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DANSER DEVANT LES DIEUX

La notion du divin dans l'orchestique


/
Paul BOURCIER

DANSER DEVANT LES DIEUX

La notion du divin dans l'orchestique

La Recherche en danse
Du même auteur :

Maurice Béjart, Paris, Opéra, 1969.


Histoire de la danse en Occident, Paris, Le Seuil, 1978, traduit en espagnol et en
portugais.

La Recherche en danse
Collection dirigée par Jean-Claude Serre

Ouvrage édité par


Danse en Sorbonne
Association loi 1901
2, rue Francis-de-Croisset, 75 877, Paris Cedex 18
publié avec la collaboration du Département de danse
de l'Université de Paris-Sorbonne (Paris IV)
Que trouvent ici mes remerciements ceux qui m'ont aidé aimablement
à recueillir les documents reproduits dans cet ouvrage : les Ambassades de l'Inde, du
Japon et de la Turquie à Paris, Birgit, photographe du Théâtre de la Ville, M.F.
Briguet, Conservateur au musée du Louvre, C. et F. Cevallos, J.C. Femandès, la
Fondation Singer-Polignac, le Docteur J. Gaussen, M. Kahane, Conservateur de la
Bibliothèque-musée de l'Opéra, le Docteur A. Lefesvre, le Professeur J. Mellaart,
L. Robin-Challan, O. et J. Taffanel ainsi que le Conservateur en chef du Musée
Guimet à Paris et ceux des Musées d'Ankara, d'Athènes, du Caire, de Carpentras, du
Musée Borély à Marseille, du Musée archéologique de Nice-Cimiez, des Musées de
Nîmes et de Strasbourg.

Je voudrais dire ma reconnaissance à M. Michel Meslin, Président de


l'Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), Directeur du Département des Sciences
des religions, aux Professeurs de cette université, Mme Danièle Pistone et
M. Michel Guiomar, qui ont bien voulu examiner ce texte et formuler de précieuses
remarques.

Mon amitié admirative à Maurice Béjart en souvenir de nos longues


rencontres.
Couverture : Dionysos en transe entre deux satyres placés en opposition angulaire symétrique. Fond
d'une coupe du peintre Brygos, vers 480 (B.N. Paris, photo B.N.).
Dilectissimae uxori
INTRODUCTION

La danse, aux origines, est un rite sacré. Les plus anciens documents figurés,
seuls témoins des civilisations les plus anciennes, le montrent unanimement, qu'il
s'agisse soit de pratiques mettant l'homme en une situation perçue comme un contact
avec la divinité, soit de gestuelles insolites destinées à attirer l'attention des dieux.

C'est l'histoire de ces rituels, des sensibilités, des idées qui les sous-tendent
que l'on voudrait tenter ici de décrire. Les documents figurés eux-mêmes ont dicté
la méthode de travail : ils s'organisent spontanément en séries typologiques. Leur
répétition à travers les cultures dans toute l'Antiquité garantit l'originalité de leur
gestuelle et met en évidence leur valeur religieuse, généralement apotropaïque. Il
faut relever et suivre leur fil conducteur.

L'avènement du christianisme proscrivit ces pratiques en définissant des


rapports dogmatisés et hiérachisés entre le fidèle et son Dieu. Il n'y a pas deux
millénaires que l'interdit a été formulé, ce qui est fort peu par rapport à l'ancienneté
des premiers documents figurés. On a voulu rendre sensible cette brièveté en
condensant l'époque moderne en un seul chapitre : on s'efforce d'y souligner les
étapes de l'évolution de l'orchestique qui la ramène, de nos jours, à une inspiration
proche de ses sources.

Le lecteur de cet ouvrage est invité aussi à une lecture - ou relecture -


globale des documents figurés. Malgré l'effort considérable fourni p a r l'éditeur
dans le domaine iconographique et qui couvre l'essentiel, on a tenu à renvoyer sans
cesse à des oeuvres répertoriées par leur numéro d'inventaire dans les musées, à des
relevés ou des photographies publiés dans des oeuvres facilement accessibles. Cette
relecture ne se veut pas respectueuse obligatoirement des idées reçues, des
affirmations répétées, aussi inconfortable que soit cette position.

Les spécialistes, et les plus éminents, de telle ou telle période préhistorique


ou historique se tiennent dans des domaines bien délimités et ne prétendent pas
étudier particulièrement la gestuelle. Rares d'ailleurs sont ceux qui lui accordent une
réelle importance en tant que telle. Or, c'est la gestuelle qu'ici l'on tente d'examiner
spécifiquement dans une continuité qui enjambe les époques. Disons-le, avec une
ambition peut-être excessive mais avec le sentiment très vif d'une nécessité : il s'agit
ici d'orchestique comparée.

On s'est efforcé de rechercher et d'utiliser dans cet ouvrage exclusivement


des documents clairement sourcés et datés aussi précisément que possible, au moins
dans une chronologie relative, de les analyser avec objectivité en les replaçant dans
leur cadre culturel.

On a évité de les interpréter et de les décrire - ce qui est déjà une façon de les
gauchir - selon les concepts, les techniques, le vocabulaire de la danse académique de
notre époque. Notre ambition a été de rendre compte, autant que faire se peut, des
gestes orchestiques tels qu ils se sont produits dans la réalité, selon le vieux principe
du père de la critique historique moderne, Leopold von Ranke : "Wie es eigentlich
gewesen", le fait dans son exactitude brute.

Sans doute, l'historien actuel se doit d'aller plus loin : construire, d'après
les données historiques qu'il compare, les "faits" historiques. Selon la formule de
J. Le Goff (dans sa présentation de la réimpression de la Vie en France au Moyen
Age par C.V. Langlois, Paris, 1981, p. II.), il : "(...) transforme les éléments
documentaires en une information posant un problème d'interprétation". Mais il est
évident que, si elle ne s'appuie pas sur une exigeante recherche préalable, cette
interprétation ne peut être que construction vide, imagination menteuse.

C'est aussi pourquoi l'on ne trouvera pas ici de chapitre sur les danses des
"primitifs". La première raison est qu'il n'existe plus aujourd'hui de primitifs
"purs" qui soient observables ; tous, ils ont eu des relations avec le monde "civilisé"
et leurs coutumes ont perdu peu ou prou de leur authenticité. La deuxième est
l'absence quasi générale de documents figurés présentant leurs danses à l'état
originel. Elles ne sont rapportées, pour la plupart à une période récente, que par des
ethnologues plus soucieux, comme le veut leur discipline, de décrire des
comportements sociologiques, des structures mentales que des techniques gestuelles
dans leurs détails musculaires. Pourtant, on notera que, de façon générale, les danses
qu'on peut supposer être restées les plus fidèles à elles-mêmes - danses de possession,
danses d'initiation - emploient, pour mettre les exécutants hors d'eux-mêmes, des
procédures gestuelles - dont le tournoiement sur place - qui s'inséreraient aisément
dans les séries typologiques connues dès la préhistoire dans la culture
franco-cantabrique et celles du bassin de la Méditerranée orientale.

Enfin, on n'a pas traité des folklores qui, actuellement, sont le plus souvent
des interprétations à fidélité variable de traditions d'ancienneté indéterminée. Il eût
été tentant - mais n'était-ce pas quitter notre propos ? - de discuter leurs origines, de
vérifier si elles sont le masque déformé de rites païens proscrits p a r la
christianisation, si elles furent alors ravalées, selon la forte expression de Pierre
Chaunu, dans le Temps des Réformes, à "une culturelle résiduelle", "une culture de
résidus sociaux plus ou moins relégués au pied d'une échelle sociale ou géographique
des valeurs".

Le mythe incarne les terreurs de l'homme, ses besoins, ses refus, ses désirs,
dans un héros imaginé qui, éventuellement assumera le risque de transgresser les
règles communautaires. En célébrant ce héros dans des cérémonies, l'homme se
défoule, se délivre. Formule de Freud dans Totem et Tabou : "Une fête est un excès
permis, une violation solennelle des interdits". Or, ces cérémonies, ces fêtes ont tou-
jours, dans les cultures anciennes, comporté, comme partie obligée, un rite
orchestique. L'une des fonctions de l'orchestique ancienne fut, on le verra, de
purger le trop-plein des pulsions plus ou moins inconscientes des hommes, libération
que les Grecs nommeront katharsis.

La danse est toute désignée pour assumer ce rôle social : elle exprime
l'homme non dans la précision et la limitation du "dit", mais dans l'indéterminé,
l'illimité du "non-dit". Elle lui permet de signifier sans risque, voire sans
responsabilité, sa réalité profonde, celle qui est confusément ressentie comme
immature ou dangereuse pour l'ordre et le confort communautaires.

L'histoire de l'orchestique se définit, surtout dans les temps anciens, comme


celle des conventions que l'homme imagine p o u r se réaliser au-delà de lui-même et
au-delà des limites permises. Elle offre donc un moyen privilégié p o u r l'étude de la
psychologie des groupes, ceux surtout des civilisations antéscripturaires, une voie
originale d'analyse socio-culturelle.
P r a t i q u a n t une méthodologie qui se veut rigoureuse, elle p e u t être élevée au
r a n g de discipline auxiliaire de l'histoire. Rendant compte de l'évolution non
seulement des faits mais des sensibilités, elle p e u t sans doute contribuer de façon
significative à l'histoire d'une phénoménologie de l'imaginaire des hommes.

N.B. : L'auteur assume la responsabilité de toutes les traductions, sauf


mention contraire.
Chapitre premier

LA DANSE MAGDALENIENNE

EST THEOLOGIE
L'ancêtre des danseurs

Dans la falaise calcaire qui borde la rive gauche de l'Isle, à l'entrée de la ville
de Mussidan (Dordogne), s'ouvre la grotte de Gabillou. A partir de la cave d'une
maison paysanne, un couloir sinue sur une trentaine de mètres seulement en l'état
actuel, des carriers du XVIIIème siècle ayant détruit l'entrée primitive. Couloir ?
Boyau plutôt, large d'un mètre au mieux et dont la hauteur originelle sous plafond
variait de cinquante à quatre-vingts centimètres (1).
Au jugement d'André Leroi-Gourhan : "Par la qualité de sa décoration, par sa
conservation, par sa contemporéanité avec Lascaux, le Gabillou est une des grottes
françaises les plus importantes" (2), il offre : "(...) un des plus remarquables
ensembles de tout l'art paléolithique".
Sur la roche beige pâle, très tendre, sont gravées - on dirait mieux dessinées au
trait - des centaines de figurations d'animaux et de signes (3), juxtaposés ou
superposés. Leur parenté de style avec les images de Lascaux - notamment les
chevaux - date l'ensemble du début de la période magdalénienne, soit, selon les
auteurs, du XIVème au XIIème millénaire avant notre ère.
A partir de l'entrée actuelle, marquée par deux images de félins, court en frise
et au plafond une association essentiellement de chevaux et de bovidés. A
mi-parcours, sans transition, ce sont les cervidés, cerfs et rennes, qui dominent ; en
même temps se font plus nombreux les signes "blasonnés" - que Leroi-Gourhan
nomme "signes rectangulaires féminins" -. Une brève abside en cul-de-four creuse
sa conque dans l'extrême fond du boyau.
Là, sur la paroi de gauche, nettement isolé des autres figurations,
accompagné de deux "signes rectangulaires féminins" (4), est dessiné, de profil, un
être qu'il faut examiner attentivement avant de le reconnaître pour humain.
Sa tête s'encapuchonne dans celle de la dépouille d'un bison qui la cache
entièrement. Le mufle de l'animal est énorme par rapport au volume de l'homme et
les cornes, présentées de trois-quarts comme dans le style de Lascaux, gigantesques.
A l'évidence, la bête était d'une taille exceptionnelle et l'on peut se demander si elle
n'avait pas été choisie pour vêtir un homme dont la fonction était exceptionnelle
aussi. Du moins en a-t-il paru ainsi aux découvreurs qui l'ont appelé le "sorcier du
Gabillou" (fig. I).
Le corps de l'homme est montré de profil vers la droite. La peau du bison pend
jusqu'à mi-hauteur des cuisses. Les avant-bras, non couverts par la peau et humains
sans conteste, sont portés en avant, coudes cassés. Le tronc est incliné à quelque
trente degrés sur la ligne des hanches. Les jambes, évidemment humaines, sont
fléchies et placées sur deux plans. La droite, la plus basse, est terminée par un pied
mal visible qui fait avec elle un angle ouvert : anatomiquement, il ne peut
qu'attaquer le sol avec les orteils. La jambe gauche, placée plus haut, n'est pas
achevée, à moins qu'on admette qu'une légère bosse de la roche ait paru suffisante
- comme il est arrivé dans bien d'autres cas - au graveur magdalénien pour
représenter le pied gauche ; cette saillie fait un angle à peu près droit avec la jambe
(5).
Cet homme, écrasé par un masque d'une dimension surprenante, accomplit un
mouvement dont l'élan est immédiatement perceptible, mais dont la nature exacte ne
se révèle qu'à la réflexion critique. La position des bras ni celle des jambes ne sont
compatibles avec un déplacement latéral. Les jambes marquent tout autre chose
qu'une translation rectiligne en avant ou en arrière. Le poids du masque tout comme
le placement du corps excluent le bond en hauteur. Reste une seule hypothèse : un
mouvement sur place, un tournoiement de plain-pied, le moment saisi étant celui où
le corps, qui prend appui sur la jambe gauche, est poussé dans sa giration par le pied
droit. La première figure dansante que l'on rencontre dans l'histoire de l'humanité
tournoie de la droite vers la gauche (sens contraire aux aiguilles d'une montre).
Non seulement c'est le seul mouvement qui puisse s'expliquer par l'anatomie si
l'on examine le placement du corps du personnage, mais, de plus, il se lit aisément si
l'on restitue la ligne de sol sous le pied gauche (6). On ne peut la placer qu'ici ; la
mettre sous le pied droit basculerait le personnage sur le dos. En outre, la
configuration des lieux imposait au graveur de travailler couché sur le dos, sa tête
butant contre la paroi du fond, le coude coincé sur le sol au ras duquel, presque, est
inscrite la figure. En somme la posture la moins commode qui soit, imposée par le
choix délibéré de l'emplacement. Le dessin s'en trouve développé légèrement en
Fig. 1 : le personnage dansant de Gabillou (photo et relevé du Dr. J. Gaussen).
o b l i q u e v e r s la droite.
Q u a n d o n p r e n d e n c o m p t e la l i g n e d e sol, o n c o n s t a t e q u e l ' e n s e m b l e du
p e r s o n n a g e , à p a r t i r des h a n c h e s , e s t p e n c h é t e l l e m e n t e n a v a n t q u e son é q u i l i b r e ne
p e u t ê t r e a s s u r é q u e p a r un t o u r n o i e m e n t rapide. C ' e s t la r e c h e r c h e d e cette rapidité
q u i e x p l i q u e - et elle s e u l e - la p r o j e c t i o n des b r a s e n a v a n t , a s s u r e la v i t e s s e de la
r o t a t i o n e n d é p l a ç a n t le c e n t r e d e g r a v i t é et l ' e n t r e t i e n t c o m m e un v o l a n t inertiel.

D i e u x d a n s e u r s o u d a n s e u r s p o u r les d i e u x ?

L e " s o r c i e r " de G a b i l l o u t o u r n o y a n t sur l u i - m ê m e est le p r e m i e r r e p r é s e n t a n t


d ' u n e s é r i e p e u i m p o r t a n t e p a r le n o m b r e , m a i s c o h é r e n t e , d a n s l'art m a g d a l é n i e n ,
t a n t p a r sa t e n u e v e s t i m e n t a i r e q u e p a r sa gestuelle.
" L e s h o m m e s c o i f f é s d ' u n e e n c o r n u r e ou d ' u n e r a m u r e c o n s t i t u e n t un p e t i t
g r o u p e p a r t i c u l i è r e m e n t i n t é r e s s a n t , p a r c e qu'il livre (...) q u e l q u e s - u n s des r o u a g e s
de la p e n s é e p a l é o l i t h i q u e . " , e s t i m e A. L e r o i - G o u r h a n (7).
J. M a r i n g e r a t r o u v é de s o n c ô t é : " ( . . . ) 55 f i g u r a t i o n s d ' h o m m e s t r a v e s t i s e n
a n i m a u x et il s'agit s o u v e n t de d a n s e u r s . " (8). C e chiffre est sans d o u t e o p t i m i s t e : la
g e s t u e l l e d e s p e r s o n n a g e s a u x q u e l s l ' a u t e u r se r é f è r e n ' e s t p a s t o u j o u r s c l a i r e m e n t
lisible. T o u t e f o i s , il e s t b i e n c e r t a i n q u ' o n se t r o u v e d e v a n t u n e série t y p o l o g i q u e
c a r a c t é r i s é e d ' h o m m e s m a s q u é s et v ê t u s d e d é p o u i l l e s a n i m a l e s , p o u r v u s p o u r la
p l u p a r t de c o r n e s o u d e r a m u r e s , f i g u r é s d a n s u n p l a c e m e n t i d e n t i q u e e n ce q u i
c o n c e r n e les b r a s q u i s o n t t o u j o u r s a v a n c é s d e v a n t le corps, les j a m b e s d o n t l'une est
e n a p p u i et l'autre d o n n e le m o u v e m e n t , le t r o n c q u i est t o u j o u r s , ou p r e s q u e , incliné
sur les h a n c h e s . E x é c u t a n t m ê m e m o u v e m e n t , ils ont, sans q u ' o n ait d e s r a i s o n s d'en
d o u t e r , m ê m e sens et m ê m e fonction.
O n p e u t lire d e s f i g u r e s d e ce t y p e d a n s la g r o t t e des E s p é l u g u e s à L o u r d e s ,
d a n s celles du R o c de Sers, de la M a d e l e i n e , de la M a r c h e , de L i m e u i l . C e t t e liste est
loin d'être e x h a u s t i v e , elle n e retient, d a n s l'état a c t u e l de n o s c o n n a i s s a n c e s , q u e des
d o c u m e n t s i n d i s c u t a b l e s et d ' u n e lecture r e l a t i v e m e n t facile.
L e r e p r é s e n t a n t d u t y p e le p l u s c o n n u , g r â c e a u x o u v r a g e s d e v u l g a r i s a t i o n , et
le p l u s a c h e v é s a n s d o u t e , e s t u n p e r s o n n a g e d e la g r o t t e d e s T r o i s - F r è r e s (9) à
M o n t e s q u i o u - A v a n t è s (Ariège), daté de 12 0 0 0 ans (fig. II).
C o m m e le " s o r c i e r " de G a b i l l o u , il se t r o u v e au f o n d d e la c a v i t é , d a n s u n e
a b s i d e q u e A. L e r o i - G o u r h a n n ' h é s i t e p a s à a p p e l e r "le S a n c t u a i r e " , d o m i n a n t d ' u n
s u r p l o m b de 4 m è t r e s , et isolé d'eux, de f o i s o n n a n t s p a n n e a u x d ' a n i m a u x gravés.
Fig. II : le personnage dansant des Trois-Frères (montage à partir des relevés originaux de l'abbé
Breuil).
Toujours comme à Gabillou, il faut redresser la figure sur une ligne de sol
restituée, faute de quoi on ne peut percevoir le mouvement du personnage ; ce n'est à
première vue qu'une bizarre silhouette presque prostrée sur les mains et les genoux
et qui n'a aucun sens. Il est vrai que l'artiste qui l'a tracée a dû se plier aux
contraintes d'un emplacement choisi non pour la facilité de l'exécution, mais pour
des raisons analogues à celles qui ont fait graver l'ancêtre de Gabillou dans un
incommode cul-de-sac. Il a travaillé sur un panneau très étroit que nous, modernes,
aurions utilisé seulement pour une figure en largeur. En outre, la position du
graveur-peintre était acrobatique, agrippé qu'il devait être aux prises de la paroi ; on
conçoit qu'après avoir commencé la figure en gravant la tête, travail long et
difficile, il ait adopté pour la suite la technique rapide de la silhouette en traits peints.
Ce qui fait que la tête est pratiquement illisible à partir du sol tandis qu'on voit bien
les larges tracés à l'oxyde de manganèse qui cernent les contours du corps.
La tête est présentée de face. Le relevé qui en a été fait par l'abbé Breuil est
impressionnant : elle est entièrement dissimulée dans un masque de renne ou de cerf.
Elle est ornée d'une ramure importante de cervidé ; les oreilles ont été conservées
ainsi que la barbe qui cache le cou du porteur. De larges trous s'arrondissent à
l'emplacement des yeux, ouvertures pratiquées sans doute pour une raison utilitaire,
mais A. Leroi-Gourhan y voit : "(...) de grands yeux d'oiseau de nuit (ou de lion ou
de "fantômes")." (10). Le corps est recouvert par une peau à poils ras : bison ou
renne ou cheval.
Les avant-bras qui ne sont pas recouverts par la peau des pattes sont portés en
avant comme à Gabillou et présentés en faux-profil. Le tronc, vu sous le même
angle, est penché à quelque 40 ° sur la ligne du bassin.
A partir des hanches, c'est une vue en profil rigoureux qui est donnée. Un sexe
- humain, semble-t-il, mais placé comme celui d'un félin - et une queue postiche de
cheval sont fixés à la croupe. Les genoux sont légèrement pliés. Le pied gauche fait
avec la j a m b e un angle qui l'indique posé à plat. La jambe droite est placée en
arrière ; le pied attaque le sol avec les orteils. L'ensemble du corps est ainsi, de la
tête aux pieds, figuré en torsion hélicoïdale, montrant un tournoiement de plain-pied
de droite à gauche comme à Gabillou.
La signification de cette figure, sa fonction pour les Magdaléniens, ne peuvent
être trouvées que dans le mouvement lui-même. La qualité du dessin permet
d'ailleurs une analyse précise : comme l'ancêtre de Gabillou, le personnage des
Trois-Frères tend les avant-bras en manière de balancier à équilibrage variable.
C o m m e lui, il penche le tronc sur les hanches, il fléchit les genoux, il pose un
pied en pivot tandis que l'autre lui donne un élan. La notation la plus remarquable, la
plus explicite, est celle du mouvement hélicoïdal qui fait tourner le danseur comme
autour d'un axe intérieur. Assurément cette notation, unique dans l'art magdalénien
jusqu'ici connu, n'est pas fortuite ; elle ne peut avoir sa source que dans une
observation aiguë du modèle : comme l'homme de Gabillou, et dans un "rendu" plus
naturaliste, l'homme à tête de cerf des Trois-Frères tournoie sur lui-même.
L'abbé Breuil reconnaît que, lorsqu'il a découvert, puis "relevé", en la
redressant, cette étrange figure, il a été frappé par l'intensité et l'étrangeté de son
expression (11). Avec un lyrisme subjectif qu'on refuse maintenant dans la
recherche, il l'a qualifiée de "Dieu cornu des Trois-Frères", ce qui implique
qu'ecclésiastique, il imaginait, au moins vaguement, un culte rendu à cette
"divinité". Titre en soi heureux qui, pittoresque, a été repris par des ouvrages pour
grand public ou même dans des manuels d'enseignement. En réalité, il contribue à
obscurcir le véritable sens de la représentation.
Tout compte fait pourtant, A. Leroi-Gourhan préfère cette qualification
religieuse à celle, vague et facile, de "sorcier", "d'esprit régissant la multiplication
du gibier et les expéditions de chasse" (12). "Cet être composite, écrit-il, qui
présente sur une charpente anthropomorphique, dans le recoin le plus secret, tout au
fond de la grotte, les caractères additionnés du cervidé, du cheval et, probablement,
du lion, traduit de manière concrète tout autre chose qu'une vague magie.". Ailleurs
(13), il insiste : "Ce personnage est l'assemblage, l'accumulation de tous les symboles
mâles dont disposait celui qui l'exécuta (...). Il n'est pas étonnant de rencontrer cette
image hypersymbolique au plus haut et au plus profond de la cavité décorée d'une
centaine de figures dans lesquelles le symbolisme magdalénien s'est exercé avec une
richesse qui n'est atteinte nulle part ailleurs.". Ce qui est une reprise, une
confirmation de ce que cet auteur écrivait ailleurs sur le Gabillou (4).
Au plafond de cette même grotte figure, entouré, pressé de tous côtés par des
représentations de bovidés et de cervidés, un personnage gravé qu'on peut faire
entrer dans cette série typologique. C'est un être humain, coiffé, lui aussi, de la tête
d'un bison dont la peau le couvre jusqu'à hauteur des cuisses. Ses bras, cachés sous la
peau des pattes antérieures dont les sabots semblent ganter ses mains, sont tendus en
avant comme dans les deux figures déjà vues. Mais son tronc ne paraît pas penché sur
les hanches. Sa jambe gauche est verticale dans le prolongement du corps et le pied
est posé bien à plat sur le sol. Par contre, la cuisse droite est levée presque à
l'horizontale ; la jambe est pliée à environ 50° et le pied en position d'attaquer le sol
avec les orteils (14).
Dans le placement du personnage lui-même, rien n'indique formellement un
tournoiement. Mais on observera le mouvement de la queue qui a été conservée avec
la dépouille (ce qui permet de penser que cette peau pouvait être non un vêtement
d'usage sur lequel l'appendice aurait été inutile sinon gênant, mais une tenue
cérémonielle) : au lieu de pendre verticalement c o m m e elle le ferait en cas
d'immobilité ou de mouvement en avant, elle est projetée presque à l'horizontale,
fouettant le haut de la cuisse gauche, ce qui ne peut se produire que si l'homme
tourne énergiquement.
Certains ont vu dans cette figure la représentation d'un chasseur "à
l'approche", sous un d é g u i s e m e n t animalier. La supposition est gratuite :
l'environnement de l'homme n'a rien à voir avec lui, ce ne sont que gravures
d'animaux divers superposées et isolées malgré leur enchevêtrement. D'ailleurs, la
meilleure façon de leurrer un gibier serait d'imiter sa démarche, non de se tenir
debout, comme il est fait ici.

U n e r o n d e l l e cassée

Un autre document, daté lui aussi du Xème millénaire, mais marquant une
variante dans la typologie des danseurs magdaléniens, est fourni par une gravure sur
la moitié d'une rondelle d'os cassée. Elle a été trouvée dans la grotte du Mas d'Azil et
est conservée au Musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye, d'où
son nom habituel de "demi-rondelle de Saint-Germain".
Cette fois, il ne s'agit pas d'un personnage porteur de cornes ou de ramure. Sa
tête est serrée dans un masque d'animal non identifiable : museau assez pointu,
oreilles assez larges et retombantes, rien qui évoque une bête de chasse connue. Sur
le corps, présenté de profil à gauche, est ajustée une peau à poils ras suggérés par
des hachures. Les bras sont portés en avant comme dans les documents précédents,
mais la cassure de la rondelle les interrompt avant le poignet.
Le personnage est ithyphallique, trait qu'il est le premier à présenter, mais
qu'on retrouvera fréquemment par la suite chez les exécutants de danses rituelles de
fécondité/fertilité.
La position des membres inférieurs pose problème. Si l'on admet, comme on
serait tenté de le faire de prime abord, que le personnage prend appui sur le pied
droit et qu'on redresse en conséquence l'ensemble de l'image, on s'aperçoit qu'elle
bascule en arrière dans une position de déséquilibre. Il faut donc nécessairement
placer la ligne de sol sous le pied gauche. Alors, nous retrouvons le schéma
habituel : le tronc se casse sur la ligne des hanches ; le pied droit pousse des orteils le
corps dans une giration qui va de la droite vers la gauche (fig. III).
Remis en place, le personnage de la demi-rondelle, loin de tomber, tournoie,
lui aussi, de plain-pied.

Fig. III : la demi rondelle du Mas d'Azil, conservée au Musée de Saint-Germain-en-Laye (photo
J.C. Fernandès).

La gestuelle de ces trois personnages suffit à donner des indications sur leur
contenu mental tant il est vrai qu'on ne peut séparer âme et corps.
Leur corps, à tous, est placé complètement "en-dedans" selon la terminologie
des techniciens de la danse : les articulations des épaules, des hanches, des genoux,
des chevilles sont "fermées" vers le centre du corps.
Sur le plan physiologique, on sait que, comprimée, la cage thoracique ventile
moins d'air, moins d'oxygène, ce qui ralentit l'élan biologique. Sur le plan
psychologique, il y a relation constante entre cette position "coincée" et l'hypotonie,
l'état dépressif, le repliement sur soi-même ; c'est aussi le placement habituel des
gens apeurés. Ce sont là des données générales, valables pour tous les hommes, en
tous temps, en tous lieux. Il n'y a pas de raison valable pour que les Magdaléniens
aient fait exception.

Tournoyer pour être "ailleurs"

La gestuelle des danseurs tournoyants du Magdalénien regroupée dans une


série typologique, peut-on aller plus loin ? Peut-on penser que la pratique de cette
forme de danse était un fait courant malgré le petit nombre de documents qui en
témoignent ?
Le vrai est que très peu de documents de cette époque nous sont parvenus.
Il faut avoir présentes à l'esprit les remarques d'A. Leroi-Gourhan : "L'art
préhistorique est constitué avant tout par de la pierre sculptée ou peinte de couleurs
minérales et de quelques matières animales (os, ivoire, bois de cervidés, coquilles)
qui, exceptionnellement, ont pu échapper à la dissolution dans le sol.". Or, c'est
précisément avec les matières périssables (bois, peaux, écorces, tissus, peintures
faites avec des colorants végétaux ou animaux), "(...) qui n'opposent pas de
redoutables obstacles techniques.", que les hommes du Paléolithique pouvaient le
plus facilement s'exprimer. "La part qui nous reste pour les cultures éteintes est
donc probablement la plus ingrate.", souligne l'auteur qui conclut : l'art
paléolithique est "un art tronqué" (15).
En outre, dans l'ensemble des documents qui nous sont parvenus, la part faite à
l'espèce humaine est infime. L'homme figure dans 5,4 % des sujets traités et la
femme dans 10,3 % - encore aucune femme n'est-elle montrée comme exécutante
d'une danse sur un document de cette période -. A. Leroi-Gourhan, à qui l'on doit
ces statistiques, met en garde contre des conclusions tranchées en soulignant que l'on
dispose au total de moins de 3 000 figures, ce qui rend incertaine toute analyse
thématique (16).
De quoi l'on peut conclure, a contrario, que le faible nombre des documents
actuellement connus représentant des danseurs toumoyants ne prouve pas que leur
pratique était exceptionnelle. Il témoigne tout simplement qu'elle existait.
Si l'on essaie de pénétrer le sens réel des pratiques orchestiques
magdaléniennes, il convient de prendre de grandes précautions et la première est de
ne pas extrapoler les documents, de ne pas chercher à donner aux gestes représentés
des sens à quoi nous inclinent nos mentalités modernes. Nous devons sans cesse
considérer qu'il s'agit de déchiffrer les apparences d'une civilisation perdue dont
nous ignorons non seulement la pensée, mais les mécanismes de pensée.
Quand l'abbé Breuil salue comme "dieu cornu" le danseur des Trois-Frères, il
sort du document car rien n'y indique une telle nature. Il déduit cette notion de
divinité d'une impression subjective produite par l'étrangeté de la figure et aussi de
ses propres croyances. Encore était-il un savant éminent, passionnément honnête,
expérimenté et qui était allé voir sur place. Que dire de certains "historiens" qui, sur
des données non vérifiées personnellement, concrètement, bâtissent des systèmes ?
Le monde souterrain a, en effet, sur l'imaginaire, un pouvoir irrésistible. Le
vérifient les files d'attente des touristes d'été à l'entrée des cavernes "ornées" que
l'on peut encore visiter, les centaines de visiteurs que, chaque jour des vacances, des
convois électriques emportent dans les ténèbres de la grotte de Rouffignac où,
soudain, des coups de projecteurs animent de surprenants ballets de mammouths.
C'est A. Leroi-Gourhan encore qui met en garde les interprètes abusifs. Il
imagine un "explorateur sidéral" étudiant, dans quelques millénaires, des fouilles
d'églises chrétiennes sans le secours de textes explicatifs : comment interprèterait-il,
demande l'auteur : "(...) la coexistence de tables, de vases à boire avec des effigies
d'un homme blessé, torturé ?". Comment verrait-il le rite de la messe sinon comme :
"(...) une opération de magie imitatrice probablement destinée à assurer la
croissance du blé puisque les fidèles mangent le simulacre d'un pain ?" (17).
Un autre obstacle, actuellement dépassé, a été la tendance qui s'est manifestée
dans la première moitié du siècle à expliquer les comportements des Paléolithiques
par des références "ethnologiques" à ceux des "primitifs modernes". Il semble d'une
part bien difficile de trouver des primitifs purs à notre époque où le moindre
pygmée utilise des récipients en matière plastique, où les "Aborigènes" d'Australie
se produisent en tournées sur les scènes du monde civilisé. D'autre part, il est de
mauvaise méthode sur le plan scientifique de comparer des systèmes de pensée, de
sensibilité, de références dont rien ne prouve qu'ils aient eu des caractères
comparables. C'est un a priori qui n'est pas acceptable.
Il n'y a de voie, pour chercher la motivation, la finalité d'un geste, que
l'analyse du geste lui-même, la réflexion sur ses conséquences obligées.
La constitution anatomique des Magdaléniens était pratiquement identique à la
nôtre. Tout expérimentateur peut donc aisément vérifier sur lui-même les effets
soi-même. Plus le tournoiement est rapide et prolongé, plus les symptômes sont
accentués. Les enfants qui jouent à colin-maillard le savent bien.
C'est la médecine spatiale qui, pour comprendre le "mal des astronautes" a
démonté le mécanisme du vertige que le "sorcier" de Gabillou et ses successeurs
rencontraient dans leur danse toumoyante.
L'origine s'en trouve dans une modification au niveau des canaux
semi-circulaires de l'oreille interne (18) : lors de la rotation du corps, le liquide
endolymphatique qui emplit les canaux semi-circulaires est mis en mouvement. Ce
mouvement du liquide mobilise, dans un sens ou un autre, selon la direction de la
rotation, des cristaux de carbonate de calcium, les otolithes, fixés sur des cils qui
tapissent l'intérieur des canaux. La base des cils est reliée au système nerveux
central.
Ainsi, l'oreille fonctionne comme une "centrale inertielle" : le mouvement des
otolithes envoie au cerveau des indications sur le sens de la rotation ; d'autres
informations sont émises par les autres sens, vue et toucher notamment. S'il y a
cohérence entre elles, l'équilibre physique et mental est assuré. Si la rotation se
modifie ou s'arrête, le liquide endolymphatique continue de tourner par inertie, les
otolithes, de se déplacer. L'expérimentateur perçoit alors l'environnement comme
tournant autour de lui. Si le tournoiement se prolonge avec rapidité pendant une
durée variable selon les individus, sueur et hypersalivation apparaissent. Le
toumoyeur contemporain se met, comme son prédécesseur magdalénien, en état de
conflit psycho-somatique.
Il y a, en effet, conflit sur le plan psychologique. Lorsque l'homme est devenu
bipède, il a acquis le réflexe de définir son être par rapport à l'espace selon un axe
central et des directions fixes. Le tournoiement fait perdre le sens de cette
orientation ; il perturbe, plus ou moins gravement, la perception de la personnalité
par rapport à l'environnement, ainsi que l'ont démontré les expériences en
apesanteur. Le tournoiement met hors de la vie courante.
La pratique du tournoiement par le "sorcier" de Gabillou et ses successeurs
suppose la découverte, l'expérimentation, l'utilisation volontaire, la transmission
d'une technique de dépersonnalisation ou, au moins, d'oblitération de la
personnalité. La découverte a été fortuite sans doute. Mais la répétition exclut le
hasard. Elle marque un propos délibéré : la danse par tournoiement a pour finalité
une disparition momentanée du "je", l'état de transe.
Pas de magie chez les Magdaléniens

Il a été souvent affirmé que les danseurs toumoyants accomplissaient quelque


acte de magie. On ne peut donc éviter de poser le problème : l'état de transe obtenu
par le tournoyeur suppose-t-il que celui-ci est un sorcier ?
Transe et magie ne sont pas de même nature. La magie, dit le Robert (19), est :
"(...) l'art de produire par des procédés occultes des phénomènes sortant du cours
ordinaire de la nature.". La gravure de Gabillou, par exemple, n'indique nullement
un acte "occulte" ; de quel droit rajouter cette notion ? La seule méthode valable de
recherche, c'est d'étudier le document dans sa nue vérité ; pour la recherche en
orchestique, d'examiner le geste en soi.
Par ailleurs l'acte magique n'est pas un acte gratuit. Quelle serait la finalité
d'une "magie" magdalénienne ? L'appropriation du gibier peint dans les grottes ? Ou
une "liaison" entre le danseur et le gibier ? Celui-là accomplit-il un geste explicite
concernant celui-ci ? La réponse est négative dans la plupart des cas.
Leroi-Gourhan fait le point avec une approche numérique : des préhistoriens
de l'ancienne école apportaient comme preuves - et seules preuves - "d'envoûtement
cynégétique" les signes linéaires qui marquent certaines représentations d'animaux,
signes qu'ils interprétaient comme des armes de jet ou de poing (flèches, sagaies,
poignards) ou bien comme des blessures (20). A. Leroi-Gourhan relève que 3 %
seulement des animaux peints ou sculptés sur les parois paraissent "blessés" par ces
signes. "Les Paléolithiques auraient donc, conclut-il, abandonné leur projet de
chasse dans 97 % des cas, ce qui est absurde, ou bien ils auraient figuré un animal
blessé pour tout un ensemble, ce qui nous situe très loin de l'envoûtement naïf du
chasseur." (21).
A ce raisonnement s'ajoute une constatation tirée de la vie quotidienne des
Magdaléniens : les animaux qu'ils peignaient étaient-ils ceux qu'ils chassaient, qu'ils
mangaient, sur lesquels, donc, ils auraient exercé une "magie" ? Or les préhistoriens
connaissent bien maintenant leurs menus en étudiant les os contenus dans les fosses à
déchets près de leurs habitats (22) ; ils répondent par la négative.
Arlette Leroi-Gourhan a comparé en pourcentage les animaux peints dans la
grotte de Lascaux et ceux dont les restes ont été retrouvés dans les habitats de la
même région, à la même époque que les peintures (23). Le renne représente 88,7 %
de la consommation, mais seulement 0,16 % des représentations ; au contraire, le
cheval ne fournit que 0,8 % des déchets culinaires, mais il donne 59,5 % des
figurations. Dans les peintures, on ne voit pas un chevreuil, pas un sanglier alors
qu'ils entraient chacun à raison de 4,5 % dans les menus. Par contre, dans les fosses,
on ne trouve pas d'os de bovidés ni de bouquetins qui comptent respectivement pour
16,6 % et 6 % dans les sujets de la grotte.
Le cas de Lascaux paraît très général : dans la grotte de Commarque
(Dordogne), les 3/4 des os identifiés parmi les déchets viennent du renne qui n'est
pas présent dans les gravures pariétales consacrées surtout aux chevaux. De même,
dans les grottes de l'Ardèche, les artistes qui représentaient à 50 % des mammouths
n'en ont pas consommé un seul, leur gibier de prédilection étant le renne, absent de
leurs figurations. De même, dans la grotte de Gargas (Hautes-Pyrénées), sur 130
représentations d'animaux, aucune n'évoque le cerf qui a laissé plus du tiers des
restes osseux dans les fosses à déchets.
Peut-on penser, comme il a été dit, que, lorsque les Magdaléniens voulaient
tuer des rennes, ils commençaient par peindre des chevaux ?
Les représentations pariétales ne sont pas une magie de la chasse : pas de
magie, pas de sorciers.
Une question se pose alors. Pourquoi les hommes paléolithiques
représentent-ils systématiquement des animaux qui ne concernent apparemment pas
leur vie quotidienne ? Pourquoi cet intérêt pour l'apparemment inutile ?
On ne peut nier une évidence : le lien qui unit à l'animal les danseurs
magdaléniens. Tous ceux-ci portent, dans l'exercice de leur "fonction", masque et
dépouille d'animal, même s'il s'agit, dans le cas de la grande figure des
Trois-Frères, d'un costume composite, cérémoniel même.
La motivation initiale a dû être si forte que, plus tard, au Néolithique et durant
des cultures postérieures, la tradition du port d'une peau de bête par les danseurs
sera respectée au moins symboliquement, que ce rite sera considéré comme
bénéfique.
On peut chercher un élément de réponse dans l'éco-système paléolithique basé
essentiellement sur l'animal. Tuer du gibier était pour l'homme une nécessité : vie
pour vie. Non seulement la chair de la bête abattue fournissait l'essentiel de
l'alimentation ; mais le corps tout entier permettait de satisfaire des besoins
impératifs : la peau pour vêtir, les os pour fournir un outillage de précision, les
tendons pour donner des cordes, la graisse pour éclairer. L'animal était le centre des
préoccupations ; il n'est pas surprenant qu'il ait fourni l'essentiel de l'ornementation
des cavités et des danseurs.
Ne dissimulons pas l'insuffisant, voire l'oblique, de la réponse. Etudiant 1 794
représentations (24), A. Leroi-Gourhan relève les fréquences suivantes : cheval 24
%, bison 15 %, bouquetin 7 %, renne 6,5 %, auroch 5 %, cerf et ours 3 %. Quelle
est la véritable signification du choix des figures qui n'a pas, on l'a vu, de
motivation cynégétique ?
Et encore : alors que les images du cheval sont relativement les plus
nombreuses, comment se fait-il que sa tête ne soit jamais, au Magdalénien, utilisée
comme masque, la préférence allant aux bovidés et cervidés ?
A ces questions, rien ne semble répondre dans les documents figurés. Rien ne
permet de dire que le tournoiement ait une relation quelconque avec l'animal ou un
animal. C'est seulement au Mésolithique qu'on pourra penser que des danseurs
s'organisent en fonction d'un rite totémique.
Autre problème. Peut-on croire que les danseurs magdaléniens, et notamment
la grande figure des Trois-Frères, représentent un mythe, celui de la fécondité,
peut-être celui du "seigneur des animaux", pour reprendre la terminologie de l'abbé
Breuil ? Rien ne le dit dans les documents. Il est de fait qu'on a retrouvé, mais datées
d'une époque postérieure, des images qui ne sont pas sans rappeler les danseurs à
ramure, dans des contrées aussi éloignées que la Scandinavie, l'Afrique du Sud (25).
La ressemblance est réelle. Doit-on en conclure à l'identité ?
Un mythe, c'est la projection, sur un "sur-être" ou une figure symbolique,
d'un système de croyances, de légendes. Nous n'avons aucune trace de ces dernières,
bien entendu, à l'époque paléolithique. Et, pour reprendre la réflexion existentialiste
de Paul Faure (26) : "Les rites comptent plus que les mythes qui n'en sont le plus
souvent que les explications tardives, incertaines, poétiques". L'acte précède
toujours la pensée "systématisée".
Une conclusion pourrait être prise chez A. Leroi-Gourhan (27) : "A partir des
faits actuellement connus, il n'est certainement pas possible de restituer le contexte
sans dépasser les bribes du système qui nous sont parvenues ; mais s'agit-il de
prouver que le préhistorien a de l'imagination ou de constater que son sauvage
prédécesseur avait un cadre de pensée solidement construit ?".

La théologie du Magdalénien

Il faut décidément, quoiqu'il en coûte, refuser de lier notion de magie et danses


du Magdalénien. Il faut réformer un vocabulaire qui, se voulant surtout pittoresque,
entraîne des connotations erronées.
Qu'on retire donc au "sorcier" de Gabillou le titre dont la tradition l'a paré. Ce
qu'il fait dépasse la magie. Ce qu'il accomplit ne vise à rien d'autre qu'à le mettre
dans un état qui n'est pas celui de la vie courante, qu'à l'introduire dans le monde de
la non-apparence, de l'ailleurs. Ce qu'on appelle couramment l'extase. Ce qui est un
acte religieux, au sens premier du mot : mise en relation avec une divinité quelles
que soient la nature et la forme qu'on lui ait imaginées.
Si l'on tient à laisser au petit personnage dansant de Gabillou et à ses
successeurs un titre sans ambiguïté, que ce soit celui d'intermédiaire avec un monde
invisible. Pourquoi pas celui de chaman ou de prêtre ?
Très clairement, il faut noter que le premier acte religieux qu'on relève dans
l'histoire de l'humanité marque la volonté d'aller au-delà de la condition humaine.
C'est la danse qui permet cette transgression. Les figures dansantes que les
Magdaléniens ont peintes, gravées ou sculptées dans les caches profondes de la terre
transcrivaient leurs besoins, leurs désirs et aussi leurs terreurs : les hommes n'ont
jamais eu, n'ont jamais créé que les dieux qui leur étaient nécessaires pour oublier,
pour transcender leur impuissance.
Les documents que l'on connaît sur le culte des morts au Paléolithique
prouvent qu'existait alors une croyance au monde de la non-apparence. On a
retrouvé plus d'une centaine de sépultures où, dans les abris permanents, souvent à
proximité des foyers, à même la terre, gisaient des squelettes, complets ou non,
d'hommes, de femmes, d'enfants, le plus souvent couchés sur le côté, genoux et bras
repliés dans un décubitus rituel. Compte-tenu à la fois du nombre relativement élevé
de telles trouvailles et de l'importance des facteurs de destruction qui, durant tant de
millénaires, ont dissout les restes humains, on est conduit à penser que le rite de
conservation des ossements humains après la mort était généralisé.
Or, l'exécution de ce rite était complexe et longue ; elle supposait une volonté
continue, une tradition contraignante. Les ossements qui nous sont parvenus portent,
dans la plupart des cas, des restes de saupoudrage d'ocre rouge, particulièrement
marqués sur le crâne. Il a donc fallu que les cadavres aient été au préalable décharnés
par une pratique quelle qu'elle soit : pourrissement spontané, dans la terre ou non,
enlèvement de la chair aussitôt après la mort avec, peut-être, consommation rituelle
de telle ou telle partie du corps, comme le cerveau, ce que suggère l'ouverture d'un
certain nombre de calottes crâniennes. C'est ensuite seulement que les ossements
étaient recueillis et disposés selon l'ordre anatomique dans la position rituelle. C'est
alors seulement qu'on pouvait les saupoudrer d'ocre, sans quoi le pourrissement de
la chair aurait fait disparaître les traces du rite.
En outre, il arrivait qu'on donnât aux restes osseux une protection, rarement
sur tout le corps, plus fréquemment sur la tête, avec des pierres plates posées en toit
ou des ramures de cervidé entrecroisées.
Ces soins impliquent que l'on attachait grande importance à ces restes
sacralisés par l'ocre. Une seule explication à ce comportement : les Paléolithiques
croyaient qu'il y avait, au-delà de la mort, une vie non apparente mais réelle. Ils
attribuaient à ces morts, vivants non visibles, une présence, un pouvoir occultes. Il
s'agissait de se protéger d'eux, de se faire protéger par eux dont la puissance était à
la mesure des imaginaires. A. Leroi-Gourhan voit là le développement d'une
"métaphysique de l'inquiétude" (28).
Leur croyance à une survie qu'affirme le rite de l'inhumation suppose que les
Paléolithiques imaginaient, quelque indistincte qu'ait pu être cette notion, un
principe de vie au-delà de la mort et de la dissolution physique, un principe
forcément immatériel : une âme - comme nous disons - indestructible.
S'assurer une immortalité au-delà de l'irréfutable mort, jamais l'humanité n'a
abandonné ce dessein. Jamais l'homme n'a interrompu sa réflexion - ou ses rêves -
sur des sytèmes confortant l'assurance d'une improuvable pérennité.
Le rituel de l'inhumation des morts a, dans l'histoire de la pensée humaine, une
valeur incitative qu'on ne peut mésestimer. C'est le premier acte à connotation
métaphysique qu'ait accompli l'homme. Au-delà du visiblement transitoire, il
commence à imaginer et à construire une structure de permanence. Au-delà de
l'apparence, il affirme l'essence.
Ici, l'homme est créateur. Créateur d'un monde où il se débarrasse de ses
terreurs. Ainsi pouvait-il assumer un quotidien qui devait être tout à fait hostile et
précaire. Ainsi gagnait-il une place singulière sur la planète. Il se démarquait des
autres animaux bien plus radicalement que son ancêtre, l'homo habilis, un parvenu
qui devait beaucoup au hasard. Mieux que des outils de pierre, il s'est inventé un
outil existentialiste, une motivation à l'action, un antidote à ses terreurs et à la plus
absolue de toutes, la mort, risquée dans les périls de chaque jour.
En même temps, il concluait alliance avec des forces supposées contre d'autres,
hostiles, tout aussi fictives. Qu'il objective les unes et les autres ; le voilà qui crée le
complexe manichéen du dieu bon qui protège et de l'esprit mauvais qui nuit, d'où le
culte propitiatoire du premier et le bouclier des rites apotropaïques contre le second.
Trait permanent, semble-t-il, chez l'homme.
Quand l'homme se procure le recours idéal d'un monde invisible, d'une vie
invisible, quand, pour lutter contre les difficultés quotidiennes, il imagine des forces
à la fois lointaines et providentes avec lesquelles il faut nécessairement organiser des
relations ininterrompues, il a besoin d'une voie permanente d'accès.
La seule pratique attestée par laquelle l'homme magdalénien se mettait au-delà
de la vie consciente, se rendait apte à trouver le contact, croyait-il, avec les forces
invisibles, c'est la danse qui procure la transe, la danse par tournoiement. Danse
théologique donc, par laquelle l'homme s'intègre dans la personne des dieux qu'il
invoque plus ou moins confusément, par laquelle il affine et renforce sa familiarité
avec eux.
Le "sorcier" de Gabillou, ancêtre des danseurs, est aussi celui des
métaphysiciens : par son immobile danse, quinze fois millénaire, il ouvre à l'homme
le premier chemin hors du temporel.
La danse toumoyante, cette technique éprouvée d'évasion de soi-même et de la
vie difficile que subissaient les Magdaléniens, s'inscrit si profondément dans la
nature humaine qu'on la retrouve partout, à travers les âges, de la préhistoire à
l'époque contemporaine. Elle est toujours restée, avec assez peu de variantes et
même assez peu d'affinement, la technique typique de la recherche d'un état
extatique. C'est la danse des chamans du Grand Nord, des lamas tibétains, des
exorcistes musulmans, de nombreuses confréries africaines. C'est la danse de la
katharsis platonicienne. Elle a été intégrée, au XIème siècle de notre ère, dans un
système réfléchi, raffiné, de comportement religieux, par le soufisme (29). Elle fut
l'ascèse majeure, le "sâma" (30), enseignée à ses disciples par Mâwlanâ Djalâl el Din
Rûmi, fondateur à Konya (31) de l'ordre des derviches tourneurs qui perpétue cette
pratique (32).
Ce rendez-vous dans l'ailleurs, donné depuis des millénaires par la danse en
tournoiement, témoigne de l'étonnante continuité de l'esprit humain, de son unité
aussi : depuis les temps les plus anciens, la race humaine vivrait-elle, pour l'essentiel,
sur un patrimoine culturel commun, inscrit dans des gènes communs ?

La première danse collective

Pour trouver le document orchestique qui, dans l'état de nos connaissances,


suit chronologiquement les danseurs magdaléniens, il faut franchir deux millénaires,
jusqu'à une nouvelle culture, celle du Mésolithique.
L'éco-système s'était beaucoup modifié depuis qu'avaient céssé les glaciations
du Magdalénien. Les hommes ont pu changer, sous un climat favorable, leur mode
de subsistance : ramassage des coquillages, pêche, découverte d'un nouveau produit
consommable qui va, à temps, modifier le destin de la race humaine ; les céréales
sauvages, dont le blé, l'orge, le millet sont les principales. On ne savait pas encore les
cultiver, mais la découverte, dans de nombreux sites mésolithiques, de faucilles à
microlithes et de rouleaux-écraseurs témoigne que leur consommation était
répandue. Autre progrès décisif qui va réduire l'importance de la chasse ; voici les
débuts de l'apprivoisement et de l'élevage : ils sont encore modestes ; on élève le
chien pour sa chair, puis la chèvre.
L'animal de chasse n'est plus exclusivement au centre des préoccupations des
hommes. Ils abandonnent les grottes-sanctuaires, l'art animalier disparaît.
La modification du régime de vie, l'amélioration des ressources vivrières
mènent à l'accroissement du nombre des humains. Les préhistoriens datent de cette
période les débuts d'une vie communautaire dépassant le cadre familial.
C'est alors, aussi, qu'apparaît le premier choeur cyclique dans l'histoire de
l'humanité, la première danse collective.
Il s'agit d'une scène gravée sur la paroi d'une grotte peu profonde, n° 2 de
l'ensemble de l'Addaura, sur le Monte Pellegrino, à l'ouest de Palerme. Le
document n'est connu que depuis 1945 (33). Jusque-là il était caché par un rideau de
stalactites que fit tomber l'explosion d'un dépôt de munitions voisin.
Sept personnages gravés y tournent une ronde autour de deux protagonistes.
Ceux-ci, apparemment couchés sur le ventre, tête-bêche, exécutent des mouvements
dont le sens n'est pas évident. L'un d'eux replie ses jambes sur ses cuisses ; comme,
de sa nuque, partent des traits - qui ne sont peut-être que des stries de la roche -,
certains auteurs ont voulu y voir un sacrifice humain par auto-strangulation et
cherché à prouver qu'il s'agissait d'hommes extérieurs au groupe (34), voire de
condamnés. On peut penser plus simplement qu'il s'agit de danseurs-acrobates,
comme on en verra plus tard en Egypte (fig. IV).
Ces deux animateurs sont ithyphalliques, le sexe des danseurs eux-mêmes
n'étant pas indiqué. Cela a suffi à certains commentateurs pour imaginer une "magie
sexuelle". C'est une hypothèse que le document n'appuie pas.
En s'en tenant aux seules données figuratives, on pourra peut-être penser que
les personnages centraux accomplissent un acte rituel. On se gardera bien d'en
imaginer le sens et les modalités. Il est vrai que, dans l'état actuel de nos
connaissances, la ronde de l'Addaura reste sans équivalent à cette période.
Quant aux sept danseurs, tous nus, ils portent un masque animal identique à
mufle allongé et larges oreilles tombantes, différent de celui des personnages
centraux.
C'est la première fois dans l'histoire de l'orchestique qu'on rencontre un
groupe organisé arborant le masque d'un même animal. Peut-on parler de
totémisme ? A l'état embryonnaire, ce n'est pas invraisemblable. Mais, outre la
référence à un animal-ancêtre, le totémisme comporte un système de croyances, de
légendes, de rites dont on ne peut trouver ici l'indication.
Quoi qu'il en soit, c'est le premier document montrant une ronde, genre qui,
partout et à toutes les époques, est la forme spontanée de danse collective. Acte
répétitif qui ferme un ensemble sur lui-même, par lequel cet ensemble recherche et
affirme son identité, la ronde a les vertus d'une dynamique de groupe. Elle requiert
des participants l'abandon d'une partie au moins de leur autonomie d'action, de leur
personnalité propre, en échange d'une sensation de puissance au sein d'un être
collectif. C'est là une sorte de transcendance, bien différente de celle que recherchait
la danse magdalénienne : le dieu que se créent les danseurs de ronde, c'est leur
propre groupe symbolisé par l'animal dont ils portent le masque.
Une observation attentive de la ronde de l'Addaura montre que le choeur
cyclique est animé d'un double mouvement. D'une part, les danseurs tournent sur
eux-mêmes. Le marquent plus nettement deux personnages au sommet de la
composition, dressés de leur haut dans un beau mouvement ample avec ports de bras.
Un autre, tout en bas, torse penché et bras en balancier, tête tournée dans le sens de
sa giration qui va de la droite vers gauche comme l'indiquent les jambes, est tout à
fait conforme à la tradition paléolithique. D'autre part, le mouvement général de la
composition, où les danseurs sont tous vus à des temps différents de leur gestuelle, se
déplace de la droite vers la gauche : c'était la règle générale dans toutes les danses
par tournoiement rencontrées jusqu'ici. La forme nouvelle de la ronde n'y échappe
pas.
On remarquera que ce mouvement est aussi celui de la marche apparente des
astres majeurs, soleil et lune. Tout en se refusant à une référence cosmique que ne
donne pas le document - et qu'on ne peut corroborer par un autre de même époque -,
on devra noter que les rondes spontanées, celles que forment, par exemple, les
enfants, dans des jeux libres, tournent aujourd'hui encore dans le même sens.
La danse de l'Addaura, témoin d'une époque de changement culturel, crée,
avec sa ronde centrée sur deux animateurs, un type nouveau de danse.
Elle permet de poser un axiome dans l'histoire de l'orchestique : "A toute
culture nouvelle, danse nouvelle" avec son corrélatif : "Toute danse nouvelle
annonce une culture nouvelle". La danse est en effet l'un des meilleurs indicateurs
Fig. IV : la ronde de l'Addaura (relevé d'après photo de L. Robin-Challan).
qu'on puisse trouver sur le s e n s profond des cultures et leur évolution.
R é c i p r o q u e m e n t , o n n e p e u t c o m p r e n d r e l ' é v o l u t i o n de l ' e s p r i t et des f o r m e s de la
d a n s e sans l ' i n s é r e r d a n s l'histoire d e s civilisations.
D a n s ce s e n s , l ' o r c h e s t i q u e d o i t être c o n s i d é r é e c o m m e u n e s c i e n c e auxiliaire
d e l'histoire.
Elle p r e n d e n c h a r g e la m é m o i r e c i n é t i q u e de l ' h u m a n i t é : les m u t a t i o n s des
danses en fonction des mutations des civilisations ne feront pas disparaître
e n t i è r e m e n t le s t o c k a n t é r i e u r d e s g e s t u e l l e s d a n s é e s . S o u v e n t , o n v e r r a les
é v o l u t i o n s des cultures d o n n e r à u n e d a n s e traditionnelle u n sens n o u v e a u qui, p e u à
p e u , m o d i f i e r a sa f o r m e . Plus s o u v e n t e n c o r e , o n r e c o n n a î t , h é r i t a g e d e s t e m p s les
p l u s a n c i e n s , u n e s i m p l e c o n s t r u c t i o n corporelle, u n geste, u n a c c e s s o i r e d o n t le sens
p r i m i t i f s'est p e r d u et d o n t la f o r m e a é v o l u é au p o i n t d e n'être p l u s q u ' u n e allusion.
L a r o n d e d e l ' A d d a u r a se p r o l o n g e a i n s i à t r a v e r s les m i l l é n a i r e s . H o m è r e , p a r
e x e m p l e , 7 0 0 0 ans p l u s tard, o r n e r a d ' u n e s c è n e de m ê m e p r i n c i p e , s i n o n de m ê m e
f o r m e , le b o u c l i e r d ' A c h i l l e (35).
P r e n a n t e n c o m p t e le "dit" d e s c o n s t r u c t i o n s c h o r é g r a p h i q u e s et aussi le " n o n
dit" d e s g e s t e s q u i , m i e u x q u e les m o t s , p a r c e q u e p l u s v a g u e s , n o n filtrés p a r
l ' a u t o - c e n s u r e , d é n o n c e n t les p u l s i o n s de l ' i n c o n s c i e n t , l'histoire de l ' o r c h e s t i q u e est
l'un des m é m o r i a u x les p l u s sûrs d e l ' h u m a n i t é .
Notes du chapitre premier

(1) Le sol d'argile a été déblayé sur une profondeur de un mètre cinquante environ par les soins du
Dr Gaussen, propriétaire de la grotte, le niveau du sol primitif étant rappelé par un trait noir continu
sur les parois. La cavité peut ainsi être étudiée sans risque de dommage pour les gravures fragiles
qui se trouvent maintenant placées à hauteur d'oeil.
Voir : Dr J. Gaussen, La grotte ornée de Gabillou, Bordeaux, 1964.
(2) A. Leroi-Gourhan, Préhistoire de l'art occidental, Paris, 1965, p. 309.

(3) Les "signes" sont des combinaisons non figuratives de lignes, en nombre et directions variables,
parallèles ou non, combinées entre elles ou non, se recoupant ou non, formant des triangles, des
quadrilatères ou des figures sans régularité. Ils constituent jusqu'à 15 % des représentations sur les
parois des cavernes et sur les objets mobiliers. Leur signification n'est pas élucidée. Certains
préhistoriens de la première moitié du siècle y voyaient des schémas d'habitations, de pièges, voire
des formules "magiques". Beaucoup les ont catalogués selon leurs formes approximatives :
pectiformes, tectiformes, blasons... D'aucuns y ont vu des idéogrammes.
A. Leroi-Gourhan a mené une étude systématique prenant en compte leur emplacement dans
les cavités et leur association avec des figures. Il les considère comme des symboles sexuels qu'il
répartit en signes masculins et féminins ; la première catégorie groupe les "signes allongés" - tirets,
bâtonnets, lignes de points... -, la seconde rassemble les "signes pleins" - ovales, triangles,
rectangles,,accolades -. Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire, Paris, 1971, p. 92 sq..
(4) Leroi-Gourhan y voit la confirmation de sa théorie sexuelle des signes. Il écrit : "Au Gabillou, le
dérnier groupe de la caverne est constitué par un homme à tête de bison, relié par un trait à deux
signes vulvaires, ce qui, dans une autre forme, rejoint l'idée du plus viril placé au plus féminin de la
cavité.", o.c., p. 114.
(5) Relevé de la figure par le Dr Gaussen, o.c., pl. 35, fig.2.

(6) La notion de ligne de sol, indispensable à notre oeil moderne, ne l'était pas pour les artistes
magdaléniens ; elle ne commence vraiment à s'affirmer qu'avec l'art du Levant espagnol au
Néolithique.
Il est nécessaire de la restituer pour comprendre ce que l'auteur paléolithique a voulu
exprimer. Le principe est qu'au Magdalénien, la ligne ne dépendait pas du souci de stabiliser la
figure représentée ; il suffisait qu'elle paraisse stable aux yeux de l'artiste qui l'exécutait quelle que
soit la position qu'il occupait pendant son travail. Or, l'artiste travaillait souvent dans des conditions
difficiles, insinué dans un boyau qui, comme à Gabillou, laissait peu d'amplitude à son geste. Dans
d'autres cas, agrippé à des prises pariétales, il était obligé d'utiliser les dimensions, la conformation
et les accidents de la roche, bien souvent avec une virtuosité et une imagination confondantes. Dans
des exemples célèbres, comme les plafonds d'Altamira ou des Trois-Frères, la ligne de sol, pour
chaque figure, superposée ou non à une autre, dépend du choix arbitraire de l'auteur comme le
montre l'hétérogénéité de leurs placements.

(7) Leroi-Gourhan, Préhistoire de l'art occidental, o.c., p. 97.


(8) J. Maringer, L'homme préhistorique et ses dieux, trad. en fr., Paris, 1962.

(9) La grotte des Trois-Frères qui est une partie du vaste ensemble des cavités du Volp, se trouve
sur le territoire de la commune de Montesquiou-Avantès (Ariège). Elle a été découverte en 1914,
dans la propriété de leur père, le comte Bégouën, l'un des pionniers des recherches sur le
Paléolithique, par ses trois fils, d'où son nom. Elle a été étudiée à partir de 1919 par l'abbé Henri
Breuil qui en a exécuté les relevés.
(10) A. Leroi-Gourhan, o.c., p. 97.

(11) L'abbé Breuil décrit sa rencontre avec le "dieu cornu" dans une lettre à M. et Mme Bottet, datée
du 12 août 1919 à Montesquiou-Avantès (publiée dans Henri Breuil, catalogue pour l'exposition
organisée par la fondation Singer-Polignac, Paris, 1966) : "Dominant l'étage supérieur, un
extraordinaire dessin à 4 mètres du sol : c'est un homme gravé et partiellement peint en noir.
Pour l'atteindre, il faut prendre à plat ventre un étroit boyau dont toutes les parois sont
couvertes de merveilleux graffiti de bisons et de chevaux ; il donne dans un petit réduit également
orné... De ce petit réduit, une rampe secrète à parois magnifiquement ornées de chevaux, bisons et
gentils petits ours, accède à la hauteur de la figure humaine ; mais, pour se placer en face d'elle et
l'étudier, il faut placer son pied sur un éperon rocheux, assurer sa main droite en un seul point
possible à saisir, faire une volte-face et s'asseoir en face.
Alors seulement, on peut apprécier que ce personnage étrange est muni d'une belle queue de
cheval, que sa tête, de face, est surmontée d'une superbe ramure de renne gravée...
Du haut de sa tribune, cette figure préside à tout l'ensemble des graffiti des animaux de
chasse : Génie des chasseurs, Dieu de la chasse où le déguisement avec peaux de bêtes était usité,
figure de sorcier qui faisait là des incantations destinées à assurer la bonne chasse aux tribus fidèles
à ses rites. Quelque chose comme cela, assurément. N'est-ce pas émouvant de retrouver là l'esprit
même des anciens hommes et des plus graves de leurs préoccupations ?".

(12) Leroi-Gourhan, o.c., p. 97.

(13) Ibid., p. 309.

(14) Ce personnage a souvent été considéré comme le premier musicien représenté dans l'histoire de
l'humanité : à mi-longueur de son avant-bras droit, en effet, se présente une ligne que l'on a décrite
comme un "arc musical". La figure se trouve dans un emplacement de la grotte où l'observation est
très difficile et très peu fréquente. De l'avis de M. Max Begouën, l'un des trois frères, interrogé par
l'auteur, il s'agirait d'une fissure naturelle du plafond abusivement interprétée.

(15) Leroi-Gourhan, Préhistoire in Histoire de l'art, Paris, La Pléiade, 1961, tome I, p. 5 sq..

(16) Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire, p. 104.

(17) Ibid., p. 80.

(18) Voir notamment :


Tran-Ba-Huy P. et Chresser M., Anatomie macroscopique et ultramicroscopique de la cochlée,
Revue de médecine, 1976-77, p. 1423-1438.
Pialoux P., Valtat M., Freyss G., Legent M. et Soudant J., Précis d'orthophonie, Paris, 1975.

(19) P. Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, 1959, tome
IV, p. 353.

(20) "Des animaux sont représentés percés de flèches symboliques (bisons et bouquetins de Niaux,
chevaux de Lascaux). Des maquettes d'argile sont trouées de coups de sagaies (A Montespan, lion
et ours sans tête qui paraît avoir reçu, à diverses reprises, une peau fraîche), faits qui évoquent
l'idée d'envoûtement (...). Des figures humaines, affublées de masques d'animaux ou grotesques,
évoquent des cérémonies de danses ou d'initiations de peuples actuels, ou représentent les sorciers
ou les dieux de l'âge du renne". H. Breuil, Le Paléolithique in l'Art et l'Homme, sous la direction
de R. Huyghe, Paris, 1957, tome I, p. 37.
Selon la théorie de Leroi-Gourhan, les "flèches" vues par l'abbé Breuil sont des "signes
droits masculins". Toujours selon le même auteur, l'espace, à Montespan, est trop étroit pour qu'on
puisse donner des coups de sagaie sur le relief d'ours en argile ; les traces de ces "coups" ne sont
que des accidents de surface du matériau et "(...) rien ne prouve qu'on vêtait l'ours de peaux
fraîches pour l'utiliser comme quintaine ou "poupée" d'envoûtement.". Pour la réfutation de la
méthode ethnographique, voir aussi Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire, p. 78 sq..

(21) Ibid., p. 101.

(22) B. et G. Delluc, Faune figurée et faune consommée in Histoire et Archéologie, n° 87, oct.
1984, p. 28-29.

(23) Arlette Leroi-Gourhan, citée par B. et G. Delluc, o.c..

(24) Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire, o.c., p. 91.

(25) Afvalingskop (Etat d'Orange).

(26) P. Faure, La vie quotidienne en Grèce au temps de la guerre de Troie, Paris, 1975, p. 109.

(27) Leroi-Gourhan, o.c., p. 116.

(28) Leroi-Gourhan, dans La France au temps des Mammouths, ouvrage collectif, Paris, 1969,
p. 190.

(29) Le soufisme est un mouvement qui s'est manifesté à l'intérieur de l'Islam à partir du VIIlème
siècle de notre ère, associant ascétisme et mysticisme. L'orthodoxie musulmane a condamné ses
pratiques où étaient dénoncées des influences chrétiennes, néo-platoniciennes, indoues. Le
soufisme s'est développé jusqu'au XIIeme siècle. Il a inspiré des oeuvres souvent plus lyriques que
théologiques. En sont issues des confréries diverses, pour la plupart hétérodoxes, dont beaucoup
recherchaient des excitants étrangers à la pensée et à l'usage coraniques, comme la danse, et
utilisaient des stupéfiants (kif, haschisch).

(30) Le "Sâma" est une danse cérémonielle que les derviches tourneurs exécutent selon un rituel
strict dans un lieu qui, comme une mosquée, comporte un "mihrab" (niche orientée en direction de
La Mecque) et un "minbar" (chaire à prêcher). Les derviches sont séparés du public par une
balustrade.
Avant la danse, on récite des prières, on chante la louange du Prophète, on exécute un prélude
de musique suivie de chants. Munis de la permission rituelle de leur cheikh et après lui avoir baisé la
main, les derviches, vêtus d'une robe blanche, se mettent en files sur deux orbites dans l'espace à
l'intérieur de la balustrade. Chacun lève un bras, paume vers le ciel, étend l'autre, paume vers le
sol et tournoie sur lui-même, tête penchée sur l'épaule droite. Le pied gauche est à plat sur le sol ;
l'impulsion est donnée par le pied droit ; la danse tourne donc de droite à gauche. En même temps,
les files tournent lentement sur leurs orbites dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. La
danse dure tout le temps d'un chant rituel, soit environ 30 minutes avec des moments d'accélération
qui font s'épanouir les robes. La séance se termine comme elle a commencé avec des prières, de la
musique et des chants.

(31) Son tombeau s'y trouve dans le couvent des derviches. Il est encore le centre d'un pélerinage
très fréquenté et très fervent.

(32) Mâwlanâ ("Notre Maître") Djalal el Din Rûmi (1207-1273), Odes mystiques, Paris, 1973.
E. de Vitry-Meyerovitch, Rûmi et le soufisme, Paris, 1977.
M. Molé, La danse extatique en Islam in Les danses sacrées, Paris, 1963.
(33) S. Giédion, L'éternel présent - La naissance de l'art, Bruxelles, 1965, p. 376 sq..

(34) A.C. Blanc, Le sacrifice humain de l'Addaura, La messe et le rituel de l'étranglement en


ethnologie et paléontologie, Rome, 1957.

(35) Homère, Iliade XVIII, 590-606.


Chapitre 2

L'UNIVERS DES RITES

AU NEOLITHIQUE
Ere - nouvelle, danse nouvelle

L'aube du Néolithique s'est levée vers le début du VIIIème millénaire sur les
pays en bordure de la côte orientale de la Méditerranée, ce qu'on appelle le
"Croissant fertile" - aujourd'hui Palestine, Liban, Syrie, Anatolie du sud, Irak,
nord-ouest de l'Iran
Les populations qui les habitaient étaient neuves, non figées dans des
structures, des habitudes, des mentalités paléolithiques comme celles qui avaient
brillé pendant la culture franco-cantabrique et qui s'éteignent alors dans l'obscurité
d'un statut dépassé. Il fallait un type nouveau d'hommes pour poser des types
nouveaux de problèmes. Ce sont leurs migrations qui réanimeront l'ouest de
l'Europe quelque trois millénaires plus tard.
Le mot Néolithique n'est plus employé maintenant dans le sens d'âge "de la
pierre polie" qu'il avait lors de son invention en 1865. Il désigne l'ère pendant
laquelle s'est accomplie la révolution majeure dans l'histoire de l'humanité,
révolution que nous vivons encore.
Pendant les millénaires paléolithiques, les hommes avaient survécu en tuant des
animaux, en détruisant des plantes ; ils étaient des prédateurs. Désormais, ils
découvrent l'agriculture, désormais ils s'exercent à l'élevage ; ils seront des
producteurs.
Le propos n'est pas ici de faire l'histoire des progrès économiques pour
eux-mêmes, mais d'évaluer l'évolution culturelle qu'ils présupposent et qu'ils
engendrent, la longue chaîne d'expérimentations, l'accumulation d'expériences qui,
posant de façon répétitive le même problème, obtiennent le même effet : par sa
praxis quotidienne, l'homme néolithique est amené peu à peu à percevoir la notion
de causalité, base de tout acquis intellectuel.
Danser pour Artémis, 160 ; Danser pour Demeter, 165.
Reperes chronologiques, 169. Notes, 171.

Chapitre 5 - LE CULTE DANSE DE DIONYSOS p. 177


Dionysos, 179. Menades et satyres, 182. Les formes du
dithyrambe, 189. Mousike et transe, 193. La danse de
theatre, 199. Le dithyrambe-opéra, 209. Les artistes de
Dionysos, 211. Les cultes privés, 215. Notes 228.

Chapitre 6 - LES ETRUSQUES : UNE ORCHESTIQUE D'EMPRUNT p. 235


Vases et bronzes a la grecque, 238. Les tombes a motifs
orchestiques, 246. Reperes chronologiques, 255. Notes,
256.

Chapitre 7 - LE GENIE ROMAIN N'EST PAS ORCHESTIQUE p. 259


La bellicrepa, 263. Les Arvales, 264. Les Saliens, 267.
L'affaire des B a c c h a n a l i a , 273. L ' a n t i - d a n s e sous
l ' E m p i r e , 279. L ' o r c h e s t i q u e g a u l o i s e , 289. Les
Gallo-Romains, 291. Reperes chronologiques, 297. Notes,
298.

Chapitre 8 - VARIATIONS ORIENTALES SUR DES THEMES UNIVERSELS p. 305


Les dieux danseurs de l'Inde, 307. Le B h a r a t - N â t y a m ,
311. Le M a n i p u r i , 316. Le K h a t a k a l i , 318. La danse
khmere, 321. Les demons du Tibet, 326. Bali et la transe,
329. Les sens multiples de la danse chinoise, 332. La danse
allusive du Japon, 336. Notes, 341.

Chapitre 9 - DANSER A CONTRE-DIEU p. 345


L'Eglise et la danse, 347. Les caroles, 353. Danser pour le
roi, 360. Danser pour la gloire, 366. Danser pour plaire,
371. Danser pour l'âme, 380. Notes, 390.

Ouvrages consultés p. 395


Index geographique p. 411
Index general p. 421
Table des illustrations p. 437
Table des matieres p. 445

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