un terme cher à l’architecture baroque qui en fera un
thème particulier, à cheval entre deux mondes, seuil entre la matière et le vide,
interrogeant « le rêve et la nuit, la part d’inconscient sans laquelle tout ce qui
se tient à la lumière apparaîtrait avec la seule violence des certitudes : un décor
de vanité »5.
Il ne reste en Suisse plus qu’une seule carrière souterraine de pierre de
taille encore exploitée, celle de Krauchtal, à proximité de Berne. Les carrières
souterraines ne furent jamais très répandues en Suisse, peut-être à cause de
l’abondance de pierre de construction en surface ou à faible profondeur. La
plupart, de tailles relativement réduites, se trouvaient sur le Plateau et dans les
Alpes. La région de Berne en concentre quatre de taille plus importantes, dont
une encore en activité aujourd’hui.
Les carrières souterraines, si elles présentent l’avantage de ne pas subir les
intempéries, variations de température et d’humidité qui contraignent parfois
à la fermeture des carrières pendant la période hivernale, posent des problèmes
d’éclairage, de ventilation et de circulation. Si l’éclairage peut être facilement
résolu de nos jours, la ventilation doit d’une part évacuer les nombreuses
poussières et d’autre part amener de l’air frais autant pour les hommes que
pour les machines. Le plus souvent, les cavités successivement excavées
sont remplies avec les déchets produits par l’extraction au fur et à mesure
de l’évolution de cette dernière, ne permettant pas d’apprécier l’ensemble de
l’espace ainsi généré.
Les carrières souterraines doivent exploiter, plus que les autres types de
carrières, la structure naturelle de la roche, afin de garantir la stabilité de
l’ensemble. L’extraction est ainsi fortement déterminée par la recherche d’un
« ciel de carrière » stable, constitué de préférence par un banc de roche continu,
horizontal ou voûté. Lorsque la résistance de la roche est insuffisante, un
système de consolidation, voûtes, ancrages, est mis en place.
Les carrières souterraines se développent horizontalement – un
développement vertical proche de celui des mines est très rare – à l’intérieur
d’un massif rocheux. À partir d’une galerie principale, prolongeant parfois
une carrière en flanc de taille ou en fosse, elles se ramifient latéralement en
divers couloirs ou chambres successives, qui seront parfois reliés entre eux. Les
carrières souterraines se développent en trois types, qui décrivent souvent trois
phases successives d’exploitation : les carrière à couloirs, chambres et piliers
tournés6.
Le type à couloirs se limite à percer une galerie qui fournit les matériaux.
Elle peut ensuite être multipliée latéralement soit perpendiculairement soit
parallèlement à la première galerie, qui est alors utilisée pour évacuer les
matériaux. À cette fin, des rails sont parfois fixés en hauteur, de part et d’autre
du couloir, de façon à pouvoir sortir les blocs extraits sur une sorte de cadre
mobile7. Ce système, que l’on retrouvera dans les deux autres types de carrières
souterraines, permet d’évacuer des blocs alors même que l’exploitation se
déroule sur le sol.
32 33
Métamorphoses
Suite à l’analyse qui précède, nous pouvons établir les quelques règles
suivantes concernant la composition des espaces des carrières. Tout d’abord, les
carrières sont structurées à la fois par la masse rocheuse et par l’espace nécessaire
aux déplacements des machines. Les roches, par l’épaisseur , l’orientation et les
éventuelles fractures des lits de carrière, forment ainsi la structure principale
de la carrière.
Enfin, les carrières, dans leurs transformations successives, décrivent des
métamorphoses qui établissent un système temporel et spatial tout à fait
différent de celui habituellement en cours dans l’architecture. Le temps
s’articule entre le geste quotidien d’un prélèvement et celui, beaucoup plus
long, de la géologie, qui verra se succéder, souvent sur plusieurs décennies voire
siècles, les carriers successifs.
La carrière exploitée est constamment en mouvement, définissant un espace
en transformation et e n extension. Son développement dans la matière ne
se fait pas de manière homogène, mais procède des exploitations relatives de
veines, bancs et strates de roches particulières. Le carrier, ne pouvant connaître
totalement à l’avance la qualité et la nature de la roche qu’il exploite, projette
un espace encore vague, comme une idée, qui se formera par les rencontres de
ses outils avec la pierre.
Le travail d’exploitation d’une carrière se rapproche de celui de l’architecte,
en ce sens qu’il projette puis gère la construction et le développement d’un
espace dans le temps. Le travail de projection se révèle cependant limité
car, dans l’impossibilité de prendre en compte la nature exacte de la pierre
à exploiter, il doit se concentrer à la définition d’un espace, d’une structure
ouvertes aux imprévus de la matière qu’il rencontrera au fur et à mesure de
l’extraction.
34 35
Notes Bibliographie
1 Acocella, Alfonso, Stone architecture : ancient and modern construction skills, Skira, Milan, 2006, p. ACOCELLA, Alfonso, Stone architecture : ancient and modern construction
598.
2 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 104. skills, Skira, Milan, 2006.
3 Kündig, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoffe der Schweiz, Schweizerische Geotechnische CLÉMENT, Gilles, Un brève histoire du Jardin, JC Béhar, Paris, 2012.
Komission, ETHZ, Zürich, 1997, p. 208.
4 Zerbi, Stefano, Construction en pierre massive en Suisse, Thèse epfl, epfl, 2011, p. 63.
CHABERT, Jacques, et al., Les carrières souterraines, Acte du 2e symposium
5 Clément, Gilles, Un brève histoire du Jardin, JC Béhar, Paris, 2012, p. 49. international sur les carrières souterraines, Paris, 1991.
6 Dujardin, Laurent, Les carrières souterraines de Caen et du Département du Calvados (Basse- DUJARDIN, Laurent, Les carrières souterraines de Caen et du Département du
Normandie), 1991, p. 163. In : Chabert, Jacques, et al., Les carrières souterraines, Acte du 2e
symposium international sur les carrières souterraines, Paris, 1991. Calvados (Basse-Normandie), 1991.
7 Ibid., p. 171. In : Chabert, Jacques, et al., Les carrières souterraines, Acte du 2e symposium international FOCILLON, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943, p. 111.
sur les carrières souterraines, Paris, 1991. KÜNDIG, Rainer, et al., Die Mineralische Rohstoffe der Schweiz, Schweizerische
9 Focillon, Henri, La vie des formes, puf, Paris, 1943, p. 111.
10 Singewald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992, p. Geotechnische Komission, ETHZ, Zürich, 1997.
5. PAVAN, Vicenzo, Architetture di cava. Quarry Architecture, Collona di
11 Ibid., p. 160.
12 Ibid., p. 155.
Architettura, Faenza Scientifics, Faenza, 2010.
13 Ibid., p. 160. SINGEWALD, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung,
14 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 110. Rudolf Müller, Köln, 1992.
15 Ténacité : « résistance à la rupture d’un matériau » (source : www.cnrtl.fr).
16 Singewald, Christian, Natursteinwerk. Exploration und Gewinnung, Rudolf Müller, Köln, 1992, p. TRÄNKLE, Uwe, Poschlod, P., Kohler, A., Steinbrüche und Naturschutz.
161. Vegetationskundliche Grundlagen zur Schaffund von Entwicklungskonzepten
17 Ibid., p. 165. in Materialentnahmestellen am Beispiel von Steinbrüchen, Universität
18 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 111.
19 Observation de l’auteur. Hohenheim, Institut für Landeskultur und Pflanzenökologie, Karlsruhe,
20 Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 113. 1992.
21 Ibid., p. 114.
22 Ibid., p. 113.
ZERBI, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL,
23 Ibid., p. 132. Lausanne, 2011.
24 Ibid., p. 122. VIOLLETLEDUC, Le massif du Mont Blanc, étude sur sa constitution
25 Ibid., p. 122.
26 Ibid., p. 131. géodésique et géologique, sur ses transformation et sur l’état ancien et moderne
27 Ibid., p. 103. de ses glaciers, J. Baudry éditeur, Paris, 1876.
28 Ibid., p. 141.
29 Selon la norme européenne, les argiles sont des particules mesurant moins de 2μm, les limon entre
2μm et 20μm et les sables entre 20μm et 2mm (source : www.wikipedia.org).
36 37
Une architecture entre
MÉTAMORPHOSES ET
DORMANCE
Cahier n0 6
Table des matières
Variation sur un thème 6
Ouverture 11
Variations sur un thème Carrière : entre métamorphose et dormance
La carrière décrit un espace architectural constitué en premier lieu par l’acte La carrière est un lieu de changements constants et le point d’ancrage de
d’appropriation de la pierre qui caractérisera les structures principales de la carrière métamorphoses de différents types. D’une part, elle donne lieu à des métamorphoses
aux travers de lignes, de plans et de volumes. Ces éléments vont évoquer, par une sorte spatiales : l’espace de la carrière évolue en fonction de l’exploitation des matériaux.
de « tectonique à l’envers », l’espace architectonique qui sera construit des matériaux Des parties de la carrière se développent à travers l’activité humaine d’extraction de
extraits. La carrière est ainsi définie a priori par des architectures qui seront construites la roche tandis que d’autres sont – en tout cas temporairement – délaissées, l’espace
postérieurement à son exploitation. de la carrière restant ainsi en mouvement. D’autre part, la carrière est le lieu de
La carrière a un rapport très rapproché au territoire puisqu’elle s’inscrit physiquement métamorphoses matérielles : la pierre extraite change de forme pour devenir matériau
en son sein. Cette relation se modifie au cours du temps, la carrière n’étant pas de construction. La carrière est ainsi formée des matériaux constituant les constructions
immuable : elle peut être exploitée durant un temps, abandonnée ensuite, ré-ouverte, futures permises par son exploitation ; elle est constitutive d’un espace architectonique
etc., suivant des cycles d’activité et de latence. existant au-delà, au niveau spatial et temporel, de la carrière elle-même. La carrière est
Des temps différents co-existent dans la carrière, qui se chevauchent et sont rendus donc au carrefour entre la matière et l’architecture.
perceptibles par la nature. Premièrement, un temps du quotidien : des êtres vivants – Comme on l’a vu, la carrière peut vivre des cycles d’exploitation et d’abandon. Elle
végétaux, animaux et humains – habitent la carrière jour après jour. En parallèle, un peut donc être, par période, soustraite de l’exploitation par l’homme. Tels certains
temps géologique : les lents « grincements de la tectonique » se mesurent en milliers végétaux, la carrière ainsi abandonnée est toutefois un espace en dormance : alors
d’années, modifiant les lieux de manière imperceptibles pour les êtres d’une temporalité que les graines de certaines espèces de plantes peuvent attendre des dizaines voire
à plus court terme. des centaines d’années, dans un état stable, que les conditions soient propices à leur
La carrière est un lieu de nature, influencé par l’action de l’homme. En effet, germination, la carrière abandonnée est sans cesse susceptible d’être l’objet d’une
l’exploitation d’une carrière modifie un milieu naturel lui pré-existant. Là où réactivation par l’homme. Elle est en état de dormance en ce sens qu’elle peut à tout
certaines plantes et certains animaux co-habitaient avant l’ouverture d’une carrière, moment, alors qu’elle est délaissée par l’homme, être retravaillée par l’activité par celui-
d’autres plantes et d’autres animaux profitent du milieu que la carrière implique. Un ci.
nouvel équilibre est ainsi constitué, qui pourra se modifier inlassablement selon les La carrière est ainsi une architecture au carrefour entre métamorphoses et dormance.
développements et les cycles d’exploitation de la carrière. Lorsqu’elle est en activité, c’est le temps des métamorphoses : c’est l’homme qui gère
L’exploitation de la carrière se fait à l’aide d’outils et de techniques en lien avec le l’espace, la carrière se transforme en fonction de l’exploitation et des matériaux de
type de roche exploité d’une part et l’utilisation qui sera faite de celle-ci d’autre part. construction sont produits, constitutifs de futures constructions architecturales.
Les outils donnent la mesure de la carrière, la taille des blocs résultant de l’exploitation Lorsque la carrière est délaissée par l’homme, elle est en dormance : la nature reprend
étant en lien avec ceux-ci. le dessus et la carrière est en attente d’une remise en activité par l’homme.
6 7
Ouverture
L’espace du projet architectural, au sein de la carrière, se voit presque toujours
limité à une intervention a posteriori, consistant le plus souvent, en Suisse, en
une renaturation ou parfois encore en une réhabilitation. Ces interventions
après-coup dans une carrière abandonnée se font généralement dans l’optique
d’un « embellissement », d’une « réparation » ou encore d’une « remise à un
état d’origine » d’un paysage, réduisant ainsi souvent les qualités spatiales,
temporelles, architecturales et enfin poétiques de la carrière à un résidu de la
production de matière première. Le projet veut considérer la carrière comme
une architecture s’articulant dans l’espace et le temps, entre métamorphoses et
dormance, et ouvrir la porte vers de nouvelles figures, sans pour autant prétendre
à la généralisation systématique de cette démarche à toute les carrières.
Le site choisi pour le projet à venir est la carrière de Ostermundigen, à côté
de Berne. Encore en activité, cette carrière est l’une des nombreuses carrières
de molasse de la région bernoise, dont une grande partie furent ouvertes à la
fondation de la ville de Berne en 11912. La carrière d’Ostermundigen était, à la
fin du 19e siècle, l’une des plus grande de Suisse. Reliée au système ferroviaire,
elle a permis de fournir des pierres pour la construction des nombreux bâtiments
publics de la ville et du canton de Berne ainsi que de l’administration fédérales.
Une grande partie de la carrière, abandonnée dans les années 1930 puis utilisée
comme place d’arme jusque dans les années 1970, est aujourd’hui inutilisée et
propriété de la commune d’Ostermundigen. Aujourd’hui en bordure de la ville,
la carrière a été intégrée dans le plan d’aménagement des communes bernoise
en 2012 et définie comme espace pouvant accueillir des « activités culturelles,
artisanales ou industrielles ». L’activité extractive est, selon la concession en
vigueur, garantie pour au moins les vingt prochaines années.
La carrière d’Ostermundigen, à la fois en activité et abandonnée, rassemble
donc les conditions idéales pour traiter dans le projet les thématiques de
métamorphose et de dormance précédemment énoncées dans ce travail. En
termes de programme, le projet entend prolonger ces thématiques d’une part
par l’intégration de l’activité extractive comme acteur et moteur du projet,
et d’autre part par l’implantation, dans une recherche de dynamiques entre
l’architecture et la carrière pouvant mener au recyclage de « vieux bâtiments »,
les bureaux, les ateliers et les lieux de conservation de l’office des monuments
historiques de la ville et du canton de Berne.
Ce programme, ouvert au public notamment sous forme de parc, permettra
l’articulation entre la ville, l’architecture, la carrière et le territoire.
Carrière d’Ostermundigen.
8 9
N
Stockere
Ostermundigen
Oste
Gürten-Köniz
La ville de Bern se situe à un point charnière entre le Plateau, et sont développement La carrière d’Ostermundigen se situe, à l’est de Bern, sur l’un de ces drumlins,
d’est en ouest, et le débouché alpin menant sur la vallée du Rhône puis l’Italie. Le prolongeant un système de falaise, autrefois dégagées, et aujourd’hui cachées par la
sous-sol se compose, au niveau géologique, presque exclusivement de mollasse, avec végétation. La carrière d’Ostermundigen se développe principalement en surface,
des partie plus résistantes, et donc moins érodées par les glaciations, qui forment les selon le type d’une carrière en fosse. Elle comprend aussi certaines partie exploitée en
drumlins. Ces derniers, légèrement plus élevé que le reste du bassin mollassique, plus puits et en souterrains, aujourd’hui toutes abandonnées, qui se retrouvant dans d’autres
sec et comportant moins de terres végétale, sont caractéristiques à la fois du paysage carrières de la région, notamment à Stockere et Krauchtal.
du Mittelland et de l’implantation des carrières sur le Plateau.
10 11
N
La carrière de Ostermundigen.
Notes
1 Je me réfère ici au système de valeur définit par Zerbi, auquel j’ajoute une valeur
environnementale prenant en compte le rôle que peuvent avoir les carrières pour les écosystèmes.
Zerbi, Stefano, La construction en pierre massive en Suisse, thèse EPFL, Lausanne, 2011, p. 113.
2 Dictionnaire historique Suisse, www.hls-dhs-dss.ch.
3 Les carrières, alors propriété de la ville de Berne, sont pour la première fois attestée dans un écrit
datant de 1269. In : Trachsel, Hansueli, Sandstein, Stämpfli Verlag AG, Berne, 2007, p. 32.
4 Trachsel, Hansueli, Sandstein, Stämpfli Verlag AG, Berne, 2007, p. 33.
5 Ibid., p. 33.
6 Ibid., p. 33.
7 Ibid., p. 33.
Bibliographie
TRACHSEL, Hansueli, Sandstein, Stämpfli Verlag AG, Berne.
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