DOI : 10.4000/books.psorbonne.28921
Éditeur : Éditions de la Sorbonne
Année d'édition : 2017
Date de mise en ligne : 29 juillet 2019
Collection : Histoire ancienne et médiévale
ISBN électronique : 9791035101367
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782859449933
Nombre de pages : 376
Référence électronique
ANGOTTI, Claire (dir.) ; FOURNIER, Gilbert (dir.) ; et NEBBIAI, Donatella (dir.). Les Livres des maîtres de
Sorbonne : Histoire et rayonnement du collège et de ses bibliothèques du XIIIe siècle à la Renaissance.
Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2017 (généré le 01 octobre 2019).
Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/psorbonne/28921>. ISBN : 9791035101367.
DOI : 10.4000/books.psorbonne.28921.
sous la direction de
Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai
publications de la sorbonne
2017
ISBN : 978-2-85944-993-3
ISSN : 0290-4500
Les opinions exprimées dans cet ouvrage n’engagent que leurs auteurs.
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priété intellectuelle. Il est rappelé également que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger
l’équilibre économique des circuits du livre. »
L ’histoire du livre et des bibliothèques est l’un des champs les plus impor-
tants de l’histoire culturelle dans la mesure où il est indispensable d’an-
crer un texte, avec sa langue, avec les idées qu’il porte, dans l’environnement
humain et matériel qui a permis sa naissance, son usage et sa transmission.
Dans le domaine médiéval, le fer de lance de cette histoire a longtemps été
le Comité international de paléographie, fondé en 1953 (devenu en 1985 le
Comité international de paléographie latine) et que préside aujourd’hui Marc
Smith, dont l’œuvre majeure est la publication des catalogues nationaux
des manuscrits datés conservés dans nos modernes bibliothèques1 : plus de
soixante volumes publiés dans les collections nationales, auxquels s’ajoutent
aujourd’hui plus d’une trentaine de volumes dont la visée est régionale ou
même locale, comme ceux qui ont été publiés pour la France pour les biblio-
thèques de Cambrai, Laon, Saint-Quentin et Soissons2.
Cette œuvre magnifique est loin d’avoir fini de porter ses fruits, mais l’in-
térêt s’est aussi porté vers les bibliothèques médiévales, et notamment vers
leurs catalogues. Cela a particulièrement été le cas en Angleterre, et il m’a
semblé qu’il n’était pas inutile, pour présenter le présent volume, d’esquisser
une comparaison entre les orientations de l’histoire du livre dans ce domaine
entre la France et l’Angleterre, où beaucoup de bibliothèques ont une longue
histoire pratiquement ininterrompue depuis leurs lointaines origines : pour
avoir passé plusieurs années à travailler dans la magnifique salle de lecture
de la Duke Humphrey’s Library à la Bodleian d’Oxford, j’ai pu mesurer à quel
point les bibliothèques anglaises ont conservé leur identité en même temps
qu’une atmosphère quasi médiévale. Les bibliothèques des collèges ont
aussi conservé beaucoup de leurs manuscrits in situ, que ce soit à Oxford ou à
Cambridge, mais elles ont aussi souvent conservé, sinon leurs catalogues, du
moins beaucoup de ressources permettant de suivre leur évolution au cours
des siècles. Si, comme les collèges, les cathédrales ont également gardé une
1. http://www.palaeographia.org/cipl/cmd.htm.
2. D. Muzerelle et al., Manuscrits des bibliothèques de France, I, Cambrai, Paris, 2000 et II, Laon, Saint-
Quentin, Soissons, Paris, 2013.
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
3. Voir N. R. Ker, Medieval Libraries of Great Britain. A List of Surviving Books, Londres, 2e éd., 1964,
et A. G. Watson, Medieval Libraries of Great Britain, A List of Surviving Books. Supplement to the Second
Edition, Londres, 1987.
4. Elles sont bien exploitées dans S. Cavanaugh, A Study of Books Privately Owned in England, 1300-
1540, University of Pennsylvania Ph.D. diss., 1980.
5. http://www.history.ox.ac.uk/research/project/british-medieval-library-catalogues.html ou
http://www.history.ox.ac.uk/research/project/british-medieval-library-catalogues.html.
6. Dix-huit volumes sont parus sous la direction de Richard Sharpe, et plusieurs sont en prépa-
ration, dont celui (ou ceux) concernant les catalogues d’Oxford.
7. J. P. Carley, The Libraries of King Henry VIII, Londres, 2000.
8. V. Gillespie, Syon Abbey, Londres, 2001.
9. http://www.history.ox.ac.uk/faculty/staff/profile/sharpe/research.html, arrêté au mois de
novembre 2013.
10. R. Sharpe, A Handlist of the Latin Writers of Great Britain and Ireland before 1540 (Publications of
the Journal of Medieval Latin, 1), Turnhout, 1997 et Additions and Corrections, Turnhout, 2001.
11. L. Febvre et H. J. Martin, L’apparition du livre, Paris, 1958.
12. Pour la France, l’Histoire de l’édition française, quatre volumes publiés de 1982 à 1986 sous
la direction de Roger Chartier et d’Henri-Jean Martin et en 1989-1991, puis sous celle d’An-
dré Vernet pour la période médiévale, l’Histoire des bibliothèques françaises, 4 volumes publiés de
1988 à 1992, réédités en 2008-2009.
13. The Cambridge History of Libraries in Britain and Ireland, 3 volumes publiés en 2006 par
Cambridge University Press et The Cambridge History of the Book in Britain, 6 volumes publiés entre
1999 et 2011 par la même maison d’édition.
14. Sur les débuts et les développements actuels des recherches de l’IRHT, voir M. Peyrafort-
Huin et A. M. Turcan-Verkerk, « Les inventaires des bibliothèques médiévales françaises. Bilan
des travaux et perspectives », dans F. Henryot, L’historien face au manuscrit : du parchemin à la biblio-
thèques numérique, Louvain-la-Neuve, 2013, p. 149-166 (en ligne : http://books.openedition.org/
pucl/1261).
15. É. Pellegrin, La bibliothèque des Visconti et des Sforza, ducs de Milan, au xve siècle, Paris, 1955 ; le
long compte rendu de Gilbert Ouy est un véritable discours de la méthode pour l’étude des
bibliothèques anciennes : Bibliothèque de l’École des chartes, 114 (1), 1956, p. 258-268, citation à
la p. 258.
16. É. Pellegrin, Bibliothèques retrouvées. Manuscrits, bibliothèques et bibliophiles du Moyen Âge et de la
Renaissance, Paris, 1980. Elle a notamment étudié les bibliothèques des collèges de Dormans-
Beauvais, de Hubant (l’Ave Maria) et de Fortet.
17. Cf. pour les parlementaires (clercs et laïcs) F. Autrand, « Les librairies des gens du Parlement
au temps de Charles VI », Annales ESC, 28 (5), 1973, p. 241-701 et en général les indications
bibliographiques données par A. Tournieroux, « Les livres d’étudiants et de maîtres séculiers
de l’université de Paris au xve siècle », dans A. Mairey, S. Abélès et F. Madeline, dir., « Contre-
Champs ». Études offertes à Jean-Philippe Genet, Paris, 2016, p. 377-399.
18. A. Vernet, dir., La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du xiie au xviiie siècle, Paris, 2 vol., 1979
et 1997.
19. A. Bondéelle-Souchier, Bibliothèques cisterciennes de la France médiévale. Répertoire des abbayes
d’hommes, Paris, 1991 ; A. M. Turcan-Verkerk, Les manuscrits de La Charité, Cheminon et Montier-en-
Argonne, Paris, 2000 ; M. Peyrafort, dir., La bibliothèque de l’abbaye de Pontigny (xiie-xixe siècle), Paris,
2001 ; F. Bougard et P. Petitmengin, dir., La bibliothèque de l’abbaye cistercienne de Vauluisant, Paris,
2012.
20. A. Bondéelle-Souchier, Bibliothèques de l’ordre de Prémontré dans la France d’Ancien Régime, Paris,
2 vol., 2000-2006.
21. D. Nebbiai, La bibliothèque de l’abbaye de Saint-Denis en France du ixe au xviiie siècle, Paris, 1985 et
La bibliothèque de l’abbaye Saint-Victor de Marseille (xie-xve siècle), Paris, 2005.
22. Par exemple A. Chalandon, La bibliothèque des ecclésiastiques de Troyes, Paris, 2001.
23. D. Williman, Bibliothèques ecclésiastiques au temps de la papauté d’Avignon, Paris, 1980 et
D. Williman, J. Monfrin et M. H. Jullien de Pommerol, Inventaires de bibliothèques et mentions de
livres dans les Archives du Vatican, Paris, 1980.
31. C. Luna, Aegidii Romani. Opera Omnia I, Catalogo dei Manoscritti (293-372) 1/3**, Francia, Parigi,
Florence, 1998 ; voir pour l’ensemble des oeuvres et des manuscrits, la base Studium (cf. infra) :
http://lamop-vs3.univ-paris1.fr/studium/ sous « Aegidius Romanus ».
32. G. Fournier, Une bibliothèque vivante : la libraria communis du collège de Sorbonne (xiiie-xve siècle),
Thèse EPHE, 2007.
33. C. Angotti, La lectio des Sentences au collège de Sorbonne, Turnhout, à paraître, 2016.
34. http://quodlibase.ehess.fr/.
35. Par exemple, E. Marmursztejn, L’autorité des maîtres. Scolastique, normes et société au xiiie siècle,
Paris, 2007 ; Ch. Schabel, éd., Theological Quodlibeta in the Middle Ages. The Thirteenth Century,
Leyde/Boston, 2006 et Id., The Fourteenth Century, Leyde-Boston, 2007.
36. Présentation sur http://www.irht.cnrs.fr/fr/agenda/autour-d-alexandre-de-hales.
Par ailleurs, deux grands projets ont entrepris d’élargir la base des connais-
sances dont nous disposons aujourd’hui pour l’université de Paris : dans le
cadre du Gabriel Project dont Thierry Kouamé est le maître d’œuvre, on se pro-
pose d’éditer ou de rééditer tous les statuts de tous les collèges parisiens37,
tandis que le projet Studium s’efforce de construire un répertoire bio-biblio-
graphique des membres des écoles et de l’université parisienne jusque vers
1500 et propose dès aujourd’hui plus de 10 000 biographies en ligne38. Dans
le cas des auteurs et des traducteurs, l’intention est d’indiquer la totalité des
manuscrits subsistant : il n’est malheureusement pas possible d’être exhaus-
tif, mais les listes dores et déjà réalisées montrent une nette augmentation
des références par rapport aux listes qui figuraient dans les répertoires de
Monseigneur Glorieux.
Aussi bien, grâce aux directions qu’ont su tracer ses initiateurs, le présent
volume innove par rapport à l’historiographie traditionnelle de la Sorbonne
dans la mesure où il cherche – et parvient – à resituer précisément la « maison
de maître Robert » dans l’ensemble parisien, au milieu des autres collèges
parisiens et au cœur d’une vaste communauté de maîtres et d’étudiants. Ce
faisant, et tout en constituant un remarquable instrument de travail, il est
un jalon important à la fois dans le domaine des méthodologies de l’histoire
intellectuelle et dans celle de l’histoire des bibliothèques anciennes.
37. Th. Kouamé, « L’édition des sources médiévales des collèges parisiens. Bilan et pers-
pectives », dans A. Sohn et J. Verger, Die universitären Kollegien im Europa des Mittelalters und
die Renaissance, Bochum, 2011, p. 91-05 : voir aussi https://hal-paris1.archives-ouvertes.fr/
hal-00786535/document.
38. http://lamop-vs3.univ-paris1.fr/studium/ : voir J.-P. Genet, H. Idabal, Th. Kouamé,
S. Lamassé, Cl. Priol et A. Tournieroux, « General introduction to the Studium project »,
Medieval Prosopography, 31, 2016, p.155-170.
1. Il serait trop long d’en dresser une liste exhaustive, mais l’on peut par exemple évoquer le
succès du cycle de conférences intitulé « Trésors du patrimoine écrit », organisé conjointe-
ment par la BNF, l’Institut national du patrimoine et les Archives nationales, en partenariat
avec Connaissance des Arts ; voir par exemple les Trésors carolingiens, exposition virtuelle qui
fait suite à une exposition ayant eu lieu en 2007 (http://expositions.bnf.fr/carolingiens/index.
htm) ; ou encore l’exposition Lumières de la sagesse, qui présentait de très nombreux manuscrits
des écoles d’Orient et d’Occident et s’est tenue en 2013 à l’Institut du monde arabe à Paris, voir
Lumières de la sagesse : écoles médiévales d’Orient et d’Occident, E. Vallet, S. Aube et T. Kouamé, dir.,
Paris, 2013 ; ou l’exposition concernant les catalogues, organisée par la bibliothèque Mazarine
et la bibliothèque de Genève (Paris, 13 mars-13 mai 2015, Genève, 18 septembre-21 novembre
2015), présentée dans : De l’argile au nuage, une archéologie des catalogues : IIe millénaire av. J.-C.
-xxie siècle, F. Barbier, T. Dubois et Y. Sordet, dir., Paris, 2015.
2. On peut mentionner les numérisations de nombreux manuscrits de la BNF, sur le site
Gallica (http://gallica.bnf.fr/), mais aussi le projet Europeana regia qui offre la numérisation
de 1 000 manuscrits conservés dans cinq bibliothèques européennes (la BNF, la Bayerische
Staatsbibliothek à Munich, l’Universitat de València Biblioteca Històrica, la Herzog August
Bibliothek à Wolfenbuttel et la Bibliothèque royale de Belgique) : http://www.europeanaregia.eu/fr.
3. On peut évoquer le développement de la collection des « Reliures médiévales des biblio-
thèques de France », publiée par Brepols, ou mentionner le succès de la collection « Documents,
Études et Répertoires », touchant à l’histoire des bibliothèques, éditée par le CNRS.
4. Parmi une multitude d’ouvrages, on peut citer : P. Géhin, Lire le manuscrit médiéval, Paris,
2005 ; D. Nebbiai, Le discours des livres. Bibliothèques et manuscrits en Europe ixe-xve siècle, Rennes,
2013 ; K. Ueltschi, dir., L’univers du livre médiéval. Substance, lettre, signe, Paris, 2014.
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai, Paris,
Publications de la Sorbonne, 2017
Parmi les collections de livres les moins explorées par les chercheurs, les
moins mises en valeur par les numérisations, les moins connues par un public
de non-spécialistes, on trouve les bibliothèques universitaires médiévales, ou
plus précisément les bibliothèques abritées par les institutions logeant maîtres
et étudiants, membres de l’Université, à savoir les collèges. Dès l’époque
moderne, elles sont moins décrites, moins chantées que les bibliothèques
monastiques (pensons par exemple à la description parodique de la collection
de l’abbaye de Saint-Victor à laquelle se livre Rabelais, en 1532-1533, lorsqu’il
raconte l’arrivée de Pantagruel à Paris5, ou, plus sérieusement, à l’éloge auquel
se livre Corneille Gérard6, chanoine de la congrégation de Windesheim venu
réformer l’abbaye en 1497-1498), moins fréquentées aussi par les érudits
modernes qui s’intéressent surtout aux trésors des bibliothèques cathédrales,
monastiques et royales7, moins admirées que les bibliothèques princières,
bien souvent considérées par leur propriétaire comme un instrument de pro-
pagande et de mise en scène d’une autorité sociale, religieuse, politique. Il est
vrai que les manuscrits émanant du monde des écoles et de l’Université n’ont
pas le caractère vénérable des volumes issus des collections monastiques et
possèdent un décor bien austère face à certains somptueux manuscrits possé-
dés par les grands, laïcs comme ecclésiastiques.
Les collections de livres liées à l’Université sont pourtant d’une importance
capitale : leur contenu permet, tout d’abord, de saisir les fondations du tra-
vail intellectuel propres à l’enseignement universitaire dont nous sommes,
aujourd’hui encore, les héritiers ; leur usage témoigne ensuite des formes du
« maniement du savoir » (Olga Weijers) en œuvre à la fin du Moyen Âge et
établit la proximité des liens entre érudition scolastique et érudition moderne
– liens que les hommes de la Renaissance ont souvent délibérément oubliés.
Enfin, et surtout, les bibliothèques universitaires médiévales, par leur orga-
nisation, la mise au point d’instruments bibliothéconomiques efficaces
5. Voir F. Rabelais, Pantagruel, chapitre VII, « Comment Pantagruel vint à Paris, et des beaux
livres de la librairie de Sainct-Victor » (F. Bon, éd., d’après les éditions de 1532 et 1533).
6. Voir Éloge de la bibliothèque de Saint-Victor, figurant dans le Mazarine ms. 3797, f. de garde
verso (éd. et trad. dans Le rayonnement de l’école de Saint-Victor, Manuscrits de la bibliothèque Mazarine,
22 septembre-7 novembre 2008, Paris) : « Garde bien cela en ton cœur : ce que Victor n’a pas,
aucun autre endroit ne le possède. »
7. Ainsi, pour la préparation de son ouvrage Scriptores Ordinis Praedicatorum, le Dominicain
Jacques Échard (1699-1719) axe une grande partie de ses dépouillements sur les manuscrits
de la bibliothèque du roi et sur celle de Colbert (dossier 1 et dossier 2 du AN M801a), sur
les manuscrits de la bibliothèque de Notre-Dame (dossier 6). Les dossiers de bibliothèques
universitaires ou « para »-universitaires sont plus minces (bibliothèque des Ermites de Saint-
Augustin, bibliothèque des collèges de Navarre et de Maître Gervais) ou ont disparu (biblio-
thèque de Sorbonne).
8. La journée d’étude a été organisée par l’IRHT, avec la contribution du Labex Hastec.
contemporaine. Notre but est en effet aussi de faire découvrir le poids qu’ont
eu les collections de livres dans l’histoire même du collège. Ce sont elles qui
font l’originalité véritable de la fondation de Robert de Sorbon, parachevée
vers 1257 et destinée aux étudiants se formant en théologie, elles qui contri-
buent à la pérennité et au rayonnement du collège jusqu’à la Renaissance, et
qui conduisent à confondre la maison de maître Robert d’abord avec la faculté
de théologie puis avec toute l’Université.
Cet ouvrage s’inscrit dans le renouveau des études portant sur l’histoire
des collèges, encouragées et encadrées par Jacques Verger, en France : les col-
lèges de Navarre, de Laon, de Dormans-Beauvais, de Maître Gervais ont été
ainsi l’objet, depuis vingt ans, de travaux de recherche de taille et d’ampleur
variées9. Un projet d’envergure, en cours, le Gabriel Project, s’inscrivant dans la
lignée des travaux pionniers du chanoine Astrik L. Gabriel, dirigé par Thierry
Kouamé (Paris 1) et Kent Emery (Notre-Dame University), proposera une édi-
tion des chartes de fondation des collèges parisiens médiévaux séculiers : il
permettra d’avoir un panorama précis des modalités de fondation et de fonc-
tionnement de maisons d’accueil des maîtres et des étudiants membres de
l’Université médiévale. La maison de Sorbonne est bien sûr touchée par le
dynamisme des études autour des collèges : le Liber prioris de Sorbonne sera
l’objet d’une édition nouvelle au sein du Gabriel Project10. De plus, les débuts
de la fondation de la « maison des pauvres maîtres » de Robert de Sorbon
viennent d’être analysés par Denis Gabriel11. Jacques Verger soulignait dès
1997 qu’il ne fallait pas « se contenter de juxtaposer des monographies de
collèges, qui seraient présentés chacun comme un petit monde12 », il sug-
gérait, parmi d’autres pistes, d’étudier leurs bibliothèques afin de mieux
apprécier le poids de ces maisons dans l’Université des xive et xve siècles, de
mesurer leur ouverture à l’égard des gens extérieurs, bien souvent reçus dans
9. Deux ouvrages sont le fruit d’une thèse : N. Gorochov, Le collège de Navarre de sa fondation
(1305) au début du xve s. (1418). Histoire de l’institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement, Paris,
1997 ; T. Kouamé, Le collège de Dormans-Beauvais à la fin du Moyen Âge : stratégies politiques et par-
cours individuels à l’Université de Paris (1370-1458), Leyde, 2005 ; la monographie sur le collège de
Laon est le fruit d’une thèse soutenue à l’École des chartes : C. Fabris, Étudier et vivre à Paris
au Moyen Âge : le collège de Laon, xive-xve siècles, Paris, 2005 ; le quatrième travail est une thèse de
l’École des chartes, encore inédite, M. Bernard, Le collège de Notre-Dame-de-Bayeux, dit de Maître
Gervais : Centre intellectuel et lieu de vie à Paris, xive-xve siècles, s. l., 2010.
10. C. Angotti est chargée de cette nouvelle édition.
11. D. Gabriel, La « maison des pauvres maîtres » de Robert de Sorbon. Les débuts de la Sorbonne (1254-
1274), Paris, 2014.
12. J.-P. Genet, « Rapport de la table ronde : le cadre institutionnel », dans O. Weijers et
L. Holz, éd., L’enseignement des disciplines à la faculté des arts (Paris et Oxford xiiie-xve siècles). Actes du
colloque international, Turnhout, 1997, p. 83-93, précisément p. 92.
13. Ibid.
14. K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges à Paris aux xive et xve siècles, thèse de doc-
torat, 3 vol., dactyl., université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2005 ; A. Perraut, L’architecture des
collèges parisiens au Moyen Âge, Paris, 2009 ; Id., « Les chapelles des collèges médiévaux de Paris »,
dans Die universitären Kollegien im Europa des Mittelalters und der Renaissance/Les collèges universitaires
en Europe au Moyen Âge et à la Renaissance, A. Sohn et J. Verger, éd., Bochum, 2011, p. 77-89.
15. Deux thèses ont déjà été soutenues et leur publication est en cours : G. Fournier, Une
« bibliothèque vivante ». La libraria communis du collège de Sorbonne (xiiie-xve siècle), thèse de docto-
rat, École pratique des hautes études, Ve section, Paris, 2007 ; C. Angotti, Lectiones Sententiarum.
Étude de manuscrits de la bibliothèque du collège de Sorbonne : la formation des étudiants en théologie à
l’Université de Paris à partir des annotations et des commentaires sur le Livre des Sentences de Pierre Lombard
(xiiie-xve siècles), thèse de doctorat, École pratique des hautes études, IVe section, Paris, 2008.
Une thèse est en cours d’achèvement : L. Miolo, Le fonds scientifique d’un collège de théologie : le
cas de la bibliothèque du collège de Sorbonne (1257-1500), Lyon II (sous la dir. de L. Moulinier).
16. Une première version de cette bibliographie qui a fait suite au séminaire de 2009-2010
est accessible en ligne : http://www.libraria.fr/sites/default/files/BIBLIOGRAPHIE%20
SORBONNE_0.pdf
17. Gilbert Fournier en a livré une présentation minutieuse pour l’époque médiévale, la pré-
sentation des sources modernes du même est annoncée. Voir G. Fournier, « Listes, énu-
mérations, inventaires. Les sources médiévales et modernes de la bibliothèque du collège de
Sorbonne (Première partie : Les sources médiévales) », Scriptorium, 65, 2011, p. 158-215 ; Id.,
« Listes, énumérations, inventaires. Les sources médiévales et modernes de la bibliothèque du
collège de Sorbonne (Seconde partie : Les sources modernes) », Scriptorium, à paraître. La partie
des sources médiévales présentées est aujourd’hui en ligne sur le site Libraria de l’IRHT (http://
www.libraria.fr/fr/BMF/possesseurs/paris-sorbonne-college) et sera disponible à terme, sur la
base Bibale.
18. L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Étude sur la formation de ce dépôt
comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure, et du commerce des
livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, II, Paris, 1874, p. 142-208.
19. P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, II, Le cartulaire, Paris, 1965 : il édite quelques tes-
taments qui permettent de saisir la constitution de la bibliothèque du collège ; Id., Aux origines
de la Sorbonne, I, Robert de Sorbon. L’homme – Le collège – Les documents, Paris, 1966 : sur la prudence
qui s’impose dans le maniement des informations et des sources proposées par Id., voir la
bibliographie commentée infra, chapitre 5.
20. R. H. Rouse, « The Early Library of the Sorbonne », Scriptorium, 21, p. 42-71 et 227-251 et
pl. 5, 17-18 ; repris dans M. A. Rouse et R. H. Rouse, Authentic Witnesses: Approaches to Medieval
Texts and Manuscripts, Notre Dame, 1991, p. 341-408.
21. R. Marichal, Le livre des prieurs de Sorbonne (1431-1485). Texte critique avec introduction, notes et
index, Paris, 1987, à compléter avec le compte rendu de Z. Kaluza, paru dans la Revue des sciences
philosophiques et théologiques, 79 (1995), p. 114-117.
Les Livres des maîtres de Sorbonne paraissent donc à un moment clé de l’histo-
riographie sur les bibliothèques de la Sorbonne. L’ouvrage tente de dresser le
bilan des recherches actuelles et de dessiner les pistes à venir d’explorations
nous paraissant nécessairement collectives et s’étendant de la fondation du
collège (ca. 1257) jusqu’au versement de ses livres dans les collections de la
Bibliothèque nationale, en 1796. En cela, il n’est qu’un jalon à partir duquel
s’élaboreront des travaux plus approfondis qui éclaireront tel ou tel aspect
ou exploiteront telle ou telle source, à peine effleurés dans les chapitres
qui suivent.
Le plan adopté pour cet ouvrage accorde une place importante au contexte :
la place institutionnelle du collège de Sorbonne au sein de la galaxie des col-
lèges séculiers parisiens est d’abord étudiée (chapitre 1), puis il a semblé
24. Voir bibliographie commentée au chapitre 5 : parmi les maîtres dont la bibliothèque a été
préservée par le versement de la collection au collège de Sorbonne et qui ont été l’objet d’une
étude, on peut mentionner Robert de Sorbon, Gérard d’Abbeville, Thomas Le Myésier, Henri
Pistor de Lewis, Bernier de Nivelle, Nicolas de Bar-le-Duc, Siger de Courtrai, Étienne d’Abbe-
ville, Gérard de Bruine (dit de Reims), Jean d’Essomes, Gérard d’Utrecht, Pierre de Limoges,
Godefroid de Fontaines.
étaient passés de 26 à 34, après 1360 (la tabula était en effet enchaînée au banc
AM) ; ensuite, il analyse une brève mention dans le ms. BNF lat. 16681 qui
révèle la présence d’un volume contenant les Questiones in Aristotelis Ethicam
de Jean Buridan, enchaîné dans la libraria communis. Le devenir du legs de
Jacques de Padoue est l’objet de l’analyse du point suivant : deux volumes qui
« témoigne[nt] d’une curiosité soutenue pour l’Éthique » sont enchaînés dans
la magna libraria (terme en cours au collège à partir de 1391). Gilbert Fournier
exploite ensuite les données livrées par le registre de prêt du xve siècle : on
retrouve les commentaires de Thomas et d’Eustrate de Nicée empruntés
par les lecteurs fréquentant la bibliothèque du collège, mais d’autres appa-
raissent, les Sententia et expositio cum questionibus super librum Ethicorum de Guiral
Ot. Les différents emprunteurs sont chargés, au sein du collège, de la lecture
sur l’Éthique, comme l’avait démontré Zénon Kaluza25. L’auteur, soucieux de
souligner le poids de la libraria communis, nuance certaines conclusions de
Zénon Kaluza : il ne faut ni négliger le poids des ouvrages enchaînés dans la
préparation des lectures sur l’Éthique ni se fier au seul registre de prêt. Dans
l’avant-dernier point de sa contribution, Gilbert Fournier exploite sa toute
récente découverte : le catalogue établi vers 1550, qui témoigne des fonds de
la nova libraria du collège, bâtie dans les années 1480. Il souligne la péren-
nité des commentaires médiévaux sur l’Éthique mais rappelle qu’il est difficile
de savoir s’il s’agit alors de manuscrits ou d’imprimés. La Sorbonne a aussi
modernisé ses fonds en proposant une traduction de l’Éthique en français
et plusieurs nouvelles traductions latines humanistes. La dernière partie de
l’article tire plusieurs conclusions : le « socle » des collections du collège est
constitué de la traduction de Robert Grosseteste, des commentaires d’Eus-
trate et de Thomas, auxquels s’ajoutent d’abord différents instruments de
travail puis les commentaires de Buridan et d’Ot. L’auteur insiste sur l’ef-
fort soutenu d’actualisation des autorités par le collège, souligne quelques
absences significatives : la traduction d’Hermann l’Allemand du commentaire
moyen d’Averroès, le commentaire d’Albert le Grand. Il conclut à la faiblesse
de leur influence au collège, comme en témoignent les commentaires sub-
sistants de certains sorbonnistes (Jean Dumont, Louis Ber) ; en revanche,
Gilbert Fournier nuance le déclin de l’école buridaniste au profit du courant
réaliste : le commentaire de Buridan pouvait être consulté au collège dans la
libraria communis, et les commentaires des sorbonistes le prouvent. En annexe
de cette riche et dense contribution, un tableau synthétique permet de saisir
25. Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque à l’université de Paris », dans « Ad
ingenii acuitionem ». Studies in Honour of Alfonso Maierù, S. Caroti, R. Imbach, Z. Kaluza,
G. Stabile et L. Sturlese, éd., Louvain-la-Neuve, 2006, p. 147-181.
le contenu « éthique » des collections du collège et établit des liens entre cotes
anciennes et modernes des différents volumes.
La contribution de Marie-Laure Savoye (« Les textes vernaculaires dans la
bibliothèque du collège de Sorbonne ») dépasse l’objectif liminaire qu’elle
se fixe : « établir un bilan sur la présence des textes français dans la biblio-
thèque ». L’auteur procède en cinq étapes : elle recense d’abord les différents
témoignages des sources du collège (catalogues du xive siècle, registres de
prêt du xve siècle, catalogue du xvie siècle), signalant des textes in gallico
dans les fonds. Elle remarque d’ailleurs que les catalographes du collège ont
jugé que ces livres avaient atteint un seuil suffisant pour bénéficier, en 1338,
d’une section de catalogue. Les deux étapes suivantes lui permettent d’éta-
blir (ou non) des correspondances entres les différentes sources, puis entre
les sources et des manuscrits subsistants. Marie-Laure Savoye signale enfin
deux manuscrits qu’elle n’a pu lier avec les sources médiévales. Le quatrième
point de la démonstration consiste dans l’identification des textes vernacu-
laires. L’auteur propose plusieurs pistes intéressantes pour retrouver certains
des volumes perdus du collège et, par sa connaissance du contenu ordinaire
des recueils abritant les textes qu’elle a identifiés, elle offre une sorte de des-
cription théorique des volumes qui devaient être disponibles dans les fonds
du collège. Le cinquième et dernier point de cette contribution porte sur les
principales thématiques des textes en vernaculaire dans la bibliothèque :
première dominante, les sciences du quadrivium dans lesquelles est intégré
le Roman de la rose de Jean de Meung, dont le collège possédait un exemplaire
enchaîné, aujourd’hui non identifié ; deuxième dominante, l’enseignement
moral illustré, entre autres, par un volume de La Somme le roi de frère Laurent.
Marie-Laure Savoye souligne le rôle probablement joué par Pierre de Limoges.
Avec ce sorboniste, émerge, pour la partie morale, la figure de Raymond Lulle
(dont le collège possédait de très nombreuses œuvres latines) et se précisent
les liens entre la Sorbonne et la chartreuse de Vauvert, autre centre de diffu-
sion du lullisme en France. Cette contribution conduit à s’interroger sur le
rôle du collège dans la diffusion de l’œuvre vernaculaire du maître catalan.
Claire Angotti
1. H. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle Ages, 2e éd., Oxford, 1936, I, p. 498.
2. Lorsque Robert de Sorbon fonda son collège, il n’existait qu’une cinquantaine de bourses à
Paris, alors qu’on en dénombre déjà près de six cents au milieu du xive siècle, si l’on s’en tient
aux effectifs théoriques spécifiés par les statuts (T. Kouamé, « Les collèges de l’université de
Paris : de la charité privée à l’enseignement public (xiie-xvie siècle) », dans Collegiate Learning
in the Middle Ages and Beyond. 2nd Coimbra Group Birthday Seminar, A. Savini, éd., Milan, 2012,
p. 25-34, ici p. 31).
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
pour le seul xive siècle, contre vingt et une dans tout le reste du Moyen Âge,
de sorte qu’à la fin du xve siècle, plus de quarante collèges séculiers étaient
encore en activité dans la seule ville de Paris, contre vingt-trois établissements
de ce type dans les deux universités d’Oxford et de Cambridge3. Ainsi, l’his-
toire de la Sorbonne ne prend son véritable sens qu’en étant replacée dans
celle des collèges parisiens4. Pour ce faire, il convient d’abord de revenir sur
le rôle, communément admis, du collège de Sorbonne dans la mutation de
l’institution collégiale. Nous évoquerons ensuite la place particulière de ses
archives dans le corpus de sources des collèges parisiens, avant d’évaluer
l’influence réelle des statuts de la Sorbonne sur ceux des autres fondations
séculières. Cette immersion dans l’univers des collèges permettra, en dernier
lieu, de cerner de manière plus précise la place de la Sorbonne dans le système
universitaire parisien.
6. Non intendimus providere perversis et discolis et ribaldis et lusoribus vel prosecutoribus meretricum et taber-
narum, sed bonis et veris scholaribus per quos Ecclesiae possit provideri et animarum saluti (M. Félibien
et G.-A. Lobineau, Histoire de la ville de Paris, Paris, 1725, III, p. 287).
7. Ainsi, les statuts du collège d’Autun (1341 et 1345), qui avaient été rédigés par le célèbre
canoniste Pierre Bertrand († 1348), influencèrent ceux des collèges de Boissy (1366), Maître
Gervais (1378), Montaigu (1402) et Saint-Michel (1405) : D. Sanderlin, The Mediaeval Statutes
of the College of Autun at the University of Paris, Notre Dame (Ind.), 1971, p. 20-24.
8. O. Weijers, « Collège, une institution avant la lettre », Vivarium, 21, 1983, p. 73-82 ; Id.,
Terminologie des universités au xiiie siècle, Rome, 1987, p. 80-84, 88
9. Id., « Collège », art. cité, p. 75-76.
10. Universitatem vestram monemus, rogamus et exhortamur in Domino quod […] dictos subditos vestros
salutaribus monitis inducere studeatis ut de bonis sibi a Deo collatis dicte domui seu dicto collegio pias ele-
mosinas largiantur (P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, Paris, 1965-1966, II, p. 478, no 388).
11. Il s’agit d’une sentence arbitrale de l’évêque de Paris et du testament de Gilles de Ravières
(Arch. nat., L 614, no 8 et 11).
12. Jean de Gournay déclare vendre une maison aux magistris et scolaribus domorum seu collegio-
rum Sancti Nicholay de Lupera, prope Parisius, et Bonorum Puerorum de Porta Sancti Victoris (Arch. nat.,
L 614, no 12).
13. En 1371, Pierre Lecomte et sa femme lèguent leur maison « en consideration au service
divin et autres bienfais et prieres, qui en l’ostel et chapelle des escoliers du cardinal d’Ostun
[…] se font de jour en jour par iceulz escoliers » (Arch. nat., M 80, no 101), tandis que, dans
son codicille de 1397, Oudard de Moulins déclare simplement fonder trois bourses au « coleige
d’Ostun », comme l’atteste l’extrait contenu dans l’acceptation de la fondation (Arch. nat.,
M 80, no 13).
14. O. Weijers, « Collège », art. cité, p. 81-82.
15. Notum facimus quod nos magistro Roberto de Sorbone, canonico Cameracensi, dedimus et concessimus ad
opus scolarium qui inibi moraturi sunt… (H. Denifle et É. Chatelain, Chartularium Universitatis
Parisiensis, Paris, 1889-1897, I, p. 349, no 302).
16. H. Denifle et É. Chatelain, Chartularium, op. cit., I, p. 505-514, no 448.
17. BNF, lat. 16574. Une analyse codicologique sommaire du manuscrit est donnée par
P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I, p. 189-191. Le dernier acte transcrit par la première main
date du 13 octobre 1335 (lat. 16574, fol. 12).
18. L’analyse paléographique de Palémon Glorieux est trop imprécise pour que l’on puisse
pousser plus loin les hypothèses de datation : une deuxième main aurait servi, selon lui, à
transcrire deux actes de 1344 (lat. 16574, fol. 6 et 14v-15v), mais, au vu du manuscrit, cette
identification est plus que douteuse. Surtout, aucune des autres mains n’a été individualisée,
alors que le volume est parcouru par un grand nombre d’écritures différentes.
19. BNF, lat. 16574, fol. 1-23v, en partie édité par P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I,
p. 203-236.
20. H. Denifle et É. Chatelain, Chartularium, op. cit., I, p. 49-50, no 50.
21. E. Coyecque, « Notice sur l’ancien collège des Dix-Huit (1180-1529) », Bulletin de la Société
de l’histoire de Paris, 14, 1887, p. 176-186.
22. Ce type d’actes est conservé dans 39 des 42 fonds recensés.
temporel. Les archives politiques, qui auraient dû garder la trace des déci-
sions prises par la communauté, ne couvrent en effet qu’un dixième des fonds
médiévaux : seuls deux collèges ont conservé des pièces relatives à la nomi-
nation de leurs membres23 ; un autre a gardé un procès-verbal de visite24. Là
encore, la Sorbonne fait exception, puisqu’elle offre le seul registre de déli-
bérations d’un collège parisien pour tout le Moyen Âge25. Il s’agit du Livre
des prieurs de Sorbonne (1431-1485), distinct du Liber prioris déjà évoqué26. On a
d’abord pensé que le premier faisait suite au second, à partir d’une mention
du Livre des prieurs indiquant que les délibérations des mois de mars à octobre
1431 figuraient dans un « ancien livre » de conclusions des prieurs, qui précé-
dait immédiatement celui-là27. Or, la comparaison des deux volumes montre
au contraire que le Liber prioris et le Livre des prieurs appartenaient à deux séries
parallèles : le premier (sur parchemin) était censé recevoir la copie des actes
les plus importants parmi ceux enregistrés au fil des jours dans le second
(sur papier)28. Tout porte donc à croire qu’il existait au moins un registre de
conclusions antérieur à celui que nous connaissons, mais qu’il a depuis
23. Il s’agit du collège du Plessis, qui possédait une lettre de 1497 pour la présentation à une
bourse (Arch. nat., M 183, no 7), et du collège d’Autun, qui gardait une provision de bourse de
1469 et une dispense de 1395 pour l’office de maître (Arch. nat., H3 2566). Le chapitre cathé-
dral de Beauvais avait par ailleurs conservé les nominations aux dignités et bourses du collège
des Cholets (Arch. dép. de l’Oise, G 767 et 768), mais ces sources ne figuraient pas dans les
archives du collège.
24. Il s’agit d’une visite des chanoines de Notre-Dame au collège de Fortet en 1482 (Arch. nat.,
M 131, no 4).
25. Pour être exceptionnel, ce type de sources n’est pas totalement absent des archives de col-
lèges en général. On conserve en effet de tels registres pour deux collèges d’Oxford : Registrum
Annalium Collegii Mertonensis, 1483-1521, H. E. Salter, éd., Oxford, 1923 ; The Dean’s Register of
Oriel, 1446-1661, G. C. Richards, H. E. Salter, éd., Oxford, 1926.
26. BNF, lat. 5494A, édité par R. Marichal, Le Livre des prieurs de Sorbonne (1431-1485), Paris, 1987.
27. BNF, lat. 5494A, fol. 2 : Que vero facta fuerunt a prenominata die electionis sue [25 mars 1431]
usque ad dictum tempus inicii octobris scripta sunt in antiquo libro in [quo] priores conclusiones collegii
immediate ante istum scripserunt, sicut patet in eodem (ibid., p. 28). Cette thèse avait été défendue par
P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I, p. 79.
28. Si le Liber prioris ne contient aucun acte produit entre le 25 mars et le début du mois d’oc-
tobre 1431, il renferme en revanche le statut du 28 janvier 1432 (lat. 16574, fol. 19v), qui fait
explicitement référence à l’autre volume : Insuper, ut dicta ordinatio inviolabiliter observaretur, […]
voluerunt secundo hanc ordinationem [signis] suis manualibus signare, sicut eciam signaverunt in libro
papireo prioris, in quo inscribuntur conclusiones cotidiane, ne quis in futurum de hac ordinatione pretendere
valeat ignoranciam, eciam in confirmacionem prescripte veritatis (ibid., p. 235, no 46, édition complétée
d’après l’original). On retrouve naturellement la transcription de ce statut dans le Livre des prieurs
(lat. 5494A, fol. 4v). Elle est suivie de huit seings manuels et ne contient, bien entendu, aucun
renvoi au libro papireo prioris (R. Marichal, Le Livre des prieurs, op. cit., p. 36).
longtemps disparu, tout comme celui (ou ceux) couvrant les années 1485 à
153929. Si, au milieu du xive siècle, la conservation des décisions de la com-
munauté se faisait encore sous la forme de pièces signées ou scellées, gardées
au coffre du collège et éventuellement copiées dans le Liber prioris, il semble
qu’au début du xve siècle, ces statuts aient commencé à être enregistrés avec
les procès-verbaux des assemblées, à la manière de minutes permettant au
prieur de produire une expédition authentique de l’acte30.
Si les archives politiques des collèges parisiens se distinguent par leur
rareté, il en va autrement des sources produites par la gestion de leur tempo-
rel. Les titres de rentes et de propriété se retrouvent ainsi dans neuf dixièmes
des fonds et constituent la catégorie la mieux représentée de tous les actes de
la pratique, loin devant les pièces de procédures (deux cinquièmes des fonds),
la comptabilité (un tiers des fonds) et les cartulaires, quittances et inventaires
de biens (environ un sixième des fonds chacun). Comme la plupart des grands
établissements du Quartier latin, la Sorbonne a composé, dès le xiiie siècle,
de véritables séries d’archives afin de gérer son patrimoine. Il en va ainsi de
son chartrier en grande partie conservé31. Il en est de même du cartulaire
médiéval, compilé au tout début du xive siècle et qui contient 383 copies
d’actes datés de 1228 à 1305, auxquels un copiste a ajouté un acte de 131532.
C’est aussi le cas de ses deux obituaires, qui conservaient la mémoire des
fondations pieuses : le premier, commencé avant la mort du fondateur et
29. C’est la conclusion à laquelle était parvenu R. Marichal, ibid., p. 7. La série des conclu-
sions des prieurs de Sorbonne ne reprend qu’en 1540 avec le registre MM 268 des Arch. nat.
30. L’ancien mode de conservation est évoqué à la fin d’une sentence de 1344 : Quequidem senten-
tia, sic in papiro scripta et signata, posita fuit in archa ubi est sigillum domus (P. Glorieux, Aux ori-
gines, op. cit., I, p. 223, no 34). Plus tard, le statut du 18 avril 1379 (n. st.) prescrit qu’il doit être
enregistré dans le Liber prioris afin qu’on en conserve la mémoire, ce qui laisserait entendre qu’il
n’existait pas à cette date de registre de délibérations ou que ces procès-verbaux n’avaient pas
encore pris la forme d’un registre : et quod istud in libro prioris scriberetur ad perpetuam rei memoriam
(BNF, lat. 16574, fol. 17v). Un peu plus loin, le Liber prioris contient le procès-verbal de l’assem-
blée du 25 mars 1412 (n. st.), mais on ne saisit pas clairement s’il s’agit déjà d’un extrait du
registre de délibérations qui aurait disparu ou si ce compte rendu fut directement transcrit dans
le volume (BNF, lat. 16574, fol. 18v).
31. Les chartes médiévales de la Sorbonne sont principalement conservées dans les séries M et
S des Arch. nat. (M 74-75, S 6211-6229). Mais certaines bulles pontificales adressées au collège
ont été classées au xixe siècle dans le bullaire des papes (L 220-366). La BNF possède par ail-
leurs un certain nombre de titres originaux de la Sorbonne (1265-1577), réunis dans un recueil
factice avec des chartes du collège de Dormans-Beauvais (nouv. acq. fr. 21285). On ne sait pas
à quel moment ces actes furent soustraits à leurs chartriers respectifs pour aboutir à la BNF en
passant par la collection Phillipps (anc. ms. 2975).
32. BNF, lat. 16069, P. Glorieux, éd., Aux origines, op. cit., II. Si l’on tient compte des copies en
doublons, le cartulaire renferme en fait la transcription de 340 actes différents.
complété jusqu’au xvie siècle, avait été réuni dès le xive siècle au Liber prio-
ris33 ; le second était au xiiie siècle le missel à l’usage du collège, mais son
calendrier reçut vers 1415 des mentions de fondations provenant du premier
obituaire34. Ces archives s’imposent par leur taille, mais n’ont rien d’unique
dans le cadre parisien. En effet, plusieurs collèges médiévaux possédaient des
cartulaires, et on trouve même aux Cholets une série comparable à celle de la
Sorbonne35. L’absence d’archives comptables est en revanche plus étonnante
pour une institution aussi riche que la Sorbonne, d’autant que les statuts
médiévaux stipulaient clairement l’existence de telles pièces36. Il faut toutefois
préciser que ces instruments de gestion ne nous sont parvenus que pour un
tiers des collèges parisiens. Les registres conservés présentent par ailleurs de
sérieuses lacunes et ne remontent guère au-delà du milieu du xive siècle37. En
réalité, la Sorbonne a bien disposé d’une comptabilité écrite au Moyen Âge,
mais celle-ci n’a pas résisté aux destructions muettes de l’époque moderne.
L’inventaire général de 1716 mentionne en effet l’existence de 29 registres
de comptes établis par les procureurs du collège entre 1357 et 1709, mais ils
semblent avoir presque tous disparu38. En ce qui concerne les autres fonds,
les comptabilités conservées proviennent de communautés modestes, qui ne
peuvent être comparées avec les grandes maisons du Quartier latin. Or, tout
porte à croire que ce souci de conservation n’est pas étranger à un contrôle
accru du Parlement de Paris sur ces institutions39. Si une telle relation devait se
confirmer, on comprendrait mieux pourquoi la Sorbonne n’a finalement pas
gardé ce type d’archives : indépendante et reconnue comme telle, elle n’avait,
au sens propre, de comptes à rendre à personne.
Parmi les actes de la pratique, il convient enfin d’évoquer les documents
produits par et pour la bibliothèque du collège, laquelle constitue le thème
central du présent ouvrage40. Les catalogues de la parva libraria et de la libraria
communis occupent ici une place à part41. Si ces deux instruments de gestion ne
furent réunis qu’au xviie siècle, ils datent, l’un comme l’autre, de la première
moitié du xive siècle : le catalogue de la « petite bibliothèque » est précisé-
ment daté de l’année 1338, tandis que le catalogue double de la « bibliothèque
commune » ne peut avoir été rédigé qu’après le règlement de 1321, qui le pré-
conise, et avant le catalogue de 1338, qui s’appuie sur lui42. Ces documents ne
sont pas exceptionnels par leur nature – on trouve des inventaires de même
type dans d’autres collèges parisiens43 –, mais par l’ampleur du fonds réper-
torié. En effet, les catalogues de la Sorbonne décrivent quelque 1 825 volumes,
ce qui dépasse de très loin la taille ordinaire des bibliothèques universitaires
médiévales44. Mais, en termes de rareté, c’est plutôt le registre de prêt de la
39. T. Kouamé, « Les collèges parisiens, acteurs de l’écriture : livres et registres au collège de
Dormans-Beauvais (xive-xve siècle) », Paris et Île-de-France. Mémoires, 63, 2012, p. 228-229.
40. En dehors des contributions réunies dans ce volume, nous renvoyons à l’étude de
G. Fournier, « Listes, énumérations, inventaires. Les sources médiévales et modernes de la
bibliothèque du collège de Sorbonne (Première partie : Les sources médiévales) », Scriptorium,
65, 2011, p. 158-215.
41. BNF, nouv. acq. lat. 99, édité par L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque natio-
nale, Paris, 1868-1881, III, p. 8-114. Ce manuscrit, acquis par la Bibliothèque nationale entre
1924 et 1928, faisait autrefois partie des collections de la bibliothèque de l’Arsenal (ms. 1223).
42. Sur ces sources très commentées, nous renvoyons aux travaux de R. H. Rouse, « The Early
Library of the Sorbonne », Scriptorium, 21, 1967, p. 42-71 et 227-251 ; M. A. et R. H. Rouse, « La
bibliothèque du collège de Sorbonne », dans Histoire des bibliothèques françaises, I, A. Vernet,
dir., Les bibliothèques médiévales. Du vie siècle à 1530, Paris, 1989, p. 113-123 ; G. Fournier,
« Listes, énumérations, inventaires », art. cité, en part. p. 164-170, 187-195.
43. Voir la contribution de Karine Klein dans le présent volume. Pour les xive et xve siècles,
on conserve les inventaires de bibliothèques de six collèges parisiens, en plus de la Sorbonne
et des facultés de médecine et de décret, sans compter ceux de cinq collèges du Midi et d’une
université de province (M.-H. Jullien de Pommerol, « Livres d’étudiants, bibliothèques de
collèges et d’universités », dans Histoire des bibliothèques françaises, op. cit., I, p. 93-111, ici p. 97).
44. L. Grenier-Braunschweig, « La prisée des manuscrits du collège de Sorbonne au
Moyen Âge », dans Mélanges offerts à Gérard Oberlé pour ses 25 ans de librairie : 1967-1992, s. l.,
1992, p. 327-341, ici p. 329. Pour une comparaison avec les autres bibliothèques européennes,
historique d’un collège qui avait fini par devenir le siège de la faculté de théo-
logie de Paris.
50. BNF, lat. 7422, fol. 31-35. Ce manuscrit sur parchemin est en fait constitué de deux
membra disjecta reliés ensemble. La première partie (A) est elle-même composée de plusieurs
cahiers écrits par des mains du début du xive siècle : on y trouve la Compilatio elucidans compu-
tum manualem (1289) de Johannes de Pulchro Rivo ou de Brunswick (fol. 1ra-4vb), la table de
Gerland, précédée de son canon et suivie du Cisiojanus (fol. 5ra-6v), le commentaire du même
Jean de Brunswick sur le Computus manualis « absque cifra » (fol. 7ra-16rb), un commentaire sur
le Computus de Johannes de Sacrobosco (fol. 17ra-29va), un autre sur l’Algorismus du même
Sacrobosco (fol. 29va-30va) et les statuts de la Sorbonne (fol. 31ra-35rb), qui, bien qu’écrits
d’une autre main, appartiennent à la même unité codicologique que les deux traités précédents
(à savoir un quaternion et un quinion, auquel a été rajouté le fol. 25). Quant à la seconde partie
(B), qui semble plutôt dater de la première moitié du xiiie siècle, elle contient une variante de
la version Quoniam cujusque actionis des canons des tables de Tolède (fol. 36-54), suivie desdites
tables (fol. 55v-91) et d’un calendrier sans doute méridional (fol. 92v-98), qui occupe le dernier
cahier du volume. Pour la description du manuscrit, voir F. S. Pedersen, The Toledan Tables: A
Review of the Manuscripts and the Textual Versions with an Edition, Copenhague, 2002, I, p. 161-162 ;
II, p. 349 ; III, p. 801.
51. L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., I, p. 471 et 485.
52. De Thou avait notamment acquis la plupart des anciens manuscrits de Pierre Pithou (ibid.,
I, p. 470). On sait par ailleurs que les moines de Corbie l’avaient accusé de s’être allègrement
servi dans leur bibliothèque (ibid., II, p. 133-134).
53. La table des matières de la partie (A) décrit ainsi le contenu de ce membrum disjectum dis-
paru : le volume originel débutait par un Liber de probationibus articulorum fidei, qui pourrait cor-
respondre au Liber de articulis fidei (1296) ou au Liber ad probandum aliquos articulos fidei catholicae
(1304) de Raymond Lulle, suivi par le De peccato originali (1271-1278) de Gilles de Rome, le De
ente et essentia (1252-1256) de Thomas d’Aquin, les Theoremata de esse et essentia (1278-1286) de
Gilles de Rome, un commentaire du De sphera de Johannes de Sacrobosco et le De quadratura cir-
culi de Campanus Novariensis (BNF, lat. 7422, fol. 35v). Or nous n’avons trouvé aucun manus-
crit contenant la combinaison de ces œuvres dans les listes dressées par leurs éditeurs : Sancti
Thomae de Aquino opera omnia jussu Leonis XIII P. M. edita, XLIII, Rome, 1976, p. 322-333 (De ente
et essentia) ; Aegidii Romani Theoremata de esse et essentia, E. Hocedez, éd., Louvain, 1930, p. 117-
127 ; F. del Punta, dir., Aegidii Romani opera omnia, I, Prolegomena, 1, Catalogo dei manoscritti,
Florence, 1987-1998, 1, 2*, 2**, 3*, 3** et 5*. Nous tenons à remercier Claire Angotti, Monica
Brînzei, Gilbert Fournier et Martin Morard pour les renseignements qu’ils nous ont fournis.
54. Voir, dans l’ordre, les n. 53 et 50 pour la description des œuvres du volume originel.
55. Cette hypothèse nous a été suggérée par Monica Brînzei que nous remercions pour ses
conseils.
56. La description des statuts dans la table des matières est, de ce point de vue, tout à fait signi-
ficative : Statuta a bonorum consilio instituta domus de Sorbona, consuetudines pacis ac regule honestatis ad
famam provisoris (sous la ligne : bonam) sociorumque domus observandam (BNF, lat. 7422, fol. 35v).
pour les procureurs mineurs du collège 57. Le volume faisait sans doute
encore partie des archives du collège, lorsque le bureau du triage des titres
le confia le 22 février 1798 (4 ventôse an VI) au conservateur des manuscrits
de la Bibliothèque nationale58. Il reste que, dans un cas comme dans l’autre,
ces deux manuscrits ne renferment que des copies partielles et remaniées du
texte transcrit dans le Liber prioris. Le lat. 7422 offre une version différente
de la 1re partie des statuts primitifs, à laquelle le scribe a joint une copie de
l’ordonnance de juin 1293 sur la surveillance et la bonne tenue du personnel
domestique. Quant au lat. 10983, il ne contient que les 2e et 3e parties de ces
mêmes statuts, complétées par des extraits des ordonnances de juin 1293 et
juin 129759. Mais, quel que soit l’usage effectif de ces deux manuscrits, ils ne
peuvent expliquer à eux seuls la diffusion des règlements de la Sorbonne, dont
on trouve des mentions explicites dans les statuts d’autres collèges parisiens.
Entre le xive et le xve siècle, on connaît en effet au moins sept textes sta-
tutaires faisant explicitement référence à la Sorbonne. Il s’agit des statuts
des collèges d’Harcourt (1311), de Bayeux (1315), de Tours (1339), de Justice
(1358), de Maître Gervais (1378), des Lombards (av. 1392) et de Sées (1428).
Les règlements des collèges d’Harcourt, de Justice, de Maître Gervais et des
Lombards renvoient aux dispositions de la pars secunda des statuts primitifs
qui prescrivent une collecte auprès des sociétaires pour les dépenses com-
munes60. Quant aux collèges de Bayeux, de Tours et de Sées, ils évoquent la
Sorbonne comme un modèle statutaire auquel on pourrait se référer en cas
d’ambiguïté ou de silence des statuts61. On peut d’ores et déjà remarquer
que les statuts d’Harcourt, de Justice, de Maître Gervais et des Lombards
mentionnent la Sorbonne seule, alors que les autres l’associent au collège
d’Harcourt62. Surtout, ces références semblent souvent indirectes. En ce qui
concerne les collectae, les statuts des collèges de Justice, de Maître Gervais et
57. BNF, lat. 10983, fol. 9-20v. La destination du volume est révélée par son colophon : Iste libel-
lus est ad usum parvorum procuratorum collegii de Sorbona (ibid., fol. 21v).
58. BNF, département des Manuscrits, Arch. modernes 4921, fol. 23. La portion de la liste où
figure ce volume a pour titre « Augustins déchaussés », ce qui laisserait entendre qu’il serait
issu de la bibliothèque des Petits-Pères de Notre-Dame-des-Victoires. Mais ce couvent, désaf-
fecté depuis 1791, aurait tout aussi bien pu servir de dépôt pour des saisies provenant d’autres
établissements parisiens. Cette liste mentionne d’ailleurs une seconde copie des statuts de la
Sorbonne (fol. 22v), dont la description correspond à celle du manuscrit lat. 9961, qui avait
lui-même appartenu aux archives du collège (voir supra, n. 48).
59. Les statuts de la Sorbonne doivent faire l’objet d’une réédition complète dans le cadre du
Gabriel Project (voir infra, n. 105).
60. Annexe, no 1, 4, 5 (cap. XVII), 6.
61. Annexe, no 2, 3, 7.
62. Annexe, no 2, 3, 5 (cap. XII), 7.
des Lombards citent presque mot pour mot ceux du collège d’Harcourt. Il en
va de même pour les statuts du collège de Tours, qui reprennent ceux du col-
lège de Bayeux63. En fait, il s’agit moins d’une citation directe des statuts de
la Sorbonne que d’une chaîne de références à l’intérieur de la règlementation
collégiale parisienne64. Dans le cas présent, une logique régionale semble en
plus présider à ces citations. Les collèges de Bayeux, Justice, Maître Gervais et
Sées ont en effet été fondés par des prélats normands et, plus que l’autorité
de la Sorbonne, c’est celle du collège d’Harcourt, siège de la nation normande
de l’université de Paris, qui est ici invoquée. On le voit clairement avec les sta-
tuts du collège de Sées, qui évoquent non seulement la Sorbonne, mais aussi
deux autres fondations normandes : les collèges d’Harcourt et de Bayeux. Il
convient donc d’interpréter ces mentions explicites avec beaucoup de pru-
dence, même s’il est probable que la Sorbonne ait inspiré directement ou
indirectement nombre d’établissements parisiens. Pour autant, son influence
généralement supposée n’est pas toujours univoque, comme on peut le voir à
travers quelques exemples.
À l’instar de Robert de Sorbon, plusieurs fondateurs de collèges ont limité
au maximum les occasions données aux boursiers de manger à part. En effet,
les premiers statuts de la Sorbonne encadraient strictement les repas pris
en chambre : ils devaient être exceptionnels, ne pas nuire à la communauté,
être soumis au contrôle du prieur et ne pas perturber les études, même si des
dérogations étaient prévues pour les hôtes de marque et les boursiers malades
ou convalescents65. On trouve les mêmes dispositions dans les statuts des
collèges d’Harcourt (1311), de Bayeux (1315), de Navarre (1316) et de Laon
(1327)66. Quant à ceux du collège d’Autun (1341), ils prévoyaient encore des
sanctions pour les boursiers qui mangeaient en chambre ou en ville, ou qui
arrivaient à table après les grâces67. Mais force est de constater que, dans ce
domaine, les collèges séculiers s’inspiraient surtout de la pratique monas-
tique, représentée à l’Université par les collèges réguliers. Ainsi, dans nombre
d’établissements, les boursiers devaient manger en silence, pendant que l’un
d’eux était désigné chaque semaine pour lire la Bible, comme le prescrivait
68. Si le silence à table et le lecteur de semaine figurent dans les statuts de la Sorbonne
(P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I, p. 196, no 1, p. 198, no 2), on rencontre aussi de tels lec-
teurs aux collèges du Cardinal Lemoine (M. Félibien et G.-A. Lobineau, Histoire de la ville de
Paris, op. cit., V, p. 610), d’Harcourt (H.-L. Bouquet, L’ancien collège d’Harcourt, op. cit., p. 582),
d’Autun (D. Sanderlin, The Mediaeval Statutes, op. cit., p. 54), de l’Ave Maria (A. L. Gabriel,
Student Life in Ave Maria College, Mediaeval Paris. History and Chartulary of the College, Notre Dame
(Ind.), 1955, p. 329), de Boncourt (M. Félibien et G.-A. Lobineau, Histoire de la ville de
Paris, op. cit., III, p. 442), de Boissy (P. Féret, La faculté de théologie de Paris et ses docteurs les plus
célèbres. Moyen Âge, Paris, 1894-1897, III, p. 617), de Dormans-Beauvais (T. Kouamé, Le collège de
Dormans-Beauvais à la fin du Moyen Âge. Stratégies politiques et parcours individuels à l’université de Paris
(1370-1458), Leyde-Boston, 2005, p. 619) et des Lombards (annexe, no 6).
69. P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I, p. 197-201, no 2.
70. On pense aux charges hebdomadaires que se répartissaient les moines : hebdomadier de
l’office, chantre de semaine ou semainier de la cuisine (G. Le Bras, dir., Histoire du droit et des
institutions de l’Église en Occident, X, J. Hourlier, L’âge classique, 1140-1378. Les religieux, Paris,
1971, p. 335).
71. Les procureurs mineurs devaient faire l’inventaire écrit de la vaisselle et des ustensiles
qu’ils recevaient de leurs prédécesseurs, afin de les restituer intégralement à leurs successeurs
(P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I, p. 198, no 2). Les statuts du collège d’Autun (1341) préci-
saient que le maître devait réaliser son inventaire devant une personne publique, dans les six
jours suivant son investiture (D. Sanderlin, The Mediaeval Statutes, op. cit., p. 52-53). Quant à
ceux de l’Ave Maria (1346), ils exigeaient non seulement que le chapelain fasse un inventaire
détaillé du mobilier à son entrée et à sa sortie de charge, mais imposaient en plus une ostensio
hebdomadaire des livres du collège (A. L. Gabriel, Student Life, op. cit., p. 331, 359).
72. M. Félibien et G.-A. Lobineau, Histoire de la ville de Paris, op. cit., V, p. 609.
73. H.-L. Bouquet, L’ancien collège d’Harcourt, op. cit., p. 588 ; C. Fabris, Étudier et vivre à Paris,
op. cit., p. 316 ; D. Sanderlin, The Mediaeval Statutes, op. cit., p. 48 ; T. Kouamé, Le collège de
Dormans-Beauvais, op. cit., p. 616-617.
74. P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I, p. 207, no 10, p. 211-212, no 17. Voir supra, n. 36.
75. Conc. Vienne (1311-1312), c. 17 (G. Alberigo et al., Les conciles œcuméniques, Paris, 1994,
II1, p. 774-778), inséré dans Clem., 3, 11, 2 (Corpus Juris Canonici, E. Friedberg, éd., Leipzig,
1879, II, col. 1170-1171).
76. J. Imbert, Les hôpitaux en droit canonique (du décret de Gratien à la sécularisation de l’administration
de l’Hôtel-Dieu de Paris en 1505), Paris, 1947, p. 246-247, 255.
77. Cette disposition figure dans les statuts de 1316 (J. de Launoy, Regii Navarrae gymnasii,
op. cit., p. 25).
78. Le prieur et le procureur majeur des théologiens recevaient 20 deniers parisis de plus par
semaine, le principal et le procureur majeur des artiens 12 deniers, le procureur mineur des
théologiens 10 deniers et le procureur mineur des artiens 6 deniers (H.-L. Bouquet, L’ancien
collège d’Harcourt, op. cit., p. 588-589).
79. M. Félibien et G.-A. Lobineau, Histoire de la ville de Paris, op. cit., V, p. 638.
80. D. Sanderlin, The Mediaeval Statutes, op. cit., p. 49.
81. C’était encore le cas au collège de Dormans-Beauvais (1370), où la bourse hebdomadaire
du maître s’élevait à 8 sous parisis, alors que celle du simple boursier était fixée à 4 sous
(T. Kouamé, Le collège de Dormans-Beauvais, op. cit., p. 58).
82. Les statuts de 1316 avaient toutefois prévu des quotas de recrutement par province :
15 boursiers devaient être originaires de Champagne, 12 du reste de la province de Sens, 10 du
reste de la partie française de la province de Reims, 10 de la province de Rouen, 11 de la pro-
vince de Tours, 6 de la province de Bourges, 4 de la partie française de la province de Lyon et 2
de la province de Narbonne (N. Gorochov, Le collège de Navarre de sa fondation (1305) au début du
xve siècle (1418). Histoire de l’institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement, Paris, 1997, p. 156).
83. M. Félibien et G.-A. Lobineau, Histoire de la ville de Paris, op. cit., III, p. 441.
84. Comme on peut le voir dans les chartes de fondation du collège Mignon (P. Guyard, « La
fondation du collège Mignon », BEC, 151, 1993, p. 275-288, ici p. 286) et du collège de Boissy
(C. Égasse du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, Paris, 1665-1673, IV, p. 354).
85. Les comparaisons sont d’autant plus délicates que les auteurs n’adoptent pas toujours
la même unité de mesure (chambres, sociétaires, boursiers), si tant est qu’elle soit explicite.
Ainsi, le nombre de chambres serait passé de 25 à 36, selon O. Gréard (Nos adieux à la vieille
Sorbonne, Paris, 1893, p. 30), tandis que le nombre de boursiers aurait oscillé entre 16 et 36,
selon P. Glorieux (Aux origines, op. cit., I, p. 95).
86. W. J. Courtenay, Parisian Scholars in the Early Fourteenth Century. A Social Portrait, Cambridge,
1999, p. 221. Ce document avait déjà été indiqué par P. Glorieux, Aux origines, op. cit., I, p. 95,
n. 11.
87. Il s’agit ici des effectifs statutaires, sauf pour le collège de Navarre dont le nombre de bour-
siers est confirmé par le computus de 1329-1330 (W. J. Courtenay, Parisian Scholars, op. cit.,
p. 230). Pour les effectifs des collèges parisiens, voir le tableau récapitulatif de J.-P. Babelon,
Nouvelle histoire de Paris. Paris au xvie siècle, Paris, 1986, p. 519-522.
88. On sait qu’au moins huit établissements parisiens ont envoyé des rotuli aux papes : en
dehors de la Sorbonne (1343 et 1378), il s’agit des collèges du Trésorier (1342, 1364 et 1365),
des Cholets (1364, 1387 et 1394), d’Harcourt (1365), de Navarre (1394), de Tréguier (1395), de
Laon (1403) et de Dormans-Beauvais (1403). Les rotuli datés de 1342 à 1387 ont été édités par
W. J. Courtenay et E. D. Goddard, Rotuli Parisienses. Supplications to the Pope from the University
of Paris, Leyde-Boston, 2002-2013, I, p. 175-176, 191-199 ; II, p. 260-270 ; III, p. 31-36, 725-733.
Ceux de 1394 à 1403 ont été indiqués par J. Verger, Les registres des suppliques comme source de
l’histoire des universités. Introduction et essai d’inventaire pour la période du Grand Schisme (1378-1417),
mémoire de l’EFR, Rome, 1972, p. 118.
89. T. Sullivan, Parisian Licentiates in Theology, A.D. 1373-1500. A Biographical Register, Leyde-
Boston, 2004-2011, II, p. 9-44.
90. Les trois majors restants venaient des collèges du Cardinal Lemoine, de Maître Gervais et
du Trésorier.
91. T. Sullivan, Parisian Licentiates, op. cit., II, p. 558-560. Ces effectifs peuvent toutefois être
révisés à la marge, car les listes de Thomas Sullivan comprennent parfois des affiliations à deux
collèges ou des affiliations postérieures à l’obtention de la licence.
92. Id., « Merit Ranking and Career Patterns: The Parisian Faculty of Theology in the Late Middle
Ages », dans Universities and Schooling in Medieval Society, W. J. Courtenay et J. Miethke, éd.,
Leyde, 2000, p. 127-163, ici p. 143.
93. Pour compléter ce tableau, il faudrait dresser la liste des procureurs, doyens et recteurs issus
des différents collèges parisiens, mais ce travail prosopographique n’a pas encore été réalisé.
94. C. Angotti, « Bonum commune divinius est quam bonum unius. Le collège de la Sorbonne et
sa bibliothèque, place et rôle dans l’université de Paris au xive siècle », dans Die universitären
Kollegien im Europa des Mittelalters und der Renaissance/Les collèges universitaires en Europe au Moyen Âge
et à la Renaissance, A. Sohn et J. Verger, éd., Bochum, 2011, p. 91-105.
95. Il s’agissait des collèges du Cardinal Lemoine (M. Félibien et G.-A. Lobineau, Histoire de
la ville de Paris, op. cit., V, p. 609), de Navarre, de Presles, de Bourgogne, de Dormans-Beauvais
et de Maître Gervais (S. Lusignan, « L’enseignement des arts dans les collèges parisiens au
Moyen Âge », dans L’enseignement des disciplines à la faculté des arts (Paris et Oxford, xiiie-xve siècles),
O. Weijers et L. Holtz, éd., Turnhout, 1997, p. 43-54, ici p. 53-54).
96. T. Kouamé, Le collège de Dormans-Beauvais, op. cit., p. 88.
97. J. de Launoy, Regii Navarrae gymnasii, op. cit., p. 159-160. Pierre du Parroy était par ailleurs
possesseur de plusieurs manuscrits qu’il légua aux théologiens du collège de Navarre (BNF,
lat. 16944 et 17975, nouv. acq. lat. 787 ; bibl. de l’Arsenal, mss 145 et 257 ; bibl. Mazarine,
ms. 89, 985, 1713 et 1717). Sa signature figure aussi sur des manuscrits provenant de l’abbaye
de Haute-Fontaine dans la Marne (bibl. Sainte-Geneviève, mss 49, 50, 51, 52, 53, 220 et 221).
Nous remercions Donatella Nebbiai pour tous ces renseignements.
103. Il assiste aux disputationes de la Sorbonne entre l’été 1485 et le début de l’année 1486, ce qui
lui vaut plus tard d’être défendu par les théologiens de la Sorbonne, qui le considéraient comme
l’un des leurs (J. Pic de la Mirandole, Œuvres philosophiques, O. Boulnois et G. Tognon,
éd. et trad., 3e éd., Paris, 2004, p. xxix).
104. In quibus recitandis, non Romanae linguae nitorem, sed celebratissimorum Parisiensium disputatorum
dicendi genus est imitatus, propterea quod eo nostri temporis philosophi plerique omnes utuntur (J. Pic de
la Mirandole, 900 conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques, B. Schefer, éd. et
trad., Paris, 1999, p. 18). Nous avons légèrement modifié la traduction de Bertrand Schefer.
105. L’édition scientifique des statuts médiévaux de l’ensemble des collèges parisiens fait l’ob-
jet d’un projet collectif, mené en collaboration avec l’université de Notre Dame (Indiana). Sur ce
Gabriel Project, voir T. Kouamé, « L’édition des sources médiévales des collèges parisiens. Bilan
et perspectives », dans Die universitären Kollegien, op. cit., p. 39-55, ici p. 44-45.
ne peut les considérer comme les seuls inspirateurs d’une mutation culturelle
qui s’est accomplie entre le milieu du xiiie siècle et le milieu du xive siècle.
L’examen des sources normatives montre que la Sorbonne constituait une
sorte d’intermédiaire entre le modèle traditionnel du collège séculier, dont
le fonctionnement reposait avant tout sur la coutume, et un nouveau modèle
de fondation, symbolisé par la promulgation de chartes de statuts. Le déve-
loppement de cette législation collégiale explique sûrement qu’à partir du
début du xive siècle, les sorbonistes aient à leur tour décidé d’enregistrer
leur propre règlementation dans un Liber prioris. Enfin, bien qu’elle fût l’un
des plus anciens collèges de théologiens de Paris, la Sorbonne n’en était pas
moins soumise à la concurrence des autres grandes maisons du Quartier
latin, comme en témoignent, au xve siècle, les performances bien supérieures
des boursiers du collège de Navarre à la licence en théologie. Loin de la relec-
ture téléologique lui attribuant, dès l’origine, une domination incontestée sur
l’université de Paris, l’établissement n’a donc pas constitué le modèle exclu-
sif des institutions séculières à la fin du Moyen Âge, le collège d’Harcourt
exerçant, par exemple, une influence notable sur les statuts des fondations
normandes. Le seul domaine dans lequel la Sorbonne se soit finalement dis-
tinguée est la place unique de sa bibliothèque dans le système universitaire
parisien. Dans la première moitié du xive siècle, les autorités du collège en
firent un instrument au service de l’ensemble de l’Université et s’appuyèrent
sur cette notoriété pour engager la transformation de leur maison en une
véritable école théologique, à l’instar des studia mendiants. Cette mutation
profonde, qui préfigure la naissance du collège moderne, est sans nul doute la
plus importante contribution de la Sorbonne médiévale à l’histoire de l’éduca-
tion occidentale et l’une des plus belles manifestations du rôle fondamental
de sa bibliothèque.
Thierry Kouamé
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
LAMOP (UMR 8589)
ANNEXE
sicut est in Sorbona similiter consuetum, et etiam pro locagio famulorum, et istam colliget
principalis et tradet procuratori, et tenebitur quolibet solvere infra octo dies, postquam
inter socios fuerit ordinatum, sub poena substractionis bursarum [cf. supra, no 1]110.
110. Arch. nat., M 137, no 8B. Les rédacteurs des statuts du collège de Justice ont fusionné les
art. LXXVIII et LXXIX de leur modèle.
111. P. Féret, La faculté de théologie, op. cit., III, p. 649 et 654. Les titres de chapitres sont emprun-
tés à l’édition de P. de Longuemare, « Le collège de Maître Gervais Chrétien à Paris », Bulletin
de la Société des antiquaires de Normandie, 31, 1916, p. 182-329, ici p. 300 et 311.
112. R. Manno Tolu, Scolari italiani nello Studio di Parigi. Il « Collège des Lombards » dal xiv al xvi
secolo ed i suoi ospiti pistoiesi, Rome, 1989, p. 137.
Item primo statuimus quod in mensa, tempore quo comedunt socii, sit
unus lector cujus officium sit tale videlicet quod juret legere et legat de Biblia
a principio mensae, quando socii incipiunt comedere et in fine mensae gra-
tiae dicantur, prout est in aliis locis fieri consuetum et maxime in Sorbona,
nisi per priorem sibi tempus fuerit abbreviatum, cui priori domus potestatem
abbreviandi tempus lectori non tamen totaliter dispensandi113.
Des bibliothèques
des maîtres séculiers
aux bibliothèques des collèges
«
I l serait difficile de dire si tous ces volumes ont jamais été réunis ailleurs
que dans l’imagination de Richard de Fournival », estime Léopold Delisle
en introduction à son édition de la Biblionomia parue en 1874 dans Le cabinet
des manuscrits de la Bibliothèque nationale1. S’agit-il « d’une bibliothèque réelle
ou d’une bibliothèque idéale » ? Si Delisle ne tranche pas entre les deux
pôles de cette alternative, il offre un premier élément de réponse en notant
quelques années plus tard dans ses « Additions et corrections », à propos de
l’« article 66 de la Biblionomie », que celui-ci « répond bien au ms. latin 16613
de la Bibliothèque nationale, lequel est venu de la Sorbonne2 ».
C’est grâce à la bibliothèque du collège de Sorbonne que nous pouvons
savoir que la Biblionomia décrit bien une « bibliothèque réelle » et non une
simple bibliothèque imaginaire. Elle en conserve en effet de nombreuses
traces, à travers les notices des deux catalogues rédigés dans la première moitié
du xive siècle ou les manuscrits qui nous en sont parvenus. Gérard d’Abbeville
n’aurait jamais pu léguer 300 manuscrits au collège créé vers 1257 par Robert
de Sorbon, et la bibliothèque de cette institution n’aurait pas été aussi bien
fournie à la suite de la mort de Gérard d’Abbeville, en 1272, si la bibliothèque
de Richard de Fournival n’avait été qu’un idéal. On semble pourtant encore
en douter. Nous commencerons donc par revenir sur cette question en souli-
gnant que la Biblionomia est à la fois une cartographie idéale du savoir, total et
ordonné, et le catalogue d’une bibliothèque bien réelle (serait-elle encore en
partie incomplète et en devenir). Nous nous appuierons principalement sur
la bibliothèque du collège de Sorbonne afin de voir ce qu’elle peut nous en
dire, ce qu’elle en a retenu, ce qu’elle semble avoir négligé ou ce qui n’a jamais
1. L. Delisle, éd., « La Biblionomie de Richard de Fournival », dans Le Cabinet des manuscrits de la
Bibliothèque nationale, t. II, Paris, 1874, p. 518-535 (cit. p. 520).
2. Id., « Additions et corrections », dans Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale,
op. cit., t. III, Paris, 1881, p. 387.
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
9. M. l’abbé Roze, « Nécrologe de l’Église d’Amiens suivi des distributions aux fêtes », Mémoires
de la Société des Antiquaires de Picardie, 8, 1885, p. 291-503 (en part. p. 321).
10. Sur le rôle mémoriel des ex-libris dont sont pourvus les manuscrits du collège de Sorbonne
et le rôle fondateur qu’on peut attribuer pour cela aux manuscrits léguées par Gérard d’Abbe-
ville, voir G. Fournier, « Les conditions d’une réussite : le livre et la memoria au collège de
Sorbonne (xiiie-xve siècle) », dans Scriptoria e bibliotheche nel basso medioevo medioevo (secoli xii-xv).
Atti del LI Convegno storico internazionale, Spoleto, 2015, p. 475-504 (en part. p. 483-493).
11. A. Birkenmajer, « La bibliothèque de Richard de Fournival », art. cité, p. 121.
12. P. Glorieux, « Études sur la Biblionomia de Richard de Fournival », Recherches de théologie
ancienne et médiévale, 30, 1963, p. 205-231 (qui ajoute 4 nouveaux manuscrits à ceux qu’avait
identifiés A. Birkenmajer).
13. B. L. Ullman, « Petrarch’s Acquaintance with Catullus, Tibullus, Propertius », dans Studies
in Italian Renaissance, op. cit., p. 177-196 ; Id., « Geometry in the Mediaeval Quadrivium », dans
Studi de bibliografia e di storia in onore di Tammaro de Marinis, t. IV, Florence, 1964, p. 263-285.
14. R. H. Rouse, « Manuscripts Belonging to Richard de Fournival », art. cité. Ce dernier a
identifié de nouveaux manuscrits de Richard de Fournival dans différentes études ultérieures,
en particulier « The A Text of Seneca’s Tragedies in the Thirteenth Century », Revue d’histoire des
textes, 1, 1971, p. 93-121 ; « The Florilegium Angelicum : Its Origin, Content, and Influence », dans
Medieval Learning and Literature. Essays presented to R. W. Hunt, J. G. Alexander et M. T. Gibson,
éd., Oxford, 1976, p. 66-114 [repris dans Authentic Witnesses, op. cit., p. 101-152] ; « Florilegia
and Latin Classical Authors in Twelfth- and Thirteenth-Century Orléans », dans Authentic
Witnesses, op. cit., p. 153-188 (en part. p. 162, n. 31) ; et avec M. A. Rouse, « The Medieval
Circulation of Cicero’s Posterior Academics and the De finibus bonorum et malorum », dans Medieval
Scribes, Manuscripts and Libraries: Essays Presented to N. R. Ker, M. B. Parkes et A. G. Watson, éd.,
Londres, 1978, p. 333-367 [repris dans Authentic Witnesses, op. cit., p. 61-98].
15. S. Scott-Fleming, Pen Flourishing in Thirteenth-Century Manuscripts, Leyde, 1989, en part.
p. 11-12, 30, 34-36, 39-42, 44-49, 51-54, 57-58 et 79-83.
16. F. Avril et P. Stirnemann, Les manuscrits enluminés d’origine insulaire. viie-xxe siècle, Paris,
1987, p. 69-71, no 111, 112 et 113, et pl. XXXVI ; P. Stirnemann, « Les bibliothèques princières
et privées aux xiie et xiiie siècles », dans Histoire des bibliothèques françaises, t. I, André Vernet,
éd., Paris, 1989, p. 173-191 (en part. p. 181-184 et 190, n. 54-61) ; et plus récemment Ead.,
« Private Libraries Privately Made », dans Medieval Manuscripts, their Makers and Users. A Special Issue
of Viator in Honor of Richard and Mary Rouse, Turnhout, 2011, p. 185-198.
17. T. Haye, « Canon ou catalogue ? », art. cité, p. 224.
maître dans les années 1222-122323. Tandis que Robert de Sorbon entra par la
suite à la faculté de théologie, Richard entreprit vraisemblablement des études
de médecine, suivant ainsi la voie de son père, Roger de Fournival, médecin
auprès de Philippe Auguste (1180-1223). Il exerça aussi la chirurgie et put s’y
consacrer aussi longtemps qu’il n’était pas diacre. Il fut à la fois chanoine de
la cathédrale Notre-Dame de Rouen et chanoine de la cathédrale Notre-Dame
d’Amiens24, cumulant les prébendes qui, ajoutées aux honoraires que devait
lui rapporter son activité de médecin et de chirurgien, ont dû lui fournir une
partie des revenus nécessaires à la fabrication des nombreux manuscrits de
sa bibliothèque. En 1240, après un séjour à la cour papale et avec le soutien
de Grégoire IX (1227-1241), il devint chancelier de la cathédrale d’Amiens (où
son demi-frère, Arnoul de la Pierre († 1247), était évêque depuis 1236). À ce
titre, il était chargé non seulement d’assurer la rédaction et la conservation
des archives du diocèse, mais aussi de superviser l’école cathédrale et la for-
mation des clercs (bien que le chancelier de la cathédrale d’Amiens fût relayé
dans cette activité par la création en 1218 de la fonction d’écolâtre). C’est
vraisemblablement à partir de cette date que Richard décida de réunir ou de
faire copier les manuscrits que décrit la Biblionomia afin de les mettre à la dis-
position des étudiants de sa ville et de leur offrir ainsi une sorte d’université
qui puisse rivaliser avec celle qui faisait le prestige de Paris et leur permettre
d’acquérir les principales connaissances constitutives du savoir médiéval25.
Composée vers 1250, la Biblionomia est la « clé » de ce jardin. Comme l’in-
dique son nom, elle en détient la règle (nomos), soit le principe organisateur
sans lequel ce lieu resterait fermé et voué à la confusion. C’est grâce à cette clé
que nous pouvons encore aujourd’hui pénétrer dans cet hortulus, alors même
qu’il a désormais disparu, et y découvrir non seulement la manière dont le
savoir y est organisé et la liste des œuvres représentant chaque discipline,
mais aussi la première trace des manuscrits qui s’y trouvaient disposés. Ce
catalogue n’est donc pas un simple inventaire, contrairement à la plupart des
23. Id., La faculté des arts et ses maîtres au xiiie siècle, Paris, 1971, no 387, p. 315-317 ; O. Weijers et
M. B. Calma, Le travail intellectuel à la faculté des arts de Paris : textes et maîtres (ca 1200-1500), t. VIII,
Turnhout, 2010, p. 10-11.
24. P. Desportes et H. Millet, Diocèse d’Amiens, Fasti Ecclesiae Gallicanae. Répertoire prosopogra-
phique des évêques, dignitaires et chanoines de France de 1200 à 1500, t. I, Turnhout, 1996, no 447,
p. 199 ; V. Tabbagh, Diocèse de Rouen, Fasti Ecclesiae Gallicanae, t. II, Turnhout, 1998, no 4133,
p. 342.
25. Comme le souligne A. Birkenmajer, « La bibliothèque de Richard de Fournival », art.
cité, p. 122.
26. J. de Ghellinck, « En marge des catalogues des bibliothèques médiévales », dans
Miscellanea Francesco Ehrle. Scritti di storia e paleografia, t. V, Rome, 1924, p. 331-363 ; J. S. Beddie,
« Libraries in the Twelfth Century : Their Catalogues and Contents », dans Anniversary Essays
in Mediaeval History by students of Charles Homer Haskins, Boston-New York, 1929, p. 1-24 ;
D. M. Norris, A History of Cataloguing and Cataloguing Methods, 1100-1850 : With an Introductory
Survey of Ancient Times, Londres, 1939 ; A. Derolez, Les catalogues de bibliothèques, Turnhout,
1979 ; A. Besson, Medieval Classification and Cataloguing. Classifications Practices and Cataloguing
Methods in France from the 12th. to the 15th. Centuries, Biggleswede (UK), 1980 ; B. Munk Olsen,
« Le biblioteche del XII secolo negli inventari dell’epoca », dans Le Biblioteche nel mondo antico e
medievale, G. Cavallo, éd., Rome-Bari, 1988, p. 137-162 ; D. Nebbiai Dalla Guarda, « Les
inventaires des bibliothèques médiévales », dans Le livre au Moyen Âge, Jean Glénisson, éd.,
Paris, 1988, p. 88-91 ; Ead., « Classifications et classements », dans Histoire des bibliothèques
françaises, op. cit., t. I, p. 373-393 ; B. M. Russell, « Hidden Wisdom and Unseen Treasure:
Revisiting Cataloguing in Medieval Libraries », Cataloguing and Classification Quarterly, 26, 1998,
p. 21-30 ; D. Nebbiai Dalla Guarda, Le discours des livres. Bibliothèques et manuscrits en Europe.
ixe-xve siècle, Rennes, 2013.
27. Que l’on peut rapprocher bien sûr des différents classements du savoir qu’on trouve alors :
voir J. Mariétan, Problème de la classification des sciences d’Aristote à saint Thomas, Paris, 1901 ;
J. A. Weisheipl, « The Classication of the Sciences in Medieval Thought », Mediaeval Studies,
27, 1965, p. 54-90 ; Id., « The Nature, Scope, and Classification of the Sciences », dans Science
in the Middle Ages, Science in the Middle Ages, D. C. Lindberg, éd., Chicago, 1978, p. 461-82 ;
R. McKeon, « The Organization of Sciences and the Relations of Cultures in the Twelfth
and Thirteenth Century », dans The Cultural Context of Medieval Learning, J. E. Murdoch et
E. D. Sylla, éd., Dordrecht-Boston, 1975, p. 151-92 ; G. Dahan, « Les classifications du savoir
aux xiie et xiiie siècles », L’enseignement philosophique, 40/4, 1990, p. 5-27.
28. En renvoyant notamment, pour plus de détails, à mon étude déjà citée : « La Biblionomia de
Richard de Fournival : un programme d’enseignement par le livre. Le cas du trivium ».
30. Voir à ce sujet E. Seidler, « Die Medizin in der Biblionomia des Richard de Fournival »,
Sudhoffs Archiv, 51, 1967, p. 44-54.
31. Voir infra n. 44.
32. P. O. Lewry, « Tirteenth-Century Examination Compendia from the Faculty of Arts », dans
Les genres littéraires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales. Définition, critique et exploi-
tation, Louvain-la-Neuve, 1982, p. 101-116 ; C. Lafleur et J. Carrier, « La réglementation
“curriculaire” (de forma) dans les introductions à la philosophie et les guides de l’étudiant de la
faculté des arts de Paris : une mise en contexte », suivi d’un « Post-scriptum aux de forma didas-
caliques », dans L’enseignement de la philosophie au xiiie siècle. Autour du « Guide de l’étudiant »
du ms. Ripoll 109, C. Lafleur et J. Carrier, éd., Turnhout, 1997, p. 521-559 ; C. Lafleur,
« Transformations et permanences dans le programme des études à la faculté des arts de
l’université de Paris au xiiie siècle : Le témoignage des “introductions à la philosophie” et des
“guides de l’étudiant” », Laval théologique et philosophique, 54, 1998, p. 387-410 ; C. Lafleur et
J. Carrier, « L’enseignement philosophique à la faculté des arts de l’université de Paris en
la première moitié du xiiie siècle dans le miroir des textes didascaliques », Laval théologique et
philosophique, 60, 2004, p. 409-448.
33. R. H. Rouse, « Statim invenire: Schools, Preachers, and New Attitudes to the Page », dans
The Renaissance of the Twelfth Century, R. L. Benson et G. Constable, éd., Cambridge (Mass.),
1982, p. 201-225 [repris dans Authentic Witnesses, op. cit., p. 191-219] ; Mise en page et mise en texte
du livre manuscrit, H.-J. Martin et J. Vézin, éd., Paris, 1990.
34. « Sapiencia abscondita et thesaurus invisus, que utilitas in utrisque ? » [Eccles. XX, 32] – Absconditur
autem sapientia non solum in cordibus sapientum, qui de accepto sapientie talento aliis prodesse non curant,
sed absconditur etiam multiplex sapientia et scientia in codicibus antiquorum doctorum, qui non solum homi-
nibus sui temporis sed et insuper futuris sue doctrine rivulos ob majus consequendum premium conati sunt
scribendo multis laboribus et vigiliis impertiri ; quorum quidem libri licet apud multos et a multis in suis
bibliothecis habentur, attamen, vel propter multitudinem voluminum, vel propter multorum librorum in uno
sepe volumine contentorum, vel etiam ob defectum tituli librorum, ab habentibus ignorantur ; quos tamen, vel
aliquos illorum, si se habere noscerent et ubi, ardentius in eis studerent et memorie diligentius commendarent
(L. Delisle, éd., « Bibliothèque de la Sorbonne – xiiie et xive siècle », op. cit., p. 79).
35. On peut penser que le texte de la Biblionomia a accompagné les manuscrits de Richard de
Fournival lorsqu’ils sont entrés au collège de Sorbonne et qu’il a pu jouer un rôle aussi bien sur
les directives que Gérard d’Abbeville a laissées dans son testament à propos du soin qu’il faut
accorder à ses livres, sur la rédaction de différents inventaires à partir de 1274, sur l’organisa-
tion du répertoire de la libraria communis et sur celle du catalogue de la parva libraria et, enfin,
sur les propos de Jean en tête du répertoire. On pourrait même se demander si le manuscrit
actuel de la Biblionomia n’a pas été copié au sein même du collège de Sorbonne dans le cadre
des entreprises de réorganisation et de catalogage qui ont suivi le règlement édicté en 1321 en
vue d’une « meilleure conservation des livres » (voir P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne,
op. cit., t. I, no 22, p. 214-215), contribuant ainsi à la « dimension mémorielle » de ce travail d’in-
ventaire dont G. Fournier a souligné l’importance (Une « bibliothèque vivante », op. cit., p. 33-86,
« Listes, énumération, inventaires… », art. cité, en part. p. 185, n. 143, et « Les conditions d’une
réussite : le livre et la memoria au collège de Sorbonne (xiiie-xve siècle) », art. cité). La biblio-
thèque de Richard de Fournival et son catalogue se situeraient non seulement à l’origine de la
bibliothèque du collège de Sorbonne et de ses catalogues (du moins en partie), mais seraient
aussi (toujours en partie) le produit de sa mémoire. Il faudrait alors se demander, cependant,
comment ce manuscrit a fait pour entrer ensuite au collège des Cholets, où il se trouvait avant
d’entrer au xixe siècle dans la bibliothèque de la Sorbonne.
36. Quod ego Johannes, presentis collegii de Sorbona quondam inter ejus cetera membra unum de minimis
ac minus utile ad officia corporis exsequenda, in presenti domo videns accidere, et quod minus tolerabile erat
in libraria communi, in qua, licet multitudo librorum quasi de qualibet sciencia esset omnibus exposita ad
cas aujourd’hui, alors même qu’il ne s’agit plus de pénétrer dans la libraria
communis du collège de Sorbonne, mais d’identifier et d’analyser le contenu
des manuscrits qu’elle comprenait afin d’acquérir une meilleure connaissance
de cette institution. Ce répertoire et le catalogue général de 1338 permettent
du même coup de retrouver une partie des manuscrits de Richard dissimulés
dans l’une ou l’autre des deux composantes de la bibliothèque du collège de
Sorbonne à la suite du legs de Gérard d’Abbeville.
De même que la Biblionomia, le catalogue général et le répertoire de la
libraria communis sont divisés en plusieurs sections : 59 pour le premier et 52
pour le second. La grande majorité de ces sections concernent toutefois les
écrits bibliques et théologiques (44 pour chacun des deux catalogues). En ce
qui concerne les autres sections (consacrées aux arts libéraux, aux différents
aspects de la production philosophique, à la médecine et au droit), la réparti-
tion de leur contenu ne repose pas sur une organisation du savoir aussi précise
et élaborée que celle dont témoigne la Biblionomia. Chaque section regroupe
de plus un ensemble de manuscrits et de textes qui apparaissent sans ordre
véritable (sinon qu’ils semblent suivre l’ordre dans lequel les manuscrits sont
entrés au collège de Sorbonne). Certains textes sont d’ailleurs représentés en
plusieurs exemplaires (alors qu’on constate par ailleurs des manques surpre-
nants). Si ces deux catalogues doivent servir à trouver les textes ou les manus-
crits contenus à l’intérieur de cette double bibliothèque, ils en constituent
également un inventaire, alors que la Biblionomia ne répond pas vraiment à un
tel objectif. En tout cas, ils n’ont pas le même caractère programmatique que
le catalogue de Richard de Fournival.
Le catalogue général de 1338 comptabilise 1 722 volumes contenus dans
l’ensemble de la bibliothèque du collège de Sorbonne. Par rapport au catalogue
de 1290 (qui ne nous est pas parvenu), 289 semblent perdus ou manquer à
leur place (comme le précise parfois l’indication defficit) et ne font l’objet d’au-
cune description. 344 sont enchaînés au sein de la libraria communis (comme le
précise l’indication cathenatus ou defficit quia cathenatus) et peuvent se retrouver
studendum, difficile tamen quilibet invenire potuit quod querebat, huic difficultati vel defectui remedium
desiderans adhibere et viam ad inveniendum in dicta libraria cuilibet librum vel scienciam de qua quereret
cupiens si quoquo modo fieri posset commode preparare, non veritus utilitatem propriam communi utilitati
postponere, sciens quod bonum quanto communius tanto divinius, et quoniam quod michi laboro mecum
moritur, quod vero laboro aliis non moritur in eternum, aggressus sum solus modus meliore quem excogitare
poteram super multitudine librorum dicte librarie tabulam ordinare, in qua, ut reor, quilibet, si tamen pre-
sentis tabule sciverit processum, facile et cito poterit invenire de quacunque sciencia sibi studere placuerit, et
cujus modi vel cujus auctoris librum videre voluerit, dum tamen sit in presenti libraria, per proprium titulum
vel dicti libri principium, inspecta presenti tabula, sine longa inquisitione poterit reperire (L. Delisle, éd.,
« Bibliothèque de la Sorbonne – xiiie et xive siècle », op. cit., p. 79).
39. C’est le cas, par exemple, du no 11 de la section LI, Libri Tullii et Boecii, du catalogue général
(Rethorica Tullii. Incipit in 2o fol. “tum odii”, in pen. “in animatas”. Precium viii sol.), qui correspond
au ms. Leiden, Bibliotheek der Rijksuniversiteit, Vossianus, lat. Q. 103, et à la notice 27 de la
Biblionomia (Ejusdem liber priorum rhetoricorum, et item posteriorum ad Herennium, in uno volumine cujus
signum est littera C), du no 25 de cette même section (Tullius de accusacione. Incipit in 2o fol. “lega”, in
pen. “severitate”. Precium vi sol.), qui correspond au ms. Paris, BNF, lat. 6602 II, f. 48-124, et à la
notice 31 de la Biblionomia (Ejusdem accusatio in Antonium Philippensem, que sunt Invective Philippice
vel Antoniane. Item ejusdem accusatio in Catylinam, que sunt Invective Catylinarie Tulliane. In uno volu-
mine cujus signum est littera D). C’est aussi le cas du no 12 de la section LVI, Libri quadriviales, du
catalogue général (Tabula astronomie cum pluribus libris de judiciis astrorum. Incipit in 2o fol. “fuerit”, in
pen. “facies”. Precium lx sol.), qui correspond au ms. Paris, BNF, lat. 16208 et qui devait se trouver
parmi les « livres secrets » de la bibliothèque de Richard de Fournival.
40. C’est le cas, par exemple, du no 12 cité à la note précédente, ou du ms. P.f. de la libraria
communis, qui correspond au ms. Paris, BNF, lat. 16204, qui devait se trouver parmi les « livres
secrets » de la bibliothèque de Richard de Fournival et avoir transité par Gérard d’Abbeville.
41. C’est le cas, par exemple, du ms. P.f. de la libraria communis cité à la note précédente, qui
nous est parvenu, ou du ms. P.l. (Disputationes Tullii vel liber achademicorum ejusdem. “Non eram nes-
cius Brute” – Thymeus ejusdem de universitate. “Multa sunt a nobis et in achademis scripta”), qui ne nous
est pas parvenu mais qui correspond selon toute vraisemblance à la notice 75 de la Biblionomia
(Ejusdem liber Achademicarum disputationum, in quo ostendit quod genus phylozophizandi arbitrandum
sit minime et arrogans maximeque et constans et elegans. Item ejusdem liber de universalitate, qui vocatur
Thimeus Tullii. In uno volumine cujus signum est littera I).
quadriviales. Ce qui fait 137 des 423 manuscrits contenus dans ces différentes
sections, soit plus d’un quart.
Si l’on procède cette fois en suivant les sections retenues par la Biblionomia,
on peut repérer dans les deux catalogues de la bibliothèque du collège de
Sorbonne entre 3 et 9 manuscrits pouvant provenir avec plus ou moins de cer-
titude de la section de grammaire de la bibliothèque de Richard de Fournival
(sur 12, dont aucun n’a été conservé), entre 9 et 10 pouvant provenir de la
section de dialectique (sur 12, dont 3 ont été conservés), entre 6 et 7 pou-
vant provenir de la section de rhétorique (sur 12, dont 4 ont été conservés),
8 pouvant provenir de la section de géométrie (sur 8, dont 5 ont été conser-
vés), 4 pouvant provenir de la section d’arithmétique (sur 4, dont 2 ont été
conservés), 4 pouvant provenir de la section de musique (sur 4, dont 2 ont
été conservés), 7 pouvant provenir de la section d’astronomie (sur 8, dont 6
ont été conservés), entre 9 et 11 pouvant provenir de la section de physique
et de métaphysique (sur 12, dont 6 ont été conservés), entre 6 et 11 pouvant
provenir de la section d’éthique (sur 12, dont 5 ont été conservés), entre 5 et
21 pouvant provenir de la section de philosophie variée (sur 24, dont 4 à 10
ont été conservés), et entre 12 et 21 pouvant provenir de la section de poésie
(sur 24, dont 5 ou 6 ont été conservés). Sur les 132 manuscrits du compar-
timent de philosophie pourvus d’une description, entre 73 (au minimum)
et 113 ont laissé une trace dans les catalogues de la bibliothèque du collège
de Sorbonne, soit plus de la moitié. Enfin, plus de 30 manuscrits sur les 60
appartenant aux livres secrets ou aux recueils de grand format semblent pou-
voir être identifiés (dont une quinzaine ont été retrouvés).
Manifestement, les manuscrits de Richard de Fournival contenant des
ouvrages appartenant au quadrivium semblent avoir été nettement mieux
conservés que les autres et avoir contribué de manière particulièrement
significative à enrichir le fonds de la bibliothèque du collège de Sorbonne.
Les ouvrages d’Aristote et de ses divers commentateurs, qu’ils concernent la
logique, la physique, la métaphysique ou l’éthique, sont également relative-
ment bien conservés. En revanche, les ouvrages de grammaire ou de rhéto-
rique ne semblent pas avoir bénéficié du même destin ni du même rôle. Pour
les ouvrages de philosophie variée et les ouvrages poétiques, il demeure trop
d’incertitudes pour tirer des conclusions précises.
Ainsi, plus de la moitié des manuscrits de la section de philosophie de
la bibliothèque de Richard de Fournival se retrouvent dans la bibliothèque
du collège de Sorbonne (qu’ils soient mentionnés dans le catalogue géné-
ral ou dans le répertoire de la Libraria communis). Il en est probablement de
même si l’on poursuit la recherche à propos du droit et de la théologie. Si
la bibliothèque de Richard se présente à travers la Biblionomia comme une
42. A. Birkenmajer, « La bibliothèque de Richard de Fournival », art. cité, p. 137. D’après
l’inventaire de la bibliothèque du chapitre de la cathédrale d’Amiens (1348), on sait par exemple
que Thomas Greffin († 1275), neveu de Richard de Fournival et médecin comme lui, a légué
au chapitre de la cathédrale d’Amiens son Papias : cet ouvrage n’est pas mentionné dans la
Biblionomia, mais pourrait très bien provenir de la bibliothèque de Richard et avoir été rangé
parmi les manuscrits de grand format. On trouve également dans cet inventaire deux ouvrages
qui diffèrent nettement du reste de son contenu et pourraient bien provenir de la bibliothèque
de Richard : le De naturis rerum de Sénèque et le De mirabilibus mundi et situ terrarum de Solin (voir
E. Coyecque, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements,
t. XIX, Paris, 1893, p. lxxx-xcvii, en part. p. lxxxiv, nos 87, 81 et 82 ; G. Lanoë, « Les livres de
Notre-Dame d’Amiens », dans P. Desportes et H. Millet, Diocèse d’Amiens, op. cit., p. 11-15). Il
est possible aussi qu’Étienne d’Abbeville, chanoine de la cathédrale d’Amiens, qui fut peut-être
apparenté à Gérard d’Abbeville et qui légua à sa mort, vers 1288, une quarantaine de manus-
crits au collège de Sorbonne, ait reçu lui aussi certains manuscrits de Richard de Fournival.
Voir ibid., no 56, p. 208 ; L. Delisle, « La bibliothèque de la Sorbonne », op. cit., p. 174-175 ;
M. Mabille, « Les manuscrits d’Étienne d’Abbeville à la Bibliothèque nationale », BEC, 132,
1974, p. 245-266.
43. L. Delisle, « La bibliothèque de la Sorbonne », op. cit., p. 148, no 5 ; A. Birkenmajer,
« La bibliothèque de Richard de Fournival », art. cité, p. 125.
44. Et omnes libri medicine quos habeo depositos qpud eos [scolares domus magistri Roberti de Sorbonio]
mixtos cum libris philosophie et aliis libri, vendantur et inde debita mea, se necesse fuerit, reddantur (cité
d’après P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, op. cit., t. II, no 301, p. 355).
45. Item circa custodiam librorum vagantium per socios fuit ordinatum quod custodes illorum eligerentur per
socios et non quilibet alteri daret clavem ad voluntatem cuam ; et quod aliquam rationem redderent de libris
tempore sue custodie perditis ; aliter frustra dicuntur custodes (cité d’après ibid., t. I, no 22, p. 214-215 ;
voir p. 244).
afin de pouvoir acheter des ouvrages qui manquent46. Les manuscrits qui ne
sont pas décrits dans le catalogue général de 1338 ou qui font défaut (defficit)
témoignent à leur tour de la disparition d’un certain nombre d’ouvrages. Il est
probable que, parmi ces manuscrits dont on a désormais perdu la trace, il s’en
trouvait plusieurs qui avaient appartenu à Richard de Fournival.
46. Item, quia multi ibi iacent libri parvi valoris, non ligati, occupantes locum, sicut reportationes et antiqui
sermones, fuit ordinatum quod darentur beneficiariis nostris qui possent esse ad usum eorum, et alii iuxta
ordinationem sociorum ad hoc deputatorum venderentur sociis de domo vel aliis si aliquid offeretur pro eis ; et
de illa pecunia emerentur alii libri deficientes nobis (ibid.).
47. C. H. Haskins, éd., « A List of Text-Books from the Close of the Twelfth Century », Studies
in the History of Mediaeval Science, 1924, p. 356-376 ; T. Hunt, éd., Teaching and Learning Latin in
Thirteenth-Century England, t. I, Woodbridge (Suffolk)-Rochester (New York), 1991, p. 250-273.
Une traduction anglaise de ce texte a été donnée par R. Copeland et I. Sluiter, Medieval
Grammar and Rhetoric. Language Arts and Literary Theory, AD 300-1475, Oxford, 2009, p. 536-541.
48. Évrard l’Allemand, Laborintus, v. 599-686, E. Faral, éd., Les arts poétiques du xiie et du
xiiie siècle. Recherches et documents sur la technique poétique du Moyen Âge, Paris, 1924,
p. 358-361.
49. C’est le cas, par exemple, de l’Abbreviatio utriusque operis Prisciani d’un certain Andreas (B. 6),
qui semble se retrouver dans le catalogue général de la bibliothèque du collège de Sorbonne
(XLV, Libri grammaticales, 9 ou 34), mais qui ne nous est pas parvenu et dont nous n’avons
aucune autre attestation.
50. Pour la tradition manuscrite des textes mentionnés ici, voir Catalogus Translationum et
Commentariorum, P. O. Kristeller et al., éd., Washington, 1960-2011 (9 vol.) ; Texts and
Transmission. A Survey of the Latin Classics, L. D. Reynolds, éd., Oxford, 1983 ; B. Munk Olsen,
L’étude des auteurs classiques latins aux xie et xiie siècles, Paris, 1982-2009 (4 tomes), et les diverses
études qui leur ont été consacrées.
51. Auquel semble correspondre le no 14 de la section XLV, Libri grammaticales, du catalogue de
1338.
52. Auquel correspond très probablement le no 15 de la section LVI, Libri quadriviales, du cata-
logue de 1338, et le ms. Paris, BNF, lat. 16209.
53. Auquel pourrait correspondre le no 23 de la section XLV, Libri grammaticales, du catalogue
de 1338.
54. Qu’on trouve toutefois dans le no 3 de la section XLV, Libri grammaticales, du catalogue de
1338 (manuscrit qui correspond à B. 125 et qui contient presque l’ensemble des œuvres de
Horace). La Biblionomia comprend en effet deux exemplaires de la Poetica d’Horace.
55. Poème qui est toutefois contenu dans le no 44 de la section XLV, Libri grammaticales, du cata-
logue de 1338.
56. Auquel correspond probablement le no 9 de la section XLV, Libri grammaticales, du catalogue
de 1338.
68. R. Sabbadini, Le Scoperte dei codici latini e greci nei secoli xiv e xv, Firenze, 1905 ; P. Scarcia
Piacentini, « La tradizione laudense di Cicerone e un inesplorato manuscritto della
Biblioteca Vaticana (Vat. lat. 3237) », Revue d’histoire des textes, 11, 1981, p. 123-146.
69. Cicéron, De la divination. De divinatione, II, i, 4, J. Kany-Turpin, éd. et trad., Paris, 2004,
p. 199.
70. M. Winterbottom, R. H. Rouse et M. D. Reeve, « De oratore, Orator, Brutus », dans
Texts and Transmission, op. cit., p. 102-109 (en part. p. 108-109). Voir aussi M. D. Reeve, « The
Circulation of Classical Works on Rhetoric from the 12th to the 14th Century », dans Retorica
e poetica tra i secoli xii e xiv, C. Leonardi et E. Menesto, éd., Florence, 1988, p. 108-124 ;
R. Taylor-Briggs, « Reading Between the Lines: The Textual History and Manuscript
Transmission of Cicero’s Rhetorical Works », dans The Rhetoric of Cicero in its Medieval and
Renaissance Commentary Tradition, V. Cox et J. O. Ward, éd., Leyde-Boston, 2006, p. 77-108 (en
part. p. 101-107 et n. 95).
71. Liber Achademicarum disputationum, in quo ostendit quod genus phylozophizandi arbitrandum sit
minime et arrogans maximeque et constans et elegans (B. 75), à comparer avec : […] et, eo quod genus
philosophandi minime adrogans maximeque et constans et elegans arbitraremur, quattuor Academicis libris
ostendimus (Cicéron, De la divination, II, i, 1, éd. cit., p. 196). Ce texte est relié ici au Timée de
Cicéron, mais je n’en tiendrai pas compte.
72. Liber ad Hortensium de cohortatione ad phylosophie studium, qui inscribitur Luculus et interdum
Hortensius (B. 76), à comparer avec : Nam et cohortati sumus, ut maxime potuimus, ad philosophiae
studium eo libro, qui est inscriptus Hortensius (Cicéron, De la divination, II, i, 1, éd. cit., p. 196).
titres ? Seul le début du premier livre (intitulé Catulus) sur les quatre livres des
Academica posteriora nous est parvenu (avec quelques fragments)73, alors que
l’on ne connaît de l’Hortensius que les citations que l’on en a faites (notam-
ment saint Augustin)74.
Ces deux ouvrages paraissent pourtant se retrouver dans la bibliothèque du
collège de Sorbonne. Le premier est contenu dans la libraria communis sous la
cote P.l. avec le titre suivant : Disputationes Tullii vel liber achademicorum ejusdem.
“Non eram nescius Brute”. L’incipit proposé s’avère être en fait celui du De finibus
bonorum et malorum. Aussi peut-on penser, avec M. A. Rouse et R. H. Rouse,
que le Liber Achademicarum disputationum désigne la réunion du De finibus et
d’un fragment des Academica posteriora (deux traités dont le De divinatione sou-
ligne d’ailleurs la complémentarité)75. L. D. Reynolds estime toutefois que
ce manuscrit ne contenait que le De finibus76. On peut en tout cas penser que
Richard de Fournival a confondu (aux deux sens du terme) le De finibus avec les
Academica (comme s’il s’agissait du même ouvrage, alors même qu’ils ne sont
pas composés du même nombre de livres)77.
Quant au second ouvrage, il se trouve mentionné dans le catalogue géné-
ral de 1338 sous le titre suivant : Tullius ad Lucillum, ex legato magistri G. de
Abbatisvilla […]. Ce catalogue ne retient que le second des deux titres avan-
cés par la Biblionomia. Ce titre correspond en fait à celui du deuxième livre
de la première version des Academica (soit les Academica priora, composées de
deux livres), qui seul nous est parvenu. Le personnage d’Hortensius est d’ail-
leurs présent dans ce texte : c’est à lui en effet, accompagné de Catulus et de
Cicéron, que Lucullus expose les thèses sceptiques du philosophe Antiochus,
représentant de la Nouvelle Académie. Aussi peut-on penser que la Biblionomia
ne contient pas l’Hortensius, mais le second livre des premiers Académiques, inti-
tulé Lucullus. Richard de Fournival a donc dû confondre à nouveau l’Hortensius,
78. On peut noter à ce propos que Cicéron n’est guère présent dans l’Accessus ad auctores et le
Dialogus super auctores de Conrad d’Hirsau, tous deux édités par R. B.C. Huygens (Leyde,
1970). Dans le Sacerdos ad altare, Alexandre Neckam conseille la lecture du De oratore, des
Tusculanes, du De amicitia, du De senectute, du De fato, des Paradoxa stoicorum, du De natura deo-
rum (mais avec des réserves) et du De officiis (éd. cit., T. Hunt, Teaching and Learning Latin in
Thirteenth-Century England, op. cit., t. I, p. 270). On demeure loin du corpus de textes contenus
dans la Biblionomia.
79. L. Minio-Paluello, « Note sull’Aristotele medievale. IX. Gli Elenchi sofistici : redazioni
contaminate colla ignota versione di Giacomo Veneto (?) ; frammenti dello ignoto commento
d’Alessandro d’Afrodisia tradotti in latino », Rivista di Filologia Neo-Scolastica, 46, 1954, p. 223-
231 [repris dans Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam, 1972, p. 241-249] ; S. Ebbesen,
Commentators and Commentaries on Aristotle’s Sophistici Elenchi. A Study of Post-Aristotelian and Medieval
Writings on Fallacies, Leyde, 1981, t. I, p. 242-244 et 286-289, et t. II, p. 331-555 (pour l’édition
du « Textus Latini sive “Alexandri” in Aristotelis Sophisticos Elenchos commentarii in latinum
été composé par Jean Philopon (ca. 490-ca. 575), philosophe et théologien
chrétien d’Alexandrie, commentateur d’Aristote, et traduit également par
Jacques de Venise. Généralement attribué lui aussi par la tradition médié-
vale à Alexandre (d’Aphrodise), ce traité ne nous est parvenu à son tour qu’à
travers des fragments et des scolies80. Richard de Fournival a dû prendre
connaissance de ces deux traités à travers des gloses ou des commentaires
qu’il a pu lire en même temps qu’il étudiait les deux traités d’Aristote sur les-
quels portent ces ouvrages ou dont il a pu entendre parler. Il a dû éprouver
le désir de se les procurer pour les ranger dans sa bibliothèque, raison pour
laquelle ils sont mentionnés dans la Biblionomia. Il est toutefois probable
qu’il n’y soit pas parvenu. Il devait détenir en revanche le Commentarium in
Isagogas Porphyrii de Marius Victorinus, contenu en B. 18 avec l’editio minor et
l’editio maior du Commentarium in Isagogas Porphyrii de Boèce. Ce manuscrit se
retrouve en effet dans le catalogue général de la bibliothèque du collège de
Sorbonne parmi les Libri mixti philosophorum, avec la description suivante (LIII,
no 6) : Commentum Victorini super Porphirium, due ediciones Boecii supra Porphirium,
ex legato magistri G. de Abbatisvilla […]. Mais de quoi peut-il bien s’agir ? On ne
connaît pas de commentaire que Marius Victorinus aurait consacré à l’Isagoge
de Porphyre. Peut-être a-t-on affaire à un autre commentaire de l’Isagoge, qui
aurait été attribué par erreur à Marius Victorinus ? Mais je ne vois pas ce que
cela pourrait être. Il pourrait aussi s’agir de la traduction de l’Isagoge réalisée
par cet auteur, traduction ou adaptation qui ne nous est pas parvenue mais
qui est attestée à travers les citations qu’en donne Boèce dans l’editio minor
de son commentaire contenu à la suite de cet ouvrage dans le manuscrit de
la Biblionomia et à laquelle Richard de Fournival (ou quelqu’un d’autre) aurait
qu’il faut étudier83. Sur les 35 ouvrages environ qu’énumère par la suite Évrard
l’Allemand, seuls quatre ne se retrouvent pas dans la Biblionomia : le Solimarus
de Gunther de Paris, dont nous n’avons conservé qu’un fragment, la rédaction
en vers de la Lettre d’Evax attribuée à Marbode, le Carmen paschale de Sedulius,
et le Sententiarum ex operibus Augustini delibatarum liber de Prosper, suivi de son
Epigrammatum liber84. Si Richard de Fournival connaissait le Laborintus, comme
cela est vraisemblable (bien qu’il ne le mentionne pas dans la Biblionomia), il
a très bien pu estimer que ces quatre textes n’avaient pas leur place dans sa
bibliothèque ou dans le compartiment de son catalogue consacré à la philoso-
phie (bien qu’on y trouve d’autres œuvres poétiques appartenant à la tradition
chrétienne, comme l’Historia apostolica d’Arator et l’Aurora de Pierre Riga, que
mentionne également le Laborintus). Mais il a pu aussi choisir de ranger ces
différents textes (du moins ceux qui sont les plus connus) dans d’autres sec-
tions de sa bibliothèque, par exemple avec les originalia. La rédaction en vers
de la Lettre d’Evax attribuée à Marbode se trouve en tout cas comprise parmi les
Summe morales et tractatus modernorum doctorum de la libraria communis du collège
de Sorbonne sous la cote G.k. (il s’agit du manuscrit Paris, BNF, lat. 16079,
qui se trouve au no 4 de la section XL du catalogue général de la bibliothèque
du collège de Sorbonne consacrée aux Cronice), alors que les ouvrages de
Prosper sont compris parmi les Originalia Origenis, Prudencii, Paschasii, Prosperii
et Procli de la libraria communis sous la cote Q.m. (il s’agit du manuscrit Paris,
BNF, lat. 16382, qui se trouve au no 7 de la section XXXVII du catalogue géné-
ral de la bibliothèque du collège de Sorbonne consacrée aux Originalia mixta
sanctorum, manuscrit légué par Gérard d’Abbeville).
Bien que Richard de Fournival ait utilisé le Laborintus d’Évrard l’Allemand
pour choisir les ouvrages qu’il allait introduire dans sa bibliothèque, il ne s’est
pas contenté de suivre l’ordre qu’il proposait, même s’il a pu le faire pour les
sept premiers textes qu’il a réunis au sein du manuscrit relevant de la tradition
du Liber Catonianus et que l’agencement des textes cités par le Laborintus dans
son propre catalogue présente un certain nombre d’analogies avec celui que
83. Évrard l’Allemand, Laborintus, op. cit., v. 603-16 (il s’agit donc des Distiques du Pseudo-
Caton, des Églogues de Theodolus, des Fables d’Avien, des Fables du Pseudo-Ésope, des fables
de l’Anonyme de Nevelet attribuées aussi à Walter l’Anglais, des Élégies de Maximianus, du
Pamphile et du Geta de Vital de Blois). Voir E. M. Sanford, « The Use of Classical Authors in
the Libri Manuales », TAPA, 55, 1924, p. 190-248 ; M. Boas, « De librorum Catonianum historia atque
compositione », Mnemosyne, 42, 1944, p. 17-42 (en part. p. 27 et 35-37) ; P. M. Clogan, « Literary
Genres in a Medieval Textbook », Medievalia et Humanistica, 11, 1982, p. 199- 209 ; T. Hunt,
Teaching and Learning Latin in Thirteenth-Century England, op. cit., t. I, p. 59-79, et t. II, p. 3-212
(« The Auctores and the Liber Catonianus »).
84. Évrard l’Allemand, Laborintus, op. cit., v. 616-686.
propose ce traité. Comme nous l’avons vu, la disposition des ouvrages qui
composent les différentes sections de la Biblionomia possède une cohérence à
laquelle Richard de Fournival a évidemment réfléchi.
Si les ouvrages rassemblés dans la Biblionomia répondent à une organi-
sation précise du savoir, celle-ci est-elle pour autant inamovible, « achevée,
statique et parfaite », comme le pense T. Haye, au point que « l’acquisition de
nouveaux livres serait exclue85 » ? Comme l’a montré P. Stirnemann à partir de
l’étude codicologique des manuscrits de Richard de Fournival qui nous sont
parvenus, ce dernier les a confectionnés en plusieurs étapes86. Ses recueils
sont en effet composés soit d’une série de cahiers ou de groupes de cahiers
relativement indépendants, consacrés à une œuvre ou à un ensemble d’œuvres
apparentées, soit de fascicules réalisés le plus souvent à des moments dif-
férents au cours d’une période qui va de 1240 à 1260 et réunis progressive-
ment les uns aux autres. Chaque manuscrit pouvait ainsi se présenter, dans
un premier temps, comme un ensemble mobile formé de cahiers non reliés,
cousus de manière légère ou maintenus à l’aide d’une ficelle, et conservés
dans une sorte de chemise qui leur servait de protection87. Il était donc tout à
fait possible d’ajouter à un premier recueil un nouveau cahier ou un nouveau
groupe de cahiers contenant une ou plusieurs œuvres nouvelles. Cela permet
d’ailleurs d’expliquer que certains manuscrits de Richard de Fournival qui
nous sont parvenus aient pu être réunis ensemble ou réunis à d’autres manus-
crits88, qu’on ait pu intervertir leurs parties89, qu’on ait pu leur ajouter par
la suite de nouveaux cahiers qui ne semblent pas avoir été réalisés pour leur
propriétaire90, ou qu’ils aient perdu un cahier ou un groupe de cahiers com-
85. T. Haye, « Canon ou catalogue ? », art. cité, p. 224 (voir aussi p. 225).
86. P. Stirnemann, « Private Libraries Privately Made », art. cité.
87. Ibid., p. 186 et 187. Ces recueils pourraient s’apparenter d’une certaine façon à ces libri […]
non ligati que mentionnent en 1321 les directives relatives à la réorganisation de la bibliothèque
du collège de Sorbonne. Voir supra n. 46.
88. Comme c’est le cas, par exemple, de B. 78, B. 86 et B. 24, qui forment dans cet ordre un seul
et même manuscrit conservé dans la libraria communis du collège de Sorbonne (sous la cote Z.f.,
à laquelle correspond le ms. Paris, BNF lat. 16581).
89. Comme c’est le cas, par exemple, de B. 46, qui mentionne dans cet ordre le Liber de arithme-
tica de Boèce et le De rithmomachia attribué au Pseudo-Abélard, mais dont les textes se présentent
dans l’ordre inverse au sein du no 34 des Libri quadriviales (LVI) de la parva libraria du collège de
Sorbonne et du ms. Paris, BNF, lat. 14065 (première partie) qui lui correspond.
90. Comme c’est le cas, par exemple, de B. 59, qui comprend un ensemble de traités relatifs
à l’astrolabe, auquel correspond le ms. Paris, BNF, lat. 16652 (première partie), f. 2-42, qui
s’achève désormais sur un cahier indépendant contenant les Demonstrationes pro astrolapsu, com-
posé peut-être par Campanus de Novare, œuvre qui n’est pas mentionnée par la Biblionomia
ni par la notice correspondante de la section LVI, Libri quadriviales, de la parva libraria (no 19),
et qui ne semble pas avoir été composée avant la mort de Richard de Fournival (on ne saurait
donc prendre ce cahier en considération à propos de la confection de ce manuscrit par Richard
de Fournival, comme le fait P. Stirnemann, « Private Libraries Privately Made », art. cité,
p. 193-194).
91. Comme c’est le cas, par exemple, de B. 21, qui comprend un ensemble de traités de dialec-
tique qui s’achève sur le De interpretatione attribué à Apulée : ce dernier texte a en effet disparu du
ms. Paris, BNF, lat. 16598 qui correspond à ce recueil, mais il en faisait encore partie lorsqu’il
se trouvait dans la libraria communis du collège de Sorbonne (sous la cote Z.o.). Il est possible
que ce texte soit rattaché désormais à un autre recueil ou qu’il forme un manuscrit indépen-
dant. C’est aussi le cas de B. 59 dont il a été question à la note précédente. Le ms. Paris, BNF,
lat. 16652 (première partie), f. 2-42, qui lui correspond, s’achève comme nous l’avons vu sur
un cahier supplémentaire qui s’avère étranger à la Biblionomia, mais il ne contient pas le dernier
texte mentionné par ce catalogue (soit les Suppletiones plane sphaere, cum quibusdam demonstratio-
nibus compositionis ejusdem de Jourdain de Nemore). Ce texte n’est pas présent non plus dans la
description qu’en donne le no 19 des Libri quadrivilaes (LVI) de la parva libraria. Il est mentionné
en revanche parmi les Libri quadruviales du répertoire de la Libraria communis (mais sans cote) :
Planisperium. “Speram in plano describere est singula in plano quolibet ordinare” (incipit qui correspond
à celui du texte concerné). On peut donc penser que ce texte s’est détaché du reste du manuscrit
pour se retrouver seul.
92. Comme c’est le cas, par exemple, de B. 50, qui correspond au ms. Paris, BNF, lat. 16662,
manuscrit composé par un seul et même scribe, et qui comprend, entre le De musica de saint
Augustin et une série de traités musicaux associés à saint Bernard de Clairvaux, tous mention-
nés par la Biblionomia, le De musica d’Isidore de Séville, soit la section des Étymologies consacrée
à cet art (qui fait partie du même cahier que les textes suivants) : s’il n’est pas mentionné par
la Biblionomia, ce texte l’est en revanche par le catalogue de la libraria communis du collège de
Sorbonne (où ce manuscrit apparaît sous la cote P.c.).
ont été copiées par deux scribes différents93. Au bas du dernier folio de la pre-
mière partie se trouve la réclame suivante : postquam auxilio (fo 49v). Ces mots
ne correspondent pas au début du texte auquel est consacrée la seconde partie
de ce manuscrit. Ils correspondent en revanche aux deux premiers mots de
la Metaphysica d’Avicenne, texte qui se trouve en tête de B. 70, un manuscrit
qui nous est également parvenu (Paris, BNF, lat. 16602) et dont la première
partie (celle qui contient la Metaphysica d’Avicenne) a été copiée par le même
scribe que celui qui a rédigé la première partie de B. 63 (soit le Liber de causis
et principiis naturalium du même auteur)94. Il est donc probable que ces deux
textes constituaient dans un premier temps un seul et même recueil, mais que
Richard de Fournival a décidé de les séparer afin d’organiser autrement les
œuvres qu’il avait rassemblées – ou qu’il avait prévu de rassembler – dans la
section de son catalogue consacrée à la « physique » et à la métaphysique. Le
Liber de caeli et mundi se rattache en effet à la « physique », comme c’est égale-
ment le cas du Liber de causis et principiis naturalium, composé dans le prolonge-
ment de la Physique d’Aristote (B. 61), et trouve logiquement sa place à la suite
de ce texte ; alors que la Metaphysica appartient davantage à la deuxième partie
de cette section, celle qui est consacrée à la métaphysique et qui s’achève avec
deux exemplaires de la Metaphysica d’Aristote (B. 71 et B. 72). Si la Biblionomia
décrit un ensemble de textes établi à un moment donné, dont on ne saurait
évidemment modifier l’agencement, la bibliothèque de Richard de Fournival
n’a cessé de s’enrichir et de se transformer au gré des découvertes effectuées
par ce dernier et des différents ouvrages qu’il a fait copier.
Bien qu’un certain nombre des manuscrits décrits par la Biblionomia n’aient
probablement jamais fait partie de la bibliothèque de Richard de Fournival, on
ne saurait en conclure qu’il s’agit du catalogue d’une bibliothèque « idéale »,
énumérant dans les principales disciplines du savoir médiéval une série de
textes canoniques. Qu’il s’agisse d’une bibliothèque idéale, au sens où elle
répond à une véritable organisation des connaissances et où elle présente
dans les différentes disciplines concernées une collection de textes représen-
tatifs qui se suivent de manière ordonnée, cela est certain. Mais la Biblionomia
n’est pas seulement un « guide de lecture », c’est aussi un programme établi
pour la fabrication de manuscrits. Si Richard de Fournival avait l’intention
de fournir aux étudiants d’Amiens une sorte de plan d’étude, il avait égale-
ment celle de mettre à leur disposition les manuscrits contenant les textes
concernés afin de leur permettre d’accéder au savoir qu’ils recèlent au sein
93. P. Stirnemann, « Private Libraries Privately Made », art. cité, p. 187, 193-195 et 197.
94. Ibid., p. 187 et 193-198.
d’une bibliothèque qui prend l’apparence d’une université où les maîtres sont
devenus des livres. Nous avons vu quelques exemples de la manière dont il a
pu procéder pour identifier les œuvres qui allaient faire partie de son fonds. Il
s’est probablement appuyé sur diverses listes d’ouvrages canoniques et autres
textes « didascaliques ». Mais il a aussi retenu des ouvrages plus rares dont il
a pu prendre connaissance par l’intermédiaire de diverses lectures et dont il
pouvait penser qu’il était important de les posséder – sans parler de ce qu’il
a pu apprendre au cours de ses études ou au contact de ses contemporains.
Même les ouvrages qu’il n’est pas parvenu à trouver témoignent de sa volonté
de constituer une bibliothèque réelle – quitte à remplacer certains textes par
d’autres, comme c’est le cas avec l’Hortensius, ou de les confondre, comme
c’est probablement le cas avec les Academica et le De finibus. On peut d’ailleurs
penser que, tel un chasseur (et à l’instar d’un Loup de Ferrières), il a recherché
avec zèle les ouvrages qu’il souhaitait acquérir ou faire copier, que ce soit dans
la bibliothèque de l’abbaye de Corbie (située tout près d’Amiens), à Paris, dans
les écoles d’Orléans, ou encore en Italie où il a séjourné, d’où il a dû rapporter
certains de ses manuscrits et où il a probablement conservé des liens. Il n’a
certainement pas découvert tout ce qu’il voulait posséder et il a certainement
éprouvé les difficultés rencontrées par ceux qui sont à la recherche d’ouvrages
dissimulés dans des manuscrits mal rangés, que signale le bibliothécaire du
collège de Sorbonne dans l’introduction du catalogue de la libraria communis.
Aussi comprend-on que non seulement il ait rassemblé une quantité impres-
sionnante de manuscrits dans sa bibliothèque, mais qu’il les ait aussi classés
de manière précise et qu’il ait rédigé un catalogue qui en définit la règle et
permet à ses utilisateurs de trouver aussi rapidement que possible la nour-
riture susceptible de satisfaire leur âme avide de savoir et d’accéder ainsi à la
chambre secrète de Philosophie.
Christopher Lucken
Université Paris 8 et Genève
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
est régi par un grand nombre de statuts et de règlements qui imposent à ses
membres de strictes règles de vie commune. La volonté de structurer ainsi une
communauté, unie par une même discipline et partageant une identité com-
mune, est nouvelle. Elle n’existait pas dans les collèges précédents, simples
institutions charitables destinées à pallier le coût et les carences du logement
parisien. Elle se généralisera dans les collèges fondés ultérieurement.
Tableau 1 : Les dix premiers collèges séculiers fondés à Paris au Moyen Âge
6. 782 mss antérieurs à 1338 auraient été identifiés par L. Grenier-Braunschweig, « La
prisée des manuscrits du collège de Sorbonne au Moyen Âge », dans Mélanges offerts à Gérard
Oberlé pour ses 25 ans de librairie. 1967-1992, s. l.n.d., p. 327-341 (ici p. 329 sq.).
7. Pour le collège de Sorbonne, voir G. Fournier, « Listes, énumérations, inventaires. Les
sources médiévales et modernes de la bibliothèque du collège de Sorbonne (Première partie :
Les sources médiévales) », dans Scriptorium, 65, 2011, p. 158-215. Pour les bibliothèques des
autres collèges parisiens, voir K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit.,
p. 164-175.
8. Sur la bibliothèque du collège de Sorbonne, voir C. Angotti, G. Fournier et
D. Nebbiai, « La bibliothèque du collège parisien de la Sorbonne : une bibliographie »,
dans Libraria, Article, Paris, IRHT, 2012 (Ædilis, Sites de programmes scientifiques, 4)
(En ligne, consulté le 01-06-20 12) http://www.libraria.fr/fr/publications-scientifiques/
la-bibliothèque-du-collège-parisien-de-la-sorbonne-une-bibliographie.
9. Voir entre autres G. Fournier, Une « bibliothèque vivante ». La libraria communis du collège
de Sorbonne (xiiie-xve siècle), thèse de doctorat, sous la dir. d’A. de Libera, École pratique des
hautes études, Ve section, Paris, 2007, dactyl., p. 41.
10. Voir la bibliographie supra, n. 8, et R. H. et M. A. Rouse, « La bibliothèque du collège de
Sorbonne », dans Histoire des bibliothèques françaises, op. cit., t. I, p. 113-123 (ici p. 116).
11. D. Nebbiai-Dalla Guarda, « Classifications et classements », dans Histoire des biblio-
thèques françaises, op. cit., t. I, p. 373-393 ; Ead., « La bibliothèque commune des institutions
religieuses », Scriptorium, 50, 1996, p. 254-268 et pl. 22-23.
12. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., p. 71 n. 236.
de 1338 et qui fait remonter à 1289 la mise en place d’un fonds de livres
enchaînés : Nota eciam quod anno Domini Mo CCo LXXXo IXo fuit institutum librarium
in domo ista pro libris cathenatis ad communem sociorum utilitatem13.
Pour les années suivantes, plusieurs documents, inventaires de la biblio-
thèque, règlements, décisions consignées dans Le livre des prieurs14, font
connaître l’organisation finalement adoptée pour la bibliothèque. Elle com-
prenait deux fonds :
• la bibliothèque des livres enchaînés, appelée libraria communis ou magna
libraria, le nom sous lequel elle est le plus connue aujourd’hui ;
• la bibliothèque de livres non enchaînés, destinés au prêt, appelée parva
libraria.
Un règlement ou ordonnance de 1321 explique le rôle de la libraria commu-
nis : le meilleur exemplaire de tout livre possédé par le collège, sans exception,
doit être enchaîné « pour que tous puissent le consulter » ; si le collège n’a
qu’un seul exemplaire, il doit être enchaîné ; si le meilleur exemplaire est, en
1321, en prêt chez un membre du collège, ce dernier doit immédiatement le
rendre pour qu’on l’enchaîne car « le bien commun est plus agréable à Dieu
que le bien d’un seul15 ». Les inventaires montrent en outre que la biblio-
thèque commune contenait un fonds riche et diversifié, qui, loin de se limiter
aux seules disciplines des arts et de la théologie qui correspondaient à la voca-
tion première du collège, couvrait l’ensemble des enseignements dispensés
dans les quatre facultés de l’université de Paris. Son fonds de théologie était
particulièrement bien pourvu en originalia, c’est-à-dire en textes intégraux
d’un même auteur, ayant valeur d’autorité, par opposition aux extraits de ces
mêmes textes. La parva libraria, elle, contenait des ouvrages en double ou plus
pointus16.
Il s’agissait donc de séparer la bibliothèque en deux fonds, aux contenus et
surtout aux fonctions très différents. La libraria communis constituait un fonds
de base, non destiné au prêt, conservant des ouvrages de référence, et elle
jouait en outre un rôle de représentation évident : c’était là que se trouvaient
les plus beaux livres du collège. Elle seule correspondait à un lieu physique,
13. Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 223b ; L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale,
t. III, Paris, 1881, p. 71.
14. Le livre des prieurs de Sorbonne (1431-1485). Texte critique avec introduction, notes et index par
R. Marichal, s. l., 1987.
15. Paris, BNF, lat. 16574, f. 1-23v. ; P. Glorieux, éd., Aux origines de la Sorbonne, t. I, Paris,
1966, no 22, p. 214-215 ; trad. française de J. Monfrin, « Préface », dans Le registre de prêt de la
bibliothèque du collège de Sorbonne (1402-1536), J. Vielliard et M.-H. Jullien de Pommerol,
éd., Paris, 2000 (Documents, études et répertoires de l’IRHT, 57), p. 11.
16. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., en part. p. 137-141.
la salle de lecture, où les ouvrages étaient enchaînés sur des pupitres avec des
bancs pour s’asseoir. La parva libraria constituait un fonds pour le prêt, dont
les livres étaient rangés dans des coffres ou des armoires, moins visibles. Les
dénominations de chaque fonds, magna et parva libraria, se rapportent de fait
à leur importance en termes de prestige et non en quantité, car la parva libraria
contenait bien plus de volumes que la magna : en 1338, la parva libraria conte-
nait ainsi autour de mille cent volumes et la magna environ cinq cents17.
Dans les « petits » collèges parisiens, on trouve dès le xive siècle des men-
tions attestant l’existence d’une salle commune avec des livres enchaînés sur
des pupitres, mais l’organisation des bibliothèques est moins claire qu’elle ne
l’est au collège de Sorbonne et n’est pas explicitée par les sources. Les livres
enchaînés ou la salle qui les abrite sont simplement évoqués au détour d’un
inventaire, d’un compte, d’un statut ou d’un legs, comme dans les exemples
ci-dessous :
Omnes predicti libri sunt ligati cum cathenis ferreis (inventaire de la bibliothèque du
collège de Hubant, 1339-1346)18.
Item volumus quod omnes libri cathenentur quantum fuerit possibile, tam in libraria,
quam in capella vel aula (statuts du collège de Narbonne, 1379)19.
[…] reparacion des livres de la libraierie, pupitres et bans dudit college (usage auquel
doit être affectée la rente donnée au collège des Cholets par Raoul Desmarets,
1394)20.
[…] perpetuo maneant inchatenati […] ad finem quod omnes de dicto collegio in eis studere
et proficere possint (legs de livres au collège de La Marche par Beuves de Winville,
1423)21.
[…] et quod incathenentur in libraria dicti collegii alias non habeant (legs de livres au
collège des Cholets par Jean Fouquerel, 1428)22.
17. D. Nebbiai, « Classifications et classements », art. cité, p. 378 ; R. H. et M. A. Rouse, « La
bibliothèque du collège de Sorbonne », art. cité, parlent de 1 400 et 300 volumes.
18. Versailles, Musée de l’Histoire de France, AE II 408 [ex Paris, AN, MM 406], p. 123 ;
K. Rebmeister-Klein, éd., Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 672.
19. M. Félibien, éd., Histoire de la ville de Paris, revue, augmentée et mise à jour par
G.-A. Lobineau, t. V, Paris, 1725, p. 663.
20. Paris, AN, M 111, no 28. Voir K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit.,
p. 258.
21. Paris, AN, M 171, no 35. K. Rebmeister-Klein, éd., Les livres des petits collèges…, op. cit.,
p. 7 19-720. Voir aussi M.-H. Jullien de Pommerol, « Les origines du collège de La
Marche », dans L’écrit dans la société médiévale. Divers aspects de sa pratique du xie au xve siècle. Textes
en hommage à Lucie Fossier, réunis par C. Bourlet et A. Dufour, Paris, 1991, p. 183-194
(ici p. 190).
22. Beauvais, AD Oise, G 612, K. Rebmeister-Klein, éd., Les livres des petits collèges…, op. cit.,
p. 499.
Pro emptione duarum cathenarum ad reponendum in libraria [diversa volumina] solvi 4 s.
4 d. (comptes du collège de Laon, 1456-1457)23.
Seuls quelques documents évoquent de façon plus complète ces biblio-
thèques et leur organisation. C’est le cas de la bibliothèque du collège d’Au-
tun. Ce dernier a été fondé en 1341. Nous avons conservé un inventaire de sa
bibliothèque daté de 1462, effectué par deux conseillers au Parlement de Paris
au sein d’un inventaire des biens meubles du collège24. Il décrit 216 volumes :
202 dans la bibliothèque et 14 dans la chapelle. Les volumes de la biblio-
thèque sont enchaînés sur onze pupitres, un pupitre mural et dix pupitres
doubles, avec des bancs de part et d’autre. Plusieurs volumes de la chapelle
sont également enchaînés sur des pupitres25. Le classement topographique
de la bibliothèque tel qu’il ressort de l’inventaire, rédigé en suivant l’ordre
des pupitres, correspond à un classement intellectuel, les arts occupant le
pupitre mural, la théologie les pupitres doubles nos 1 (incomplètement), 7, 8,
9 et 10, et le droit les pupitres doubles nos 2, 3, 4 et 5, le pupitre no 6 étant par-
tagé entre les arts et la théologie. Les livres de la chapelle sont exclusivement
liturgiques. Ce classement suit l’ordre des facultés de l’université de Paris,
arts, théologie et décret, à l’exception de la faculté de médecine qui n’est pas
représentée ici. C’est aussi le classement adopté par la bibliothèque commune
du collège de Sorbonne26. Quant au contenu des ouvrages, il est conforme aux
programmes universitaires de l’époque et constitué essentiellement de textes
de référence27. On ne sait rien en revanche de l’existence potentielle d’un autre
ensemble de livres, non enchaînés, pour le prêt.
La bibliothèque du collège du Trésorier est un exemple de fonctionnement
inspiré par le collège de Sorbonne. Fondé en 1268, le collège du Trésorier est
quasiment contemporain du collège de Sorbonne. Nous avons conservé un
inventaire de sa bibliothèque daté de 1437, effectué au sein d’un inventaire des
biens du collège28. L’inventaire décrit 299 volumes : 145 dans la magna libraria,
147 dans la parva libraria (dans la chapelle) et 7 « livres de la chapelle ». C’est
23. Paris, AN, H3 28032, f. 12, ibid., p. 672, d’après C. Fabris, La maison des écoliers de Laon. Étude
d’un collège parisien aux xive et xve siècles, thèse pour le dipl. d’archiviste paléographe, 2002.
24. Paris, AN, M 80, no 28, f. 1-9, K. Rebmeister-Klein, éd., Les livres des petits collèges…,
op. cit., p. 420-447.
25. Ibid. On ne sait pas si les livres dont l’enchaînement n’est pas précisé étaient rangés dans
des coffres.
26. D. Nebbiai, « Classifications et classements… », art. cité, p. 385-388.
27. K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 216-217.
28. Paris, AN, M 194, no 5, p. 1-36, ibid., p. 762-805. L’inventaire ne donne ni les noms ni les
qualités de ceux qui l’ont effectué.
29. K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 218. La théologie représente
plus de 70 % du fonds des deux bibliothèques réunies, magna et parva.
30. Ibid., p. 219-220. On trouve par exemple dans la parva libraria 10 bibles, 8 exemplaires du
Livre des Sentences (en 9 volumes), 6 Expositiones sur les Évangiles de Marc et Matthieu, 5 Priscien…
et ainsi pour pratiquement chaque titre qui y est représenté.
31. Copié dans un registre de comptes du collège (Paris, AN, MM 356, f. 58-58v), ibid., p. 591-
600. Voir É. Pellegrin, « La bibliothèque de l’ancien collège de Dormans-Beauvais à Paris »,
Bulletin philologique et historique du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1944-1945, p. 99-164,
repris dans Ead., Bibliothèques retrouvées : manuscrits, bibliothèques et bibliophiles du Moyen Âge et de
la Renaissance, Paris, 1988, p. 3-68. Sur l’état des sources de ce collège, voir K. Rebmeister-
Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 87-88.
32. Dans l’ordre, les Libri facultatis theologie puis les Libri juris canonici, quelques ouvrages de la
faculté des arts mais qui ne sont pas distingués comme tels et enfin l’Inventarium librorum capelle.
medicos pertinentes tandis que la seconde abritait les libri logicales et philosophie et
mathematicales33. Elles se trouvaient dans deux bâtiments distincts.
Ces différents exemples permettent de voir que la plupart des collèges,
au cours du xive siècle, adoptèrent le principe d’une bibliothèque de livres
enchaînés, comme l’avait fait le collège de Sorbonne dès 1289. Leur a-t-elle
servi de modèle ? Il est très difficile de répondre à cette question car la pratique
se généralise à l’époque dans toutes les bibliothèques sans qu’il soit vraiment
possible de désigner un modèle unique. Par ailleurs, nous n’avons aucun
exemple avéré de bibliothèque de prêt, sur le modèle de la parva libraria du
collège de Sorbonne, à l’exception peut-être de celle du collège du Trésorier,
qui paraît bien s’inspirer directement de celle de la Sorbonne, jusque dans son
vocabulaire. Est-ce à dire que les collèges ne pratiquaient pas le prêt de livres ?
Non. Si l’on a peu d’exemples de bibliothèques de prêt structurées en tant que
telles, les exemples isolés de prêts de livres, eux, sont très fréquents34, et leur
réglementation présente des similitudes intéressantes avec celle du collège
de Sorbonne.
les « petits » collèges parisiens se trouve dans les statuts des collèges et ne
concerne que le prêt en interne aux membres du collège.
On l’a souvent écrit, les statuts des collèges, documents normalisés par
excellence, présentent beaucoup de similitudes entre eux et sont à interpré-
ter avec prudence car ils ne reflètent pas forcément la pratique en usage dans
les établissements36. Il est par ailleurs très difficile d’en trouver la source et
de savoir lequel a pu inspirer les autres – à l’exception de certains cas où la
chronologie ainsi que la connaissance des réseaux d’alliances entre fonda-
teurs de collèges permettent d’avancer quelques hypothèses37. Néanmoins,
étant donné l’antériorité des statuts du collège de Sorbonne et la notoriété de
l’institution, on a souvent pensé que celle-ci avait pu être à l’origine de cer-
tains passages qui se retrouvent dans d’autres statuts de collèges parisiens38.
C’est notamment le cas pour le passage des statuts relatif au prêt de livres
aux membres du collège, à l’intérieur de l’établissement. La nécessité d’en
prendre soin et l’interdiction de sortir les livres du collège se retrouvent dans
de nombreux statuts sous une forme identique à celle des statuts du collège
de Sorbonne.
Ainsi au collège de Sorbonne, vers 1270 :
Item nullus recipiatur in domo nisi fidem prestet quod si contigerit ipsum libros de communi
recipere, quod sicut suos ita fideliter observabit et nullo modo distrahet nec accommodabit
extra domum, et per integrum reddet eos quandocumque exigentur ab eo et quando contigerit
eum villam exire39.
Ce passage trouve son équivalent exact au collège des Cholets, vers la fin
du xiiie siècle ou au xive siècle (le texte nous est connu par une copie du
xive siècle) :
Item, quicumque receptus fuerit in domo, praestabit fidem quod si ipsum libros habere seu
recipere de communi, quod servabit eos fideliter sicut suos et nullo modo distrahet eos vel
accommodabit extra domum, et reddet eos perintegre quotiens ab eo exigetur, et quando
ipsum contigerit ire extra villam40.
On lit également les mêmes termes, dans une formulation très abrégée,
dans les statuts du collège d’Harcourt en 1311 :
Quilibet jurabit libros domus sicut suos fideliter custodire, nec extra domum alicui
commodare41.
Et dans ceux du collège de Justice en 1358 :
Item quilibet jurabit libros domus sicut suos fideliter custodire nec extra domum alicui
commodare42.
Si les correspondances entre ces passages des statuts sont évidentes, en
attribuer la paternité au collège de Sorbonne demeure hypothétique. En
revanche, il semble avéré que le collège de Sorbonne a initié plusieurs pra-
tiques catalographiques novatrices.
40. Paris, Archives de l’Université, carton 20, no 1 : Statuta magistrorum tenenda intus [collegio
Choleteo], § 54.
41. César Égasse Du Boulay, éd., Historia Universitatis Parisiensis a Carolo Magno ad nostra tem-
pora, t. IV, Paris, 1668, p. 152-162.
42. Paris, AN, M 137. Cité par A. Franklin, Les anciennes bibliothèques de Paris. Églises, monastères,
collèges, etc., t. II, Paris, 1870, p. 101.
43. Voir supra, n. 9.
44. Paris, BNF, lat. 16574, f. 1-23v. ; P. Glorieux, éd., Aux origines de la Sorbonne, op. cit., t. I,
no 22, p. 214-215 ; trad. française de J. Monfrin, Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de
Sorbonne, op. cit., p. 11. Sur les mots-repères au collège de Sorbonne, voir R. H. Rouse, « The
Early Library of the Sorbonne », Scriptorium, 21, 1967, p. 42-71 et p. 226-251 (ici p. 53-54) ; R. H.
et M. A. Rouse, « La bibliothèque du collège de Sorbonne », art. cité, p. 116.
45. Seuls 6 collèges, en dehors du collège de Sorbonne, ont conservé un ou plusieurs inven-
taires médiévaux de leur bibliothèque. Pour le détail, voir K. Rebmeister-Klein, Les livres des
petits collèges…, op. cit., p. 174 ; G. Fournier, « Listes, énumérations, inventaires… », art. cité,
p. 161 n. 26.
46. Voir par exemple le testament de Guillaume Vauchis (1414) ou l’inventaire après décès de
Nicolas de Gondrecourt (1418), K. Rebmeister-Klein, éd., Les livres des petits collèges…, op. cit.,
respectivement aux p. 693-695 et 707-718.
47. Pour la prisée au collège de Sorbonne, voir L. Grenier-Braunschweig, « La prisée des
manuscrits du collège de Sorbonne au Moyen Âge », art. cité, passim.
48. Voir supra, p. 103 sq.
49. Voir supra, n. 28. Une accolade réunit les titres d’un même volume.
50. Voir par exemple K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 372.
51. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., p. 41-70.
52. Voir en particulier les exemples des collèges de Fortet (inventaire de 1412) et Harcourt (cata-
logue de 1696) dans K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., respectivement
aux p. 651-652 et 664-666.
53. Voir en particulier les exemples des collèges de Maître Gervais et du Trésorier, dans ibid.,
respectivement aux p. 1094-1098 et 1165-1168.
54. Ibid., p. 194-202. Pour le collège de Dormans-Beauvais, voir É. Pellegrin, « La biblio-
thèque de l’ancien collège de Dormans-Beauvais à Paris », art. cité, p. 16-63.
55. K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 194-202. Sur la question de
la présence d’un scriptorium au collège de Dormans-Beauvais, voir É. Pellegrin, « La biblio-
thèque de l’ancien collège de Dormans-Beauvais à Paris », art. cité, en part. p. 25-37 et 49-59 ; et
au collège de Maître Gervais, voir J.-P. Boudet, « Charles V, Gervais Chrétien et les manuscrits
scientifiques du collège de Maître Gervais », art. cité, p. 31.
56. M.-H. Jullien de Pommerol, « Livres d’étudiants », art. cité, p. 95.
57. C. Angotti, « Les bibliothèques des couvents mendiants, un modèle pour les séculiers ?
L’exemple de deux premiers bienfaiteurs de la bibliothèque du collège de Sorbonne… », art. cité.
58. R. H. Rouse, « The Early Library of the Sorbonne », art. cité, en part. p. 58-59, 65-66, 227
et 242-243 ; R. H. et M. A. Rouse, « La bibliothèque du collège de Sorbonne », art. cité, en part.
p. 113-119.
59. Une mention apposée à la suite du catalogue de 1338 évoque la présence de 1 017 volumes
dans la bibliothèque en 1290. Voir L. Delisle, Le cabinet des manuscrits, op. cit., p. III, p. 71. Un
don comme celui de Gérard d’Abbeville en 1272 (300 volumes) avait doublé d’un coup la taille
de la bibliothèque, voir R. H. et M. A. Rouse, « La bibliothèque du collège de Sorbonne »,
art. cité, p. 115.
60. R. H. Rouse, « The Early Library of the Sorbonne », art. cité, p. 242 ; M.-H. Jullien de
Pommerol, « Livres d’étudiants », art. cité, p. 100 (lire 1338 au lieu de 1388).
61. K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 187.
62. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., p. 40-41.
63. Ibid., p. 39 n. 121 ; K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 181-193.
Malgré tout, en essayant de comparer entre eux les dons de taille à peu
près équivalente et d’époques relativement proches, il s’en dégage quelques
constantes que l’on peut énumérer comme suit :
• les dons sont souvent adaptés aux enseignements en usage dans les
collèges : il s’agit des auteurs au programme, des œuvres complètes et
de leurs commentaires, dans les disciplines représentées au collège ;
• sans que cela entre en contradiction avec le point précédent, c’est aussi
souvent par les dons que les nouveautés entrent dans les collèges64 ;
• on note une forte présence du droit ;
• et, en lien avec le point précédent, on constate que les dons, très sou-
vent, reflètent la carrière des donateurs65 ;
• les dons peuvent être vendus par les collèges, leur contenu importe par-
fois moins que leur valeur financière, y compris dans l’esprit des dona-
teurs qui offrent un livre comme ils offriraient un capital en argent.
Moins que les contenus eux-mêmes, l’étude de leur répartition au sein du
collège apporte quelques éléments de rapprochement intéressants entre le
collège de Sorbonne et les autres collèges parisiens. Nous avons déjà abordé la
question de la répartition des contenus entre magna libraria et parva libraria : la
magna, fonds de référence, contient une sélection des textes les plus courants,
tandis que la parva, fonds de prêt et d’étude, contient des doubles et des textes
plus spécialisés. Sans que soit opérée une distinction géographique entre les
fonds, l’étude poussée du contenu de la bibliothèque du collège de Dormans-
Beauvais a amené Thierry Kouamé à mettre en évidence une spécialisation des
contenus étroitement liée aux disciplines privilégiées par le collège66. Dans cet
établissement, où les arts dominent, et en leur sein la philosophie, la majorité
des textes de philosophie sont des commentaires sur les œuvres (expositiones
et quaestiones) alors que, pour les autres disciplines, ce sont les auctoritates qui
l’emportent. Malheureusement, peu de collèges offrent des corpus suffisam-
ment étoffés pour permettre une analyse de leur contenu.
L’étude des annotations de manuscrits subsistants est également une
source intéressante pour connaître la réception des œuvres contenues dans
les bibliothèques des collèges et les pratiques de lecture qui y étaient en
67. K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 231-235. L’édition des anno-
tations en marge des manuscrits subsistants reste à faire.
68. Ibid., p. 134-147 et 233-235.
69. Voir infra, p. 115 sq.
70. Augustin Renaudet, Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d’Italie, 1494-
1517, Paris, 1916, p. 45-46 ; Claire Angotti, « Présence d’un enseignement au sein du collège
de Sorbonne : collationes, disputationes, lectiones (xiiie-xve siècle). Bilan et hypothèses », Cahiers
de recherches médiévales, 18 (2009), p. 89-111 ; Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à
Nicomaque à l’université de Paris », dans Ad ingenii acuitionem. Studies in Honour of Alfonso Maierù,
S. Caroti, R. Imbach, Z. Kaluza, G. Stabile, L. Sturlese, éd., Louvain-la-Neuve, 200,
p. 147-181.
71. Le registre de prêt de la Sorbonne en mentionne quelques-uns, tels Hieronymus Pardo,
socius, cofondateur du collège de Montaigu, et Johannes Pulchripatris (Beaupère), socius, chargé
en 1411 de composer les statuts du collège de Tréguier. Voir Le registre de prêt de la bibliothèque du
collège de Sorbonne, op. cit., respectivement p. 605 et 636.
72. Voir supra, n. 62.
73. Paris, AN, M 111, no 2 ; A. Paravicini-Bagliani, éd., I Testamenti dei cardinali del Duecento,
Rome, 1980, p. 250-267 (en part. p. 261-262, où sont évoqués les legs aux collèges).
74. Beauvais, AD Oise, G 692 ; V. Leblond, éd., Testament et Inventaires des biens d’Eudes de Mareuil,
chapelain perpétuel de la cathédrale de Beauvais (1321-1324), Beauvais, 1913 ; K. Rebmeister-Klein,
Les livres des petits collèges…, op. cit., p. 489 (éd. partielle du seul legs au collège des Cholets).
75. N. Gorochov, Le collège de Navarre, op. cit., p. 553-554.
76. M.-H. Jullien de Pommerol, « Les origines du collège de La Marche à Paris », art. cité,
p. 185-186.
77. Paris, AN, X1 A 9807, f. 78-81v ; K. Rebmeister-Klein, éd., Les livres des petits collèges…,
op. cit., p. 742-746 (éd. des seuls legs de livres).
78. Paris, BNF, ms. Moreau 1161, f. 754v-756 ; K. Rebmeister-Klein, éd., Les livres des petits
collèges…, op. cit., p. 661 (éd. des seuls legs de livres).
79. Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 253, voir ibid., p. 1061 et 1063.
80. Paris, Bibl. Mazarine, ms. 3323, et supra, n. 35.
81. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., p. 615.
82. Sur le prêt de Jean Boucard, voir G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., en part.
p. 527-529.
Karine Klein
Bibliothèque municipale d’Avignon
«
L e divorce de l’histoire et de la philosophie n’est pas une fatalité », selon
Alain de Libera2. Depuis plusieurs décennies, les tentatives de conci-
liation se sont multipliées en France ; un récit a été tissé, les coupables ont
été désignés, les hérauts loués. On doit à Marie-Dominique Chenu l’« intro-
duction résolue de la méthode historique dans l’étude des textes médiévaux »3
et « le mot “histoire” est sans doute ce qui caractérise le mieux la démarche
de [Paul] Vignaux4 ». Nul ne saurait sacrifier aujourd’hui sans quelques scru-
pules au « vain tournois des idées […] qui ne sont que des idées […] arrachées
hors de leur milieu […] sans racines, comme vidées de leur sève » pour le dire
avec les mots de Lucien Febvre5.
1. Je remercie chaleureusement Luca Bianchi (Università degli Studi del Piemonte Orientale,
Verceil) pour sa lecture et ses suggestions.
2. A. de Libera, Penser au Moyen Âge, Paris, 1991, p. 38-50 (cit. p. 38). Pour une histoire de la
philosophie médiévale dans la deuxième moitié du xxe siècle en France, voir en dernier lieu
C. König-Pralong, « L’histoire de la philosophie médiévale depuis 1950 : méthodes, textes,
débats », Annales. Histoire, Sciences sociales, 64, 2009, p. 143-169.
3. A. de Libera, Penser au Moyen Âge, op. cit., p. 42. Sur Marie-Dominique Chenu (1895-1990),
voir L.-J. Bataillon, « Le Père M.-D. Chenu et la théologie du Moyen Âge », Revue des sciences
philosophiques et théologiques 75, 1991, p. 449-456 ; J. Jolivet, « Les études consacrées par le Père
Chenu au Moyen Âge », dans Marie-Dominique Chenu. Moyen Âge et modernité. Colloque organisé
par le Département de la recherche de l’Institut catholique de Paris et le Centre d’études du
Saulchoir à Paris, les 28 et 29 octobre 1995, J. Doré et J. Fantino, éd., Paris, 1997, p. 67-83.
4. A. de Libera, Penser au Moyen Âge, op. cit., p. 46. Sur Paul Vignaux (1904-1987), voir
R. Imbach, « Paul Vignaux, syndicaliste et historien de la philosophie », dans P. Vignaux,
Philosophie au Moyen Âge, précédé d’une Introduction autobiographique et suivi de Histoire de la pensée
médiévale et problèmes contemporain, Paris, 2004, p. 9-30 (en part. p. 22-27).
5. L. Febvre, « Contre le vain tournois des idées : une étude sur l’esprit politique de la
Réforme » [1926], dans Id., Combats pour l’histoire, Paris, 1953, p. 75-79 (cit. p. 79). On lira des
réflexions analogues dans « Leur histoire et la nôtre » [1938], ibid., p. 276-283 (en part. p. 278-
279) et « Étienne Gilson et la philosophie du xive siècle » [1946], ibid., p. 284-288.
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
12. B. Sère, Penser l’amitié au Moyen Âge, op. cit., p. 44. Pour une typologie des commentaires
médiévaux de l’Éthique, voir D. A. Lines, Aristotle’s Ethics in the Italian Renaissance (ca. 1300-1650).
The Universities and the Problem of Moral Education, Leyde-Boston-Cologne, 2002, p. 159-162 ;
O. Weijers, « Un type de commentaire particulier à la faculté des arts : la sententia cum questio-
nibus » [2003], dans Ead., Étude sur la faculté des arts dans les universités médiévales. Recueil d’articles,
Turnhout, 2011, p. 259-270 (ici p. 266-267) et 257-258 (Addenda et corrigenda) ; B. Sère, Penser
l’amitié au Moyen Âge, op. cit., p. 59-63. L’approche systématique, indépendante d’un texte auto-
ritatif, prévaudra dans le champ de la philosophie pratique jusqu’à l’orée du xviie siècle. Voir
L. Bianchi, « Renaissance Readings of the Nicomachean Ethics », dans Rethinking Virtue, Reforming
Society: New Directions in Renaissance Ethics, c. 1350-c. 1650, D. A. Lines et S. Ebbersmeyer, éd.,
Turnhout, 2013, p. 131-167 (ici p. 159-160).
13. Sur les commentaires sur l’Éthique d’Albert le Grand, voir parmi d’autres A. Pelzer, « Le
cours inédit d’Albert le Grand sur la Morale à Nicomaque recueilli et rédigé par S. Thomas
d’Aquin », Revue néo-scolastique de philosophie, 24, 1922, p. 333-361 (ici p. 348-352) et 479-520
(Appendice) [repris dans Id., Études d’histoire littéraire sur la scolastique médiévale. Recueil d’articles
mis à jour à l’aide des notes de l’auteur par A. Pattin et E. Van de Vyver, Louvain-Paris,
1964, p. 272-335 (ici p. 285-289)] ; J. Dunbabin, « The Two Commentaries of Albertus
Magnus on the Nicomachean Ethics », Recherches de théologie ancienne et médiévale, 30, 1963, p. 232-
250 (ici p. 234) ; R.-A. Gauthier et J. Y. Jolif, L’Éthique à Nicomaque. Introduction, traduction
et commentaire, I-1, Louvain-Paris, 1970, p. 122-124 (ici p. 123) ; Albertus Magnus. Zum Gedenken
nach 800 Jahren : Neue Zugänge, Aspekte und Perspektiven, W. Senner, éd., Berlin, 2001, 4e partie :
« Ethik und Politik », p. 275-373 ; J. Müller, Natürliche Moral und philosophische Ethik bei Albertus
Magnus, Munster, 2002, en part. p. 69-73 et 364-376 (où l’auteur s’interroge au sujet de la com-
plémentarité des deux commentaires albertiniens) ; M. Dreyer, « Die Aristoteles-Rezeption
und die Ethik-Konzeption Alberts des Großen », dans Albertus Magnus und die Anfänge der
Aristoteles-Rezeption im lateinischen Mittelelalter. Von Richardus Rufus bis zu Franciscus de Mayronis,
L. Honnefelder, R. Wood, M. Dreyer et M.-A. Aris, éd., Münster, 2005, p. 307-323.
Sur le « tournant » qu’aurait constitué le premier commentaire sur l’Éthique (1248-1252) dans
l’œuvre, sinon dans le projet intellectuel et institutionnel, d’Albert le Grand, voir les apprécia-
tions contrastées de L. Sturlese, Die deutsche Philosophie im Mittelalter von Bonifatius bis zu Albert
dem Großen (748-1280), Munich, 1993, p. 332-342, et J. Müller, Natürliche Moral…, op. cit.,
p. 360 sq. (qui privilégie l’hypothèse d’« une évolution continue »).
14. C. J. Nederman, « Aristotelian Ethics before the Nicomachean Ethics: Alternate Sources of
Aristotle’s Concept of Virtue in the Twelfth Century » [1989], dans Id., Medieval Aristotelianism
and its Limits. Classical Traditions in Moral and Political Philosophy, 12th-15th Centuries, Aldershot-
Brookfield/Vermont, 1997, no I, p. 55-75.
15. R.-A. Gauthier, Magnanimité. L’idéal de la grandeur dans la philosophie païenne et dans la théolo-
gie chrétienne, Paris, 1951, p. 302.
16. A. de Libera, Raison et foi. Archéologie d’une crise d’Albert le Grand à Jean-Paul II, Paris, 2003,
p. 268.
17. CUP, I, no 20, p. 78-80 (ici p. 78). Sur l’Éthique à Nicomaque dans le cursus de l’université de
Paris, voir en dernier lieu D. A. Lines, Aristotle’s Ethics in the Italian Renaissance, op. cit., p. 68-74 ;
B. Sère, Penser l’amitié au Moyen Âge, op. cit., p. 38-39 et 41. Sur la réglementation au xiiie siècle,
voir de surcroît R.-A. Gauthier, L’Éthique à Nicomaque, op. cit., I-1, p. 115-116 ; G. Wieland,
Ethica – Scientia practica. Die Anfänge der philosophischen Ethik im 13. Jahrhundert, Munster, 1981,
p. 40-44 ; C. Lafleur, « La réglementation “curriculaire” (de forma) dans les introductions à la
philosophie et les guides de l’étudiant de la faculté des arts de Paris au xiiie siècle : une mise
en contexte », dans L’enseignement de la philosophie au xiiie siècle. Autour du « Guide de l’étudiant » du
ms. Ripoll 109. Actes du colloque international, C. Lafleur, éd., Turnhout, 1997, p. 521-548
(ici p. 523, 525-526 et 544). Rappelons enfin que Robert de Courson est l’auteur d’une Summa
qui contient quelques rares références à l’Éthique. Voir D. Luscombe, « Ethics in the Early
Thirteenth Century », dans Albertus Magnus und die Anfänge der Aristoteles-Rezeption im lateinischen
Mittelelalter, p. 657-683 (ici p. 663 et n. 33).
dans le cadre des cours ordinaires18. De fait, plusieurs cours sur l’Éthique
donnés par les maîtres de la faculté des arts sont parvenus jusqu’à nous19,
et le texte d’Aristote fait son apparition dans la littérature didascalique qui
fleurit à la faculté des arts sensiblement à la même époque. Ainsi le De com-
munibus artium liberalium (début des années 1250), un abrégé des matières sur
lesquelles étaient tenus de répondre les candidats à la licence ès arts, précise-
t-il que seuls les trois premiers livres de l’Éthique à Nicomaque étaient de forma,
c’est-à-dire des textes prescrits par le programme d’étude20. Le statut rédigé à
l’instigation d’Urbain V par les cardinaux Jean de Blandy et Gilles Aycelin de
Montaigu, ancien proviseur du collège de Sorbonne, et publié à Avignon le
5 juin 1366 sanctionne, après un siècle et demi de lente et continuelle péné-
tration, l’adoption formelle et explicite de l’entière philosophie d’Aristote par
l’Église et a fortiori par l’université de Paris21. Il fait aux candidats à la licence
18. CUP, I, no 246, p. 277-279 (ici p. 278). Voir L. Bianchi et E. Randi, Vérités dissonantes.
Aristote à la fin du Moyen Âge, Fribourg-Paris, 1993, p. 2 ; L. Bianchi, Censure et liberté intellectuelle
à l’université de Paris (xiiie-xive siècle), Paris, 1999, p. 123-124 ; D. A. Lines, « Moral Philosophy in
the Universities of Medieval and Renaissance Europe », History of Universities, 20, 2005, p. 38-80
(ici p. 42).
19. R.-A. Gauthier, L’Éthique…, op. cit., I-1, p. 116-119 ; Id., « Le cours sur l’Ethica nova d’un
maître ès arts de Paris (1235-1240) », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 50,
1975, p. 71-141 (ici p. 75-77) ; G. Wieland, Ethica – Scientia practica, op. cit., p. 44-51 ; Id.,
« L’émergence de l’éthique philosophique au xiiie siècle, avec une attention spéciale pour
le “Guide de l’étudiant parisien” », dans L’enseignement de la philosophie au xiiie siècle, p. 167-180 ;
I. Zavattero, « Le prologue de la Lectura in Ethicam ueterem du “Commentaire de Paris” (1235-
1240). Introduction et texte critique », Recherches de théologie et philosophie médiévales 77, 2010,
p. 1-33 ; Ead., « L’acquisition de la vertu morale dans les premiers commentaires latins
de l’Éthique à Nicomaque », dans Universalité de la raison. Pluralité des philosophies au Moyen Âge.
XII Congresso Internazionale di Filosofia Medievale. Palermo, 17-22 settembre 2007, II-1,
A. Musco, C. Compagno, S. D’Agostino et G. Musotto, éd., Palerme, 2012, p. 235-243
(ici p. 235-236).
20. C. Lafleur, « Les “Guides de l’étudiant” de la faculté des arts de l’université de Paris
au xiiie siècle », dans Philosophy and Learning: Universities in the Middle Ages, J. F. M. Hoenen,
J. H. J. Schneider et G. Wieland, éd., Leyde-New York-Cologne, 1995, p. 137-199 (ici
p. 157-169 ; la mention de forma est évoquée p. 165-166 et reproduite p. 198) ; Id., « La régle-
mentation “curriculaire”… », art. cité, p. 537, 544 et 546. Une indétermination demeure quant
au texte prescrit : dans la première contribution, l’auteur évoque la traduction intégrale de
Robert Grosseteste, dans la seconde l’Ethica vetus et l’Ethica nova.
21. CUP, III, no 1319, p. 143-148 (ici p. 145). Sur le statut d’Urbain V, voir B. Michael, Johannes
Buridan: Studien zu seinem Leben, seinen Werken und zur Rezeption seiner Theorien im Europa des späten
Mittelalters. Inaugural-Dissertation zur Erlangung des Grades eines Doktors der Philosophie
des Fachbereiches Geschichtswissenschaften der Freien Universität Berlin, Berlin, 1985,
p. 867-868 ; Id., « Buridans moralphilosophische Schriften, ihre Leser und Benutzer im späten
Mittelalter », dans Das Publikum politischer Theorie im 14. Jahrhundert, J. Miethke, éd., Munich,
1992, p. 139-151 (ici p. 141) ; A. Tuilier, Histoire de l’université de Paris et de la Sorbonne, I, Paris,
399 et 407-408, ces dernières à propos de la licence et de son programme de lectures qui com-
prend en particulier l’Éthique).
25. Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 149-154.
26. CUP, IV, no 2690, p. 713-734 (ici p. 729).
27. C. Thurot, De l’organisation de l’enseignement dans l’université de Paris au Moyen-Âge, p. 81 ;
Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 153-154. En 1499,
les statuts du collège de Montaigu, dont Jean Standonck fut le principal (1483-1504), men-
tionnent des « exercices philosophiques », sans plus de précision. Voir P. J. J. M. Bakker, « The
Statutes of the Collège de Montaigu: Prelude to a Future Edition », History of Universities, 22,
2007, p. 76-111 (ici p. 88-92).
28. E. Faye et J. Hirstein, « Metaphysica Collecta. Un cours de métaphysique fabriste pris en
note par Beatus Rhenanus. Présentation et édition partielle », dans Chemins de la pensée médiévale.
Études offertes à Zénon Kaluza, P. J. J. M. Bakker, éd., Turnhout, 2002, p. 169-191 (ici p. 169-170
au sujet du collège du Cardinal Lemoine).
29. Sur Louis Ber, voir infra p. 159-160.
30. C. Thurot, De l’organisation de l’enseignement…, op. cit., p. 81 ; M. Reulos, « L’enseignement
d’Aristote dans les collèges au xvie siècle », dans Platon et Aristote à la Renaissance. XVIe colloque
international de Tours, Paris, 1976, p. 147-154 (ici p. 150 ; les deux fois à la suite de Robert
Goulet, Compendium universitatis Parisiensis, Paris, Toussaint Denis, 1517).
31. A. de Libera, La philosophie médiévale, Paris, 1993, p. 363-367 ; L. Bianchi et E. Randi,
Vérités dissonantes, op. cit., p. 149-151.
32. A. de Libera, La philosophie médiévale, Paris, 1989, p. 122 (où l’auteur évoque la « réflexion
patristique sur le mal et le péché »). On trouvera une illustration dans Id., Penser au Moyen Âge,
op. cit., p. 187-188 et 227-235 (au sujet de l’éthique d’Abélard qui « est de part en part chré-
tienne » et de ses détracteurs). Au tournant du xiiie siècle, les théologiens parisiens héritiers
de Philippe le Chancelier et de son enseignement en matière de théologie morale privilégient
pareillement la tradition biblique et patristique, et ignorent l’Éthique à Nicomaque qui était pour-
tant connue. Voir D. Luscombe, « Ethics in the Early Thirteenth Century », art. cité, p. 662-
663. Cependant Philippe le Chancelier cite volontiers l’Ethica vetus « au point que sa Somme
36. Règlement (1321), dans P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, op. cit., I, no 22, p. 214-215
(d’après le recueil de statuts du collège ; ici p. 215) ; trad. fr. dans J. Monfrin, « Préface », dans
Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne. [1402-1536]. Diarium Bibliothecae Sorbonae.
Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 3323, J. Vielliard et M.-H. Jullien de Pommerol, éd.,
Paris, 2000, p. 9-19 (ici p. 10-11 ; cit. p. 11).
37. Sur le catalogue double de la bibliothèque commune ( 1321-1338), voir G. Fournier,
« Listes, énumérations, inventaires. Les sources médiévales et modernes de la bibliothèque du
collège de Sorbonne (Première partie : les sources médiévales) », Scriptorium, 64, 2011, p. 158-
215 (ici no 3.4.3, p. 187-193).
38. A. Derolez, Les catalogues de bibliothèques, Turnhout, 1979, p. 40.
39. L. Delisle, Cabinet, II, Paris, 1874, p. 183.
40. Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 247a ; L. Delisle, Cabinet, III, p. 79-80 (ici p. 79) ; trad. fr.
J. Monfrin, « Préface », p. 12-13 (cit. p. 13).
41. L. Grenier-Braunschweig, « La prisée des manuscrits du collège de Sorbonne au
Moyen Âge », dans Mélanges offerts à Gérard Oberlé pour ses 25 ans de librairie. 1967-1992, s. l., 1992,
p. 327-341 (ici p. 329).
À ces trois témoins complets, il convient d’ajouter les deux exemplaires qui
contiennent des fragments, sententia (Zq) ou extractiones (ABh). Faute de place,
nous renonçons à produire le détail desdits manuscrits.
La rubrique des Libri morales Aristotelis contient enfin un exemplaire de la
Summa Alexandrinorum (Zf ), un abrégé arabo-latin de l’Éthique procuré par
Hermann l’Allemand (1243 ou 1244) et dont Albert le Grand fit usage dans
l’Ethica à peine postérieure44. Enfin, il n’y a nulle trace de l’Ethica vetus et de
42. Sur la datation de la traduction de Robert Grosseteste, voir D. A. Callus, « The Date of
Grosseteste’s Translations and Commentaries on Pseudo-Dionysius and the Nicomachean
Ethics », Recherches de théologie ancienne et médiévale, 14, 1947, p. 186-210 (en part. p. 207 sq.).
43. J. Brams, « The Revised Version of Grosseteste’s Translation of the Nicomachean Ethics »,
Bulletin de philosophie médiévale, 36, 1994, p. 45-55.
44. Sur la Summa Alexandrinorum, voir en dernier lieu R. Saccenti, « La Summa Alexandrinorum.
Storia e contenuto di un’epitome dell’Etica Nicomachea », Recherches de théologie et philosophie médié-
vales, 77, 2010, p. 201-234 (ici p. 209). Il s’agit du ms. Paris, BNF, lat. 16581, f. 1-94. Il constitue
l’un des rares témoins de la rédaction primitive de la Summa (f. 3r-50v). Il provient de la biblio-
thèque de Richard de Fournival († 1260) qui fut léguée au collège par l’entremise de Gérard
d’Abbeville († 1272). Voir R. H. Rouse, « Manuscripts Belonging to Richard de Fournival »,
Revue d’histoire des textes, 3, 1973, p. 253-269 (ici p. 265 [Biblionomia 78]). Il contient aussi
aux f. 52r-93r la compilation intitulée Moralium dogma philosophorum attribuée à Guillaume de
Conches ou Gauthier de Châtillon. Voir Aristoteles latinus, G. Lacombe, A. Birkenmajer,
M. Dulong et A. Franceschini, éd., I, Rome, 1939, no 691, p. 574 ; R.-A. Gauthier, « Les
deux recensions du Moralium dogma philosophorum », Revue du Moyen Âge latin, 9, 1953, p. 171-
258 (ici p. 223) et 258-260 (Addenda. Corrigenda), et infra n. 61. La bibliothèque de Gérard
d’Abbeville contenait un second exemplaire de cette œuvre dans le ms. Paris, BNF, lat. 15693,
f. 1ra-9va. Voir R.-A. Gauthier, « Les deux recensions… », art. cité, p. 222.
45. Sur l’attribution des traductions de l’Ethica vetus et nova à Burgundio de Pise, voir F. Bossier,
« L’élaboration du vocabulaire philosophique chez Burgundio de Pise », dans Aux origines du
lexique philosophique européen. L’influence de la « Latinitas ». Actes du colloque international organisé
à Rome par la FIDEM (Academia Belgica, 23-25 mai 1996), Louvain-la-Neuve, 1997, p. 81-116 ;
G. Vuillemin-Diem et M. Rashed, « Burgundio de Pise et ses manuscrits grecs d’Aristote :
Laur. 87.7 et Laur. 81.18 », Recherches de théologie et philosophie médiévales, 64, 1997, p. 136-198 (ici
p. 148-156). Sur leur diffusion dans l’Occident latin, voir D. Luscombe, « Ethics in the Early
Thirteenth Century », p. 660-668. Sur la tradition manuscrite de l’Éthique à Nicomaque au collège
de Sorbonne, voir A. D. Menut, « Latin Mss. of the “Nicomachean Ethics” at the Bibliothèque
nationale », Revue belge de philologie et d’histoire, 14, 1935, p. 1330-1340.
46. Sur Eustrate de Nicée et son commentaire de l’Éthique, voir H. P. F. Mercken, « The
Greek Commentators on Aristotle’s Ethics », dans Aristotle Transformed: The Ancient Commentators
and Their Influence, R. Sorabji, éd., Londres, 1990, p. 407-443 (ici p. 410-419) ; M. Trizio,
« Neoplatonic Source-Material in Eustratios of Nicaea’s Commentary on Book VI of the
Nicomachean Ethics », dans Medieval Greek Commentary on the “Nicomachean Ethics”, C. Barber et
D. Jenkins, éd., Leyde, 2009, p. 71-109. Sur la tradition du commentaire, voir D. A. Lines,
Aristotle’s Ethics in the Italian Renaissance, op. cit., no 6, p. 462.
57. Sur la fortune du commentaire de Thomas d’Aquin, voir C. H. Lohr, « Medieval Latin
Aristotle Commentaries », Traditio, 29, 1973, p. 93-197 (ici no 12, p. 168) ; D. A. Lines, Aristotle’s
Ethics in the Italian Renaissance, op. cit., no 11, p. 465 ; Id., « Sources and Authorities for Moral
Philosophy in the Italian Renaissance. Thomas Aquinas and Jean Buridan on Aristotle’s Ethics »,
dans Moral Philosophy on the Threshold of Modernity, J. Kraye et R. Saarinen, éd., Dordrecht,
2005, p. 7-29 (ici p. 14-22).
58. Catalogue de 1338 : 42. Summe morales, 51 (Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 157b ; L. Delisle,
Cabinet, III, p. 45b ; commentaire sur les deux premiers livres ; provenance : Godefroid de
Fontaines) ; 54. Scripta et questiones super libros Aristotilis, 22 (Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 206b ;
L. Delisle, Cabinet, III, p. 65a ; provenance : Pierre de Farbu ; identification : Paris, BNF,
lat. 16104 ; description : W. Senko, Repertorium commentariorum medii aevi in Aristotelem latinorum
quae in bibliothecis publicis Parisiis asservantur (Bibliothèque nationale, Arsenal, Mazarine, Sorbonne, Sainte
Geneviève) (désormais Répertorium), II, Varsovie, 1982, p. 4 ; H. V. Shooner, Codices manuscripti
operum Thomae de Aquino, III, Montréal-Paris, 1985, no 2432, p. 307-308) ; 54. Scripta et questiones
super libros Aristotilis, 51 (Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 208b ; L. Delisle, Cabinet, III, p. 65b ; Étienne
de Genève ; identification : Paris, BNF, lat. 16105 ; description : W. Senko, Repertorium, II, p. 5 ;
H. V. Shooner, Codices manuscripti operum Thomae de Aquino, III, no 2433, p. 308) et 54. Scripta et
questiones super libros Aristotilis, 53 (Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 208b ; L. Delisle, Cabinet, III, p. 65b ;
provenance : Gilles de Tillia). Hormis le ms. Paris, BNF, lat. 16105, ces volumes sont empruntés
à plusieurs reprises au cours du xve siècle. Voir à titre d’exemple Le registre de prêt de la bibliothèque
du collège de Sorbonne, op. cit., p. 732 (au sujet du ms. Paris, BNF, lat. 16104 ; il convient d’ajouter le
prêt consenti à l’hôte Jean Tinctor le 9 août 1428 ; voir ibid., no 48, 103, p. 244, et la contribution
de D. Nebbiai dans le présent volume). Les mss Paris, BNF, lat. 16104 et 16105 sont issus de la
pecia. Voir G. Murano, Opere diffuse per exemplar e pecia, Turnhout, 2005, no 890, p. 776.
59. Sur le catalogue de 1338, voir en dernier lieu G. Fournier, « Listes, énumérations, inven-
taires (Première partie) », art. cité, p. 193-195.
60. Paris, BNF, lat. 16106, f. 1 : Jste liber scilicet sentencia [suscrit d’un autre scribe : fratris thome]
super lib[rum ethi]corum est pauperum magistrorum de sorbona ex legato domini Stephani de abbatis villa
ca[nonis ambi]anensis LX. solidorum [ajout d’un autre scribe : et continet IX quaternos]. Une men-
tion autographe transcrite au f. 2v indique qu’Étienne d’Abbeville l’a acquis pour 45 sous
parisis. Le ms. a été modérément annoté par ses soins. Sur ce ms., voir M. Mabille, « Les
manuscrits d’Étienne d’Abbeville conservés à la Bibliothèque nationale de Paris », Bibliothèque
de l’École des chartes, 132, 1974, p. 245-266 (ici no 14, p. 257) ; W. Senko, Repertorium, II, p. 5 ;
H. V. Shooner, Codices manuscripti operum Thomae de Aquino, op. cit., III, no 2434, p. 308-309.
Il est issu de la pecia. Voir G. Murano, Opere diffuse per exemplar e pecia, op. cit., no 890, p. 776.
61. Catalogue de 1338 : 38. Originalia mixta sanctorum et philosophorum, 10. In vno uolumine conti-
nentur isti dogma moralium philosophorum […], ex legato domini Stephani de Abbatisuilla. Incipit in 2o fol.
Seneca, in pen. res intell. Precium viginti sol (Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 145a ; L. Delisle, Cabinet,
III, p. 41b ; M. Mabille, « Les manuscrits d’Étienne d’Abbeville… », art. cité, p. 264) ; 49.
Libri morales Aristotilis., 9. Vetus ethica, ex legato domini Stephani de Abbisuilla [sic]. Incipit in 2o fol.
castus, in pen. dicitur. Precium quatuor sol (Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 191a ; L. Delisle, Cabinet, III,
p. 60a ; M. Mabille, « Les manuscrits d’Étienne d’Abbeville… », art. cité, p. 266). Le premier
volume a été emprunté à plusieurs reprises au courant du xve siècle. Voir Le registre de prêt de la
bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 12, 9, p. 147 ; no 45, 17, p. 224 ; no 90, 78, p. 350 ;
no 95, 19, p. 369 ; no 111, 21, p. 424 ; no 118, 6, p. 450 et no 120, 40, p. 455. Les deux volumes
appartiennent à la parva libraria. Sur le Moralium dogma philosophorum, voir R.-A. Gauthier,
« Les deux recensions du Moralium dogma philosophorum », art. cité, passim ; Id., « Un pro-
logue inédit du Moralium dogma philosophorum », Revue du Moyen Âge latin, 11, 1955, p. 51-58 ;
J. B. Williams, « The Quest for the Author of the Moralium dogma philosophorum, 1931-1956 »,
Speculum, 32, 1957, p. 736-747 (les deux fois, Gauthier de Châtillon a les faveurs des auteurs) ;
sur son influence, voir R.-A. Gauthier, Magnanimité, op. cit., p. 269-271, 279, 287 sq. et 311.
68. Sur Jean Gorre et son legs, voir A. Franklin, Les anciennes bibliothèques de Paris. Églises, monas-
tères, collèges, etc., I, Paris, 1867, p. 241-242 ; L. Delisle, Cabinet, II, p. 159 ; P. Glorieux, Aux
origines de la Sorbonne, op. cit., I, p. 315 ; W. J. Courtenay, éd., Rotuli Parisienses. Supplications to the
Pope from the University of Paris, I, Leyde-Boston-Cologne, 2002, p. 200 et 329 ; Id., « Collège des
Bons-Enfants de Saint-Victor at Paris », History of Universities, 20, 2005, p. 1-11 (ici p. 2 et 3-4).
69. Sur la tradition de la Tabula moralium Aristotelis, voir M. Grabmann, Methoden und Hilfsmittel
des Aristotelestudiums im Mittelalter, Munich, 1939, p. 140-145 ; C. Flüeler, Rezeption und
Interpretation der Aristotelischen Politica im späten Mittelalter, II, Amsterdam-Philadelphie, 1992,
no 29, p. 26-27. Sur le ms. Paris, BNF, lat. 16090, voir Aristoteles latinus, op. cit., I, no 665, p. 558 ;
W. Senko, Repertorium, I, p. 223-224.
70. Il s’agit des mss Paris, BNF, lat. 15885, f. 273r, 15976, contre-plat inférieur et 15977,
f. 130r. Voir C. Angotti, « Mort et vie du collège dit de la “Petite Sorbonne” », dans Universitas
scolarium. Mélanges offerts à Jacques Verger par ses anciens élèves, C. Giraud et M. Morard
éd., Genève, 2011, p. 171-199 (ici p. 196, nos 9-11 et 197, no 14).
71. Voir infra Illustrations no 1.
72. Sur Jean Bernier de Fayt et la Tabula moralium Aristotelis, voir B. Hauréau, Notices et extraits
de quelques manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, V, Paris, 1892, p. 78 ; M. Grabmann,
Methoden und Hilfsmittel des Aristotelestudiums im Mittelalter, op. cit., p. 139-149.
73. La préface à la Tabula moralium Aristotelis est éditée dans M. Grabmann, Methoden und
Hilfsmittel…, op. cit., p. 145-146 (ici p. 146). Selon l’auteur (p. 148), il s’agirait de l’Ethica d’Albert
le Grand.
de Jean Bernier de Fayt. Il est vraisemblable qu’elle vit le jour au cours de ses
études parisiennes74.
Venons-en aux tables évoquées dans les annotations portées au recto du
premier feuillet du lat. 16090. On sait depuis les travaux pionniers de Martin
Grabmann que l’enseignement d’Aristote dans les universités médiévales a
suscité la composition d’instruments susceptibles de faciliter l’appréhen-
sion du texte du Stagirite75. Il s’agit, parmi d’autres, de tables qui produisent
de manière plus ou moins exhaustive la teneur d’une ou plusieurs œuvres
d’Aristote, le plus souvent dans l’ordre alphabétique. Nombre d’entre elles
sont consacrées à l’Éthique à Nicomaque. Tel est le cas de la Tabula ethicorum
enchaînée au pupitre AM d’après la note transcrite dans la marge inférieure
du manuscrit Paris, BNF, lat 16090. Son titre est attesté dans plusieurs pro-
ductions analogues76. En l’absence du manuscrit, nous ignorons bien évidem-
ment si son auteur joignit à la lettre aristotélicienne celle d’un ou plusieurs de
ses commentateurs, à l’instar de Jean Bernier de Fayt.
Le corpus réuni par Martin Grabmann permet en outre d’apprécier le
domaine de compétence de ces tables. Concernant l’Éthique à Nicomaque, il
n’excède qu’exceptionnellement la philosophie morale d’Aristote, à l’instar de
la table conservée dans le manuscrit Paris, BNF, lat. 16147 présenté plus haut
et qui provient du legs de Gérard d’Abbeville77. Son titre et sa teneur associent
78. M. Grabmann, Forschungen…, op. cit., p. 98-99 ; Id., Methoden und Hilfsmittel…, op. cit.,
p. 129-139.
79. Ibid., p. 149-151.
80. Pour des exemples parisiens, voir Aristoteles latinus, op. cit., I, no 656, p. 553 ; no 666, p. 558 et
no 696, p. 576.
81. Voir supra p. 134.
82. Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 266 : Jtem postilla [Sapiencie] holcot. Bancha.am ; L. Delisle, Cabinet,
II, p. 93a. Dans la marge supérieure du début de la rubrique, une annotation transcrite selon
toute vraisemblance par le même scribe évoque une nouvelle fois l’Expositio in librum Sapientiae de
Robert Holcot enchaînée au pupitre AM : Et nota quod omnes iste postille conti[n]entur in banchis.c.d.f.
nisi forte vna super sapiencie que est.am (Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 266 ; L. Delisle, Cabinet, II, p. 92
Les pupitres AM et à plus forte raison AL sont donc bel et bien attestés au
collège de Sorbonne. La mention du premier dans le répertoire méthodique du
catalogue double témoigne de surcroît qu’ils appartenaient à la bibliothèque
commune. Cette dernière se serait donc accrue de huit bancs supplémentaires
depuis la rédaction du catalogue double83. Leur existence est postérieure au
legs de Jean Gorre qui est intervenu en 1360 ou peu après84. Si tel devait être
le cas, la note concernant l’Expositio in librum Sapientiae de Robert Holcot serait
l’une des plus récentes transcrites dans le répertoire, dont on sait qu’il ne fut
plus guère actualisé au-delà du milieu du xive siècle85.
Quoi qu’il en soit, les annotations apposées dans le manuscrit Paris, BNF,
lat 16090 apportent la preuve du versement d’une table relative à la philoso-
phie morale d’Aristote dans la bibliothèque commune du collège de Sorbonne
après 1360, sous la cote AMh. La Tabula ethicorum était consacrée à l’Éthique à
Nicomaque. Nous ignorons si elle coïncide avec les Tabulae in Aristotelem (no 61)
de la rubrique dévolue aux Philosophici libri, Morales, Metaphysici, Naturales du
catalogue du milieu du xvie siècle86, et ceci d’autant plus que des instruments
analogues eurent les faveurs de l’imprimerie87. À l’inverse, il est plus que
vraisemblable que les Concordantiae super libros naturales (no 58) de la même
rubrique soient identiques avec le manuscrit Paris, BNF, lat. 16147 provenant
de Gérard d’Abbeville.
n. 3). Il n’est pas à exclure que cet ajout renvoie au manuscrit Paris, BNF, lat. 15885 qui provient
du legs de Jean Gorre. Il renferme l’unique exemplaire de l’Expositio in librum Sapientiae de Robert
Holcot († 1349) en provenance du collège de Sorbonne qui nous est parvenu. Sur la tradition
manuscrite de l’Expositio in librum Sapientiae de Robert Holcot, voir T. Kaeppeli, Scriptores Ordinis
Praedicatorum Medii Aevi, III, Rome, 1980, no 3497, p. 315-318 (où le ms. parisien est cité p. 317).
Sur le ms. Paris, BNF, lat. 15885, voir C. Samaran et R. Marichal, Catalogue des manuscrits en
écriture latine portant des indications de date, de lieu ou de copiste, III, Paris, 1974, p. 461.
83. Outre les cotes ALd et AMh, l’une des mentions transcrites dans la marge supérieure du
manuscrit Paris, BNF, lat. 16090, f. 1r évoque une nouvelle cote qui n’avait pas été attribuée :
Jtem bancha.z. volumine.e. tabulam librorum naturalium.
84. Paris, BNF, lat. 15885, f. 273r : Anno Mo CCCo 60 cuius anima in pace requiescat.
85. G. Fournier, « Listes, énumérations, inventaires (Première partie) », art. cité, p. 190-191
(à propos du catalogue double de la bibliothèque commune) et 194 (à propos du catalogue de
1338).
86. Sur ce catalogue, voir infra p. 160 sq.
87. Au sujet des Repertoria sive tabulae generalis auctoritatum Aristotelis imprimés, voir
C. B. Schmitt, « Auctoritates, Repertorium, Dicta, Sententiae, Flores, Thesaurus, and
Axiomata: Latin Aristotelian Florilegia in the Renaissance », dans Aristoteles Werk und Wirkung.
Paul Moraux gewidmet, II, J. Wiesner, éd., Berlin-New York, 1987, p. 515-537 (ici p. 518 sq. et
530-531).
88. Sur le ms. Paris, BNF, lat. 16681, voir W. Senko, Repertorium, II, p. 90 ; Aegidii Romani,
Opera omnia, I, Catalogo dei manioscritti (294-372), 1/3**, C. Luna, éd., Florence, 1988, no 360,
p. 272-274.
89. Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 207b ; L. Delisle, Cabinet, III, p. 65a.
90. Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 341 ; L. Delisle, Cabinet, III, p. 86.
91. Paris, BNF, n. a. l. 99, p. 243b ; L. Delisle, Cabinet, III, p. 78.
92. Sur la délicate question de la rédaction et donc de la datation des Quaestiones in Aristotelis
Ethicam de Jean Buridan, voir parmi d’autres B. Michael, Johannes Buridan, op. cit., p. 871-875 ;
B. Sère, « Liberté et lien social chez Buridan dans son commentaire sur l’Éthique (VIII-IX) »,
Recherches de théologie et philosophie médiévales, 74, 2007, p. 119-168 (ici p. 122-124). B. Michael
penche pour une rédaction unique qui aurait vu le jour vers 1339-1340 et serait demeurée ina-
chevée à sa mort entre 1358 et 1360. B. Sère privilégie une rédaction en deux temps : après 1332
(livres I-VI, voire VIII) et entre 1349 et 1360 (livres IX-X).
93. C. Flüeler, « Buridans Kommentars zur Nikomachischen Ethik : Drei unechte
Literalkommentare », Vivarium, 36, 1998, p. 234-249 (ici p. 248-249).
94. Sur le ms. Paris, BNF, lat. 16128, voir W. Senko, Repertorium, II, p. 22-24 ; B. Michael,
Johannes Buridan, op. cit., p. 850. La tradition paraît l’attribuer à Henri Pistor de Lewis. Ainsi
dans le catalogue de Henri-Michel Guédier de Saint-Aubin (Paris, BNF, n. a. l. 100, f. 183r-v)
où l’ex-legato a été barré ultérieurement. La datation du ms. (fin du xive siècle) suffit en effet à
invalider cette hypothèse.
95. Sur le ms. Paris, BNF, lat. 16129, voir C. Samaran et R. Marichal, Catalogue des manuscrits
en écriture latine, op. cit., III, p. 700 ; W. Senko, Repertorium, II, p. 24-27 ; B. Michael, Johannes
Buridan, op. cit., p. 850-851.
96. Le ms. Paris, BNF, lat. 16128 n’est pas mentionné dans C. Angotti, « Mort et vie du col-
lège dit de la “Petite Sorbonne” », art. cité, passim.
97. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, no 139, 16, p. 489 : Item habuit Ethicas
Buridani precii XIIII scutorum, cujus 2um folium mali 3o thorum, et penultinum ymo etiam. Sur Jean
Dumont, voir Z. Kaluza, « Les débuts de l’albertisme tardif (Paris et Cologne) », dans Albertus
Magnus und der Albertismus. Deutsche philosophische Kultur des Mittelalters, M. J. F. M. Hoenen et
A. de Libera, éd., Leyde-New York-Cologne, 1995, p. 207-295 (ici no 122, p. 291) ; Le registre de
prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., p. 632-633 ; T. Sullivan, Parisian Licentiates in
Theology, A.D. 1373-1500. A Biographical Register, II, Leyde-Boston, 2011, p. 379-380.
98. C. Angotti, « Mort et vie du collège dit de la “Petite Sorbonne” », art. cité, p. 179-180. Les
mss du collège dit de la « Petite Sorbonne » ont intégré la parva libraria du collège de Sorbonne
au plus tard en 1438.
99. Sur le sens de cette expression, voir B. Michael, Johannes Buridan, op. cit., p. 871.
100. Sur Adam Carnificis, licencié en théologie en 1395, voir G. Ouy, « Simon de Plumetot
(1371-1443) et sa bibliothèque », dans Miscellanea codicologica F. Masai dicata, P. Cockshaw,
M.-C. Garand et P. Jodogne, éd., Gand, 1979, p. 353-381 (ici p. 370) ; B. Michael, Johannes
Buridan, op. cit., p. 325 n. 118 ; T. Sullivan, Parisian Licentiates in Theology, A.D. 1373-1500,
op. cit., II, p. 138-139.
donc pas tout à fait à exclure qu’il puisse s’agir de l’exemplaire des Quaestiones
in libros Ethicorum évoqué dans la note apposée sur le manuscrit Paris, BNF,
lat. 16681, f. 126r et à proximité duquel ce dernier volume aurait été enchaîné.
Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’un Buridanus in ethica figure au nombre
des Philosophici libri, Morales, Metaphysici, Naturales du catalogue du milieu du
xvie siècle, dont il sera encore question101.
105. Sur le manuscrit Paris, BNF, lat. 16110, voir Aristoteles latinus, op. cit., I, no 671, p. 561-563 ;
W. Senko, Repertorium, II, p. 7-14 ; H. V. Shooner, Codices manuscripti operum Thomae de Aquino,
op. cit., III, no 2436, p. 310 ; W. A. Duba, « The Authenticity of Francis of Marchia’s Quodlibet… »,
art. cité, p. 94-97 (où l’on lira le contenu précis du volume).
106. Ce qui était une probabilité dans C. Samaran et R. Marichal, Catalogue des manuscrits
en écriture latine, op. cit., III, p. 699, est devenu une certitude à la vue de l’ensemble des mss en
provenance de la bibliothèque personnelle de Jacques de Padoue.
107. G. Murano, Opere diffuse per exemplar e pecia, op. cit., no 890, p. 776.
108. Voir en dernier lieu I. Costa, « Il problema dell’omonimia del bene in alcuni commenti
scolastici all’Etica Nicomachea », art. cité, p. 194-196 (où se sont glissées quelques erreurs de
détail) et 220-230 (édition) ; B. Sère, Penser l’amitié au Moyen Âge, op. cit., p. 159-165. I. Costa
identifie une compilation, là où l’on perçoit en règle générale plusieurs séries de questions, dont
l’une peut selon toute vraisemblance être attribuée à Pierre d’Auvergne. Voir R.-A. Gauthier,
« Deux témoignages sur la date de la première traduction latine des Économiques », Revue
philosophique de Louvain, 50, 1952, p. 273-283 (ici p. 276 n. 5) ; Id., « Les Questiones supra librum
Ethicorum de Pierre d’Auvergne », Revue du Moyen Âge latin, 20, 1964, p. 233-260 (ici p. 241) ;
dont le nom aurait été gratté au feuillet 282v109, cette dernière témoigne d’une
curiosité certaine pour l’éthique. Sa bibliothèque personnelle comprend
encore un bonum principium super libro Ethicorum au feuillet 130r-v du manuscrit
Paris, BNF, lat. 15669110. Le manuscrit Paris, BNF, lat. 16110 invite cependant
à la prudence. La Sententia de Thomas d’Aquin et les questions sur l’Éthique
n’ont guère suscité d’annotations111. Aucune ne peut être attribuée à Jacques
de Padoue. Hormis les mentions « hors la teneur », sa main est absente
du manuscrit.
Toujours sur le verso du premier feuillet du manuscrit Paris, BNF, lat. 16110,
une nouvelle annotation produit le titre de propriété du collège de Sorbonne
et la prisée :
Jste liber est collegij pauperum magistrorum de sorbona ex legato magistri Jacobi de padua
in arcium medicine ac theologie facultatibus professoris socij huius domus precij 6 librarum.
Enfin dans la marge inférieure du second feuillet (le premier qui accueille
du texte), le versement du manuscrit à la « grande » bibliothèque (main 1 ;
encre brun foncé), l’indication du pupitre et une nouvelle fois la prisée
(main 2 ; encre brun clair) sont signifiés par deux scribes distincts :
Jncatenetur in [un grand pli dans le parchemin empêcha le scribe de poursuivre]
t Jncatenetur in magna li[une tâche voile partiellement : br]aria sorbone
6 librarum112.
Le prix d’estimation du volume est encore une fois mentionné au feuillet
282v (VJ. librarum).
À ce jour, quatorze manuscrits en provenance du legs de Jacques de Padoue
et deux volumes d’une autre provenance partagent à notre connaissance cette
combinaison de mentions « hors la teneur ». Identiques dans leur formulation
à deux exceptions près qui privilégient la variante : Ligetur et incatenetur in magna
libraria sorbone, elles sont proposées toujours dans le même ordre, transcrites
toujours par les mêmes scribes et insérées toujours au même endroit, c’est-à-
dire dans le ou les premiers feuillets du manuscrit. La répétition des mentions
et l’électisme des volumes qui ressortissent aux quatre facultés de l’université
de Paris trahissent une entreprise massive et concertée d’enrichissement de la
bibliothèque de présence et de référence du collège de Sorbonne. Ces circons-
tances n’en donnent que plus de prix au versement du manuscrit Paris, BNF,
lat. 16110 et des commentaires sur l’Éthique à Nicomaque de Thomas d’Aquin et
de l’Anonyme dans la bibliothèque commune.
116. Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 3323, f. 75r ; Le registre de prêt de la bibliothèque du collège
de Sorbonne, op. cit., no 68, 16-18, p. 292. Sur Jean Germain, voir Z. Kaluza, « Les débuts de
l’albertisme tardif », art. cité, no 50, p. 265-266 ; Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de
Sorbonne, op. cit., p. 624.
117. Ibid., no 68, 33, p. 294.
118. Paris, BNF, lat. 16582, f. 2ra et 328ra (mots-repères). Le ms. est dénué de mentions « hors
la teneur » médiévales et en conséquence d’indications relatives à sa provenance.
119. Paris, BNF, lat. 16127, f. 3ra et 168ra (mots-repères). Le ms. est dénué de mentions
« hors la teneur » médiévales et en conséquence d’indications relatives à sa provenance. Au
plus tard lors du prêt de Jean Germain, il appartient au collège de Sorbonne. É. Pellegrin et
K. Rebmeister-Klein l’attribuent sans autre forme de procès au collège de Dormans-Beauvais.
Les prêts des sorbonistes Jean Germain, Jean Hochet et Alard Palenc, antérieurs à 1431, excluent
qu’il y fut « reli[é] de cuir blanc vers 1448 ». Voir É. Pellegrin, « La bibliothèque de l’ancien
collège de Dormans-Beauvais à Paris » [1947], dans Ead., Bibliothèques retrouvées. Manuscrits,
bibliothèques et bibliophiles du Moyen Âge et de la Renaissance. Recueil d’études publiées de 1938 à 1985,
Paris, 1988, p. 3-68 (ici p. 9 n. 4) ; K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges à Paris aux
xive et xve siècles, thèse de doctorat, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2005, en part. p. 596,
no 39. Outre le commentaire (f. 2ra-168rb), il comprend une Tabula lectionum et quaestionum
(f. 168rb-169rb) qui s’interrompt en IX, 9. Sur le ms. Paris, BNF, lat. 16127, voir W. Senko,
Repertorium, II, p. 19-21 ; C. Porter, « Gerald Odonis’ Commentary on the Ethics: A Discussion
of the Manuscripts and General Survey », Vivarium, 47, 2009, p. 241-294 (ici p. 254 [B]).
120. Voir supra Tableau 1.
121. Voir supra p. 137-138.
122. Sur le commentaire de l’Éthique de Guiral Ot et sa fortune, voir en dernier lieu C. Porter,
« Gerald Odonis’ Commentary on the Ethics… », art. cité, passim.
123. Voir supra Tableau 4.
124. Le livre des prieurs de Sorbonne, op. cit., no 5, p. 28-29.
125. Sur l’organisation du cours commun sur l’Éthique, voir Z. Kaluza, « Les cours communs
sur l’Éthique à Nicomaque à l’université de Paris », art. cité, p. 149-154, 164-166 et 172-177
En janvier 1432, le collège incite ses membres à suivre la leçon d’Éthique, après
celles de Métaphysique et de Physique, et ceci d’autant plus qu’un sorboniste en
était titulaire, en l’occurrence ledit Alard Palenc126.
C’est à Zénon Kaluza que revient le mérite d’avoir mis en évidence les
emprunts successifs de Jean Germain, Jean Hochet et Alard Palenc, et de les
avoir considérés sous l’angle de l’office de lecteur de l’Éthique127. Ces emprunts
inspirent deux observations à l’auteur. La première, à laquelle nous souscri-
vons pleinement, constate que l’« on associe à Paris la lecture d’Eustrate de
Nicée, de Guiral Ot et de Thomas d’Aquin128 ». De fait, les trois sociétaires
empruntent la Sententia libri Ethicorum de l’Aquinate, successivement le 13 avril
1425 pour Jean Germain129, le 31 octobre 1430 pour Jean Hochet130 et le 7
octobre 1431 pour Alard Palenc131. Bien qu’il ne soit pas fait état de la magna
libraria, le manuscrit emprunté par Jean Hochet était bien enchaîné dans la
bibliothèque commune, comme l’attestent la mention de la demande préa-
lable au conseil et au sous-proviseur (ex consensu et deliberacione aule et licencia
domini subprovisoris)132 et l’histoire du volume. Il s’agit du manuscrit Paris,
BNF, lat. 16106 qui était selon toute vraisemblance enchaîné dans la magna
libraria depuis la rédaction du catalogue double (1321-1338), sinon de celle du
catalogue de 1338133.
Toute proportion gardée, il en va de même de la Seconde partie de la Somme
de théologie, contemporaine et complémentaire du commentaire sur l’Éthique
de Thomas d’Aquin : la première fournit le commentaire par questiones qui
devait normalement compléter l’expositio littere du second, selon René-Antoine
(Appendice 1 : « Liste des Lectores Ethicorum connus », qui ne compte pas moins de quinze sorbo-
nistes sur les trente-quatre lecteurs répertoriés).
126. Le livre des prieurs de Sorbonne, op. cit., nos 35-36, p. 33-34 ; et Z. Kaluza, « Les cours com-
muns sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 153.
127. Z. Kaluza, « Les cours communs… », art. cité, p. 158-159 et 166-167.
128. Ibid., p. 166.
129. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 68, 14, p. 292. Cet exem-
plaire du commentaire de Thomas d’Aquin était conservé dans la parva libraria du collège de
Sorbonne.
130. Ibid., no 81, 6, p. 325.
131. Ibid., no 77, 35, p. 314. Le 29 octobre 1428, Alard Palenc avait déjà emprunté un exemplaire
distinct du commentaire sur l’Éthique de Thomas d’Aquin. Voir ibid., no 77, 6, p. 312. Les deux
fois, les volumes proviennent de la parva libraria du collège de Sorbonne.
132. Ibid., no 81, 6, p. 325.
133. Voir supra p. 140-141.
141. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., p. 377-387 ; Id., « Une bibliothèque en
temps de crise. Lecteurs étrangers et désenchaînements de manuscrits au collège de Sorbonne
dans le second quart du xve siècle », dans Savoir/Pouvoir. Les bibliothèques, de l’Antiquité à la moder-
nité, Turnhout, 2017 (à paraître).
142. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 68, 22, p. 292-293 (20 sep-
tembre 1426 ; deux volumes pour Zénon de Castiglione), 27, p. 293 (3 octobre 1427 ; le volume
est restitué l’année suivante, voir ibid., 30, p. 293), 33, p. 294 (30 octobre 1428 ; un volume) et
34-35 (7 novembre 1428 ; deux volumes).
143. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., p. 131-133.
144. K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges à Paris aux xive et xve siècles, op. cit., p. 125-
126, 179 sq. et 290-300.
145. Voir infra Tableau 5.
146. Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 161.
147. Ibid., p. 168 et 170-171.
148. Ibid., p. 170, et infra p. 176-177.
149. Colmar, BM, 12, f. 1 : Jn hoc libro continetur [suscrit de la même main de Louis Ber : Partim]
lectura ethicorum quam fecit magister Ludouicus Ber basiliensis publicus ethicus [sic] Lector parisius Anno
domini 1508 […]. La provenance du ms. figure sur le contre-plat supérieur : Est Ludouici Ber basi-
liensis socij Sorbonici, et au f. 1, on lit sa devise : Domat omnia virtus. Sur ce ms., voir P. Schmitt,
Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, LVI, Paris, 1969, p. 146 (qui
est entaché de quelques erreurs). Sur Louis Ber, voir A. Kimmenauer, « Colmarer Beriana.
Zu Ludwig Ber’s Bibliothek und Papieren », dans Festschrift für Josef Benzing. Zum sechzigsten
Geburtstag. 4. Februar 1964, E. Geck et G. Pressler, éd., Wiesbaden, 1964, p. 244-251 ;
J. K. Farge, Biographical Register of Paris Doctors of Theology. 1500-1536, Toronto, 1980, no 22,
p. 23-26 ; P. G. Bietenholz, « Ludwig Baer », dans Contemporaries of Erasmus. A Biographical
Register of the Renaissance and Reformation, P. G. Bietenholz, éd., I, Toronto-Buffalo-Londres,
1985, p. 84-86 ; Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., p. 648.
150. Voir à titre d’exemple Colmar, BM, ms. 12, f. 3v : […] plerique Aristotelis expositores Vt Eustra.
b. tho. Geraldus Burleius dicunt […]. Jean Buridan est cité parmi d’autres aux f. 2r, 5r, 27r, 81r, 88v,
92r et 100v. Sur le commentaire de Gauthier Burley et sa fortune, voir C. H. Lohr, « Medieval
Latin Aristotle Commentaries », Traditio, 24, 1 968, p. 1 49-245 (ici n o 36, p. 1 85- 1 86) ;
R.-A. Gauthier, L’Éthique à Nicomaque, op. cit., I-1, p. 136-137 et 158-159 ; G. Wieland, « The
Reception and Interpretations of Aristotle’s Ethics », art. cité, p. 667 ; O. Weijers, Le travail
intellectuel à la Faculté des arts de Paris, III, Paris, 1998, p. 37-62 (ici p. 58) ; D. A. Lines, Aristotle’s
Ethics in the Italian Renaissance, op. cit., no 15, p. 468-469 ; I. Costa, « Il problema dell’omonimia
del bene nell’esegesi dell’Etica Nicomachea (1300-1345 ca.) », Documenti e studi sulla tradizione filo-
sofica medievale, 23, 2012, p. 429-473 (ici p. 446-447).
151. Sententia et Expositio cum questionibus Geraldi Odonis super libros Ethicorum Aristotelis cum Textu
eiusdem, Venise, Simone da Lovere pour Andrea Torresani de Asula, 14 juillet 1500 (Colmar,
BM, CG 11646 ; d’après une mention autographe apposée sur le contre-plat supérieur, Louis
Ber a fait relier en 1507 le volume qui associe le commentaire de Guiral Ot à celui de la Politique
de Thomas d’Aquin, imprimé chez le même éditeur le 31 octobre 1500) ; Expositio Gualteri Burlei
super decem Libros Ethicorum Aristotelis, Venise, Simone da Lovere pour Andrea Torresani de Asula,
4 septembre 1500 (Colmar, BM, G 787 ; payé en sous parisis d’après une mention autographe
transcrite sur la page de titre, l’ouvrage a été acquis selon toute vraisemblance lors du séjour
parisien de Louis Ber, soit au plus tard au début de l’année 1513). Les deux volumes produisent
la traduction de Robert Grosseteste et sont inégalement annotés de la main de Louis Ber.
152. Voir infra Tableau 5.
153. Voir Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 200, 79, p. 536.
154. Sur ce qui suit, voir G. Fournier, « Livre après livre. Un catalogue inédit de la biblio-
thèque du collège de Sorbonne (milieu xvie siècle) », Scriptorium, 67, 2013, p. 184-217 et pl.
23-24 ; Id., « Le plus ancien catalogue imprimé d’une bibliothèque institutionnelle (vers
1550) », dans De l’argile au nuage : une archéologie des catalogues. IIe millénaire av. J.-C.-xxie siècle,
[Catalogue des expositions organisées par la Bibliothèque Mazarine et la Bibliothèque de
Genève], Paris-Genève, 2015, p. 196-198.
155. Sur le ternaire stoïcien, voir parmi d’autres G. Dahan, « Les classifications du savoir
aux xii e et xiii e siècles », L’enseignement philosophique, 40, 1 990, p. 5-27 (ici p. 1 4- 1 5) ;
D. Schioppetto, « Inutilis est logica si it sola. L’organizzazione del sapere in Giovanni di
Salisbury », dans La Divisione della Filosofia e le sue Ragioni. Lettura di testi medievali (vi-xiii secolo).
Atti del Settimo Convegno della Società Italiana per lo Studio del Pensiero Medievale (SISPM) (Assisi,
14-15 novembre 1997), G. d’Onofrio, éd., Cava de’ Tirreni, 2001, p. 79-105 (ici p. 87) ; G. de
Callatay, « Trivium et quadrivium en Islam : des trajectoires contrastées », dans Une lumière
venue d’ailleurs. Héritages et ouvertures dans les encyclopédies d’Orient et d’Occident au Moyen Âge. Actes
du colloque de Louvain-la-Neuve, 19-21 mai 2005, G. de Callatay et B. Van den Abeele,
éd., Louvain-la-Neuve, 2008, p. 1-30 (ici p. 4).
156. Sur l’harmonisation du classement boétien, d’inspiration aristotélicienne et donc dual,
avec le ternaire stoïcien, voir G. d’Onofrio, « La scala ricamata. La philosophiae divisio di
Severino Boezio, tra essere e conoscere », dans La Divisione della Filosofia e le sue Ragioni, op. cit.,
p. 11-63 (en part. p. 31-33, 46 sq. et n. 60 et p. 60 [Tavola II]).
157. C. H. Lohr, Latin Aristotle Commentaries, II, Florence, 1988, no 1, p. 46, et no 1, p. 106 ;
J. Kraye, « Renaissance Commentaries on the Nicomachean Ethics », art. cité, p. 98.
158. Sur Jérôme de Hangest et ses Moralia (Paris, Jean Petit, 1519), voir J. K. Farge, Biographical
Register of Paris Doctors of Theology, op. cit., no 234, p. 217-221 (en part. p. 220).
159. C. Flüeler, Rezeption und Interpretation der Aristotelischen Politica im späten Mittelalter, op. cit.,
I, en part. p. 150-155.
160. Ibid., p. 146-147. L’attribution à Jean Buridan est attestée dans quelques catalogues de
bibliothèque à la fin du Moyen Âge. Cependant elle ne s’appuie pas sur des informations préle-
vées dans les livres décrits. Voir ibid., p. 148-149 et n. 56.
161. Les éditions de 1500 et de 1530 paraissent reposer sur des erreurs. Voir ibid., p. 146 n. 51.
162. Sur les commentaires aristotéliciens de Jacques Lefèvre d’Étaples, en particulier de
l’Éthique, voir en dernier lieu D. A. Lines, « Lefèvre and French Aristotelianism on the Eve of the
Sixteenth Century », dans Der Aristotelismus in der Frühen Neuzeit – Kontinuität oder Wiederaneignung?,
G. Franck et A. Speer, éd., Wiesbaden, 2007, p. 273-289 ; L. Bianchi, « Renaissance
Readings of the Nicomachean Ethics », art. cité, p. 140-143, et infra p. 164.
163. Sur l’édition de Leonardo Bruni, voir D. A. Lines, Aristotle’s Ethics in the Italian Renaissance,
op. cit., p. 49 et no 26, p. 483-484. Sur la traduction de Leonardo Bruni et les controverses qu’elle
suscita, voir J. Hankins, « Notes on Leonardo Bruni’s Translation of the Nicomachean Ethics
an its Reception in the Fifteenth Century », dans Les traducteurs au travail, leurs manuscrits et leurs
méthodes. Actes du colloque international organisé par le « Ettore Majorana Centre for Scientific
Culture » (Erice, 30 septembre-6 octobre 1999), Turnhout, 2001, p. 427-447 ; Id., « Traduire
l’Éthique d’Aristote : Leonardo Bruni et ses critiques », dans Penser entre les lignes. Philologie
et philosophie au Quattrocento, F. Mariani-Zini, éd., Villeneuve-d’Ascq, 200 1, p. 133-159 ;
L. Bernard-Pradelle, Leonardo Bruni Aretino. Histoire, éloquence et poésie à Florence au début du
Quattrocento. Textes choisis, édités et traduits, Paris, 2008, en part. p. 57-62 ; S. Ebbersmeyer,
Homo agens. Studien zur Genese und Struktur frühhumanistischer Moralphilosophie, Berlin-New York,
2010, p. 150-185. (Sur cette dernière publication, on lira le compte rendu de G. Guldentops,
« Kritische Studie. Die frühhumanistische Moralphilosophie: Anfang der Moderne? », Recherches
de théologie et philosophie médiévales, 77, 2010, p. 391-413, et la réponse d’E. Kessler, « Ethik im
Mittelalter und im frühen Humanismus. Kritische Studie über eine “Kritische Studie” », ibid.,
78, 2011, p. 481-505.)
164. Sur l’édition de Joachim Périon, voir R.-A. Gauthier, L’Éthique à Nicomaque, op. cit.,
I-1, p. 174 sq et n. 256 ; C. B. Schmitt, « Aristotle’s Ethics in the Sixteenth Century : Some
Preliminary Considerations » [ 1 979], dans Id., The Aristotelian Tradition and Renaissance
Universities, Londres, 1984, no VII, p. 87-112 (ici p. 99-102) et [338] (Addenda et corrigenda) ;
C. H. Lohr, Latin Aristotle Commentaries, op. cit., II, no 9, p. 323-324 ; C. Schmitt, Aristote et la
Renaissance, Paris, 1992, p. 88-92. Sur l’intérêt porté à Aristote par Joachim Périon et son cicé-
ronisme, voir A. Stegmann, « Les observations sur Aristote du bénédictin J. Périon », dans
Platon et Aristote à la Renaissance, op. cit., p. 377-389 (ici p. 378 et 382-384).
165. Sur l’édition de Jean Argyropoulos, voir D. A. Lines, Aristotle’s Ethics in the Italian Renaissance,
op. cit., p. 50-51 et nos 35-37, p. 487-489.
166. Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 161 (au sujet de
la traduction de Leonardo Bruni).
167. A. Pelzer, « Les versions latines des ouvrages de morale conservés sous le nom d’Aristote
en usage au xiiie siècle », p. 406 [repris dans Id., Étude d’histoire littéraire sur la scolastique
médiévale, op. cit., p. 181] ; Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art.
cité, p. 163.
168. Colmar, BM, ms. 12, f. 5r (Leo. Are. / quemadmodum in his [sic] que appelantur scientie), 8r et
62r-v.
169. Sur les Decem librorum Moralium Aristotelis tres conuersiones de Jacques Lefèvre d’Étaples,
voir R.-A. Gauthier, L’Éthique à Nicomaque, op. cit., I-1, p. 157-158 ; C. H. Lohr, Latin Aristotle
Commentaries, op. cit., II, nos 10-11, p. 140-141 ; J. Kraye, « Renaissance Commentaries on the
Nicomachean Ethics », dans Vocabulary of Teaching and Research Between Middle Ages and Renaissance.
Proceedings of the Colloquium London, Warburg Institute, 11-12 March 1994, O. Weijers, éd.,
Turnhout, 1995, p. 96-117 (ici p. 104-105). Le volume comprend en particulier les commen-
taires de Lefèvre d’Étaples (1497) et de Lorenzo Valla (1421-1424). L’exemplaire de Louis Ber
est conservé à Colmar, BM, V 12142. D’après une mention autographe apposée sur la page de
titre, il a été relié en 1510.
170. Voir A. Kimmenauer, « Colmarer Beriana. Zu Ludwig Ber’s Bibliothek und Papieren »,
art. cité, p. 248 et 251 n. 18.
171. Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 163-164.
172. C. Schmitt, Aristote et la Renaissance, p. 95 : « […] bien qu’on ait souvent réimprimé les
traductions de Périon, elles semblent avoir été rarement utilisées dans un contexte d’enseigne-
ment universitaire ».
L’archive dévoilée
Tirons quelques conclusions des pages qui précèdent. Elles concernent
pour l’essentiel la contribution de l’histoire du livre et des bibliothèques à
l’histoire intellectuelle. Au sujet des listes des articles condamnés, auxquelles
nous avons consacré notre thèse, nous observions que les bibliothèques et
leurs catalogues étaient absents des débats184. Le sort qui leur fut réservé dans
certains dossiers évoqués au cours de nos investigations paraît plus enviable.
Ainsi Zénon Kaluza puisa-t-il aux ressources du registre de prêt du col-
lège de Sorbonne pour apprécier parmi d’autres la transmission matérielle
180. Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 4204, f. 16r : Scholastici doctores. […] 34 Opuscula Almain,
in sententias, moralia, de potestate Ecclesiastica. 35 Moralia eiusdem [Almain ; …]. L’édition princeps
des Opuscula et des Moralia datent respectivement de 1512 (Paris, Gilles de Gourmont) et de
1510 (Paris, Henri Estienne). Sur Jacques Almain et ses œuvres, en part. les Moralia, voir
A. Renaudet, Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d’Italie (1494-1517), 2e éd.
revue et corrigée, Paris, 1953, en part. p. 592 et n. 6 et p. 656 et n. 2 ; J. K. Farge, Biographical
Register of Paris Doctors of Theology, op. cit., no 10, p. 15-18. Selon ce dernier, les Moralia de Jacques
Almain aurait été a standard text à la factulté des arts au lendemain de son décès prématuré. Voir
ibid., p. 16.
181. D. A. Di Liscia, « Kalkulierte Ethik : Vives und die “Zerstörer” der Moralphilosophie
(Le Maistre, Cranston und Almain) », dans Ethik-Wissenschaft oder Lebenskunst? Modelle der
Normenbegründung von der Antike bis zur Frühen Neuzeit, S. Ebbersmeyer et E. Kessler, éd.,
Berlin, 2007, p. 75-105 (ici p. 92-97).
182. Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 4204, f. 24r : Accessio […] 1 Dogma moralium philosopho-
rum cum michaele ritio de regibus. Ces annotations sont propres à l’exemplaire de la Bibliothèque
Mazarine.
183. Sur les éditions du Moralium dogma philosophorum, voir R.-A. Gauthier, « Les deux recen-
sions du Moralium dogma philosophorum », art. cité, p. 177 et 181.
184. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit., p. 21.
185. Z. Kaluza, « Les débuts de l’albertisme tardif », art. cité, p. 214-216 et 246-293 (Appendice
2 : « Thomas d’Aquin et Albert le Grand lus par les théologiens de Sorbonne au xve siècle) ; Id.,
« Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », en part. p. 156-160.
186. D. A. Lines, « Moral Philosophy in the Universities of Medieval and Renaissance Europe »,
art. cité, p. 42-43 et 64 ; L. Bianchi, « Renaissance Readings of the Nicomachean Ethics », art.
cité, p. 141.
187. F. Hildesheimer, « Une archivistique des manques ? », Bibliothèque de l’École des chartes,
138, 1980, p. 231-235 (cit. p. 235).
188. J. B. Korolec, « Le commentaire d’Averroès sur l’Éthique à Nicomaque », Bulletin de philo-
sophie médiévale, 27, 1985, p. 104-107 (qui réévalue l’importance du commentaire d’Averroès).
Plus des deux tiers des 10 mss proviennent d’Italie. Voir D. A. Lines, « Sources and Authorities
for Moral Philosophy in the Italian Renaissance », art. cité, p. 16. Le manuscrit Vatican, BAV,
Borghese 57, f. 1-55 (xiiie s.) a été acquis à Paris par Pierre Roger, le futur pape Clément VI,
lors des années passées à la faculté des arts, en 1312. Voir A. Maier, Codices Burghesiani
Bibliothecae Vaticanae, Cité du Vatican, 1952, p. 75-76. Ultérieurement, la bibliothèque de Pierre
Roger s’enrichit de tables anonymes et de Jean Bernier de Fayt (Vatican, BAV, Borghese 247,
f. 209v-217r et catalogue de la bibliothèque de Peñiscola) et du commentaire sur l’Éthique de
Gauthier Burley (Vatican, BAV, Borghese, 129). Sur la bibliothèque de Pierre Roger, voir Ead.,
« Der literarische Nachlass des Petrus Rogerii (Clemens VI.) in der Borghesiana » [1948], dans
Ead., Ausgehendes Mittelalter. Gesammelte Aufsätze zur Geistesgeschichte des 14. Jahrhundert, II, Rome,
1967, p. 255-315 ; É. Anheim, « La bibliothèque personnelle de Pierre Roger/Clément VI »,
dans La vie culturelle, intellectuelle et scientifique à la cour d’Avignon, J. Hamesse, éd., Turnhout, 2006,
p. 1-48 ; J. Hamesse, « Les instruments de travail utilisés par Jean XXII et Clément VI, témoins
de leurs intérêts scientifiques », dans Per perscrutationem philosophicam. Neue Perspektiven der mit-
telalterlichen Forschung. Loris Sturlese zum 60. Geburtstag gewidmet, A. Beccarisi, R. Imbach et
P. Porro, éd., Hambourg, 2008, p. 333-347 (ici p. 341-343) ; É. Anheim, Clément VI au travail.
Lire, écrire, prêcher au xive siècle, Paris, 2014, p. 89-109 (ici p. 90, 93 et 108).
189. Voir supra p. 127-128.
190. Sur la tradition manuscrite de l’Ethica d’Albert le Grand, en particulier le ms. Paris, BNF,
lat. 16608, voir C. H. Lohr, « Medieval Latin Aristotle Commentaries », Traditio, 23, 1967,
p. 313-413 (ici nos 29-31, p. 344-345) ; W. Fauser, Die Werke des Albertus Magnus in ihrer hand-
schriftlichen Überlieferung, I, Münster, 1982, no 33, p. 174-180 et 477 (Nachtrag) ; W. Senko,
Repertorium, II, p. 70.
teneur ». Les anciennes gardes des plats supérieur et inférieur portent des
traces d’enchaînement. Ce qui ne dit encore rien de l’époque où cette opéra-
tion est intervenue et du dépôt qui l’accueillit. En conséquence, aucun élément
objectif ne permet d’affecter le manuscrit Paris, BNF, lat. 16608 à la biblio-
thèque commune. Le manuscrit Paris, BNF, lat. 15791 (xiiie s.), qui provient
du legs de Godefroid de Fontaines et qui fut enchaîné au vingt-cinquième
pupitre de la bibliothèque commune au début du second quart du xive siècle,
contient deux modestes extraits de l’Ethica dans les marges inférieures des
feuillets 80v et 89v191. Sa contribution à la réception du commentaire alberti-
nien est pour ainsi dire insignifiante.
L’un d’entre eux a été emprunté à une seule reprise, entre 1427 et 1445,
par un dénommé magister Bernardus192. Le manuscrit était conservé dans la
parva libraria. Ces faits corroborent le constat formulé par Zénon Kaluza : au
xve siècle, les ouvrages d’Albert le Grand sont fort peu empruntés, sinon fort
peu lus, au collège de Sorbonne193.
Le commentaire sur l’Éthique de Louis Ber ignore pareillement les commen-
taires albertiniens. Or le sociétaire du collège de Sorbonne était sensible à
l’Expositio super libros Ethicorum de Gauthier Burley. Ce dernier peut être consi-
déré comme un puissant vecteur de la pensée albertinienne. Albert de Saxe
et Donato Acciaiuoli parmi d’autres prennent connaissance de l’Ethica par le
truchement de l’Expositio194. Louis Ber n’est pas en reste : il ponctue volontiers
201. Voir à titre d’exemples les listes d’emprunts de Jean Germain : Le registre de prêt de la biblio-
thèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 68, 5, p. 291 (12 juillet 1424) et 15, p. 292 (24 avril 1425)
pour le Textus Aristotelis (il s’agit de deux exemplaires distincts) et 14, p. 292 (13 avril 1425) pour
le commentaire thomasien, et d’Alard Palenc : ibid., no 77, 48, p. 315 (7 mai 1432) pour le Textus
Aristotelis et 6, p. 312 (24 octore 1428) et 35, p. 314 (7 octobre 1431) pour le commentaire tho-
masien (il s’agit de deux exemplaires distincts, voir supra n. 131). Il n’est pas rare que l’Éthique
et le commentaire de Thomas d’Aquin soient empruntés le même jour. Voir ibid., no 91, 8-9,
p. 351, et 20-21, p. 352 (respectivement les 18 août et 26 décembre 1441 pour Ursin Thibout ;
il s’agit les deux fois d’exemplaires distincts) et no 120, 43-44, p. 456 (13 décembre 1473 pour
Jacques Bacler).
202. D. A. Lines, « Sources and Authorities for Moral Philosophy in the Italian Renaissance »,
art. cité, p. 21.
203. M. Grabmann, Forschungen über die lateinischen Aristoteles-Übersetzungen des XIII. Jahrhunderts,
p. 251 (Ergänzungen und Berichtigungen) ; Id., Der lateinische Averroismus des 13. Jahrhunderts
und seine Stellung zur christlichen Weltanschauung. Mitteilungen aus ungedruckten Ethikkommentaren,
Munich, 1931, p. 68. G. Heidingsfelder, Albert von Sachsen, op. cit., p. 98, renvoie explicite-
ment à M. Grabmann.
204. R.-A. Gauthier, L’Éthique à Nicomaque, op. cit., I-1, p. 122-124 (cit. p. 124).
205. B. Sère, Penser l’amitié au Moyen Âge, op. cit., p. 49 (où il est question d’Albert le Grand
et de Thomas d’Aquin) et 60 (cit.) ; M. Dreyer, « Die Aristoteles-Rezeption und die Ethik-
Konzeption Alberts des Großen », p. 307 (cit.). D. A. Lines, Aristotle’s Ethics in the Italian
Renaissance, op. cit., p. 164 surestime pareillement la fortune des deux commentaires alberti-
niens en Italie. Aucun n’égale celle du commentaire de Guiral Ot, par exemple, dont l’impor-
tance est pourtant qualifiée de moyenne (middling importance). Voir ibid., p. 165. Pour une appré-
ciation de l’influence contrastée des commentaires sur l’Éthique d’Albert le Grand et de Thomas
d’Aquin en Italie à la fin du Moyen Âge, voir L. Cova, « Felicità e beatitudine nella Sententia Libri
Ethicorum di Guido Vernani da Rimini », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale, 17,
2006, p. 363-404 (en part. p. 379 n. 57).
206. I. Costa, « Il problema dell’omonimia del bene nell’esegesi dell’Etica Nicomachea ( 1300-
1345 ca.) », art. cité, p. 454-455.
207. Id., « L’Éthique à Nicomaque à la faculté des Arts de Paris avant et après 1277 », Archives
d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 79, 2012, p. 71-114 (ici p. 79-80, 86-92 et 102-104).
L’auteur reprend diverses hypothèses énoncées par R.-A. Gauthier, « Trois commentaires
“averroïstes” sur l’Éthique à Nicomaque », ibid., 22-23, 1947-1948, p. 187-336 (en part. p. 334
et n. 2 au sujet de la postérité de Thomas d’Aquin), qui adopte une position plus équilibrée au
sujet des héritages d’Albert et de Thomas, sinon promeut la primauté de celui d’Albert, sur la
« famille des Commentaires “averroïstes” sur l’Éthique à Nicomaque ».
208. Ibid., p. 273 n. 1 (à propos des Questiones supra decem libros Ethicorum de Gilles d’Orléans).
209. I. Costa, « Le théologien et l’Éthique à Nicomaque. Sur les usages théologiques de la
morale aristotélicienne au xive siècle », Médiévales, 63, 2012, p. 75-89. Cette contribution ne
nous convainc pas tout à fait, en raison notamment de la labilité des notions de « théologie » et
« théologiens », de leur adéquation plus ou moins nette avec l’œuvre de Thomas d’Aquin et en
définitive de la proximité de certains de ces commentaires avec l’Ethica d’Albert le Grand. Pour
ce dernier point, voir ibid., p. 79 (à propos de la seconde rédaction du commentaire de Raoul le
Breton) et 84 (à propos de Gui Terrena).
210. S.-T. Bonino, « Le thomisme parisien au xve siècle », Revue thomiste, 107, 2007, p. 625-
653 (en part. p. 637-638), et infra p. 178-179. Ailleurs Jean Le Tourneur adopte des positions
albertiniennes. Voir E. P. Bos, « John Versor’s Albertism in his Commentaries on Porphyry and
the Categories », dans Chemins de la pensée médiévale, op. cit., p. 47-78. Pour une synthèse de l’in-
fluence intellectuelle des théories éthiques d’Albert le Grand, voir J. Müller, Natürliche Moral
und philosophische Ethik bei Albertus Magnus, op. cit., p. 378-392.
211. G. Heidingsfelder, Albert von Sachsen, op. cit., p. 95-98 ; R. Saarinen, « Weakness of
Will in the Renaissance and the Reformation », dans Das Problem der Willensschwäche in der mitte-
lalterlichen Philosophie, T. Hoffmann, J. Müller et M. Perkams, éd., Louvain-Paris-Dudley,
2006, p. 331-353 (ici p. 334-336).
n’ont aucun égard au fait que l’Église catholique avait approuvé la doctrine
d’Aristote. En effet, nul étudiant ne pouvait obtenir un grade universitaire à la
faculté des arts, sinon en jurant d’avoir assisté aux cours sur ces livres, encore
que, évidemment, il ne contredisait pas Aristote, pour autant qu’Aristote ne soit
pas incompatible avec la foi. Car, assurément, si ses paroles sont convenable-
ment examinées, il n’est alors aucunement contraire à la foi […]216.
Parmi les propositions énoncées par Jean de Maisonneuve, l’interprétation
erronée des textes d’Aristote, l’affranchissement à l’égard des autorités et la
violation des règlements universitaires ou ecclésiastiques alimenteront long-
temps encore l’argumentaire des réalistes217.
Le texte et la carrière de Jean de Maisonneuve témoignent aussi, et peut-être
surtout, de la mutation dont la faculté des arts est le théâtre au tournant du
xve siècle, en d’autres termes le déclin de l’école buridaniste et le triomphe
imminent du courant réaliste 218. Rénovateur de l’albertisme et chef de file
des modistes à Paris, Jean de Maisonneuve professa en effet dans la rue de
Fouarre à partir de 1395-1397. Parmi ses continuateurs, on ne compte guère
que Lambertus de Monte, étudiant en théologie et sociétaire du collège de
Sorbonne219. Quelques faits viennent corroborer cette appréciation : les
sources émanées de l’université de Cologne220, la désaffection des derniers
216. Le témoignage du Commentum aureum de Jean de Maisonneuve (peu après 1405), rénovateur
de l’albertisme et chef de file des modistes à Paris, est reproduit et commenté dans Z. Kaluza,
Les querelles doctrinales à Paris. Nominalistes et réalistes aux confins du xive et du xve siècles, Bergame,
1988, p. 99-105 (texte latin p. 116 n. 47 ; trad. fr. p. 99) ; Id., « Les débuts de l’albertisme tar-
dif », art. cité, p. 210 sq. et 232 n. 14 (quelque peu plus nuancé). Sur la datation du Commentum
aureum, voir Id., Les querelles…, op. cit., p. 91 et 111 n. 17. Selon L. Bianchi, l’allusion au statut
édicté le 5 juin 1366 par Urbain V serait à peine voilée dans le passage cité. Voir Id., Censure et
liberté intellectuelle, op. cit., p. 162 et 310 n. 129.
217. Voir M. J. F. M. Hoenen, « “Secundum vocem concordare, sensu tamen discrepare”. Der
Streit um die Deutung des Aristoteles an der Universität Ingolstadt im späten 15. und frühen
16. Jahrhundert », dans Politischer Aristotelismus und Religion in Mittelalter und Früher Neuzeit,
A. Fidora, J. Fried, M. Lutz-Bachmann et L. Schorn-Schütte, éd., Berlin, 2007,
p. 67-87.
218. Z. Kaluza, Les querelles doctrinales à Paris, op. cit., p. 100 ; Id., « Les débuts de l’albertisme
tardif », art. cité, en part. p. 207, 211 et 214.
219. M. Meliadò et S. Negri, « Neues zum Pariser Albertismus des frühen 15. Jahrhundert.
Der Magister Lambertus de Monte und die Handschrift Brussel, Koninklijke Bibliotheek, ms.
760 », Bulletin de philosophie médiévale, 53, 2011, p. 349-384 (ici p. 354-359). Les annotations
apposées dans les marges de son commentaire des Sentences après 1423 circonscriraient « d’une
certaine manière les frontières d’une tradition académique », une « tradition albertiste propre à
l’université de Paris ». Voir ibid., respectivement p. 372 (nous soulignons) et 366.
220. Pour le détail, voir Z. Kaluza, « Les étapes d’une controverse. Les nominalistes et les réa-
listes parisiens de 1339 à 1482 », dans La controverse religieuse et ses formes, A. Le Boulluec, éd.,
Paris, 1985, p. 297-317 (ici p. 306-307 et n. 19-20). Il s’agit respectivement du protocole d’une
réunion du 1er octobre 1414 et de la réponse de l’université au prince électeur de 1425.
221. Pour le détail, voir Z. Kaluza, « Le De universali reali de Jean de Maisonneuve et les epicuri lit-
terales », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie, 33, 1986, p. 469-516 (ici p. 494 et n. 56).
Il n’est pas à exclure que l’un d’entre eux, en l’occurrence Jean Dorp, qui a quitté la capitale en
1403, ait été visé dans la critique du nominalisme formulée dans le De universali reali, dont la
rédaction se situe entre 1406 et 1418. Voir ibid., p. 506.
222. B. Michael, Johannes Buridan, op. cit., p. 328 et n. 130.
223. Sur la foi d’indications explicites, 5 témoins des Quaestiones in libros Ethicorum de Jean
Buridan proviennent ou ont transité par Paris. Outre les 2 témoins légués au collège de
Sorbonne (Paris, BNF, lat. 16128 et 16129, voir supra p. 148-150), il s’agit des mss Chartres, BM,
283 (1381 et 1389), Paris, Bibliothèque Mazarine, 3515 (1385) et Reims, BM, 889 (fin xive s.).
Faute de place, nous renonçons à détailler leur description. Voir B. Michael, Johannes Buridan,
op. cit., respectivement p. 834-835, 847-848 et 852-853. Aucun n’est postérieur au tournant
du xve siècle. L’affirmation selon laquelle le manuscrit Paris, BNF, lat. 17831 (xive s.) serait
attesté au collège de Navarre dans les années 1380 est infondée. Voir J.-B. Korolec, « Le com-
mentaire de Jean Buridan sur l’Éthique à Nicomaque et l’université de Cracovie dans la première
moitié du xve siècle », Organon, 10, 1974, p. 187-208 (ici p. 191 et n. 43) ; B. Michael, Johannes
Buridan, op. cit., p. 326-327 et n. 124, 825 et 856. Exempt de mentions « hors la teneur », son
origine et son histoire sont tout bonnement inconnues.
224. L. Bianchi, « Un commento “umanistico” ad Aristotele », art. cité, p. 53 ; D. A. Lines,
Aristotle’s Ethics in the Italian Renaissance, op. cit., p. 166 et n. 51 ; Id., « Sources and Authorities
for Moral Philosophy in the Italian Renaissance », art. cité, p. 17. Dans une lettre adressée au
professeur siennois et commentateur de l’Éthique, Francesco Casini, datée de 1404, Coluccio
Salutati compte Jean Buridan au nombre des principaux commentateurs de la philosophie
morale du Stagirite, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il était entré en possession
d’un exemplaire de son commentaire. Voir L. Bianchi, « Un commento “umanistico” ad
Aristotele… », art. cité, p. 53-54 ; D. A. Lines, Aristotle’s Ethics…, op. cit., p. 111 et n. 1. Sur le
commentaire de l’Éthique de Francesco Casini (v. 1340-v. 1410), qui est aujourd’hui perdu, voir
ibid., en part. no 24, p. 482.
225. B. Michael, Johannes Buridan, op. cit., p. 328.
226. Dans une littérature abondante, voir S. Müller, « Wiener Ethikkommentare des 15.
Jahrhunderts », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale, 17, 2006, p. 445-467 (en part.
p. 452 : Dies hat zu der zutreffenden Bemerkung geführt, dass in Wien im 15. Jahrhundert Buridan den
Aristotelestext praktisch ersetzt hat).
227. Le catalogue de la faculté des arts de l’université de Cologne est édité dans H. Keussen,
« Die alte Kölner Universitätsbibliothek », Jahrbuch des Kölnischen Geschichtsvereins E. V., 11, 1929,
p. 129-190 (ici Anlage I, p. 163-183). Sur le commentaire de Jean Buridan, voir p. 169 (V, 16),
173 (VIII, 31), 174 (IX, 12) et 180 (XIII, 8) ; d’Albert le Grand, voir p. 166 (II, 18) et 176 (X, 7), les
deux fois sans précision quant au commentaire dont il s’agit ; de Thomas d’Aquin, voir p. 176
(X, 2), et de Gauthier Burley, voir p. 173 (VIII, 33) ; et le Textus Aristotelis, voir p. 176 (X, 14) et
177 (X, 24).
228. Au ms. Paris, Bibliothèque Mazarine, 3515 qui est attesté au collège de Navarre au
xvie siècle, on ajoutera les exemplaires mentionnés dans les catalogues de bibliothèque du
collège de Dormans-Beauvais (vers 1380-1382) et de l’abbaye de Saint-Victor (1514), et dans le
testament de Guillaume Vauchis, dressé le 1er septembre 1414, destiné à la libraria theologorum
du collège de Maître Gervais. Voir respectivement É. Pellegrin, « La bibliothèque de l’ancien
collège de Dormans-Beauvais », art. cité, nº 87, p. 14 ; G. Ouy, Les manuscrits de l’abbaye de Saint-
Victor. Catalogue établi sur la base du répertoire de Claude de Grandrue (1514), I, Turnhout, 1999, p. 583
(LLL 16), et K. Rebmeister-Klein, Les livres des petits collèges à Paris aux xive et xve siècles, op. cit.,
p. 694 (no 12).
229. Sur les « nominalistes » cités dans l’ordonnance du 1er mars 1474, voir Z. Kaluza, « La
crise des années 1474-1482 : l’interdiction du nominalisme par Louis XI », dans Philosophy and
Learning, op. cit., p. 293-327 (ici p. 307-308) ; W. J. Courtenay, « Was There an Ockhamist
School? » [1995], dans Id., Ockham and Ockhamism, op. cit., p. 371-401 (ici p. 371-374).
L’archive
La bibliothèque commune du collège de Sorbonne constitue donc un pré-
cieux indicateur de la fortune des commentaires sur l’Éthique à Nicomaque à la
fin du Moyen Âge et à la Renaissance. Mais il y a plus. Les versements suc-
cessifs de quelques-uns des principaux d’entre eux témoignent de l’assimila-
tion de la philosophie morale d’Aristote à l’université de Paris. Égrenant des
noms d’auteurs et des titres d’œuvres, les sources relatives à la bibliothèque
commune ne pallient pas seulement l’absence de programmes universitaires ;
elles dessinent les contours d’une pratique, ou mieux : elles lèvent un coin
du voile du « système général d’archive dont il[s] relève[nt]232 ». L’« archive »,
telle qu’elle est conçue par Michel Foucault, articule des institutions, en
l’occurrence le collège de Sorbonne et la faculté des arts, qui confèrent aux
discours leur autorité et une mémoire233. Ce que la bibliothèque commune
transmet, ce ne sont donc pas des effigies ou des postures individuelles, c’est
une mémoire et un élan collectifs, pour paraphraser Alain de Libera234.
Indescriptible dans sa totalité, l’archive « se donne à voir par fragments,
régions et niveaux235 ». La bibliothèque du collège dit de la « Petite Sorbonne »
et les commentaires issus du cours communs sur l’Éthique à Nicomaque, qui
entretiennent tout deux d’étroites relations avec la faculté des arts236 et le col-
230. Sur le commentaire de Pierre Foliot et le Textus Ethicorum, voir Z. Kaluza, « Les cours com-
muns sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 168-171. Sur le Textus, voir de surcroît A. Pelzer,
« Les versions latines des ouvrages de morale conservés sous le nom d’Aristote en usage au
xiiie siècle », Revue néo-scolastique de philosophie, 23, 1921, p. 378-412 (ici p. 406-407) [repris
dans Id., Étude d’histoire littéraire sur la scolastique médiévale, op. cit., p. 120-187 (ici p. 180-181)].
231. Voir supra p. 159-160, 164 et 169-170. Nous reviendrons ailleurs plus en détail sur ces deux
commentaires.
232. Sur la notion d’« archive », voir M. Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, 1 969,
p. 169-173.
233. D. Maingueneau, L’analyse du discours. Introduction aux lectures de l’archive, Paris, 1992,
p. 22-24 ; P. Charaudeau et D. Maingueneau, éd., Dictionnaire d’analyse du discours, Paris,
2002, en part. p. 62 (D. Maingueneau).
234. A. de Libera, Penser au Moyen Âge, op. cit., p. 67.
235. M. Foucault, L’archéologie du savoir, op. cit., p. 171.
236. Pour la bibliothèque, voir C. Angotti, « Mort et vie du collège dit de la ‘Petite Sorbonne’ »,
art. cité, p. 177 (à propos d’une délibération du collège de Sorbonne qui évoque la libraria parve
Serbone artistarum en 1438).
237. Paris, BNF, lat. 16090, f. 61ra-108rb. Sur ce ms., voir supra p. 142 sq., et C. Angotti, « Mort
et vie du collège dit de la “Petite Sorbonne” », art. cité, no 14, p. 197. Jusqu’au début du livre III,
au moins deux scribes ont joint un commentaire au texte d’Aristote qui s’autorise nommément
d’Eustrate de Nicée (f. 61r-v). Un second exemplaire de la traduction de Robert Grosseteste
provenant de la bibliothèque du collège dit de la « Petite Sorbonne » est mentionné dans Le
registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 200, 18, p. 528. Voir Z. Kaluza,
« Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 157-158 ; C. Angotti, « Mort
et vie… », art. cité, p. 184 et n. 51. Il a été emprunté encore à deux reprises en 1470 par Jean de
Lapide et en 1473 par Jacques Bacler, les deux fois sans que la provenance soit précisée. Voir
Z. Kaluza, « Les cours communs… », art. cité, en part. p. 158 n. 25.
238. Au moins deux exemplaires du commentaire thomasien sont attestés dans la bibliothèque
de la Parva Sorbona. Le premier est consigné dans le ms. Paris, BNF, lat. 16612, f. 54va-135rb
qui provient du legs d’Henri de l’Église, dont on ne sait rien. L’appartenance à la bibliothèque
de la Parva Sorbona est attestée à deux reprises, sur le contre-plat supérieur et au f. 165 sur un
grattage. Sur le legs d’Henri de l’Église, voir L. Delisle, Cabinet, II, p. 154 ; sur le ms. Paris,
BNF, lat. 16612, voir W. Senko, Repertorium, II, p. 74-75 ; V. Shooner, Codices manuscripti ope-
rum Thomae de Aquino, op. cit., III, no 2449, p. 321-322 ; C. Angotti, « Mort et vie… », art. cité,
p. 189 et n. 79 et 199 no 37. Le second est extrait de archa librorum parve Sorbone le 21 décembre
1427 et mis à la disposition d’un emprunteur anonyme qui sollicita en même temps le texte
d’Aristote d’après Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 200, 18, p. 528.
Voir C. Angotti, « Mort et vie… », art. cité, p. 184 et n. 52. Il ne correspond pas au ms. précité.
239. Voir supra p. 148-149 au sujet du ms. Paris, BNF, lat. 16128.
240. Voir supra p. 142 sq. au sujet du ms. Paris, BNF, lat. 16090.
241. Voir supra n. 231.
242. Pour le détail, voir supra p. 156-157.
243. Sur l’« aristotélisme chrétien », voir S. Swiezawski, « Les débuts de l’aristotélisme chré-
tien moderne », Organon, 7, 1970, p. 177-194 (en part. p. 191-194 ; cit. p. 180) ; S.-T. Bonino,
« Le thomisme parisien au xve siècle », art. cité, p. 634 sq. Notons toutefois que l’« orientation
vers Aristote » de l’Église est antérieure au milieu du xve siècle. Voir supra p. 129-130.
244. S.-T. Bonino, « Le thomisme… », art. cité, p. 636.
245. Sur le thomisme de Jean Le Tourneur, voir B. Sère, Penser l’amitié au Moyen Âge, op. cit.,
p. 347-364 (cit. p. 361).
246. Voir M. J. F. M. Hoenen, « Thomismus, Skotismus und Albertismus. Das Entstehen und
die Bedeutung von philosophischen Schulen im späten Mittelalter », Bochumer philosophisches
Jahrbuch für Antike und Mittelalter, 2, 1997, p. 81-103 (en part. p. 92-94) ; Id., « Late Medieval
Schools of Thought in the Mirror of University Textbooks. The Promptuarium argumentorum
(Cologne, 1492) », Philosophy and Learning, p. 329-369 (ici p. 330-334).
247. Z. Kaluza, « La crise des années 1474-1482 : l’interdiction du nominalisme par Louis XI »,
art. cité, p. 311-315.
248. B. Michael, Johannes Buridan, op. cit., p. 330.
249. Voir supra n. 97, 150 et 232.
250. Sur Gilles de Delft et son œuvre, voir H. Elie, « Quelques maîtres de l’université de
Paris vers l’an 1500 », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 25-26, 1950-1951,
p. 193-243 (ici p. 200) ; A. Renaudet, Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres
d’Italie (1494-1517), op. cit., p. 129-130 ; R.-A. Gauthier, L’Éthique à Nicomaque, op. cit., I-1,
p. 154 ; A. L. Gabriel, « Via antiqua and via moderna and the Migration of Paris Students
and Masters to the German Universities in the Fifteenth Century », dans Antiqui und Moderni.
Traditionsbewussstsein und Fortschrittsbewusstsein im späten Mittelalter, A. Zimmermann, éd.,
Berlin-New York, 1974, p. 439-483 (ici p. 454-455) ; J. K. Farge, « Gillis van Delft », dans
Contemporaries of Erasmus. A Biographical Register of the Renaissance and Reformation, op. cit., I, p. 382-
383 ; C. H. Lohr, Latin Aristotle Commentaries, op. cit., II, p. 124 ; T. Sullivan, Parisian Licentiates
in Theology, A.D. 1373-1500, op. cit., II, p. 192-195 ; L. Bianchi, « Renaissance Readings of the
Nicomachean Ethics », art. cité, p. 141.
251. Z. Kaluza, « Les cours communs sur l’Éthique à Nicomaque… », art. cité, p. 177.
252. E. Ornato, « Les humanistes français et la redécouverte des classiques », dans Préludes à
la Renaissance. Aspects de la vie intellectuelle en France au xve siècle, C. Bozzolo et E. Ornato, éd.,
Paris, 1992, p. 1-45 (ici p. 40-41).
253. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 147, p. 497-498.
254. M. Foucault, L’archéologie du savoir, op. cit., p. 171.
255. A. de Libera, La querelle des universaux. De Platon à la fin du Moyen Âge, Paris, 1996, p. 15.
Gilbert Fournier
CNRS-IRHT, Biblissima
ANNEXE
Le tableau qui suit résume les versements successifs des commentaires sur
l’Éthique à Nicomaque et des tables dans la bibliothèque commune du collège
de Sorbonne à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance. Pour ne pas alourdir
inconsidérément le tableau, nous nous contentons de la première mention
des commentaires dans le registre de prêt (entre 1425 et 1431). La dernière
ligne est consacrée à l’identification des manuscrits. Les informations conjec-
turales sont livrées entre parenthèses. Pour le détail, on se reportera au texte
qui précède.
Lat. 16110 in in
après 1391 magna magna
libraria libraria
Registre de (2.XI. (31.X. 2.XI.
prêt 1425) 1430) 1425
1425-1431
Catalogue (24.11) (24.11) (24.13) (24.13) (24.58) (24.15) (24.15) (24.61) (24.14) 24.17
après 1549 (24.12) (24.12) (24.18) (24.18) (24.19) (24.19)
1. C’est à l’invitation des organisateurs de la journée d’étude, et avec leur aide, que je me suis
livrée à cette mise au point sur ce qu’on pouvait savoir des manuscrits français du collège de
Sorbonne au début du xive s. ; sans leur soutien, je courais le risque de passer à côté de l’une ou
l’autre de ces traces infimes, en dépit des pages de L. Delisle sur les premières générations de
la bibliothèque (Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Étude sur la formation de ce dépôt
comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure, et du commerce des
livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, tome II, Paris, 1879, p. 142-199) et de P. Glorieux,
Aux origines de la Sorbonne, Paris, Vrin, 1966, et malgré la parution à point nommé de l’article
de G. Fournier actualisant nos connaissances sur les documents disponibles : « Listes, énu-
mérations, inventaires. Les sources médiévales et modernes de la bibliothèque du collège de
Sorbonne (Première partie : Les sources médiévales) », Scriptorium, 65/1, 2011, p. 158-216.
2. Nous citons ces documents d’après l’édition qu’en a donnée L. Delisle, Le Cabinet des manus-
crits…, op. cit., t. III, p. 9-114.
3. La bibliothèque du collège était scindée en deux : d’un côté, la parva libraria, bibliothèque
de prêt conservant en réalité la grande majorité des volumes ; de l’autre, la libraria communis,
bibliothèque commune, bibliothèque de travail, où les ouvrages considérés comme usuels
sont enchaînés sur des pupitres, devant lesquels les lecteurs peuvent venir les consulter et
prendre des notes. Il ne sera peut-être pas inutile de rappeler que la bibliothèque de Sorbonne
a été considérablement enrichie au xviie siècle de l’héritage du cardinal de Richelieu, puis est
entrée, à la période révolutionnaire, dans les fonds de la Bibliothèque nationale. On évitera
toute confusion entre les manuscrits disponibles aujourd’hui dans le fonds de la bibliothèque
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
de l’université de la Sorbonne et ceux du collège médiéval (sauf retour tout à fait fortuit au terme
de longues pérégrinations). Sur toutes ces questions, nous renvoyons à L. Delisle, Le Cabinet
des manuscrits, op. cit., et à A. Franklin, Les anciennes bibliothèques de Paris. Églises, monastères, col-
lèges, etc., Paris, Imprimerie impériale, 1867, t. I, p. 221-318.
4. L. Delisle, Le cabinet des manuscrits, op. cit., t. III, p. 71.
5. Ibid., p. 107.
6. Aucun des manuscrits de Raymond Lulle répertoriés n’est signalé comme écrit en catalan ;
ceux aujourd’hui identifiés sont latins, et les seuls incipit donnés par les catalogues le sont
également.
7. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, 1402-1536. Diarium Bibliothecae Sorbonae,
Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 3323, J. Vielliard et M.-H. Jullien de Pomerol, éd., Paris,
CNRS Éditions, 2000 (Histoire des bibliothèques médiévales, 57).
8. G. Fournier, « Livre après livre. Un catalogue inédit de la bibliothèque du collège de
Sorbonne (milieu xvie siècle) », Scriptorium, 67/1, 2013, p. 185-217.
Même ainsi, on ne peut être sûr d’avoir tout glané : faut-il rappeler que
l’inventaire général ne fournit le titre et l’incipit-repère que si le manuscrit
était présent dans la bibliothèque de prêt au moment de la rédaction en 1338,
c’est-à-dire ni enchaîné dans un autre dépôt de livres ni prêté ; le catalogue
double de la bibliothèque commune fournit systématiquement le titre et l’in-
cipit. Toutefois, comme nous le verrons, il n’est pas certain que ce dernier ait
relevé absolument tous les textes de chaque volume.
9. G.d. Hystoria Josaphat abbreviata. Fuit in India rex (L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit.,
t. III, p. 106), Vita beati Pauli primi heremite. Inter multos sepe dubitatum est, ainsi que de nombreuses
vies de saints, et les Vitae Patrum (ibid.), Item miraculum de resuscitato et aliud desperato in morte secun-
dum Bedam in gestis Anglie (ibid.), etc. Pour le détail, voir P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne,
op. cit., I, p. 253-254.
10. Voir la reproduction de cette page à l’adresse : http://gallica.bnf.fr/ark :/ 1 2 1 48/
btv1b9009472z/f107.image.r=24402 (consultation en date du 11/12/2013).
croiz. » Ce n’est pas un des livres in gallico. Il ne trouve pas non plus place dans
la rubrique que le catalogue méthodique réserve aux Libri Raymundi philosophi
barbati11…, ce qui nous incite à rester prudente quant à l’exhaustivité du cata-
logue raisonné. Le livre est encore enchaîné dans la libraria nova au xvie siècle,
désigné sous le titre de « Roman des cinq estatz »12.
Il reste donc un livre enchaîné en français sans correspondance dans l’in-
ventaire général.
À ces premiers éléments, il convient d’ajouter des textes français mention-
nés dans l’inventaire en dehors de la rubrique dédiée aux Libri in gallico, tels un
algorismus in gallico13 et une géométrie (cote B.b.)14 ou encore un traité ophtal-
mique (B.f.)15. Nous y reviendrons.
Le registre de prêt
Quels enseignements peut-on tirer du registre de prêt ? Bien peu, à dire vrai,
si ce n’est qu’un certain Jacobus Berthelemy emprunte au début du xvie siècle
deux volumes en français. Du premier, nous sommes condamnés à ne jamais
savoir grand-chose si ce n’est qu’il est en français16. Du second, nous avons la
chance que le registre donne le titre, les incipit- et explicit-repères : en 1501,
Jacobus Berthelemy recipit quendam librum et commentum in gallico « De quinque
precibus Cristi »17. L’incipit-repère en est : « Jhesu Crist homme et Dieu » ; l’ex-
plicit-repère – tel que transcrit par le bibliothécaire –, « nos greigneur leri ».
Nous avons pu identifier le volume, qui nous est d’ailleurs déjà bien connu ; il
n’est autre que la copie d’Evast et Blaquerne conservée dans le manuscrit Paris,
11. L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., t. III, p. 114 : B.e. Liber Raymundi philosophi de
disputatione fidelis contra infidelem. deus omnipotens cujus nomen benedictum in eternum. Item com-
pendium artis demonstrative ejusdem Quoniam omnis sciencia est de universalibus ut per ia sciamus.
Item de commendacione antiquorum sapientum et artificum et de compoto. Testante Vegecio.
/// Ah. Liber Raymondi de adventu Messye. Duo viri mire sciencie. Ejusdem compendium de arte
medicine. Cum super quodam altissimo. De arte jure compendium. Quoniam vita homini svrevis.
Liber amici et amati Blaquerna igitur insistebat.
12. Voir G. Fournier, « Livre après livre », art. cité, p. 199.
13. « Algorismus in gallico. Ceste science » (L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., t. III,
p. 88).
14. « Item alia practica geometrie in gallico. Nous commençons » (ibid., p. 90)
15. « Item alius tractatus de eodem in gallico. Contre toute maladies » (ibid., p. 91), après la men-
tion contra infirmitates oculorum tractatus.
16. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., no 163, 37, p. 520.
17. Ibid., n, 26, p. 519. Les éditeurs du registre de prêt placent un sic après le titre. D’un point de
vue strictement grammatical, il n’est pourtant pas nécessaire, et l’on aurait très bien pu dispo-
ser d’un texte sur « cinq prières du Christ », de même que circulent dans les livres d’heures de
nombreuses copies des « Sept paroles du Christ en croix ».
BNF, fr. 24402. Par un curieux glissement, les plagis qui traduiraient le début
du texte français (« En senefiance des.v. plaies que Nostre Sires Dieus Ihesu
Criz reçut en la sainte vraie croiz ») sont devenues des precibus. Le haut du
feuillet 2 a subi également une déformation (la leçon exacte est « Jhesu Crist
honoré Dieu »), de même que le haut du recto de l’avant-dernier feuillet, dont
le « nous gregnieur l’en » n’a pas davantage été correctement lu. Ces petites
erreurs de déchiffrage n’en permettent pas moins de reconnaître en Evast et
Blaquerne le manuscrit emprunté par Berthelemy. Tout est bien ou presque,
car faut-il rappeler qu’en 1338 le manuscrit fr. 24402 est enchaîné dans la
bibliothèque commune et le sera encore dans la libraria nova du xvie siècle ? La
mention d’emprunt est accompagnée de la formule item restituit clavigero, qui
rend compte de la restitution de l’ouvrage emprunté, sans nulle preuve quant
à sa place dans le fonds.
Les ex-libris
À ces témoignages aléatoires et souvent imprécis des documents de biblio-
théconomie, on peut enfin adjoindre le manuscrit Paris, BNF, fr. 24276, iden-
tifié comme un manuscrit du collège de Sorbonne par L. Delisle grâce à ses
anciennes cotes18, et le renvoi à la 74e entrée des Libri quadriviales de l’inventaire
général, entrée où il était simplement noté manquant. D’autres trouvailles
surgiront peut-être à l’avenir de recherches en bibliothèques. En attendant
des preuves décisives, nous aimerions ajouter à notre réflexion deux manus-
crits du xiiie siècle actuellement à la Bibliothèque nationale et provenant à
une date indéterminée du collège de Sorbonne : les manuscrits Paris, BNF,
fr. 24766, manuscrit anglo-normand contenant une traduction des Dialogues
de saint Grégoire19, et Paris, BNF, fr. 24870, recueil bilingue « didactique »
embrassant des enseignements pieux, l’hagiographie et la science20.
18. Parmi les Libri quadriviales (L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., t. III, p. 69),
Léopold Delisle ne donne pas les raisons de ce rapprochement, qui se lisent sur le recto de la
page de garde du début, où sont notées les cotes modernes et contemporaines (900, 1265 et
1825) accompagnées de l’estampille de la bibliothèque du collège de Sorbonne. Voir la notice
de ce manuscrit rédigée par la section romane de l’IRHT (http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/
bpt6k1404673, consultation du 11/12/2013)
19. Il porte au f. 2r la cote Sorbonne 1382 (xixe s.), et aux f. 2r et 173v l’estampille du collège
de Sorbonne (voir http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/btv1b8452207n/f15.item.r=24766, consul-
tation du 05/02/2014) ; pour une analyse minutieuse, voir R. Orengo, Les dialogues de Grégoire le
Grand traduits par Angier, publiés d’après le manuscrit Paris, BNF fr. 24766, unique et autographe, Paris,
Société des anciens textes français, 2013.
20. À la p. 3 se lisent les cotes modernes et contemporaines (Sorbonne, 1682, 851 et 854) ;
les estampilles du collège sont portées aux p. 3 et 113 (voir http://gallica.bnf.fr/ark :/12148/
btv1b72000256/f5.item.r=24870, consultation du 05/02/2014).
21. Parmi les éditions disponibles, la plus accessible est celle, avec traduction, d’A. Strubel,
Paris, Livre de poche, 1992 (Lettres gothiques).
Le Livre roiaus des vices et des vertus est un titre très courant pour désigner un
autre bestseller de la littérature française médiévale, la Somme le Roi de frère
Laurent, confesseur royal dominicain24. Parfois en recueil, l’œuvre a aussi
amplement circulé seule. C’est le cas dans le manuscrit Paris, BNF, fr. 24780,
et sans doute aussi de A.n., qu’il s’agisse ou non d’un seul et même volume.
Evast et Blaquerne est également bien connu. Il s’agit d’une traduction ano-
nyme de l’œuvre de Raymond Lulle, traduction faite non sur l’original cata-
lan, mais sur un intermédiaire occitan. Notons pour mémoire que le volume
provient du legs d’un fidèle soutien de Raymond Lulle, Pierre de Limoges25,
qui d’après les spécialistes ne saurait toutefois être l’auteur de la traduction,
22. Ce calcul, qui ne cherche à donner qu’un ordre de grandeur, a été fait à partir des témoins
enregistrés dans la base Jonas (M.-L. Savoye, notice de « Roman de la rose, Guillaume de
Lorris et Jean de Meun » dans la base Jonas-IRHT/CNRS [permalink : http://jonas.irht.cnrs.fr/
oeuvre/3970]. Consultation du 11/12/2013).
23. Nous n’avons pas pu voir le manuscrit avant la publication de notre communication. La
description disponible sur Internet ne relève pas d’ex-libris du collège de Sorbonne : http://
corsair.morganlibrary.org/msdescr/BBM0372a.pdf, consultation du 11/12/2013.
24. La Somme le Roi par Frère Laurent, É. Brayer et A.-F.Leurquin, éd., Paris, Société des anciens
textes français, 2008 ; A.-F. Leurquin et A. Sulpice, notice de « Somme le Roi, Laurent
(frère) » dans la base Jonas-IRHT/CNRS (permalink : http://jonas.irht.cnrs.fr/oeuvre/2201 ;
consultation du 11/12/2013).
25. Sur le legs de Pierre de Limoges, voir L. Delisle, Le cabinet des manuscrits, t. II, p. 142-208 ;
R. H. Rouse, « The Early Library of the Sorbonne », Scriptorium, 21, 1967, p. 42-71 et 227-251,
part. p. 227.
26. Voir R. Brummer, « Zu einer frühen französischen Ubersetzung des katalanischen Libre
de Blaquerna von Ramon Lull », dans Interlinguistica. Sprachvergleich und Übersetzung. Festschrift
zum 60. Geburtstag von Mario Wandruszka, Tübingen, Max Niemeyer, 1971, p. 639-647. Édition
du texte en ancien français par A. Llinarès, Raymond Lulle. Livre d’Evast et de Blaquerne, Paris,
Presses universitaires de France, 1970.
27. Nous renvoyons à la notice détaillée dans D. Stutzmann et P. Tylus, Les manuscrits médié-
vaux français et occitans de la Preussische Staatsbibliothek et de la Staatsbibliothek zu Berlin preussischer
Kulturbesitz, Wiesbaden, Harrassowitz, 2007, p. 253-254.
28. « Par grace du souverain Seigneur qui est adrecement, lumiere et parfection de toutes
choses, s’apensa Evast que tens estoit que il entrast en relygion… » (citation d’après Paris, BNF,
fr. 24402)
Le Romantium quod incipit « Miserere mei Deus » est le Roman de miserere du Reclus
de Molliens, daté de 123031. Il s’agit d’un long poème moral en strophes héli-
nandiennes. Contrairement à l’hypothèse formulée pour les œuvres précé-
dentes, il convient ici d’envisager plutôt un recueil de plusieurs textes, dont
seul le premier serait décrit dans le catalogue méthodique. Sur 34 manuscrits
médiévaux transmettant le Miserere, 28 sont des volumes à textes multiples32 ;
le long poème du Reclus de Molliens y est le plus souvent accompagné de son
œuvre sœur, le Roman de carité. On ne s’étonnera pas qu’il s’agisse de recueils
plus didactiques que littéraires, une didactique au sens large qui couvre aussi
bien la spiritualité que les savoirs du quadrivium.
Avec les Precepta de date Moysi, nous voici confrontés à une véritable énigme,
ne serait-ce qu’en raison du problème morphosyntaxique posé par le titre
apparaissant dans le catalogue : date ne saurait être un ablatif ; y aurait-il une
lacune dans le titre, lacune d’un ablatif et du substantif d’un complément
du nom dont date, génitif, serait le participe ? Nous pensons bien entendu à
legis date Moysi. Devant cette impasse morphosyntaxique, nous avons fait le
choix d’oublier un instant les documents « fiables » et de suivre la piste d’une
flânerie littéraire. Le terme de precepta et le nom de Moïse évoquent en effet
un recueil pieux conçu à Paris, sans doute pour la comtesse de Saint-Pol,
Marie de Bretagne, au premier tiers du xive siècle. La critique le dénomme
Legiloque, du titre du premier élément du recueil, un commentaire des Dix
Commandements, dont l’ouverture est : « Audi Israel precepta et judicia que doceo
te, ut faciens ea vivas (Deuteronomii IIII). Ceste parole dist Nostre Seigneur a
son peuple par Moyse son deciple. » Cet incipit peut-il avoir inspiré l’étrange
37. R. et M. Rouse, « French Literature and the Counts of Saint-Pol ca. 1178-1377 », Viator 41/1,
2010, p. 101-140 ; A. Sulpice, « L’histoire de la fondation de l’ordre des Chartreux dans deux
récits anonymes français du xive siècle : Le Tombel de Chartrose et le Legiloque », dans Les Chartreux
dans l’Europe médiévale et moderne : histoire, spiritualité et liturgie, communication faite au colloque
international de Liège (6-7-8 octobre 2010), organisé par F. Timmermans, à paraître dans la
série Studia cartusiana aux éditions Peeters à Louvain, 2014.
38. Trois copies datent des décennies 1320-1350 : Chantilly, bibliothèque du château, 137 ;
Paris, BNF, fr. 1136, et Paris, BNF, naf. 4338 ; la dernière, qui intègre de nouveaux textes, est du
xve s. (Chantilly, bibliothèque du château, 138).
39. A. Birkenmajer, « Henri Bate de Malines, astronome et philosophe du xiiie siècle »
(1923), dans Études d’histoire des sciences et de la philosophie du Moyen Âge, t. I, Cracovie, 1970,
p. 105-115.
40. G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », la Libraria communis du collège de Sorbonne, xiiie-
xve siècle, thèse de l’École pratique des hautes études, Paris, 2007, p. 253-256.
41. Notons simplement que le catalogue méthodique indique comme incipit « ceste science »,
alors que les deux témoins conservés donnent « ceste segnefiance ».
42. Pour une reconstitution du volume B.b., voir P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, op. cit.
t. I, p. 249.
43. Les Dialogues viennent d’être édités par R. Orengo, Les dialogues de Grégoire le Grand, op. cit.
44. B.b. qui contient l’algorithme a entre autres un liber de spera de Johannis de Bosco, une
theorica planetarum dont l’incipit est circulus excentricus dicitur… Nous avons donné plus haut une
grande partie du contenu de B.f.
45. Nous citons la traduction publiée par Armand Strubel, op. cit., p. 881-883.
47. Voir « Notice de Paris, Bibliothèque nationale de France, Manuscrits, fr. 0 1444 » dans la
base Jonas-IRHT/CNRS (permalink : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/45609 ; consultation
du 07/02/2014).
48. Voir M.-L. Savoye, « Notice de Paris, bibliothèque de l’Arsenal, 3 142 » dans la base
Jonas-IRHT/CNRS (permalink : http://jonas.irht.cnrs.fr/manuscrit/42943 ; consultation du
07/02/2014).
49. Sur la réception du premier, voir P.-Y. Badel, Le Roman de la rose au xives. Étude de la réception
de l’œuvre, Genève, Droz, 1980 ; sur les publics de la seconde, voir A.-F. Leurquin, « La Somme
le Roi : de la commande royale de Philippe III à la diffusion sous Philippe IV et au-delà », dans La
moisson des lettres : l’invention littéraire autour de 1300, Turnhout, Brepols, 2011, p. 195-212 (Texte,
Codex et Contexte).
parcours a montré que l’enquête menée sur les manuscrits pouvait encore
faire resurgir des volumes méconnus, et nous appelons de nos vœux les ins-
tants de chance qui permettront peut-être de réunir un jour l’ensemble de ce
menu mais signifiant fonds vernaculaire.
Marie-Laure Savoye
CNRS-IRHT
L e 1er juillet 1427, Jean Beert, socius du collège de Sorbonne (sans doute un
proviseur de la province d’Allemagne)1, emprunte la clé de la bibliothèque
pour la remettre à Jean Tinctor, alors hôte du collège, et deux manuscrits : une
Bible et un exemplaire de la deuxième partie du commentaire de saint Thomas
sur les Sentences2. Tinctor est un jeune et brillant théologien belge, né à Tournai
dans les premières années du xve siècle3. Immatriculé en 1423 à l’université
de Cologne, il est élu maître ès arts en 1426, puis, en 1433, doyen de la faculté
des arts. En 1442, il devient doyen de la faculté de théologie de l’université
allemande. Il occupe la charge de recteur, successivement en 1440, 1455 et
1456. Rentré à Tournai en 1457, il est nommé chanoine de la cathédrale et s’y
éteint quelques années plus tard, le 3 juin 14694.
Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne offre la pre-
mière attestation des liens que Jean Tinctor va entretenir avec le collège pari-
sien, tout en poursuivant sa carrière à Cologne. Ces liens vont se prolonger
pendant plusieurs années. D’après le registre de prêt, il a fréquenté, outre Jean
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
Beert, d’autres personnalités du collège. Jean Tinctor est aussi élu au rang
de socius, à une date que nous ignorons. Il est mentionné sous cette qualité
dans l’Ordo scriptorum sorbonicorum (Paris, bibliothèque de l’Arsenal, ms. 1228,
f. 458v)5, et surtout dans les ex-dono de deux manuscrits du xve siècle de la
Summa de bono d’Ulrich de Strasbourg, qu’il offrit au collège à la fin de sa vie,
en 1469. Ces volumes nous sont parvenus : ce sont les actuels Paris, BNF, latin
15900 et 159016.
Que signifie ce legs et que savons-nous, par ailleurs, des œuvres de Jean
Tinctor, ce représentant bien connu de la vie intellectuelle et doctrinale de
son époque ? En quoi a-t-il contribué au rayonnement international du col-
lège et à l’évolution des doctrines qui y sont enseignées ? Voici quelques-unes
des questions auxquelles je souhaiterais répondre, partant de l’étude que
M. Grabmann a consacrée à ce théologien et des recherches qui ont suivi7. Le
5. Pour une évaluation du témoignage offert par le ms. Arsenal 1228 sur les protagonistes
de la vie intellectuelle du collège à la fin du Moyen Âge, voir Z. Kaluza, Thomas de Cracovie.
Contribution à l’histoire du collège de Sorbonne, Wroclaw-Varsovie-Cracovie-Gdansk, 1978, surtout
p. 11-12 ; sur les sources pour l’histoire du collège, voir désormais G. Fournier, « Listes,
énumérations, inventaires. Les sources médiévales et modernes de la bibliothèque du collège
de Sorbonne », Scriptorium, LXIV, 2011, 1, p. 158-213 ; Id., « Livre après livre. Un catalogue iné-
dit de la bibliothèque du collège de Sorbonne », Scriptorium, LXVII, 1, 2013, p. 184-217.
6. Voici le texte des ex-dono : Paris, BNF, latin 15900, f. 1 : Iste liber est pauperum magistrorum et
scolarium collegii Sorbone in theologica / facultate Parisius studentium, ex legato magistri Johannis Tinctoris
doctoris Coloniensis et quondam socii huius domus de Sorbona ; latin 15901, f. 1v : Iste liber est paupe-
rum magistrorum et scolarum collegii Sorbone in theologica / facultate Parisii studentium ex legato magistri
Johannis Tinctoris doctoris in theologia Coloniensis et socii dicte domus de Sorbona qui obiit et in suo obitu
hoc volumen cum precedente legavit anno Domini 1469.
7. M. Grabmann, « Der belgische Thomist Johannes Tinctoris († 1469) und die Entstehung
des Kommentars zu Summa theologica des Hl. Thomas von Aquin », dans Studia medievalia
in honorem R. P. Raymundi Joseph Martin OP, Bruges, 1948, réimpr. dans Id., Mittelalterliche
Geistesleben. Abhandlungen zur Geschichte des Scholastik und Mystik, III, Munich, 1956 (réimpr.
Munich, Olms, 1983), p. 411-432. Les autres travaux ici consultés sont d’E. Van Valberghe,
« Les théologiens et la Vauderie au xve siècle. À propos des œuvres de Jean Tinctor à la biblio-
thèque de l’abbaye du Parc », dans Miscellanaea codicologica F. Masai dicata, II, Gand, 1979, p. 392-
411 ; Id., Les manuscrits médiévaux de l’abbaye du Parc, Bruxelles 1992, p. 123-153 (« Les œuvres du
théologien Jean Tinctor » ; désormais cité : « Les œuvres… »), et de F. Duval, « Jean Tinctor.
Auteur et traducteur des Invectives contre la secte de Vauderie », Romania, 117, 1999, p. 186-218, qui
donne, p. 187-188, note 3, le point le plus récent sur la bibliographie concernant notre per-
sonnage. Cependant, F. Duval ne cite pas ses relations avec le collège de Sorbonne, pas plus
qu’E. Van Valberghe. Z. Kaluza a consacré une brève note à Jean Tinctor dans son article
« Nouvelles remarques sur les œuvres de Gilles Charlier », Archives d’histoire doctrinale et littéraire
du Moyen Âge, 38, 1971, p. 149-191 (ici p. 176). En revanche Z. Kaluza ne fait aucune référence
à Jean Tinctor dans « Les débuts de l’albertisme tardif. Paris et Cologne », paru dans Albertus
Magnus und der Albertismus. Deutsche philosophische Kultur des Mittelalters, M. J. F. M. Hoenen et
A. de Libera, éd., Leyde-New York-Cologne, Brill, 1995, p. 207-242. J’ai cependant largement
parcours de Jean Tinctor, attesté dans au moins trois villes d’Europe, appa-
raît riche et complexe ; ses lectures et son œuvre, telles que nous avons pu
les retracer (voir la liste de ses œuvres en annexe I et la référence aux manus-
crits consultés et possédés, annexes II et III), renvoient à ses intérêts pour les
domaines de la théologie spéculative, de la pastorale et de la mystique.
L’universitaire
Après Jean Beert, le deuxième socius du collège auquel Tinctor s’adresse,
quelques mois plus tard, le 9 août 1428, pour obtenir en prêt des volumes
de la bibliothèque, est Josse de Liza. La biographie de ce docteur, qui semble
avoir effectué toute sa carrière à Paris, demeure en grande partie obscure.
Cursor à la faculté de théologie, Josse en devient régent autour de 1430. Il a
assisté au concile de Constance et sans doute aussi à celui de Bâle. Josse de
Liza a régulièrement consulté la bibliothèque du collège8. Sous son couvert9,
Jean Tinctor a emprunté six manuscrits de commentaires de saint Thomas sur
Aristote, plus un exemplaire des Sentences de Pierre Lombard10.
Ces emprunts s’effectuent au sein d’un « réseau » flamand : ainsi, le
manuscrit des Sentences (Paris, BNF, latin 15721) est celui même qui avait
été légué au collège par l’évêque de Tournai Michel de Warenghein à la fin
du xiiie siècle et qui était depuis réservé à l’usage des lecteurs d’origine fla-
mande11. L’exemplaire de la Physique d’Aristote (Paris, BNF, latin 15452) est,
quant à lui, très probablement originaire des Pays-Bas d’après la décoration,
bénéficié de cette étude, qui porte sur divers aspects de la réception des textes philosophiques
au collège de Sorbonne et à Paris au cours du xve siècle.
8. Registre de prêt, op. cit., p. 645 ; dossier 48 et passim.
9. Item habuit eodem anno [1428 IX 8], die nona h. mensis augusti, clavem pro magistro Johanne Tinctoris,
hospite, etc. ; voir Registre de prêt, op. cit., p. 244.
10. Ce sont les manuscrits correspondants aux nos LIIII, 41, LIIII, 45, XLVII, 35, XLVII, 39,
XXII, 14 et LIIII, 22 du catalogue de 1338. L’exemplaire correspondant au commentaire de
saint Thomas sur la Physique et la Métaphysique, deuxième manuscrit emprunté, en revanche,
ne semble pas pouvoir être identifié dans le catalogue. Nous avons conservé les manuscrits
correspondants aux nos LIIII, 45 (Paris, BNF, latin 16144, 2, xiiie s., voir L. Delisle, Inventaire,
p. 41, et Cabinet, III, p. 65), XLVII, 39 (Paris, BNF, latin 15452, xiiie s., voir Id., Inventaire, p. 12,
et Cabinet, III, p. 59), XXII, 14 (Paris, BNF, latin 15721, xiiie s., voir Id., Inventaire, p. 22-23,
et Cabinet, III, p. 24) et LIIII, 22 (Paris, BNF, latin 16104, xiiie s., voir Id., Inventaire, p. 39, et
Cabinet, III, p. 65).
11. Voir, sur ce manuscrit, la notice de C. Angotti en ligne, site de la BNF Archivesetmanuscrits.
Pour les lectures des Sentences au collège de Sorbonne, voir la thèse de doctorat de C. Angotti,
« Lectiones sententiarum ». Étude des manuscrits de la bibliothèque du collège de Sorbonne. La formation des
étudiants en théologie de l’université de Paris à partir des annotations et des commentaires sur le livre des
Sentences de Pierre Lombard (xiiie-xve siècle), Paris, EPHE, IVe section, 2008.
tandis que le Commentaire des Sentences de Thomas d’Aquin (Paris, BNF, latin
15764) était entré au collège grâce au legs d’un autre maître belge, Bernier
de Nivelle, chanoine de Saint-Martin de Liège. Cette provenance, non men-
tionnée dans le catalogue de 1338, se déduit d’un ex-dono inscrit au f. 220.
Quelques mois plus tard, en juin 1429, c’est encore par l’intermédiaire de
Josse de Liza que Jean Tinctor emprunte deux autres volumes : ce sont les
mêmes qu’il avait déjà eus deux ans plus tôt par l’entremise de Jean Beert,
à savoir la Bible (I, 24) et le commentaire sur les Sentences de saint Thomas
d’Aquin (XXIII, 100, actuel Paris, BNF, latin 15764). Globalement, ces choix
de lecture ne se démarquent pas de ceux des autres maîtres qui fréquentent
alors la bibliothèque ; les Sentences de Pierre Lombard et surtout les commen-
taires de saint Thomas confirment l’orientation de la collection au service de
la théologie spéculative.
On peut se demander dans quelle mesure les œuvres de Jean Tinctor
reflètent ces lectures. Ses écrits sont attestés par des témoignages divers et
souvent fragmentaires. À la liste établie en 1956 par M. Grabmann sur la base
de manuscrits conservés (elle concerne exclusivement des œuvres latines),
s’ajoutent en effet le témoignage de son contemporain Gilles Charlier, doyen
du chapitre de Cambrai († 1472)12, ainsi que la brève notice de l’Ordo scriptorum
sorbonicorum déjà mentionnée plus haut13.
À partir des manuscrits conservés principalement à Vienne, Munich et
Bâle (certains proviennent de couvents dominicains), M. Grabmann restitue
notamment à Jean Tinctor des œuvres qui se rattachent à ses études théolo-
giques et renvoient donc, ne serait-ce qu’indirectement, à ses lectures pari-
siennes. Il cite un commentaire sur les Sentences et un autre commentaire sur
la Somme de théologie de saint Thomas d’Aquin. Mais il signale également une
série tout à fait considérable de commentaires sur Aristote qui confirment
la formation philosophique de Jean Tinctor. D’après les indications de l’un
d’entre eux, conservé à Munich (Bayerische Staatsbibliothek, Clm 3600),
ces commentaires, qui sont plutôt courts et ont été visiblement conçus pour
l’enseignement (ils sont désignés sous le titre particulier de copulata), ont
été produits pour l’essentiel autour de 1440-1445, donc à l’époque où notre
théologien exerçait la responsabilité de recteur de l’université de Cologne.
12. Voir N. Gorochov, Le collège de Navarre de sa fondation (1305) au début du xve siècle. Histoire de
l’institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement, Paris, Honoré Champion, 1997, p. 609 (avec
bibliographie).
13. Voir note 5.
quelques années plus tard, alors qu’il était établi à Tournai, Jean Tinctor va
aussi être impliqué dans des questions de sorcellerie. Il participe en effet acti-
vement au procès contre les adeptes de ces pratiques qui se déroule à Arras
dans les années 1460. Ce sera l’occasion pour lui d’élargir et de diversifier son
public, et d’assurer une plus large diffusion à ses positions doctrinales18.
L’activité pastorale
Jacques Du Clercq, chroniqueur du règne de Philippe le Bon, dit à propos de
Jean Tinctor qu’il était un « tres notable clercq et moult renommé en sens et en
clergie19 ». Ainsi, des personnalités célèbres lui ont fait confiance. C’est le cas
de Jean Jouffroy, évêque d’Arras (1453), conseiller de Philippe le Bon. Ce grand
humaniste et orateur, élève à Pavie de Lorenzo Valla et spécialiste de l’œuvre de
Quintilien20, a sans doute été déjà en relation avec Jean Tinctor à Cologne. Or
notre théologien est précisément convié à prononcer un discours devant lui21,
à l’occasion de la venue à Tournai de Louis XI en 1464. Quant au mémoire que
Jean Tinctor rédige contre les Vaudois, à la suite paraît-il de la dénonciation de
quelques-uns de ses concitoyens par des habitants d’Arras22, il serait, lui aussi,
issu de la mise au propre de matériaux initialement destinés à la diffusion
orale23. Rappelons que, dans le nord de la France et dans les Flandres, le terme
de Vaudois était alors attribué aux adeptes de la sorcellerie, à la suite d’une
assimilation indue avec les disciples de Valdo. L’historiographie protestante
a insisté sur le rôle que le mémoire de Jean Tinctor aurait joué dans la féroce
répression alors engagée par les autorités, les confessions ayant été arrachées
sous la torture et de nombreux suspects ayant été condamnés au bûcher24.
Le théologien commence par dénoncer la gravité de la Vauderie, qui est pire
que l’idolâtrie et que l’infidélité des adeptes de Mahomet. Il incite les autori-
tés religieuses et civiles à lutter contre cette plaie. Dans une seconde partie,
plus axée sur l’argumentation doctrinale, Jean Tinctor traite du démon, des
pouvoirs magiques qu’il confère aux Vaudois, capables selon lui de transférer
les corps et de jeter des sorts. Il y explique également les limites de la puis-
sance des anges et comment on peut discerner un maléfice. Ses sources sont
bibliques et patristiques (saint Augustin et Grégoire le Grand pour l’essen-
tiel), mais les emprunts sont nombreux aussi à Denys l’Aréopagite (Hiérarchie
céleste), à saint Thomas d’Aquin (Somme de théologie), ainsi qu’à Aristote
(Physique et De divinatione) et à Tertullien. Relevons aussi un emprunt, plus
rare, au passage de l’un des sermons sur le Cantique des cantiques du cistercien
anglais Henri de Ford († vers 1220)25.
Le mémoire, tantôt attesté sous le titre de Sermo, de Tractatus et de Speculatio,
a connu une bonne diffusion, et l’auteur y a personnellement participé.
Toujours d’après Jacques Du Clercq, Jean Tinctor « publia et envoya [le texte]
en plusieurs lieux26 ». On en conserve quelques exemplaires, les plus complets
provenant des abbayes belges du Parc et du Val Saint-Martin de Louvain27.
Jean Tinctor a aussi traduit cette œuvre en français28. Si cette version est
moins marquée par la spéculation que le texte latin, le raisonnement abstrait
et les déductions logiques ainsi que les citations savantes y gardent une place
importante. Certains passages d’intérêt moral, à propos des vices et des vertus
par exemple, apparaissent plus développés que dans le texte latin, tandis que
d’autres, ceux qui présentent les pratiques de sorcellerie par exemple, sont
omis car l’auteur les juge scabreux et en déconseille la lecture aux « simples
gens ». Si la version française témoigne du succès de l’œuvre et de l’ampleur
du public qui s’intéressait alors à ces problématiques, les destinataires
24. E. Balmas, « Le Traictié de Vauderie de Johannes Tinctor », Protestantesimo, 34, 1979, p. 1-26.
25. Sermon 118 : Corpus christianorum. Continuatio medievalis, XVIII, Turnhout, 1970, p. 799,
l. 167-170.
26. Cité par E. Van Valberghe, « Les œuvres… », art. cité, p. 127.
27. Pour la composition du manuscrit et pour la bibliothèque de l’abbaye du Parc, voir
E. Van Valberghe, « Les œuvres… », art. cité, en part. p. 127-137. Sur la bibliothèque du Val
Saint-Martin de Louvain, voir l’étude de W. Lourdaux et M. Haverals, Bibliotheca Vallis Sancti
Martini in Lovanio. Bijdrage tot de studie van het geestesleven in de Nederlanden. A Contribution to the Study
of Intellectual Life in the Netherlands (15th-18th Century), Louvain, 1978, 2 vol.
28. On doit cette attribution à F. Duval, « Jean Tinctor… », art. cité, en part. p. 201-217, pour
l’analyse linguistique de la traduction.
privilégiés de ce traité sont néanmoins les prélats, ainsi que les princes,
garants de l’équilibre et de la paix publique. Du coup, la version française a
été transmise en particulier dans des copies de luxe enluminées. L’une d’entre
elles fut ainsi réalisée pour la bibliothèque du duc de Bourgogne, une autre
pour Louis de Bruges, seigneur de Gruuthuse29.
Jean Tinctor a composé une autre œuvre pastorale, qui renvoie à l’intro-
duction de l’observance dans les monastères de Belgique. Il s’agit du Contra
defendentes aperturam claustrorum. Ce traité ne nous est pas parvenu, mais
Sanderus en signale la présence au sein d’un recueil d’écrits sur la ques-
tion de la propriété monastique, décrit dans le catalogue de la bibliothèque
du monastère de Saint-Martin de Tournai30. C’est vraisemblablement Gilles
Charlier, chanoine de Cambrai et membre du collège parisien de Navarre, qui
en a inspiré la rédaction. Dans une lettre adressée à l’abbé de Hasnon, celui-
ci cite en effet le nom de Jean Tinctor, avec ceux de quelques autres théolo-
giens, qu’il a invités à tenir des conférences aux religieux de l’abbaye, pour
les préparer à la réforme31. La notice consacrée à Tinctor dans l’Ordo scriptorum
sorbonicorum mentionne ces conférences sous le titre : Collationes contra vitium
29. Bruxelles, BR, 11209. Sur la diffusion et la réception du texte français à la cour de Bourgogne
et les exemplaires enluminés, voir F. Mercier, « Un trompe-l’œil maléfique. L’image du sab-
bat dans les manuscrits enluminés de la cour de Bourgogne. À propos du traité du crisme de
Vauderie de Jean Taincture, vers 1460-1470 », Médiévales, 44, printemps 2003, p. 97-116 ; du
même auteur, voir aussi désormais : La Vauderie d’Arras. Une chasse aux sorcières à l’automne du Moyen
Âge, Rennes, 2006, et le compte rendu de J. Véronèse, « Frank Mercier et Martine Ostorero.
L’énigme de la Vauderie de Lyon. Enquête sur l’essor de la chasse aux sorcières entre France et
Empire (1430-1480) », dans Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 2015 (http://
crm.revues.org/13544).
30. Références citées par U. Berlière, « Deux écrivains de l’abbaye de Florennes au xve siècle »,
Revue bénédictine, 15, 1898, p. 495. Je reproduis ici la notice d’A. Sanderus, Bibliotheca belgica,
Insulis, MDCXLI, p. 133, d’après le catalogue de la bibliothèque de Saint-Martin de Tournai :
35. Contra monachos proprietarios plurimi egregiorum virorum tractatus impressi Parisii. Primus
Magistri Iohannis Currificis canonici regularis primo, deinde Monachi Cisterciensis in Villari, demum
Confessoris Monialium de Reformatione eiusdem Ordinis in Monasterio de Marts. Sicut modicum fermento-
rum totam massam, etc. Secundum Magistri Ioannis de Bomalia S. Theol. Doctoris Ordinis Praedicatorum
Utrum Praelatus alicuius religionis. Tertius Magistri Petri Damiani de contemptu seculi huius, Fratres
carissimi. Quartus Magistri Petri Cantoris Parisiensis Judas qui fur et loculos habens. Quintus cuiusdam
alterius viri docti, Novi quendam qui a multis suspectus. Item Tractatus Magistri Ioannis Tinctoris contra
defendentes aperturam Claustrorum. Adsunt ni fallor novissimi illi dies, de quibus etc. Item Ioannes Climacus.
Item Testamentum cuiusdam Monachi Cartusiensis in extremis laboratis Gratias age tibi domine Jesu Christe.
Item tractatus de arte bene vivendi et bene moriendi. Cum de presentis exilii miseria mortis transitus.
31. U. Berlière, « Deux écrivains… », art. cité, p. 539-540 ; la lettre n’est pas datée mais,
d’après U. Berlière, elle a été écrite avant février 1471 car à cette date Jean de Eecoute, trésorier
de Lille, qui y est mentionné, partit pour la Terre sainte. Elle est aussi antérieure au 3 juin 1469,
date de la mort de Jean Tinctor, également mentionné.
32. Bruxelles, BR, 20929-20930, f. 124-128v : Queritur utrum abbas potest et debet suos religiosos ex
consuetudine aliter quam secundum eorum statutum et regulam viventes ad regulam et primevam institu-
tionem ordinis eorum reducere eors ad hoc ortando et contradicendo si necesse fuerit non obstante illo quod
dicunt se non vovisse aliud quam observabatur tempore ingressus eorum.
33. X. Hermand, « Réformes, circulation de scribes et transferts de manuscrits dans les
abbayes cisterciennes du diocèse de Liège. À propos de l’abbaye du Jardinet », Scriptorium,
LXIV,1, 2010, p. 3-80.
34. Au f. 1, une note du xve siècle précise : Iste liber pertinet monasterio beate Marie de Gardineto ; et
au f. 367 : Ex dono domicelle Anne sororis magistri Johannis Tinctoris advenit iste liber huic monasterio.
Orate pro ea ex caritate et propter gratiam ipsius. Voir P. Faider et al., Catalogue des manuscrits conservés
à Namur : Musée archéologique, Évêché, Grand Séminaire, Museum Artium S. J., etc., Gembloux, 1934,
p. 225-229 ; F. Dolbeau et P. Petitmengin, « Les vies latines de sainte Pélagie. Inventaire
des textes publiés et inédits », Recherches augustiniennes, 12, 1977, p. 1-29 (cité p. 21).
39. La bibliographie sur la question de l’Immaculée Conception (dogme nié par les thomistes)
est vaste ; pour une présentation d’ensemble des aspects doctrinaux et historiques, voir
X. M. Le Bachelet, « Immaculée Conception », Dictionnaire de théologie catholique, VII, 1912,
col. 845-1218, et surtout M. Lamy, L’Immaculée Conception. Étapes et enjeux d’une controverse au
Moyen Âge, xiie-xve siècle, Paris, Institut des études augustiniennes, 2000 (Moyen Âge et Temps
modernes, 35).
40. Nicolas Bonet est notamment l’auteur d’un dialogue De conceptione Beatae Mariae Virginis
composé à l’instance de Clément V ; voir pour ses autres œuvres O. Brian, « Nicolas Bonet »,
Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, IX, 1937, col. 849-852.
41. E. Van Balberghe, « Les œuvres… », art. cité, p. 146.
42. Voir Arsenal 1228, f. 458v : Contra Bonetum et Franciscum Maronis assertiones s. Johannem
Evangelistam fuisse verum ac naturalem filium B. Virginis.
43. E. Van Balberghe, « Les œuvres… », art. cité, p. 144-147 ; Gilles Charlier a active-
ment participé aux débats sur ce dogme ; Z. Kaluza, « Nouvelles remarques… », art. cité,
p. 151 ; V. Doucet, « Magister Aegidius Carlerii († 1472) eiusque Quaestio de Immaculata
Conceptione B. Mariae Virginis », Antonianum, 5, 1930, p. 405-442 (cit. p. 409).
catalogue de Rouge Cloître, qui contenait aussi des œuvres d’Henri Pomerius
et de Gilles Charlier (0 33)44.
Revenons aux manuscrits subsistants. Parmi les sources principales de son
commentaire sur saint Thomas d’Aquin, Jean Tinctor cite, aux côtés d’Hugues
de Saint-Victor et d’Henri de Gand, la Summa de bono d’Ulrich de Strasbourg
(Reverendus Ulricus de Argentina), une œuvre dont il a fait don à sa mort, nous
l’avons rappelé plus haut, à la bibliothèque du collège de Sorbonne45. Ulrich
est un théologien dominicain, élève d’Albert le Grand, contemporain et
confrère de saint Thomas. Lecteur au couvent de Strasbourg (1272) et prieur
de la province de Teutonie de 1272 à 1277, Ulrich de Strasbourg meurt à Paris
en 127846. Auteur de plusieurs traités et questions théologiques, de lettres,
ainsi que d’un commentaire sur les livres des Météores d’Aristote47, Ulrich
aurait composé la Summa entre 1262, date à laquelle son maître Albert le
Grand, comme il l’indique lui-même dans un passage, n’était déjà plus évêque
de Ratisbonne, et 1272, juste avant d’être élu provincial48. L’œuvre occupe une
place considérable dans l’histoire de la théologie dominicaine, et même si
elle n’atteint pas la cohésion et l’exhaustivité de la Somme de saint Thomas,
elle est indéniablement beaucoup plus mûre et achevée que d’autres sommes
théologiques circulant à cette époque, celle de Guillaume d’Auxerre ou celle
44. Z. Kaluza, « Nouvelles remarques… », art. cité, p. 176 et 157, à propos du catalogue de
Rouge Cloître. Pour ce catalogue (ms. Wien, ÖNB, MS Series Nova 12694 ; la Tabula alphabetica
décrivant les manuscrits par cote, se trouve aux f. 26-41v), voir à présent l’édition du catalogue
et la bibliographie dans Corpus catalogorum Belgii, IV, Bruxelles, 2001, p. 182-209.
45. Voir note 6.
46. T. Kaeppeli, Scriptores OP Medii Aevi, Rome, 1975, IV, p. 418-423 ; voir aussi M. Grabmann,
« Studien über Ulrich von Strassburg. Bilder wissenschafltichen Lebens und Strebens aus der
Schule Alberts des Grossen », dans Mittelalterliche Geistesleben. Abhandlungen zur Geschichte der
Scholastik und Mistik, I, Munich, 1926, p. 147-210 (réimpr. Munich, Olms, 1984). Pour l’édi-
tion du texte, voir J. Daguillon, La Summa de bono d’Ulrich de Strasbourg, Paris, Vrin, 1930
(seulement la table et les deux premiers livres) et B. Mojsisch, F. Retucci et L. Sturlese,
éd. Ulrich von Strassburg, De summo bono. Hamburg, Meiner, 2005-2008 (Corpus philosophorum
Teutonicorum medii aevi) ; voir en outre A. de Libera, Introduction à la mystique rhénane d’Albert
le Grand à Maître Eckart, Paris, 1984 (chapitre IV : « Ulrich de Strasbourg », p. 99-162).
47. Un traité sur l’homme, qui lui est également attribué, est en réalité d’Henri de Malines.
Voir pour cette œuvre, qui aurait été conçue comme un complément de la Summa d’Ulrich de
Strasbourg, A. Pattin, Le Tractatus de homine de Jean de Malines. Contribution à l’histoire de l’alber-
tisme à l’université de Cologne, Louvain, 1977 (paru dans Tijdschrift voor filosofie, 1977).
48. J. Daguillon, La Summa, op. cit., p. 30* : voici le passage concernant Albert le Grand, qui
fut évêque de Ratisbonne entre 1260 et 1262, qui permet de dater l’œuvre : Aliter autem ab omni-
bus premissi sentit doctor meus dominus Albertus, episcopus quondam Ratisponensis, vir in omni scientia
adeo divinus ut nostri temporis stupor et miraculum congrue vocari possit et in magicis expertus ex quibus
multum dependet hujus materiae scientia. Voir Summa, lib. IV, tract. III, cap. 9.
attribuée à Alexandre de Halès par exemple. Son plan comporte huit livres,
annoncés dans une table en ouverture. Seuls six livres nous sont parvenus
dans les manuscrits conservés49. Marquée par une forte orientation néo-pla-
tonicienne, la Summa de bono apparaît nettement influencée par l’œuvre du Ps.
Denys l’Aréopagite : ses deux premiers livres sont d’ailleurs un commentaire
du De divinis nominibus.
Œuvre éminemment mystique, la Summa a été considérée comme le
« trait d’union entre la doctrine albertienne et les grands mystiques rhénans
du xve siècle50 ». Aussi la question de sa réception, aussi bien du temps de
son auteur que par la suite, est-elle importante. L’œuvre semble en effet
avoir connu une assez large diffusion manuscrite (vingt-quatre manuscrits
conservés sont connus à ce jour), mais principalement au xve siècle et dans
des bibliothèques ecclésiastiques (individuelles ou institutionnelles) et non
pas « universitaires ». À titre d’exemple, une attestation significative de sa
réception est offerte par le manuscrit Paris, bibliothèque de l’Arsenal, 248. Ce
recueil d’œuvres patristiques et théologiques du xiie siècle, d’origine cister-
cienne, contient des textes de controverse de saint Augustin (Retractationes et
Ad Quodvultdeum), ainsi que les Errores Petri Abailardi51. Un maître du xve siècle
y a inscrit des notes, au début et à la fin. Le personnage n’a pas été identifié à
ce jour mais, de l’avis de T. Kouamé, il pourrait s’agir du procureur en charge
des finances d’un grand collège du Quartier latin52. Ses notes se réfèrent en
effet aux collations de plusieurs prélats importants, auxquelles il a assisté ;
il a inscrit également les sommes perçues d’un certain nombre de boursiers.
Ce maître inconnu a aussi recopié, à la fin du manuscrit, la table de la Summa
d’Ulrich de Strasbourg53.
Dans son étude sur les débuts de l’albertisme tardif, Zénon Kaluza a observé
que la Summa a été amplement consultée et citée au xve siècle, ce qui atteste
le renouveau d’intérêt que la doctrine d’Albert le Grand connaît, aussi bien à
Paris qu’à Cologne, dans le milieu des clercs séculiers et principalement des
49. Les livres abordent successivement les thèmes suivants : 1. La Connaissance de Dieu. 2.
L’Être de Dieu. 3. La Trinité. 4. La Création. 5. L’Incarnation. 6. Le Saint-Esprit. 7. et 8. (les
livres non écrits, ou non parvenus jusqu’à nous) les Sacrements et la Béatitude.
50. J. Daguillon, La Summa, op. cit., p. XII
51. H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, I, Paris, 1885, p. 137-138 ;
selon C. Mews, « Guibert of Nogent’s Monodiae », Revue des études augustiniennes, 33, 1, 1987,
p. 125-127, il serait originaire d’Ourscamp.
52. Communication par courrier électronique (en décembre 2013).
53. L’une des notes (f. 76v), en grande partie effacée, concerne l’achat du manuscrit. On lit :
Hunc librum habui a Dionisii (?) […]llerii precie unius libre Parisiensis.
artiens54. C’est aussi sans doute dans ce cadre que l’on peut inscrire le don par
Jean Tinctor au collège de Sorbonne, et ce même si tout au long du xve siècle,
les lecteurs de la bibliothèque, marqués par la suprématie intellectuelle de
Thomas d’Aquin et fidèles à un réalisme « à l’ancienne », ne semblent avoir
porté qu’un intérêt limité à l’œuvre d’Albert le Grand55.
Donatella Nebbiai
CNRS-IRHT
ANNEXES
Consultatio super duabus quaestionibus ad instantiam domini Petri de Vaucello sacre theologie
professoris egregii. Conclusiones asserte per quendam minorem doctorem in theologie : cum
confessionis integritate diversis confessoribus possunt penitentes quandoque de diversis confiteri
reatibus.
Attesté dans la Sportula fragmentorum, Bruxelles, Frères de la Vie Commune, 1479, f. 29
d’après le ms. Bruxelles, BR 11492-11513 (E. Van Balberghe, « Les œuvres… »,
art. cité, p. 144).
Mentionné dans Paris, Bibl. de l’Arsenal 1228.
Contra propositiones, quarum prima fuit : Homo potest aliquam creaturam meritorie plus diligere
quam Deum ; Secunda : Deus potest acceptare odium sui ad vitam aeternam.
Attesté dans la Sportula fragmentorum, Bruxelles, Frères de la Vie Commune, 1479,
f. 114-115, d’après le ms. Bruxelles, BR 11492-11513 (E. Van Balberghe, « Les
œuvres… », art. cité, p. 145)
De somnio
Ms. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 3600, f. 71v-74 (M. Grabmann,« Der
belgische Thomist Johannes Tinctoris… », art. cité, p. 416).
Invectives contre la secte de Vauderie (trad. française du Contra sectam Valdensium, cf. supra)
Ms. Paris, BNF fr. 961 ; Bruxelles, BR 11209 ; Oxford, Bodleian Library, Rawlinson
D 410, f. 1-59 ; édition : Bruges, Colard Mansion, entre 1476 et 1484, 58 ff. (E. Van
Balberghe et F. Duval, Jean Tinctor († 1469), Invectives contre la secte de Vauderie,
Tournai-Louvain la Neuve, 1999, p. 11-18).
Tractatus de sabbato
Ms. Bamberg, Stadtbibl., Patr. 84 (B V 42), f. 85-86 (Grabmann, « Der belgische
Thomist Johannes Tinctoris… », art. cité, p. 420).
Ce bref texte sur le sabbat et la démonologie renvoie au Contra sectam Valdensium,
cf. supra.
101. Item habuit pro eodem textus Naturalis physice, scilicet Physicarum cum aliis,
precii 4or lib., 2o folio quia multum, penultimo equales enim (XLVII, 39, lat. 15452).
[102. Item habuit textum Sentenciarum precii XL s., 2o [folio] in tabula quare non,
penultimo omnes communiter (XXII, 14 ; lat. 15721)]
103 (57). Item habuit pro eodem, eodem die Scriptum (au-dessus : sive commen-
tum) Thome Ethycorum precii iiii lib. X s., 2o folio sint ipsa opera, penultimo et hoc
ideo quia virtuosus (LIIII, 22 ; lat. 16104).
1429 2 VI
109. Item eodem anno (exponctué) anno Domini 1429 habuit pro Tinctoris Bibliam
precii x lb., 2o folio verba, penultimo in tabula Thob oblacio (I, 24)
110 (11). Item pro eodem, eodem die scilicet 2a junii, habuit 2m scripti Thome,
precii lx s., 2o folio sciciam, penultimo quando virtus (XXIII, 100, latin 15764).
[…]
1429 19 VI.
120. Anno Domini Mo CCCCo XXIXo, die XIX mensis junii, reddidit clavem suam et
libros suos preter claves et libros Tinctoris et de Veterifolio (I, 11).
1 2 1 . Item eodem anno et eadem die reddidit clavem et libros Tinctoris non
cancellatos.
1. M. Hossfeld, « Johannes Heynlin aus Stein. Ein Kapitel aus der Frühzeit des deutschen
Humanismus », Basler Zeitschrift für Geschichte und Altertumskunde, 6 (1907), p. 309-356, et 7
(1908), p. 79-219 et 235-431 ; B. von Scarpatetti, « Johannes Heynlin de Lapide (von
Stein) », dans Die deutsche Literatur des Mittelalters. Verfasserlexikon, III, Berlin-New York, 1981,
col. 1213-1219 ; Id., « Scholastiker versus Humanisten », dans R. Surbeck, éd., Humanismus.
Annäherungen an einen lebendigen Begriff, Bâle, 2000, p. 170-173 ; Id., « Heynlin von Stein », dans
H. J. Martin et J.-D. Mellot, éd., Dictionnaire encyclopédique du livre, II, Paris, 2005, p. 475 sq. ;
Id., « Die Bibliothek des Johannes Heynlin von Stein (ca. 1430-1496) und ihre Hintergründe »,
actes du colloque « Buchkulturen des deutschen Humanismus (1430-1530). Netzwerke und
Kristallisationspunkte » à la Freie Universität Berlin, mai 2011 (sous presse).
2. Voir CMD-CH I (1977), les notices nos 145-150, les planches 353-356, pour une glose pl. 453.
On trouvera aussi des illustrations dans les études citées supra n. 1.
3. Voir Z. Kaluza, Les querelles doctrinales à Paris. Nominalistes et réalistes aux confins du xive et du
xve siècles, Bergame, 1988.
4. Voir B. Ullman, The Origin and Development of Humanistic Script, Rome, 1960 ; A. de la Mare
et A. Garzelli, New Researches on Humanistic Scribes in Florence, Florence, 1985 ; J. Autenrieth,
éd., Renaissance- und Humanistenhandschriften, Munich 1988, en part. le résumé de P. Gumbert,
Italienische Schrift – humanistische Schrift – Humanistenschrift, p. 64-70 ; S. Zamponi, « La scrittura
umanistica », Archiv für Diplomatik, 50, 2004, p. 467-505.
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
Cette dualité devait marquer toute sa vie, qui a été également influencée par
une autre tendance culturelle, la vocation à la prédication de pénitence, alors
largement répandue dans le sud-ouest de l’Allemagne.
Durant ces dix dernières années, l’auteur de ces lignes a reconstitué le
catalogue de la bibliothèque de Jean Heynlin. Celle-ci est conservée à la
Bibliothèque universitaire de Bâle, où elle est parvenue à la suite de la sécu-
larisation de la chartreuse de Bâle, fameuse depuis le concile pour ses tré-
sors livresques. La collection englobe 283 volumes, dont une soixantaine de
manuscrits. Les autres livres sont des incunables, datant de 1459 jusqu’à 14925.
Ils témoignent d’un choix de tout premier rang, tant au plan des contenus que
des supports, témoins de l’imprimerie naissante et de la bibliophilie. Si les
titres et les thèmes en disent long sur la personnalité de l’érudit, ses annota-
tions, inscrites de façon soigneuse et méticuleuse, pendant trois décennies au
moins, en marge d’un grand nombre de volumes, témoignent de ses intérêts
et des débats spirituels qui l’ont concerné. Nous avons relevé quelque mille
gloses de la main de Jean Heynlin, apposées en marge ou au bas des colonnes.
L’ensemble constitue une source inédite pour reconstituer le profil intellec-
tuel et spirituel de cette personnalité entre deux époques. L’enrichissement
de sa bibliothèque et ses annotations sont cohérents. Heynlin a voué un zèle
extraordinaire à la préparation matérielle de la majorité des volumes, traçant
la réglure, apposant les intitulés, les index et surtout les gloses.
Biographie
Peu de documents subsistent sur la vie de ce clerc, dont on ignore s’il était
prêtre ou seulement érudit et théologien. Johannes « de Lapide » ne dit rien
sur lui-même. Aucune mention claire n’est faite non plus de son origine. On le
dit originaire du diocèse de Spire, et « de Lapide » pourrait aussi bien être son
nom de famille que son lieu de naissance. Pourtant, les « Johannes a Lapide/
de Lapide » sont nombreux dans les matricules de l’Empire. Au xixe siècle, les
recherches ont désigné un village, Stein, situé tout près de Pforzheim dans le
diocèse de Spire. À l’université de Paris, Heynlin passe pour un ressortissant
du comté de Bade, mais la mention de la marchio Badensis est uniquement citée
dans le Livre des receveurs6. Pour sa jeunesse et sa scolarité, la seule et maigre
source provient d’une série d’inscriptions dans les matricules des universités
5. B. von Scarpatetti, Die Bibliothek des Heynlin von Stein. Vollständiger Katalog, Nr. 1-283, Bâle,
2014-2015 (à paraître).
6. Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis, VI, A. L. Gabriel, éd., Paris 1964, en part.
col. 310 : natus ex marchionatu Badensi. Pour les mentions nombreuses relatant les diverses fonc-
tions et charges de Heynlin, voir ibid., col. 250, n. 7 et p. 795 (Index personarum).
7. J. Verger, « Les universités françaises au xve s. Crise et tentatives de réforme », dans Les
universités françaises au Moyen Âge, Leyde-New York-Cologne, 1995, voir l’entière et sévère fus-
tigation de la « décadence » intellectuelle dans les p. 228-252, déjà sous le cancellariat de Jean
Gerson, p. 190-195.
8. Liber Receptorum, A. Gabriel, éd., col. 249 et 266. Dans la n. 7, col. 249 sq., contrairement
à ce qui est dit, Heynlin n’était pas étudiant à l’université de Heidelberg : on trouve au moins
une demi-douzaine de Johannes de Lapide (sans Heynlin) dans les matricules des universi-
tés allemandes de ce temps ; l’erreur concernant Heidelberg est reprise dans J. Vielliard et
M.-H. Jullien de Pommerol, Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, Paris,
2000, p. 629, où l’on rectifiera également l’année de la mort de Heynlin, survenue en 1496.
9. Liber Receptorum, op. cit., col. 282, 293, 308-310.
16. Le Livre des prieurs de Sorbonne (1431-1485), R. Marichal, éd., Paris, 1987, nos 504-506,
p. 144-145.
17. Ibid., no 519, p. 147-148.
18. W. Vischer, Geschichte der Universität Basel… ( 1 460- 1 529), Bâle, 1 860, p. 1 43 ; H. G.
Wackernagel, Die Matrikel der Universität Basel, I, Bâle, 195 1, p. 46 ; Schatzkammer der
Universität Basel: die Anfänge einer 550-jährigen Geschichte : Katalog zur Austellung, M. Wallraff et
S. Stöcklin-Kaldewey, éd., Bâle, 2010, p. 79.
19. Voir G. Durandus, Rationale divinorum officiorum, imprimé sur parchemin chez Jean Fust et
Pierre Schoeffer à Mayence en 1459, Bâle, BU, Inc. 1.
20. Pierre Schöffer séjournait à partir de 1440 à Paris et fut vers 1450 le premier collaborateur de
Gutenberg, ensuite en 1452 avec Jean Fust copossesseur de l’officine, et après la mort de Fust
en 1466 son seul patron. Sur Pierre Schöffer, voir infra n. 35.
21. Paris, Bibl. Mazarine, ms. 3323, f. 126r ; J. Vielliard et M.-H. Jullien de Pommerol,
Le registre de prêt…, op. cit., p. 450.
époque, nous devons nous pencher sur le Registrum priorum collegii Sorbonae22.
Jean Heynlin est élu prieur en 1468, mais il doit renoncer à cette charge, en
raison d’une maladie oculaire ; Michel Petit (diocèse de Rouen) le remplace23.
Il devient recteur de l’université de Paris en 1469, sommet d’une carrière riche
en consécrations. En cette même année, le Livre des prieurs fait état d’une camera
iuxta cameram Johannis de Lapide24. C’est donc qu’il habite toujours au collège. Il
va encore en assurer la direction en 1470, tandis que son ami Guillaume Fichet
est bibliothécaire. Au cours de cette même année, les deux sociétaires auraient
contribué à installer un atelier typographique au collège de Sorbonne, le pre-
mier du royaume de France.
22. Le Livre des prieurs de Sorbonne, op. cit., p. 284 (Index des noms propres).
23. Ibid., no 608, p. 170.
24. Ibid., no 617, p. 173.
25. Ibid., no 660, p. 180.
26. J. Monfrin, « Les lectures de Guillaume Fichet et de Jean Heynlin, d’après le Registre de
prêt de la bibliothèque de la Sorbonne », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 17, 1955, p. 7-23 et
145-153.
27. J. Vielliard et M.-H. Jullien de Pommerol, Le registre de prêt de la bibliothèque du collège
de Sorbonne, op. cit., no 118, p. 450-452. La liste contient 39 entrées, de 1467 à 1473. Les numéros
cités dans le texte renvoient à cette édition.
Boèce, puis toute une série d’œuvres de Thomas d’Aquin. De fait, les indi-
cations du registre de prêt concernant les auteurs et les œuvres sont très
sommaires. La présence du Liber de miraculis patrum italicorum (no 18) semble
attester ses intérêts à venir pour la prédication, tandis que le Bellum civile de
Lucain ouvre une perspective sur l’humanisme (nos 23 et 27). On est presque
surpris de trouver les Satires de Juvénal (no 24) et une œuvre de l’historien et
poète Martianus Capella (no 25), mais ces titres ont sans doute été retenus en
raison de leur intérêt pour l’étude du latin classique. À partir de 1470, appa-
raissent aussi, parmi les emprunts, un Bréviaire, les Évangiles et un Psautier
(nos 31, 33, 36). Le dernier livre rendu à l’automne 1473 est le traité De la trinité
d’Augustin (no 39). Avec ses 39 emprunts, Jean Heynlin apparaît comme l’un
des lecteurs les plus zélés parmi les 172 mentionnés dans le Registre de prêt.
Encore faut-il tenir compte du fait qu’il était lui-même propriétaire de très
nombreux livres, qui constituent le noyau de sa future bibliothèque bâloise.
28. Cinq volumes de sa bibliothèque portent des armes, toutes en allure solennelle : Bâle, BU,
ms. F I 12 (Cicéron e.a), Inc. 27 et 28 (Biblia, Partes I et II), Inc. 80 (Astesanus de Astis), Inc.
397 (Hieronymus, Epp). Voir aussi les planches dans B. von Scarpatteti, « Weltverachtung
an der Schwelle der Neuzeit: zu den Glossen in der Bibliothek Heynlins von Stein (ca. 1430-
1496) », Basler Zeitschrift für Geschichte und Altertumskunde, 110, 2010, p. 107- 126 (ici p. 112, pl. 2) ;
Id., « La stessa mano? Casi attinti dal catalogo dei manoscritti datati della Svizzera (CMD-CH) »,
Medioevo e Rinascimento, NS XXIII, 2012, p. 291- 298 (ici tav. VIII, fig. 20) ; Id., « Die Bibliothek
des Johannes Heynlin von Stein (ca. 1430-1496) und ihre Hintergründe » (n. 1), pl. 31.
est censé s’accoupler par le bec pour engendrer sa descendance. Cette perdrix
pratiquerait donc le coït d’une façon plus chaste que les autres oiseaux et ani-
maux. La fécondation se ferait idéalement par la voix, ce qui est aussi une façon
d’exalter le rôle du prédicateur. Par ailleurs, nous savons que Jean Heynlin fut
un partisan très zélé de la doctrine de l’Immaculée Conception de la Vierge
Marie. L’iconographie de ses manuscrits, sur laquelle des recherches plus
approfondies restent à effectuer, refléterait ainsi une adhésion à ces théories.
Seules des origines princières et une aisance financière évidente peuvent
expliquer la brillante et rapide carrière de Jean Heynlin à l’université de Paris.
S’il a été le bâtard d’une famille princière, il doit avoir été doté d’un important
revenu. Nous avons essayé de calculer la valeur monétaire de ses 283 volumes.
Plusieurs ouvrages spécialisés ont été consacrés à la question de la valeur des
livres à la fin du Moyen Âge29. Calculée sur la base des prix du xve siècle, la
valeur de la collection de Jean Heynlin est estimée à un million d’euros 30.
Heynlin doit avoir fait travailler pendant des mois et des années les meilleurs
enlumineurs des ateliers parisiens. Il est à noter que, dans les matricules de
toutes les universités qu’il a fréquentées, il paye toujours le tarif maximum.
Enfin la présence de la « pierre » dans les armoiries laisse à penser qu’il
provenait du village de Stein près de Pforzheim, que nous avons évoqué plus
haut31. Nous ignorons cependant s’il s’agissait du village d’origine de sa
famille, ou si Jean Heynlin y est né et y a fait une partie de ses études, par
exemple à l’école de Pforzheim, ville voisine, qui jouissait d’une bonne réputa-
tion. Quant à son père, il pourrait avoir été membre de la Maison du Margrave
de Bade ou du prince-évêque de Spire. On pourrait avancer l’hypothèse d’une
naissance « illégitime » (aucune source n’indique qu’il ait été prêtre), mais il
n’y a pas de trace de la dispense qu’il aurait éventuellement pu demander à
la curie romaine afin d’accéder aux ordres sacrés (à l’inverse d’Érasme par
exemple)32. Jean Heynlin semble donc avoir préféré garder intact le secret de
ses origines, que toute démarche de sa part aurait contribué à révéler.
29. Voir R. Hirsch, Printing, Selling and Reading 1450-1550, Wiesbaden, 1967, p. 68-72 ;
U. Neddermeyer, Von der Handschrift zum gedruckten Buch, II, Wiesbaden, 1998, p. 831-862
(tab. XII) ; K. Fianu, « Métiers et espace : topographie de la fabrication et du commerce du
livre à Paris », dans G. Croenen et al., éd., Patrons, Authors and Workshops. Books and Book
Production in Paris around 1400, Louvain, 2006, p. 21-45. Sur les enlumineurs parisiens, voir R. H.
et M. A. Rouse, Manuscripts and their Makers. Commercial Book Producers in Medieval Paris 1200-1500,
Turnhout, 2000, I, en part. p. 303-327 ; II, en part. p. 217-224 (Appendix 12A).
30. En résumé, le calcul se fait sur la base d’une valeur sommaire autour de 100-150 euros pour
une livre d’argent, un florin et un ducat, alors les monnaies les plus courantes.
31. Voir supra p. 226.
32. Dans les sources de la curie romaine concernant les dispenses du xve s., Heynlin ne semble
pas figurer. Voir Repertorium Poenitentiariae Germanicum, H. et L. Schmugge (éd.), I-VIII,
Tübingen, 1998-2012.
33. Paris, Archives nationales, ms. H 2587, f. 116v ; Auctarium Chartularii Universitatis Parisiensis,
op. cit., col. 308.
[Quaestio] Sorbonica quinta Anni 1467. Ad quam respondi ego Johannes de Lapide pro
temptativa. Sub Venerabili viro magistro Henrico de Quesnayo tunc priore famosissimi
collegii Sorbonensis.
Cette quaestio quinta discute l’état du corps humain lors de la résurrection
des morts (in novissima die) : les humains, demande-t-on, seront-ils alors dans
l’état de jeunesse ou dans celui d’avant leur mort ? Le premier argument s’op-
pose à l’hypothèse de l’état de jeunesse, alors que, in oppositum, au deuxième
alinéa, on argumente que la résurrection doit se faire dans l’état le plus parfait
de l’être humain, donc celui de la jeunesse.
Dans le même recueil, une autre question illustre la position de notre érudit.
Elle traite, selon une méthode strictement scolastique, d’une problématique
qui peut paraître bien moderne, car on y demande si l’acte purement moral de
la contrition peut remplacer le sacrement de la confession (Vtrum videlicet, vtilis
ac necessaria sit ad Salutem confessio sacramentalis ; non obstante quod per contritionem
prius deleta sit tota culpa mortalis). Si la réponse est négative, on est pourtant
surpris qu’une telle question puisse avoir été soulevée34. Le traité est intro-
duit par un discours solennel et rhétorique en présence des plus importantes
personnalités de l’université, rédigé en latin humanistique. La thématique et
la méthode relèvent de la théologie médiévale, puisqu’elles traitent de l’acte
de confession et soulignent son caractère indispensable. Dans les papiers
de Jean Heynlin, le thème de la confession apparaît souvent traité dans des
contextes délicats et problématiques. Il en est de même de la communion et
des conditions pour y avoir accès.
Passons à un autre manuscrit significatif de la production de Jean Heynlin.
Il s’agit d’un exemplaire de la Somme de théologie de Thomas d’Aquin. Il illustre
l’intérêt qu’il a porté à l’œuvre de ce théologien, auteur de prédilection des
partisans de la Via Antiqua (ill. 4). Le manuscrit est une production de l’atelier
d’écriture que Jean Heynlin aurait entretenu. Il rassemble plusieurs typologies
graphiques (gothiques livresques ou semi-cursives, bâtarde et gothique de
style bourguignon) mais demeure néanmoins très homogène. L’écriture prati-
quée de préférence par Jean Heynlin est une semi-cursive très régulière et dis-
ciplinée, de sorte qu’il est souvent difficile de distinguer la main du comman-
ditaire de celle de ses scribes supposés amanuenses, qui étaient tenus de suivre
strictement les consignes du maître. On connaît quelques traits spécifiques de
sa main, mais il est difficile de l’identifier avec certitude. Vu l’ampleur de ses
activités, il est peu probable qu’il ait copié l’intégralité du volume ou même
qu’il ait ajouté le décor secondaire, toujours très soigné.
34. Bâle, BU, ms. A VI 12, f. 108r : Varia scholastica, Quaestio theologicalis pro magna ordinaria. Un
texte plus long que les questions usuelles forme un traité au f. 108r-125v.
35. H. Lehmann-Haupt, Peter Schöffer aus Gernsheim und Mainz. Übersetzung und Vorwort von
M. Estermann, Wiesbaden, 2002, p. XX sq. (tributaire de l’étude de F. Stock, Die ersten deutschen
Buchdrucker in Paris um 1500, Fribourg, 1940 [repr. Paderborn 1992]), et 18-35.
36. Bâle, BU, Inc. 700 : Gasparinus Barzizius, Epistolae, J. de Lapide, éd., G. Fichet, annexe ;
Paris, imprimé par U. Gering, M. Crantz et M. Friburger [été ou automne 1470]
italiens d’une grande beauté. Ce traité italien sur le style épistolaire, ouvrage
pleinement humaniste, est le premier livre imprimé en France37. C’est aussi
un pur produit allemand d’importation, car Jean Heynlin avait amené ses
trois compagnons-imprimeurs (Martin Crantz, Michael Friburger et Ulrich
Gering) du comté de Bade à Paris, où les trois artisans ont continué à œuvrer
ensuite pendant plusieurs années, sans le concours de Jean Heynlin.
Le tournant pastoral
En 1473, Jean Heynlin s’apprêtait à quitter Paris, l’université et ses méthodes
scolastiques. Le registre de prêt note : Anno domini mo cccco lxxiiio, xiii a octo-
bris restituit omnes libros […] [et] […] clavem librarie restituit38. Plusieurs facteurs
ont déterminé ce choix. De l’extérieur, les querelles interminables, vaines et
stériles des factions réalistes et nominalistes, devenues de plus en plus viru-
lentes, aboutissent à l’interdiction de l’enseignement nominaliste par décret
du roi de France en 1474. Dans la bibliothèque du collège de Sorbonne, les
volumes contenant des traités nominalistes durent donc être interdits d’accès.
Quelle ingrate tâche pour un bibliothécaire, quelle censure absurde dans un
haut lieu d’érudition ! De l’intérieur, le choix de Jean Heynlin de se détourner
de l’université de Paris et du collège de Sorbonne pourrait avoir des raisons
plus personnelles. Aucune explication pourtant de sa part. Dans l’élégie qu’il
compose à l’occasion de sa mort en 1496, le moraliste Sébastien Brant, grand
ami de Heynlin, nous livre un témoignage rare en lui attribuant un change-
ment d’orientation radical, qui aurait motivé l’abandon de la Sorbonne. Le
clerc zélé aurait été fatigué des sophistications, des divisions et des querelles
universitaires, qu’il aurait jugées dépassées39.
37. J. Veyrin-Forrer, 1470-1970. Hommage aux premiers imprimeurs de France, Paris, 1970 ; Ead.,
« Aux origines de l’imprimerie française. L’atelier de la Sorbonne et ses mécènes (1470-1473) »,
dans L’art du livre à l’Imprimerie nationale, Paris 1973, p. 32-53 [repris dans Ead., La lettre et le texte.
Trente années de recherches sur l’histoire du livre, Paris, 1987, p. 161-187]. La vingtaine d’ouvrages
sortis de ces presses ne figurent pas dans le Registre de prêt. En ce qui concerne les ouvrages en
tant que tels, les éditrices du Registre de prêt (op. cit.), affirment p. 42 : « […] Les ouvrages impri-
més par Guillaume Fichet et Jean Heynlin sur les presses nouvellement installées à la Sorbonne
n’ont pas été retrouvés. » En France, des exemplaires de ce premier incunable français sub-
sistent à Paris (deux à la BNF), Besançon, Chantilly, etc. Voir GW III (1928), no 3675, col. 552.
L’exemplaire conservé à la BU de Bâle porte la cote Inc. 700 et provient de la bibliothèque de
Heynlin. Sur cet incunable et ses trois imprimeurs allemands, voir l’étude fondamentale de
F. Stock, Die ersten deutschen Buchdrucker in Paris um 1500, op. cit., p. 36-81.
38. Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne, op. cit., p. 452.
39. T. Wilhelmi, Sebastian Brant. Kleinere Texte, Stuttgart 1998, no 150, p. 226 sq.
40. Bâle, BU, Inc. 394 : Augustinus, Civitas Dei, glose de Heynlin dans le livre XIII, chap. 10, le
volume n’est pas folioté.
41. Bâle, BU, Inc. 1 : Guilelmus Durandus, Rationale divinorum officiorum, f. xliiiir.
42. Resolutorium dubiorum circa celebrationem missarum occurrentium, Bâle, Froben, 1492, suivi de
très nombreux tirages.
43. Au sujet de l’humanisme rhénan, entre affirmation et négation de « Madame Monde », voir
B. von Scarpatetti, « La question de l’environnement à la Renaissance. L’humanisme rhé-
nan à cheval entre affirmation et négation de “Frau Welt” (xve-xvie siècle) », dans C. Maurer
et A. Starck-Adler, éd., Espace rhénan, pôle de savoirs, Strasbourg, 2013, p. 37-50 (ill.).
44. Bâle, BU, Inc. F J VI 5 : Johannes Chrysostomus, Homeliae super Johannem, Cologne, 1486, f. 69r.
Ill. 1. Bâle, BU, Inc. 397, f. 1r. Hieronymus, Epistolae, Pars II. Rome: [Sweynheim et
Pannartz], 1470. Les armes de Heynlin en bas de la page-titre.
Ill. 2. Bâle, BU, ms. A VI 12. Varia scholastica. « Positio mei Jo. de Lapide pro tunc prioris »,
f. 56r.
Ill. 4. Bâle, BU, ms. A I 14, f. 1r. Thomas de Aquino, Summa Theologiae.
Parchemin et papier (se relayant à l’intérieur de chaque cahier).
Ill. 5. Bâle, BU, Inc. 10. Thomas de Aquino, Summa theologiae, 2a/2ae, Mayence 1467,
typographie Peter Schöffer, la rubrique de la main de Heynlin.
Les livres des maîtres de Sorbonne, sous la direction de Claire Angotti, Gilbert Fournier et Donatella Nebbiai,
Paris, Publications de la Sorbonne, 2017
6. C’est, à terme, ce vers quoi tend le projet « Sorbonne » piloté par D. Nebbiai, dans le cadre
de l’Équipex Biblissima dirigé par A. M. Turcan-Verkerk.
7. Ces nuances chronologiques sont fondamentales : en effet, s’il semble évident qu’une collec-
tion tend à croître, il en va de même pour le développement de l’organisation des collections,
des méthodes de fonctionnement (modalités de prêt, périodicité du récolement, élaboration
des catalogues…). Par exemple, si les modalités du prêt sont bien connues pour la fin du Moyen
Âge, elles le sont moins pour la seconde moitié du xiiie siècle : le prêt de livres ne concer-
nait-il que les seuls sociétaires ? S’étendait-il aux hôtes du collège, ou même à l’ensemble de la
faculté de théologie, voire aux maîtres de la faculté des arts ? Quelles en étaient les modalités :
un gage était-il réclamé à tous ou aux seuls étrangers ? À la fin du Moyen Âge, des gages étaient
réclamés surtout lors de prêts extraordinaires, ceux des manuscrits habituellement enchaînés.
Voir J. Vielliard, éd. et annot., M.-H. Jullien de Pommerol, collab., Le registre de prêt de
la bibliothèque du collège de Sorbonne (1402-1536), Paris, 2000, p. 28-36. Voir aussi G. Fournier,
Une « bibliothèque vivante ». La libraria communis du collège de Sorbonne (xiiie-xve s.), thèse dac-
tyl., EPHE (Ve section), 2007, p. 354-371. La situation semble plus complexe dans les premières
années du collège. Voir L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Étude sur la
formation de ce dépôt comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure,
et du commerce des livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, II, Paris, 1874, p. 176 et p. 194-195.
temps et clos sur lui-même. Les collections de livres qu’il possède contri-
buent, au contraire, à ouvrir le collège sur la vie de l’Université8. C’est en effet
probablement grâce à ses différentes collections, à l’usage qu’il en a permis,
que le collège de Sorbonne a su trouver sa place au sein de l’Université puis
devenir un acteur important de la faculté de théologie9.
8. Voir J. Verger, « La faculté des arts : le cadre institutionnel », L’enseignement des disciplines
à la faculté des arts (Paris et Oxford, 13e-15e siècles), O. Weijers et L. Holtz, éd., Turnhout, 1997,
p. 17-42, précisément p. 34-35, et aussi Id., « Rapport de la Table ronde : le cadre institution-
nel », ibid., p. 91-92.
9. Voir C. Angotti, « Présence d’un enseignement au sein du collège de Sorbonne : collationes,
disputationes, lectiones (xiiie-xve s.). Bilan et hypothèses », Cahiers de recherches médiévales, 18 (2009),
p. 89-111.
10. BNF lat. 15362, f. 234v : Iste liber est pauperum magistrorum de Sorbona ex legato magistri Petri
de Lemovicis quondam socii domus hujus. In quo continentur : 1. Quodlibeta magistri Jacobi de Viterbio ;
item Tacuimus cum quibusdam suppositionibus et additionibus magistri Dudonis super Tacuimum ;
item Tacuimus ; item liber Serapionis ; item liber Avicenne de viribus et medicine cordis ; item glose super
Antidotarium a Johanne de Sancto Amando ; item practica geometrie ; item Joachim super Apocalypsim ;
item tabula super totam logicam ex legato magistri Petri de Lemovicis. Precii C sol., suivi de la cote 36us
inter mixta philosophorum ; ce manuscrit n’est pas décrit dans le catalogue de 1338, il est sim-
plement signalé comme enchaîné (voir L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits…, op. cit., III, p. 64
(sous la cote Libri mixti philosophorum LIII/36). Voir annexe 4, photographie 1.
11. BNF lat. 15362, f. 69v : <Quodlibeta ?> magistri Jacobi de Viterbio precii XL sol. ; inter scripta et
questiones <super Sentencias> 79us inter summas questionum 69 (voir annexe 4, photographie 2). Le
volume figurant dans la section XXIV Summe questionum sous le numéro 69 n’est malheureuse-
ment pas décrit mais il est signalé comme enchaîné (voir L. Delisle, Le Cabinet des Manuscrits…,
op. cit., III, p. 31).
12. BNF lat. 16170, f. 127v : Iste liber est pauperum scolarium de Sorbona cujus medietas est ex legato
magistri Gerardi de Trajecto et altera medietas ex legato magistri Conradi. Pretii XXX solidorum.
13. Voir B. Bazàn, Trois commentaires anonymes sur le traité de l’âme d’Aristote, Louvain-Paris,
1971 ; C. Luna, Aegidii Romani opera omnia, t. I, Catalogo dei manoscritti, 1. 3**, Francia (Parigi),
p. 232-239.
14. Le 4 octobre 1336, plusieurs sorbonistes acceptent d’exécuter le testament de Conrad de
Bonnersheim (sic). Voir P. Glorieux, Aux origines…, t. 2, n. 2, p. 557-559.
15. BNF lat. 16144, f. 34v : ex-libris Philosophia Aristotilis ex legato magistri Guillelmi de Feuqueriis,
precii x sol., suivi de la cote inter libros naturales non commentatos, 34, ce qui correspond au
34e volume de la section XLVII du catalogue de 1338 ; l’autre ex-libris est f. 85v : Iste liber est pau-
perum magistrorum de Sorbona Parisius studentium in theologica facultate ex legato magistri Stephani de
Gebennis. 45us. Inter scripta et questiones super libros Aristotilis. In quo continentur scripta fratris Thome
super librum celi et mundi. Precii XII sol., cette cote correspond au 45e volume de la section LIIII du
catalogue de 1338.
16. Le legs de Thomas d’Irlande correspond aux f. 1-18v du lat. 16397. L’ex-libris figure f. 18v
(voir n. 106 pour le détail).
17. Le legs de Gérard d’Abbeville correspond aux f. 19-59 du lat. 16397. L’ex-libris, accompagné
de l’estimation du volume, se trouve au f. 57v : Iste liber est collegii pauperum magistrorum studencium
Parisius in theologia ex legato magistri Guerroudi de Abbatis Villa precio XX sol.
18. Le legs de Pierre de Limoges correspond aux f. 59-154 du lat. 16397. La table et l’ex-libris
puis l’estimation et la cote du catalogue de 1338 sont soigneusement mis en page (réglure) et
rédigés par la même main, tout comme l’indication d’enchaînement, un peu plus bas, f. 154v :
In hoc volumine continentur extractiones librorum Joachim et extractiones de evangelio eterno et reproba-
tiones eorumdem. Quod volumen est pauperum magistrorum de Sorbona ex legato magistri [add. marg.
sup. Petri] de Lemovitis quondam socii domus hujus. Pretii 20 solid. 39us inter originalia mixta sanctorum ;
chatenabitur.
19. Les BNF lat. 15685 et lat. 16207 correspondent à un volume ayant appartenu à Gérard de
Reims (avec ajout d’un cahier ayant appartenu à Pierre de Limoges et qui correspond aux f. 3-18
du lat. 16207). Voir lat. 15685, f. 47v : Iste liber est pauperum magistrorum de Serbonia in theologia
Parisius studentium ex legato magistri G. de Remis precii XX den. precii XX sol., suivi de la précision
Folia scripta 161, tandis que le BNF lat. 15685 ne comporte que 45 feuillets. Une autre main a
indiqué f. 47v du lat. 15685, la cote du catalogue général de 1338, Inter quadriviales XXus. La des-
cription très complète fournie par le catalogue de 1338 (voir L. Delisle, Le Cabinet des manus-
crits…, op. cit., III, p. 67) permet de constater que plusieurs des œuvres signalées figurent dans
le lat. 16207 (voir M. Mabille, « Les manuscrits de Gérard Bruine, dit de Reims, conservés
à la Bibliothèque nationale de Paris », Bibliothèque de l’École des chartes, 131 (1973), p. 198-208,
précisément p. 204-205).
20. Voir M.-H. Jullien de Pommerol, « Livres d’étudiants, bibliothèques de collèges et
d’universités », art. cité, rééd. 2008, p. 122-149, précisément p. 128
21. Nota quod omnes libri in registro isto sunt quotati secundo et penultimo foliis fuerunt inventi in parva
libraria anno Domini Mo CCCo XXXVIIIo ; illi vero ubi scribitur « defficit » non fuerunt inventi. Cette note
figure à la fin du catalogue de 1338, c’est la première occurrence de l’expression parva libraria
(L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., III, p. 71, d’après BNF n. a. l. 99, p. 223).
22. Voir C. Angotti, « Bonum commune divinius est quam bonum unius. Le collège de la Sorbonne
et sa bibliothèque, place et rôle dans l’Université de Paris au xive siècle », dans A. Sohn et
J. Verger, éd., Les collèges universitaires en Europe au Moyen Âge et à la Renaissance/Die universitären
Kollegien im Europa des Mittelalters und der Renaissance, Actes du colloque international organisé à
Paris les 12 et 13 décembre 2008, Bochum, 2011, p. 91-105.
23. Voir les statuts primitifs du collège (avant 1274) : Item nullus recipiatur in domo nisi fidem prestet
quod si contigerit ipsum libros de communi recipere, quod sicut suos ita fideliter observabit et nullo modo
distrahet nec accomodabit extra domum, et per integrum reddet eos quandocumque exigentur ab eo et quando
contigerit eum villam exire (P. Glorieux, Aux origines de la Sorbonne, t. 1, Paris, 1966, p. 194). Le
soin des livres appartenant au collège (libr[i] de domo) est aussi exigé dans le serment prêté
par les sociétaires (vers 1280-1290) mais l’expression libri communes ou de communi n’est pas
employée (voir ibid., p. 203). En revanche, il est question, dans une note probablement issue
du catalogue perdu de 1290, d’une « bibliothèque instituée pour l’“utilité commune” des socié-
taires » : Nota etiam quod anno Domini Mo CCo LXXXo IXo fuit primo institutum librarium in domo ista pro
libris cathenatis ad communem sociorum utilitatem (L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., III,
p. 71 d’après BNF n. a. l. 99, p. 223).
24. Voir la décision relative à la réorganisation de la bibliothèque, à son règlement, et à son
catalogue (1321) : Item quod de omni scientia et de libris omnibus in domo existentibus saltem unum
volumen, quod melius est, ponatur ad cathenas in libraria communi ut omnes possint videre etiamsi unum
tantum sit volumen, quia bonum commune divinius est quam bonum unius ; et ad hoc adstingatur quili-
bet habens hujusmodi librum ponendum in libraria quod sine contradictione eum tradat (P. Glorieux,
Aux origines de la Sorbonne, op. cit., t. 1, p. 215). Voir aussi l’introduction à la tabula du répertoire
méthodique élaboré au collège entre 1321-1338 : Quod ego Johannes, presentis collegii de Sorbona
quondam inter ejus cetera membra unum de minimis ac minus utile ad officia corporis exsequenda, in presenti
domo videns accidere, et quod minus tolerabile erat in libraria communi, in qua, licet multitudo librorum
quasi de qualibet sciencia esset omnibus exposita ad studendum, difficile tamen quilibet invenire potuit quod
querebat, huic difficultati vel defectui remedium desiderans adhibere et viam ad inveniendum in dicta libraria
cuilibet librum vel scienciam de qua quereret cupiens si quoque modo fieri posset comode preparare, non veritus
utilitatem propriam communi utilitati postponere, sciens quod bonum quanto communius tanto divinius
[…] (L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., III, p. 79 d’après BNF n. a. l. 99, p. 247) ; voir
aussi la première rubrique du répertoire topographique : Isti sunt libri venerabilis collegii pauperum
magistrorum de Sorbona de libraria communi, etc. (L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., III,
p. 72 et BNF n. a. l. 99, p. 287).
25. Sur l’enchaînement des manuscrits, on trouvera une réflexion stimulante et une biblio-
graphie exhaustive dans P. Cordez, « Le lieu du texte : les livres enchaînés au Moyen Âge »,
Revue Mabillon, 78 (2006), p. 75-103. Voir aussi C. Angotti, « Naissance des bibliothèques
universitaires », dans E. Vallet, S. Aube et T. Kouamé, éd., Lumières de la Sagesse. Écoles médié-
vales d’Orient et d’Occident, Paris, 2013, p. 239-245.
26. D. Nebbiai-Dalla Guarda, « La bibliothèque commune des institutions religieuses »,
Scriptorium, 50 (1996), p. 254-270 ; G. Fournier, Une « bibliothèque vivante », op. cit.
27. Ordonnance relative aux clés de la bibliothèque (1391) : Anno Domini 1391, die 16 novembris,
Gaufrido Latanchier priore existente de Sorbona, deliberavit societas dicte domus quod sera et claves de libraria
magna mutarentur propter nimiam multitudinem clavium in diversis locis dispersarum […] (P. Glorieux,
éd., Aux origines de la Sorbonne, op. cit., t. 1, p. 233.)
28. Ibid., p. 233-234 : […] et pro remedio in futurum fuit tunc ordinatum quod fierent solum XXti claves que
sociis presentibus traderentur sub tali conditione quod quilibet socius juraret quod si contingeret ipsum exire
villam Parisiensem, ipse reponeret clavem [magne librarie] in parva libraria, cum libris si quos haberet, pres-
entibus librariis […]. Item quod exemplar sere de magna libraria ponatur et remaneat in parva libraria […].
29. D. Nebbiai-Dalla Guarda, « La bibliothèque commune… », art. cité, p. 254-270, préci-
sément p. 261 ; Id., « Classifications et classements », Histoire des bibliothèques françaises, op. cit.,
p. 491-521, précisément p. 497.
30. Ordinatum fuit ad tuitionem et custodiam meliorem fiendam librorum magne librarie, quod parvi libra-
rii sub pena unius burse, haberent infra octo dies, mundare et scobare libros et librariam et omnes libros
claudere et inferre statum librorum communitati ut ipsa provideat de aliquibus cooperturis et ligaturis
(R. Marichal, éd., Le livre des prieurs de Sorbonne (1431-1485), Paris, 1987, p. 33).
sous le nom du défunt maître Alard Palenc31 et qui, de plus, n’avait pas rendu
le volume dans les temps32.
Outre ces deux fonds principaux et permanents dans l’histoire de la biblio-
thèque, il existe à l’époque médiévale d’autres collections de livres : enchaînés
dans la chapelle, placés dans l’aula du collège33, ou aux mains du prieur – ces
derniers demeuraient probablement dans la parva libraria quand le prieur ne
les empruntait pas et ne semblent pas avoir eu d’emplacement spécifique34.
Il existe aussi une autre collection, éphémère, s’adressant à un groupe d’étu-
diants membres de la faculté des arts : ce groupe d’étudiants, dont les liens
avec la Sorbonne demeurent difficiles à saisir faute de sources, semble avoir
occupé, un temps du moins, des locaux distincts de ceux du collège – appelés
« Petite Sorbonne » ou parva Sorbona – et avoir eu une bibliothèque particu-
lière35. Nous y reviendrons plus loin (voir point 2.2.1.2. et point 4.2.2) car ce
sont précisément les mentions figurant dans les manuscrits subsistants qui
nous permettent de reconstituer cette bibliothèque éphémère.
31. Alard Palenc est mort le 30 août 1433. Le registre de prêt confirme que Jean de Ponte avait
la Prima secunde enregistrée sous le nom d’Alard Palenc. Il s’agit de l’actuel BNF lat. 15345
(XXIV/109 dans le catalogue de 1338). Voir J. Vielliard, éd. et annot., M.-H. Jullien de
Pommerol, collab., Le registre de prêt…, op. cit., p. 313 et n. 6 puis p. 316. Jean de Ponte rend
effectivement le volume en 1433 pour le réemprunter, cette fois sous son nom, en 1437. Voir
ibid., p. 290.
32. Item die nona Octobris, potus fuit magister Johannes de Ponte quia portaverat, contra statuta collegii
ad domum suam Primam secunde que in parva libraria erat, scripta sub defuncto magistro Alard Palenc ac
eciam quia dictum librum non reddidit tempore debito insuper et fuit conclusum quod redderet infra […] dies.
(R. Marichal, éd., Le livre des prieurs de Sorbonne (1431-1485), op. cit., p. 58).
33. Voir L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., II, p. 184-185.
34. Les manuscrits réservés au prieur sont signalés par une note marginale dans le catalogue de
1338 : voir ibid., III, p. 51 (BNF n. a. l. 99, p. 167). La situation a peut-être changé au xve siècle.
35. Voir C. Angotti, « Mort et vie du collège dit de la “Petite Sorbonne” », dans C. Giraud et
M. Morard, éd., Universitas scolarium. Mélanges offerts à Jacques Verger, Genève, 2011, p. 171-199.
36. L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits, op. cit., II, p. 179 et n. 3. Voir aussi Catalogue des manuscrits
datés, t. III, p. 447 qui date cette indication de la fin du xive siècle.
37. Sur ce sociétaire du collège, voir J. Vielliard, éd. et annot., M.-H. Jullien de
Pommerol, collab., Le registre de prêt…, op. cit., p. 623.
38. Voir L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits…, op. cit., II, p. 167 ; D. Gid et M.-P. Laffitte, Les
reliures à plaques françaises, Turnhout, 1997, cité p. 95 (notice de la plaque no 65).
39. BNF lat. 15892, f. 174v : Iste liber est de magna libraria et fuit extractus in aprili anno millesimo
CCCCLXXII ante Pascha et fuit tunc traditus in manibus domini primi presidentis, consequenter recupera-
vimus… Fuit ordinatum per collegium quod poneretur in archa thesauri que est in parva libraria, donec
fuerit aliter ordinatum, circa libros nominalium ; et erat in magna libraria in banca supra vicum, ante
fenestras propinquiores camere magistri nostri Iohannis Chiennart. Hoc factum fuit XXIX augusti anno
LXXIIII (voir annexe 4, photographie 3). Sur l’archa thesauri, et ses différentes désignations, voir
J. Vieilliard, « Le registre de prêt de la bibliothèque du collège de Sorbonne au xve siècle »,
dans J. Ijewijn et J. Paquet, éd., The Universities in the late Middle Ages, Louvain, 1978, p. 276-
293, précisément p. 281. On trouvera le détail de la condamnation dont le nominalisme fait
l’objet à Paris à la fin du Moyen Âge chez R. Paqué, Le statut parisien des nominalistes. Recherches
sur la formation du concept de réalité de la science moderne de la nature, Paris, 1985 (pour la traduc-
tion française). Pour une mise au point et la description des positions des uns et des autres,
voir Z. Kaluza, « Les étapes d’une controverse. Les nominalistes et les réalistes parisiens de
1339 à 1482 », dans A. Le Boulluec, éd., La controverse religieuse et ses formes, Paris, 1995, p. 297-
317 ; Id., « La crise des années 1474-1482 : l’interdiction du nominalisme par Louis XI », dans
J. F. M. Hoenen, J. H. J. Schneider et G. Wieland, éd., Philosophy and Learning : Universities
in the Middle Ages, p. 239-327, précisément p. 307-308. Voir aussi L. Bianchi, Censure et liberté
intellectuelle à l’Université de Paris (xiiie-xive siècles), Paris, 1999, p. 129-159 ; A. Renaudet,
Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d’Italie (1494-1517), Paris, 2e éd., 1953,
précisément p. 91-94 ; A. L. Gabriel, « Via antiqua and via moderna and the Migration of Paris
Students and Masters to the German Universities in the xvth century », A. Zimmermann, éd.,
Antiqui und Moderni Traditionsbewusstsein und Fortschrittsbewusstsein im späten Mittelalter, Berlin-
New York, 1974, p. 439-483 ; F. Ehrle (éd.), Der Sentenzenkommentar Peters von Candia des Pisaners
Papstes Alexanders V, Münster, 1925. F. Ehrle édite l’ordonnance du 1er mars 1474, p. 305-316.
40. Lettre de Robert Gaguin à Guillaume Fichet éditée dans Auctarium Chartularii Universitatis<