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L'importance de l'œuvre de Paul Ricœur pour la pratique historienne

Author(s): François Dosse


Source: Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français (1903-), Vol. 152
(Octobre-Novembre-Décembre 2006), pp. 647-665
Published by: Librairie Droz
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/24309093
Accessed: 18-02-2017 14:22 UTC

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L'importance de l'œuvre
de Paul Ricœur
pour la pratique historienne
François Dosse
Professeur des universités (IUFM de Créteil)

Note liminaire: Cet article se donne pour objectif de rendre compte de l'ap
port de Paul Ricœur aux historiens sur le plan méthodologique et épistémolo
gique. Il laisse de côté un pan entier très important de l'œuvre du philosophe qui
intéresse plus particulièrement les lecteurs du Bulletin, à la fois son implication
dans l'histoire du protestantisme (en particulier le mouvement du christianisme
social) et ses multiples réflexions sur les rapports entre croyance protestante et
philosophie ou entre théologie et philosophie. On trouvera dans ma biographie
Paul Ricœur, les sens d'une vie (La Découverte, 1997; rééd. Poche 2001) des
développements sur ces points, notamment sur les années 1930 à propos du chris
tianisme social, puis dans le chapitre sur Strasbourg: 1948-1956 sur «le réveil
barthien». A propos de l'après-guerre, on retrouvera ses articles majeurs parus
dans Christianisme social, revue qu'il dirigera de 1958 à 1970. On trouvera
aussi dans la biographie de celui-ci la vie de sa paroisse de Palaiseau-Vallée de
Chevreuse, avec le pasteur Louis Simon, et ensuite sa paroisse de Robinson, puis
les formes de la démythologisation chez les protestants, l'herméneutique biblique,
la succession de Paul Tillich à Chicago. Mais surtout, par-delà des éclairages parti
culiers, et tout au long du livre, on aura insisté sur cette tension entre la convic
tion et la critique que Paul Ricœur aura portée au paroxysme de l'exigence intel
lectuelle pour éviter toute confusion ainsi que toute séparation.

L'histoire a perdu au cours du tragique XXe siècle sa dimension téléolo


gique. Une crise du futur, du devenir s'est emparée de la société qui a vu
sombrer dans les massacres de masse nombre des utopies du XIXe siècle. On
ne croit plus à un sens déjà là, à un avenir radieux vers lequel nous irions
inexorablement. On peut à cet égard parler de crise de l'historicité, c'est-à
dire non pas une crise de la discipline historique qui se porte au contraire
très bien, mais une crise de la dialectique entre passé, présent et avenir qui
est aujourd'hui en jeu dans l'opacification du futur. C'est dans ce contexte
qu'un dialogue entre philosophie et histoire peut se nouer car les historiens
traversent une phase réflexive de leur pratique. Ils réalisent de plus en plus
l'intérêt qu'ils ont à s'interroger sur les notions qu'ils utilisent comme celle
de temps, de vérité, de causalité..., ce qui implique que Clio passe de l'autre
côté du miroir et interroge les diverses traditions de la pensée philosophique
pour mieux construire ce que l'on peut appeler, après Pierre Nora, une
« histoire au second degré », consciente d'elle-même dans son acte de fabrica
tion. Évidemment, un tel tournant n'est pas simple car le dialogue entre
historiens et philosophes a longtemps été un dialogue de sourds, surtout en
France où les historiens, fiers de leur métier, tournent davantage leurs
BULL. SOC. HIST. PROT. FR., octobre-novembre-décembre 2006

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regards du côté des sciences sociales « sœ


qui n'évoque que défiance, du fait du refu
et méfiance compte-tenu de la position
ment par le philosophe qui, en ces bois, r
Pourtant, l'opportunité se présente d'u
certain nombre de facteurs nouveaux. En
cité (crise du futur) traversée par un mo
projet et souvent réduit à une compulsion
véritable fièvre commémorative. En seco
pressant aux historiens de la part d'une
les rôles du témoin, de l'expert, du juge e
un impérieux besoin de clarification. Par
structurante des grands schémas d'expli
tionnalisme, le structuralisme, le marxi
tendance à s'ériger comme lectures grilla
temps des doutes et la possible entrée de l'h
de l'interrogation sur la signification de
C'est dans ces circonstances favorables
une véritable rencontre entre les histori
toujours beaucoup intéressé à l'histoire,
dans le champ de l'histoire date de 19
communication aux Journées pédagogiq
gnement de la philosophie et celui de l'h
épistémologie mixte, d'un entrelacemen
d'explication et de compréhension. Di
éloigné dans le temps, confrontation ent
situation révolue «le langage historique
Considérant la nécessaire prise en compt
ainsi que du structural, des permanences,
l'historien, la justification de son entrep
tion de ce qui relève de l'humanité: «Ce
un réveil quand l'historien est tenté de ren
de céder à la fascination d'une fausse ob
n'y aurait plus que des structures, des forc
hommes et des valeurs humaines»2.
Il y a ensuite sa fameuse trilogie parue en
qui rappelle aux historiens, et notammen
tion hégémonique, que l'historien ne peu
telle volonté, exprimée alors par certains
cité, est contradictoire avec le projet his
tout en admettant que l'historien constr
subjectivité sur son objet de recherche, s
position de Ricœur. Mais en fait ce n'éta
herméneutique de l'explication compréh

1. Paul Ricœur, « Objectivité et subjectivité en histoir


Paris, Le Seuil, 1955, p. 30.
2. Ibid., p. 43.
3. Paul Ricœur, Temps et récit, 3 volumes, Paris, Le Seuil, 1983-1985.

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cible essentielle l'école méthodique. Il était donc question au c


s'éloigner du sujet pour briser le récit historisant et faire prévaloi
ficité d'un discours historique rénové par les sciences sociales.
faire apparaître la coupure épistémologique opérée par les
initiateurs et disciples ont prétendu tordre le cou à ce qui était
la forme péjorative d'histoire historisante : l'événement et son
bien eu des déplacements d'objets, une réévaluation des phénom
miques dans les années trente, puis une valorisation des logiq
dans les années cinquante. Fernand Braudel a dénoncé le t
renvoyé à l'illusoire par rapport aux permanences des grands
géo-histoire, à la longue durée. Cependant, et Paul Ricœur l'a b
les règles de l'écriture historienne l'ont empêché de basculer
logie car la longue durée reste durée. Braudel, en tant qu'histo
tributaire de formes rhétoriques propres à la discipline histor
rement à ses proclamations tonitruantes, il poursuivait lui aussi da
la réalisation d'un récit: «La notion même d'histoire de longue
de l'événement dramatique (...) c'est-à-dire de l'événemen
intrigue »4. Certes, l'intrigue qui n'a plus pour sujet Philippe II,
Méditerranée, est d'un autre type, mais elle n'en reste pa
intrigue. La Méditerranée figure un quasi-personnage qu
dernière heure de gloire au XVIe siècle avant que l'on assiste à
ment vers l'Atlantique et l'Amérique, moment au cours duque
terranée en même temps sort de la grande histoire»5. La mise
s'impose donc à tout historien, même à celui qui prend le plus
avec le récitatif classique de l'événementiel politico-diplomatiq
tion constitue donc la médiation indispensable pour faire œuvr
L'attention aux procédures textuelles, narratives, synta
lesquelles l'histoire énonce son régime de vérité conduit à se
les acquis des travaux de toute la filiation narratologiste partic
développée dans le monde anglo-saxon et connue en France gr
Ricœur. Le développement des thèses narrativistes s'est en eff
linguistic turn, de la critique du modèle nomologique et de
compte du récit comme gisement de savoir, comme dépl
ressources d'intelligibilité. Les narrativistes ont ainsi permis d
manière dont le mode de récit a valeur explicative, ne serait-ce
lisation constante de la conjonction de subordination «par
recouvre et confond deux fonctions distinctes, la consécution
quence. Les liens chronologiques et les liens logiques sont ains
sans être problématisés. Or il convient de désimbriquer ce mot
«parce que» à l'usage disparate. C'est ce travail sur les capacités
propres au récit qu'a mené le courant narrativiste. William D
montré, dès les années cinquante, que l'idée de cause doit être
l'idée de loi6. Il a défendu un système causal irréductible à un
lois, critiquant à la fois ceux qui pratiquent cette réduction e
excluent toute forme d'explication. Un peu plus tard Georg H

4. Paul Ricoeur, Temps et Récit, tome 1, op. cit., p. 289.


5. Ibid., p. 297.
6. William Dray, Laws and Explanation in History, Oxford University Press, 1957

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Wright préconise un modèle mixte fon


causale7 comme la plus appropriée po
humaines en général. Les relations causal
tives à leur contexte et à l'action qui y es
d'Elisabeth Anscombe, il privilégie les
raisons de l'action et l'action elle-mê
connexion causale non logique, purement
système et la connexion logique rapport
forme téléologique. Le lien entre ces deux
les traits configurants du récit: «Le fil
trigue, en tant que synthèse de l'hétérog
côté les diverses temporalités à l'intérieu
question l'illusion d'un passé comme ent
regard de l'historien seul serait mobile. I
tions temporelles internes à la narration
déjà deux positions différentes: celle de
nement en fonction duquel il est décrit
l'énonciation qui se situe à une autre po
teur. La conséquence épistémologique d
relle fait figure de paradoxe de la causal
peut faire apparaître un événement an
ailleurs, la démonstration de Danto revie
explication et description, l'histoire é
expression. Certains sont allés encore plu
la perspective de construction d'une poé
sant que le registre de l'historien n'est p
celui de la fiction au plan de sa structur
d'abord écriture, artifice littéraire. Hayd
le récit et l'argumentation dans la notion
Paul Ricœur est donc très proche de ces
narrativistes deux acquis majeurs. En pre
que «raconter, c'est déjà expliquer (...) Le
tote, fait la connexion logique de l'intrigu
obligé de toute discussion sur la narratio
diversification et hiérarchisation des mo
ont opposé la richesse des ressources ex
dant, et malgré ces deux avancées dans
discours historien, Paul Ricœur ne suit p
narrativistes lorsqu'elles postulent l'indis
Malgré leur proximité, il subsiste une
fondée sur le régime de véridicité pro
rapport au passé.

7. Georg Henrik Von Wright, Explanation and Under


8. Paul Ricoeur, Temps et Récit, tome 1, op. cit., p. 202
9. Arthur Danto, Analytical Philosophy of History, Cam
10. Hayden White, Metahistory: The Historical Imag
Johns Hopkins University Press, 1973.
11. Paul Ricœur, Temps et Récit, tome 1, op. cit. p. 251

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 651

Et puis, récemment, en 2000, Ricœur est revenu sur le territ


torien avec La mémoire, l'histoire, l'oubli12 qui est un événement a
de la surprise que suscite cet aérolithe tombé sur le territoire d
et de la réponse éclairante qu'il donne aux exigences du momen
Je prendrai trois «retours» spectaculaires dans l'écriture actu
toire: le retour de l'événement, le retour de la mémoire et celui
phie pour montrer en quoi derrière ce qui peut apparaître com
sur de bonnes vieilles valeurs, en fait Ricœur ouvre des piste
nouvelles aux chantiers à venir des historiens.

1. L'événement et ses métamorphoses de sens

Le «retour» de l'événement est évident au point que la colle


trente journées qui ont fait la France » chez Gallimard qui portait
sique conception selon laquelle l'histoire-batailles scandait l
décisifs de notre histoire nationale, reparaît aujourd'hui, mais d
apparence classique, c'est une autre conception de l'événement
Entre sa dissolution et son exaltation, l'événement, selon Ricœu
métamorphose qui tient à sa reprise herméneutique. Réco
proche continuiste et discontinuiste, Ricœur propose de disti
niveaux d'approche de l'événement: «1. Événement infra-signi
Ordre et règne du sens, à la limite non-événementiel; 3. Éme
nements supra-significatifs, sursignifiants»13. Le premier emploi c
simplement au descriptif de « ce qui arrive » et évoque la surprise,
rapport à l'institué. Il correspond d'ailleurs aux orientation
méthodique de Langlois et Seignobos, celui de l'établissement
sources. En second lieu, l'événement est pris à l'intérieur de sc
catifs qui le mettent en corrélation avec des régularités, des loi
moment tend à subsumer la singularité de l'événement sous le r
loi dont il relève, au point d'être aux limites de la négation de l
On peut y reconnaître l'orientation de l'école des Annales. A ce
de l'analyse, doit succéder un troisième moment, interprétatif, de
l'événement comme émergence, mais cette fois sursignifiée. L'év
alors partie intégrante d'une construction narrative constituti
fondatrice (la prise de la Bastille) ou négative (Auschwitz). L'év
est de retour n'est donc pas le même que celui qui a été rédui
explicatif, ni celui infra-signifié qui était extérieur au discours
lui-même le sens: «Cette salutaire reprise de l'événement surs
prospère qu'aux limites du sens, au point où il échoue par
défaut : par excès d'arrogance et par défaut de capture »14.
Les événements ne sont décelables qu'à partir de leurs traces,
ou non. Sans réduire le réel historique à sa dimension langagièr
de l'événement, sa cristallisation s'effectue à partir de sa nom
sémantique historique permet de prendre en considération la

12. Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Le Seuil, 2000.


13. Paul Ricœur, «Evénement et sens», Raisons Pratiques, «L'événement en per
1991, p. 51-52.
14. Ibid., p. 55.

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l'agir et de rompre avec les conceptions


titution de l'événement est tributaire d
médiation qui assure la matérialisation d
temps « aux trois niveaux de sa préfigur
épistémique, et de sa reconfiguration he
joue le rôle d'opérateur, de mise en relat
se substitue à la relation causale de l'exp
tique de la conscience historique situe l'é
entre deux catégories méta-historiques q
d'expérience et celle d'horizon d'attente
une thématisation du temps historique q
concrète, avec des déplacements signific
progressive entre expérience et attente
Le sens de l'événement, selon Koselleck,
anthropologique de l'expérience tempore
riquement instituées. Koselleck développ
dividuation des événements qui place le
temporalisation, de l'action et de l'indiv
un niveau plus profond que celui de la si
conditions de possibilité de l'événement
montrer l'opérativité des concepts histor
tout à la fois structurée par des situations
d'expérience et d'attente, ne sont pas de
à opposer à l'histoire «vraie»; ils ont «un
partir duquel ils influent sur chaque sit
sent»17. Les concepts ne sont ni réducti
simple outillage propre à classer dans de
champ d'expérience d'où ils sont nés po
significations. Peut-on affirmer alors que c
sens de l'histoire jusqu'à permettre un
langage? Comme Ricœur, Reinhart Kose
dère au contraire que les processus hist
dimension discursive: «L'histoire ne coï
façon dont le langage la saisit et l'expéri
pense Ricœur, le champ pratique qui est
de temporalisation.
Ce déplacement de l'événementialité vers
un véritable retour de la discipline histor
ce que l'on pourrait qualifier de cercle h
riographique. Ce nouveau moment invit
sens dans les mutations et glissements
entre l'événement lui-même et la positio
alors sur les diverses modalités de la fab

15. Jean-Luc Petit, «La construction de l'événement


16. Louis Quéré, «Evénement et temps de l'histoire»,
17. Reinhart Koselleck, Le futur passé. Contribution
EHESS, 1990, p. 264.
18. Ibid., p. 195.

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 653

nement à partir de sa trame textuelle. Ce mouvement de revi


passé par l'écriture historienne accompagne l'exhumation de l
nationale et conforte encore le moment mémoriel actuel. Par le
historiographique et mémoriel, les historiens assument le tra
d'un passé en soi et apportent leur contribution à l'effort réfl
prétatif actuel dans les sciences humaines. Cette inflexion réc
cette déprise/reprise de toute la tradition historique entrepris
Nora dans Les lieux de mémoire et ouvre la voie à une tout autr
«Non plus les déterminants, mais leurs effets; non plus les act
sées ni même commémorées, mais la trace de ces actions et le
commémorations ; pas les événements pour eux-mêmes, mais l
tion dans le temps, l'effacement et la résurgence de leurs significa
le passé tel qu'il s'est passé, mais ses réemplois permanents, ses
mésusages, sa prégnance sur les présents successifs ; pas la trad
manière dont elle s'est constituée et transmise »19.
En proie à la mondialisation des informations, à l'accélérati
rythme, le monde contemporain connaît une « extraordinaire
l'histoire, une poussée d'un sentiment historique de fond»20. Ce
fication a eu pour effet une expérimentation moderne de l'his
impliquait une redéfinition de l'événementialité comme appro
multiplicité de possibles, de situations virtuelles, potentielles,
comme l'accompli dans sa fixité. Le mouvement s'est empa
présent jusqu'à modifier le rapport moderne au passé. La lectur
de l'événement n'est plus réductible à l'événement étudié, ma
dans sa trace, située dans une chaîne événementielle. Tout disco
événement véhicule, connote une série d'événements antérieu
donne toute son importance à la trame discursive qui les relie d
en intrigue. Comme on peut le mesurer, l'histoire du temps présen
pas seulement l'ouverture d'une période nouvelle, le très proc
au regard de l'historien. Elle est aussi une histoire différente, part
orientations nouvelles d'un paradigme qui se cherche dans la ru
temps unique et linéaire, et pluralisant les modes de rationalité
On a opposé à l'histoire du temps présent des arguments pré
certain nombre d'obstacles insurmontables. En premier lieu, le
la proximité ne permettrait pas de hiérarchiser selon un ordre
relatif dans la masse des sources disponibles. On ne peut,
critique, définir ce qui relève de l'historique et ce qui tient d
mène. En second lieu, on lui reproche d'utiliser un temps tro
futur. L'historien ne connaît pas la destinée temporelle des faits ét
que le plus souvent le sens ne se révèle que dans l'après-coup.
Ricœur, qui inscrit son intervention dans le cadre d'une défens
mité de l'histoire du temps présent, attire l'attention sur les diffic
configuration inscrite dans la perspective d'une distance tempo
Il préconise de distinguer dans le passé récent: le temps inachev

19. Pierre Nora, Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1993, tome 3, vol. 1, p. 24.
20. Pierre Nora, « De l'histoire contemporaine au présent historique », Ecrire l'hi
présent, Paris, IHTP, 1993, p. 45.

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en cours lorsque l'on en parle au m


handicap pour cette historiographie, c
sions et des anticipations dans la compr
d'autre part le temps clôturé, celui de
décolonisation, de la fin du communis
devient une date intéressante de clôture
bles intelligibles une fois un certain cy
loi des trente ans qui ne permet pas
archives. Il faut encore ajouter le man
démarche historienne.
Mais l'histoire du temps présent a aus
de ces inconvénients en avantages, com
successeur de François Bédarida à la dir
travail d'investigation sur de l'inachevé
relativiser les chaînes causales qui const
à-porter de l'historien. L'histoire du te
laboratoire pour briser le fatalisme ca
maniement pose des problèmes métho
chance de pouvoir travailler sous contr
analyse. Il dispose de sources orales qui
ci sont à manier avec prudence et avec
« une source sur un temps passé et non
écrites, contemporaine de l'événement
rien confronté à son enquête de terra
celui-ci en bonne position «pour faire
vité »24.
Cette histoire du temps présent aura contribué à renverser le rapport
histoire/mémoire. L'opposition traditionnelle entre une histoire critique
située du côté de la science et une mémoire relevant de sources fluctuantes
et en partie fantasmatiques est en voie de transformation. Alors que l'his
toire perd une part de sa scientificité, la problématisation de la mémoire
conduit à accorder une part critique à l'approche de la notion de mémoire.
Les deux notions se sont rapprochées et la part des sources orales dans l'écri
ture du temps présent rend possible une histoire de la mémoire. Ce renver
sement a une valeur heuristique car il permet de mieux comprendre le carac
tère indéterminé des possibles ouverts pour des acteurs d'un passé qui fut
leur présent. L'histoire du temps présent modifie donc le rapport au passé,
sa vision et son étude. L'historien du temps présent inscrit l'opération histo
riographique dans la durée. Il ne limite pas son objet à l'instant. Il doit faire
prévaloir une pratique consciente d'elle-même, ce qui interdit les naïvetés
fréquentes devant l'opération historique.
Inscrit dans le temps comme discontinuité, le présent est travaillé par
celui qui doit l'historiciser par un effort pour appréhender sa présence

21. Paul Ricœur, «Remarques d'un philosophe», in Écrire l'histoire du temps présent, op. cit., p. 38.
22. Robert Frank, «Enjeux épistémologiques de l'enseignement de l'histoire du temps présent», in
L'histoire entre épistémologie et demande sociale, Actes de l'université d'été de Blois, sept. 1993,
1994, p. 161-169.
23. Ibid., p. 165.
24. Ibid., p. 166.

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 655

comme absence, à la manière dont Michel de Certeau définissait


historiographique. Cette dialectique est d'autant plus difficile à r
faut procéder à une désintrication volontariste pour l'histoire
présent, plus naturelle lorsqu'il est question d'un temps révolu
tion est de savoir si, pour être historique, l'histoire du temps
présuppose pas un mouvement semblable de chute dans l'absenc
duquel le passé nous interpellerait avec la force d'un passé qui fu
présent »25. On saisit ici à quel point l'histoire du temps présent
par des motivations plus profondes que celles d'un simple accès
contemporain. C'est la quête de sens qui guide ses recherches aut
refus de l'éphémère. Un sens qui n'est plus un telos, une continu
truite, mais une réaction à «l'a-chronie contemporaine»26. L'hi
temps présent se différencie donc radicalement de l'histoire cla
contemporaine. Elle est en quête d'épaisseur temporelle et cherc
un présent trop souvent vécu dans une sorte d'apesanteur tempor
volonté réconciliatrice, au cœur du vécu, du discontinu et des co
l'histoire du présent comme télescopage constant entre passé e
permet « un vibrato de l'inachevé qui colore brusquement tout u
présent peu à peu délivré de son autisme »27.

2. A l'articulation entre l'histoire-vérité et la mémoire-fidélité

Très préoccupé, de manière très kantienne, d'éviter la démes


divers modes de recouvrement qu'elle implique, Ricœur s'est atta
chir à la dialectique propre aux rapports entre histoire et mémo
titue un point sensible et parfois obsessionnel de notre fin de siècle,
bilan des désastres d'un tragique XXe siècle. C'est cette réflexio
conduit à cette somme qu'il livre en septembre 2000 aux lecteurs
et aux historiens en particulier et qui participe, comme toujours
des préoccupations citoyennes qu'il énonce d'emblée à l'ouvertu
dernier ouvrage: «Je reste troublé par l'inquiétant spectacle que
trop de mémoire ici, le trop d'oubli ailleurs, pour ne rien dire de
des commémorations et des abus de mémoire et d'oubli. L'idée
tique
' 28
de la juste mémoire est à cet égard un de mes thème
avoues» .

Ricœur s'attache à bien distinguer deux ambiti


véritative pour l'histoire et de fidélité pour la m
qu'une méfiance trop poussée vis-à-vis des méfai
à sacraliser la posture historienne et à l'inverse
toire par la mémoire ferait l'impasse sur le nive
sable de l'explication/compréhension. Que serait
encore une fidélité sans vérité se demande Ricœ
lieu une phénoménologie de la mémoire. Ricœur

25. Paul Ricœur, «Remarque d'un philosophe», in Écrire l'histoi


26. Jean-Pierre Rioux, «Peut-on faire une histoire du temps pr
temps présents, Paris, Complexe, 1992, p. 50.
27. Ibid., p. 54.
28. Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, op. cit., p. I.

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656 FRANÇOIS DOSSE

répondre à l'énigme initiale de la représ


Platon s'est posé la question du « quoi» d
tète par YEikôn (l'image-souvenir). Or
présence à l'esprit d'une chose absente,
première approche, Aristote ajoute une
avec le fait qu'elle porte la marque du te
tière entre l'imagination, le phantasme
qui se réfère à une antériorité, à un «aya
mémorielles? Elles sont de trois ordres s
distance des entreprises réductionnistes
Homme neuronal pour lequel la logique
tous les comportements humains. Ricœur
mémorielles corticales, psychique et
dimension de la mémoire, celle des trace
dans le champ d'investigation de l'histo
seules l'imbrication inévitable de l'histoire et de la mémoire. Si la mémoire
est sujette à des pathologies - des empêchements, des résistances - comme l'a
montré Freud, elle est aussi la proie de manipulations, de commandements.
Elle peut cependant accéder en certains cas à des moments «heureux», ceux
de la reconnaissance. C'est le cas du souvenir involontaire décrit par Proust,
mais cela peut être aussi l'objectif d'une mémoire de rappel, d'un travail de
mémoire qui s'apparente à ce que Freud a désigné sous le vocable de travail
de deuil. Or, ce petit miracle de la reconnaissance que permet la mémoire est
par contre inaccessible à l'historien qui ne peut prétendre accéder à ce « petit
bonheur» car son mode de connaissance est toujours médié par la trace
textuelle qui fait de son savoir un chantier à jamais ouvert et indéfini.
Si l'oubli, troisième terme, essentiel du triptyque de Ricœur, constitue
un double défi à l'histoire et à la mémoire, Ricœur distingue dans cette véri
table boite noire ce qui est de l'ordre de la perte irréversible, que ce soit l'ef
facement des traces corticales ou la perte de documents, et l'oubli de réserve
qui est la condition même de la mémoire, permettant la mise au travail de
celle-ci. Cet oubli de réserve, offert au rappel, est un oubli qui préserve:
«L'oubli revêt une signification positive dans la mesure où l'ayant-été
prévaut sur le n'être-plus dans la signification attachée à l'idée du passé.
L'ayant-été fait de l'oubli la ressource immémoriale offerte offerte au travail
du souvenir»30. Dans la guerre des mémoires que nous traversons et au cours
de laquelle une rude concurrence oppose l'histoire à la mémoire, Ricœur
intervient pour dire l'indécidabilité de leurs relations: «La compétition
entre la mémoire et l'histoire, entre la fidélité de l'une et la vérité de l'autre,
ne peut être tranchée au plan épistémologique»31.
Cette tension conduit Ricœur à s'interroger sur la dimension ontolo
gique de notre condition historique comme être de mémoire et d'histoire. Il
reprend ses réflexions sur l'historialité et sa confrontation avec les thèses
heideggériennes sur le temps. Ricœur oppose cette fois une catégorie

29. Voir le débat Paul Ricoeur et Jean-Pierre Changeux dans Ce qui nous fait penser. La nature et l
règle, Paris, Odile Jacob, 1998.
30. Paul Ricoeur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, op. cit., p. 574.
31. Ibid., p. 648.

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 657

nouvelle à celle de l'être-pour-la-mort de Heidegger qui a tou


chez lui la plus vive défiance. Il lui substitue la notion de l'êt
comme lien possible entre passéité et futurité. C'est un point m
table fil rouge de sa démonstration selon laquelle l'avoir-été l'em
révolu. A ce titre, Ricœur insiste, et c'est essentiel pour la co
historienne, sur le fait que le passé existe encore dans le temps «fe
présent. Il retrouve là Jankélévitch qu'il cite en exergue de s
« Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désor
mystérieux et profondément obscur d'avoir été est son viatiqu
nité ». C'est à partir de cette insistance que mémoire et histoire pe
confrontées comme deux pratiques, deux rapports au passé de
rique dans une dialectique du liement et du déliement. Dans l
l'histoire est plus distante, plus objectivante, plus impersonn
rapport au passé, elle peut jouer un rôle d'équité afin de tempé
vité des mémoires particulières. Elle peut ainsi contribuer, selo
transformer la mémoire malheureuse en mémoire heureuse,
juste mémoire. C'est donc une nouvelle leçon d'espérance
prodigue Ricœur: une remise en route du rapport entre passé
devenir constitutif de la discipline historique de la part d'un ph
rappelle les impératifs de l'agir à des historiens qui ont te
complaire dans le ressassement et les commémorations. Il
nouveau aux historiens que leur travail vise à «rendre nos att
déterminées et notre expérience plus indéterminée »32. C'est à ce t
convie les historiens et c'est en ce sens qu'il faut comprendre
travail de mémoire, en référence à Freud et à sa notion de tra
A ce titre, la pratique psychanalytique peut être, selon Ricœ
tive à l'historien: l'analysant parle et au travers de l'affleureme
scient dans son dire sous forme de bribes de récits incohérent
d'actes manqués, et l'objectif est d'aboutir à terme à une mise
intelligible, acceptable et constitutive de son identité personnel
quête, le patient, selon Freud, passe par deux médiations. En p
celle de l'autre, de celui qui écoute, le psychanalyste. La présen
qui autorise à raconter est indispensable à l'expression de la mé
douloureuse, traumatique. Le patient parle devant témoin et c'e
qui l'aide à lever les obstacles de la mémoire. La seconde médiat
du langage lui-même du patient qui est celui d'une communaut
On emprunte les ressources d'une pratique sociale et dans cet
sociale du récit, on rencontre le récit avant de se connaître soi
deux médiations donnent un enracinement social au récit pour
en pratique. Le dispositif de la cure, par la présence d'un tier
forme particulière d'intersubjectivité. Quant au dire lui-même
ses récits tissés de récits qui le précèdent sont donc ancrés dans un
collective. Le patient exprime une intériorisation de la mémoir
qui croise sa mémoire personnelle, débordée par le souci de la
tion, de la transmission intergénérationnelle, par l'injonction
(Souviens toi!) de la tradition de l'Ancien Testament33. Cet

32. Paul Ricœur, Temps et Récit, Paris, Points-Seuil, tome 3, op. cit., p. 390.
33. Yosef Hayim Yerushalmi, Zakhor, Paris, La Découverte, 1984.

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658 FRANÇOIS DOSSE

relève donc d'un tissage à la fois privé e


gence d'un récit constitutif d'une identité
histoires»34 qui fait de la mémoire une m
Le second grand enseignement que l'on
tique est le caractère blessé de la mémo
visent à faire avec et donc à refouler les tr
trop douloureux. Ceux-ci sont à la base d
de Freud ont pour objet le traitement d
mettent en évidence, à une échelle indiv
le fait qu'elle engage un travail. La cure
du souvenir»35 qui doit passer au trave
blocages qui conduisent à ce que Freud q
chez le patient condamné à résister en
second usage du travail de la mémoire i
encore, c'est le «travail du deuil»36. Le d
mais véritable négociation avec la per
douloureux travail d'assimilation et de détachement. Ce mouvement de
remémoration par le travail du souvenir et de mise à distance par le travail
du deuil démontre que la perte et l'oubli sont à l'œuvre au cœur même de la
mémoire pour en éviter les troubles : « Le trop de mémoire rappelle particu
lièrement la compulsion de répétition, dont Freud nous dit qu'elle conduit
à substituer le passage à l'acte au souvenir véritable par lequel le présent
serait réconcilié avec le passé»37. Ainsi face aux injonctions actuelles selon
lesquelles il est un nouvel impératif catégorique qui relève du devoir de
mémoire, Ricœur, s'inspirant de la pratique analytique, préfère la notion de
travail de mémoire à celle de devoir de mémoire dont il souligne le paradoxe
grammatical qui consiste à conjuguer au futur une mémoire gardienne du
passé. Mais il ne faudrait pas lire chez Ricœur, dans ce glissement séman
tique, un abandon du « Souviens toi !» du Deutéronome. Tout au contraire,
il affirme la légitimité du «Souviens toi!» de la tradition judéo-chrétienne
qu'il tente d'articuler à l'effort critique du logos. Le devoir de mémoire est
donc légitime, même s'il peut être l'objet d'abus: «L'injonction à se
souvenir risque d'être entendue comme une invitation adressée à la
mémoire à court-circuiter le travail de l'histoire»38.
Les pathologies collectives de la mémoire peuvent tout aussi bien se
manifester par des situations de trop-plein de mémoire, de ressassement
dont la « commémorite » et la tendance à patrimonialisation du passé
national en France donnent un bel exemple, que par des situations
contraires de pas-assez de mémoire, comme c'est le cas dans tous les pays
totalitaires où domine une mémoire manipulée : « Le travail de l'histoire se
comprend comme une projection, du plan de l'économie des pulsions au

34. Wilhelm Schapp, In Geschichten vestrickt, Wiesbaden, B. Heymann, 1976; trad. fr. Jean Greisch,
Enchevêtré dans des histoires, Paris, Cerf, 1992.
35. Sigmund Freud, Erinnern, wiederholen und durcharbeiten, (1914), dans De la technique psychana
lytique, Paris, PUF, 1953, p. 105-115.
36. Sigmund Freud, Trauer und mélancolie, «Deuil et Mélancolie», (1917), dans Métapsychologie,
Paris, Gallimard, 1952, p. 189-222.
37. Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, op. cit., p. 96.
38. Ibid., p. 106.

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 659

plan du labeur intellectuel, de ce double travail de souvenir et


C'est ainsi que la mémoire est inséparable du travail d'oubli. B
déjà illustré le caractère pathologique de celui qui retient
sombrer dans la folie et l'obscurité avec son histoire de Funes el m
La mémoire est donc, à l'égal de l'histoire, un mode de sélecti
passé, une construction intellectuelle et non un flux extérieur
Quant à la dette qui guide «le devoir de mémoire»: elle est à la
triade passé-présent-futur: «Ce choc en retour de la visée du fu
du passé est la contrepartie du mouvement inverse d'emprise d
tation du passé sur celle du futur»41. Loin d'être un simple fard
par les sociétés du présent, la dette peut devenir gisement de sens
de ré-ouvrir la pluralité des mémoires du passé et d'explor
ressource des possibles non avérés. Ce travail ne peut se réalise
tisation de la mémoire et de l'histoire, en distinguant sous le regis
toire-critique la mémoire pathologique qui agit comme compul
tition et la mémoire vive dans une perspective reconstructiv
délivrant, par le moyen de l'histoire, les promesses non tenues,
chées et refoulées par le cours ultérieur de l'histoire, qu'un p
nation, une entité culturelle, peuvent accéder à une conception
vivante de leurs traditions »42.
Au-delà de la conjoncture mémorielle actuelle, symptom
crise d'une des deux catégories méta-historiques, l'horizon d'a
sence de projet de notre société moderne, Ricœur rappelle la f
dette éthique de l'histoire vis-à-vis du passé. Le régime d'historicit
ouvert vers le devenir, n'est certes plus la projection d'un proje
pensé, fermé sur lui-même. La logique même de l'action mainti
champ des possibles. A ce titre Ricœur défend la notion d'hori
épilogue sur le pardon qui, à la manière d'une utopie, porte u
libératrice en empêchant «l'horizon d'attente de fusionner av
d'expérience. C'est ce qui maintient l'écart entre l'espéranc
tion »43.

3. La biographie à l'épreuve de l'identité narrative.

On peut parler de levée d'écrou depuis le début des années quatre-vingt.


Les sciences humaines en général, et les historiens en particulier, redécou
vrent les vertus d'un genre que la raison voulait ignorer. La biographie se
trouve alors revendiquée par la muse de l'histoire, Clio, comme appartenant
de plain-pied au genre historique. Dès le mur tombé, on assiste à une véri
table explosion biographique qui s'empare des auteurs comme du public
dans une fièvre collective non démentie à ce jour. On peut dater le retour
nement de conjoncture à l'année 1985. C'est d'ailleurs à cette date que l'heb
domadaire professionnel de l'édition, Livres-Hebdo, consacre le seul dossier
paru depuis aux « biographies », et l'enquête publiée révèle l'engouement de

39. Paul Ricœur, «Entre mémoire et histoire», Projet, n° 248, 1996, p. 11.
40. Jorge Luis Borges, «Funes ou la mémoire», in Fictions, (Folio), Paris, Gallimard, 1957, p. 127-136.
41. Paul Ricœur, «La marque du passé», Revue de métaphysique et de morale, n° 1, mars 1998, p. 25.
42. Ibid., p. 30-31.
43. Paul Ricœur, Du texte à l'action, Paris, Le Seuil, 1986, p. 391.

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660 FRANÇOIS DOSSE

tous les éditeurs, parmi les plus sérieux,


la seule année 1985, 200 nouvelles biogra
d'édition, et l'optimisme des éditeurs est
alors que le climat général est plutôt m
tard, en 1989, Daniel Madelénat fait le
1989, « l'inflation saute aux yeux »4\ En ef
tions des biographies est alors de 66%45
fier et le Cercle de la librairie comptabil
1996 et de 1043 en 1999, sans compte
mémoires et confessions. Le succès est
occupent les premières places dans les p
titres les plus populaires tiennent même au
la production biographique se diversifie
à son épanouissement. Les biographies s
des acquis de l'histoire savante et de l'en
deviennent même des sources d'innovation.
Ce qui était hier considéré comme un handicap disqualifiant, soit son
caractère inclassable, devient un atout car le genre biographique se trouve en
mesure d'ouvrir ses portes à l'ensemble des sciences humaines et des litté
raires grâce à sa capacité d'accueil. L'exercice d'études transversales et le
dialogue entre des univers d'interprétation différents sont rendus possibles.
Par ailleurs, la pluralisation croissante du mode d'approche biographique
débouche sur la question de l'identité d'un genre qui a souffert d'un évident
déficit réflexif.
Lorsque Bernard Guénée, spécialiste de l'historiographie médiévale,
entreprend en 1987 de raconter la vie de quatre prélats, il relève le rappro
chement en cours entre l'histoire et la biographie: «L'histoire se lasse d'être
sans visage et sans saveur. Elle revient au qualitatif et au singulier. Et la
biographie reprend sa place dans les genres historiques. Elle ne renie pas
pour autant les liens qu'elle a toujours eus avec la morale et l'imaginaire,
prenant des formes multiples pour remplir des fonctions variées et toucher
des publics divers, la biographie est plus que jamais le vieil et insaisissable
Protée qu'elle a toujours été»47.
En 1989, Daniel Madelénat définissait ainsi la nouvelle fonction sociale
de la biographie : « La biographie gère une part de la mémoire, lyophilise le
passé en modules prêts à la consommation, irrigue doucement l'aujourd'hui
des charmes de l'autrefois... Elle joue un rôle moral: elle arrache les
monades à leur solitude, leur offre des voies de recherche identitaire, leur
ouvre le sanctuaire du sujet, leur propose des modèles qui suscitent la projec
tion et l'introjection formatrices»48. Du point de vue du lecteur, le désir de

44. Daniel Madelénat, «La biographie aujourd'hui», dans Mesure, Paris, José Corti, 1989, n° l,p.47.
45. 1984: la production totale d'ouvrages se situe à 18.150 et la production de biographies repré
sente 317 titres. En 1987: la production globale est de 19.400 et le nombre de titres dans le
domaine biographique est de 554; Informations Daniel Madelénat, «La biographie aujour
d'hui», ibid., p. 48.
46. C'est le cas en 1986 de Jean Lacouture, De Gaulle, tome 3, Paris, Le Seuil, 1986; François
Bluche, Louis XIV, Paris, Fayard, 1986; Henri Amouroux, M. Barre, Paris, Laffont, 1986.
47. Bernard Guénée, Entre l'Eglise et l'État. Quatre vies de prélats français à la fin du moyen-âge (XIIL
XV siècle), Paris, Gallimard, 1987, p. 13.
48. Daniel Madelénat, « La biographie aujourd'hui», dans Mesure, op. cit., p. 55.

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 661

biographies qui ne s'est jamais démenti est à historiciser car i


fonction des périodes. L'engouement actuel atteste néanmoins
attentes majeures. Outre le savoir que le public espère trou
lecture d'une biographie sur une époque particulière et la maniè
dont le personnage l'a traversée, il semble bien qu'il soit nécessa
une autre dimension, plus fondamentale, plus existentielle. O
quer la classique recherche de ré-assurance de soi, de quête de modè
Dans le contexte contemporain, s'ajoute un autre besoin, en u
dans lequel la mort fait figure d'interdit, comme l'a justement
rien des mentalités Philippe Ariès49, le fait de lire des histoires de
être perçu comme un Ars moriendi, une manière de se familia
mort, de l'apprivoiser en se plaçant dans les traces de ceux qui
Le domaine de l'écriture biographique est devenu aujourd'hu
terrain d'expérimentation pour l'historien qui peut mesurer l
ambivalent de l'épistémologie de sa discipline, l'histoire, inévi
prise en tension entre son pôle scientifique et son pôle fictionnel50
biographique revêt cet intérêt fondamental de faire éclater l'a
de la distinction entre un genre proprement littéraire et une
purement scientifique car, plus que toute autre forme d'expression
le mélange, l'hybridité et manifeste ainsi les tensions ainsi qu
vences à l'œuvre entre littérature et sciences humaines.
Aujourd'hui, ce qui s'exprime avec la nouvelle passion bio
contemporaine, ce n'est pas la figure du même, celle de l'Histo
vitae, du culte de la vie exemplaire, mais un nouveau souci pou
la singularité et une attention particulière aux phénomènes ém
sont considérés comme des objets bons à penser grâce à leur co
à l'impossibilité de les réduire à des schémas mécaniques. So
vocable qui renvoie au « bios » en tant que vie au sens biologique
fiant d'emblée aussi une manière de vivre, le genre biographiq
des exigences différentes suivant les moments historiques. Manifes
au besoin de construire son identité dans le temps et dans l'esp
biographique a suivi les évolutions d'une société qui a fait une
sante aux logiques singulières des individus. Au point de départ
s'effaçait sous le personnage, le portrait se diluait sous le mo
conçu pour être imité et donner lieu à identification. Leçon de vie,
Magistrae représentait une source d'inspiration pour la propr
lecteur par le caractère exemplaire du personnage érigé en héros
Le biographe n'apparaissait pas pour laisser toute la place à son
en un simulacre de réalité qui devait gagner par l'illusion créée
conviction. La biographie fonctionne alors sous le régime de l
modèle porté à son paroxysme au XIXe siècle par Taine selon
scientiste de l'identité personnelle. Taine se donne pour ambiti
aux «règles de la végétation humaine». Le biographe est alors
du zoologiste ou du botaniste qui élabore ses classifications d'e
fonction des portraits psychologiques qu'il repère.

49. Philippe Ariès, L'Homme devant la mort, Paris, Le Seuil, 1977.


50. Voir François Dosse, Le pari biographique. Ecrire une vie, Paris, La Découverte

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662 FRANÇOIS DOSSE

Cette quête identitaire n'a pas disparu,


myriade de «biographèmes» qui n'ont
ciment de sertissage. Au contraire, la plu
le biographé traversé par des tensions co
identité le plus souvent paradoxale. Cett
méthode elle-même du biographe app
rales», comme les appelle Sabina Loriga,
actions, l'enchevêtrement des vies, ainsi
son évocation de l'autre. L'identité bi
comme figée à la manière d'une statue,
tions. Elle ne peut se réduire à la simple
tales et, comme l'affirme Carlo Ginzbu
point de vue étroitement policier. L
confrontée à la traversée du temps, et s
altérations qui suscitent un incessant bougé
linéaires, à partir de brisures temporel
d'un futur du passé qui dépasse les limite
tence.

Sur ce plan aussi les réflexions de Ricœur sont très suggestives pour
des apories de ce que Bourdieu a qualifié d'«illusion biographi
avancé l'idée d'une centralité de l'identité narrative qui répond à la
posée par Hannah Arendt du «Qui?» de l'action, ce qui revient à «
l'histoire d'une vie. L'histoire racontée dit le qui de l'action. L'ide
qui n'est donc elle-même qu'une identité narrative. Sans le recou
narration, le problème de l'identité personnelle est en effet voué à
nomie sans solution : ou bien l'on pose un sujet identique à lui-mêm
diversité de ses états, ou bien l'on tient, à la suite de Hume et de N
que ce sujet identique n'est qu'une illusion substantialiste»51.
suggère de dépasser l'alternative entre dissolution de l'identité et
d'une identité fixe en distinguant l'identité comprise comme
(Idem) et l'identité comprise au sens de soi-même (Ipse). C'est cette
forme de l'identité qui confronte le sujet au temps, au changeme
mutations constitutives dans le rapport à autre. La dialectisation de
dimensions, l'ipséité et la mêmeté, permet seule, par la médiation
tité narrative, de restituer une cohésion de vie qui ne cesse de se faire
défaire: «Notre thèse constante sera que l'identité au sens d'Ipse n
aucune assertion concernant un prétendu noyau non changea
personnalité »". L'émergence d'un soi, qui n'est plus un moi du fai
rations provenant de sa relation avec l'autre et de sa traversée du
offre un moyen de sortir de « l'illusion biographique » dénoncée pa
logie bourdieusienne.
Avec son concept du « soi », du sujet qui est la résultante de l'ac
moi sur l'autre et réciproquement, Paul Ricœur offre un moyen d
ensemble la tension, le dilemme de tout biographe entre la repro
d'un caractère intangible du sujet biographé et les changements qu'

51. Paul Ricœur, Temps et Récit, tome 3, Paris, Le Seuil, 1985, rééd. Coll. «Points», 19
52. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1990, p. 13.

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 663

tout au long de son existence. Dans Soi-même comme un au


reprend une question centrale, qu'il avait laissée en suspens à
et Récit: celle de l'identité narrative. C'est ce «reste» que re
pour le confronter à la question de «l'homme capable», du «je
traversée du pronom réfléchi - le soi - traduit bien la co
cogito brisé qui rend caduque la tentative traditionnelle de sai
du «je». Le sujet en tant que personne n'en est pas moins là,
point d'aboutissement d'une démonstration partie de la trois
et des réponses à la question -qui? - dans les domaines du dis
et de l'action. La personne apparaît alors au terme d'une
clivage des formes d'inscription de l'identité. Ricœur disting
cours de sa démonstration, la mêmeté de l'ipséité. La même
caractère du sujet dans ce qu'il a d'immuable, à la manière de
digitales, alors que l'ipséité renvoie à la temporalité, à la pr
volonté d'une identité maintenue en dépit du changement:
dans sa traversée des épreuves du temps et du mal. «Notre t
sera que l'identité au sens d'ipse n'implique aucune assertion
prétendu noyau non changeant de la personnalité»53. L'ipsé
truit donc pas dans un rapport analogique d'extériorité à l'au
une implication, une véritable intrication à l'autre. C'est le
titre même du livre d'un soi-même «en tant que...autre»54.
L'herméneutique du soi se trouve à la croisée d'une double
entre l'idem et l'ipse et entre l'ipséité et l'altérité à l'intérieu
du soi apparaît alors comme celui d'une prise de responsabi
gement qui prend en charge la traversée de l'expérience com
nement à soi. Le soi est à cet égard la dimension réfléch
pronoms personnels. Il n'est ni le je, ni le tu, ni le il, et en mêm
englobe tous comme leur forme de secondarité. L'autre
notion de soi est l'impossible accès immédiat à une connaissan
être qu'indirecte. Elle permet d'éviter l'alternative ruineuse
tout puissant, divinisé et un sujet humilié, dissout. Si Ricœ
toute puissance de la conscience les multiples détours nécessa
trages indispensables pour l'appréhender, il met en avant fac
phies du soupçon, la notion majeure du soi, celle de l'att
définit en 1988- à Cerisy comme une manière de se situer en
logie et ontologie55.
Cette attestation de soi comme être agissant et souffrant
exprimer par le biais du témoignage56 « demeure l'ultime recour
soupçon»57, et à ce titre l'herméneutique du soi, selon R
«prétendre se tenir à égale distance du cogito exalté par De
cogito proclamé déchu par Nietzsche»58. Ricœur accomplit le

53. Ibid., p. 13.


54. Ibid., p. 14.
55. Paul Ricœur, «L'attestation: entre phénoménologie et ontologie», Les mé
raison herméneutique, Paris, Cerf, 1991, p. 381-403.
56. Paul Ricœur, «L'herméneutique du témoignage», dans E. Castelli éd., Le
Aubier, Paris, 1972, p. 35-61.
57. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 35.
58. Ibid., p. 35.

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664 FRANÇOIS DOSSE

position fondatrice du sujet et déplace le


de certitude qu'il s'agit de définir. C'est
tion »59. En situant cette notion au centr
l'ipséité, Ricœur entend faire comprendr
définitif dans cet ordre-là. L'on bute inex
selon laquelle on trouverait son identité
contre, ce qu'il est possible d'attester se
l'individu investit dans l'agir tant vis-à-
l'autre. L'attestation implique un mom
dilemme entre doxa et épistémè: «Croya
qu'opinion. On comprend alors la parenté
témoignage, Bezeugung et Zeugnis, même
cette créance comme forme de confianc
blessé de sombrer comme cogito brisé so
définit donc, au terme du parcours, com
l'attestation, toujours en position de ter
«L'attestation est l'assurance - la créance et la fiance - d'exister sur le mode
de l'ipséité»61.
Cette distinction entre «mêmeté» et «ipséité» peut être le moyen de
sortir des apories de l'utopie biographique en validant la pertinence du
genre, tout en évitant les écueils possibles de sa pratique. Récusant aussi bien
l'enfermement dans un moule établi une fois pour toutes par un caractère
individuel qui se déploierait de manière purement linéaire selon sa logique
endogène propre, que l'autre écueil qui reviendrait à réduire la personne en
simple agent jouet de structures extérieures, le distinguo «mêmeté»/
« ipséité » permet de penser ensemble ce qui perdure et ce qui change de l'ex
périence vive, de son expression et de la compréhension que l'on peut en
avoir. Sous la passion biographique, toujours contemporaine, ce n'est pas le
même qui revient car la quête identificatoire d'un modèle, d'une vie
maîtresse s'est transformée en quête de singularité, de la pluralité des possi
bles d'identités plurielles.

RESUME

L'apport de l'œuvre de Paul Ricœur est fondamental pour la pratique historienne d'au
jourd'hui. Depuis la fin du XIXe siècle, les historiens s'étaient dotés, en se professionnali
sant, d'une méthode. Grâce à Paul Ricœur, ils peuvent désormais accéder à une dimension
épistémologqiue et mieux comprendre les catégories qui leur sont familières comme celle de
temps, de vérité, de causalité ou de sujet. Cet article entend montrer en quoi notamment trois
thématiques classiques de l'historien que sont l'événement, la mémoire et la biographie trou
vent un éclairage particulièrement enrichissant chez Paul Ricœur et s'en trouvent très sensi
blement renouvelées.

59. Jean Greisch, «Témoignage et Attestation», dans Paul Ricœur. L'herméneutique à l'école de la
phénoménologie, dir. Jean Greisch, Paris, Beauchesne, 1995, p. 311.
60. Ibid., p. 311.
61. Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 351.

BULL. SOC. HIST. PROT, fr., octobre-novembre-décembre 2006

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L'IMPORTANCE DE L'ŒUVRE DE PAUL RICŒUR 665

SUMMARY

Paul Ricceur's work has made a fundamental contribution to the contemporary practice
of history. Since the end of the 19th century historians had become more professional and ha
defined an historical method. Thanks to Paul Ricoeur, they are now able to achieve an epis
mological dimension and to understand better familiar categories such as time, truth, caus
lity or subject. This article seeks to show how three classic historical themes in particular
namely event, memory and biography, are illuminated in a singularly enriching fashion in
the work of Paul Ricceur and are very perceptibly renewed by him.

ZUSAMMENFASSUNG

Auch für die heutige Geschichtswissenschaft erweist sich Paul Ricoeurs philosophi
Œuvre als grundlegend. Im Zuge ihres Professionalisierungsprozesses hatte die histori
Zunft gegen Ende des 19. Jahrhunderts nach einer einheitlichen Methode gestrebt. Übe
Werk Paul Ricoeurs findet sie nun Zugang zur wissenschaftstheoretischen Dimension. Ziel
Aufsatzes ist es, aufzuzeigen, wie drei für den Historiker entscheidende Fragen - nämli
des Ereignisses, des Gedächtnisses und der Biographie - bei Ricœur einer neuen Behan
unterzogen wurden.

bull. SOC. HIST. PROT, fr., octobre-novembre-décembre 2006

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