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L’archéologie de la construction

Une nouvelle approche de


l’architecture romaine*

Hélène Dessales

L’archéologie de la construction existe-t-elle ? En 1991, Catherine Arlaud et


Joëlle Burnouf soulevaient la même question à propos de « l’archéologie du bâti 1 »,
dont l’identité et le positionnement méthodologique restent encore débattus 2 .
La récurrence d’une telle demande, vingt-cinq ans plus tard, laisse supposer
que l’analyse des vestiges bâtis implique toujours une réflexion disciplinaire
et une quête de légitimité face aux autres branches de l’archéologie. Mais elle
révèle surtout un élargissement de l’objet d’étude : du bâti, réalisation achevée, à la
construction, processus actif. En effet, l’archéologie de la construction vise la lecture
et l’interprétation des traces matérielles qui, aussi ténues soient-elles, informent sur
la construction, l’organisation et la gestion d’un édifice. Ses objectifs scientifiques et
ses stratégies de recherche ont permis de renouveler considérablement l’approche
de l’architecture romaine, jusqu’alors davantage envisagée du point de vue des
typologies monumentales, des éléments structurels et décoratifs ou des rapports à
la société. Pour cela, cette archéologie bénéficie du développement des nouvelles
techniques de fouille, mais aussi du rôle croissant des analyses archéométriques, qui
ont multiplié les données sur la réalité matérielle des opérations de construction,
en donnant lieu à une autre forme d’histoire des bâtiments.


Mes remerciements vont à Étienne Anheim, Sophie Binninger, Stéphane Bourdin,
Xavier Lafon et Rita Volpe.
1 - Catherine ARLAUD et Joëlle BURNOUF, « L’archéologie du bâti médiéval urbain »,
Les nouvelles de l’archéologie, 53-54, 1993, p. 5-69.
2 - Voir, par exemple, Victorine MATAOUCHEK et al., « Archéologie du bâti. Une démarche
scientifique à part entière en butte à des enjeux antagonistes », Archéopages, 24, 2009,
75
http://www.inrap.fr/userdata/c_bloc_file/7/7020/7020_fichier_pratiques-24.pdf.

Annales HSS, 72-1, 2017, p. 75-94, 10.1017/S039526491700004X


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HÉLÈNE DESSALES

Exemple suggestif, l’analyse récente du trophée d’Auguste à La Turbie,


dans les Alpes-Maritimes, a révélé les rythmes de chantier de ce monument
emblématique de la domination de Rome aux confins de l’Italie, aujourd’hui
conservé sur trente-cinq mètres de hauteur 3 . Les sources textuelles n’informent
que de façon imprécise sur la chronologie de sa construction ; Pline l’Ancien a
transmis sa célèbre inscription, une dédicace à Auguste effectuée par le Sénat et
le peuple romain en 7-6 av. J.-C., mais on ne peut savoir si cette date coïncide avec
le début ou la fin de la réalisation de l’édifice 4 . L’étude des hautes substructions a
permis d’apporter des informations importantes sur l’organisation du chantier et ses
étapes. Aux côtés de l’enquête sur la structure architecturale et la stratigraphie de
la construction, ainsi que sur les procédés techniques de taille de pierre et de mise
en œuvre, des analyses ont été effectuées sur les mortiers de chaux constituant
la maçonnerie de blocage du cylindre interne. La caractérisation pétrographique
a révélé l’homogénéité de la composition des mortiers, ce qui favorise l’hypothèse
d’un temps court, sinon unitaire, pour la construction de cette partie du monument.
En outre, l’identification des pollens conservés dans les mortiers a permis de
montrer les étapes d’édification, saison après saison : dans un premier niveau,
l’abondance du pin indique une mise en œuvre au printemps, tandis que dans un
niveau situé deux mètres plus haut, la prédominance du myrte renvoie à la fin de
l’été ou au début de l’automne. Ainsi associées, ces différentes échelles d’analyse
permettent d’entrer dans la réalité toute matérielle d’un bâtiment et d’en dévoiler
une histoire presque quotidienne.
Une telle évolution dans l’approche archéologique, en pleine expansion
depuis les années 2000, renouvelle largement la connaissance des monuments
romains en permettant de passer du domaine de l’architecture, bien exploré, à celui
de la construction. C’est donc une histoire technologique de l’architecture qui est ici
proposée ou, pour le dire autrement, une histoire qui considère la technique comme
le vecteur à partir duquel interroger l’environnement bâti. Sous forme de bilan et
d’interrogation ouverte, il s’agit de caractériser cette nouvelle orientation discipli-
naire autour de trois points fondamentaux : les innovations de l’approche dans ses
rapports à l’archéologie du bâti, ses échelles d’étude et ses rapports à l’histoire.

De l’archéologie du bâti à l’archéologie de la construction


Les questions de définition sont riches de sens quant à l’évolution de la recherche.
Archéologie du bâti et archéologie de la construction sont deux expressions pour

3 - Sophie BINNINGER, « La construction du trophée d’Auguste à La Turbie. L’étude de


l’organisation et des rythmes du chantier », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO
(dir.), Arqueología de la construcción, vol. 1, Los procesos constructivos en el mundo romano.
Italia y provincias occidentales, Madrid/Mérida, CSIC/Instituto de arqueología de Mérida,
2008, p. 89-106.
4 - PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle, III, 136-138, éd. et trad. par H. Zehnacker, Paris,
76
Les Belles Lettres, 2004, p. 79-80.

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L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

désigner une même réalité. Faut-il y voir une simple coquetterie verbale ou
une nouvelle orientation disciplinaire ? L’archéologie du bâti, parfois appelée
archéologie de l’architecture, a été définie pour la première fois en France au début
des années 1980, dans le contexte de l’archéologie préventive urbaine appliquée
à l’habitat médiéval 5 . Son objectif principal, explicité par Yves Esquieu, « est,
d’une façon générale, l’étude architecturale des élévations conservées lorsque cette
étude ne se limite pas à des considérations stylistiques 6 ». Elle a pour principe
d’appliquer les méthodes de l’archéologie du sous-sol à des édifices en élévation.
Il s’agit donc de « fouiller les murs », en mettant en évidence les différentes
strates identifiables dans les élévations – comme on pourrait le faire pour les
strates de sédiments qui se succèdent sur le terrain – afin de définir les phases
successives de construction, d’occupation, de transformation, voire de destruction
d’un bâtiment. Ainsi, l’approche est en quelque sorte inversée, en adoptant une
lecture verticale, et non horizontale, qui pose bien évidemment des problèmes
méthodologiques spécifiques 7 . Contrairement à la fouille de terrain, c’est une
pratique non destructive dans la mesure où elle s’en tient à la seule analyse des
murs, les interventions physiques étant limitées à des prélèvements effectués pour
des analyses archéométriques.
Les études d’archéologie du bâti permettent de corriger des typochronologies
uniquement fondées sur des approches stylistiques, en favorisant une vision globale
de l’histoire d’un édifice et une approche technique de ses composantes 8 . Elles
ont pour particularité d’avoir développé une analyse modulaire des appareils et des
matériaux afin de compléter la lecture morphologique des élévations (fig. 1 et 2).
Cette analyse, facilitée dans le cas de parements en briques ou en moellons,
contribue à la mise en place d’une typochronologie relative à l’échelle du bâtiment
et stimule les comparaisons entre les édifices d’un même site, voire d’une région 9 .
De ce point de vue, l’archéologie du bâti a été intensément développée par les
archéologues médiévistes. En Italie, un foyer de recherche très actif est animé par
le groupe de l’université de Sienne, à l’origine de la revue Archeologia dell’architettura
et de plusieurs synthèses théoriques et méthodologiques sur ce thème 10 . En France,

5 - C. ARLAUD et J. BURNOUF, « L’archéologie du bâti médiéval urbain », art. cit.


6 - Yves ESQUIEU, « L’archéologie du bâti en France », Archeologia dell’architettura, 23,
1997, p. 133-140, ici p. 133.
7 - Isabelle PARRON-KONTIS, « Unités de construction et objets archéologiques », in
I. PARRON-KONTIS et N. REVEYRON (dir.), Archéologie du bâti. Pour une harmonisation des
méthodes, Paris, Errance, 2005, p. 13-18.
8 - Pour un bilan, voir Nicolas REVEYRON, « L’apport de l’archéologie du bâti dans la
monographie d’architecture », In situ, 2, 2002, http://insiturevues.org/1200.
9 - Pour une synthèse sur la mensiocronologia (analyse modulaire donnant lieu à une
typochronologie) et son application dans l’étude de l’architecture médiévale italienne,
voir Gian Pietro BROGIOLO et Aurora CAGNANA (dir.), Archeologia dell’architettura. Metodi
e interpretazioni, Florence, All’Insegna del Giglio, 2012, p. 60-63. Pour un exemple de
l’Antiquité, à Ostie et à Rome, voir Évelyne BUKOWIECKI, Hélène DESSALES et Julien
DUBOULOZ, Ostie, l’eau dans la ville. Châteaux d’eau et réseau d’adduction, Rome, École
française de Rome, 2008, p. 21, 30-32 et 197-198.
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10 - G. P. BROGIOLO et A. CAGNANA (dir.), Archeologia dell’architettura…, op. cit.

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Figure 1 – Exemple d’analyse modulaire de maçonneries en briques

HÉLÈNE DESSALES
Ostie, château d’eau de la Porta Romana. Source : d’après É. BUKOWIECKI, H. DESSALES et J. DUBOULOZ, Ostie, l’eau dans la ville..., op. cit., pl. 8. Plan : J.-F. Bernard,
PAO : J.-F. Bernard et A. Dervault (en haut) ; relevé : L. Traversi, PAO : M. Brion (en bas) ; photo : H. Dessales, juin 2006.
L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION
Ostie, château d’eau de la Porta Romana. Source : d’après É. BUKOWIECKI, H. DESSALES et J. DUBOULOZ, Ostie, l’eau dans la ville..., op. cit., pl. 9. PAO : É. Bukowiecki.
Figure 2 – Exemple d’analyse technique et statistique de maçonneries en briques 79
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HÉLÈNE DESSALES

elle a désormais pris toute son ampleur et a été progressivement intégrée dans les
parcours universitaires, en particulier en archéologie médiévale. La démarche s’est
amplifiée à l’occasion des restaurations de monuments historiques, appuyées sur
des études préalables. Elle engage un partage de compétences entre architectes
et archéologues qui peut susciter des problèmes de positionnement professionnel
dans l’analyse des vestiges et la définition des programmes de restauration :
archéologues spécialisés en architecture ou architectes spécialisés en archéologie…
Alors que la complémentarité semble évidente, elle se trouve parfois en butte à des
visions divergentes.
Sur le terrain, les enquêtes permettent de compléter les sources textuelles et
la convergence des deux types de données constitue un enjeu primordial, à travers
ce « dialogue du texte et de l’édifice » défini par Nicolas Reveyron 11 . Toutefois,
au-delà d’apports indéniables, l’identité méthodologique de l’archéologie du bâti
reste sujette à discussion. Les journées d’étude organisées en 1994 par l’École
nationale du patrimoine ont montré qu’il n’existait pas une définition disciplinaire
univoque et ont proposé une réflexion sur l’harmonisation des méthodes 12 . Plus
généralement, c’est son autonomie en tant que telle qui peut être discutée ou,
plus exactement, le risque de considérer de façon cloisonnée les données du sous-
sol de celles de l’élévation. Ainsi, dans le domaine de l’archéologie préventive,
afin d’éviter cette distinction artificielle et de favoriser une approche globale, il a
été proposé d’abandonner le terme et, par là même, de renoncer à une définition
autonome de la discipline 13 . En réalité, la critique repose sur le fait que les
méthodes de l’archéologie du bâti ne diffèrent pas fondamentalement de celles des
fouilles de terrain ; l’échelle d’analyse, fondée sur la stratigraphie, serait comparable
et ne favoriserait guère une émancipation du bâti par rapport au sous-sol.
C’est précisément sur ce point que peut se distinguer l’archéologie de
la construction. Définie dans le cadre d’études de terrain menées dans les
années 2000 sur des bâtiments romains, elle s’est désormais imposée comme une
branche à part entière de la recherche. Il s’agit de l’étude des traces matérielles
de tous les processus de construction mis en œuvre, du cycle productif des
matériaux à la conception et à la réalisation d’un monument, permettant ainsi
de restituer l’organisation fonctionnelle d’un chantier, dans ses aspects sociaux,
culturels et économiques. L’expression a été formulée pour la première fois
à l’occasion de l’étude du grand château d’eau de la Porta Romana à Ostie,
publiée en 2008 14 . La même année, se formait un réseau de recherche européen

11 - N. REVEYRON, « L’apport de l’archéologie du bâti… », art. cit. ; Philippe BERNARDI,


« Sources écrites et archéologie », Archeologia dell’architettura, 2, 1997, p. 141-145. Pour un
exemple, voir Philippe BERNARDI et Andreas HARTMANN-VIRNICH, « Fourniture et mise
en œuvre de la pierre au Palais des Papes d’Avignon. Le quotidien d’un chantier », in
P. BERNARDI, A. HARTMANN-VIRNICH et D. VINGTAIN (dir.), Texte et archéologie monu-
mentale. Approches de l’architecture médiévale, Montagnac, M. Mergoil, 2005, p. 105-136.
12 - I. PARRON-KONTIS et N. REVEYRON (dir.), Archéologie du bâti…, op. cit.
13 - V. MATAOUCHEK et al., « Archéologie du bâti… », art. cit.
80
14 - É. BUKOWIECKI, H. DESSALES et J. DUBOULOZ, Ostie, l’eau dans la ville…, op. cit., p. 21.

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L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

associant l’École normale supérieure, l’université de Sienne et l’Instituto de


arqueología de Mérida, qui a organisé une série de rencontres sur ce thème 15 . Si
l’archéologie de la construction s’appuie également sur la méthode stratigraphique
afin de distinguer les différentes phases d’un bâtiment, son échelle d’approche
ne se limite pas à une détermination de phases en fonction des séquences
évolutives (construction, occupation, destruction). Elle envisage, à l’intérieur
d’une même phase, des micro-chronologies ou des étapes de travail qui peuvent
être journalières, hebdomadaires ou mensuelles, comme dans le cas du trophée
d’Auguste à La Turbie 16 . Ainsi, la construction du grand château d’eau près
de la Porta Romana à Ostie relève d’une seule et même phase, datée du règne de
Domitien grâce à la découverte de briques estampillées 17 . Toutefois, l’analyse
archéologique a mis en évidence les différentes étapes de ce chantier unitaire et
fortement organisé, qui comporte huit opérations successives : fondations, élévation
des murs du réservoir, assises de réglage, montage de la voûte, insertion des
contreforts latéraux, construction des arcs-boutants, montage de la voûte maçonnée,
finition avec les enduits protecteurs (fig. 3).
La démarche de l’archéologie de la construction propose une vision à la
fois diachronique, celle d’une succession de phases de construction, de travaux et
d’étapes, et synchronique, celle du chantier, de son organisation et des modalités
de gestion. Elle envisage une pratique active, la construction, dont elle essaie
de restituer toute la chaîne opératoire sans se limiter à l’étude d’un processus
achevé, envisagé comme bâti 18 . C’est la construction qui est dès lors envisagée
comme objet d’étude et qui se trouve au centre de la recherche : il s’agit de passer
de la vision stratigraphique de la chose construite à la restitution des modalités de
son édification. En cela, l’archéologie de la construction ne saurait être confondue
avec l’archéologie du bâti, ou avec l’archéologie de l’architecture, même si les
approches restent complémentaires. Pour la définir de façon plus positive, en

15 - Quatre volumes sont déjà disponibles dans la collection « Anejos de archivo


español de arqueología » (Madrid/Mérida, CSIC/Instituto de arqueología de Mérida) :
S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 1,
op. cit. ; Id., vol. 2, Los procesos constructivos en el mundo romano. Italia y provincias
orientales, 2010 ; Id., vol. 3, Los procesos constructivos en el mundo romano. La economía
de las obras, 2012 ; Jacopo BONETTO, Stefano CAMPOREALE et Antonio PIZZO (dir.),
Arqueología de la construcción, vol. 4, Las canteras en el mundo antiguo. Sistemas de
explotación y procesos productivos, 2014 ; Stefano CAMPOREALE, Janet DELAINE et Antonio
PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 5, Man-Made Materials, Engineering, and
Infrastructure, 2017.
16 - Sur les unités de travail, voir Tiziano MANNONI et Anna BOATO, « Archeologia e storia
del cantiere di costruzione », Arqueología de la arquitectura, 1, 2002, p. 39-53, en particulier
p. 45 ; Antonio PIZZO, « La arqueología de la construcción. Un laboratorio para el análisis
de la arquitectura de época romana », Arqueología de la arquitectura, 6, 2009, p. 31-45, en
particulier p. 35.
17 - É. BUKOWIECKI, H. DESSALES et J. DUBOULOZ, Ostie, l’eau dans la ville…, op. cit., p. 98.
18 - Sur l’application du concept de chaîne opératoire à l’étude de la construction, voir
81
S. BINNINGER, « La construction du trophée d’Auguste à La Turbie… », art. cit., p. 89-90.

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Figure 3 – Ostie, château d’eau de la Porta Romana
adossé à la muraille tardo-républicaine. Restitution tridimensionnelle du chantier de construction

HÉLÈNE DESSALES
Source : d’après É. BUKOWIECKI, H. DESSALES et J. DUBOULOZ, Ostie, l’eau dans la ville..., op. cit., fig. 42. Restitution 3D : P. Martinez, K. Cain, T. Gill.
L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

précisant ce qu’elle est plutôt que ce qu’elle n’est pas, on pourrait considérer qu’elle
est avant tout une archéologie du chantier de construction, envisagé dans toute
sa complexité et sa dynamique, à la façon d’un « organisme vivant 19 ». Ainsi, à
travers l’analyse des traces matérielles du bâti, cette recherche a pour particularité
de restituer un ensemble d’opérations totalement immatérielles, invisibles et
éphémères : la conception des travaux de construction, les rythmes d’édification,
les ressources, les savoirs et les gestes des artisans ; autant d’indices pour saisir le
rôle des commanditaires et des maîtres d’œuvre qui ont uni leurs ambitions et leurs
techniques afin de mener un projet à son terme.

Le chantier de construction comme nouvelle échelle d’étude


Se centrer sur le chantier implique de considérer l’édifice non pas comme une
succession de phases de construction ou de transformation, mais comme le produit
d’une ou de plusieurs actions de construction. Dans un article fondateur, Tiziano
Mannoni et Anna Boato ont proposé d’identifier les indicateurs archéologiques qui
révèlent l’organisation du chantier et se subdivisent en différentes catégories de
production : structures et éléments architecturaux en pierre, mortiers et enduits,
structures et finitions en terre cuite, structures en bois, structures métalliques 20 .
Pour l’époque médiévale en particulier, où les corpus d’archives sur les opérations
de construction sont particulièrement riches, les données archéologiques se prêtent
à la confrontation avec les sources textuelles 21 . Pour l’époque antique, où les
témoignages écrits ne sont pas aussi variés et abondants, seules les sources
matérielles peuvent véritablement informer sur la nature et le mode de gestion d’un
chantier. Par ailleurs, il convient aussi de considérer son implantation préalable, avec
les travaux de démolition et la gestion des décombres que cela peut impliquer, la
préparation du terrain et la mise en place des infrastructures, tout comme l’impact
physique et humain des opérations, en termes de viabilité et d’occupation de
l’espace, à travers l’afflux de main-d’œuvre et de matériaux 22 . Sur ce point, Diane
Favro a mis en évidence le rapport entre la construction de l’arc de Septime Sévère
et la mobilité urbaine dans le quartier du Forum à Rome, conditionnée par la
logistique de ce grand chantier 23 . Au cours de la réalisation d’un monument, sept
opérations principales sont à distinguer : le projet initial, la préparation du site, la

19 - Cairoli Fulvio GIULIANI, « Cantiere e conoscenza », Mitteilungen des Deutschen


Archäologischen Instituts Römische Abteilung, 109, 2006, p. 427-429.
20 - T. MANNONI et A. BOATO, « Archeologia e storia del cantiere di costruzione », art. cit.
21 - Philippe BERNARDI, Métiers du bâtiment et techniques de construction à Aix-en-Provence
à la fin de l’époque gothique (1400-1550), Aix-en-Provence, Publications de l’université de
Provence, 1995.
22 - Évelyne BUKOWIECKI, « Le stockage des briques à Rome », in S. CAMPOREALE,
H. DESSALES et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 161-180.
23 - Diane FAVRO, « Construction Traffic in Imperial Rome: Building the Arch of
Septimius Severus », in R. LAURENCE et D. J. NEWSOME (dir.), Rome, Ostia, Pompeii:
83
Movement and Space, Oxford, Oxford University Press, 2011, p. 332-360.

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HÉLÈNE DESSALES

mise en place des infrastructures, la production des matériaux, leur transformation,


la construction de l’édifice, la finition et le décor 24 . Des recherches récentes
permettent de les appréhender.
Une tradition d’étude bien affirmée sur la conception des édifices antiques a
permis de souligner le rôle de dessins préparatoires 25 , de maquettes 26 ou de tracés
in situ destinés à projeter le bâtiment 27 . Différentes analyses métrologiques ont
également souligné la fonction des mesures dans l’organisation des chantiers 28 .
L’originalité des recherches menées ces dernières années est peut-être d’avoir
éclairé d’un jour nouveau le rapport entre projet et réalisation, à travers
un plus grand intérêt accordé aux désordres architecturaux, « remords » de
chantier, malfaçons ou reprises 29 . L’aqueduc de Cahors en constitue un exemple
significatif : une succession de bévues a marqué son édification, tant pour la mise
en place du tracé que pour l’évaluation des niveaux au fil de son parcours 30 .
Loin d’une vision figée du « génie » romain, cette autre histoire des bâtiments
permet d’envisager le rôle des individus, la part de la transmission des savoirs,
les difficultés intrinsèques à toute opération de construction et les éventuelles
innovations techniques associées, quels que soient les types d’édifices 31 .

24 - Janet DELAINE, « Conclusions », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO (dir.),


Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 324-325. Pour deux autres bilans, voir
A. PIZZO, « La arqueología de la construcción… », art. cit. ; Stefano CAMPOREALE,
« Archeologia dei cantieri di età romana », Archeologia dell’architettura, 15, 2010,
p. 171-179.
25 - Pontus HELLSTRÖM et Thomas THIEME (dir.), Le dessin d’architecture dans les sociétés
antiques, Strasbourg, AECR, 1985.
26 - Sabine FROMMEL (dir.), Les maquettes d’architecture. Fonction et évolution d’un
instrument de conception et de réalisation, Paris/Rome, Picard/Campisano, 2015, p. 15-36.
27 - Carlo INGLESE et Antonio PIZZO, I tracciati di cantiere di epoca romana. Progetti,
esecuzioni e montaggi, Rome, Gangemi, 2014.
28 - Christian GOUDINEAU, Les fouilles de la maison au dauphin. Recherches sur la
romanisation de Vaison-la-Romaine, Paris, Éd. du CNRS, 1979, p. 171-180 ; Véronique
MATHIEU, « Approche métrologique du quartier central de la station routière
d’Ambrussum (Villetelle, Hérault) », in F. FAVORY (dir.), Métrologie agraire antique et
médiévale, Besançon, Presses universitaires franc-comtoises, 2003, p. 83-104 ; Stefano
CAMPOREALE, « Le unità di misura nella progettazione architettonica della Mauretania
Tingitana », in C. SALIOU (dir.), La mesure et ses usages dans l’Antiquité. La documentation
archéologique, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2015, p. 79-100.
29 - John Peter OLESON, « Harena sine calce: Building Disasters, Incompetent Architects,
and Construction Fraud in Ancient Rome », in Å. RINGBOM et R. L. HOHLFELDER
(dir.), Building Roma Æterna: Current Research on Roman Mortar and Concrete, Helsinki,
Suomen Tiedeseura, 2011, p. 9-27 ; Hélène DESSALES, « L’architecture prise en défaut.
Les malfaçons dans les bâtiments romains », in S. BOURDIN, J. DUBOULOZ et E. ROSSO
(dir.), Peupler et habiter l’Italie et le monde romain. Études d’histoire et d’archéologie offertes à
Xavier Lafon, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2014, p. 157-162.
30 - Didier RIGAL, « Avatars et réaménagements de l’aqueduc antique de Cahors », in
C. ABADIE-REYNAL, S. PROVOST et P. VIPARD (dir.), Les réseaux d’eau courante dans
l’Antiquité. Réparations, modifications, réutilisations, abandon, récupération, Rennes, PUR,
2011, p. 47-62.
31 - Dans le contexte de l’architecture impériale, voir aussi le cas exemplaire de la
84
basilique de Maxence à Rome, dans Carlo GIAVARINI (dir.), The Basilica of Maxentius:

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L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

La préparation du site du chantier revêt une importance toute particulière.


Elle impose des travaux de terrassement et, parfois, de démolition, ce qui pose
la difficile question des déchets et de leur recyclage. L’analyse archéologique
du sanctuaire gallo-romain du Vieil-Évreux (Eure) a ainsi mis en évidence le
travail de la pierre dans les niveaux de construction successifs, mais aussi dans
la démolition finale du sanctuaire, à la toute fin du IIIe siècle ou au début du
IVe siècle apr. J.-C., sans doute afin d’approvisionner en matériaux le seul grand
chantier de l’époque, le rempart tardo-antique d’Évreux, à six kilomètres de
distance 32 . Une étude minutieuse des déchets – de taille, d’ajustement ou de
sciage – permet de suivre le processus de gestion des matériaux et de recyclage dans
les phases successives du sanctuaire, dont le premier état remonte au milieu du
Ier siècle apr. J.-C. 33 .
Les infrastructures composent toute la partie invisible de la construction
une fois qu’elle est édifiée : galeries techniques, espaces de stockage, systèmes
d’adduction et d’évacuation en eau. L’approche exemplaire du chantier des
thermes des Lutteurs à Saint-Romain-en-Gal (Rhône), dans l’antique Vienna, en
a révélé les modalités d’implantation et l’impact sur l’organisation urbaine 34 .
Engagée au milieu des années 60 apr. J.-C., cette construction remet en question
le parcellaire antérieur, remanie le tracé des rues et impose de nouveaux réseaux
hydrauliques dans le quartier.
En amont, la production des matériaux (pierre, sable, argile, bois, métaux) a
rarement lieu sur le site même du chantier. Des enquêtes sur le mode d’exploitation
de la pierre et des carrières, en particulier, se sont récemment développées 35 .
En France, depuis les années 1980, les travaux pionniers de Pierre Varène et de
Jean-Claude Bessac sur la taille de la pierre ont suscité une véritable réflexion
sur l’évolution et l’interprétation des gestes 36 , conduisant à une « anthropologie

The Monument, Its Materials, Construction, and Stability, Rome, « L’Erma » di Bretsch-
neider, 2005, p. 50-60.
32 - Laurent GUYARD, Sandrine BERTAUDIÈRE et Sébastien CORMIER, « Construction,
démolition, récupération. Réflexions autour du travail de la pierre sur le grand sanctuaire
gallo-romain du Vieil-Évreux (Eure, France) », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et
A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 225-242. Voir également
une intéressante étude du « permis de démolir » dans Françoise DUMASY, Le théâtre
d’Argentomagus, Saint-Marcel (Indre), Paris, Éd. de la MSH, 2000, p. 149-158.
33 - Pour une réflexion plus large sur le phénomène du remploi et de la récupération,
voir Jean-François BERNARD, Philippe BERNARDI et Daniela ESPOSITO (dir.), Il reimpiego
in architettura. Recupero, trasformazione, uso, Rome, École française de Rome, 2009.
34 - Laurence BRISSAUD, « La construction des thermes publics des Lutteurs. Regards
croisés sur un chantier urbain antique et son impact sur la ville (Saint-Romain-en-Gal,
France) », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción,
vol. 1, op. cit., p. 107-124.
35 - J. BONETTO, S. CAMPOREALE et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 4,
op. cit.
36 - Pierre VARÈNE, Sur la taille de la pierre antique, médiévale et moderne, Dijon, Centre
de recherches sur les techniques gréco-romaines, 1974 ; Jean-Claude BESSAC, L’outillage
85
traditionnel du tailleur de pierre. De l’Antiquité à nos jours, Paris, Éd. du CNRS, 1986.

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HÉLÈNE DESSALES

de la construction 37 ». En fonction des nécessités du chantier et de la qualité


recherchée des matériaux, l’approvisionnement peut être plus ou moins lointain.
Le rôle de l’archéométrie s’avère fondamental afin de caractériser géologiquement
les matériaux utilisés et d’identifier leur provenance. Si l’examen des roches
décoratives, sélectionnées pour leur rôle esthétique dans les bâtiments, notamment
les marbres, connaît une longue tradition d’étude, un intérêt croissant est désormais
porté aux matériaux moins nobles, utilisés dans les opérations de gros œuvre 38 .
Citons le cas du mortier de chaux 39 et de l’un de ses agrégats, la pouzzolane, une
roche constituée de scories volcaniques, dont l’adjonction permet la prise en eau
des maçonneries et assure une excellente résistance à l’humidité et à l’érosion.
L’étude du port de Caesarea Maritima (Israël), édifié à la fin du Ier siècle av. J.-C. et
dont les deux môles correspondent à un volume de maçonnerie de 78 000 mètres
cubes, a permis d’établir que 17 600 mètres cubes de pouzzolane avaient été
importés de la région de Pouzzoles, l’une des principales zones productrices de
ce matériau dans les Champs Phlégréens ; son acheminement aurait nécessité
quarante-quatre navires de 400 tonnes chacun 40 . Un phénomène similaire s’observe
dans la construction de plusieurs bâtiments de Fréjus (Var), l’antique Forum Iulii,
en particulier dans la zone portuaire 41 . Ainsi, bien au-delà des réalités du chantier,
les modalités du transport et des échanges économiques sont conditionnées par
l’acheminement de matériaux spécifiques. Leur sélection, qui repose sur une
bonne appréciation des qualités physiques des roches par les bâtisseurs, permet
d’envisager la circulation des savoirs, mais aussi des hommes, dans ces grands
chantiers de la Méditerranée antique. De telles données invitent à considérer
l’impact de la production des matériaux dans l’innovation technologique 42 . Un
dernier exemple permet de s’en convaincre, celui des voûtes maçonnées, dont
le maintien, encore jusqu’à nos jours, matérialise les succès de l’ingénierie
romaine. Les recherches de Lynne Lancaster ont bien mis en évidence le rapport
entre l’usage des matériaux de construction, dont la connaissance empirique se
perfectionne à partir de la fin du Ier siècle av. J.-C., et le déploiement de voûtes
de grande ampleur à Rome 43 , lié au développement intensif de l’industrie de la

37 - Jean-Claude BESSAC, « Anthropologie de la construction. De la trace d’outil au


chantier », in I. PARRON-KONTIS et N. REVEYRON (dir.), Archéologie du bâti…, op. cit.,
p. 53-61.
38 - Sur le cas de la terre, voir Claire-Anne de CHAZELLES-GAZZAL, Les maisons en terre
de la Gaule méridionale, Montagnac, M. Mergoil, 1997.
39 - Arnaud COUTELAS (dir.), Le mortier de chaux, Paris, Errance, 2009.
40 - Gregory F. VOTRUBA, « Imported Building Materials of Sebastos Harbour, Israel »,
The International Journal of Nautical Archaeology, 36-2, 2007, p. 325-335.
41 - Pierre EXCOFFON, « L’emploi de tuf volcanique et de la pouzzolane dans quelques
constructions de Forum Iulii (Fréjus, Var). Éléments de réflexion sur l’utilisation et la
diffusion de la pouzzolane en Méditerrannée occidentale », Revue du Centre archéologique
du Var, 2011, p. 171-181.
42 - Carla Maria AMICI, Architettura romana. Dal cantiere all’architetto, soluzioni concrete per
idee progettuali, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 2016.
43 - Lynne C. LANCASTER, Concrete Vaulted Construction in Imperial Rome: Innovations in
86
Context, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.

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L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

brique dans la vallée du Tibre, au cours du Ier siècle apr. J.-C., et à l’accès aux
abondantes scories du Vésuve, suite à l’éruption de 79 apr. J.-C., dont la légèreté
s’avère particulièrement propice à l’édification de la partie supérieure des voûtes.
Si une catastrophe géologique peut avoir favorisé l’innovation, c’est avant tout la
politique impériale qui a permis de mettre en place les dispositifs logistiques et
économiques nécessaires pour une exploitation intensive de ces ressources.
Une fois acheminés sur le lieu du chantier, les matériaux sont transformés
et adaptés aux nécessités des bâtiments. Briques et moellons sont retaillés à partir
d’éléments de plus grande taille, à proximité des élévations en cours, selon une
chaîne opératoire bien connue 44 . Pour les constructions maçonnées sont prévus
des fosses ou des récipients destinés au stockage de la chaux vive, ainsi qu’un
espace pour gâcher le mortier. La fouille du sanctuaire de Mars Mullo, à Allonnes
(Sarthe), a révélé de façon spectaculaire toutes les traces du chantier éphémère,
avec notamment la découverte d’un atelier de taille de pierre et d’un atelier
métallurgique, fossilisés sous le niveau de construction du temple 45 .
Les opérations de gros œuvre concernent l’édification des fondations et
des élévations, dont témoignent les vestiges conservés. L’analyse archéologique
permet de les caractériser, à travers une étude morphologique et une typologie
des différentes parties constituantes, en fonction des matériaux utilisés et de
leur disposition. Ces dernières années, dans le cadre de collaborations étroites,
la contribution de spécialistes de l’ingénierie civile a ouvert considérablement
la recherche, par la modélisation du comportement structurel des édifices dans
leur environnement 46 . Si un tel diagnostic sur la stabilité des bâtiments s’avère
essentiel pour orienter les travaux de restauration, il enrichit aussi considérablement
l’interprétation archéologique quant à la conception originelle du monument et
aux facteurs de vulnérabilité. Par ailleurs, différentes empreintes matérielles,
souvent fort ténues, peuvent révéler la gestion du chantier antique et sa logistique.
Leur caractérisation conduit à des typologies déterminant différentes phases de
construction : machines de levage, échafaudages et cintres de voûtes 47 , traces

44 - Évelyne BUKOWIECKI, « La taille des briques de parement dans l’opus testaceum à


Rome », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción,
vol. 2, op. cit., p. 143-152.
45 - Véronique BROUQUIER-REDDÉ et Katherine GRUEL (dir.), « Le sanctuaire de Mars
Mullo chez les Aulerques Cénomans (Allonnes, Sarthe), Ve siècle av. J.-C.-IVe siècle
apr. J.-C. État des recherches actuelles », Gallia, 61-1, 2004, p. 291-396 ; Christophe
LOISEAU, « Les métaux dans les constructions publiques romaines. Applications
architecturales et structures de production (Ier -IIIe siècle apr. J.-C.) », in S. CAMPOREALE,
H. DESSALES et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 117-130 ;
C. M. AMICI, Architettura romana…, op. cit., p. 15-36 et 53-102.
46 - Pour un exemple, voir C. GIAVARINI (dir.), The Basilica of Maxentius…, op. cit., p. 75-91
et 161-225.
47 - Anne BAUD et al., L’échafaudage dans le chantier médiéval, Lyon, Service régional de
l’archéologie, 1996. Pour un exemple antique, voir Jean-Pascal FOURDRIN, « L’utilisation
des échafaudages dans le chantier de construction de l’enceinte antique de Bayonne »,
in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 3,
87
op. cit., p. 203-224.

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HÉLÈNE DESSALES

d’outils 48 , portes ou fenêtres provisoires 49 , qui indiquent le positionnement


des éléments structurels ou la progression du chantier. Parmi les découvertes
les plus récentes, des signes réalisés à la peinture rouge directement sur
les parements et identifiés dans plusieurs monuments impériaux des IIe et
IIIe siècles apr. J-C., en Italie et dans les provinces, apparaissent sous la forme
de lignes tracées (sorte de fils de chantier destinés à indiquer des niveaux),
de triangles (probables points de référence) 50 , de revêtements complets de
blocs 51 ou d’inscriptions témoignant des étapes de mise en œuvre. Destinés à être
recouverts par les éléments de décor, ils ne sont évidemment pas toujours visibles.
Enfin, les travaux de second œuvre ou de finition sont destinés à donner à
l’édifice son épiderme définitif. Leur rôle n’est pas structurel mais décoratif. Au-
delà de la fonction esthétique attendue, les revêtements garantissent une meilleure
protection des élévations face à l’humidité et à l’érosion. Ces opérations sont
réalisées par des hommes de métier spécialisés, tailleurs de pierre, mosaïstes,
peintres ou stucateurs.
Les recherches menées sur ces différentes étapes du chantier ont des échelles
d’approche variées, de l’individuel, avec l’étude spécifique d’un édifice, au collectif,
avec des synthèses régionales ou thématiques consacrées à des techniques de const-
ruction 52 . Ces dernières permettent notamment d’appréhender le contexte des
innovations et leurs modalités de diffusion dans l’Italie et les provinces romaines,
mais aussi de s’interroger sur leur transmission à l’époque médiévale 53 .

Une histoire économique de la construction


L’archéologie de la construction se situe au confluent de plusieurs traditions de la
recherche. Elle associe deux champs disciplinaires, l’archéologie des techniques et
l’histoire économique, des domaines en pleine évolution pour l’étude de l’Antiquité

48 - J.-C. BESSAC, L’outillage traditionnel du tailleur de pierre…, op. cit.


49 - Voir l’analyse du chantier de construction du théâtre de Marcellus à Rome par
Paola CIANCIO ROSSETTO et Marialetizia BUONFIGLIO, « Teatro di Marcello. Analisi e
riflessione sugli aspetti progettuali e costruttivi », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et
A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 51-70.
50 - Évelyne BUKOWIECKI et Hélène DESSALES, « Les thermes publics d’Itálica. Regards
croisés sur deux chantiers de construction », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO
(dir.), Arqueología de la construcción, vol. 1, op. cit., p. 191-207 et 200-201, fig. 9 ; Redha
ATTAOUI, « Segni di cantiere nella ‘Palestra’ di Villa Adriana, Tivoli », in S. CAMPOREALE,
H. DESSALES et A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 1, op. cit., p. 49-66.
51 - Pier Luigi TUCCI, « Red-Painted Stones in Roman Architecture », American Journal
of Archaeology, 115-4, 2011, p. 589-610.
52 - Pour une synthèse sur les soixante-six exemples développés dans les trois premiers
volumes de Arqueología de la construcción, voir S. CAMPOREALE, « Archeologia dei cantieri
di età romana », art. cit.
53 - Sur l’exemple de la diffusion de la brique et d’autres terres cuites architecturales
dans le monde romain, voir Évelyne BUKOWIECKI, Rita VOLPE et Ulrike WULF-RHEIDT
(dir.), Il laterizio nei cantieri imperiali. Roma e il Mediterraneo, Florence, All’Insegna del
88
Giglio, 2016.

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L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

au cours de ces dernières années 54 . En effet, la diffusion des pratiques artisanales,


la transmission des savoirs, l’identité des hommes de métier et le rapport entre
commanditaire et réalisateur ont suscité un intérêt croissant. La construction entre
pleinement dans cette réflexion, ne serait-ce que par les différentes catégories
professionnelles qu’elle sollicite : architecte, entrepreneur, niveleur, tailleur de
pierre, charpentier, maçon, mosaïste, peintre, stucateur, menuisier 55 . Ce renouveau
de l’approche archéologique s’inscrit aussi dans un réseau pluridisciplinaire sur
l’histoire de la construction, qui connaît une forte expansion dont témoignent la
tenue régulière de congrès nationaux et internationaux 56 et la création d’associa-
tions, telle l’Association francophone d’histoire de la construction en 2010. Plusieurs
définitions peuvent être proposées, révélant les spécificités de la discipline : une
histoire technologique de la construction 57 , mais aussi, de façon plus générale, une
histoire sociale et économique 58 . Du reste, l’application du concept d’économie
dans l’histoire de l’architecture est désormais répandue depuis les travaux de
Werner Szambien, qui a bien montré que les enjeux financiers et esthétiques se
conjuguent dans les projets de l’âge classique 59 .
Dans l’histoire de l’architecture romaine, il revient plus particulièrement à
Auguste Choisy d’avoir, le premier, interrogé le concept d’économie à la lumière
d’observations techniques dans son Art de bâtir chez les Romains, paru en 1873 60 .
Cette contribution originale, réalisée par un ingénieur des Ponts et Chaussées,
manie deux disciplines qui n’appartiennent pas directement, a priori, à son champ
de compétence, à savoir le droit et l’économie. Envisagé, dans la pratique, comme
un microcosme de la société, le chantier romain hérite des mêmes processus
de gestion internes. Ainsi, A. Choisy définit l’art de bâtir comme un système

54 - Pour un bilan historiographique, voir Jean ANDREAU, L’économie du monde romain,


Paris, Ellipses, 2010, p. 13-49.
55 - Pour une réflexion sur l’artisanat de la construction, voir Hélène DESSALES, « Les
savoir-faire des maçons romains, entre connaissance technique et disponibilité des
matériaux. La connaissance des roches et son application par les structores. Le cas
pompéien », in N. MONTEIX et N. TRAN (dir.), Les savoirs professionnels des gens de métier.
Études sur le monde du travail dans les sociétés urbaines de l’Empire romain, Naples, Centre
Jean Bérard, 2011, p. 41-63.
56 - Voir l’article fondateur de Santiago HUERTA, « Historia de la construcción : la
fundación de una disciplina », in S. HUERTA et al. (dir.), Actas del Sexto Congreso nacional
de historia de la construcción, Madrid, Instituto Juan de Herrera, vol. 1, p. XIII-XIX. Pour
son lien avec les cultural studies, voir Antoine PICON, « Construction History: Between
Technological and Cultural History », Construction History, 21-6, 2005, p. 5-19. Pour un
bilan historiographique sur les divergences d’approche, voir Guy LAMBERT et Valérie
NÈGRE, « L’histoire des techniques. Une perspective pour la recherche architecturale ? »,
Les cahiers de la recherche architecturale, 26-27, 2012, p. 76-85.
57 - Valérie NÈGRE, « Pour une histoire technologique de l’architecture », in R. CARVAIS
et al. (dir.), Édifice et artifice. Histoires constructives, Paris, Picard, 2010, p. 17-22.
58 - Robert CARVAIS, « Plaidoyer pour une histoire humaine et sociale de la
construction », in R. CARVAIS et al. (dir.), Édifice et artifice…, op. cit., p. 31-43.
59 - Werner SZAMBIEN, Symétrie, goût, caractère. Théorie et terminologie de l’architecture à l’âge
classique, 1550-1800, Paris, Picard, 1986, p. 158-164.
89
60 - Auguste CHOISY, L’art de bâtir chez les Romains, Paris, Ducher, 1873.

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HÉLÈNE DESSALES

constructif, « un fait d’organisation 61 » qui ne peut être perçu par la seule analyse
architecturale : « Les édifices de l’Antiquité ont été bien des fois décrits au point
de vue de l’architecture, mais les détails de leur construction sont encore très
vaguement connus 62 . » Afin de comprendre le fonctionnement des chantiers, il
analyse la structure des édifices, dont les vestiges constituent autant de traces
de l’organisation interne des travaux. Le système constructif romain se résume
ici en une orientation principale, la « recherche de l’économie », entendue au
sens précis de « pensée de rigoureuse épargne » : « à mesure que j’observais
de plus près les restes de leurs monuments, il me semblait impossible d’y
méconnaître l’emploi d’une foule d’artifices ayant pour objet, sinon de réduire
la main-d’œuvre, du moins de la simplifier » 63 . Les chantiers romains sont ainsi
appréhendés à travers des mécanismes de production répétitifs – normalisation des
matériaux, simplification des tâches, moindre spécialisation de la main-d’œuvre,
uniformité des bâtiments – qui permettent d’en apprécier le mode de gestion,
avec deux objectifs constants : la diminution des coûts et la rapidité d’exécution.
La recherche de l’économie, au sens de limite des dépenses, constitue donc la
principale caractéristique de la construction romaine et permet d’en expliquer les
innovations techniques. La singularité de la pensée d’A. Choisy est d’avoir intégré
ce questionnement à sa démarche, participant à la naissance des sciences sociales
à la fin du XIXe siècle en France 64 . Son Art de bâtir s’achève sur une longue analyse
consacrée à l’organisation des corporations ouvrières, l’histoire technique rejoignant
pleinement l’histoire sociale.
Cette réflexion s’avère fondatrice pour évaluer l’économie interne des
chantiers, mais aussi pour les envisager comme un phénomène économique. Des
recherches récentes sur la période romaine ont enfin considéré le secteur de
la construction comme un indice de la vitalité économique 65 . L’étude de Janet
DeLaine sur les thermes de Caracalla à Rome constitue de ce point de vue
une référence méthodologique pour la discipline. En effet, ce n’est pas à travers
son architecture complexe ou sa spécificité thermale que cet édifice colossal est
analysé, mais à travers sa dynamique de construction, de 211 à 216 apr. J.-C. Une

61 - Ibid., p. 165.
62 - Ibid., p. 1.
63 - Ibid., p. 6 et 20.
64 - Robert CARVAIS, « Auguste Choisy : pour un usage des sciences sociales au service de
l’histoire de la construction », in J. GIRÓN et S. HUERTA (dir.), Auguste Choisy (1841-1909).
L’architecture et l’art de bâtir, Madrid, Instituto Juan de Herrera/Escuela técnica superior
de arquitectura, 2009, p. 121-150, http://www.augustechoisy2009.net/es/ponencias.php?
id_nav=11.
65 - Janet DELAINE, no hors série « The Baths of Caracalla: A Study in the Design,
Construction, and Economics of Large-Scale Building Projects in Imperial Rome »,
Journal of Roman Archaeology, 25, 1997 ; Id., « Bricks and Mortar: Exploring the Economics
of Building Techniques at Rome and Ostia », in D. J. MATTINGLY et J. SALMON (dir.),
Economies beyond Agriculture in the Classical World, Londres, Routledge, 2000, p. 230-268 ;
Andrew WILSON, « The Economic Impact of Technological Advances in the Roman
Construction Industry », in E. LO CASCIO (dir.), Innovazione tecnica e progresso economico nel
mondo romano. Atti degli Incontri capresi di storia dell’economia antica, Bari, Edipublia, 2006,
90
p. 225-236.

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L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

telle perspective sur la fabrique du bâtiment révèle la logique, voire la logistique


du chantier impérial à l’origine de sa réalisation. L’autre apport de cette étude
est de mener une enquête quantitative et non plus seulement qualitative, afin
d’évaluer le coût du monument et des différentes opérations. Pour la main-d’œuvre,
7 200 hommes au minimum, en moyenne, sont directement impliqués dans la
production des matériaux et la construction, auxquels s’ajoutent 1 800 hommes
et paires de bœufs pour le transport dans les environs de Rome. En ce qui
concerne le coût total du bâtiment, un tiers est consacré à la production des
matériaux et au transport, le total des frais pouvant être évalué à douze millions de
sesterces, soit le tiers de l’approvisionnement en blé de Rome. Pour ces estimations,
J. DeLaine se fonde sur le manuel de Giovanni Pegoretti paru en 1843 et destiné
aux praticiens ingénieurs et architectes, qui indique très précisément les coûts
et les temps de production dans la construction traditionnelle du milieu du
XIXe siècle en Italie 66 . Certes, pour pouvoir appliquer ces données contemporaines,
il est nécessaire de formuler des hypothèses sur la quantité de jours de travail
annuels et d’heures de travail journalières dans l’Antiquité romaine 67 . Les sources
textuelles antiques sont également sollicitées, mais elles n’apportent qu’un
éclairage partiel sur des aspects particuliers de la construction, comme le corpus
épigraphique 68 et l’Édit de Dioclétien qui, en 301 apr. J.-C., fixe un prix maximum
notamment pour les matériaux de construction et les salaires à la journée des
différents hommes de métier 69 .
À Rome, une importante découverte par l’équipe de Rita Volpe dans
les thermes de Trajan a très largement enrichi la connaissance des temps de
construction : une série d’inscriptions, peintes en rouge sur les parements en
briques, reporte, jour après jour, l’avancement des travaux en indiquant les dates
calendaires 70 (fig. 4 et 5). Ces données exceptionnelles révèlent qu’un maçon est
à même d’effectuer dix mètres carrés par jour. Ce résultat peut être associé aux
études menées par Évelyne Bukowiecki sur le mode de taille des briques à Rome,

66 - Giovanni PEGORETTI, Manuale pratico per l’estimazione dei lavori architettonici, stradali,
idraulici e di fortificazione per uso degli ingegneri ed architetti, Milan, A. Monti, 1843. Pour
une discussion des données de G. Pegoretti, comparées à d’autres sources, voir le cas
des colonnes et chapiteaux traités par Simon BARKER et Ben RUSSELL, « Labour Figures
for Roman Stone-Working: Pitfalls and Potential », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et
A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 83-94.
67 - J. DELAINE, « The Baths of Caracalla… », op. cit., p. 207-224.
68 - Hélène JOUFFROY, La construction publique en Italie et dans l’Afrique romaine,
Strasbourg, AECR, 1986.
69 - Marta GIACCHERO (éd.), Edictum Diocletiani et collegarum de pretiis rerum venalium in
integrum fere restitutum e Latiniis Graecisque fragmentis, Gênes, Pubblicazioni dell’Istituto
di storia antica e scienze ausiliarie dell’Università di Genova, 1974.
70 - Rita VOLPE, « Le giornate di lavoro nelle iscrizioni dipinte delle terme di Traiano »,
in M. L. CALDELLI, G. L. GREGORI et S. ORLANDI (dir.), Epigrafia 2006. Atti della
XIVe Rencontre sur l’épigraphie in onore di Silvio Panciera con altri contributi di colleghi,
allievi e collaboratori, vol. 1, Rome, Quasar, 2008, p. 453-466 ; Rita VOLPE et Federica
Michela ROSSI, « Nuovi dati sull’esedra sud-ovest delle terme di Traiano sul Colle Oppio.
Percorsi, iscrizioni dipinte e tempi di costruzione », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et
91
A. PIZZO (dir.), Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 69-82.

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HÉLÈNE DESSALES

Figure 4 – Rome, thermes de Trajan (galerie de la città dipinta)

Élévation du mur du fond de la galerie (dite de la città dipinta), avec de nombreuses dates indiquées sur les
parements en briques ; en haut à droite : portion de mur avec la fresque de la città dipinta, d’un état antérieur.
92 Source : d’après R. VOLPE, « Le giornate di lavoro . . . », art. cit., p. 462, fig. 4.

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L’ARCHÉOLOGIE DE LA CONSTRUCTION

Figure 5 – Rome, thermes de Trajan


(pièce avec mosaico della vendemmia)

Détail d’une inscription portant une date calendaire : PR(idie) N(onas) (la veille des Nones). Source : photo de
Stefano Castellani (Archivio della Sovrintendenza Capitolina ai Beni Culturali).

selon lesquelles, à l’époque de Trajan, un mètre carré de parement serait constitué


de sept à neuf briques entières, retaillées en une soixantaine de fragments 71 . Un
ouvrier mettrait donc en œuvre une moyenne de 800 briques par jour. Cela rejoint
les estimations de J. DeLaine, fondées sur le manuel de G. Pegoretti, indiquant une
mise en œuvre de 1 000 briques par jour pour un ouvrier et de 700 à 500 briques
par jour pour une mise en œuvre plus soignée 72 . Il est donc possible de « chiffrer »
le temps, et par là même le coût d’un chantier de construction ayant recours à la
brique cuite ou, plus généralement, au petit appareil.

Ces différentes données ouvrent de nouvelles perspectives pour apprécier l’histoire


des techniques et l’histoire économique et sociale de l’Antiquité romaine.
Ainsi envisagée comme l’aboutissement d’une ou de plusieurs opérations de
construction, l’architecture peut être analysée en termes de production
et de circulation, comme tout autre objet de la culture matérielle. Branche
spécifique de l’archéologie, l’archéologie de la construction constitue désormais
une discipline autonome, fondée sur des échanges toujours plus étroits avec

71 - É. BUKOWIECKI, « La taille des briques de parement… », art. cit., p. 150 (évaluation


faite sur des briques entières de type sesquipedales).
93
72 - J. DELAINE, « Bricks and Mortar… », art. cit., p. 234.

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HÉLÈNE DESSALES

d’autres champs d’étude, telles la géologie et l’ingénierie civile. Elle s’intègre


pleinement au nouveau courant de l’histoire de la construction, en interrogeant
la technique comme source fondatrice de l’histoire et en analysant l’architecture
avant tout comme une fabrique, une dynamique de construction. Pierre Gros a
caractérisé de façon éclairante cette évolution de la recherche :

Si l’on voulait, en simplifiant, définir les relations entre l’ancienne et la nouvelle école,
et comprendre dans quelle mesure, loin de s’exclure mutuellement, elles se complètent, on
pourrait considérer que l’on passe du De architectura de Vitruve au De re aedificatoria
d’Alberti, c’est-à-dire, en simplifiant évidemment les choses, et en s’en tenant exclusivement
au titre des ouvrages en question, de la vision descriptive, taxinomique et implicitement
normative de la chose construite aux modalités de son édification 73 .

Ces perspectives permettent de poursuivre une nouvelle approche qui associe


étroitement l’histoire des formes, celle des matériaux et celle des savoirs, et
qui tente de décloisonner les champs chronologiques traditionnellement définis,
tels Antiquité et Moyen Âge, afin de développer une véritable histoire de la
construction.

Hélène Dessales
École normale supérieure, AOROC (UMR 8546) – PSL/IUF

73 - Pierre GROS, « Conclusions », in S. CAMPOREALE, H. DESSALES et A. PIZZO (dir.),


94
Arqueología de la construcción, vol. 3, op. cit., p. 257-265, ici p. 250.

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