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Bourin Monique, Zadora-Rio Elisabeth. Pratiques de l'espace : les apports comparés des données textuelles et
archéologiques. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, 37ᵉ
congrès, Mulhouse, 2006. Construction de l'espace au Moyen Age : pratiques et représentations. pp. 39-55;
doi : 10.3406/shmes.2006.1911
http://www.persee.fr/doc/shmes_1261-9078_2007_act_37_1_1911
textuelles et archéologiques
1. Cf. notamment J. A. Garcia de Cortazar et ai, Organization social del espacio en la Espana
medieval. La Corona de Castilla en los siglos VIII a XV, Barcelone, 1985.
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2. Tout récemment, D. Iogna-Prat, La maison Dieu, Paris, Seuil, 2006 ; M. Lauwers, Naissance
du cimetière : lieux sacrés et terre des morts dans l'Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005.
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3. R. Fossier, Enfance de l'Europe. Aspects économiques et sociaux, Paris, PUF, 1982 (Nouvelle Clio),
vol. 1, L'homme et son espace.
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8. M. Bourin, Villages médiévaux en Bas-Languedoc. Genèse d'une sociabilité (jf-xiV siècles), Paris,
1987, t. l,p. 63.
9. La mise au point figure notamment dans L. Schneider, « Habitat et genèse villageoise du haut
Moyen Âge. L'exemple d'un terroir du Biterrois nord-oriental », Archéologie du Midi médiéval,
1992, p. 3-38, et plus récemment, « À propos de l'espace rural durant le haut Moyen Âge
méridional : archéologie et cartulaires », dans Les cartulaires méridionaux, D. Le Blevec dir., Paris, École
des chartes, 2006, p. 33-59. L'exemple mérite d'être développé au-delà du thème de la localisation
des éléments bâtis. Même lorsque les textes paraissent descriptifs, l'archéologie montre combien il
est plus conceptuel que réel. À partir des chartes — 1 9 mentions au cours du xe siècle -, on pouvait
penser faire une typologie des villae fortifiées languedociennes : simple tour, maison forte avec
donjon ou tours encloses de murs ou de fossés. Les fouilles de Laurent Schneider ont montré qu'il
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fallait en rabattre. En effet, une seule a été repérable : la simple tour des textes correspondait à une
tour entourée de deux fossés et un talus, bien plus forte que les textes ne le laissaient deviner.
10. C. Treffort, «Du cimiterium christianorum au cimetière paroissial: évolution des espaces
funéraires en Gaule du vie au Xe siècle », dans Archéologie du cimetière chrétien. Actes du colloque
d'Orléans (29 septembre- 1er octobre 1994), H. Galinié, É. Zadora-Rio dir., Tours, 1996, p. 55-64
(supplément à la Revue archéologique du Centre de la France, 1 1) ; M. Lauwers, Naissance du
cimetière : lieux sacrés et terre des morts dans l'Occident médiéval, op. cit.
1 1. É. Zadora-Rio, « The making of churchyards and parish territories in the early medieval
landscape of France and England in the 7th-12centuries : a reconsideration », Medieval Archaeology, 47
(2003), p. 1-19.
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14. É. Zadora-Rio, « L'archéologie de l'habitat rural et la pesanteur des paradigmes », Les Nouvelles
de l'archéologie, 92 (2003), p. 6-9.
15. Cf. les exemples présentés dans Des paroisses de Touraine aux communes d'Indre-et-Loire : la
formation des territoires, É. Zadora-Rio dir., supplément à la Revue archéologique du Centre de la
France, Tours, sous presse (2e partie, chap. 1.1, « Les mots, les choses et les échelles d'analyse »).
16. F. Cheyette et C. Amado, « Organisation d'un terroir et d'un habitat concentré : un exemple
languedocien », dans Habitats fortifiés et organisation de l'espace en Méditerranée médiévale, Lyon,
1983 (Travaux de la Maison de l'Orient), p. 35-44.
17. L. Schneider, « À propos de l'espace rural durant le haut Moyen Âge méridional : archéologie
et cartulaires », op. cit., p. 38.
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18. P. Leveau, « Le paysage aux époques historiques. Un document archéologique », Annales HSS,
55, 3 (2000), p. 555-582.
1 9. Dynamique du paysage : entretiens de géoarchéologie. Actes de la table ronde de Lyon (17 et 18 nov.
1995), J.-P. Bravard, M. Prestreau dir., Lyon, 1997 (Documents d'archéologie en Rhône-Alpes,
1 5) ; Des milieux et des hommes : fragments d'histoires croisées, T. Muxart, ED. Vivien, B. Villalba,
J. Burnouf dir., Paris, Elsevier, 2003.
20. H. Galinié, Ville, espace urbain et archéologie, Tours, Maison des sciences de la ville, de
l'urbanisme et des paysages, 2000.
21. Les formes du paysage, G. Chouquer dir., Paris, Errance, 1996-1997; G. Chouquer, L'étude
des paysages. Essai sur leurs formes et leur histoire, Paris, Errance, 2000 ; Village et ville au Moyen Age.
Les dynamiques morphologiques, B. Gauthiez, É. Zadora-Rio, H. Galinié dir., Tours, Presses
universitaires François-Rabelais, 2003 (Perspectives « Villes et territoires »).
22. P. Bertran, J.-P. Texier, « Géoarchéologie des versants, les dépôts de pente », dans Dynamique du
paysage : entretiens de géoarchéologie. Actes de la table ronde de Lyon (17 et 18 nov. 1995), p. 59-86.
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23. J.-L. Sarrazin, « Maîtrise de l'eau en Marais poitevin (vers 1 190-1293) », Annales de Bretagne,
1985, p. 333-354.
24. J.-L. Abbé, A la conquête des étangs. L'aménagement de l'espace en Languedoc méditerranéen (xif-
XVe siècles), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2006.
25. J. C. Besteman, « North Holland A.D. 400-1200 : turning tide or tide turned? », dans
Medieval Archaeology in the Netherlands. Studies presented to H. H. Van Regteren Aliéna, J. C. Besteman,
J. M. Bos, H. A. Heidinga dir., Assen/Maastricht, 1990, p. 91-120.
26. Les fleuves ont une histoire. Paléoenvironnements des rivières et des lacs français depuis 15 000 ans,
J.-P. Bravard, M. Magny dir., Paris, 2002 ; Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature
et de la culture, J. Burnouf, P. Leveau dir., Paris, CTHS, 2004; Le fleuve, O. Kammerer dir.,
Médiévales, 36 (1999).
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glaciaire ont entraîné des crues de l'Isère à Grenoble, alors que les crues du
Drac, en amont, se faisaient sentir dès le XVe siècle27. L'importance du rôle
joué par le facteur anthropique tient en grande partie à l'échelle spatiale
des phénomènes considérés : à l'échelle des petits bassins, l'action humaine
prend le pas sur les dynamiques bioclimatiques et tend à les oblitérer dans
l'enregistrement sédimentaire, tandis qu'on constate l'inverse dans les
grandes vallées.
Les observations des méthodes culturales, menées à une échelle plus
grande que celle du parcellaire, ont permis de reconstituer les pratiques
spatiales dans le temps court. La viticulture a fait ainsi l'objet de
questionnements convergents concernant les méthodes culturales. Les grands
décapages conduits dans le cadre de l'archéologie préventive sur le tracé du
TGV-Méditerranée ont mis au jour des dizaines d'hectares de vignobles
antiques28. Ainsi que l'a montré Philippe Boissinot, ces traces de
plantation qui permettent d'observer les façons culturales présentent l'intérêt
d'avoir été mises en place dans un laps de temps court et de constituer en
quelque sorte un « horizon événementiel ». Comparées aux découvertes
spectaculaires de vignobles antiques, les traces de viticulture médiévale
font pâle figure : moins d'une demi-douzaine d'occurrences, sur des
superficies beaucoup plus réduites. Elles suggèrent - pour autant qu'on puisse se
fonder sur un échantillon aussi réduit — un taux d'encépagement de 3 000
à 4 000 pieds à l'hectare, largement inférieur à ceux connus pour les temps
modernes en Languedoc et en Bordelais, et généralement inférieurs aussi
à ceux de l'Antiquité, qui varient de 5 000 à 16 800 ceps à l'hectare29. Une
autre caractéristique des pratiques viticoles médiévales, mise en évidence
par Carole Puig en Roussillon30, semble être la fréquence des complants.
Ainsi, la vigne était fréquemment associée avec d'autres cultures : des
arbres, dont les fosses de plantation, plus vastes que celles de la vigne, ont
été identifiées par l'archéologie, ainsi que des céréales et des légumineuses,
attestées par des sources écrites.
pentes asylvatiques au-dessus de 2 300 mètres qui ont été exploitées pour
le pâturage, et l'essartage des forêts de pin s'est étendu du haut de la
montagne vers le bas. Des enclos de l'âge du bronze, qui signent une ouverture
importante du milieu autour de sites fortement structurés, ont été fouillés
à 2 100 et 1 900 mètres d'altitude, et c'est à cette même altitude que des
cabanes du haut Moyen Âge ont été identifiées. L'existence de terrasses de
culture suggère à ces deux époques une exploitation agropastorale des
parties basses de la montagne, dans le prolongement de l'habitat permanent
des vallées. Après une phase d'intensification de la pression anthropique
du xie au xine siècle, qui entraîne presque l'éradication de la forêt, la
palynologie révèle au XVe siècle un déclin des indicateurs d'activité pastorale et
une tendance au reboisement, alors que l'archéologie enregistre à la même
époque le remplacement des cabanes en matériaux légers par de massives
constructions en pierre associées à des corridors de traite. Cette
contradiction apparente traduit l'importance prise par la production de fromages
au XVe et au xvie siècle, et aussi l'impact des nouveaux règlements
pastoraux destinés à protéger la montagne de la surexploitation. À partir du
xvie siècle, la palynologie montre une stabilisation des limites de la forêt
et des pâturages qui révèle un partage de la montagne entre les
communautés valléennes, ce qui est attesté également par les sources écrites. À
travers les vestiges ténus des cabanes de bergers, ces recherches ont mis en
évidence les transformations des systèmes techniques dans la très longue
durée, du néolithique à l'époque subcontemporaine, et ont révélé le rôle
structurant que les espaces d'estive ont joué dans l'organisation des
communautés de vallées.
41. M. Zerner, Le cadastre, le pouvoir et la terre. Le Comtat Venaissin pontifical au début du xiV
siècle, Paris, École française de Rome, 1993.
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seigneurial, qui n'était guère abordé que par le rapport social entre seigneurs
et paysans, font aujourd'hui aussi l'objet d'une lecture géographique. Nous
en citerons quelques exemples. L'organisation de l'espace de la seigneurie
apparaît dans sa diversité, selon l'objet des divers types de documents. Si
les bulles pontificales qui confirment les biens des institutions
ecclésiastiques renvoient une image centralisée et quasi cartographique, les censiers
cheminent selon les itinéraires du prélèvement42. Pierre Chastang43 a
montré que les biens des chapitres languedociens étaient rangés par les auteurs
des cartulaires selon une logique castrale, celle du moment et celle de leurs
frères nobles et chevaliers laïcs, alors qu'il s'agit d'un patrimoine
constitué de villae, qui n'a pour ainsi dire pas connu un incastellamento actif. À
plus grande échelle, Samuel Leturcq44 a perçu les articulations du territoire
de Toury en Beauce en suivant la répartition spatiale des redevances
seigneuriales et de leur assiette : il a ainsi mis en lumière le remembrement
progressif conduit par l'abbaye de Saint-Denis, notamment au xme siècle,
qui aboutit à la situation exceptionnelle d'un seigneur foncier unique dans
cette vaste « paroisse ». Sont apparues également la longue mémoire fiscale
des hameaux peu à peu disparus et la structure tardivement centralisée de
la communauté villageoise.
Conclusion
L'étude des pratiques spatiales fait appel à des disciplines multiples,
qui ont chacune leurs propres échelles d'analyse. Leur résolution spatiale
est variable : si les données archéologiques sont ancrées au sol, la
documentation textuelle, beaucoup moins dense, contraint en général l'historien à
des images plus floues, lissées à plus petite échelle.
La confrontation interdisciplinaire a fait sauter certains verrous,
dont on ne doutait guère dans l'interprétation des textes et la restitution
des espaces médiévaux. Le premier concerne le sens des mots du registre
42. Communication faite par Florian Mazel au séminaire Territoires et communautés (université
Paris I, École doctorale d'histoire, Monique Bourin et Elisabeth Zadora-Rio, 2003-2004,
Logiques spatiales des écrits de seigneurie : des polyptyques aux premiers plans parcellaires) : « Quelle logique
dans les enumerations de biens, confirmations royales et des bulles pontificales? » (27 novembre).
43. P. Chastang, Lire, écrire, transcrire : le travail des rédacteurs de cartulaires en Bas-Languedoc (xf-
xiif siècles), Paris, Éditions du CTHS, 2001.
44. S. Leturcq, Un village, la terre et ses hommes. Toury-en-Beauce (xif-xvif siècles), Paris, 2007,
p. 219-256.
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