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Publications de l'École française

de Rome

La papauté et les missions d'Orient au Moyen-Âge (XIII-XIVème


siècle)
Jean Richard

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Richard Jean. La papauté et les missions d'Orient au Moyen-Âge (XIII-XIVème siècle) Rome : École Française de Rome,
1977. pp. 3-325. (Publications de l'École française de Rome, 33-1);

https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1977_mon_33_1

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COLLECTION DE L'ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME

- 33 -

Jean RICHARD

LA PAPAUTÉ

ET LES MISSIONS D'ORIENT

AU MOYEN AGE

(XIIIe-XVe siècles)
AVANT-PROPOS

Nous avions orienté nos recherches vers les missionnaires latins de

l'Asie médiévale lorsque notre nomination en qualité de membre de l'École


française de Rome, en 1943, nous ouvrit la possibilité de travailler dans une

perspective qui nous intéressait depuis longtemps : l'histoire des Occiden¬


taux qui s'enfoncèrent en Asie entre le XIIe et le XVe siècle, à la faveur de la

fondation des Etats latins, puis de la conquête mongole, qu'ils fussent sol¬
dats, marchands, missionnaires, captifs, voire renégats. C'est seulement en
1947 qu'il nous fut possible de passer près d'une année dans la Ville Eter¬
nelle, et de compléter les recherches déjà effectuées par des dépouille¬
ments menés dans les Archives du Vatican, dans les bibliothèques romaines
et dans d'autres dépôts et collections. C'est surtout alors que, grâce aux
R. P. Loenertz et Laurent, nous avons pu préciser le thème d'une recherche
qui allait aboutir à la rédaction d'un mémoire consacré à la Papauté, aux
missions d'Orient et aux origines de l'épiscopat titulaire. Ce mémoire, qui
avait reçu l'approbation d'Albert Grenier et qui fut présenté à l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres en 1948, formait dans sa première partie
une première rédaction du présent ouvrage. Mais il a dû être entièrement
repris; et les années ont passé, car une vie professionnelle chargée d'obliga¬
tions de toute sorte nous a empêché de le faire plus rapidement.
On ne s'étonnera pas qu'une refonte ait été nécessaire, si l'on songe à
VI AVANT-PROPOS

zola sur l'image que les Occidentaux se sont faite des chrétiens orienta
ou des Mongols, se sont ajoutés aux œuvres posthumes de Pelliot, déso
mais accessibles, pour nous donner une vision plus précise de ces relatio
L'étude des missions médiévales n'est pas chose nouvelle. Depuis qu
1741 Mosheim publa son Ristoria Tartarorum ecclesiastica qui utilisait lar
ment les documents d'origine pontificale déjà mis en œuvre par Rina
dans les Annales ecclesiastici, les efforts des religieux latins pour conver
les Mongols et les peuples qui leur étaient soumis ont retenu l'attention.
chapitre de l'histoire missionnaire figure aussi bien dans Γ Histoire génér
des missions catholiques depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours (1846)
baron Henrion ou dans la Storia universale delle missioni francescane
P. Marcellino da Civezza, dont la parution s'étala de 1857 à 1883 que d
Y Histoire universelle des missions catholiques de Mgr S. Delacroix (1957)
dans les ouvrages similaires. Quant aux monographies et articles scienti
ques, ils sont légion; ceux de Moule {Christians in China ) ou de Pell
{Chrétiens d'Asie centrale et d'Extrême Orient) ont fait date; mais la consul
tion de notre bibliographie, que nous avons cependant voulu succinc
dira aisément l'abondance de tels travaux.
C'est dans le cadre de chacun des deux grands ordres religieux qui
assumé au Moyen-Age l'essentiel de la tâche missionnaire que se sont ré
sés la plupart de ces travaux. Deux noms, ceux du P. Girolamo Golubovi
auteur de la monumentale Biblioteca bio-bibliografica della Terra Sant
dell'Oriente francescano, et du P. Raymond-J. Loenertz auquel nous devo
La Société des Frères Pérégrinants. Etude sur l'Orient dominicain, suffirai
à attester que, du côté de chaque ordre, l'enquête a été menée pratiq
ment à son terme, s'il ne fallait y joindre celui du P. Van den Oudenr
incomparable connaisseur de l'Arménie au temps des Frères Uniteurs.
Il nous appartenait, nous a-t-il semblé, de prendre l'étude des missi
par un autre aspect. Dominicains et Franciscains se sont partagé les effo
à accomplir dans le domaine de l'apostolat; mais derrière les deux gra
ordres se discerne l'action d'un organisme fédérateur qui n'est autre que
Papauté. L'intervention de celle-ci se manifeste à chaque instant, de t
sorte que les registres de la chancellerie pontificale sont notre princip
source documentaire; et c'est la Papauté qui, par la création d'un épisco
missionnaire comme par l'envoi d'ambassadeurs ou de commissair
s'efforce de donner à la tâche d'évangélisation à la fois son ampleur et
AVANT-PROPOS VII

naise, qui passe outre à la «centralisation pontificale» pour essayer de


doter les «nouvelles plantations de la foi» des moyens de mener une vie
autonome; la Papauté du Grand Schisme qui, à Rome comme à Avignon,
maintient tant bien que mal les efforts missionnaires terriblement gênés
par les mutations de la fin du XIVe siècle; la Papauté redevenue romaine,
préoccupée par la réalisation de l'Union des Eglises par voie conciliaire :
nous avons cru discerner chez tous ces pontifes la persistance du souci mis¬
sionnaire, et dans la Papauté le moteur des réalisations qui s'opèrent par
l'intermédiaire des deux ordres.
En prenant la Papauté comme point de départ pour l'étude des mis¬
sions, nous rencontrions un autre avantage : celui de pouvoir envisager
l'effort apostolique dans sa totalité, en prenant en considération à la fois les
Frères Prêcheurs, les Frères Mineurs, les autres religieux, les séculiers, les
laïcs mêlés à la tâche missionnaire. C'est ainsi que s'imposait dès l'abord un
examen des théâtres de l'apostolat, et qu'il nous est apparu qu'entre les
pays «de l'Aquilon», d'une part, ceux «de l'Orient et du Midi», de l'autre,
d'autres différences que celles qui résultent d'un découpage géographique
se faisaient jour. Ce qui nous a confirmé dans l'adoption de cette optique.
Si nous avons exclu de notre recherche le vaste domaine des relations
entre l'Eglise romaine et l'Eglise byzantine, sauf à évoquer certains aspects
des contacts entre les Latins et les Melkites de Syrie, les Géorgiens ou les
Russes, c'est précisément parce que ce domaine était trop vaste et aussi
parce que les relations en question ont été trop marquées par l'interférence
du temporel et du spirituel pour que nous ayions pu envisager de nous y
aventurer. Les ouvriers, d'ailleurs, sont ici nombreux et plus habiles que
nous ne l'aurions été à manier leurs instruments; nous souhaiterions avoir
pu contribuer à leur tâche en leur fournissant des points de comparaison
qui aideront à mieux apprécier la spécificité des rapports gréco-latins. Mais
nous voudrions, d'emblée, marquer combien nous nous sentons, de notre
côté, redevable à leur endroit pour tout ce qu'ils ont apporté à notre tra¬
vail.
Les controverses portant sur les problèmes dogmatiques, rituels ou dis¬
ciplinaires auxquels l'Eglise catholique et les Orientaux apportaient des
solutions différentes appelaient sans nul doute des analyses plus détaillées
que celles que nous avons esquissées; nous nous sommes en effet attaché
davantage à l'histoire de l'organisation missionnaire qu'à celle de la théolo¬
gie, de la liturgie et du droit canon qui requièrent l'intervention de spécia¬
Vili AVANT-PROPOS

la fois rituelles et nationales, sans que l'emploi de ces termes postu


l'adhésion de ceux qu'ils concernaient aux hérésies de Nestorius ou d
Monophysites. Recourir aux appellations de Chaldéens ou de Syriens
dernier mot désigna longtemps les Melkites) pourrait parfois apparaît
comme un anachronisme.
Nous nous sommes, enfin, systématiquement abstenu de nous référe
un autre domaine de recherche, celui de la missiolologie. Les trav
menés depuis quelques décennies dans ce domaine, tendant à dégager
perspectives de labeur missionaire fondées sur de nouvelles approches d
contacts et des divergences entre les diverses religions et les différen
Eglises, sont sans doute riches de développements à venir; il nous a p
impossible d'en transposer les résultats, dans la mesure où ceux-ci so
définitivement acquis, dans un passé vieux de plusieurs siècles. Le mon
de pensée dans lequel ont évolué les missionnaires médiévaux n'était s
doute guère différent de celui des évangélisateurs du haut Moyen-Age, ni
celui des grands missionnaires des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, ou des tem
contemporains. Et c'est là ce qui importe à l'historien.
Mais il est temps de nous acquitter d'une dette de reconnaissan
envers tous ceux à qui nous sommes redevable d'un conseil, d'un éclairc
sement ou d'un encouragement. La coopération entre chercheurs n'est p
pour nous, un vain mot, et nous avons conscience d'en avoir été le béné
ciaire; combien de tirés à part qui nous ont dispensé de rechercher
publications parfois quasi-introuvables, de lettres qui sont venues résoud
une difficulté!

Il n'est, en effet, pas toujours facile de mener, sans disposer sur pl


d'un éventail de bibliothèques spécialisées, des recherches telles que cel
dont ce volume est l'aboutissement. Aussi notre gratitude est-elle grand
l'égard de nos amis ou collègues, des conservateurs des bibliothèques
des archives qui ont facilité notre tâche. Et il n'est que justice de dire q
concours nous avons trouvé dans notre entourage familial, en particu
auprès de notre femme, d'Hugues, de Francis et d'Hélène Richard.
Nous ne saurions oublier ceux qui nous ont aidé à définir ce trav
Albert Grenier, Paul Pelliot, René Grousset, Marie-Hyacinthe Laurent,
nous ont trop tôt quittés. Le P. Mécérian, J. J. Saunders, Ν. V. Pigulevsk
qui s'y étaient intéressés, ne sont plus là non plus. Mais ce nous est une j
de remercier ici, en nous excusant de le faire aussi succinctement, R. B
AVANT-PROPOS IX

Brincken, de l'aide qu'ils nous ont apportée et de l'intérêt qu'ils ont témoi¬

gné à ce travail. Et nous aurions aimé pouvoir apporter avec l'hommage de

ce livre notre gratitude au P. Loenertz, qui avait suivi nos recherches depuis

le début en nous faisant profiter de sa grande connaissance de leur objet,

mais que la mort nous a enlevé le jour même où nous remettions ce

volume en vue de son impression.

Un grand merci aussi à notre ami Jean Glénisson et à l'Institut de

Recherche et d'Histoire des Textes qui ont tant facilité la réalisation de ce

volume aux dernières heures de son élaboration. A l'Ecole française de

Rome et à son Directeur, M. Vallet, nous voudrions exprimer aussi toute

notre gratitude. C'est grâce à notre séjour au Palais Farnèse, auprès des col¬

lections vaticanes, que nous avons pu entreprendre ce travail; c'est à

l'Ecole que nous avons trouvé un appui toujours très secourable; c'est dans

les Mélanges d'archéologie et d'histoire qu'ont paru les premiers des élé¬
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

La documentation sur laquelle repose une enquête sur les missions


orientales au Moyeri-Age est constituée en premier lieu par la série des
registres de la chancellerie pontificale. Si une tentative de réunir dans des
volumes spécialisés les textes intéressant les questions missionnaires ne vit
le jour que très tard et de façon éphémère, les lettres des Papes aux princes
d'Asie et aux prélats orientaux, les recommandations ou les pouvoirs accor¬
dés aux missionnaires lors de leur départ, les décisions de toute sorte pri¬
ses par le Saint-Siège, les exhortations aux ordres religieux se rencontrent
pratiquement dans chacun des registres conservés. Aussi le dépouillement
de ceux-ci a-t-il été à la base de notre travail.

Entrepris depuis longtemps par les auteurs des Bullaires, notamment


ceux des ordres franciscain et dominicain, ce dépouillement a été rendu
plus aisé grâce à l'inestimable collection des Registres et Lettres des Papes
des XIIIe et XIVe siècle. Mais, au cours des trente dernières années, s'est éla¬

borée la série des Fontes de la commission pontificale pour la rédaction du


Code de droit canonique oriental, qui a systématiquement rassemblé tout
ce qui, dans les registres pontificaux, intéresse l'Orient, y compris des sup¬
pliques et tout le dossier de la grande controverse sur la foi et la discipline
de l'Eglise arménienne. Ce recueil nous a fourni un instrument de contrôle
et d'utiles compléments; il est désormais pour les travailleurs un excellent
XII SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

bres «lettres édifiantes» - lesquels apportent une contribution sans do


moins abondante que la précédente, mais fort importante.
Ces documents s'apparentent aux récits de voyages, dont certa
comme les Mirabilia de Jourdain de Séverac, sont eux aussi des excitaîor
des invitations à concourir à la tâche missionnaire. Il n'est voyageur, f
laïc comme Schiltberger ou Marco Polo, qui n'apporte sa contribution
connaissance des missions, qui figurent dans les perspectives de cert
projets de croisade. Mais beaucoup d'auteurs des uns et des autres s
eux-mêmes des missionnaires ou des « pérégrinants ». Et de véritables
ports sur l'état et les possibilités de l'évangélisation sont sortis de la plu
par exemple, des archevêques Jean Ier et Jean III de Sultanieh. Il
regrettable que l'allégorie qui règne d'un bout à l'autre du Songe du V
Pèlerin nous empêche d'utiliser aussi le tableau du monde qu'esquissa
lippe de Mézières!
Bon nombre d'informations qui rentrent dans nos perspectives
trouvé place dans l'une ou l'autre chronique. Un Mathieu Paris, un Jean
Winterthur, un Jean Elemosyna, sont particulièrement bien informés; m
nous aurons d'autres chroniqueurs à citer épisodiquement parmi nos so
ces.
Cette documentation multiforme, pour autant qu'elle concerne l'or
des Frères Mineurs, a été extraite et commodément rassemblée dans la
cieuse Biblioteca bio-bibliografica du P. Girolamo Golubovich, que n
avons abondamment utilisée dans nos références, comme constituant
véritable corpus des textes intéressant les missions franciscaines, tandis
le premier volume des Sinica franciscana a permis au P. Van den Wyng
de fournir une édition scientifique des relations de voyages sorties d
plume des voyageurs du même ordre. Les textes de provenance dom
caine sont sans doute plus dispersés; mais les études du P. Loenertz en
nissent les références sous une forme très accessible.
Nous avons cependant eu à compléter ces dépouillements d'ouvr
imprimés en recourant aux documents d'archives ou à des manuscr
pour vérifier les indications données par nos prédécesseurs ou rétablir
textes tronqués, et aussi à la recherche d'informations nouvelles. Les ar
ves notariales de Gênes et les fonds de l'Archivio segreto Vaticano (not
ment les Instrumenta miscellanea et les archives de la Chambre apost
que) nous ont livré un nombre appréciable de documents inédits, sans
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE XIII

et se trouvant plus ou moins durablement en Occident, qu'ils accomplis¬


sent certaines fonctions pontificales pour seconder des évêques diocésains,
ou qu'ils s'associent pour enrichir certaines dévotions d'un nombre de
jours d'indulgence proportionnel à celui des évêques ainsi rassemblés. C'est
ainsi qu'une de ces lettres d'indulgence collectives, retrouvée par le P. M.-
H. Laurent, a livré le sceau du célèbre Rabban Çauma. Beaucoup de ces
documents ont été recensés par le P. H. Delehaye, Les lettres d'indulgence
collectives (dans Analecta Bollandiana, XLIV-XLVI, 1926-1928). Mais il en est
d'autres, dispersés dans des Codices diplomatici, des Urkundenbiîcher, des
Regestes, ou encore inédits, qui nous ont livré des mentions intéressant
notre propos, au prix d'une prospection longue, et cependant certainement
incomplète.
La littérature historique relative aux missions médiévales est considé¬
rable; nous n'avons pas la prétention d'en avoir épuisé la liste dans la
bibliographie qui suit. Nous n'avons pas cru, en effet, devoir recenser tous
les ouvrages qui n'ont plus d'intérêt scientifique, quel que fût leur mérite à
l'époque où ils ont été écrits - sauf lorsqu'on y trouve la démonstration de
faits qui sont depuis considérés comme établis par les historiens. Pas
davantage, tous ceux qui nous permettent d'accéder à la connaissance du
milieu dans lequel s'insère l'histoire missionnaire, qu'il s'agisse de l'histoire
des Eglises orientales, de l'Orient aux temps mongols, des relations politi¬
ques ou économiques entre l'Occident et l'empire mongol ou les régions
voisines.
Nous avons en effet la bonne fortune de disposer depuis ces dernières
années d'ouvrages qui ont établi d'excellentes bibliographies auxquelles
nous ne saurions faire mieux que de renvoyer nos lecteurs, qu'ils aient à
utiliser l'Introduction à l'histoire de l'Eurasie centrale de D. Sinor, Das Mon¬
golische Weltreich de Klaus Lech, Die «Nationes christianorum orientalium »
de MUe von den Brincken, Die Mongolen in Abendländischer Sicht de G.-
A. Bezzola, les deux livres classiques de B. Spuler, Die Goldene Horde et Die
Mongolen in Iran, ou les pages consacrées aux missions et à l'histoire des
Eglises d'Orient par Hans-Eberhard Mayer dans sa Bibliographie zur Ges¬
chichte der Kreuzzüge. Et il est inutile de dire que nous avons eu recours
bien des fois au Dictionnaire d'Histoire et de Géographie ecclésiastiques, au
Lexikon für Theologie und Kirche, ou à l'Encyclopédie de l'Islam, dont les
notices nous ont rendu les plus grands services.
XIV SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

avons plus d'une fois cités et dont la description s'est trouvée de ce fait
ou moins fortement raccourcie. Il nous faut d'ailleurs préciser qu'il
est arrivé de renvoyer à des travaux, et notamment à des publication
textes, qui peuvent apparaître comme dépassés par d'autres, plus réc
Nous avons été ici handicapé non seulement par l'étalement de la gest
de ce travail sur presque trente ans, mais par l'éloignement où nous
trouvions par rapport à des bibliothèques bien dotées en ouvrages d
genre1.
Cette liste bibliographique ne fait pas le départ entre les sources
nous avons utilisées - pour la plupart, nous l'avons dit, imprimées -,
littérature historique. Ce n'est pas que nous ayons fait nôtres les thèse
certains historiens qui récusent cette distinction; mais c'est que, dan
domaine dont il s'agit, très nombreuses sont les publications qui assoc
l'édition d'un texte ou d'un document à une étude historique : que
pense à la Biblioteca biobibliografica de Golubovich! Et que bien des
vaux se présentent comme des éclaircissements apportés à des édition
textes, à la façon des Recherches de Pelliot. Il aurait fallu citer sous la r

que «Sources» trop d'œuvres que l'on aurait retrouvées sous la rub
«Bibliographie». Aussi notre propos a été de faciliter l'identification
ouvrages cités, en espérant que le fait d'avoir mêlé publications de tex
études consacrées soit à ces textes, soit aux questions soulevées par
toire des missions, ne rendra pas plus malaisée l'orientation de ceux
voudront utiliser cette liste pour diriger leurs propres dépouillements

1 Une question particulièrement délicate se pose à quiconque travaille à cheval su


sieurs domaines linguistiques relevant de l'orientalisme : celle des transcriptions et de l
des signes diacritiques. Nous avons cherché à suivre l'usage généralement suivi par les
golisants français en ce qui concerne les noms mongols, sauf à remplacer le γ par
même en ce qui concerne les noms persans, l'accent circonflexe se substitue au L'e
LISTE DES OUVRAGES CITÉS

Abu'l Faraj : voir Bar Hebraeus.


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Bullarium franciscanum : cette abréviation renvoie normalement aux volu¬
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tant dans sa première édition (1913-1938, 4 vol. et suppl.) que dans la
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und Forschungen aus dem Gebiet der Geschichte, hggb. von der Görres
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-, Die während des 14. Jhdts. in Missionsgebiet errichteten Bistümer, dans
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ter, 1913.

Fedalto (Giorgio). La chiesa latina in Oriente. Verone, 1973-1976, 2 vol.


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Orientis, paru trop tard pour que nous puissions l'utiliser ici, reprend
et complète la partie orientale de la Hierarchia d'Eubel).
Fejer (G.), Codex diplomaticus Hungariae ecclesiasticus et civilis. Bude 1829
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XX USTE DES OUVRAGES CITÉS

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Budge (Sir E.A.), The Monks of Kûblâi Khân, Emperor of China, or the
history of Rabban Sawmâ. Londres, 1928. En traduction russe: N.V. Pigu
levskaja, Istorija Mar Iabalahi III i Rabban Saumy. Moscou, 1958 (Aka
demija Nauk SSSR. Institut Vostokovedenija).
Hofmann (G.), Die Einigung der armenischen Kirche mit der katholischen
Kirche auf dem Konzil von Florenz, dans Orientalia Christiana periodica,
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-, Kopten und Aethiopen auf dem Konzil von Florenz, dans Orientalia Chris¬
tiana periodica, Vili, 1942, p. 5-39.
-, Päpstliche Gesandtschaften für die Nahosten. 1415-1453, dans Studia mis
sionalia, V, 1950, p. 47-71.
-, Papst Kalixt III und die Frage der Kircheneinheit im Osten, dans Miscella¬
nea Giovanni Mercati, III, 1946, p. 209-237 (Studi e Testi, 123).
-, Papst Pius II und die Kircheneinheit des Ostens, dans Orientalia Christiana
XXII USTE DES OUVRAGES CITÉS

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Hotzelt (W.), Kirchengeschichte Palästinas im Zeitalter der Kreuzzüge. Co
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duction par C. Defremery et B.R. Sanguinetti. Paris, 1853-1858, 4 vol
Iorga (Nicolas), Notes et extraits pour servir à l'histoire des croisades au X
siècle, Paris et Bucarest, 1899-1915, 5 vol. (extrait de Revue de l'Ori
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Jacques de Vitry. Historia Orientalis, dans Bongars, Gesta Dei per Francos
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-, Lettres de Jacques de Vitry, 1160/70-1240, évêque de Saint-Jean d'Acre,
R.B.C. Huygens. Leyde, 1960.
(Jean de Cori). Le livre de l'estat du grant kan, éd. Jacquet, dans Journal A
tique, VI, 1830, p. 59-71.
Jean de Hildesheim. De gestis trium regum. Extraits dans Golubovich.
Jean de Marignolli ou de Marignola. Chronicon Joannis de Marignolis de F
rentia, éd. G. Dobner, dans Monumenta Boica, II, 1768 (nous avons
les passages de cette œuvre intéressant les missions dans l'édit
qu'en a procurée le P. Van den Wyngaert, Sinica Franciscana, I).
Jean de Monte Corvino, Lettres - éditées dans Sinica franciscana.
Jean de Plancarpin, Historia Mongalorum. Nous le citons d'après les Sin
franciscana. Voir infra, p. 72, n. 29.
Jean III de Sultanieh, Der «Libellus de notifia orbis» Johannes' III (de Gal
fontibus?), O.P., Erzbischofs von Sulthanyeh, éd. A. Kern, dans Archiv
fratrum praedicatorum, VIII, 1938, p. 82-123.
Jean de Winterthur, Johannis Vitodurani chronicon, éd. G. von Wyss, d
LISTE DES OUVRAGES CITÉS XXIII

Jourdain Cathala de Séverac, Mirabilia descripta, éd. Coquebert de Mont-


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Journ. As. : Journal Asiatique.

Kawerau (Peter), Die Jakobitische Kirche im Zeitalter der syrischen Renais¬


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ten, 3). - 2ème éd., 1960.
Kern : voir Jean III.

Kirakos de Gantzag, Histoire. Nous avons utilisé la partie traduite par


Dulaurier, dans Journal Asiatique, 1858, sous le titre Les Mongols d'après
les historiens arméniens (p. 192-225 et 426-500).
Köhler (Ch.), Deux projets de croisade en Terre-Sainte composés à la fin du
XIIIe. . . dans Revue de l'Orient latin, X, 1903-1904, p. 406-457, reproduit
dans Mélanges, cités infra.
-, Documents relatifs à Guillaume Adam, archévêque de Sultanieh, dans
Revue de l'Orient latin, X, 1903-1904, p. 15-56, reproduit dans Ch.
Köhler, Mélanges pour servir à l'histoire de l'Orient latin, Paris, 1906,
2 vol., II, p. 475-515.
Kunstmann (F.), Die Missionen in Afrika im vierzehnten Jhdt., dans Histo¬
risch-Politisches Blatt für das katholisches Deutschland, XXXIX, 1857,
p. 489-507 et XLV, 1860, p. 81-110 et 177-200 (ces dernières livraisons
concernent la Berbérie et la Maroc).
-, Die Missionen in India und China im vierzehnten Jhdt., dans la même
revue, XXXVI, 1856, p. 25-38, 135-152, 225-252; XXXVIII, 1856, p. 507
536, 701-719 et 793-813; XLIII, 1860, p. 677-681.

Lammens (H.), Frère Gryphon et le Liban au XVe siècle, dans Revue de


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Pelliot (Paul). A propos des Comans, dans Journal Asiatique, 1920, p. 125-
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criptions et Belles-Lettres, XLIV, 1, 1960, p. 1-97, (tirage à part, Pa
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USTE DES OUVRAGES CITÉS XXVII

-, Recherches sur les chrétiens d'Asie centrale et d'Extrême-Orient, publiées


par J. Dauvillier et L. Hambis. Paris, 1973 (Œuvres posthumes de Paul
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-, Zacharie de Saint-Thaddée et Zacharie Séfêdinian, dans Revue de l'histoire
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-, voir aussi : Marco Polo.
Petech (Luciano), Les marchands italiens dans l'empire mongol, dans Journal
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Pfeiffer (Ν.), Die ungarische Dominikanerprovinz von ihrer Gründung 1221
bis zur Tartar enverwüstung 1241-1242. Fribourg, 1913.
Pisanu (L.), Innocenzo IV e i Francescani Rome, 1968 (Studi e testi frances¬
cani, 41).
Pontificia commissio ad redigendum codicem juris canonici orientalis. Fon¬
tes, series III. Nous avons utilisé les volumes suivants de cette collec¬
tion (en y renvoyant lorsque les documents que nous citons figurent
dans des publications antérieures) : II. - Acta Innocenta papae III, éd.
T. Haluscynsckyi (1944); III. - Honorii III et Gregorii IX, éd. A. L. Tautu
(1950); IV. - Innocentii IV (lère partie), - Alexandri IV (2e partie), éd.
T. Haluscynskyi et M. M. Wojnar (1960-1966); V, 1. - Urbani TV, Clemen-
tis TV, Gregorii X, éd. A. L. Tautu (1953); V, 2. - ab Innocentio V ad Bene-
dictum XI, éd. F. M. Delorme et A. L. Tautu (1954); VII, 1. - Clementis V,
éd. A. L. Tautu (1955); VII, 2. - Joannis XXII, éd. A. L. Tautu (1952); VIII.
- Benedicti XII, éd. A. L. Tautu (1958); IX. - Clementis VI, ed. A. L. Tautu
(1960); X. - Innocentii VI, ed. A. L. Tautu (1961); XI. - Urbani V, ed.
A. L. Tautu (1964); XII. - Gregorii XI, ed. A. L. Tautu (1966); le tome
XIII, dont la première partie (ed. A. L. Tautu, 1970), concerne les actes
des papes de la série romaine et la seconde (ed. A. L. Tautu, 1971) ceux
des papes de la série avignonnaise, d'Alexandre V et Jean XXIII, com¬
prend essentiellement des analyses au lieu des textes intégraux.
Abrégé : Fontes.
Pressuti (P.), Regesta Honorii papae III. Rome 1888, 2 vol. - Abrégé : Pres-
suti.
Prutz (H.), Kulturgeschichte der Kreuzzüge. Berlin, 1883.

Quetif (J.) et Echard (J.), Scriptores ordinis praedicatorwn. Paris, 1719-1721,


2 vol.
XXVIII LISTE DES OUVRAGES CITÉS

(Raymond Etienne), Directorium ad passagium faciendum, ed. Ch. Koh


dans Recueil des historiens des Croisades. Documents Arméniens
Autrefois attribué à Burchard de Mont-Sion, ce texte est souv
appelé le Pseudo-Brocardus.
Raynaldus (O.), Annales ecclesiastici ab anno 1198, ed. J. D. Mansi, Lucq
1747-1756, 15 vol.
Recueil des Historiens des Croisades, publié par l'Académie des Inscript
et Belles-Lettres. Paris, 1841-1906. Les différentes séries citées
abrégées Doc. Arm. (Documents Arméniens, 2 vol., 1869 et 1906), H
Occ. ( Historiens Occidentaux, 5 vol. en 6 tomes, 1872-1895).
Regestum Clementis papae V, édition des Bénédictins. Rome, 1885-189
vol., et index, Rome, 1946.
Reg. (avec le nom du pape) renvoie soit aux Registres et Lettres des Pa
quel que soit le titre du volume, soit à l'ouvrage précédent, soit à c
de Pressuti.
Registres et Lettres des Papes du XIIIe siècle (Bibliothèque des Ecoles f
çaises d'Athènes et de Rome) : Les registres de Grégoire IX (L. Auvr
- Innocent IV (E. Berger); - Alexandre TV (Bourel de la Roncière
Loye, de Cenival, Coulon) - Urbain IV (J. Guiraud et S. Clémence
Clément IV (E.Jordan); - Grégoire X et lean XXI (J. Guiraud
L. Cadier); - Nicolas III (J. Gay et S. Vitte); - Martin IV (F. Olivier-M
tin et al.); - Honorius IV (M. Prou); - Nicolas TV (E. Langlois); - B
face VIII (G. Digard, M. Faucon, A. Thomas, R. Fawtier); - Benoî
(C. Grandjean).
Registres et Lettres des Papes du XIVe siècle. Nous avons eu recours
cette série, également publiée par l'École française de Rome, à :
XXII. Lettres communes, éd. G. Mollat et G. de Lesquen; Benoît XII.
tres communes, éd. J.-M. Vidal; Benoît XII. Lettres closes et patentes
J.-M. Vidal et G. Mollat; Clément VI. Lettres closes . . . intéressan
pays autres que la France, éd. E. Déprez et G. Mollat; Innocent VI.
tres secrètes et curìales, éd. P. Gasnault et M.-H. Laurent; Les regi
d'Urbain V, éd. M. Dubrulle; Lettres communes d'. . . Urbain V,
Membres de l'Ecole et M.-H. Laurent, P. Gasnault et M. Hayez; Le
secrètes et curiales de. . . Grégoire XI ..., éd. G. Mollat.
Reichert (Β.), Acta capitulorum generalium ordinis praedicatorum, 3
(Monumenta ordinis praed. hist., III, IV et VIII).
USTE DES OUVRAGES CITÉS XXIX

Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, VI, 1822, p. 396-


469, et VII, 1824, p. 335-438.
Richard (J.), About an account of the battle of Hattin referring to Frankish
mercenaries in Oriental Moslem states, dans Speculum, XXVII, 1952,
p. 168-177. - Cet article, comme plusieurs autres, a été réimprimé dans
Orient et Occident au Moyen Age. Contacts et relations (XIIe-XVe s.), Lon¬
dres, 1976 (Variorum reprints) que nous abrégerons ci-après OrOcc.
Les autres articles cités ci-après, dans la mesure où ils ont paru avant
1977, doivent être réimprimés cette année même dans un volume de la
même collection sous le titre Les relations entre Orient et Occident au
Moyen-Age : études et documents.
-, La conversion de Berke et les débuts de l'islamisation de la Horde d'Or, dans
Revus des Etudes islamiques, 1967, p. 173-184 (OrOcc).
-, Chrétiens et Mongols au Concile : la Papauté et les Mongols de Perse dans la
seconde moitié du XIIIe s., dans 1274. Année charnière, p. 31-44.
-, Le début des relations entre la Papauté et les Mongols de Perse, dans Jour¬
nal Asiatique, CCXXXVII, 1949, p. 287-293.
-, Deux évêques dominicains, agents de l'Union arménienne au Moyen-Age,
dans Archivum fratrum praed, XIX, 1949, p. 255-265 (OrOcc).
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La mission, c'est-à-dire l'évangélisation des peuples vivant en dehors de

la Chrétienté, était sans doute familière aux esprits des Occidentaux dès la

fin du XIe siècle. Mais elle se présentait surtout sous un aspect historique.

La conquête au christianisme de l'Angleterre remontait au VIe siècle, celle

des pays frisons et saxons au VIIIe; aux Xe et XIe siècles, la Pologne, la

Bohême, la Hongrie, la Scandinavie, avaient à leur tour embrassé le chris¬

tianisme. Le problème missionnaire du XIIe siècle se réduisait à peu près à

l'évangélisation des Slaves du bassin de l'Elbe et de l'Oder (pris entre

d'autres Slaves déjà christianisés, ceux de la Bohême, des Carpathes et de

la Vistule, et les Germains arrêtés sur l'Elbe), des Suédois déjà touchés par

le christianisme, de leurs voisins finnois.

Au sud, les questions missionnaires se présentaient différemment. Le

bloc des pays soumis à l'influence byzantine, de la Russie à la Syrie du

Nord, relevait en principe de l'Eglise grecque, qui était regardée par les

Latins comme une branche de leur propre Eglise, séparée de celle-ci par
4 INTRODUCTION

Si nous laissons de côté l'Eglise grecque, que l'on peut considé


comme ne relevant pas de la mission proprement dite, deux grands dom
nes se laissent donc dès lors définir. Au delà des frontières de la Chrétie
latine, nous trouvons au Nord les peuples «païens»; Slaves de Lusace,
Brandebourg, de Poméranie ; Baltes de Prusse, de Lithuanie, de Lettonie,
Courlande; Finnois, sur les rives de la Baltique, mais aussi dispersés à
vers le vaste territoire compris entre l'Oural, les steppes, et les principau
russes2; Lapons de l'extrême Nord; Turcs Qipcaq (les Occidentaux les ap
laient Comans) dans les steppes, au sud de la Russie kièvienne et jusqu'à
basse vallée du Danube.
De ce côté, la Chrétienté du XIIe siècle n'avait pas poussé bien loin
efforts d'évangélisation; c'est la nécessité de protéger les établisseme
chrétiens - essentiellement allemands - qui avait décidé de l'envoi d'ex
ditions, dont la principale fut la croisade lancée contre les Wendes en 1
(l'expédition des Suédois en Finlande (1157) pouvant difficilement s'iden
fier à une « croisade »). Mais c'est la conversion de certains princes wend
et notamment celle du prince de Brandebourg, qui permit au christianis
d'enregistrer de ce côté ses principaux progrès3.
«Outre-mer», la situation était plus complexe. La croisade avait
découvrir aux Latins la diversité des rites et des croyances au sein de
chrétienté orientale, de l'Ecclesia orìentalis qui s'identifiait à peu près p
eux avec l'Eglise grecque. Les chefs de la croisade, écrivant d'Antioch
Urbain II, avaient avoué au pape leur désarroi en face de tant à'haereses
leur désir de recevoir des directives pour savoir comment les traiter4. P
les Grecs, un problème délicat résidait en ce qu'une Eglise partageant
même foi, ne pouvait avoir qu'une seule hiérarchie épiscopale : cette
rarchie étant celle de la catégorie sociale dominante, des évêques lat
avaient pris place sur les sièges épiscopaux, et ce n'est qu'assez tard qu
trouva la solution, en donnant aux évêques latins un vicaire grec pourvu
la dignité épiscopale, mais au titre d'un autre siège, et de qui relevaient

tianisme
2 Parmi
des les
Danois
peuples
à la finnois,
fin du XIe
les siècle;
Esthoniens
les Tchoudes
avaient de
reçuFinlande,
(très superficiellement)
des Suédois, eux-mê
le c

officiellement convertis par saint Eric au milieu du XIIe siècle.


3 Heidenmissionem und Kreuzzugsgedanke in der deutschen Ostpolitik des Mittelalters, h
ŒUVRE MISSIONNAIRE AU XIIe S. ET DÉFINITION D'UNE DOCTRINE 5

prêtres de rite grec5. Pour les autres Orientaux, la question ne se posait


pas : leurs Eglises gardaient leur autonomie. C'est donc des communautés
chrétiennes bien constituées et protégées par les princes latins, soucieux
d'avoir l'appui de leurs sujets indigènes, que les prélats latins avaient en
face d'eux.
Et ces communautés - jusqu'aux Maronites de Liban qui avaient, selon
Ricoldo de Monte-Croce, des coreligionnaires en Mésopotamie, et aussi, dès
le XIIe siècle, dans l'île de Chypre6 - débordaient largement le cadre des
Etats latins. L'Eglise grecque avait fondé des chrétientés pratiquement
autonomes en Russie, en Géorgie; les Alains, les Ziques (Tcherkesses), du
Caucase, les Goths de Crimée, les Melkites (que les Latins appelaient
Syriens) en pays arabe, et jusqu'à certains éléments dispersés en Asie cen¬
trale, partageaient la même foi. Les Arméniens et leurs voisins les Albaniens
(Aghouans)7 formaient un autre groupe; les Jacobites, de foi monophysite
et de langue syriaque, étaient répandus au Levant, en Mésopotamie, en Asie
centrale, et leurs coreligionnaires de langue copte8 en Egypte, et d'autres
langues, mais de même rite, dans les royaumes chrétiens de Nubie9 et
d'Ethiopie. Les Chaldéens, que les Latins appelaient Nestoriens par réfé¬
rence à la doctrine dyophysite de Nestorius, étaient particulièrement nom¬
breux en Mésopotamie mais aussi dans l'Asie centrale, méridionale et

5 Cette solution avait déjà été retenue au XIIe siècle dans le royaume de Jérusalem : elle
fut étendue à celui de Chypre en 1213 ( Fontes ... ad redigendum codicem juris canonici orien¬
tales, t. III, n° 108, p. 147; Mas-Latrie, Histoire de l'île de Chypre, t. Ill, p. 622). L'archevêque de
Gaza et Eleutheropolis, associé en 1173 au clergé grec du Saint-Sépulcre, n'était-il pas le
vicaire pour les Grecs du patriarche latin de Jérusalem (Delaville le Roulx, Archives de l'Orien
latin, I, p. 413)? Au XIIIe siècle, cette situation paraît normale : c'est seulement parce qu'il n'y
a pas d'évêque grec ou arménien pour son diocèse que l'évêque de Valénie reçoit juridiction
sur les églises grecques et arméniennes, en 1224 (Fontes , III, p. 178; Pressuti, n° 5388). Sur
l'élaboration de cette doctrine canonique, cf. J. A. Brundage, The decretalists and the Greek
Church of South Italy, dans La Chiesa greca in Italia dalWlII al XVI secolo, Padoue, 1973
p. 1077 (Italia sacra. 20-22).
6 Cf. George Hill, A history of Cyprus, I, Cambridge, 1949, p. 305.
7 G. Dumézil, Une chrétienté disparue : les Albaniens du Caucase, dans Journal Asiatique
CCXXXII, 1940, p. 125 et suiv.
8 Le copte, d'ailleurs, connaît un recul très net devant l'arabe : le patriarche Gabrie
(1131-1146) dut faire traduire en arabe le rituel et les livres saints pour les rendre accessible
aux fidèles (Michel le Syrien, Chronique, trad. Chabot, III, 235). Le recul du syriaque (ara
6 INTRODUCTION

orientale, et jusque dans les îles voisines de l'Arabie (Socotora) 10. Il v


soi que les connaissances géographiques des Latins ne leur permett
pas de se faire une idée précise des zones dans lesquelles se trouvaien
différentes communautés chrétiennes : l'exemple de la figure du P
Jean, peut-être née d'informations relatives à l'Ethiopie, mais qui flotta
dant trois siècles, de l'Asie à l'Afrique, selon qu'on lui attribuait tel o
événement, suffit à le démontrer11.
Néanmoins, du fait de leur installation aux Lieux Saints, les Latin
pouvaient manquer d'avoir des contacts avec les pèlerins venus de
l'Orient : la réception de l'higoumène russe Daniel par le roi Baudouin
fit à montrer leur curiosité et leur intérêt. Le pèlerinage, en effet, étai
forme de dévotion aussi appréciée dans les Eglises orientales que dan
Eglises d'Occident : le cartulaire du Saint-Sépulcre conserve la mentio
donations qui avaient été consenties en faveur de celui-ci en Russi
Géorgie12, à Constantinople et dans l'empire byzantin13; on sait qu
Chaldéens de Mésopotamie se rendaient volontiers au Saint-Sépulcre,
que certains ecclésiastiques eussent à ce propos émis des réserves qu
pellent celles qu'avait faites saint Bernard14 (et les plus célèbres d
pèlerins, les moines Marcos et Çauma, venaient de la région de Pékin
Ethiopiens aussi, malgré leur éloignement, fréquentaient les Lieux-Sain
Les Latins jouissaient ainsi d'une source d'information très précieuse,
très précise, sur les communautés chrétiennes vivant en dehors de ce
pouvait appeler le monde chrétien latin et grec. La visite à Rome de

10 Sur la diffusion du christianisme médiéval, cf. l'ouvrage déjà cité de Melle Vo


Brincken, et les trois articles de J. Dauvillier, Les provinces chaldéennes « de l'Extérie
Moyen-Age, dans Mélanges F. Cavallera, Toulouse, 1948, p. 261-316; Byzantins d'Asie cent
d'Extrême-Orient, dans Revue des études byzantines, XI, 1953, p. 62-87; L'expansion de
syrienne en Asie centrale et en Extrême-Orient, dans L'Orient syrien, I, 1956, p. 76-87.
11 J. Richard, L'Extrême-Orient légendaire au Moyen-Age : Roi David et Prêtre Jean
Annales d'Ethiopie, II, 1957, p. 225-242; A.-D. Von den Brincken, Die «Nationes», p. 3
cf. aussi Louis Hambis, La légende du Prêtre Jean, dans La Tour Saint-Jacques, 8, ja
février 1957, p. 31-46; C.-F. Beckingham, The Achievements of Prester John, an inaugur
ture . . . , School of Oriental and African Studies, Londres, 1966.
12 Sur la dotation du Saint-Sépulcre en Géorgie, cf. Simon de Saint Quentin, Histo
Tartares, éd. J. Richard, Paris, 1965, p. 57-58.
13 Privilège de Célestin III (1195), dans Cartulaire de l'église du Saint-Sépulcre de
ŒUVRE MISSIONNAIRE AU XIIe S. ET DÉFINITION D'UNE DOCTRINE 7

tains personnages, comme le mystérieux archevêque indien Jean, au temps


de Calixte II (vers 1122), ou les envoyés supposés du Prêtre Jean, dont l'un
venait peut-être effectivement d'Ethiopie16, apportaient d'autres informa¬
tions.
De la sorte, on s'explique qu'on trouve des données intéressantes sur
ces chrétientés sous la plume d'auteurs comme Richard de Cluny17. Les
Latins devaient en garder l'impression que l'Orient entier était peuplé de
chrétiens, même si ceux-ci n'étaient pas toujours maîtres de leurs destinées
et si des souverains infidèles leur imposaient leur domination : on lit, sous
la plume de Burchard de Mont-Sion, que les chrétiens orientaux sont par¬
tout plus nombreux que les musulmans, dans une proportion voisine de
trente pour un; il ne fait d'exception que pour l'Egypte et l'Arabie18.
De ce fait, les Latins étaient amenés à considérer que la seule tâche qui
leur incombait dans les partes orientales consistait à ramener à l'union les
Eglises orientales. Pour ce qui est des Musulmans, les faits de guerre
avaient permis de convertir, de gré ou de force, un certain nombre de cap-
tifs - tel le chambellan du roi Baudouin Ier, Turc converti qui avait pris le
nom de son maître et parrain; tels les «Turcoples» qui faisaient partie de
l'élément militaire dans les états latins comme en pays byzantin19 Mais,

16 Le voyage de l'archevêque Jean - s'il s'appelait ainsi - est attesté par une lettre d'Eudes
de Saint-Rémy de Reims à Thomas de Marie ( Pair . hat., 172, c. 1331-1334); il reste très obscur.
On cite ensuite une ambassade dont aurait fait partie un certain clerc Elysée. Par contre, une
ambassade sans doute venue d'Ethiopie, aurait réellement atteint Rome sous Alexandre III.
Cf. Zarncke, Der Priester Johannes, dans Abhandl der Kgl. Sachs. Gesellschaft, XVII, 1879,
p. 827-1030, et XIX, 1880, p. 122 et suiv. Il faut ajouter à ces sources d'information la fameuse
«Lettre du Prêtre Jean à l'empereur Manuel Comnène». Sur tout cela, une bibliographie
commode est rassemblée dans le livre déjà cité de Melle Von den Brincken, Die «Natio-
nes ». . . , p. 382-392.
17 Celui-ci dresse un status des res humanae, à la date de 1172, où il envisage l'attitude
envers le christianisme des souverains du monde entier (M G H, SS, XXVI, 84). Cf. A.-D. Von
den Brincken, op. cit., p. 424.
18 Oriens totus ultra mare usque in Indiam et Ethiopiam nomen Christi confitetur et praedicat
(Peregrinatores medii aevi quatuor, ed. Laurent, p. 90). Olivier de Paderborn pense aussi que
les chrétiens forment la majorité de la population des Etats musulmans.
19 Sur le chambellan Baudouin, qui essaya d'empoisonner son maître en 1111, cf. notre
Royaume latin de Jérusalem, p. 123. Bohémond aussi sert de parrain à un Turc qui prend son
nom (R.H.C , Hist. Occ., IV, p. 382); Godefroy de Bouillon instruit de la foi chrétienne
l'ancien gouverneur de Ramla, qui servait comme auxiliaire dans son armée, et qui reçoit le
8 INTRODUCTION

au XIIe siècle, si la perspective de la conversion des princes musulman


parfois évoquée20, aucune action n'est menée en ce sens. Quand le du
Saxe Henri le Lion fait visite au sultan de Turquie, son lointain co
(en 1172), une dispute théologique s'engage entre les clercs de l'entou
du duc et les théologiens musulmans : on a l'impression qu'il ne s'ag
que d'un jeu de lettrés21. Et les Latins ne font aucune pression sur
sujets musulmans pour amener ceux-ci à la foi. A plus forte raison, n
pas question d'envoyer des missionnaires en dehors des états latins : O
de Paderborn, qui écrivait dans le premier quart du XIIIe siècle, est
que les chrétiens orientaux des divers rites étaient suffisamment nomb
en pays musulman pour que les Sarrasins n'aient pas l'excuse de l
rance. C'était donc aux chrétiens orientaux que devait revenir l'oblig
d'instruire les Musulmans22.

à l'hist. des Croisades, 9, Paris, 1969, p. 112). Et Foucher de Chartres parle de Latins qui
sent des Sarrasines baptisées. Sur les Turcoples, cf. notre Royaume latin, p. 129 : nous n
sons pas qu'il s'agisse de métis, comme on l'admet souvent, mais bien de Musulmans
sés.
20 En dehors de la lettre au sultan de Konya citée à la note suivante, cf. Aubri de
Fontaines, Chronicon, éd. Scheffer-Boichorst (M G H, SS, XXIII, p. 859), d'après Guy de
ches, sous la date de 1186 : In partibus transmannis populi qui dicuntur Hassacinus nu
esse LX milibus amplior perhibetur . . . Contigit diebus nostris quod magistrum sibi prefe
per quem instituta Mahumeth . . . relinquerunt. Et cum votis ardentibus appeterent su
legem Christi petunt a rege Ierosolimitano Balduino IV, regis Amalrici filio, ut remissis I
bus aureorum quos quasi pro tributo quidam suorum solvebant fratribus Templi, conferre
ecclesiastici gratia sacramenti. Le meurtre de leur envoyé par des Templiers, et la m
Baudouin IV, auraient empêché la conversion en masse des Ismaïliens (de Syrie) au ch
nisme. Guillaume de Tyr, qui est la source de cette information, rapporte ces événem
l'année 1173, mais est aussi affirmatif sur la conversion envisagée (livre XX, chap. 28-
21 Arnoldi Chronica Slavorum, dans MG H, SS, XXI, p. 116-125. - Mathieu Paris a
bien qu'Alexandre III aurait envoyé, à la demande du sultan de Konya, un exposé de
catholique à l'intention de ce dernier, lequel se serait converti ensuite secrètemen
crainte des Turcs ( Chronica majora, éd. Luard, II, p. 250). Mais la lettre dont il donne le
sous la date de 1169, émane probablement d'Alexandre IV (1254-1261) et non d'Alexand
(1159-1181). Cf. infra, p. 46, n. 114.
22 Hec christianorum diversitates per totum Asiam Sarracenis sunt permixte, ne gens i
fida per ignoranttam se valeat excusare (Historia Damiatina, éd. Hoogeweg, p. 267, dans
ten des Kölner Domscholasticus . . . Oliverus, Stuttgart, 1894). L'idée selon laquelle on r
trait partout des chrétiens dans le monde habité, ce qui dispensait les Latins de pren
ŒUVRE MISSIONNAIRE AU XIIe S. ET DÉFINITION D'UNE DOCTRINE 9

La mission se limite donc, en pratique, à la discussion des points liti¬


gieux de la foi et de la discipline chrétiennes avec les chrétiens orientaux -
entendons, avec leur clergé et, dans une certaine mesure, la libération
des cités et des villages placés sous la domination musulmane pouvait faci¬
liter la vie des communautés chrétiennes et leur action auprès des Musul¬
mans.
L'implantation des Latins en Orient les avait mis en contact avec les
principaux centres de plusieurs des Eglises orientales. Si, du côté des Mel-
kites, l'éloignement forcé des deux patriarches d'Antioche et de Jérusalem,
lorsque des prélats latins avaient été substitués à eux après la conquête de
ces villes, avait rendu les contacts difficiles, on les avait vu réapparaître dès
le milieu du XIIe siècle23 : de ce côté, nous savons mal si des discussions
intervinrent en vue l'union, du fait des liens étroits des deux patriarches
avec l'empereur byzantin, lui-même en relation avec la Papauté pour met¬
tre fin au schisme.
L'Eglise nestorienne avait peu de possibilité de relations avec les
Latins : non seulement ses fidèles étaient assez peu nombreux au XIIe siè¬
cle, sauf peut-être en Syrie du Nord24, mais son chef, le catholicos de Séleu-
cie-Ctésiphon, vicaire aux yeux des canonistes du patriarche d'Antioche,
résidait à Bagdad. Pas davantage les Coptes, dont le patriarche portait le
titre d'Alexandrie, - mis à part le clergé du Saint-Sépulcre -, n'avaient beau¬
coup de contacts avec les Francs25. Par contre, les Maronites, dont le chef,
titré patriarche d'Antioche, résidait dans un couvent du Liban, vivaient
pour la plupart dans les Etats francs. Les Arméniens, en raison de l'impor¬
tance politique de la colonie qui était venue s'établir dans le Taurus, puis
en Cilicie, étaient en relations de voisinage avec les Francs : leur catholicos
s'était établi auprès des chefs nationaux, et s'installa au château de Hrom-
gla quand le comte d'Edesse dut renoncer à la possession de son comté
(après 1150).
Des autres peuples du Caucase qui avaient eu un catholicos - ou pri¬
mat - préposé à leur Eglise nationale sous la juridiction théorique du
patriarcat d'Antioche, seuls les Géorgiens, de rite grec, avaient conservé

23 W. Hotzelt, Kirchengeschichte Palästinas im Zeitalter der Kreuzzüge, dans Palästina -


Hefte des deutschen Vereins für Heiliges Land, 29-32, Köln, 1940, p. 24-30, 153-159.
24 Au XIIIe siècle, un archevêque nestorien (de Jérusalem) avait sous sa juridiction les
10 INTRODUCTION

leur importance; mais ils n'étaient présents dans les Etats nés des Cr
des que par leurs monastères de Jérusalem ou de la Montagne-Noire,
d'Antioche26.
Pour les Jacobites, leur patriarche, qui portait lui aussi le titre d'An
che, résidait habituellement au couvent de Mar Barçauma, non loin de
gar27. Lui aussi avait sous sa juridiction un catholicos pour les Syriens
bites vivant dans les territoires ressortissant jadis de l'empire sassanid
maphrian, dont le siège avait d'abord été fixé à Tekrit, et qui s'était é
dans un autre couvent, celui de Mar Mattâ près de Mossoul. Si ce der
vivait en pays dominé politiquement par les souverains musulmans
liens entre le patriarche et le maphrian étaient étroits, et le monastèr
Mar Barçauma se trouva pendant la première moitié du XIIe siècle, so
domination politique des comtes d'Edesse; par la suite, le patriarche
bite ne devait pas rencontrer de difficulté majeure à se rendre dan
Etats latins où il avait un grand nombre de ses ouailles28. L'établissem
des Croisés, s'il fut générateur de quelques frictions dans l'ordre ecclési
que entre Orientaux et Latins, favorisait les contacts entre ces dernie
les chefs des Eglises orientales29.
Dès avant les Croisades, un geste significatif avait été fait par le ca
licos arménien Grégoire II, qui en 1080, avait obtenu de Grégoir
l'envoi du pallium et une lettre dans laquelle le pape l'avait invité à re
cer à certaines divergences dogmatiques et disciplinaires30. En 114
légat pontifical Albéric, cardinal-évêque d'Ostie, réunissait un syno
Jérusalem : il y invitait le catholicos arménien Grégoire III et le patria
jacobite, qui tous deux remirent une profession de foi au légat et prom
de ramener leurs Eglises respectives à l'union avec Rome31. Et il est p

26 Cf. J. Richard, Quelques textes sur les premiers temps de l'Eglise latine de Jérusalem,
Recueil de travaux offerts à M. Clovis Brunei, II, Paris, 1955, p. 420-430.
27 E. Honigmann, Le couvent de Barsaùmâ et le patriarcat jacobite d'Antioche et de
Louvain, 1954.
28 Cf. Peter Kawerau, Die Jakobitische Kirche im Zeitalter der syrischen Renaissance
und Wirklichkeit, 2e éd. Berlin, 1960 (Berliner Byzantinische Arbeiten, III), et Ann
Lüders, Die Kreuzzüge im Urteil syrischer und armenischer Quellen, Berlin, 1964, p. 66-72
29 Sur les églises orientales dans leur ensemble, cf. A. S. Atiya, A history of Eastern Ch
nity, Londres, 1968.
30 Fontes . . . I, n° 379-380. Cf. Fr. Tournebize, Hist, polit, et relig. de l'Arménie, I, Paris,
ŒUVRE MISSIONNAIRE AU XIIe S. ET DÉFINITION D'UNE DOCTRINE 11

ble que ce soit à la même occasion que le patriarche maronite ait lui aussi
fait acte de soumission à la primauté romaine32.
La réunion d'un concile - ou d'un synode - apparaît en effet dès lors
comme l'occasion de conversations entre les prélats latins et les chefs des
Eglises orientales qu'il est d'usage d'inviter à ces réunions. Le patriarche
latin d'Antioche, Aimery, qui était en relations amicales avec le patriarche
jacobite Michel le Syrien, envisagea de se faire accompagner au troisième
concile du Latran par celui-ci (1 178). Et c'est dans la perspective du pro¬
gramme du concile, qui comprenait la lutte contre les doctrines cathares,
que Michel écrivit un traité réfutant les doctrines en question, en
s'appuyant sur la tradition orientale. Nous ignorons cependant si, à cette
occasion, le célèbre écrivain fit acte de son adhésion à la foi de l'Eglise
romaine et de sa reconnaissance de la primauté de Rome - mais peut-être
était-il trop bon théologien pour s'engager sur le premier point-33. Et il
n'est pas exclu que ce soit également à l'occasion du concile que le même
Aimery obtint du patriarche maronite le désaveu des doctrines monothéli
tes qui étaient attribuées à son Eglise : Guillaume de Tyr enregistre sous la
date de 1182 le ralliement des Maronites à l'Eglise romaine34.
Toutefois, en dépit de ces adhésions officielles, et d'excellentes rela¬
tions personnelles entre les représentants des Eglises - parfois troublées,
d'ailleurs, par des querelles violentes -35, nous avons trace de conversations
et de controverses. C'est ainsi que l'archevêque jacobite de Jérusalem,
Ignace, se vit obligé d'appeler à son aide l'évêque d'Amida, Denys bar

32 Kamal S. Salibi, The maronite church in the Middle Ages and its union with Rome, dans
Oriens christianus, t. XLII, 1958, p. 94.
33 Michel le Syrien, Chronique, III, p. 377-378; le patriarche jacobite, bien que prêt à des
concessions pour le bien de la paix, tenait ferme sur la doctrine monophysite - cf. sa réponse
aux Grecs : Ibid., p. 334-336 et 351.
34 Guill. Tyr, XXII, 8; K. S. Salibi, op. cit., p. 94. Ce ralliement n'excluait pas des opposi¬
tions qui se traduisirent par des attaques dirigées par les adversaires de l'union contre des
églises et des monastères, obligeant Innocent III à intervenir et à jeter l'interdit sur la sei¬
gneurie de Gibelet (ibid, p. 95; Patr. Lat., CCXVI, col. 826). Cf. Le Quien, Oriens christianus, III,
p. 54-65.
35 Dans le comté d'Edesse, en particulier, les Syriens faisaient baptiser leurs enfants dans
les églises latines; le maphrian jacobite consacre en 1129 un évêque dans la cathédrale latine
de Turbessel (Bar-Hebraeus, Chronicon ecclesiasticum, II, p. 474, 478, 484). Les violences du
comte Jocelin II contre certains prélats jacobites et le monastère de Mar Barçauma sont
12 INTRODUCTION

Salibi, qui écrivit à son intention une Expositio missae «pour pouv
répondre aux Romains, c'est-à-dire aux Francs» (1169) : il s'agis
d'appuyer par des arguments théologiques les usages suivis par les Jaco
tes dans la célébration de la messe, et notamment l'emploi de pain
menté, mêlé d'huile et de sel, pour la consécration36. En sens inverse, c
au chantre d'Antioche que saint Thomas d'Aquin devait adresser près d'
siècle plus tard son petit traité De rationibus jidei contra Saracenos, Gra
et Armenos, destiné à fournir à ce dignitaire du chapitre cathédral d
ville patriarcale - qui avait normalement la charge des écoles où se form
le clergé latin - les arguments nécessaires aux controverses qui co
nuaient sans doute entre les membres du clergé séculier, les chrét
orientaux et les Musulmans37.
Ainsi se dégageait, «outre mer», une doctrine missionnaire qui a
l'accord de la Papauté : l'Eglise latine ayant dans son ressort les comm
nautés chrétiennes des Etats latins, reconnaissait l'existence de celles
ne vivaient pas selon le rite latin et leur droit à avoir leur propre hié
chie; tout en postulant la soumission des évêques grecs à leur diocé
latin, elle ne l'exigeait pas des autres prélats. Elle cherchait à obteni
reconnaissance de la primauté romaine et de l'unité de foi de la part
chefs de ces Eglises, s'en remettant à eux de l'adhésion de leurs ouailles
dehors comme au-dedans des Etats latins. Elle s'en remettait également
Orientaux en ce qui concernait la conversion des Infidèles - c'est-à-dire
Orient, essentiellement des Musulmans, les «païens» de l'Asie intérie
comme ceux de l'Afrique noire n'étant pas entrevus38.
La doctrine missionnaire, en ce qui concernait les païens, c'est-à-
celle qui devait s'appliquer aux frontières européennes de la chrétien
les peuples de rite grec de l'empire byzantin, des Balkans et des princi

36 Assemani, Bibliotheca Orientalis, II, p. 156-177. Un certain Bar Andreas était contra
cos et Armenos os eloquentissimum (Bar-Hebraeus, Chron. eccl. II, p. 484-486).
37 Le P. Martin Grabmann (Die Schrift : De rationibus fidei contra Saracenos, Graec
Armenos des M. Thomas v. Aquin, dans Scholastik, XVII, 1942, p. 187-216) paraît supposer
le destinataire de ce traité pouvait être un Dominicain; le titre de cantor conviendrait m
à un dignitaire du chapitre.
38 II n'est pas inutile de rappeler que, si le nom de pagani ou de « païens » est sou
donné, dans les textes d'inspiration populaire, aux Musulmans, les textes savants font
ŒUVRE MISSIONNAIRE AU XIIe S. ET DÉFINITION D'UNE DOCTRINE 13

tés russes mis à part - était différente; mais elle résultait d'une longue
expérience. Aucun peuple n'avait pu être amené à la foi sans que ses prin¬
ces y fussent eux-mêmes gagnés des premiers : ainsi la propagation du
christianisme chez les Suédois, entamée au temps de saint Anschaire (IXe
siècle) ne fit-elle de pas décisifs qu'avec la conversion de saint Eric, un siè¬
cle et demi plus tard; par contre, pour autant qu'elle fût durable, la conver¬
sion du prince entraînait en principe celle de ses sujets. La Papauté avait
pris l'habitude de créer des évêchés dans les principales de ces principau¬
tés, en les rattachant à des métropoles qui servaient de points d'appui pour
les missions : Salzbourg pour les pays slaves du Sud, Magdebourg pour
ceux du Nord, Brème pour la Scandinavie. Mais déjà, au IXe siècle, les
papes Adrien II et Jean VIII avaient accepté de relever la vieille métropole
pannonienne de Sirmium, à la demande de saint Méthode, malgré l'opposi¬
tion de l'archevêque de Salzbourg et de son suffragant de Nitra (qui
devaient d'ailleurs finir par l'emporter), pour rassurer le prince des Mora-
ves sur le maintien de son indépendance à l'égard du roi de Germanie39;
Otton III et Sylvestre II avaient conçu une politique hardie, visant à favori¬
ser la christianisation des pays encore païens, en créant dans les nouveaux
royaumes de Pologne et de Hongrie les métropoles de Gniezno et d'Eszter-
gòm, malgré l'opposition de l'archevêque de Magdebourg et de l'évêque de
Passau40.
La doctrine pontificale allait se préciser à la faveur de la conversion
des peuples de la Baltique. Les peuples baltes (Prussiens, Livoniens, Lithua¬
niens. . . ) avaient longtemps résisté à l'évangélisation; saint Adalbert et
Brun de Querfurt avaient trouvé le martyre chez les Prussiens. Mais, en
Livonie comme en Prusse, le mouvement de conversion s'amorce entre
1180 et 1200. Les Cisterciens des abbayes de Lekno et d'Oliva amènent à la
foi les princes de Culm, où il est possible d'ériger un évêché qui est confié à
un autre Cistercien en 1215 41 . En Livonie, c'est un chanoine régulier qui est
doté du premier évêché (1186), et un chanoine de Brème, Albert de Bux-
hövden, se fixe à Riga en 1200. On sait que le recours aux armes apparut
comme indispensable pour protéger ces jeunes chrétientés contre un

39 F. Dvornik, Les Slaves, Byzance et Rome au IXe siècle, Paris, 1926, p. 157, 207, 260.
40 P. Fabre, La Pologne et le Saint-Siège du Xe au XIIIe siècle, Paris, 1896; E.-R. Labande,
Mirabilia mundi Essai sur la personnalité d'Otton III, dans Cahiers de civilisation médiévale,
14 INTRODUCTION

retour offensif des païens, et que les évêques mirent sur pied des m
tant à Culm qua Riga - ces milices qui, en Prusse furent finalement a
bées ou qui fusionnèrent avec l'ordre des chevaliers teutoniques lo
celui-ci, créé en Terre Sainte et pour la Terre Sainte, vint s'établir en
prussienne42. Mais Honorius III, s'il lançait une croisade pour déf
l'église de Prusse, se préoccupait de défendre ces jeunes églises d'un
côté, en les enlevant à la juridiction de l'archevêque de Brème pou
constituer en évêchés autonomes, avant qu'Innocent IV se décidât à
en 1246 un «archevêché de Prusse, Livonie et Esthonie»43.
Les efforts des papes tendaient également à mettre à l'abri des co
tises des pçinces voisins les peuples nouvellement amenés à la foi;
goire IX dut préciser que les nouveaux convertis n'appartenaient
Christ44, et Alexandre IV, qu'ils étaient libres de se soumettre à q
voulaient, pourvu que leur conversion fût gratuita, non coacta45. M
recours, considéré comme nécessaire, à la croisade, va souvent à l'enc
de cet effort de christianisation non forcée46; les progrès des Teuton

A. L. 42Ewald,
Cf., entre
Die autres,
Eroberung
F. G.Preussen
Von Bunge,
durch Die
die Deutschen,
Stadt Riga Halle,
im 13. 1872-1886;
und 14. Jhdt.,
Baltische
Leipzig
K

geschichte, éd. R, Wittram, Göttingen, 1956.


43 Sur les missions de Livonie et d'Esthonie, cf. notamment Benno Abers, Zur päps
Missionspolitik in Lettland und Estland zur Zeit Innozenz III, dans Commentationes Balti
V, 1956-7, p. 1-18; J.-A. Brundage, The thirteenth century Livonian crusade: Henricus d
and the first legatine mission of bishop William of Modena, dans Jahrbuch für Geschichte
ropas, nouv. série, XX, 1972, p. 1-9; G.-A. Donner, Kardinal Wilhelm von Sabina, Bisch
Modena, Helsingfors 1929; P. von Götze, Albert Suerber, Erzbischof von Preussen, Livla
Esthland, Saint-Petersbourg, 1854 (Le Provinciale Romanae ecclesiae rappeile la querel
Brème sous cette forme : Archiepiscopus Rigensis, qui sub Bremensi existens erectus
archiepiscopum per dominum Alexandrum papam .IIII., Alexandre IV ayant fixé à Riga
de l'archevêché). - Sur la Prusse, cf. les articles de Fritz Blanke, Die Missionsmethode
chofs Christian von Preussen ( Altpreussische Forschungen, IV, 1927, p. 3-25) et Die Entsch
der Preussenmission, 1206-1274 (Zeitschrift für Kirchengeschichte, XLVII, 1928, p. 18-40)
dans Heidenmission und Kreuzzugsgedanke in der deutschen Ostpolitik des Mittelalters
Helmut Beumann, Darmstadt 1963, p. 337-363 et 389-416.
44 Lettre aux princes polonais, accusés d'avoir entravé la conversion du pri
Gdansk, en 1227 {Reg. de Grégoire IX, n° 74-75).
45 Aux Teutoniques, à propos de la soumission envisagée d'une peuplade lithuanie
duc de Cujavie, en 1256 (Sbaralea, Bullarium Franciscanum, II, p. 148).
46 II en est prêché contre les Livoniens dès 1171-1172, et en 1199, ad defendendam
niensem ecclesiam et Christianos in illis partibus constitutes: contre les Prussiens, par
ŒUVRE MISSIONNAIRE AU XIIe S. ET DÉFINITION D'UNE DOCTRINE 1

qui se substituent aux princes prussiens ou livoniens, se heurtent aux tenta¬


tives des prélats missionnaires et compromettent longtemps la conversion
des peuples lithuaniens47.
Néanmoins les intentions pontificales tendent à faire disparaître les
privilèges anciennement reconnus aux évêques des pays d'ancienne chré¬
tienté en dehors de ce pays, pour faciliter l'accession à la foi des païens
leurs voisins48. Le rattachement à Rome des nouveaux évêchés paraît de
nature à dissiper les inquiétudes de ces derniers.
Des évêchés relevant directement, ou par l'intermédiaire d'une métro¬
pole érigée elle aussi en pays de conversion, du Siège apostolique, apparais¬
sent donc comme un élément indispensable à la constitution d'une Eglise
en pays précédemment païen. La conversion du prince entraîne celle des
fidèles, et nous savons qu'on ne s'est pas fait faute d'administrer des baptê¬
mes collectifs. Il convenait ensuite d'assurer l'instruction et la desserte sp

47 Cf. les accusations du prince de Lithuanie et de l'archevêque de Riga contre les Teuto
niques, au XIVe siècle : ils détruisent des églises construites par les Franciscains en pay
lithuanien, de façon à pouvoir justifier leurs conquêtes (Lemmens, Heidenmissionen, p. 11
17); ils substituent leurs propres évêques à ceux que l'archevêque a institués; ils suscitent l
colère des indigènes qui détruisent, en représailles, les évêchés de Lettonie et de Semigalli
{Regestum Clementis papae V, n° 6770). Le prince de Lithuanie, Mindaugas, avait annoncé s
conversion en 1251; il reçoit de Rome la couronne royale; son conflit avec les Teutoniques
auxquels il inflige de lourdes pertes, amène le pape à prêcher la croisade contre les Lithua¬
niens et les Iatvagues retournés au paganisme, et qui ne se convertiront finalement qu'en
1386. Un évêque (Jatwesoniensis ) avait été désigné pour les Iatvagues; il ne put résider dan
son diocèse (Der Formularsammlung des Marinus von Eboli, hggb. F. Schillmann, I, p. 177
Sur cette création (fin 1256) et l'opposition des Teutoniques, et sur le conflit de ceux-ci ave
le duc de Cujavie à propos de l'érection d'un évêché à Lukow (1257), cf. L. Pellegrini, Le mis
sioni francescane sotto Alessandro IV (1254-1261), dans Studi francescani, 64e année, n° 1, 1967
p. 97-101.
48 Ainsi la création d'un évêché de Ruthénie, ou des Ruthènes - qui fut sans doute érig
par l'archevêque de Livonie en vertu des pouvoirs à lui conférés en 1247 (econtra : Altaner
Dominikanermissionen, p. 223-224) comme celui des Iatvagues (si celui-ci est bien Y episcopatu
Wersonie cité dans une bulle de 1255 : Reg. d'Alex. IV, 347) - entreprenait-elle sur la juridic¬
tion de l'évêque de Lübeck, qui se considérait comme l'ordinaire de tous les Latins de Russie
Alexandre IV lui donna des lettres de non préjudice {Reg., 1692) au moment, d'ailleurs, o
Daniel de Halicz se séparait de Rome. C'est l'évêque de Lübeck qui devait désigner le premie
évêque latin de Kiev, dont la nomination fut confirmée par le Saint-Siège en 1320 (Eubel, Hi
rarchia catholica medii aevi, I, p. 302). Sur le rôle des Latins de Kiev dans la diffusion de la fo
cf. Re g. de Grégoire IX, n° 1961-1962; Fontes, III, p. 278. - Sur toutes ces questions, c
16 INTRODUCTION

rituelle des nouveaux convertis : l'organisation de paroisses suivait la créa¬


tion de l'évêché. Et l'installation de communautés monastiques - surtout de
celles dont les membres s'adonnaient à la prédication, comme les Prémon¬
trés, ou les Cisterciens qui donnent aux missions jusque dans les premières
années du XIIIe siècle leurs meilleurs agents - donne un essor plus grand à
la christianisation par l'exemple de la vie religieuse49.
On notera que nos sources font rarement mention d'événements mira¬
culeux : le texte d'Aubri de Trois Fontaines, rapportant comment un
patriarche de « Suse » du nom de Jonas, en présence d'un miracle eucharis¬
tique, aurait adopté la foi de l'église catholique et serait ensuite devenu
patriarche d'Alexandrie, aux environs de 1205, peut difficilement être rap¬
proché d'un fait identifiable50.
ι Ainsi, au moment où s'ouvre une nouvelle période de l'histoire des mis-
sions, la Papauté est-elle en possession d'une doctrine missionnaire qui se
présente sous une forme différente selon qu'il s'agit de pays «païens» ou
des pays d'Orient où l'Eglise latine trouve en face d'elle d'importantes com¬
munautés chrétiennes51. C'est cette doctrine qui va trouver à s'appliquer, et
à s'adapter, à des conditions nouvelles.

49 Sur tout ceci, cf. The chronicle of Henry of Livonia, trad. J.-A. Brundage, Madison, 1961,
passim. Sur la création de paroisses, cf. un texte brandebourgeois de 1235 cité par Eb. Sch¬
midt, op. cit., p. 74, note : un évêque érige une paroisse dans des villages où les habitants non-
dum fidem catholicam ad plenum susciperint, sed adhuc quibusdam teneantur paganis ritibus
irretiti Le rôle des Prémontrés est mentionné dans le même ouvrage, p. 95. - Sur celui des
Cisterciens, supra, p. 13, et n. 41. La conversion des peuples finnois ou sibériens par les Rus¬
ses paraît, elle aussi, avoir surtout été assurée par le rayonnement des monastères. - Nous
rappelons que nous ne nous référons ici aux exemples tirés des pays baltes ou slaves que
pour en dégager des éléments de doctrine.
50 Aubri de Trois-Fontaines, Chronicon, éd. Scheffer-Boichorst, p. 886. Le nom de Suse
comme siège d'un prélat de haut rang évoque la lettre du Prêtre Jean à Manuel Comnène;
toutefois il a effectivement existé, vers 1210, un patriarche copte d'Alexandrie, Jean, fils
d'Abugaleb, qui aurait professé des opinions très proches des doctrines chalcédoniennes, au
point que les monophysites se seraient abstenus en masse, de suivre ses obsèques, auxquelles
assistait le patriarche melkite : Le Quien, Oriens christianus, II, p. 488-489.
51 La Russie offre une situation un peu particulière : Innocent III avait invité les archevê¬
ques, évêques et habitants de la Russie, clercs et laïcs, à reconnaître la primauté romaine, eu
égard à la réunion de l'Eglise grecque et l'Eglise de Rome, en 1206; mais les Dominicains
polonais, établis à Kiev en 1222, et surtout saint Hyacinthe (mort en 1257) travaillent à la
conversion des Russes, au point qu'un évêché missionnaire est créé chez ceux-ci, comme
nous l'avons vu : B. Altaner, Die Dominikanermissionen des 13. Jhdts, Habelschwerdt, 1924,
Ce qui donna, vers le début du XIIIe siècle, un nouvel élan à l'activité

missionnaire de l'Eglise latine, ce fut une série d'événements se situant

dans le quart de siècle qui commence avec la chute de Jérusalem (1187) et

qui s'achève avant le quatrième concile du Latran (1215).

«Outre-mer», la conquête d'une grande partie des Etats latins par Sala-

din, et notamment la perte du Saint-Sépulcre, marquent un tournant dans

l'histoire des établissements latins du Levant. Les Latins cessent, provisoi¬

rement (puisque les Lieux Saints furent à nouveau entre leurs mains de

1229 à 1244), d'être au contact des pèlerins venus d'Asie ou d'Afrique. Mais,

en acceptant finalement, à la suite de la troisième croisade, de regarder la

présence latine en Syrie, en Phénicie et en Palestine comme tolérable, le

sultan contribue à ouvrir les portes de l'Asie aux Latins qui voudront s'y

enfoncer, marchands, religieux ou aventuriers. Et le sultan de Konya agit


20 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Vers le Nord, et sans oublier la conquête de Constantinople qui ouv


de nouveaux horizons à la recherche de l'union avec les Grecs, mais
ouvrait aussi la mer Noire aux navigateurs d'Occident, l'accroissement d
puissance du royaume de Hongrie allait s'accompagner de la perspec
d'une extension de la foi catholique aux pays sur lesquels l'hégémoni
royaume arpadien allait s'étendre. De ce côté, la mission voyait s'ouvr
monde des steppes, qui allait lui offrir un champ d'activité inatte
N'oublions pas qu'au même moment, Allemands et Polonais, en m
temps que leurs voisins de Suède, entamaient le bloc balte et finnois
théâtre de l'activité missionnaire s'étendait donc considérablement.
Et c'est précisément à ce moment que naissent les ordres mendia
des ordres voués à la prédication et détachés de la gestion d'un patrim
terrien. Sans doute rien ne les obligeait à devenir des ordres missionna
mais il est certain qu'ils étaient mieux adaptés à cette fin que les Cis
ciens qui les avaient précédés. Et leur fondation répondait à un ensem
de conditions tenant à la mentalité du moment, où les perspectives
sionnaires prenaient place (le désir de ramener à la foi les dissidents a
joué son rôle dans la fondation des Frères Prêcheurs et des Fr
Mineurs). Ce n'est pas par hasard que saint Dominique aspirait à aller é
géliser les Prussiens 1 tandis que saint François profitait de la Croi
pour essayer de convertir le sultan lui-même2.
Tout ceci laissait présager une nouvelle orientation des efforts miss
naires. Elle se révèle aussi bien à la frontière hongroise, avec l'évang
tion des Comans et des peuples voisins, dans le territoire qui devie
plus tard la Tartaria Aquilonaris, que dans les pays d'outre-mer situé
sud de la mer Noire, qu'on appellera bientôt les partes orientales.

1 - LES MISSIONS CHEZ LES COMANS ET LES PEUPLES VOISIN

Depuis la fin du XIe siècle - depuis le moment où ils avaient écras


Petchénègues, alors établis entre le Danube et le Seret, avec l'aide d'A
Comnène3 - les Turcs Qipcaq, que les Occidentaux appelaient Com

1 B. Altaner, Die Dominikanermissionen ..., p. 1-9.


2 La Règle des Frères Mineurs, dans sa seconde rédaction fixe déjà les conditions
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 2

(Cumani, en hongrois Kun), exerçaient leur hégémonie dans la région située


au nord de la mer Noire, ainsi que, plus à l'est, dans les steppes qui s'éten¬
daient entre la mer Caspienne et l'Irtych; des peuples apparentés - les
Yämäk, par exemple - parlaient une langue très voisine, usaient, comme
eux, de l'alphabet ouïgour, et sont parfois considérés comme appartenant
eux aussi au peuple Qipcaq4. Ils semblent avoir laissé le cours inférieur de
la Volga à d'autres peuples: les Saqsïn ( Saxi des Latins)5, les Wedin, qu
sont donnés comme Musulmans par les voyageurs hongrois6; les Bulgare

4 P. Pelliot, A propos des Comans, dans Journal Asiatique, 1920, 1. 1. Kaèghari note l
parenté des langues parlées par les Yämäk, les BaSkirs, les Qipèaq, les Kirghizes et les Oghu
(C. Brockelmann, Mahmud al-Kasghari über die Sprachen der Türken, dans Körösi Csom
Archivum, I, 1921, p. 26-40). Cf. J. Richard, La limite occidentale de l'expansion de l'alphabet ouï¬
gour, dans Journ. Asiat., t. 239, 1951, p. 71-75 et La conversion de Berke et les débuts de l'islami¬
sation de la Horde d'Or, dans Revue des études islamiques, 1967, p. 173-184. Les Qipèaq orien¬
taux avaient partie liée avec les sultans khwarezmiens.
5 P. Pelliot, Notes sur l'histoire de la Horde d'Or, dans Œuvres posthumes de Paul Pelliot, II
Paris 1950, p. 165-174. La résistance des Saxi à l'invasion mongole fut assez acharnée pou
avoir retenu l'attention de Plancarpin (Sinica franciscana, I, p. 91). La lettre de Julien de Hon¬
grie fait état de l'occupation de la Sascia per les Mongols en 1236 ou 1237. Toutefois Benoî
de Pologne, compagnon de Plancarpin, écrit : Fratres vero euntes per Comaniam a dextri
habuerunt terram Saxorum, quos nos credimus esse Gothos, et hii sunt christiani; postea Alanos
qui sunt christiani; postea Gazaros, qui sunt christiani : in hac terra sita est Ornam, civitas opu
lenta, a Thartaris capta per submersionem aquarum; deinde Cyrcassos, et hii sunt christiani; pos
tea Georgianos, et hii sunt christiani ( Sinica Franciscana, I, p. 137-138) : ceci place les Saxi au
sud de la route suivie par Plancarpin - de Kiev à la région de Sarai, puis au nord de la Cas
pienne et de la mer d'Aral -. Les Saxi ne nous semblent pas pouvoir être les Goths de Crimé
(cf. A. A. Vasiliev, The Goths in the Crimea, Cambridge, Mass., 1936) - de même que les Kh
zars, cités comme habitant à l'est des Alains et à l'ouest (ou au nord-ouest) des Circassiens, n
paraissent pas être ceux qui ont donné leur nom à une partie de la Crimée il faudrai
admettre que les «Saqsin», si c'est bien d'eux qu'il s'agit, habitaient dans la région de Sarai
ou même au sud, comme l'a pensé Pelliot. Néanmoins, il ne faut pas oublier que Benoît n'
pas visité le pays en question et que ses localisations sont approximatives. Plancarpin met a
Sud de la Comanie les Alains, Circassiens, Khazars et Grecs; au Sud-Est les Ibères (Géor
giens), Cathi, Bruthaci, les Ziques, les Arméniens et les Turcs.
6 Ce peuple, mal identifiable, aurait habité au Sud de la Grande Bulgarie, d'après le D
inventa Ungaria magna qui parle des Sarrasins appelés Vela, dont la civitas se nommai
Bunda. Julien de Hongrie énumère parmi les cinq royaumes conquis par les Mongols e
22 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

de la Volga, les Russes - qui les appelaient Polovtses et à qui ils avaient
tiquement enlevé le sud des anciennes principautés de Kiev et de Tch
gov, les éliminant de Tmutarakan (Matrega)7 et des rives de la mer No
et les Hongrois étaient leurs principaux voisins. Un autre peuple, peut
nomade lui aussi, celui des Brodnici 8, paraît avoir occupé une partie d
vaste domaine, la Cumania des voyageurs du XIIIe siècle.
Les Comans n'étaient pas des inconnus pour les peuples chrét
mais, jusqu'au début du XIIIe siècle, ils avaient surtout eu des contacts
les Russes, qui ne connaissaient que trop leurs razzias, et occasionn
ment avec les Géorgiens : c'est même à propos de la participation
corps important de Turcs Qipcaq à la guerre livrée par le roi de Gé
David le Réparateur aux Musulmans ( (1121) qu'il est fait pour la prem
fois mention du baptême administré en masse à ces auxiliaires par les
des Géorgiens9. Plus tard, tandis que l'Islam gagnait peu à peu les t
voisines du sultanat de Khwarezm10, les contacts des Russes ave
«Polovtses» se traduisent par l'attribution de noms chrétiens à cer
chefs qipcaq : un Youri, un Vsévolod, un Daniel figurent parmi ceu

ce nom de celui de la ville bulgare de Widin sur le Danube et propose de voir dans les
une branche du peuple bulgare, tandis que le nom de leur civitas, « Bundaz », évoquerai
des Burtas, qui correspond à l'appellation russe des Mordves, et que Gardïzi localisait
l'habitat des Khazars et celui des Bulgares.
7 II ressort des recherches de M. N. Banescu, La domination byzantine à Matracha
Zichie, en Khazarie et en «Russia» à l'époque des Comnènes (Bull, de la section hist, de
roumaine, XXII, 2, Bucarest 1941), que Matrega était aux mains des Byzantins au Xe siè
redevint byzantine en 1094, après avoir appartenu à des princes russes qui étaient sans
vassaux du basileus. Mais l'extension des Comans, même si ceux-ci n'ont pas enlevé M
aux Russes, est responsable de l'arrêt de l'expansion russe vers le Kouban, comme de la
dence de Kiev.
8 Un texte de 1228 (Fontes, III, p. 206) cite «la terre des Comans et des Brodnici» c
ressort d'une légation pontificale, et Bela IV déplore la perte du pays des Brodinci en
temps que de la Comanie, dans une lettre de 1247 (Fejer, Codex dtplomaticus Hungariae
p. 336). L'habitat de ce peuple a été localisé entre le Dniestr et les Carpathes : cf. P. Hr
Halyts'ko-Volyns'ka derzhava (The duchy of Halych-Volhynia), New-York 1958, p. 43-44 e
(Shevchenko Scientific society, Ukrainian studies, vol. 5).
9 Brosset, Histoire de la Géorgie, I, p. 379. On peut noter qu'après les Petchénègu
rencontrèrent les Croisés de 1095, de nombreux Comans servirent dans l'armée byza
des conversions intervinrent là aussi.
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 23

indice d'un début de christianisation dont les agents sont évidemment des
Russes11.
Les Comans n'étaient pas pour les Hongrois des voisins plus faciles que
pour les Russes : le roi André II devait établir les chevaliers du Temple,
puis les Teutoniques, en Transylvanie pour contenir leurs expéditions
menées depuis la plaine moldave. Mais la Hongrie était en pleine expan¬
sion, et la grave défaite subie par les Comans et leurs alliés les princes rus¬
ses sur la Kalka du fait de l'armée mongole de Siibotaï, en 1222, modifia les
rapports entre les deux peuples. André II, qui avait enlevé à la Bulgarie des
terres contestées, et notamment, en 1233, la Petite-Valachie12, avait égale¬
ment réalisé des progrès au nord des Carpathes, en intervenant dans les
querelles qui suivirent la mort du prince de Halicz, Roman (1206), ce qui lui
permit, après avoir essayé de faire de son propre fils Coloman un roi de
Galicie et de Lodomérie, de placer Daniel Romanovic sous sa protection,
étendant ainsi son influence jusqu'à Kiev13. Nombre de chefs comans, et
ceux des Brodnici, après leur défaite devant les Mongols, se placèrent égale¬
ment sous sa protection14. De ce fait, on pouvait faire circuler en Occident
des rumeurs selon lesquelles le comte de Transylvanie, envoyé par le roi de
Hongrie, avait écrasé une avant-garde mongole non loin de la mer d'Azov15,
tandis que Grégoire IX, désireux de soulager les Géorgiens pressés par le
sultan seljuqide d'Asie mineure, envisageait l'envoi d'une Croisade partant
de la Hongrie à travers le pays des Comans16.

1 1 Brosset donne le nom de Vsevolod comme celui d'un frère du roi des Qipòaq à la fin
du XIIe siècle; Youri Konòakoviè (Konèak vivait en 1184) et Daniel Kobyakoviè sont cités en
1223 (A propos des Comans, p. 149).
12 Dès 1205, Kalojean se plaignait des entreprises des Hongrois dans une lettre au pape;
et ce dernier était amené à placer sous l'autorité de l'archevêque de Kalocz l'evêché de la
«terre des fils de Beleknese », qui était un évêché de rite grec : Fontes, II, p. 99-100 et 300. En
1237, c'est la terre de Severin (Cheurin ) dont le pape doit régler le sort ( Fontes, III, p. 300-301).
L'attitude du roi de Hongrie envers la Bulgarie réagit sur la politique du tsar Jean Asen à
l'égard de la Romanie latine.
13 On peut noter l'attitude bienveillante de Daniel envers les Dominicains : Altaner, Die
Dominikanermissionen, p. 215-223. Son fils Léon, époux d'une princesse hongroise, leur donna
un couvent dans sa ville de Lwów (ibid., p. 219).
14 C'est ainsi qu'aux environs de 1247, Bela IV pouvait se plaindre au pape de ce que
l'invasion mongole eût enlevé à son royaume la Russie, la Comanie, la Bulgarie et le pays des
Brodinci qui in magna parte nostro dominio antea subjaceant (Fejer, Codex dipl. Hungarìae, IV,
1, p. 336).
24 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Mais cette domination politique, favorisée par l'affaiblissement


Qipcaq17, se doubla d'une pénétration religieuse du fait de l'apparition
Frères Prêcheurs18. Dès 1221, au moment même où naissait la prov
dominicaine de Hongrie, des frères étaient désignés pour aller prêcher
Comans. Ce n'est pas sans appréhension qu'ils se mirent en route, et i
réussirent à pénétrer en Comanie qu'après plusieurs tentatives infruct
ses. Ils parvinrent au Dniepr; mais un certain nombre d'entre eux ava
été martyrisés ou réduits en esclavage. Cependant, la prédication po
ses fruits : le «duc» Bort (ou Burch) envoya en 1227 son fils unique, acc
pagné de Dominicains, pour demander à l'archevêque d'Esztergòm de v
le baptiser. Et les convertis furent si nombreux à recevoir le baptême
l'archevêque se décida à élever à l'épiscopat le prieur des Frères Prêch
le frère Thierry19.
La mort de Bort, qui fut enterré dans la petite chapelle construit
l'honneur de la Vierge par les missionnaires, ne ralentit pas le mouvem
de conversion. Son fils Membrok mourut à son tour et fut enseveli da
chapelle, devenue cathédrale; les conversions continuèrent.
Le pape Grégoire IX avait suivi avec intérêt cette entreprise; mai
dépit de la part presque exclusive qu'y avaient tenue les Hongrois e
protectorat revendiqué par le roi de Hongrie sur le pays coman, il
tenu à marquer l'autonomie de la nouvelle chrétienté. Quans l'archev
d'Esztergòm était parti en Comanie, le pape lui avait conféré les pou
d'un légat apostolique, et c'est en vertu de ces pouvoirs que l'«évêché
Comans» avait été érigé. L'archevêque était encore légat «dans les pr
ces des Comans et des Brodnici», en 1231; il fut remplacé par le car
Jacques, in provincia Cumanorum apostolice sedis legatus (1231-1234) 20
le 21 mars 1228, Grégoire IX avait précisé, en confirmant la nominatio
l'évêque Thierry (lequel était Hongrois), que l'évêque des Comans ne

Comans
un système
17 En
» (Registres
1228-1229,
féodal? de
onGrégoire
voit le roi
IX,André
n° 344).
II concéder
S'agissait-il
desdeterres
faire «aux
entrerducs
les chefs
et auxcoman
peupl

18 L'ouvrage fondamental reste celui de N. Pfeiffer, Die ungarische Dominikanerp


von ihrer Gründung 1221 bis zur Tartarenverwiistung 1241-1242, Fribourg 1913. Cf.
S. Salaville, Un peuple de race turque christianisé au XIIIe siècle : les Comans, dans
d'Orient, fase. 106, 1914, p. 193; B. Altaner, Die Dominikanermissionen, p. 141 et suiv.
19 Geraud de Frachet, Vitae fratrum, p. 38, 305; Fontes, III, p. 206 (Ripoll, Bullari
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 25

verait que du Saint-Siège; et, le 1er octobre 1229, il prenait les Comans sous
la protection du siège apostolique. L'évêque des Comans apparaissait
comme indépendant de la hiérarchie ecclésiastique du royaume de Hon¬
grie : aussi, quand il fallut créer un évêque de Bosnie, ou prendre charge de
la Petite-Valachie laissée sans évêque (26 avril 1238), ces territoires revendi¬
qués par la couronne de Hongrie étant sujets à contestation, c'est à l'évêque
des Comans que le pape s'adressa21.
Le diocèse confié à Yepiscopus Cumanorum, comme ceux des pays bal¬
tes, ne portait pas le nom de la ville où résidait l'évêque - ville des plus
modestes, d'ailleurs, qui prit naissance autour du couvent dominicain et de
la chapelle déjà mentionnée22 -, mais celui du peuple soumis à la juridic¬
tion de ce prélat. Pour limites, il eut, au Sud, les frontières de la Bulgarie,
qui relevait du patriarcat de Constantinople; à l'Ouest, les Carpathes qui le
séparaient de l'évêché de Transylvanie, relevant d'Esztergòm. Au Nord, un
évêque des Russes avait été nommé en 1233 : sans doute sa juridiction théo¬
rique coïncidait-elle avec les principautés russes, de Halicz à Kiev et Tcher-
nigov23. Par contre du côté de l'Est, il est vraisemblable que les limites du
diocèse auraient coïncidé, si on les avait déterminées, avec celles du terri¬
toire dans lequel nomadisaient les Comans - ce qui pouvait aller très loin
dans les steppes . . .
Toutefois les Comans n'étaient pas les premiers habitants de cette
région. Les anciennes notices épiscopales grecques, telle celle d'Epiphane
de Chypre, connaissaient dans cette région les provinces de Mysie et de
Scythie; et, en Dobroudja comme en Moldavie, vivaient des Valaques qui
continuaient à pratiquer le rite byzantin et qui, d'après les plaintes de l'évê¬
que Thierry, persistaient à obéir à des « pseudo-évêques » grecs. Conformé¬
ment à la doctrine reçue depuis le IVe concile du Latran, et déjà mise en
pratique antérieurement en Syrie franque, le pape invita l'évêque des
Comans à se donner un vicaire de rite grec qui serait ordonné évêque, lui

21 Registres de Grégoire IX, n° 344, 345, 536, 2120, 4286; Ripoll, Bullarium, I, p. 26-27 (Fon¬
tes , III, p. 208, 215, 282, 300-301).
22 B. Altaner a proposé de localiser ce site avec celui de Milcov, sur la Moldava, pour
tenir compte à la fois du texte du Carmen miserabile, qui le situe au-delà du Sereth, et de la
bulle d'érection du siège de Milcov, en 1347, qui se réfère à l'ancien évêché des Comans ( Die
Dominikanermissionen, p. 145 et suiv.). Il nous semble que le texte de Géraud de Frachet évo¬
26 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

jurerait obédience, et limiterait sa juridiction aux seuls Valaques,


toute l'étendue du diocèse des Comans24.
Nous connaissons mal les conditions dans lesquelles les premiers
sionnaires avaient commencé l'évangélisation des Comans : sans d
avaient-ils été dotés de pouvoirs exceptionnels, comparables à ceux
Grégoire IX concéda en 1237 aux Dominicains envoyés en Petite Valac
tels que le droit de bénir les nappes d'autel et les vêtements sacerdot
généralement réservé aux évêques25. Avaient-ils dû aussi s'adapter à l
nomade des peuples pasteurs auprès desquels ils vivaient?
Dès 1228, en tous cas, on constate que des Comans ont tendance
fixer auprès des lieux de culte; et de nombreuses églises sont bâties. Il
ble d'ailleurs que les religieux encourageaient leurs ouailles à cette sé
tarisation. Une organisation paroissiale s'esquisse26. Mais y avait-il d'au
desservants dans le diocèse, que des Frères Prêcheurs? Et les Com
allaient-ils participer à l'organisation ecclésiastique? On peut le supp
en constatant que Rubrouck a rencontré en Asie un Coman qui le salu
latin, ce qui atteste que ce Turc avait reçu un début de formation sco
et cléricale27. Mais on ne peut en dire plus long . . .
La mission hongroise avait donc pris largement pied en pays qip
Elle porta ses regards au-delà : vers les peuples encore païens de la ré
de la Volga. Nous possédons deux textes relatifs aux expéditions mis
naires vers la Grande-Hongrie, le De inventa Ungaria magna et la lettr
Dominicain Julien au légat pontifical, l'évêque de Pérouse; textes qu
vont pas sans poser quelques questions aux historiens28.
Le premier texte fait état du désir qu'éprouvaient les Dominicains
grois, familiers de l'histoire hongroise, de retrouver le rameau du pe
magyar qui n'avait pas suivi la migration de ce dernier vers l'Occiden
dont on supposait qu'il vivait encore dans la patrie primitive des Hong

continuité
24 Fontes,
daco-roumaine
III, p. 284, n°
(discussion
209 (Ripoll,
d'unBullarium,
article de I,F.p. Lot)
70); dans
G.-I. Revue
Bratianu,
hist, Le
duproblème
Sud-Est

péen, XX, 1943, p. 51 et 69-70.


25 Fontes, III, p. 300-301; Registres de Grégoire IX, n° 2689-2691 (mai 1237).
26 Nous renvoyons ici à B. Altaner, op. cit, p. 144-145. Cf. Fontes, III, p. 282.
27 Sinica Franciscana, I, p. 217.
28 Ces textes ont été publiés à plusieurs reprises (le premier est aussi désigné s
titre : De facto Ungarie magne a fratre Ricardo invento tempore domini Gregorii pape non
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 27

la Magna Hungaria. Quatre d'entre eux seraient partis à la recherche des


Hongrois de Grande-Hongrie; après trois ans, l'un d'eux, frère Otton, qui
voyageait sous l'habit d'un marchand, aurait fini par rencontrer dans un
pays païen, des gens qui parlaient hongrois; revenu en Hongrie pour y trou¬
ver des compagnons, il y mourut; mais, avec l'aide du roi Bela IV (1235-
1270) qui finança l'expédition, quatre religieux, ayant adopté le costume
séculier et laissé pousser barbe et cheveux à la mode païenne, comme la
permission en avait été accordée aux missionnaires29, gagnèrent Constanti¬
nople par la Bulgarie, s'embarquèrent et atteignirent Matrega où ils séjour¬
nèrent cinquante jours. Treize jours de traversée du désert les menèrent
chez les Alains, où ils connurent une telle détresse que deux d'entre eux
rebroussèrent chemin. Les deux autres, Gérard et Julien, partirent au bout
de six mois et, après trente sept jours de voyage, atteignirent le pays des
Wedin ou Vela. Gérard mourut; Julien se fit serviteur d'un prêtre musulman
avec lequel il atteignit la Grande-Bulgarie où il rencontra une femme de
langue hongroise qui lui révéla que la Grande-Hongrie n'était qu'à deux
jours de marche. Julien, parvenu au terme de son voyage, et fort bien
accueilli, constata que ces Hongrois étaient restés au stade de l'élevage et
de la cueillette, et prit conscience de la menace mongole. En quittant la
Grande-Hongrie, le 21 juin, il mit quinze jours à traverser le pays des Mord-
ves, des païens qui avaient approché le duc de Vladimir pour se faire caté¬
chiser, et, à travers la Russie et la Pologne, il revint en Hongrie le lende¬
main de Noël.
La lettre de Julien date probablement de 123730. Elle fait état du
voyage de quatre autres Dominicains envoyés en Grande-Hongrie pendant
que le narrateur lui-même séjournait à la cour de Rome. Ceux-ci seraient
passés par le duché de Souzdal, où ils auraient rencontré des «Hongrois
païens » qui fuyaient devant les Tartares et qu'ils auraient convertis. Le duc
de Souzdal, mécontent, leur interdit de continuer leur voyage et les
expulsa; ils passèrent alors dans le duché de Riazan pour essayer de gagner

29 Cf. l'autorisation accordée le 17 mars 1226 par Honorius III aux Dominicains et aux
Franciscains envoyés au Maroc (qui sont également autorisés à emporter de l'argent, contrai¬
rement à la règle de leur ordre) : Pressuti, II, n° 5865.
30 Cf. la datation de ces textes par H. Dörrie (op. cit.) : Julien aurait effectué son voyage à
28 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

soit la Grande-Hongrie, soit le pays des Mordves, soit même celui des
res. Deux d'entre eux arrivèrent auprès du chef des Mordves et d
rent; deux autres revinrent. Julien lui-même, avec plusieurs compa
reçut l'ordre de se rendre en Grande-Hongrie et passa par les confin
Prusse, où il apprit que la Grande-Hongrie, la Grande-Bulgarie et d
royaumes avaient été soumis par les Mongols. Le duc de Souzdal lui
de l'interception des messagers tartares, et d'un ultimatum que
apportaient au roi de Hongrie31. Estimant qu'il était indispensable d
mer celui-ci, et que les convulsions qui accompagnaient l'invasion m
rendaient leur mission impossible, Julien et ses compagnons, que le
Dominicains qui étaient restés à Riazan avaient rejoints, regagnèr
Hongrie.
Deux thèses s'affrontent à propos de ces textes. La recherche
«Grande-Hongrie», à partir de données légendaires contenues da
écrits historiques hongrois, la redécouverte d'un peuple resté mirac
ment semblable à celui qui, à travers une migration pluriséculaire,
fixé entre les Alpes et les Carpathes en s'accroissant d'éléments div
souvenir précis gardé par le rameau resté vers l'Oural des frères sé
autant de faits qui peuvent mettre en garde. Et M. Sinor a proposé
dans le De inventa Ungarìa magna une fabrication réalisée à l'a
connaissances livresques et de la lettre, celle-là authentique, du
Julien : ce qui réduirait à deux le nombre des missions hongroises
cherché à atteindre la Grande-Hongrie32. D'autres33 maintienne
contraire l'authenticité des quatre voyages en question : celui d
(1231-1233); celui de Julien et de ses trois confrères, dont les inform
sur les pays de la Caspienne et de la Volga paraissent évidemment
mière main - encore qu'il nous semble, avec M. Sinor, que ce text
fortement romancé -. Revenu en 1235, Julien serait parti en cour r
pendant que quatre autres Dominicains reprenaient la route de la G
Hongrie, cette fois à travers la Russie (1236). Julien, reparti à son t

31 Cf. J. Richard, Ultimatums mongols et lettres apocryphes, dans Central Asiatic


XVII, 1973, p. 215-216.
32 D. Sinor, Un voyageur du XIIIe siècle : le Dominicain Julien de Hongrie, dans B
School of Oriental and African Studies, XIV, 1952, p. 589-602.
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 29

passant par le Sud des pays lithuaniens (sans doute pour éviter la Comanie
alors en pleine turbulence) au début de 1237, recueillit deux de ces derniers
avant de revenir en Hongrie34.
La Grande-Hongrie ne paraît pas mythique. Julien, qui ne fait dans sa
lettre de 1238 aucune allusion aux contacts pris au cours du voyage qu'il
aurait fait trois ans auparavant35, a parlé en Russie à des pagani Ungari qui
fuyaient l'invasion de leur pays d'origine. Il semble difficile qu'il n'y ait pas
eu entre eux une certaine communauté de langue, même si celle que par¬
laient les « Grands Hongrois » n'était certainement pas identique au magyar
du XIIIe siècle. On a retrouvé dans les textes orientaux, les traces de
«Magyars» qui ne paraissent pas être ceux du Danube, encore que des
confusions rendent ces textes difficilement utilisables36. D'autant plus que
Julien appelle les pagani Ungari du nom de Bascarti, qui correspond à celui
qu'emploient Plancarpin et Rubrouck, ce dernier donnant pour voisins à ce
peuple les Kirghizes (Kerkis ) et les Bulgares de la Volga (dont la Grande-

34 Ce qui, à notre sens, empêche d'identifier cette mission de quatre Dominicains à celle
des quatre personnages dont le De inventa décrit le périple à travers la mer Noire, les pays de
la Caspienne et de la Volga, et milite en faveur de l'existence d'au moins trois voyages.
35 Ici, évidemment, se pose la question de savoir si Julien avait effectivement participé
au voyage dont M. Dörrie fixe les dates entre 1234 et 1235 (non sans une difficulté tenant à ce
que le roi Bela, qui aurait fait les frais de la mission, ne monta sur le trône qu'en octo¬
bre 1235).
36 M. Dörrie relève le nom des Mafear, à côté de celui des Ba§kirs, parmi les peuples dont
Gengis-Khan avait confié la soumission à Sübötai en 1222, avec les Russes, les Alains, les
Comans, les Bulgares, les Saqsin et les Qanqli (op. cit., p. 143-147). Yâqùt, parlant des BaSkirs,
explique qu'ils ont été convertis à l'Islam par les Grands-Bulgares, mais qu'au début du XIIIe
siècle ils sont sous la domination des Hongrois - qui ne sauraient être les « Hongrois chré¬
tiens». Al-'Umari, d'après des informations de la première moitié du XIVe siècle, cite parmi
les villes de l'empire de la Horde d'Or Màgar avec Kaffa, Sûdâq, Saqsin, Bulèar. . . , et la pro¬
vince de BaSqird ; mais cette ville peut-être le Mengiar de Marco Polo, qu'on recherche dans
la région caucasienne; ailleurs, il cite les armées des Russes, des Tcherkesses, des Magar et
des Alains comme faisant des raids pour enlever des esclaves : s'agit-il des « Hongrois chré¬
tiens» ou d'un des peuples soumis en principe aux khans de la Horde d'Or? Cf. H. Derem
bourg, Les croisades d'après Yâqoût, dans Centenaire de l'Ecole des Langues orientales, Paris,
1895, p. 91; Das Mongolische Weltreich, Al-'Umari's Darstellung. . . , hggb. Kl. Lech, Wiesbaden,
1968, p. 140 et 142; P. Pelliot, Notes on Marco Polo, II, p. 777-778, et Recherches sur les chrétiens
d'Asie centrale et d'Extrême-Orient, p. 118, n. 1. Une hypothèse récente a proposé d'identifier
les Proto-Hongrois (Madjari) aux Meschcher de la Volga, peuple de langue ougrienne que les
30 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Bulgarie rappelle curieusement la Grande-Hongrie)37. Le De invent


çant le pays d'origine des Hongrois près du grand fleuve Ethyl, c'est
Volga et Oural, un peu à l'ouest de la Baskirie actuelle, que se placer
pays. Mais l'identité des Baskirs et des « Grands-Hongrois » se heurte
sérieuses difficultés, dont la moindre n'est pas que les premiers nous
donnés comme déjà musulmans, tandis que les seconds sont païens38.
retrouverons d'ailleurs les «Grands-Hongrois» au XIVe siècle, av
même incertitude sur leur habitat39.
Ces expéditions hardies, qui menaient déjà les missionnaires trè
de leur pays d'origine, et sans aucun soutien de la part des princes occ
taux, n'eurent pas un très grand écho40 : l'invasion mongole qui avai
atteint les pays situés entre l'Oural et la Volga, commençait à alarm
Russes et même les Hongrois. Elle mettait provisoirement fin à toute
tive d'évangéliser les peuples entrevus par les missionnaires41; elle
aussi mettre fin à la mission de Comanie, si florissante entre 1228 et
Les Qipcaq, en effet, n'avaient pas d'illusion sur le sort que leur
vaient les Mongols. Dans son ultimatum, dont Julien avait pu obtenir
duction en rencontrant, en Comanie, quelqu'un qui savait le mongo
khan (ou son lieutenant Batu, si celui-ci est le Chaym du texte de J
ordonnait au roi de Hongrie, et de se soumettre, et de ne plus retenir
sa protection les Comans, «ses esclaves»43. Dès 1236, des éléments du

37 Ce qui peut expliquer certaines confusions, comme celle que nous avons relev
Al-'Umari entre Bulgares de la Volga et Bulgares du Danube (Zeitschrift der deutschen M
ländische Gesellschaft, 121/1, p. 213-214). Et il ne serait pas exclu qua propos des B
Yâqût eût été influencé par le protectorat exercé par le roi de Hongrie, qui se tit
Cumaniae, sur les Qipèaq dont certains éléments étaient musulmans.
38 Ζ. V. Togan, «Bashjirt», dans Encycl. Islam, 2e éd., p. 1106-1109, a exclu forme
cette assimilation (les BaSkirs, au témoignage de KaSghari, parlaient le turc, et non u
gue ougrienne). Par contre, P. Pelliot (Notes sur l'histoire de la Horde d'Or, p. 115-162) a
la variété des acceptions du mot Basqirt dans les textes mongols.
39 Infra, p. 188.
40 Aubri de Trois-Fontaines affirme que le roi Bela avait envoyé les Dominic
Grande-Hongrie pour savoir si les Tartares menaçaient la Comanie et la Hongrie (p. 9
la diffusion de ces récits, cf. G. A. Bezzola, Die Mongolen in Abendländischer Sicht (122
Berna et Munich, 1974, p. 57-65.
41 Le royaume des Bulgares de la Volga était détruit pendant l'hiver 1237-1238; les
les Ziques, les peuples de Crimée (Khazars, Goths, Sogdaia) étaient soumis en 1239; l
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 31

pie qipcaq avaient été attaqués par les Mongols près de la Volga. Bela IV,
inquiet de la fermentation qui régnait parmi eux, se porta à leur rencontre
et défit l'armée que commandait leur principal chef, Koutan. Mais ce der¬
nier implora le roi de le laisser pénétrer en Transylvanie avec sa horde, en
promettant de recevoir le baptême avec tous les siens. Les Dominicains
intervinrent auprès du roi, qui se laissa convaincre; après une prédication
sommaire, dix Frères Prêcheurs baptisèrent plusieurs milliers de Comans,
et ceux-ci pénétrèrent dans le royaume de Hongrie. D'autres, cependant,
franchissaient le Danube et se présentaient aux frontières de l'Empire
latin : les princes Jonas et Soronius promirent eux aussi de recevoir le bap¬
tême et obtinrent le droit d'entrer, avec les leurs, dans le territoire de
l'empire - qui se garda de négliger le précieux appoint de ces redoutables
guerriers, acteurs pour une part de la défaite où Baudouin Ier avait disparu,
en 1205 après leur baptême, ils donnèrent leurs filles en mariage à Guil¬
laume de Merry et à Narjot de Toucy, deux des principaux barons francs44.
Le territoire de la Comanie, lui, fut parcouru par les Mongols, et les
voyageurs, dix ans après, le trouvèrent encore jonché d'ossements.
D'innombrables Comans chrétiens et quatre-vingt-dix Dominicains furent
massacrés, la résidence épiscopale détruite; d'autres néophytes furent
déportés en Asie centrale, où Rubrouck devait en rencontrer. Le diocèse
des Comans disparut : on ne devait songer à le restaurer que plus de trente
ans après.
La conversion des Comans allait cependant continuer à être d'actualité.
Dans la Hongrie, si éprouvée à son tour après la défaite du Sahjo (1241), les
nomades auxquels le baptême avait été administré si libéralement se révé¬
lèrent un élément de trouble : on parut même craindre par moments qu'ils
n'entraînassent la Hongrie vers le paganisme. Innocent IV donnait en 1253
des privilèges aux Dominicains qui annonçaient la prochaine conversion
des Comans; en 1256, on apprenait qu'un grand nombre d'entre eux avait

que le duc de Souzdal avait arrêté le porteur de ce message. D'après le De inventa, le frère
Julien aurait rencontré en Grande-Hongrie un envoyé des Mongols qui parlait le mongol, le
turc (coman), l'arabe, le hongrois, le russe et l'allemand.
44 Géraud De Frachet, op. cif, Aubry de Trois-Fontaines, p. 946; S. Salaville, art. cité,
p. 193; Soranzo, Il papato, l'Europa cristiana e i Tartari, p. 42 et suiv.; R. Grousset, L'Empire des
steppes, Paris, 1939, p. 328-332. Cf. J. Longnon, L'Empire latin de Constantinople et la principauté
32 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

reçu le baptême. Mais Urbain IV invitait en 1264 les archevêques hongro


faire observer la foi catholique par les Comans baptisés, à faire baptiser
autres, et chasser du royaume ceux qui refuseraient le baptême . . . N
las III, en 1278, demande aux Franciscains de Hongrie d'évangéliser
Comans « qui paraissent disposés à recevoir la foi catholique ».
En fait, les Comans étaient devenus une puissance dans le royau
Etienne V, Ladisias IV les soutenaient; aussi les engagements qu'ils
naient de recevoir le baptême, de renoncer à leurs rites païens et mêm
nomadisme, de rendre les biens ecclésiastiques qu'ils avaient usurpés,
taient lettre morte45. Il fallut qu'en 1283 le roi de Hongrie engageât la l
contre eux, les battît et les refoulât en territoire mongol (ce qui lui valu
1284 une expédition de représailles) pour que le problème coman perdî
son acuité.
Néanmoins, les Comans n'avaient pas tous été chassés, et ils co
nuaient à vivre à l'intérieur de la Hongrie, dont deux districts priren
nom de Grande et de Petite Comanie, et où le dernier Coman parlant c
langue mourut en 1770. La mission auprès des Comans devenait une
sion permanente : on constate, en 1348, qu'il reste encore parmi eux
nombreux païens; en 1382, le roi de Hongrie fait savoir qu'il donne tou
soins à leur conversion. En 1399, enfin, le pape pouvait affirmer qu
conversion des Comans était pratiquement terminé. Et il invitait les
ques à ne pas contraindre ces nomades à renoncer à leur mode de vie
Franciscains devaient être attachés à leurs camps, les suivre dans l
pérégrinations et leur administrer les sacrements46.
C'est ainsi que, disparue dans la steppe ukrainienne, la mission
Comanie avait repris vie à l'intérieur même du royaume de Hongrie. E
moment où la conversion des Comans est un fait acquis - bien plus
que ne le laissaient augurer les premiers succès47 - une forme d'enca
ment religieux, adaptée à leur genre de vie, se dégage, qui rompt ave
efforts de sédentarisation que les premiers missionnaires paraissent a

45 Cf. la lettre de Nicolas III au roi de Hongrie (9 décembre 1279 : Fontes, V, 2, n°49
l'on apprend que les Comans avaient accepté toutes les exigences, sauf celles de raser
barbes et couper leurs cheveux. . .
46 B. Altaner, op. cit.', Registres d'Innocent IV, n° 6273; d'Urbain IV, n° 2769; Reichert,
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 33

voulu imposer à ces nomades48. Toutefois, du fait que les Comans s'étaient
établis dans un territoire déjà pourvu de son armature diocésaine, le dio¬
cèse des Comans et son évêque particulier avaient définitivement disparu.
La mission de Tartarie Aquilonaire allait reprendre, sous une autre forme,
la tâche brutalement interrompue.

II - LES MISSIONS DANS LES TERRES D'OUTRE-MER

Jusqu'à l'apparition des Mongols, la différence que nous avons relevée


dans la tâche missionnaire, telle qu'elle se définissait au Nord et au Sud de
la Mer Noire et du domaine byzantin, reste bien marquée. Et le monde
auquel on accédait par la Méditerranée orientale, apparaît encore comme à
peu près indépendant de celui qui s'étend à l'Est de l'Europe : il faudra
qu'un esprit scientifique comme celui de Guillaume de Rubrouck mette en
parallèle ce que l'on croyait savoir de la géographie de l'Orient sur la foi
d'Isidore de Séville, avec les enseignements des premiers voyages accom¬
plis chez les Mongols pour qu'on sache que la Mer Caspienne n'était pas un
golfe de l'Océan septentrional49, et que les pays d'Asie centrale et
d'Extrême-Orient, infiniment plus étendus qu'on ne le croyait jusque là,
étaient accessibles aussi bien en venant du Sud qu'en venant du Nord.
Aussi ne doit-on pas être surpris de constater que l'action missionnaire
dans les pays du Levant reste dans le prolongement de celle du XIIe siècle.
Mais des différences notables se laissent cependant discerner.
La Troisième Croisade n'avait pu parvenir à la libération de Jérusalem;
mais elle avait amené les Occidentaux eux-mêmes, et non plus seulement
les Latins d'Orient, à prendre conscience de la réalité orientale. Lorsque le
pape Innocent III demande au patriarche de Jérusalem un rapport sur les
souverains musulmans50, il est évident que le souci d'information a pris une
grande place. Et les meilleurs informateurs se révèlent être les Chrétiens
orientaux, dont les communautés vivent sous la domination des princes
musulmans, comme sous celle des Latins. La Cinquième Croisade, sous

cains48aux
On Franciscains.
peut noter à ce propos que la charge de la mission des Comans passe des Domini¬

49 Sinica franciscana, I, p. 211-212. Cf. infra, p. 80 n. 62.


34 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

l'impulsion du légat Pélage, prend un contact plus étroit avec ceux-ci


voit pénétrer dans la littérature latine, la traduction de textes apocaly
ques d'origine syrienne, copte ou chaldéenne, où les souverains chréti
plus ou moins mythiques, qui régnent au-delà de la barrière musulm
sont appelés à jouer un rôle décisif en faveur des Croisés - celui que d
en 1145, l'évêque Hugues de Gabala prêtait au Prêtre Jean51 La persp
tive d'une intervention des Géorgiens prend corps, et des relations s'esq
sent de ce côté; un texte concernant les graves événements qui se pro
sent en Iran et en Asie centrale, en les attribuant à un roi chrétien, Da
est recueilli par Jacques de Vitry et diffusé assez largement52. La Cinqui
Croisade se révèle ainsi comme un moment capital pour les relations e
Latins et Chrétiens orientaux53.
C'est précisément avec la Cinquième Croisade, qu'apparaissent t
personnages avec lesquels l'esprit missionnaire prend une nouvelle t
nure : Jacques de Vitry, l'écolâtre de Cologne Olivier et saint Fran
d'Assise.
Il n'est pas inutile de noter que les deux premiers, qui n'appartienn
ni l'un ni l'autre, aux ordres de nouvelle création, ont été au départ des
dicateurs de la Croisade, et que c'est en Orient qu'ils se sont intéressés
perspectives missionnaires. Jacques de Vitry, qui fut évêque d'Acre de
à 1228, nous a laissé dans son Historìa Orìentalis , à propos des progrès
lisés en Orient par la doctrine musulmane, une description des peuples
avaient résisté à cette diffusion de l'Islam54 : les Comans, dont il connais
le paganisme55, et les peuples dont l'adhésion à l'Islam dissimulait soit
souvenirs chrétiens - tels les Bédouins -, soit des doctrines hétérod
(Nosaîris, Assassins). Un peu plus loin, il passait à la description de la T
Sainte où il plaçait un tableau des peuples qui habitaient celle-ci, en ca
térisant chacun d'eux56 les Poulains, les Francs de Terre Sainte, attira

51 Cf. P. Pelliot, Deux passages de la prophétie de Hannan fils d'Isaac, dans Mélange
l'époque des croisades, p. 73-97; R. Röhricht, Quinti belli sacri scriptores minores, Genève,
(Société de l'Orient latin). Cf. G.A. Bezzola, op. cit., p. 13-28.
52 J. Richard, L'Extrême-Orient légendaire. . . Roi David et Prêtre Jean.
53 Les sympathies qu'à tort ou à raison les Musulmans prêtaient aux Chrétiens indi
à l'égard des Croisés débarqués sur le sol égyptien, se traduisent d'ailleurs par une s
persécution : le patriarche (melkite) Nicolas et d'autres évêques s'en plaignent au pap
1223 (Raynaldus, Annales ecclesiastici, 1223, § 9).
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 35

son attention par leurs vices et leurs mœurs orientalisées; les Syriens, par
leur adhésion au rite grec, en dépit de l'usage quotidien de l'arabe; les Jaco¬
bites, par l'usage de la circoncision, l'emploi soit du chaldéen, soit de
l'arabe; les Nestoriens, peu nombreux en Terre Sainte, mais très répandus
en pays musulman et dans l'Inde, par l'usage du pain fermenté; les Maroni¬
tes, revenus à l'Union, par leur emploi des ornements pontificaux de l'église
latine; les Arméniens, unis eux aussi, par l'absence d'eau dans le vin de la
consécration; il n'oubliait ni les Géorgiens, ni les Mozarabes.
Cette enquête débouchait, dans son esprit, sur une évangélisation : ne
terminait-il pas une de ses lettres en affirmant que beaucoup de ces héréti¬
ques et des Sarrasins, §e convertiraient facilement à la foi, s'ils entendaient
prêcher la saine doctrine ? Et il invitait ses lecteurs à prier « pour que le Sei¬
gneur, qui ne déteste pas ceux qu'il a créés et qui veut que tous les hommes
viennent à reconnaître la vérité, daigne éclairer en ces jours-ci les ténèbres
de l'Orient»57.
Dès son arrivée à Acre, du reste, il avait obtenu des évêques jacobite et
melkite, qu'ils réunissent leurs ouailles auxquelles il avait prêché, les invi¬
tant à abandonner leurs usages repréhensibles; l'absence de prélats nesto¬
riens, arméniens et géorgiens, l'avait empêché d'agir de même auprès de
ces trois communautés58. Parcourant le Levant, jusqu'à Antioche, il avait
également prêché; il s'était tout spécialement intéressé aux Musulmans,
obtenant qu'on laisse baptiser des esclaves musulmans dont beaucoup
disaient avoir été favorisés de visions59; et, voyant qu'il ne pouvait aller
dans la terre des Sarrasins pour prêcher, il avait envoyé des lettres pour les
inviter à se convertir60 - au cours de la campagne d'Egypte, il devait rache¬
ter les jeunes enfants pris dans Damiette, dont cinq cents au moins reçu¬
rent le baptême61.
A l'écolâtre de Cologne, nous devons également une description des
sectes orientales, sous la forme d'une « longue digression » de son Historia

Jacques
et 93-97. de Vitry (1 160/ 1 170-1240). Edition critique par R. Β .C. Huygens, Leiden, 1960, p. 83-87

57 Lettres, p. 97.
58 Ibid, p. 83-84. Dans Γ Historia orientalis, il donne à propos de chaque secte une brève
argumentation contre les erreurs de chacune.
59 Lettres, p. 88-89.
36 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Damiatina, à propos du Nil dont il signalait qu'il venait de pays habité


les chrétiens, l'Ethiopie et la Nubie, ce qui l'amenait à parler ensuit
Géorgiens, des Grecs, des Maronites, des Nosaîris (Neoforite ), des A
niens, des Nestoriens, des Syriens, des Jacobites et des Russes62. Mais
apprenons aussi qu'Olivier s'était livré à une enquête personnelle, tant
un couvent géorgien de la Montagne Noire, qu'auprès des Nestoriens
région d'Antioche, pour s'informer avec exactitude de leurs rites et de
dogmes : c'est ainsi qu'il avait appris des Chaldéens, que ceux-ci
diaient la doctrine nestorienne en matière christologique. Prudemm
d'ailleurs, il s'abstenait de décider si ses interlocuteurs avaient été par
ment sincères . . . 63. C'est à ce moment, que l'Eglise nestorienne comm
à être vraiment connue des Latins64.
De même que Jacques de Vitry, Olivier s'était préoccupé, non s
ment de prêcher la croisade et d'exciter le zèle des combattants de la
sade, mais d'essayer de convaincre les Musulmans d'adhérer à la foi
tienne. Regrettant de ne pouvoir lui parler, il exposait par écrit au s
d'Egypte65 que c'était à tort que les chrétiens étaient qualifiés de polyt
tes (incredulos ), en lui expliquant la doctrine de la Trinité; d'idolâtre
faisant la séparation entre la vénération due aux images et l'adoration
à Dieu seul; il précisait la doctrine relative aux images, ces «lettre
laïcs . . . qui n'ont en elles-mêmes aucune puissance»66. Il attaquait la
gamie, la cruauté envers les esclaves, le caractère matériel du pa
musulman, et s'en prenait à Mahomet, élève du moine apostat Sergiu
avait converti les peuples par le glaive - alors que les chrétiens n'usaie

62 Historia Damiatina, dans Hoogeweg, Die Schriften des Kölner Domscholasticus. . ,


rus, Stuttgart, 1894, p. 264-267 (Bibliothek des litterarischen Vereins in Stuttgart, 202).
63 II note aussi que la circoncision n'est pas pratiquée par tous les Jacobites, mais
ment par ceux d'Egypte.
64 A. D. Von den Brincken, op. cil, p. 293-296. L'église chaldéenne «de l'extérieur
cependant encore inconnue : il faudra l'arrivée des Mongols pour que les Latins, qui
dant n'ignorent pas la présence de chrétiens, dits Nestoriens, chez « les Mèdes et les P
et dans l'Inde, découvrent ceux d'Asie centrale - cette Asie, il est vrai, malgré la Rel
Davide qui énumérait déjà des villes comme KaSghar, Balassaghun, Bukhara, Samarka
qui est transcrite dans une lettre de Jacques de Vitry (éd. Huygens, p. 141-149), d'apr
informations apportées au comte de Tripoli par des marchands orientaux, n'était pas
« perçue » par les Occidentaux.
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 37

glaive que pour se défendre de la puissance musulmane et pour reprendre


la Terre Sainte, usurpée sur les chrétiens. Il se servait même du Coran pour
tirer argument du respect témoigné par Mahomet au Christ. Aux « docteurs
d'Egypte », il écrivait également pour défendre la substitution du baptême à
la circoncision, l'incarnation du Christ et la virginité de Notre-Dame, etc.67.
On peut noter au passage que déjà en 1213, le pape Innocent III avait
essayé d'obtenir du sultan un accord pacifique sur la Terre Sainte, pour évi¬
ter de nouvelles guerres; mais sans grand espoir d'y parvenir, et sans avoir
essayé d'amener le prince musulman au christianisme68 : les lettres d'Oli¬
vier et de Jacques de Vitry montrent le progrès réalisé par l'esprit mission¬
naire - sans pour autant que ces deux prédicateurs de la croisade fussent
moins convaincus de la nécessité de leur tâche - au cours de la Cinquième
Croisade.

a) Les missions auprès des Musulmans

Saint François, lui, avait déjà envisagé d'aller prêcher la foi aux Musul¬
mans. La croisade lui en donna l'occasion. Parvenu au camp de Damiette, il
n'obtint pas sans difficulté du légat Pélage, l'autorisation de se rendre au
camp musulman. Par contre, l'accès à celui-ci lui fut relativement facile69,
et il parvint à se faire conduire au sultan al-Kâmil, avec son compagnon, le
frère Illuminatus de Rieti. Admis devant le sultan, celui-ci le reçut fort cour¬
toisement; le saint souhaitait engager une dispute avec les théologiens
musulmans, qui auraient riposté en invitant le sultan à faire décapiter les
deux chrétiens, car « li lois (= le Coran) deffent que on n'en n'oie nul pres-
chement. Et, s'il est nus qui veuille preecer ne parler contre le loi, li lois
commande c'on li colpe la teste». Al-Kâmil, en tout cas, que saint François
ait ou non offert de subir l'épreuve du feu pour garantir la vérité de sa mis¬
sion, aurait répondu que, puisque ce chrétien était venu pour sauver son
âme, il ne pouvait l'en punir, et renvoya les deux Franciscains dans leur
camp70.

67 Die Schriften, p. 307.


68 Cf. Mansi, Condì, XXVI, 967-968 (Pair. Lut., CCXVI, col. 831-832).
69 Jacques de Vitry, qui mentionne la démarche de saint François (Lettres, p. 132-133),
note le grand nombre de transfuges qui passaient d'un camp à l'autre, en reniant leur foi, et
précise que les Musulmans passés de la sorte au christianisme persévéraient rarement
38 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

L'arrivée de François d'Assise marquait l'entrée en scène des Or


mendiants dans le domaine des missions du Levant, encore qu'on pu
considérer la naissance de la province franciscaine de Terre Sainte com
assurée, du moment où le chapitre de 1217 avait désigné le frère
comme ministre de cette nouvelle province71. L'un des religieux, le f
Electus, fut bientôt martyrisé72; mais il semble que l'essentiel de l'act
des Franciscains des couvents de Jérusalem, de Jaffa, d'Acre, d'Antioche
Sidon, de Tyr, de Tripoli et de Tortose (ainsi que de ceux de Chypre) se
exercée au sein de la population chrétienne des Etats latins. Il s'avér
effet très vite que « les Sarrasins écoutèrent volontiers ces frères tant q
prêchèrent la foi du Christ et la doctrine évangélique, jusqu'à ce qu'i
missent à contredire manifestement dans leur prédication Mahomet, e
traitant de menteur et de perfide. Alors ils les battirent cruellement -
Dieu ne les avait miraculeusement préservés, ils les auraient fait périr
les chassèrent de leurs cités»73. En terre musulmane, la prédication p
que était pratiquement impossible, les blasphèmes contre le Prophèt
son enseignement (et l'on a vu par la lettre d'Olivier de Paderborn qu
réfutation de Mahomet faisait partie intégrante de la polémique isl
chrétienne) étant punis de mort, de même que le passage d'un musul
au christianisme74. Les missionnaires allaient partout vérifier cette imp
bilité.

Toutefois, l'accès des religieux aux terres musulmanes, - qu'il s'ag


des Franciscains ou des Dominicains, lesquels font leur apparition
Orient probablement un peu plus tard que les disciples de saint Fran
et fondent eux-aussi des couvents dans les principales villes des E
latins75 - est parfaitement possible : l'accès des marchands occidentaux

71 M. Roncaglia, op. cit., p. 31, 58 et passim.


72 Monumenta francescana, p. 526.
73 Golubovich, I, p. 9-10 (d'après Jacques de Vitry, Historie. Orientalis).
74 Cf. par exemple, la persécution anti-chrétienne qui se déchaîne à Mardin parce
prêtre jacobite rénégat revient à sa foi première (Bar Hebraeus, Chronicon ecclesiasticum
p. 564; 1171). Un missionnaire franciscain désireux de recevoir le martyre, et en ayant o
licence de son gardien, insulte Mahomet; la foule s'irrite, mais un uléma déclare qu'il es
et il échappe à la mort : Jean de Winterthur, Chronicon, dans Archiv für Schweizerisch
chichte, XI, p. 207,
75 La création de la province dominicaine de Terre Sainte est décidée par le ch
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 39

pays musulmans de l'intérieur, que jusque là n'avaient guère fréquentés


que des pèlerins, tels Bernard le Pèlerin et Henri de Morungen (que leur
dévotion entraîna jusque dans l'Inde, où ils visitèrent le tombeau de saint
Thomas)76, ou des aventuriers, servant comme mercenaires dans les armées
des souverains musulmans77, commence à devenir assez fréquent pour que
les princes leur accordent des privilèges leur permettant d'atteindre, qui
Alep, qui l'intérieur de la Turquie78. Les religieux allaient pouvoir, eux
aussi, bénéficier de ces conditions nouvelles.
Ils avaient un devoir à y remplir : celui de porter des secours spirituels
et matériels à ceux que les revers subis par les Latins avaient fait tomber
aux mains des Musulmans. Dès 1183, le pape Lucius III écrivait au frère de
Saladin, alors gouverneur d'Egypte, à propos des captifs chrétiens, qu'il
entendait respecter les conventions passées entre le roi d'Egypte et le pape
Alexandre III pour la libération des captifs, vraisemblablement sur la base
d'un échange79. Quelques années plus tard, Innocent III donnait leur règle
aux frères de la Trinité dont le rachat des captifs était la raison d'être80. Ce
qui, d'ailleurs, n'était pas toujours aisé, les Latins d'Orient ne se montrant
pas très zélés pour renoncer aux services de leurs esclaves musulmans,
dont la libération garantissait celle d'un nombre correspondant de chré¬
tiens81.

76 J. Richard, Les missionnaires latins dans l'Inde au XIVe siècle, dans Studi veneziani, XII
1970, p. 233. Un passage d'une lettre de Pierre de Blois à Richard, évêque de Syracuse (Pair
hat, CCVII, col. 136), dans un parallèle entre Thomas Becket et l'apôtre des Indes, est ains
conçu : Eat, qui voluerit, in Indiam ad suffragia beati apostoli; tarn longa peregrinatio nimis labo¬
riosa est mihi; mihi sufficit Thomas meus ... Ce texte témoigne-t-il d'une certaine vogue du
pèlerinage au tombeau de l'apôtre à la fin du XIIe siècle ? En tout état de cause, un tel voyag
ne fut sans doute jamais le fait que de quelques intrépides pèlerins.
77 Cf. notre édition de Simon de Saint-Quentin, Histoire des Tartares, p. 52, 74, et About an
account of the battle of Hattin referring to Frankish mercenaries in Oriental moslem states, dan
Speculum, XXVII, 1952, p. 168-177.
78 Nous nous permettons de renvoyer à notre étude à paraître dans les Actes du 9e collo¬
que international d'histoire maritime, et dont la traduction anglaise figurera dans notr
recueil Les relations entre Orient et Occident, 1-1 à 39.
79 R. Röhricht, Regesta regni Hierosolymitani, n° 626 (1183).
80 Patr. Lat, CCXIV, col. 444-449 (17 déc. 1198): ad redemptionem captivorum qui sun
incarcerati pro fide Christi a paganis, ve/ dato predo rationabili pro redemptione eorum, ve/ pr
redemptione paganorum captivorum ut postea. . . redimatur christianus pro pagano . . .
40 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

La crainte du pape était de voir les captifs, perdant l'espoir d'être


rés, isolés les uns des autres, mais surtout hors d'état d'observer les ri
leur religion (le travail du dimanche étant de règle pour eux) gros
nombre des rénégats, déjà très important du fait que beaucoup de
tiens, au moment de leur capture, acceptaient de « se renier » pour s
leur vie82. Leur assurer un minimum de vie religieuse était indispen
Le patriarche melkite d'Alexandrie, Nicolas, se vit à plusieurs reprise
citer par Innocent III pour son action en faveur des captifs auxquels i
diguait ses exhortations; en 1212, il avertissait le pape des besoins de
ci, lesquels écrivaient en même temps au pontife qu'ils n'avaient
vieux prêtre pour leur administrer les sacrements : Innocent III dem
au patriarche de choisir parmi eux quelqu'un qui fût instruit des fonc
ecclésiastiques et de le promouvoir au diaconat83.
Mais les rapports entre clergé latin et clergé grec, ou d'autre
n'étaient pas toujours de nature à rassurer Rome : un certain nomb
captifs passèrent au rite copte84. Aussi, en 1238, est-ce à un Franciscai
Grégoire IX confiait le soin de donner les sacrements aux Templie
autres chrétiens captifs à Alep qui pouvaient aussi les recevoir de p
jacobites85. En 1279-1282, les captifs du Caire demandant un prêtre au

Templiers
latins en 1263.
de libérer leurs esclaves donna prétexte au sultan Baîbars pour attaquer le

82 Joinville donne là-dessus des détails précis : les mariniers de sa nef « estoie
renoié»; des prisonniers se voient offrir le choix entre le reniement et la décapitati
N. de Wailly, § 331, 334); on fait renier les enfants - que saint Louis parvient à se faire
(§ 518). - Un rénégat explique à Joinville que c'est la pauvreté qui l'a décidé à se con
malgré sa conscience (§ 395-396). Nombreuses informations sur la vie des captifs, et de
gats, sous la plume du franciscain irlandais Simon Semeonis (Itineraria Symonis Semeon
M. Esposito, Dublin, 1960). Olivier de Paderborn raconte l'évasion d'un rénégat, profit
passage des vaisseaux chrétiens : Hist. Damiatina, p. 198.
83 Fontes, II, p. 363, 410; Pair, hat, CCXVI, col. 23 (1209), 506, 509 (1212).
84 Simon Semeonis en cite deux, italiens de naissance (p. 62). Et, dans la liste des p
ches coptes, on rencontre un «Théodore fils de Raphael, le Franc» (1294-1299) : E. Ti
et G. Wiet, Le catalogue patriarcal d'Abou'l Barakat, dans Maspéro, Histoire des Patr
d'Alexandrie, Paris, 1923, p. 377. - Fidence de Padoue note que les Chrétiens indigène
rissent les captifs de leurs aumônes et les rachètent (Golubovich, II, p. 60).
85 Indulgemus ut a fratre Manasserio seu quolibet alio ordinis fratrum minorum vel,
non habita copia, de commissis a sacerdotibus jacobitis absolvi et ab eis super htis peni
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 41

Nicolas III, celui-ci s'adressa au général des Franciscains qui leur envoya
Giovannino de Ollis de Parme86. D'autres Franciscains devaient visiter les
captifs, avec l'autorisation du sultan, dans les premières années du XIVe
siècle87. Et d'autres, de passage, assurent occasionnellement leur desserte88,
tandis qu'on ne perd pas l'espoir de ramener les rénégats à la foi chré¬
tienne89.
Par un retour des choses, il arrivait que les captifs fissent du prosély¬
tisme, encore que ce fût très difficile en milieu musulman, où l'abandon de
l'Islam était un crime. Césaire de Heisterbach signale toutefois que l'évêque
de Beauvais, capturé sous Damiette, fut invité à baptiser un enfant malade,
fils d'une «païenne», qui fut miraculeusement guéri90. Mais peut-on, en ce
cas, parler de conversion?91
Pour prêcher publiquement aux Sarrasins, c'est dans le territoire des
Etats latins seulement, que les missionnaires avaient la liberté de le faire. Si
nous en croyons Jacques de Vitry, le même égoïsme des maîtres faisait obs¬
tacle aux conversions: «Qui pourrait dénombrer», dit-il, «les vices d'une
autre Babylone où les chrétiens refusent le baptême à leurs esclaves sarra¬
sins, quand ceux-ci le demandent instamment et avec des larmes?». Leurs
maîtres disaient en effet, «ce à quoi mon âme refuse de s'accorder», que
«s'ils étaient chrétiens, nous ne pourrions pas les exploiter (angariare ) à
notre volonté ». Et l'évêque d'Acre se réjouissait d'être venu à bout de cette
opposition, et d'en avoir baptisé beaucoup92. Vingt ans plus tard (1237),
Grégoire IX ordonnait au patriarche et à tous les ecclésiastiques de Terre

d'exact
86 D'après
dans l'histoire
Salimbene
de la(Golubovich,
croisade des I,enfants
p. 275-276).
que narre
A noter
Aubrique,
de Trois-Fontaines
s'il y a quelque(p.chose
893)

le «calife» d'Egypte aurait systématiquement (en souvenir de ses années d'études à Paris. . .
racheté les clercs, au nombre d'environ 400, dont 80 prêtres, ce qui aurait pour quelque
temps assuré une desserte spirituelle aux captifs. Mais l'anecdote paraît bien controuvée.
87 Golubovich, III, p. 68 (cinq frères mineurs, dont l'un mourut à Alexandrie et un autre
Ange de Spolète, devait plus tard mourir martyr chez les Bulgares de la Volga).
88 Simon Semeonis, en 1329, célèbre ainsi la messe, pendant son séjour, dans les chapel¬
les destinées aux esclaves latins du Sultan au Caire et à Alexandrie (p. 86).
89 Cf. Ch. Köhler, Deux projets de croisade, dans Revue de l'Orient latin, X, 1903-1904
p. 443.
90 Césaire de Heisterbach, Dialogi miraculorum, dans Röhricht, Testimonia minora d
quinto bello sacro, Genève, 1882, p. 172.
91 Jacques de Vitry fait état, en effet, de l'habitude qu'avaient beaucoup de Sarrasins d
42 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Sainte, d'instruire et de baptiser ceux des esclaves qui se convertiraie


bonne foi, c'est-à-dire sans avoir le seul désir de recouvrer ispo facto
liberté, conformément à la coutume du pays93. Encore cet affranchisse
n'était-il pas universellement observé94. Mais les Assises de Jérusale
regardent comme de droit pour les esclaves musulmans qui, après
enfuis en « païenime », revenaient de plein gré dans les Etats latins p
recevoir le baptême95.
D'autres que les esclaves, sans doute, étaient accessibles à la pr
tion des Franciscains, des Dominicains et de leurs émules du clergé
lier ou séculier des colonies latines96. L'auteur du De statu Saracenoru
Dominicain Guillaume de Tripoli (peut-être le Guillaume Champeno
Tripoli que nous allons retrouver), exaltant les avantages de la simpl
dication, affirmait avoir conféré le baptême à plus de mille Sarrasins,
avoir recours à la force des armes ni aux disputes philosophiques97.
être les habitants musulmans des villes et des campagnes des Etats
ont-ils été les auditeurs de ses prédications98. D'autres ont été touché
l'évangélisation de façon diverse : pendant que saint Louis résidait en
Sainte, «plusieurs d'iceulx (aussi comme environ Ve) delessièrent

93 Registres de Grégoire IX, n° 3792 et suiv. (Fontes, III, p. 307). - Le pape paraît
sur ses premières affirmations l'année suivante (Ibid., n° 4147; 1238) lorsqu'il invite le
che de Jérusalem à contraindre les barons du royaume, malgré leurs réticences, à
leurs esclaves musulmans assister au moins à une prédication mensuelle, et, s'ils le vo
à recevoir le baptême, ceci n'entraînant pas nécessairement leur affranchissement.
94 On voit, dans le royaume arménien de Cilicie, en 1274, vendre «unum sclavum b
tum nomine Guirardinum» sous condition de ne pas le «vendere alicui Sarraceno,
ipsum sclavum vellet franchire » (Archives de l'Orient latin, I, p. 477). Le roi d'Arménie
aux Génois qui achètent des esclaves dans son royaume de les vendre aux Musulma
sont baptisés (Tournebize, Hist. ... de l'Arménie, p. 218; 1288).
95 Recueil des Hist, des Croisades, Lois, éd. Beugnot, II, p. 191.
96 Les réticences que rencontrent les conversions d'esclaves ont d'ailleurs ici leur
pondance, les princes latins étant fort peu soucieux de mécontenter leurs sujets no
tiens ou non-latins en les exposant au zèle indiscret des missionnaires : c'est ainsi q
mond Lull, étant venu en Chypre au temps de la campagne de Ghazan en Syrie (1299
s'était avisé de demander au roi Henri II d'inviter les Juifs, les Musulmans et les Ch
séparés, à le laisser prêcher dans leurs synagogues, leurs mosquées et leurs églises. H
s'y refusa. Cf. R. Sugranyes de Franch, Raymond Lulle, docteur des missions, Schöneck-B
ried, 1954, p. 43-45.
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 43

puante foy de Mahometh et s'en accoururent à li. Et il avoient esté premiè¬


rement entroduis des freres Prescheurs et des freres Meneurs et entroduis
en l'enseignement de la foy, et après ce il furent renovelés par le saint bap-
tesme»99. Ces Musulmans convertis, au nombre d'un demi-millier, formè¬
rent une « bataille » de Turcoples : sans doute venaient-ils pour une part des
unités de mamelûks des armées damasquines ou égyptiennes.
Des conversions intervenaient même en terre musulmane; mais les
convertis n'avaient d'autre choix que de gagner les terres des Chrétiens,
comme ces deux frères, André et Pierre de Bethléem, « qui étaient revenus
au culte de la pureté catholique en abandonnant les souillures des païens,
sous l'inspiration du Fils de Dieu» et qu'Urbain IV ordonnait, eu égard à
leur pauvreté, de faire entretenir dans un établissement religieux (1264) 10°.
La fuite en pays chrétien d'autres Musulmans, désireux de se convertir,
donna même un prétexte au sultan Baîbars pour attaquer Tyr et Acre
en 1269101.
Ce désir d'atteindre directement, et individuellement, la personne
même des Musulmans pour les amener à la foi chrétienne, sans s'en remet¬
tre aux chrétiens indigènes, représentait un élément nouveau dans l'his¬
toire missionnaire des Latins en Orient. Mais il n'était pas question de
négliger la méthode traditionnelle tendant à essayer de gagner les princes,
susceptibles d'imposer ensuite leur foi à leurs sujets.
A vrai dire, la correspondance d'Innocent III, comme celle de son suc¬
cesseur, ne fait pas encore place à des démarches de ce genre102. On disait
bien que les sultans de Konya nourrissaient des pensées très favorables
pour la foi chrétienne : Olivier de Paderborn croyait que le sultan qui mou¬
rut en 1219, Kai-Kawüs, était baptisé, tant il manifestait de bienveillance
envers les Chrétiens qu'il faisait libérer dans les places prises à ses ennemis
- Olivier ne songeait pas que le sultan pouvait ainsi recruter les mercenai-

99 Chronique de Primat, dans Ree. Hist. France, XXIII, p. 14. - Les enfants rachetés par
Jacques de Vitry après un raid en terre infidèle (1217) sont baptisés et confiés à des religieux
pour être instruits aux lettres : sous le mont Thabor, c'est un jeune Sarrasin qui se rend dans
le camp chrétien et se fait baptiser : Olivier, p. 289.
100 Registres d'Urbain IV, n° 2518.
101 Cf. Ibn al-Furât (Lyons et Riley-Smith, Ayyubids, Mamlukes and Crusaders, Cambridge
1971, II, p. 132-134).
102 Le pape écrit au sultan d'Alep, en 1211, pour le prier de protéger le patriarche d'Antio¬
44 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

res de sa garde latine103. Et ses successeurs ménageaient les Latins pou


multiples raisons; mais leur bienveillance envers les Chrétiens venait
bablement, comme l'a noté Abu'l Faraj, que les mères des sultans étaien
général d'origine grecque104.
C'est en 1233 que Grégoire IX, au moment où il répondait à l'invita
du roi de Géorgie en envoyant dans son pays le Franciscain Jacques de
sari avec d'autres frères, décidait d'envoyer des Franciscains aux différ
princes musulmans : les sultans de Konya, de Damas, d'Alep, du Cair
Khalife de Bagdad, et même le «miramolin» du Maroc. A chacun d
était envoyée une exposition de la foi chrétienne et de la tradition apos
que; les religieux étaient chargés de l'expliquer et le pape priait les pri
de les écouter105. Nous n'avons guère qu'une lettre émanant d'un pr
musulman et adressée au pape : celle du sultan de Turquie, lequel en
geait la conclusion d'une alliance avec les Latins contre ses voisins ai
des, en y faisant entrer la perspective de la reconquête de Jérusalem,
sans aucune allusion à une conversion éventuelle (1234) I06.
Le peu de succès de cette première démarche diplomatique n'emp
pas la Papauté de récidiver. Des Dominicains et des Franciscains parten
1238 «dans les terres des païens et des Sarrasins, outre mer» «pou
conversion des païens», sans être spécialement recommandés auprès
princes musulmans107. L'un de ceux-ci, toutefois, l'émir de Hama, don
en 1239 l'impression d'être tout prêt à embrasser la foi chrétienne, e
certain Guillaume Champenois, clerc de Tripoli, alla prier les barons
tiens de se porter sur Hama pour que l'émir pût se déclarer sans redo
ses coreligionnaires : ce fut une déception 108.

103 Historia Damiatina, p. 234.


104 Ch. aussi la lettre de l'empereur Baudouin II à Blanche de Castille (1243), sugg
de marier Elisabeth de Montaigu avec le sultan : multi etiam nobiles a partibus illis haben
res Christianas quae in lege sua assidue persévérant, videlicet Grecae, Armeniacae, Yverae e
sae (Du Bouchet, Hist, généalogique de la maison de Courtenay, Paris, 1661, pr. p. 19).
105 Sbaralea, Bullarium franciscanum, I, p. 100-103 (privilèges donnés aux religieux)
96 (bulle Coelestis altitudo)·, Registres de Grégoire IX, n° 1099-1100 (id.) cf. Fontes, III,
Les Frères n'étaient pas chargés de prêcher en Géorgie; ils étaient chargés d'une legat
nom du Christ, ad gentes que non noverunt Deum (Tarn arati, L'église géorgienne, Rome,
p. 426).
i°6 Raynaldus, Annales ecci, ad. ann. 1235, § 37. Le sultan ne répond pas préciséme
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 45

L'envoi de missionnaires en 1245 avait une toute autre ampleur : Inno¬


cent IV, avant de réunir le concile de Lyon, envoyait ses messagers aux pré¬
lats du monde entier, avec l'encyclique Cum simus super que nous retrouve¬
rons, en même temps qu'il les adressait aux Tartares109. Il les recomman¬
dait aux princes musulmans dont ils traverseraient les Etats, tout en les
invitant, comme en 1233, à embrasser le christianisme que ses messagers -
des Frères Prêcheurs - leurs exposeraient. Cette fois, ce sont les réponses
que nous avons conservées : elles paraissent avoir été rapportées par le
frère André de Longjumeau qui rencontra les princes de Baalbek, de Horns,
de Kerak et le sultan de Damas110.
Le sultan de Damas et le prince de Kerak répondent de façon cour¬
toise, mais banale, en accusant réception des lettres pontificales et en men¬
tionnant leur entretien avec les religieux. Le prince de Kerak, au nom du
sultan d'Egypte, s'excusait auprès du pape de ce qu'il n'avait pas été possi¬
ble d'empêcher le sac de Jérusalem. Quant au prince de Horns, il exprimait
ses regrets de l'impossibilité où il avait été, d'organiser une dispute théolo¬
gique, les Frères connaissant trop peu d'arabe pour qu'elle pût être profita¬
ble111.

En fait, c'est seulement avec le sultan de Konya que les conversations


continuèrent; en 1243, l'empereur Baudouin envisageait les avantages que
représenterait pour l'Eglise catholique le mariage qu'il recommandait : la
construction d'églises et la dotation indispensable à leurs desservants112. En
1254, des Dominicains, traversant la Turquie, sont chargés d'une lettre dans
laquelle, à la demande du sultan, Innocent IV adressait à ce dernier un
exposé de la foi catholique113; c'est peut-être à cette lettre que le sultan

estoit mout acointes dou seignor de Haman, et usoit mout entor luy, vint en l'ost dou roy de
Navare et dist as barons que le soldan de Haman lor mandoit que se il voloyent venir vers sa
terre, par quoy il eust la force et l'aye des Crestiens, il lor metroit en main ses forteresses et
deviendroit crestien».
109 Sbaralea, I, 360, 362, 353, 354. . .
110 Cf. P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté, III (Rev. Or. Chrétien, XXVIII) p. 6-12, discutant
un article du cardinal Tisserant, La légation en Orient du Franciscain Dominique d'Aragon
(1245-1247) paru dans Rev. Or. chrétien, XXIV, 1924, p. 336-353; cf. aussi II (Rev. Or. chrétien,
XXIV, 1924), p. 225-236.
1,1 Registres d'Innocent IV, n° 3031, 3032, 3033, 3034. On notera qu'en 1215, une dispute de
ce genre avait eu lieu à Alep entre un moine oriental et trois docteurs musulmans (Prutz,
46 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

aurait répondu de façon fort courtoise, en laissant entendre qu'il était


à se convertir et qu'il avait déjà reçu le Pentateuque, les prophéties d'
et de Jérémie, les épîtres de saint Paul et deux des quatre évangiles. Al
dre IV lui envoyait des religieux pour l'instruire114.
Les tentatives de conversion des princes musulmans, prenant la f
d'exposés de la foi, adressés par le pape aux souverains et destinés à
commentés par les religieux qui en étaient porteurs, n'eurent visible
pas grand succès; on ne les rencontre pratiquement plus à partir du m
du XIIIe siècle. Deux missionnaires, Guillaume de Tripoli et Ricold
Monte-Croce, ont laissé le fruit de leur expérience, l'un dans le De
Saracenorum qu'il écrivit à l'occasion de la préparation du concil
Lyon (1273), l'autre dans son Improbatio Alcorani, écrite vers 13 10 1 15.
laume estime que les louanges données au Christ, à la Vierge, aux chré
dans le Coran, l'éloge de l'Ancien Testament, la place donnée à Jésu
dessus des prophètes, sont autant d'éléments que les Musulmans peu
retenir en faveur de la foi chrétienne. La démonstration des dogmes
Trinité, de l'Incarnation, permet de rapprocher encore les points de v
la spéculation rationnelle attire les Sarrasins savants vers la foi chréti
Ricoldo, lui, fait l'éloge des vertus des Sarrasins, mais se montre beau
moins porté à tirer parti de leur loi.
En fait, la prédication aux Musulmans à laquelle Dominicains et
ciscains paraissent n'avoir jamais renoncé116, n'avait pas donné de rés

114 Röhricht, Regesta, n° 1263, date cette lettre de 1257, d'après Potthast, Regesta p
carti, n° 17131 - on notera que la référence de ce dernier aux Annales de Raynaldus
§ 55-72) est erronée - M. Gérard Moyse a bien voulu vérifier pour nous le manuscrit V
3877, f° 81-82v°, auquel renvoie Potthast : il s'agit des Dictamina de Bérard de Naples,
lettre n'est pas datée. Nous rappelons que Mathieu Paris l'attribuait à Alexandre III
p. 8) ; il est plus que douteux que Bérard eût repris dans son recueil une lettre qui av
siècle de date. Cf. Altaner, Dominikanermissionen, p. 81.
115 Cf. l'édition du De statu par Prutz, et le chapitre déjà cité de P.A. Throop. Noto
Guillaume avait vécu en Egypte, et qu'il avait été envoyé à la cour romaine en 1264
exposer l'état de la Terre Sainte (Röhricht, Regesta, n° 1338). Sur Ricoldo, cf. Ugo Mo
de Villard, La vita, le opere e i viaggi di frate Ricoldo da Montecroce, dans Orientalia Chr
periodica, X, 1944, p. 227 et suiv.
1 16 On peut citer les bulles pontificales attestant l'envoi chez les Sarrasins de re
des deux ordres dotés des pouvoirs habituels des missionnaires, en 1233, en 1238, en
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 47

très spectaculaires. Limitée moins par l'hostilité existant entre Francs et


Musulmans, que par le refus systématique d'entrer dans une controverse
jugée blasphématoire par les seconds, elle ne pouvait guère déboucher sur
des conversions nombreuses que là où les conditions sociologiques étaient
favorables, c'est-à-dire là où la communauté musulmane n'était pas en posi¬
tion de domination. Et, entre 1244 et 1263, les Etats latins d'Orient com¬
mencent à se rétrécir de telle sorte qu'ils apparaîtront bientôt comme tri¬
butaires de l'empire mamelûk. C'est d'un autre côté que doit se tourner
l'activité missionnaire.

b) La recherche de l'Union des Eglises

Amorcée au XIIe siècle, la recherche de l'union des Eglises orientales


séparées avec l'Eglise romaine connaît dans la première moitié du XIIIe siè¬
cle de nouveaux développements, en même temps que se font jour des exi¬
gences nouvelles dans la recherche de l'unité des chrétiens. L'arrivée des
Mendiants, ici aussi, contribue à rendre cette recherche plus active, en don¬
nant à la Papauté des agents plus efficaces.
Pour les Maronites, l'acte d'obédience qu'avait obtenu d'eux le patriar¬
che Aimery d'Antioche ne paraît pas avoir suffi à apaiser leurs dissensions :
des éléments hostiles à l'union avec Rome auraient amené le patriarche
Luc Ier à refuser de recevoir les légats pontificaux chargés d'interve¬
nir (1203); et c'est la pression du seigneur de Gibelet, dont les domaines
étaient le principal habitat des Maronites et avaient été soumis à interdit,
qui aurait décidé le nouveau patriarche Jérémie, élu en 1209, à prendre le
chemin de Rome, où il avait été invité à assister au quatrième concile du
Latran117. Jérémie obtint d'Innocent III une bulle qui lui reconnaissait
l'autorité primatiale sur les églises qui lui étaient soumises (deux archevê¬
chés, quatre évêchés), et lui reconnaissait implicitement le titre patriarcal,
en même temps que le droit de porter des insignes pontificaux, à la mode

des Sarrasins ont été envoyés à Grégoire IX et sont reproduits par Math. Paris, Chronica
majora, éd. Luard, III, p. 343-361, le premier ayant été envoyé de partibus orientalibus per prae-
dicatores partes illas peragrantes : ce sont vraisemblablement des Frères Prêcheurs. Sur la
paternité de ces mémoires, cf. B. Altaner, Die Dominikanermissionen, p. 87, n. 10, et
48 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

latine, pénétrait dans l'Eglise maronite, qui n'en gardait pas moins l'
de sa liturgie et sa langue syriaque118.
Les luttes intestines n'étaient pas terminées - le patriarche Daniel
être obligé de quitter la région de Gibelet pour celle du Boutron, et
mort (1282) un patriarche uniate, l'archevêque de Kaftun Jérémie, fut é
s'installa près de Gibelet pendant qu'un compétiteur était élu par les a
saires de l'union et s'établissait près de Bcharré119. Mais les Latins con
raient désormais l'union maronite comme . stable, encore que Ricold
Monte-Croce estimât nécessaire d'obtenir de l'archevêque maronit
Tekrit, en Mésopotamie, une profession de foi répudiant expresséme
monothélisme120. Toutefois, le maître des Frères Prêcheurs mentionn
1256, que ses confrères de la province de Terre Sainte ont examin
livres des Maronites pour les corriger121.
L'union arménienne était, elle aussi, déjà en bonne voie : on a vu q
patriarche Grégoire Dgha avait reçu du pape Lucius III, en 1184, une
(que le pape avait lui-même portée, dit-on), le pallium et l'anneau, env
symbolisait la reconnaissance de sa juridiction. Une partie du clergé a
nien se déclarait en faveur d'une union étroite avec les Latins - tel N
le Grand qui exprimait hautement son admiration pour la vie des m
francs dans leurs monastères122-; mais aussi des raisons d'ordre poli

118 T. Anaissi, Bullarium Maronitarum, Rome, 1911, p. 2 et suiv. ( Fontes, II, p. 458); O
Historia Damiatina, p. 265. - Le titre de Γ «archevêque des Maronites» est remplacé dan
bulle par celui de patriarcha sive primas.
119 K. S. Salibi, loc. cit.; «l'ennorable père frère Jeremie, patriarche des Maroni
compaignons frère Abraham, arcevesque de Villejargon, et frère Yahanna, arceves
Resshyn», assistent le 18 février 1282, à Nephin, à un acte du comte de Tripoli (Mas-
Hist, de l'île de Chypre, III, p. 667). En 1243, Innocent IV confirme la désignation de l'ar
que d'Aiolà faite par le patriarche (Reg. Inn. IV, n° 58).
et 126.
120 Ricoldo, Liber peregrinationis, éd. Laurent, Peregrinatores medii aevi quatuor,

121 Reichert, Litterae encyclicae magistrorum generalium O.P., dans Mon. ord praed
rica, V, 1900, p. 40.
122 Ree. Hist. Croisades, Documents arméniens, I, p. 117. Cf. Tournebize, Hist, polit
religieuse de l'Arménie, Paris, 1900, 1. 1, ρ 240-254. Sur ces contacts, cf. Pascal Tekeyan,
verses christologiques en Arméno-Cilicie dans la seconde moitié du XIIe siècle (1165-1198
Orientalia Christiana analecta, t. CXXIV, 1939. Si Grégoire III, catholicos des Arménien
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 49

poussaient le «baron de la Montagne», Léon, à devenir l'égal des souve¬


rains francs et à se faire le vassal du Saint-Siège, ce qui était pour lui la
meilleure garantie d'indépendance. Traversées par les efforts des Byzantins
pour rattacher le nouveau royaume à leur obédience, ces négociations,
entamées en 1195 par Léon avec Clément III, aboutirent en 1199123.
L'envoyé de l'empereur d'Occident, l'archevêque de Mayence, couronna le
nouveau roi d'Arménie que sacrait le catholicos Grégoire Abirad. Quant au
traité qui était passé entre le pape et le roi, lequel recevait en 1201 la ban¬
nière de Saint-Pierre et reprenait en fief de l'Eglise romaine son château de
Babaron et de nombreux villages, en marque de vassalité124, il postulait que
les Arméniens reconnaissent à l'Eglise latine la possession des deux métro¬
poles de Tarse et de Mamistra125, adoptent le Credo romain et abandonnent
certains rites d'inspiration monophysite; des écoles latines devaient être
créées pour les enfants arméniens126. Un peu plus tard, le catholicos
demandait au pape à n'être soumis qu'au siège de Rome, et à recevoir le
pallium, la mitre et le bâton pastoral : Innocent III avait accédé à ses
demandes127. Et, en 1205, le catholicos s'engageait à visiter les limina tous
les cinq ans et à assister aux conciles qui se tiendraient deçà la mer128.
En fait, le traité ne fut appliqué que partiellement : les écoles latines ne
furent pas fondées, et rien ne fut changé dans la discipline arménienne129.
Les donations au Saint-Siège furent-elles exécutées? La latinité des églises

l'unitéceux-ci,
avec de foi Léon
de la IIpart
traite
desavec
Grecs.
les Latins,
Cependant
et parvient
que Nersès
ainsi de
à l'accord
Lampron decontinue
1 199. à négocier

123 Tournebize, op. cit., p. 260-270.


124 Simon de Saint-Quentin, Histoire des Tartares, éd. J. Richard, p. 87-88; Patr. Lat.,
CCXIV, col. 815 (Fontes , II, p. 204). L'envoi du pallium et de l'étendard accompagne, en 1204,
la soumission du tsar des Bulgares à l'Eglise romaine. - La forteresse de Babaron ou Paperon
(qui appartint par la suite au connétable Sempad) a été identifiée au château de Cander-kale,
dans la vallée du Daghirmen, par Léon Alishan, Sissouan ou l'Arméno-Cilicie, Venise, 1899,
p. 72-76.
125 Les Arméniens avaient en effet occupé la plaine de Cilicie, précédemment annexée à
la principauté d'Antioche, et où les Francs avaient installé leurs archevêques (qui avaient
d'ailleurs été chassés par les Byzantins).
126 Cf. Simon de Saint-Quentin, loc. cit., et notre note.
127 Patr. Lat., CCXIV, col. 773, 1003, 1007, 1012-1013 (Fontes , II, p. 199, 220, 221, 223, 394). -
Le pape envoie également le pallium à l'archevêque de Sis.
128 Patr. Lat., CCXIV, col. 687.
50 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

de Tarse et de Mamistra ne paraît pas avoir été, sauf exception, remi


cause130. On considérait couramment les Arméniens comme «unis»131,
que certains eussent fait des réserves sur la sincérité de cette uni
Néanmoins, les accords passés entre les négociateurs, et sanctionnés p
lettres du pape et du catholicos, laissaient bien des points dans l'omb
reconnaissance de la primauté pontificale et la constatation de l'unité
foi pouvaient dissimuler des points de divergence. Et c'est là que les L
cherchèrent à apporter plus de clarté.
La part prise par le roi d'Arménie dans la querelle d'Antioc
l'amena à se trouver tantôt en accord avec le pape, tantôt en désa
avec lui. Il se trouva même excommunié en 1211 134, et prit alors des m
res de rétorsion135. Mais il retrouva bientôt la faveur d'Innocent

130 Le Directorium ad passagium faciendum (Doc. Arm, II, p. 487-488) se plaint qu'il
siste plus que celle de Tarse. En fait, on constate la présence au concile de Sis (130
évêque (arménien) de Tarse à côté d'un archevêque latin (Doc. Arm, I, p. LXX). Un
arménien de Mamistra est envoyé au pape en 1306 (Regestum Clementis V, I, 748); le c
latin élit son archevêque en 1320 (Arch. Orient latin, I, p. 266-267) : c'est ensuite que Jea
transfère à l'Aïas le siège de Mamistra, ville désormais déserte (id, p. 266-267; cf. Lo
Evêques dominicains des deux Arménies, dans Arch. F.P., 1940, p. 269). On se trouve d
situation normale d'un diocèse où l'archevêque latin est associé à un évêque d'aut
pour la population non-latine. La notice d'Eubel, Hierarchia, I, p. 338-339 (Mamistren.) n
pas compte de cette situation.
131 Wilbrand d'Oldenburg constate en 1211 : in fide non errant (Peregrinatores me
quatuor, p. 174).
132 Olivier note qu'ils se disent soumis à l'Eglise romaine, sans en être peut-être tou
persuadé (Hist. Damiatina, p. 265-266). Jacques de Vitry relève l'usage de consacrer
mêlé d'eau, rite qui peut-être regardé comme monophysite (Lettres, p. 85). Un vif mouv
d'hostilité à l'union s'était manifesté au moment des négociations, surtout dans les co
de Grande-Arménie, passionnément anti-chalcédoniens, et Kirakos prête au roi Léon
mation qu'il entendait ne se soumettre qu'en apparence, tandis que l'évêque de Tarse
jusque là partisan d'un accord avec les Grecs, faisait l'éloge des Francs à l'intent
adversaires de l'union (Tournebize, p. 268, 273).
133 Cl. Cahen, La Syrie du Nord à l'époque des croisades et la principauté franque d'A
p. 596-624.
134 Patr. Lai, CCXVI, col. 430 et 784-786 (Fontes, II, p. 404, 439, 441). Les motifs d
excommunication ne devaient rien à l'inobservation des accords de 1199: il s'agis
conflit du roi et des Templiers.
135 Innocent III se plaint en 1213 que Léon ait introduit des Grecs dans l'église d
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 51

d'Honorius III, encore que le catholicos et les évêques d'Arménie, invités au


IVe concile du Latran, se fussent abstenus d'y participer.
La concession faite par Innocent III au catholicos, de ne relever que de
Rome, n'était pas faite pour agréer au patriarche latin d'Antioche, lequel
pouvait se fonder sur la tradition canonique pour revendiquer l'obédience
des catholicos, primats d'églises nationales (des Arméniens, des Aghouans,
des Géorgiens, des Chaldéens)136 instituées dans le ressort de son patriar¬
cat. Grégoire IX se laissa convaincre et, en 1238, ordonna que l'on ramenât
le catholicos arménien à l'obéissance137; en 1239, mieux informé, il recon¬
naissait l'exemption dont jouissait celui-ci à l'égard du patriarche138.
Les années passant, cependant, on prenait davantage conscience des
divergences séparant l'Eglise arménienne de l'Eglise latine. Le catalogue
des «erreurs» imputées aux Arméniens par Simon de Saint-Quentin, qui
semble avoir été établi par les Dominicains sur des informations d'origine
géorgienne139, comporte des usages, tels que les jeûnes propres à l'Eglise
arménienne, la communion des enfants en bas-âge, l'emploi de calices de
bois ou de verre, qui sont purement rituels; la non-célébration de Noël, le
refus de croire au purgatoire, d'user d'eau pour la consécration, et surtout
de reconnaître la dualité des natures dans la personne du Christ, tirent
davantage à conséquence. Toutefois, ces usages et ces croyances étaient-ils
généralement acceptés? La hiérarchie arménienne, dans le royaume de Cili
cie, pouvait en discuter.

136 II n'est pas question des rapports entre l'Arménie et Antioche dans G. Amadouni,
L'autocéphalie du katholicat arménien (I patriarcati orientali nel primo millennio, Orientalia
Christiana analecta, 181, 1968, p. 137 et suiv.). Deux autres catholicos avaient été institués pour
les Melkites jadis transplantés par les Sassanides en Mésopotamie et en Asie centrale, à Iré
no polis (Bagdad) et à Romagyris; ils avaient disparu, sauf peut-être le second. Cf. J. Dauvil
lier, Byzantins d'Asie centrale et d'Extrême-Orient au Moyen-Age, dans Revue des études byzanti¬
nes, XI, 1953, p. 62-70.
137 Registres de Grégoire IX, n° 4466 : l'Arménie entière est du ressort du patriarche d'An¬
tioche; le catholicos, en refusant obédience à celui-ci, contrevient aux canons du concile
général. Le patriarche entendait d'ailleurs en même temps ramener sous son autorité les
abbés et les clercs grecs, arméniens et géorgiens du diocèse d'Antioche, et assujettir aux
dîmes les non-latins installés par les seigneurs latins sur leurs terre (Ibid, nos 4467, 4470, 4474
- ces textes dans Fontes, III, p. 319-321) : il s'agit donc d'une revendication de caractère géné¬
ral.
138 Le pape confirme les coutumes observées en Arménie depuis le temps de saint Gré¬
52 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Au fil des années, cependant, Rome parvenait à obtenir un assoupli


ment des positions affirmées par les Arméniens : en 1243, Innocent IV o
nait, du catholicos Constantin, la reconnaissance de l'usage de l'Extr
Onction; en 1251, le synode de Sis acceptait le Filioque. Mais la pression
Arméniens orientaux, qui menaçaient Constantin d'élire un contre-cat
cos, le retenait sur la voie de concessions nouvelles140. Les conférences
réunirent en 1262 le légat Thomas Agni de Lentino et le docteur Mekh
de Daschir, furent marquées par une extrême méfiance141; et Urba
jugea nécessaire, en 1263, d'envoyer le Dominicain William Freney, arch
que d'Edesse, en Arménie, sans doute pour rétablir un meilleur climat
Cependant le royaume de Cilicie s'était déjà ouvert aux nouv
ordres : le roi et les barons avaient appelé les Dominicains dès 1237
peut-être à la suite de la mission de l'archevêque d'Edesse, le chapitre g
ral de 1266 eut à décider de créer «une maison en Terre Sainte,
demande du roi d'Arménie, en Arménie » 142. Le roi Héthoum Ier avait v
les Franciscains dans leur couvent de Tripoli143; Héthoum II fit dema
au ministre général que six Frères mineurs fussent envoyés auprès de
titre permanent144 - et il revêtit lui-même l'habit franciscain lorsqu'il
qua, en 1292 -. Le roi Oshin, à son tour, demandait en 1311 que six Fra
cains fussent attachés à sa personne145.
C'est Jean de Montecorvino qui avait présenté la demande du
Héthoum, et ceci au retour d'une mission particulièrement
tueuse (1288) : les contro versistes arméniens du XIVe siècle font en
allusion au « concile qui se tint au temps du roi Héthoum », aux discuss
avec le légat pontifical, à l'acceptation par ce concile de la formul
romaine de la procession du Saint-Esprit146. Et Nicolas IV recevait la

dus, 140
Annales
Tournebize,
eccl, ad
p. ann.
288-298;
1238).un précédent synode n'avait pas accepté le Filioque (R

141 Documents arméniens, I, p. 691.


142 Altaner, Dominikanermissionen, p. 65-66 : Reichert, Acta capii, gener. O.P., dans M
t. III, p. 135; J. Richard, Deux évêques dominicains, agents de l'Union arménienne au Moye
dans AFP, XIX, 1949, p. 256-258 et n. 9.
143 Od. Van der Vat, Die Anfänge der Franziskanermissionen und ihre Weiterentwicklu
nahen Orient. . . , Werl, 1934, p. 80.
144 Ce qui eut pour conséquence de décider le chapitre général à soumettre désorm
royaume d'Arménie à la vicairie de Terre Sainte (1292) : Golubovich, I, p. 341 et 355.
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 53

fession de foi du roi d'Arménie, qu'il félicita per l'intermédiaire du même


Montecorvino en 1289 147.
La politique de Léon Ier avait porté ses fruits : le royaume arménien de
Cilicie - au voisinage duquel le catholicos avait fixé sa résidence (à Hrom-
gla, qui ne tomba aux mains de Musulmans qu'en 1292) - s'était suffisam¬
ment intégré au monde latin pour que les Arméniens fussent considérés
comme en communion avec l'Eglise latine, en dépit de leur originalité reli¬
gieuse qu'ils avaient sauvegardée148. Rome, d'autre part, et ses représen¬
tants en Orient, bien que conscients de ce que certains rites portaient
l'empreinte des doctrines monophysites dont les Arméniens avaient aussi
subi l'influence, n'avaient cherché ni à imposer une uniformité dans les
usages 149, ni à plier l'Eglise d'Arménie sous l'autorité de la hiérarchie latine.
La collaboration franco-arménienne, ébauchée dès le début des croisades
sur le plan politique, allait jouer un grand rôle dans l'histoire missionnaire.
C'est encore les rapports entre la royauté géorgienne et les Croisés qui
favorisèrent le début des missions en Géorgie. La Géorgie, à la fin du XIIe
siècle et dans les vingt premières années du XIIIe, était en pleine expan¬
sion; elle étendait ses conquêtes en Grande-
Arménie et faisait passer sous
son protectorat les côtes du Pont, dans la région de Trébizonde, à la faveur
de l'effacement de l'empire byzantin. L'utilité que présentait l'établissement
de relations avec les Latins, eux aussi aux prises avec les mêmes souverains
musulmans, était évidente pour les deux parties150. Innocent III demandait
en 1211 au roi de Géorgie de porter secours au royaume latin de Jérusalem;
le légat Pélage lui demandait, en 1221, de faire la guerre aux Sarrasins pour

d'ailleurs brûlé (p. 227-228). Le futur patriarche Constantin II, pour son adhésion à la foi
romaine, aurait été exilé, selon Samuel d'Ani, précisément en cette année 1288 (Docum.
Armén., I, p. 462).
147 Fontes, V, 2, n° 84, 85 et 88 ( Bullarium franciscanum, VI, n° 86-87).
148 A la veille du concile de Lyon, Grégoire X s'adresse au roi et au catholicos, pour les
inviter au concile et aussi pour leur demander l'envoi du texte des actes du concile de Nicée
et des autres conciles reçus par l'Eglise d'Arménie, que le patriarche de Jérusalem et l'évêque
de Tortose devaient faire traduire en latin (Reg. Grég. X, n° 304-305; 27 avril 1273).
149 Entre 1290 et 1293, le catholicos Etienne IV décide d'unifier la date de Pâques avec
l'Eglise latine (Tournebize, p. 301). Sur l'attitude des auteurs latins à l'égard des Arméniens,
cf. A. D. Von den Brincken, op. cit., p. 186-209.
150 Dès le début du XIIe siècle, des contacts s'étaient établis par l'intermédiaire des Géor¬
54 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

seconder les opérations de l'armée des Croisés en Egypte; et la reine R


dan écrivait en 1224 au «très saint Père le Pape, père et seigneur de tou
chrétiens, assis sur le trône du bienheureux Pierre» une lettre, conf
l'évêque d'Ani David, l'informant de ce que seule l'arrivée inattendue e
sastreuse d'une armée mongole l'avait empêchée de mettre son armé
route, tout en l'avisant que le connétable Iwané avait pris la croi
s'apprêtait à partir dès que l'empereur Frédéric II se mettrait lui-mêm
route. Honorius III répondait en accordant des indulgences aux cr
géorgiens et en annonçant le prochain départ de l'empereur151. Il se
que des informations sur les dévastations commises par les Khwarezm
de Jalal al-Din et sur les conquêtes réalisées au détriment des Géorg
par le sultan seljuqide aient filtré en Occident ou en Orient latin : le
envisageait en 1228 d'organiser en Hongrie une expédition, dotée des p
lèges de la croisade, pour soulager non seulement les Comans attaqué
leurs voisins, mais les chrétiens leurs voisins en butte aux attaques du
tan de Konya et d'autres152.
Cest toutefois en vain que les Géorgiens appelèrent à l'aide au mom
où les Mongols commencèrent la conquête de leur pays (1236) : la lett
Russudan ne parvint pas au pape et, quand il en fut informé, il s'excu
ne pas avoir envoyé «l'armée de l'Eglise», d'ailleurs retenue en Syri
Espagne, et par la lutte contre les Cathares153. Les essais de coordin
des opérations militaires entre Latins et Géorgiens se révélèrent
vants154.

Mais les négociations en vue de l'union des Eglises latine et géorgie


avaient pris place dans ces échanges d'ambassades. Les Géorgiens, ce

151 Pair. Lat., CCXVI, col. 434; Aubry de Trois-Fontaines, p. 911; Olivier, Hist. Dam
p. 232 (de nombreux autres textes font allusion à l'espoir que les croisés mettaient
l'intervention géorgienne; l'attaque dirigée contre la Géorgie par les Mongols surp
Géorgiens eux-mêmes, qui croyaient le « roi David » chrétien : les Latins supposèrent
avaient été attaqués parce qu'ils n'étaient pas vere credentes) ; M. Tamarati, L'église géor
des origines jusqu'à nos jours, Rome, 1910, p. 416-417.
152 Supra, p. 23, et n. 16.
153 Tamarati, p. 427-430 (c'est à peine, disait le pape, « si la distance a laissé pa
jusqu'à nous le bruit de vos luttes » - et les lettres qu'il venait de recevoir lui annonçaien
les Géorgiens avaient battu les Tartares : ces lettres pontificales, éditées aussi dans Ri
p. 108 et Fontes, IV, p. 338, sont du 13 janvier 1240.
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 55

dant attachés au rite grec (mais relevant d'Antioche et non de Constantino¬


ple), jouissaient auprès des Latins d'un préjugé très favorable : Aubry de
Trois-Fontaines les qualifie de viri catholici et potentes in armis, et Simon de
Saint-Quentin ne trouve guère à leur reprocher que la simonie régnant au
sein de leur clergé155. On voit Honorius III, en 1224, concéder des indulgen¬
ces aux croisés géorgiens, comme s'il s'agissait de Latins, et exhorter la
reine à être fidèle à la foi catholique. Mais, en 1240, Grégoire IX, en se
réjouissant de la très ancienne adhésion des Géorgiens à la foi, mentionne
que la reine et son fils, le roi David IV, ont demandé la sanction de l'union
des Eglises et exprimé leur reconnaissance de la primauté du siège de
Pierre, et leur envoie un exposé de la foi de l'Eglise romaine.
Le travail missionnaire avait en effet commencé. Dès avant 1233, un
Franciscain, Jacques de Russati, avait été reçu à la cour de Géorgie, et la
reine avait exprimé sa vénération pour les religieux de l'ordre auquel il
appartenait : le pape avait renvoyé Jacques et un certain nombre de ses
confrères en Géorgie, avec l'intention, semble-t-il, de les voir établir une
base de départ en ce pays, pour prêcher aux Infidèles156. En 1240, c'est dans
la perspective d'assurer l'Union géorgienne qu'il envoie huit Dominicains
en Géorgie : ceux-ci fondèrent un couvent à Tiflis, où la mission d'Ascelin,
en 1246, allait prendre un interprète et un informateur, en la personne de
Guichard de Crémone157. D'autres Latins, et notamment des missionnaires
partant chez les Mongols, furent eux aussi fort bien reçus par les Géor¬
giens : Rubrouck y rencontra cinq Dominicains, en février 1255, ainsi qu'un
de leurs confrères qui avait séjourné avec le prieur du Saint-Sépulcre, venu
gérer les possessions de cet établissement en Géorgie. Et c'est à lui que Sha-
hinshàh, seigneur d'Ani, et son fils Zaharé, affirmèrent qu'ils « étaient les fils
de l'Eglise romaine et que, si le seigneur pape leur envoyait de l'aide, ils
réduiraient toutes les nations voisines à l'obéissance envers l'Eglise»158. Et,
en 1289, Nicolas IV faisait état des «traits éminement louables du zèle» du

155 Aubry, loc. cit.-, Simon, p. 57-59: A. D. Von den Brincken, op. cit., p. 103-125.
154 Sbaralea, I, p. 101 (Tamarati, p. 426; 11 avril 1233) : dilecto filio Jacobo de Russati, de
ordine fratrum minorum. . . accepimus referente quod tu. . . personas ipsius ordinis, quin potius
operantem in eis spiritum veneraris. . .
157 Guichard figure parmi les frères dont l'envoi est annoncé dans la lettre du 13 janvier
1240; il accompagne, au cours de 1247, la mission, dont faisait partie Simon de Saint-Quentin,
qui le cite à plusieurs reprises, pendant cinq mois (Simon, p. 1 13). On perd après 1256 la trace
56 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

catholicos de Géorgie Abraham, dont Jean de Montecorvino avait


témoin, en invitant le catholicos et le roi à rester fidèles à l'union des
ses, tandis qu'en 1291 le roi de Géorgie était considéré par lui comm
des « rois catholiques » auxquels était lancé un appel en faveur de la T
Sainte159.
La situation des autres Eglises orientales était différente. Maron
Arméniens, Géorgiens, avaient leurs chefs religieux et leurs cadres n
naux en-dehors des pays soumis à des souverains musulmans; les prem
avaient, pour la plupart, lié partie avec les Francs de Terre Sainte
autres, constituant des royaumes nationaux, s'associaient à la politiqu
la Papauté, ce qui facilitait les rapports sur le plan religieux160. Pou
autres communautés, leurs chefs résidaient normalement en pays m
man, où se trouvaient également la plus grande partie de leurs fidèles
Latins, handicapés (sauf pendant la courte période de la réoccupatio
Jérusalem, entre 1229 et 1244) par la perte des Lieux-Saints où s'étaient
lisés les contacts du XIIe siècle, eurent donc à innover.
Le premier texte que nous possédons est la lettre écrite au pap
1237 par le prieur du couvent de Jérusalem, frère Philippe161. Cette l
décrit l'activité des Dominicains de Terre-Sainte, dans le domain
l'union des Eglises. Sans négliger les Musulmans, auxquels trois frèr
consacraient, et les Maronites, qui persistaient dans leur fidélité à l'
chrétienne162, Philippe se préoccupait de répondre au vœu des barons
roi d'Arménie, qui demandaient qu'on leur envoyât des Frères pour q
apprennent la langue; trois d'entre eux, dont Guillaume de Montfe
étaient allés jusqu'en Mésopotamie, où ils avaient séjourné un ce
temps auprès du catholicos chaldéen163. Et tous se préoccupaient d'app
dre les langues orientales, et surtout l'arabe.

159 Tamarati, p. 431-434, et Altaner, p. 70.


160 Encore faut-il noter que les Maronites de la montagne ont pu être moins favo
aux Francs, et à l'Union, que leurs congénères de la côte; et qu'en Grande-Arménie, où
leurs le «catholicos de la maison des Ardzrouni», résidant à Aghtamar depuis 1113, ne
naissait pas l'autorité de celui de Hromgla, on était beaucoup moins sensible aux argu
tendant au rapprochement avec les Latins qu'en Cilicie.
161 J. Quétif et J. Échard, Scriptores ordinis praedicatorum, I, Paris, 1719, p. 104; Rayn
Ann. eccl, ad ann. 1237, § 87; Fontes, III, p. 306. Cette lettre circula largement chez les Do
cains (cf. P. Pelliot, Les Mongols et la papauté, dans Rev. or. chrét., XXIV, 1924, p. 229-230,
et a été reproduite par Aubry de Trois-Fontaines, p. 941-942, et Mathieu Paris, Ch
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 57

En ce qui concerne les Jacobites, leur patriarche, Ignace II, vint en 1237
séjourner dans la Ville-Sainte; il fut accueilli par les Frères Prêcheurs avec
beaucoup d'égards (ils allèrent jusqu'à porter eux-mêmes sa litière), et il
eut avec eux des entretiens au terme desquels il jura obéissance au siège de
Rome, en leur remettant des lettres écrites en syriaque et en arabe, à
l'intention du pape. Philippe note que son ressort s'étendait à la Chaldée, à
la Perse, à la Mèdie et à l'Arménie; mais il néglige de rapporter le conflit
qui l'opposa à ce propos au patriarche, lorsque celui-ci voulut s'appuyer sur
les Dominicains pour entreprendre sur la juridiction du patriarche copte
d'Alexandrie, conflit qui se termina au profit d'Ignace, lequel prétendit que
le prieur n'avait pas su s'exprimer correctement en arabe164.
Les Dominicains s'étaient aussi adressés aux Coptes. L'«
archevêque
jacobite d'Egypte » résidant à Jérusalem, avait lui aussi fait acte d'obédience
à Rome ; mais des Frères avaient été envoyés au patriarche copte, en Egypte
même, et en étaient revenus avec une réponse favorable, ce qui, aux yeux
de Philippe, concernait tous les Jacobites de l'Inde majeure, de l'Ethiopie et
de la Lybie (la Nubie) en plus des Coptes d'Egypte.
Du côté des Chaldéens, l'archevêque ayant sous sa juridiction les fidè¬
les de sa nation en Syrie et en Phénicie avait aussi reconnu la primauté
romaine. Et surtout, de «celui qui est à la tête de tous les Nestoriens» -
jusqu'en Inde majeure et au royaume du Prêtre Jean -, des lettres étaient
également arrivées, apportant l'assurance de son obéissance au Siège apos¬
tolique et de son désir de «rentrer dans le sein de l'unité».
Grégoire IX ne pouvait que manifester sa satisfaction : le 28 juillet
1237, il envoyait des lettres de remerciement au patriarche syrien et aux
deux archevêques165. L'union des Eglises paraissait-elle effective pour

en février 1235 de Grégoire IX une bulle lui conférant les pouvoirs habituels au moment où,
avec ses compagnons, il partait pour des pays n'obéissant pas au Siège Apostolique, et une
lettre de recommandation auprès des ecclésiastiques, marchands et autres personnes vivant
«in terris Sarracenorum et aliis infidelium» (Reg. Grèg. IX, n° 2429-2430); Fontes, III, p. 286.
164 Bar Hebraeus, Chronicon eccl, trad. Abbeloos et Lamy, p. 654-662 (cf. P. Pelliot, loc.
cit.) : Ignace voulait sacrer métropolite d'Abyssinie un Abyssin du nom de Thomas, encore
que l'Ethiopie fût en principe du ressort d'Alexandrie. Craignant l'opposition du métropolite
de Jérusalem, qui était Egyptien, il rechercha l'appui des Dominicains. Ceux-ci lui conseillè¬
rent de surseoir; il passa outre. Philippe l'ayant vivement repris, Ignace se tira d'affaire en
prétendant que son envoyé avait transformé les paroles des Frères. Et c'est le prieur qui se fit
58 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

autant? On constate des cas d'intercommunion qui peuvent en donn


indice166. Mais elle restait liée à une adhésion personnelle des digni
orientaux167, et la dextérité de ceux-ci à se tirer des situations difficiles
laisser quelques doutes168. D'autre part, le clergé latin ne se sentait pas
de respecter la juridiction des prélats ramenés à l'union sur toutes
ouailles, si nous en jugeons par des lettres de Grégoire IX invita
patriarche latin de Jérusalem et l'évêque d'Acre à empêcher que l'o
moleste les Jacobites et les Nestoriens qui, en nombre assez impor
revenaient à l'obédience de l'Eglise romaine . . . 169. Néanmoins, on
penser que de tels agissements ne ternissaient pas exagérément l'i
d'une unité retrouvée, aux yeux du pape, même si la plupart des F
d'Orient et d'Occident restaient sensibles aux différences de rite et d
gue, et ne réalisaient pas pleinement ce qu'était l'union des Eglises. La
sion qu'Innocent IV devait confier un peu plus tard à son pénitencier,
portant l'examen des griefs des Melkites contre les Latins170, témoig
ces incompréhensions.
Car les Melkites eux-mêmes, dont le prieur Philippe déplorait l'obs
tion, avaient été sensibles aux appels en faveur de l'Union des Eglises
patriarche Nicolas d'Alexandrie, correspondant habituel d'Innocent
d'Honorius III, avait envoyé un représentant au quatrième conci
Latran, en 1215, il semble que le patriarche grec d'Antioche, David,
fait acte d'obédience au Saint-Siège dès avant 1 246 1 7 1 .

166 Le maphrian jacobite Saliba, mourant à Tripoli en 1258, divise ses legs entre les
de son rite et du rite latin; le clergé franc participe à ses obsèques (Bar Hebraeus, op.
p. 428). M. Cl. Cahen a relevé une inscription de fondation en latin (d'une église latin
nant d'un Abou'l Fadl; il l'attribue à un Maronite ( Une inscription mal comprise concer
rapprochement entre Maronites et Croisés, dans Medieval and Middle Eastern studies in h
A S. Atiya, Leyde, 1972, p. 62-63; les Maronites n'étaient pits nombreux à Acre, puisqu
laume de Tyr les situe dans les seuls diocèses de Gibelet, du Boutron et de Tripoli; il p
s'agir d'un Oriental d'une autre origine). Cf. aussi le testament du marchand Salib
Acconensis, confrater Hospitalis (1264) : Röhricht, Regesta regni Hierosolymitani, n° 1334
167 A la mort d'Ignace II, deux patriarches sont élus, l'un en Iraq et l'autre à Alep. C
Jean, va demander à Antioche la confirmation du patriarche latin, mais des manœuvr
toires assurent le succès de son rival, Denys, moins favorable à l'Union (Cl. Cahen, La S
Nord, p. 683).
168 Comme le prouve l'habilité d'Ignace II dans l'affaire de l'Abyssin.
169 Registres de Grégoire IX, n° 4138 et 4139 (9 mars 1238); Fontes, III, p. 312.
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 59

A l'approche du concile de Lyon, le pape Innocent IV entreprit d'asso¬


cier les prélats orientaux à la réunion de ce concile. Ses prédécesseurs, et
surtout Innocent III, avaient invité certains patriarches à participer aux
conciles œcuméniques; Innocent IV préféra envoyer des ambassadeurs «à
tous les patriarches, archevêques et évêques dans les terres des Bulgares,
Valaques, Khazars, Slaves, Serbes, Alains, Ziques, Goths, Ibères, Géorgiens,
Arméniens, Nubiens, Nestoriens et autres chrétiens d'Orient». Ses envoyés
devaient leur remettre la lettre Cum simus super, qui comportait une affir¬
mation de la primauté romaine, avec une démonstration de celle-ci par les
textes scripturaires. Le pape disait sa douleur de la division entre chrétiens
et priait les destinataires de ne pas différer leur retour à l'Unité, en leur
disant son intention de ne porter en rien atteinte à leur dignité. Il se disait
également prêt à réunir, s'ils le jugeaient nécessaire, un concile œcuméni¬
que à cette fin, et s'excusait de ne pas leur envoyer de prélats en recom¬
mandant ses envoyés comme des hommes de science et de vertu172.
La lettre en question avait été remise aux ambassadeurs que le pape
adressait aux Mongols (aussi priait-il les destinataires de faciliter l'obten¬
tion de sauf-conduits aux dits ambassadeurs, pour aller ad. Tartaros et alias
gentes ulteriores). C'est ainsi que, tandis que Jean de Plancarpin la remettait
aux Russes et Ascelin de Crémone, probablement aux Géorgiens et certai¬
nement au «vicaire pour l'Orient» des Chaldéens, Siméon Rabban-ata173,
André de Longjumeau l'apportait à ce dernier, à l'archevêque chaldéen de
Nisibe Isoyahb, au « catholicos » ou mieux patriarche des « Chrétiens orien¬
taux qui sont appelés Jacobites», Ignace, et au maphrian ou vicaire de ce
dernier pour la Mésopotamie, Jean, qui résidait à Mossoul. Nous avons

mentionnons qu'épisodiquement ces ralliements; mais, s'ils intéressent l'Eglise grecque, ils
prennent aussi leur place dans les perspectives de l'activité des religieux latins de Terre-
Sainte.
172 Reg. Inn. IV, n° 1363 (Sbaralea, I, p. 362). Cette lettre, du 25 mars 1245, est doublée par
une bulle Cum hora undecima, du 21 mars, qui accorde les privilèges habituels aux Frères
Mineurs partant chez les mêmes peuples et aussi dans les terres des Sarrasins, païens, Grecs,
Comans, Ethiopiens, Ruthènes, Jacobites, Indiens, Mossoulitains (n° 362; Sbaralea, p. 360); il
ne faut probablement pas attacher d'importance à cette distinction, car des Dominicains
apportèrent la lettre Cum simus super à des Nestoriens et sans doute aux Géorgiens, tels
André de Longjumeau ou Ascelin de Crémone (qui se rendit notamment en Géorgie). Plancar¬
pin a raconté comment il remit les lettres du Pape relatives à l'unité de l'Eglise (Cum simus
60 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

conservé les réponses de ces derniers174 : Ignace II proclame qu'il pa


la foi de saint Pierre, réprouvant la doctrine d'Eutychès, mais sans
semble avoir renoncé à la notion d'une seule nature dans le Chr
Isoyahb, pour sa part, emploie l'expression «deux natures, une perso
qui ne paraît pas différer de la formulation « nestorienne » traditionnel
Mais la collecte de ces professions de foi pouvait donner l'impression
unité des chrétiens d'Orient dans leurs croyances fondamentales.
Ignace II avait complété sa lettre en demandant à Rome le respe
l'autonomie de son Eglise, ce qui visait évidemment les entrepris
clergé latin de Terre-Sainte à l'encontre de celle-ci; il rejoignait ain
demandes que Rome allait recevoir de la part du patriarche grec d'A
che et de l'archevêque grec de Chypre, tous deux ralliés à l'
romaine177, Innocent IV avait envoyé le Franciscain Dominique d'A
apporter la même lettre Cum simus super au roi d'Arménie, qui char
vartabed Vartan de rédiger « un exposé de la foi professée par l'Eglise
nienne, que nous a demandé notre père apostolique le pape de Rom
l'intermédiaire de son sage légat, frère Dimanche » 178. En possession d
réponses179, il chargea en juillet 1246 son pénitencier, le Franciscain
rent de Portugal, d'une légation dans un ressort comprenant l'Armén

174 Raynaldus, Annales, ad ann. 1247, § 3643. Le fait que ces lettres aient été rapp
par André de Longjumeau, a été établi par P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté, dim
Orient chrétien, XXIV, 1924, p. 226-238, où sont identifiés les auteurs de ces missives. U
reste dans l'ombre : la raison pour laquelle nous avons deux réponses du patriarche
(§ 36-38 et 39-40).
175 Raynaldus, Annales, 1247, § 36-37.
176 Ibid., § 43.
177 Ignace demande que soit reconnue à son église, la liberté d'élire son patriar
demande que les Jacobites soient exempts de toute juridiction de la part des évêques
et que les Latins ne leur demandent aucune redevance (Raynaldus, Annales, ad ann
§38).
178 E. Tisserant, La légation en Orient du Franciscain Dominique d'Aragon, dans Rev.
chrétien, XXIV, 1924, p. 336-355; B. Altaner ( Dominikanermissionnen, p. 51-53) se deman
ce n'était pas à Dominique qu'il fallait attribuer le retour de David d'Antioche à l'Un
Franciscain avait été envoyé ad gentes qui Ihesum Christum non agnoscunt et ad subve
filios qui sacrosancte ecclesie non obediunt, en 1245; il était encore à Constantino
avril 1247.
179 L'une d'elles n'était pas parvenue : celle des Russes, à qui Plancarpin apportait
tre Cum simus super avant de partir chez les Mongols. Le pape confia, le 3 mai 1246, au
DE L'APPARITION DES MENDIANTS JUSQU'AUX MONGOLS 61

Turquie, la Grèce, la Syrie, l'Egypte, «auprès des Grecs de Chypre et des


patriarcats d'Antioche et de Jérusalem», des Jacobites, Maronites et Nesto-
riens, légation qui paraît avoir eu pour but de tirer les conséquences de
l'enquête réalisée par ses messagers. Laurent entra en conflit avec les
patriarches latins; le rattachement direct à Rome des chefs des Eglises
orientales ne pouvait satisfaire ceux-ci180. Mais il s'accordait pleinement
avec la doctrine pontificale181.
Les missions confiées par Innocent IV aux porteurs de la lettre Cum
simus super et au pénitencier Laurent, marquaient une étape dans l'histoire
missionnaire en Orient182 : l'Union des Eglises avait été proposée aux res¬
ponsables des Eglises orientales et, avec plus ou moins de sincérité ou
d'enthousiasme, acceptée par eux. Les divergences dogmatiques ou rituel¬
les n'en avaient pas, pour autant, été aplanies.
Mais nous savons que les missionnaires, franciscains ou dominicains,
qui avaient été l'instrument de cette politique d'union, avaient acquis la
sympathie du clergé oriental et des fidèles des rites orientaux183. L'enthou¬
siasme de l'Eglise latine, qui avait déjà frappé Nersès de Lampron, pour
l'union des Eglises, restait un facteur très apprécié des Orientaux. Il restait
à faire passer dans la vie des communautés, cet esprit d'unité. Et, d'autre
part, l'apparition des Mongols ouvrait des perspectives nouvelles.

180 Cette légation a été étudiée par M. Roncaglia, Frère Laurent de Portugal, O.F.M., et sa
légation en Orient ( Bollettino della badia greca di Grottaferrata, nov. ser., VII, 1953, p. 33-44). Les
principales lettres qui s'y rapportent: Sbaralea, I, p. 421, 453, 483, 484, 547. Sa mission est
définie dans la bulle De supremis coelorum adressée aux chefs des églises orientales; c'est à la
suite de son passage que s'ouvre à Chypre une crise qui n'est résolue qu'en 1260, par la pro¬
mulgation de la Constitutio Cypria (G. Hill, A history of Cyprus, III, p. 1053-1060).
181 En fait, note Cl. Cahen (La Syrie du Nord, p. 338-339), les Jacobites, très divisés entre
eux, ne pouvaient s'abstenir de demander l'intervention de la hiérarchie latine dans leurs
querelles, notamment à l'occasion de l'élection patriarcale de 1252. C'était déjà un recours au
patriarche latin d'Antioche qui, vers 1119, avait amené celui-ci à reprendre vivement le
patriarche syrien Athanase en l'accusant de simonie, à la suite d'une faute de traduction d'un
Au moment où Innocent IV remplace Grégoire IX à la tête de l'Eglise

catholique, le domaine dans lequel les missionnaires sont au travail, entre

les frontières de la Russie et les lisières méridionales du monde connu, est

déjà considérable. En 1237 et 1238, les pouvoirs conférés aux Franciscains

étaient valables dans les terres des Sarrasins et des païens; en 1239, on y

ajoute celles des Grecs, des Bulgares et des Comans; en 1244 les Domini¬

cains envoyés chez les Orientaux ont été mandatés auprès des Grecs, des

Géorgiens, des Jacobites, des Nestoriens, des Arméniens, des Maronites et

des Mossoulitains1, que l'on peut s'étonner de voir considérer comme un

peuple à part si, comme nous le pensons, il s'agit de ces marchands de Mos-

soul, de confession chaldéenne, qui tenaient une place considérable dans la

Syrie franque2. En 1245, le nom des Ethiopiens, des Syriens, des Russes, des

Ibères du Caucase, des Alains de la steppe du Manytch, des Ziques du Kou-

ban, des Khazars de Crimée, des Indiens et des Nubiens s'ajoute à cette

liste3, ce qui ne signifie probablement pas, du reste, que des missionnaires

aient déjà atteint toutes les contrées énumérées. L'ampleur croissante de


66 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

référant à l'exemple de saint Augustin de Cantorbéry, et qui s'appuie s


phrase évangélique, Ecco ego mitto vos sicut agnos in medio luporum,
inviter les missionnaires à ne pas craindre la mort5. Et Géraud de Fr
rapporte qu'à plusieurs reprises, quand on demande aux Frères Prêch
des volontaires pour les missions, les volontaires se pressent et deman
à partir avec des larmes6. Tandis que les Cisterciens vont s'impose
1245, la récitation journalière de sept psaumes pour les moines et
Pater pour les convers « à l'intention des Frères Prêcheurs et Mineurs q
seigneur Pape a envoyés dans les pays les plus éloignés pour les affair
la foi»7.
L'entrée en scène des Mongols avait largement contribué à étend
perspectives missionnaires. En raison du danger que ces nouveaux v
faisaient peser sur la chrétienté, d'une part; en raison aussi de ce qu
leur arrivée, l'Occident avait dû s'interroger sur la valeur de ses
concernant les dimensions du monde habité et le poids relatif des
tiens, des Sarrasins et des païens : donc découvrir que le devoir de « co
tir toutes les nations » imposait à l'Eglise des obligations plus lourdes
ne l'avait cru.
Il fallut d'ailleurs quelque temps pour que les «Tartares» fu
connus8. Ils étaient apparus sur l'horizon de la chrétienté en 1221, lo

une des cinq plaies de l'Eglise. Les envois de couronnes à des souverains comme Dan
Halicz, les accords avec les prélats melkites au détriment des prétentions de la hiér
latine orientale, se situent dans cette perspective. Cf. W. de Vries, Innozenz IV (1243-125
der christliche Osten, dans Ostkirchliche Studien, XII, 1963, p. 113-131.
5 Monumenta franciscana, éd. J. S. Brewer, I, Londres, 1858, p. 434-437 (Rerum br
carum medii aevi scriptores).
6 Geraud de Frachet, p. 150-155; une première fois, quand Jordan de Saxe deman
Frères pour la Terre-Sainte, en 1230; une deuxième fois, quand Innocent IV demande a
vincial de France des Frères pour partir chez les Tartares; une troisième fois, lorsque
veau maître, Humbert, demande des volontaires pour aller apprendre les langues d
ples barbares dans leur pays (vers 1255?).
7 II s'agit certainement ici des religieux envoyés aux Tartares et aux peuples sch
ques, ou supposés tels, par Innocent IV : Statuta capitulorum generalium ordinis Cister
éd. J. Canivez, t. II, Louvain, 1934, ad ann. 1245, § 28, p. 294.
8 La littérature concernant les Mongols dans leurs rapports avec l'Occident, est c
rable. Avec les Histoires des Croisades de R. Grousset ou de S. Runciman, il convient d
G. Soranzo, Il Papato, l'Europa cristiana e i Tartari, Milano, 1930; D. Sinor, Les relation
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 67

la cinquième croisade recueillait des nouvelles réconfortantes sur la pro¬


chaine arrivée d'un « roi David » qui viendrait à son aide, puis des nouvelles
plus surprenantes sur l'attaque lancée par ces chrétiens supposés contre le
royaume authentiquement chrétien de Géorgie. Les Hongrois avaient com¬
mencé à recueillir des informations sur une nouvelle offensive des Tartares
autour de 1236, tandis que le prieur Philippe enregistrait dans sa lettre de
1237, la dévastation d'une grande partie de la Perse, de la Mèdie et des
Arménies par ces derniers. La lettre de Julien de Hongrie, puis des informa¬
tions relatives à la dévastation de la Russie et de la Géorgie commencèrent
à répandre l'alarme; la campagne de 1241 contre la Hongrie, la Pologne et
la Bohême9, fit affluer en Occident les réfugiés et les relations du désas¬
tre10. Un peu après, l'effondrement du sultanat de Turquie faisait à son tour
trembler l'Orient latin directement sommé de se soumettre par les Mon¬
gols11.
Les Latins, pris au dépourvu par cette invasion dont ils discernaient
mal les motifs, donc les buts12, ne surent trop comment réagir, et la prédi-

III, 1969, p. 45-57, et Les Mongols et la chrétienté: deux siècles de contacts, dans 1274, Année
charnière : mutations et continuité (Actes du colloque international); G. A. Bezzola, Die Mongo¬
len in Abendländischer Sicht (1220-1270). Ein Beitrag zur Frage der Völkerbegegnungen, Berne
et Munich, 1974. Ajouter l'article tout récemment paru de J. A. Boyle, The Il-Khans of Persia
and the princes of Europe, dans Central Asiastic Journal, XX, 1976, p. 25-40.
9 G. Strakosch-Grassmann, Der Einfalt der Mongolen in Mitteleuropa in dem Jahren 1241
und 1242, Innsbruck, 1893.
10 J. J. Saunders, Matthew Paris and the Mongols, dans Essays in Mediaeval history presen¬
ted to Β. Wilkinson, Toronto, 1969. Le rapport de l'archevêque Pierre de Russie a été com¬
menté par H. Dörrie, Drei Texte zur Geschichte der Ungarn und Mongolen, cité plus haut; ce
« mystérieux archevêque » (Pelliot) a été identifié, à la suite de S. Tomasevskij, Predteca Izi
dora, Petro Akerovyc, dans Anal. Ordinis S. Basilii Magni, II, 1926, à Pierre Akheroviò, lequel,
après avoir été higoumène du monastère de Berestovo, aurait été pourvu, dans des condi¬
tions obscures, de la charge de métropolite de Kiev, dont le dernier titulaire avait disparu
lors du sac de la ville par les Tartares. Il aurait été envoyé en Occident par certains princes
russes pour requérir assistance contre les envahisseurs et aurait participé au concile de
Lyon; c'est alors qu'on l'aurait interrogé sur les Mongols ( econtra : B. Szczesniak, The mission
of Giovanni de Plano Carpini and Benedict the Pole of Vratislavia to Halicz, dans Journal of
Ecclesiastical history, VII, 1956, p. 20, note). Cf. A. M. Ammann, Kirchenpolitik Wandlungen im
Ostbaltikum bis zur Tode Alexander Newski, Rome, 1936, p. 246 et suiv. (Orientalia Christiana
analecta, 105) et G. A. Bezzola, Die Mongolen . . . , p. 110-118.
11 Cf. G. Altunian, Die Mongolen und ihre Eroberungen in kaukasischen und kleinasiatis¬
68 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

cation d'une croisade en Hongrie, décidée par Grégoire IX et renou


par Innocent IV13, n'était qu'un palliatif. Innocent IV eut le mérite
décider à prendre contact avec les Mongols, pour essayer de les déto
d'attaquer à nouveau l'Occident : ce fut un échec, le khan Giiyiik
décidé de lancer une nouvelle campagne pour soumettre les pays
encore conquis14. Et, après la mort de celui-ci, qui avait autant que ce
son prédécesseur Ögödäi accordé un sursis à l'Europe, le nouveau
Möngkä lança une nouvelle campagne d'ensemble, qui provoqua des
ques de Batu contre la Pologne et la Hongrie, et une invasion des
musulmans d'Iraq et de Syrie par Hülägü15. Rome ne pouvait, à nou
que faire prêcher une Croisade 16, et s'indigner de voir le prince Bohé
d'Antioche se ranger dans le camp mongol, moyennant la restitution q
était faite des terres enlevées par Saladin à sa principauté17.
En 1264, alors que le conflit était loin d'être apaisé à la fro
polono-hongroise18, Urbain IV apprenait que le chef des Mongols de
l'Il-Khan Hülägü, proposait son alliance aux Chrétiens19. Des négoci
s'ouvraient, qui furent marquées par des gestes de bonne volonté, tel
la libération des captifs chrétiens dans les territoires soumis aux Mo
de Perse. Ces derniers recherchaient l'alliance des Occidentaux, et cel

13 Sbaralea, I, p. 296; Reg. Inn. IV, nos 30-31 (1241, 1243). Sur l'organisation de cet
sade dans les pays d'Empire, cf. Huillard-Bréholles, Historia diplomatica Friderici secun
p. 1209-1216.
14 Le texte de cette décision a été connu des Occidentaux par l'Histoire des Tart
Simon de Saint-Quentin, où est traduit l'édit du Khan ordonnant à ses subordonnés d
mer la soumission de tous les peuples (éd. Richard, p. 115-117).
15 Le pape prescrit une croisade pour défendre les pays baltes, en 1254 (Sbar
p. 724) et en Bohême et Moravie en 1253 (Reg. Inn. IV, 6791). Mais ses efforts pour or
un front commun englobant Russes et Lithuaniens sont mis en échec lorsque les prin
ses optent pour la soumission aux Tartares, tandis que les Lithuaniens de Mindauga
Iatvagues mettent fin au processus de conversion entamé parmi eux en même tem
leur rapprochement avec la chrétienté occidentale sur le terrain politique.
16 Alexandre IV organise la résistance en Syrie, Hongrie et Pologne, en 1260 (Rym
dera, n° 60).
17 Sur tout cela, cf. notre article, The Mongols and the Franks.
18 Le 25 juin 1265, Clément IV faisait prêcher la croisade contre les Tartares de
marquisat de Brandebourg jusqu'à la Styrie (Reg. Clem, IV, n° 113), et Urbain IV s
Bela IV de ne pas s'allier aux Tartares contre les Comans révoltés, en 1264 (Reg.
1242). Cf. Bezzola, op. cit., p. 185-190.
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 69

Etats latins et arméniens d'Orient, contre les Mamelûks d'Egypte : le désir


de venir à bout de cet ennemi commun domina les rapports politiques de
1264 à 1307. Cependant, au nord de la Mer Noire, les Mongols de la Horde
d'Or n'avaient pas les mêmes raisons de colîaborer avec leurs voisins hon¬
grois ou polonais, et les conflits surgirent parfois entre eux, sans que les
frictions entre les Il-Khans et la Horde d'Or aient entraîné des répercus¬
sions aux frontières des états chrétiens. De ce côté, comme au sud d'ail¬
leurs, des relations commerciales s'étaient nouées qui survécurent aux
alliances politiques.
Tel est le climat dans lequel, pendant plus de soixante ans, allait se
dérouler l'activité des missionnaires. La conversion à l'Islam des Il-Khans,
en 1294, et celle des khans de Qipcaq, ou de la Horde d'Or, amorcée par
Bärkä vers 126020, réalisée par Özbäg après 1340, allaient modifier ces
conditions, mais de façon très inégale. Elle ne représente pas une véritable
coupure dans le domaine qui est le nôtre.

a) Les ambassades pour la conversion des Mongols

L'invasion mongole avait bouleversé le terrain où les missionnaires


latins avaient commencé à implanter des chrétientés ou pris des contacts
avec chrétiens orientaux et Musulmans. En 1236-1237, les peuples de la
Volga avaient été soumis; en 1237-1239, les Russes. La Comanie avait été
conquise, en même temps que la Crimée; la Géorgie avait été occupée. Le
sultanat de Turquie, vaincu en 1243, avait dû renoncer à l'emploi de merce¬
naires francs, grâce auxquels l'influence latine pouvait s'exercer21. De Bag¬
dad, d'Alep, de Mossoul, de la Djéziré, les messages de soumission étaient
venus au khan des Mongols; le royaume arménien de Cilicie avait été des
premiers à se placer sous le protectorat mongol22. La mort d'Ögödäi avait
sans doute rappelé les princes gengiskhanides vers leur pays d'origine, met¬
tant fin à l'occupation de la Hongrie; mais le danger restait suspendu sur
l'Europe orientale et aussi, si l'on en croyait les informations que nous a

20 Nous avons cherché à montrer la véritable portée de cette « conversion » dans notre
article, La conversion de Berke et les débuts de l'islamisation de la Horde d'Or, dans Revue des
études islamiques, 1967, p. 173-184.
70 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

transmises Mathieu Paris - notamment celles qui avaient pour auteu


clerc Yves de Narbonne23 -, sur l'Europe occidentale, comme sur la S
franque.
Innocent IV avait pris conscience de ce danger, et, par le bref Dei v
du 3 janvier 1245, il avait inscrit le remedium contra Tartaros parmi les q
tions à traiter par le concile qu'il avait convoqué pour le mois de jui
Mais c'est sans attendre la réunion du concile qu'il se décida à envoyer
roi et au peuple des Tartares» deux missives : celle du 13 mars 1245, don
préambule commençait par Cum non solum homines, exprimait l'éto
ment du pape devant l'agression mongole, dirigée contre les Chrétiens
ne leur avaient causé aucun tort et, les menaçant de la colère divine,
proposait de conclure une paix entre eux et la Chrétienté; celle du 5 m
1245 (Dei patris immensa), donnait un aperçu de la doctrine chrétie
(péché originel, rédemption, incarnation, passion du Christ, transmissi
la succession apostolique du pouvoir de lier et délier), faisait part à ses
tinataires de l'immense désir du pape d'assurer le salut de l'âme de ceu
et accréditait auprès d'eux ses envoyés, pour les instruire dans la foi25.
Elles devaient être confiées à deux messagers, tous deux francisca
Jean de Piano di Carpine (qu'on appelle habituellement en français Plan
pin) et Laurent de Portugal, le premier étant nommé dans Cum non so
et le second dans Dei patris immensa. Il est probable que chacun d
devait recevoir une expédition des deux lettres, en même temps que d
bulle Cum simus super destinée aux prélats des Eglises non-latines, dont
été question plus haut. Plancarpin quitta Lyon le 16 avril 1245 et, avec
compagnons, dont le principal était un autre Franciscain, Benoît de P
gne, qu'il s'adjoignit en passant à Wroclaw, il emprunta la voie de la Ru
Mais, entre temps, il semble que le pape ait changé d'avis; retenant au
de lui Laurent de Portugal (les Anglais Jean de Stanford et Abraham
Larde, qui devaient l'accompagner, ne partirent pas non plus), il confiai
lettres en question à des Dominicains : Ascelin de Crémone et Andr

23 Ed. Luard, III, p. 488; IV, p. 270-277, etc.


24 Mansi, Sacrorum conciîiorum nova et ampi collectio, XXIII, p. 608. Le concile adop
Decretum de Tartaris (ibid, p. 627-628) qui qualifie ceux-ci de gens impia, christianum pop
subjugare sibi vel potius perìmere appetens et recommande de prendre contre eux des me
définitives.
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 71

Longjumeau, qui tous deux partaient de Syrie, Ascelin traversant la Turquie


et l'Arménie pour atteindre Tiflis, et André la Syrie musulmane et la région
de Mossoul pour parvenir à Tabriz26.
Sans doute les messagers du pape estimaient-ils suffisant de remettre
ces lettres aux commandants des premiers détachements qu'ils rencontre¬
raient, n'ayant du reste que des idées très vagues sur l'organisation politi¬
que des envahisseurs (ce qui stupéfia ceux-ci). André de Longjumeau ren¬
contra les Mongols dans la région de Tabriz, où il fit la connaissance d'un
personnage qu'il retrouva deux ans plus tard comme envoyé d'un chef
mongol. Le commandant de l'armée stationnée dans les pays du Caucase,
Baiju, souhaitait envoyer Ascelin et ses compagnons auprès du Khan et se
heurta au refus obstiné de ceux-ci, qui durent attendre des mois à Sisian,
dans le Karabagh, que la réponse à leur message vînt de Mongolie. Plancar¬
pin, lui, après avoir quitté Kiev, fut acheminé de campement en campe¬
ment, et Batu décida lui aussi de l'envoyer en Mongolie, où le Franciscain
eut la bonne fortune d'assister au couronnement de Güyiik27.
A côté de leur mission officielle - remettre aux Mongols les lettres pon¬
tificales et les expliquer -, Dominicains et Franciscains étaient chargés de
recueillir le maximum d'informations sur les Mongols, leurs intentions, et
leur façon de combattre qui avait dérouté Polonais, Allemands et Hongrois
- mission d'exploration qui rappelle celle que Bela IV avait confiée à Julien
de Hongrie et à d'autres28 Ils s'en acquittèrent : on sait que Plancarpin,

26 C'est ainsi que nous interprétons le passage d'une lettre d'Adam de Marsh selon lequel
le pape avait renoncé à envoyer des Franciscains chez les Tartares : en fait, Plancarpin partit,
mais les deux franciscains anglais, auquel Adam s'intéressait spécialement, ne partaient pas.
Cf. M. Roncaglia, Laurent of Portugal, O.F.M., et sa légation en Orient, cité plus haut. - Les mis¬
sions d'Ascelin et d'André de Longjumeau ont fait l'objet de l'étude de P. Pelliot, Les Mongols
et la Papauté, qui est désormais complétée par les deux chapitres « En marge de Jean du Plan
Carpin» et «Guillaume de Rubrouck» publiés dans Recherches sur les chrétiens d'Asie centrale
et d'Extrême-Orient, Paris, 1973 (Œuvres posthumes de Paul Pelliot), par MM. J. Dauvillier et
L. Hambis, p. 1-74 et 75-235. Cf. aussi G. Soranzo, Il Papato, l'Europa cristiana e i Tartari, p. 77
125, et G. A. Bezzola, op. cit, p. 118-182.
27 La raison pour laquelle Innocent IV décidait, le 3 mai 1246, d'envoyer deux Domini¬
cains, Alexis et « H. », porter aux Russes la lettre Cum simus super, avec les mêmes privilèges
que ceux accordés aux religieux qui étaient envoyés aux Tartares (Reg. Inn. IV, n° 1821-1822)
ne tient-elle pas à ce qu'on croyait les Franciscains disparus? Le pape se serait adressé à nou¬
veau aux Russes - mais sans que ses messagers, cette fois, aillent jusque chez les Mongols; cf
supra, p. 60, n. Nous avons toutefois noté qu'à Lyon, on ne s'était pas prémuni contre la pos¬
72 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

dont la relation suscita une intense curiosité, fut plus à même d'obs
les «Tartares» chez eux, et son Historia Mongalorum en porte la tr
Simon de Saint-Quentin, qui rédigea le rapport de la mission d'As
donna moins de renseignements sur les Mongols eux-mêmes, dans son
ίοήα Tartarorum, mais y ajouta des informations sur la Turquie, la Gé
et l'Arménie30; André de Longjumeau n'a laissé que quelques notes, re
lies par Mathieu Paris31.
En ce qui concerne la conclusion d'un pacte de non-agression, l
fut complet : la doctrine mongole du mandat du ciel conférant un e
universel aux Gengiskhanides, rendait incompréhensibles les argu
pontificaux, et les conseillers de Güyük déclarèrent, en substance, qu
voyaient pas en quoi le pape avait pouvoir de décider si le ciel avait o
confié ce mandat aux Mongols32. Et ils réclamèrent un acte de soum
de la part du pape et des rois francs33. Quant à Baiju, il agit de même
gnant à sa lettre la traduction de l'édit de Güyük, lui enjoignant d'i
tous les peuples à se soumettre au Khan34.
L'appel à la conversion au christianisme, qui nous retient plus spé
ment, avait été lui aussi remis aux Mongols. Plancarpin ne nous in
pas des circonstances de cette remise, ni des discussions qui auraient
tuellement eu lieu à ce propos. Le Franciscain, d'ailleurs, n'avait eu a
Khan lui-même qu'un bref entretien, et c'est par écrit qu'il lui avait co

Sinica
29 La
franciscana,
relation définitive
I, Quaracchi,
de Plancarpin
1929, p. 3-130
a été(leéditée
meilleur
en dernier
commentaire,
lieu pardans
Van la
de tra
Wy

française de Dom J. Becquet et L. Hambis, Paris, 1965). Sur un texte établi à l'intention
de Hongrie, cf. D. Sinor, John of Plano Carpini's return from the Mongols, dims Journa
Royal Asiatic society, 1957, p. 193-206). Quelques informations orales avaient été donn
lui à Salimbene (MGH , SS, XXXII, p. 206-207). Un bref récit de la mission est dû à Be
Pologne ( Sinica franciscana, I, p. 133). Et la découverte du manuscrit de la «Tartar r
(R, A. Skelton, Th. E. Marston, G. D. Painter, The Vinland map and the Tartar relation
1965) a permis d'identifier une relation de ce voyage élaborée (à partir d'un récit or
un religieux : Hystoria Tartarorum C. de Bridia monachi, éd. A. Önnefors, Berlin, 1967.
30 Simon de Saint-Quentin, Historia des Tartares, éd. J. Richard, Paris, 1965. Cf. G
G. Guzman, Simon of Saint-Quentin and the Dominican mission to the Mongol Baiju : a r
sal, dans Speculum, XLVI, 1971, p. 232-249.
31 Ed. Luard, VI, p. 112-116. Cf. P. Pelliot, Les Mongols et la Papauté, II, p. 251-254.
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 73

niqué le but de son ambassade; la réponse semble avoir été élaborée en


dehors de lui. La lettre de Güyük prend cependant acte de cette remise,
mais sous cette forme assez décourageante : « Vous avez dit que si je rece¬
vais le baptême, ce serait bien . . . Cette tienne requête, nous ne l'avons pas
comprise»35. Simon, au contraire, nous donne un récit coloré de l'audience
au cours de laquelle fut présentée l'invitation à la conversion : Ascelin, qui
venait de refuser de se prosterner devant Baiju, déclara que, si le chef mon¬
gol acceptait de se faire chrétien, les Frères non seulement se prosterne¬
raient, mais iraient jusqu'à lui baiser les pieds. L'homélie fut très mal reçue,
les «barons» mongols traitant les chrétiens de «chiens»; il est d'ailleurs
vraisemblable que l'emploi du terme de « Chrétiens » qui signifiait pour les
Mongols le «peuple des Chrétiens d'Occident» plutôt que les «fidèles du
Christ», n'avait pas facilité l'échange de vues36. En tout cas, Baiju ne fit
même pas allusion à la lettre Dei patris immensa ... Et cependant un chré¬
tien oriental, du nom de Serge, allait porter sa lettre au pape, tandis qu'au
moins deux des officiers de la chancellerie mongole avec qui Plancarpin
avait traité, étaient chrétiens; et le Franciscain n'ignorait pas les sympathies
chrétiennes du Khan!
Les envoyés de Baiju n'avaient pas encore repris la route qui les rame¬
nait auprès de leur maître, avec une lettre pontificale exprimant le regret
du pape pour le refus de celui-ci d'adhérer à la foi chrétienne (22 novembre
1248) 37 que le représentant du Khan en Iran, Älgigidäi, avait déjà confié à
deux messagers - deux chrétiens orientaux originaires de la région de Mos-
soul - une lettre adressée au roi de France, qui allait débarquer à Chypre et
qui la reçut en décembre 124838. Nous savons que les Mongols s'étaient
vivement intéressés, l'année précédente, pendant qu' Ascelin séjournait à
Sisian, à la prochaine venue de la croisade de saint Louis, qui n'allait pas

35 La traduction élaborée à Sira-ordo est la suivante : Tuarum continebat series litterarum


quod debemus baptizari et effici christiani Ad hoc tibi breviter respondemus quod non intelligi-
mus qualiter hoc facete debeamus.
36 Simon, p. 98-104. Les Mongols s'indignèrent entre autres du refus que faisaient les Frè¬
res de se prosterner devant le représentant du Khan, alors qu'ils le faisaient devant des ima¬
ges de pierre ou de bois, et ils reçurent fraîchement les explications d'Ascelin. Simon expli¬
que qu'en refusant de se prosterner, les Dominicains voulaient manifester, à l'intention des
Chrétiens orientaux présents, l'indépendance de l'Eglise de Rome envers les Tartares, sujet
74 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

sans susciter chez eux quelques inquiétudes39. Älgigidäi tenait visibleme


entrer au plus vite en relation avec les Croisés.
Nous n'avons de sa lettre que deux traductions, l'une en latin, l'autr
français, toutes deux effectuées en Chypre. L'étude à laquelle s'est livré
liot a permis de reconnaître qu'en dépit de quelques adjonctions qui fu
sans doute l'œuvre des messagers, la lettre s'inspirait nettement des us
de la chancellerie mongole. Elle ne comprenait pas l'habituelle invite
soumission, et c'est sans doute cette désobéissance à l'édit formulé
Güyük qui devait susciter l'indignation de Möngkä quand on fit allu
devant lui à cette ambassade. Elle semblait plutôt destinée à prendre ce
nes précautions, pour éviter une éventuelle offensive des Francs contr
pays soumis aux Mongols, en même temps qu'à inviter le roi de Fran
observer une des prescriptions de la loi mongole40.
Älgigidäi saluait le roi de France, l'informant de ses bonnes intentio
l'égard de la chrétienté et faisant des vœux pour sa victoire. Il lui fa
connaître les termes de l'édit de Gengis-khan exemptant «tous les c
tiens» (entendons leurs prêtres) des impôts et des autres exigences
Mongols, en retour de leurs prières41. Il lui disait aussi qu'il s'était pr
cupé de faire rebâtir les églises et d'assurer aux chrétiens, vivant en
musulman, le droit de battre les tablettes (qui correspondent aux sonn
de cloches des églises latines). Enfin, il précisait que les Mongols ne
saient aucune différence entre Latins, Grecs, Arméniens, Nestorien
Jacobites, et invitait le roi à faire de même dans son pays.
Cette lettre rend le même son que celle que le «vicaire d'Orient
l'Eglise chaldéenne, Siméon Rabban-ata, avait confiée à André de Lo
meau en réponse à la lettre Cum simus super d'Innocent IV42. V
d'Extrême-Orient pour faire appliquer la loi mongole relative à la tolér
au profit des chrétiens jusque là soumis aux Musulmans ou victimes
exactions qui avaient accompagné la conquête, restaurateur d'ég

39 Simon, p. 97-98; J. Richard, La politique orientale de saint Louis, dans 7e centenaire


mort de saint Louis. Actes des colloques de Royaumont et de Paris (21-27 mai 1970), Paris,
p. 197-207.
40 Cf. J. Richard, Ultimatums mongols et lettres apocryphes, dans Central Asiatic jo
XVII, 1973, p. 217-218.
41 Cf., par exemple, le privilège accordé au métropolite de Moscou (traductions : S
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 75

Siméon avait non seulement invité le pape à faire la paix avec Frédéric II43,
mais aussi recommandé à son interlocuteur - auquel il envoyait la profes¬
sion de foi demandée44 - l'archevêque chaldéen de Jérusalem et les autres
« chrétiens orientaux » (entendons : de rite chaldéen) vivant dans les Etats
latins, pour que personne ne leur fasse de tort45.
Les remarques de Siméon concernant la situation inférieure réservée
aux Orientaux dans les Etats latins, rejoignaient du reste celles qu'expri¬
mait, en cette même année 1246, le patriarche syrien Ignace. Ainsi a-t-on
l'impression qu'à la faveur de l'irruption des Mongols (ces mêmes Mongols
qui avaient si mal reçu la lettre Dei patris immensa) sur la scène orientale,
les Eglises orientales se retrouvaient en position de force pour traiter avec
l'Eglise romaine. C'était l'indice de la découverte de toute une chrétienté,
celle qui vivait dans l'Empire mongol46.
Plancarpin, comme Ascelin, avait surtout découvert, auprès des chefs
mongols, les représentants, humiliés et brimés, des peuples conquis - Rus¬
ses, Arméniens, Géorgiens -. Mais déjà le premier avait pu noter que Güyük
avait continuellement des chrétiens avec lui dans sa maison, qu'une cha

43 Siméon se référait à ce propos à la récente destruction de Jérusalem par les Khwarez-


miens, considérée comme un désastre pour la Chrétienté toute entière.
44 II envoie un libellus qu'il avait apporté «du sein de l'Orient, de la terre de Chine (Sin)»
et aussi celui qui renfermait la profession de foi de l'archevêque de Nisibe (cf. p. 60) contresi¬
gnée d'autres prélats, qui semble avoir été établie à sa demande. La métropole de Sin (ou Sîn
et Masin) de l'Eglise chaldéenne s'étendait sur une part assez vaste de l'Asie centrale, notam¬
ment sur les territoires occupés par les Ongiit et probablement aussi sur ceux des Keraït
(puisque, selon Simon de Saint-Quentin, Siméon avait suivi la fortune des princesses de cette
tribu, épouses des Gengiskhanides), les uns et les autres étant chrétiens, les Ongiit nomadi
sant dans les Ordos, les Keraït (sur les circonstances de leur conversion, au début du XIe siè¬
cle, cf. le récit de Bar Hebraeus, Chron. eccles. III, c. 279-282) en Mongolie septentrionale. Cf.
J. Dauvillier, Les provinces chaldéennes «de l'Extérieur », p. 300-312 (qui pense plutôt attribuer
les Keraït au ressort de la métropole d'Almâligh).
45 II n'est pas exclu, bien entendu, et P. Pelliot en a noté la possibilité, que les Chrétiens
orientaux de l'entourage d'Älgigidai soient responsables de ces remarques sur l'égalité de
traitement des diverses communautés chrétiennes.
46 Sur cette chrétienté, cf. J. Dauvillier, Les provinces chaldéennes « de l'Extérieur» au
Moyen-Age, dans Mélanges Cavallera, p. 261-316 et P. Pelliot, Chrétiens d'Asie centrale et
d'Extrême-Orient, dans Toung pao, 1914. Sur sa découverte par les Latins, A.-D. Von den Brinc
ken, Die « Nationes », p. 327-330. - La satisfaction des Chrétiens orientaux à l'arrivée des Mon¬
76 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

pelle chrétienne se trouvait devant la principale de ses tentes, qu'il sub


tionait des clercs chrétiens et que «les chrétiens qui étaient de sa mai
nous disaient croire fermement qu'il allait se faire chrétien». Les envo
d'Älgigidäi, renchérissant sur les termes de la lettre de ce dernier, pr
saient que le Khan avait une chrétienne pour mère; qu'il avait lui-m
reçu le baptême avec de nombreux princes de son entourage; qu'Älgig
était sur le point d'attaquer le khalife de Bagdad47. En même temps, le
de Chypre et les barons du royaume de Jérusalem recevaient la let
écrite de Samarkand par le connétable Sempad d'Arménie, dans laquell
grand baron, apparenté aux meilleurs lignages de l'Orient latin, disait
émerveillement d'avoir rencontré au cœur de l'Asie centrale tant de Ch
tiens, de se trouver au pays d'origine des rois mages, d'y visiter des égl
et lui aussi faisait état de la conversion du khan Giiyiik lui-même au ch
tianisme (2 février 1248) 48 .
Dans ce contexte, saint Louis et le légat Eudes de Châteauroux se d
dèrent à répondre à l'ambassade mongole : le roi fit confectionner
magnifique tente-chapelle avec des panneaux représentant la vie du Ch
donna à ses envoyés des fragments de la Vraie Croix pour Älgigidäi et p
le Khan, avec deux lettres dont nous ignorons la teneur. Le légat faisai
même et écrivait de surcroît aux prélats nestoriens de l'empire mon
pour les inviter, ainsi que le Khan et sa famille, à reconnaître la prim
du Siège Apostolique. André de Longjumeau était placé à la tête de c
ambassade, qui comprenait avec lui deux autres Dominicains, Jean de
cassonne et un certain Guillaume. Partis de Chypre à la fin de janvier 1
les envoyés du roi passèrent à l'est de la mer Caspienne et arrivèren
Mongolie vers le début de 1250. Gûyiik était mort, et c'est sa veuve, Og
Qaïmis, qui reçut, avec des égards, les messagers du roi et du légat. Ma
lettre qu'elle leur remit, et qui parvint en 1251 à saint Louis, n'était qu
invite à la soumission; les perspectives missionnaires envisagées par le
s'évanouissaient à nouveau, et nous savons par Joinville qu'il ne se fél
pas d'avoir répondu à la lettre d'Älgigidäi - pas plus que ne le fit le nouv
khan
de «menteurs».
Möngkä qui devait désavouer les envoyés de ce dernier, en les trai

Néanmoins, comme l'a souligné Pelliot, André avait pris une conn
sance plus approfondie du milieu mongol, et du christianisme en m
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 77

mongol, que ses prédécesseurs. Il avait rencontré en chemin, à Talas, au


pied des Tien-chan, des Allemands déportés, qui appartenaient à l'un des
princes mongols, Biiri. Toutes ces informations n'allaient pas être inuti¬
les49. Et nous ignorons, d'autre part, si le Dominicain avait rencontré
quelqu'un des prélats auprès desquels Eudes de Châteauroux l'avait accré¬
dité50.
«La nouvelle de la conversion des Tartares se répand à travers le
monde», écrivait Adam de Marsh vers 125051. Mais l'intérêt que suscita
l'annonce de la découverte de quelques-uns de ces captifs que les Mongols
avaient entraînés avec eux en 1241-1242 fut très vif: Innocent IV, donnant
les privilèges habituels à des Dominicains partant en mission, les accrédi¬
tait auprès des peuples que l'on énumérait d'ordinaire dans ce type de let¬
tres, en y ajoutant les Tartares, les Hongrois de Grande-Hongrie et les cap¬
tifs chez les Tartares (23 juillet 1253) 52.
Peu après, un clerc arménien du nom de Jean, se disant chapelain de
Sartaq, fils de Batu, arrivait à Anagni, au milieu de 1254. Il affirmait avoir
été chargé par ce prince, de notifier sa conversion au pape; mais il avait été
arrêté en cours de route par le roi de Sicile. Le baptême de Sartaq paraît
d'ailleurs bien attesté, non seulement par ce témoignage, mais par celui de
Kirakos et de Bar Hebraeus selon lequel Sartaq «aimait la religion des
Chrétiens; il fut baptisé, apprit à lire et devint diacre»; le chroniqueur
musulman Guzgânï nous confirme cette conversion53. Le pape, toutefois, ne

1931-1932,
dans
même 49laendroit,
Sur
RSSp.
tout
kirghize,
37-84.
ou
cela,
àTalas
l'emplacement
cf.
en amont
Pelliot,
est aujourd'hui
de
LesDjambul,
même
Mongols
led'Aoulié-ata?
nom
l'ancien
et lad'une
Papauté,
Aoulié-ata.
localité,
III, dans
L'ancienne
sur leRev.
fleuve
Or.
Talas
du
Chrét.,
même
était-elle
XXVIII,
nom,
au

50 Notre source principale sur cette mission est en effet la vie de saint Louis par Join-
ville, à laquelle s'ajoutent les autres sources relatives à l'expédition du roi outre-mer. Ce que
les Dominicains purent rapporter à Eudes de Châteauroux reste inconnu. Nous savons seule¬
ment qu'André de Longjumeau avait recueilli sur la situation des chrétiens orientaux en pays
musulman, des informations qui décidèrent le pape à envisager la création d'un épiscopat
missionnaire par la bulle Athleta Christi, sur laquelle nous reviendrons (Reg. Inn. IV, n° 6365).
51 Vulgatur per orbem mundanum et Tartarorum conversio, et consternatio Saracenorum,
Graecorum obsecratio et Latinorum repressio (Monumenta franciscana, I, p. 428).
52Reg. Inn. IV, 7753.
53 Bar Hebraeus, Chron. eccles., I, p. 509; Kirakos, trad. Dulaurier, dans Journ. Asiat,
1858, I, p. 170; The Tabakat i-Nasiri of. . . al-Jurjani, trad. Raverty, Londres 1873-1881, p. 1290-
1291 (Bibliotheca indica, nouv. série, n° 272-273); Pelliot, tbid, p. 78, note 4. P. Pelliot a retracé
78 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

semble pas avoir réagi autrement qu'en renvoyant à Sartaq une lettr
félicitations, par les soins de Jean, le 29 août 125454.
C'est que déjà la nouvelle de la conversion de Sartaq avait ému a
bien les Chrétiens orientaux que les Latins. A lire le seul récit de voyag
Guillaume de Rubrouck, nous apprenons que celui-ci rencontra à Nakh
van, au début de janvier 1255, un Dominicain hongrois qui revenai
Tabriz, où il avait essayé en vain d'obtenir un sauf-conduit pour se re
auprès de Sartaq55; et, quelques jours plus tard, à Ani, cinq autres Dom
cains, avec leur serviteur et interprète, dont quatre, désignés par le chap
de la province de France à la fin de 1253, avaient été recommandés p
pape aux Géorgiens par le pays desquels ils devaient passer pour se re
chez les Tartares (26 février 1254); ils s'étaient adjoint un Frère de la
vince de Terre Sainte, sans doute pour leur servir d'interprète au moin
arabe et peut-être en persan, comme l'avaient fait avant eux Plancarpi
s'adjoignant Benoît de Pologne (qui, parlant les langues slaves, pouvai
permettre de communiquer avec les Russes qui lui servaient eux-même
truchement auprès des Mongols) ou Ascelin en incorporant successivem
à sa mission Simon de Saint-Quentin et Guichard de Crémone. Ces
gieux étaient munis de lettres pour Sartaq, pour le grand-khaii, et pou
prince Biiri (dont on savait qu'il était le maître du groupe de déportés
mands découverts par André de Longjumeau), lettres par lesquelles le
demandait pour eux le droit de séjourner dans l'empire mongol et d'y
cher. Rubrouck, qui revenait précisément de la cour de Sartaq, qu'il
quittée à la fin de juillet 125456, renvoya les uns et les autres au couven
Tiflis, pour qu'ils préparent mieux leur voyage, en tenant compte de
expérience57.
Le voyage de Guillaume de Rubrouck et de Barthélémy de Crém
tous deux Franciscains, avait été décidé à la fin de 1252 ou au débu
1253, quand saint Louis était en Terre Sainte. L'initiative en venait-ell

54 Pelliot, Les Mongols et la Papauté, III, dans Rev. Or. chrét., t. XXVIII, p. 78-79 et 81
Innocentii IV, 39, dans Baluze, Miscellanea, VII, p. 397; Reg. Inn. TV, n°8315; Sbara
p. 763.
55 Rubrouck, chap. 38.
56 Pelliot, « Sur quatre passages de Guillaume de Rubrouck », dans Mélanges sur l'é
des Croisades, p. 48-65.
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 79

roi de France, du ministre provincial, ou du Franciscain flamand lui-même,


qui était probablement venu en Orient en même temps que le roi? Il est
vraisemblable que le projet émanait de Guillaume, qui désirait porter la
parole de Dieu aux Tartares, aux peuples qui leur étaient soumis et peut-
être aussi aux déportés dont déjà Plancarpin et André de Longjumeau
avaient parlé - Simon de Saint-Quentin s'étant borné à rapporter qu'on les
laissait libres de pratiquer leur religion - Le roi de France lui fit de géné¬
reuses aumônes, qui lui permirent d'adjoindre, en passant à Constantino¬
ple, l'esclave Nicolas aux autres auxiliaires de la mission, le clerc Gösset et
un interprète, et de se pourvoir de chariots, de provisions et de quelques
objets destinés à être offerts en cadeau à des dignitaires mongols; la reine
Marguerite lui donna un beau psautier enluminé qui devait exciter la
convoitise de Sartaq au point que Rubrouck le lui abandonna. Enfin, le roi
le pourvut d'une lettre de recommandation, adressée à Sartaq, dans
laquelle il demandait la liberté pour les Franciscains de séjourner dans ses
terres et de prêcher, tout en exprimant au prince mongol sa joie d'avoir
appris son baptême et son espoir de le trouver favorable aux fidèles de la
Croix et hostile aux ennemis de celle-ci58. Cette lettre devait donner un tour
inattendu à la mission de Rubrouck : traduite (de façon inexacte ou tendan¬
cieuse?) par les interprêtes arméniens de Sartaq, elle fut interprétée
comme un appel du roi de France à la coopération militaire de Sartaq dans
sa guerre contre les Musulmans; Sartaq jugea l'affaire trop sérieuse pour ne
pas en référer à son père Batu qui lui-même renvoya Rubrouck à la cour du
Khan Möngkä : là, on égara la lettre de Batu et l'on ne sut plus pourquoi le
Franciscain avait été envoyé si loin; aussi, à toute fins utiles, lui remit-on
une nouvelle invitation au roi de France pour que celui-ci fît sa soumission
aux Mongols, et on le renvoya, après l'avoir traité en ambassadeur, par les
soins de la poste mongole59, rapporter cette lettre au roi. C'est ce qui empê¬
cha Rubrouck d'accomplir la tâche proprement missionnaire qu'il s'était

58 En passant à Constantinople, Rubrouck se procura d'ailleurs une lettre de l'empereur


Baudouin II pour les Mongols, qu'il remit au premier chef qu'il rencontra, « Scacatai » (Bau¬
douin était déjà entré en relations avec les Mongols : son envoyé, Baudouin de Hainaut, avait
été reçu par Sartaq et par Möngkä).
59 Cf. P. Olbricht, Das Postwesen in China unter den Mongolen-herrschaft, Wiesbaden 1954.
N'ayant pas reçu de privilèges spéciaux, Rubrouck et son compagnon essayèrent d'observer
strictement la règle de leur ordre (à cela près qu'en voyage ils portaient la barbe, ce qui était
autorisé depuis Honorius III). Aussi est-ce pieds-nus, en robe de bure et tête nue, qu'ils tra¬
versèrent l'Asie entière d'août à décembre, en tentant d'observer autant que possible les
règles du jeûne et de l'abstinence.
80 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

assignée60; il garda d'ailleurs l'impressioij, de ses conversations


Möngkä et avec Sartaq, que les souverains /friongols étaient prêts à ac
lir les ambassadeurs, mais non les simples prédicateurs auxquels ils d
daient d'être accrédités par leurs maîtres61.
Il est peu probable que Rubrouck ait envisagé sa mission comm
voyage destiné à étudier les possibilités missionnaires dans l'empire
gol62. Plus probablement était-il disposé à se fixer chez les Mongols p
exercer son apostolat : il demandait encore à Möngkä de l'autorise
fixer auprès de lui pour servir Dieu et prier pour le Khan; et à Sar
exprimait son vœu de pouvoir revenir dans ses Etats. Les circons
l'amenèrent à se consacrer tout d'abord aux Latins déportés dans l'e
mongol et qu'il rencontra au passage ou bien dans la capitale mo
Karakorum et son annexe, Sira-ordo.

60 Pour Pelliot, Les Mongols et la Papauté, III (Rev. Or. chrét., XXVIII, p. 77), la s
de Rubrouck « n'était pas ambiguë que dans la forme » et il était, en fait, chargé d'une
auquel le roi avait voulu conserver un caractère officieux. Nous avons repris cette q
dans notre article Sur les pas de Plancarpin et de Rubrouck. La lettre de saint Louis à
dans Journal des Savants, 1977, p. 55-60.
61 Le récit de Rubrouck prend l'aspect d'un journal tenu au jour le jour; il se p
comme une lettre écrite à saint Louis pour lui communiquer à la fois la missive de M
le récit de ses expériences et ses conclusions. Le religieux pensait en effet retrouv
Louis en Syrie (d'où son itinéraire de retour par le Caucase, la Turquie et la Cilicie) ; m
arrivant à Tripoli, le ministre provincial le retint comme lecteur, et il dut envoyer sa
au roi de France par l'intermédiaire du clerc Gösset, lequel avait passé plusieurs m
cour de Sartaq ou dans une famille allemande fixée auprès de la Volga, en attendant l
des Franciscains. Cette relation, éditée de nombreuses fois, se trouve en particulier au
Sinica Franciscana, p. 147-332; la traduction la mieux annotée est celle de Fr. Risch,
von Rubruk, Reise zu den Mongolen (1253-1255), Leipzig 1934, à quoi il convient dé
d'ajouter le très important commentaire de Pelliot, Recherches sur les chrétiens d'Asie
et d'Extrême-Orient, p. 75-235.
62 C'est l'interpretation du P. Chrysologus Schollmeyer, qui a mis en éviden
Rubrouck se proposait un but missionnaire et non diplomatique : Die missionarische S
des frater Wilhelm von Rubruk (Ostkirchliche Studien, IV, 1955, p. 138-146), et Die Missi
Bruder Wilhelms von Rubruk zu den Mongolen (Zeitschrift für Missionskunde und Relig
senschaft, 1956, p. 200-205). Esprit curieux et bon lettré, Rubrouck sut d'ailleurs obs
même tirer de son voyage des conclusions de caractère géographique : c'est lui qui r
dans la mer Caspienne une mer fermée et non un golfe de l'Océan septentrional, ce qu
formait l'idée qu'on se faisait de l'Asie; il eut avec Roger Bacon un entretien dont
rend compte (cf. Quelques observations du moine Bacon touchant les parties septentrio
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 81

Les Allemands signalés par André de Longjumeau avaient quitté Talas


où il ne put les rencontrer; ils avaient été transférés en Dzoungarie, à Bolac,
pour exploiter les mines d'or et fabriquer des armes63 : Rubrouck demanda
l'autorisation à Möngkä de revenir pour desservir cette communauté de
mineurs et de forgerons qui avait besoin d'un prêtre - mais il n'est pas
exclu qu'elle en ait déjà eu un Des clercs hongrois s'étaient mis en devoir
de donner à leurs compatriotes un minimum de secours religieux :
Rubrouck, à leur demande, leur fabriqua des livres. Il rencontra à la cour,
et à Karakorum, des Français capturés en Hongrie (la lorraine Paquette de
Metz, l'orfèvre parisien Guillaume Boucher, le neveu de l'évêque normand
d'un siège hongrois), des Hongrois, un Anglais, des Allemands; il célébra
pour eux la messe, administra des baptêmes et donna même le viatique à
Guillaume Boucher. Il eut à résoudre des cas de conscience, en particulier
lorsqu'il confessa les serviteurs des Mongols, obligés à voler pour vivre, et
les soldats au service mongol. Les prêtres grecs interdisaient l'usage du
koumiz et des viandes d'animaux abattus selon les rites « païens » :
Rubrouck (qui prit goût au lait de jument fermenté, au point de regretter
que Baiju lui ait offert du vin au lieu de koumiz) apaisa les scrupules de
ceux qui ne savaient comment se passer de cette boisson et de ces vian¬
des64. Aux Mongols même, il donna des éclaircissements sur la foi chré¬
tienne, expliquant les images de ses livres à Sartaq et à Möngkä - à d'autres
aussi, sans doute - se prêtant à une discussion théologique où il eut à prou¬
ver l'existence de Dieu au nom des Chrétiens et des Musulmans, à l'encon-
tre des Bouddhistes. Il s'intéressa vivement aux chrétiens de rite grec
(Alains, Russes, Géorgiens) ou arménien auxquels il essaya d'apporter quel¬
que remède dans l'isolement où ils étaient tenus par les Nestoriens qui
auraient prétendu leur imposer un rebaptême avant de les admettre à leurs
offices65. D'ailleurs, le compagnon de Rubrouck, Barthélémy de Crémone,

63 Les indications que donnent Rubrouck : un mois et demi à l'est de Talas (de la vallée
du Talas à la Dzoungarie, on pourrait compter cette durée de voyage, encore que M. Lech ait
signalé, dans son édition d'Al-'Umari (Das Mongolische Weltreich, p. 307), toute l'imprécision
de ce mode d'évaluation selon le véhicule utilisé . . . ), paraissent convenir à cette nouvelle
localisation. Bolac (ou Bolat) serait l'actuel Po-lo (mongol Pulad) dans le Borotala.
64 Un Musulman qui voulait recevoir le baptême y renonça devant la perspective de se
voir interdire le koumiz. . .
65 Rubrouck, passim, (notamment, Sinica franciscana, I, p. 217, 280, 299, 305, etc.).
82 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

effrayé par la perspective d'un long trajet à accomplir dans les condit
très dures qui avaient été celles de l'aller, obtint la permission de rest
Karakorum66 : la desserte de tout ce groupe fut donc encore assurée q
que temps après le départ du Flamand.
La principale activité de Rubrouck, et le principal résultat de
voyage, concernent les Chaldéens d'Asie centrale67. Le missionnaire c
tata avec peine la dégradation de la vie chrétienne parmi ceux-ci, l'i
rance et les tendances à l'ivrognerie, même chez les prêtres, une polyga
occasionnelle, les conditions parfois irrégulières des ordinations, co
quence d'un encadrement religieux insuffisant et de l'éloignement o
trouvaient les églises d'Asie centrale et orientale par rapport à leurs cen
intellectuels mésopotamiens. Mais il découvrit avec admiration la diffu
des communautés chrétiennes dans un espace aussi vaste, l'existenc
chrétiens jusque dans la famille régnante, la fidélité des Chaldéens à
liturgie syriaque. J. Dauvillier a constaté que, malgré sa science, qui re
grand service aux Chrétiens lors des arbitrages et de la fameuse discus
théologique où le Franciscain démontra qu'il fallait substituer des a
ments philosophiques aux arguments d'autorité pour discuter avec
incroyants, Rubrouck n'avait pas compris, par exemple, que ses interl
teurs révéraient la croix de la Parousie au lieu de celle de la Passion, ce
les amena à faire ôter le Crucifié de la croix fabriquée par Guillaume B
cher. Il trouva parmi eux une grande bonne volonté, notamment à l'é
de la primauté pontificale qu'ils ne firent pas de difficulté à reconnaîtr
il fut admis à célébrer dans leur église, alors que, semble-t-il, on en ref
l'accès aux autres non-chaldéens. Et il aurait voulu que les Chaldéens,
plus instruits que beaucoup d'autres et comme tels chargés d'élever
enfants des nobles mongols, fussent capables d'attirer ceux-ci à la foi
leur science et par leur exemple. Il rencontra d'ailleurs parmi eux, sem
t-il, au moins un personnage venu d'ailleurs (un chrétien de Mésop
mie?); et l'ignorance des «Nestoriens» n'était pas telle qu'ils ne fu
capables de mettre sur pied une petite chronique de l'histoire du mon

rendit auprès de lui en 1255 (Rubrouck le manqua en cours de route), de se faire admin
le baptême par un évêque arménien de la suite du roi. Sa principale épouse, d'ailleurs, C
était chrétienne et Rubrouck la vit suivre les offices de la semaine sainte.
66 Ceci pour raison de santé, en attendant la venue de quelque ambassade qui voyag
plus lentement.
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 83

Au fond, cet ambassadeur malgré lui, l'un des très rares missionnaires
du Moyen Age à nous avoir laissé la description de son labeur personnel,
avait réalisé ce que d'autres auraient voulu ou avaient espéré faire : s'entre¬
tenir de sujets religieux avec le Khan lui-même, et négocier avec les prélats
nestoriens de la cour mongole. . . Et encore n'était-il pas mandaté pour ce
faire.
La même fortune devait être réservée au Dominicain David d'Ashby,
envoyé par le légat Thomas Agni de Lentino à Hülägii lors de la descente de
celui-ci en Syrie musulmane : chargé de sonder les intentions des Mongols
à l'égard des Francs et de les détourner d'attaquer les Etats latins, il devint
l'un des familiers de l'Il-Khan, qui lui laissa entendre que ses sympathies à
l'égard du christianisme pourraient le mener jusqu'au baptême, et de son
successeur Abaqa, et ceci pendant de longues années68.
L'effort des missionnaires paraît s'être ralenti pendant les années 1256-
126469, où la menace d'une nouvelle offensive des Mongols paraissait se
dessiner sur toutes les frontières de la chrétienté. Il allait reprendre dans
des conditions différentes au temps d'Urbain IV.
Toutefois, les missionnaires étaient loin d'être les seuls à avoir volon¬
tairement choisi de se rendre chez les Tartares. A côté des chrétiens dépor¬
tés, artisans épargnés lors de la conquête pour être envoyés dans les mines
ou dans les villes, esclaves attribués à des maîtres qui les avaient emmenés
dans leurs apanages, qui ont été parfois de précieux auxiliaires pour les
premiers missionnaires (Rubrouck fait un bel éloge de Guillaume Boucher,
qui le seconda de tout son pouvoir), d'autres Francs avaient trouvé à
s'employer dans l'empire mongol. Déjà, en 1241, on avait eu la surprise
d'arrêter en Autriche un messager (ou un espion) à la solde des Mongols
qui, Anglais de naissance, établi en Terre Sainte après avoir été banni de sa
patrie, vagabondant à travers l'Orient après s'être ruiné au jeu, avait fini par
se mettre au service des Tartares, quelque part en Asie centrale70. Tel autre,
comme le Théodule qui se fit passer pour un ambassadeur du légat Eudes

68 Cf. infra, p. 101.


69 En 1258, cependant, une bulle Cum hora undecima, est promulguée en faveur des
Dominicains et des Franciscains partant en mission; elle vise l'Orient, mais ne permet aucune
précision (Sbaralea, II, 285; Ripoll, I, n° 311 : la graphie captivorum apud Turcos de la pre¬
mière de ces éditions doit être lue apud Tartaros, comme dans la seconde). Il ne s'agissait
84 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

de Châteauroux, n'était peut-être qu'un vulgaire escroc71. Mais d'au


s'engagèrent comme mercenaires dans les armées mongoles - nous en
contrerons en Chine comme en Perse - tandis que des marchands part
sur les routes de l'Asie, à la recherche de profits de toute sorte72, sans n
ger ceux qui allaient trouver à s'employer auprès des Mongols co
interprètes, scribes ou agents de l'administration mongole. Marchands
deux Vénitiens Maffeo et Nicolo Polo, qui revinrent d'un long séjour
l'empire mongol (1261-1269) par l'Orient latin, firent savoir au légat po
cal, Tedaldo dei Visconti, qu'ils rencontrèrent à Acre, que le successeu
Möngkä, son frère Qubilai, s'était enquis auprès d'eux de la religion
Francs et les avait chargés de demander au pape l'envoi de cent hom
instruits73 : la païza d'or dont ils étaient porteurs les accréditait en qu
d'ambassadeurs74. Le légat s'intéressa à cette requête; mais c'est seule
après son élévation à la dignité pontificale qu'avant de quitter l'Orie
donna aux deux Vénitiens, qu'accompagnait leur fils et neveu Marco,
Dominicains, le célèbre Guillaume de Tripoli et Nicolas de Vicence,
faire la route avec eux jusqu'à la résidence du Khan. Les deux frères
cheurs, cependant, apprenant l'approche des troupes du sultan Baîbar
infestaient alors les frontières mongoles, auraient, selon Marco Polo,
féré renoncer à leur voyage (1271) 75.

71 Né à Acre, se disant clerc, se faisant appeler Raymond, il abandonna la m


d'André de Longjumeau, dont il faisait partie, après s'être procuré des instruments de
que. Il vint à la cour mongole, se donnant pour un envoyé du légat Eudes de Châteaur
ayant perdu en route ses lettres de créance. Möngkä lui confia une lettre pour le
France, des cadeaux pour celui-ci, la païza d'or qui l'accréditait comme ambassadeur
passant à Nicée, il voulut abuser également Jean Vatatzès qui le démasqua et le fit je
prison; Rubrouck eut connaissance de cette aventure à son retour. (Sinica Fr., I, p. 25
72 Cf. Luciano Petech, Les marchands italiens dans l'empire mongol, dans Journal Asi
250, 1962, p. 549-574.
73 II convient de noter que le frère de Qubilai, Ariq-biikä - dont Guillaume Bouche
l'esclave - restait le maître de la Mongolie où il avait été proclamé Khan; il conservait
korum. Rubrouck l'avait trouvé respectueux du christianisme, bien qu'il l'eût entendu d
une leçon de courtoisie à son compagnon, l'arménien Serge, qui s'était montré in
envers des Musulmans.
74 Nous n'avons aucune raison de douter du témoignage de Marco Polo (il existai
païza, qualifiées de «tola d'oro», dans les biens des Polo décrits par les inventaires
décès). On sait cependant que le khan Möngkä s'était aperçu de ce que les mar
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 85

Quelques années après, les envoyés de l'Il-Khan de Perse, Jacques et


Jean Vassali, des Géorgiens, firent état des rumeurs qui couraient en Iran
ou en Géorgie sur le baptême de Qubilai, en 1276-1 277 76 . La nouvelle était
sans doute erronée : Qubilai, s'il avait des sympathies certaines pour le
christianisme - il était, lui aussi, fils d'une chrétienne et, au cours des pre¬
mières années de son règne, laissa une influence considérable au Syrien
'Isâ, qui en profita pour opprimer les Musulmans - devait se laisser impré¬
gner par l'atmosphère bouddhique; et c'est avec lui que la dynastie mon¬
gole, désormais installée à Khanbaliq (Pékin) et non plus à Karakorum
longtemps restée aux mains d'un compétiteur, passa au bouddhisme. Mais
les vraisemblances, en ces premières années, n'étaient pas à écarter, et
Nicolas III fut convaincu.
Aussi décida-t-il l'envoi d'une importante mission, constituée de Fran¬
ciscains, dont trois notables théologiens, lecteurs dans les provinces de
Bologne, de Tuscie et de la Marche d'Ancóne, les frères Gérard de Prato,
Antoine de Parme et Jean de Sainte-Agathe, accompagnés de deux discreti 11 .
Des privilèges exceptionnels leur étaient concédés, et ils étaient chargés
d'une lettre à Qubilai, lui exposant les éléments de la doctrine chrétienne,
et le félicitant de son baptême. En cours de route, ils devaient inviter l'Il-
Khan Abaqa à se convertir lui aussi. Et ils avaient la possibilité de s'adjoin¬
dre des frères de leur ordre, de conférer l'habit de celui-ci à des personnes
idoines, de réconcilier avec l'Eglise catholique les archevêques et évêques
d'autres rites. . . 78.
Il n'a longtemps pas été possible d'identifier cette mission à celle qui
reçut un laisser-passer conservé aux archives du Vatican, parce que l'on
croyait que ce laisser-passer émanait de l'Il-Khan Argun et datait de 1291.
En fait, il émane d'Abaqa et peut donc être daté, selon la concordance du
calendrier mongol et du calendrier julien, soit de 1267, soit de 127979. Il est

soigneusement vérifiée, et mise en rapport avec les déplacements du futur Grégoire X :


M.-H. Laurent, Grégoire X et Marco Polo (1269-1271), dans Ecole franç. de Rome. Mélanges
d'archéologie et d'histoire, t. LVIII, 1941-1946, p. 132-144.
76 Ch.-V. Langlois et Ch. Köhler, Lettres inédites concernant les Croisades (1275-1307) dans
Bïbl. Ecole des Chartes, LU, 1891, p. 56 et suiv. - Leur retour fur retardé par suite de l'élection
d'un nouveau pape, Nicolas III, succédant à Jean XXI qui les avait reçus. Cf. Soranzo, Il
Papato. . . , p. 230-238.
17 M G H, SS, XXXII, p. 210 (Gérard de Prato était un ami de jeunesse de Salimbene).
78 Reg. Nie. III, n° 232-238, (Sbaralea, III, p. 289, 291, 293, 296, 299; I"-22 avril 1278). Les
86 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

accordé «à une mission d'évêques ( mar-hasia ) dirigée par un personn


qui doit s'appeler Frère Girard (Bar Acirqun) », selon les termes utilisés
P. Pelliot80. L'assimilation des envoyés du pape, dotés de pouvoirs ex
tionnels, à des évêques, ne semble pas à exclure81. Aussi croyons-nous p
voir affirmer que c'est bien la mission de Gérard de Prato qui bénéfici
ce sauf-conduit. Et nous sommes tentés de penser que ce docum
(adressé au gouverneur mongol d'Asie mineure) permit à la mission de
retourner en Europe, ayant peut-être appris d'Abaqa que son oncle n'a
pas embrassé le christianisme, voire après avoir été poliment éconduite
l'Il-Khan82. Les pouvoirs accordés par Nicolas III en vue de constitue
Tartarie une église unie à Rome n'avaient certainement pas été utilisés
Quelques années devaient encore d'écouler avant qu'un nouveau m
sage de Qubilai, transmis par l'Il-Khan Argun, réclamât à nouveau l'e
de missionnaires latins. Le choix que fit Nicolas IV du Franciscain Jean
Montecorvino, investi d'une légation apostolique, tombait sur un miss
naire déjà expérimenté que le pape munissait de lettres de recomman
tion et de pouvoirs auprès de tous les princes qu'il était susceptible de
contrer (l'empereur d'Ethiopie aussi bien que le khan Qaidu, qui domi
alors le Turkestan), ainsi que pour les patriarches, archevêques, évêque
prélats de toutes les églises orientales. La guerre qui éclata en 1287 e
Qaidu et Qubilai, laquelle décida les Polo à prendre la voie de mer p
aller de Chine en Perse, le décida lui aussi à opter pour la voie de mer,
le golfe Persique et l'Océan Indien. Son départ, en juillet 1289, ouvrait
nouvelle période de l'histoire des missions médiévales. En même temp
marquait la fin de l'époque où la Papauté pouvait caresser l'espoir de
amener le Khan des Mongols à la foi et, avec lui, les peuples de son em

b) La mission chez les Tartares du nord

La division en grands commandements des éléments de l'empire m


gol qui faisaient face au monde latin remontait aux années antérieur

80 P. Pelliot, dans Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,


p. 53.
81 B. Roberg, Die Tartaren auf dem 2. Konzil von Lyon, 1274 (Annuarium historiae con
rum, V, 1973, p. 279, η. 214), a rapporté ce document à l'époque de 1267, tout en reconnai
qu'il ne se relie à aucun fait connu à cette date.
82 Salimbene écrit : reversi sunt itaque jratres minores a Tattaris valde sospites, et
dicebant de eis. Qu'ils fussent sains et saufs ne prouve pas que leur mission ait été un
succès. . .
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 87

1240, quand Ögödäi avait remis à Batu le commandement de l'armée qui


opérait sur la Volga, en Crimée, à la frontière polonaise et hongroise, et à
Cormaqan celui de l'armée dont Baiju fut le chef après lui. Toutefois, c'est
seulement avec l'arrivée de Hülägii au sud de la Caspienne que se dessine
vraiment la séparation des deux empires : celui de la Horde d'or, que les
Occidentaux différencient mal de celui de la Horde Blanche situé plus à
l'Est, et celui des Il-Khans qui gouvernent l'Azerbaïjan, les deux Iraq, le
Khorassan et l'Asie mineure, depuis leurs résidences voisines de Tabriz et
de la steppe du Moghan83.
Pour les Latins, l'empire mongol avait jusque là représenté une entité
unique, et nous venons de voir que, bien après 1260, ils essaient encore
d'atteindre directement le grand-khan par delà les territoires soumis à ses
parents. Mais la différence entre la politique suivie per les Tartares du
Nord et par ceux de Perse, donne vite une allure différente aux missions
qui continuent à se proposer la conversion des uns et des autres, tandis que
les perspectives antérieures à 1240 - conversion des Musulmans, négocia¬
tions pour l'Union - réapparaissent peu à peu. Certes, la découverte des
Nestoriens d'Asie centrale, et la présence de nombre d'Arméniens sur les
routes de celle-ci et au Qipcaq, font que les tentatives d'union n'ont plus
seulement pour théâtre les partes orientales, tandis que, jusqu'à leur islami¬
sation, les Mongols représentent au nord comme au sud de la mer Noire,
des «païens» à évangéliser. Reste que les deux parties de l'empire mongol
vont, par la force des choses, présenter aux missionnaires des conditions
assez voisines de ce qu'elles étaient avant l'arrivée des Mongols; mais il fau¬
dra plus d'un demi-siècle pour que ceci soit parfaitement sensible.
La mission du Qipcaq a-t-elle commencé au moment où Rubrouck
essayait d'obtenir de Sartaq le droit de séjourner dans ses terres pour y
prêcher, ou bien est-ce en 1258, ou plus tard, que les premiers missionnai¬
res y eurent accès? La question a déjà été posée84; elle ne comporte pas de
réponse précise : un évêque franciscain évoquait en 1322 les quelque qua¬
tre-vingts ans depuis lesquels les Frères Mineurs évangélisaient cette
région85. Ceci laisserait entendre que, dès le lendemain de l'expédition des

Wiesbaden,
83 Cf. Bertold
1965; Die
Spuler,
Mongolen
Die Goldene
in Iran, 2e
Horde.
éd., Berlin
Die Mongolen
1955. - Nous
in Russland,
emploierons
1223-1502,
couramment
2e éd.,

le nom de Qipòaq pour désigner la Tartaria Aquilonaris, le pays soumis à la Horde d'Or.
88 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Mongols en Hongrie et comme sur les traces de l'armée qui se rep


entre le Don et la Volga, les missionnaires franciscains auraient repr
tâche interrompue par les Dominicains de Comanie, ce qui est peu vrais
blable. Rubrouck ne signale pas avoir rencontré de religieux latins à
daya, ni ailleurs; Plancarpin n'avait rencontré, en 1247-1248, d'autres La
que les quelques marchands qu'il signale à Kiev.
Mais il est probable que l'obstacle que voyait Rubrouck à la récep
de missionnaires en pays tartare, était moins décisif qu'il ne le croyai
confirmation, par l'Arménien Jean, de la nouvelle du baptême de Sa
était encourageante86. Aussi nous paraît-il vraisemblable d'admettre qu
travail missionnaire avait repris dès 1258.
D'autant plus qu'en 1278, le ministre provincial des Franciscain
Hongrie était à même de signaler au pape Nicolas III les nombre
conversions opérées par les Franciscains résidant chez les Tartare
pape, se préoccupant de permettre aux religieux de recevoir les or
sacrés, envisagea de rétablir un siège épiscopal détruit par les Mongo
dans le diocèse duquel il n'y avait plus ni évêque, ni habitants catholi
depuis plus de quarante ans : il s'agissait évidemment de l'ancien év
des Comans. Il ne semble d'ailleurs pas que le légat pontifical, Philipp
Fermo, ait donné suite à ce projet87. Mais le fait qu'il s'agît de relig
venus de Hongrie, et le projet lui-même, font apparaître cette mission
ciscaine chez les Tartares, comme la résurrection de la mission de Co
nie.

Seulement, la Hongrie n'allait pas rester longtemps la base des


sionnaires, même si beaucoup de ceux-ci, et des plus notables, allaient
ter hongrois88. Les relations de voisinage entre Hongrois et Mongols,
que traversées de quelques conflits armés, ne sont pas à exclure89, et il

Nubiens, Indiens, Sarrasins etc. Quant à ceux concédés en février 1258 aux Frères Prêc
par l'intermédiaire du provincial de Pologne pour évangéliser les Russes et les «païen
peuvent viser les Lithuaniens comme les Tartares. . .
86 Les détails donnés par le «chapelain de Sartaq» : la guérison miraculeuse de c
nier, obtenue par les prières des Arméniens, le baptême de 50.000 Tartares, sont évidem
sujets à caution; ils figurent dans la Vita Innocenta IV (Baluze, Misc., VII, p. 398).
87 Reg. Nie. III, n° 183 (Sbaralea, III, 347). Peut-être la clause de la lettre ponti
ordonnant de s'assurer de l'existence de revenus suffisant à un évêque, ne comporta
pas de réponse favorable. . .
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 89

certainement possible d'atteindre les résidences des princes mongols à par¬


tir des cols des Carpathes. Mais, depuis le milieu du siècle au moins, les
Occidentaux avaient pris l'habitude de naviguer sur la mer Noire - les mis¬
sionnaires dominicains destinés à la Grande-Hongrie n'auraient-ils pas eux-
mêmes, bien avant 1240, pris la route de mer de Constantinople à Matrega?
Rubrouck, déjà, débarque à Soldaya, en Crimée, pour se rendre auprès
de Sartaq; et il a été précédé par des marchands qui ont quitté Constanti¬
nople avant lui90. Mais, très vite, c'est Caffa qui devient le port que fréquen¬
tent le plus souvent les Occidentaux : un représentant du khan Bärkä auto¬
rise vers 1266 les Génois à établir un entrepôt dans un terrain qu'il leur
concédait dans cette ville où, bientôt, on voit instrumenter les notaires
génois91. Les missionnaires allaient suivre la même route, et la Crimée
devient pour eux le chemin normal vers les territoires de la Horde d'or. Et
le premier document qui émane des missionnaires latins du Qipcaq (si l'on
en excepte la lettre déjà citée du ministre provincial de Hongrie que nous
ne connaissons que par la réponse pontificale), la lettre de frère Ladislas,
custode de Gazaria - ce terme désignant la Crimée et surtout sa partie
méridionale92 - a été écrite à Caffa, le 10 avril 1287; elle était adressée au
frère Laurent, envoyé par les Franciscains de Tartarie auprès du ministre
général, pour lui donner des nouvelles93.
Celles-ci étaient favorables : une « impératrice », Yaïlaq, femme de
Nogaï, avait été amenée, lors de sa visite du couvent franciscain de Solgat -
la capitale mongole de la Crimée (Eski-Krim) - à se faire instruire dans la
foi, et elle avait reçu le baptême dans la ville de Qirqyer où elle avait fait
édifier un baptistère. Ce baptême, très solennel, administré par Ladislas et
par le gardien du couvent de Caffa, avait suscité la jalousie des prélats et

90 Soldaya avait un moment été occupée par les Turcs Seljuqides, après la conquête
qu'ils avaient réalisée de Sinope, sur la côte septentrionale de l'Asie mineure; et une route
Sinope-Soldaya est citée par Rubrouck (cf. Cl. Cahen, Le commerce anatolien au début du
XIIIe siècle dans Mélanges Louis Halphen, p. 94-95).
91 Bratianu, Recherches sur le commerce génois de la mer Noire au XIIIe siècle, Paris, 1929,
p. 205; Spuler, op. cit., p. 392 et 611; M. Balard, Gênes et l'Outre-mer, I, Les actes de Caffa du
notaire Lamberto di Sambuceto 1289-1290, Paris-La Haye, 1973 (Documents et recherches sur
l'économie des pays byzantins. . . et leurs relations commerciales au Moyen-Age, XII).
92 En dehors de la Gazaria (ce nom est tiré de celui des Khazars), l'état goth restait vassal
du Khan (la capitale de la Gothie étant au XVe siècle Théodoro, alias Mangup). Les Mongols
90 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

des clercs arméniens et grecs qui étaient cependant présents. Un no


mongol, fils d'un « commandant de mille », s'était lui aussi fait baptise
un lieu qu'on a identifié à Vicina, aux bouches du Danube94; et d'a
baptêmes avaient eu lieu.
De ce fait, le nombre des résidences franciscaines était déjà impor
des couvents s'élevaient dans les villes côtières de Soldaya (celui-l
attesté dès 1280) et de Caffa (attesté en 1287 et 1289); un autre à So
probablement un quatrième à Sarai, la lettre de Ladislas citant un a
gardien de ce couvent; des loca, simples résidences sans doute, à Qir
et à Vicum ou Vicina95.
Ladislas faisait part du décès de certains membres de la mis
l'ermite Tlieu, le Franciscain Urbain, qui était revenu du nestorianism
catholicisme, le clerc Nicolas, qui gardait avec l'ermite une chapelle
Nicolas, enfin l'interprète de Ladislas, le Hongrois Karichinus. Ceci lui
nait l'occasion de réclamer l'envoi de nouveaux missionnaires.
Parmi ces succès, il en était un qui était particulièrement significat
construction du couvent de Solgat, de son église et de son clocher,
suscité une vive opposition de la part des Musulmans du lieu, qui av
détruit l'église et la cloche. Les Franciscains en avaient appelé à la co
Sarai, d'où le frère Moïse était revenu triomphant : 1'«empereur» Töla-
et son mentor Nogaï avaient donné raison aux Franciscains, envoy
représentant qui, bien que musulman lui-même, s'était fait précéder
croixd'une96.
lieu et avait ordonné de reconstruire l'église en y plaçant trois cloch

Nogaï était converti à l'Islam; néanmoins la loi mongole exigeait l


pect de toutes les religions. Et les Franciscains de Khazarie expéri
taient déjà ce qui marquait la nouveauté de la situation missionnaire :
que, dans les dominations musulmanes, la sonnerie des cloches était

94 Le texte porte Vicum et Pelliot a exprimé quelques réserves sur l'identificatio


Vicina (Notes sur l'histoire de la Horde d'Or, p. 77-78) : encore byzantine au XIIIe siècle
ville n'aurait été occupée par les Mongols qu'en 1336-1338 (V. Laurent, Le métropo
Vicina Macaire et la prise de la ville par les Tartares, dans Revue hist, du sud-est eu
XXIII, 1940, p. 225). Un «chiliarque» mongol n'aurait donc pu y résider en 1286. Sur l'i
cation de Vicina (Golubovich, II, p. 572-573), voir aussi V. Laurent, Un évêque fantôm
Bitzina taurique, dans Echos d'Orient, XXVIII, 1939, p. 101-103 et C. C. Giurescu, The G
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 91

dite, et interdite aussi la prédication aux musulmans, les souverains mon¬


gols, même musulmans, laissaient cette prédication libre. Et la femme de
Nogaï elle-même se faisait baptiser.
Toutefois, la lettre de 1287 nous met déjà en présence d'une forte pré¬
dominance musulmane en pays Qipcaq. La dynastie régnante elle-même -
après avoir penché du côté du christianisme avec Sartaq, puis du côté
musulman avec Bärkä, qui avait, semble-t-il, fait quelque prosélytisme, mais
était mort au bout de peu d'années (1256-1267) - restait fidèle aux ancien¬
nes croyances mongoles; mais elle n'hésitait pas à frapper monnaie en
employant des formules musulmanes97. Parmi ses sujets «mongols», ou de
statut mongol, les chrétiens n'étaient pas rares; mais les Tartares du
domaine de la Horde d'Or étaient surtout des Turcs, souvent plus ou moins
islamisés. Les Comans, absorbés dans la masse tartare, comprenaient déjà
des éléments musulmans dont le prosélytisme n'avait pas été sans alarmer
Grégoire IX dès 123 1 98 ; les Bulgares de la Volga et bien d'autres prati¬
quaient l'Islam. Les progrès de cette religion allaient être un facteur dont
les missions du Qipcaq devraient tenir compte.
D'autre part, la lettre de Ladislas nous met également en présence des
rivalités entre confessions chrétiennes pour attirer à elle les Mongols, sou¬
verains ou notables. S'il est question d'un Nestorien revenu à l'union, Ladis¬
las parle aussi de la jalousie de l'archevêque des Arméniens et des Grecs.
Ces derniers, qu'il s'agisse des éléments byzantins qui avaient pu se mainte¬
nir dans l'ancienne Khazarie byzantine, ou des Russes, désormais sujets de
princes tributaires des Mongols, et jouissant de ce fait des avantages que
leur reconnaissaient la loi mongole, avaient très vite entrepris d'amener les
Tartares à la foi : un évêché avait été fondé à Saraï dès 1265; les bonnes
relations nouées dès le temps de Bärkä avec l'empire grec de Constantino¬
ple, avaient permis à l'évêque Theognoste, persona grata à la cour du khan,
d'être envoyé à Byzance et on enregistra de nombreux baptêmes, dont celui
d'un prince tartare (1298)". Quant aux Arméniens, il semble que, dès avant

97 Spuler, op. cit., p. 211-219. Sur les circonstances de l'adhésion de Bärkä à l'islam, nous
nous permettons de renvoyer à notre édude, La conversion de Berke et les débuts de l'islamisa¬
tion de la Horde d'Or, dans Revue des études islamiques, 1967, p. 173-184 : le Khwarezm - qui
relevait de la Horde d'Or - y joue un rôle capital.
98 Raynaldus, Annales ecclesiastici, 1231, § 40 (achat de Comans chrétiens réduits en
92 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

la conquête mongole, ils aient commencé à se répandre au long de la


qui, par la Crimée et à travers la Comanie, atteignait la Hongrie. Leurs
nies sont, au XIVe siècle, très importantes en Crimée, mais sans doute
dans bien d'autres régions du Qipcaq - nous les retrouverons dans
centrale, où la pierre tombale d'un évêque arménien, datée de 1324-13
été découverte dans le cimetière chaldéen de Pispek, comme en Ext
Orient et leur installation en Pologne est également précoce : ils e
dès avant 1356 un évêché à Lwòw100. On leur connaît des évêques à
un archevêque à Solgat101. Et, dès 1254, c'était un clerc arménien qui
venu annoncer à Alexandre IV le baptême de Sartaq, dont il se disait le
pelain, en faisant état des prières des Arméniens auxquels le prince m
aurait dû sa guérison miraculeuse I02. Le prosélytisme arménien auprè
Mongols était fort actif : Rubrouck avait pu constater l'ardeur de l'apos
du moine Serge auprès de Möngkä et, si ce dernier reçut effectivemm
baptême, comme l'affirme Haython, c'est un évêque arménien de la
du roi Héthoum 1er qui le lui aurait administré. Les Franciscains n'ét
donc pas les seuls à essayer de gagner les princes mongols : on les
même, en 1323, dénoncer les « schismatiques et hérétiques» comm
pires ennemis des missions latines103. Il ne faudrait pas pour autant
former cette rivalité en lutte permanente : au baptême de Yaïlaq, les
res séparés» assistaient.
Les Franciscains avaient obtenu d'un khan, qui doit être Mö
Temür (1267-1280), successeur de Bärkä, un jarliq qui fut renouvel

100 Féjer, Codex diplomaticus Hungariae, IV, 1, p. 307; Sdislaus Obertynski, Die Flore
Union der polnischen Armenier, dans Orientalia Christiana, XXXVI, n° 96, sept. 1934, p
suiv.; D. Chwolson, Syrisch-nestorianische Grabinschriften aus Semirjestie, dans Mém
impér. Saint-Petersbourg, 7e série, t. XXXVIII, n° 8, 1890, n° 100, p. 24 et p. 60 (un c
arménien au sud de l'Issyk-Koul?). Cf. J. Dauvillier, Les Arméniens en Chine et en Asie c
dans Mélanges Demiéville, II, 1974, et Y. Dachkevych, Les Arméniens à Kiev jusqu'à 1240
Revue des études arméniennes, X-XI, 1974-1976.
101 Sur la littérature religieuse des Arméniens du Qipèaq, cf. Edmund Tryjarski, Die
Brief des Paulus an die Korinther in armeno-kiptchakischer Version und seine Sprache
Altaica collecta. Berichte und Vorträge der XVI.P.I.AC, hggb. W. Heissig, Wiesbaden
p. 267-344. Ces Arméniens, qui adoptèrent un dialecte turc mêlé de formes slaves, son
doute en grande partie des convertis.
102 Supra, p. 88; l'évêque Bogos de Sarai cité avant 1321 ( Bullarium franciscan
p. 445). L'archevêque arménien du Qipèaq, Arakiel, ramené à l'Union en 1321 : Gobu
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 93

deux de ses successeurs, Toqtai (1291-1312) et Özbäg (le 30 mars 1314) ,04.
Les «sacerdotes latini qui suo more fratres minores vocantur» recevaient
l'exemption du service militaire, des corvées de charroi et de toute forme
d'impôt, conformément à la règle générale posée par Gengis-Khan105. Le
privilège spécifiait également que le khan prenait sous sa protection leurs
églises et leurs cloches - ces cloches qui devaient, peu après, susciter le
conflit que nous avons évoqué - Ce document assurait aux missionnaires
une situation régulière dans l'empire mongol de Qipcaq.
La « Tartarie du Nord » n'était cependant pas seulement pour les Latins
un terrain d'apostolat. C'était aussi le domaine que parcouraient des mar¬
chands de toute race, parmi lesquels, à côté de Musulmans comme cet al-
Karbalâi qui fut un des informateurs d'al-'Umari, on trouvait des Arméniens
et des Italiens. Le khanat de Qipcaq lui-même, et les territoires soumis aux
princes tributaires, leur offrait de riches ressources, depuis les fourrures
qu'on allait chercher chez les Mordves ou les Baskirs, jusqu'au poisson
séché de la région du Don et du Kouban, et sans oublier les esclaves dont
nous aurons à reparler. Mais il était aussi le point de départ des routes
menant vers l'Asie centrale, ces routes que décrivent les récits des voya¬
geurs et les manuels à l'usage des marchands. De Caffa ou de Soldaya, sur
la côte sud de la Crimée, ou de la Tana, à l'embouchure du Don dans la mer
d'Azov, partait la route qui, par les principales résidences des khans, la
Nouvelle-Saraï et Sarai, gagnait Saraicik, sur l'Oural, d'où on pouvait se ren¬
dre soit à Urgenj, sur l'Amu-Darya, et de là vers la Perse, soit à Otrar, sur le
Sir-Darya, et de là ou bien vers l'Afghanistan et les Indes, par Samarkand,
ou bien vers la Dzoungarie et la Chine, par Almaligh106.

104 Bihl et Moule, Tria nova documenta de missionibus F. M. Tartariae Aquilonaris, dans
Arch. fr. hist., XVII, 1924, p. 65 et suiv. L'auteur du privilège est appelé Culuk ; P. Pelliot a
montré que ce nom pouvait être l'un de ceux que porta Möngkä-Temür : en effet le texte du
Privilegium d'Özbäg, dont nous avons la traduction, le qualifie de progenitor noster (Notes sur
l'hist. de la Horde d'Or, p. 58-61).
105 Supra, p. 74.
106 Sur tout ceci, cf. K. Lech, Das Mongolische Weltreich. Al 'Umari Darstellung der mongo¬
lischen Reiche..., Wiesbaden 1968 (Asiatische Forschungen, 22), notamment p. 142-146;
W. Heyd, Histoire du commerce du Levant, trad. Furcy Raynaud, Leipzig 1885-1886, II, p. 156-
253; L. Petech, Les marchands italiens dans l'empire mongol; Β. Spuler, op. cit., p. 388-409, 413-
94 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

La présence des marchands ne pouvait qu'attirer les missionnaires


trouvaient en eux un appui certain107; toutefois, la desserte des chap
fréquentées par les Latins de passage n'avait de réelle importance que
les marchands résidaient en grand nombre et de façon permanente.
entendu, une ville comme Caffa, où on ne compta pas moins de deux
vents franciscains à partir de 1320, à côté de nombreuses autres com
nautés de rite latin, sans parler des églises d'autres rites, apparaît co
une véritable colonie latine, avant même de passer sous le contrôle p
que des Génois108. Mais, si les relations entre missionnaires et march
sont courantes, au point que le maître des Dominicains Bérenger de
dorre doit déplorer que les premiers entrent en association d'affaires
les seconds109, il n'en reste pas moins que l'activité essentielle de ce
réside dans la prédication aux Infidèles. Ce n'était pas pour fournir des
pelains aux marchands que le ministre général des Franciscains,
Bonagrazia, avait envoyé entre 1279 et 1284 un grand nombre de ses f
ad partes infidelium AquilonaresU0.
Il n'est pas surprenant que les résidences franciscaines s'échelon
au long des routes que suivent les marchands. Si nous prenons les list
couvents et des simples résidences (loca) qui furent dressées au XIV
cle111, nous les voyons nombreux sur la côte sud de la Crimée : à Solda
à Caffa, plus tard à Cimbalo (Balaklava) et Karasu. Sur la route qui m

107 Cf. Jean de Hildesheim, De gestis trium regum (dans Golubovich, II, p. 513) : mer
de Lombardia et aliis terris. . . trahunt hos ordines ad illas partes et eis. . . claustra fundant
un traité avec le khan de Perse Abu Said, les Vénitiens font stipuler le droit pour l
Latini d'avoir leurs chapelles : L. de Mas-Latrie, Privilège commercial accordé en 132
république de Venise par un roi de Perse, dans Bibl. Ecole des Chartes, XXXI, 1871,
Cf. R. Loenertz, La Société des frères pérégrinants, p. 30-34.
108 Les testaments publiés par M. Balard, en 1289-1290, ne connaissent encore que
Saint-François des Franciscains et l'hospice Saint-Jean. Comparer avec celui d'Obe
Pasamorte, de 1348 (éd. R. Bautier, op. cit., p. 321-322). Cf. aussi Bratianu, Actes des n
génois de Péra et de Caffa, Bucarest 1927. Sur la situation de Caffa, cf. R. Bautier,
p. 273-278. Les Musulmans y étaient très minoritaires : Ibn Batoutah, Voyages, II, p. 35
109 Reichert, Litterae encyclicae, p. 313. - Notre confrère R. Bautier nous a signalé u
où l'on voit le Dominicain Thomas Mancasola, à la Tana, en relations commerciales a
marchand de Plaisance, sa ville natale, Roberto de Ripalta (cf. infra, p. 162, n. 145).
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 95

des bouches du Danube à la Crimée, on trouve ceux de Vicina et ceux, plus


tardifs, de Moncastro (Akkerman)112 et Ylice; à l'intérieur de la Crimée, sur
la route de Sarai, ceux de Solgat et de Qirq-yer; d'autres sur la côte du Kou-
ban et de l'Abkhazie, ne nous retiendront pas ici. Mais nous trouverons dès
1320 des résidences sur la route qui mène vers le pays des Mordves et des
Baskirs, à Ükäk et à Veler qui est peut-être Bolghar113. Et, sans parler du
couvent de Sarai qui existe dès 1286, on voit d'autres postes de mission à
Astrakhan, à Aksaraï114, à Urgenj, à Almaligh, sur la route de la Chine.
On est moins bien renseigné sur les résidences dominicaines, en
dehors des couvents de Caffa et de la Tana : trois autres existaient vers
1320. Et le fait qu'un traité entre Venise et la Horde d'Or ait été traduit du
turc («coman») par un Dominicain polonais résidant à la Tana, en 1333,
atteste que les Frères Prêcheurs, aussi, s'adonnaient à l'apostolat auprès des
indigènes. Peut-être cependant leur installation est-elle tardive (ils ne
paraissent pas encore dans les actes reçus par les notaires génois en 1289 et
1290) 115.

112 La forme Mavrocastro, couramment reçue, n'est par la forme originelle: on trouve
dans nos textes Malvocastro, Moncastro, voire, dans un document de 1351, Mahocastro - à côté
de Urctna qui est Vicina (Atti della società ligure di storia patria, XXVIII, p. 558). Cf. Desimoni,
Nuovi studi sull'atlante Luxoro, dans Atti della società ligure, 1868, p. 247; Bratianu, Recherches
sur le commerce génois de la mer Noire au XIIIe siècle, Paris 1929, p. 246. L'identification avec
Akkerman (Cetatea Alba), été mise en doute par J. Bromberg, Du nouveau sur les princes de
Theodoro - Mangoup en Gothie criméenne (Byzantina-Metabyzantina , I, 1946, p. 70-71), du fait
que cette ville est donnée comme en « Gazarie » et que ce nom désigne la partie méridionale
de la Crimée. En fait, l'expression paraît être employée aussi pour définir la portion du litto¬
ral de la mer Noire comprise entre le Danube et le détroit de Kertch.
113 Pelliot, Notes sur l'hist. de la Horde d'Or, p. 137, note.
114 Un locum de Acsaray figure en 1390 comme relevant de la custodie de Saraï dans le
Liber conformitatum de Barthélémy de Pise (Archiv . Francisc. hist., IV, p. 556-557 ; Golubovich,
II, 272). Golubovich propose d'y reconnaître la Nouvelle Saraï (Tsarev), tandis que Saray
serait la Vieille Saraï (Selitrennoyé, près d'Astrakhan) (II, p. 541-542). Ceci est très douteux, la
Saray de nos documents, résidence des khans du XIVe siècle étant certainement la ville fon¬
dée par Bärkä et non la résidence de Batu. Aq-saraï (le palais blanc) est un nom assez
répandu. Faut-il supposer qu'il correspondrait ici au couvent Saint-Jean près Saraï, que citent
les listes plus anciennes (II, 267-268) et qui est absent du Liber conformitatum ? Un texte armé¬
nien suggère plutôt l'identification d'«Akhsaray qui est entre Astrakhan et Kazan» avec la
Vieille Saraï où des gens d'Ani auraient été déportés (M. Cazacu et K. Kévonian, La chute de
96 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

De cet apostolat, quelques lettres donnent une description


vivante116 : le frère Johanca, hongrois, écrivait en 1320 du pays des Bas
au ministre général en opposant la vie des frères vivant dans les cloî
qui prêchaient, administraient les sacrements, et rachetaient des captif
celle des frères qui s'étaient adaptés à la vie errante, castra Tartaro
sequendo. Avec trois compagnons, un Anglais et deux Hongrois, il était p
pour la Baskirie, où les basqaq mongols, païens mais frottés de nest
nisme, les avaient accueillis avec une faveur qui contrastait avec l'host
du prince local, mahométan, qui les avait un moment fait incarcérer, p
avoir invectivé Mahomet; des seigneurs baskirs, qui avaient fréquent
Franciscains à Saraï, demandaient des missionnaires. Et un gouver
mongol du pays de Sibir (la région du Tobol, pays fertile et froid, où
allait en traîneau attelé de chiens), avait demandé à ses collègues du
baskir, l'envoi de deux des quatre religieux latins vivant dans leur gou
nement pour répondre à un mouvement de conversion inauguré par
clerc russe, en leur promettant de leur construire des églises. Et Johan
plaignait de n'avoir pu répondre à toutes ces invitations, appelant de
veaux missionnaires (de préférence, pour des raisons linguistiques,
Anglais, des Allemands ou des Hongrois)117. Une autre lettre, adressé
1323 aux cardinaux, aux prélats de l'Eglise romaine et au chapitre gén
des Frères mineurs, parlait d'un religieux allemand qui, en suivant
« camp », sous l'habit tartare, avait baptisé toutes les familles, enlevant
tre-vingt-treize idoles. Cette lettre aussi faisait appel à des missionnaire
préférence Hongrois, Allemands et Anglais, puisque les plus nombre
répondre à ces appels, les Français et les Italiens, avaient trop de pei
apprendre la langue turque. . . 118. En 1321, on signale le baptême d 'Est
dominus totius Baschardiae : Johanca avait donc obtenu de nouv
conversions119.
La prédication assurée par des religieux qui adoptaient la vie nom
en se déplaçant au rythme de leurs ouailles, semble avoir eu un grand
cès. Ces Frères, établis dans des loca mobilia in papilionibus, dont on r

116 Une lettre d'Hugues Panziera de Prato (1312) ne nous est pas parvenue : Archivu
trum praedicatorum, II, p. 630.
117 Bihl et Moule, Tria nova documenta. . . , dans Archiv, franc, hist, XVII, 1924, p. 55
La description de la Sibérie rappelle celle du « pays des Ténèbres » d'Ibn Batoutah (éd.
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 97

sait cinq dans le Liber Historiarum de Jean Elemosyna, en 1335, autrement


dit vivant sous la tente et se déplaçant en utilisant les chariots des noma¬
des, auxquels ils administraient les sacrements120, constituaient l'élément le
plus original des missions de Tartarie Aquilonaire121.
L'autre trait original consistait dans l'achat de jeunes esclaves par les
couvents; dans cet empire du Qipcaq où le commerce des esclaves était si
répandu et si actif que même les parents, prétendait-on, vendaient leurs
enfants122, c'était là un procédé couramment utilisé (on sait que les Mame-
lûks d'Egypte achetaient systématiquement des adolescents appartenant
aux peuples de cette région, pour les élever dans l'Islam et y recruter leurs
soldats). Convertis au christianisme, ils recevaient la cléricature, certains
devenaient convers ou même frères dans l'ordre franciscain. Et, dans ces
missions où la question des langues se posait avec acuité, les Franciscains
pouvaient ainsi disposer de catéchistes ou d'interprètes123.
La connaissance des langues parlées dans le domaine où ils étaient
appelés à prêcher, et tout particulièrement du turc, apparaissait, dans les
lettres que nous avons citées, comme essentielle pour les missionnaires du
Qipcaq. Rubrouck, qui avait dû passer par des interprêtes (en encore avait-
il eu la chance de trouver Guillaume Boucher à la cour mongole!), soupirait
après l'emploi de bons interprêtes. Il était plus simple de familiariser les
religieux avec la langue turque. On sait comment un Franciscain espagnol,
envoyé en Tartarie, fait en 1335 un séjour au couvent de Saraï pour y
apprendre cette langue124. Mais le principal témoignage de l'effort des mis¬
sionnaires dans ce domaine, reste le Codex cumanicus, qui paraît avoir été

120 Golubovich, II, p. 107.


121 II n'est malheureusement pas possible de savoir à quel moment cette formule fut
adoptée, et dans quelle mesure elle se développa. Peut-être ne fit-elle son apparition que
dans les premières année du XIVe siècle.
122 K. Lech, op. cit., p. 140-145; Ch. Verlinden, La colonie vénitienne de Tana, centre de la
traite des esclaves au XIVe siècle et au début du XVe siècle, dans Studi in onore di Gino Luzzato,
Milan 1950, II, p. 1-25 et Aspects de l'esclavage dans les colonies médiévales italiennes, dans
Hommage à Lucien Febvre, t. II, Paris 1953, p. 91-103; Heyd, op. cit, p. 556-563.
123 C'est ainsi que Jean de Hildesheim, parlant des marchands italiens, écrit : et ipsi merca-
tores adducunt secum de diversis terris et locis juvenes pueros, Unguis diversis eruditos, quos tra-
dunt ordinibus, qui tune ab eis non possunt alienare vel apostatare (Golubovich, II, 153). Cf.
A. Van den Wyngaert, Méthode d'apostolat des missionnaires des XIIIe et XIVe siècle en Chine,
98 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

rédigé en 1330, et que connaissent bien les linguistes125. Constitué d'un


saire latin-persan-turc, d'abord classé alphabétiquement, puis
matière126, d'éléments de grammaire, de textes turcs qui sont les com
taires des évangiles, des hymnes notés, des prières, et complété par un
saire turc-allemand, ce codex peut nous apparaître comme la préfigur
du travail lexicographique auquel les missionnaires de l'époque mod
ont consacré tant de leurs efforts. Il contribue à donner ses caractère
ticuliers à la mission du Qipcaq laquelle, dès le XIIIe siècle comm
début du XIVe siècle, s'adresse avant tout aux « païens » et tend à const
parmi eux, des communautés chrétiennes dont les missionnaires
l'âme.

c) La mission de Perse au temps des Il-Khans

A la différence du Qipcaq, constitué très tôt en khanat quasi auto


au profit de la maison de Jöci, fils aîné de Gengis-Khan, les partes Orie
de l'empire mongol restèrent longtemps sous la domination direc
Khan suprême127. Un commandant en chef, Cormaqan, puis Baiju, ré
au sud du Caucase; un commissaire du grand khan, Älgigidäi, puis A
préposé à la levée des tributs, s'était installé à Tabriz; la Géorgie et la
quie seljuqide, vassalisées, étaient souvent divisées entre des souve
rivaux; les Etats musulmans d'Iraq, de la Djéziré, du Fars, le royaume
tien d'Arménie s'étaient soumis aux conquérants tout en gardant un

M. VI.
125 Drimba
La date ( Sur
communément
la datation de
adoptée
la première
(1303)partie
a été
du corrigée
Codex cumanicus,
de façon communicatio
fort ingénieu

sentée à la 17e réunion de la P. I. A. C., Bad Honnef, 1974). Le fac-similé du Codex a été
par les soins de Kaare Grjànbech, Codex cumanicus. Cod. Marc. Lat. DXLIX, Copenhagu
C Monumenta linguarum Asiae maioris, I). Cf. aussi G. Györffy, A propos du Codex cum
dans Analecta Csoma de Körös, ( Bibliotheca orientalis hungarica, V), Budapest 1942, p. 1
Bibliographie dans D. Sinor, Introduction à l'étude de l'Eurasie centrale, Wiesbaden
p. 104-105. Cf. Golubovich, p. 1-28.
126 L'importance du vocabulaire propre aux termes concernant 1'«épicerie» et les
res a fait penser à certains auteurs que le Codex avait pour destinataires des marchand
l'ouvrage, écrit ad honorem Dei et sancti Johannis evangeliste, apparaît comme essentiel
religieux.
127 Nous avons essayé de présenter une synthèse des résultats acquis par la recher
ce qui concerne les relations de la Papauté et des Mongols de Perse, spécialement d
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 99

plus d'autonomie (l'Arménie avait réussi à se faire exempter, des lourdes


prestations de la «poste» mongole)128. Mais tout cela avait changé du jour
où Möngkä monta sur le trône. L'attribution à son frère Hülägü, en 1251,
des territoires compris entre l'Amu-Darya et l'Egypte, en qualité de vice-roi
(Il-Khan), laissait entrevoir non seulement la fin du régime précédent, mais
l'extension de la conquête; si le roi Héthoum était venu lui-même apporter
au grand-khan la promesse de son aide (1254-1255), Hülägü, qui se déplaçait
lentement, au rythme des véritables migrations que représentait la marche
d'une «horde», atteignait en 1256 le pays des Assassins du Mazandéran dont
il détruisait la principauté. Le patriarche de Jérusalem se rendait alors
auprès d'Alexandre IV pour lui exposer ses craintes129; les Mongols, cepen¬
dant, assistés de leurs vassaux, arméniens, géorgiens ou musulmans, détrui¬
saient Bagdad et supprimaient le khalifat (février 1258), conquéraient la
Haute-Mésopotamie (1259) avant de faire tomber Alep, Horns, Damas et
Naplouse (mars-avril 1260).
Malgré les dévastations et les excès qui accompagnaient l'invasion, la
chute des dominations musulmanes oppressives faisait exulter les chrétiens
indigènes, tout heureux de trouver des coreligionnaires parmi les chefs de
l'armée conquérante, et retrouvant la liberté de leur culte, grâce aux nou¬
veaux maîtres qui les employaient volontiers130. Le catholicos chaldéen de
Bagdad, l'archevêque syrien d'Alep, n'avaient pas été les derniers à faire
acte d'obédience. Et le prince d'Antioche Bohémond VI, que son beau-père
le roi d'Arménie avait convaincu de se joindre aux Mongols, non content de
se faire rendre les territoires perdus par ses ancêtres (en particulier Latta-

128 Quand Plancarpin recevait de Giiyiik l'invitation à faire acte de soumission (1246) les
envoyés du khalife de Bagdad et des rois de Géorgie en recevaient autant (Bar Hebraeus,
Chron. eccl. I, p. 525).
129 Rodenberg, Epistolae saeculi XIII, III, p. 415 (12 février 1257). Sur un texte qui avait
couru peu auparavant (1251/1253) dans l'Orient latin, annonçant une nouvelle invasion d'un
peuple mystérieux, se donnant pour l'exécuteur des châtiments apocalyptiques, cf. notre arti¬
cle, Une lettre concernant l'invasion mongole ? (Bibl. Ecole des Chartes, CXIX, 1961, p. 243-245),
corrigé et complété dans nos Ultimatums mongols et lettres apocryphes ( Central Asiatic Journal,
XVII, 1973, p. 221-222).
130 De même que les membres des autres minorités, juives ou shi'ites. Cf. J. Fiey, Chré¬
tiens syriaques entre Francs et Mongols, dans Orientalia christ, analecta, n° 197, 1974, p. 334-341.
100 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

kié), faisait célébrer dans une mosquée de Damas transformée en égl


messe en rite latin. . . et se faisait excommunier par le légat pontifical,
gné tant de la soumission du prince aux Mongols (un résident mongol
talla à Antioche) que de la réinstallation dans sa capitale, du patri
grec Euthyme, alors excommunié par le patriarche latin131.
Car, si les Latins d'Antioche avaient opté pour les Mongols, ceu
royaume de Jérusalem, invités à se soumettre, s'étaient décidés à rési
ceux-ci : ils laissèrent le passage à l'armée des Mamelûks qui battir
tuèrent à 'Ain Jalüd le chef du contingent laissé par Hülägü en Syrie, l
torien Kitbuqa (3 septembre 1260) 132. La Papauté les encourageait
cette attitude, ne pouvant imaginer que les envahisseurs étaient anim
Orient d'intentions différentes de celles que l'on prêtait à leurs congé
qui assaillaient alors l'Europe de l'Est133.
On sait maintenant134 que l'attitude des barons francs était m
ferme qu'il le semblait : dès l'arrivée des Mongols en Syrie, ou p
temps après, le légat Thomas Agni de Lentino s'était décidé à envoye
Dominicains auprès de l'Il-Khan. Et Hülägü, initialement peut-être
mal disposé envers les Francs135, avait accepté de promettre la resti
au royaume de Jérusalem des terres conquises sur celui-ci par les M
mans (comme il l'avait fait pour Antioche), probablement en échange
reconnaissance de sa suprématie et au moins d'un traité d'alliance. C
amena Hülägü à envoyer au pape, sans doute en 1263, des ambassa
qui furent interceptés par le roi de Sicile Manfred, à l'exception d'un

131 R. Grousset, Histoire des Croisades et du royaume franc de Jérusalem, t. III, Par
p. 577-603; Cl. Cahen, La Syrie du Nord à l'époque des Croisades, p. 685. L'excommun
devait être levée le 26 mai 1263. Cf. aussi Cl. Cahen, op. cit., p. 703-705.
132 Math. Paris, éd. Luard, V, p. 654 (Röhricht, Geschichte des Königreichs Jer
p. 910); H.-F. Delaborde, Lettre des Chrétiens de Terre-Sainte à Charles d'Anjou, dan
Orient latin, II, 1894, p. 207; Recueil des Historiens des Croisades, Hist, Occ., II, p. 636; G
d'Akanë, History of the nation of the archers, éd. Black et Frye, dans Harvard Journal of
studies, XI, 1949, p. 349.
133 Le generale negotium Ecclesiae contra Tartaros est cité au chapitre général des
ciens de 1261, Cf. J. Richard, The Mongols and the Franks, p. 51-52.
134 Grâce à la découverte par l'abbé Borghezio du texte établi par le notaire R
interprète de l'Il-Khan, à l'intention du concile de Lyon, maintenant édité par B. Robe
Tartaren auf dem 2. Konzil von Lyon, 1274, dans Annuarium hist, conciliorum, V, 1973,
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 101

hongrois qui parvint auprès d'Urbain IV. Celui-ci fut ainsi en mesure de féli¬
citer le prince mongol des espoirs de conversion qu'on lui laissait entre¬
voir136.
Le principal agent de ce retournement de situation, le Dominicain
anglais David d'Ashby, chapelain de Thomas Agni, accompagnait les
envoyés de l'Il-Khan au concile de Lyon. Le rapport présenté au concile
nous apprend comment Hülägü accueillit très favorablement les envoyés
du légat; David bénéficia de conversations intimes, au cours desquelles le
chef mongol lui révéla ses sentiments favorables au christianisme, et ses
bonnes intentions envers les Latins. Il semble que, depuis son arrivée
auprès de l'Il-Khan jusqu'en 1274, David d'Ashby demeura auprès de
Hülägü et de son successeur Abaqa, assistant à leurs campagnes, et en
tirant des enseignements qu'il consigna dans un opuscule, Les faits des Tar-
tares, aujourd'hui malheureusement perdu137.
Il ne saurait ici être question de suivre dans ses détails l'histoire de la
politique des Il-Khans dans leurs rapports avec les Chrétiens d'Occident138.
Leur désir de venir à bout de la résistance que leur opposaient les Mame-
lûks d'Egypte, rebelles aux invites à la soumission et, de surcroît, cham¬
pions d'un Islam tendu dans la lutte contre les Mongols destructeurs du
khalifat abbasside, les amenait à souhaiter la coopération des Latins. Mais
l'effondrement de la puissance militaire des Etats latins d'Orient et du
royaume d'Arménie, réalisé entre 1263 et 1272 par les campagnes du sultan
Baîbars, et facilité par la guerre qu'Hülägü et son successeur Abaqa
devaient soutenir contre le khan de Qipcaq, ne leur laissait d'autre
concours possible que celui des souverains de l'Europe occidentale eux-
mêmes, sous la forme d'une croisade. L'engagement pris par Hülägü, de
restituer la Ville Sainte et l'ancien royaume de Jérusalem aux Latins était la
base de l'accord - Ghazan s'y tenait encore en 1299-1301 -. Et les Latins,

136 Si cette lettre (le bref Exultavit cor nostrum ) paraît bien dater de 1264, la date de la
mission des Dominicains auprès de Hülägü reste plus vague.
137 Clovis Brunei, David d'Ashby, auteur méconnu des «Faits des Tartares», dans Romania,
LXXIX, 1958, p. 39-46. C'est M. Brunei qui a identifié l'auteur avec le Dominicain, chapelain
du patriarche de Jérusalem et son envoyé auprès de Hülägü.
138 A l'article classique d'Abel Rémusat, Mémoires sur les relations des princes chrétiens et
spécialement des rois de France avec les empereurs mongols (Mém. de l'Institut, Académie des
102 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

surtout sous l'impulsion du pape Grégoire X139, qui convoqua le sec


concile de Lyon en vue de la croisade et y vit paraître des envoyés t
ree 140, étaient eux-aussi en principe prêts à cette coopération, qui se r
lait beaucoup plus difficile à réaliser qu'à concevoir.
Ce climat de préparation à une coopération étroite (dans leurs
ports, les Occidentaux familiarisés avec le monde mongol vont jus
signaler les erreurs psychologiques à éviter au cours de campagnes me
en commun) se révèle par d'incessants échanges d'ambassadeurs, et par
manifestations de bonne volonté, qui créaient des conditions très fav
bles aux activités missionnaires.
L'espoir de gagner les Il-Khans eux-mêmes à la foi chrétienne n'
pas le fait des seuls Latins. De fait, nous savons que les dynastes mon
établis en Perse étaient personnellement acquis au bouddhisme : un
d'entre eux, Täküdär (1282-1284), passa à l'Islam; et ceci suscita une
lente réaction où il devait périr, tandis que le grand-khan Qubilai marq
sa préférence pour son rival Argun en renvoyant à celui-ci, avec un dipl
d'investiture, son conseiller chrétien, le célèbre 'Isa, Syrien fixé en Chin
Des pagodes et des couvents bouddhistes s'élevèrent en Iran, et les
gieux bouddhistes (les baxites) sont connus des missionnaires latin
Mais, outre leur respect de la tolérance édictée par la loi gengiskhanide
Il-Khans subissaient l'influence d'épouses ou de mères chrétiennes,
nestoriennes, soit byzantine comme la Despina-Khatun, Marie Paléolo
épouse d'Abaqa, qui fit créer un évêché grec à Tabriz143. Et il n'est pas e
$u'au moins Hülägü, si l'on en croit le double témoignage de l'Armé
Vartan et de David d'Ashby, ait songé à recevoir le baptême. Il n'est
impossible, comme on l'a parfois avancé, que les souverains mongols, i
avec leurs troupes au milieu de populations ne pratiquant ni le b
dhisme, ni le chamanisme, aient pu songer à s'appuyer sur l'élément
tien, encore nombreux dims les régions caucasiennes et mésopotamie

Revue
139 hist,
V. Laurent,
du Sud-est
La européen,
croisade etXXII,
la question
1945, p. d'Orient
106-137. sous le pontificat de Grégoire X,

140 B. Roberg, art. cité, et nos Chrétiens et Mongols au concile.


141 La lettre d'Argun au pape (1285) est remarquable par le souci que manifeste l'Il
de montrer la régularité de son investiture (Chabot, Notes, p. 570-571). Sur 'Isa, cf. P. P
Chrétiens d'Asie centrale et d'Extrême Orient, dans T'oung pao, 1914.
142 Sur le bouddhisme chez les Mongols de Perse, cf. Monneret de Villard, Il libro
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 103

où ils résidaient, au moment où ils étaient affrontés à un Etat qui se disait


« l'empire de l'Islam » 144. En tout cas, les papes ne cessèrent, dans leurs let¬
tres, d'inviter les Il-Khans à embrasser le christianisme : dans le bref Exul-
tavit de 1264, Urbain IV chargeait le patriarche de Jérusalem de baptiser
Hülägü si celui-ci donnait suite à son projet de conversion. En 1278, Nico¬
las III chargeait Gérard de Prato et ses compagnons d'administrer le bap¬
tême à Abaqa après s'être assurés de ses intentions. En 1288, Nicolas IV
envoyait à Argun un exposé de la foi chrétienne, en l'invitant à recevoir le
baptême, sans attendre pour cela d'avoir pris Jérusalem (car on lui avait
fait entendre que l'Il-Khan voulait se faire baptiser dans Jérusalem prise
avec le concours des chrétiens)145.
Jean de Montecorvino n'ayant rapporté à Rome que des affirmations
des bonnes intentions d'Argun, Nicolas IV renouvelait en 1289 son envoi
d'un abrégé de la foi et d'une invitation au baptême146. Cette fois, l'Il-Khan
jugea nécessaire de préciser qu'il n'avait pas embrassé la foi chrétienne,
comme le croyait son correspondant147.
Argun faisait allusion à l'insistance des sollicitations dont il était l'objet
de la part du pape, qui se référait à l'exemple du père et du grand-père de
l'Il-Khan pour l'inviter à suivre leurs traces en recevant le baptême, et à
l'espèce d'irritation dont témoignaient les lettres pontificales. Il essayait de
faire admettre à son correspondant la convergence des exigences morales
du christianisme et des « ordres du ciel éternel » 148, et s'exprimait ainsi :
« Maintenant, disant que je ne suis pas entré dans le silam (c'est-à-dire : que
je n'ai pas reçu le baptême), tu t'offenses et tu te livres à des pensées (de
mécontentement); (mais), si uniquement on prie le Ciel éternel et si l'on
pense comme il sied de le faire, n'est-ce pas comme si l'on était entré dans
le silam?». Il apparaît donc qu'aux yeux de l'Il-Khan, l'adhésion au christia-

144 On sait en effet que telle était la dénomination officielle de l'état des Mamelûks dont
le souverain était en principe le Khalife, depuis son origine et surtout depuis l'installation au
Caire par Baîbars d'un « Abbasside ». - Sur cette perspective, cf. St. Runciman, A history of the
Crusades, III, Cambridge 1954, p. 313.
145 Sbaralea, IV, p. 6-7 (le pape écrivait en même temps à deux « reines » en les félicitant
de leur fidélité à la foi chrétienne et en les invitant à la répandre). Cf. Chabot, Notes, p. 581-
585.
146 Id, p. 88; Chabot, Notes, p. 595-599.
147 Cf. A. Mostaert et F. W. Cleaves, Trois documents mongols des archives secrètes Vatica-
104 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

nisme n'était pas indispensable, et il manifestait clairement qu'il n'était


aussi disposé à cette adhésion que l'affirmaient tant de gens autour de
Nicolas IV n'en récidiva pas moins, en août 1291, en chargeant
ambassadeurs, les Franciscains Guillaume de Chieri et Mathieu de Ch
de lettres pour l'Il-Khan l'exhortant à nouveau au baptême, et le félici
d'avoir laissé baptiser un de ses fils - Kharbandä, le futur khan Ölgäi
qui aurait reçu le nom de Nicolas, précisément en l'honneur du pape
une autre lettre, destinée au baptisé, lui recommandait de rester fidèle
traditions mongoles; d'autres, adressées à ses deux frères, les invitaient
foi; deux reines, « Anichohamini » (Uruk-Khatun) et Dathani-Kha
étaient, elles, incitées à décider ceux-ci à se convertir. Et le pape écrivai
même
ce sens150.
temps à tous ceux qui, dans l'entourage d'Argun, pouvaient agi

Argun était mort avant de recevoir ce message, et ses successeurs


khâtu et Bâidû ne firent que passer sur le trône. On sait que Ghazan, p
triompher de Bâidû, et eu égard à l'importance croissante des élém
musulmans, dut se décider à embrasser l'Islam en 1295; le jeune «Nico
passa lui aussi au mahométanisme : si les échanges d'ambassades et de
tres ne cessèrent pas entre les papes et les khans de Perse - désor
indépendants du grand-khan -, s'ils furent même particulièrement a
pendant la campagne de Syrie où Ghazan fit appel aux Latins pour v
occuper la Terre-Sainte (à laquelle il avait peut-être donné le Pisan Zol
Anastasio pour gouverneur)151, l'espoir de convertir les dynastes mon
par l'envoi de messagers chargés d'exposés de la foi (dont ils avaient
sion, nous l'avons déjà vu, d'expliquer les termes pour convaincre l
interlocuteurs) devait être abandonné.
Pour parvenir au résultat espéré, les papes avaient aussi essayé de
muler le zèle des femmes chrétiennes des Il-Khans (c'est sans doute U
Khatun qui avait fait baptiser son fils sous le nom de Nicolas). Ils ava
aussi eu recours aux Latins employés par les Il-Khans. Ceux-ci, en e
avaient à leur service des interprètes : Rychaldus, qui faisait parti
l'ambassade interceptée en 1264, et de celle de 1274, était interpres La

149 Les écrivains orientaux mentionnent ce même baptême, mais donnent au bapt
nom de Theodosios. Cf. Pelliot, «Isol le Pisan», dans Journal Asiat., 1915, II, p. 495-497.
150 Sbaralea, IV, p. 277-285. - C'est en même temps que le pape annonçait à Arg
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 105

rum et sans doute identique au scriba latinus dont l'absence avait amené
Abaqa à envoyer au pape une lettre écrite en mongol, sans traduction152.
Nicolas IV écrivait en 1288 une lettre aux interprètes d'Argun; en 1289 et
1291, à un personnage qui semble du plus haut rang, Zolo de Pise, qui
devait être le parrain, ou le gouverneur, du jeune « Nicolas » et dont Rasid
al-Dïn a dit la haute position à la cour mongole153. Car il existait, à côté des
mercenaires employés comme arbalétriers ou comme marins en compa¬
gnies organisées, des aventuriers qui avaient cherché fortune à la cour de
l'Il-Khan, parfois après avoir fait du commerce dans ses Etats - à la
manière de Marco Polo154-. On pouvait escompter leur dévouement à la
cause de la chrétienté et du christianisme.
C'est parmi eux que les princes mongols choisissait certains de leurs
envoyés aux cours chrétiennes, tant parce qu'ils pouvaient s'entretenir
directement avec leurs compatriotes, que pour se concilier la sympathie de
ceux-ci. Et des Chrétiens de rites orientaux étaient eux aussi choisis pour
cette dernière raison. Salomon, « garde de la Sainte Eglise de Dieu en notre
cour», en 1268, ou Sabadin, l'un des envoyés d'Argun en 1288, sont dits
archaon, le mot mongol ärkä 'Un, venant du grec αρχηγός, désignant un
chrétien, d'ordinaire nestorien155. Et l'évêque Barçauma, en 1288, était bien
le mieux choisi pour prouver les sympathies chrétiennes d'Argun. Mais,
quand les Mongols chargés d'une ambassade auprès du pape n'étaient pas
chrétiens, ils ne faisaient pas de difficulté à se laisser baptiser - tels ceux
qui reçurent solennellement le baptême au concile de 1274, ou bien les
compagnons de Buscarél de Gisolf, Zagan et Kourji, qui furent baptisés en

152 E. Tisserant, Une lettre de l'Il-Khan de Perse Abaga adressée en 1268 au pape Clément TV,
dans Mélanges Lefort (Muséon , LIX, 1946, p. 547-556). Clément IV avait écrit à Abaqa pour
l'avertir que nul n'avait su lire sa lettre (1267).
153 Le pape écrit aussi à des Chrétiens indigènes, tel le médecin de l'Il-Khan, Suffreddin.
Jean de Bonastro, autre destinataire des lettres de 1289 et 1291, figure déjà en 1288 parmi les
interprètes. Cf. notre article cité sur Isol le Pisan.
154 Ces personnages sont surtout connus par leur envoi comme messagers. Cf. L. Petech,
Les marchands italiens dans l'empire mongol, p. 561-564. Sur les arbalétriers latins employés au
siège d'Hérat : J. Richard, About an account of the battle of Hattin, dans Speculum, XXVII, 1952,
p. 173-174. Sur les marins génois qu'Argun chargea d'intercepter le commerce entre l'Inde et
l'Egypte, J. Richard, Les navigations des Occidentaux sur l'Océan Indien et la mer Caspienne,
106 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

1289 sous les noms d'André et Dominique156. Et le premier d'entre


devient lui aussi l'un des destinataires des lettres pontificales. . .
Le passage de Ghazan à l'Islam fut ressenti en Occident comme un
nement grave : si l'on suit l'interprétation de M. Dupré-Theseider, les
tula fidei écrits à l'instigation du pape Boniface VIII par l'Augustin Gill
Rome, à l'intention du Tartarus major qui voulait christianam tollere f
seraient un document élaboré à l'occasion de la mission domini
envoyée en pays infidèle, avec la bulle Immaculata lex Domini du 10
1299 157. De fait, la conversion du khan entraînait en principe celle d
sujets, du moins de ses sujets « mongols » : nous savons que les Mongo
l'empire de Perse reçurent l'ordre de se faire musulmans, ce qui eut
résultat paradoxal le passage dans l'empire mamelûk de tout un contin
d'Oïrat, partisans de l'Il-Khan Baidu, renversé par Ghazan, lesquels
saient au moins provisoirement cette conversion forcée158. Mais les sy
thies chrétiennes des souverains n'étaient pas éteintes, et Jean XXI
1321, écrivant à Abu-Saïd (Boyssethan ), adressait en même temps une
à un émir chrétien, fidèle à Rome, du nom de Cothulotoga, certaine
mongol ou turc. Ce personnage témoigne de l'existence de quelque
ments restés chrétiens dans l'aristocratie mongole159.
L'un des avantages que le régime de tolérance des Il-Khans avait
rés aux missionnaires, c'était la possibilité de prêcher aux Musulma
pays à prédominance musulmane, car on pouvait compter à l'occasio
l'intervention des Mongols chrétiens tout disposés à réprimer éner

156 Abel Rémusat, ouvr. cité, p. 362-381.


157 Eugenio Duprè-Theseider, Bonifacio Vili e l'azione missionaria, dans Glaube. Geis
chichte. Festschrift für Ernst Benz, Leiden, 1967, p. 506-512 (sans identification du desti
qui, selon nous, ne saurait être que Ghazan).
158 Makrizi, Hist, des sultans mamlouks, trad. Quatremère, II, 2, p. 29; cf. B. Spuler,
p. 219-222.
159 Bull. Francisc. V, p. 452; Fontes, VII, 2, p. 58. Sur le nom de «Cothulotoga» (Q
Togha?), cf. Pelliot, Notes sur l'histoire de la Horde d'Or, p. 69-70 : Qutlugh-Shâh, dans le
de la campagne de 1299-1301, est appelé Cotholossa. RaSid al-Dîn signale d'ailleurs la m
tude dont fit preuve Ghazan à l'égard des prêtres bouddhistes, contraints à embrasser
qui furent autorisés à quitter ses états s'ils voulaient renier (Quatremère, Histoire des M
de Rashid ad-Din, I, p. 186). Si levangéliaire syriaque copié en 1298 pour la sœur du
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 107

ment les infractions à la tolérance160. Le Dominicain Ricoldo Pennino de


Montecroce, originaire de Florence, arrivant à Tabriz vers 1288, put y
séjourner près de six mois et y prêcher, par le truchement d'un interprète,
en arabe, avant de se rendre à Bagdad où il étudia l'Islam, fréquenta les
Musulmans pour lesquels il éprouva d'ailleurs beaucoup de sympathie, en
cherchant à les convertir, sans grand succès du reste. Il dut bientôt se
consacrer aux captifs latins réduits en esclavage à Acre ou à Tripoli et ven¬
dus à Bagdad161, en attendant que la réaction musulmane de 1295, qui
s'accompagna de destructions d'églises, de transformations d'édifices reli¬
gieux en mosquées ou en étables - celle de Tabriz devint une école corani¬
que - et d'un nombre considérable d'abjurations de la part de chrétiens
orientaux, le contraignît à la fuite. Au cours de celle-ci, d'ailleurs, assailli
par deux Mongols islamisés, il leur échappa avec peine et dut se déguiser
en chamelier pour continuer son voyage : c'est en Occident qu'il écrivit son
Improbatio Alcorani, son Contra Sarracenos et Alcoranum et son Libellus ad
nationes orientales162.
Déjà, semble-t-il, la courte islamisation de l'Ilkhanat sous Tâkùdâr avait
permis aux fanatiques de relever la tête; le Franciscain Antoine d'Arménie
fut alors martyrisé à Selmas, près d'Urmia, en 1284 163. Mais, par la suite,
prêcher contre Mahomet équivaut à un arrêt de mort : des Franciscains qui,
à Erzincan en Anatolie, avaient tenu à le faire et s'y obstinèrent malgré la
longanimité du qâdi, furent mis à mort le 15 mai 1314 164.
S'il n'est pas certain que la liberté de prédication aux Musulmans ait
donné de grands résultats, les missionnaires latins trouvèrent plus de satis-

160 Les Kurdes musulmans se voient empêchés de molester leurs voisins chrétiens;
lorsqu'ils assassinent un patriarche jacobite, l'Il-Khan envoie contre eux Ticotlugum christia-
num Hunnum cum copiis (Bar Hebraeus, Chron. Syriacum, I, 620).
161 L'émotion qu'il ressentit à la nouvelle de la chute d'Acre apparaît dans ses Epistolae ad
ecclesiam triumphantem.
162 Ugo Monneret de Villard, La vita, le opere e le viaggi di frate Ricoldo da Montecroce, O.P.
(Orientalia Christiana periodica, X, 1944, p. 227 et suiv.); Il libro della peregrinazione nelle parti
d'Oriente di frate Ricoldo da Monte Croce, Rome, 1948 (Instt. hist. FF.PP., Dissertationes histori-
cae, XIII). Le Liber peregrinationis est édité par Laurent, Peregrinatores medii aevi quatuor,
p. 103 et suiv.); les Litterae, par Röhricht (Revue de l'Orient latin, II, p. 262-264). Sur le Libellus,
cf. A. Dondaine, Ricoldiana, dans Arch. Fratr. Praed, XXXVII, 1967, p. 137-142 et 162-170.
163 Mariano de Florence, Compendium chronicorum FF.MM. dans Arch. Franc, hist, II,
108 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

faction du côté de l'union des Eglises. De 1258 à 1295, les Eglises orien
connurent une période de prospérité exceptionnelle, enrichies par la f
de leurs coreligionnaires mongols et délivrées des contraintes que
imposaient les Musulmans165. André de Longjumeau avait exprimé en
ses craintes de voir le christianisme oriental étouffé par la mau
volonté des princes musulmans à accepter le remplacement des
ques166 : cinq ans après, ces craintes n'étaient plus de mise.
Pour les Chaldéens, l'arrivée de Siméon Rabban-ata comme repr
tant du Khan, la nomination d'un personnage chargé - tel le Salomo
1268 - des affaires des chrétiens à la cour de I'll-Khan, avaient marq
début d'une ère nouvelle. Le catholicos Denha (1266-1281) fut protég
Abaqa et reçut du khan Möngkä un grand sceau d'or, qui le qual
comme représentant de tous les chrétiens167. Il put resserrer les lien
son siège primatial avec les Eglises chaldéennes « de l'extérieur », nom
des métropolites pour la Chine, le Tangut et enfin en 1280, pour le pay
Öngüt et des K'i-tan168. Et c'est ce dernier qui devait être élu pour le
placer, le 24 février 1281, sous le nom de Yahballâhà III.
Né au pays des Öngüt, Markos était venu au Proche-Orient avec
ami Barçauma pour faire un pèlerinage à Jérusalem; le catholicos, e
sant de lui un métropolite, et le synode, en l'élisant catholicos, pens
bien attirer sur leur Eglise les faveurs des princes mongols. Abaqa et A
lui accordèrent en effet toute leur protection. Quant à Barçauma, po
des fonctions de «visiteur» d'Orient, avec rang d'évêque, il fut chois
Argun pour aller en ambassade auprès du pape. On connaît assez le r
ou plutôt l'abrégé du récit, malheureusement perdu - de son voyag
Occident169. Il visita Rome, Paris et Bordeaux avant d'être reçu par le

165 Cf. Fiey, Chrétiens syriaques entre Croisés et Mongols, dans Orient. Christ, an
CXCVII, 1974, p. 336-339; R. Grousset, L'empire des steppes, p. 442-444; H. Cordier, Le Ch
nisme en Chine et en Asie centrale sous les Mongols, dans T'oung pao, XVIII, p. 49-113. Le
licos Denha prétend même faire jeter au Tigre un nestorien de Tekrit qui avait em
l'Islam (Bar Hebraeus, Chron. Syr., p. 571 ; J. M. Fiey, Chrétiens syriaques sous les Mongols
et passim).
166 D'après la bulle Athleta Christi d'Innocent TV.
167 C'est ce sceau qui fut reproduit pour son successeur et qui a été étudié par J. H
ton, art. cité (Journ . As., CCLX, 1972, p. 155-170).
168 J. Dauvillier, Les provinces chaldéennes «de l'extérieur » au Moyen-Age, passim.
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 109

veau pape Nicolas IV (1288). Et nous avons montré comment, après avoir
été interrogé par les cardinaux sur la foi de son Eglise, et après avoir célé¬
bré la messe en présence du pape, ceux-ci considérèrent l'Eglise orientale
et son catholicos comme dans l'union avec l'Eglise romaine, le pape
envoyant une tiare et un anneau à Yahballâhâ avec une bulle confirmant
son autorité sur la hiérarchie et les fidèles de son Eglise - exactement
comme on l'avait fait pour les Arméniens et les Maronites Quant à Bar-
çauma, il se fit faire un sceau avec légende latine (Barbazoma Thartarus
orientalis archiepiscopus ) et s'associa à des évêques latins pour concéder
des indulgences170.
Paradoxalement, c'est à Rome même, et à l'occasion d'une ambassade
qui n'avait pas en principe d'objet religieux, que l'union de l'Eglise chal-
déenne et de l'Eglise romaine avait été conclue. Nicolas IV la confirma par
une lettre datée du 7 avril 1288 17 Et Jean de Montecorvino, revenant à
Rome après avoir visité le catholicos, l'année suivante, faisait état de l'iden¬
tité des vues de Yahballâhâ III et de son envoyé172.

Recherches sur les chrétiens d'Asie centrale, p. 237-288; sur la vie du catholicos, cf. J. M. Fiey,
Chrétiens syriaques sous les Mongols, p. 39-40, 43-44, 58-60, 67-73, 75-79.
170 J. Richard, La mission en Europe de Rabban Çauma et l'Union des Eglises, dans XII.
Convegno Volta, Oriente e Occidente nel medioevo, Roma, 1957 (Accademia dei Lincei), p. 162-
167; Cf. M.H.Laurent, Rabban Saumà, ambassadeur de l'Il-Khan Argoun, et la cathédrale de
Veroli (1288), dans Mèi. d'arch. et d'hist. de l'École franç. de Rome, 1958, p. 331-365 : Barçauma,
avec d'autres
visiteurs de laévêques
cathédrale
latins
de (et
Veroli.
grecs-unis) scelle une lettre d'indulgence collective pour les

171 La différence entre les termes utilisés par Bar Çauma dans sa relation et ceux de la
lettre du pape à Yaulahae, episcopo in partibus orientis avait frappé J. B. Chabot (Notes, p. 557-
580 et 587-588) ; nous avons remarqué (cf. notre article cité plus haut) que la discussion des
points litigieux de la foi entre le prélat chaldéen et les cardinaux avait porté sur la procession
du Saint-Esprit, en nous demandant si Rome avait bien identifié le « catholicos des chrétiens
d'Orient » avec le « patriarche des Nestoriens » auquel, par exemple, Nicolas IV écrivait en
1289 sans faire allusion à l'unité retrouvée (Chabot, Notes, p. 599). Cependant la mission com¬
prenait au moins deux Latins, et ceux-ci ne pouvaient manquer d'utiliser le mot de «nesto-
rien » pour désigner les Chrétiens de rite chaldéen : cf. la lettre des Vassali au roi d'Angle¬
terre, auquel ils recommandent « un nestorien » qui va acheter des gerfauts en Norvège pour
I'll-Khan (Bibl. École des Chartes, LU, 1891, p. 56-57). Le pape, qui fait allusion à la présence de
Frères Mineurs dans les territoires soumis à Yahballâhâ, paraît s'en être remis à ceux-ci pour
éclairer les points douteux - et sans doute est-ce Jean de Montecorvino qui prit les contacts
envisagés -, et il se borne à envoyer une profession de foi qui n'est pas spécialement rédigée
110 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Cependant, Ricoldo de Montecroce, désigné par la maître génér


l'Ordre des Dominicains et muni par le pape d'une bulle Cum hora
cima lui donnant les pouvoirs habituels aux religieux partant en pa
mission173, arrivait à Mossoul en 1289, et y trouvait un rex civitatis qu
chrétien, «mais nestorien», Ricoldo prêcha devant lui, sans obtenir
change de rite (non mutavit ritum) ce qui peut nous amener à nous de
der quelles étaient les exigences du Dominicain sur ce point174. . .
quoi, ayant gagné Bagdad - où il trouva des confrères -, et bien acc
par le clergé chaldéen, il s'avisa de prêcher contre Nestorius dans la
drale : on l'expulsa, en purifiant derrière lui l'église à l'eau de rose.
porter ses doléances à « l'archevêque de la cité » (sans doute un coadj
du catholicos) qui, touché par le dévouement des missionnaires, venus
loin pour le salut de leurs frères, leur offrit une église pour y céléb
condition de s'abstenir de prêcher, ce qui ne pouvait convenir au Do
cain.
Là-dessus, Yahballâhâ arriva dans son siège primatial, venant
doute de Maragha, ou d'Arbèles (principale ville chrétienne du No
l'Iraq, où le catholicos Denha avait commencé à faire une sorte de «
de sûreté » et qui avait l'avantage de le laisser à proximité de la cour
gole)175. Ricoldo porta le débat devant lui, et le catholicos conv

nata. Chabot estimait que celui-ci n'était autre que Barçauma, que Buscarel de Gisolf a
« Rabanatta, evesque nectorin » ; Pelliot a estimé que ce Rabban-ata ne pouvait être id
à Barçauma, puisque deux lettres différentes leur sont adressées (Rev. Or. chrét.,
p. 281). La qualité de nobilis vir convenant plutôt à un laïc, il a suggéré qu'il pouvait s
chrétien «Sabadin». Ou bien y aurait-il eu confusion à la Curie?
173 Cette bulle, qui n'a pu jusqu'ici être identifiée, serait selon nous celle du 3 sep
1288 (Reg. Nie. IV, n°611) qui n'a pas été reprise dans le Bullarium ordinis Praedic
Ceci s'accorderait bien avec les dates proposées par Monneret de Villard, Il libro del
grinazione, p. 15 (d'après Mandonnet, Ricoldo de Monte-Croce, pèlerin de Terre-Sainte
sionnaire en Orient, dans Revue biblique, II, 1893), pour le voyage en Galilée en nov
décembre 1288, le retour à Acre au début de 1289, le départ pour l'Aïas en mars (il
Sivas après le 27 avril 1289, date de la chute de Tripoli dont il apprit la nouvelle dan
ville). Mais il faut admettre qu'il ne serait arrivé à Acre qu'en octobre et non penda
précédent. Au début de 1288, d'ailleurs, il avait été désigné comme lecteur pour le cou
Florence, et son voyage n'était donc pas encore envisagé.
174 On peut se demander quel était à cétte date, le gouverneur « mongol » de Moss
était nestorien : Mas'ud, fils d'A'làm al- Din Yacqùb, lequel était effectivement chrétie
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 111

déclara qu'il n'adhérait pas à ce que la doctrine de Nestorius pouvait avoir


d'hérétique; il laissa le Dominicain disputer avec ses adversaires qu'il
confondit, en dépit des reproches de son clergé qui l'accusait d'être un
«Franc»176. Des chrétiens, conquis par les prédications dominicaines, vin¬
rent se confesser aux religieux latins.
Ce conflit éclaire assez bien la situation réelle. Si la reconnaissance de
la primauté romaine ne faisait guère de difficulté177, la doctrine «nesto-
rienne » sur la dualité des natures du Christ - que tous les Çhaldéens, sans
doute, connaissaient mal ou ne partageaient pas, lorsqu'ils n'étaient pas
rompus aux controverses doctrinales avec les théologiens d'autres rites (ce
devait être en particulier le cas des «Nestoriens» d'Asie centrale et
d'Extrême-Orient)178 - restait celle à laquelle adhérait le clergé chaldéen,
que suivait la masse des fidèles. L'adhésion à la profession de foi du Siège
apostolique, qu'avait donnée le catholicos, ne signifiait pas une adhésion
semblable, de la part de toute l'Eglise dont il était le chef. Et la tâche mis¬
sionnaire qui se dessinait devant Ricoldo et devant ses émules, excellents
théologiens rompus à la dialectique, revenait à faire pénétrer la doctrine
orthodoxe plus profondément dans les milieux çhaldéens.
D'autres, après Ricoldo, revinrent à la charge; Yahballähä III envoya à
nouveau au pape l'affirmation de son adhésion à l'unité de la foi et de la
reconnaissance de la primauté pontificale en 1302, puis en 1304, lorsque le
Dominicain Jacques d'Arles-sur-Tech lui apporta la nouvelle de l'accession
de Benoît XI au trône pontifical : en félicitant le nouveau pape, le catholi¬
cos rejetait expressément les erreurs de Nestorius179.

176 Lassé des persécutions qui suivirent la conversion des Mongols à l'Islam, Yahballähä
ne demanda-t-il pas au khan de le laisser repartir en Orient, ou bien s'en aller « au pays des
Francs » ?
177 D. Emmanuel, Doctrine de l'église chaldéenne sur la primauté de Saint Pierre, dans Rev.
Orient chrétien, I, p. 137.
178 Cf. Olivier de Paderborn, Hist Damtatina, éd. Hoogeweg, p. 266 Apud Antiochiam cons¬
titute Nestorinos. . . diligenter examinavimus, qui dicunt se credere duas naturas unitas in per¬
sona Christi, et beatam Virginem matrem Dei et hominis confitentur, ac ipsam et Deum et homi¬
nem peperisse, quod Nestorius negavit. Utrum autem sic corde credunt, sic ore confitentur, Deus
novit Cf. A. D. Von den Brincken, Die « Nationes », p. 315-316.
179 Raynaldus, Annales, IV, p. 383 (Le texte est reproduit par Chabot, dans Revue de
l'Orient latin, II, p. 631-637); Altaner, Dominikanermissionen, p. 61-63; Loenertz, La société des
Frères Pérégrinants, p. 161-162. C'est sur ces deux lettres, que devait publier le cardinal Tisse-
rant avec une étude malheureusement perdue (cf. E. Tisserant, dans Dictionnaire de Théologie
catholique, XI, p. 21 1), qu'est apposé le sceau du catholicos (J. Hamilton, Le texte turc en carac¬
tères syriaques du grand sceau cruciforme de Mär Yahballähä III, déjà cité).

io
112 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

L'évêque syrien de Tabriz, Deny s, avait eu de son côté de nomb


entretiens avec les Franciscains de Tabriz : il avait affirmé, dans une
de 1287, sa soumission au pape et son adhésion à l'enseignement de l'E
romaine; Nicolas IV l'en remercia par ses lettres de 1288, et de nouv
échanges de lettres intervinrent en 1289 et 1302 18°. Quant au patri
jacobite, qui avait fort bien accueilli Jean de Montecorvino en 1288, il
en 1289-1290 une nouvelle lettre pontificale contenant profession de
invitation à l'union181. Ricoldo, lui, lors de son passage à Mossoul, à
près à la même date, eut une discussion publique avec le «patriarch
maphrian Grégoire III Bar-Çauma), lequel résidait au couvent de
Matta.

Là aussi, les Dominicains avaient été reçus par les moines, qui ét
alors trois cents, « comme des anges et non comme des hommes », ma
avait cherché à les dissuader de prêcher. Un évêque avait pris la p
contre eux au cours d'une dispute théologique où, bien entendu, Ri
l'emporta. Toujours est-il que le maphrian remit aux religieux une p
sion de foi, écrite de sa main, où il reconnaissait la coexistence de
natures dans la personne du Christ, et qu'il autorisa les Dominicains
cher sur une place publique, ce qu'ils firent en arabe, lui présent. M
apparaît que tout un parti persista dans l'affirmation de son mon
sisme, et supporta assez mal les adhésions recueillies par eux182.
Ricoldo, - qui avait également pris la parole dans la synagogue de
soul, en réduisant son contradicteur au silence, si on l'en croit - s'ad
en outre aux Maronites, qui avaient un archevêché à Tekrit. Ici aussi,

180 Ces lettres posent un petit problème : le siège de Tabriz avait été réuni à ce
monastère de Mär Matta en 1155, et Denys n'est connu comme évêque de Tabriz que d
à 1290, où il fut remplacé par un Iwànis : J. M. Fiey, Assyrie chrétienne, II, p. 340, 352
Chabot s'était demandé si Denys n'était pas un évêque grec {Notes, p. 586) ; mais c'est en
que qu'il écrivit au pape. Cf. Sbaralea, VI, p. 9 et 84; Golubovich, Epistola syria Dyonis
copi Taurisiensis, dans Arch, franc, hist, XIX, 1926, p. 351-352.
181 Sbaralea, VI, p. 83; J. B. Chabot, Notes, p. 630-637, remarque que la lettre en qu
n'a pas dû être remise au patriarche proprement dit (le P. Van den Wyngaert a suppo
Montecorvino était passé par Antioche - ville alors ruinée - pour la remettre), m
maphrian, alors Grégoire Bar-Hebraeus, qui résidait au couvent de Mar-Matta, près d
soul; une lettre était adressée «au prêtre, son frère» qui serait son futur successeur
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 113

cha sur les points controversés de la doctrine de ses hôtes, en prenant pour
cible le monothélisme, et il obtint de l'archevêque une profession de foi et
une déclaration d'obéissance au Saint-Siège183.
Ainsi Ricoldo, à la différence d'autres religieux, apparaissait moins
comme un ambassadeur chargé de remettre les lettres pontificales aux pré¬
lats orientaux184, que comme un redoutable polémiste, qui suscitait de
sérieux remous au sein des communautés qu'il visitait, pour que les adhé¬
sions qu'il recueillait fussent sans ambiguïté. Les pouvoirs que lui avait
conférés une simple bulle Cum hora undecima lui permettaient ainsi de
s'adresser à la fois aux dignitaires des Eglises orientales, à leur clergé et à
leurs ouailles.
La conversion de la Perse mongole à l'Islam avait mis fin à l'activité de
Ricoldo de Montecroce. Celui-ci, nous l'avons vu, avait quitté précipitam¬
ment le pays pour revenir en Occident. Mais les missionnaires latins ne tar¬
dèrent pas à y réapparaître. C'est ainsi que nous apprenons que des Fran¬
ciscains, auxquels Boniface VIII adressa la lettre Inter caetera desiderio, en
1296, vivaient chez les Tartares d'Orient185.
En 1299, un groupe de Dominicains était envoyé par le même pape
avec la lettre Immaculata lex Domini dans tous les pays d'Orient et d'Occi¬
dent186. Et, en 1300, un autre Dominicain, Jacques d'Arles (-sur-Tech) allait
visiter les hauts prélats orientaux, en revenant d'une mission en Arménie; il
y retournait en 1304 187. En 1307, c'est une mission nombreuse qui était
confiée à l'évêque Guillaume de Lydda, qu'Edouard II d'Angleterre recom¬
mandait à l'empereur des Tartares, au pape et au roi d'Arménie : accompa¬
gné de nombreux religieux, Dominicains comme lui, ou d'autres ordres, il
devait essayer de convertir les infidèles avant la croisade, en leur prêchant
la foi chrétienne, pour que le bras séculier n'intervienne qu'après l'échec

183 Laurent, Peregrinatores medii aevi quatuor, p. 126.


184 C'est ainsi que Jean de Montecorvino emportait en Orient, en juillet 1289, des lettres
pour les patriarches, archevêques, evêques et autres prélats des Eglises jacobite, arménienne,
géorgienne, éthiopienne et nestorienne, et pour les souverains des pays qu'il traverserait.
185 II leur confère les mêmes privilèges qu'aux Croisés : Reg. Bonif. VIII, n° 1306; Sbara-
lea, IV, p. 394.
186 Ripoll, II, 58. Il s'agit de Sanche de Boleyna, Guillaume Bernard, Bernard Guille et
114 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

du glaive spirituel188. On ignore quelle suite eut cette initiative - qui, c


fois, ne venait pas de la Papauté
Les missionnaires avaient-ils dépassé les limites des territoires sou
aux Tartares? L'apparition, en 1245, du nom des Indiens et des Ethiop
dans les bulles Cum hora undecima, parmi ceux des peuples où pouva
se rendre les missionnaires, peut n'avoir aucune signification part
lière189. Par contre, la lettre de Clément IV au maître des Frères Prêche
alors Humbert de Romans, en date du 8 février 1267 fait état de l'envoi
«les Tartares, les Ethiopiens, les Indiens, les Nubiens et les Sarrasins
pays d'Orient et du Midi » d'un frère Vasinpace, qui avait déjà plusieurs
visité ces contrées et pour lequel le pape demandait des compagnons19
semble donc que, dès lors, un missionnaire latin ait atteint la voie du g
Persique que d'autres, marchands, mercenaires comme les marins gé
de l'Il-Khan Argun ou missionnaires, allaient emprunter après lui. La m
tion des partes Méridionales montre que l'Afrique orientale elle-même
alors entrée dans les perspectives de la mission191.
On sait seulement que l'archevêque et l'empereur d'Ethiopie figura
parmi les personnages auxquels Jean de Montecorvino était recomma
en 1289. Mais celui-ci et son compagnon, le Dominicain Nicolas de Pis
lorsqu'ils s'embarquèrent effectivement sur le golfe Persique, se rendi
seulement dans l'Inde, où Montecorvino prêcha et baptisa pendant t
mois; son compagnon Nicolas y mourait. Et il ne semble pas que le Fran
cain ait alors pensé à se rendre en Ethiopie, encore qu'il ait affirmé a
reçu une invitation de la part des Ethiopiens à venir dans leur pays ou
envoyer des missionnaires : c'est en direction de la Chine qu'il s'emba
en 1292. Par contre, probablement avant 1315, le Dominicain Guilla
Adam et son confrère Raymond Etienne ont bien navigué sur l'O
Indien, relâché à Socotora, alors peuplée de chrétiens192, et atteint l'E

188 Rymer, Foedera, I, 2, p. 100-101 (30 novembre 1307). Cette lettre a été datée par e
de «vers 1277 » par Röhricht, Regesta regni hierosolymitani, erreur reprise par le P. Streit
sa Bïbliotheca missionum. Cf. infra, p. 143-144.
189 Sbaralea, I, 360. Von den Brincken, Die « Nationes», p. 270.
190 Ripoll, I, 482; Altaner, p. 63.
191 Cf. J. Richard, Les premiers missionnaires latins en Ethiopie, dans Atti del Con
internazionale di studi etiopici, Roma 1959, p. 323-329 (Accademia dei Lincei); Les mission
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 115

pie. Mais nous ne possédons pas de traces d'un échange de lettres ou de


professions de foi avec la hiérarchie ecclésiastique de ce pays - pas plus
que de l'Inde, dont les Chrétiens relevaient d'ailleurs du catholicos chal-
déen.
Un certain nombre d'établissements permanents des ordres mendiants
sont connus en pays mongol, ou sous domination mongole, dans les partes
Orientales. Si l'on met de côté l'Arménie, dont nous avons parlé plus haut,
on sait que le couvent dominicain de Tiflis existait encore au moment du
retour de Rubrouck, en 1254. Les Géorgiens étaient considérés comme unis
à Rome - Nicolas IV, en recommandant Montecorvino au roi Dimitri et à
l'archevêque Abraham, en 1289 193, les exhorte à conserver l'union, et félicite
ce dernier des « nombreux traits éminemment louables de votre zèle » dont
le même Montecorvino, qui avait vraisemblablement visité la Géorgie en
1288, lui avait rapporté le témoignage. L'envoi d'une autre lettre annonçant
la venue de Guillaume de Chieri et de Mathieu de Chieti, en 1291, ne fait
pas davantage allusion à la présence des Dominicains, qui ne s'était proba¬
blement pas maintenue194. Par contre, Ricoldo cite une résidence domini¬
caine à Sivas, nœud commercial important et doté de bonne heure d'un
consulat, mais cette résidence disparut assez vite195; de même, à Bagdad,
avaient-ils peut-être une résidence temporaire. Les Franciscains avaient
également une résidence à Sivas - les cloches de leur église auraient été
détruites vers 1277-1280 par les Musulmans196 - qui est qualifiée de cou¬
vent, en 1292, lorsque l'ordre décida de le laisser indépendant de la pro¬
vince de Terre Sainte, qui comprenait la Petite-Arménie. Il est probable
que, dès lors, des Franciscains étaient également établis à demeure à Tabriz
(on a vu que c'est eux qui étaient en relations avec l'évêque Denys), ville
dotée d'une importante colonie marchande latine197, et on connaît égale¬
ment leur résidence à Selmas (Salamastrum in Perside) près d'Urmia, où ils
eurent un martyr en 1284 198. On peut constater que, comme en Qipcaq, ces

193 Tamarati, Hist, de l'église géorgienne, p. 431-434.


194 Loenertz, La société. ... p. 193.
195 Ibid, p. 172 et 137, n. 8.
196 O. Van der Vat, Conventus O.F.M. in Sebaste circa a. 1280?, dans Arch, francisc. hist.,
XXV, 1932, p. 99-100; Monneret de Villard, Il libro della peregrinazione, p. 83-84.
116 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

résidences permanentes se trouvent le long des grandes routes suivies


les marchands : celle de Trébizonde à Tabriz, par Tiflis ou par Selmas; c
de l'Aïas à Kayseri, Sivas, Erzincan, Erzerum, Maku, Selmas et Tabriz.
loin, les routes que connaissaient les voyageurs latins, vers le golfe P
que, l'Afghanistan ou Urgenj, n'étaient sans doute pas fréquentées de fa
suffisamment intensive par des Latins pour assurer la vie d'une comm
nauté religieuse de leur rite. La situation, ici, changera au XIVe siècle.

* * *

La conquête - très provisoire - de la Syrie par les Mongols, en 1


avait modifié de façon profonde les conditions dans lesquelles s'exer
l'activité missionnaire.
En faisant disparaître les dynasties musulmanes, aiyübides ou m
seljuqides, auprès desquelles les religieux de la première moitié du X
siècle avaient trouvé un accueil courtois, et parfois des raisons, génér
ment peu fondées, d'espérer des conversions : les grandes missions du
de celles qui furent envoyées aux souverains musulmans en 1233 ou
devenaient impossibles. Et les Mamelûks, qui se substituèrent à ces sou
rains, n'étaient pas prêts à réserver le même accueil aux missionnaires
En provoquant, à court terme, la disparition des Etats latins au
desquels un certain prosélytisme avait pu s'exercer parmi les Musulman
se peut que l'évêque de Tortose Mansel, dont Boniface VIII disait qu'il a
prêché la foi «aux infidèles de diverses nations» (apud infideles diversa
nationum ) ait été un des derniers à développer l'apostolat dans son
cèse ,99. Désormais, seuls l'Arménie cilicienne et Chypre gardaient leur i
pendance, mais sans avoir une population musulmane importante sur
territoire.
En ouvrant des perspectives nouvelles à l'apostolat, d'une part du
que les Il-Khans étaient favorables aux chrétiens et que l'on pouvait e
rer les gagner eux-mêmes au christianisme - à la faveur des négociat
menées en vue d'une croisade qu'ils appelaient de leurs vœux -, de l'a
de fait que la tolérance mongole rendait possible la prédication publ
aux Musulmans eux-mêmes et les manifestations extérieures du culte c
tien. C'est ainsi que les missionnaires purent pénétrer aussi profondém
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 117

dans l'Asie que les marchands occidentaux; et les contacts pris avec les
chefs des Eglises orientales en vue de réaliser l'union des Eglises en furent
d'autant facilités. L'Océan Indien ouvrait désormais les routes de l'Afrique
orientale, de l'Inde et de l'Extrême-Orient.
En même temps, une doctrine missionnaire s'était définie, que l'on
peut retrouver sous la plume de Dominicains comme sous celle de Francis¬
cains. Humbert de Romans, tant dans son traité De officiis ordinis que dans
son encyclique de 1255, définit les deux points essentiels de son pro¬
gramme de la façon suivante : élaborer des traités destinés à armer les mis¬
sionnaires d'arguments susceptibles de convertir « les nations barbares, les
païens, les Sarrasins, les Juifs, les hérétiques, les schismatiques et autres,
qui sont hors de l'Eglise » ; enseigner les langues dans lesquelles il convien¬
drait de prêcher, ceci par l'envoi des religieux destinés aux missions dans
les provinces voisines des pays à évangéliser200. Et la Summa contra Gentiles
de saint Thomas d'Aquin pourrait représenter un des tractatus dont la
rédaction était recommandée, s'il ne semblait pas plutôt destiné à combat¬
tre l'averroïsme chrétien - tandis que d'autres œuvres du docteur domini¬
cain (Contra errores Graecorum ; De rationibus fidei contra Saracenos, Grae-
cos et Armenos) s'apparenteraient davantage au type d'opuscules auquel
pensait Humbert de Romans201.
Vingt ans plus tard, le De Statu Sarracenorum de Guillaume de Tripoli,
fruit d'une expérience missionnaire vécue chez les Musulmans, propose des
modes de formation pour les religieux appelé à prêcher aux infidèles : il ne
s'agit pas seulement d'apprendre leur langue, mais de se pénétrer des
méthodes qui permettront de les convaincre. Guillaume recommande d'évi¬
ter de recourir à la force, certes, mais aussi aux disputations si en vogue au
début du siècle. Il se déclare aussi hostile à cette forme de provocation qui
entraîne le martyre. Et c'est sur la connaissance de l'Islam et de la doctrine

200 Instructiones magistri Humberti de officiis ordinis, dans B. Humberti de Romans opera de
vita regulari, éd. J. J. Berthier, Romae 1889, t. II, p. 187-188 {De officio magistri ordinis, Circa
Gentiles) et p. 293 (encyclique de 1255 sur l'enseignement des langues) : et ideo curandum est
et ut semper in ordine sint aliqui tractatus contra errores eorum, in quibus fratres exercitare se
valeant competenter; et ut aliqui fratres idonei insudent in locis idoneis ad linguas arabicam,
hebraicam, graecam et barbaras addiscendas. La lettre de 1255 incite les volontaires à se faire
connaître du maître général, de façon à être envoyés en Terre Sainte, en Grèce et dans les
118 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

musulmane qu'il appuie sa propre méthode de conversion en relevant d


le Coran les thèmes qui peuvent servir à un missionnaire pour sa démo
tration202.
Ricoldo de Montecroce, redoutable disputeur cependant, a rédigé
aussi un véritable manuel à l'usage des missionnaires dans son Libellu
nationes orìentales que le P. Dondaine a mis à sa juste place203. On cons
avec intérêt que notre missionnaire se refuse à toute condamnation
principe à l'égard des Eglises jacobite ou nestorienne, que le pape n'a
déclarées hérétiques204.
Les Regulae generates destinées aux missionnaires205 comprennen
recommandation de ne jamais prêcher par interprête, l'interprète é
généralement incapable de rendre les arguments du missionn
(Rubrouck en avait fait l'expérience). Il faut que celui-ci connaisse à fon
texte même des Ecritures, sans se contenter des expositiones familières
écoles occidentales, les Orientaux n'ayant aucune raison de s'en tenir
textes retenus dans ces recueils. Il convient de bien s'informer des p
tions doctrinales de chaque « secte » et de se garder de les juger héréti
en bloc. Les divergences rituelles sont parfaitement légitimes : trop de
res perdent leur temps à discuter des rites liturgiques, alors que l'Ecrit
en posant en principe qu'une foi unique répondait à la croyance au m
Dieu, n'avait pas parlé de l'unité dans les rites. Enfin la discussion ne de
intervenir qu'avec les majores de chaque Eglise : les simples fidèles n'é
pas assez versés dans la doctrine, risquaient tout" au plus de se scanda
de tels débats, et il fallait respecter leur simplicité.
Ricoldo ajoutait à ces règles des conseils moraux : les Orientaux é
très sensibles à une humilité même affectée, le missionnaire devait év
toute affirmation de supériorité et parler avec révérence et humblem
Enfin un prédicateur ne devait se lancer dans la tâche missionn
qu'après s'être éprouvé lui-même : l'amour de Dieu, seul, devait lui se
de guide, et au besoin jusqu'au supplice.

202 Voir l'important article de M. Voerzio, Fra Guglielmo da Tripoli, orientalista do


cano nel sec. XIII, dans Memorie domenicane, 71, 1954, p. 73-113, 141-170, 209-250 et 72,
p. 127-148, spécialement p. 141-170, 209-230 et dans la dernière livraison (on notera
l'auteur semble ignorer l'étude de P. Throop, Criticism of the Crusades ).
203 A. Dondaine, Ricoldiana. Notes sur les œuvres de Ricoldo da Montecroce, dans Arch
LA CONQUÊTE MONGOLE ET LES MISSIONS 119

Raymond Lull, enfin, paraît marqué par l'enseignement d'Humbert de


Romans : ne le voyons-nous pas commencer par écrire, en état d'inspira¬
tion, un livre contre les infidèles avant de fonder, en 1274, le couvent de
Miramar où treize Franciscains apprennent l'arabe en vue de convertir les
Musulmans206? En 1292, quand il écrit son Tractatus de modo convertendi
infideles, il n'a pas changé de méthode : il recommande de dresser la liste
des sectes et de composer des traités adaptés à chacune d'entre elles, de
former les futurs missionnaires à la connaissance des langues dans les stu¬
dia qu'il voit établis à Paris, à Rome, en Espagne, à Gênes et à Venise (en
raison des relations de ces villes avec les Tartares), en Prusse, en Hongrie, à
Caffa, en Arménie et dans le Taurus207. Et son abondante production
revient sans cesse sur cette question : le roman de Blanquerna imagine un
monastère où cinquante Tartares résideraient avec vingt moines, pour leur
apprendre leur langue, et d'où trente Tartares convertis, partiraient avec
cinq religieux pour aller convertir à leur tour le grand-khan ... 208 .
Mais Raymond Lull, bien que surtout familiarisé avec l'Afrique musul¬
mane, s'intéressait aux missions d'Orient dont il était parfaitement
informé209. Très sensible au danger de voir les Tartares se convertir à
l'Islam210, il exprime dans sa Petitio ad Coelestinum V sa conviction que la
conversion de ceux-ci au christianisme, ne peut être le fait que des chré¬
tiens orientaux : « il conviendrait que l'Eglise ralliât les schismatiques et les
unît à elle, ce qu'on peut faire par la discussion . . . , parce qu'avec eux on
pourrait plus facilement détruire les Sarrasins et avoir alliance et amitié
avec les Tartares. Il serait encore souhaitable que l'Eglise fît son possible
pour convertir les Tartares par la persuasion; ceci serait facile, puisqu'ils
n'ont pas de religion et qu'ils permettent qu'on prêche la foi du Christ dans
leur terre, et que quiconque le veut, peut se faire chrétien sans craindre sa
seigneurie»211.

206 R. Sugranyes de Franch, Raymond Lulle, docteur des missions, avec un choix de textes
traduits et annotés. Préface de J. P. de Menasce, Schöneck-Beckenried, 1954 (Neue Zeitschrift
für Missionswissenschaft Supplementa, V), p. 29-34.
207 Ibid, p. 134-135.
208 Ibid, p. 103-104.
209 Raymond est d'ailleurs convaincu de la nécessité de la croisade : Sugranyes de Franch,
Els projectos de creuada en la doctrina missional de Ramon Lull, dans Etudios Lulianos, IV,
1960, p. 275-290.
120 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Raymond Lull écrivait ainsi en 1294; la conversion des Mongo

Perse à l'Islam en 1295 annonçait la fin de l'état de choses auquel il se

rait. La croisade menée en commun avec les Tartares n'allait rester c

vable que pendant une dizaine d'années encore212; c'est avec la concl

de trêves marchandes entre Ölgaitü et l'Egypte que s'annonce la paix d

tive, réalisée en 1323. Mais l'idée que les chrétiens orientaux seraien

meilleurs propagandistes du christianisme auprès des infidèles, avai

amené l'Eglise latine à multiplier ses démarches en vue de l'Union des

ses, point de départ d'une entreprise missionnaire commune. Conna

mieux les Eglises orientales, les missionnaires de la fin du XIIIe

découvrent qu'il leur appartient de réveiller leur zèle et de les unir

intimement à l'Eglise de Rome, tandis que l'expérience des missio

Qipcaq fait apparaître la nécessité de fonder des églises latines en pa

mission.

recuperare cum disputatione. . . quia cum Ulis melius possent destrui Sarraceni et haberi

patio et amicitia cum Tartaris. . . Etiam esset conveniens quod Ecclesia faceret suum p

conquirendum Tartaros per disputationem, quae conquisitio est facilis quia non habent le

quia permittunt in illorum terra praedicari fidem Christi et etiam quicumque vult pot

Christianus absque timore dominii Raymond fait ici allusion à cette impossibilité de p

en pays musulman que remarque Fritz Blanke, Die Mohammedanermission im Mittelalte


TROISIÈME PARTIE
La division des pays de mission d'Orient en deux grands secteurs s'était

révélée depuis longtemps : au Nord de la Mer Noire, les missionnaires

s'adressaient essentiellement à des peuples païens qu'il s'agissait d'amener

à la foi chrétienne, puis de doter d'une organisation ecclésiastique permet¬

tant un travail d'apostolat en profondeur. Au Sud, c'est parmi des peuples

déjà christianisés ou bien au milieu des Sarrasins, pratiquement imperméa¬

bles à la prédication chrétienne, que s'exerce le labeur missionnaire; sauf

exception, il vise à rapprocher les Eglises orientales de l'Eglise de Rome,

l'évangélisation des Musulmans représentant un objectif secondaire. Toute¬

fois, depuis l'invasion de la Syrie par les Mongols, la Papauté et ses envoyés

dominicains et franciscains avaient pu escompter la conversion des princes

mongols et de l'aristocratie tartare à la foi chrétienne. Mais au début du

XIVe siècle, il va devenir évident que cet espoir est vain, du moins dans

l'ancien domaine des Il-Khans. La prédication catholique, de ce fait, prend

dans ces contrées une allure assez différente de ce qu'elle est dans les pays
124 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

dans l'empire mongol, rarement liée à la conversion des princes gou


nant les territoires où s'élevaient les cités épiscopales, allait représe
une institution originale1.

I - LES PAPES DU XIVe SIÈCLE


ET L'ORGANISATION DES MISSIONS

A partir du second quart du XIIIe siècle, la tâche missionnaire, dan


pays d'Orient, était devenue comme le monopole des deux grands or
mendiants, Dominicains et Franciscains. Les moines, Cisterciens ou
montrés, qui avaient travaillé à l'évangélisation des peuples baltes ou s
durant le XIIe et au début du XIIIe siècle, paraissent désormais s'efface
il est de fait que leur règle ne prévoyait pas ce type d'activité. On
cependant relever occasionnellement la participation des Cisterciens2,
que d'autres religieux appartenant à la grande famille des Mendiants -
mes, Ermites de Saint Augustin3 -, au labeur missionnaire. Celle des
n'était pas à négliger non plus : les Latins de Kiev à qui écrivait Gré
IX, les «interprètes du roi des Tartares» auxquels les papes de la f
XIIIe siècle recommandaient les envoyés auprès des Il-Khans, les
chands et les aventuriers ne se désintéressaient pas de l'évangélisa
C'est ainsi que les frères Polo s'étaient faits les envoyés du grand-
auprès du pape, après lui avoir suggéré le désir de demander des mis
naires à celui-ci, et les envoyés de Grégoire X à Qubilaï. C'est ainsi que
feo Polo et son neveu Marco, découvrant à Fugiu (Fou-tchéou) des hom
qui pratiquaient une religion qui n'était ni l'Islam, ni l'idolâtrie, ni le
du feu, s'avisèrent d'y reconnaître une survivance d'un christianisme

1 A l'étude de C. Eubel, Die während des 14. Jhdts im Missionsgebiet der Dominikan
Fransiskaner errichteten Bisthümer, dans Ehses, Festschrift zum elfhundertjährigen Jubiläu
deutschen Campo Santo in Rom, Freiburg im Breisgau, 1897, p. 170-195, s'ajoute déso
celle de D. Giorgio Fedalto, La chiesa latina in Oriente, vol. I, Verona, 1973 (Studi religi
où «la chiesa latina nei territori di missione» est envisagée aux p. 375-500.
2 Cf. l'autorisation accordée le 2 août 1373 par Grégoire XI à Roger Herietsham,
cien du monastère de Boxley, dans le Kent, de partir chez les Infidèles avec douze
moines pour prêcher et pour les instruire dans la foi : Arch. Vat., Instr. misc. 6258 (Pap
ters, IV, 106).
LA NAISSANCE D'UN ÊPISCOPAT MISSIONNAIRE 125

ché plusieurs siècles auparavant - avec la pratique de la loi chrétienne et le


chant du psautier - et parvinrent à convaincre leurs chefs de s'adresser au
bureau des chrétiens de Khanbaliq pour s'y faire inscrire, ce qui aurait per¬
mis de faire reconnaître comme chrétiennes plus de sept cent mille famille
de la Chine du Sud4. Néanmoins ces interventions restent sporadiques, et
limitées à une première démarche vers la christianisation5: la tâche d'ins¬
truction et la desserte spirituelle restent le fait des missionnaires apparte¬
nant au clergé, et celui-ci est pratiquement constitué par les deux grands
ordres mendiants.
m

a) Le rôle des ordres dans la préparation et l'encadrement des missionnaires

Dominicains et Franciscains eurent donc à organiser les missions, cha¬


cun de leur côté. Et l'action des maîtres généraux des premiers, des minis¬
tres généraux des seconds, est très sensible. Ainsi c'est Humbert de Romans
qui demande au chapitre général de promouvoir l'étude des langues orien¬
tales parmi les Frères Prêcheurs, et qui désigne des missionnaires6; c'est
Bonagrazia qui envoie des Frères Mineurs au Qipcaq comme en Egypte; et
c'est aux chefs des deux ordres que sont adressés les rapports des prieurs
ou des custodes. C'est à eux également que s'adresse la Papauté lorsqu'elle
décide l'envoi de religieux que font désigner le maître général ou le minis¬
tre général.
Mis à part le cas des religieux envoyés en ambassade, et qui échappent
à l'observation des règles habituelles, ceux qui prêchent en pays de mission
sont assujettis à l'obéissance envers le gardien ou le prieur du couvent : nul
ne peut prêcher sans l'autorisation de son supérieur, et on voit même un
Franciscain désireux de recevoir le martyre en demander licence à son gar¬
dien7. Les prieurs relèvent eux-mêmes du prieur provincial; les gardiens,

4 Marco Polo, The Description of the world, éd. Moule et Pelliot, Londres, 1938, p. 53-54.
Pelliot a identifié ces « chrétiens » à des Manichéens, dont des éléments paraissent avoir sur¬
vécu au Fou-Kien au XVIIe siècle encore; Moule pensait plutôt à des Nestoriens (P. Pelliot,
Notes on Marco Polo, éd. L. Hambis, II, Paris, 1963, p. 726-728).
5 Le récit de la conversion des Keräit par Bar Hebraeus évoque un processus de ce
genre : le roi ayant eu une vision, ce sont des marchands chrétiens qui le persuadent
d'embrasser le christianisme, et les religieux envoyés par le catholicos qui l'instruisent et le
baptisent avec son peuple. Supra, p. 96, un épisode analogue où le rôle d'initiateur de la
conversion revient à un clerc russe, les Franciscains étant appelés ensuite pour instruire le
126 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

d'un custode, lui aussi soumis au ministre provincial. Et c'est ainsi q


religieux désireux de prêcher aux infidèles doit être envoyé par sa prov
d'origine à l'une de celles qui ont charge des missions, et désigné par le
ponsable de celle-ci pour telle station missionnaire ou pour telle ran
née en pays infidèle. On se plaint d'ailleurs parfois que les provinciau
débarrassent de sujets indésirables en les envoyant en pays de mis
mais c'est au contraire sur la capacité et sur la solidité de la formation
les encycliques et les bulles pontificales insistent8.
La réglementation la plus complète à cet égard figure dans la gr
bulle «t/f igitur de Benoît XII adressée aux Frères Mineurs9: il est int
aux ministres généraux d'envoyer des frères en pays infidèle sans avoi
connaissance des résultats de l'enquête menée sur eux par les mini
provinciaux. Les partants devaient avoir été au préalable examinés sur
foi et sur leur science par les provinciaux, assistés de frères discreti : i
lait en effet n'envoyer aux infidèles aucun religieux entaché d'erreur o
superstition dans sa foi, ou soupçonné de mauvaise vie. Et les mini
provinciaux se voyaient interdire d'envoyer des frères aux infidèles
passer par le ministre général.
L'encyclique du maître des Dominicains Bérenger de Landorre (1
spécifie elle aussi que les frères destinés aux missions doivent être
volontaires, aptes à cette tâche, et qu'on doit avoir au préalable recuei
témoignage des prieurs de leurs couvents et de leurs provinciaux sur
vie et sur leur réputation10.
La préparation des missionnaires à leur tâche nous est moins
connue11. Le prieur Philippe, en 1237, comme les Franciscains du Qi
au début du XIVe siècle soulignaient l'importance de la connaissance
langues orientales; Rubrouck avait déploré l'insuffisance de son interp
à exposer la foi chrétienne, et Ricoldo, dans ses Regulae generates, ins

8 Golubovich, III, p. 162-163 (1310); Bullarium Franciscanum, V, p. 286, n°572; B


chert, Acta capitülum generalium O.P., I, p. 290 (Priores provinciales in suis provincialibu
tulis fratres moneant et inducant ut vadant ad gentes pro earum conversione. . . et si quos
religionis et alias ad hoc ydoneos invenerint eos licencient et cum litteris suis mittant -
et II, p. 191 (1329).
9 Eubel, Bullarium franciscanum, VI, 38 (28 novembre 1336) : De fratribus autem ad
infidelium pro praedicatione verbi divini mittendis. . .
LA NAISSANCE D'UN ÊPISCOPAT MISSIONNAIRE 127

sur la nécessité pour les missionnaires d'être en mesure de prêcher eux-


mêmes dans la langue de leurs auditeurs12. Roger Bacon avait, de son côté,
consacré tout un développement à l'inanité de discuter avec les Orientaux
si l'on ignore leur langue, et recommandé d'apprendre le grec, l'arabe,
l'hébreu «pour la conversion des infidèles»13.
En face de cette nécessité reconnue, deux attitudes avaient été adop¬
tées. L'une consistait à faire venir en Occident des jeunes gens sachant les
langues des pays de mission pour leur donner une formation théologique :
c'est à cette fin que les papes Innocent IV et Alexandre IV avaient fondé des
bourses auprès de l'Université de Paris14. Bérenger de Landorre stipulait de
son côté, en 1312, que les jeunes gens sachant les langues orientales qu'on
enverrait faire leur théologie seraient reçus et entretenus aux frais des pro¬
vinces dominicaines de Provence, de Tuscie et des deux Lombardies15.
L'autre attitude revenait à inviter les religieux occidentaux, désireux de se
consacrer aux missions, à apprendre les langues orientales. Humbert de
Romans, en déplorant que trop peu de frères acceptassent de se plier à ces
études, recommandait en 1255 à ses confrères qui se sentiraient prêts à étu¬
dier l'arabe, l'hébreu, le grec ou « quelque langue barbare », à se rendre en
Terre Sainte, en Grèce ou dans quelque province voisine des pays infidè¬
les16. Des écoles de langues orientales, et surtout d'arabe, existent bien en
Occident et l'on sait que Raymond Lull en fonda une à Miramar17. Mais il
semble que l'usage le plus courant était d'envoyer les missionnaires en pays
de mission, où ils se formaient à la connaissance des langues dans le pays

12 A. Dondaine, Ricoldiana, dans A F.P., XXXVII, 1967, p. 168. Cf. supra, p. 118.
13 De utilitate grammaticae, dans The « opus majus» of Roger Bacon, éd. Bridges, t. III, Lon¬
dres, 1900, p. 115-120.
14 L'institution de bourses pour la formation théologique de clercs originaires d'Orient
(Denifle et Chatelain, Chartularium universitatis Parisiensis, I, nos 180, 181, 324, 527) ne doit
pas être confondue avec celle de chaires de langues orientales : cf. B. Altaner, Die Heranbil¬
dung eines einheimisches Klerus in der Mission des 13. und 14. Jhdts, dans Zeitschrift für Mis¬
sions-und Religionswissenschaft, XVIII, 1928, p. 193-208.
15 B. Reichert, Litterae encyclicae, p. 319.
16 Ibid, p. 19-20.
17 Un enseignement de l'arabe à l'intention des missionnaires dans un Studium spécialisé
est réalisé de bonne heure en Espagne; le concile de Vienne décide en 1311 la création de
chaires de langues orientales à Paris, Oxford, Salamanque, Bologne et en Curie (Denifle et
Chatelain, ouvr. cité, II, nos 695, 777, 786, 857) et cette décision fut suivie de réalisations par¬
128 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

même, comme le prévoyait Humbert de Romans et comme Pascal de


ria le faisait, en 1335, en séjournant au couvent franciscain de Saraï,
apprendre le turc18.
A l'origine, Dominicains et Franciscains, lorsqu'ils s'adonnaien
l'apostolat, continuaient à être pris dans les cadres normaux de
ordres. Les Franciscains relevaient des couvents répartis entre les pr
ces de Syrie et de Romanie 19, et leurs voyages en pays infidèle ou sch
tique n'étaient considérés que comme des déplacements autorisés par
supérieurs, provinciaux, custodes ou gardiens des couvents. Pour les D
nicains, c'est également aux provinces de Grèce et de Terre S
qu'appartenaient les couvents disséminés dans les Etats latins d'Orie
tels, pour la Terre Sainte, ceux de Jérusalem ou de Nicosie -, et occas
nellement, établis dans les Etats étrangers à la chrétienté latine, com
ceux de Tiflis ou de Péra (ce dernier fondé après la reprise de Constan
ple par les Byzantins) 20. Mais dans les deux ordres, il apparut assez tôt
était difficile d'affecter des religieux uniquement chargés de tâches
sionnaires à des couvents de type normal, et à les faire dépendre des
tutions régulières d'une province franciscaine ou dominicaine. A côté
couvents prennent place des loca, qui peuvent être considérés comme
résidences ou des postes de mission. Et ces établissements sont désor
détachés des provinces pour être regroupés dans des ressorts nouve
les vicairies franciscaines, la société dominicaine des Frères Pérégrina
Du ministre général des Frères Mineurs relevaient, probablem
depuis une date de peu antérieure à 129221, et sans doute après une co
période où put exister un vicaire général unique pour l'ensemble des
soumis aux Mongols, les deux vicaires de Tartana Aquilonaris et de Tar

18 Golubovich, IV, p. 244 et suiv. - Sur la préparation des missionnaires, cf. Chr
W. Troll, Die Chinamission im Mittelalter, dans Franziskanische Studien, XLIX, 1967, p. 3
19 Cf. Odulphus Van der Vat, Die Anfänge der Franziskanermissionen und ihre Weit
wicklung im Nahen Orient und in den mohammedischen Ländern während des 13.
Werl, 1934.
20 R. Loenertz, La société des Frères Pérégrinants. Etude sur l'Orient dominicain, I,
1937 (à compléter par La Société des Frères Pérégrinants de 1374 à 1475. Etude sur l
dominicain, II, dans Archivum fratrum Praedicatorum, XLV, 1975, p. 107-145). Cette impo
étude, et celle du P. Golubovich sur les vicairies franciscaines, nous dispenseront d'
dans le détail. L'ordre franciscain avait d'abord créé des «provinces», non seuleme
LA NAISSANCE D'UN ÊPISCOPAT MISSIONNAIRE 129

orientalis. La première vicairie comprit en définitive les deux custodies de


Saraï et de Khazarie, celle-ci comprenant dès 1287 plusieurs couvents ou
loca. Dans la seconde, on trouve les trois custodies de Constantinople, de
Trébizonde et de Tabriz. Vers 1320-1330, une troisième vicairie, celle du
Cathay, avait été détachée de la première pour couvrir tout le territoire de
l'Extrême-Orient et de la Haute-Asie22.
Cette organisation paraît moins stricte à la fin du XIVe siècle. En 1406,
le pape avignonnais, Benoît XIII, rappelle que les Frères Mineurs avaient
un vicaire pour châtier et gouverner les religieux de Caffa, de Péra et des
autres partes Orientales - il ne s'agit plus ni de la custodie de Khazarie, ni
de la vicaria Aquilonaris 23 -. Boniface IX, le pontife romain, écrivant au cus¬
tode de Sarai, le 7 janvier 1401, le qualifie de visiteur a latere du ministre
général dans la vicairie de Russie, dans une lettre où la conversion des Kaï-
tak du Daghestan est attribuée aux fratres minores de societate peregrinan-
tium nuncupati24 . Trois ans après, le même pape s'adresse «au vicaire du
ministre général et aux frères de l'ordre des Mineurs dits de la Société des
Pérégrinants, résidant à Lwów pour évangéliser fidèles et infidèles et faire
connaître la vérité de la foi catholique aux schismatiques » 25 , ce qui établit
un parallèle étroit avec l'institution dominicaine de la Societas peregrinan-
tium également dotée d'un siège à Lwów (Lamburga), tout en écartant l'idée
d'une société qui aurait réuni les Dominicains et les Franciscains mission¬
naires26 : il semble plutôt que les Frères Mineurs avaient adopté vers la fin
du XIVe siècle, et pour un temps sans doute limité, le système utilisé depuis

22 Golubovich, II, p. 238-265.


23 Fontes, XIII, 2, n° 88; K. Eubel, Die avignonesische Obedienz der Mendikantenorden. . .
zur Zeit des Grossen Schismas, dans les Quellen und Forschungen de la Görresgesellschaft, I, 2,
1900, n° 1046.
24 Fontes, XIII, 1, n° 103 (Eubel, Bullarium francise., VII, n° 339 - où la lecture et custo-
diam est fautive; le registre de la chancellerie pontificale porte bien et custodi).
25 Fontes, III, 1, n° 132.
26 On rencontre très fréquemment chez les auteurs actuels la mention de cette societas
commune aux deux ordres. Nous avons seulement rencontré, dans une indulgence accordée
aux bienfaiteurs des églises saccagées par Tamerlan (Fontes , XIII, 1, n° 58) la mention des
fratres praedicatorum et minorum ordinis, societatis peregrinantium nuncupati (19 août 1398). A
notre sens, cette expression indique seulement que le pape regardait à cette date les mission¬
naires de l'un ou de l'autre ordre comme se définissant par l'appartenance à une societas
peregrinantium. L'existence et l'histoire de cette institution à l'intérieur de l'ordre franciscain
130 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

environ un siècle par les Frères Prêcheurs. Le 15 décembre 1409, enfin,


goire XII instituait un « archivicaire député par le Siège apostolique
les vicairies de Russie, de Tartarie Aquilonaire et Orientale », lui soumet
de surcroît, en 1411, les «provinces» de Péra27. Cette unification de to
territoire confiée aux missionnaires sous l'autorité d'un unique vicaire
fort bien s'expliquer par les circonstances : le Grand Schisme d'Occid
incitait le pape à contrôler directement les religieux en pays de missio
Chez les Dominicains, la constitution de la Societas fratrum peregr
tium propter Christum inter gentes paraît avoir été plus tardive que l'ins
tion des vicairies missionnaires des Franciscains. Elle répondait au m
but : détacher les missions du cadre provincial, de façon à leur assure
recrutement plus étendu, en les rattachant directement à l'autorité du
tre de l'ordre. Deux couvents, ceux de Péra et de Caffa, fondés en 129
peu après, et auxquels s'ajoutaient ensuite ceux de Trébizonde et de C
étaient soumis à l'autorité du vicaire général de la Société, et servaien
base à l'activité missionnaire. L'encyclique du maître général Bérenge
Landorre au vicaire général et aux autres membres de la Société, daté
20 octobre 1312, précisait dans quelles conditions devait être gouve
celle-ci : le vicaire général s'associait les discreciores fratres dicte societ
qui ne constituent cependant pas un chapitre provincial, pour prendre
ordonnances, désigner des vicaires particuliers là où la chose serait n
saire; le vicaire général recevait le droit de prendre des religieux par
où il lui semblerait bon, à quelques exceptions près, de recevoir des in
nes des pays de mission dans l'ordre, de corriger et même de renvoy
leur province d'origine les frères défaillants. . . Enfin c'est aux frères
couvents de Caffa et de Péra qu'il appartenait de se réunir pour élir
nouveau vicaire général, dont l'élection devait être confirmée par le m
de l'ordre28.
La Société des Frères Pérégrinants fut supprimée en 1363, à la suit
chapitre général qui décida de rattacher à la province de Grèce les
vents de Péra, Caffa et Trébizonde qui lui servaient de base29. A ce mom
les missions dominicaines de Grande-Arménie avaient cédé la place

donné
libus 28
27vicarius
Nomination
par
Β. Reichert,
le ministre
in Perade
Litterae
etgénéral,
Michel
provinciis
encyclicae.
remplaçait
de suis
Montecucito
pro
. . , alors
ecclesia
p. 313-320.
(Fontes
celui-ci
Constantinopolitana
Sur
, XIII,
Le
les même
1,institutions
n° 150)
est (ibid.,
dit
- Grégoire
de
enn°
la
1411
152).
societas
in
XII,
sp
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 131

religieux de l'ordre arménien des Uniteurs, et la nécessité d'une structure


spéciale pour accueillir des Frères détachés auprès des infidèles et des
schismatiques, tout en continuant à appartenir à leur province d'origine,
pouvait ne plus apparaître évidente; les missionnaires et les Dominicains
de Péra et Caffa firent appel au pape pour obtenir confirmation de leurs
privilèges, et Urbain V dut adapter ceux-ci à la situation de ces deux villes,
où l'autorité appartenait effectivement à des gouverneurs génois et la sou¬
veraineté à des princes non-catholiques (22 septembre 1364)30. Une dizaine
d'années plus tard, la Societas était rétablie dans des conditions qu'a éclai¬
rées un récent article du P. Loenertz31. Grégoire XI, ayant restauré la hié¬
rarchie épiscopale latine en Arménie et fait appel à des missionnaires domi¬
nicains pour collaborer avec les Uniteurs d'Arménie, plaça ceux-ci sous
l'autorité d'un «vicaire du maître général en Arménie et dans les pays
d'Orient», qui retrouvait les prérogatives de l'ancien vicaire des Pérégri¬
nants (avril 1374). Mais, arrivés à Péra, les Dominicains prirent contact avec
l'empereur byzantin et ces contacts furent assez prometteurs pour qu'ils ne
poursuivent pas leur voyage : le vicaire, Elie Petit, fit état de ce qu'il était
indispensable de rendre aux missionnaires les quatre couvents qui leur ser¬
vaient de base de départ, et ainsi de restaurer l'ancienne Societas Peregri-
nantium, ce qui fut fait par une bulle du 28 janvier 1375. En 1378, le pape lui
incorpora les couvents de «Russie» et Valachie, et notamment celui de
Lwów qui devint le chef-lieu de la société. Celle-ci vécut jusqu'à la chute de
Constantinople, puis fut dissoute en 1456 pour être rétablie dès 1464.
Ainsi l'ordre dominicain conserva-t-il l'organisation particulière de ses
missions qui fut même un moment, nous l'avons vu, imitée par les Francis¬
cains.

b) Le rôle de la papauté

La compétence des ordres religieux en matière d'envoi, de répartition,


de contrôle de l'activité des missionnaires est donc bien établie, et les let¬
tres des Franciscains du Qiqcaq au ministre général suffiraient à attester sa
réalité, autant que les interventions des chapitres généraux de l'ordre
Dominicain dans l'organisation des missions. Mais la papauté garde un rôle
essentiel dans la tâche apostolique. C'est ainsi qu'une bulle de 1288 adres-
132 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

sée aux Frères Mineurs inter Tartaros constituti précise qu'ils s'y trouven
mandato vel ordinatione seu licentia aut permissione Sedis apostolicae
autrement dit que ceux-là même qui n'ont pas été directement investis
le pape de leur mission, l'ont été par leurs supérieurs en vertu d'une au
sation pontificale. Les légats en Terre Sainte, en Grèce, en Hongrie,
joué un rôle essentiel dans les tentatives d'apostolat chez les peuples
chrétiens ou non soumis à l'Eglise romaine : bien des bulles pontifi
leur ont été adressées à cette fin, au XIIIe siècle surtout. Les missionn
eux-mêmes (entendons les religieux envoyés chez les infidèles à charg
les convertir) sont parfois dotés expressément des pouvoirs d'un légat
Jean de Montecorvino, en 1289, Odoric de Pordenone, entre 1320 et
ou Jean de Marignolli, au milieu du XIVe siècle33. De Francon de Pér
fondateur du couvent de Caffa et premier vicaire général connu d
Société des Pérégrinants, le nécrologe du couvent de Pérouse écrit qu'
envoyé «personnellement et nommément par le seigneur pape B
face VIII comme son légat et nonce spécial, avec de larges privilèges » 3
nous possédons le texte de la bulle du 10 avril 1299 qui était adress
Francisco Perusino, ainsi qu'à dix-huit autres Dominicains, tous nom
ment désignés : le pape les qualifie bien de nuncii nostri et leur confère
privilèges : ceux-ci n'excèdent pas ceux qui figurent dans bien d'autres
les35.

Ainsi le statut de légat apostolique a-t-il pu apparaître comme celu


était conféré aux missionnaires, ou au moins aux chefs de groupe; c'e
qui explique que dans son encyclique de 1312, Bérenger de Landorre s
fie que les Frères envoyés inter gentes par le souverain pontife reste
soumis à la correction du vicaire général des Pérégrinants, sauf dispos
expresse figurant dans leurs bulles36.
Rome avait un moyen de contrôler les agissements de missionna
sans passer par le canal des maîtres des ordres : c'était la nomin
d'inquisiteurs de la foi. Si l'on en croit un nécrologe, c'est le Domin
André della Terza qui aurait été primus inquisitor inter infideles et Sa

32 Bullarium franciscanum, VI, 10.


33 Golubovich, III, p. 90-91, etc.
34 R. Loenertz, Les missions dominicaines en Orient au XIVe siècle et la Société des
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 133

nos; le P. Loenertz a révoqué cette assertion en doute37. Selon cet auteur, il


n'y a pas de raison pour supposer qu'on ait créé un inquisiteur antérieure¬
ment à la désignation par Clément VI, donc entre 1342 et 1352, du Sien-
nois(?) Philippe Bindus de Incontris, Dominicain du couvent de Péra,
comme inquisiteur en Romanie. En 1359, Innocent VI étendit ses pouvoirs
à la Tartarie, à la Perse et à la Comanie, où beaucoup de chrétiens « erraient
contre la foi catholique». Il ne semble donc pas que la nomination de cet
inquisitor haereticae pravitatis ait été liée aux troubles qui agitèrent l'Eglise
catholique de Perse sous Jean XXII : Philippe écrivait en 1359 un traité sur
la procession du Saint-Esprit qui visait évidemment les doctrines grec¬
ques38. Grégoire XI confia les mêmes fonctions à Jean de Gallo; puis, en
1381, Urbain VI décida de diviser le ressort qui avait été confié à ce dernier
en trois : Russie et Valachie, Arménie et Géorgie, Grèce et Tartarie relève¬
raient désormais de trois inquisiteurs, dont le pape abandonnait d'ailleurs
la désignation au maître général des Dominicains ou à son vicaire en
Orient39. Mais à la mort d'André Armenus, nommé inquisiteur en Tartarie et
en Grèce le 8 décembre 1389, c'est Boniface IX qui désigna son successeur,
Lucas de Bozolo de Péra40. Les trois ressorts devaient être réunis vers
1431 4I.
Toutefois tous les inquisiteurs d'Outre-Mer n'étaient pas pris dans
l'ordre des Prêcheurs : le 29 décembre 1375, Grégoire XI, constatant que
les pèlerins de Terre Sainte comprenaient bon nombre d'hérétiques, et
redoutant leur influence, donnait au provincial de Terre Sainte de l'ordre
franciscain les fonctions et le titre d' inquisitor haereticae pravitatis en Terre
Sainte, en Syrie et en Egypte42. Il est vrai qu'à cette époque ces trois
régions n'étaient pas à proprement parler des pays de mission.

37 Loenertz, La Société, p. 36, note. Si l'on croyait devoir retenir cette indication, il fau¬
drait admettre qu'il n'y eut pas continuité entre la désignation d'André della Terza et celle de
Philippe de Incontris.
38 Fontes, X, n° 127; R. J. Loenertz, Frère Philippe de Bindon Incontris, O.P., du couvent de
Péra, inquisiteur en Orient, dans A F. P., XVIII, 1948, p. 256-280, à quoi on peut ajouter
Th. Kaeppeli, Deux nouveaux ouvrages de Fr. Philippe Incontri de Péra, O.P., ibid, XXIII, 1953,
p. 161-183. - On peut noter qu'en 1353, Innocent VI demandait à l'évêque de Caffa de procé¬
der contre les fraticelli (Fontes, X, p. 27) : il ne semble pas qu'à cette date il y ait eu un inqui¬
siteur en fonction dans ce diocèse, qui appartenait évidemment à la Tartarie.
39 R. Loenertz, La Société, p. 74-76; Ripoll, II, 299.
40 Fontes, XIII, 1, n° 79. La nomination d'André «de Caffa» avait été décidée par le vicaire
134 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Si les inquisiteurs veillaient à la pureté de la doctrine, non seulem


des ouailles, mais aussi des évangélisateurs, leur rôle restait réduit. D
fin du XIIIe siècle, il était apparu indispensable d'informer exactemen
papauté de l'état des missions et de la qualité des missionnaires : Nicola
avait confié en 1291 à deux Franciscains, Guillaume de Chieri et Mathie
Chieti, une enquête sur la situation des religieux des différents ordr
trouvant dans les partes Tartaricae, sur leur vie, sur leurs mœurs, et
faire rapport à leur retour43. Ce qui peut nous remettre en mém
d'autres rapports qui furent rédigés à la demande du Saint-Siège, mais
doute à l'occasion des visites de missionnaires, rapports dont le plus re
quable est sans doute le Livre de V estât du grant Caan, de Jean de Cori4
La papauté intervient fréquemment, par exemple en demandant
supérieurs des ordres ou aux chapitres généraux de désigner des relig
pour les envoyer en mission, soit dans un but précis, soit plus généralem
pour prêcher aux infidèles. C'est directement au pape que s'adressent
qui désirent obtenir l'envoi de missionnaires - tels les frères Polo au t
de Grégoire X -. Et de même qu'Innocent IV avait écrit au provinci
France pour demander que des frères partent chez les Tartares45, ou
ment IV à Humbert de Romans pour solliciter la désignation de f
« capables et zélés » pour accompagner Vasinpace dans les partes orien
et méridionales 46, on voit Jean XXII demander au chapitre des Frères
cheurs réuni à Toulouse l'envoi chez les païens de cinquante frère
moins, pourvu qu'ils soient dans la force de l'âge (1328) 47 , et Grégoire

LUI, I960, p. 111 et suiv.) demande à partir en Orient, Eugène IV peut-il lui donner po
d'exercer ses fonctions dans les régions où son ordre a coutume d'avoir des inquisiteu
aussi, comme suppléant, dans celle où ces fonctions sont normalement assurées par le
res Prêcheurs (5 avril 1441) : Wadding, Annales Minorum, XI, p. 100.
43 Volumus ... de statu religiosorum in ejusdem morantium partibus certitudinem p
habere; discretioni vestrae per apostolica scripta mandamus quatenus, cum in partibus f
supradictis, de statu vitae et conversationi religiosorum ipsorum tam vestri quam aliorum
num quorumcumque, non per indagationem solemnem, sed alias, diligenter, caute et s
indagare curetis plenius veritatem, et quod inveneritis in hac parte, nobis per vestras litte
fideliter intimetis (Golubovich, I, 354-355; Fontes, V, 2, 110).
44 Qui fut écrit « par un arcevesque que on dit l'arcevesque Saltensis au comma
pape Jehan XXIIe de ce nom» (éd. Jacquet, dans Journal Asiatique, 1830, p. 59).
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 135

en janvier 137448, écrire au maître général du même ordre en faisant état de


ce que certains des missionnaires désignés pour la Grande-Arménie tiédis¬
saient, pour lui demander de réunir en chapitre les religieux des provinces
d'Aragon, d'Espagne, de Toulouse, de France, de Provence, des deux Lom
bardies, de Romanie et de Grèce, de façon à les inciter à persister dans leur
intention, à lever les obstacles que l'on mettait à leur départ, et à les pour¬
voir du nécessaire49.
Les papes interviennent également à la demande de certains mission¬
naires, en autorisant ceux-ci à emmener avec eux des religieux de leur
ordre - sans préciser s'ils sont habilités à passer outre aux réticences des
supérieurs de ces religieux50 ils leur fournissent des recommandations,
tant auprès des souverains chrétiens ou non-chrétiens qu'auprès d'autres
autorités51. Ils se préoccupent enfin de leur donner les moyens matériels de
faire leur voyage, de s'équiper, de bâtir des églises, etc. Les concessions
d'indulgences vont en ce sens 52 ; mais on voit aussi Urbain V commuer en
1369 le vœu de pèlerinage en Terre Sainte de la comtesse de Serbie en une
aumône de mille ducats pour les Franciscains partant en Tartarie ad praedi
candam paganis fidem catholicam53 . Et la Chambre apostolique, elle aussi,
supporte sa part de l'aide que les papes accordent aux missionnaires et aux
« nouvelles plantations de la foi » 54.

48 Le même pape, le 1er mars 1376, apprenant qu'il y a à Rome de nombreux religieux,
Prêcheurs et Mineurs, désireux de partir prêcher aux infidèles, demande au vicaire général
de Rome de choisir vingt-cinq volontaires, de leur faire obtenir licence de leurs supérieurs et
de les faire partir outre-mer où ils auront le droit de construire quatre lieux de leur ordre,
ainsi que des oratoires avec clocher et cimetière (Golubovich, V, p. 213).
49 Fontes, XII, 97 (17 janvier 1374).
50 Ainsi, en 1363, l'archevêque de Malazgerd est autorisé à emmener vingt Dominicains
en Arménie; le vicaire de Tartarie Aquilonaire, douze Franciscains dans sa vicairie, en 1372
1374; à la suite de la nouvelle de la conversion de plus de 20.000 personnes aux pays des
Ruthènes, des Lithuaniens et des Tartares, le Franciscain Jean de Pologne est autorisé à
emmener de ses confrères, en 1410 (Fontes , XI, 48; XII, 28 et 122; XIII, 1, 151).
51 Ainsi les Franciscains partant en Tartarie sont-ils recommandés, en 1369, au bayle
vénitien de Tana et aux podestats génois de Péra, Chio et Caffa (Fontes , XII, 173; Golubovich,
V, p. 144). A cela s'ajoutent, bien entendu, les demandes d'appui (par exemple, au même, pour
les chrétiens des Monts Caspiens persécutés : id., 162).
52 Jean de Ziquie, archevêque de Matrega, expose ainsi qu'il a besoin d'argent pour bâtir
des églises en Zichia et reçoit d'Urbain V le droit de concéder des indulgences aux fidèles qu
136 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Les missionnaires, en dehors des pouvoirs exceptionnels dont


allons parler, pouvaient avoir besoin d'éclaircissements, en matière th
gique ou disciplinaire, en vue de leurs conversations avec les Orien
L'histoire des pourparlers avec les Arméniens devait révéler la difficu
suivre une politique cohérente. C'était encore à Rome qu'il fallait s'adr
pour avoir des éclaircissements de ce genre. Mais ici, le Siège aposto
fut long à comprendre la spécificité de l'effort missionnaire, dan
monde dont le XIIIe siècle n'avait que progressivement décou
l'ampleur, et à se doter d'un organe spécialisé. Nous avons dit que Ra
Çauma avait rencontré des hommes fort bien disposés, mais fort mal
més des particularités de sa propre Eglise. Raymond Lull avait vaine
suggéré, dans sa Petitio Raymundi ad Coelestinum V, la désignation d'un
dinal qui eût été chargé d'assurer la continuité de la politique mission
de la Papauté55. Et si l'on se résolut, sous Urbain V, à compiler un re
de negotiis Tartarorum et aliorum infidelium, item fides Armenorum à
des documents conservés dans les archives pontificales, c'est sans
que le manque d'un tel instrument de travail était apparu à quelques
spécialisés occasionnellement dans cette matière56.
A plusieurs reprises, des missionnaires avaient dû XIVe siècle, on
plusieurs reprises des missionnaires se rendre en Curie «pour avoi
déclaration sur certains articles de la foi»57. Et le pape Grégoire XI
novembre 1373, se décida à nommer, pour résoudre les difficultés qui
taient les missionnaires, une commission composée de six docteu

1338; de vêtements pour de jeunes Tartaree entrant dans l'ordre, en 1318; frais de voy
missionnaires - Jérôme de Caffa; Nicolas de Molano et ses compagnons, qui reçoiven
florins à leur départ, en 1338; Jean de Marignolli, qui en reçoit 50 à son retour); K. Sc
Die Ausgaben der apostolischen Kammer unter Johann XXII, Paderborn 1911, p. 544, 70
et Die Ausgaben des ap. Kammer, Paderborn 1914, p. 77, 321, 524, 703 (1338-1358). E
Jean, évêque de Tabriz, reçoit 60 ducats pour son retour en Grande-Arménie, et chac
Dominicains qui l'accompagnent, vingt ( Fontes , XII, 150); en juin 1385, Jean de Franc
que de Tabriz, Ο. P., partant en Grande-Arménie pro fide catholica predicando, a re
ducats (Arch. Vat., Collectoriae, 129, f° 175).
55 Golubovich, I, p. 373 et suiv. Cf. aussi Sugranyes de Franch, Raymond Lulle, doct
missions, p. 72. Dans son roman de Blanquerna, il montre l'efficacité de l'intervention
cale ainsi éclairée, en supposant que les Turcs refusant de laisser prêcher quatre r
qui avaient appris le turc dans leur pays, le cardinal informé de ce fait agit auprès d
lequel envoie des cadeaux au seigneur des Tartaree qui ont subjugué la Turquie
LA NAISSANCE D'UN ÊPISCOPAT MISSIONNAIRE 137

théologie : trois évêques (Geoffroy, de Quimper; François, de Cavaillon;


Gautier, de Glasgow), deux pénitenciers apostoliques (Guillaume Romain
et John Clenkok) et le Frère Isnard, régent au collège dominicain d'Avi¬
gnon. Cette commission était chargée d'examiner les questiones dubiae qui
lui seraient soumises par «ceux qui prêchent la parole de Dieu parmi les
infidèles, hérétiques et schismatiques»58. Aussitôt, les Franciscains de
Corse, de Bosnie et de Russie s'adressaient à elle59; les pays d'outre-mer
appartenaient également à son ressort.
L'objectif restait limité. Cette congrégation de propaganda fide avant la
lettre n'avait de compétence que théologique, et elle vécut peu de temps,
d'autant plus que le Grand Schisme survint peu après60. Mais sa constitu¬
tion témoigne de ce que le besoin d'un organisme propre aux missions
avait fini par se faire sentir.

c) Les origines d'un épiscopat missionnaire

A la différence des missions antérieures au XIIIe siècle, celles qui


avaient pris pour objet la conversion des peuples des partes orientales et
méridionales, comme de la Tartarie Aquilonaire et du lointain Cathay, ne
s'appuyaient pas sur une organisation ecclésiastique préétablie : ces mis¬
sions n'avaient pas, habituellement, bénéficié de l'appui d'un souverain pré¬
cédemment acquis au christianisme, ni d'un épiscopat constitué par Rome
aussitôt cette conversion réalisée. On avait encore vu, au milieu du XIIIe
siècle, la papauté créer des évêchés en pays ruthène ou chez les Iatvagues,
sitôt le ralliement des princes à la foi romaine acquis; ces évêchés n'avaient
vécu que quelques années, tout comme celui des Comans, mais c'est dans le
cadre de ces diocèses que s'était exercée l'action évangélisatrice.
Chez les Tartares, comme chez les souverains plus ou moins considérés
comme schismatiques61, où s'exerçait l'activité des missionnaires domini¬
cains ou franciscains, le cadre diocésain était inexistant, ou du moins, les
évêques, archevêques ou patriarches n'étant pas soumis à Rome, il n'était

58 Reg. Vat. 265, f° 80v°. Le 22 juin 1372, à la demande du vicaire franciscain de Bosnie,
une commission de théologiens dominicains et augustins avait été créée, qui émit une décla¬
ration sur des points douteux (Fontes, XII, 34-34a). Elle préfigurait la commission de 1373.
59 Reg. Vat. 265, f°s 60, 62, 69-71. Le P. Loenertz nous a signalé avoir vu, aux archives de la
Societas peregrinantium à Lwów, un instrument émanant de cette commission, scellé du sceau
de ses six membres.
138 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

d'aucun appui pour eux. D'autre part, ceux que l'Eglise romaine avait
gés de prêcher sa foi appartenaient normalement, nous l'avons vu, à
ordres religieux de récente création, l'un et l'autre marqués par la re
che de la pauvreté et, à ce titre, considérés comme «mendiants». Ain
simples prêtres, astreints à observer une règle rigoureuse, se voyaient
gés d'évangéliser les pays orientaux. On avait pu espérer, au temps de
goire IX ou d'Innocent IV, un ralliement rapide et sincère de la par
prélats orientaux et de leur clergé; l'expérience n'avait pas été décisiv
la conversion des « infidèles » se voyait, pour une grande part, confiée
religieux des ordres mendiants.
Ceux-ci se trouvaient, dès le début, obligés de solliciter des «pr
ges», c'est-à-dire des dérogations à leur règle. Les frères Mineurs dev
vivre d'aumônes, porter l'habit de leur ordre, avoir le visage rasé; dès
premier envoi au Maroc, en 1226, il leur fallut obtenir le droit de port
barbe, de revêtir des habits non «réguliers», d'emporter de l'argent
eux62. Ce sont là des dispositions qui furent sans cesse reprises63; ma
Rubrouck, parti pour la cour de Sartaq sans avoir été pourvu de priv
pontificaux, eut beaucoup à souffrir en traversant l'Asie pieds nus dan
sandales et vêtu d'une simple robe de bure - tandis que Plancarpin po
adopter le costume mongol et que Ricoldo, plus tard, revêtit l'habit
chamelier pour échapper à ses persécuteurs -. En ce qui concerne ces
lèges mineurs, les ordres pouvaient accorder eux-mêmes des dérogat
Ainsi Bérenger de Landorre autorise-t-il les Pérégrinants à se servir
leur propre usage de ce qu'ils auront acquis; à emporter avec eux l'a
nécessaire à leur voyage; à se déplacer librement; à ne pas célébrer rég
rement la messe; tout ceci ne relève que de la règle de l'ordre. Le m
général,
entraînaient
d'ailleurs,
certains
constatait
Frères64. avec regret les abus auxquels ces priv

62 Pressuti, Reg. Honorii III, 2, n° 5865; Fontes, III, n° 199.


63 C'est ainsi qu'en 1365 Urbain V autorise les clercs de Caffa à laisser croître leur
et leurs cheveux du fait qu'ils habitent in partibus infidelium nationum et aliorum heret
et scismaticorum (Golubovich, V, 112).
64 Ils amassent de l'argent et le confient à des marchands; ils s'en procurent en abs
les « marchands d'Alexandrie » - c'est-à-dire ceux qui se livraient au commerce avec l'
au mépris des prohibitions pontificales et de l'excommunication qu'ils encouraient -; i
sans compagnons, girovagi et vagabundi, sans avoir eu de permission spéciale de leur
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 139

Mais les papes seuls étaient en mesure d'accorder d'autres privilèges et


de concéder aux missionnaires désignés par leurs soins ou sur leur ordre
des pouvoirs qui excédaient leur statut de simples prêtres, voire qui leur
permettaient d'échapper aux obligations pesant sur tous les fidèles; ces pri¬
vilèges font l'objet de bulles dont le préambule commence le plus souvent
par les mots Cum hora undecima. La plus ancienne d'entre elles a été expé¬
diée à l'occasion du départ en pays musulman du Dominicain Guillaume de
Montferrat (19 janvier 1237) 65. D'autres devaient suivre, en grand nombre,
et l'énumération des peuples auxquels étaient envoyés les missionnaires à
qui étaient elles étaient remises - énumération qui correspondait, au début,
à ceux que visait la mission en question, mais qui devint pratiquement inva¬
riable depuis le milieu du XIIIe siècle - a depuis longtemps retenu l'atten¬
tion, du fait qu'on peut ainsi connaître le domaine de plus en plus étendu
dans lequel s'exerçait le labeur missionnaire66.
Mais c'est la nature des privilèges, lesquels vont en s'accroissant et en
se précisant, tandis que la longueur des textes s'accroît démesurément, qui

65 Fontes, III, n° 210. Dès 1233, les Franciscains partant chez les Géorgiens et en pays
musulman ou infidèle reçoivent des pouvoirs, à la vérité peu étendus (le droit de communi¬
quer avec les infidèles: ibid., n° 163; Reg. Grégoire IX, n° 1220). La bulle Aeterni pastoris
qu'emporte Gérard de Prato en 1278 (Fontes , V, 2, n°24); la bulle Immaculata lex fulminée
lors du départ de Francon de Pérouse et d'autres Dominicains en 1299 (ibid., n° 127); celle
qui était destinée à Nicolas Bonet, Jean de Marignolli et leurs compagnons en 1338 (Fontes,
VIII, n° 32), etc., ne diffèrent guère des bulles Cum hora undecima.
66 Cf. le commentaire qui accompagne l'édition de la bulle du 21 mars 1245 dans Fontes,
IV, 1, n° 19, et surtout l'ouvrage de Melle Von den Brincken, Die «Nationes christianorum
orientalium», au nom des différents peuples concernés. - Ces listes varient dans le détail (des
graphies aberrantes s'y glissent: le nom des Mossoulitains - Mossoliti en 1245 - devient Mos-
celini, Molcliti, Mochiti, Mosceliti, Moci, Mosteliti, voire Agolesticü ) De 1233 à 1238, on men¬
tionne les terres des Sarrasins et des Païens, auxquels s'ajoutent en 1239 (pour les Francis¬
cains), les Grecs, Bulgares, Comans; en 1245, s'y adjoignent, à la suite des premiers, les Ethio¬
piens, Syriens, Ibères, Alains, Khazars, Ziques, Ruthènes, Jacobites, Nubiens, Géorgiens, Armé¬
niens, Indiens et Mossoulitains. Dans les bulles accordées aux Dominicains, en 1253, le nom
des Tartaree figure entre celui des Khazars et des Ziques, et, à la fin, s'ajoutent les Hongrois
de Grande-Hongrie et les chrétiens captifs chez les Tartaree. La liste est dès lors à peu près
stéréotypée, avec la disparition éventuelle de certains noms (c'est ainsi que celui des Syri
s'efface, remplacé, du fait d'une confusion, par celui des Scythes : celui des Ziques disparaît
également : en 1307, le nom des Sichi se substitue à celui des Syri et des Zichi, pour se trans¬
former ensuite en Scythae) tandis que les Valaques apparaissent épisodiquement, à côté des
140 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

doit nous retenir ici. Le pape se substituait aux évêques diocésains


autoriser les missionnaires à prêcher, à baptiser, à confesser, à releve
excommuniés des sanctions qu'ils avaient encourues; il les autorisa
absoudre les pénitents des irrégularités, à réconcilier ceux qui s'éta
séparés de la foi, à recevoir les ordres sacrés des prélats catholique
bénir même, là où il n'y avait pas d evêque en communion avec le S
Siège et à condition d'être prêtres, les vêtements sacerdotaux, les pal
les corporaux : tel était l'ensemble des pouvoirs accordés en 1237. Dès
Innocent IV précisait que ses envoyés pouvaient fréquenter les excom
niés67, conférer la tonsure et les premiers ordres mineurs, confirme
clercs revenant à l'Eglise romaine dans les ordres qu'ils avaient reçus,
ner des dispenses pour l'ordre et le mariage, absoudre les apostats e
meurtriers de clercs, permettre aux convertis de conserver leurs fem
malgré des parentés prohibées par les canons, juger les causes matrimo
les, fonder des églises, les pourvoir de curés, bénir les cimetières, comm
les vœux, concéder des indulgences68.
Le Directorium apparatus, qui a été récemment retrouvé et qui dat
la fin du XIVe siècle, lorsque ces pouvoirs ont atteint toute leur amp
permet de savoir dans quelles conditions elles s'exerçaient69. Il nous su
d'indiquer ici que, dotés de ces pouvoirs, les missionnaires assimilés à
légats du Saint-Siège exerçaient des prérogatives normalement dévo
aux évêques : la bénédiction des vêtements liturgiques, des autels e
leurs ornements, des cimetières, la fondation ou la réconciliation des
ses, la nomination de desservants, le privilège de conserver leur carac
clérical aux membres des clergés schismatiques, mêmes mariés, le dro
confier aux néophytes la tonsure et les ordres mineurs, l'octroi d'indul
ces (jusqu'à quarante jours. . . ). On pouvait même voir de simples pr
confirmer des archevêques et évêques ramenés à l'Union, après avoir
fié qu'ils avaient été consacrés selon les règles canoniques70.

67 Ils peuvent communiquer avec les Chrétiens non unis à Rome in verbo, cibo et o
mais ne peuvent pas célébrer dans leurs églises lorsque celles-ci sont sises in terra fi
(bulle du 22 mars 1244 : Fontes, IV, 1, n° 8).
68 Fontes, IV, 1, n° 19 (Sbaralea, I, 360); l'assimilation des missionnaires aux léga
indiquée par le fait qu'ils peuvent donner dispense in Ulis casibus in quibus soient legat
apostolice dispensare.
69 Athanasius Matanic, Bulla missionaria «Cum hora jam undecima » ejusque juri
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 141

Ces pouvoirs ne devaient être qu'exceptionnels. Nous savons que les


papes de la première moitié du XIIIe siècle avaient délibérément créé des
sièges épiscopaux dans les pays nouvellement, et souvent partiellement,
convertis à la foi chrétienne : Livonie, Prusse, Comanie, pays lithuaniens.
Aussi n'est-il pas surprenant qu'en 1278, apprenant les conversions réalisées
par le ministère des Franciscains au pays de Qipcaq, le pape Nicolas III
s'émut à la pensée qu'«il n'y avait dans ce pays aucun évêque catholique
qui pût promouvoir ces frères aux ordres sacrés». Ayant appris qu'«il a
existé une cité très avancée dans le territoire tartare, et qui a été détruite
par ces mêmes Tartares, où, depuis plus de quarante ans, il n'a résidé ni
évêques, ni autres habitants catholiques», il invitait son légat en Hongrie,
l'évêque Philippe de Fermo, à s'enquérir de la réalité de cette information,
et de savoir si on pourrait attribuer à l'évêque qu'on y établirait « des reve¬
nus relevant du Saint-Siège»71. Il s'agissait de faire revivre le diocèse des
Comans; mais il ne semble pas qu'il ait été donné suite à ce projet.
En aucun pays musulman, même en Turquie où les mercenaires latins
avaient pourtant été fort nombreux jusqu'en 1243, la papauté ne paraît
avoir jugé nécessaire d'adopter la formule qui avait été retenue pour l'Afri¬
que du Nord, où Grégoire IX avait élevé un Franciscain à l'épiscopat sous
le titre à'episcopus Marrochitanus (ou d'évêque de Fez), en lui attribuant
essentiellement pour fidèles les mercenaires composant la militia Christiana
du sultan du Maroc, mais en escomptant aussi la conversion des infidèles72.
Dans les partes orientales, où les conversions de Musulmans ou de Mongols
par les soins des religieux latins n'avaient jamais été très nombreuses, et où
les fidèles du rite latin restaient très dispersés, en petits groupes de mar¬
chands ou d'aventuriers, la création de diocèses de ce même rite ne s'impo¬
sait pas comme elle s'était imposée dans les Etats latins d'Orient, dotés de
véritables colonies occidentales. L'objet principal n'était-il pas, de ce côté,

pouvoir, mais en reconnaît le caractère exorbitant, et lui recommande de recourir plutôt, à


cette fin, au ministère d'un évêque ou archevêque qu'il s'associerait (Fontes, V, 2, n° 25).
71 Fontes, V, 2, n° 27 (Sbaralea, III, 347-348). Le pape recommandait au ministre provin¬
cial de Hongrie que le baptême soit conféré aux Comans convertis selon le rite de l'église
romaine (ibid, n° 28).
72 L'envoi de missionnaires dominicains et franciscains au Maroc en 1225-1226 (Pressuti,
Reg. Honorii III, n° 5527 et 5836) a pour but la prédication, la conversion et le baptême des
142 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

d'amener à l'union les ressortissants des Eglises orientales, tant que


Musulmans restaient rebelles à la prédication chrétienne? Et, ici, les
sionnaires agissant en tant que légats ne suffisaient-ils pas à recevoir
actes d'union et à les transmettre à Rome, dans la mesure où ils n'agissa
pas en vertu des pouvoirs à eux conférés pour confirmer les prélats or
taux dans les dignités qu'ils avaient acquises?
Le Dominicain André de Longjumeau, cependant, était revenu d
seconde ambassade auprès des Mongols avec des informations qui lui
mettaient de suggérer la création d'évêques latins en pays mongo
musulman : selon lui (c'est-à-dire, probablement, selon les chrétiens or
taux qu'il avait rencontrés ou qui, comme David et Marc, chrétiens de
soul envoyés par Älgigidäi en ambassade auprès de saint Louis, avaient
route avec lui), le khalife de Bagdad et d'autres princes musulmans en
vaient les nominations épiscopales pour affaiblir les chrétientés méso
miennes. C'est ainsi qu'Innocent IV fut amené à inviter son légat en Or
Eudes de Châteauroux, à faire consacrer des Dominicains et des Fra
cains comme évêques pour suppléer à la carence de prélats orientaux,
les sièges laissés vacants. La bulle Athleta Christi du 20 février 125
paraît d'ailleurs pas avoir été suivie d'effet73.
Dix ans plus tard, le 1er août 1263, Urbain IV envoyait au patria
latin d'Antioche un Dominicain anglais, William Freney, déjà élevé à l
copat, pour lui conférer un archevêché ou un évêché « in Arabia vel M
sive Armenia, patriarchatui Antiocheno non subditae sed ecclesie Rom
subjectae». Le titre qui lui fut confié, celui de «Rages de Mèdie» fut
simplement pris dans la Notice des évêchés relevant d'Antioche où fig
un archiepiscopatus Edessensis sive Rages Medorum Mais il semble qu
nouvel «arceveske de Rages», qui revint dès 1265 en Angleterre,
chargé essentiellement d'une mission diplomatique auprès de l'E
d'Arménie74. Il s'en acquitta avec succès - nous savons d'ailleurs
connaissait plusieurs langues et qu'il était circumspectus et eloquentia
mendabilis on pourrait rapprocher sa nomination de la suggestio

73 Fontes, V, 1, n° 86 (Sbaralea, I, 651). Cf. J. Richard, La Papauté et les missions catho


en Orient au Moyen-Age, dans Mél. arch, et hist, de l'Ecole de Rome, 1941-1946, p. 258-2
aussi G. Fedalto, La chiesa latina in Oriente, I, p. 400.
74 J. Richard, Deux évêques dominicains, agents de l'Union arménienne au Moyen-Age
LA NAISSANCE D'UN ÊPISCOPAT MISSIONNAIRE 143

Rubrouck, recommandant que l'on chargeât des évêques, plutôt que de


simples religieux, des négociations diplomatiques75. Mais il n'était question
ni d'un diocèse d'Edesse, ni d'un diocèse de « Ragès ».
En 1278, c'est pour une autre raison que Nicolas III envisage l'envoi
d'évêques en pays de mission : chargeant Gérard de Prato et ses confrères
franciscains d'amener les Mongols au baptême et les prélats orientaux à
l'union, il les invite, comme nous venons de le voir, « à prendre avec eux un
des évêques ou archevêques catholiques, dans la grâce et la communion du
siège apostolique, par le ministère duquel il serait plus aisé de réaliser ce
qui requiert la dignité épiscopale», - un prélat oriental ramené à l'union
des Eglises pouvant d'ailleurs remplir ce rôle76-. Une fois de plus, rien ne
permet de penser qu'un évêque de l'Orient latin, ou d'ailleurs, ait accompa¬
gné les Franciscains à la cour de ΓΙΙ-Khan de Perse.
Il n'est pas possible de savoir en quoi ont pu consister les activités de
l'évêque de Tortose Mansellus dont une lettre de Boniface VIII fait mention
et qui auraient eu pour théâtre les pays des Infidèles : missions diplomati¬
ques ? fonctions pontificales au service des missionnaires ? Le texte est trop
laconique pour nous en informer77.
Un évêque nous est encore connu pour avoir été associé à un projet
missionnaire : c'est encore un prélat titulaire d'un siège d'Orient latin, le
Dominicain Guillaume, évêque de Lydda, au sujet duquel le roi Edouard
d'Angleterre écrivait au pape et au souverain mongol de Perse, le 30 novem¬
bre 1307. Edouard, préparant une croisade, estimait qu'avant de passer aux
opérations de guerre, il convenait d'appeler les Sarrasins à se convertir; et
Guillaume devait partir pour réaliser ce projet avec un important groupe
de Franciscains et de Dominicains. Parmi les objectifs qui lui étaient propo¬
sés, figurait la conversion des sujets du khan mongol de Perse au christia¬
nisme78. On peut douter de l'accueil qu'Ölgäitü, personnellement converti à

autre
envoyait
nem
dictum
contigerit
75Apostolicae
76 Frère
.C'est
quae
. .un
. Aut
. . pontificale
laexercere
s'en
évêque
assumendi
conclusion
sedis
ailleavec
habentibus,
(Fontes
chez
requirunt
des
unum
de
les
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son
V,Tartaree
de2,
officium,
cujus
récit
caîholicis
n° 25).
d'honneur
ministerio
de
comme
acvoyage
archiepiscopis
ilia per
jepossitis
...
: l'ai
«eum
il fait
nelïberius
pourrait
quem
me
vel
. . . episcopis
, semble
reconciliari
mais,
leur
exequi
dire
sipas
gratiam
circa
le ceper
seigneur
souhaitable
qu'il
negocium
vos
et veut
communio-
vel
pape
assumi
».
supra-
qu'un
. . .

77 Reg. de Boniface Vili, n° 306 : c'est dans la bulle d'union du siège de Tortose à celui de
Famagouste qu'il est fait allusion à ce que l'évêque avait prêché la foi apud infideîes diversa-
rum nationum (13 juillet 1295).
144 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

l'Islam, et ses sujets, eux aussi passés à la foi musulmane, auraient réser
l'évêque et à ses compagnons; mais nous ignorons tout de la suite d
projet79.
Même si Guillaume de Lydda était parti pour l'Orient, il reste qu'au
évêque n'avait été consacré, entre 1253 et 1307, pour occuper effective
un siège correspondant à un diocèse constitué en dehors des pays soum
l'autorité des princes chrétiens d'Orient. William Freney avait été revêt
caractère épiscopal et pourvu d'un titre qui était celui d'une cité archi
copale authentique, située en pays soumis aux infidèles : mais il ne p
avoir été chargé de gouverner un peuple chrétien, même dispersé
mieux, Mansel de Tortose et Guillaume de Lydda, prélats dotés d'un
épiscopal qui était encore résidentiel pour le premier, déjà in partibus
delium pour le second, ont pu être associés à des équipes missionnair
l'idée retenue par Nicolas III lors du départ de Gérard de Prato, en
avait pris quelque corps. Mais ce n'est pas certain, et la participation d
ques à des tâches missionnaires reste, en Orient, extrêmement limitée
Le XIVe siècle allait voir la papauté adopter une attitude beau
plus hardie; l'épiscopat missionnaire, si peu important au XIIIe sièc
dehors de la formule traditionnelle retenue dans les pays baltes ou r
nes, allait connaître le plus étonnant des développements, et cela
l'influence des événements et non du fait d'une évolution institution
consciente.

II - LA CRÉATION DE L'ARCHEVÊCHÉ DE KHANBALIQ ET SES SU

C'est une aventure exceptionnelle qui devait susciter la mise en p


d'une hiérarchie épiscopale dans les pays de mission relevant de l'em

truant in eadem, ac ad sumendum bellum contra detestabilem Machometi sectam habili


informent.
79 La liste épiscopale de Lydda s'interrompt après 1307; mais on voit citer parmi le
lats qui assistent aux obsèques du comte Othe IV de Bourgogne, enseveli à Cherlieu le
1310, un évêque de «Leyde» qui doit être identique à Guillaume (ed. Clerc, Histoire
Franche-Comté, t. II, p. 15). - Dans le Chronicon ordinis F. P., d'Antoine de Sienne (Paris
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 145

mongol : la naissance en Extrême-Orient d'une communauté chrétienne


d'obédience romaine, dans des conditions tout-à-fait inattendues.

a) Jean de Montecorvino et la mission de Chine

L'envoi du Franciscain Jean de Montecorvino, originaire de la province


de Salerne80, au grand-khan Qubilaï se plaçait dans une perspective déjà
familière : Qubilaï, qui avait fait connaître son désir de recevoir des reli¬
gieux latins par l'intermédiaire des frères Polo, puis de l'Il-Khan Abaqa,
avait renouvelé cette demande par l'intermédiaire du nouvel Il-Khan
Argun; Nicolas IV décida de lui donner satisfaction81. Une fois de plus, la
papauté espérait amener à la foi le grand-khan et amorcer de la sorte la
conversion de l'ensemble de ses sujets; mais Nicolas IV pensait aussi à
renouveler les démarches déjà plusieurs fois tentées par la papauté auprès
des prélats des Eglises orientales - Montecorvino lui-même revenait d'une
mission auprès du roi d'Arménie et de son Eglise, du patriarche des Jacobi¬
tes, des catholicos, de l'évêque de Tabriz. . . Aussi notre Franciscain était-il
chargé de lettres pontificales qui étaient à la fois des lettres de recomman¬
dation, des invitations à embrasser la foi chrétienne pour des princes mon¬
gols (Qubilaï, Qaidu, Argun), à entretenir ou à promouvoir l'union des Egli¬
ses pour des princes chrétiens (le roi d'Arménie et les siens, le roi de Géor¬
gie, l'empereur d'Ethiopie) ou des prélats - le patriarche des Jacobites et
son frère, les catholicos des Nestoriens, des Géorgiens, des Arméniens,
l'archevêque d'Ethiopie, l'évêque (jacobite) de Tabriz, etc.82. Il est douteux
que le Franciscain ait été chargé d'apporter toutes ces lettres à leur destina¬
taire : la lettre à Qaidu évoque un voyage par les passes de Dzoungarie, cel¬
les destinées aux Ethiopiens, un voyage par mer. . . Elles lui avaient sans
doute été remises afin qu'il pût profiter de son passage pour travailler
auprès des uns ou des autres, et qu'il obtînt partout un accueil favorable.
En tout cas, parti de Rieti en juillet 1289, avec un compagnon qui mourut à
Camerino, il emprunta la route qui par la Cilicie et par Sivas, menait à
Tabriz. Là, apprenant que la guerre avait repris entre Qubilaï et Qaidu, il
prit la route du Golfe Persique, non sans avoir emmené avec lui deux com¬
pagnons, le Dominicain Nicolas de Pistoie et le marchand Pierre de Luca-
146 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

longo. On séjourna quelque temps dans l'Inde du Sud : quelques bapt


marquèrent ce séjour, qui fut fatal à Nicolas. Reprenant la mer après t
mois d'interruption, Jean de Montecorvino parvint à Khanbaliq à la f
1293 - Qubilaï devait mourir le 18 février 1294 83 .
Il est douteux que, si Qubilaï avait vécu, Montecorvino eût obten
lui cette adhésion à l'Eglise romaine que l'on espérait en Occident : l'o
tation prise par la dynastie qui régnait à Khanbaliq en faveur du b
dhisme thibétain était déjà trop affirmée84. Que Montecorvino ait été
reçu et entouré d'égard, tant par Qubilaï que par son successeur Te
c'est très probable; il y eut cependant des gens, appartenant à la com
nauté nestorienne, pour accuser le Franciscain d'avoir assassiné Nicol
Pistoie pour s'emparer des lettres qui authentifiaient son titre de lég
des cadeaux destinés au grand-khan.
C'est que les rapports entre Montecorvino et le clergé nestorien pr
très rapidement une allure tendue. Le missionnaire se refusait à acc
les déviations de ceux qu'il regardait comme chrétiens de nom seulem
les autres supportaient mal cette attitude, et l'on alla jusqu'à détruir
tamment l'église bâtie par le Franciscain85. Là-dessus, celui-ci parv
obtenir le ralliement à l'Eglise romaine du prince ongiit Körgis, qui ré
sur la région que les Occidentaux appelaient le Tendue (autour de Ko
Toqto)86. Montecorvino, dès 1294, fut ainsi amené à se rendre da

83 Cf. A. Van den Wyngaert, Jean de Montcorvin, O. F. M., premier évêque de Kh


(Peking), a. 1247-1328, Lille 1924 (repris de La France franciscaine, VI, 1923, p. 135 et su
même auteur a édité les documents concernant Montecorvino au 1. 1 des Sinica franc
Cf. aussi Christian W. Troll, Die Chinamission in Mittelalter (dans Franziskanische S
XLVIII, 1966, p. 109-150, et XLIX, 1967, p. 22-79) et Jean Richard, Essor et déclin de
catholique de Chine au XIVe siècle (dans Bulletin de la Société des Missions étrangères d
2e série, n° 134, 1960, p. 285-295).
84 Cf. P. Demiéville, La situation religieuse en Chine au temps des Yuan, dans
poliano, Rome 1957.
85 Sur cette attitude, cf. A.-D. Von den Brincken, Die « Nationes. . . p. 316-317.
86 Sur Körgis (Georges), cf. A. C. Moule, Christians in China, p. 191; L. Hambis, Le
tre CVIII du Yuan Che, Leyde 1954, p. 23-27. Le nom que lui donne l'évangéliaire copié p
sœur Sara, alias Arau'ul, sous la forme mutilée « Gantu. . . u. . . », a été interprété par
non comme son nom turc, mais comme la transcription de son titre chinois, Kao-t'an
LA NAISSANCE D'UN ÊPISCOPAT MISSIONNAIRE 147

royaume Ongüt où il organisa une chrétienté de rite latin, bâtissant une


église qu'on a proposé de reconnaître dans les ruines d'un édifice religieux
retrouvé à Olon-SUme87, traduisant l'office religieux dans la langue du pays,
et baptisant de son propre nom le fils de Körgis. Mais celui-ci périt en 1298
sous les coups du khan de Djagataï, et Jean dut abandonner le Tendue.
Rentré à Khanbaliq, il bénéficia de l'aide de Lucalongo et put ainsi
bâtir une église; il prêcha aux «Tartares», dont un assez grand nombre se
convertit; il fonda un couvent franciscain qu'il peupla d'esclaves rachetés
par lui, auxquels il apprit le latin et le plain-chant et qu'il éleva aux ordres
mineurs. Le chiffre de quatre mille baptêmes administrés entre le 8 janvier
1305 et le 13 janvier 1306 donne une idée de l'ampleur de cet apostolat88.
Jusqu'en 1306, Montecorvino était resté seul, avec le dévoué Lucalongo; un
autre Latin, un chirurgien lombard, qui s'établit à Khanbaliq en 1303, ne fit
que lui susciter des difficultés. Aussi, dans deux lettres qu'il écrivit à ses
confrères de Khazarie, en 1305 et 1306, réclamait-il de l'aide; un Franciscain
allemand le rejoignait en 1306; mais les missionnaires dominicains et fran¬
ciscains envoyés auprès de lui (car il avait construit un couvent à l'inten¬
tion des Frères Prêcheurs à côté de celui qui était destiné aux Mineurs)
furent arrêtés par la guerre, en 1306; on ne sait ce qu'il advint de ceux que
voulait lui envoyer en 1307 le prieur dominicain de Tabriz. Seulement, la
lettre de 1306 devait avoir des répercussions auxquelles Montecorvino était
loin de s'attendre. Montecorvino s'était séparé de la voie suivie par ses pré¬
décesseurs : les membres des Eglises orientales devant être ramenés à
l'unité de la foi deviendraient les évangélisateurs de leurs compatriotes res¬
tés infidèles. Le contact qu'il avait eu avec le clergé nestorien, dont déjà
Rubrouck déplorait l'ignorance, la simonie et l'ivrognerie, l'avait-il dissuadé
de persister dans cette voie89? Toujours est-il que son but avait été, dès la
fin de la première année de son séjour, de fonder une chrétienté de rite

taoïsme). Sur le Tendue (diocèse de Ong), cf. J. Dauvillier, Les provinces chaldéennes « de
l'extérieur» au Moyen-Age, p. 301 et suiv.
87 N. Engami, Olon-Siime et la découverte de l'église catholique romaine de Jean de Mont-
corvin, dans Journal Asiatique, CCXL, 1952, p. 155-168; cf. aussi Kazuo Enoki, Nestorian Chris¬
tianity in China in the Medieval period, dans L'Oriente cristiano nella storia della civiltà, Rome,
Accad. dei Lincei, 1964.
88 Sur cette méthode, cf. les commentaires de Ch. W. Troll, aritele cité, t. XLIX, p. 22-79, et
de A. Van den Wyngaert, Méthode d'apostolat des missionnaires du XIIIe au XVIe siècle en
148 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

latin - même si, à la façon des saints Cyrille et Méthode, il avait tr


l'office en turc pour le mettre à la portée de ses ouailles90. C'est donc
Eglise latine de plusieurs milliers d'âmes dont l'Occident avait appris l
tence en 1307.
La réaction du pape Clément V fut de donner à cette nouvelle
tienté un encadrement de type normal, en constituant dans l'empire m
gol un archevêché et une province ecclésiastique. Habituellement, de t
créations intervenaient lorsque les souverains avaient fait acte d'adhés
la foi catholique : le pape n'hésita pas à anticiper sur la conversion
grand-khan.
Nous n'avons pas le texte de la bulle instituant l'archevêché de K
baliq (Cambaliensis), mais seulement celui des bulles concernant les
ques suffragante de l'archevêque91. Ce dernier devait avoir dans sa jur
tion la totalité de l'empire des Tartares (curam et sollicitudinem anima
existentium in toto dominio Tartarorum) avec toutes les prérogatives
chées au titre archiépiscopal. Six suffragante lui étaient donnés92, tous
ciscains (André de Pérouse, Nicolas de Banzia, Gérard Albuini, Ulric
Seyfriestorf, Peregrino de Castello et Guillaume de Villeneuve) : ils
vaient la consécration épiscopale des mains de trois cardinaux, et c'es
qui étaient chargés de consacrer leur archevêque et de lui remettre le
lium Le pape leur conférait les privilèges habituellement reconnus
Franciscains partant dans les terres des « Sarrasins, païens et autres in
les», mais il ne leur donnait pas de titre épiscopal; les six nouveaux
ques portaient seulement le titre d'episcopi in dominio Tartarorum,
ment V s'en remettant sans doute à Montecorvino du soin de leur co
un diocèse et une cité épiscopale.
On sait que le voyage fut long : un des six, Guillaume reçut en
l'ordre de partir en Tartarie, ce qui prouve qu'il était resté en arrièr
1318, il était de nouveau à Avignon, et on le transféra en 1323 au sièg
Savone93. Ulrich et Nicolas moururent dans l'Inde; les trois survi

90 II réclame dans ses lettres l'envoi de livres et de traductions en ouïgour.


91 Regestum Clementis papae V., n° 2216 à 2221, 2300 et 2301 (23 juillet 1307). Cf. G
Fedalto, La chiesa latina in Oriente, I, Verone 1973, p. 413-415 et 423-425.
92 Ils étaient pro majori animarum salute in adjutorium hujusmodi commisse ipsi
Johannis specialiter deputati.
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 149

furent à même de donner la consécration épiscopale à Montecorvino


lorsqu'ils arrivèrent à Khanbaliq, en 1313. Mais déjà, sans doute averti du
décès des deux prélats morts en route, Clément V avait-il consacré trois
autres évêques in dominio Tartarorum, Jérôme de Catalogne et Pierre de
Florence (20 décembre 1310) ainsi qu'un frère Thomas dont on ne sait rien
de plus (19 février 131 1)94.
La situation qu'ils avaient trouvée à leur arrivée n'était plus celle de
1306. Entre temps, Montecorvino avait pris contact avec les éléments du
peuple alain déportés par les Mongols en Extrême-Orient, où ces Cauca¬
siens (qui avaient déjà participé aux Grandes Invasions du Ve siècle et que
les missionnaires hongrois avaient rencontrés en 1236 non loin de la Cas¬
pienne)95, avaient apporté une importante contribution à la conquête de la
Chine; leurs chefs y avaient reçu des dotations96.
Chrétiens de rite grec, en dépit d'une ignorance religieuse que les
témoins s'accordaient à trouver effroyable97, ils s'étaient vu refuser par les
Nestoriens d'être admis à leur communion et se trouvaient de la sorte pri¬
vés d'un encadrement que les missionnaires latins pouvaient leur apporter.
Montecorvino était entré en rapport avec eux et n'eut pas de peine à les ral¬
lier à l'Eglise romaine, eu égard à la conformité dogmatique des deux com¬
munautés. Et ainsi ces quinze mille ou trente mille âmes apportaient à
l'Eglise latine de Chine un élément particulièrement important.

chöfe von Constanz, ed. Ladewig et Müller, 3671, 3754, 3773, 3482; AA SS., Mai V, 205) - et
même, après son transfert à Savone : AA SS., Jun. I, 336; Kessel, Antiquitates monast. S. Mar¬
tini Majoris Coloniae p. 286 (1326) et Quix, Geschichte der Stadt Aachen, II, 21 (1328). Il est pro¬
bable qu'il n'avait pu se joindre à ses confrères en 1307, et qu'il fut alors remplacé par
Andreuccio d'Assise. Il n'aurait été consacré qu'en 1308, et, ses coévêques étant déjà partis
(Andreuccio mourut dans l'Inde), attendit une occasion qui ne se présenta pas.
94 Regestum Clementis papae V, t. VI, n° 7480, 7481, 7482. Ce que nous savons du destin
des évêques sacrés en 1307 provient d'une lettre d'André de Pérouse, datée de 1313 (cf.
Moule, Christians in China, p. 191; Golubovich, II, p. 115, n. 3); Pierre de Florence ne les avait
pas encore rejoints en Chine.
95 Cf. la lettre de l'évêque Théodore d'Alanie, qui rencontra vers la même date ses ouail¬
les depuis le voisinage de Kherson, en Crimée, jusqu'à soixante étapes plus à l'est, dans la
steppe de « Scythie » et jusqu'aux confins du pays des Ibères (Patrologie Grecque, CXL, p. 392
397).
96 Pelliot, Chrétiens d'Asie centrale . . . , dans Τ oung pao, 1914, p. 64; Marco Polo, éd. Pau
150 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

A côté des «Tartares» baptisés, dont le nombre dépassait dix mil


des Alains ralliés à l'Eglise latine, d'autres éléments constituaient le p
placé sous la crosse de Montecorvino : M. Dauvillier a attiré l'attentio
le cas des Arméniens - transplantés par les Mongols ou bien attirés p
commerce - : c'est une riche Arménienne qui fit construire la grande
catholique de Zayton (Ts'iuan-tchéou) et le couvent attenant; d'autr
Khanbaliq, faisaient également bâtir une église à l'intention de Mont
vino, et Peregrino de Castello précise que c'est l'archevêque latin qui
permis à toutes les petites communautés non-chaldéennes de se regr
et de ne pas passer par les exigences des Nestoriens, qui - Rubrouck l
déjà remarqué - prétendaient obliger les autres chrétiens à se faire reb
ser pour les accueillir dans leurs églises98. D'autres - Russes, Tcherk
etc. -, ont pu également se rallier à la communauté latine, essentielle
« chalcédonienne », pour des raisons analogues.
Enfin les Latins eux-mêmes, bien que certainement moins nomb
n'étaient pas à négliger. La récente découverte des pierres tombale
deux enfants du marchand génois Dominique Ilioni, morts en 1342 et
à Yang-tchéou, le Jamcai des Latins, a permis de connaître la présen
familles latines"; marchands, mercenaires et aventuriers ont fréquen
Chine, et en particulier Khanbaliq, Jamcai et Zayton; l'exemple de
longo témoigne de l'appui qu'ils pouvaient donner aux missionnaires
ils attendaient des secours religieux100.

98 J. Dauvillier, Les Arméniens en Chine et en Asie centrale au Moyen-Age, dans Mélan


sinologie offerts à M. Paul Demiéville, t. II, Paris 1974, p. 1-17 (Bibl. de l'Institut des Haut
des chinoises, XX). - Montecorvino s'était «consacré aux Arméniens, laissant l'égli
Latins aux autres Frères », selon Peregrino.
99 Κ. Enoki, ouvr. cité, p. 65 et pl. V (pierres tombales en latin, avec des figures grav
style chinois à sujet chrétien); Francis A. Rouleau, The Yangchow latin tombstone as
mark of medieval Christianity in China, dans Harvard Journal of Asiatic studies, XVII
p. 345 et suiv.; R. S. Lopez, Marchands italiens en Chine (Cf. Acad Inscr., 1977, p. 455).
100 Rappelons les principales études sur les marchands occidentaux : Luciano Pete
marchands italiens dans l'empire mongol, dans Journal Asiatique, CCL, 1962, p. 5
R. S. Lopez, Venezia e le grande linee dell'espansione commerciale nel secolo XIII, d
civiltà veneziana del secolo di Marco Polo, Florence 1955, p. 39-82, et Nuove luci sugli Ita
Estremo Oriente prima di Colombo, dans Studi Colombiani, III, 1952, p. 337-398; Michel
Les Génois en Asie centrale et en Extrême-Orient au XIVe siècle : un cas exceptionnel, dan
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 151

La vie de cette communauté catholique nous est connue par les lettres
des évêques André de Pérouse (1313) et Peregrino de Castello (1318),
comme par les relations de voyage et notamment celle d'Odone de Porde¬
none, qui déposa à Zayton les reliques des martyrs de Thâna, traversa Jam-
cai et admira, à Khanbaliq, la faveur dont jouissait Montecorvino, bénéfi¬
ciaire de pensions impériales et admis à donner sa bénédiction au grand-
khan lors des expéditions de celui-ci (1326-1328).
Quelle place y tenait l'institution épiscopale? Trois évêques étaient
arrivés en 1313 et avaient consacré l'archevêque; un quatrième les avaient
rejoints. Or nous constatons que trois d'entre eux finirent par se fixer à Zay¬
ton, ce port du Fou-kien où arrivaient les navires venant de l'Inde qui trans¬
portaient les marchands, et d'où partait la route menant par Hang-tchéou
et Yang-tchéou à Khanbaliq. Gérard Albuini en fut fait évêque par Monte¬
corvino dès 1313; Peregrino le remplaça vers 1317 et, après sa mort (7 juil¬
let 1323), André de Pérouse, qui s'était installé en 1317 dans un ermitage
voisin de la ville, en devint à son tour évêque101. Les suffragante de Monte¬
corvino n'avaient donc pas pris possession chacun d'un siège épiscopal :
évêques sans titre précis, il ne leur était pas apparu nécessaire de diviser
entre eux le territoire de la province de Khanbaliq pour constituer des dio¬
cèses. La mission du Cathay, en effet, s'articulait essentiellement autour des
résidences franciscaines; le vœu de Montecorvino, de recevoir aussi des
Dominicains, n'avait pu se réaliser - Jourdain de Séverac, qui accompagnait
quatre Franciscains partant pour la Chine, en 1320, demeura dans l'Inde
après le martyre de ses compagnons102-. Chaque couvent, si nous en
jugeons par le cas de Zayton, avait sa vie assurée par des fondations, tandis
que les évêques, auxquels le grand-khan assurait une rente de cent florins
d'or par an, vivaient avec leurs frères : les marchands latins ou arméniens
se fixaient, durant leur séjour, à proximité de l'établissement franciscain 103.

M. Petech
d'un Génois.
(p. 553) propose de voir en lui un Vénitien, Pietro Longo, (fils) de Luca, au lieu

101 On sait que la pierre tombale portant le nom d'André de Pérouse a été retrouvée lors
de la destruction des murs de Ts'iuan-tchéou, la date étant très mutilée (John Foster, Crosses
from the walls of Zaitun, dans Journal of Royal Asiatic Society, 1954, p. 1-25). M. Hambis ( Les
cimetières de la région de Zaiton, dans Comptes rendus Acaà des Inscriptions, 1960, p. 213-221) a
proposé de lire cette date 1330. Sur l'emplacement de la résidence franciscaine de Zayton, cf.
152 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

En dehors des villes dotées de ces résidences - Khanbaliq, Zayton, Ja


peut-être Quinsai (Hang-tchéou) et Lancerny (Lin-tsin au Chan-toung
n'existait sans doute pas de postes de mission, et les chrétiens dissém
étaient probablement desservis par des prêtres de leur nation, alain
arméniens, que les évêques ordonnaient et que les Frères Mineurs
taient à l'occasion. Malheureusement, cet aspect de la vie des chréti
nous échappe, comme nous échappe l'organisation de la vicairie de Ca
qui se plaquait en pratique sur l'archidiocèse de Khanbaliq104.
Lorsque mourut Jean de Montecorvino - sans doute plus près de
que de 1328 -, il ne survivait probablement aucun des évêques ordo
par Clément V, et il ne semble pas qu'ils aient été remplacés105. Ri
paraît avoir été prévu pour la succession de l'archevêque : c'est seule
le 8 septembre 1333 que Jean XXII, informé de son décès, désigna un
vel archevêque, le Franciscain Nicolas, qu'il recommanda aux princes
res, au grand-khan et au roi de Corée, qui lui aussi, aurait été touché
prédication latine106. Nicolas ne reçut ses frais de voyage (cent florins
le 11 juin 1334; le 23 septembre, il obtenait un sauf-conduit et des lettr
recommandation du roi Robert de Naples 107. Il n'atteignit le khanat d

104 Le De locis fratrum minorum et predicatorum in Tartaria (Golubovich, II, 72) co


quatre loca franciscains au Cathay; ceci à une date comprise entre 1302 et 1318; un tex
tardif, énumérant les résidences franciscaines, ajoute exceptis locis Indie et Cathaie q
numerum vicarius ignorât ; vers 1334, la vicairie de Khanbaliq ou Cathay est créditée d
tre loca (ibid, 238-254). Un texte de 1385 (ibid., 255) donne trois custodies et neuf loc
Khanbaliq; peu après, on est revenu à trois loca (ibid, 257). Il ne faut pas oublier que
est regardé comme faisant partie de l'Inde majeure, et qu'on peut difficilement fixer l
tes de la vicairie vers l'Ouest. Cf. p. 273 : in magna Tartaria, juxta contratam Millestorces,
habent plura loca ; cette «contrée», mal définie, est celle où Odoric situe la résiden
Assassins - Alamut, la forteresse du Vieux de la Montagne, se trouvait dans l'Elbour
loin de Kazvin La Grande Tartarie doit donc correspondre aux steppes situées e
rivage méridional de la Caspienne et les montagnes de l'Asie centrale; les postes en q
doivent plutôt être recherchés entre la Caspienne et le lac Balkach, dans le ressor
vicairie de Sarai (infra, η. 157).
105 On a cru que l'archevêque de Sultanieh avait assisté à ses obsèques, sur la foi d
de l'estat du grand caan où l'on lisait « à son obsèque . . . vis très grant multitude de
dans l'édition procurée par d'Avezac et de Backer; celle de Jacquet remplace vis par
(p. 69). Cf. Loenertz, La Société, p. 184-185.
106 J. Richard, Un texte latin du XIVe siècle concernant la Corée, dans Actes du XXIe C
des Orientalistes, Paris 1948, p. 349-350 (à corriger d'après L. Hambis, Notes sur l'hist
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 153

gataî qu'en 1336 : aussi avait-on commencé en Chine à s'inquiéter. Les chefs
des Alains écrivirent au pape une lettre collective (11 juillet 1336) à laquelle
le khan Toghan Temiir joignit ses propres lettres, pour demander l'envoi
d'un successeur de Montecorvino 108.
Les envoyés - deux Génois et l'Alain Thogay - parvinrent à Avignon en
1338, et la lettre du grand-khan fit une grande impression109. Le pape
Benoît XII estima qu'il convenait de répondre avec un certain éclat : il dési¬
gna quatre ambassadeurs, avec rang de légats pontificaux, et les chargea de
cadeaux parmi lesquels figurait un grand cheval, ce «cheval céleste» qui
impressionna vivement la cour de Khanbaliq110. Mais on peut noter que ces
«légats», mieux fournis d'argent que l'expédition précédente (la Chambre
leur remit quinze cents florins) et voyageant avec plus d'apparat, n'avaient
pas reçu de pouvoirs exceptionnels, pour autant qu'on puisse en conclure
de la bulle qui leur fut remise. Eux aussi cheminèrent lentement - ils
s'embarquèrent à Naples en 1339, séjournèrent à Almaligh le temps néces¬
saire à la restauration de l'église détruite par les Musulmans, à Ha-mi le
temps qu'il fallut pour convertir quelques Tartares et entrèrent à Khanba¬
liq, où ils furent reçus magnifiquement, en 1342. Jean de Marignolli, qui
nous a laissé des souvenirs de son voyage épars au milieu de sa chroni¬
que111, Grégoire de Hongrie et Nicolas de Molano furent défrayés de toutes
leurs dépenses, sans préjudice d'une pension impériale, et retenus trois ou
quatre ans à Khanbaliq : le grand-khan ne les laissa repartir que moyennant

rence (celui qui devint évêque de Zayton et mourut en 1362?); sans doute est-ce à ce moment
qu'on avait appris la mort de l'archevêque.
108 Golubovich, IV, p. 250-251 (les noms des chefs Alains ont été retrouvés en transcrip¬
tion chinoise dans le Yuan Che ; Pelliot, Chrétiens d'Asie centrale . ... p. 641 et suiv.).
109 Cf. la chronique de Jean de Winterthur (p. 152) : selon lui, le «roi des Tartares», ayant
été converti par sa femme, elle-même amenée à la foi par les Frères Mineurs, aurait demandé
au pape des docteurs pour convertir son peuple, et Benoît XII aurait désigné à cette fin cin¬
quante Frères. Les deux envoyés génois du khan étaient Guillaume de Nassio et Andolo de
Savignone (sur celui-ci, cf. M. Balard, Les Génois en Asie centrale. . . ; Schäfer, Die Ausgaben,
p. 77; Benoît XII. Lettres closes, éd. Vidal, I, n° 1870-1873). Ils avaient pris la voie de mer, et
par conséquent ne rencontrèrent pas Nicolas.
110 Cf. Herbert Franke, Das « himmlische Pferd» des Johann von Marignolla, dans Archiv für
Kulturgeschichte, L, 1968, p. 33-40. D'autres cadeaux étaient destinés au Khan de Qipcaq.
111 Les extraits de cette chronique, consacrée essentiellement à la Bohême où il termina
sa vie, concernant ce voyage, ont été réédités dans les Sinica Franciscana du P. Van de Wyn
154 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

la promesse que le Siège apostolique enverrait en Chine un évêque fr


cain revêtu des pouvoirs d'un légat. C'est donc que l'archevêque N
n'avait pas pu rejoindre son siège112. Et nous ne savons pas quelle sui
donnée à la demande de l'empereur mongol : ce n'est qu'en 1370 q
nouvelles lettres décidèrent le pape à désigner un archevêque, d'
Cosme de Sarai", qui refusa sa nomination, et ensuite un Franciscain, a
professeur de théologie à Oxford et à Paris, Guillaume du Pré113. C
dant, nous avons la trace de l'existence d'une hiérarchie épiscopa
Cathay avant cette nomination, puisque c'est en 1362 que le Franc
Jacques de Florence, évêque de Zayton, fut martyrisé par les Musu
tandis qu'il traversait le Djagataï114. Il n'est donc pas exclu, soit que N
ait fini par atteindre Khanbaliq, soit qu'un nouvel archevêque et de
ques, ou au moins un évêque, aient été envoyés après le retour de
gnolli, en 1353, et assuré l'encadrement de la mission du Cathay pe
une quinzaine d'années.
Guillaume du Pré, en même temps que le titre archiépiscopal,
reçu les fonctions de vicaire du ministre général des Franciscai
Cathay115; il paraît avoir atteint son siège, pour y trouver une situation
velle : la révolte qui avait pris naissance en Chine du Sud (les Mo
avaient perdu Zayton dès 1360) avait chassé le grand-khan de Khanba
1368, et certainement refoulé dans la steppe divers éléments de la co
nauté catholique - les Alains, qui devaient survivre sous forme de la
mongolisée des Asud; les Tartares christianisés-. Mais, contrairem

112 Du moins lit-on sous la plume de Marignolli : itti solos cognoscunt sacerdotes, e
papam semper talem sicut fuit ille Jeronimus papa qui misit eis legatum, quem sanctum v
tur Thartari et Alani, fratrem Johannem de Monte Corvino : ceci semble exclure que d
ques et un archevêque soient arrivés entre temps. Il convient d'ailleurs de ne pas oubl
la Peste Noire sévit précisément dans l'Asie centrale en 1338-1339 et que la mission d
las peut lui avoir payé tribut. - Notons que, après avoir quitté Khanbaliq, Marignolli s
assez longtemps à Zayton pour y faire fondre et bénir deux cloches pour les églises d
113 J. I. Cato, Guillaume du Pré and the Tartars, dans A F H, LX, 1967, p. 210-213; Bul
cise., VI, 1078-1081; Golubovich, V, p. 149 et suiv. Guillaume aurait emmené avec lui s
Frères, d'après la «Chronique des XXIV Généraux». On peut se demander si sa désign
ou plutôt celle de Cosme, qui doit dater de 1369 (Fedalto, La chiesa latina, I, p. 433) - n
à mettre en rapport avec l'envoi de nombreux Franciscains en pays de mission, de
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 155

une opinion souvent exprimée, la nouvelle dynastie, celle des Ming, ne


recourut pas à une xénophobie systématique, pas plus qu'elle n'envisagea le
repli de la Chine sur elle-même (c'est elle qui organisa au XVe siècle des
expéditions maritimes dans l'Océan Indien). En tout cas, et quelques réser¬
ves que l'on puisse faire sur la présence d'un évêque franciscain à Lin-tsin
jusqu'en 1387 116, il est certain que le Libellus de notitia orbis fait état de ce
qu'un archevêque de Khanbaliq, du nom de Charles de France, « avait vécu
dans ce pays et fait beaucoup pour l'augmentation et l'honneur de la
foi»117. Il était alors mort depuis longtemps, sans avoir été remplacé; et le
pape Jean XXIII, en 1410, se décida à lui donner pour successeur, en qua¬
lité d'administrateur, le même Jean III de Sultanieh qui avait écrit le Libel¬
lus (et qui devait mourir à Lwów en 1412) I18.
La vie de l'archidiocèse de Khanbaliq s'était ainsi confondue avec celle
de la mission des deux Chines, le Cathay et le Manzi; les institutions pré¬
vues par Clément V, très originales en ce qu'elles laissaient toute latitude à
l'archevêque pour organiser sa province, paraissent avoir été insuffisantes
en ce qui concerne la désignation des évêques et l'élection de l'archevêque
- encore que la disparition de la bulle de fondation nous empêche d'être
affirmatif sur ce point. Il semble qu'on ait dépendu entièrement de l'arrivée

116 On se réfère d'ordinaire (Golubovich, III, p. 393-394) à Romanet du Caillaud, Décou¬


verte des tombeaux de deux missionnaire? franciscains du XIVe siècle, dans Compte rendu des
séances de la Société de Géographie de Paris, 1893, p. 39 : nous avons pu recourir, grâce à l'obli¬
geance de M. A. Vauchez, au texte de la lettre du P. José - M. Vila à Marcellino da Civezza (28
février 1892), publiée dans Le Missioni francescane in Palestina ed in altre regioni della terra, II,
8, 31 août 1892, p. 475-481. Parlant du Franciscain Bernard, compagnon d'Odoric, l'auteur
écrit qu'il a pu lire ce nom de Bernard sur une épitaphe : « Esto nombre solo se reconosce en
una piedra sépulcral a dos léguas de Linzincou. En este lugar se ven dos sepulcros, uno de
esto padre y otro de un obispo, que no se puele percibir el nombre puesque los escritos hal-
lados en una botella cercada co la ere al tocarlo restaron polverizados. En otra pequena caja
de bronce se encontro un anillo e cruz pectoral en que estaba gravado el sello de N. P. san
Francisco que por la forma mandada a exhaminar remonta al siglo 13. En la piedra que segun
uso de los Chineses se pone en la cabezon del sepulcro y que por su antiguedad este devidida
en muchas partes solo se ve ser enterado al ano 1387». Nous avouons que la précision de ce
rapport, la découverte, opérée depuis, des pierres tombales de Ts'iuan-tchéou et de Yang-
tchéou (qui, maçonnées dans des murailles, étaient moins dégradées), nous inviteraient à
accepter l'hypothèse qu'il s'agirait bien de tombes de religieux latins du XIVe siècle, quelque
156 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

de missionnaires venus d'Occident, et de la désignation de nouveaux


ques par la papauté; toutefois la présence des légats, entre 1342 et 134
1349, avait sans doute permis de pallier l'absence d'un archevêque, e
Charles de France succéda à Guillaume du Pré119, ce fut peut-être à l'i
rieur de la province que se fit l'élection du premier.

b) Les évêchés du Qipcaq et du Djagataï

Mais la province de Khanbaliq ne se réduisait pas aux seuls pay


Cathay (la Chine du Nord et la Mongolie), de Manzi (la Chine du Sud
aux régions voisines. Lors de sa définition, elle s'étendait à tout l'em
des Tartares, ce qui pouvait comprendre également le Qipcaq, le Djag
voire la Perse mongole. Or, dès la fin du XIIIe siècle, le khanat de Qipca
les territoires voisins avaient été pénétrés par les missionnaires lat
ceux-ci passaient donc sous la juridiction du nouvel archevêque120.
On a vu que les six suffragante de Jean de Montecorvino avaient pr
chemin qui passait par les côtes de l'Inde pour se rendre en Chine
route, bien connue des missionnaires comme des marchands, qui pa
des ports de Crimée et traversait les khanats de Qipcaq et de Djagata
révélait en effet longue et souvent coupée par les guerres entre pri
mongols. Mais les trois évêques désignés en 1310-1311 suivirent-ils le m
itinéraire que leurs devanciers?
Les rapports entre les Latins et les Tartares du Qipcaq venaient d
troublés par les représailles du khan Toqtaï contre les Génois, qui s'éta
vu obligés d'évacuer leur comptoir de Caffa et dont les biens à S
avaient été saisis (1307-1308); le gardien du couvent franciscain de C
François du Bourg, avait été tué121. Néanmoins les contacts entre les k
de Qipcaq et l'Occident n'avaient pas été rompus de façon durable,
n'est pas exclu que les évêques désignés en 1310-1311 pour être suffrag
de Khanbaliq aient été chargés de négocier avec le khan. Toqtaï n'était
musulman - l'adhésion de son oncle Bärkä à l'Islam n'avait pas entr
l'islamisation de la famille gengiskhanide qui régnait au Qipcaq -. Et n

de
France
Charles
119 IIquand
neau
saurait
français
il étaitêtre
jeune.
Guillaume
exclu queduJean
Pré, III
bien
de qu'il
Sultanieh
affirme
aitavoir
donnébien
parconnu
inadvertance
ledit Charl
le
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 157

apprenons que le roi des Tartares Coktoganus, sa mère Thodothelia, sa


femme Kerley, ses fils Georges, Curamas, et Abuscan embrassèrent la foi
catholique et reçurent le baptême, en même temps que plusieurs chefs
mongols122.
L'identification de Toqtaï à Coktoganus n'est pas assurée123; les sources
franciscaines postérieures comptent parmi les souverains qui se firent reli¬
gieux frater Johannes, quondam rex et imperator Tartarorum, et parlent de la
translation du corps du «bienheureux frère Jean, jadis roi des Tartares»,
dans le couvent Saint-Jean de Sarai, trente ans après sa mort; mais un autre
texte mentionne dans le couvent de Sarai* le sepulchrum Coktogani filii impe-
ratorisn 4 : on pourrait supposer que c'est un fils de Toqtaï qui fut baptisé et
non ce dernier. Mais Toqtaï mourut dès le mois d'août 1312; les deux aînés
des fils du converti abandonnèrent la foi chrétienne pour se concilier les
chefs mongols - ils n'en furent pas moins mis à mort par leur cousin Özbäg,
qui devint khan. Seul le plus jeune, Abuscan (Abusqa), conserva son inclina¬
tion pour le catholicisme125.
Jérôme de Catalogne et ses compagnons avaient-ils joué un rôle dans
cette conversion? Nous l'ignorons, et nous ignorons si le retour en faveur
des Génois, autorisés à s'établir de nouveau à Caffa, leur est dû, aussi bien
que la confirmation par Özbäg des privilèges accordés aux Frères Mineurs
par ses prédécesseurs (20 mars 1314) 126. Nous savons seulement que, tandis
que Pierre de Florence gagnait la Chine, Jérôme resta en arrière. Il recons¬
truisit une église à Caffa; consacré absque titulo alicujus ecclesie et destiné
ad partes Tartarorum ad predicandum, il prend de lui-même le titre à'episco-

122 Golubovich, II, p. 170-177.


123 Pelliot, Notes sur l'histoire de la Horde d'Or (Œuvres posthumes, II, 1950), p. 71 et n. 3. :
« la question de ces conversions de Toktaï et de ses trois fils au catholicisme. . . mérite un
examen minutieux : les noms cadrent mal, et les faits connus semblent contraires; mais il fau¬
dra peser les termes de la lettre très précise publiée par Bihl et Moule dans AFH, XV, 1923,
111».
124 Manumenta franciscana, ed. Brewer, p. 539; Golubovich, II, p. 61-72.
125 B. Spuler, Die goldene Horde, 2e éd., p. 85-87 et 586, rapporte la succession de Toqtaï
d'après les auteurs musulmans, d'une manière où n'apparaît pas la version donnée par la let¬
tre franciscane éditée par Bihl et Moule, De duabus epistolis. Dans cette dernière, c'est bien
1'«empereur » défunt qui est donné comme étant mort chrétien, et ceci ne s'appliquerait qu'à
158 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

pus Caffensis quand il se trouve à Péra, en 1317 127. Le 26 février 1318, il


nait de Jean XXII l'érection de l'église Sainte-Agnès de Caffa en cathéd
et la création d'un vaste diocèse allant de la ville bulgare de Varna ju
Sarai sur la Volga, et de la mer Noire aux pays russes. Ainsi le pape r
naissait-il à Jérôme, sans prendre l'avis de l'archevêque de Khanbal
juridiction sur un territoire correspondant au ressort de la provinc
Khanbaliq à l'Ouest de la Volga128.
Jérôme repartait aussitôt pour son diocèse, nanti d'une somme de
quante florins et d'une lettre pour le khan Özbäg, que le pape priait d'
riser à nouveau les sonneries de cloches, comme il l'avait promis en 13
Il se rendit certainement à Yordu d'Özbäg, d'où il revint en 1321 à la
pontificale avec des informations et aussi en demandant l'aide du
pour faire reconnaître son autorité par ceux qui résidaient dans « l'em
des Tartares du Nord»; il soutenait une controverse avec les Domini
(1322), et ne repartit peut-être qu'en 1323 13°.
Ce qui avait décidé de la création de l'évêché de Caffa ne nous es
connu. Il ne s'agissait pas seulement de desservir une colonie d'Occ
taux : Caffa apparaissait comme le point de départ des missionnair
Jean XXII le rappelait en 1321 131 . Et l'une des tâches essentielles du n
évêque devait être de maintenir dans l'Union les représentants des a
Eglises, pour autant qu'ils avaient accepté cette union - car une lettre
missionnaire, datée de 1323, rappelle que les schismatiques et les h
ques sont les pires ennemis des prédicateurs latins132. Si Jean XXI
1318, avait écrit à l'archevêque et aux prêtres arméniens du diocè
Caffa pour se féliciter de leur union avec l'Eglise romaine, il lui fall
1321 leur écrire à nouveau pour les soutenir dans leur conflit avec un
de la perdition», l'évêque Thaddée, qui s'était fait sacrer évêque de

127 Fedalto, La chiesa latina, p. 441-442.


128 Fontes, VII, 2, n° 8.
129 Bull, francisa, V, 318 (28 mars 1318); une autre bulle rendue à la demande de J
proscrivait les mariages mixtes pour les Pisans, Vénitiens et Génois (Fontes, VII, 2, n° 9
autre était adressée aux Arméniens du nouveau diocèse (n° 10).
130 L'affaire des cloches n'était toujours pas réglée, et Jean XXII sollicita de no
Özbäg; le pape était informé des difficultés avec les Arméniens et des espoirs qu'on f
sur Abuäqa (Fontes, VII, 2, 49, 50, 51, 53, 56); sur les difficultés avec les Dominicains, cf
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 159

par le catholicos d'Arménie et qui importunait aussi bien l'archevêque


arménien de Crimée que Jérôme. A Sarai, un episcopus Armenorum, Bogos,
avait suscité les pires difficultés à l'évêque du lieu, Etienne, qu'il avait
obligé à quitter la ville 133. L'union arménienne était donc un des principaux
soucis de l'évêque latin, surtout du fait qu'une émigration arménienne
importante s'était dirigée vers la Crimée et vers le reste du Qipcaq. La solu¬
tion trouvée ailleurs, qui consistait à désigner un évêque pour les Armé¬
niens dans le même diocèse que l'évêque latin, devait d'ailleurs être finale¬
ment reçue, et les Arméniens continuèrent à avoir leur archevêque à Sol-
gat134. On peut d'ailleurs se demander si les difficultés de 1321 n'étaient pas,
en fait, des difficultés internes dans la communauté arménienne, l'élévation
de Jérôme au rang d'évêque latin de Caffa s'étant réalisée en accord avec
l'archevêque arménien, que Rome considérait comme un prélat uni par la
doctrine et le rite à l'Eglise catholique (on le pressait seulement d'intro¬
duire dans la célébration de la messe l'union de l'eau et du vin). Là-dessus,
le catholicos de Sis aurait directement désigné deux évêques au moins,
Thaddée à Caffa et Paul à Sarai, sans passer par l'archevêque : d'où les
conflits, qui devaient quelques années plus tard être apaisés - au point que
Thaddée, reconnu comme évêque de Caffa pour les fidèles de rite armé¬
nien, devait, après un séjour en Cilicie où Rome l'avait envoyé comme évê¬
que de Gorhigos, revenir à Caffa en qualité d'évêque pour les fidèles de rite
latin comme de rite arménien135.
La mention de l'évêque de Sarai Etienne, en 1321, pose d'ailleurs une
question : s'agit-il d'un évêque latin, ou d'un évêque arménien? Nous
serions tentés d'opter pour le deuxième terme de l'alternative. Certes, on

133 Fontes, VII, 2, n° 10, 49, 50, 51. Thaddée devait bientôt se réconcilier avec Jérôme, et
rester episcopus Caphensis de Ermenis en attendant d'être transféré à Gorhigos (1328), puis de
revenir à Caffa comme évêque latin en 1334 (J. Richard, Deux évêques dominicains, agents de
l'Union arménienne, dans AFP, XIX, 1949, p. 260-265); Bogos - ou Paul - episcopus Armenorum
in imperio Tartarorum Iusbect est félicité en 1329 de son retour à l'Union (Fontes, VII, 2,
n° 112).
134 L'archevêque Solkatensis Etienne, qui écrit au pape et que celui-ci invite en 1340 à res¬
serrer l'union (Fontes , VIII, 51) est sans doute un successeur de l'archevêque Arakiel cité
en 1318.
135 Cf. infra, p. 208. Un privilège du roi d'Arménie pour les Siciliens a été traduit en 1332,
à Sis, par Thaddée, episcopus Occichensis (lire Curchensis) : cf. Carmelo Trasselli, Su gli Euro¬
pei in Armenia a proposito di un privilegio e di una novella del Boccaccio, dans Archivio storico
italiano, CXXII, 1964, p. 471-491. Sur les Arméniens de Caffa, cf. Bratianu, Recherches sur le
commerce génois dans la mer Noire au XIIIe siècle, Paris, 1929, p. 227-228; M. Balard, Gênes et
l'Outremer, I, Les actes de Caffa du notaire L de Sambuceto, Paris et La Haye, 1973, passim.

13
160 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

pourrait supposer que, dès avant 1321, Rome aurait retiré au diocè
Caffa la ville de Sarai" qui lui avait été donnée en 1318, en égard à l'im
tance du couvent franciscain de cette ville - qui devait même se dédo
par la suite. Cette création nous semblerait cependant prématurée : un
ché latin n'est attesté à Sarai* qu'en 1352 136.
L'importance de Sarai était double : la ville était une place de
merce très active, elle était aussi la résidence du khan, et les lettre
Franciscains montrent que, par exemple, les seigneurs de Baskirie qui
nent à la cour impériale en profitent pour demander des missionnair
Les espoirs que l'on fondait sur l'accession d'Abusqa au trône, en
encore, s'effacèrent par la suite. Vers 1339, des éléments hostiles à l'
que professait le khan Özbäg, auraient essayé de faire périr celui-ci
l'incendie de son palais; l'attentat échoua, et, malgré la pression de ce
Musulmans qui auraient voulu en rendre les chrétiens responsabl
khan continua à rester favorable à ces derniers138. Son fils aîné, Tin
avait pour conseiller un Franciscain, Elie de Hongrie, dès 1338. Sa bie
lance pour les chrétiens inquiétait Ibn-Batuta, et, lorsqu'il succéda
père, en 1340, il envoya Elie auprès du pape. La perspective de son
sion au christianisme était-elle encore à envisager? Le Qipcaq n'avai
alors les contacts étroits avec la Transoxiane qui avaient joué un gran
dans la formation musulmane d'un Bärkä, et il était peut-être encore
ble que le poids des chrétiens soumis aux Mongols du Qipcaq - R
Comans, etc. - entrât en ligne de compte139. Mais Tina-bag fut assassin
1342, et son successeur Ganibäg (1342-1357) se montra un Musulman
coup plus convaincu qu'Özbäg lui-même, et plus porté aux mesur
coercition140; on sait qu'aussitôt après son avènement, il s'en prit au
blissements latins de son empire, détruisant ceux de Crimée et assié

136 Golubovich, V, 69 et G. Fedalto, La chiesa latina, p. 443 et 457 ont opté pour re
tre en Etienne un évêque latin. Le P. Loenertz s'étonne {La société, p. 103, n. 69) d
«coïncidence étrange» qu'un évêque arménien de Sarai s'appelle Etienne en 1330, et
que franciscain de la même ville porte le même nom en 1321. Deux evêques latins seu
sont sûrement connus à Sarai : les Franciscains Thomas (1352) et Albert (1357).
137 Lech, Das Mongolische Weltreich, p. 146; Bihl et Moule, Tria nova documenta. .
138 Golubovich, IV, 226 (Le pape félicite özbäg d'avoir échappé à l'attentat et d
refusé à persécuter les chrétiens dont trois seulement avaient participé au complot).
139 Bull Francise., VI, n° 97, 124, 214; Ibn Batuta, éd. et trad. Defremery et Sanguin
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 161

même Caffa - un testament placentin de 1347 donne comme bénéficiaires,


avec les quatre couvents franciscains ou dominicains de Caffa, les églises et
les couvents de Cimbalo, Soldaya, Saint-
Jacques de Solgat et Kara-Su, qu'il
était alors nécessaire de reconstruire141 -, et sans doute commençant à
faire reculer le christianisme au profit de l'Islam142.
Aussi est-il difficile de mettre en rapport la création d'un évêché latin à
Sarai avec un moment précis de l'histoire des relations entre les Francis¬
cains et les princes mongols. La prédication aux Tartares devait d'ailleurs y
être difficile, du fait des progrès que l'Islam avait réalisés dans les milieux
mongols sous l'influence d'Özbäg : un Franciscain hongrois, Etienne de
Nagy-Varad, ayant prêché publiquement et attaqué l'Islam fut contraint à
abjurer et, s'étant repris, fut mis à mort à Sarai même, dès 1334, et le cas ne
fut sans doute pas isolé I43.
D'autres évêchés latins firent leur apparition, le long de la route que
suivaient les marchands. Celui de la Tana, où Özbäg autorisa l'établisse¬
ment d'un comptoir vénitien en 1332, mais où Franciscains et Dominicains
avaient établi des résidences dès avant 1318, a pu n'être érigé qu'aux envi¬
rons de 1343; mais il se peut qu'il ait existé auparavant144. Cet évêque se
consacrait-il avant tout à desservir la colonie latine de l'endroit, ou avait-il
une tâche missionnaire? Nous sommes mal renseignés sur ce point; cepen¬
dant, les quelques indications que nous possédons sur le couvent domini¬
cain de la Tana nous permettent d'y relever, en dehors de la présence en

141 Les couvents de Caffa, Soldaya, Cimbalo, Kara-su et Kherson sont cités dans le De
lotis (avant 1318). Le testament en question, conservé aux archives de l'hôpital de Plaisance,
nous a été communiqué par M. R.-H. Bautier, qui l'a analysé dans Les relations économiques
des Occidentaux avec les pays d'Orient au Moyen Age, publié dans Sociétés et compagnies de
Commerce. . . , p. 321-322.
142 Ibn Batuta, op. cit., Ill, p. 357, donne la région entre Kertch et Caffa comme habitée
par «ceux. . . qui appartiennent à la nation connue sous le nom de Kifdjak et qui professent
la religion chrétienne». A Sarai même, le voyageur avait rencontré des Mongols, en partie
seulement islamisés, des Qipèaq, des Tcherkesses, des Russes et des Grecs chrétiens, et des
« Ass » (Alains) musulmans (p. 357).
143 Lemmens, Die Heidenmissionen, p. 57 ; Mollai, Registres de Jean XXII, n° 63 644 et
63 892 (un Franciscain, Jacques de Pistole, s'est fait musulman et désire rentrer dans son
ordre; deux Dominicains en ont fait autant, au Qipèaq).
144 Elena Skriinskaja, Storia della Tana, dans Studi veneziani, Χ, 1968, p. 3-46; G. Fedalto,
op. cit., p. 438-439, 459. La date de 1343 (qui est aussi celle de l'émeute qui entraîna la destruc¬
162 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

1332 d'un frère Dominique, Polonais, qui savait le turc qipcaq, celle
frère Bandino Marzi, qui résidait à la Tana en vue d'y évangéliser les T
res et les païens145.
D'autres évêchés, missionnaires avant tout, ont été érigés à des d
que nous ignorons également - il nous faut nous contenter d'enregis
l'existence d'évêques titulaires de ces sièges, non seulement à Saraï,
dans des localités situées à l'est de la résidence des khans de la Horde-d
sur la route du Cathay, à Urgenj et à Almaligh. Le premier de ces évê
existait avant 1340, date où apparaît un Franciscain, Mathieu, episc
Orgathensis, et il était encore pourvu d'un évêque, Guillaume, en 1393 1
second avait été érigé avant 1328, date de la mort, survenue près de P
de l'évêque Carlino de Grassis, dont le successeur, Richard de Bourgo
était en charge en 1338 et mourut martyr en 1339 147.
Nous serions ici en présence d'évêchés institués en Asie centrale,
l'espace vide qui séparait le Cathay de cette région de la Mer Noire où
population chrétienne aussi nombreuse que bigarrée et l'espoir d'amen
la foi les Tartares et leurs souverains avaient amené Jérôme de Catalog
provoquer la naissance de l'évêché de Caffa. Les sièges d'Asie cen
répondaient-ils à des objectifs différents? Le cas d'Almaligh per
d'essayer de discerner les conditions dans lesquels ils vivaient, et ce gr
la relation du martyre des Franciscains de 1339 et à la lettre de l'un d
l'Espagnol Pascal de Vitoria148. La lettre de Pascal de Vitoria a l'intérêt
plémentaire de nous faire connaître la formation d'un missionnaire
Franciscain espagnol, parti d'Occident en 1334, avec un compatriot
passa par la Tana pour atteindre Saraï, tandis que son compagnon c
nuait jusqu'à Urgenj. Le séjour au couvent de Saraï lui permit d'appre

145 Thomas Mancasola de Plaisance, O.P. (evêque de Samarkand), s'engage à cons


aux mains de Bandino Marzi, pour le temps où il séjournera à la Tana, une somme d
quante livres, en commande du marchand placentin Roberto de Ripalta, demeurant à la
(Archives de l'Hôpital de Plaisance, 1330; signalé par M. Bautier). Sur Dominique, cf.
Latrie, Privilèges commerciaux, dans B.E.C., 1898, p. 585.
146 Golubovich, IV, p. 310; Fedalto, p. 495. La résidence franciscaine d'Organte prope
nem Mïllestorce est citée par Barthélémy de Pise; Pascal de Vitoria y séjourna quelque t
seul chrétien avec un serviteur zique.
147 Golubovich, III, p. 343; IV, p. 252-253 et 310-311.
LA NAISSANCE D'UN ÉPISCOPAT MISSIONNAIRE 163

le turc; aussitôt après, son vicaire150 l'envoya avec un serviteur indigène (un
Zique) à Saraicik, puis à Urgenj où il entreprit de démontrer à des qâdi la
fausseté de la doctrine coranique, ce qui lui valut detre « tourmenté » (sans
doute bâtonné). Puis, quittant la vicaria Aquilonaris pour celle de Cathay, il
arriva à Almaligh, probablement en 1336, et s'adjoignit aux Franciscains qui
y étaient établis151.
Mais cet établissement était-il ancien? Carlino de Grassis était mort, en
Occident, en 1328. Or, si le khan de Djagataï Darmasirin avait embrassé
l'Islam, ce qui n'était sans doute pas une condition favorable à l'établisse¬
ment d'un couvent latin dans sa capitale, son successeur, Canksi, se montra
au contraire très bienveillant pour les chrétiens, qui avaient à Almaligh un
archevêché de rite chaldéen. Nous avons une lettre à lui adressée par le
pape (13 juin 1338) pour le remercier d'avoir donné à l'évêque franciscain
un terrain pour y bâtir un couvent, ainsi que d'avoir reçu avec faveur
l'archevêque de Khanbaliq Nicolas, qu'il avait autorisé à construire et à
réparer des églises, ainsi qu'à prêcher librement152. On peut se demander si
ce n'est pas précisément à l'occasion du passage et du séjour de l'archevê¬
que, vraisemblablement en 1336, que ce dernier, profitant des bonnes dis¬
positions du khan, releva la cathédrale d'Almaligh où il laissa un évêque -
Richard de Bourgogne -, quelques Frères, un de ses interprètes enfin dont
Marignolli nous apprend la présence.
Le couvent prospéra : un des religieux, François d'Alexandrie, opéra
sur le khan lui-même une guérison miraculeuse et fut chargé par lui d'éle¬
ver son fils. Mais Canksi mourut, et Almaligh fut disputé entre descendants
d'Ögödai et descendants de Djagataï (quatre khans se succédèrent de 1338 à
1342); l'un des premiers, Ali, qui était un derviche, fit saccager le couvent
où périrent l'évêque, trois frères (François, Pascal et le Provençal Raymond
Raphi), trois convers (le Provençal Pierre Martel, l'Italien Laurent

150 Sans doute le vicaire de Cathay, que Pascal avait rencontré «in vicaria Orientali».
151 Sinica Franciscana, I, 501; Golubovich, II, p. 244. Le caractère vivant de cette relation a
amené le P. I. Omoecheverria à en tirer un livre à peine « romancé » sur les missions d'Asie, A
la sombra de Gengis-Khan, Madrid, Ed. Cisneros, 1960.
152 Golubovich, IV, p. 253. Cf. aussi la lettre de Benoît XII recommandant au khan de Dja¬
gataï Nicolas Bonet, Marignolli et leurs compagnons (Bull. Francise. VI, n° 97). - La chronolo¬
164 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

d'Ancóne, un frère originaire sans doute de Chine du Sud - Indus - qui


l'interprète de l'archevêque), ainsi qu'un marchand génois, Guillaum
Modène. Les autres chrétiens - sans doute les convertis latins, mais
être aussi des membres de la vieille chrétienté chaldéenne locale - ap
sièrent153.
Ali disparut à son tour; les légats pontificaux nommés en 1338 (et
vus d'une recommandation auprès de tanksi) arrivèrent à Almaligh o
furent bien reçus, autorisés à prêcher et à baptiser; Marignolli put re
truire l'église, acheter un terrain pour bâtir un couvent, bénir les fonts
tismaux, et il laissa quelques Frères avant de repartir pour la Chine à
de 1341. Nous ignorons d'ailleurs si le passage à l'Islam du khan Tug
Temür, vers 1350, laissa subsister la résidence franciscaine et si un év
avait remplacé Richard de Bourgogne154.
Dans la mesure où les convulsions du khanat de Djagataï laissen
cerner ses limites155, il apparaît qu'Almaligh, principale résidence
khans du « Mogholistan », relevait effectivement de la métropole de K
baliq, alors qu'Urgenj, où l'établissement des Latins fut sans doute en
plus éphémère156, peut avoir relevé de la vicairie de Tartarie Aquilon

153 Relatio du martyre: Sinica franciscana, I, p. 510 et suiv.; récit de Marignolli


Sinica franciscana, I, p. 527-528. Ces événements eurent lieu l'année qui précéda l'arri
ce dernier, donc sans doute en 1339, sinon en 1340. On constate, sur les stèles des cim
chrétiens publiées par Chwolson, l'apparition de noms musulmans qui paraissent tém
de conversions forcées, du moins à Pièpek (D. Chwolson, Syrischnestorianische Grabinsc
aus Semirjetschie, dans Mémoires de l'Académie impériale des Sciences de Saint-Petersbo
série, t. XXXVIII, n° 8, 1890). A Almaligh, certaines pierres tombales chrétiennes
de 1368.
154 La présence du nom d'Almaligh dans les listes de couvents franciscains plus t
n'a probablement pas de valeur décisive. Cf. V. Rondelez, Un évêché en Asie centrale a
siècle, dans NZMW, VI, 1951, p. 1-17.
155 La carte chinoise commentée par Bretschneider, Mediaeval Researches, II, p
suiv., attribue au khanat de Djagataï, en 1331, le pays ouïgour, Bechbalig, Karakhodjo,
baligh, Almaligh, le pays des Qarluq, Uch Turfan, Koutcha, Kachgar, Khotan, le Turke
Urgenj, le Ferghana, Khodjend, Tachkent, la Transoxiane (Otrar, Samarkand, Bukh
Badakchan, Thûs, Kaboul et Ghazna. Cf. Lech, op. cil, p. 116.
LA NAISSANCE D'UN ÊPISCOPAT MISSIONNAIRE 165

sans qu'on puisse discerner la part de l'archevêque de Khanbaliq dans la


désignation des évêques qui y parurent157.
Le cas de l'évêché de Caffa est plus complexe. En 1318, les lettres de
Jean XXII érigeant cette ville en cité épiscopale ne font pas allusion à
l'archevêché de Khanbaliq : cependant, à la même date, la bulle Redemptor
noster créant la province de Sultanieh précise bien que l'empire de Gazaria
(le Qipcaq) fait partie de celle de Khanbaliq. En 1358, désignant Conrad de
Pregrentia pour succéder à l'Arménien Thaddée, Innocent VI précise que
l'église de Caffa relève nullo medio de l'Eglise de Rome158 (encore que, nous
allons le voir, Caffa eût entre temps été rattaché à la métropole de Vospro).
On retrouve la mention de la dépendance de Caffa envers Khanbaliq en
1391 et en 1401 (et ce, en dépit de la création de la métropole de Sarai')159.
En fait, comme l'a relevé le P. Loenertz160, la création d'un archevêché
à Khanbaliq pour l'ensemble du ressort de l'empire mongol regardé
comme unitaire ne répondait pas à des conditions géographiques et politi¬
ques dont, évidemment, Clément V ne pouvait être parfaitement informé.
Les succès étonnants remportés par Montecorvino, créant une commu¬
nauté chrétienne de rite latin ou du moins d'obédience romaine au siège
même de la puissance du grand-khan, pouvaient faire apparaître comme
répondant à une nécessité évidente l'implantation à Khanbaliq de la métro¬
pole créée pour l'empire mongol tout entier - mais les évêques envoyés à
Montecorvino s'étaient vu affecter aux seules villes dotées de postes mis¬
sionnaires du Cathay et du Manzi -. Il avait fallu un hasard pour qu'au lieu
de rejoindre son archevêque, Jérôme de Catalogne se fixât à Caffa et y fit
naître un diocèse. Des autres sièges épiscopaux créés dans cette immense
province, deux - Sarai et la Tana - appartenaient encore au monde de la
Mer Noire, en contact avec l'Occident; les autres - Urgenj, Almaligh - ont
eu une existence semée d'éclipsés, au hasard des circonstances favorables
et des changements politiques particulièrement dramatiques au Djagataï.

157 Dans sa lettre, Pascal de Vitoria paraît indiquer qu'il a enfin atteint la vicairie de
Cathay quand il arrive à Almaligh.
158 Fontes, X, 110.
159 Fontes, XIII, 1, 19a; G. Fedalto, La chiesa latina, I, p. 446, relève dans cette bulle de 1391
la mention du rattachement de l'église de Caffa à l'archevêché de Gênes metropolitano jure,
ce qui atteste bien la confusion qui régnait dans les esprits.
166 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Cette dernière région avait-elle pu fournir une meilleure assise à la


rarchie épiscopale latine? Les pierres tombales des cimetières du Sem
chié et de la vallée de l'Ili161 nous font connaître une chrétienté nombre
bien assise, appartenant au rite chaldéen dans une région où précisém
les missionnaires latins ont fait leur apparition. Mais les Latins d'Alma
ont-ils cherché à nouer les relations cordiales avec ces « Nestoriens »
bien l'incompréhension réciproque s'est-elle manifestée comme elle l
en Chine? Les Latins se sont-ils surtout consacrés à essayer de gagner
«Tartares» au christianisme, sans placer l'union des Eglises au prem
rang de leurs préoccupations? Rien ne nous permet de savoir si, au kh
de Djagataï, les missionnaires ont connu des succès spectaculaires. D
leurs, les khans se sont succédés selon un rythme chaotique : ögödä
contre djagataïdes, promusulmans contre anti-musulmans, sont en l
presque incessante, et les Franciscains d'Almaligh ont payé de leur vie l
des convulsions de l'empire. Quant aux chrétiens locaux, eux aussi ont
affrontés à l'exigence des conversions forcées.
Or, c'est sur ces marches de Dzoungarie que reposait la cohésion d
province de Khanbaliq. Dès 1318, Jean XXII avait regardé comme indisp
sable la création d'une province correspondant à l'empire mongol de P
et mordant largement sur «l'empire des Tartares du milieu». Il avait a
maintenu l'appartenance de la Gazaria à Khanbaliq. On peut se deman
s'il n'aurait pas été sage, à cette époque, d'ériger Caffa - ou Saraï -
archevêché pour mieux coordonner l'action missionnaire en Tartarie A
lonare. Il a semblé suffisant au pape de créer un évêché à Caffa. Quel
années plus tard, il n'est pas impossible que le même pape ait cherc
trouver une autre solution au problème qui se posait ainsi de la possib
de maintenir la Tartarie Aquilonaire et la Chine dans le même ensemb
Mais ce fut, nous le verrons, dans une perspective nouvelle : Clémen
avait, en 1307, essayé d'organiser une hiérarchie dans le cadre de l'em
mongol; Jean XXII, en 1318, fut amené à prendre conscience de la rup
de l'unité de cet empire; le même pape, en 1333, allait envisager une org
sation qui ne reposât plus sur l'existence de cet empire, comme si l'a
don progressif de l'espoir de gagner au christianisme la dynastie régn
et, par elle, la population de l'empire, suscitait un remaniement de c
hiérarchie.
QUATRIÈME PARTIE
Jérôme de Catalogne, le premier évêque de Caffa, faisait remarquer en

1322 que les Franciscains jouissaient d'une antériorité certaine dans le

domaine des missions chez les Tartares, qu'ils y avaient fondé quarante

églises et qu'ils comptaient neuf martyrs au cours des années qui venaient

de s'écouler, alors que les Dominicains n'avaient fondé que cinq résidences,

toutes situées près de la mer, et ne groupant pas plus de quinze religieux1.

La situation dans l'archidiocèse de Khanbaliq était telle en effet que les

missions pouvaient y apparaître comme presque exclusivement franciscai¬


nes.

La création de la province de Sultanieh peut apparaître dans une cer¬

taine mesure comme une réponse à ce quasi-monopole des Frères Mineurs

dans les partes Aquilonares et au Cathay : elle allait être confiée aux seuls

Dominicains - encore que les Franciscains y fussent, ici aussi, nombreux -.

Mais ce caractère particulier à la province en question ne s'explique pas

tant par la rivalité des ordres que par les caractéristiques déjà anciennes

des missions dans les partes orientales. Au XIIIe siècle, nous l'avons vu, les

missions d'Orient étaient davantage tournées vers la recherche de l'Union

des Eglises que vers la prédication aux infidèles. Au XIVe siècle, ce trait
170 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

recherche de l'Union avec les Arméniens. Mais la critique serrée des c


tions dans lesquelles celle-ci se réalisa, à laquelle se sont livrés en pa
lier les PP. Loenertz et Van den Oudenrijn, a permis d'écarter cette aff
tion2. L'Arménie fut, au départ, assez en marge des préoccupation
aboutirent à la création de ce nouvel archevêché; l'autorité reconnu
les Arméniens au catholicos résidant à Hromgla, puis à Sis, ne renda
nécessaire la désignation d'un archevêque latin ayant juridiction sur
Le P. Loenertz a mis en évidence le rôle joué, à l'origine de cette
tion, par le Dominicain Guillaume Adam, qui écrivit à l'intention du
son De modo Saracenos extirpandi au retour d'un voyage missionnair
l'avait mené en Perse et, à travers l'Océan Indien, jusqu'en Ethiopie
13 17) 3. De cet ouvrage, et du Directorìum ad passagium faciendum 4, le
pouvait conclure à l'importance de la tâche évangélisatrice qui res
accomplir : « nous qui sommes les vrais chrétiens, lisait-on dans le Di
rìum, nous ne sommes pas la dizième, pas même la vingtième parti
hommes5. Et il révélait l'existence dans l'Inde, à Socotora, dans les La
ves et en Ethiopie, de toute une population, qui pourrait être ramen
amenée à la foi et qui aiderait considérablement les Occidentaux e
nant l'Egypte à revers lors de la croisade à venir.
Les maisons des Dominicains et des Franciscains étaient relativ
nombreuses - les premiers avaient, vers 1312, trois «lieux» à T
Maragha et Dehikerkan, tandis que la vicaria Orientalis des Frères Mi
allait comprendre ceux de Tabriz, Sultanieh, Tiflis, Porsico, Carpi 6 e

2 R. Loenertz, La Société des Frères pérégrinants, p. 142; Der «Libellus de notitia orb
Kern, p. 114.
3 R. Loenertz, id, p. 138. Cf. Ch. Köhler, Documents relatifs à Guillaume Adam, arc
de Sultanieh, dans Mélanges pour servir à l'histoire de l'Orient latin, II, Paris, 1906, p. 4
et l'introduction de cet auteur à l'édition du De modo, dans Ree. hist. Crois., Document
niens, t. II. Guillaume était un Français du Midi : il étudiait la théologie à Condom
(C. Douais, Acta capitulorum provincialium O.P., Toulouse, 1894, p. 471).
4 Celui-ci est-il l'œuvre de Raymond Etienne, qui accompagnait Guillaume
comme le pense le P. Loenertz (La Société, p. 63, n. 26) ou de Guillaume lui-même,
l'admet Melle Von den Brincken ( Die «Nationes», p. 64)? Cf. Ch. Köhler, Quel est l'au
Directorìum ad passagium faciendum, dans Revue de l'Orient latin, XII, 1911, p. 104-111
5 Doc. Arméniens, II, p. 383.
6 Ces deux noms, dont le premier paraît avoir été transcrit Pisauith dans la liste
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 171

mas, Karakilissé et Erzerum, Trébizonde et Simisso, répartis entre l'Azer-


beijan, la Grande-Arménie et la côte méridionale de la mer Noire7 c'était
là les bases pour un apostolat auquel la création d'une hiérarchie devait
donner une nouvelle vigueur.
Comme pour Khanbaliq, la province de Sultanieh allait recevoir pour
chef-lieu la capitale d'un khanat mongol dont on ne pouvait plus guère
escompter, vingt ans après le passage de Ghazan à l'Islam, voir le souverain
embrasser la foi chrétienne avec tout son peuple; mais, ici, nous ne
connaissons pas de succès notable des missionnaires qui expliquent la fon¬
dation. Le préambule de la bulle Redemptor noster, du 1er avril 1318, se
borne à évoquer l'importance de la cité de Sultanieh qui était, on le sait, la
ville fondée par les Il-Khans, sous le nom mongol de Qunghur-ölöng
(Congorlauum) pour être la capitale de l'empire mongol de Perse. Le pape
conférait à Francon de Pérouse, alors vicaire de la Societas Peregrinantium
- la cure des âmes de tous ceux qui habitaient « les pays soumis à l'empe-

114), où Mekhitar d'Abaran signale la présence de nombreux Arméniens catholiques et dont


le prince est l'un des destinataires d'une lettre de Jean XXII (M. A. Van den Oudenrijn, Lin¬
guae haicanae scriptores O.P., p. 223; Fontes, VII, 2, 115). Les identifications proposées par
Golubovich, Porto Pisano sur la mer d'Azov pour Porsico-Pisauith, le Carpi des portulans (cap
Kerpe près de l'embouchure du Sakarya) pour Carpi, ne paraissent pas pouvoir être rete¬
nues.
7 Cette liste de résidences figuré pour la première fois dans le De locis (Golubovich, II,
p. 72), puis dans le Status vicariarum orientalium (British Museum, cod. Nero A 9; G. Golubo¬
vich, II, p. 265) et dans la liste donnée par Paulin de Venise (ibid, p. 268) dont l'origine doit
être différente (Soldania y figure sous le vocable mongol de Congorlauum ) et où Péra et Thes-
salonique sont attribués à la Tartaria orientalis. Cette liste date des environs de 1334. Quant à
celle de Barthélémy de Pise (ibid., p. 272-273), elle ne donne plus les noms de Selmas, Karaki¬
lissé, Porsico et Carpi, mais ajoute à l'énumération celui d'Akhalzikhé; elle aussi considère la
custodie de Constantinople comme appartenant à la vicaria Orientalis, à côté de celles de
Tabriz et de Trébizonde (1390). - Le regnum Yveriae, où se situaient deux loca franciscains,
est rattaché à la vicaria Aquilonaris : il ne s'agit donc probablement pas de la Géorgie, mais
soit de la côte abkhaze, soit d'un pays au nord du Caucase (infra, p. 184, n. 55). - L'établisse¬
ment des Franciscains à Karakilissé (Maku) a dû se faire lorsqu'ont commencé leurs rela¬
tions avec l'archevêque Zacharie de Saint-Thaddée. Quant aux Dominicains, il convient de
remarquer la proximité de leurs trois résidences : Tabriz, ville des marchands et capitale des
Il-khans jusqu'à la construction de Sultanieh par Ôlgaïtii; Maragha, l'une des résidences de
ceux-ci (celle où Hülägü avait fait bâtir son observatoire), mais aussi siège du catholicos chal-
172 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

reur des Tartares de Perse, aux princes Qaïdu et Duwa, aux rois d'Eth
et des Indes», c'est-à-dire «à partir du mont Barrarius et au delà
l'Orient», ceci sans vouloir porter préjudice à la concession faite par
ment V aux Franciscains d'un archevêché in partibus Tartarorum don
limites seraient fixées par le même mont Barrarius 8 : tout ce qui s'éten
de là jusqu'à Péra, ainsi que l'empire de Cathay et celui de Khazarie, r
rait du ressort de cet archevêché. En principe, donc, le Djagataï était r
à Khanbaliq pour être rattaché à Sultanieh; nous verrons comment
décision fut réalisée. Francon recevait lui aussi six suffragante, ordo
par les soins du pape, et qui étaient chargés de lui conférer la consécr
épiscopale : il était exempté de l'obligation de se rendre à la Curie
recevoir le pallium (deux de ses suffragante, Guillaume Adam et Gé
Calvet, devaient lui remettre le dit pallium).
Pour que «par défaut de pasteur, cette nouvelle plantation ne so
pas », tout était prévu pour le remplacement de l'archevêque. Les Frèr
couvent dominicain de Sultanieh ou, éventuellement, ceux du couvent
cité dans le diocèse de laquelle il serait mort, convoqueraient dans le
mois les suffragants qui procéderaient à l'élection du nouveau métro
tain, le consacreraient et lui conféreraient le pallium du défunt, nonob
l'usage général d'enterrer cet ornement avec le prélat qui l'avait p
Rome serait prévenue ensuite, l'archevêque, propter loci distantiam, per
maris et terre, expensas et alia que de necessitate ipsum oporteret subire,
dispensé de se rendre à la Curie pour recevoir le pallium.
L'originalité de cette institution tenait à ce que le « couvent de l'é
cathédrale », au siège métropolitain aussi bien que dans chaque évêché
fragane jouait le rôle d'un chapitre cathédral, que ce soit en convoquan
évêques pour l'élection ou en administrant le temporel pendant la vac
du siège; le prieur dominicain était assimilé à un doyen de chap
D'autre part, l'archevêque et ses successeurs restaient soumis à la co
tion du maître général de l'Ordre ou de son vicaire (le vicaire de la Soc
Peregrinantium) assimilés à des vicaires du Siège apostolique, jusqu
déposition exclusivement, l'archevêque ayant les mêmes pouvoirs à l'é

8 Qui s'identifie soit à la chaîne Pontique, soit plutôt au Caucase occidental, les «
Caspiens » correspondant au Caucase oriental : cf. Jourdain de Séverac, Mirabilia, p. 3
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 173

de ses suffragants; et les mêmes dispositions étaient étendues à l'archevê¬


que de Khanbaliq.
Caractéristique aussi de l'aspect original de cet archevêché mission¬
naire apparaît l'interdiction aux archevêques et évêques d'user du pallium
ou des autres insignes de leur dignité en dehors des partes où s'exerçait
leurs fonctions : de nombreuses dérogations devaient par la suite être
concédées à ces prélats9.
La création d'un archevêché et d'une hiérarchie, incorporant organi¬
quement les couvents dominicains comme, dans la province de Khanbaliq,
les couvents franciscains - mais il restait loisible au métropolitain de pour¬
voir les sièges épiscopaux de personnes étrangères à l'ordre10 -, n'en lais¬
sait pas moins aux missionnaires des pouvoirs étendus. Le 1er mai 1318,
Jean XXII confirmait les privilèges accordés par l'ordre dominicain à la
Societas Peregrinantium, et à ses membres, et accordait à ceux-ci le droit
d'absoudre les clercs coupables de simonie, et de conférer des indulgences
(les évêques ayant la possibilité de donner cent jours d'indulgence, l'arche¬
vêque un an, les prêtres quarante jours)11. Clément VI devait confirmer à
nouveau, en 1333, les grâces et privilèges concédés par les maîtres de
l'ordre aux Frères Prêcheurs pro Christo peregrinantibus, en étendant leurs
pouvoirs quant aux mesures à prendre à l'égard des infidèles et schismati-
ques revenus à l'union ou convertis à la foi12; Innocent VI recevait une sup¬
plique des Prêcheurs partant chez les Infidèles, et Urbain V confirmait en

9 Le texte de la bulle Redemptor noster a été publié par K. Eubel, Die während des 14.
Jhdts im Missionsgebiet der Dominikaner und Franziskaner errichteten Bistümer, dans Festschrift
zum elfhundertjährigen Jubiläum des Deutschen Campo Santo in Rom, hggb. v. Ehses, Fribourg
en Br., 1897, p. 191-195, et dans Kohler, Documents relatifs à Guillaume Adam, p. 482-489; com¬
menté par Loenertz, La société, p. 138-141. - Dérogations : à Francon de Pérouse, après sa
démission, pour qu'il puisse user de ses insignes apud Grecos et infideles (Fontes, VII, 2, 72; 1er
juin 1323); à 1 evêque de Tiflis, venant en Occident (2 juillet 1346; id, IX, 73). Cf. aussi Fontes,
XIII, 1, n° 102 k, 108 a, 108 k, 126i. ..). - En principe, évêques et archevêques restaient
astreints à visiter les limina, à des intervalles éloignés : Clément VI en dispense l'archevêque
Guillaume, en 1343 ( Fontes, IX, 24).
10 La bulle Redemptor noster envisage le cas où l'archevêque de Khanbaliq aurait institué
des évêques dans le ressort nouvellement attribué à Sultanieh, et celui où l'archevêque de
Sultanieh agirait de même dans le ressort de Khanbaliq, en soumettant ces évêques au
métropolitain de la province où ils se trouveraient.
174 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

1362 tous ces privilèges13. Deux ans plus tard, le 22 septembre 136
même pape, après avoir reçu une nouvelle supplique, procédait à l'exa
des privilèges de Jean XXII et apportait un certain nombre de préci
quant à ceux-ci, qu'il confirmait cependant dans leur ensemble : il stip
que, dans les terres où il n'y avait pas d'évêque catholique, les F
avaient le pouvoir d'accorder aux clercs les dispenses que les légats po
caux étaient en droit d'accorder; que ce droit était réservé aux évêqu
où existait un diocèse14.
Les rapports existant entre la hiérarchie dominicaine de la provin
Sultanieh et la Societas Peregrinantium expliquent sans doute pourquo
définition du chapitre général de 1349 donne à celle-ci le titre de Soc
fratrum peregrinantium propter Christum in Perside et Africa15', mais, c
nuant à avoir pour base les couvents de Caffa, Péra et Chio, et les priv
conférés aux Frères concernant les pays d'«
Aquilon » comme ceux d'O
ou du Midi, il apparaît bien que les deux ressorts ne se confondaient
même si plus d'un vicaire de la Societas fut appelé à occuper le sièg
Sultanieh16. Néanmoins l'archevêque restait seul à pouvoir décider, av
conseil de ses évêques suffragante, de l'organisation diocésaine. Il lui a
tenait « d'ériger en des lieux remarquables de sa province des sièges ép
paux» et de pourvoir ceux-ci «d'évêques et pasteurs». Les six suffra
qui lui avaient été donnés, et qui avaient déjà reçu leur consécration, f
donc répartis par les soins de Francon de Pérouse. Et, en 1330, son su
seur Jean de Cori devait se voir attribuer un autre privilège exorbi
celui de transférer ses suffragants d'un siège à un autre lorsqu'ils n'av
pas pris possession du premier, en particulier parce qu'il leur était imp
ble de l'occuper - droit théoriquement réservé au Saint-Siège17.

13 Fontes, XI, 5 (22 novembre 1362).


14 Fontes, XI, 70-71 : la plupart des points mis en doute concernaient la prétenti
religieux à jouir des privilèges en question à Caffa et à Péra, ce qu'Urbain V écarta. Ce
lèges sont renouvelés en 1374 (Ripoll, p. 280).
15 Reichert, Acta capii, generalium, II, p. 331.
16 Francon de Pérouse lui-même; son second successeur Jean de Cori, vicaire
société en 1325, archevêque en 1329; Jean de Lunbello de Plaisance, d'abord vicaire (D
zer, Die Tabula privilegiorum O.P. des Franciscus Pipinus, dans A F.P., 1940, p. 255), puis
vêque en 1349.
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 175

Six évêques avaient été désignés en 1318 : deux Français du Midi, Guil¬
laume Adam et Géraud Calvet de Montpellier18; un Bolonais, Barthélémy
da Poggio; un Siennois, Barthélémy Abagliati; Bernardin de Plaisance et
Bernard Moret. Le choix des sièges qui leur furent attribués est assez révé¬
lateur de ce que représentait alors cette province qui, dans l'esprit du pape
et de ses informateurs, s'étendait sur l'Anatolie orientale, la Mésopotamie,
la Perse et le Turkestan, l'Inde et l'Ethiopie.
L'archevêque, à Sultanieh, restait au contact de la cour mongole, celle
du dernier des Il-Khaniens, Abu-Saïd, auquel Jean XXII devait écrire à deux
reprises, en 1321 et 1322, l'invitant encore à cette date à embrasser la foi
chrétienne, mais aussi à maintenir son amitié avec le roi de France - car les
perspectives de la croisade étaient alors loin d'être absentes de l'esprit du
pape19 Les dispositions d' Abu-Saïd étaient sans doute bienveillantes,
mais sans aucune perspective de conversion20. Et une lettre de 1321 écrite
aux moines arméniens de Saint-Thaddée, à divers personnages de Tabriz,
de Sultanieh, de Maragha, de Dehikerkan, de Selmas et de Tiflis, fait état
des vexations qu'ils subissaient : parmi eux, un Cothulotoga (Qutlugh-togha),
un Argon, un Barac, peuvent représenter certains de ces Mongols christiani¬
sés qui auraient, tant bien que mal, maintenu leur foi en dépit de la conver¬
sion forcée des Mongols de Perse à l'Islam21. Il ne semble donc pas que les
espoirs de Jean XXII dans un développement de l'apostolat auprès de ces
derniers aient pu aller très loin. Mais l'archevêque latin, à Sultanieh, repré¬
sentait un ambassadeur permanent du pape auprès du khan de Perse, rôle
non négligeable. Et il pouvait trouver des ouailles dans les marchands
latins, les mercenaires au service mongol, et nouer des relations avec les
prélats orientaux. Cependant, il est douteux que Sultanieh ait offert un
champ aussi favorable à l'apostolat que le faisait Khanbaliq.
Quatre des six suffragante de Sultanieh se virent assigner, pour siège,
une des villes situées sur la route de l'Aïas à Sultanieh qui était encore, en

18 Etudiant en théologie à Avignon (1297) et Montpellier (1302) : C. Douais, Acta capit.


provine. O.F.P., p. 412 et 470.
19 Fontes, VII, 2, n° 53 (Lettres à Mussaid, empereur des Tartares et à « Zopan Beligar
Begi» - l'émir Copan) et n° 58 (à Boyssethan, empereur des Tartares).
20 Sur le privilège qu'il accorda en 1320 aux Vénitiens, donnant aux «frari Latini» le droit
de construire des oratoires dans les villes de son empire, cf. l'article de Mas-Latrie, dans Bibl.
176 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

1318, le chemin normal pour atteindre la Perse mongole, et où se t


vaient à la fois des colonies marchandes latines et des loca dominica
Sivas, Tabriz, Dehikerkan et Maragha - on notera que les personnages
quels Jean XXII témoignait sa sympathie en 1321 résidaient précisém
dans ces localités. Ici aussi, les colonies latines assuraient un soutien
missionnaires et promettaient ainsi un caractère durable à leurs établ
ments.

En ce qui concerne Sivas (Sébaste de Cappadoce), un doute sub


sur l'identité du Bernard, episcopus Sebastensis, transféré à l'archevéch
Naxos en 1330, et de Bernardin de Plaisance, suffragant de Sultanieh2
Bernardin fut bien affecté à Sivas, il ne serait pas impossible que les
évêques Jacques (nommé en 1330) et Jacques de Nicosie, dominicain
priote nommé en 1346, aient eux aussi résidé au moins temporairem
dans cette ville23. Toutefois celle-ci, résidence habituelle des «émir
Roum», gouverneurs mongols de l'Anatolie centrale, perdit certainem
de son importance commerciale avec la ruine de l'Aïas et lorsque les
cultés qui opposaient les Génois aux Tchopaniens, successeurs des Il-
niens, rendirent le séjour de Tabriz délicat pour les marchands
péens24.
Les trois autres sièges sont tous trois en Azerbeijan. A Tabriz, Bar
lémy Abagliati eut pour successeur en 1329, après une vacance plu
moins longue, Guillaume de Cigiis, lequel entra en conflit avec les Fra
cains du couvent local - et du voisinage - lorsque ceux-ci adhérèrent
éclat aux doctrines des Spirituels et allèrent jusqu'à refuser de reconn
l'autorité de Guillaume; incidemment, ce conflit permet de connaît
nombre relativement élevé des Prêcheurs et des Mineurs établis à Tab

22 Le P. Loenertz (La société, p. 172) identifie Sébaste à Sivas. Mais l'évêché Sebas
est astreint dans les livres caméraux à une taxe de 58 florins, taxe dont les évêchés m
naires sont exemptés. On penserait plutôt à l'évêché de Sébaste en Palestine, lieu de
nage qui pouvait avoir des biens en Occident et pour cela être astreint à la taxe. Il peut
existé deux évêchés homonymes, mais on doute que deux evêques du même nom les
détenus en même temps.
23 Le Dominicain allemand désigné en 1362 paraît avoir été destiné à être un W
chof. Cf. G. Fedalto, op. cit., p. 485.
24 L. Petech, Les marchands italiens dans l'empire mongol, p. 569; M. Balard, Les Gén
Asie centrale et en Extrême-Orient, p. 685-687.
25 Sur ce conflit, qui flambait en 1332, et qui n'était que l'écho de la lutte entre Jean
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 177

Après 1335, François Cinquini de Pise (qui mourut de la peste dans sa


patrie en 1348), Rostaing Clapier (nommé en 1349) et Jean de Rouen (1374-
1383) résidèrent à peu près certainement eux aussi à Tabriz.
Le premier évêque de Dehikerkan, Géraud Calvet, mourut à Tabriz en
1322; il ne fut remplacé qu'en 1329 par Bernard de Guardiola qui se rendit
bien en pays de mission, mais revint ensuite en Avignon, Le successeur de
Bernard, Gautier de la Chapelle, gagna-t-il en 1349 Dehikerkan?26. Rien
n'est moins sûr car, dans cette ville moins importante, si proche de Tabriz,
le couvent dominicain avait sans doute cessé d'exister de bonne heure.
Quant à Maragha, si les Dominicains s'y étaient fixés dès la fin du XIIIe
siècle, c'est parce que le catholicos chaldéen Yahballâhâ III y avait fixé sa
résidence auprès de l'Il-Khan. Cette résidence perdit de son intérêt quand
le khan gagna Sultanieh et quand les Kurdes enlevèrent au catholicos sa
place de sûreté d'Arbèles; Yahballâhâ y mourut en 1317, mais ses succes¬
seurs regagnèrent Bagdad, où l'archevêque de Sultanieh maintenait encore
un frère en 1400, sans doute comme résident auprès de ce prélat27. Mais
Barthélémy de Poggio - qui ignorait encore en 1328 la langue arménienne,
dans laquelle il devint par la suite un maître - et ses confrères avaient
opéré un nombre appréciable de conversions autour d'eux, sans doute en
ralliant à la foi romaine des Chaldéens, peut-être aussi en gagnant à l'Evan¬
gile des Kurdes, des Turcs ou des Mongols non encore islamisés28 : Jour¬
dain Cathala, qui visita les postes de mission de cette région vers 1328, éva¬
lue à cinq ou six cents le nombre des baptisés de Sultanieh, et à un millier
ceux de Tabriz; il en compte également environ un millier à Maragha, ce
qui pouvait justifier le maintien d'une résidence dominicaine avec son évê

nieh d'agir contre l'archevêque de Séleucie, Pons, qui avait écrit contre l'autorité de l'Eglise
romaine une Postilla sur l'évangile de saint Jean et l'avait traduite en arménien (Bull. Franc.,
VI, 381; Fontes, IX, 83. Cf. Golubovich, IV, p. 381). En 1332, le Franciscain Guillaume Saurat
s'en était pris à un docteur arménien qui soutenait l'infaillibilité pontificale.
26 Le P. Loenertz nous a signalé la présence de Bernard à Sis le 6 janvier 1332 (son titre,
Diacoregan, est déformé en Agrogoren.). Cf. Loenertz, La société, p. 160-165. En ce qui
concerne Gautier, il reçut ses bulles le même jour que l'évêque de Tiflis Bertrand Collet (28
janvier 1349), ce qui paraît indiquer qu'il entendait partir lui aussi pour l'Orient. Cf.
G. Fedalto, La chiesa latina, p. 484. Geraud Calvet serait mort en odeur de sainteté, d'après
Antonin de Sienne, Chronicon ordinis F. P., Paris, 1585, p. 183.
27 Der Libellas de notifia orbis, éd. Kern, p. 118. Est-ce par les évêques d'Azerbeijan que le
178 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

que. Nous savons toutefois que Barthélémy acheva sa vie chez les Ar
niens de Qrnay; ses successeurs ont également pris intérêt aux aff
arméniennes et l'on peut se demander dans quelle mesure ils restèrent
chés à Maragha même29.
Les deux autres suffragante désignés en 1318 s'établirent en dehor
la route déjà citée. Bernard Moret devint évêque de Sébastopolis d'Ab
zie (Savastopoli) 30, lieu fréquenté depuis longtemps par les marcha
génois, comme par les missionnaires (deux Franciscains y auraient été m
sacrés par les Grecs en 1288), et dont le seigneur, un Géorgien, manife
son intention de participer à la croisade contre les Turcs. Est-ce la prés
d'une résidence dominicaine entretenue par les Génois, ou la bienveill
de ce prince, qui décidèrent de la fixation du siège épiscopal dans c
ville - probablement située au nord du mont Barrarìus ? - En tout cas,
lettre du successeur du premier évêque, adressée aux prélats du roya
d'Angleterre (1330) donne une idée de ce pouvait être la vie d'un év
dans une cité de la côte caucasienne : assistant, sans pouvoir interven
un trafic d'esclaves qui arrachait des jeunes gens chrétiens à leur p
pour les livrer aux Musulmans (ou à d'autres chrétiens), il vivait dan
pauvreté et l'isolement. La bienveillance du seigneur de la ville lui a
donné une église et un cimetière pour sa petite communauté romaine :
lui avait valu l'hostilité de l'évêque géorgien du lieu. Grecs, Musulm
Juifs avaient à trois reprises détruit l'église31.
Pierre Géraud exprimait ainsi ce qu'avait de difficile la situation
missionnaires latins dans un pays où la population chrétienne n'était
minoritaire, et où le roi se montrait bien intentionné. La présence d'un
que, la possession d'une église dotée des droits paroissiaux, mettaien
communauté d'obédience romaine en marge de la communauté d
nante; le ralliement des Orientaux à l'unité de la foi et à la prim
romaine n'en était pas facilité; et l'hostilité de l'évêque géorgien n'a rie
surprenant.
Pierre Géraud eut-il des successeurs résidents? La série épiscopal
nous est connue, après lui, qu'en 1388 et dans les années suivantes, qu

29 Mirabilia, p. 40.
30 La «Sébastopolis la grande» dont parle le moine Epiphane, vers 1015, dans sa
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 179

Savastopoli était entré dans l'empire génois de la mer Noire. Mais le lien
organique reliant le siège d'Abkhazie à celui de Sultanieh semble être resté
fort ténu32.
Quant au sixième des évêques suffragante de Sultanieh, le fameux Guil¬
laume Adam, c'est à Smyrne qu'il s'était fixé; et l'appartenance de cette ville
à l'empire des Tartares ne peut nous apparaître que comme très probléma¬
tique. Byzantine en principe, génoise en fait, la ville pouvait certes posséder
une résidence dominicaine, comme elle avait une église génoise33. Mais, à
nos yeux, c'est du fait de l'intérêt passionné que l'auteur du De modo Sara-
cenos extirpandi éprouvait pour la croisade et parce qu'il s'était associé à la
«croisade» de Martino Zaccaria34 que le siège épiscopal latin de Smyrne
prit naissance - pour bien peu de temps du reste, car les Turcs paraissent
s'être emparés de la ville en 1320. Il ne restait plus à Guillaume Adam qu'à
reprendre le chemin d'Avignon, où il se trouvait en 132235.
C'est précisément à ce moment que son confrère Francon de Pérouse
résignait son archevêché, non pour rentrer en Occident, mais pour conti¬
nuer son apostolat « parmi les Grecs et les Infidèles ». Jean XXII délia alors
Guillaume Adam de son lien avec l'evêché de Smyrne et le transféra sur le
siège de Sultanieh, sans se préoccuper de le remplacer à Smyrne (6 octobre
1322). Mais le Dominicain restait avant tout attaché au monde égéen et à la
lutte contre les Turcs. Il ne rejoignit pas Sultanieh et Jean XXII le transféra

32 Savastopoli avait été rattaché en 1333 à l'éphémère archevêché de Vospro. Les Génois
prirent possession de la ville en 1366 (?) et en furent chassés par les Abkhazes en 1455
(A. Vigna, Codice diplomatico delle colonie tauro-ligure, I, dans Atti della società ligure di storia
patria, VI, p. 317). On connaît les évêques suivants: Robert Hyntlesham (1388-1389), Gothus,
auquel succèdent Berthold Voli, puis Nicolas Passeck (1401); Jean, Paul Francisci (1428), Jean,
Georges de Regibus (1450). Paul était un Franciscain de Caffa, sans doute résidant. Quant à
Georges après la chute de la ville, il se fit reconnaître la possession d'une église au diocèse de
Turin (Hiintemann, Butl. Franc., I, 1372 et II, 291).
33 G. Hofmann, L'arcivescovado di Smirne, dans Orientalia Christiana periodica, I, 1935,
p. 434-466.
34 Cf. De modo, dans Doc. Arm., II, p. 537-538. Notons que, le 5 juillet 1318, le pape confir¬
mait aussi un évêque d'Ephèse (Loenertz, La société, p. 62-63).
35 Kohler, Docum. relat. à G. Adam, p. 29-32; Loenertz, La société, p. 72-73. La date de la
chute de Smyrne reste discutée : Heyd la datait de 1300; J. H. Mordtman (Izmûr, dans Encycl.
Islam, Ie éd., II, 604) la reportait à 1320. Entre 1318 et 1323, le patriarche grec de Constantino¬
180 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

à nouveau, cette fois sur le siège archiépiscopal d' Antivari en Dalmati


132436. Et le pape ne se préoccupa pas de désigner un nouvel archev
pour Sultanieh.

b) La nouvelle province de Sultanieh

Ainsi est-ce seulement en 1328-1329 que Jean XXII s'intéressa à


veau à la province de Sultanieh37, à la fois pour la doter d'un nouvel ar
vêque et pour la réorganiser, sur le conseil, probablement, du vicaire
Societas Peregrinantum, Jean de Cori, et de missionnaires revenus à
gnon de pays éloignés où ils avaient obtenu de beaux succès dans leur a
tolat, Thomas Mancasola de Plaisance, Jourdain Cathala de Séverac et
de Florence.
Jusqu'à la promotion de Jean de Cori au siège de Sultanieh, la prov
en question n'avait pas fait l'objet de décisions particulières du Siège A
tolique, si l'on en excepte la lettre avisant le catholicos des Arméniens
l'archevêque (alors Guillaume Adam) était chargé de prêcher aux A
niens de l'empire de Perse, sans empiéter sur l'obédience que ce
devaient à leur catholicos38.
En ce qui concerne l'archevêché lui-même, vacant depuis 1324, il
vait pour titulaire, le 9 août 1329, le vicaire de la Societas Peregrìnan
lui-même, Jean de Cori, dont nous savons qu'il avait regagné sa prov
dès 1333 (il intervint dans le conflit entre les Spirituels et l'évêqu
Tabriz)39. On sait aussi que c'est à lui qu'on attribue désormais le Liv
l'Estat du grant caan, qui paraît avoir été rédigé entre 1330 et 1334
demande de Jean XXII, et fournit un aperçu d'ensemble de l'état des
sions40.

36 Guillaume était encore à Avignon le 2 octobre 1323; il fut transféré à Antivar


octobre 1324.
37 C'est le 9 mai 1328 qu'il écrivait au chapitre général des Dominicains pour dem
l'envoi de cinquante Frères chez les Gentils (Ripoll, II, 178), ce qu'il avait déjà fait en
lors de la création de Sultanieh (id., 143). La bulle Gratias agimus du 1er octobre 13
archevêques, évêques et Frères partant en mission (id., 184), reprend les termes de ce
1er mai Big (id, 136).
38 Fontes, VII, 2, n° 71 (1er juin 1323). C'est le même jour que le pape concédait à Fr
de Pérouse le droit d'user des ornements pontificaux : il est vraisemblable qu'il av
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 181

Le successeur de Jean, Guillaume41, attesté en 1343, avait-il été élu par


ses suffragante, comme le prévoyait la bulle Redemptor noster ? Nous l'igno¬
rons; mais nous savons que le Siège Apostolique dut à nouveau intervenir
en 1349 : le Dominicain Jean de Leominster présenta à Clément VI une sup¬
plique l'informant de la disparition de presque tous les missionnaires de la
province, tant du fait de la peste qu'autrement, et notamment de l'archevê¬
que et de plusieurs évêques - il ne restait plus, dans les quinze résidences
de la province, que trois religieux - et lui faisant part de la demande des
chrétiens de voir envoyer de nouveaux missionnaires. C'est alors que le
pape désigna comme archevêque le vicaire de la Societas Peregrinantium,
Jean de Lunbello, en même temps qu'il donnait des évêques aux sièges de
Tiflis et de Dehikerkan (9 janvier 1349)42. Et, en 1368, c'est encore Rome qui
dut intervenir pour transférer sur le siège de Sultanieh l'archevêque de
Khilat, Thomas de Tabriz43. Par contre, lorsqu'il apprit la mort de Thomas,
Grégoire XI chargea les évêques de Maragha, Tabriz et Nakhidjevan d'élire
son successeur (29 janvier 1375)44.
C'était là la procédure normale45; mais c'est encore une décision du
Siège Apostolique qui transféra au siège de Sultanieh, le 27 août 1398, l'évê
que Jean de Nakhidjevan, en l'autorisant à emmener avec lui vingt reli¬
gieux. Cet archevêque, le troisième du nom de Jean, était un Italien. Il fut

Storia universale delle missioni francescane, I, Rome, 1857, p. 65); elle a été rendue à Jean par
Moule, Christians in China, p. 249, η. 8.
41 Cf. Loenertz, La société, p. 169.
42 Ibid, p. 37, 194-197.
43 Sur l'identification du siège Galadensis, cf. J. Richard, La papauté et les missions catholi¬
ques en Orient au Moyen-Age, dans Mél. Ecole franç. de Rome, 1941-1946, p. 263-266.
44 Cet archevêque serait-il le François, archiepiscopus Saltarensis, cité en 1389 (Loenertz,
La société, p. 170)? Les trois évêques en question avaient été pourvus de leur siège le même
jour (7 avril 1374), tandis qu'un vicaire du maître général des Frères Prêcheurs était désigné
pour l'Arménie. Le P. Loenertz a montré comment, à cette date, après avoir laissé aux Uni
teurs arméniens le soin des missions de Grande-Arménie, la Papauté et l'ordre dominicain en
reprirent le contrôle, en détachant des Frères Prêcheurs auprès des couvents arméniens et
en rendant une nouvelle fois à la hiérarchie épiscopale latine ses cadres complets : la restau¬
ration de la Societas Peregrinantium suit de près (La Société, p. 147; Les missions dominicaines
en Orient, dans A F.P., III, 1933, p. 30 et suiv.; La Société des Frères Pérégrinants de 1374 à 1475,
dans A.F.P., XLV, 1975, p. 107-145).
45 Mais elle laissait la Curie dans l'ignorance : aussi est-ce en raison de la mort de Tho¬
182 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

ambassadeur de Tamerlan auprès des souverains occidentaux et écriv


Libellus de notitia orbis, en 1404. On le voit prendre le titre d'archev
«de tout l'Orient», et il imagina de se faire également conférer, en 141
titre de Khanbaliq; mais il mourut peu après (en 1412) sans avoir re
son diocèse : ses successeurs, des Arméniens-Unis, élus par les religieu
l'ordre des Uniteurs, n'y parurent pas non plus, s'étant établis à Caffa4
Libellus de Notitia orbis ne donne pas d'information sur ce que pouvait
la communauté catholique de Sultanieh même, où Jourdain Cathala
connu cinq à six cents fidèles; il signale seulement la présence d'un D
nicain à Bagdad où se trouvaient des catholiques, la bonne volont
patriarche syrien de Mossoul envers l'Eglise latine, la présence de cat
ques et de Frères Prêcheurs dans le Kurdistan47. Le gouvernement gé
pour appuyer sa demande de transfert du siège archiépiscopal à Caff
1431, disait que Sultanieh n'était plus accessible aux chrétiens et ha
seulement par les infidèles48. Le pape n'en maintint pas moins le titre,
ressort théorique, de Sultanieh49.
En même temps qu'il créait un nouvel archevêque, Jean XXII dési
plusieurs évêques pour les sièges déjà institués de la province : Guill
de Cigiis pour Tabriz (21 août 1329); Bernard de Guardiola pour Deh
kan, Pierre Geraldi pour Savastopoli (11 septembre, 9 août 1329) - t
que, le 19 octobre 1330, Bernardin de Plaisance était transféré de Se
(Sivas) à Naxos et remplacé par un Jacques- Le 9 août 1329, le pape
dait également de remplacer le siège épiscopal de Smyrne, devenu ina

46 A. Kern, Der « Libellus de notitia orbis» Johannes III. (de Galonifontibus?) O.P.,
chofs von Sulthanyeh, dans A.F.P., VIII, 1938, p. 82-123; Silvestre de Sacy, Mémoire sur u
respondance inédite de Tamerlan avec Charles VI, dans Mérrt Acad I. et B.-L., VI, 1822, p.
suiv. (envoi de Johannes mar hasia Sultaniensis, en mai 1403, par Tamerlan au roi; ledi
était venu auprès de l'émir missus ab aliquibus Francis (il avait été chargé de lettres à
et à Gênes et en était revenu avec des messages) ; H. Moranvillé, Mémoire sur Tamerla
cour, dans Bibl. Ec. Chartes, LV, 1894, p. 433-464. Cf. R. Loenertz, Evêques dominicains de
Arménies, dans A F. P., 1940, p. 258 et suiv. Jean III a visiblement essayé de faire reconn
son siège la primauté sur l'Asie mongole, y compris la Chine, l'Ethiopie et l'Inde.
47 Ed. Kern, p. 118 : le patriarcha, qui dicitur cathelech, est-il le maphrian syrien?
48 Iorga, Notices et extraits pour servir à l'histoire des Croisades au XVe siècle, Paris et
rest, 1899-1915, I, p. 544. - V. M. Fontana, Monumenta dominicana, Rome, 1675, p. 217
tionne à la date de 1347 un Antoine, archevêque de Sultania, où se trouvaient jadis vin
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 183

sible, par un nouvel évêché établi à Tiflis et d'ériger en cités épiscopales


deux autres villes, Samarkand et Quilon50.
C'était là donner à la province de Sultanieh toute l'extension prévue
par la bulle Redemptor noster de 1318, qui lui avait attribué, avec l'empire
des Tartares de Perse, les territoires relevant de Qaidu et de Duwa, autre¬
ment dit le khanat de Djagataï, et l'Inde - l'Ethiopie n'ayant pas encore reçu
d'évêques L'attribution de la Géorgie, où se trouvait Tiflis, à la province
de Sultanieh paraît assez régulière, si l'on admet que les géographes du
temps n'avaient pas une conception très nette de ce qu'était dans la réalité
le mons Barrarius qui formait du côté du nord la limite de la province en
question51.
Quant à deux autres sièges, qui auraient érigés également par
Jean XXII, au témoignage de Dietrich de Nyem, dont celui d'Akhalzikhé, il
est très douteux qu'ils aient réellement été créés à ce moment52; nous
aurons l'occasion de revenir sur ces créations. Toujours est-il que les nou¬
velles nominations et érections de sièges ont fait l'objet d'un grand nombre
de lettres, recommandant les nouveaux évêques aux souverains et aux chré¬
tiens de leurs diocèses, et qu'il serait surprenant que deux évêchés n'aient
fait, eux, l'objet d'aucune de ces lettres.
En ce qui concerne la Géorgie, où les Frères Prêcheurs avaient long¬
temps maintenu un couvent à Tiflis, des contacts existaient dès le début du
XIVe siècle (un des Franciscains martyrisés à Thana en 1321, que les textes
disent tantôt Arménien et tantôt Géorgien, est appelé Demetrius de Tiflis) ;
les Géorgiens, très attachés au pèlerinage des Lieux Saints, se montraient
fort zélés pour la croisade, tout en s'étonnant de la légèreté avec laquelle

50 Eubel, Die während. . . ; Loenertz, La société. . . , p. 140, 168.


51 Le ressort de la Géorgie suscitait d'ailleurs également des difficultés dans l'Eglise grec¬
que : le métropolite d'Alanie-et-Soteriopolis (Pitzounda), relevant de Constantinople, revendi¬
quait entre 1347 et 1356 la juridiction sur tout le Caucase; en 1364, il obtenait gain de cause.
Le catholicos de Géorgie se considérait cependant comme relevant du patriarcat d'Antioche,
et assistait effectivement en 1365 au synode qui élut le patriarche Pacôme. L'Alanie, cepen¬
dant, était revendiquée par l'archevêque de Kherson, nouvellement élevé au rang de métro¬
polite (Miklosich et Muller, op. cit., I, 258, 356, 463, 475, 477 et II, 67, 541).
52 Tangl, Päpstliche Kanzleiordnungen, p. 30, cité par G. Fedalto, La chiesa latina, p. 472-
473 : la liste des évêchés relevant de Sultanieh dans ce texte comprend Tabriz, Savastopoli,
Maragha, Nakhidjevan, Argionensis, Tiflis, Sebaste et Akhalzikhé. Si Tiflis y remplace Smyrne,
184 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

les rois d'Occident leur annonçaient leur prochain départ - et ne par


jamais53 -
En 1321, Jean XXII avait chargé deux Franciscains, le vicaire d'O
Pierre de Turre, et le custode de Tabriz, Jacques de Camerino, d'une
sion en Arménie et en Géorgie : une lettre avait été spécialement adr
au roi Georges, à ses barons, pour leur apporter une profession de
leur proposer éventuellement la réunion d'un concile général en v
réaliser l'union des Eglises54. On ignore quelle suite fut donnée du
géorgien à cette proposition. De même, les indications du De locis fr
minorum et predicatorum in Tartaria, signalant l'existence d'un locum
ciscain à Tiflis, dans la « Tartarie orientale » et de deux autres in Yveri
d'eux ayant été le théâtre de la conversion du roi de ce pays) relevant
«Tartarie Aquilonaire », et ceci avant 1318, paraissent faire de l'«Ibéri
pays distinct de la Géorgie, mais sans donner d'indications précise
cette contrée où l'apostolat des Mineurs aurait été fructueux55.
C'est toutefois un Dominicain, Jean de Florence - missionnair
avait porté en 1318 le pallium à Francon de Pérouse-, dont le trav
révéla assez fructueux pour qu'en apprenant que de nombreuses
avaient été gagnées par les Prêcheurs, le pape se décidât à l'élever à
copat, en érigeant Tiflis en évêché. Il le munissait de lettres pour le
Géorgie, invitant celui-ci à l'Union, ainsi que pour divers princes (Solag

53 Domini reges Franciae frequenter reges orientales commoverunt contra Sarracenos,


non venientes eos dimettebant in tribulatione guerrae, évrivait Georges V au roi de Fra
1332-1333. Sed dicatis sibi quod, quando mare transiverit, statim ne videbit ad suum be
tum cum XXX milibus armatorum (Golubovich, III, 415). Les lettres de Philippe VI avai
apportées à Tiflis par les Franciscains Alexandre l'Anglais et Richard Macier, venus d
vent de Tabriz. Sur la bravoure des Géorgiens, cf. Jourdain, Mirabilia, p. 60.
54 Fontes, VII, 2, n° 46 (15 octobre 1321; Bull. Francise., V, 441). Cf. infra, p. 203. C
Tamarati, L'église géorgienne des origines jusqu'à nos jours, Rome, 1910, p. 438-440.
55 Golubovich, II, 72. La présence de Franciscains à Tiflis est très probable. L 'Yv
considérée comme « propre montes Caspios » dans un texte signalant le meurtre par le
tiques des Franciscains Conrad de Saxe et Etienne de Hongrie (Archivum franciscanum
ricum, II, p. 465-466) ; il est difficile de préciser davantage. Paulin de Venise écrit que c
religieux pro fide ab Alants interfecti sunt, ce qui rend douteux que le lieu du martyre
à Savastopoli d'Abkhazie comme l'écrit L. Lemmens, Heidenmissionen, p. 46-47. Les F
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 185

Amir Sarkis de Tiflis, ceux de Carpi et d'Aliquis )56. Jean de Florence aurait
traduit plusieurs livres du latin en géorgien, travaillant ainsi à la réduction
des schismatiques; mais il semble aussi qu'il se soit intéressé aux Armé¬
niens de la région de Nakhidjevan et du couvent de Qrnay, avant de mourir
à Péra en 1347 57 . Il ne fut remplacé qu'en 1349 par un autre Dominicain,
Bertrand Collet, dont, ainsi que de ses successeurs, on ignore s'ils résidè¬
rent en Géorgie - la plupart exercèrent les fonctions d'évêques auxiliaires
dans des diocèses allemands (en 1425, toutefois, c'est un Arménien-Uni qui
fut nommé à cet évêché)58. On constate même qu'en 1370, c'est un archevê¬
que titulaire du siège de Salonique qui s'était rendu en Géorgie et y repar¬
tait avec vingt-cinq Franciscains pro propagatione catholice fidei ; il est ten¬
tant de rapprocher cette mission (confiée à un prélat in partibus, ce qui est
exceptionnel) de celles qui avaient existé avant l'institution des évêques
résidant en pays de mission59. Tiflis n'en était pas moins la résidence de
religieux franciscains et dominicains, à la fin du siècle, et il en était de
même pour Akhalzikhé, autre cité géorgienne qui paraît avoir eu un évêché
d'obédience romaine à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle, mais dont
on ne connaît aucun titulaire60. La question se pose d'ailleurs de savoir si
ces religieux s'adressaient aux seuls Géorgiens ou peut-être davantage aux

56 Bull. Francise, éd. Eubel, V, 828 (Fontes, VII, 2, n° 46) ; ces noms sont en partie ceux des
destinataires des lettres de 1321 (cf. aussi Fontes, VII, 2, n° 111 et 115). L'Amir Sarkis, appelé
Misserquis, seigneur de Tiflis, dans des lettres de 1329, est-il le personnage de ce nom qui fut
le père du vartabed Grégoire de Thatev, né en 1346 (J. Mecerian, Hist, et inst. de l'Eglise armé¬
nienne, p. 291)? D'autres lettres sont adressées regi Choraticensi, regi Rassiae, archiepiscopo
Rassiae : il nous semble difficile de ne pas reconnaître dans ces noms ceux des rois de Croatie
et de Rascie, ce qui laisse supposer que Jean de Florence était chargé de quelque mission
dans les Balkans avant de regagner la Géorgie. L'érection de l'évêché de Tiflis fit l'objet de
deux lettres consécutives (9 août 1329 et 6 février 1330); la première seule fait allusion au
transfert du siège de Smyrne à Tiflis (cf. Tamarati, op. cit., p. 442-444).
57 Loenertz, La société, p. 173-175; M. A. Van den Oudenrijn, Uniteurs et dominicains
d'Arménie, dans Oriens christianus, XLII, 1958, p. 110 et suiv.
58 Ceci laisserait-il supposer que, parallèlement à une succession d'évêques in partibus
séjournant en Occident, des évêques appartenant à l'ordre des Uniteurs se seraient succédé
en Orient sur le siège de Tiflis?
59 Golubovich, V, 155 (L'archevêque en question, le Franciscain Antoine, avait été entre
temps transféré au siège de Malte; il mourut avant le 3 septembre 1371).
60 Golubovich, II, 265 et V, 193 (loca à Tiflis, en 1320, 1373, 1390 et à Akhalzikhé, en 1373
186 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Arméniens61. On peut remarquer que si les lettres données aux évê


nommés en 1329 recommandaient le seul Jean de Florence «aux chré
catholiques de la cité et du diocèse de Tiflis», le pape recommandait
que de Dehikerkan aussi aux princes géorgiens, aux chrétiens des m
Albors et Caspiens; et Guillaume, évêque de Tabriz, était lui aussi re
mandé à ces derniers : la délimitation du champ d'action de chacun d
restait donc vague62.
L'inclusion du khanat de Djagataï - « l'empire des Tartares du mili
dans la province de Sultanieh avait été décidée en 1318; nous avons vu
cette décision de principe n'avait pas empêché les Franciscains de la
vince de Khanbaliq et des vicairies de Cathay et de Tartarie Aquilonai
fonder des évêchés à Urgenj ou à Almaligh, qui se trouvaient sur la r
menant de Caffa et de la Tana à Khanbaliq. Mais, s'il était courant, à p
d'Urgenj, de gagner Delhi par Ghazna63, il n'était pas moins normal de
vre, à partir de Tabriz ou de Sultanieh, la route qui, par Bukhara et Sa
kand, rejoignait les passes de la Dzoungarie ou de Kachgarie64 : la
soxiane était ainsi en relations suivies avec l'Azerbeijan, centre de la
vince de Sultanieh, et il ne faut pas s'étonner de voir les missionn
dominicains fréquenter cette région.
Celle-ci, depuis la mort du khan Duwa (1306), était passée succes
ment à ses deux fils Esen-buqa et Käpäk (mort vers 1326), lesquels av
maintenu l'attitude traditionnelle de la dynastie gengiskhanide, en ma
religieuse, ce qui ne pouvait qu'être favorable aux chrétiens de rite
déen et sans doute aussi melkite, qui habitaient dans leurs Etats65. On
tenait que l'ancêtre de la dynastie, Cagataï, avait reçu le baptême6

61 Contarini, dans Travels to Tana and Persia de J. Barbaro et Ambr. Contarini


W. Thomas et S. Α. Roy et éd. par Lord Stanley of Alderley, London, Hakluyt Society
p. 138, cite à Tiflis, en 1475, de nombreux catholiques, parmi lesquels des Arméniens.
« Cf. Ripoll, II, 183, 188, 189, 190; Mollai, Jean XXII, n° 47 552 à 47 559, 47 587, et
63 Cf. le voyage de Loredan et Querini cité par R. S. Lopez, Venezia e le grand
dell'espansione commerciale. . . , p. 53 et suiv.; L. Petech, Les marchands italiens dans l'
mongol, p. 559.
64 C'est l'itinéraire que paraissent avoir suivi les frères Polo et leur fils et neveu, q
sèrent
du livrepar
de laMarco
Grande-Arménie
Polo. et Tabriz, tel qu'il se laisse discerner par l'ordre des cha

65 Dauvillier, Les provinces chaldéennes «de l'extérieur». . . , p. 282-284; - Byzantins


LARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 187

l'adhésion à l'Islam de deux khans, Buraq (1270) et Talika (1309) n'avait pas
entamé cette attitude. Le frère de Käpäk, Älgigidäi, qui accéda au trône en
1327 - il devait d'ailleurs n'être accepté que par une partie du khanat -
paraît avoir bien accueilli la prédication des Dominicains, et, selon nos
informateurs, embrassa le christianisme; il fit bâtir à Samarkand une église
dédiée à saint Jean-Baptiste, et, après son avènement67, envoya au pape des
lettres que portaient deux Dominicains, d'ont l'un était frère Thomas Man-
casola.
Ce dernier n'était pas une figure sans relief : issu d'une des plus nota¬
bles familles de Plaisance, il était entré dans l'ordre des Frères Prêcheurs et
fut envoyé dans la province de Grèce; en 1309, le chapitre général lui infli¬
gea une sévère pénitence parce qu'il s'était rebellé contre le vicaire de sa
province et s'était fait désigner lui-même comme vicaire68. Sans doute -
l'histoire de l'Ordre témoigne que le fait n'étant pas exceptionnel - le trans-
féra-t-on à la Societas Peregrinantium pour se débarrasser d'un religieux
peu docile. En tout cas, il déploya une grande activité dont témoigne l'éten¬
due du territoire sur lequel Jean XXII devait lui confier l'autorité épisco-
pale lorsqu'il érigea, le 13 août 1329, Samarkand en évêché69. Le pape le
recommandait aux néophytes des khanats de la Horde d'Or et du Djagataï,
mais aussi aux Alains, aux Malghayti et aux Hongrois de Grande-Hongrie.
L'habitat des premiers reste imprécis, puisqu'ils nomadisaient surtout
entre la Mer Noire et la Caspienne, mais que des éléments de ce peuple
avaient été entraînés par les Mongols loin de leur pays d'origine : on peut
néanmoins les localiser au nord de la mer Caspienne70. Pour les seconds, il

truit
Sur cette
une grande
œuvre, église
riche en
Saint-
informations
Jean-Baptiste
sur que
l'Orient,
les Sarrasins
cf. A.-D. Von
veulent
dendétruire
Brincken,
après
Der sa« Oriens
mort.

christianus» in der Chronik des Johannes Elemosyna O.F.M., dans XVIII. Deutscher Orientalis¬
tentag Vorträge (Zeitschrift der Deutschen Morgenländischengesellschaft, supplément II, 1974),
p. 63-75.
67 Sur cet avènement, cf. Ibn Batoutah, III, 31, 40-43 : le voyageur musulman affirme que
Käpäk avait été assassiné par son frère DarmaSirin et qu'Älgigidäi, un « infidèle », avait été le
prédécesseur de ce dernier; par contre Jourdain, Mirabilia, p. 62, écrit imperium de Dua et
Caydo, quondam de Capac et modo de Elchigiday. Sur cette succession, supra, p. 163, n. 152. Le
pape écrit à Älgigidäi en le titrant « empereur des Tartares en Khorassan, Turkestan et Hin-
doustan» (Ripoll, I, 187; 2 novembre 1329), pour lui annoncer l'envoi des missionnaires et lui
envoyer une profession de foi (Fontes , VII, 2, n° 20).
68 Reichert, Acta capii gener. O.P., II, p. 42.
188 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

a été proposé de voir en eux des Melkites, c'est-à-dire des chrétiens d


grec - ceux qui avaient eu un catholicos à Romagyris, quelque part à p
mité de Tachkent -, ceux que l'historien Haython appelle Soldains et
lise dans le Khwarezm, et qu'on a suggéré d'identifier à des Sogdiens d
byzantin71. Quant aux troisièmes, ils nous ramènent à cette Grande-Ho
que les Dominicains du XIIIe siècle avaient essayé d'atteindre. Cette fo
apparaissent avec beaucoup plus de précision : Jean XXII écrivit à
chef Jeretanny en le félicitant de sa conversion et en le remerciant de
tres qu'il lui avait écrites pour lui demander un évêque, non sans faire
sion à ce que ce prince se rattachait à la famille des rois de Hongrie72
Où Thomas Mancasola avait-il rencontré ces Hongrois? Il est évi
ment difficile de tirer parti des données trop imprécises des missionn
du XIIIe siècle, pour affirmer que ceux-ci habitaient quelque part à p
mité de la Baskirie actuelle, entre Orenburg et Ufa73; il n'est pas exclu
les « Grands Hongrois » aient été eux aussi refoulés vers l'est à la sui
l'invasion mongole. Mais leur association aux Alains74 nous amène à p
que les Dominicains avaient étendu leur activité aux steppes situé
nord de la mer d'Aral et jusqu'aux abords de l'Oural75. Il est douteux q
chevauchement des limites diocésaines entre les sièges de Samark
d'Urgenj ou de Sarai ait présenté quelque difficulté, les missionnaire
tant très peu nombreux et agissant auprès de groupes dispersés. D'aill
en repartant pour l'Orient, Thomas Mancasola emmenait à la fois des
res Prêcheurs et des Frères Mineurs.

71 J. Dauvillier, Byzantins d'Asie centrale et d'Extrême-Orient, p. 67-69; A. D. Von den


ken, op. cit., p. 146-152 (qui rappelle que Golubovich avait identifié levêché Semiscaten
ville de Mesched). - L'identification des Soldini avec les Sogdiens n'a pas été accep
façon unanime : cf. 1274, année charnière, p. 101. Qu'il s'agisse de Melkites (de ch
«impériaux»), le fait est fort possible; mais il est douteux que l'empereur de Byzance
traité de « sultan », même en pays de langue arabe ou persane.
72 Ripoll, II, 184 (29 septembre 1329). Le texte n'a pratiquement pas été retenu
auteurs qui ont traité de la Grande-Hongrie; voir cependant Pelliot, Recherches sur le
tiens d'Asie centrale. . . , p. 118, n. 1.
73 Cf. V. Minorsky, Hudûd al-'Alam (E. W. Gibb Memorial, new series XI), London
p. 317-324, qui donne la région d'Ufa comme l'habitat des Magyars dès le Xe siècle. C
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 189

L'évêque de Samarkand s'était mis en route au printemps de 1330;


nous savons qu'il passa à Saraï, puis à la Tana76. Mais, à son retour, il ne
retrouva plus son protecteur. Âlgigidaï et son frère Duwa-Temür, qui lui
aurait succédé, avaient été évincés par un de leurs frères, Darmasirin,
lequel prit le nom d"Alaal-Din en embrassant l'Islam (vers 1331). Et cette
conversion s'accompagna de la destruction des églises chrétiennes et des
synagogues juives; nous ignorons si la nouvelle cathédrale Saint-Jean-
Baptiste eut le même sort. Darmasirin fut d'ailleurs bientôt éliminé à son
tour (vers 1 334) par un Gengiskhanide venu de l'I-li et non acquis à l'Islam,
Buzun, qui autorisa chrétiens et Juifs à rebâtir leurs temples77; Canksi, qui
remplaça Buzun renversé par une réaction musulmane, fut précisément le
protecteur de l'évêque d'Almaligh : il y eut sans doute quelques années pen¬
dant lesquelles la vie de la communauté catholique du Turkestan redevint
possible. Nous savons seulement que l'évêque de Samarkand réapparut le
12 août 1342 à Avignon78; il disparaît ensuite. Il n'est pas exclu qu'il ait rega¬
gné l'Orient; nous avons retrouvé en 1359 la trace du passage à Avignon
d'un episcopus Seniscatensis du nom de Jean, qui n'est pas connu d'ail¬
leurs79. Quant à la communauté catholique de Samarkand, survécut-elle
longtemps? Clavijo a bien recontré dans cette ville, en 1405, des chrétiens :
Arméniens, Jacobites, Grecs catholiques. Mais les déportations d'artisans
réalisées par Tamerlan pour peupler sa capitale avaient pu, à cette date,
amener à Samarkand des éléments qui n'appartenaient pas à la population
autochtone. Tandis que les « Grands Hongrois» disparaissent de l'histoire80.

76 Sur son départ et les dons que lui fit le pape, cf. G. Fedalto, La chiesa, p. 496; sur son
séjour à la Tana, supra, p. 162.
77 Ibn Batoutah, III, 47. Cf. Barthold, Caghatai, dans Encycl. Islam, lère éd., I, 883; 2e éd.
(revu par J. A. Boy le), II, p. 3-4.
78 D'après des lettres d'indulgences collectives du 12 août 1342 (Fedalto, p. 497). Est-ce à
son retour que se répandit le bruit d'une persécution déchaînée « en Perse » contre les non-
musulmans, qui aurait coûté la vie à un évêque et à seize Franciscains, et que Jean de Winter-
thur enregistre à la date de 1341 (Chronicon, p. 172-173)?
79 Mecklemburgisches Urkundenbuch, XIV, n° 8575 (lettre d'indulgence collective, 20 mars
1359). La liste épiscopale donnée par Eubel sous le titre de Semiscaten (Hierarchia, I, 445)
comprend les évêques de Simisso - Paul, Benoît et l'Arménien Thomas. Une lettre donne en
1343 le nom de frère Henri d'Apolda, episcopus S. Matensis (J. Schultze, Klöster. . . der Stadt
Kassel, p. 295) ; il s'agit en fait d'un évêque Lavatensis, qui exerçait les fonctions de Wethbis-
chof au diocèse de Mayence.
80 Narrative of the embassy of Ruy Gonzalez de Clavijo, éd. Cl. R. Markham, London, 1859,
p. 171.
190 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

L'extension à l'Inde des activités missionnaires, dans le ressort de


tanieh, n'avait également rien que de très normal. Les Latins du XIIIe
cle, et notamment le Dominicain Vasinpace, avaient occasionnellement
quenté la péninsule indienne; les côtes de celles-ci, qui produisaien
perles et sur les bords desquelles on récoltait le poivre, étaient depuis
siècles prises dans un réseau commercial qui explique comment des
munautés chrétiennes s'étaient établies depuis le Gujerat jusqu'à la cô
Coromandel où se trouvait le tombeau de saint Thomas, célèbre dans t
la chrétienté - et l'Eglise chaldéenne avait implanté des métropoles
l'Inde elle-même, dans les îles de l'Insulinde, comme à Socotora81. Pou
Latins, d'autre part, la route du Cathay passait elle aussi le long des
indiennes, et Montecorvino, avant Marco Polo, avait séjourné dans la p
sule - d'où il s'était embarqué pour la lointaine Chine Les évê
envoyés pour le seconder en 1307 avaient eux aussi emprunté cette r
mais aucun missionnaire latin ne semble s'être installé dans l'Inde à
permanent.
C'est au cours d'un voyage qui devait les mener en Chine qu'un gr
de cinq missionnaires - quatre Franciscains, dont un frère lai géorgie
un Dominicain - débarquèrent à Thàna, dans l'île de Salsette, au débu
1321, et s'y livrèrent à des travaux apostoliques auprès des chrétiens in
nes, pratiquement livrés à eux-mêmes du fait du caractère épisodiqu
leurs relations avec le clergé chaldéen82. Tandis que le Dominicain,
dain Cathala de Séverac, était à Sôfala, ses compagnons se trouv
entraînés dans une argumentation avec les Musulmans et, ayant blasph
contre le Prophète, furent condamnés au feu. Le martyre de Thoma
Tolentino et de ses confrères (avril 1321) eut pour conséquence de
l'activité de Jourdain dans Γ «Inde mineure» où il se consacra au se
des chrétiens indigènes, peut-être aussi à prêcher aux païens - mais
doute en s'abstenant de prédications publiques, lesquelles, sous le ré

81 B. E. Colless, The traders of the pearl; the mercantile and missionary activities of P
and Armenian Christians in South-East Asia, dans Ahr Nahrain, IX, 1969-1970, p. 17-38; X
1971, p. 102-121; XI, 1971-1972 et XIII, 1972-1973, p. 114-135; J. Dauvillier, Les province
déennes. . . , p. 277, 312-315. Cf. aussi E. Tisserant, Eastern Christianity in India, adapt
E. R. Hambye, S.J., London, New York, Toronto, 1957.
82 Nous nous permettons de renvoyer ici à nos deux articles, Les navigations des O
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 191

oppressif des sultans de Delhi qui venaient de passer à la conquête du Guje-


rat et du Dekkan, étaient probablement périlleuses. Au bout de quelques
années, le missionnaire, qui avait envoyé deux lettres à ses confrères pour
essayer d'obtenir des renforts, abandonna l'Inde mineure pour l'Inde
majeure, en se fixant au Malabar, dans le royaume de Quilon. Là, une popu¬
lation chrétienne nombreuse, riche et encadrée par sa propre aristocratie,
l'absence de la domination musulmane, le passage de marchands euro¬
péens ou arméniens83 représentaient autant de facteurs favorables à la pré¬
dication. Jourdain en profita, et revint en Occident en 1328 pour obtenir
des encouragements et recruter des compagnons; c'est alors qu'il écrivit
ses Mirabilia qui décrivaient à la fois les merveilles de l'Inde et les perspec¬
tives qui s'ouvraient à la mission84.
D'autres missionnaires l'avaient-ils rejoint? C'est possible; mais nous
ne sommes pas renseignés sur ce point par le récit de voyage du Francis¬
cain Odoric de Pordenone, lequel avait sans doute passé quelques années
en Orient avant de gagner l'Inde, où il exhuma les reliques des martyrs de
Thâna, qu'il emporta avec lui en s'embarquant sur l'Océan Indien et qu'il
déposa dans l'église du couvent franciscain de Zayton, en 1326 : Odoric les
aurait sans doute laissées à Quilon s'il y avait trouvé un établissement de
religieux latins. Odoric et ses compagnons (Jacques d'Irlande, Bernard et
Michel de Venise), bien que dotés des pouvoirs de légation que le pape
accordait aux missionnaires, ne semblent pas s'être consacrés à une tâche
missionnaire définie, et leur voyage s'assimile à une peregrinatio propter
Christum plus qu'à une entreprise d'apostolat85. Mais le récit de ce voyage -
qui s'acheva en 1330, après un retour par la route des steppes depuis Khan-
baliq - attira certainement l'intérêt sur l'Inde plus encore que les lettres et
les Mirabilia, cependant si riches d'expérience missionnaire, de Jourdain de
Séverac.
Jean XXII décida d'élever également Quilon au rang d'évêché, et d'en
pourvoir le courageux missionnaire (9 août 1329), qu'il recommanda au sul-

83 J. Dauvillier, Les Arméniens en Chine et en Asie centrale au Moyen-Age, dans Mélanges


Demiéville, p. 3-4 du tiré à part.
84 Ed. Coquebert de Montbret, dans Recueil de voyages et mémoires, IV, p. 37-64 (sur cette
édition et la réédition de Cordier, cf. R. Loenertz, La société, p. 177, n. 60). Les Mirabilia ont
été traduits et commentés par Yule (London, Hakluyt Society, 1863).
85 H. Cordier, Les voyages en Orient du b. frère Odoric de Pordenone, Paris, 1891 (Recueil de
voyages et de documents, X). Sur ses compagnons, cf. Golubovich, III, 393-394. Le De Terra
Sancta d'Odoric est édité dans J. C .M. Laurent, Peregrinatores medii aevi quatuor, Leipzig,
192 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

tan de Delhi, aux chrétiens du Gujerat et du Konkan, aux Nascarìni e


dominus Mascarinorum du Malabar, aux Molephatani de la côte de C
mandel : l'Inde entière lui était confiée86.
Sans doute Jourdain reprit-il en 1330 la route de son diocèse.
église Saint-Georges des Latins nous est connue à Quilon par les souve
de voyage d'un autre légat pontifical, Jean de Marignolli, qui y séjou
quatorze mois, libéralement pensionné par les princes indigènes en sa
lité de légat du pape, et qui fit élever une croix en souvenir de son pass
il décora l'église de peintures (1346-1347?). Mais, s'il mentionne les
gieux latins établis à Quilon, Marignolli ne parle pas de l'évêque. Un ep
pus Columbensis du nom de Jacques est cependant cité dans les let
d'indulgence données à Avignon en 1363-1364 : il peut s'agir du succes
de Jourdain87.
On sait qu'il faut écarter la mention d'un évêque de Dongola, en Nu
que les anciens auteurs avaient cru relever en 132888. L'attribution à la
vince de Sultanieh du ressort de l'Ethiopie, qui se justifiait par le fait qu
dernier pays n'était accessible aux Latins que par mer et au dépar
l'Inde, ne paraît pas en effet s'être traduite par des relations effectiv
Vasinpace, peut-être; Guillaume Adam et Raymond Etienne, certainem
aux environs de 1313, ont pu se rendre en Ethiopie. Montecorvino, au
le pape avait donné des lettres pour l'empereur de ce pays et pour
archevêque, les a peut-être fait parvenir à leur destinataire; il fait état d
qu'il a été invité par les Ethiopiens à aller dans leur pays - était-ce quan
séjournait dans l'Inde plutôt qu'à Khanbaliq? -. Jourdain de Séverac en
dait lui aussi passer en Afrique, et reçut des lettres de recommanda
pour l'empereur d'Ethiopie. Mais il n'a pas été possible de trouver t
d'un établissement de religieux latins, au XIVe siècle, dans ce dernier p
Passé 1329, de nouvelles créations de sièges intervinrent-elles dan
province de Sultanieh? Dietrich de Nyem, au temps du Grand Schi
insérait dans son Provinciale les noms des évêchés d'Akhalzikhé, de Nak

86 A. Mercati, Monumenta vaticana veterem diocesim Columbensem. . . respici


Rome, 1923.
87 Nos Missionnaires latins dans l'Inde, p. 238.
88 Le Quien, Oriens ehr., III, 1413 (episcopus Dancalae). Cf. M. A. Van den Ouderijn,
que dominicain fr. Barthélémy, fondateur supposé d'un couvent dans le Tigré au XIVe siècle
Rassegna di studi etiopici V, 1946, p. 7-16.
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 193

jevan et à'Argionensis comme suffragante du siège de Sultanieh. Du pre¬


mier, nous l'avons vu, nous ne savons rien90. Du dernier, nous sommes ten¬
tés de penser que le vocable a été déformé : on pourrait rapprocher ce mot
du titre que portent deux évêques, Oddoinus, Arzenomensis episcopus, trans¬
féré à Chio en 1343, et un Arzoloniensis episcopus qui, conjointement avec
l'archevêque de Sultanieh, était chargé de régler un différend relatif à l'évê-
ché de la Tana, en 137091. Mais ce nom, qui évoque celui d'Erzerum (Arse-
ron), serait celui d'un siège arménien qui avait ses titulaires, et Oddoinus
n'était certainement pas un Arménien. Le problème reste donc entier92.
Quant à Nakhidjevan, il s'agit presque certainement ici d'un évêché
arménien à l'origine : c'est un Arménien, Thomas de Jahouk, qu'Innocent VI
en pourvut en 1356 - le siège étant vacant par la mort d'un Jean-, mais en
le considérant comme suffragant de Sultanieh93. A son successeur, Jean,
désigné en 1374 et transféré en 1377 à Caffa94, Grégoire XI donna pour rem¬
plaçant un Dominicain français, Jean de Gaillefontaine. Et, quand Boni-
face IX transféra à Sultanieh le successeur de ce dernier - un Jean
encore95 - il le remplaça par divers personnages, à peu près tous étrangers
à l'Orient96 mais dont l'un paraît avoir rejoint son siège97. Tout ceci évoque

90 Supra, p. 183 et 185.


91 Eubel, Hierarchia, I, p. 185; Fontes, XI, 195. Dans la liste des évêques d'Argos ( Argoli-
cen. : Hierarchia, p. 106), Eubel a fait figurer le Dominicain Conrad Flader, pourvu de ce siège
à la mort d'un Jean, par Boniface IX, le 29 novembre 1395. En fait, c'est comme évêque Argio-
nensis qu'il fut désigné, et il est connu, comme suffragant de Strasbourg, sous le titre d'Argio-
rensis episcopus ( Nouvelles œuvres inédites de Grandidier, III, Alsatia sacra, I, éd. Ingold, Col¬
mar, 1899, p. 17 et suiv.). Sans doute est-ce en se servant de la liste reprise par Dietrich de
Nyem que le siège avait été pourvu, par les papes de Rome, d'évêques titulaires.
92 Rappelons que nous avons envisagé (supra, p. 183) qu' Argionensis ait pu être une caco
graphie pour Diagorganensis.
93 Fontes, X, p. 133 (12 avril 1356). Martin V maintint cette dépendance en 1419.
94 Fontes, XII, 218 : le nouvel évêque de Caffa devait prêter serment entre les mains de
l'archevêque de Saint-Thaddée, des évêques de Nakhidjevan et de Tabriz.
95 Dont le P. Loenertz a démontré qu'il était distinct de Jean de Gaillefontaine (Evêques
dominicains des deux Arménies, p. 258-268).
96 Etienne Pierre de Seczhew, O.F.M., pourvu le 20 octobre 1400 (Fontes, XIII, I, n° 95),
résida sans doute en Hongrie (il en reçut l'autorisation en 1418 : Eubel, Bull. Francise., VII,
1983). Et une bulle de 1401 autorise l'évêque de Nakhidjevan à résider hors de son diocèse,
que détiennent les Infidèles (Fontes , XIII, 1, 108 a).
97 Une nomination à l'hôpital de Péra est confiée le 1 1 août 1403 aux archevêques de
194 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

une série épiscopale latine, relevant de Sultanieh - encore qu'au temps


Martin V on découvre que des évêques arméniens, de l'ordre des Unite
ont pris possession de cet évêché - La question de savoir si ce siège au
été créé par décision du pape ou de l'archevêque, pour des évêques lat
ne nous paraît pas comporter de réponse affirmative : à nos yeux, c'est
1356 que le pape, voulant pourvoir Thomas d'un siège épiscopal situé
Grande-Arménie, se comporta comme s'il s'agissait d'un siège latin98.
S'il ne se décida pas à ériger des sièges épiscopaux, en dépit des p
voirs à lui conférés par la bulle Redemptor noster - il est vrai que ces p
voirs devaient paraître exorbitants à des canonistes habitués à voi
Papauté décider de telles créations, et en ce sens les bulles de Clément
de Jean XXII étaient allées très loin -, l'archevêque de Sultanieh n'a
sans doute pas hésité à pourvoir les sièges vacants, ou à confirmer des é
tions. A Maragha, lorsque mourut Barthélémy da Poggio (1333), un Guy
Cortona fut pourvu de l'évêché : Avignon l'ignorait si bien que, lorsqu
institua le 7 avril 1374 un nouvel évêque de Maragha, c'est le nom de
thélémy qu'on donna au prélat décédé". Nous aurions là un de ces évêq
- il nous a semblé en rencontrer d'autres - qui avaient été choisis et con
crés dans la province sans intervention du Siège Apostolique, comme l'a
prévu Jean XXII.
Il se peut que le contrôle du Maître général des Frères Prêcheurs e
la Societas Peregrinantium, tel que l'avait prévu la bulle Redemptor nos
ait été atténué par Jean XXII lui-même : Jean de Cori obtint en 1330 le
vilège d'être éventuellement relevé d'excommunication ou d'interdit
l'un de ses suffragante, et d'agir de même à leur endroit100. Mais la prov
resta l'apanage des Dominicains qui pourvurent pratiquement, pend
tout le XIVe siècle, à tous les sièges épiscopaux. Cependant la collabora
des deux ordres - compromise en 1332-1333 par le conflit survenu à Ta
entre les Franciscains du couvent local (qu'il fallut finalement disperser
l'évêque dominicain, contre lequel ils prêchaient dans l'unique église d

van dans
98 SurAFP,
cetteVI,liste
1936,
épiscopale,
p. 161-216.
cf. M.-A. Van den Oudenrijn, Bishops and archbishops of

99 Provision de Guillaume, évêque de Maragha; cf. R. Loenertz, La société, p


G. Fedalto, op. cit., p. 484. Sans doute est-ce Guillaume que concerne la lettre de Grégoi
à ses venerabilibus fratribus Marraghaensi et Nacchoanensi episcopis ceterisque fratribus O.
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 195

ville - fut effective : non seulement Jourdain de Séverac s'était associé à


Thomas de Tolentino et à ses confrères, mais ce sont à la fois des Prêcheurs
et des Mineurs que Jean XXII voulait, en 1329-1330, envoyer en Géorgie,
dans l'Inde ou au Turkestan. Et les couvents et loca franciscains de la vicai-
rie d'Orient comprenaient encore en 1373, dans le ressort de la custodie de
Tabriz, quatre «lieux» : Tabriz, Erzerum, Tiflis et Akhalzikhé, sans compter
ceux de la côte pontique; cinquante ans plus tôt, il avait existé un couvent à
Sultanieh; et il en a presque certainement existé un dans l'Inde au temps de
Marignolli101.
Ce que n'avait pas prévu Jean XXII, ce sont les développements de
l'Union arménienne. Nous verrons que, dès les premières années de l'arche¬
vêché de Sultanieh, l'archevêque arménien de Saint-Thaddée (Maku) eut
son rôle à jouer dans la vie de la province. Celle-ci tendit bien vite à asso¬
cier étroitement les uns aux autres Latins et Arméniens, ce qui lui donna
une couleur très particulière. Les missions de l'Inde, du Turkestan et peut-
être même de Géorgie apparaissent ainsi comme plus tournées vers la
conversion des infidèles, celles d'Azerbeijan et de Grande-Arménie, vers la
réalisation de l'Union des Eglises102.

II - L'UNION ARMÉNIENNE ET SES VICISSITUDES :


UNION DE SIS ET UNION DE QRNAY

L'établissement en Perse d'une hiérarchie catholique de rite latin allait


avoir sur l'Union des Eglises des conséquences inattendues. Non point que,
du côté des Chaldéens ou des Syriens, les choses aient évolué : comme au
XIIIe siècle, les Latins s'efforcent d'entretenir de bons rapports avec les
chefs de ces Eglises, et surtout des Syriens103 - on est moins renseigné en
ce qui concerne les successeurs de Yahballâhâ III -, tandis que les efforts
des religieux pour extirper les erreurs qu'ils relevaient dans la foi des ouail¬
les de ces prélats, aboutissant ici ou là à faire passer des Nestoriens ou des

101 Golubovich, V, 193; II, p. 265.


102 Un archevêque paraît avoir eu une vision très vaste du rôle qu'il était appelé à jouer,
196 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Jacobites dans l'Eglise latine, suscitaient des frictions104. Mais c'est du


des Arméniens que la situation se trouva entièrement modifiée.
Jusqu'au début du XIVe siècle, en effet, les efforts de la Papauté
réaliser l'union des Eglises latine et arménienne s'étaient tournés ve
royaume d'Arménie, où la dynastie roupénienne, puis la dynastie hé
mienne, restaient vaille que vaille fidèles aux accords de 1199. Da
domaine ecclésiastique, le partenaire avec lequel se nouaient les conv
tions était le catholicos qui, d'Ani, son siège primitif, s'était transf
Hromgla, puis à Sis, liant ainsi son destin à celui du royaume armé
Mais Rome n'avait pas cherché à réaliser l'union plus en profondeur,
que discernant chez ses interlocuteurs des réticences qui venaient en
de ce que le royaume de Petite Arménie ne représentait, en Cilicie et
le Taurus, qu'une fraction - la seule restée indépendante - de tou
monde arménien.
Dans la haute vallée de l'Euphrate et de ses affluents, comme
celle de l'Araxe, sur les plateaux des lacs de Van et d'Ourmia, sur la
pontique, quelle que fût la domination qui s'exerçait - gouverneurs
gols, émirs turcs, seigneurs géorgiens ou arméniens -, la Grande Arm
rassemblait la masse la plus nombreuse du peuple arménien, et surto
nombre important de couvents et de sanctuaires où se maintenait la
tion dont les vartabed étaient les dépositaires, et qu'ils n'entendaien
soumettre aux concessions que les nécessités politiques ou les conv
tions avec les religieux latins incitaient les rois, les catholicos ou les b
de Cilicie à accepter. Et leur influence se faisait sentir aussi bien en P
Arménie que dans la diaspora arménienne, que celle-ci se fût dirigée v
Palestine ou vers la Crimée et le Qipéaq, ou encore vers l'Asie central
Le fait nouveau allait être la prise de contact directe des Latins d
beijan avec les monastères de Grande-Arménie : de ce fait, le problèm

104 En 1326, Jean XXII invite le patriarche de Jérusalem à extirper les erreurs que
sent des Nestoriens et des Jacobites du royaume de Chypre (Fontes, VII, 2, 89). Le bio
de saint Pierre Thomas fait allusion aux exhortations que ce dernier, alors légat pon
dans ce royaume, y prodigua aux prêtres grecs, nestoriens, arméniens et autres, en l
supposer que ceux-ci les avaient reçues avec reconnaissance, ce dont nous ne somm
très sûrs en ce qui concerne les premiers ( The life of saint Peter Thomas by Philippe de
res, éd. Joachim Smet, Rome 1954, p. 93-94, dans Textus et studia historica carmelita
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 197

l'Union, tout en restant posé aux rois et aux catholicoi de Sis, allait être éga¬
lement soulevé en Grande-Arménie. Creusé plus profondément, sans doute,
il n'en fut pas rendu moins complexe; d'autant que, dans la diaspora armé¬
nienne, il faut tenir compte de celle qui s'était dirigée vers l'Italie, et qui
allait vivre de ce fait en pays latin.
Les Arméniens d'Italie apparaissent dès 1254, lorsque le pape accorda
sa protection à l'hôpital Saint-Jean des Arméniens de Rimini105. Mais c'est
avec l'écroulement des états latins d'Orient que les réfugiés semblent être
arrivés plus nombreux : le 6 janvier 1301, Boniface VIII donnait à l'archevê¬
que des Arméniens de Jérusalem, Basile, qui fréquentait la Curie depuis
1295, l'administration d'un couvent au royaume de Sicile106. Clément V, à
son tour, eut à se préoccuper des moines venus d'Arménie : les religieux
arméniens de la Montagne Noire, de l'ordre de saint Basile, reçurent en
1307 l'autorisation de construire à Gênes une église, Saint-Barthélemy, qui
fut enrichie d'indulgences107. Et les domus Armenorum de Montanea Nigra
ordinis Sancii Basilii se multiplient : en 1308, à Padoue, Clément V autorise
le frère David à bâtir une église, avec son cimetière où pourront se faire
ensevelir les religieux, leurs familiers, et les pèlerins arméniens108; concé¬
dant des indulgences à Saint-Mathieu de la Porta Sant'Angelo de Pérouse, il
précise que les moines arméniens qui y vivent se sont enfuis devant les
ennemis de la foi chrétienne 109. Puis les « Arméniens de la Montagne Noire »
prennent le nom de « Pauvres frères arméniens de l'ordre de Saint-Basile » :
on les trouve à Parme, à Pise, à Ancóne, à Orvieto, à Florence, à Rimini, à
Bologne (prieuré du Saint-Esprit), à Naples, à Salerne, etc.110.
A l'archevêque Basile succèdent d'autres prélats arméniens, également
réfugiés en Occident. L'un d'eux, Arakiel (Apostolus), titulaire du siège

105 Les Arméniens de Rimini bénéficient d'une autre bulle en 1291 (Fontes, V, 2, n° 114).
Sur l'histoire des religieux arméniens d'Italie, cf. M.-A. Van den Oudenrijn, Linguae haicanae
scriptores O.P. congregationis Fratrum Unitorum et Fratrum Armenorum ordinis sancii Basili
citra mare consistentium, Berne, 1960, p. 245-295.
106 Fontes, V, 2, n° 131 (cf. aussi VII, 1, n° 3 - Regestum Clem. V, I, 327 : il était mort avant
1306). Son sceau : Sigillographie de l'Orient latin, p. 86-87.
107 Par Clément V : Regestum, II, 1663, IV, 4264 {Fontes, VII, I, 13, 16, 35); par Jean XXII
{Fontes, VII, 2, n° 5 et 13) etc.
108 Reg. Clem. V., II, 2763-2764.
198 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

archiépiscopal de Nicopolis111, se trouve à Avignon dès le 25 avril 1331


fait concéder en commende, en 1334, un prieuré basilien d'Italie. Mai
1340, Benoît XII s'inquiète des agissements de cet archevêque, qui se
met d'ordonner des prêtres latins, dans le diocèse de Naples, «bien
n'ait pas été baptisé lui-même selon la forme de l'Eglise»112. Mais
autres évêques arméniens avaient déjà fait l'objet de poursuites, en
c'était Pierre, «se disant archevêque de Jérusalem et Nazareth», qui v
dans la région de Padoue; Ezechiel, autre Arménien, se donnant pour
vicaire et vivant près de Florence; Athanase, episcopus Veriensis, sans d
arménien lui aussi, et agissant dans la région de Rome113.
Deux autres prélats, résidant ceux-là auprès de la Curie, Nersè
Malazgerd et Jean David, archevêque d'Edesse, se font confier par le m
Benoît XII l'administration de prieurés arméniens d'Italie, et Clémen
nomme un prieur pour celui de Bologne, à leur recommandation114.
Dès lors se dessine une organisation : lorsque le prieur des Armé
de Sienne, Thoros, part pour Chypre, un « prieur général des Arménie
Italie », Dominique de Nordrach, lui donne un successeur. Ce qui susci
protestations des religieux que Clément VI accepte (1348) 115. Mais, en
la création d'un prieur général est demandée à Innocent VI par les pr
de Gênes, Rome, Milan, Salerne, Ancóne, Bologne, Padoue, Sienne, Pér
Rimini et Venise116; le pape exauce leur demande (30 juin 1356), ma
exigeant que le premier prieur général soit pris dans l'ordre dominica
que, désormais, les «Arméniens deçà la mer» suivent la règle de
Augustin et les constitutions des Frères Prêcheurs : autrement dit, les

res, environ
111 Ville de
150lakm
Première
au Nord-Ouest
Arménie,d'Erzincan.
dont les ruines ont été retrouvées à Purk, près d

112 Fontes, VIII, 45 (la même lettre figure par erreur à la date du 1 1 mars 1321, dan
tes, VII, 2, 57). Cf. aussi Cartulaire de Saint-Georges de Haguenau, éd. Hanauer, Stras
1898, p. 54. A la mort d'Arakiel, le siège de Nicopolis est attribué à des évêques latins no
dentiels : Fedalto, La chiesa latina, p. 493. Le colophon d'un liberculus de articulis fidei et
sacramentis Ecclesiae, traduit en arménien par Thaddée de Caffa, nous apprend que c
appartenait à Arakiel et que celui-ci s'était fait baptiser selon la forme de l'Eglise roma
prenant le nom de Raymond (Linguae haicanae scriptores, p. 181).
113 Benoît XII. Lettres closes et patentes, éd. Vidal et Mollat, n° 6430-6432; Fontes, V
Pierre est-il cet archiepiscopus Arminorum que cite le testament d'une Arménienne de
en 1341 (L'Armeno-Veneto , 2e p., p. 212-213)? Un Thomas, évêque des Arméniens d'Italie,
à Pérouse en 1385 (id, Ie p., p. 75).
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 199

liens d'Italie sont invités à se soumettre à la même règle que les Uniteurs
d'Arménie117.
Les Arméniens d'Italie pouvaient servir d'informateurs aux Latins118;
mais des incidents révélateurs s'étaient produits à leur propos qui expli¬
quent ceux que nous rencontrons en Arménie. En 1312, Clément V avait été
obligé d'intervenir pour remédier aux excès de zèle de l'inquisiteur Robert
de Santo Valentino, lequel avait fait arrêter le prêtre arménien Léonard
Samuel, fondateur d'une église arménienne à Casale Fasioli, au diocèse de
Siponto, et confisquer les biens de cette église, sous prétexte que « les dits
Arméniens, dont on sait qu'ils observent des rites différents, mais cepen¬
dant non contraires à la foi orthodoxe, des autres chrétiens, conservaient
leurs rites et par là erraient dans la foi»119. De l'archevêque Apostolus, on
disait qu'il n'avait pas été baptisé selon la forme de l'Eglise; des incidents
survinrent plus tard à Bologne, qui amenèrent des «rebaptêmes». Les
mesures prises contre Pierre, Ezechiel et Athanase font état de ce qu'ils
s'opposent au rapprochement entre les usages latins et arméniens, et sur¬
tout de ce qu'ils traitent de rénégats leurs coreligionnaires qui acceptent le
baptême selon la forme de l'Eglise romaine120. Et l'on pourrait faire des
constatations analogues à Chypre, où les Arméniens vivaient aussi dans un
Etat à prédominance latine121.

117 Fontes, X, 77; sur tout cela, cf. M.-A. Van den Oudenrijn, Les constitutions des Frères
Arméniens de Saint Basile en Italie, Rome, 1940 (Orientalia Christiana analecta, CXXVI); cf.
aussi Linguae haicanae scriptores, loc. cit. En 1398, Boniface IX cónfie la réforme des Armé¬
niens d'Italie à l'archevêque de Pise et à un Dominicain ; il leur concède les privilèges des Frè¬
res Prêcheurs et les soumet à la visite du maître général de ceux-ci (Ripoll, II, 372 et 376). Ils
ne continuent pas moins à se réclamer de la règle de saint Basile. Cf. un acte de leur général,
Paul de Bentivoglio, qui cède en 1440 aux Franciscains la maison du Saint-Esprit d'Ancóne,
désertée depuis quarante ans (Hüntemann, Bull. Franc., I, 489); mais ceux de Bologne se
disent en 1426 Uniteurs (Ripoll, II, 669).
118 Baluze, Vitae paparum Avinionensium, éd. G. Mollat, Paris, 1916, I, 238 : Armeni fuerunt
delati a quibusdam fratribus qui in Ytalia vocantur fratres Armeni, qui dicti fratres dicunt se esse
conversos et recte sentire de catholica fide.
119 Regestum Clementis V, VII, 8610.
120 Fontes, VIII, 57, §76. Cf. aussi IX, 11, et supra, p. 198. - L'Arménien Pierre, né en
Grande-Arménie, est rebaptisé sous condition, et l'archevêque de Gênes est chargé de lui
donner la confirmation et les ordres sacrés {Benoît XII, Lettres closes et patentes, n° 6926; 8
juin 1338).
200 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

L'histoire des Arméniens d'Occident atteste donc l'adhésion de ce


à l'Union; elle révèle aussi que les différences de rite et de disciplin
manquaient pas de susciter des incidents, analogues à ceux que
retrouvons en pays de mission.

a) L'Arménie et Rome avant la création de l'ordre des Uniteurs

Avec le XIVe siècle, le royaume arménien de Cilicie était entré


une période difficile de son histoire. Jusque là, associé aux Etats latins
côte syro-palestinienne auxquels les Croisades apportaient des sec
intermittents, et protégé par les Mongols, il avait pu maintenir son indé
dance face aux Mamelûks comme aux beg turcomans des marches de C
manie. Désormais, la protection mongole lui faisait défaut - le guet-a
où périrent les rois Héthoum II et Léon IV en 1308 le prouvait -. Q
aux Croisades, elles restaient le grand espoir, et les auteurs de projet
nombreux au début du XIVe siècle, ne manquent pas d'associer les A
niens aux expéditions que préparait l'Occident; mais cet espoir tardait
réaliser et, sur place, les seuls secours que l'on pouvait espérer venaien
royaume de Chypre, intimement associé à la Cilicie, mais aussi parfo
difficultés avec elle (les Arméniens avaient secondé l'usurpation d'Am
de Lusignan, prince de Tyr, et le roi Henri II, un temps captif en Arm
leur en garda rigueur après sa restauration, survenue en 1310).
L'Arménie était en droit de compter sur les secours de l'Occiden
dehors de la communauté de religion, des liens familiaux unissaien
Héthoumiens aux dynasties occidentales - ce qui eut pour conséquenc
faire d'une branche des Lusignans de Chypre les héritiers de la dyn
nationale122 -. La Papauté préparait en liaison avec les rois d'Arménie
nouvelle croisade123. En attendant elle multipliait les secours de
nature124.

et demande à recevoir, sous condition, le baptême et l'Ordre selon la forme de l


romaine, et se fait consacrer par délégation du pape, pour mieux marquer sa soumiss
Siège Apostolique (Fontes, IX, 41). C'est là, semble-t-il, un cas exceptionnel. - Il existait
ment un évêque des Arméniens de Caffa et, en 1342, Clément VI donne un évêque aux
niens de Péra (Fontes, IX, 4).
122 W. H. Rüdt de Collenberg, The Rupenides, Hethumides and Lusignans. The Struct
the Armeno-Cilician dynasties, Lisbonne, 1963 (Calouste Gulbenkian foundation arm
library).
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 201

L'Arménie apparaissait ainsi comme un avant-poste, particulièrement


exposé, de la Chrétienté face aux Turcs et aux Egyptiens, et il importait aux
rois d'Arménie de ne pas compromettre leurs relations avec les Papes. Tou¬
tefois, certains Arméniens se demandaient si, en abandonnant cette situa¬
tion et en acceptant de se faire le tributaire du sultan, le petit royaume ne
gagnerait pas une plus grande tranquillité : ce point de vue, de plus en plus
largement répandu au fur et à mesure que s'écoulaient les années sans
qu'une croisade véritable se fût mise en route, tandis que les épreuves du
royaume ne faisaient que s'aggraver, devait peser lui aussi sur les relations
latino-arméniennes.
L'union entre Eglise latine et Eglise arménienne, proclamée en 1199 et
réaffirmée par Héthoum II en 1288, avait laissé subsister des points de dés¬
accord125. Un concile, convoqué par le catholicos Grégoire VII et tenu à Sis
en 1307, s'efforça de les éliminer, en alignant les usages arméniens sur ceux
de l'Eglise romaine, que ce fût en acceptant de célébrer la fête de Noël le 25
décembre et les fêtes des saints au jour occurrent de l'année liturgique, ou
en décidant de mêler de l'eau au vin du calice avant la consécration,
comme le faisaient les Latins (ce qui éliminait tout soupçon de monophy-
sisme)126. Ce qui n'alla pas sans susciter une vive opposition, arguant de ce
qu'en opérant la réunion des Eglises, on avait «détruit la discipline de
notre Illuminateur». Le roi Oshin et le catholicos Constantin III durent dis¬
soudre par la force une réunion des opposants, à Sis même, en 1309-1310.
Et les Arméniens qui vivaient en dehors des territoires soumis au roi
de Cilicie paraissent avoir ignoré ou combattu les décrets du concile :
l'archevêque de Jérusalem, Sarkis, semble d'être proclamé catholicos lui-
même, avec l'appui du sultan; les couvents de Grande-Arménie n'appliquè¬
rent sans doute pas plus les décisions de 1307 que les Arméniens de Crimée
et du Qipcaq auxquels Jean XXII devait demander, en 1318 et plus tard,
d'accepter de mêler de l'eau au vin destiné à la Consécration127.

les en Arménie par les Bardi pour le compte de Benoît XII (1336) dans Mél. Ecole franç. Rome,
1936, p. 287; J.Richard, Documents chypriotes des archives du Vatican, Paris, 1962, p. 34-49
(Bibl. arch, et hist, de l'inst. fr. de Beyrouth, 73) ; etc.
125 Supra, p. 51-53.
126 Tournebize, Hist, polit, et religieuse de l'Arménie, I, p. 309-310; Documents arméniens, I,
p. LXX et 465.
127 Tournebize, p. 311; Supra, p. 159. Etienne Orbélian a inséré dans son Histoire de la
202 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Cependant, les relations entre Rome et l'Arménie restaient activ


1307 à 1311, elles sont dominées par le nom d'un cousin du roi O
Héthoum de Gorighos, qui devait finir par entrer dans l'ordre des Pré
trés et qui est surtout connu, sous le nom de Haython, pour avoir éc
fleur des histoires de la terre d'Orient ; avec lui l'Eglise d'Arménie ap
comme parfaitement en communion avec celle de Rome128. Il ob
d'avoir des Franciscains auprès de lui, comme jadis le roi Héthoum I
comme le demandait le roi Oshin; il faisait conférer par Clément
catholicos le droit d'accorder les dispenses de mariage (131 1)130.
Si l'influence franciscaine prédominait dans le royaume, les Do
cains n'en étaient pas absents. Raymond Etienne s'y rendit certaineme
1318, à la demande de Jean XXII; il écrivit dans le Directorium ad
gium faciendum que la conversion des Arméniens paraissait dicté
l'opportunisme et manquer de sincérité; il constatait en effet que les
gements pris en 1199 (concessions de monastères, de cathédrale
Latins, de châteaux à l'Eglise) n'avaient pas été tenus, et notamment q
jeunes Arméniens ne recevaient pas d'enseignement du latin. A la dem
du pape, lui et son compagnon obtinrent la promesse de la création
les latines, ainsi que de couvents dominicains et franciscains; il s
qu'avec le temps certaines de ces promesses se réalisèrent131 : la fon
d'une nouvelle maison dominicaine intervint en 1327 1 32 .

salem) se comportant à l'occasion comme subordonné à celui de Sis. Ludolf de S


affirme que, vers 1350, l'«évêque arménien de Jérusalem» obéissait à Rome (Laurent,
natores medii aevi quatuor, p. 352). Cf. J. Mécérian, Histoire et institutions de l'Eglis
nienne, Beyrouth, 1965, p. 115 (Recherches publiées sous la direction de l'Institut de
orientales, XXX).
128 Documents arméniens, II, p. XXIII-LVII. L'entrée de Haython comme convers
Prémontrés provoqua d'ailleurs une réaction de certains Arméniens : Isaïe Nèeci lui
une lettre de remontrances (Linguae haicanae scr., p. 21).
129 Sur ceux-ci, cf. Golubovich, I, p. 341 (parmi eux figurait Thomas de Tolent
devait mourir en 1321 martyr à Thâna).
130 Regestum Clementis V, n° 7199-7202 (Fontes, VII, 2, n° 44). En 1298, Boniface V
en acceptant de renouveler une dispense accordée par le catholicos, avait précisé que
seul pouvait accorder des dispenses pour le troisième degré de consanguinité (Font
n° 124).
131 Documents arméniens, II, p. 487-488. Sur la mission de Raymond Etienne, cf.
Jean XXII, n° 8202 (Ripoll, II, 142; Fontes, VII, 2, n° 15). - Les écoles latines en Armén
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 203

Pendant que ces négociations se déroulaient, une ambassade armé¬


nienne était à Avignon. L'évêque Jacques de Gaban, l'interprète du roi
d'Arménie, représentant ce dernier, et deux chevaliers y séjournèrent assez
longtemps; ils repartirent chargés de privilèges133. Mais Jean XXII soule¬
vait un nouveau problème : l'évêque devait faire savoir au roi qu'il existait
encore des désaccords entre les deux Eglises - notamment le pouvoir
reconnu en Arménie aux simples prêtres de donner la confirmation et de
bénir les saintes huiles -. Une profession de foi, élaborée par la curie, avait
été comparée à celle que Jacques avait apportée avec lui (le pape insistait
en particulier sur ce que lui seul pouvait donner toutes les dispenses en
matière matrimoniale, et que c'était de la Papauté que procédait le pouvoir
des patriarches). Jacques avait accepté cette profession de foi; il était invité
à la présenter au catholicos en demandant à celui-ci de tenir la foi et le rite
de l'Eglise romaine134.
Dès son retour, Oshin et le patriarche renvoyèrent au pape une nou¬
velle ambassade, avec à sa tête le chancelier du royaume, Sarkis de Sis135.
Mais c'est en octobre 1321 que le pape prit la décision de confier à deux
Franciscains, le vicaire d'Orient, Pierre de Turre, et le custode de Tabriz,
Jacques de Camerino, une mission dont l'ampleur et la nature rappellent
celles qui avaient été envoyées en Orient par les papes du XIIIe siècle
(l'évêque Jérôme de Caffa partait en même temps qu'eux pour le Qipcaq,
chargé de lettres pour les Arméniens de Khazarie et de Sarai, comme pour
la cour de la Horde d'Or). Nous avons déjà rencontré les lettres qu'ils
emportaient pour le roi de Géorgie et pour ses barons, pour Abu-Saïd et
Copan, pour de notables chrétiens d'Azerbeijan136. Ils en emportaient aussi
pour l'archevêque de Saint-Thaddée de Caraclesia (ou de Maku), Zacharie

son doit relever de la province de Terre Sainte. Cette création est-elle en rapport avec l'auto¬
risation d'avoir des Dominicains avec lui, accordée au comte de Gorighos (infra, p. 208,
n. 156)?
133 Jacques était à Avignon dès 1317 ( Urkundenbuch des Landes ob den Enn, V, 627) et
encore en mai 1318 (Hessisches Urkundenbuch, I, 2, 251). Sur ses dépenses, celles de l'inter¬
prète Grégoire Seguilici et de leurs compagnons, cf. H. K. Schaefer, Geldspenden der päpstli¬
chen Kurie, dans Orìens christianus, IV, 1904, p. 183-187 : elles sont réglées le 10 avril 1318.
Induits : Mollat, Jean XXII, n° 5640-5642.
134 Fontes, VII, 2, n° 20 (lettre au roi Oshin, datée du 29 avril - de 1319 ou de 1318?).
135 Le chancelier Sarkis reçut une allocation de la chambre pontificale le 26 septembre
204 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Manuélian, ancien moine de Zorzor, qui était regardé comme exarq


catholicos en Grande-Arménie137. Jean XXII invitait celui-ci à adopt
usages de l'Eglise romaine en ce qui concernait l'Eucharistie (l'add
d'eau dans le calice) et l'Extrême-Onction; mais il ne l'en considérai
moins comme un prélat en parfaite union avec le siège de Rome.
conférait le pouvoir, en même temps qu'au vicaire des Frères Prêche
au custode des Frères Mineurs dans l'empire tartare de Perse, de ré
lier les prélats vivant dans cet empire et qui auraient été pourvus irré
rement de leur siège, et de renouveler la consécration de ceu
n'auraient pas été régulièrement ordonnés138. En dehors de consolatio
sacriste Vartan et aux moines de Saint-Thaddée139, les deux Franci
emportaient aussi des lettres pour les archevêques d'Aghtâmar et à'A
maz (le catholicos des Aghouans) et pour les évêques, archiprêtres et
bed de Grande-Arménie, auxquels le pape envoyait une profession de
les invitant à l'Union140; un moine arménien, Jean de Zorzor, qualif

137 Cf. P. Pelliot, Zacharie de Saint-Thaddée et Zacharie Séfêdinian, dans Revue de l


des religions, CXXI, 1942-1943, p. 151-154 (à propos de la visite que fit Jourdain Cat
Séverac à cet archevêque). Zacharie Séfêdinian était alors catholicos du siège d'Ag
(dont les relations avec le siège de Sis s'étaient améliorées depuis que le catholic
goire VII avait levé l'excommunication traditionnelle de son rival, avant 1307 : Tour
p. 307-308). Un troisième catholicos était celui des Albaniens ou Aghouans, peuple ori
ment distinct des Arméniens. - Quant à Zacharie de Saint-Thaddée, alias Zaqaria Man
Qorqoretzi, il portait le titre de l'archevêché d'Ardaz.
138 Fontes, VII, 2, n° 47 (15 octobre 1321) et 54 (22 novembre); idem dans Bull. F
éd. Eubel, V, 440 et 451.
139 Ibid, n° 52.
140 Ibidem, n° 55 (cf. aussi G. Fedalto, La chiesa latina, p. 490-491). A l'exception d
catholicoi d'Aghtâmar et des Aghouans, titrés archiepiscopi, tous les prélats destinata
cette lettre sont dits episcopi, et occupent des sièges situés dans la haute vallée de l'Eu
les bassins des lacs de Van, Sevan et Ourmia, la vallée de l'Araxe. Ce sont Zacharie
(Argeà, sur le lac de Van, auj. Ercis); Jean de Noravans (Noravank, en Siounie - cf.
Orbélian, dans son Histoire de Siounie, éd. J. Saint-Martin, Mémoires, II, p. 169); Etienn
sair (qui serait Etienne Orbélian lui-même, désigné par son patronyme, Tersaïdj, et no
nom de son siège, Tathev, métropole de la Siounie - mais sans doute était-il mort
1309); Jacques de Sancto Bartholomeo (Aghpag, près de Selmas - il est désigné comme
de Selmas dans les actes du concile d'Adana, en 1314); Zacharie de Nachzoan (Nakhi
Thaddée de Pataviam (soit Pakaran, près d'Akhalkalaki, soit Pakavan, à l'ouest de Do
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 205

docteur en théologie, et ses disciples, étaient félicités de leur adhésion à


l'Union141.
Il semble ainsi qu'en 1321, Jean XXII s'était décidé à toucher directe¬
ment les chefs spirituels des Arméniens de Grande-Arménie et de Crimée.
Pour les premiers, c'est grâce à Zacharie de Saint-Thaddée qu'il pensait y
parvenir; et ce sont les Franciscains - ils avaient installé une résidence à
Saint-Thaddée, auprès de l'archevêque142 -, qui étaient les principaux ins¬
truments de cette entreprise. Mais, lorsqu'il se décida à investir l'archevê¬
que de Sultanieh de la responsabilité de ces démarches, Jean XXII écrivit
au catholicos Constantin et au roi Léon V, pour leur rappeler que les papes
avaient arraché «aux ténèbres et à l'ombre de la mort», «les peuples de
Basse-Arménie » en les ramenant à l'Eglise romaine, et qu'il convenait d'agir
ainsi à l'égard des « Arméniens de l'empire de Perse » lesquels, bien que pla¬
cés sous l'obédience du catholicos, étaient séparés de la doctrine de l'Eglise
de Rome. Il demandait au roi et au catholicos d'envoyer des lettres et des
messagers de façon à aider l'archevêque - Guillaume Adam - à convertir

pose de reconnaître le couvent de Petroska, au canton de Haband, que cite Etienne Orbélian.
La même mission emportait une lettre du 16 octobre 1321 pour Isai vartabed, c'est-à-dire
pour le célèbre Isaïe Nèeci, qui vécut de 1284 à 1338 dans le monastère de Gayle-tsor dont il
fit le centre des études arméniennes (J. Mecerian, Histoire et institutions de l'Eglise armé¬
nienne, p. 289-290; Linguae haicanae scriptores, p. 21-22). Il apparaît que les contacts précé¬
demment établis avec l'archevêque de Saint-Thaddée et les religieux de Zorzor avaient per¬
mis de bien connaître la situation en Grande-Arménie.
141 Eubel, Bull, francise., V, p. 213, n° 7. Sur Jean de Zorzor et ses traductions, cf. Linguae
haicanae scriptores, p. 181. - Le couvent de Zorzor (Corcor) a été identifié par de nombreux
auteurs avec le célèbre couvent de Saint-Thaddée, situé au Sud-Ouest de Maku. Cette identi¬
fication est loin d'être assurée, et le DrJ.-M. Thierry, dont on connaît les travaux sur les
anciens monastères du Vaspurakan, a bien voulu nous dire qu'il propose pour Zorzor un site
plus septentrional, dans la vallée du Zangmar tchaï. L'identification de Zorzor avec Keçuk -
le « Kissouk » que Tavernier (Voyages en Perse, I, 4) place « aux frontières du Courdistan et de
l'Assyrie », au lieu du martyre des apôtres Barthélémy et Mathieu, et que P. Bedik (Cehil
sutun, Vienne, 1678, p. 383-384) appelle Ghezugh, le Kejut de la carte de H. B. F. Lynch, Arme¬
nia. Travels and studies, London, 1901, I, où il est représenté immédiatement à l'ouest de
Maku - a été proposée par le P. Van den Oudenrijn (Linguae haicanae scr., p. 29 et 45).
142 Le locum franciscain de Caraclesia est cité dans le De locis (Golubovich, II, 72) et les
Franciscains se flattaient d'avoir ramené à l'union le primat de Grande-Arménie, Zacharie,
206 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

ces peuples143. La dépendance des Arméniens de Grande-Arménie à l'é


du catholicos était donc reconnue; mais les Franciscains, comme aprè
les Dominicains, s'adressaient désormais directement à ces derniers.
Zacharie de Saint-Thaddée allait continuer à être le fidèle auxiliair
Latins dans leur désir de faciliter l'union des Arméniens de l'empir
Perse avec l'Eglise romaine, jusqu'à sa mort. C'est Innocent VI, d'aill
qui lui donna un successeur en la personne d'un autre moine armé
Zacharie Marchait, le 29 avril 1353 144, et les papes intervinrent dans la
pour les nominations archiépiscopales145. Quant au couvent franci
annexé à la résidence archiépiscopale, il abrita en 1333 des religieux de
dance «spirituelle», en conflit avec l'évêque de Tabriz et l'archevêqu
Sultanieh. Les Franciscains de Grande-Arménie, d'ailleurs, se compr
rent gravement dans cette querelle : l'un d'eux, Guillaume Saurati, qui
été envoyé d'Avignon, avec plusieurs confrères, pour prêcher en Gr
Arménie, et qui enseignait la théologie à Saint-Thaddée, n'hésita p
reprendre publiquement un vartabed qui prêchait l'infaillibilité po
cale146. L'agitation continua d'ailleurs parmi les Franciscains de Gr
Arménie et de Perse pendant plusieurs années147. Elle diminua peut
leur audience : toutefois c'est le Franciscain Louis de Solero d'Asti qui
amené à l'Union l'Arménien Jean Kador, lequel entra dans l'ordre des
res Mineurs et fut martyrisé en Grande-Arménie, par les « Sarrasins »,
avoir prêché pendant de longues années avec un grand succès à ses co
triotes contre les tendances monophysites148.

143 Köhler, Documents relatifs à Guillaume Adam, p. 494 et 497 (31 mai et 1er juin
Fontes, VII, 2, n° 71). Constantin III y est titré «patriarcha Armenorum». - Vers 1328, Jo
Cathala évaluait à 4.000 le nombre des Arméniens convertis (en Grande-Arménie) par
nicains et Franciscains (p. 39).
144 Fontes, X, 14 (des indulgences sont accordées pour la visite de la cathédrale de
Thaddée, le 1er août 1353 : ibid, 18).
145 Le pape d'Avignon désigne le Dominicain Pierre de Ellegnis, à la mort du s
Zacharie (10 septembre 1387); celui de Rome, à la mort d'un Bertuccius, un autre Domin
Jean-Baptiste de Insula (5 mai 1400). En septembre 1411, un frère Jerome était archiepi
Magu (Iorga, Notes et extraits, I, p. 22). Il «apostasia» (passa au schisme?) et le pape l
plaça par Job de Maku, également dominicain (Eubel, Hierarchia, 1, 480).
146 Un Franciscain en résidence à Saint-Thaddée : Golubovich, III, 447-448; envoi d
laume Saurati : Schaefer, Geldspenden, p. 183-187; l'incident où il est incriminé: Golub
III, 448-449 (1333); R. Loenertz, La société, p. 189-193.
147 Cf. bulle du 29 mai 1344 (Eubel, Bull. Francisa, VI, 270; Golubovich, IV, 378-37
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 207

Néanmoins, ce ne sont plus des Franciscains que nous trouvons à


Maku à la fin du XIVe siècle : les archevêques qui succédèrent au second
Zacharie sont tous des Dominicains, et Schiltberger a rencontré dans cette
ville «ein bistum, die halten römischen geloben. Die priester sind prediger
ordens und sint in armenischen sprach » : les Uniteurs avaient donc rem¬
placé les Basiiiens et leurs associés franciscains149.
Les relations entre les papes et le royaume d'Arménie n'en restaient
cependant pas moins actives, du fait que la Grande-Arménie s'était ouverte
à l'action des missionnaires latins. La présence à la curie de personnages
qui enseignent l'arménien, entre 1321 et 1323, mérite d'être relevée150. Les
préoccupations relatives à la croisade restent d'actualité : Jean XXII
concède le 20 décembre 1322 l'indulgence plénière accordée aux croisés
aux Arméniens tombant en luttant contre les infidèles151; lui-même,
Benoît XII et Clément VI s'efforcent de secourir l'Arménie lorsque celle-ci
est victime d'invasions musulmanes. Benoît XII, apprenant que le sultan
mamelûk a fait jurer au roi Léon V de ne pas écrire à Avignon pour deman¬
der de l'aide, relève le roi de ce serment, en 1338, ce qui provoque d'ailleurs
des remous en Arménie152.
Les difficultés relevées par Raymond Etienne quant à l'exécution du
traité de 1199 avaient été résolues, et la suzeraineté pontificale sur le châ¬
teau de Bab'aron, reconnue153. Quant aux deux archevêchés latins de Tarse
et de Misis (Mamistra), le premier d'entre eux maintenait son existence
sans difficulté154. Pour Misis, ville ruinée par les Musulmans, Jean XXII en

149 Die Reisen des Johannes Schiltberger aus München in Europa, Asien und Afrika von 1394
bis 1427, éd. Neumann, München, 1859, p. 100. Clavijo aussi connaît les Dominicains de Maca
(Maku) : p. 83. - Jérôme de Pise, en 1373, ne cite plus Saint-Thaddée parmi les résidences
franciscaines de la custodie de Tabriz : les Frères Mineurs n'ont plus alors en Grande-Armé-
nie que celle d'Erzerum (Golubovich, V, 193).
150 Schaefer, Geldspenden ; il s'agit d'un prêtre, Renier Costansa, et d'un clerc, Alexandre
Petri.
151 Fontes, VII, 2, n° 64. En 1336, c'est à ceux qui se croisent pour secourir l'Arménie que
cette indulgence est octroyée - mais seulement au-delà du détroit de Messine (ultra Farum) :
ibid, VIII, 10.
152 Fontes, VIII, 21 : Tournebize, p. 334 (le catholicos Jacques II protesta contre cette déci¬
sion pontificale; Léon V le fit déposer).
153 Sur cette question, nous nous permettons de renvoyer à notre édition de l' Histoire des
Tartares de Simon de Saint-Quentin, p. 88, n. 1.
154 Eubel, Hierarchia, I, 499. En 1308, c'est le chapitre cathédral qui élit un Hospitalier,
208 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

unissait le siège à l'église génoise de l'Aïas (2 juillet 1320), puis séparai


deux sièges155. Cette séparation résultait de la décision du pape de cré
Arménie deux nouveaux sièges épiscopaux, cette fois destinés tant
Latins qu'aux Arméniens, sans doute en tenant compte de la réalit
l'Union. En 1322, le comte de Gorhigos, Oshin156, avait demandé à
XXII d'ériger sa ville en siège épiscopal, et le pape avait alors conf
patriarche de Jérusalem le soin d'enquêter sur cette demande; il se
que la décision fut prise en 1328, vraisemblablement à la requêt
l'ancien évêque arménien de Caffa, devenu Dominicain, Thaddée,
devint après le mois de mars 1328 episcopus Curquensis. Or c'est le 17
bre 1328 que le pape érigea l'Aïas en cité épiscopale, en désignant
occuper ce siège un Franciscain, Nicolas, qu'il donnait pour évêque Arm
et Latinis degentibus in civitate et diocesi Ayaciensis151. Il était précisé
Nicolas serait suffragant du catholicos d'Arménie; la situation était pr
blement identique en ce qui concerne Thaddée158. En érigeant ces si
Jean XXII agissait dans le royaume d'Arménie comme il l'aurait fa
Occident; mais il rompait avec la tradition qui, partout en Orient

septembre 1344 sur la requête du roi Guy d'Arménie (Clément VI, Lettres closes. . . , 1086
thélémy de Tabriz, O.M., qui succéda à ce dernier, était peut-être un Arménien (G
vich, V, 72). Jean Ponhyer lui-même, désigné en 1366, était parti en 1363 pour la Terre-
(ibid., V, 88). C'est cependant avec lui que commence la série des archevêques non ré
tiels.
155 Le siège de Misis était vacant depuis longtemps (le dernier titulaire, Pierre d
était mort à Acre en se rendant à la Curie - donc avant 1291); le Constantin qui app
Rome en 1306 des nouvelles alarmantes d'Arménie était sans doute un Arménien
Clem. V, I, 748). Thomas, Dominicain, élu par le chapitre en 1320, eut beaucoup de pein
faire remettre l'église de l'Aïas (Arch. Orient latin, I, p. 266-267; Mollat, Jean XXII, 1
Après 1328, on rencontre un Etienne, archevêque de Mamistra, envoyé du roi d'Ar
(Schaefer, Die Ausgaben. . . Johann XXII, p. 237 et 532) qui prend dans une lettre du 1
tembre 1332 le titre d'archiepiscopus Ayacensis (Regesten zur Geschichte der Bischöfe ν.
tant, éd. Cartellieri, II, 4307). Le siège fut relevé, comme titulaire, en 1345 (Hierarchia,
156 Alors régent du royaume, il bénéficie de divers induits (Fontes, VII, 2, n° 42; M
Jean XXII, 25043-25044) notamment du droit d'avoir avec lui deux Frères Prêcheurs.
157 J. Richard, Deux évêques dominicains, agents de l'Union arménienne au Moyen-Age
AFP, XIX, 1949, p. 260-266; Fontes, VII, 2, 108. Nicolas entra en conflit avec le roi Léon V
avoir voulu rebaptiser une Géorgienne, dame de la reine (Doc. Arm., II, 618). Un Nicolas
copus Axiensis, Axisiensis, Ayaciensis, apparaît dans des lettres d'indulgence de 1347 e
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 209

réservait à un Latin le siège épiscopal, en lui donnant comme vicaire un


évêque de rite oriental, pour les Orientaux unis vivant dans le diocèse159.
Quelques années plus tard, Clément VI procédait également à la dési¬
gnation de prélats pour des sièges situés dans le royaume d'Arménie; mais
ceci dans le cadre d'une plus vaste entreprise de relèvement de sièges. Le 7
août 1345, il pourvoyait aux archevêchés d'Anazarbe, Mamistra et Séleucie;
les deux premiers furent respectivement attribués à un Prémontré et à un
Augustin qui furent tous deux appelés à servir d'auxiliaires dans des diocè¬
ses occidentaux160; le troisième, à un Franciscain du nom de Pons, dont
l'activité missionnaire s'était marquée par la traduction du rituel latin en
arménien, et qui devait ensuite écrire dans la même langue une Postilla
super evangelium beati Johannis qui encourut les censures du pape. On a pu
supposer qu'il résidait à Saint-Thaddée161. Mais rien ne permet de penser
qu'il exerça une juridiction effective sur le siège de Séleucie (Selefké),
encore qu'il ait été pourvu de successeurs arméniens162.
Or, l'année suivante, c'est encore un missionnaire, le Franciscain Anto-
nin d'Alexandrie, qui fut pourvu d'un autre siège archiépiscopal relevant du
patriarcat d'Antioche163 et en pays de peuplement arménien, celui d'Hiéra-
polis (Manbig), le 31 juillet 1346 164. Et, cinq jours auparavant, le Franciscain

159 En 1307, à Tarse, on trouve un évêque arménien et un archevêque latin (Docum. Arm.,
I, p. LXX). Cf. le cas de Caffa.
160 Eubel, Hierarchia, I, 87 et 339. Anazarbe avait un évêque arménien (en 1307-1314:
Documents arm, I, LXX; en 1341, Benoît XII écrivait à l'archevêque d'Anazarbe en même
temps qu'à d'autres prélats latins et arméniens, et Etienne, archevêque d'Anazarbe, répond en
1342 : Fontes, VIII, 56 et 59). Sur Mamistra (Misis), cf. supra, p. précéd., n. 155.
161 Golubovich, IV, p. 381-388. Pons, qui était encore à Avignon le 5 décembre 1345 (Reges-
ten zur Geschichte. . . Constant, II, 6431), fut censuré le 31 juillet 1346 ( Fontes , IX, 83; Eubel,
Bull. Francise., VI, 381). Cf. Linguae haicanae scriptores, p. 257.
162 Un Basile, mort avant 1360; Isaïe Asiani (12 octobre 1360), qui donne une indulgence à
Vienne, le 14 novembre 1361 (Uhlirz, Quellen zur Geschichte der Stadt Wien, II, 1, p. 142); un
Théodore, auquel succède Martin Stephani, Arménien de l'ordre des Uniteurs (25 juillet 1370),
lequel devait en 1376 être autorisé à agir pontificalement dans les diocèses espagnols, sans
doute à la suite de la prise de Selefké par les Egyptiens. Ses provisions (Fontes , XI, 203) sont
accompagnées de lettres aux suffragante et au peuple du diocèse, comme pour un archevê¬
que résidentiel.
163 On pourrait noter aussi que Clément VI pourvut un Arménien, Jean David de Zorzor,
du siège d'Edesse en 1344 (Fontes , IX, 18). Mais ici il s'agit d'un siège pourvu normalement
d'un titulaire, le prédécesseur étant mort en 1342 au plus tard (infra, p. 211).
210 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

arménien Daniel de Tabriz, que nous retrouverons, avait reçu le


d'archevêque de Bosra - autre siège relevant d'Antioche, mais comme
lieu de la province d'Arabie, donc uniquement titulaire - Il semble qu
faisant revivre tous ces sièges métropolitains 165, Clément VI ait repris l
qui avait présidé à la restauration de l'archevêché d'Edesse au prof
William Freney : donner à des missionnaires un titre épiscopal ou ar
piscopal leur assurant plus d'autorité en pays de mission. Nous ne cro
pas qu'on puisse voir dans le relèvement des sièges d'Anazarbe, Mam
Selefké ou Hiérapolis un essai d'encadrement nouveau des chréti
arméniennes unies à Rome; mais ce relèvement n'est peut-être pas
signification pour l'histoire des évêchés missionnaires.
Les tractations des années 1318-1321 semblaient avoir réglé le con
tieux latino-arménien, en ce qui touchait du moins les relations entre R
et le catholicat de Sis. Le pape considérait l'Arménie comme reven
l'Union, alors que les Arméniens estimaient qu'au prix de quelques co
sions rituelles, la concordance des deux confessions de foi avait été r
nue sans qu'ils aient eu à abandonner leur tradition nationale : c'est c
ressort des lettres de Jean XXII de 1321. Mais c'est en Arménie mêm
plus précisément en Grande-Arménie, que se dessina une tendance
laquelle nous aurons à revenir, à rompre avec le passé de l'Eglise a
nienne, considérée comme étant tombée dans les erreurs monophy
pour embrasser sans réserve la foi et les usages de l'Eglise romaine 166.
évêques, celui d'Orni, Nersés Balientz (Palenç), et celui d'Erzerum (Th
polis), Siméon Bech, s'en vinrent de Grande-Arménie en Cilicie pour
ser au catholicos leurs doutes quant à la validité de leur consécra
comme à celle des baptêmes et des ordinations célébrés selon la f
reçue dans l'Eglise d'Arménie. Ce qui suscita une vive réaction du cat
cos Jacques II, personnellement acquis à l'Union, mais attaché aux
tions de son église. Selon Nersès, il fut interdit aux deux évêques de

fidèles à déployer leur zèle pour la libération de la Terre Sainte. Antonin avait probabl
vécu à Jérusalem, mais on ne peut affirmer qu'il fut gardien du Mont-Sion comme
Golubovich, IV, 397-398. Il partait peu après pour l'Angleterre (n° 1608), et on le tro
1349 en Espagne, avant qu'il soit transféré au siège de Durazzo.
165 L'archevêque d'Edesse fit acte de métropolitain en donnant l'évêché de Harran
nensis), vacant par la mort d'un Salomon, au franciscain Thibaud ou Tealdus (Fontes
austriacarum, XXIV, 74), qu'il fit consacrer par un sien délégué. Le pape confirma cette
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 211

brer la messe conformément au rite latin, et levêque d'Orni fut empri¬


sonné; selon ses contradicteurs, ce sont d'autres raisons qui amenèrent le
catholicos à prendre des sanctions à son endroit et à lui interdire de reve¬
nir dans son église167. Après un an et demi de séjour forcé à Sis, Nersès par¬
vint à gagner Chypre, puis, après un nouveau délai, Avignon.
Est-ce Nersès qui provoqua en Occident l'agitation dont nous avons
parlé - et qui suscita les agissements des prélats arméniens d'Italie que
Benoît XII ordonnait de faire arrêter en novembre 1338 168? Nous avons
le témoignage d'un frère Jean, venu de Grande-Arménie, qui avait entendu,
dans un couvent de Tuscie, Nersès prêcher (avant 1342 en tout cas) quod
omnes fratres Armeni deberent rebaptizari, alioquin tanquam heretici caperen-
tur - de fait, un certain nombre de religieux basiliens arméniens furent
arrêtés et détenus à Avignon en 1340-1342 169 l'intéressé se fit alors rebap¬
tiser par un abbé, mais apprit par la suite que le pape avait reconnu que la
forme sous laquelle il avait été baptisé était parfaitement valable170. Nersès
se fit charger de l'examen de la foi arménienne, et reçut à ce titre une pen¬
sion pontificale171; le 9 octobre 1338, il avait obtenu de Benoît XII d'être
reconsacré, sous condition, en qualité d'archevêque de Malazgerd, et revêtu
du pallium 172. Un autre archevêque arménien, Martin, titulaire du siège
d'Edesse, fréquentait en même temps la Curie où il mourut avant 1342 173.

167 D'après la Responsio Armenorum { Fontes, VIII, p. 213), Nersès aurait été accuser auprès
du catholicos le peuple du château de Hanga et du village de Sahap de professer des erreurs;
Jacques II fit enquêter au pays en question, par l'archevêque de Konya, et le jugement ayant
été favorable aux accusés, Nersès aurait été contraint à s'enfuir. - On admet d'ordinaire que
Nersès Balients (Palenç), futur archevêque de Malazgerd, est identique au traducteur du
Liber historiarum de Martin de Troppau qui acheva son œuvre en 1348 et qui se dit canonici
latini gradum adeptus, sacerdos quamvis indignus (et non pas archevêque, comme on s'y serait
attendu). Le P. Van den Oudenrijn a remarqué que celui-ci se dit originaire de Sis, alors que
l'archevêque serait né dans une des villes de la circumferentia de Malazgerd {Doc. Arm, II,
p. 634; l'auteur de la Responsio lui donne bien le nom de Baio). Il règne donc pour le moins
quelque incertitude à cet égard {Linguae haicanae scriptores, p. 210-212).
168 Supra, p. 198-199.
169 Schaefer, Die Ausgaben der apostolichen Kammer, p. 114 (cf. aussi 139, 241).
170 Fontes, IX, 11 (2 octobre 1342).
171 Ceci à partir du 8 janvier 1340, sans doute lors de l'arrivée de l'ambassade citée plus
loin, et jusqu'au 6 décembre. Il continue ensuite à recevoir une pension - comme lecteur
d'arménien? K. H. Schaefer, art cité, p. 112, 138, 157, 230, 262, 285.
212 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Ainsi le soin d'examiner la rectitude de la foi et des usages de l'E


d'Arménie avait-il été confié à un adversaire déclaré du patriarche Jac
Or l'Arménie, très éprouvée par l'invasion mamelûke de 1336, avait be
de secours de l'Occident et, après quelques difficultés174, le roi Lé
envoya à Avignon deux ambassadeurs, le chevalier Thoros Mikaïlentz
Franciscain Daniel, qui furent retenus assez longtemps à la Curie. Le
en expliquait les raisons dans une lettre au roi Léon, datée du 1er
1341 : informé des «erreurs exécrables» qui avaient cours dans les
Arménies, il avait ordonné une enquête et fait rédiger un libellus qu
envoyés apporteraient pour en permettre la discussion en synode. Et il
tait le roi à recevoir le Décret et les Décrétales, autrement dit à soum
l'Arménie au droit canonique latin175.
Préparé par Nersès et reçu par le cardinal d'Albi, Bernard, le libell
question, qui était intitulé Fides Armenorum, fut envoyé au catholicos e
archevêques de Sis, Saint-Thaddée, Anazarbe, Tarse et Sultanieh. Il ne
prenait pas moins de cent dix-sept articles, accusant les Arménien
l'exception des Armeni reuniti - de n'accepter ni le Filioque, ni le conci
Chalcédoine, de professer le monophysisme, de ne pas croire à la tran
sion du péché originel; on leur reprochait de rebaptiser ceux qui av
reçu le baptême selon le rite grec ou latin. On reconnaissait bien
l'usage de mêler l'eau au vin du calice avait été introduit depuis trent
en Petite-Arménie et vingt-cinq en Grande-Arménie, mais on releva
propos de ceux qui affirmaient que c'était là une séduction diabo
comme les erreurs professées par un vartabed de la province d'Arges
khitar. L'auteur insistait sur ce que les Arméniens de Grande-Arm
considéraient leur église comme apostolique (du fait de sa fondation
l'apôtre Thaddée) et que seuls les vartabed venant de Grande-Arm
étaient considérés comme des maîtres en Cilicie176; il signalait l'exis
des deux catholicoi des Aghouans et d'Aghtàmar, dont l'autorité dimi
celle du catholicos résidant à Sis. Il mettait enfin en doute que l'unio
mulée en 1288 eût reçu alors une adhésion unanime, et relevait les op
tions qui s'étaient manifestées.

174 Baluze, Vitae paparum Avenionensium, nouv. éd. par G. Mollat, I, p. 221 : les Arm
eodem anno (1336) fuerunt superati et planitiem amittentes petebant montanam, sperantes
dium Ecclesie et regis Philippi C'est alors que le sultan extorqua du roi le sermen
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 213

Ce long texte, assez confus du reste177, suscita immédiatement une


riposte du catholicos Jacques II, qui envoya au pape sa profession de foi178
Daniel de Tabriz, l'un des ambassadeurs, avait écrit lui-même une
réponse179, qui semble bien avoir servi de document de travail au synode
que réunit en 1342 le nouveau catholicos Mekhitar, et qui rassemblait avec
les archevêques de Sis, Tarse, Anazarbe, Kayseri, Konya et Sivas de nom¬
breux évêques, des abbés, des archiprêtres, des prêtres et des maîtres. Cette
réponse reprenait article par article le libellus des Errores impositae Arme
nis et les réfutait, en affirmant que l'on avait considéré comme la doctrine
commune à l'Eglise arménienne des opinions isolées, voire condamnées, et
que les agissements contraires à la discipline ecclésiastique étaient égale¬
ment des actes individuels et réprouvés par l'Eglise180. L'union des Eglises
était un fait réel et accepté par tous181. Et, pour faire connaître ces conclu¬
sions, une grande ambassade, comprenant un chevalier, Grégoire de Sar
giis, le lecteur du couvent franciscain de Sis, Daniel de Tabriz, et deux évê¬
ques, Jean de Medzqar et Antoine de Trébizonde182, arriva à Avignon en
1344; elle y séjourna jusqu'en 1346 183.

177 Fontes,
178 Edité dans
VIII,Fontes,
58 (avant
VIII,la57,
finavec
de 1341).
les autres pièces du dossier.

179 Editée dans Recueil des historiens des croisades, Documents arméniens, II, p. 559-650
par Mas-Latrie et Scheffer, qui y ont joint en annexe des extraits de la réponse du synode
Cette Responsio ad errores impositas Armenis n'est d'ailleurs pas datée; elle pourrait avoir ét
écrite lors de l'ambassade de 1344, à laquelle Daniel participait également. - Il n'est pas san
intérêt de rapprocher de ce long débat l'analyse que donne le P. Tekeyan des controverse
entre Grecs et Arméniens au temps de Theorianos et de Nersès de Lampron. Les Grecs auss
avaient mis en doute la christologie arménienne, réclamé l'unification des dates des fête
célébrées par les Arméniens avec les leurs, demandé l'addition d'eau au vin du calice, tout en
présentant d'autres exigences; eux aussi pratiquaient le rebaptême (P. Tekeyan, Controverse
christologiques en Arméno-Cilicie, dans Orient, christ, anal., 124, 1939). Il semble que ce soit en
milieu arménien que l'écho de ces controverses se soit conservé, pour se raviver au cours du
XIVe siècle.
180 Fontes, VIII, 59.
181 Daniel de Tabriz témoigne avoir vu lui-même le catholicos célébrer la fête de Noël e
consacrer publiquement avec de l'eau mêlée au vin du calice (Doc. Arm., II, p. 592); il affirm
que Nersès a imputé aux Arméniens des usages propres aux Thoundrakites ou «fils d
soleil», secte de langue arménienne de la région de Malazgerd (p. 643).
182 Le titre du second de ces évêques, qu'on trouve sous des formes variées (Trebesonen
sis, etc.), est écrit Trapessundensis dans une lettre d'indulgence où figure aussi Jean Mesch
214 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Les discussions qui s'engagèrent alors ne nous sont pas connues. M


le 31 août 1346, Clément VI donnait acte au catholicos Mekhitar de ce
les ambassadeurs s'étaient portés témoins des efforts qui seraient faits
corriger les erreurs doctrinales et disciplinaires, et avaient demandé d
part l'envoi du Décret et des Décrétâtes184. Il chargeait deux légats, les
ques de Gaète et de Coron, d'accompagner l'ambassade, en leur confia
mission d'examiner des livres arméniens pour en extirper les erreurs,
faire tenir un synode à cette fin. Il leur demandait aussi de faire établ
Arménie des maisons religieuses d'ordres latins - Dominicains, Fra
cains, Carmes, Augustins185 -. Quant aux ambassadeurs, il leur témoig
sa satisfaction en élevant Daniel de Tabriz à l'archevêché de Bosra (26
let 1346); le nouvel archevêque, qui était en même temps investi des
tions de vicaire du ministre des Franciscains pour l'Arménie186, repr
septembre la route de Cilicie avec l'évêque de Medzqar.
L'Arménie avait grand besoin d'assistance - et, dès le mois de sep
bre 1349, un nouvel ambassadeur, le chevalier Constantin Cremanens,
à Avignon, qu'il ne quitta qu'en septembre 1351 187. Un des légats pontif
(l'autre était mort), l'évêque de Coron, avait rendu compte de sa missio
affirmant que le roi, le catholicos et le peuple d'Arménie «s'écartaien
beaucoup de points de la vérité de la foi catholique ». Aussi Clément V
16 septembre 1350, chargeait-il l'évêque de Paphos de faire parvenir
florins au roi Constantin, mais aussi d'obtenir du roi et du catholicos
déclarations précises sur les points litigieux188. Et un an plus tard, lui

tantin
l'intervention
184 IIFontes,
- et possible
J.IX,Gay,
105;Leces
d'autres
pape
livres
Clément
évêques
étaientVIdans
demandés
et les
cette
affaires
discussion,
à l'évêque
d'Orient,
de
infra,
Paphos
Paris,
p. 224,
1904,
(ibid,
n. 228.
p.107).
132-15

185 Ibid., 92, 100, 101 ; le pape leur donnait le pouvoir d'autoriser de simples prê
confirmer.
186 Sur la vie de ce moine de Saint-Thaddée, devenu Franciscain, cf. Golubovic
p. 332-362; Pelliot, Zacharie de Saint-Thaddée, p. 153. - Jean de Medzqar bénéficia d'i
pour lui et pour ses protégés (Fontes , IX, 85, 86); il semble qu'il s'était fait rebaptise
condition, et il obtint pour lui-même, pour Renier Balian d'Arménie, doyen de la Saint
à Jérusalem, et Nersès de Gragga, le droit de communiquer avec les Arméniens no
(ibid, 88). - Quant à Antoine de Trébizonde, il se fit transférer en 1345 à un siège de S
gne (Eubel, Hierarchia, 2e éd., I, p. 493); Tournebize, p. 674, rattache à ces promotions l
tion au siège archiépiscopal d'Hierapolis du Franciscain Antonin d'Alexandrie, missio
mal connu (ci-dessus, p. 209).
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 215

voyant son ambassadeur, il demandait au roi d'obtenir du catholicos des


réponses claires sur un certain nombre de points qui restaient obscurs
dans la lettre que ce dernier avait fait parvenir au Siège Apostolique189. Il
était question des rebaptêmes : les légats avaient fait savoir que tout Armé¬
nien qui douterait d'avoir été baptisé valablement devrait avoir la possibi¬
lité d'être baptisé à nouveau, sous condition, selon le rite romain; le catho¬
licos avait répondu qu'il n'y avait pas lieu d'administrer à nouveau le bap¬
tême à quiconque l'avait reçu selon le rite arménien et qu'en cas de doute,
on pourrait fort bien donner le baptême sous condition selon ce rite. Me-
khitar se refusait donc à voir imposer le rite romain à ses ouailles190.
En 1353, Innocent VI apprit que les lettres de Clément VI au catholi¬
cos n'avaient pas pu être traduites en arménien, faute d'interprètes quali¬
fiés qu'on n'avait pu trouver ni en Arménie, ni à Chypre. Aussi le pape char-
gea-t-il l'archevêque de Malazgerd, que devait accompagner le prieur pro¬
vincial des Dominicains de Terre Sainte, Guillaume Bonet, d'aller lui-même
en Arménie pour effectuer cette traduction191. Entre temps, d'ailleurs,
l'ancien catholicos Jacques II, rentré en grâce, était venu à Avignon, ce qui
avait sans doute permis d'éclairer la Curie192. Nersès, en tout cas, partit
pour l'Orient; nous savons qu'il mourut dans l'île de Chypre, laissant au col¬
lecteur de la Chambre apostolique un anneau et un petit sceau d'argent193.
Il n'est pas exclu que la disparition de ce personnage ait rendu beaucoup
plus aisé le dialogue entre la Papauté et l'Arménie. . .

189 Très long texte, dans Fontes, IX, 192 (cf. aussi 190), du 19 septembre 1351. Le catholi¬
cos avait reconnu l'Eglise de Rome comme seule catholique, ayant la seule vraie foi, le seul
baptême, le seul accès au salut : on lui demande s'il croit qu'il n'y a pas de salut en dehors
d'elle. Il avouait le pape comme vicaire du Christ et lui promettait obéissance, sauf les droits
de son église; on lui demande s'il considère les provinces soumises à l'apôtre Thaddée
comme relevant de la juridiction de Pierre et de préciser ce qu'il entend par juridiction du
Saint-Siège (avec un questionnaire très détaillé). Etc.
190 II y avait eu vingt points sur lesquels les légats avaient apporté des instructiones.
C'était désormais aux prélats chypriotes (patriarche de Jérusalem, archevêque de Nicosie,
évêques de Paphos et Limassol) que le pape s'en remettait pour la suite des discussions.
191 Fontes, X, 20 (1er octobre 1353) et 59 (18 janvier 1355); l'ambassadeur des Arméniens
était un Bolonais : Die Ausgaben, p. 522 (10 janvier 1353).
192 Tournebize, p. 686. Cf. M. A. Van den Oudenrijn, dans Oriens christianus, XLIII, 1959,
p. 113-114.
216 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Mais ce dialogue était désormais bien réduit. Le roi Constanti


mourait en 1363 dans un climat de crise. Déjà son accession à la cour
avait été précédée par l'assassinat de son prédécesseur, Guy de Lusi
victime de l'hostilité de nombreux Arméniens à l'avènement d'un Lati
le trône cilicien. Peu avant sa mort, le concile de Sis, tenu en 1361, ava
marqué par une réaction contre les usages latins, notamment contre l
tion d'eau au vin de la consécration194. En 1374, c'est à nouveau un
gnan, Léon VI, qui accédait au trône, et la chronique de Jean Dardel
permet de connaître le climat d'antagonisme rituel dans lequel se prod
cet avènement195. Etant personnellement de rite latin, Léon refusa
faire sacrer par le catholicos Paul Ier; il entendait recevoir l'onction r
des mains d'un des Dominicains qui l'avaient accompagné, l'évêqu
Nebron. Il fallut discuter, et, finalement, Léon VI fut sacré deux fois 19
avènement, survenant peu après le début de la croisade de Pierre
Chypre, coïncidait avec le passage de Gorhigos sous l'autorité de ce
nier, ce qui pouvait ne pas plaire à tous les Arméniens; en même temp
Mamelûks cherchaient à éliminer la base que le petit royaume po
offrir à une croisade, et nombre d'Arméniens regardaient leur roi
comme un obstacle à un accord avec le sultan. Finalement, abandonn
les « faux Armins » et par le catholicos, Léon dut se rendre aux Egyptie
le royaume disparut ainsi en 1375. L'Union n'avait pas été dénoncée
survivait, mais dans des conditions très différentes, le catholicos
désormais placé sous l'autorité du sultan.
D'un bout à l'autre, cependant, l'histoire de l'Union arménienn
par le roi de Cilicie et le catholicos était restée dans la ligne des accor
1199 et de 1288 : reconnaissant la primauté romaine et la juridiction p
ficale, sauf à limiter celle-ci dans son application, les Arméniens co
vaient leurs rites et acceptaient de rechercher une harmonisation da
formulation de leur Credo avec les doctrines de l'Eglise catholique
insistances de la Papauté avaient amené, avec plus ou moins de succ
l'élimination de certains usages qui pouvaient présenter des relen
monophysisme, ou marquer des discordances avec l'Eglise latine au co

194 Tournebize, p. 696 et suiv.


195 Urbain V le recommandait aux archevêques, évêques, nobles et autres du ro
d'Arménie ( Fontes, XI, 73).
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 217

de laquelle vivaient les Arméniens. Mais l'Eglise de Cilicie et ceux qui sui¬
vaient ses errements, notamment autour de Zacharie de Saint-Thaddée,
peut-être sous l'influence des Franciscains, pouvait se considérer comme
fidèle à ses rites nationaux. Le conflit suscité par Nersès, et qui compliqua
pendant près de vingt ans les rapports arméno-latins, témoignait cependant
de l'existence d'un autre courant dans le monde arménien : les Arméniens-
Unis, désireux de se fondre dans l'Eglise universelle, ne montraient pas la
même volonté de maintenir les rites traditionnels. Et, lorsque Nersès oppo¬
sait l'Eglise de Grande-Arménie, schismatique 198, à celle de Petite-Arménie,
il négligeait cet aspect particulier : c'est en Grande-Arménie que se trou¬
vaient ceux qui sacrifiaient le plus volontiers les usages arméniens. . .

b) «Arméniens-Unis» et Frères Uniteurs

L'histoire des Frères Uniteurs (Ounitorq) est sans doute, grâce aux tra¬
vaux du P. Van den Oudenrijn199, l'un des moments les mieux connus de
l'histoire des missions médiévales. Elle se places dans la perspective de
l'Union des Eglises, sous l'aspect d'une « latinisation » sans compromis.
Tandis que le groupe de Maku, sous l'impulsion de l'archevêque Zacha¬
rie, se mettait à l'école des Franciscains et développait, avec Jean de Zorzor,
une forme de synthèse de la pensée latine et de la tradition arménienne, un
autre couvent, de fondation plus récente, celui de Qrnay, non loin de Nak-
hidjevan, s'intéressait lui aussi à la pensée latine. Le fondateur, Jean de
Qrnay, neveu d'un baron arménien qui protégeait le couvent, disciple du
vartabed Isaïe qui enseignait à Gayletsor, en Siounie - dont il avait fait un
centre d'études monastiques, comparable aux universités occidentales, en

198 Illi de Armenia minori. . . sunt de ecclesia majoris Armenie (Doc. Arm., II, p. 592).
199 A côté de l'article déjà ancien de Tournebize, Les Frères Uniteurs, dans Revue de
l'Orient chrétien, XXII, 1921-1922, p. 145-161, 249-279, prennent place ceux du P. M.-A. Van den
Oudenrijn, The monastery of Aparan and the Armenian writer fra Mxitaric, dans AFP, I, 1931,
p. 265-308; Bishops and archbishops of Naxivan, ibid, VI, 1936, p. 161-216 (à compléter par
R. Loenertz, Evêques dominicains des deux Arménies, ibid, Χ, 1940, p. 275-278); Uniteurs et
dominicains d'Arménie, dans Oriens christianus, XL, 1956, p. 94-112; XLII, 1958, p. 110-133, et
XLIII, 1959, p. 110-119; Le « Sour Petrosi». . . , cité plus loin; Das Offizium des hl. Dominikus des
Bekenners im Brevier der ostarmenischen Fratres Unitores, Rome, 1935 (Institutum historicum
218 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

restant très attaché aux traditions arméniennes, qu'il défendait contr


influences latines200 -, se mit en rapport, en 1328, avec l'évêque de Mar
Barthélémy da Poggio, lequel était un théologien et un philos
connu201. Barthélémy vint à Qrnay, en 1330, à l'occasion de la réunion
synode réuni dans ce couvent pour étudier les doctrines latines; c'e
synode qui proclama ce qu'on a appelé l'Union de Qrnay202.
Le supérieur de Qrnay et ses moines, complètement acquis aux do
nes latines, offrirent en 1331 leur monastère à l'ordre dominicain, dont
sieurs prirent l'habit. Et, sous l'influence de Barthélémy da Poggio et
autre évêque dominicain, Jean de Florence, évêque de Tiflis, Qrnay d
un centre d'études de théologie et de philosophie; les traductions d'ou
ges latins en arménien se multiplièrent, notamment sous la plume de
thélémy - qui mourut dans ce couvent, en 1333 - : la Bible, le missel, le
viaire dominicain, la Summa contra Gentiles de saint Thomas d'Aqu
bien d'autres traités furent ainsi mis à la disposition des religieux a
niens, qui découvraient avec enthousiasme la richesse et la rigueur d
sonnement des philosophes et des théologiens d'Occident203.
Qrnay n'était pas le seul centre où se développait une pareille act
de traduction - en Petite-Arménie, l'évêque dominicain Thaddée et le
archevêque franciscain de Séleucie, Pons, traduisaient en arménien
l'office dominicain, l'autre le rituel latin, tandis que le prince Bohémon
Lusignan traduisait en latin le rituel arménien, dont Daniel de Tabriz f
de sa part hommage au Saint-Siège en 1 34 1 204 — ; mais le caractère syst
tique de ces traductions mérite d'être souligné. Enfin un manuel à l'

adressé
200 Mais
une profession
Isaïe n'admettait
de foi en
pas1321.
les idées monophysites. On a vu que Jean XXII lu

201 Un autre évêque latin, Barthélémy de Tabriz, avait déjà discuté avec l'évêque
nien de Tabriz, en 1321, et il en est question dans une lettre d'Isaïe à cet evêque (Lingu
canae scr., p. 22).
202 Uniteurs et dominicains d'Arménie : étude des membres et des travaux du synod
203 Cf. une lettre de Guillaume Saurai, lecteur franciscain à Maku, qui annonce à s
respondant qu'il «enlèvera Thomas du cœur» des Arméniens : Loenertz, La société, p.
P. Van den Oudenrijn a relevé une parfaite identité entre les traductions en arménie
buées à Barthélémy da Poggio et celles d'ouvrages latins en éthiopien attribuées au p
Barthélemy de Tivoli, évêque de Dongola (L'évêque dominicain fr. Barthélémy, fondate
posé d'un couvent dans le Tigré, dans Rassegna di studi etiopici, V, 1946, p. 7-16). Des colo
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 219

des controversistes, le «Glaive de Pierre», sortait du scriptorium de


Qrnay205.
L'enthousiasme du groupe de Qrnay allait assez loin pour qu'en 1337
on s'y décidât à abandonner la liturgie traditionnelle pour la liturgie latine.
Et une quinzaine de couvents s'associèrent en 1344, dans une congrégation
qui prit le nom de Frères Uniteurs.
Le zèle des Armeni reuniti, pour employer une expression de Nersès
Balientz (dont l'appartenance à l'ordre dominicain est souvent affirmée
sans être absolument certaine), allait si loin qu'ils scrutaient les usages
arméniens pour y dépister les traces de monophysisme. Or, pendant les dis¬
cussions entre Arméniens et Byzantins déjà, au XIIe siècle, la validité de la
formule utilisée par les premiers pour le baptême avait été mise en doute
par les seconds206; en 1333, cette question apparaît pour la première fois
dans les registres de la chancellerie pontificale, lorsque les Frères Prê¬
cheurs en mission demandèrent au pape et obtinrent de lui le droit de
conférer à nouveau le baptême, sous condition, à ceux qui avaient reçu un
baptême dont la validité était douteuse207. Les ordinations firent l'objet de
critiques analogues. Et l'on peut se demander si celles-ci émanaient des
Dominicains établis aux côtés des monastères arméniens, ou des Armé¬
niens eux-mêmes.
L'influence du groupe de Qrnay dépassait sans doute les couvents : en
1342, il est question des nombreux fidèles professant la foi catholique selon
le rite de l'église romaine, en se séparant des schismatiques et des infidèles,
pour lesquels on avait bâti à Selmas une église Notre-Dame de Consola¬
tion208. Une communauté arménienne de rite latin tendait ainsi à se définir
en Grande-Arménie à côté des Arméniens restant fidèles à la liturgie et aux
coutumes nationales, qui pouvaient, avec le catholicos de Sis et son exar¬
que résidant à Maku, être en union avec l'Eglise de Rome. Il est inutile
d'insister sur les dangers que présentait cette situation209.

2U5 Cf. M.-A. Van den Oudenrijn, Le «Sour Petrosi», vade-mecum pour les missions asiatiques
du XIVe siècle, dans Neue Zeitschrift für Missionswissenschaft, I, 1945, p. 161-168.
206 Tournebize, p. 236-238. La question du rebaptême a été traitée par Van den Oudenrijn,
The monastery of Aparan.
207 Fontes, VII, 2, 139 (3 octobre 1333; bulle Fidelium novella plantatió).
208 Ibid, IX, 5 (18 juillet 1342 : l'éditeur identifie la civitas Salamast à Amastris du Pont;
nous y reconnaîtrions plutôt Selmas). Le pape donne une indulgence à ceux qui la visiteront,
220 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Les Uniteurs, après la mort de Jean de Qrnay, franchissaient un


veau pas. Jean avait placé ses monastères sous le contrôle des Frères
cheurs, dont quelques-uns devaient résider dans chaque couvent et ass
aux chapitres généraux210. Deux religieux, Eleuthère (Awagtêr) et Tho
de Jahouk vinrent à Avignon, pour soumettre à Innocent VI les const
tions des fratres de Majori Armenia unitores nuncupati, que le
approuva le 31 janvier 1356. Le nouvel ordre était assujetti à la règl
saint Augustin et aux constitutions des Frères Prêcheurs, chaque cou
étant soumis à un prieur, et la réunion des prieurs élisant un gouvern
Les Uniteurs se voyaient placés sous l'autorité du maître général des Fr
Prêcheurs, qui avait, sur eux, ainsi que le vicaire général de la Société
Frères Pérégrinants, droit de visite211. Quelques mois plus tard, les B
liens d'Italie, nous l'avons vu, étaient à leur tour organisés sur le mo
des Uniteurs212. Il restait aux Uniteurs à bénéficier des privilèges dont jo
saient les Dominicains de la Société des Pérégrinants : Urbain V les
accorda le 20 novembre 1362, ce qui achevait d'assimiler la situation c
nique des religieux latins et arméniens unis213.
Avant 1356, les papes avaient occasionnellement pourvu à des s
arméniens en y préposant des Basiliens, tel Jean David, moine de Zo
fait archevêque d'Edesse en remplacement d'un Martin mort à la C
sous le pontificat de Benoît XII (le siège d'Edesse étant sans doute rési
tiel pour les Arméniens bien que l'archevêque ait vécu en Occident)
1343214. En 1353, trois archevêques sont pourvus par Innocent VI de s
en Grande-Arménie. Deux Basiliens : Zacharie Marchait, qui remp
Zacharie Manuelian à Saint-Thaddée; Jean, moine à Golp, succédant
vertu d'une réserve spéciale de Clément VI) à un Grégoire sur un siège
sin215. A Khilat, que nous croyons reconnaître sous la forme Galade

210 Loenertz, La société, p. 143-147, a élucidé les relations entre Uniteurs et Domini
en expliquant le fait que Qrnay n'était pas entré totalement dans l'ordre par ce que les
niens ne pouvaient renoncer ni à l'usage de la viande, ni à la propriété foncière, qu'inter
la règle dominicaine.
211 Ripoll, II, 246 ( Fontes, X, 73). Sur les rapports entre Uniteurs et Dominicains,
remarques de Loenertz, La société, p. 146-150. En 1381, l'élection du gouverneur est soum
confirmation par le maître général, et l'ordre des Uniteurs placé dans la situation d'une
vince dominicaine », comme l'a montré le P. Loenertz.
2,2 Ripoll, II, 248 (Fontes, X, 77). Supra, p. 198-199.
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 221

c'est un Dominicain, Thomas de Tabriz, qui remplace le Basilien Cyriaque,


pourvu de ce siège en 1351 par Clément VI216.
Après 1356, ce ne sont plus que des Uniteurs qui sont normalement
pourvus de sièges arméniens. Thomas de Jahouk lui-même, qui avait pré¬
senté au pape les constitutions du nouvel ordre, fut fait évêque de Na-
khidjevan217, et ce siège, sauf lorsqu'il appartint à Jean de Gaillefontaine et
au futur Jean III de Sultanieh, fut désormais pourvu d'Uniteurs : en 1419, le
pape reconnut au couvent des Uniteurs de Nakhidjevan les droits d'un cha¬
pitre diocésain, ceci incluant l'élection de l'évêque. A Nersès, c'est un Uni-
teur, Dominique, qui succédait en 1363 sur le siège archiépiscopal de
Malazgerd.
Le siège de Saint-Thaddée, nous l'avons vu, passait aux Uniteurs qui
avaient gagné le couvent de Zorzor, dès avant la fin du XIVe siècle. En 1423,
le siège de Sultanieh lui-même, siège latin jusque là, était pourvu d'un Uni-

caux ( Fontes , X, 24); étaient-ils venus demander au pape d'intervenir dans cette nomination?
Le siège dont il s'agit est dit Apamiensis (à lire Apaunensis? Les deux lectures sont possibles :
cf. Reg. Av. 122 f° 57v°-58 et Reg. Vat. 224 f° 89); on ne peut retenir l'identification tradition¬
nelle avec Apamée de Syrie, qui avait alors un archevêque titulaire, Ortolf d'Alzenbruck,
lequel vivait au diocèse de Passau (Eubel, I, 94 ; Uhlirz, Quellen zur Geschichte der Stadt Wien,
II, 1, p. 111 et 170). En effet, il s'agit bien d'un siège résidentiel, la bulle de provision étant
complétée par les lettres habituelles au clergé, au chapitre, au peuple, aux vassaux du prélat,
ainsi qu'au souverain du lieu, désigné comme étant nobilis vir Karoch, dominus Asiae (que
nous n'avons pu identifier avec certitude). Nous penchons donc pour reconnaître dans cet
archevêché un siège épiscopal arménien qui nous est connu d'autre part, celui d'Apahuniq,
canton situé dans la vallée supérieure du Murad-su, au nord de Malazgerd (très proche par
conséquent du diocèse de Saint-Thaddée). - Le monastère Saint-Grégoire de Golp est cité
dans un colophon de 1450 sous le nom de Kolb alias Sukias-vank, avec le vocable de saint
Grégoire l'Illuminateur (nous devons cette indication au Dr Thierry). Son emplacement n'est
pas connu, mais la bulle le place au diocèse de Saint-Thaddée.
216 Le prédécesseur de Cyriaque, Jean, est cité dans une dédicace de Richard Fitz-Ralph à
Nersès de Malazgerd et à frère Jean, electo Clatensi in Armenia majori (Priens christianus,
XLIII, 1959, p. 110-119); le diocèse Messinensis où se trouvait le monastère auquel appartenait
Cyriaque est sans doute celui de Misis plutôt que celui de Messine. Cf. notre article, La
papauté et les missions d'Orient au Moyen-Age, cité supra, p. 181. Thomas, Dominicain armé¬
nien, appartenait-il au groupe de Qrnay? Il semble plutôt qu'il s'agisse d'un Arménien entré
dans l'ordre des Frères Prêcheurs. - L'identification traditionnelle de ce siège avec « Galaad,
en Transjordanie ou en Arabie Pétrée», dépendant d'Alexandrie, vient d'une notation de la
Chambre Apostolique (Obligationes et Solutiones, t. XXXII, f° 117) où Cyriaque est dit episco-
222 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

teur, auquel succéda en 1425 un moine du couvent d'Aparan, Thoma


siège de Tiflis passait aussi en 1425 à un religieux du même ordre :
dire que l'assimilation des Arméniens-Unis aux Latins était complèt
transfert d'un Jean de Tabriz, Uniteur, du siège de Nakhidjevan à celu
Caffa en apportant la preuve (1377)218. A Caffa, d'ailleurs, le couvent d
nicain de Saint-Nicolas était passé aux Uniteurs, qui en firent comm
chef-lieu de leur ordre219.
En fait, les Frères Uniteurs s'étaient à peu près substitués aux Dom
cains de la mission d'Arménie. A l'exception de la langue - Schiltberge
a entendus célébrer en arménien - ils étaient parfaitement assimilés au
latin, et mieux placés que des étrangers pour agir en milieu arménie
Toutefois une réaction se manifestait dès le milieu du XIVe siècle. L'év
de Tiflis Jean de Florence, particulièrement attentif à l'Union arméni
(il avait remplacé auprès du groupe de Qrnay Barthélémy da Poggio),
signalé à Clément VI que des schismatiques s'efforçaient de détourne
fidèles de l'Eglise romaine221.
Grégoire XI avait été attentif au scandale que suscitait inter popu
l'usage des rebaptêmes, très largement conféré par les Uniteurs e
Dominicains, comme du reste ailleurs par les Franciscains, ainsi que
des réordinations. En 1370, à l'intention des Franciscains de Chine, il
défini une formule moins choquante. Il l'imposait, le 6 mars 1374,
Dominicains, au moment où il adressait à ceux-ci une série de lettre
intéressaient la Grande-
Arménie222. Le baptême par provision remp
ainsi le rebaptême; mais il n'est pas certain que ceci ait suffi à apaise
rancœurs. En tout cas, un mouvement auquel présidait le vartabed Mal
de Crimée se dessina vers 1380 : on restaura les études théologiques
la tradition arménienne; on persécuta les Arméniens de rite latin, e
chassant de leurs couvents223.

218 Cf. M. A. Van den Oudenrijn, Uniteurs et Dominicains d'Arménie. L'ordre des U
dans Oriens christianus, 1959.
219 R. Loenertz, La société, p. 105-108 et 197-198.
220 Les Franciscains, de leur côté, ne maintenaient que leur résidence d'Erzerum
que celle de Tiflis, qui pouvait aussi agir sur les Arméniens. - Le P. Loenertz a avancé
développement de la congrégation des Uniteurs pouvait avoir suscité la première su
sion de la Societas Peregrinatium, les Arméniens ayant pris la place des Dominicains da
missions.
221 Fontes, IX, 74 (11 juillet 1346).
L'ARCHIDIOCÈSE DE SULTANIEH 223

D'autres vartabed essayèrent de trouver un terrain d'entente; mais il est


certain que les Uniteurs, qui à leur apogée224 affirmaient compter sept
cents religieux répartis entre cinquante couvents, perdirent beaucoup de
terrain à la fin du XIVe siècle et au début du XVe siècle, pour des raisons
d'ailleurs où le conflit théologique et disciplinaire ne tenait peut-être pas
toute la place225.
L'entreprise des Uniteurs présente un intérêt particulier : elle témoigne
de la réalité d'une pénétration culturelle qui n'a rien de surprenant - le
prestige de la scolastique occidentale était à son plus haut point - à partir
du moment où les Arméniens s'étaient effectivement mis à étudier les écrits
occidentaux. Mais cette pénétration avait été très loin, amenant les reli¬
gieux du groupe de Qrnay à récuser ces mêmes usages arméniens que les
prélats de Cilicie s'efforçaient de justifier et de maintenir tout en témoi¬
gnant de leur fidélité au pape et de leur adhésion à la foi de l'Eglise de
Rome.

Sarkis et ses disciples; à Golp, le vartabed Jacques est mis à mort (The monastery of Aparan,
p. 285); les adversaires de l'Union se félicitent en 1379 du grand nombre de couvents qui
abandonnent l'Union de Qrnay ( Linguae haicanae scriptores, p. 33). En conséquence, les Uni¬
teurs obligés de quitter leur couvent sont autorisés en 1381 à passer dans l'ordre dominicain
(Ripoll, II, 300). Cette réaction s'accompagne d'un renouveau des études, cette fois autour du
couvent de Tathev qui prend la place de Qrnay comme successeur du centre « universitaire »
de Gayle-tsor.
224 Selon Mekhitar d'Abaran, les régions les plus touchées par le mouvement d'Union
étaient Sis et son territoire (la Cilicie), l'Anatolie arménienne (Sivas et le «pays de Roum»),
Caffa et la Crimée, Selmas, Maragha, Tabriz et Sultanieh, l'Ernóak et la province de Nakhidje-
van, sur les deux rives de l'Araxe. - Des difficultés se produisent quelquefois; tel est le cas
d'un frère Seth d'Arménie. On nous dit que ce dernier, élevé dans le rite arménien, vartabed,
s'était converti vers 1368 et avait fait des conversions. On lui interdisait de prêcher; Gré¬
goire XI ordonne à l'évêque de Caffa de lui faciliter son enseignement (12 mai 1377) : Fontes,
XII, 224.
225 Cf. M. A. Van den Oudenrijn, The monastery of Aparan (à propos de la carrière de Me¬
khitar d'Aparan, disciple à la fois de Malachie et de Sarkis d'Aprakounik, qui restait en rela¬
tions amicales avec le Dominicain Pierre d'Aragon, lequel continuait la tradition des traduc¬
tions d'arménien en latin). Schiltberger, nous l'avons vu, trouve encore des Uniteurs à Maku;
dans la seconde moitié du XVe siècle, les voyageurs vénitiens, Barbaro, Contarini, Zeno, ne
citent guère que le couvent de Cagri et, autour d 'Alangiacalai - c'est-à-dire de la forteresse
d'Erncak ou Alindjak, qui contrôlait la vallée de l'Alindja-tchaï et où Sarkis d'Aprakounik
avait été emprisonné - onze villages arméniens-catholiques, avec leur évêque (celui-ci portait
le titre de Nakhidjevan et résidait habituellement à Abaran), ce qui correspond à peu près à
la situation que nous décrit Tavernier (Les six voyages de J. B. Tavernier, Paris, 1712, I, p. 55-
56), lequel visita encore les couvents de Jahouk, Abaran, Aprakounik et Qrnay à la fin du
XVIIe siècle : Barbaro et Contarini, Travels to Tana and Persia, London, Hakluyt Soc., 1873, I,
p. 92, 124-125, II, p. 52. Alindjak est-il i'Aliquis des lettres de 1329 (supra, p. 185)?

17
ψ\
La création, par Clément V et Jean XXII, des provinces de Khanbaliq

et de Sultanieh avait institué deux hiérarchies épiscopales conçues respec¬

tivement pour assurer la vie des fidelium novellae plantationes dans

l'empire des Mongols du Nord et du Cathay et dans l'empire des Mongols

de Perse auquel étaient adjointes les partes méridionales qui bordaient

l'Océan Indien. Les deux provinces s'organisèrent sur des modèles assez

différents; il est vrai que les questions qu'eurent à affronter les archevê¬

ques, les évêques, et les missionnaires étaient notablement différentes. Tan¬

dis qu'en Extrême-Orient les Alains déportés par les Mongols formaient un

solide noyau à la nouvelle chrétienté, qui n'avait pas trouvé de terrain

d'entente avec l'Eglise chaldéenne locale, les Dominicains et Franciscains


du Proche-Orient avaient trouvé en face d'eux une chrétienté arménienne

que la découverte de la pensée latine jeta vite dans une fermentation d'où

sortirent des tendances diverses. Par contre, les Mongols que l'on avait

espéré convertir au XIIIe siècle se révélèrent bientôt inaccessibles à la pré¬

dication chrétienne, non sans que des résultats spectaculaires aient été

acquis avant 1350 dans les khanats de Qipcaq et de Djagataï.

Il n'en reste pas moins que ces deux provinces, d'un bout à l'autre, res¬

tèrent missionnaires en ce sens que les sièges des archevêchés et des évê-
230 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

au concile de Florence connut des réalisations effectives, tandis que d'in


pides missionnaires se dépensaient pour parvenir au même résultat de
la Perse jusqu'à l'Ethiopie et dans le Proche-Orient, écrivant ainsi un
nier chapitre de l'histoire des missions d'Orient au Moyen-Age.

I - LES PROVINCES DE VOSPRO, SARAÏ ET MATREGA :


LES MISSIONS DANS LES PAYS DE LA MER NOIRE
ET DE LA MER CASPIENNE

Lorsque Clément V et Jean XXII avaient créé les provinces de Kha


liq et de Sultanieh, ils avaient voulu tenir compte de l'empire mongol
principe unitaire et dont le souverain résidait dans la première de ces
les, puis de l'existence des partes orientales et méridionales qui réunissa
avec l'empire mongol de Perse des pays plus éloignés encore - l'Ind
l'Ethiopie En fait, si la province de Sultanieh allait se révéler à peu
viable, encore que les liens de Quilon et de Samarkand avec la métro
se soient sans doute rarement matérialisés, la province de Khanbaliq
démesurée et, dès 1318, Jean XXII reconnaissait à l'évêque Jérôme de C
un vaste diocèse correspondant à peu près aux possessions d
Horde d'Or.

a) La province de Vospro et les évêchés de la Mer Noire

Caffa était, sur la mer Noire, le principal comptoir génois, et l'act


d'un notaire, en 1289-1290, permet de se rendre compte de l'importanc
réseau commercial qui y aboutissait : Vicina et Moncastro, sur la côte o
de la mer Noire, Cimbalo, Soldaya, Solgat et Vospro en Crimée, la Tan
Matrega sur la mer d'Azov, la Copa, Savastopoli et Batum sur la côte ca
sienne, Trébizonde, Cérasonte, Simisso et Sinope sur celle de l
mineure, étaient en relations constantes avec ce grand port, sans pa
naturellement de Constantinople et de Péra." Les contrats reçus par L
berto di Sambuceto témoignent de la conscience que l'on avait dès lor
l'unité de ces rives de la mer Noire, dont l'horizon s'arrêtait à la Bou
d'Avie (Abydos)1. Les Byzantins en avaient eu conscience eux aussi, et
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 231

ce domaine avait fini par relever du patriarche de Constantinople, même


lorsque l'arrière-pays dépendait de celui d'Antioche2. Les Latins allaient
être amenés à en tenir compte en matière ecclésiastique.
Toutefois, les perspectives de Jean XXII restaient exclusivement mis¬
sionnaires. Lorsqu'il avait érigé Caffa en évêché, ce n'était pas à l'intention
des résidents de rite latin, mais pour donner à l'évêque Jérôme le siège à
partir duquel se développerait son action évangélisatrice. Or, avant 1333,
deux Dominicains, François de Camerino et l'Anglais Richard, étaient venus
prêcher la foi catholique à Vospro (l'antique Panticapée, aujourd'hui
Kertch). La ville avait pour seigneur un chef alain du nom de Millenus, qui,
comme son peuple, appartenait au rite grec3. Il fut convaincu par la prédi¬
cation dominicaine, reconnut la primauté romaine, et entraîna l'adhésion
d'un prince voisin venu à Vospro, le « roi des Ziques » Versacht. Les conver¬
sions se multipliant, les deux Dominicains prirent la route d'Avignon pour
exposer la situation à Jean XXII et demander de l'aide. Arrivés le 28 avril
1333, ils obtinrent que le pape écrivit au chapitre général de leur ordre
pour que l'on désignât des missionnaires, et, le 5 juillet, Jean XXII décidait
d'ériger en métropole la cité de Vospro, dont la cathédrale serait dédiée à
l'archange Saint-Michel, François de Camerino étant pourvu du titre
d'archevêque4. Quant à son compagnon, il était fait évêque du siège de
Kherson, qui évoquait pour les Latins l'exil de saint Clément et son aposto¬
lat, et Jean XXII le recommandait au roi des Ziques5.
L'avenir de ces deux sièges paraît avoir été limité. Le pape profitait de
l'expérience des deux Dominicains pour les charger de négocier, à leur pas¬
sage à Constantinople, avec l'empereur byzantin. Ce qui les amena à revenir

chide,2 la
Cf. Cappadoce;
Patrol. Gr., or
CVII,
le patriarcat
353 : le ressort
d'Antioche
de Constantinople
exerçait son autorité
comprenait
sur l'Arménie
l'Abasgie,etlasur
Col-
la

Géorgie (Ibérie). Les Latins ne paraissent pas avoir tenu compte dans cette région de l'orga¬
nisation ecclésiastique grecque, devenue d'ailleurs méconnaissable depuis qu'Andronic II
avait multiplié les métropoles autocéphales.
3 Les Alains étaient établis en Crimée peut-être dès le XIe siècle, s'il faut reconnaître en
eux les Sarmates que le moine Epiphane avait rencontrés à Théodosia (Caffa) : Patr. Gr.,
CXX, p. 243. L'évêque d'Alanie Théodore avait prétendu les régir, ce que l'archevêque de
Kherson lui refusait, estimant que le ressort de l'évêché d'Alanie ne comprenait pas les Alains
de la presqu'île (Patr. Gr., CXL, p. 392, 393, 397). Un évêché grec particulier avait été créé
pour les Alains de Crimée (Miklosich et Muller, Acta patr. Constantinopol., II, p. 67).
232 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

à Avignon pour rendre compte de ces conversations (1335-1336);


pour l'Orient, l'un d'eux au moins, Richard de Kherson, revenait à
les 8 avril et 13 mai 13386. Que devinrent, entre temps, les Alains d
et les Ziques de Kherson? Le P. Loenertz a supposé que ces deu
principautés avaient disparu, et il est fort possible que le khan d
ôani-bâg, qui devait détruire la Tana en 1343 et assiéger Caffa p
( 1 345-1 347) 1 , ait mis fin à l'autonomie des quelques-uns des chefs c
du littoral et des montagnes de Crimée8. Nous savons seulem
l'archevêque et l'évêque ne reparurent plus en Occident après 1
l'un, 1338 pour l'autre, et qu'ils n'eurent pas de successeurs, ce
indiquer qu'ils moururent en Orient.
La bulle d'érection de Vospro en métropole avait défini une
province ecclésiastique, en lui attribuant les diocèses de Kherso
Savastopoli, Trébizonde et Péra. On a remarqué avec raison que ce
nition passait sous silence la juridiction qui appartenait théoriqu
l'archevêque de Khanbaliq sur Caffa, à celui de Sultanieh sur Sav
sans parler des droits du patriarche latin de Constantinople, théor
Trébizonde, effectifs sur Péra. Il faut d'ailleurs remarquer que,
1333, aucun texte ne cite les évêchés latins de Trébizonde et de Pé
Ce dernier paraît avoir été institué presque aussitôt : un Dom
episcopus Perensis, participe, étant à Avignon, à des concessions
gence entre 1336 et 13399, et il est difficile de ne pas voir en lui u
gant désigné par l'archevêque de Vospro et sans doute consacr
pape. Mais il est aussi vraisemblable que cette création suscita
oppositions. Lorsque le pape institua en 1339 un nouveau patri
Constantinople, Henri (celui qui devait périr pendant la croi
Smyrne, en 1345), ce dernier fit-il prévaloir les droits de son patri

6 Lettres d'indulgence : X. Mossmann, Cartulaire de Mulhouse, I, n° 184; J. Schu


ter. . . der Stadt Kassel, p. 60; Regesten zur Geschichte. . . Constant, 4482; K. Wu
diplomaticus Silesiae, XXX, n° 6082; Fontes rerum bemensium, VI, 220. - Loenertz,
p. 129-130.
7 Soranzo, Il papato, l'Europa cristiana e i Tartari, p. 484-485.
8 Où se maintenaient jusqu'à des Goths, de parler allemand (A. A. Vasiliev, Th
the Crimea, Cambridge, Mss., 1936 (Monographs n° 11), dont la capitale, Theodor
gup, est dès 1360-1362 aux mains des seigneurs grecs. Cf. J. Bromberg, Du nouv
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 233

Péra, où existaient des églises latines, un couvent franciscain et un couvent


dominicain?10. Toujours est-il que, lorsque Clément VI donna un évêque
aux Arméniens de Péra, le 18 juillet 1342, il n'est pas question de l'évêque
latin du diocèse; son successeur, en 1376, doit obéissance au patriarche
comme étant l'ordinaire du diocèse11.
C'est sans doute à l'occasion de la création de la nouvelle province que
fut érigé l'évêché latin de Trébizonde - ville dotée d'une importante colonie
génoise Antoine, évêque Trebosonensis, envoyé du roi et du catholicos
d'Arménie à Clément VI en même temps que l'évêque de Medzqar, était
probablement un Latin, puisqu'en 1345 il fut transféré à un évêché de Sar-
daigne : il faudrait admettre que chassé de son siège - où existait un monas¬
tère franciscain depuis 1289, et où André délia Terza avait fondé en 1315 un
couvent dominicain12 - par les émeutes anti-latines de 1343 13, Antoine avait
gagné la Cicilie au moment où les Arméniens se préparaient à envoyer leur
ambassade. Son successeur serait le Carme Mathieu, qui ne quitta pas le
diocèse de Cambrai, où il mourut en 1359 14 ; c'est alors que le siège de Tré¬
bizonde passa à Cosme, personnage que nous retrouverons : missionnaire
franciscain du Qipcaq, il séjourna trois ans à Avignon, avant de se faire
transférer sur le siège de Saraï15. On retrouve un évêque du nom de Louis,
un autre du nom d'Alexandre, qui l'un et l'autre paraissent avoir vécu en

10 Loenertz, La société, p. 38-47 ; Gualberto Matteucci, Un glorioso convento sulle rive del
Bosforo : il S. Francesco di Galata. . . , c. 1230-1697, Firenze, 1967 (Biblioteca di studi frances-
cani, VII).
11 Eubel, Hierarchia, I, 109; Fontes, IX, 4 et 29 (indulgence pour l'église N. D. des Armé¬
niens de Péra); XII, 186 (désignation de Grégoire Siscus comme évêque, 7 janvier 1376), 198
(absolution de plusieurs marchands de Péra, qui avaient commercé avec Alexandrie). Cf. Loe¬
nertz, La société, p. 59-61. - En 1417, les quatre églises de Péra relèvent du patriarche; on cite
cependant en 1429 un diocèse de Péra (Eubel, Bull. Francisc., VII, 1847).
12 Golubovich, III, 184 et IV, 313; Loenertz, La société, p. 98-99.
13 Soranzo, op. cit., p. 496-497.
14 Le pape lui concède des bénéfices, en constatant qu'il ne pouvait vivre des revenus de
son évêché, situé in partibus Greciae. Cf. Eubel, Hierarchia, 2e éd., I, 493; Bull. Francisc., V, 356
(Fontes, IX, 72); Dom U. Berliére, Les évêques auxiliaires de Cambrai aux XIIIe et XIVe siècles,
dans Revue bénédictine, XX, 1903, p. 249-263 (on ne connaît pas exactement la date de sa pro¬
motion à l'épiscopat, antérieure à octobre 1345). En même temps qu'Antoine vivait un évêque
arménien de Trébizonde, Etienne, qui assistait en 1342 au concile de Sis (Doc. Arm., I, LXXI).
234 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

pays de mission, en 1376 et 1387 16 ; et, au XVe siècle, les évêques de T


zonde paraissent avoir occupé leur siège. Celui-ci se trouvait dans la
tale de l'empire grec de Trébizonde, mais au contact des infidèles, au
prêchait le Franciscain Gentile de Matelica17.
Que la création de la province de Vospro ait été suivie d'effet, on le
en particulier par les lettres de provision de l'évêque de Caffa, le Dom
cain arménien Thaddée, revenu de Gorighos, en 1334 : elles le soumet
expressément au nouvel archevêque. Mais, par la suite, l'évêché de C
passe, nous l'avons vu, pour relever tantôt immédiatement du Siège apo
lique, tantôt de l'archevêché de Gênes - qui prétendait à juridiction su
églises latines de la Mer Noire en raison d'un privilège à lui reconn
XIIe siècle, lors de la création des premières colonies génoises d'Ou
mer-, tantôt enfin, de l'archevêché de Khanbaliq (finalement réuni en
à celui de Sultanieh) 18.
Les privilèges concédés à l'archevêque de Vospro lui donnaient-ils
voir, comme dans le cas de Jean de Montecorvino et de Francon
Pérouse, de relever de sa propre autorité des sièges épiscopaux? On s
tenté de le penser quand on voit apparaître un certain nombre d'évê
portant pour titre celui de villes situées sur les rives de la Mer Noire.
parler de la Tana, dont nous ignorons si le pape l'avait attribuée en 133
ressort de Vospro, et qui eut son premier évêque aux environs de
nous rencontrons des évêchés en Crimée : celui de Pagropoli, ville
figure sur les portulans sur la côte sud-ouest de la péninsule, entre Caf
Soldaya, est occupé le 4 juillet 1359 par un Dominicain, Jean de Vo
alors à Provins19. Cimbalo (Balaklava) avait reçu avant 1364 un évê
Nicolas, qui eut pour successeur un Franciscain, Heremus de Parpa

16 Louis est transféré au siège albanais Stephanensis qu'une lettre pontificale (Fonte
184; 10 septembre 1375) donne comme situé prope schismaticos et voué à la conversi
ceux-ci; Alexandre, Franciscain, est transféré à Caffa. Sur cette liste épiscopale, cf. Eube
rarchia, I, 520; G. Fedalto, La chiesa latina, p. 465-467. Elle comporte des titulaires et aus
résidentiels probables, comme un Corsanegro de Péra (1429). Toutefois, la liste des di
dans lesquels est envoyé un collecteur, en 1429, ne comprend pour la mer Noire que
Soldaya, Cimbalo, Samastro et Péra (Eubel, Bull. Francise., VII, 1847).
17 Golubovich, IV, 313.
18 L'histoire de l'église de Caffa a été faite par D. Giorgio Fedalto, La chiesa latina,
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 235

auquel succéda immédiatement ou non un Joseph de Grande-Arménie (26


mai 1386). Des évêques résidant à Cimbalo se rencontrent ensuite, tant que
la ville reste aux mains des Génois20.
Soldaya, résidence d'un évêque grec - devenu entre temps métropolite
de Sougdaïa -, eut certainement un évêque latin avant 1393, date à laquelle
le Franciscain Boniface, évêque de Varna, administrait l'évêché. Nous avons
ici la bonne fortune de posséder un rapport sur ce qu'était cet évêché au
milieu du XVe siècle : on le disait de très petit revenu; les esclaves qui
venaient y chercher asile, toutefois, devenaient la propriété de l'évêque. Ce
sont les habitants appartenant au rite latin, à la mort du prélat, qui élisent
son successeur, et le consul génois demande au général des Franciscains et
au pape d'en confirmer l'élection21.
A la différence de Cimbalo et Soldaya, qui étaient tombés au pouvoir
des Génois, respectivement avant 1357 et en 136522, Solgat, la résidence du
gouverneur mongol de Crimée, restait une ville tartare. Les premiers titu¬
laires latins de ce siège (André, mort avant le 6 octobre 1396, Jean de Saulo,
Franciscain, pourvu à cette date) portent le titre archiépiscopal; en 1399, le
pape décide d'y transférer, le cas échéant malgré ses réticences, l'évêque de
Caffa, tandis que Jean passerait à Caffa. On peut donc se demander si les
Latins n'ont pas ici été substitués aux archevêques arméniens qu'on
connaissait à Solgat depuis le début du XIVe siècle23.
Sur la rive orientale de la Mer Noire, le siège de Savastopoli continua à
être pourvu d'évêques tant que la ville resta au pouvoir des Génois. Sur la
côte méridionale, en dehors de Trébizonde24, il faut signaler qu'un évêché
latin existait à Simisso avant 1344 : lors de la prise de Smyrne, le patriarche
de Constantinople nomma l'évêque de Simisso Paul au siège de la ville
reconquise, et le pape pourvut un Dominicain, Benoît, de l'évêché Symis-
censis (3 juillet 1345). Un Arménien d'Italie, Thomas, le remplaça en 1349.

20 Eubel, I, 187 et 470; Fedalto, p. 461-463; Vigna, Codice diplomatico, II, 2, p. 721-725
(l'évêque fut capturé par les Turcs en 1475).
21 Sur cet évêché, cf. Ripoll, III, 214; Eubel, I, 457 (une grande confusion règne au temps
du Grand Schisme: il semble qu'on ait confondu le siège Soldayensis avec Soltaniensis)·,
Vigna, Codice dipl., I, p. 315, 347, etc.; Fedalto, p. 463-464. Le métropolite grec est chassé de
son siège en 1363 : Miklosich et Müller, I, p. 443.
22 Sur les progrès de l'occupation génoise en Khazarie, cf. Spuler, Die goldene Horde,
2* éd., p. 391-397, 611-612.
236 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

L'évêché disparut sans doute au plus tard lors de la prise de Samsûn


Ottomans, en 1401 25 . Plus à l'ouest, l'antique Amastris, devenu Sal
eut également des évêques26 : on voit encore citer en 1450 l'évêque
trensis qui perdit son siège lorsque les Turcs s'emparèrent de
en 1461 21 .
Sur la côte occidentale de la Mer Noire, enfin, on voit paraître
ques de Licostomo (près de Kilia, à l'embouchure du Danube, où les
avaient un consulat dès 1332), de Vicina, sur le Danube, de Cetat
(Akkerman), de Varna. Un Dominicain, Thomas Waleys, episcopus
mensis, est cité en Angleterre à la date de 136228. Un Franciscain,
episcopus Vicinensis, est présent au sacre d'un autre évêque à Craco
1371 29 - ce qui ne saurait surprendre quand on connaît les rappor
Pologne avec les pays de la Mer Noire. Le siège de Varna, peut-être a
à un Dominicain, Jean, auxiliaire de l'évêque de Liège (1360) - remp
1393 par un autre Dominicain, Nicolas Steynacker, Weihbischof à P
fut effectivement occupé par un frère Boniface de Surdis, de Caffa,
et preconizatus episcopus Varnensis, transféré en 1394 au siège de So
Quant à Akkerman (Moncastro), cette ville située à l'embouch
Dniestr donne son nom à plusieurs évêques Albicastrenses qui, e
1414, etc., exercent les fonctions pontificales dans les diocèses allem

25 Eubel, I, 445; Reg. Vat., 217, f° 82. Une indulgence donnée par Benoît, episco
siensis, dans Regesten zur Geschichte. . . Constant, II, 4771 (20 février 1346). L'évêqu
nis cité dans Vigna, Cod. dipt., II, 1, p. 689 (1470) est certainement un évêque grec.
Jerphanion, Sampsôn et Amisos : une ville à déplacer de 900 km, dans Orientalia
periodica, I, 1935, p. 257-267.
26 La liste d'Eubel, Hierarchia, I, 431, ne comprend de 1399 à 1425 que des non
tiels; en 1430 apparaît le Franciscain Marc de Péra. Mais, en 1429, le diocèse de S
reçoit la visite d'un collecteur; les évêques résidentiels existeraient donc, inconnus
ces de Rome.
27 Vigna, Cod dipl., II, 2, p. 134, 700.
28 Eubel, Hierarchia, I, 290, confond cet évêché avec celui de Lambrensis et y v
(Lemberg), parce qu'un Thomas, episcopus Lambergensis, était à Londres en 1362. C
Registrum sacrum anglicanum, app. V. - Sur la localisation de Licostomo, cf. Go
II, 558.
29 Eubel, I, 189.
30 Eubel, I, 516 et 522 (Varnensis et Vernensis)', A. Vigna, Codice dipl., II, 2, 721
nertz, La société, p. 120.
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 237

Il n'est pas inutile de rapprocher ces noms d'évêchés de ceux des cou¬
vents que nous connaissons. La vicairie franciscaine d'Orient dans sa custo-
die de Trébizonde, comprenait les loca de Trébizonde, Simisso et Sinope; la
vicairie d' Aquilonaris, dans sa custodie de Khazarie, en dehors des couvents
de Caffa, ceux de Soldaya, Solgat, Cimbalo, Kara-Su, ainsi que Moncastro,
Vicina - qui disparaissent des listes après 1334-et Ylice, qui apparaît pour
la première fois en 137332. Ces deux custodies se modèlent pratiquement
sur le domaine qui avait été alloué à la province de Vospro33. Or nous cons¬
tatons que la plupart des lieux où existaient des couvents (Trébizonde,
Simisso, Soldaya, Solgat, Cimbalo, Moncastro, Vicina) ont été dotés d'un
évêché dès le XIVe siècle. Par contre, il apparaît des évêques dont le titre
ne paraît pas correspondre à une ville dotée d'un établissement permanent
de religieux (Pagropoli, Licostomo, peut-être Varna)34 : on peut se deman¬
der si la promotion de religieux à ces sièges ne répondait pas à l'habitude,
combattue par la Papauté mais très répandue, de créer des évêques titulai¬
res destinés à servir d'auxiliaires aux prélats occidentaux.
Quoi qu'il en soit, la Mer Noire est, dès le milieu du XIVe siècle, bordée
d'évêchés latins. Certains doivent leur existence à l'archevêque de Vospro;
d'autres ont pu être créés au fur et à mesure que les villes passaient sous le
contrôle de la thalassocratie génoise. Mais dans quelle mesure ces évêchés
sont-ils encore des évêchés missionnaires?
Il est inutile d'insister sur le caractère cosmopolite des villes de Crimée
- et, à un moindre degré sans doute, des autres comptoirs de la Mer Noire.
Lorsqu'en 1289-1290 Lamberto di Sambuceto instrumentait à Caffa ou dans
les villes voisines, on rencontrait dans les actes des Grecs, des Alains, des
Russes, des Ziques, sans parler d'esclaves circassiens, abkhazes, mongols,
etc. Ibn Batuta avait été très frappé, vers 1340, de ce même caractère35; il

32 A l'embouchure du Dniepr; les Génois y avaient des établissements dès 1381, et ache¬
tèrent le château aux Tartares; les Valaques le leur prirent en 1448 : Atlante idrografico, p. 124;
Iorga, Notes et extraits, dans Rev. Or. lat., IV, p. 37, n° 3; Vigna, Cod. dipl., I, 307.
33 Les Dominicains, outre leurs couvents de Caffa et Trébizonde, ont-ils eu d'autres rési¬
dences? cf. Loenertz, La société, p. 91-100.
34 Le cas de Salmastro est plus délicat, en raison de la confusion possible entre cette
ville et celle de Selmas : un couvent de ce nom apparaît dans la custodie de Tabriz en 1334
encore; il s'agit sans doute de Selmas. Quand la ville côtière reçut un établissement génois,
des religieux s'y établirent-ils?
35 Cf. aussi Marignolli : Caffa ubi multarum sectarum sunt christiani, ou Schiltberger : «da
sitzent vilerley Cristen, rômischer, kriechiescher, armenischer und Surian. . . », sans parler
des Juifs et des païens; Pero Tafur cite «Roxos, Migrelos e Abogasos, e Cercaxos e Burgaros e
Armenios e otras diversas naçiones de cristianos» (éd. Jimenez de la Espada, Madrid, 1874,
p. 162).
238 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

est évident que, dans une ville où ne s'exerçait pas une domination m
mane, le prosélytisme chrétien pouvait s'exercer à l'endroit des. infidèl
le zèle des catholiques pour l'union trouver un écho36. En particulie
esclaves amenés des pays païens, musulmans ou schismatiques repr
taient un catéchuménat d'accès relativement aisé, et à un moindre d
les autres villes présentaient les mêmes possibilités d'évangélisation. E
qui concerne les esclaves, dont le bassin de la Mer Noire fourn
l'Egypte et bien d'autres marchés, nous avons vu que l'évêque de Sav
poli déplorait en 1330 de voir livrer tant de chrétiens aux Sarrasins;
les comptoirs génois, il semble que les évêques se soient fait reconn
des prérogatives qui limitaient cette possibilité : les esclaves qui venaie
réfugier dans les comptoirs en question étaient remis aux prélats qui
acceptaient d'embrasser la foi catholique, les faisaient remettre en lib
interdisant de vendre à des non-catholiques, ou du moins à des non-
tiens, les esclaves chrétiens. Ceci allait jusqu'au droit de visiter les na
partant pour l'Egypte ou la Turquie, de façon à empêcher le départ d
esclaves. On sait en tout cas combien de Russes, Tcherkesses ou a
chrétiens ont été vendus à Alexandrie ou dans d'autres pays musulm
cela fait douter de l'efficacité complète de ces mesures37.
Ainsi, une activité d'apostolat auprès des infidèles ou des schis
ques38 reste-t-elle possible; elle est cependant liée à l'exercice des fon
d'ordinaire d'un diocèse latin, même si ce diocèse possède relative
peu de ressortissants de rite latin, comme ce fut le cas pour la plupa
ces villes.

36 Notamment auprès des Arméniens, de plus en plus nombreux dans la ville, o


avons rencontré les Arméniens-unis.
37 R. Loenertz, La société, p. 121-122 : discussion des textes relatifs aux évêques
daya (1455) et de Caffa (1470). L'évêque pouvait-il interdire la vente à des infidèles (
des schismatiques, si l'on retient les plaintes des Grecs de Caffa) des chrétiens de q
rite que ce fût, ou seulement des catholiques? Martin V, rappelant les interdictions d
las IV, excommunie en 1425 ceux qui, dans les diocèses de Caffa et de la Tana, et d
pays voisins, enlèvent des Ziques, des Russes, des Alains, des Mingréliens, des Abhkaze
tisés selon le rite grec, pour en faire des esclaves; Calixte III insiste là-dessus, en 145
quelines, Bullarium Romanum, III, 2, 454 et 3,78); le concile du Latran de 1179 ava
interdit de vendre des esclaves chrétiens (Romanos et alios Christianos) aux Sarrasins
Sacrorum concïliorum, XXII, p. 230). Sur la visite des navires, cf. Iorga, Notes et ext
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 239

Dès 1364, d'ailleurs, Urbain V avait tiré quelques conséquences de


cette situation. Dans une bulle adressée au maître des Frères Prêcheurs et
aux archevêques de Nicosie et de Patras39 - dans le territoire desquels se
trouvaient la plupart des couvents des provinces de Terre Sainte et de
Grèce, qui succédaient à la Société des Frères Pérégrinants supprimée
l'année précédente - le pape se prononçait sur la requête à lui présentée
par les Dominicains « pérégrinant » chez les Musulmans, les païens et les
peuples schismatiques, et notamment ceux de Caffa et de Péra. Ces reli¬
gieux demandaient à jouir des privilèges consentis par Jean XXII à la
Société des Pérégrinants; Urbain V constatait que Péra et Caffa n'étaient
pas à proprement parler des terres de mission40, et restreignait les préroga¬
tives des Frères en question, tout en leur reconnaissant le droit de commu¬
niquer avec les infidèles et les schismatiques, qui habitaient les terres où ils
étaient envoyés41.
Ainsi, née d'une initiative missionnaire - la création des sièges de Vos-
pro et Kherson à l'intention des peuples de rite grec ramenés à l'Union des
Eglises succédant à celle des sièges de Caffa et de Savastopoli, institués
pour la conversion des Tartares et la réduction à l'Union des peuples d'Ab-
khazie - la hiérarchie catholique des bords de la Mer Noire, d'abord coulée
dans le moule de la province de Vospro, puis probablement assujettie
directement au siège apostolique, ou peut-être à l'archevêque de Gênes,
devint-elle en définitive une hiérarchie adaptée à l'existence de l'empire
génois de la Mer Noire. Progressivement, les Génois avaient acquis toute
l'autorité politique à Caffa, puis au voisinage de cette ville. En 1365, ils
s'étaient assurés de Soldaya et de la côte voisine; en 1380, les Tartares
reconnaissaient leur autorité sur la Crimée littorale. Ailleurs, par des
accords avec les Tartares, les Valaques, les Géorgiens, les Grecs ou les
Turcs, ils s'étaient également assurés de comptoirs pratiquement indépen¬
dants des dominations locales, et ce réseau de possessions se maintint, mal¬
gré quelques pertes42, jusqu'au milieu du XVe siècle et même jusqu'en 1475.

3y Fontes, XI, 70-71 (22 septembre 1364).


40 Le pape sait que ces villes, bien que dotées de gouverneurs génois, sont sous la souve¬
raineté du basileus et du khan, comme cela appert du cours des monnaies et de l'usage de
leurs bannières. Mais il sait aussi que Caffa a un évêque catholique, et Péra plusieurs églises.
41 Sans les autoriser à absoudre les marchands latins qui fréquentent Alexandrie, ni les
clercs latins excommuniés. Il précise que les pouvoirs, normalement attribués aux légats, ne
peuvent être exercés par les Frères Prêcheurs que là où il n'y a pas d'évêques diocésains.
42 Après la perte de Sinope (1401), c'est celle d'Ylice (1455) et de Savastopoli, la même
année. En 1458, on écrit encore : sunt in mari pontico ultra Capham alie nobiles civitates ditioni

18
240 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Or les autorités génoises ne se désintéressaient nullement des quest


religieuses dans leurs domaines de l'ancien Pont Euxin.
Schiltberger avait connu, vers 1410, trois évêques à Caffa, un latin
grec et un arménien43. La République souhaitait en 1431 l'érection de
en archevêché, en arguant de ce que cette cité était dans ces parag
«colonne de la Chrétienté»44; en 1440, elle proposait au patriarche a
nien de venir se fixer à Caffa, urbem christianissimam - en envisageant
tuellement de faire pression sur lui par la saisie de ses revenus45 la n
nation d'un évêque grec préoccupe beaucoup elle aussi la Républiqu
après 1453, la Banque de Saint-Georges46. En ce qui concerne l'évêque
de Caffa, on a fait pression en 1440 pour que fût rapidement désigné
que Jacques Campora, en raison de la récente réunion à l'Eglise rom
des Grecs et des Arméniens; mais, en 1455, on se plaint que «sous pré
d'étendre la foi catholique», il moleste les autres nations, et surtou
Arméniens, qui forment la majorité de la population : on insiste aupr
pape pour qu'il soit remplacé47. Le choix des évêques est donc une af
qui intéresse le bon ordre dans les comptoirs génois.
L'ancienne province de Vospro, qui s'était modelée sur l'empire gé
s'est ainsi transformée en un ensemble d'évêchés et de couvents qui de
vent les comptoirs génois. Et qui disparaissent en même temps qu
comptoirs eux-mêmes. Après 1475, il subsista à Caffa, et à Caffa seule
semble-t-il, des éléments catholiques. Privés d'évêques, ils n'eurent d'
ressource, pour avoir les prêtres indispensables à leur vie liturgique, qu

nostre44
Bratianu,
43 Iorga,
subjecte,
Ed. La
Neumann,
Mer
Notes
videlicet
Noire
et p.
extraits,
des
106.
Samastrum,
origines
I, p. 544.
à Soldaiam
la conquête
et ottomane,
Cimbalum.p. (Vigna,
274-275 Cod
et passim
dipl., I, p. 81

45 A condition que les «chefs des Arméniens» se rallient à cette idée (ibid, III, p
Difficulté à propos du «vesco de Caffa de Ermeni» (1474-1475): Cod dipl., II, 2,
186, 196.
46 L'évêque grec, qui aurait été imposé à ses coreligionnaires malgré leurs constit
meurt en 1468; les protecteurs demandent aux consuls et à l'évêque latin de faire éli
successeur, que le pape revêtira de sa dignité. Bessarion recommande l'archevêque
sée, Pacôme, qui meurt en route (1470). Sixte IV finit par nommer Nicolas de Caffa é
Fullensis - c'est-à-dire de Phoulloi, autre ville de Crimée - avec juridiction sur les Gr
Soldaya et de Caffa : Vigna, Cod dipl., II, 1, p. 554, 564, 581, 689, 836, 873.
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 241

faire acheter sur les marchés d'esclaves de Constantinople des prêtres


catholiques raflés par les pirates ou capturés par les Turcs48.
La province toute entière avait pratiquement cessé, dès la fin du XIVe
siècle - comme Urbain V l'avait constaté en 1364 pour Caffa - d'être un ter¬
ritoire de mission. Elle fut cependant, au lendemain de l'Union de Florence,
un des lieux où se réalisa effectivement l'Union des Eglises.

b) L'archevêché de Sarai

Chronologiquement, la naissance de la province ecclésiastique de Sarai"


se place après celle de la province de Matrega, qui l'a précédée de treize
ans. Mais il semble logique de rapprocher cette création de celle de la pro¬
vince
suite. éphémère de Vospro dont, sur bien des points, elle paraît prendre la

A l'origine de cette création, nous ne trouvons pas un événement qui


ait frappé l'imagination des contemporains, tel que la nouvelle des conver¬
sions réalisées par Jean de Montecorvino, le ralliement à l'Eglise romaine
des rois des Alains et des Ziques, ni même la révélation d'un nouveau
champ d'apostolat. Il semble que, cette fois, ce soit une réflexion sur les
conditions de vie des chrétientés de Tartarie qui ait été le facteur essentiel
de la création d'un nouvel archevêché.
Le personnage principal est, ici, un Franciscain, frère Cosme de Ziquie,
qui avait exercé son activité, avant 1359, dans les pays de mission - il avait
eu l'occasion d'y rendre aux marchands vénitiens des services qui le rendi¬
rent persona grata auprès de la Sérénissime République -. On sait com¬
ment, en 1359, il fut élevé à l'évêché de Trébizonde49. De 1359 à 1362, il
résida à Avignon, et il est possible qu'il ait été durant ce temps un des
conseillers du pape Innocent VI pour les affaires d'Orient, comme du
ministre général des Franciscains auquel il a pu suggérer la division de la
vicairie de Tartarie Aquilonaire entre les deux custodies de Caffa et de
Sarai. De son activité avignonnaise, nous connaissons surtout une bulle du

48 R. Loenertz, Le origini della missione sescentesca dei Domenicani in Crimea, dans Archi-
vum Fratr. Praed, V, 1935, p. 27. Le P. Loenertz, qui a bien voulu nous donner cette référence,
nous écrivait
canonicil ». : « mode de provision d'un office ecclésiastique non prévu par le Codex juris
242 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

17 janvier 1361 50, qu'il obtint du pape, et qui décidait d'élever au rang
fêtes doubles celles de saint Nicolas, de saint Antoine et de saint Geor
particulièrement vénérées par les Orientaux, à l'intention des néophyte
Tartarie Aquilonaire.
Le 14 juillet 1362, Innocent VI transférait l'évêque de Trébizonde
siège de Sarai, alors vacant, en érigeant ce siège en archevêché. La bull
malheureusement, ne donne aucune indication sur le ressort de la nouv
province, ni sur les évêchés qui lui étaient rattachés52. On pourrait pen
que la décision du pape visait en premier lieu à donner un titre archié
copal à une personnalité éminente, fort appréciée de la République
Venise, sans que se joignît à cette promotion une réorganisation de la
rarchie en pays de mission. Mais, en fait, cette réorganisation ne pou
manquer d'intervenir.
D'abord, en raison des distances séparant l'archevêque de Khanb
de ses suffragants. En quelques mois, un évêque du Qipcaq pouvait gag
Avignon et en revenir; il fallait plus longtemps pour qu'une lettre écrite
ses soins parvînt à son métropolitain, au lointain Cathay. On igno
encore que le dernier évêque de Zayton avait péri, cette année-là, en tra
sant la Dzoungarie; mais on savait que la poste mongole n'existait plus,
qui avait permis au grand-khan de gouverner l'empire au temps où celu
était unitaire : les relations entre Khanbaliq et Sarai étaient désorm
quasi-inexistantes.
D'autre part, la création de la province de Vospro, en 1333, même s
aussi, elle n'avait peut-être pas fait l'objet d'une étude approfondie, tém
gnait de la nécessité que l'on avait ressentie, soit à la Curie, soit en pay
mission, de regrouper les postes de mission de la Mer Noire en un ens
ble gouverné par un prélat résidant dans la zone géographique dont c
mer formait le centre. La Khazarie, notre Crimée, ne pouvait continu
dépendre d'un archevêque éloigné, résidant en pays infidèle, quand
gressivement les Génois, et aussi les Vénitiens, y avaient des intérêts et
établissements qui exigeaient que les deux républiques pussent pren
commodément contact avec la Papauté.

50 Fontes, X, 135; Golubovich, V, p. 92.


51 Fontes, X, 146 (Bullariwn franciscanum, éd. Eubel, VI, 825).
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 243

Sarai", enfin, était bien effectivement la capitale de l'empire de la Horde


d'Or. A portée de la Tana, point extrême de la navigation latine, cette ville
que le khan Bärkä avait choisie comme principale résidence53, possédait
depuis longtemps une et même deux églises franciscaines, un couvent; elle
était fréquentée par les marchands italiens et arméniens; elle pouvait servir
de centre aux missions réparties dans toute la Tartarie Aquilonaire, que ce
fût en Baskirie, sur la route des steppes ou aux approches de la Russie kié-
vienne54.

Il est difficile de savoir si le nouvel archevêché devait calquer sa défini¬


tion territoriale sur la répartition des couvents franciscains. Jérôme de
Pise, à la date de 137355, distingue les deux custodies de Khazarie et de
Sarai; nous connaissons déjà la première, qui s'étendait déjà jusqu'à Ylice
sur le Dniepr; la seconde comprenait, avec celui de Sarai, les couvents de la
Tana, d'Aksaraï, d'Astrakhan (Agitarcan), d'Ükäk (l'actuel Uvek) près de
Saratov, Mager qui est peut-être le Mengiar de Marco Polo, Kumuk et Tarki
(Tarchis), au Daghestan, Mamucci, enfin Urgenj et Almaligh. Mis à part les
couvents du Daghestan, ceux du Kouban et de la steppe kalmouke, qui
étaient vraisemblablement sous la juridiction de l'archevêque de Matrega,
faut-il admettre que l'archevêque de Saraï étendait la sienne depuis
l'embouchure du Dniepr jusqu'aux Tien-Chan?
Ce qui est certain, c'est que Cosme entendait régir les évêchés de Kha¬
zarie : en 1363, c'est à lui que furent communiquées les bulles de l'évêque
de Cimbalo56. L'évêché de la Tana, que le futur archevêque avait fréquenté
assidûment avant son élévation à l'épiscopat, lui tenait à cœur : il faisait
valoir ses droits sur lui dès 1362, ce qui amenait des difficultés avec l'arche¬
vêque de Matrega qui demandait à Urbain V de délimiter les diocèses de la
Tana et de Mappa (Anapa)57. Le siège de la Tana était alors vacant, et trois
évêques (relevant de Matrega?) prétendaient l'administrer. Cosme se fit

53 La Sarai de Batu se trouvait sur le cours inférieur de la Volga, en amont d'Astrakhan;


celle de Bärkä (la «Nouvelle Saraï», à l'emplacement de la ville de Tsarev) beaucoup plus
haut sur le cours du fleuve, non loin de Tsaritsyn (Volgograd). C'est la Nouvelle Saraï qui fut
le siège des missions franciscaines. Cf. B. Spuler, Die Goldene Horde, p. 266-270, et supra,
p. 95, n. 114.
54 La Russie se trouvait en dehors de la province de Saraï comme de celle de Khanbaliq
ou du diocèse de Caffa : l'évêché de Kiev, fondé en 1320, ne relevait pas des métropoles de
244 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

donner par le pape l'administration de ce diocèse, sa vie durant (28 a


1370) 58 . On voit même Cosme s'entremettre auprès du Pape (il était
retour en Occident dès 1368) en faveur des chrétiens des monts Caspi
dont Urbain V recommanda la protection au consul génois de Caffa, b
que les «monts Caspiens» ne fussent pas de sa province59.
Ce que nous ignorons, c'est si l'archevêque Cosme était bien intro
auprès des khans mongols; il est vrai que le khanat de Qipcaq était a
disputé entre les Gengiskhanides de la Horde d'Or et ceux de la Ho
Blanche. Le séjour de Cosme à la Tana peut s'expliquer aussi bien pa
difficulté de résider à Sarai que par le désir d'un prélat fort apprécié
Vénitiens de bénéficier des revenus d'un diocèse où la population d'ori
occidentale était relativement nombreuse et riche60.
Quand Cosme était à la Curie, semble-t-il, on apprit la vacance du s
de Khanbaliq, et l'idée vint soit à notre archevêque, soit à l'entourage
tifical, de transférer l'archevêque de Saraï sur le siège épiscopal du Cat
Nous ignorons, une fois de plus, dans quelles conditions on se décid
annuler la provision de Cosme, qui resta à Sarai* tandis que Guillaume
Pré partait pour Pékin61.
On souhaiterait surtout savoir ce que fut l'activité des missionna
dans la province de Saraï, que ce soit autour des résidences de la b
Volga ou plus loin vers l'est, parmi les tribus où les Franciscains du d
du XIVe siècle avaient obtenu des résultats si prometteurs. Mais il faut n
résigner à savoir que les vicaires de l'ordre en Tartarie Aquilonaire se
cédaient régulièrement, emmenant avec eux un certain nombre de l
confrères62. Et qu'en 1392 les Franciscains Roger d'Angleterre et Ambr
de Sienne apportaient au pape une petitio émanant du vicaire de Tartar
des Frères, exposant le grand nombre des conversions réalisées et dem

58 Fontes, XI, 195; Golubovich, V, p. 94; cf. Fedalto, La chiesa, p. 459-460. C'est au pa
che de
soin de Grado,
faire exécuter
à l'archevêque
sa décision.
de Sultanieh, à l'évêque Arezolomensis que le pape confi

59 Fontes, XI, 162. Il n'est pas exclu que Cosme lui-même ait été d'origine tcherkes
du moins caucasienne (on l'appelle Cosme de Ziquie).
60 Cf. Elena C. Skrëinskaja, Storia della Tana, dans Studi veneziani, Χ, 1968, p. 3-46.
61 Annulation, le 1er mars 1370; nomination de Guillaume, le 10 mars: Eubel, Bull.
cisa, VI, 1078-1079 (Fontes, XI, 186).
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 245

dant des renforts : vingt-quatre Frères Mineurs furent à nouveau autorisés à


partir63.
Là-dessus survenait l'invasion de Tamerlan, en lutte contre Toqtamis.
Durant l'hiver de 1395-1396, le conquérant transoxianais rasait Astrakhan,
détruisait Sarai dont les habitants étaient massacrés et dévastait les rives
de la Mer d'Azov. Parmi les pyramides de cadavres décapités, aux pieds et
aux mains coupés, qui marquèrent son passage à Sarai, combien de mem¬
bres de la communauté chrétienne figuraient-ils? La Tana même était rui¬
née et resta longtemps déserte.
Toutefois l'épreuve n'anéantit pas totalement la mission du Qipcaq. On
ne parle plus de l'archevêché de Sarai, dont les négociations entre Gênes et
la Papauté ne font pas mention : Jean III de Sultanieh a pu s'établir à Caffa
et jouer, sans aucune difficulté, le rôle d'un métropolitain64.
Il est vraisemblable que Cosme était mort en 1382; du moins un episco-
pus Tanensis, le Dominicain Conrad, agissait-il cette année-là comme auxi¬
liaire de l'évêque de Constance - ce qui laisserait entendre que l'adminis¬
tration consentie à titre viager à l'archevêque de Sarai en 1370 avait pris fin
par le décès de ce dernier et qu'Urbain VI lui avait donné un successeur65.
De fait, si le nom de Sarai disparaît de nos listes épiscopales66, le siège de la
Tana allait rester occupé par des évêques, normalement résidents. C'est
ainsi qu'en 1398 Boniface IX désignait l'évêque de la Tana, conjointement
avec celui de Caffa et avec l'archevêque de Sultanieh, comme conservateur
des privilèges consentis aux Frères Uniteurs67. Un Mathieu, qui nous est
inconnu, puis le Dominicain Antoine de Levanto, que recommandait sa
connaissance des langues du pays (1422), le Franciscain Nicolas de Troja
(1425), un certain François, le Franciscain Basile de Bologne (1439-1456) et
finalement le Dominicain Mathieu de Pontremoli (1464) se succédèrent

63 Golubovich, V, p. 301.
64 II n'est pas certain, d'ailleurs, qu'en 1362 Caffa ait fait partie de la province de Sarai;
l'évêque nommé en 1358 ne mourut qu'en 1376, et sa succession fut réglée par un transfert
(Fedalto, op. cit., p. 450-451) : ceci nous empêche de savoir si les bulles furent communiquées
à Sarai.
65 Eubel, Hierarchia, s. v. Tanen (cf. Regesten zur Geschichte . . . Constant, 6648). Il est évi¬
demment toujours possible qu'un siège, non-résidentiel, ait été pourvu d'un titulaire dans
246 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

jusqu'à la disparition du comptoir, qui avait repris vie après les dévasta¬
tions de Tamerlan68.
Il existait encore une custodie de Sarai en 1401, et une vicairie de Tar¬
taric Aquilonaire en 1410. Et on peut sans doute retrouver un évêché, mis¬
sionnaire sans contestation celui-là, dont la création pouvait remonter au
temps de l'archevêque de Sarai, dans un siège auquel était promu en 1434
un prêtre de Lwów, Pierre de Lombertz, pour succéder à un évêque du
nom de Jean : Pierre est dit episcopus terrae Sarmatarum in Astrakan*9.
Astrakhan était effectivement le siège d'une résidence franciscaine, attestée
en 1373 et 1390; la ville s'était rapidement relevée après le sac de 1395 et
avait remplacé Sarai comme place de commerce - elle devait être une des
premières à voir réapparaître les missionnaires catholiques au XVIIe siè¬
cle -, avant de devenir à la fin du XVe siècle la capitale d'un khanat tartare
autonome. La présence d'un évêque latin à Astrakhan témoignerait d'une
longue survie des chrétientés implantées dans la région de la Volga infé¬
rieure par les missionnaires latins et peut-être des efforts de l'archevêque
Cosme pour donner plus de vigueur aux missions dans la province de
Sarai'70.

c) Jean de Ziquie et les catholiques du Caucase

La création par Clément VI de la province de Matrega n'est pas sans


rappeler celle de la province de Khanbaliq par Clément V. Ni l'une ni
l'autre ne doit son origine à la conversion d'un souverain, annonciatrice de
celle de son peuple, comme cela avait été le cas pour les créations plus
anciennes, mais bien aux résultats prometteurs de l'action évangélisatrice
d'un missionnaire exceptionnel. Jean de Ziquie, comme Jean de Montecor-
vino, allait se voir confier le soin de construire une église dans un vaste ter¬
ritoire où il avait commencé à conquérir des âmes. Toutefois, dans le cas de

68 Cf. Loenertz, La société, p. 124-125; Fedalto, La chiesa, p. 459-460. Basile qui avait été
interprète des Arméniens au concile de Florence, fut transféré en 1456 au siège archiépisco¬
pal Carisenensis (de Cyrrhus). Il résidait certainement dans son diocèse : Nicolas V confie, en
1450, l'examen d'une discorde survenue à Caffa aux évêques de la Tana, Salmastro et Soldaya
(Vigna, Cod dipl., II, 2, p. 700). - Notons que Barbaro a encore rencontré à la Tana, en 1486,
des Frères Mineurs : il cite un Franciscain qui avait fait entrer dans son ordre un jeune Cir-
cassien qu'il avait racheté (Travels to Tana and Persia, trad. Thomas et Roy, p. 7).
69 Eubel, Hierarchia, II, 248. La route de terre, à travers la Pologne et la Moldavie, se
substituait à la route de mer; les rapports entre la Pologne et Astrakhan sont donc normaux.
70 A noter seulement que Schiltberger, qui est passé par Astrakhan, n'y signale ni évêque,
ni chrétien.
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 247

Matrega, la nouvelle province ne devait pas se modeler sur une formation


politique - ni même avoir, comme celle de Vospro, le support des comp¬
toirs fréquentés par les Occidentaux.
La zone dévolue à la nouvelle province était constituée par ces régions,
au nord du Caucase, où vivent des peuples apparentés, mais parlant des
langues différentes et attachés à des religions différentes. Dans le Kouban,
dominaient les Ziques, qu'il est parfois difficile de distinguer des Tcherkes-
ses71. Voisins des Alains, dont les séparait la steppe, et s'étendant jusqu'au
Daghestan que peuplaient les Kaïtak, tribu lesghienne en cours de tartarisa-
tion72, les Ziques avaient été convertis au christianisme sous sa forme
byzantine, mais - si l'on en croit les Latins - la négligence des Grecs les
avait laissés retomber dans l'idolâtrie, et l'Islam faisait des progrès sensi¬
bles parmi eux73. Il existait cependant des évêchés grecs : la Ziquie formait
un diocèse dont le chef-lieu avait été Matrega, qui avait longtemps été une
ville byzantine; au XIVe siècle, la Ziquie et Matrega avaient chacune leur
métropolite74.
Quant aux Latins, ils avaient pris pied sur la côte du Kouban d'assez
bonne heure. Les Mongols avaient soumis la Ziquie avant 1240; ils semblent
avoir inféodé Matrega à une famille génoise, bien en cour auprès des II-
Khans de Perse, les Ghizolfi, dont un membre, Buscarel de Gisolf, avait été
envoyé par l'Il-Khan en Europe, et qui figuraient parmi les principaux com

71 Les contrats, passés à Caffa, distinguent les esclaves de progenie Zycha de ceux qui sont
de progenie jarcaxia. Constantin Porphyrogénète donne la Ziquie comme commençant à vingt
milles de Matrega et s'étendant, sur trois cent milles, jusqu'à Nicopsi; elle borde la Kasaquie
(pays des Kassogues - c'est le nom que les Russes donnaient aux Tcherkesses) : De adminis
trando imperio, dans Patr. Gr., CXIII, p. 333 ; cf. N. Banescu, La domination byzantine à Matra
cha . . . , p. 6. Le nom des Ziques apparaît dès 1245 dans les bulles Cum hora undecima.
72 Barthold, Daghestan, dans Encycl. Islam, Ière éd., I, p. 910-915; 2e éd., revue par A. Ben¬
nigsen, II, p. 86-91; E. Eichwald, Alte Geographie des Kaspischen Meeres, Berlin 1838; P. Pelliot,
Le prétendu vocabulaire mongol des Kaïtak du Daghestan, dans Journ. Asiat., CXX, p. 279 et
suiv. Le nom des Caitacchi se rencontre dans les cartes du XVIe siècle; Constantin Porphyro¬
génète connaît déjà leur capitale, Kumuk (Khamoukh : Patr. Gr., CXIII, p. 419).
73 A. Dirr, Cerkesses, dans Encycl. Isl, I, lère éd., 855. Les Dominicains hongrois les
donnent comme chrétiens de rite grec, mais constatent que leur prince est polygame ( De
facto Hungariae magnae ) ; le moine Epiphane considère les Ζηκχοι comme des demi-infidèles
(Patr. Gr., CXX, p. 243); cf. aussi Golubovich, V, 43; A.-D. Von den Brincken, Die «Nationes»,
p. 131-135.
248 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

merçants en Mer Noire. Cette inféodation n'est peut-être pas antérieur


fin du XIVe siècle : il n'empêche que les Génois avaient déjà pris pied
cette ville - située de façon très heureuse sur la péninsule de Taman
face de Vospro - et que les Ghizolfi allaient s'y maintenir jusqu'en 148
Jean de Ziquie était, d'après Jean III de Sultanieh, un noble zique
réduit en esclavage et vendu à Gênes, s'y serait instruit dans la foi
tienne ; libéré, il entra dans l'ordre franciscain et revint dans sa patrie
y prêcher à ses compatriotes76. Ceux-ci avaient été précédemment l'
des prédications de Richard d'Angleterre et de François de Camerino,
«roi des Ziques», Versacht, avait adopté la foi catholique; mais il se
qu'il se soit agi là d'un rameau implanté dans la péninsule de Crimé
non des Ziques du Kouban, qui ne constituaient d'ailleurs certainemen
un royaume unique77; Jean de Ziquie, en tout cas, ne paraît pas avoi
référence à cette première conversion des Ziques. Mais sa propre pré
tion semble avoir connu un grand succès; et le missionnaire s'en vint à
gnon, en 1348, pour demander au pape de donner à son terrain d'apos
une organisation stable et des moyens plus amples. Clément VI répon
son vœu, le 21 février 1349, en créant une nouvelle province ecclésias
dont il lui conféra le titre archiépiscopal78.
Le siège du nouvel archevêché fut placé à Matrega (aujour
Taman), ancienne possession byzantine où se trouvait une métropole
que; la bulle pontificale évoque cette dernière en précisant qu'elle n
pas occupée par un prélat catholique79. Il est à noter, d'ailleurs, qu'o
connaît pas de couvent franciscain d'après les listes que nous possédo

75 Iorga, Notes et extraits, I, p. 36; Belgrano, dans Atti della Società ligure di storia
1866, p. 127 (lettre de Zaccaria Ghizolfi, au lendemain de la chute de la cité). Un Argo
Gisulfis, dont la fille bénéficia d'une dispense de mariage en 1329 (Mollat, Jean XXII, 4
devait-il son nom à I'll-Khan Argun? La situation des Ghizolfi à Matrega évoque cel
deU'Orta à Caffa, seigneurs de la ville au début du XIVe siècle.
76 Der Libellas de notitia orbis, éd. Kern, p. Ill; Golubovich, V, p. 40.
77 Supra, p. 231-232.
78 Fontes, IX, 146; Golubovich, V, p. 40 et suiv.; G. Fedalto, La chiesa latina, p. 455.
79 Cum, sicut accepimus, in regno Zechiae quaedam ecclesia metropolitana, Matr
ecclesia appellata, quae diu caruit, prout caret, pastore catholico, existere dinoscitur. - M
(Τομη ταριχα, «les sècheries» - on sait le rôle que jouait le poisson séché dans le com
de la mer Noire), un moment occupée au XIe siècle par les Russes qui l'appelaient Tm
kan, était redevenue grecque au cours de ce siècle, et l'était encore au XIIe. (N. Banesc
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 249

semble difficile cependant de supposer que Jean de Ziquie ait recommandé


le choix de cette ville s'il n'y avait pas une base missionnaire sur place,
d'autant que Matrega était un port fréquenté par les marchands italiens et
probablement déjà dominé par des seigneurs génois vassaux du khan de la
Horde d'Or, toutes conditions favorables à l'implantation d'une résidence
de religieux latins.
Quant à la province ecclésiastique, elle n'était pas définie dans la bulle
de 1349, mais deux bulles du 22 mai 1349 érigeaient en cités épiscopales
deux villes qui recevaient pour pasteurs Thomas de Birago, episcopus
Sybensis et Jacques de Pontecorvo, episcopus Lucucensis, tous deux francis¬
cains80, en faisant état des succès remportés par la prédication des Frères
Mineurs en Ziquie. Ceci nous invite à chercher non loin de Matrega et au
Kouban les deux villes en question81.
L'activité de l'archevêque, de ses suffragante et de leurs missionnaires
se poursuivit et, semble-t-il, au cours des dix années suivantes, elle atteignit
la région de Derbend, près des Portes de Fer. Revenu à Avignon en 1358,
Jean de Ziquie exposa l'état de sa province : sur une distance équivalant à
huit jours de voyage, on ne trouvait pas une cathédrale; les peuples, insuffi¬
samment encadrés, risquaient de passer à l'idolâtrie ou à l'Islam. Le pape
Innocent VI autorisait en conséquence l'archevêque à ériger deux villes en
cités épiscopales, à y construire des églises et à désigner lui-même des évê-
ques, le 22 juin 1358. Jean, muni par la Chambre apostolique d'un viatique
de cinquante florins, le 26 juillet, reprenait le chemin de la Ziquie82.
Où s'élevèrent les deux nouvelles cathédrales? Deux conflits où se
trouva impliqué l'archevêque Cosme de Sarai permettent au moins d'émet¬
tre des hypothèses. En 1363, peu de temps après la création de l'archevêché
de Sarai, Jean de Ziquie demanda au pape, qui en confia le soin à Thomas
de Tabriz, archevêque de Khilat, de délimiter le diocèse de la Tana et le

80 Golubovich, V, p. 45; Fontes, IX, 150 et 151.


81 On a identifié Syba avec le Cuba des portulans (Tàuba, au sud d'Anapa) et Lucucen.
avec lo Copa, sur la mer d'Azov, au nord de Matrega (le Coparium, où levêque de Caffa reven¬
dique en 1471 une chapelle? - Vigna, Cod. dipl.., II, 1, p. 734 et 784); ces identifications sont
peu assurées. Hayton cite un Ciba, à une demi-étape « du Derbent », où se trouvait la frontière
des Il-Khans et de la Horde d'Or : il doit s'agir de Kuba (R. S. S. Azerbeijan). Ceci placerait
jusqu'en Daghestan l'extension de la province dès 1349 (Doc. Arm., II, p. 216). Lucucensis
250 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

diocèse Mappensis, le premier relevant sans doute de Sarai' et le seco


Matrega (et se trouvant alors sans titulaire). On a proposé d'identif
dernier siège à celui d'Anapa, ville de la côte du Kouban située au s
Matrega, ce qui laisserait supposer que les régions litigieuses se t
raient à l'intérieur et non sur la côte83. Mais ceci laisse entendre qu'u
ché Mappensis avait pu être créé par l'archevêque de Matrega. Un pe
tard, en 1370, Cosme de Sarai se plaignait que trois évêques se fussen
indûment en possession des biens de l'évêché de la Tana : Nicolas, e
pus Maianensis, Mathieu, episcopus Forrusiensis et Lazare, episcopu
cuensis 84. Le troisième est certainement un évêque de Tarki, vil
ghienne que nous allons retrouver; le second nous reste non identifi
le premier paraît bien être Nicolas de Neuenburg, un Dominicain qu
été pourvu du siège de Materia, le 8 juin 1366, en remplaçant le Franc
Jean Speculi, pourvu le 22 juillet 1363 après la mort d'un Nicolas86. M
localité qui semble avoir été de bonne heure pourvue d'un couvent f
cain, est selon toute apparence identique à Madjari (Magiar) : cette
située sur la Kouma, affluent du Manytch, à peu près à mi-chem
Matrega et de Derbend, sur la route menant de la péninsule de Tama
Portes de Fer, correspondrait au Mengiar de Marco Polo : sa situatio
graphique répondrait tout à fait au souci exprimé par Jean de Ziqu
jalonner par des évêchés la route en question87. Elle avait déjà un é

83 Fontes, XI, 9-10; Golubovich, V, p. 44.


84 Fontes, XI, 195. Cf. supra, p. 243 : il nous semble que, l'appartenance de la Tana
des deux provinces en question ayant pu ne pas être réglée (Thomas de Tabriz a
transféré en 1368 à Sultanieh), l'archevêque de Matrega aurait été susceptible de c
l'administration de ce diocèse vacant à trois de ses suffragante . . .
85 G. Fedalto, La chiesa, p. 460, propose de reconnaître dans Forrusiensis une caco
pour Saraensis ; cela ne semble pas possible, l'archevêque de Saraï étant le plaignant.
86 Eubel, Hierarchia, I, 322. A noter que Nicolas, episcopus Maieriensis, agissait
comme auxiliaire de l'évêque de Halberstadt (Schmidt, Urkundenbuch des Hochstifts
tadt, IV). Nicolas fut transféré à Lübeck en 1377, sans doute remplacé par un Jean q
lui aussi en Poméranie (1378) et auquel aurait succédé en 1412 un Jean, episcopus M
sis. Cf. Fedalto, La chiesa, p. 460. La difficulté se trouve ici dans ce que l'évêque Nic
1368, apparaît comme non-résidentiel, alors que la mainmise sur Tana paraît le fait d
que résidant en Orient ____
87 Pelliot, Notes on Marco Polo, II, p. 777-778. On identifie souvent Madjari à Geo
qui se trouve nettement au sud de la ville ancienne : cf. Jean Potocki, Voyage dans
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 251

avant 1363 : sa création, en tant qu'évêché, à la date de 1358 serait très vrai¬
semblable.
Ce qui nous permet de jalonner l'avance des missionnaires, c'est la liste
des couvents franciscains donnée en 1373 par Jérôme de Pise : les noms de
Mager, Cumuch, Tarchis, peut-être celui de Mamucci nous amènent jusqu'au
Daghestan88. Et nous sommes tentés de penser qu'en 1363, quand il vint à
Avignon et qu'il agita la question de la délimitation de sa province, Jean de
Ziquie a pu demander au pape l'autorisation de créer de nouveaux diocèses
- de même qu'il sollicitait l'octroi d'indulgences aux fidèles qui l'aideraient
par leurs aumônes à construire des églises en Ziquie89.
En Ziquie proprement dite, la succession épiscopale paraît régulière,
tant que vit Jean de Ziquie : Thomas de Birago, qui fait une apparition en
Avignon en 1363, est remplacé le 16 novembre 1366 sur le siège Sybensis par
Tealdo de Gorestis90. Sur le siège Lucucensis, c'est un Franciscain du nom
de François qui, en 1377, était désigné par Jean de Ziquie pour succéder à
Jacques; il se fit confirmer par le pape, peut-être parce que l'archevêque
était mort entre temps91. Mais la liste épiscopale de ces deux sièges s'inter¬
rompt ensuite, comme celle de Matrega elle-même : il semble que la mis¬
sion du Kouban ait perdu son élan, tandis que l'effort se portait du côté de
la Caspienne92.

regnum Yverie où les Franciscains avaient eu deux martyrs dès 1288 et qui pourrait être situé
à proximité de cette Cummageria qui serait la vallée de la Kouma, on doit envisager un apos¬
tolat des Frères Mineurs assez actif entre Mer Noire et Caspienne, au Nord du Caucase, dès la
fin du XIIIe siècle. Or c'est vers le même temps que Marco Polo cite les marchands génois qui
naviguaient sur la mer Caspienne : cette route, ouverte au commerce européen, l'était aussi
aux missionnaires.
88 Golubovich, V, 193 (custodie de Sarai). Ces couvents sont encore cités en 1390. Golu-
bovich a proposé de reconnaître dans Mamucci le nom de Shemakha, au sud-est de Derbend
(II, p. 559).
89 Fontes, XI, 25 (3 mai 1363). Le pape avait donné à Jean, en 1348, le droit d'envoyer à
Alexandrie un navire chargé de marchandises; en 1363, il lui donne celui de conférer trois
offices de tabellions : il s'agit là de subsides indirects, l'archevêque ayant ainsi pouvoir de
vendre une licence d'exportation, d'une part, et des offices, d'autre part.
90 Golubovich, V, p. 117; Amort, De origine indulgentiarum, p. 187, (28 janvier 1363). Tho¬
mas avait sans doute accompagné son archevêque.
91 Golubovich, V, p. 233. François était auxiliaire de 1 evêque de Brixen en 1386-1387 -
peut-être après un séjour en Orient.
252 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Sur cet effort, nous sommes surtout informés par une bulle de 14
Les Franciscains travaillaient depuis le temps de Jean de Ziquie in Ch
kensi patria, c'est-à-dire chez les Kaïtak du Daghestan, dans les « monts
piens ». Des villes, des châteaux, s'ouvrirent à leur prédication et, dans
région où Cosme de Sarai se plaignait que les infidèles et les hérét
aient fermé les églises des catholiques, en 136994, «les infidèles n'os
plus blasphémer la croix du Christ ». Des cités entières furent conver
celles de Chomek, Thuma, Tarchu fou Tharchu), Derweli (Dergwel
Michaha, qui paraissent se répartir depuis l'embouchure du Terek da
Mer Caspienne jusqu'au versant sud du Caucase95. On peut supposer
certains évêques de rite grec résidant dans ces villes avaient reconnu l'
rité du pape et de l'archevêque; il est aussi possible que ce dernier ait
des évêchés latins dans chacune d'elles.
De fait, des séries épiscopales font leur apparition. L'une d'elle
celle des «évêques de l'église des Monts Caspiens», sans localisation
précise, qu'on est tenté de faire remonter à une date antérieure à
puisque nous trouvons à la fois une série clémentiste, représentée p
Franciscain Jacques de Valle Aretza, désigné par Clément VII le 3 juin
pour remplacer un autre Franciscain, Laurent, et une série urbaniste, r
sentée par le Franciscain Bernard de Caffa, pourvu de ce siège par B
face IX, le 27 novembre 1396, à la mort du frère Martin Russus96.
Sur le siège de Kumuk, on connaît un Augustin, Emeri, pourvu en
et un Franciscain, Jean Gibeleti, qui eut en 1400 maille à partir av
ministre général des Frères Mineurs, lequel avait fait saisir ses livres e
biens déposés au couvent de Caffa : il faisait alors valoir qu'il avait fait

93 Eubel, Bull. Francise., VII, 339 (Fontes, XIII, 103). Cf. Golubovich, V, 92.
94 Fontes, XI, 162.
95 Chomek : Kumukh, chef-lieu du cercle de Lesghie, R. S. S. Daghestan, dans la hau
lée de la Sulak. Thuma, que Barbaro appelle Tumen ( Travels to Tana and Persia, p. 9,
89) : la ville disparue de Tjumen, à proximité du site où les Russes édifièrent en 1567 le
teresse de Terkoï ou Tumen, aujourd'hui près de Terskoii Gorodók, au confluent du Te
du Tjumen. Tarchu : Tarki, au sud-ouest du port de Petrovsk, aujourd'hui Makhaè-Kale.
weli : Dourgali, bourgade située au sud de Temir-Khan-Choura, (aujourd'hui Buyna
Dugreli de Klaproth. Michaha pourrait s'identifier à Mukhakh, R. S. S. Azerbeijan, cer
Zakataly, sur le versant sud du Caucase. Notons que le Mager où existait en 1393 un
dence franciscaine, si l'on n'y reconnaît pas Maieria-Madjari, pourrait être Magar, sur l'
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 253

à ses propres frais dans cette ville une maison qu'il destinait à un autre
Franciscain, Georges Gibeletus, et à deux autres Frères qu'il devait choisir
pour les emmener prêcher dans les monts Caspiens97. A sa mort, un autre
Franciscain, Ambroise Scipion, fut envoyé «pour le salut des chrétiens
habitant certaines régions voisines des Monts Caspiens, sous la domination
des Tartares », au milieu des infidèles, des hérétiques et des schismati-
ques98 (1421).
Un troisième siège épiscopal, celui de Tarki, était occupé en 1370 par le
Lazare qui est cité à propos de l'église de la Tana; son nom peut évoquer
une origine indigène - un Lesghien ou un Zique promu à l'épiscopat, ou
bien confirmé dans sa prélature par l'archevêque latin -. En 1433, un cer¬
tain Corneille, missionnaire revenant des Monts Caspiens, où un très nom¬
breux peuple chrétien risquait de dévier de la foi, faute de prédicateurs,
selon les termes employés par Eugène IV, était nommé episcopus Atrachita-
nus et se voyait autoriser à remmener avec lui jusqu'à vingt Frères
Mineurs99.

D'autres départs nous sont signalés : en 1392, les Franciscains Roger


d'Angleterre et Ambroise de Sienne signalaient l'importance des effectifs
des chrétiens dans les monts Caspiens, où on comptait près de dix mille
convertis, et la rareté des missionnaires : ils se voyaient autorisés à emme¬
ner dans la vicairie de Tartarie Aquilonaire vingt-quatre de leurs confrè¬
res100. Et, en 1422, signalant la disparition de la plupart des missionnaires
dans les Monts Caspiens, où existaient plusieurs couvents franciscains, le
Frère François Spinola, un Génois, et son confrère Dominique Barthélémy
de Caffa recevaient l'autorisation de prendre en Italie quarante religieux,
prêtres ou convers, pour les emmener avec eux101.
Entre ces deux dates, la région avait connu les attaques de Tamerlan :
plusieurs cités et leurs églises avaient été brûlées, de nombreux fidèles

97 Le Quien, Oriens christianus, III, 1109: Emeri, episcopus Camocensis, est autorisé à
emmener un frère de son ordre. Cette mention est mise en doute par G. Fedalto, La chiesa,
p. 461. Jean, episcopus Comuchensis ou Chomuncensis : Fontes, XIII, 1, 81; Golubovich, V, 331.
Cet évêque se trouvait à Gênes, le 9 mai 1400, pour la consécration de l'évêque de Chio
(Genova, Archivio notarile, Antonio Foglietta, 2, II, f°36v°). Sa promotion est certainement
antérieure).
98 Eubel, Bull. Francisc., VII, 1508. Le pape conférait aux chrétiens de la région une indul¬
254 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

massacrés ou réduits en esclavage. A la suite de l'initiative d'un Gé


Antoine Reccana, qui avait lancé des navires sur la Caspienne pour l
contre les Musulmans, avant de les utiliser pour son commerce,
face IX finit par proclamer une véritable croisade dont la directio
confiée à un Franciscain originaire du pays, Antoine Solpan, qui port
titre de visiteur a latere du ministre général dans la vicairie de Russie,
custode de Sarai, en accordant une indulgence plénière aux Grecs, A
niens et Nestoriens, participant à l'entreprise, qui se convertiraient102.
Les textes de 1421, 1422, 1433 que nous avons cités attestent q
chrétienté romaine du Daghestan avait surmonté cette épreuve; mais
avons un autre témoignage particulièrement vivant : c'est celui de
Schiltberger, ce chevalier allemand réduit en esclavage par les Turcs
de la bataille de Nicopolis, qui traversa la région aux environs de
Dans un pays montagneux, qu'il appelle Setzulet 103, il note la présen
nombreux chrétiens avec leur évêque, les prêtres, des Franciscains,
brant la liturgie en langue tartare, ce qui assurait aux convertis une
leure connaissance de leur foi et attirait les païens à celle-ci104.
Le petit peuple catholique du pays de la Caspienne continua à
pendant tout le XVe siècle; l'ambassadeur vénitien Barbaro, qui trave

102 Cf. nos articles cités plus haut. Le nom du destinataire de la bulle de 1401 a été
pan dans les Fontes·, le texte du Reg. Lat. 87, f° 76, porte bien Solpan.
103 Desimoni identifie ce pays à celui de Djoulad (Iekaterinograd), sur le Terek, à
de Mozdok (/ conti dell'ambasciata . . . dans Atti della società ligure di storia patria, X
p. 586).
104 Reisebuch, éd. Neumann, p. 87-88 : «Dorinne sind vil Cristen und habent ein B
dorinne. Und ir priester sind Beyerfüssen ordens und künden mit latin und singent un
ir gebet in tartarscher sprach. Das ist dorumb funden das die Leyen dester stercker
Globen sint. Es werden och vil Heiden besterckt im cristenlichem Glouben, dorumb
die wort vernemen, die Priester singent und lesent»; ed. Langmantel, Tübingen 1885
(Bibliothek der Literarischen Vereins in Stuttgart, 172) : «und in dem land sind auch vil
und haben ain pistumb dorinn; und die priester sein parfüeser ordens, und sie chünde
latein und was sie singen oder lesen, das ist in der thatrischen sprach, und das ist d
erfunden worden, das die layen dester stercker auff dem glauben sind ». Schiltberger
ensuite le texte du Pater en langue « tartare », c'est-à-dire en turc : « Atha bisum chi ko
sen; alguschludur senung adung», etc. La localisation de Setzulet («ein pirgisch lant»
difficile : Schiltberger quitte, au nord des Portes de Fer, la ville d Orgentz, en suivant le
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 255

région de Derbend pour se rendre en Perse, en venant de la Tana, rencon¬


tra des Franciscains parmi les Caitacchi que se partageaient les rites grec,
arménien et latin. Il fit route avec un Dominicain, Vincent de Caffa, qui lui
raconta les épreuves supportées par la chrétienté des monts Caspiens. La
dernière en date était une expédition menée à travers le pays, depuis She¬
makha, en passant par Derbend, jusqu'à Tjumen et au Terek, et en revenant
par le pays des Circassiens où les chrétientés de rite grec avaient aussi
beaucoup souffert. C'est à leur retour que les ravageurs avaient été anéantis
par les Lesghiens, près de Kumuk (Cremuchum)', les catholiques de la pro¬
vince de Tezechia avaient particulièrement souffert : l'interlocuteur de Bar¬
baro les localisait entre Derbend et le Terek, c'est-à-dire dans ces «monts
Caspiens» dont les bulles pontificales du XIVe siècle faisaient état105.
En fait, les contacts avec les catholiques du Daghestan allaient devenir
impossibles. Avec la chute de Matrega, en 1482, disparaissait le dernier
accès maritime à la « Ziquie », et les Ottomans allaient contrôler les rives de
la Mer Noire, tandis que les relations avec la Perse des premiers Séfévides
restaient occasionnelles et indirectes.
Mais la province ecclésiastique de Matrega, en tant que telle, avait dis¬
paru bien auparavant. Comme celle de Vospro, comme celle de Saraï, sur-
vécut-elle à son fondateur?106.
C'est en effet le lot commun des trois archevêchés fondés en Tartarie
Aquilonaire que de n'avoir eu qu'une existence éphémère. Certains évêchés
ont vécu très longtemps : ceux des comptoirs génois ou vénitiens de la Mer
Noire, ceux du Daghestan et des pays de la Caspienne, où se maintinrent
jusque très tard dans le XVe siècle des chrétientés latines organisées. Les
Franciscains ont alimenté les couvents, la Papauté pourvoyant plus ou
moins régulièrement à la succession des évêchés. Mais l'institution métro¬
politaine n'a eu, semble-t-il, qu'une existence assez brève.

105 G. Barbaro, Travels to Tana and to Persia, p. 87 et suiv.


106 Lorsque les Génois essaient de faire créer un archevêché à Caffa, ils font état de
l'existence de celui de Sultanieh; il n'est pas plus question de Matrega que de Saraï. On peut
toutefois remarquer que Barbaro ou son informateur appelle Tezechia (Ziquie) la partie du
Daghestan où résidaient les catholiques kaïtak, ce qui rappelle la province de Zichia des tex¬
tes pontificaux. Le mot est passé dans la géographie : l'une des cartes de l'atlas d'Ortelius
place Exzechia au sud de Derbend, tandis qu'une autre fait de Zechia une ville de la côte du
Kouban, entre Matrega et ZavatopolL

19
256 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

II - LA FIN DES MISSIONS MÉDIÉVALES

L'histoire des missions des pays de la Mer Noire et de la Mer


pienne nous a amenés à nous engager notablement dans le XVe siècle
siècle, qui s'ouvre sur le Grand Schisme pour s'achever par la conquête
que du bassin de la Mer Noire, que suivra bientôt celle de la Syrie et
l'Egypte, est celui de la fin des missions médiévales, auxquelles se sub
tueront au XVIe siècle de nouvelles méthodes, s'appliquant à d'au
champs d'apostolat.

a) Les missions au début du XVe siècle

Nous avons la bonne fortune de disposer d'un tableau d'ensemble


missions latines au début du XVe siècle grâce à la rédaction, par l'arch
que Jean III de Sultanieh, du Libellus de notifia orbis. Ce texte rappelle
succès obtenus par la prédication des missionnaires latins en Tartarie
note tout spécialement le cas du Cathay, où existe encore un bon nom
de catholiques, sans doute privés pour le moment de missionnaires, m
qui se sont adressés à l'archevêque de Sultanieh en le priant de ve
L'Arménie, grâce à l'Union de Qrnay, est un territoire particulièrement
tile, et justifie l'existence du siège de Sultanieh. La Géorgie a vu les préd
teurs franciscains et dominicains multiplier les conversions; mais les r
ges de Tamerlan ont détruit les églises et réduit de nombreux catholi
en esclavage107. En Ziquie, grâce à l'archevêque Jean, de grands succès
été obtenus. Il y a des catholiques à Bagdad et au Kurdistan, et des Dom
cains s'occupent des uns et des autres. A Mossoul, le « catholicos » syrien
bien disposé envers les Latins. Quant à l'Ethiopie, elle échange des am
sades avec le pape, et l'archevêque souhaiterait pouvoir s'y rendre 108.
Ce tableau n'est pas celui d'une activité missionnaire en déclin, m
si Jean III déplore l'indifférence du Siège Apostolique à l'égard des ap
des chrétiens du Cathay109, et s'il signale les effets désastreux des invas

107 C'est très exactement ce qu'écrit Boniface IX dans une lettre du 19 août 139
Frères Prêcheurs et Mineurs societatis Peregrinantium nuncupati, ad praedicandum . . .
nati, en les invitant à relever les nombreuses églises et cathédrales de Géorgie et de Gr
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 257

de Tamerlan. Celles-ci, toutefois, ont spécialement affecté les pays de la


Grande-Arménie, la Géorgie, le Daghestan, la Ziquie, la basse Volga : autant
de régions où les missionnaires latins avaient particulièrement travaillé.
La mission de Géorgie aurait, selon Jean III, été arrêtée en plein élan.
Nous la connaissons fort mal : les évêques de Tiflis du XIVe siècle avaient
très vite consacré leur activité aux Arméniens, et en particulier à ceux de
Qrnay. Mais elle avait pris plus d'extension dans la seconde moitié du siè¬
cle, quand Tiflis et Akhalzikhé étaient pourvues d'un couvent dominicain et
d'un couvent franciscain chacune, avec peut-être un évêque latin dans cha¬
que ville110. Mais on sait combien de campagnes Tamerlan mena en Géor¬
gie : que restait-il des communautés fondées par les missionnaires après ces
expéditions dévastatrices ?
Et cependant le même Jean III se portait garant envers l'Occident des
bonnes intentions du redoutable conquérant transoxianais. Encore évêque
de Nakhidjevan, en 1398, il fut envoyé par Tamerlan en ambassade à Gênes
et à Venise, pour obtenir de ces cités la reprise des relations commerciales
assez distendues depuis le temps des Tchopaniens111. On sait que c'est au
cours de cette mission que l'évêque se rendit à Rome où Boniface IX fit de
lui un archevêque de Sultanieh. Revenu auprès de Tamerlan, celui-ci, qui
avait envoyé le Dominicain François Ssathru à Péra, pendant sa campagne
contre Bajazet (18 août 1401) et qui avait reçu par son intermédiaire des let¬
tres du roi de France, renvoya Jean auprès de ce dernier (1403) en le char¬
geant de faire part au roi de sa victoire sur Bajazet et de son désir de déve¬
lopper les relations entre l'Occident et ses Etats112. Or, si nous en croyons
l'ambassadeur, la haine que Tamerlan avait éprouvée pour les chrétiens
avait été dissipée grâce à ses entretiens avec les deux Dominicains113. Et
l'on peut se demander si la croisade destinée à soulager les chrétiens du
Daghestan, envisagée par Boniface IX, n'apparut pas très vite comme hors
de propos, même en tenant compte de ce que Tamerlan avait détruit la

110 Cf. supra, p. 183. On notera que ces missions ont été ignorées de M. Tamarati dans son
Eglise géorgienne des origines à nos jours.
111 Jorga, Notes et extraits, dans Rev. Or. lat., IV., p. 245. Cf. L. Petech, art. cit., p. 569-570.
112 Silvestre de Sacy, Mémoire sur une correspondance inédite de Tamerlan avec Charles VI,
258 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

base latine de Smyrne, que les papes d'Avignon avaient entretenue jus
1402. . . 114.
Ainsi Tamerlan lui-même paraissait-il disposé à en revenir à la
rance des souverains musulmans qui l'avaient précédé dans les an
empires mongols de Perse et de Djagataï. Ses successeurs semblent
agi de même; l'activité missionnaire ne devait donc pas être entravée
l'empire timouride, qui ne vécut, il est vrai, qu'un temps relativement
dans la partie occidentale des territoires conquis par Tamerlan.
Le Grand Schisme, lui-même, avait-il beaucoup éprouvé les miss
Certes, il y eut concurrence entre les prélats nommés par les deux pon
rivaux sur les mêmes sièges; mais il est vraisemblable que, quand il
double nomination, un seul évêque était résidant, l'autre étant un s
titulaire exerçant ses fonctions pontificales dans des diocèses occiden
C'est Boniface IX qui se préoccupait des chrétiens du Daghestan; c'es
ment VII qui octroyait aux Frères Prêcheurs le droit de créer des cou
en Géorgie. Les difficultés sont réelles à Caffa, évêché doté de reven
dépendant de la république de Gênes, qui louvoie entre les deux obé
ces115; on se préoccupe d'éteindre «le schisme»116. Mais quand se pr
la croisade de Nicopolis (1396), les deux pontifes encouragent de
indulgences les croisés qui appartiennent d'ailleurs aux deux obédien
Il est probable que les difficultés n'atteignirent pas au degré d'a
qu'avait connu la lutte entre le pape et les « Fraticelles » au temp
Jean XXII, Clément VI et Benoît XII117. Seulement, c'est au centre mêm

"••Charles VI répond fort courtoisement à Tamerlan en juin 1403; le roi de C


envoie à Samarkand Ruy Gonzalez de Clavijo; etc.
U5 G. Fedalto, La chiesa, p. 451-453. Sur la situation dans le royaume de Chypre
dans la province de Terre Sainte), d'abord avignonnais, puis romain et à nouveau av
nais, cf. J. Richard, Le royaume de Chypre et le Grand Schisme, dans Comptes rendus de
des Inscr., 1965, p. 498-507.
116 Cf. les pouvoirs conférés par Benoît XIII au provincial des Dominicains de
Sainte (1er juillet 1396) : K. Eubel, Die avignonesische Obedienz der Mendïkantenordens
Zeit des Grossen Schismas, dans Quellen und Forschungen, I, 2, Paderborn, 1900, n° 8
aussi le droit reconnu à l'évêque de Caffa de relever de leurs censures les vicaires des
nicains et des Franciscains de Péra et de Caffa rebelles à Benoît XIII (n° 1047; Fontes,
86-88). Grégoire XII, au moment où le concile de Pise restreint son obédience (Jean
Sultanieh joue un rôle en 1408 dans les adhésions au concile : cf. Loenertz, Evêques d
cains des deux Arménies, dans AFP, 1940, p. 258 et suiv.) donne tous pouvoirs au Fran
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 259

la chrétienté que d'autres préoccupations tenant au schisme lui-même


avaient pu faire perdre de vue les besoins les plus urgents de terres de mis¬
sion.
Malgré ces vicissitudes, la semence jetée en terre par les missionnaires
continuait de lever. Jean III de Sultanieh affirme dans son Lïbellus de noti-
tia orbis que, dans les toutes dernières années du XIVe siècle, les fidèles
d'Extrême-Orient ont envoyé au Siège Apostolique des demandes de mis¬
sionnaires; il nous apprend aussi que les Ethiopiens, dont les contacts avec
l'église romaine avaient été plus épisodiques, mais réels, au temps du pre¬
mier évêque de Quilon, échangeaient avec la Papauté des ambassades dont,
à vrai dire, nous découvrons peu de traces118.
Mais ce sont des pèlerinages qui nous permettent de constater que
l'Eglise d'Occident est connue, et ses sanctuaires vénérés, dans des pays
fort éloignés. En 1431, par exemple, un prêtre appelé Thomas d'Ethiopie,
«mu par sa dévotion et par la ferveur de sa foi, s'exposant à de multiples
dangers et fatigues, était parti des lointaines contrées de l'Ethiopie pour
visiter le seuil des Apôtres » 119. De l'Inde du Sud, au début du XVe siècle, les
témoignages de cette dévotion se multiplient. En juin 1403, deux prêtres,
Abraham et Saliba, qui se disent de la loi de saint Thomas, font le pèleri¬
nage de Rome120. L'année suivante, on voit débarquer en Sicile des «chré¬
tiens catholiques originaires de l'Inde, venant par la grâce de Dieu de visi¬
ter le Sépulcre du Seigneur», et se rendant à Rome et à Compostelle; ils
obtiennent un sauf-conduit aragonais le 12 avril, et, le 1er août, Boniface IX
leur accorde une indulgence plénière, en les qualifiant de « moines selon la
vie et la règle de saint Antoine, vivant dans les montagnes de l'Inde»121. Le

évidemment des Spirituels, ces « pseudo-religieux » que dénonce Clément VI, dans sa lettre In
amara trahimur adressée aux archevêques et évêques de Grande-Arménie, de Perse et des
autres pays d'Orient et d'Outremer (29 mai 1344) comme s'attaquant aux chrétiens revenus à
l'Union en niant la légitimité des papes Clément V, Jean XXII, et Benoît XII, et en répandant
d'autres erreurs (Fontes, IX, 42). La conservation moins attentive des bulles pontificales au
temps du Grand Schisme nous empêche de savoir si les partisans de l'un ou l'autre pape pro¬
voquaient aussi du scandale parmi les Arméniens ou autres reuniti par des propos du même
genre.
118 Des envoyés du Prêtre Jean seraient venus à la Curie en 1351 (Golubovich, II, 152; cf.
aussi le De gestis trium regum de Jean de Hildesheim, ibid, V, 59). Le 16 juillet 1402, un
ambassadeur du Prêtre Jean, seigneur de l'Inde, apporte des présents à Venise (Iorga, Notes
260 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

même jour, et sans nul doute à leur demande, deux induits sont acco
par le même pape à David Parzahananihara et à son épouse Madeleine
et reine des Indiens, personnages dont l'identification est malaisée,
dont le nom nous oriente bien vers les pays indo-dravidiens 122.
Un troisième groupe de pèlerins est signalé à la fin de 1407 dan
Annales de Bologne : il s'agit de « quatre ou cinq hommes d'Inde, où l'a
saint Thomas a prêché et converti ». Deux d'entre eux étaient prêtres et
décembre 1407, ils célébrèrent la messe en public «et ils la disaient
dévotement, et on ne comprenait ni ce qu'ils lisaient ni leurs lettres,
beaucoup de choses comme Jhesus Christus, Amen, Alleluia, les nom
prophètes et d'apôtres, et ils faisaient miserere Domine comme nous. E
chrétiens venaient de Jérusalem et allaient en pèlerinage, c'est-à-dire
allaient à Saint-
Jacques, et Saint-
Antoine, et à Rome » 123.
L'extension du pèlerinage de Jérusalem à Rome et à Compostelle,
même à Padoue, paraît bien témoigner de l'empreinte reçue, du fait
fréquentation des Latins, par les Chrétiens de l'Inde au XIVe siècle. Ma
religieux latins avaient sans doute cessé de fréquenter ce pays.
En Azerbeijan, en Grande-Arménie, en Géorgie, sur les bords de la
pienne, les Chrétiens avaient relevé les ruines causées par l'invasio
Tamerlan. Mais la désaffection des Arméniens se manifeste : vers 14

tificale dans Archivio segreto Vaticano, Reg. Lat., 118, f° 198, donne les noms des quatr
nes, Johannes de Lomyda, Petrus Syo, Symon Dyabilis, Thomas de Aldanici·, le sauf-condu
donnait que trois : Johannes di la mida, Petrus di Syo, Simon Dabilis. Un citoyen de
gouste, Louis Georgii, bénéficiaire d'un induit du même jour, les accompagnait-il, ce q
nerait une indication sur leur itinéraire?
122 Reg. Lat. 118, f° 198 (Fontes , XIII, 1, 135 d). La mention de ce «roi» évoque la le
Jean XXII au dominus Nascarinorum de Columbo et le passage des annales chinoise
tionnant le chef des « Yeh-li-ko-wen » de «Kü-lam» (W. W. Rockhill, Notes on the relatio
trade of China with the Eastern archipelago and the coast of the Indian Ocean during th
tenth century, I, dans T'oung pao, XV, 1914, p. 434-435), ainsi que la présence d'un roi c
du nom d'Etienne sur la carte de l'atlas de Charles V, dessiné vers 1375, représentant
du Sud (cf. Kunstmann, Die Missionen in Indien und China in vierzehnten Jhdt, dans H
ches· Politisches Blatt für katholisches Deutschland, XXXVII, 1856, p. 135-151). M
P. E. Hambye a bien voulu nous signaler que l'existence d'une véritable dynastie roya
l'Inde méridionale avait été écartée par l'étude du P. A.-M. Mundadan, Traditions of th
Thomas Christians, Bangalore 1970, p. 125-129, et qu'il pourrait cependant s'agir de q
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 261

monastère de Saint-Thaddée lui-même abandonne l'Union (qui se maintient


cependant à Zorzor)124. Les Armeni reuniti se concentrent progressivement
autour du monastère d'Abaran - qui fournit en 1425 un archevêque de Sul-
tanieh - et de l'évêché de Nakhidjevan, ainsi qu'autour des couvents de Cri¬
mée : c'est grâce aux Dominicains de Caffa que la Société des Pérégrinants,
qui continue à avoir des liens étroits avec les Uniteurs, se rétablit après
1456 125. Mais les Dominicains paraissent avoir laissé à leurs confrères armé¬
niens les résidences qui subsistent : Jean III de Sultanieh lui-même, si zélé
pour les missions, ne paraît pas avoir repris le chemin de sa ville archiépis¬
copale et se fixe à Caffa126.
Une région qui avait cessé d'être un terrain de mission actif depuis la
chute des Etats francs de Syrie reprend cependant progressivement sa
place dans les perspectives missionnaires : il s'agit des pays soumis au sul¬
tan du Caire. Au lendemain de la chute d'Acre, la Papauté avait lancé une
interdiction aux Latins de fréquenter ces territoires, que ce fût pour y com¬
mercer ou pour y accomplir le pèlerinage de Terre Sainte - et, pendant
longtemps, il fallut une autorisation spéciale pour passer outre à cet
embargo qui fut d'ailleurs vite violé de mille manières Les Mamelûks, de
leur côté, n'avaient garde de favoriser les contacts entre les Chrétiens indi¬
gènes et les Latins qui, au vu et au su de tous, préparaient une croisade
pour libérer la Terre Sainte de leur occupation; ils avaient systématique¬
ment encouragé, parmi les Maronites, les éléments hostiles à l'Union latine,
comme ils le firent pour les Arméniens. La cessation de l'état de guerre
avec les Mongols de Perse devait assouplir leur attitude, sans la modifier
radicalement.
Toutefois, la présence en Egypte de très nombreux captifs latins,
réduits en esclavage lors de la conquête des derniers réduits francs, amena
assez vite une reprise des relations sur le plan religieux. Au temps de Boni-
face VIII, cinq Franciscains se rendirent en Egypte pour réconforter ces
captifs, en bénéficiant à la fois de la bienveillance des Coptes et de la tolé¬
rance du sultan. Ils auraient même eu des entretiens théologiques avec le
khalife127. Et d'autres devaient les suivre, à des intervalles irréguliers: le

124 Supra, p. 206 n. Nous savons du moins que Jérôme, archevêque de Maku, s'était alors
séparé de l'Eglise romaine, et les liens étroits de l'archevêque avec Saint-Thaddée font suppo¬
ser que celui-ci avait adopté la même attitude. Zorzor fournit encore au XVIIe siècle un pro¬
vincial à la congrégation des Uniteurs (Tournebize, Les Frères Uniteurs, p. 263 et 269).
262 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Franciscain Simon Semeonis constatait que les captifs, qui n'étaient


maltraités et vivaient de l'exercice de leur métier, disposaient de deux
pelles, l'une au Caire et l'autre à Alexandrie, et souffraient seulement d
pouvoir observer le repos dominical128; il ne rencontra pas de ses confr
desservant ces chapelles, et c'est dans une église copte qu'il célébr
messe le jour de la Chandeleur et qu'il ensevelit son compagnon, le F
Hugues le Luminour. Nombreux furent les Latins prisonniers en Eg
qui, à la manière de deux Italiens, interprètes du sultan, que rencont
même Simon, passèrent au rite copte, faute d'être soutenus dans leur
pre rite129.
D'ailleurs l'activité missionnaire ne pouvait qu'être réduite. Simo
son compagnon furent couverts d'insultes à leur débarquement, quan
découvrit un crucifix dans leurs bagages130. Durant la période où le su
fit fermer les églises coptes et melkites, entre 1322 et 1327, l'accès des
gieux à l'Egypte ne pouvait pas être facile; quand l'empereur byzantin
roi d'Aragon obtinrent la réouverture des églises, ils ne paraissent pas
intervenus en faveur des missionnaires.
Ceux-ci, d'ailleurs, se trouvaient par la force des choses expos
contrecarrer le prosélytisme musulman. En encourageant les captifs à
ter fermes dans la foi, ils les dissuadaient d'embrasser la religion m
mane; or, dans l'empire des Mamelûks, les rénégats jouaient un rôle im
tant et étaient fort appréciés131. Ramener un rénégat à sa foi première
pour les missionnaires, un impératif; c'était aussi, si la chose s'ébruita
mort pour le relaps et pour celui qui l'avait incité à abjurer l'Islam.
s'explique le martyre de plus d'un religieux franciscain132.

128 Mario Esposito, Itinerarium Symonis Semeonis ab Hybernia ad Terram Sanctam, D


1960 (Scriptores latini Hyberniae, IV, p. 90). Le voyage du Franciscain irlandais date de
1329.
129 Esposito, op. cit., p. 86, 96-98. Le pape s'efforçait d'encourager le rachat des ca
ainsi Jean XXII autorise-t-il l'envoi de marchandises en Egypte à cette fin (1317 : M
Jean XXII, 5742).
130 Wach, hii sunt canes et porci vilissimi, qui non credunt Machometum esse prohetam
nuntium, sed ipsum in suis predicationibus superstitiosis continue blasphémant et ad hec
inducant. (p. 48).
131 Ch. Köhler, Deux projets de croisade, dans Mélanges pour servir à l'histoire de l
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 263

Précaire dans leur installation en Egypte, la situation des religieux ne


leur permettait guère de jouer en ce pays un autre rôle que celui d'aumô¬
niers des colonies marchandes italiennes, provençales ou catalanes, ou de
groupes de pèlerins133.
En Syrie il en allait différemment. Le pèlerinage du Saint-Sépulcre et
des autres Lieux-Saints entraînait la nécessité pour les pèlerins de trouver
des autels où les prêtres puissent célébrer les offices. Les Mamelûks
tiraient un profit pécuniaire considérable du pèlerinage, et les souverains
d'Occident qui étaient en rapport avec eux leur recommandaient les pèle¬
rins. Aussi, tout en excluant au début la présence permanente de Latins à
Jérusalem, admettaient-ils leur venue pour la visite des Lieux-Saints, sans
faire d'exception pour leurs prêtres134. En 1327, le roi d'Aragon demandait
au sultan d'autoriser les Franciscains à s'établir à Jérusalem; vers 1333, un
groupe de Frères Mineurs paraît être là à demeure pour desservir le Saint-
Sépulcre et, occasionnellement, la basilique de la Nativité à Bethléem; il
commence à réunir des terrains et des maisons à Jérusalem entre 1335 et
1337. En 1342, Clément VI confirmait la concession par le sultan au roi
Robert de Naples, outre le bâtiment du Mont-Sion où était désormais établi
un couvent avec son gardien135, du droit pour les Franciscains de séjourner
au Saint-Sépulcre. Ce couvent fut bientôt doublé par un lieu, également
franciscain, à Beyrouth, qui devenait l'échelle normalement fréquentée par
les marchands136. Par contre, la création d'un couvent à Bethléem tarda
davantage137.

133 Jean de Winterthur rapporte, à la date de 1338, qua la demande du sultan trente
Dominicains, famosi lectores, auraient été envoyés par le pape en Egypte : le sultan les ayant
menacés de les faire périr s'ils voulaient prêcher la foi catholique dans leur habit religieux, ils
l'auraient quitté pour les vêtements des indigènes. Se moquant de leur terreur, le sultan les
expulsa et ils se réfugièrent en Chypre, évitant d'être mis à mort parce qu'ils avaient des let¬
tres du roi de France (p. 144). L'historiette, évidemment d'origine franciscaine, paraît
controuvée.
134 Golubovich, III, 68.
135 Ibid, III, 313; IV, 1-60. - Sur tout ceci, cf. l'étude de Leonhard Lemmens, Die Franziska¬
ner im hl. Lande, I, Die Franziskaner auf dem Sion (1335-1552), 2e éd., Münster 1925 (Franziska¬
nische Studien, Beiheft 4). Jean de Winterthur fait écho à cette fondation : cf. C. Brun, Die
Franziskanermissionen und der Orient bei Johann von W., dans Zeitschrift für schweizerische
Kirchengeschichte, XVII, 1923, p. 32-37.
136 Golubovich, III, 411. Cette résidence existait dès 1345.
264 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Les Franciscains de Terre Sainte n'avaient pas le droit de prê


publiquement aux Musulmans : ils se limitaient au service des pèlerin
pape leur donna le soin d'assurer l'inquisition en Terre Sainte et en Eg
- les pèlerins débarquaient initialement à Alexandrie pour gagner Jé
lem par le Caire et le couvent du Sinai - en raison de la présence pos
d'hérétiques parmi les visiteurs des Lieux Saints138 Les Franciscains
étaient pas moins exposés à des vexations de toute sorte; à plusieurs r
ses, ils furent expulsés, voire massacrés, lorsque le sultan décidait d'use
représailles à l'égard d'une puissance latine, que ce fût lors de la « cro
d'Alexandrie» menée par Pierre 1er de Chypre ou lors du conflit entre le
tan Barsbay et le roi Alphonse d'Aragon139. Mais, parmi les motifs de
vexations, figurent aussi les conversions vraies ou supposées de Musulm
ou les abjurations de rénégats qui intervenaient du fait des Franciscain
Le couvent de Jérusalem, que doublait une annexe à Bethléem, pr
tait un autre intérêt pour la propagation de la doctrine catholique : c
les contacts qu'il réservait aux Franciscains avec les pèlerins de
confession et avec les religieux des autres monastères de Jérusalem141
Dominicains du XIIIe siècle avaient pu en profiter pour nouer des rela
avec les chefs des Eglises orientales; les Franciscains du XVe allaient
de même.
Les Dominicains laissèrent pratiquement aux Franciscains le mono
des Lieux Saints (où cependant il avait été question de les installe
1322) : toutefois, en 1348, le chapitre général se préoccupait de la fond
de deux couvents, l'un à Jérusalem et l'autre à Bethléem. Ce projet
pas de suite; à nouveau, en 1382, Clément VII autorisait les Frères

138 Supra, p. 133.


139 La croisade de Pierre 1er de Chypre entraîne la fermeture du couvent et la m
douze franciscains dans les prisons de Damas : Golubovich, V, 113-116. Cf. aussi Ahme
rag, L'Egypte sous le règne de Barsbay, 825-841 / 1422-1438, Damas 1961, p. 269-286 (In
français de Damas).
140 Ces conversions et abjurations peuvent d'ailleurs avoir été discrètes, car les con
gagnaient Chypre où ils pouvaient déclarer publiquement leur foi : par exemple Suri
trattato di Terra Santa e dell'Oriente di frate Francesco Suriano, éd. Golubovich, Milan
p. 161. - Liste des martyrs franciscains, dont plusieurs martyrisés à Jérusalem: Monu
franciscana, éd. Brewer, p. 526-528; cf. P. Durrieu, Procès-verbal du martyre de quatre
Mineurs en 1391, dans Archives de l'Orient latin, I, 1881, p. 539-546.
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 265

cheurs à accepter le lieu qui leur était offert, pour y fonder une résidence,
dans la vallée de Josaphat, par le sultan lui-même. Une fois de plus, on en
resta là142. La province dominicaine de Terre Sainte restait donc en fait,
depuis la disparition du royaume d'Arménie, réduite à ses couvents chy¬
priotes et, pratiquement, son activité missionnaire ne pouvait pas dépasser
les contacts avec les non-Latins de Chypre et la prédication aux esclaves
musulmans qui, parfois malgré leurs maîtres, embrassèrent la foi chré¬
tienne en assez grand nombre143.

b) Le concile de Florence et les commissaires apostoliques

L'implantation franciscaine aux Lieux Saints - qui ne s'était pas accom¬


pagnée de la mise en place d'un épiscopat, inutile en raison des caractères
propres aux établissements latins de Syrie, de Palestine et d'Egypte, et juri¬
diquement peu concevable puisqu'il existait un patriarche de Jérusalem,
des évêques de Bethléem et de Beyrouth, tous vivant au loin - allait se
révéler précieuse au moment où s'ouvrait une nouvelle période de l'his¬
toire des missions. On sait comment le pape Eugène IV avait été amené à
concevoir le concile, réuni pour la réforme de l'Eglise d'Occident, comme
un concile général ayant entre autres pour objet, et pour objet principal,
l'Union des Eglises. Des nécessités propres à l'empire byzantin et à ses rap¬
ports avec l'Eglise de Rome avaient ici joué un rôle essentiel. Mais nous
nous attacherons seulement aux négociations qui furent menées en vue de
l'Union des Eglises, autour du concile de Florence, avec les autres Eglises
orientales. Elles représentent en effet la dernière grande période des mis¬
sions médiévales, tout en faisant revivre les entreprises menées, notam¬
ment lors de la réunion des conciles de Lyon I et Lyon II, par les papes du
XIIIe siècle144.
Eugène IV, en accord avec les Pères de Bâle, avait essayé dès 1433 de
faire parvenir ses lettres au catholicos arménien, Constantin VI. Mais c'est
un Franciscain, Jacques des Primadizi de Bologne, qui joua ici le rôle essen-

142 Reichert, Acta capit. gener., II, p. 323; Eubel, Die avignonesische Obedienz, n° 185.
143 En 1426-1427, un certain nombre d'esclaves baptisés préféraient, dit Makhairas, per¬
dre la vie plutôt que de rejoindre leurs anciens coreligionnaires, lors de l'invasion des Mame-
lûks dans l'île.
266 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

tiel. Il avait été désigné le 29 juin 1437, comme vicaire du ministre gén
des Franciscains dans tous les pays d'Orient (vicarius in partibus omn
orientalibus) et envoyé « à Caffa et à Péra, chez les Sarrasins, païens, G
Bulgares, Ethiopiens, Ibères, Alains, Khazars, Goths, Syriens, Perses, Mè
Ziques, Ruthènes, Russes, Sissi (Scythes?), Jacobites, Nubiens, Nestor
Géorgiens, Arméniens, Indiens, Turcs, Steliti (Mossoulitains), Tartares,
des, Polonais, Hongrois de Grande Hongrie » - on reconnaît là rémun
tion des bulles cum hora undecima, avec plusieurs cacographies - pour
ter et réformer les couvents (à commencer par celui de Caffa), avec pou
de prêcher, d'ériger des couvents et d'emmener avec lui de nombreux
res145.
Il s'agissait pour lui d'introduire la régulière observance dans les
vents franciscains d'Orient, ce qui était une des grandes préoccupation
cette période146. Mais Jacques prenait également contact avec le catho
arménien. Deux évêques arméniens sont présents, en tant que procur
de ce dernier, quand on proclame l'Union avec les Grecs (9 avril 1438
juillet de la même année, la délégation arménienne est constituée,
l'évêque arménien de Péra et trois vartabed. Jacques les accompagne,
un autre Franciscain, Basile, et un Uniteur, Nersès147. Le 13 août 1439
sont à Florence; on travaille sur les textes de Daniel de Tabriz, du co
de Sis de 1307; le 22 novembre 1439 était proclamé le Decretum pro A
nis, qui résolvait enfin la question des rebaptêmes et reconnaissait l'a
rité du patriarche sur tous les évêques arméniens, y compris ceux de
de Caffa, de Lwów et de Kamieniec ,48.
L'Union fut proclamée dès 1440 à Caffa et les autorités génoise
montrèrent extrêmement désireuses d'appliquer les décrets de Flore
reconnaissant au délégué du patriarche, le vartabed Sarkis, devenu ch
lain du pape, le droit de statuer sur tout ce qui avait trait à leur adop
écrivant au patriarche pour lui demander d'approuver le décret149,

145 Hüntemann, Bull. Franc., I, 295, 297, 300. La présence des Polonais (Polonorum
prend . . .
146 En même temps que lui, le Dominicain Nicolas de Ferrare était envoyé réform
couvent des Frères Prêcheurs de Péra (lorga, Notes et extraits, II, 343) ; cf. G. Hofmann,
tliche Gesandtschaften für den Nahosten. 1415-1453, dans Studia missionalia, V, 1950, p. 6
147 Un Dominicain, Thomas Siméon, avait lui aussi servi d'interprète (A. Vigna, Cod
II, 2, p. 700-701).
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 267

quant un consul qui paraissait avoir fait cause commune avec les adversai¬
res de l'Union150. En Pologne, où Lwów avait un évêque arménien depuis
1356 au moins, et où l'évêque Grégoire avait manifesté un grand zèle pour
l'Union, en envoyant ses représentants à Florence, le roi Casimir exige lui
aussi d'un nouvel évêque de Lwów et Kamieniec, en 1464, qu'il obtienne
des lettres «du patriarche de Grande-Arménie»151. Cette précision laisse
d'ailleurs un doute : c'était le catholicos de Sis, Constantin VI, qui avait
engagé les négociations pour l'Union; après sa mort, on sait que les monas¬
tères de G rande-
Arménie avaient exigé de son successeur, Grégoire IX, qu'il
quitte la Cilicie pour revenir dans leur pays et que, sur son refus, ils élurent
un catholicos qui s'établit à Etschmiadzin (Vagharschapat) en 1441; Gré¬
goire IX et son successeur Karapet se déclarant fidèles à l'Union, non sans
précautions, l'attitude du catholicos d'Etschmiadzin fut de refuser toute
concession aux Latins. Mais cette attitude fut-elle aussi tranchée qu'on
l'admet généralement? Le texte polonais n'est pas seul à donner à penser
que, reconnu par les évêques de Caffa, de Lwów et de Péra, le catholicos de
Grande-Arménie maintenait des contacts avec l'Eglise de Rome152.
Jacques des Primadizi était revenu en Orient, où il fut renouvelé dans
ses fonctions de 1442 à 1444, avant d'être rappelé en Italie pour prendre la
charge de la flotte chrétienne153. Un autre envoyé pontifical, l'évêque de
Coron Christophe Garatoni, avait cependant été chargé de se rendre en
Géorgie en même temps qu'à Byzance, mais sa mission n'a pas laissé de tra¬
ces154. Il n'en est pas de même pour un autre Franciscain, le célèbre Albert
de Sarteano. Celui-ci, qui avait déjà été chargé en Orient d'une mission en
rapport avec l'introduction de l'Observance dans les couvents des Lieux-

150 lorga, Notes et extraits, III, p. 55, 66, 67, 72. Le patriarche confirme désormais le choix
de l'évêque arménien de Caffa; il a son légat à Caffa : Vigna, Cod dipl., II, 2, p. 30-31, 101, 118,
186 (à l'occasion d'une double élection, les protecteurs précisent que les agents de Gênes
n'ont d'autre pouvoir que de faire exécuter les mandements du patriarche).
151 Sdislaus Obertynski, Die Florentiner Union des polnischen Armenier, dans Orientalia
Christiana periodica, t. XXXVI, 1, 1934.
152 Fr. Tournebize, Arménie (dans Diet. hist, et géogr. eccl.) admet que ce fut Grégoire IX
Moussabékiantz, catholicos de Sis, qui donna en 1450 son adhésion à l'Union; mais Grégoire
était mort en 1446; selon G. Hofmann, art. cité, c'est le catholicos de Vagharschapat - alors
Grégoire X - qui avait agi en ce sens Thomas de Medzoph (mort en 1446) rapporte la nais¬
sance du catholicat d'Etschmiadzin en lui donnant un sens nettement anti-chalcédonien;
268 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Saints155, se vit investir, également en 1439, des fonctions de commis


apostolique dans les partes Orientales, l'Inde, l'Ethiopie, l'Egypte et à Jé
lem. Il était spécialement chargé par Eugène IV de travailler à réa
l'Union entre l'Eglise latine et les églises orientales séparées de Rom
partait pour le couvent de Beyrouth muni de lettres pour Thomas, « em
reur des Indes», Jean, «empereur des Ethiopiens» et pour les Coptes15
Albert prit sans doute des contacts à Beyrouth, mais sans se rend
Jérusalem; il se rendit directement en Egypte. On a dit que, lors de
séjour au Caire, il avait été menacé de mort, soit pour avoir prêché
hardiment, soit parce que les Mamelûks veillaient à empêcher les con
entre Occidentaux et Ethiopiens157, et qu'il avait fallu le racheter à
d'argent; que son voyage s'était ensuite poursuivi par Jérusalem d'
aurait voulu atteindre l'Océan Indien par l'Asie mineure et la Perse.
étude récente a démontré qu'il n'avait pas quitté le Caire, où le patria
copte, peu désireux sans doute de voir les Latins traiter directement
l'Eglise d'Ethiopie qui relevait en principe de son autorité, le dissuad
passer outre, se chargeant d'informer lui-même les Ethiopiens de la pr
mation du décret d'Union avec les Grecs - auquel le patriarche me
d'Alexandrie donna lui-même son adhésion. Albert repartit pour l'I
avec un envoyé du patriarche copte, l'abbé André, qui adhéra au d
d'Union avec les Coptes, le 4 février 1442. Et ce serait par une autre
que l'abbé éthiopien de Jérusalem, Nicodème, aurait été incité à se rend
Florence où il participa à ces négociations158.
Albert était sur le point de repartir pour l'Ethiopie, de façon à ob
l'adhésion des autorités religieuses de ce pays au décret Cantate Domin
le voit qualifié de nuncius in partibus orientalibus le 3 janvier 1443,
mission d'assister Jacques des Primadizi dans la réforme des couvent

155 II rend compte au pape, le 23 mars 1436, de l'état des Lieux-Saints.


156 Huntemann, op. cit., I, p. 442-444; R. Pratesi, Nuovi documenti sul Β. Alberto d
teano, dans Archivum francisc. hist, LIII, 1960, p. 70-110.
157 Un envoyé abyssin, revenant de la cour d'Aragon avec deux autres messagers, do
religieux latin, est exécuté en 1429 (Ahmed Darrag, L'Egypte sous le règne de Barsbay,
340).
158 Franciscus Haroldus, Beati Alberti a Sarthiano, O. M. reg. obs., vita et
Romae 1688; G. Hofmann, Kopten und Aethioper auf dem Konzil ... ; Raynaldus, Annal
367 et suiv.; E. Cernili, Eugenio IV e gli Etiopi al concilio di Firenze nel 1441, dans Rend
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 269

Constantinople et Caffa, ce qui laisse supposer qu'il entendait reprendre la


route de la mer Noire. Là-dessus on apprit que des envoyés éthiopiens
auprès du sultan du Caire avaient pris contact avec les Franciscains à
Bethléem et leur avaient fait savoir que les lettres de l'abbé Nicodème
contenant la formule d'union étaient arrivées en Ethiopie et avaient été
approuvées.
De fait, les relations entre Rome et l'Ethiopie entraient dans une phase
nouvelle : en 1450, une ambassade de l'empereur Zar'a Yaqob, composée
d'un religieux éthiopien, d'un Sicilien fixé depuis longtemps en Ethiopie,
Pietro Rombulo de Messine, et d'un « Maure », arriva à Rome pro nonnullis
arduis negotiis edam honorem sancte apostolice sedis concernentibus159. Elle
reprit la route de l'Ethiopie; mais, peu d'années après, Calixte III envisa¬
geait d'associer le Négus aux opérations menées contre les Turcs et, lui
écrivant à cette fin, exprimait son vœu de maintenir l'union entre les Egli¬
ses160. En 1480, l'empereur Eskander envoyait un messager au sultan du
Caire avec, prétendait-on, mission de ramener de Grèce un prélat pour se
faire couronner par lui : le gardien des Frères Mineurs du Mont-Sion insis¬
tant pour que ce soin fût laissé à des Latins, on aurait écrit à Rome, les
envoyés faisant acte d'obédience envers le pape qui donna mission au
vicaire général des Franciscains d'envoyer des religieux en Ethiopie. De
fait, deux d'entre eux partirent; l'un d'eux, Jean de Calabre, y parvint effec¬
tivement et y trouva un certain nombre d'Italiens qui s'étaient fixés, de gré
ou de force, en Ethiopie. On envisagea encore des négociations en vue de
l'Union. Mais, cependant, Sixte IV avait donné à des moines abyssins une
chapelle à Rome : l'union éthiopienne, très vague sans doute dans la réalité,
paraissait donc effective à ses yeux161.

159 C.-M. de Witte, Une ambassade éthiopienne à Rome en 1450, dans Orient, christ, period.,
XXII, 1956, p. 286-298; C. Trasselli, Un Italiano in Etiopia: Pietro Rombulo da Messina, dans
Rassegna di studi etiopici, I, 2, 1941. (Pietro Rombulo aurait raconté comment le «roi du
Cathay», un chrétien vassal des Mongols - auprès duquel lui-même aurait été envoyé en
ambassade par le Négus - aurait envoyé au pape deux évêques de l'église indienne).
16° Râynaldus, Annales, X, p. 85. De telles lettres avaient été échangées entre les souve¬
rains éthiopiens et les rois d'Aragon : Cerone, La politica orientale di Alfonso di Aragona, dans
Archivio storico per le provincie napoletane, t. XXVII, 1902, p. 3-93, et XXVIII, 1903, p. 154-212.
161 L'histoire du messager éthiopien est rapportée dans l'Itinerarium Terrae Santae du
Franciscain Paul Walther (Tubingen, 1892, p. 37-43); celle de Jean de Calabre, dont le rapport
270 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Ce n'est sans doute pas Albert de Sarteano qui avait pris contact
les Maronites du Liban. Nous savons que le patriarche maronite, Jean
Gagî, remit au gardien du couvent franciscain de Beyrouth une profe
de foi et un acte d'obédience qui furent remis au pape par un des relig
du couvent, en 1439 - tandis qu'Albert allait apporter à Rome une lettre
Maronites de Jérusalem, et que l'évêque maronite de Chypre d
envoyer sa propre adhésion aux décrets de Florence (en s'engageant
plus mêler d'huile à la matière de la consécration) en 1445 162 En rép
Eugène IV envoyait au patriarche le pallium, le bâton pastoral et la m
comme jadis l'avait fait Innocent III163. Mais il désignait aussi un Fra
cain, Antoine Trojano, comme «commissaire apostolique dans les pro
ces des Tartares, d'Assyrie, de Perse et d'Ethiopie, ainsi qu'auprès
nations des Maronites, Drusolytes (sic), Nestoriens et Syriens, sauf dan
lieux de Terre Sainte». (15 décembre 1440). Ce curieux titre (voulait-on
pecter la délégation confiée à Albert de Sarteano qui avait Jérusalem
sa circonscription, ou bien n'y avait-il là que le désir de laisser les L
Saints et les couvents franciscains de Terre Sainte en dehors de sa jur
tion?) correspondait en fait à une mission auprès des peuples du L
pour les faire adhérer aux décrets du concile; il amena effectivemen
1444 à Rome des représentants des Maronites et des Druses164.
Antoine fut remplacé cette année-là par deux commissaires apos
ques : l'un, Gandolfo de Sicile, gardien du Mont-Sion, in partibus orie
bus, Indiae, AEgypti et Hierusalem.', l'autre, Pierre Ferrarius, du couven
Saint-Sauveur de Beyrouth, in provincia Syriae apud nationes Maronita
Drusolitarum et Surianorum .

Renato Lefèvre, Roma e la comunità etiopica di Cipro nei secoli XV e XVI, dans Rasse
studi etiopici, I, 1941, p. 71-86 (le couvent Saint-Sauveur de Nicosie, dépendant du mon
éthiopien de Jérusalem, se met en 1456 sous la protection du Siège Apostolique pour é
per aux vexations que lui auraient infligées des Coptes de Chypre, hostiles à l'Union
prieur, Paul, fut chargé de mission par Rome auprès du roi d'Ethiopie).
162 Ceci laisse supposer que le patriarche avait été directement approché par les rel
de Beyrouth, Albert de Sarteano n'étant pas passé par le Liban, tandis que les évêques
taux de Chypre furent pressentis par les Latins de Chypre.
163 Le Quien, Oriens christianus, III, 54-65; H. Lammens, Frère Gryphon et le Liban a
siècle, dans Revue de l'Orient chrétien, IV, 1899, p. 68 et suiv.
164 Huntemann, Bull. Francis., I, 501; Wadding, Annales Minorum, XI, p. 99, 164. En
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 271

En fait, le rôle du commissaire apostolique fut essentiellement d'être


un résident auprès du patriarche maronite. Car, si ce dernier était sincère¬
ment acquis à la cause de l'union, il apparaissait que la longue interruption
des relations entre Latins et Maronites avait redonné vigueur aux influen¬
ces monophysites qui s'exerçaient dans certaines contrées du Liban; et les
Franciscains estimaient que les usages liturgiques des Chrétiens du Liban
appelaient des corrections166. Un Flamand, Gryphon, qui avait conquis son
doctorat à l'Université de Paris, envoyé en 1442 en Terre Sainte, et ayant
appris l'arabe à Jérusalem, joua un rôle essentiel dans ce rapprochement
des usages latins et maronites. Le pape Paul II, en 1469, recommandait au
nouveau patriarche, Pierre, de suivre les conseils de Gryphon167 qui mourut
peu après, mais dont l'œuvre fut continuée par d'autres personnages qui se
qualifiaient eux-mêmes du titre de «commissario apostolico de li Maroni-
thi », Alexandre Ariosto, puis Francesco Suriano168.
Les efforts d'Eugène IV, secondé par ses commissaires franciscains,
atteignirent également les Syriens : l'archevêque d'Edesse, Abdallah, vint à
Rome comme représentant du patriarche syrien, le 30 septembre 1444. Les
prélats orientaux de Chypre avaient également été invités à adhérer à
l'Union sous la forme définie au concile : en 1445, avec l'évêque des Maroni¬
tes, celui des Nestoriens faisait acte d'obédience au Siège apostolique169. Et,
si l'on retient le témoignage de Pietro Rombulo tel que nous le rapporte
Pietro Ranzano, un souverain chrétien de l'Inde (?) aurait également envoyé
une ambassade pour manifester sa volonté de communion avec le Saint

vicaires in provincia Orientali, il s'agit des pays habités par les Grecs d'Europe et d'Asie (Hün-
temann, op. cit., I, 844).
166 Cf. lettre d'Alexandre Ariosto à Simon de Reggio : le pape Sixte IV l'a envoyé pour
Maronitarum gentem, orthodoxe fidei quasi neophitum, ab inveteratis erroribus, superstitionibus,
eripere, en 1476.
167 Raynaldus, Annales ecclesiastici, X, p. 476.
168 Cf. H. Lammens, Frère Gryphon et le Liban·, lettre d'Alexandre Ariosto, dans Iorga,
Notes et extraits, V, p. 5-10; Suriano, Trattato di Terra santa, p. 68-71 (il nous apprend que Gry¬
phon avait fait entrer dans l'ordre franciscain quelques Maronites, et qu'il vivait parmi ceux-
ci avec un seul frère). Sur la persistance de l'influence monophysite, cf. Kamal S. Salibi, The
Maronite church in the Middle Ages and its union with Rome, dans Oriens christianus, XLII,
1958, p. 101-104; des conflits armés surgirent, qui s'achevèrent par la dispersion des éléments
monophysites.
169 La tâche, ici, incombait à l'archevêque de Rhodes André Chrysobergès, qui fut envoyé
à Chypre aussitôt après la conclusion de l'Union avec les Syriens (G. Hofmann, Päpstliche
Gesandtschaften, p. 64-65). Cf. A. Vogt, Florence (concile de), dans Diet, de théologie cathol, VI, 1,
c. 46-49. Chrysobergès devint en 1447 archevêque de Nicosie et légat à Chypre, Rhodes et
272 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Siège170. Et les Melkites avaient également manifesté leur bonne vol


sans aller très loin171.
Il vaut la peine de remarquer combien ce mouvement en faveu
l'union rappelle les échanges de professions de foi, accompagnées de m
festations de respect envers le Siège de Pierre, qu'on avait connus au
siècle. Le fait nouveau tenait à ce que le concile de Florence s'était at
à effacer les obstacles à une véritable communion dans la foi et les rit
Nous avons essayé de montrer dans quelle mesure chacun des dé
d'union traduisait une réalité vécue; elle ne saurait être sous-estimée,
que dans tel cas - comme pour les Maronites - l'union fut poursuivie
persévérance, tandis qu'ailleurs les accords passés avec les chefs des h
chies orientales n'entraînaient guère de conséquences pratiques.
C'est là que le rôle des commissaires apostoliques aurait pu être im
tant. Nous avons vu qu'à partir de 1440, et surtout de la nomination de
phon, le commissaire auprès des Maronites est devenu un véritable con
ler du patriarche, en même temps qu'un représentant permanent du

personnes,
170 Supra,
dont
p. deux
269 n.évêques
159 : ce de
roi l'église
de Cathay
indienne»
aurait pour
envoyé
reconnaître
à Rome une
la primauté
délégationpont
de

Mais un des évêques serait mort à Alexandrie, pendant le voyage d'aller; l'autre sur le G
après être revenu de Rome par Jérusalem; et un seul des ambassadeurs serait parve
terme du voyage de retour. Il est inutile de dire que, si nous sommes invités par ces i
tions à chercher ce « Cathay » dans l'Inde, rien de permet de l'identifier avec quelque
de certitude.
171 On parle d'un synode de Jérusalem où, en 1443, les trois patriarches melkites au
décidé de refuser l'Union de Florence; son existence n'est pas absolument assurée; l'arc
cre d'Antioche Moïse Giblet, personnage assez énigmatique, se portait garant, en 14
l'adhésion de ces mêmes patriarches à l'Union : G. Hofmann, Papst Pius II und die Kirch
heit des Ostens, dans Orientalia Christiana periodica, XII, 1946, p. 224-228 (cf. Ο. Halecki,
matie pontificale et activité missionnaire en Asie aux XIIIe XIVe siècle, dans Comité inte
se. historiques, XIIe Congrès, Vienne 1965, Rapports, II, p. 23-24 et 31). Quant à Ale
Ariosto, il rapporte qu'ayant parcouru les chrétientés grecques de Syrie, d'Egypte et d
nie, pour les inviter à adhérer aux décrets de Florence, il rencontra un refus du patriar
Jérusalem; celui d'Antioche louvoya; les moines du Sinai (où les Latins avaient une cha
l'usage de leurs pèlerins) se retranchaient derrière les décisions des prélats dont ils
daient : Viaggio nella Siria . . . (1475-1478), éd. G. Ferraro, Ferrare, 1878, p. 57-58. La date
voyage est sans doute antérieure à 1475.
172 Le souci de maintenir l'individualité de chaque rite est bien marqué : Nico
interdit aux catholiques, en 1448, de prendre argument de l'Union pour passer à l'Eglis
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 273

auprès de lui. Les autres commissaires, auxquels avaient été confiées des
missions diplomatiques dans une aire très étendue, ne semblent pas avoir
eu la possibilité d'agir de même : Albert de Sarteano, malgré ses efforts, n'a
pu joindre ni Γ «empereur de l'Inde», ni 1'«
empereur d'Ethiopie», et a tout
au plus pu rencontrer à l'occasion d'un unique voyage les deux patriarches
d'Alexandrie; Jacques des Primadizi n'a sans doute eu de contacts avec le
catholicos d'Arménie que par l'intermédiaire du vicaire de celui-ci à Caffa.
Il n'empêche que l'institution des commissaires apostoliques relayait
dans une certaine mesure celle des évêques et archevêques du siècle précé¬
dent. Ils étaient en fait investis des pouvoirs d'un vicaire du ministre géné¬
ral des Frères Mineurs, renforcés par ceux d'un légat pontifical. Mais leur
rôle ne paraît pas être allé jusqu'à la constitution de communautés catholi¬
ques relevant d'une hiérarchie dépendant directement du Pape : ils étaient
essentiellement voués à la réunion à Rome des Chrétiens séparés, pris dans
l'ensemble de leurs Eglises. C'était le renouveau de l'idée qu'avaient cares¬
sée les papes du début du XIIIe siècle.

c) Les dernières missions médiévales

Les commissaires apostoliques que nous connaissons exercent leurs


fonctions dans des cadres géographiques qui n'ont plus rien de commun
avec les vicairies et les custodies du XIVe siècle. Le fait que la quasi-totalité
d'entre eux appartienne à l'ordre franciscain peut s'expliquer par l'impor¬
tance que prend, à l'époque qui suit le Grand Schisme, la question de
l'Observance dans l'ordre des Frères Mineurs, suscitant à la fois l'envoi de
religieux pour introduire la réforme dans les couvents éloignés et un nou¬
veau zèle pour les missions173. Les Dominicains, toujours présents à Péra et
à Caffa, sont également à l'œuvre en Arménie et en Géorgie, en liaison avec
les Frères Uniteurs dont le nombre des couvents s'est réduit, mais qui res¬
tent actifs, notamment sur les rives de la Mer Noire.
La vieille mission de Comanie et du Qipcaq connaît cependant un
renouveau, à partir des couvents de Lwów, de Podolie et de Volhynie, et de
la Hongrie. Le rapprochement polono-lithuanien a changé les conditions de
274 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

l'évangélisation174; les Tartares se sont alliés aux Lithuaniens, et cert


d'entre eux se sont réfugiés dans les territoires du grand-duc Witold175
travail missionnaire a repris en Comanie hongroise. Et l'on voit, en 1
Grégoire XII se féliciter des succès de l'évangélisation en pays ruth
lithuanien et tartare, où l'on a enregistré plus de vingt mille conversion
autorise le Franciscain Jean de Pologne, dit le Petit, à emmener de
confrères dans ces pays. Jean XXIII fait aussi état des conversions qu
multiplient pour ordonner la construction d'églises paroissiales desti
aux Tartares devenus chrétiens176. Mais il ne semble pas que les couv
de Crimée jouent dans l'œuvre missionnaire destinée aux partes Aquilon
le rôle qui avait été le leur un siècle plus tôt : le monde tartare n'est
celui qu'ont connu les missionnaires de la fin du XIIIe et du XIVe siècle
l'approche des infidèles à convertir se fait, comme au début du XIIIe, à
tir des frontières des pays de vieille chrétienté.
Dans ces nouvelles perspectives, les provinces ecclésiastiques de K
baliq, de Sarai', de Sultanieh, de Matrega, paraissent bien oubliées, et
elles ces novellae plantationes fidei qui avaient donné lieu, au XIVe sièc
la naissance et à la prolifération des évêchés missionnaires. Aussi vaut
peine de s'arrêter sur une dernière tentative de faire revivre l'épisc
missionnaire : celle de Louis de Bologne.
Personnage controversé, certes, que ce Franciscain, simple frater l
qui paraît avoir été l'un des compagnons d'Albert de Sarteano, le
l'envoya à Rome, en 1436-1438 177. En 1454, il appartient toujours au cou
de Jérusalem; il forme alors le projet de se rendre avec deux compag

àLes
(Lwòw)
la Tartares
174 Sur
Hongrie,
: c'est
ces
perdent,
attire
àconditions,
cette
celle-ci
date
au milieu
que
cf.
dans
G.ladu
son
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Papauté
siècle,
orbitele
crée
Ilau
contrôle
papato,
moment
levêché
l'Europa
de de
la Valachie,
où Milcov
ellecristiana
occupe
(1347).
lorsque
elesiDu
Tartari,
terres
lacôté
Pologne,
russie
du
p. 40
no

Lithuanie reste païenne jusqu'au mariage de Jagellon et d'Hedwige (1386). Cf. Bratian
Mer Noire, p. 281-283.
175 Sur l'alliance polono-tartare (ou plutôt lithuano-tartare), cf. B. Spuler, op. cit.,
140. L'influence des Jagellons se fait, au début du XVe siècle, sentir jusqu'en Crimée.
176 Fontes, XIII, 1, 151; A. Theiner, Vetera monumenta historica Hungariam sacram
trantia, II, p. 191 (Jean XXIII attribue ces conversions aux Franciscains et, se référan
intentions de Sigismond, roi de Hongrie, rappelle qu'il a existé dans cette contrée des é
détruites par les Tartares, et autorise, avec la création d'églises paroissiales, la nomin
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 275

dans l'Inde et en Ethiopie : Nicolas V approuve ce projet et leur accorde


dispense du jeûne et de l'abstinence. Calixte III va plus loin, accroissant le
nombre des missionnaires, leur confiant de nouvelles tâches, leur donnant
des moyens financiers (11 mai 1455), avant de ramener le nombre des com¬
pagnons de Louis à quatre, le 10 janvier 1456 178.
Louis et son confrère Barthélémy de Foligno179 se rendent en Orient,
où ils voulaient demander à Constantin Zar'a Yaqob son aide contre les
Turcs; mais, ayant rencontré en Egypte des religieux éthiopiens, ils les
ramènent avec eux, non sans avoir visité en Perse et en Géorgie les « chré¬
tiens qu'on appelle Francs»180. Calixte III l'encourage à repartir pour l'Inde
et pour l'Ethiopie, où notre Franciscain envisage de recruter des Frères et
de fonder des monastères, avec l'aide des religieux éthiopiens. Mais Louis
ne devait pas réaliser son projet : son activité va se concentrer sur les pays
caucasiens. Pie II, ayant pris connaissance des protestations de fidélité éma¬
nant des patriarches d'Antioche (melkite, maronite), des catholicos d'Armé¬
nie, de Géorgie, des Chaldéens, des deux patriarches d'Alexandrie, de
l'empereur de Trébizonde et des rois de Géorgie et de Perse - c'est-à-dire
de Qwarqwaré II d'Akhalzikhé et de Georges VIII d'Iméréthie - que Louis
avait rapportées de sa mission de 1456-1457, le renvoie aux Orientaux avec
le titre de nonce apostolique en Orient (octobre 1458) 181.
Le pape envisageait, dans ses lettres, une coopération militaire avec le
souverain turcoman du Mouton-Blanc, Uzun Hassan, et avec l'empereur
d'Ethiopie, contre les Turcs et les Mamelûks182. Mais, lorsque Louis de
Bologne revient, à la fin de 1460, c'est en compagnie d'ambassadeurs de
l'empereur de Trébizonde, des deux rois géorgiens, d'Uzun Hassan et d'un
émir d'Arménie, dont quelques-uns au moins l'avaient accompagné à tra¬
vers la Tartarie, la Hongrie et l'Allemagne - leur passage à la cour impé¬
riale, en octobre 1460, avait fait grande impression Pie II, très favorable¬
ment impressionné, lui conféra le titre de patriarche d'Antioche et les fonc¬
tions de légat apostolique auprès des princes d'Orient183. Louis reprit aussi-

178 Hüntemann, Bull. Franc., I, 1738; II, 33.


179 Lequel obtient faculté de prêcher et d'absoudre dans toutes les partes orientales (ibid.,
II, 404).
I80/fcù£, II, 411 et 413.
181 Wadding, Annales Minorum, XIII, 60.
276 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

tôt, avec ses compagnons, la route de Paris, puis de la cour de Bourg


la « grande ambassade » s'étoffant en cours de route de nouveaux pers
ges, tel un représentant du Prêtre Jean, qui se joint à lui en mai
L'authenticité de leur mission prêtait de plus en plus à suspicion; m
sont les incartades de Louis en matière ecclésiastique (il se pare trop t
titre patriarcal; il accorde en qualité de légat des dispenses extravag
il se fait conférer la prêtrise et sacrer à Venise sans l'aveu du pape) qu
citent l'indignation de Pie II. Celui-ci ordonna qu'on l'emprisonnât;
Louis avait déjà repris le chemin de l'Orient184.
Louis devait réapparaître, toujours chargé de missions diplomat
à la cour de Pologne en 1465, pour se faire éconduire du reste par
Casimir IV; puis en 1473, à la cour du duc de Bourgogne, qui lui conf
titre de conseiller et l'envoie à Uzun Hassan, «pour certaines matiè
affaires secretz»185. Cette mission, sur laquelle on a émis des doutes,
foi de l'ambassadeur vénitien Contarmi (qui rencontra effectivement
à la cour de Tabriz, se disant envoyé du duc de Bourgogne et apportan
présents au souverain turcoman qui - nous dit Contarmi - paraissait n
le connaître), peut être rapprochée des ambassades que le même Uzun

184 L'ambassade de 1460-1461 est regardée comme authentique notamme


O. Halecki, Diplomatie pontificale et activité missionnaire en Asie aux XIIIe, XIVe et XVe
p. 24; elle est considérée comme très suspecte par Anthony Bryer, Ludovico da Bolog
the Georgian and Anatolian embassy of 1460-1461, dans Bedi Kartlisa. Revue de Kartvé
XIX-XX, 1965, p. 178-198. Aux yeux de cet auteur, les envoyés géorgiens au moins v
bien des pays caucasiens; mais le fait que tous, ainsi que les représentants des souvera
comans et arméniens, avaient le crâne rasé, parfois à l'exception d'une touffe de c
l'amène à les regarder comme des Franciscains déguisés, ou des chrétiens latins ayant
la tonsure franciscaine. Il nous semble que la mode turco-tartare du crâne rasé a ét
largement adoptée (notamment en Pologne) pour que cet indice puisse être écart
doutons aussi que l'imprudente démarche du Franciscain, compromettant aux y
Grand Turc les émirs de l'Anatolie orientale, l'empereur de Trébizonde, ait été la cau
campagne dirigée contre eux précisément en 1460-1461. Mais il est certain, la démons
de M. Bryer le prouve, qu'il y avait dans les allégations de Louis de Bologne toute u
d'affabulation, que les lettres des souverains ne sont certainement par toutes authenti
que des imposteurs se sont joints au groupe. Avaient-ils l'impression d'exprimer rée
les intentions des potentats orientaux au nom desquels ils parlaient? Agissaient-ils e
tion d'instructions plus ou moins officieuses, transmises par des intermédiaires? Il no
ble difficile de trancher.
LES MISSIONS DE LA MER NOIRE ET DU CAUCASE 277

san avait confiées à un médecin juif en vue de conclure des alliances avec
les Occidentaux contre les Ottomans186. Mais Contarini, ulcéré de ce que
Louis le quitta à Tiflis le 6 août 1475 pour entreprendre seul le voyage à tra¬
vers la Russie et la Tartarie, le regarde comme un imposteur187.
Quoi qu'il en soit de son rôle diplomatique, Louis de Bologne se pré¬
sentait dès 1457 comme le porte-parole des «Franchi» qui, en terre d'Asie,
suivaient le rite romain et qui souhaitaient faire de lui leur prélat.
Calixte III envisageait favorablement cette demande; Pie II, en 1458, se
contentait de le faire son nonce. Mais, lorsqu'il revient, il apporte une nou¬
velle requête demandant que lui fût conféré le titre de patriarche - titre
qui, soit dit en passant, paraît déjà lui avoir été donné en Orient, si on en
croit ses dires, et les lettres qu'il apportait avec lui.
Pie II donna suite à cette requête par une bulle du 9 janvier 1461 188 ; il
lui interdisait toutefois, nous dit-il dans ses Commentarli, de prendre le titre
patriarcal avant son retour à Rome, les bulles étant provisoirement laissées
en garde à un cardinal, de façon à ce que l'on pût déterminer exactement le
ressort du patriarcat en question189. Louis ne s'en para pas moins du titre
de « patriarche eslu par toutes les nations d'Orient » (de même qu'il n'hési¬
tait pas à conférer un titre de comte palatin à l'un de ses compagnons, ni à
donner des dispenses). A son retour à Rome, Pie II le tança vertement et
refusa de lui faire donner ses bulles, sans toutefois lui refuser l'argent de
son voyage de retour : à Venise, Louis se faisait ordonner prêtre et, selon
Pie II, recevait la consécration épiscopale. Et, malgré ce pape, il continua à
se dire patriarche d'Antioche, comme nous l'attestent aussi bien les docu¬
ments relatifs à l'ambassade de 1473 que le récit de Contarini.

ist Mayer A. Halevy, Le rôle d'Isaac Beg, médecin et ambassadeur de Uzun-Hassan en Mol¬
davie et dans les pays voisins, communication présentée au XVe Congrès intern, d'histoire de
la médecine, Madrid, septembre 1956.
187 Josafa Barbaro et Ambrogio Contarini, Travels to Tana and Persia, London 1873, p. 136,
140 et 144. - Avant de s'embarquer pour l'Italie, à Caffa, en 1471, Louis avait pris soin de se
munir d'attestations délivrées devant l'évêque de Caffa; nous ne les possédons malheureuse¬
ment pas.
188 Hüntemann, Bull. Francisa, II, 866. - Notons que Calixte III, en décembre 1457, avait
recommandé aux christiani Franchi de choisir une personne idoine in vestrum omnium caput.
En prenant le titre de « patriarche eslu par les chrétiens d'Orient », Louis de Bologne ne fai¬
sait peut-être que dire la vérité : certains catholiques de Géorgie, en présence des lettres pon¬
tificales, ont pu penser que ce missionnaire actif et bien en cour auprès du Saint-Siège serait
278 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

La portée de cette désignation nous paraît assez compréhensible. L


de Bologne, vieux routier des pays d'Anatolie et du Caucase, avait pu c
tater que les différents rites relevaient tous d'un patriarche (le titr
catholicos ayant tendance à s'effacer devant celui de patriarche), qu
fussent les Géorgiens, les Arméniens, les Chaldéens, les Syriens. Seul
Franchi, c'est-à-dire les Chrétiens de rite latin, ralliés à Rome par les
sionnaires du XIVe et du début du XVe siècles, n'avaient pas de prélat
sent en Orient, au grand dam de leur identité confessionnelle. Et ce
lai, qu'il est permis de supposer fort peu lettré, s'imagina de se faire co
rer le titre patriarcal par ses coreligionnaires de Géorgie ou de Gra
Arménie. Rome ne trouva pas l'idée inadmissible : Pie II conféra effec
ment le titre patriarcal à Louis, en se réservant d'étudier ce que représe
raient exactement les pouvoirs du nouveau patriarche, ce qui nécess
une étude de la situation de la hiérarchie latine, ou ralliée à Rome, en
d'Orient, dont la Curie n'avait probablement plus qu'une conception
vague. Quant à savoir ce que fit Louis de Bologne pendant ses séj
orientaux, il nous faut nous résigner à l'ignorer190.
Mais, quelles qu'aient été ses outrecuidances et ses hâbleries, il
reste pas moins que le Franciscain avait été l'un des derniers à se préo
per du sort des Chrétiens catholiques que les missionnaires avaient imp
tés au Moyen-Orient, et dont les voyageurs vénitiens qui l'ont connu
rencontré quelques représentants. Mis à part les Arméniens-unis,
contacts allaient de ce côté être rompus.
Ceux d'Extrême-Orient furent peut-être moins oubliés. Car, dan
quête des chemins qui menaient vers les Indes ou la Chine, le souc
retrouver les Chrétiens du Cathay n'a pas été absent. Et c'est en les
chant encore que Bento de Goes allait, au début du XVIIe siècle, ré
aux Occidentaux la route qui menait de l'Inde à la Chine.

190 Deux études récentes ont apporté de nouveaux éléments sur Louis de Bologn
archives de sa famille conservent, à côté d'induits qu'il avait demandés pour les siens,
tre de recommandation que Calixte III lui avait donnée à l'intention du khan turk
Gahan-Sâh (Janssa Assiriorum regi ac principi Babilonie), le 22 décembre 1457, ce qu
indiquer qu'en 1458 il ne se rendit pas auprès de ce dernier : Angelo Bargellesi-Severi,
documenti su fr. Lodovico da Bologna, al secolo Lodovico Severi, nunzio apostolico in O
dans Arch. Franc, hist., 69, 1976, p. 3-22. En 1473, c'est en compagnie d'Anselme Adorn
prit la route de l'Orient comme ambassadeur du duc de Bourgogne; mais Anselme le
L'histoire des missions latines dans l'Asie médiévale et dans les parties

de l'Afrique qui appartiennent au monde oriental ne nous est connue qu'à

travers des sources très fragmentaires. Des pans entiers de cette histoire

nous restent inconnus, dès lors que les registres pontificaux restent muets.

Grâce à ces registres, il nous est possible de suivre les destinées des sièges

épiscopaux; grâce aux textes arméniens, de refaire l'histoire des Frères Uni-

teurs. Mais, lorsque la Papauté n'a pas eu à intervenir, nous restons dans

l'ignorance. Que devinrent, après 1330, les missions de l'Inde du Sud et de

Transoxiane? Quelle fut la pénétration des missionnaires dans les provin¬

ces de Sarai et de Matrega? Quels évêchés y furent érigés, et combien d'évê-

ques se succédèrent-ils sur ces sièges ? Autant de questions auxquelles nous

ne pouvons répondre qu'en rassemblant des éléments très dispersés et

insuffisants à nous informer complètement.

Lorsqu'un ouvrage comme les Annales omnium temporum de Pietro

Ranzano fait état du témoignage, sur l'Extrême-Orient, d'un Dominicain du


282 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Cet aveu d'ignorance doit nuancer les conclusions que nous pouv
avancer à la fin de notre enquête. Il est malheureusement probable
nous n'aurons jamais le moyen de faire progresser nos connaissance
moins de découvertes en dehors des textes et des archives aujourd
accessibles.
Compte tenu de ces préliminaires, l'histoire des missions peut para
jalonnée par un certain nombre d'échecs. Echec, en premier lieu, de la
tative d'amener les Mongols au christianisme : la déconvenue de Rubro
voulant trouver en Sartaq un chrétien répondant à l'idée qu'il se fa
d'un prince chrétien est suivie par bien d'autres. Les rapports presque
caux des papes avec les Il-Khans, les bonnes intentions marquées par T
taï, Tina-bäg, Älgigidäi, et bien d'autres à l'égard des missionnaires, les h
neurs prodigués à Jean de Montecorvino ou à Marignolli n'empêchent
qu'en définitive les Tartares de Perse, du Qipcaq, du Djagataï, passen
l'Islam, ceux du Cathay au bouddhisme. Au milieu du XIVe siècle,
espoir doit être abandonné de ce côté : un siècle d'efforts s'est révélé in
fisant à attirer les Mongols au christianisme.
Echec aussi de l'Union des Eglises, sous la forme envisagée au XIIIe
cle. L'adhésion obtenue à plusieurs reprises, tant à la primauté rom
qu'à la foi professée par le Siège Apostolique de la part de quasi-tous
chefs des Eglises orientales auxquels les papes du XIIIe siècle ava
envoyé leurs messagers se révélait, à l'expérience, sans effet sur les part
larismes des différentes communautés. Un Montecorvino, au contact
Nestoriens du Cathay, un Ricoldo, parmi les chrétiens de diverses con
sions de Mésopotamie, constataient que la profession de foi acceptée
les patriarches ou les catholicos n'avait aucun poids auprès de leurs o
les qui restaient fidèles à leurs traditions et à leurs rites, même enta
d'erreur aux yeux des théologiens latins. Les efforts dépensés au XIVe
cle, notamment auprès des Arméniens, permettaient aux Latins de ga
du terrain, mais sans jamais être certains que les promesses qui leur éta
faites l'étaient de cœur, plutôt que de bouche. Les actes d'adhésion se
cédaient; mais il fallut les reprendre tous au concile de Florence, et,
les années qui suivirent, essayer de faire confirmer l'acceptation
décrets du concile : sans cesse proclamée, l'Union restait sans cesse
question2.
LES MISSIONS MÉDIÉVALES : SUCCÈS OU ÉCHEC? 283

Echec, enfin, des fidelium novellae plantationes, c'est-à-dire de l'implan¬


tation des communautés de rite latin. Echec relatif, car nous avons vu que
des conversions en nombre relativement important - elles se chiffrent ici
ou là par dizaines de milliers - ont été acquises tant au Cathay qu'en Inde,
au Daghestan, en Tartarie du Nord et ailleurs. Mais, en dépit des espoirs
qu'avaient fait naître les bulletins de victoire d'un Montecorvino, d'un Jour¬
dain Cathala, d'un François de Camerino, d'un Jean de Ziquie, d'un Thomas
Mancasola, ces chiffres restaient bien faibles au regard de la masse des
païens, des infidèles, des chrétiens séparés de l'Eglise romaine au milieu
desquels les novellae plantationes se trouvaient situées. D'ailleurs, ces plan¬
tationes posaient une question de principe, difficile à résoudre. Il s'agissait
de communautés nettement définies, avec leur clergé, sous la houlette des
évêques latins que nous connaissons : elles se séparaient ainsi des chrétien¬
tés d'autre rite dont les chefs, officiellement, étaient en union avec Rome.
Le cas des Frères Uniteurs de Grande-Arménie, oublieux de l'autorité
reconnue par le pape au catholicos de Sis, est particulièrement notable.
Mais il explique comment, après un grand siècle de création de diocèses
latins, on en revint, autour de 1439, aux négociations avec les patriarches et
catholicos des Eglises d'Orient, en vue de réaliser l'Union des Eglises.
Ce qui est certain, c'est que la vague de conversions qui décide de la
création d'un siège épiscopal ou d'une province ecclésiastique s'amortit
relativement vite, et qu'on crie bientôt à l'aide. L'histoire des missions
médiévales est jalonnée de voyages de missionnaires à Avignon ou à Rome
en vue d'obtenir des renforts, des encouragements, dans l'espoir de repren¬
dre la conquête des âmes et de maintenir dans la foi celles qui ont déjà été
conquises. Et l'on s'interroge sur les causes de ces ralentissements, de ces
reculs. Il en est une qui apparaît toujours nettement : c'est la disparition
d'une génération de missionnaires, fauchés par la mort, rentrés en Occident
ou autrement indisponibles. Ainsi Rome doit-elle reprendre en 1328-1330,
puis en 1349, puis en 1374 3 l'équipement de la province de Sultanieh; les
grandes expéditions à destination de la Haute-Tartarie et du Cathay ont le
même caractère.
La Grande Peste apparaît comme responsable d'un moment où se tarit
l'encadrement des missions4. Certes, les couvents ont été partout frappés

adresser la confession de foi du concile de Florence, afin que la Géorgie suive la vraie foi
(Tamarati, L'église géorgienne, p. 460-463).
284 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

de façon particulièrement spectaculaire par la mortalité; certes, Jean


Leominster est venu apporter à Avignon des nouvelles fort alarmantes
postes de mission dominicains de la province de Sultanieh - et nous n
sommes demandé si la peste n'avait pas aussi été responsable du sil
qui se fait sur l'archevêque envoyé à Khanbaliq pour remplacer Monte
vino. Néanmoins, dès 1349, Avignon pourvoit au remplacement des évê
défunts dans la province de Sultanieh; Jean de Marignolli et ses com
gnons ont tenu la place vide de l'archevêque au Cathay; et c'est en 1349
se crée une nouvelle province, celle de Matrega. Accident sérieux, certe
Peste Noire n'a pas dû arrêter réellement l'effort missionnaire - mêm
les vides creusés dans les couvents occidentaux ont pu rendre problém
que le remplacement des missionnaires
Jean III de Sultanieh incriminkit, à propos de la mission du Cat
l'indifférence du Saint-Siège à l'égard des appels des chrétiens de c
contrée5, et Dietrich de Nyem, lui faisant écho, rend les désordres
Grand Schisme d'Occident responsables du désintérêt dont souffrent
missions auprès des infidèles6. Mais nous avons rencontré des témoign
de l'intérêt que pape de Rome et pape d'Avignon ont marqué pour les
sions, sans nous dissimuler pour autant que les préoccupations q
avaient d'autre côté ont pu nuire à celles-ci. Ce qui est plus probable,
que le Schisme a mis fin à une tentative d'organisation d'un service ch
des missions à la Curie. Jules Gay a relevé la confection d'un registre
cialement consacré aux infidèles à la chancellerie d'Urbain V7; et
goire XI a institué la commission d'experts dont nous avons parlé,
résoudre les difficultés que rencontraient les missionnaires. Ave
Schisme, on ne retrouve plus trace ni d'un souci de constituer des dos
propres aux questions missionnaires, ni de confier celles-ci à un gr
d'évêques et de théologiens. Néanmoins les Ordres, qui ont tout spéc
ment charge des missions, ont réussi à maintenir leurs organismes miss
naires. C'est même à ce moment que les Franciscains ont, semble-t-il, m
fié leurs cadres traditionnels en créant, eux aussi, une Societas fratrum
grinantium imitée de l'exemple dominicain, qui pouvait peut-être, dans
certaine mesure, pallier les inconvénients suscités par le Schisme.

5 II précise que, s'il ne s'est pas lui-même rendu au Cathay, c'est faute d'avoir o
societatem a sede apostolica (Libellus de notitia orbis).
LES MISSIONS MÉDIÉVALES : SUCCÈS OU ÉCHEC? 285

Les dévastations inhérentes aux campagnes de Tamerlan, qui ne man¬


quait pas de les justifier en se couvrant du prétexte de la guerre sainte, et
en menant des opérations particulièrement sévères contre les Géorgiens,
ont considérablement éprouvé les chrétientés latines de la région cauca¬
sienne, en Arménie, en Géorgie, au Daghestan, plus au Nord encore. Les
bulles pontificales y font écho, et permettent de reconnaître dans cette
tourmente une des plus rudes épreuves subies par les missions. Les conver¬
sions forcées imposées à leurs sujets par les khans mongols passés à l'Islam
ont certainement aussi éprouvé celles-ci8. Néanmoins, nous l'avons vu, les
chrétientés relèvent la tête après les orages, et les gens du Daghestan vont
jusqu'à organiser leur défense sous la forme d'une croisade. . .
Plus grave, à notre sens, a été la constitution de l'empire ottoman. Les
Mamelûks, à la fin du XIIIe siècle, ont sciemment fait obstacle aux relations
de la Papauté et de l'Occident avec les chrétiens orientaux; ils ont agi de
même au XIVe siècle avec les Arméniens et les Ethiopiens, ceci pour empê¬
cher des coalitions dont ils auraient pu éventuellement souffrir. Les Otto¬
mans, à leur tour, n'ont eu garde de témoigner envers les Latins la tolé¬
rance qu'avaient pratiquée les Mongols, même islamisés. Ils ont surtout
interrompu les relations directes de l'Occident avec les pays du Moyen-
Orient; il a fallu que se crée une route commerciale à travers la Pologne, la
Moldavie et la Tartarie pour relier la Crimée à l'Occident9, et ceci modifie
les conditions dans lesquelles les missionnaires peuvent atteindre leur ter¬
rain d'action. L'Union entre Rome et l'Eglise grecque ne survit pas à la
prise de Constantinople, et Louis de Bologne s'emploie à organiser la résis¬
tance à la conquête par les Osmanlis de l'Asie mineure orientale ; le glas des
missions de la Mer Noire est sonné lorsque les Turcs liquident les comp¬
toirs génois. En ce sens, on peut dire que Nicopolis et Varna ont été des
coups très durs portés aux missions latines, et la prise de Constantinople
par Mahomet II également.
L'histoire de ces missions n'est cependant pas seulement celle de leurs
échecs. Nous avons constaté que, bien que le silence se fasse pour nous sur

8 La conversion forcée n'est d'ailleurs pas toujours générale; on voit même des couvents
bouddhistes subsister dans l'empire timouride : cf. J. Deny, Un soyurgal du timouride Sähruh
en écriture ouïgoure, dans Journal Asiatique, 245, 1957, p. 253-266.
9 Dès la deuxième moitié du XIVe siècle, la route à travers la Moldavie et celle à travers
286 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

telle ou telle terre de mission, on voit celle-ci réapparaître après un


espace, et témoigner de la vitalité de la «plantation de la foi». De l'
viennent des pèlerins plus de soixante-dix ans après la prédication de J
dain Cathala, quarante ans après l'apparition épisodique du nom de
successeur. Louis de Bologne se porte témoin de la présence de très n
breux «Franchi» dans les royaumes géorgiens, et Contarini recoup
témoignage; au XVIe siècle, les Géorgiens catholiques continuero
témoigner de leur attachement à l'Eglise romaine 10. Ils bénéficient, fau
religieux venus des pays latins, de l'appui que leur fournissent les « Fr
Prêcheurs Unis d'Arménie», dont Nakhidjevan est le centre essent
Nous savons qu'à la fin du XVe siècle les missions du Daghestan sont
jours bien vivantes, malgré les déprédations qu'elles subissent de la par
leurs voisins musulmans.
Qu'en est-il du lointain Cathay? Si l'on en croit Fernao Mendes Pin
- mais Yule a baptisé celui-ci le « prince des menteurs. . . » - un Hong
du nom de Mathieu Escandel, après avoir été ermite au Sinai, serait
en Chine avec des marchands du royaume de Tenasserim et aurait pr
et accompli des miracles, aux environs de 1410, dans une petite vil
Chine : les Portugais auraient retrouvé une petite chrétienté latine en
vivante et fervente vers 1550. Mais nous savons qu'au début du XVIIe s
des envoyés mongols à la cour de Moscovie exprimaient le désir d'alle
pèlerinage à Jérusalem et à Rome : comme pour les Indiens de 1403-
nous ne pouvons guère que conclure à la survivance de traditions rem
tant aux chrétientés chaldéennes du XIIIe siècle, d'où le futur Yahba
III et son compagnon Barçauma étaient partis en pèlerinage aux L
Saints, mais aussi aux missionnaires latins du XIVe siècle13.
Ce qui subsiste des chrétientés latines, isolées et coupées du m
occidental, est sans doute bien faible, mis à part l'îlot arméno-géorgi

IU Tamarati, ouvr. cité, I, p. 463-466. Cf. les lettres portées à Paul III par deux Domin
de Nakhidjevan, avec celles du pape, attestant l'effet des prédications des Uniteurs s
quatre rois géorgiens de Tiflis, de Koutaïs, de Kakhétie et d'Akhalzikhé (1545-1546).
11 Cf. M. A. Van den Oudenrijn, Bishops and Archbishops of Naxivan. Plusieurs év
vont au XVIe siècle, se faire consacrer à Rome.
12 Les voyages adventureux de Fernand Mendez Pinto, trad. Bernard Figuier, Paris
p. 343-347 (cf. Moule, Christians in China). Le village en question est appelé Xifangan,
dit voisin de Cohilouzaa: l'identification de ces localités reste douteuse.
LES MISSIONS MÉDIÉVALES : SUCCÈS OU ÉCHEC? 287

Mais les conséquences de l'Union de Florence, préparée par deux siècles de


contacts et de conversations, devaient se prolonger beaucoup plus loin.
Les moyens mis en œuvre par les missionnaires, nous les avons rencon¬
trés. Après une période où il leur a fallu passer par l'intermédiaire d'inter¬
prètes, ils se sont mis à l'étude des langues orientales; ils ont traduit les
livres liturgiques, de telle sorte qu'au Cathay comme en Arménie ou au
Daghestan, l'emploi du turc ou de l'arménien pour les offices est devenu
courant, et le Codex cumanicus en apporte le témoignage. Le chant liturgi¬
que a été l'un des grands moyens employés pour attirer et retenir les néo¬
phytes. L'exemple de la vie religieuse que donnaient Dominicains et Fran¬
ciscains a beaucoup compté également. Enfin, auprès des élites lettrées, les
théologiens et les canonistes occidentaux, apportant des œuvres qui ont été
traduites, ont fait connaître une pensée qui a eu une profonde influence.
Que ce soit auprès des infidèles, par exemple des tribus de la steppe que
convertissaient et accompagnaient les missionnaires qui s'étaient adaptés à
la vie nomade, ou auprès des chrétiens orientaux auxquels s'adressait un
Barthélémy da Poggio, les religieux latins paraissent avoir trouvé le ton de
prédication qui convenait à leurs différents auditoires.
Un apostolat apud gentes ne pouvait se concevoir sans un réseau des¬
tiné à le soutenir matériellement et spirituellement. Certes, dans l'Asie
ouverte aux Occidentaux des XIIIe, XIVe et même XVe siècles, les mar¬
chands ont apporté aux religieux une aide inappréciable; ils leur ont aussi
apporté certaines exigences : les Génois de la Mer Noire tenaient à avoir
leurs religieux franciscains et un évêque dans chaque cité, mais ils les invi¬
taient à ne pas troubler la paix de leurs comptoirs par un apostolat impor¬
tun auprès des Grecs ou des Arméniens de Caffa ou d'ailleurs. . . Mais c'est
d'Occident que les missionnaires attendaient l'essentiel du soutien qui leur
était nécessaire.
Le canal par lequel passait ce soutien, nous l'avons vu, était essentielle¬
ment constitué par la Papauté et par les Ordres. Nous avons cherché à défi¬
nir l'action de l'une et des autres. Seule la Papauté était à même de doter
les missionnaires de pouvoirs excédant ceux que le droit canonique recon¬
naissait aux simples prêtres - jusqu'au moment où il lui parut que l'implan-

Nestoriens de l'Inde et de Socotora; mais, bien que s'étant trouvé à Quilon aux environs de
1440, il ne mentionne pas d'avantage de chrétiens de rite latin. Par contre, Pietro Rombulo
précise que, marié en Ethiopie, il élève ses enfants en bons catholiques; les chrétiens de Caffa
se procurent des prêtres catholiques jusque sur les marchés d'esclaves : il existe ainsi des sur¬
288 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

tation d'une hiérarchie épiscopale régulière répondait mieux aux beso


des fidelium novellae plantationes -. Cet épiscopat missionnaire, jouissa
de privilèges exceptionnels et de faveurs, telles que l'octroi des bulles gr
pro Deo, la donation d'un anneau épiscopal offert par le pape, des subsi
pour les longs voyages à accomplir jusqu'aux territoires de mission, dev
assurer aux communautés de néophytes une vie liturgique susceptible
se perpétuer, l'évêque ordonnant (ou réconciliant) des prêtres, assur
l'administration des sacrements. La mise en place de provinces ecclésias
ques assurait à cet épiscopat la possibilité de vivre d'une vie indépendan
les évêques, élus soit par le couvent servant de chapitre, soit dans d'aut
conditions - telles que le choix par l'archevêque lui-même -, élisant l
métropolitain, et celui-ci exerçant ses fonctions sans attendre que Rome
eût envoyé le pallium. Même isolée, la province ecclésiastique pouv
vivre sans attendre l'intervention du Siège apostolique.
Au temps de la centralisation avignonnaise, un tel programme est d
remarquable. Ce qui vaut d'être souligné, ce n'est pas qu'il ait en géné
échoué dans sa réalisation - que ce soit parce que la Curie faisait automa
quement jouer les réserves pontificales, ou parce que le chiffre des évêq
encore présents dans la province au décès du métropolitain rendait imp
sible la consécration, sur place, de son successeur -, c'est qu'il ait effecti
ment joué dans un certain nombre de cas. L'inconvénient, pour l'histori
c'est d'être obligé de tirer parti de Γ argumentum a silentio : du fait que n
ne possédons pas la bulle de provision, avons-nous le droit d'en concl
que l'évêque avait été élu sur place? Mais des indices - ne fût-ce que
mention de six cités épiscopales autrement inconnues dans les « monts C
piens», l'élection à Soldaya même d'un évêque de Soldaya, le privil
d'élire les évêques reconnu à tel couvent d'Uniteurs - permettent d'appu
cet argumentum a silentio.
En gros, l'on peut sans doute dire que la Papauté avait mis dans l'in
tution archiépiscopale des espoirs qui furent déçus. Si la province de Su
nieh s'est maintenue, vaille que vaille, pendant plus d'un siècle, ce fut gr
aux injections perpétuelles de sang nouveau que la Papauté lui assura
aux conditions particulières nées de l'Union de Qrnay. Celle de Khanba
démesurée, connut de longues éclipses; celles de Vospro, Matrega et Sa
ne vécurent guère que le temps de la vie de leur premier archevêque. M
l'institution archiépiscopale n'était-elle pas partout en perte de vitesse
XIVe siècle?
LES MISSIONS MÉDIÉVALES: SUCCÈS OU ÉCHEC? 289

res qui vivaient dans les couvents occidentaux. Aux temps modernes, la
propagande pour les missions s'est faite surtout grâce aux « lettres édifian¬
tes » écrites par les missionnaires depuis les lieux de leur apostolat et large¬
ment répandues en Occident. Le Moyen-Age en a connu l'équivalent : les
lettres des Franciscains du Qipcaq, celles de Montecorvino, de Jourdain de
Séverac, de Pierre Geraldi, font le bilan d'une action missionnaire en
demandant des secours, des renforts, des prières pour les « pérégrinants ».
Un auteur a tout spécialement recueilli des textes de ce genre : c'est le
Franciscain Jean de Winterthur, dont la chronique, écrite à la gloire de
l'ordre des Frères Mineurs15, a conservé entre autres la substance de la let¬
tre du premier Franciscain qui ait rejoint Montecorvino en Chine, Arnold
de Cologne. Jean, qui témoigne d'un intérêt tout particulier pour les mis¬
sions, paraît d'ailleurs avoir recueilli des «on-dit» qui ne figuraient proba¬
blement pas dans des «lettres édifiantes»16. Mais c'est lui qui atteste l'écho
que trouvaient ces écrits, qui jouaient à l'égard des missions le rôle des
excitato riae dans l'histoire des Croisades.
Non contents de fournir des recrues, les Ordres assurent leur encadre¬
ment grâce à des institutions qui permettent de passer outre aux régies
habituellement observées dans chacun d'eux. C'est la Societas fratrum pere-
grinantium dominicaine; ce sont les vicairies et les custodies franciscaines
en Orient, en Tartarie Aquilonaire, au Cathay, qui exercent la correction
des Frères envoyés en mission, qui demandent pour eux les privilèges
nécessaires, leur fournissent des livres, des secours.
Les circonstances changent; les cadres se transforment : on parle de la
«province de Damas» à propos du couvent franciscain de Beyrouth; le nom
d'Aquilonaris a disparu, et quand on parle de partes septentrionales, c'est à

15 Cf. Fr. Baethgen, Franziskanische Studien, dans Historische Zeitschrift, CXXXI, 1925,
p. 421-471. Voir aussi, notamment, C. Brun, Die Franziskanermissionen und der Orient bei
Johann von Winterthur dans Zeitschrift für schweizerische Geschichte, XVII, 1923, p. 29-37.
16 Telle l'anecdote ridiculisant le manque de courage des Dominicains en Egypte (supra,
p. 263 n.). Il rapporte la décapitation de seize Franciscains de Perse, à la date de 1341, en
amplifiant peut-être et en déformant une information concernant le martyre de William Wai¬
den à Selmas. (Chronicon , éd. G. von Wyss, dans Archiv für schweizerische Geschichte, t. XI,
p. 172-173). A la date de 1342, il raconte comment le ministre général de l'Orde, legacione
summi pontificia functus, aurait converti le roi et le peuple d'une certaine île, auxquels le cha¬
pitre général réuni à Assise envoya des missionnaires pour les baptiser (p. 230) : il est impos¬
sible de rapprocher ce passage d'un fait connu. Selon C. Brun (Die Franziskanermissionen
290 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

propos de la Russie et de la Carélie17; le nom de partes orientales a pris


acception plus vague18. Au milieu du XVe siècle, les bases d'où partent
missionnaires franciscains sont Caffa, pour les pays du Caucase, et les c
vents de Terre Sainte, pour les pays du Moyen-Orient, l'Inde et l'Ethio
les Dominicains usent volontiers des couvents polonais pour partir en
sion à travers les pays infidèles, mais sans négliger Péra et Caffa. D'aille
la réforme de l'ordre franciscain, qui avait été secoué au XIVe siècle
l'agitation des Spirituels jusqu'en pays de mission, donne un nouvel e
aux missions sous l'impulsion des religieux de l'Observance - les Prima
Sarteano, Gryphon, Louis de Bologne -.
Les papes aussi modifient les structures données aux missio
Eugène IV nomme des commissaires apostoliques, là où, un siècle plus
on aurait désigné des évêques. L'accent est mis cette fois sur l'Union
Eglises, au point que les chrétiens de rite latin manquent d'un chef s
tuel, et que Louis de Bologne imagine de prendre un titre patriarcal p
assumer cette direction.
Faut-il conclure qu'on avait cessé, à Rome, de croire possible la con
sion des infidèles par les missionnaires latins, et qu'on en était revenu
conception du début du XIIIe siècle, s'en remettant aux chrétiens orien
de ce soin? C'est sans doute aller bien au-delà des perspectives que
pouvait nourrir à la Curie. Mais il paraît certain que les papes du XVe
cle, passionnés par les contacts pris avec l'Ethiopie, poursuivant sans se
ser les négociations en vue de l'Union des Eglises, n'ont pas cherché à r
mer les missions implantées au XIVe siècle et qui se bornent à survivr
où la chose est possible. On a l'impression d'un certain essoufflemen
l'effort missionnaire, tel qu'il s'était défini au XIIIe et au XIVe siècles.
Des chrétientés implantées par les Latins en pays d'Orient, beauc
s'étiolent et disparaissent progressivement. Et nous pouvons nous inte
ger pour en discuter les causes 19.
Les papes d'Avignon avaient voulu donner à ces chrétientés la poss
lité de vivre sur elles-mêmes, sans être exagérément dépendantes du S
Apostolique, avec une organisation qui leur permît de se perpétuer

17 Ripoll, III, 109 (12 août 1439).


18 Cf. supra, p. 265 et suiv.
LES MISSIONS MÉDIÉVALES: SUCCÈS OU ÉCHEC? 291

recourir à lui. L'institution des provinces ecclésiastiques en pays de mis¬


sion, qui se plaçait dans la droite ligne de la tradition canonique, prend
ainsi tout son sens : elle assurait le renouvellement, au sein de la province
elle-même, d'une hiérarchie épiscopale - puisque la confirmation par le
métropolitain et la consécration par les co-évêques, s' ajoutant à l'élection,
suffisaient à créer un évêque Celle-ci, à son tour, assurait le renouvelle¬
ment du clergé par le jeu des ordinations, et, par son intermédiaire, la per¬
manence de l'offrande du sacrifice de la Messe et de l'administration des
sacrements. Autrement dit, le fonctionnement normal de l'institution pro¬
vinciale assurait à la communauté chrétienne son indispensable vie liturgi¬
que.
Mais, précisément, l'institution provinciale était trop aventurée pour
fonctionner normalement, dans son état de fragilité20. Il n'est pas exclu que
l'unique recrutement des chapitres cathédraux par l'assimilation de cer¬
tains couvents aux chapitres du type occidental, ait été une cause de fai¬
blesse de l'institution; il est certain que l'on avait trop pris, au XIVe et au
XVe siècles, l'habitude de recourir au Siège Apostolique, qu'il s'agisse de
pourvoir aux sièges épiscopaux et archiépiscopaux, ou de transférer un pré¬
lat d'un siège à un autre, pour que les remplacements s'effectuassent quasi-
automatiquement sur place. Nous savons combien rapidement disparurent
les archevêques dans la majorité des provinces; est-ce parce que l'on ne vit
pas les fidèles demander à Rome de nouveaux titulaires - exception faite
du Cathay où Montecorvino avait tenu une place considérable -, ou parce
que Rome manquait en ce domaine d'un suffisant esprit de continuité?
De ce fait, les novellae plantationes devinrent vite exsangues. Et les
communautés catholiques vécurent ce que vivaient aussi les communautés
chaldéennes d'Extrême-Orient ou de l'Inde, attendant de leur catholicos
l'envoi d'un métropolite, d'un évêque, voire d'un prêtre21. Or l'isolement de
ces communautés catholiques, - constituées au temps où la paix mongole,
malgré les premiers déchirements de l'empire gengiskhanide, était une réa¬
lité -, devint peu à peu tragique. Dès les environs de 1340, Tabriz cesse

20 A noter que, dans l'Eglise grecque des XIIIe et XIVe siècles, la multiplication des métro¬
poles autocéphales témoigne elle aussi de l'affaiblissement de l'institution de la province
ecclésiastique.
292 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

d'être régulièrement fréquenté par les marchands; l'Océan Indien,


couru par tant de voyageurs occidentaux dans les premières décennie
XIVe siècle, ne l'est plus au XVe que par de rares aventuriers du type
Nicolo de' Conti, qui s'était fait musulman. L'Asie centrale, agitée par
convulsions du khanat de Djagataï, est désormais de traversée bien
sûre, et son unification par Tamerlan ne lui assura pas une paix durab
Il n'est pas jusqu'aux pays du Caucase qui ne deviennent d'accès d
cile quand les Ottomans commencent à contrôler les Détroits, tandis
les Mamelûks ne relâchent que peu à peu leur vigilance à interdire p
quement l'accès de l'intérieur de leurs Etats, et à plus forte raison
l'Ethiopie, aux chrétiens d'Occident. Les hommes passent difficilement
messages et les nouvelles filtrent également avec peine.
Cet isolement, en fait, est la rançon d'une certaine démesure. Les O
dentaux du XIIIe siècle ont été saisis d'un véritable vertige en découv
l'ampleur du monde que leurs connaissances géographiques ne leur ava
pas permis de deviner avant les voyages d'un Plancarpin ou d'un Rubro
ils se sont lancés intrépidement à la conquête de ce monde, sans entre
pleinement son immensité, et il faut arriver à Jourdain Cathala de Sév
pour qu'un voyageur ose écrire que la chrétienté occidentale ne représ
même pas la vingtième partie des habitants du monde. On s'est sans d
illusionné aussi sur les effectifs des fidèles des Eglises orientales q
croyait au XIIe siècle bien plus nombreux que les Sarrasins et les païen
reste que les Dominicains, les Franciscains, la Papauté, n'ont pas h
devant cette multitude d'âmes à conquérir; la réaction des frères Pol
face des millions de Chinois qu'ils découvraient a été de demander q
ques missionnaires - et il semblait suffisant à Grégoire X de leur con
deux Frères Prêcheurs. . .
Sans doute faut-il incriminer aussi l'insuffisance d'une doctrin
matière œcuménique. Les Latins étaient fort novices en ce qui concer
les relations avec les Orientaux, lorsque les Croisades les mirent en con
avec eux : leur expérience se limitait, en fait, aux différends latino-grecs
le facteur politique jouait un grand rôle. La volonté d'unité qu'ils ap
taient, conséquence normale de la doctrine de l'Eglise catholique sur la
mauté de saint Pierre et les responsabilités qu'elle entraînait, a été un
teur nouveau dans les rapports entre les communautés chrétie
d'Orient; elle a rencontré des bonnes volontés équivalentes - un Nersè
LES MISSIONS MÉDIÉVALES: SUCCÈS OU ÉCHEC? 293

sans trop de peine les messagers pontificaux auprès des chefs des Eglises,
laissaient subsister de profondes divergences. Ricoldo de Montecroce a
défini une attitude très souple : si la foi doit être unique, les rites peuvent
différer. Mais les rites sont la traduction des dogmes dans la liturgie. Aussi,
dès les pourparlers pour l'Union arménienne qui s'engagent à la fin du XIIe
siècle, Rome commence-t-elle à demander la modification de certains usa¬
ges, soit parce qu'ils maintiennent des clivages choquants (à propos, par
exemple, de la date des fêtes), soit parce qu'ils sont entachés de telle ou
telle signification non orthodoxe (notamment l'usage de ne pas mettre
d'eau dans le vin du calice ne trahit-il pas la volonté de ne pas adhérer à la
doctrine chalcédonienne sur les deux natures du Christ?).
Les Latins ont été ainsi amenés, par les exigences d'une unité réelle¬
ment vécue, à des prises de position qui peuvent apparaître excessives,
encore qu'elles ne leur aient pas été propres. Le renouvellement du bap¬
tême reçu dans une autre confession, que les Nestoriens voulaient imposer
aux Grecs, au témoignage de Rubrouck, et aux Alains, du temps de Monte-
corvino, et que certains Byzantins voulaient de leur côté imposer aux
Arméniens, résultait d'un doute pesant à la fois sur la forme du baptême22
et sur la doctrine christologique sous-jacente à celle-ci. Que ce «rebap¬
tême» fût maladroit, même lorsqu'il était donné sous condition, la chose
est certaine; que cette pratique fût le résultat d'une aspiration à l'authenti¬
cité de la foi vécue en commun, c'est également chose certaine. Mais il est
évident que la recherche de l'Union des Eglises, comportant en même
temps le refus de transiger avec le dogme reçu du Christ et défini par la tra¬
dition, n'était pas chose aisée.
Il n'était pas aisé non plus de définir l'appartenance des Chrétiens
orientaux ramenés à l'union avec Rome. Pouvait-on les laisser dans leur
communauté, lorsque les chefs de celle-ci, le clergé local, les autres fidèles,
ne renonçaient pas aux affirmations dogmatiques et aux pratiques liturgi¬
ques contraires à l'Union? Si la réponse était négative, ils ne pouvaient que
rejoindre les néophytes arrachés à 1'«infidélité » dans des communautés
catholiques séparées de leurs communautés d'origine. . .
Il est inutile d'insister sur ces difficultés. Une doctrine missionnaire
plus élaborée, des recherches œcuméniques mieux éclairées, sont loin de
les avoir toutes résolues.
294 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Mais la principale cause de la disparition des chrétientés fondées


les missionnaires médiévaux, ce fut certainement le manque d'homm
rançon de cette démesure que nous relevions. Quand Jean de Leomins
évalue à trois le chiffre des Dominicains vivant dans les loca de la provi
de Sultanieh - au lendemain, il est vrai, de la Peste Noire -, comment n
étonner que les chrétientés de rite latin ne se soient rencontrées qu
Mésopotamie, en Grande-Arménie et en Azerbeijan, avec deux nébuleu
éloignées dans l'Inde et au Turkestan, sans que la plus grande partie
l'Iran, l'Afghanistan, la masse constituée par l'Inde gangétique et la plup
des pays du Dekkan aient été seulement effleurés?
De ce manque d'hommes, les missionnaires sont douloureusem
conscients. Montecorvino, seul religieux latin avec quelques esclaves rac
tés, envoie de Chine des appels quasi-désespérés. Jourdain de Séve
s'écrie que la moisson est abondante, et les ouvriers peu nombreux. Qu
à Jean III de Sultanieh, il termine son Libellus par ces phrases lapidair
Ecce bona dispositio. Quid plus, nisi mittantur messores?.
Les moissonneurs, effectivement, sont venus au compte-gouttes. Qu
le pape autorise tel missionnaire, promu ou non à l'épiscopat, à emme
avec lui quatre, douze ou vingt de ses confrères, pourvu que ceux-ci so
volontaires, le chiffre nous frappe par sa modestie. Il nous manque
savoir si, lorsque le missionnaire s'adressait à son ordre, on assistait
jours aux élans d'enthousiasme que nous a décrits Géraud de Frachet à
pos de ce « chapitre des larmes » où tous les Frères, en pleurs, se porta
volontaires pour partir chez les Tartares. Ou si, en pays de mission, on a
souvent à se défendre de l'arrivée de trop de religieux peu susceptibles
plier leur gosier aux langues orientales, comme ce fut le cas en Qipcaq
Malgré tout, la carence des missionnaires nous est trop souvent a
mée pour pouvoir être mise en doute. L'essoufflement de l'Occident, si
sible au temps de la guerre de Cent Ans, ne s'est-il pas marqué dan
domaine missionnaire comme ailleurs?

Mais, en matière de missions, y a-t-il jamais succès ou échec, au


absolu du terme ? C'est à d'autres balances qu'il faudrait en peser les ré
tats, et ces balances ne sont point les nôtres. L'héroïsme, l'enthousias
l'abnégation, se rencontrent à trop de pages de l'histoire des missionna
médiévaux; trop de martyrs ont payé de leur vie la confession de leur
LES MISSIONS MÉDIÉVALES: SUCCÈS OU ÉCHEC? 295

Une œuvre marquée par des efforts prodigieux d'assimilation, de com¬


préhension, d'investigation. Ce sont des missionnaires qui ont écrit ces
récits de voyage qu'ont laissés Plancarpin ou Rubrouck, les Mirabilia des-
cripta de Jourdain de Séverac, le De statu Saracenorum de Guillaume de Tri¬
poli et combien d'autres écrits que nous avons rencontrés sur notre route
et qui ont enrichi la connaissance du monde de leurs contemporains. Dans
le Livre des Merveilles de la Bibliothèque nationale, Marco Polo - un laïc
certes, mais un laïc qui prend sa part du travail d'évangélisation, comme
ses oncles, comme Lucalongo, le compagnon de Montecorvino, comme
Guillaume de Modène, ce marchand qui versa son sang avec les Francis¬
cains d'Almaligh - voisine avec Odoric de Pordenone, le « pérégrinant » qui,
muni des pouvoirs d'un légat, visita les Lieux Saints, mais aussi l'Inde, la
Chine et l'Asie centrale. Et c'est précisément le récit des voyages d'Odoric
qui, en passant dans le livre de Jean de Mandeville23, devint la source de la
connaissance qu'eurent la fin du Moyen-Age et une partie des temps moder¬
nes des pays en question.
Ce qu'ils ont apporté à la connaissance du monde, les missionnaires
l'ont aussi apporté à la connaissance de l'Eglise. Sans le labeur des traduc¬
teurs et des controversistes du XIVe siècle, l'Union de Florence, base de
départ pour de nouveaux rapprochements œcuméniques, n'aurait pu inter¬
venir. Les noms des diverses communautés orientales - Nestoriens, Jacobi¬
tes, etc. - n'évoquaient pour les hommes du XIe siècle qu'un catalogue
d'hérésies christologiques; ils désignent désormais des collectivités humai¬
nes, avec des caractéristiques nationales, des particularismes respectables,
et l'on prendra peu à peu l'habitude d'employer d'autres vocables - Chal-
déens, Syriens. . . - qui rendront mieux compte de ces particularismes et
élimineront le parfum d'hérésie qui s'attachait aux anciens noms24.

23 Comme l'a montré Robert Fazy (Jehan de Mandeville. Ses voyages et son séjour discuté
en Egypte, dans Asiatische Studien, IV, 1950, p. 30-54), Mandeville est probablement un person¬
nage historique, qui aurait effectivement visité Constantinople, la Syrie, l'Egypte, et vécu
dans l'entourage du sultan avant de retourner vers 1356 à Liège. La question de son voyage
au-delà de l'Egypte, jusqu'au Cathay, de son retour à travers les pays soumis aux Mongols par
le même itinéraire et avec les mêmes constatations qu'Odoric de Pordenone, est beaucoup
plus discutable. Jusqu'à plus ample informé, on peut regarder cette partie du récit comme
démarquant la narration du voyageur franciscain. Cf. Albert Boveuschen, Die Quellen für die
Reisebeschreibung des Johann von Mandeville, Berlin 1888 (inaug. Diss. Leipzig). - Cf. aussi
296 LA PAPAUTÉ ET LES MISSIONS D'ORIENT AU MOYEN-AGE

Enfin les missions médiévales ont apporté à l'histoire de l'Eglise e

l'histoire tout court, de merveilleuses expériences. Des hommes excepti

nels les ont animées : Jean de Montecorvino, qui entreprit à lui seu

conquête de l'Extrême-Orient, comme Jourdain Cathala celle de l'In

Rubrouck ou Plancarpin, les découvreurs, qui se sont lancés sur les rou

encore bien inquiétantes de l'Asie, si peu de temps après la conquête m

gole; Jean de Ziquie ou Jean de Qrnay, qui, à peine acquis à la foi romai

ont attiré à elle tant de leurs compatriotes. Et combien d'autres homm

qui ont abandonné sans hésiter le monde connu pour s'aventurer dans

pays à la fois immenses et mal reconnus et y prêcher la foi, rencontr

parfois des audiences étonnamment bien disposées, parfois des rebuffa

ou des accueils polis, mais décevants, parfois aussi le martyre! Ces missi

naires, qui ont connu aussi leurs défaillances, que n'ont épargnés ni

erreurs, ni les maladresses, mais qui obéissaient avec tant d'enthousiasm

l'appel évangélique en allant annoncer la bonne nouvelle à toutes


297

TCHOUDES

PERMIENS

SAMOYEDE

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INDEX NOMINUM

N'ont pas été retenus dans cette liste, des noms qui reviennent continuellement
Mongols, Musulmans, Dominicains, Franciscains.
Des abréviations ont été adoptées pour les mots les plus usuels :
r., pour religieux,
év., pour évêque,
arch., pour archevêque,
patr., pour patriarche,
cath., pour catholicos.

Les noms de lieux, étant généralement identifiés dans le texte ou en note, ne sont pa
accompagnés ici d'éléments de localisation.

A, Ä 'Ain Jalûd, bataille : 100


Aiolà, archevêché : 48
Aaron, r. : 151 Akhalzikhé : 171, 185, 195, 256; - évêché : 183
Abaqa, Il-Khan : 83, 85, 86, 101, 102, 103, 105, 192
108, 145 Akkerman : voir Moncastro
Abaran, couvent : 223, 261 Aksaraï, couvent : 95, 243
Abdallah, arch. Edesse : 271 Alains, Alanie : 5, 27, 29, 30, 65, 81, 139, 149
Abkhazes : 179, 237, 238 153, 154, 161, 183, 184, 187, 188, 231, 237
Abraham, cath. de Géorgie : 56, 115 238, 247
306 INDEX NOMINUM

Alexandrie : 41, 239, 262, 264, 272; - patriar¬ — Solpan, r. : 254


che copte: 268, 275; - patr. melkite : 268, — , arch. Sultanieh (?) : 182
275; voir Nicolas — , év. Trébizonde : 213, 214, 233, 241
Alexis, r. : 60, 7 1 — Trojano, r. : 270
Älgigidäi, gouverneur mongol : 73, 74, 76, 98, Antonin d'Alexandrie, arch. Hiérapoli
142 210, 214
— khan mongol : 187, 189 Apahuniq, Apamée, archevêchés : 221
Ali, khan mongol : 163, 164 Apostolus : voir Arakiel
Alinjak : voir Erncak Aprakounik, couvent : 222, 223
Aliquis : 185 (id. que le précédent?) Aquilonaris (vicarie de Tartarie) : 12
Almaligh : 93, 95, 153, 162 à 166, 186, 189, 243 130, 135, 163, 164, 171, 184, 186, 23
Amaury de Lusignan, seigneur de Tyr : 200 242, 244, 246, 253, 258, 289
Ambroise Scipion, r. : 253 Aragon (roi d') : 262, 263, 264, 268, 269
— de Sienne, r. : 244, 253 Arakiel, arch. Nicopolis : 197, 198, 199
Amir Sarkis, seigneur de Tiflis : 185 — , arch. Solgat : 92
Anapa : voir Mappensis Arbèles : 111, 177
Anazarbe, archevêché et archevêques : 209, Ardaz : voir Saint-Thaddée
212, 213 Argionensis, évêché : 193, 198
Andolo de Savignone, Génois : 153 Argis, évêché arménien : 204
André Armenus de Caffa, r. : 133 Argun, chrétien mongol : 175
— , abbé copte : 268 —, gouverneur mongol : 98
— Chrysobergès, arch. Rhodes : 271 — Il-Khan : 85, 86, 102, 103, 104, 10
— II, roi de Hongrie : 23, 24 108, 114, 145, 248
— de Longjumeau, r. : 45, 59, 60, 70 à 74, 76, Ariq-biika, khan mongol : 84
77, 78, 84, 108, 142 Arménie, Arméniens : 5, 9, 10, 19, 35, 3
— de Pérouse, év. Zayton : 148, 149, 151 53, 65, 88, 91 à 93, 145, 150, 158, 15
— , arch. Solgat : 235 170, 171, 180, 186, 189, 191, 193, 196
— della Terza, r. : 132, 133, 233 254, 260, 266, 267
Andreuccio d'Assise, év. : 199 — (catholicos) : 108, 145, 159, 170, 18
Ange de Spolète, r. : 41, 236 202 à 205, 210, 212, 216, 219, 224, 24
Angleterre, roi et royaume : 104, 109, 142, voir Constantin, Etienne, Grégoir
148, 178; voir Edouard ques, Mekhitar, Paul.
Ani (catholicos) : 78 — , (ou Cilicie), royaume: 59, 99, 10
Anselin de Toucy, chevalier : 31 116, 119, 142, 196, 200 à 203, 205, 207
Anselme Adorno, envoyé bourguignon : 278 212 à 217, 224; - rois: 42, 43, 56, 6
Antioche; 38, 100, 112, 144; - chantre: 12; - 208 (voir Constantin, Guy, Héthoum
patr. latin: 9, 43, 51, 55, 61, 142, 275, 277, Oshin)
278 (voir Aimery, Louis de Bologne); - — , voir aussi Grande-Arménie
patr. grec : 183, 231, 272, 275 (voir David, —, de Crimée : 196, 201, 238, 240
Euthyme); - principauté: 49, 50, 55, 100 Arméniens-Unis : 185, 219, 223, 224, 23
(voir Bohémond); voir aussi Moïse Giblet 261, 278; voir aussi Basiliens, Unite
Antoine d'Arménie, r. : 107 Arnold de Cologne, r. : 289
— de Borgo-San-Sepolcro, r. : 244 Arzelionensis (Erzerum?), siège épisc
— de Levanto, év. Tana : 245 évêque : 193, 244
INDEX NOMINUM 30

Astrakhan, couvent, ville et évêché : 89, 95, Baudouin II, empereur de Constantinople
243, 245, 246 44, 45, 79
Athanase, évêque arménien: 198, 199 — de Hainaut, chevalier : 79
— , patr. des Jacobites : 61 — , Turc converti : 7
Augustine : 124; voir Emeri. Beauvais (évêque) : 41
Avignon (Arméniens d') : 197, 207, 211 Bela IV, roi de Hongrie : 22, 23, 27, 29, 30, 31
Aymar Monachus, patr. Jérusalem : 33 68, 71
Benoît de Pologne, r. : 70, 72, 78
— , év. Simisso : 189, 235
Bento de Goes, voyageur : 278
Β Berdibäg, khan mongol : 161
Béranger de Landorre, maître général de
Dominicains : 94, 126, 127, 130, 132, 138
Baalbek (émir de) : 45 Bernard, cardinal, év. Albi : 212
Babaron, château : 49, 207 — , r., compagnon d'Odoric : 155, 191
Bagdad : 197, 110, 115, 177, 182, 256; - Khalife — de Caffa, év. Monts Caspiens : 252
de : 44, 76, 99, 142 — , r., en Chine (?) : 155
Baîbars, sultan d'Egypte : 43, 84, 101, 103 Bernard de Guardiola, év. Dehikerkan : 177
Baïburt, évêché arménien : 204 182
Bâidù, Il-Khan : 104, 106 — Guille, r. : 1 13
Baiju, chef mongol : 71, 72, 73, 81, 87, 98 — Moret, év. Savastopoli : 175, 178
Bâle (concile de) : 265 — le Pèlerin (saint) : 39
Bandino Marzi, r. : 162 — , év. Sivas : 176, 182
Bar Andréas, théologien : 12 Bernardin de Plaisance, év. Sivas (?) : 175
Baraq, chrétien mongol : 175 176, 182
Barbaro (Giosofat), vénitien : 246, 254 Berthold Voli, év. Savastopoli : 179
Barçauma (alias Rabban Çauma) : 105, 108, Bertrand Collet, év. Tiflis : 177, 185
109, 110, 136 — de Toulouse, r. : 151
Bargadin de Metz, aventurier : 150 Bertuccius, arch. Maku : 206
Bärkä, khan mongol: 69, 77, 89, 91, 92, 95, Bessarion (le cardinal) : 240
156, 160 Bethléem, couvent : 263, 264, 265, 269
Barrarius (mont) : 172, 178 Beyrouth : 36; - couvent : 263, 265, 268, 270
Barthélémy Abbagliati, év. Tabriz : 175, 176 Biccio dei Franceschi, banquier : 200
— de Crémone, r. : 79, 81 Blaise le Génois, r. : 281
— de Foligno, r. : 275 Blanche de Castille, reine de France : 44
— da Poggio, év. Maragha : 175, 177, 178, 194, Bogos : voir Paul
217, 218, 222 Bohémond I d'Antioche : 7 ; - VI d'Antioche
— de Tabriz, arch. Tarse : 208 68, 99, 100
— de Tivoli, év. Dongola (?) : 218 — de Lusignan, prince arménien : 218
Basile, Anglais : 83 Bolac, lieu de déportation : 81
— de Bologne, év. Tana : 245, 246, 266 Bologne (Université) : 127
— de Jérusalem : 197 Bonagrazia, ministre des Franciscains : 94
— , arch. Séleucie : 209 125
308 INDEX NOMINUM

Bourgogne (duc de) : 276, 278 Chrétien, év. : 144


Boxley, couvent : 124 Christophe Garantoni, év. Coron : 26
Brodnici, peuple d'Ukraine : 22, 23, 24 Chypre : 38, 42, 61, 73, 76, 116, 120, 1
Bukhara : 186 200, 211, 215, 258, 263, 264, 265, 27
Bulgares : 30, 65, 139 archevêque : voir Germain; - roi :
— de la Volga : 21, 22, 27, 29, 30, 41, 91 Henri et Pierre)
Bunda, ville : 21, 22 Ciba : 249
Boraq, khan mongol : 187 Cimbalo (Balaklava) : 94, 161, 230, 23
Burchard de Mont-Sion, pèlerin : 7 ché : 234, 235, 243
Biiri, prince mongol : 77, 78 Circassiens : voir Tcherkesses
Buscarel de Ghisolf, Génois : 105, 110, 247 Cisterciens: 13, 16, 66, 100, 124
Buzun, khan mongol : 189 Clavijo (Ruy Gonzalez de) : 189
Codex cumanicus : 97, 98
Coktoganus (Toqtai), khan mongol : 1
Comans ou Qipéaq (Turcs) : 4, 14, 20
c, c à 34, 54, 65, 68, 91, 139, 160, 161, 27
ché des -: 24, 25, 26, 31, 88, 141
Compostelle (pèlerinage) : 259, 260
Caffa : 89, 93, 94, 119, 135, 138, 156 à 159, 161, Conrad Flader, év. Argionensis : 193
182, 223, 230, 232, 235 à 240, 246, 285; - cou¬ — de Pregrentia, év. Caffa : 165
vent dominicain: 130, 131, 132, 156, 161, — de Saxe, r. : 184
174, 222, 261, 273; - couvents franciscains : — , év. Tana : 245
90, 94, 95, 129, 161, 237, 252, 266, 273; - cus¬ Constantin I, cath. d'Arménie : 52; -
todie : 241; - évêchés et évêques : 158, 159, III : 202, 206; - VI : 265, 266, 267
160, 165, 166, 193, 200, 222, 223, 230 à 240, — II, roi d'Arménie : 213, 214; - III :
245, 253, 258, 266, 267, 277 — Cremanens ou Carsilly, chevalier
Cagataï, fils de Gengis-Khan : 186 — , empereur d'Ethiopie : voir Za'ra
Cagri, couvent arménien : 223 — III, roi de Géorgie : 282
le Caire : 40, 41, 262, 264, 268; voir Egypte — , év. Mamistra : 208
Canaries (îles) : 289 Constantinople : 60, 79, 89, 91, 231, 24
Canksi, khan mongol: 163, 164, 189 todie : 171, 269; - patriarches gre
Carlino de Grassis, év. Almaligh : 162, 163 183, 231; - patriarches latins : 232,
Carmes : 122 Contarini (Ambroise), Vénitien : 276,
Carpi·. 170, 171, 185 la Copa : 230, 249
Casale Fasioli : 199 Copan, chef mongol : 175
Casimir IV, roi de Pologne : 267, 276 Coptes : 5, 9, 57, 261, 262, 268
Caspienne (mer) : 33, 76, 80, 251, 254 Corée (roi de) : 152
Caspiens (monts) : 135, 184, 186, 253; - évê- Cormaqan, chef mongol : 87, 98
ché et évêques : 244, 252 Corneille, év. Tarki : 263
Castille (roi de) : 258 Coron (év. de) : 214; voir Christope
Cathay: 146 à 156, 162, 165, 166, 172, 190, Cosme de Ziquie, arch. Sarai : 154,
242, 256, 269, 272, 278; - vicairie : 129, 135, 243, 244, 245, 249, 250, 252
152, 154, 162, 163, 165, 186 Cothulotoga, chrétien mongol : 106, 1
INDEX NOMINUM 30

D Duwa, khan mongol : 172, 186


Duwa-Temür, khan mongol : 189

Daghestan: 247, 251, 252, 254, 255, 257, 258;


voir Monts Caspiens
Damas : 99, 100, 264; - sultan : 44, 45
Damiette : 35, 41 E
Daniel, prince de Halicz: 15, 23, 66
—, higoumène russe : 6
— Kobyakoviè, chef coman : 23 Edesse, archevêché : 220 (voir Abdalla
—, patr. des Maronites : 48 Jean David, William Freney) ; - comté :
— de Tabriz, arch. Bosra : 210, 212, 213, 214, 10, 11
218, 266 Edigii, chef mongol : 251
Darmasirin, khan mongol : 163, 187, 189 Edouard II, roi d'Angleterre : 113, 143
Dathani-Khatun, princesse mongole : 104 Egypte : 46, 54, 120, 125, 138, 170, 209, 23
David (le roi), personnage légendaire : 34, 261 à 264, 268, 275; - sultan : 36, 37, 44, 4
54, 67 261, 263, 264, 265
— , envoyé mongol : 142 Electus, r. : 38
— , évêque d'Ani : 54 Eleuthère de Jahouk, r. : 220, 221
— , patr. d'Antioche : 58, 60 Elie de Hongrie, r. : 160
— d'Ashby, r. : 83, 101, 102 — Petit, r. : 131
— II, roi de Géorgie : 53; - IV : 55 Elisabeth de Bourgogne-Montaigu : 44
—, prieur arménien de Padoue : 197 Elysée, clerc indien : 7
— Parzahananihara, roi des Indiens : 260 Emeri, év. Kumuk : 252, 253
Dehikerkan : 170, 175, 176, 181; - évêché et Ernèak, château : 185 (?), 223
évêques : 177, 182, 183 Erzerum : 116, 171, 193, 195, 204, 222; vo
Delhi: 186; - sultan: 191, 192 Arzeloniensis, Simeon Bech
Demetrius, Dimitri, roi de Géorgie : 115 Erzincan : 107, 116, 204, 205
— de Tiflis, r. : 183 Esen-buqa, khan mongol : 186
Denha, catholicos des Nestoriens : 108, 110 Eskander, empereur d'Ethiopie : 269
Denys bar Salibi, évêque d'Amida : 1 1 Estokis, seigneur de BaSkirie : 96
—, patr. des Jacobites : 58 Esztergòm (archevêque) : 24, 25
— , év. Tabriz: 112, 115, 145 Ethiopie, Ethiopiens : 5, 6, 7, 9, 36, 57, 6
Dietrich : voir Thierry 114, 115, 139, 170, 182, 183, 192, 256, 25
Djagataï, khanat et khans : 147, 152, 154, 156, 268, 269, 270, 275, 287; - - archevêque : 14
163, 164, 166, 172, 186 à 189 - empereur : 86, 145, 172, 192, 268, 269
Dominique, r. : 162 Etienne, arch. Anazarbe : 209
— d'Aragon, r. : 60 —, catholicos des Arméniens : 53
— Barthélémy de Caffa, r. : 253 — de Hongrie, r. : 184
— , Ilioni, marchand : 150 —, roi des Indiens : 260
— Mainfroy de Rosières, arch. Sultanieh : —, arch. Mamistra : 208
181 — de Nagy-Varad, r. : 161
— , arch. Malazgerd : 215 — , arch. Nik : 224
310 INDEX NOMINUM

Etschmiadzin : 267 Gandolfo de Sicile, r. : 270


Eudes de Châteauroux, légat : 76, 77, 83, 142 Gautier de la Chapelle, év. Dehikerka
Euthyme, patr. grec d'Antioche : 100 — , év. Glasgow : 137
Ezéchiel, prélat arménien : 198, 199 Gayletsor, couvent : 217, 223
Gazaria : voir Khazarie
Gênes, Génois : 42, 89, 94, 105, 114, 1
120, 135, 156, 157, 158, 176, 179, 18
F 233, 238, 239, 240, 242, 243, 247, 24
266, 267; - archevêché : 165, 193, 23
Gentile de Matelica, r. : 234
Famagouste : 260; - Arméniens : 199 Geoffroy, év. Quimper: 137
Fernand de Buitrago, r. : 152 Georges V, roi de Géorgie : 54, 184;
Florence (concile) : 246, 265, 266, 268, 272 275
Forrusiensis, évêché non ident. : 250 — Gibeletus, r. : 253
Fou-tchéou : 124
— Noreghes, év. arménien de Chypre
France (roi de) : 54, 175, 182, 184, 257, 258,
— de Regibus, év. Savastopoli : 179
263; voir Louis
— , voir aussi Körgis
François d'Alexandrie, r. : 163 Géorgie, Géorgiens : 6, 9, 10, 22, 23, 34
— d'Assise (saint) : 34, 37, 38 51 à 56, 59, 65, 67, 75, 78, 81, 98, 9
— du Bourg, r. : 156 139, 145, 178, 183 à 186, 195, 256, 25
— de Camerino, arch. Vospro : 231 264, 267, 275, 276, 277, 281, 282, 286;
— , év. Cavaillon : 137 44, 185; voir Constantin, David, Dem
— Cinquini, év. Tabriz : 177 Georges, Qwarqwaré, Russudan. -
— de Petriolo, r. : 205 Gérard Albuini, év. Zayton : 148, 151
— de Puig, r. : 154, 244 — de Hongrie, r. : 27
— Spinola, r. : 253 — de Prato, r. : 85, 86, 103, 139, 143
— Ssathru, r. : 257 Géraud Calvet, év. Dehikerkan : 172, 1
— , arch. Sultanieh (?) : 181 Germain, arch, de Chypre : 58, 60
— Suriano, r. : 269, 271
Ghazan, khan mongol : 101, 104, 106,
— de Tabriz, év. Nakhidjevan : 193, 257 Ghazna : 186
— , év. Tana : 245
Ghizolfi, seigneurs de Matrega : 247, 2
— /de Terni', r. : 244
Gibelet, seigneurie au Liban : 11, 47, 4
Francon de Pérouse, arch. Sultanieh : 132, Gilles de Rome, r. : 106
139, 171 à 174, 179, 180, 184 Giovannino de Ollis, r. : 41
Frédéric II, empereur : 54, 75 Godefroy de Bouillon, chef de la croi
Fugiu : voir Fou-tchéou Golp, monastère : 220, 221, 223
Gonsalve Trestarna, r. : 162
Gorhigos : 216; - évêché : 216; voir H
Oshin, Thaddée
G, G
Gösset, clerc de Rubrouck : 79, 80
Goths de Crimée : 5, 21, 30, 89, 232
Gaban, évêché : voir Jacques Gothus, év. Savastopoli : 179
Gabriel, patr. des Coptes : 5 Grande-Arménie : 131, 135, 176, 180, 1
Gaète (évêque) : 214 195, 196, 197, 201, 204, 206, 207, 2
INDEX NOMINUM 31

Grecs (Byzantins) : 36, 48, 49, 56, 65, 91, 92, . pureg, chef coman ; 22
119, 139, 161, 189, 196, 219, 232, 237, 240, Guy de Cortona, év. Maragha : 194
247,254 — de Lusignan, roi d'Arménie : 208, 213, 21
Grégoire, arch. d'Apahuniq : 220 218
— II, catholicos des Arméniens : 10; - III : 10, Güyük, khan mongol : 68, 71, 72, 73, 75, 7
48; - rV (Dghâ) ; 48; - V (Abirad) : 49; - VII : 99
201, 204; - IX : 266, 267; - X : 267
— II (Bar Hebraeus), maphrian jacobite ;
112; - III (Bar Çauma) ; 112 H
— , higoumène russe, 60
— de Hongrie, r. : 153 Haghpad, évêché arménien : 204
— , év. de Lwów : 267 Hama (émir) : 44
— de Sargiis, ambassadeur : 216 Ha-mi : 153
— Sequilici, interprète : 203 Hanga, ville d'Arménie : 211
— Siscus, év. Péra : 233 Hang-tchéou (Quinsai) : 152
— de Thatev, vartabed : 185 Harran, évêché ; 210
Gryphon, r. : 27 1 , 272 Haython, écrivain : 200, 202
Guichard de Crémone, r. : 55, 78 Henri d'Apolda, év. : 189
Guillaume, r., compagnon d'André de Long- — II, roi de Chypre : 42, 200
jumeau : 76 — le Lion, duc de Saxe : 8
— Adam, arch. Sultanieh : 114, 115, 170, 172, — de Morungen, pèlerin : 39
175, 179, 180, 192, 205 Heraclius, patr. de Jérusalem : 1 1
— Bernard, r. ; 113 Hérat : 105
— Bonet, r. : 215 Heremus de Parpaiolo, év. Cimbalo : 234
— Boucher, orfèvre ; 81 à 84, 97 Héthoum I, roi d'Arménie: 52, 81, 92, 9
— Champenois de Tripoli, r. ; 44 100; - II : 52, 200, 201, 202 (voir aussi Ha
— de Chieri, r. : 104, 109, 115, 134 thon)
— de Cigiis, év. Tabriz : 176, 182 Hiérapolis, archevêché : 209
— Freney, arch. Edesse : 52, 142, 144 Homs (sultan) : 45
—, év. Lydda : 113, 143, 144 Hongrie : 13, 23, 24, 27, 30, 31, 32, 54, 67, 6
— , év. Maragha : 194 88, 119, 141, 188, 273, 274; - provincial : 8
— de Merry, chevalier : 3 1 141; - roi ; voir aussi André, Bela.
— de Modène, marchand : 164 Horde d'Or : voir Qipèaq
— de Montferrat, r. : 56, 57, 139 Hromgla, château : 9, 53, 170, 196, 197
— de Nassio, Génois : 153 Hugues le Luminour, r. : 262
— du Pré, arch. Khanbaliq : 154, 156, 244 Hugues Panziera de Prato, r. ; 96
— Romain, pénitencier apostolique : 137 Hülägü, Il-Khan : 68, 83, 87, 99 à 103, 171
— de Rubrouck, r. : 26, 33, 55, 78 à 84, 87, 88, Humbert de Romans, maître des Domin
89, 97, 115, 126, 138, 143, 147, 150 cains : 66, 114, 117, 119, 125, 127, 128, 134
Guillaume Saurat, r. : 177, 206, 218 Hyacinthe (saint) : 16
— II, arch. Sultanieh : 173, 181
—, év. Tabriz ; 186
— de la Tour, patr. Antioche : 277
— de Tripoli, r. ; 42, 44, 46, 117, 118
312 INDEX NOMINUM

Ignace II, patr. des Jacobites; 57 à 59, 60, 61, — , év. Sivas : 176, 182
75 — , de Valle Aretza, év. Monts Caspie
— , arch. Jérusalem : 11, 12 — Vassali, envoyé mongol : 85, 109
Illuminatus de Rieti, r. : 37 — de Vitry, év. Acre : 34, 41, 43
Ilioni, famille génoise : voir Dominique Jaffa, couvent : 38
Inde, Indiens : 39, 65, 114, 115, 139, 146, 148, Jahouk, couvent : 223
149, 151, 152, 156, 172, 182, 190, 191, 192, Jamcai : voir Yang-tchéou
195, 259, 260, 269, 271, 272, 275; - roi chré¬ Jean, arch, indien : 7
tien : 260, 269 — , r. arménien : 211
Isâ, dignitaire chrétien au service mongol : — , clerc arménien, « chapelain » de
85, 102 77, 78, 88
Isaac II l'Ange, empereur de Byzance : 248 — , patr. d'Alexandrie : 16
Isaïe Nceci, vartabed : 201, 202, 217, 218 — , arch. Apahuniq (?) : 220
Isnard, régent du collège d'Avignon : 137 — de Bonastro, r. : 105
Isol le Pisan : voir Zolo — de Calabre, r. : 269
Isoyabh, arch. Nisibe : 59, 60, 75 — de Carcassonne, r. : 76
Italiens (marchands) : 93, 94, 97, 239; voir — Clenkok, pénitencier apostolique
aussi Gênes, Pise, Venise — de Cori, arch. Sultanieh : 134,
Iwané, baron géorgien : 54 181, 194
— David de Zorzor, arch. Edesse :
212, 220
— , empereur des Ethiopiens (?) : 26
— de Florence, év. Tiflis : 180, 184,
218, 222
J, J — de France, év. Tabriz : 136
— de Gallo, r. : 133
— , de Gaillefontaine, év. Nakhidjev
Jacobites alias Syriens : 5, 10, 11, 35, 36, 48, 221
57, 58, 65, 112, 118, 119, 139, 189, 195, 196, — Gibeleti, év. Kumuk : 252, 253
271; - maphrian : 177, 195 (voir Jean, Gré¬ — , maphrian des Jacobites : 59
goire, Saliba); patriarche: 145, 182 (voir — , patr. des Jacobites : 58
Athanase, Denys, Ignace) — de Joinville : 40
Jacques d'Arles-sur-Tech, r. : 111, 113 — Kador, r. : 206
— , II, catholicos des Arméniens : 207, 210, — , arch. Khilat : 221
211, 213, 215, 224 — de Leominster, r. : 181
— de Camerino, r. : 184, 203 — de Lumbello, arch. Sultanieh : 174
— Campora, év. Caffa : 240 — , év. Materia : 250
— de Florence, év. Zayton : 152, 154, 242 — de Mandeville, voyageur : 150, 29
— , év. Gaban : 203 — de Marignolli, r. : 132, 136, 139,
— de Golp, vartabed : 223 163, 164, 192
— d'Irlande, r. : 191 — X, patr. des Maronites : 270
— de la Marche (saint), r. : 133, 134 — , év. Medzqar : 213, 214, 224
— de Nicosie, év. Sivas : 176 — de Montecorvino, arch. Khanbaliq
INDEX NOMINUM

— de Pologne (le Petit), r. : 135, 274 Jourdain Cathala de Séverac, év. Qu


— Ponh» arch. Tarse : 207 151, 177, 180, 190, 191, 192, 195
— de Qrnay, r. : 217, 218, 219, 220 Julien de Hongrie, r. : 21, 26 à 30, 67, 7
— de Rouen, év. Tabriz : 177
— de Sainte-Agathe, r. : 85
— , év. Samarkand : 189 Κ
— de Saulo, arch. Solgat : 235
— , év. Savastopoli : 179 Kai-Kawûs, sultan de Turquie : 43
— Speculi, év. Materia : 250 Kaïtak : 129, 247, 252, 254, 255
— de Stanford, r. : 70 Kalojean, tsar des Bulgares : 3, 49
— Ill, arch. Sultanieh : 155, 156, 181, 182, Kamieniec, évêché arménien : 266, 267
193, 195, 221, 245, 256 à 259, 261 al-Kamil, sultan d'Egypte : 36, 37
— de Tabriz, év. Nakhidjevan et Caffa : 222 Käpäk, khan mongol : 163, 186, 187
—, év. Tabriz : 136 Karakilissé : voir Maku
— , arch. Tarse : 207 Karakorum : 80, 81, 82, 84, 85
— , «roi des Tartares» : 157 Karapet, r. arménien : 179
— , év. Vahrnartensis : 224 —, laïc arménien : 202
— , év. Varna : 236 —, catholicos de Sis : 267
— Vassali, envoyé mongol : 85, 109 Karasu, couvent : 94, 160, 237
— Vatatzès, empereur de Nicée : 84 al-Karbalâi, marchand : 93
— de Vodeyo, év. Pagropoli : 234 Karichinus, interprète : 90
— de Winterthur, chroniqueur : 189, 289 Karni, évêché arménien : 204
— de Ziquie, arch. Matrega : 135, 246 à 252, Karoch, dominus Asiae : 221
256 Kars, évêché arménien : 204
— de Zorzor, théologien : 204, 205, 217 Kayseri : 116; - arch. : 213
Jean-Baptiste de Insula, arch. Maku : 206 Keraït (Turcs) : 75, 125
Jérémie I, patr. des Maronites : 47 ; - II : 48 Kerak (sultan de) : 45
Jeretanny, chef des Grands-Hongrois : 188 Kerley, princesse mongole : 157
Jérôme de Catalogne, év. Caffa : 136, 149, Khanbaliq, archévêché et archevêqu
157, 158, 159, 165, 169, 203, 231 147 à 156, 158, 163 à 166, 169, 172, 17
— , arch. Maku : 206, 261 186, 191, 230, 232, 234, 242, 244
— Panissari, év. Caffa : 261 Khazarie, custodie : 89, 95, 129, 242, 243
Jérusalem : 5, 6, 9, 38, 44, 45, 56, 75, 103, 108, aussi Ladislas, Qipcaq)
128, 263, 264, 265, 268, 269, 271, 272; - arch. Khazars : 21, 30, 65, 139
des Arméniens: 197, 198, 201, 202; - des Kherson, archevêché : 183, 231, 232, 23
Nestoriens : 75; - patr. grec: 272; - patr. Khilat, archevêché : 181, 220, 221
latin: 42, 53, 99, 103, 196, 208, 215, 265 Khwarezm, Khwarezmiens : 54, 75, 187
(voir Aymar, Thomas Agni) ; - couvent Kiev : 15, 16, 22, 23, 67, 71, 88, 124, 243
éthiopien : 268, 270; - couvent du Mont- Kitbuqa, chef mongol : 100
Sion : 209, 263, 269; - Saint-Sépulcre : 55, Konkan, contrée : 192
56, 259, 263 (voir aussi Lieux-Saints). Konya : - archevêque arménien: 211,
Job, arch. Maku : 206 sultan : voir Turquie
Johanca, r. : 96 Körgis, roi des Ongüt : 146, 147
314 INDEX NOMINUM

L Magar, Mager, Maieria, couvent: 2


252
Ladislas, custode de Khazarie : 88, 89, 90, 91 Maku, archevêché et résidence fran
Lancerny : voir Lin-Tsin 116, 171, 206, 218, 219, 223; voir
Laquedives (îles) : 170 cius, Jean-Baptiste, Jérôme, Job, P
Latins captifs des Musulmans : 39, 40, 41, 43, Ellegnis, Zacharie et Saint-Thaddée
61, 107, 261, 262; - déportés chez les Mon¬ Malabar, contrée : 191, 192
gols : 77 à 81, 83, 139; - au service mongol : Malachie de Crimée, vartabed : 222,
83, 84, 104, 105, 124, 150 Malazgerd, archevêque : 135; voir
Latran III (concile) : 1 1, 238; - IV : 47, 58, 59 que, Nersès
Lattakié : 99, 100 Malghayti, peuple d'Asie centrale : 18
Laurent, r. : 89 Mamelûks : 97, 100, 101, 103, 106, 1
— d'Ancóne, r. : 163 200, 212, 216, 261, 262, 263
— , év. Monts Caspiens : 252 Mamistra (Misis) : 49, 50, 207 208, 20
— de Portugal, pénitencier apostolique : 58, Mamucci, couvent : 243, 251, 252
60, 61, 70 Manasserius, r. : 40
Lazare, év. Tarki : 250 Manichéens : 125
Léon II, roi d'Arménie : 19, 49, 50, 53; - IV : Mappa (Anapa?), évêché : 243, 250
200; - V : 205, 207, 208, 212; - VI : 216 Mansel, év. Tortose : 116, 143, 144
Léonard Samuel, prêtre arménien : 199 Maragha, couvent et évêché: 111, 1
Licostomo, évêché : 236, 237 175 à 178, 194, 223; évêques : 181, 1
Lieux-Saints : 6, 19, 56, 108, 183, 261, 263, 264, aussi Barthélémy)
265, 267, 268, 270, 286 Mar Barçauma, monastère : 10, 11
Limassol (évêque de) : 215 Marc, envoyé mongol : 142
Lin-tsin (Lancerny) : 152, 155 — de Péra, év. Salmastro : 236
Lithuanie, Lithuaniens : 15, 68, 88, 141, 274 Mardin : 38
Livonie : 13, 14, 141 Marguerite de Provence, reine de Fr
Locici, siège d'un évêché (?) : 249, 251 Marie Paléologue, épouse d'Abaqa :
Louis IX (saint) : 40, 73, 74, 76, 78 à 80 Mar Matta, monastère : 10, 1 12
— de Bologne (Lodovico Severi) : 274 à 278 Maroc : 138, 141; - sultan : 44
— Gomez, év. Nakhidjevan : 193 Maronites : 5, 9, 11, 35, 36, 47, 56, 58,
— de Solero d'Asti, r. : 206 270, 271, 272, 275
—, év. Trebizonde : 233, 234 Martin d'Aragon, r. : 263
—, év. Vicina : 236 — , arch. Edesse : 211, 220
Luc I, patr. des Maronites : 47 — Russus, év. Monts Caspiens : 252
Lucas de Bozolo de Pise, r. : 133 — Stephani, arch. Séleucie : 209
Lwòw : 246, 274; - couvent: 129, 131, 273; - — Zaccaria, Génois : 179
évêché arménien : 92, 266, 267 Mathieu de Chieti, r. : 104, 109, 115,
Lyon I (concile) : 45, 59, 67, 68, 70; - II : 46, — Escandel, r. : 286
100, 101, 106 — de Pontremoli, év. Tana : 245
— , év. Tana : 245
— , év. Trébizonde : 233
— , év. Urgenj : 162
INDEX NOMINUM 315

— de Dashir, vartabed : 52 — Balientz, arch. Malazgerd : 198, 210 à 213,


Melkites (ancienne dénomination : Syriens) : 215, 217, 219, 221, 224
5, 9, 35, 36, 51, 58, 59, 65, 139, 187, 188, 272 — de Gragga : 214
Membrok, chef coman : 24 — de Lampron : 49, 50, 61, 213
Méridionales partes·. 114, 134, 174 Nersès, le Grand, patr. des Arméniens : 48
Mesched : 188 Nestoriens, Chaldéens : 5, 6, 9, 35, 51, 57, 58,
Michaha, évêché (Mukhak?) : 252 65, 81, 82, 83, 108 à 112, 118, 119, 125, 149,
Michel de Montecucito, r. : 258 150, 165, 166, 177, 190, 195, 196, 254, 272,
— le Syrien, patr. des Jacobites : 1 1 275; - catholicos : 56, 57, 99, 177 (voir
— de Venise, r. : 191 Denha, Yàhballahâ)
Milcov, évêché : 25, 274 Nicodème, abbé éthiopien : 268, 269
Millenus, chef alain : 231 Nicolas, év. l'Aïas : 208, 224
Millestorce, contrée : 152, 162 — , patr. Alexandrie : 34, 40, 58
Mindaugas, prince lithuanien : 15, 68 — , clerc : 90
Ming, dynastie chinoise : 155 — de Banzia, év. : 148
Mingréliens : 237, 238 — Bonet, r. : 139, 164
Miramar, couvent: 119, 127 — de Caffa, év. Phoulloi : 240
Misis : voir Mamistra — , év. Cimbalo : 234
Misserquis : voir Amir Sarkis — de Ferrare, r. : 266
Moïse, r. : 90 — , arch. Khanbaliq: 152, 154, 163
— Giblet, archidiacre d'Antioche : 272 — de Molano, r. : 136, 153
Moldavie : 285 — de Montecorvino, r. : 262
Molephatani, peuple des Indes : 192 — de Neuenburg, év. Maieria : 250
Monaldo d'Ancóne, r. : 205 — Passeck, év. Savastopoli : 179
Moncastro : 95, 230, 237 ; - évêché : 236 — de Pistoie, r. : 1 14, 145, 146
Möngkä, khan mongol : 68, 74, 76, 79 à 82, 84, — Steynacker, év. Varna : 236
92, 99, 108 — de Troja, év. Tana : 245
Möngkä-Temür, khan mongol : 93 — de Vicence, r. : 84
Montagne Noire, centre monastique : 10, 36, Nicolo de' Conti, voyageur : 286, 292
197 Nicopolis, archevêché: 198
Moravie : 13 — , croisade de : 258
Mordves : 27, 28, 93 Nicosie, couvent : 128; - archevêque : 199,
Mossoul : 110, 112, 256; - Mossoulitains : 65, 215, 239; - monastère éthiopien : 270
139, 142; - voir aussi Jacobites (maphrian) Nik, archevêché : 224
Mukhakh : voir Michaha Nisibe : voir Isoyabh
Mytilène, archevêché : 193 Nogaï, chef mongol : 88, 90, 91
Noravank, évêché arménien : 204
Norvège : 109
Ν Nosaïris : 34, 36
Nubie, Nubiens : 5, 36, 65, 114, 139 (voir Don
Nakhidjevan : 78, 185, 192, 193, 221; - évêché gola)
et évêque : 181, 183, 192, 193, 204, 221 à
223, 261, 286
316 INDEX NOMINUM

Odoric de Pordenone, r. : 132, 151, 191, 295 - Eugène III: 48; - IV: 134, 253, 2
Oghul-Qaïmis, régente mongole : 76 270, 271
Ögödäi, khan mongol : 68, 69, 87 - Grégoire IX: 23, 24, 25, 39, 40, 41,
Oïrat, tribu mongole : 106 51, 55, 57, 58, 68, 84, 91, 124, 141;
Ôlgaïtii, khan mongol : 104, 120, 143 84, 85, 102, 124; - XI: 124, 131, 1
Olivier de Paderbon, écolâtre de Cologne : 136, 181, 193, 194, 222, 223, 263; - X
34, 35, 36 274
Olon-Süme, résidence des Öngüt : 147 - Honorius III : 50, 51, 54, 55, 79, 141
Omodei, arch. Tarse : 207 - Innocent III: 33, 37, 39, 40, 43, 49
Öngüt, peuple turc : 75, 106, 108, 146, 147 53, 59, 270; - IV: 31, 45, 48, 52, 58, 59
(voir Körgis, Sara) 66, 68, 70, 71, 77, 127, 134, 140, 14
Orgentz, ville non ident. : 254 133, 173, 198, 205, 220, 241, 242, 258
Orientalis provincia, Orientales partes : 20, - Jean XXI: 85; - XXII: 106, 134, 1
114, 129, 134, 266, 268, 270, 271, 275, 290 166, 173, 174, 175, 176, 179, 180, 1
Orientalis (vicairie de Tartarie) : 128, 129, 187, 188, 191, 194, 195, 196, 201, 2
130, 170, 184, 237, 258 205, 207, 208, 210, 218, 231, 239, 2
Ornach, Ornam, ville (Urgenj?) : 21, 22 262; - XXIII : 155, 274
Orta (dell'), seigneurs génois de Caffa : 248 - Lucius III : 39, 48
Ortolf d'Alzenbruck, arch. Apamée : 221 - Martin V: 193, 194, 238
Oshin, roi d'Arménie : 52, 201, 202, 203 - Nicolas III : 32, 41, 85, 86, 88, 103, 1
— , comte de Gorghigos : 208 144; - IV: 52, 55, 86, 103, 104, 105, 1
Ottomans (Turcs) : 275, 276, 277, 285, 292 134, 145, 238; -V: 246, 275
Otton, r. hongrois : 27, 28 - Paul II: 271
Oxford (Université) : 127 - Pie II : 275 à 278
Özbäg, khan mongol : 69, 93, 157, 158, 160, - Sixte IV : 240, 269, 271
161 - Urbain IV : 32, 43, 52, 68, 100, 101, 1
- V: 135, 138, 173, 174, 208, 216, 2
Ρ 240, 245
Paphos (évêque de) : 214, 215
Pacôme, arch. d'Amasée : 240 Paquette de Metz : 8 1
Padoue, pèlerinage : 260 Paris (Université) : 119, 127
Pagropoli, évêché : 234, 237 Pascal de Vitoria, r. : 128, 162, 163, 1
Pakaran, évêché arménien : 204 Patras (archevêque de) : 239
Papes : Paul Ier, catholicos des Arméniens : 2
- Alexandre III: 33, 46; - IV: 46, 99, 127; - — de Bentivoglio, général des Basilie
VI : 282 — de Borgo-San-Sepolcro, r. : 244
- Benoît XI: 111; - XIII: 126, 153, 197, 207, — , prieur des Ethiopiens de Nicosie
209, 21 1, 212, 220, 256, 259; - XIII : 129, 258 — , r. éthiopien : 275
- Boniface VIII: 106, 113, 116, 132, 143, 197, — Francisci, év. Savastopoli : 179
202, 261; - IX : 129, 133, 193, 199, 252, 254, —, év. Saraï : 92, 152
256 à 259 —, év. Simisso : 189, 235
- Calixte III : 269, 275, 277, 278 Pékin : voir Khanbaliq
- Clément III: 49; - IV: 105, 114, 134; - V: Pélage, légat pontifical : 34, 37, 53
INDEX NOMINUM 31

Perse : 133, 170, 176, 189, 275; - Il-Khans, puis nare), khanat et khans : 69, 87, 89 à 98
khans, mongols: 68, 69, 87, 98 à 108, 114, 101, 107, 120, 125, 126, 141, 153, 156 à 162
116, 120, 172, 247 165, 172, 187, 244, 249, 273, 274; - Armé
Petroska, évêché arménien : 205 niens du - : 196, 201
Philippe de Fermo, légat pontifical : 88, 141 Qirqyer, couvent : 89, 90, 95
— de Incontris, r. : 133 Qrnay, couvent : 178, 185, 217 à 220, 223
—, prieur de Jérusalem : 46, 56, 57, 67, 126 Qubilaï, khan des Mongols : 84, 85, 86, 102
Pierre d'Adria, arch. Mamistra : 208 124, 145, 146
— Akherovic, « archevêque de Russie » : 67 Quilon : 287, 291; - évêché : 183, 191, 192
— d'Aragon, r. : 223 Quinsay : voir Hang-tchéou
— I, roi de Chypre : 216, 264 Qutlugh-Shâh, chef mongol : 106
— de Ellegnis, arch. Maku : 206 Qwarqwaré II, roi géorgien : 278
— Ferrarius, r. : 270
— de Florence, év. : 149, 157
— Geraldi, év. Savastopoli : 178, 182
— de Grande-Arménie, r. : 199 R
— , archevêque arménien de Jérusalem : 197
— de Lombertz, év. Astrakhan : 246 Ragès de Mèdie : voir Edesse
— de Lucalongo, ou de Luca Longo, mar¬ Rascie, royaume : 185
chand : 145, 147, 150, 151 Raymond Etienne, r. : 114, 170, 192, 202, 207
— , patr. des Maronites : 271 — Lull, r. : 42, 119, 120, 126, 136
— Martel, r. : 163 — Raphi, r. : 163
— le Petit, r. : 156 Renier Balian d'Arménie, r. arménien : 214
— Rombulo, Italien d'Ethiopie : 269, 271, 287 — Constansa, prêtre arménien : 207
— Thomas (saint), légat du pape : 196 Riazan : 27, 28
— de Turre, r. : 184, 203 Richard, interprète : 100, 104, 105
Pisans : 158 (voir Zolo) — d'Angleterre, év. Kherson : 231, 232
Pise (concile de) : 258 — de Bourgogne, év. Almaligh : 162, 163
Pispek (auj. Frunze) : 92, 164 — de Cluny, écrivain : 7
Plancarpin : voir Jean. — Macier, r. : 184
Polo (Maffeo, Marco et Nicolò) : 84, 86, 105, Ricoldo de Montecroce, r. : 46, 48, 107, 110
124, 125, 134, 145, 186 113, 118, 119, 126, 138
Pologne : 13, 14, 68, 89, 246, 266, 267, 273, 274, Riga: 13, 14, 15
276, 278, 285 Robert d'Anjou, roi de Sicile (Naples) : 152
Pons, r. : 151 263
— , arch. Séleucie : 177, 209, 218 — Hyntlesham, év. Savastopoli : 179
Porsico, couvent : 170, 171 — de Ripalta, marchand italien : 94, 162
Prémontrés : 16, 124 — de San Valentino, r. : 199
Prêtre Jean, souverain légendaire : 6, 7, 16, Roger d'Angleterre, r. : 244, 253
34, 259, 276 — Bacon, écrivain : 80, 127
Prusse: 13, 14, 20, 119, 141 — Herietsham, r. : 124
Romagyris, siège d'un catholicos : 1 88
Romanie, province franciscaine et ressor
318 INDEX NOMINUM

Russes, Russie, Ruthènes : 6, 15, 16, 22, 23, Selmas : 107, 115, 170, 175, 177, 206, 2
25, 29, 30, 36, 59, 60, 61, 65, 67, 68, 71, 75, Sempad, connétable d'Arménie : 49, 7
78, 81, 88, 96, 139, 160, 161, 237, 238, 243; - Serbie (comtesse de) : 135
couvents dominicains : 131; - vicairie fran¬ Serge (Sarkis), moine arménien : 81,
ciscaine : 129, 130, 137, 254, 258 — , (le moine), personnage légenda
Russudan, reine de Géorgie : 54, 55 84, 92
— , envoyé mongol : 73
— d'Aprakounik, vartabed : 222, 223
— , archevêque arménien, puis patr.
S salem : 201
— de Sis, chancelier d'Arménie : 203
Sabadin, envoyé mongol: 105, 110 — , vartabed : 266
Sahap, ville d'Arménie : 211 Seth d'Arménie, vartabed : 223
Saint-Thaddée, monastère : 175, 204, 205, Setzulet, contrée : 254
206, 221, 261; - archevêque: 193, 195, 212 Shahinshâh, baron géorgien : 55
(voir aussi Maku) ; voir Zacharie Shemakha (Azerbeijan) : 251, 255
Saliba, maphrian des Jacobites : 58 Siam : 286
— , marchand d'Acre : 58 Sibérie : 96
— , pèlerin indien : 259 Sicile (roi de) : 77, 101 ; voir Robert
Salimbene, chroniqueur : 85 Sidon, couvent : 38
Salmastro, ville et évêché : 116, 219, 234, 236, Sigismond, roi de Hongrie : 274
237, 246 Siméon Bech, év. Erzeroum : 210
Salomon, chrétien nestorien : 105, 108 — Rabban-ata, dignitaire chaldéen
Samarkand: 73, 93, 186; - évêché: 183, 187, 74, 75
188, 189 (voir Thomas Mancasola) Simisso, couvent et évêché: 171, 1
Sanche de Boleyna, r. : 113 235, 236, 237
Sara Arau'ul, princesse öngüt : 106, 146 Simon de Saint-Quentin, r. : 51, 55,
Sarai : 90, 91, 92 à 97, 128, 156 à 162, 188, 189, 108
243; - archevêché : 159, 165, 241 à 246, 255 — , Semeonis, voyageur : 262
(voir Cosme); - custodie: 129, 241, 243, Sinai : 264, 272
246, 254; - évêques grecs et arméniens : Sinope : 89, 230, 237, 239
voir Etienne, Paul, Théognoste Sira-ordo : 73, 80
Saraïcik : 93, 163 Sis : 170, 177, 211, 223; - archevêque
Sardenay, sanctuaire : 36 213; - couvent : 213; - synodes et c
Sarkis : voir Serge 50, 62, 201, 213, 216, 233, 266
Sarmates (terre des) : voir Astrakhan Sisian : 71, 73
Sartaq, prince mongol : 77 à 81, 87, 88 Sivas: 110, 115, 116, 128, 145, 176, 18
Savastopoli, évêché : 178, 179, 182, 183, 184, archevêque : 213
230, 232, 238, 239 Smyrne : 232, 358; - archevêché : 23
Saxi ou Saqsin : 21, 29 ché : 174, 179, 182, 185
Scacatai, chef mongol : 79 Societas Peregrinantium : 129 à 132,
Schiltberger (Johann), voyageur : 207, 222, 174, 180, 181, 187, 220, 222, 239, 26
223, 240, 246, 254 Socotora: 6, 114, 170, 190
INDEX NOMINUM 31

Solgat : 89, 90, 95, 156, 160, 230, 237; - arche¬ Temiir, khan mongol : 146
vêques : 91, 159, 235 (voir Arakiel, Etienne) Tendue, contrée : 146, 147
Soronius, prince coman : 31 Terre Sainte, province dominicaine : 78, 11
Souzdal (due de) : 27, 28, 31 203, 215, 224, 239, 258, 265; - vicairie fran
Spirituels : 176, 180, 206, 258 ciscaine : 52, 115, 128, 224, 264
Sudensis, siège relevant de Sultanieh (?) : 182 Teutoniques : 14, 15
Suffredin, médecin : 105 Thaddée, év. Caffa et Gorhigos : 158, 15
Sultanieh : 175, 182, 223; - archevêchés et 165, 198, 208, 218, 224, 234
archevêques : 169 à 183, 186, 190, 192 à Thâna (martyrs de) : 151, 183, 190, 191
195, 212, 230, 232, 244, 256, 261 ; - couvents : Théodore, év. d'Alanie : 149, 231
170, 195 — , patr. copte : 40
Suse (archevêque de) : 16 —, r. éthiopien : 275
Syba, évêché : 249, 251 —, arch. Séleucie : 209
Syrie : 57, 99, 100, 120; - voir Terre Sainte — , voir aussi Thoros
Syriens : voir Melkites, Jacobites (le nom de Theodoro (Mangup) : 89, 232
Syriens entre en usage à la place de ce Théodule, aventurier : 83
dernier terme au cours du XIVe siècle) Théognoste, év. Sarai : 91
Théorianos, théologien : 213
Thessalonique : 171 (voir Antoine)
Τ Theya, localité non ident. : 206
Thierry, év. des Comans : 24, 25
Tabriz: 71, 78, 98, 107, 112, 115, 116, 145, 170, — de Nyem, écrivain : 284
171, 175, 176, 177, 186, 223, 276; - couvent Thodotelia, princesse mongole : 167
franciscain, custodie et vicairie : 129, 171, Thogay, chef alain : 153
184, 194, 195; - évêché et évêque : 180 à Thomas (tombeau de l'apôtre) : 39, 190
183, 193; - prieur dominicain : 147 — , év. : 149
Tai-dûla, princesse mongole : 160 — d'Abaran, arch. Sultanieh : 222
Tâkùdàr, Il-Khan : 102, 107 — , métropolite d'Abyssinie : 57
Talas : 77, 81 — Agni de Lentino, patr. Jérusalem : 52, 8
Talika, khan mongol : 187 100, 101
Tamerlan : 129, 182, 189, 229, 245, 253, 256, — d'Aquin (saint) : 12, 117, 218
257, 258 —, év. arménien d'Italie : 198
la Tana: 93, 94, 95, 135, 161, 162, 165, 189, — de Birago, év. Sybensis : 249, 25 1
193, 230, 232, 234, 238, 243, 244, 245, 249, — d'Ethiopie, pèlerin : 259
250, 253, 254 — de Hongrie, chevalier : 262
Tarki, couvent et évêché : 243, 250, 252, 253 — , « empereur des Indes » : 268
Tarse, archevêché et archevêque : 49, 50, — de îakouk, év. Nakhidjevan : 193, 194, 21
202, 207, 208, 209, 212, 213 221
Tartarie : voir Aquilonarìs, Orìentalìs — , arch. Mamistra : 208
Tathev, couvent et archevêché arméniens : — Mancasola, év. Samarkand : 94, 162, 18
204, 223 187, 188, 189
Taurus (monts du) : 119, 196 (voir aussi — , év. Sarai : 160
Montagne Noire) — Siméon, r. : 266
Tcherkesses : 161, 237, 246, 247 —, év. Simisso : 189, 235
Tealdo de Gorestis, év. Sybensis : 251 — de Tabriz, arch. Khilat et Sultanieh : 18
Tedaldo dei Visconti : voir Grégoire X 221, 249, 250
320 INDEX NOMINUM

Thoros, prieur arménien de Sienne : 198 Valentin de Trévise, r. : 273


— Mikaïlentz, envoyé arménien : 212 (voir Vanévan, évêché arménien : 204
aussi Théodore) Varna : 158; - évêché : 236
Tiflis : 116, 175, 277; - couvents: 55, 71, 78, Vartan, vartabed : 52; - id. : 60
115, 128, 170, 184, 185, 186, 222, 257; - évê- — , sacriste de Saint-Thaddée : 204
ques: 173, 174, 181, 183, 184, 195, 222 Vasinpace, r. : 114, 134, 190
Tinä-bäg, khan mongol : 160 Venise, Vénitiens: 94, 95, 119, 135, 1
Tjumen, évêché : 252 161, 164, 175, 182, 241, 242, 257, 259
Tlieu, ermite : 90 Vero li, cathédrale : 109
Toghan-Temür, khan mongol : 153 Versacht, chef des Ziques : 231, 248
Tola-buqa, khan mongol : 90 Vicina, couvent et évêché : 90, 95, 23
Toqtaï, khan mongol : 93, 156, 157 237
Tortose, couvent: 38; - évêque : 53 (voir Vincent de Caffa, r. : 255
Mansel) Vladimir (duc de) : 27, 59
Transoxiane, contrée : 160, 164, 186 Vospro : 230; - archevêché: 165, 17
Trébizonde : 116, 230; - couvents: 130, 171, 232, 234, 237, 239, 240, 242, 255
237; - custodie : 129, 171, 237; - empereur: Vsevolod, chef coman : 23
275, 276; - évêques : 232 à 235 (voir
Antoine, Cosme)
Tripoli : 38, 52, 58, 80, 107, 110
Ts'iuan-tchéou : voir Zayton W, X, Y, ζ
Tughluq-Temür, khan mongol : 164
Turbessel : 1 1
Turcoples : 7, 8, 43 Wedin, peuple : 21, 22, 27
Turquie: 39, 67, 141; - sultan: 8, 19, 23, 43, William : voir Guillaume
44, 45, 54, 69, 89, 98 (voir aussi Ottomans) Wroclaw : 70
Tyr : 38, 43 Xifangan, en Chine (?) : 286
Yähballahä III, catholicos des Nest
108, 109, 110, 111, 177
U, Ü Yaïlaq, princesse mongole : 89, 92
Yämäk (Turcs) : 21
Ükäk : 95, 243 Yang-tchéou (Jamcai) : 150, 151, 152
Ulrich de Seyfriestorf, év. : 148 Ylice, couvent : 95, 237, 239
Uniteurs (Frères) : 131, 199, 207, 209, 215, 217 Youri Koncakovic, chef coman : 23
à 224, 261, 266, 283, 286 Yves de Narbonne, clerc : 70
Urbain, r. : 90 Zacharie Manuelian, ou de Saint-T
Urgenj : 93, 95, 116, 162, 163, 164, 188, 243; - arch. Maku : 171, 203, 204, 205, 217,
évêché : 162, 186; - voir aussi Ornach, — Marchart, arch. Maku : 206, 220
Orgentz Zagan, envoyé mongol : 105
Uruk-Khatun, princesse mongole : 104 Zaharé, baron géorgien : 55
Uzun-Hassan, khan turkmène : 275, 276 Za'ra Ya'qob, empereur d'Ethiopie : 2
Ziques, Ziquie : 5, 30, 65, 135, 139, 1
232, 237, 238, 247, 248, 251, 255, 256
TABLE DES MATIÈRES

Pag.
Avant-propos ...................................................V
Sources et bibliographie ........................................
XI
Liste des ouvrages utilisés .......................................
XV

INTRODUCTION

L'œuvre missionnaire au XIIe siècle et la définition d'une doctrine de


la mission ..................................................1
Dans les pays d'Outre-mer, 4; au contact des païens d'Europe, 12.

PREMIÈRE PARTIE

Les missions, de l'apparition des ordres mendiants à la conquête


mongole ...................................................
17

1. Les missions chez les Comans et les peuples voisins ...........


20
Les Comans, 20; - leur conversion, 24; - la Grande-Hongrie, 26;
- l'invasion mongole et les Comans de Hongrie, 30.
2. Les missions dans les terres d'Outre-mer .....................
33

Un nouvel esprit missionnaire; les prises de contact, 33.


a) Les missions auprès des Musulmans ......
37
La prédication aux Musulmans, 37 ; - le soutien aux captifs,
39; - la prédication dans les Etats latins, 41; - les ambassa¬
des aux princes, 43.
b) La recherche de l'Union des Eglises ...... 47
Les Maronites, 47; - les Arméniens, 48; - les Géorgiens et le
couvent de Tiflis, 53; - les Dominicains de Jérusalem et les
églises orientales, 56; - les conversations à l'occasion du
322 TABLE DES MATIÈRES

DEUXIÈME PARTIE

La conquête mongole et les missions jusqu'à la création d'un é


pat missionnaire .......................................
La découverte des Mongols, 65.
a) Les ambassades pour la conversion
Mongols ...............................................
Les envoyés d'Innocent IV, 69; - l'ambassade de Lou
73; - la conversion de Sartaq et le voyage de Rubrouc
- les Polo et les ambassades destinées au grand khan
b) La mission chez les Tartares du Nor
Les Franciscains en Tartarie, 87; - leur établisseme
Crimée, et la lettre du custode Ladislas, 89; - la pénét
à l'intérieur du khanat de Qipcaq, 93.

ç) L a mission de Perse au temps des


Khans ..................................................
La campagne de Hiilägü et la mission de David d'Ashb
- les relations entre les Papes et les Il-Khans, 101; - le passa
ceux-ci à l'Islam et ses conséquences, 106; - l'Union avec les
déens, 108; - les autres églises, 112; - les établissements des F
115.
La définition d'une méthode par Humbert de Ro
Guillaume de Tripoli, Ricoldo de Montecroce et Ray
Lull, 116.

TROISIÈME PARTIE

La naissance d'un épiscopat missionnaire et les missions da


empires mongols du Nord, d'Asie centrale et d'Extrême-O

1. Les papes du XIVe siècle et l'organisation des missions ..


La prédominance des ordres mendiants, 124.

a) Le rôle des ordres dans la préparatio


TABLE DES MATIÈRES 323

b) Le rôle de la papauté, 131.


Légats et inquisiteurs, 131; - la demande de missionnaires,
l'ébauche d'une centralisations, 134.
cj Les origines d'un épiscopat mis¬
sionnaire; 137.
Les privilèges, 138; - les premières désignations épiscopa-
les, 141.
2. La création de l'archevêché de Khanbaliq et ses suites ........ 144
aJJean de Montecorvino et la mission de
Chine, 145
La mission de Montecorvino, 145; - la création d'une pro¬
vince ecclésiastique, 148; - l'église latine de Chine et ses
évêques, 149; - les sucesseurs de Montecorvino, 152.
b) Les évêchés du Qipcaq et du Djagataï, 156
Jérôme de Catalogne et Toqtaï, 156; - l'évêché de Caffa et
les difficultés avec les Arméniens, 158; - les autres évêchés
du Qipcaq, 160; - la mission d'Almaligh, 162; - l'impossible
unité de la province, 165.

QUATRIÈME PARTIE

L'archidiocèse de Sultanieh : les missions dans les « partes orientales


et méridionales» et l'union arménienne ...................... 167
1. La province de Sultanieh ..................................
169
a) La fondation de la province, 169
Guillaume Adam et la bulle Redemptor noster, 170; - un
archevêché missionnaire, 171; - les sièges épiscopaux, 175.
b) La nouvelle province de Sultanieh, 180
Jean de Cori et la réorganisation de 1328, 180; - la Géorgie
et l'évêché de Tiflis, 183; - Thomas Mancasola et l'évêché
de Samarkand, 186; - Jourdain Cathala et l'évêché de Qui-
lon, 190; - la question de Nakhidjevan et le fonctionnement
de l'institution provinciale, 193.
2. L'Union arménienne et ses vicissitudes : Union de Sis et Union
de Qrnay .................................................
195
Le maintien des relations avec les églises orientales, 195; - le
problème arménien et les Arméniens d'Italie, 196.
324 TABLE DES MATIÈRES

a) L'Arménie et Rome avant la création de


l'ordre des Uniteurs, 200.
Le royaume de Cilicie et l'Occident, 200; - le concile de Sis
et son application, 201; - la mission de 1321 et les contacts
avec Saint-Thaddée, 203; - les relations avec la Cilicie sous
le régime de l'Union et la hiérarchie épiscopale, 207 ; - Ner-
sès Balientz et la Fides Armenorum, 210; - la fin du
royaume, 216.
b) «Arméniens-Unis» et Frères Uniteurs, 217.
Le groupe de Qrnay et la pénétration de la pensée latine,
217; - la congrégation des Uniteurs, 219; - le recul de
l'Union et ses causes, 222.

CINQUIÈME PARTIE

Les missions dans les pays de la Mer Noire et du Caucase et la fin


des missions médiévales ................................... 22

1 . Les provinces de Vospro, Saraï et Matrega : les missions dans les


pays de la Mer Noire et de la Mer Caspienne ................ 23
a) La province de Vospro et les évêchés de
la Mer Noire, 230.
La conversion des Alains et des Ziques, 23 1 ; - l'érection des
évêchés de la Mer Noire, 232; - évêchés missionnaires et
desserte des comptoirs génois, 237.
b) L'archevêché de Sarai, 241.
Cosme de Ziquie et la partition de l'archevêché de Khanba-
liq, 241; - la survie des évêchés, 245.
cj Jean de Ziquie et les catholiques du
Caucase, 246.
L'ouverture de la Ziquie aux Occidentaux, 246; - les étapes
de l'apostolat de Jean de Ziquie, archevêque de Matrega,
248; - l'organisation des évêchés du Daghestan et la survie
de l'Eglise latine en pays kaïtak, 252.
2. La fin des missions médiévales ............................
25
a) Les missions au début du XVe siècle, 256.
Les missions d'après Jean III de Sultanieh : Tamerlan et le
Grand Schisme, 256; - Les pèlerins orientaux en Occident,
TABLE DES MATIÈRES 325

259; - la reprise de l'activité franciscaine en Egypte et en


Terre Sainte, 261.
b) Le concile de Florence et les com¬
missaires apostoliques, 265.
Les négociations avec les Arméniens, 265; - la mission
d'Albert de Sarteano, 267 ; - Ethiopiens, Maronites et
Syriens, 269.
cjLes dernières missions médiévales, 273.
La Pologne, base des missions chez les Tartares, 273; -
Louis de Bologne et l'idée d'une organisation propre aux
catholiques des pays caucasiens, 274.

CONCLUSION

Les missions médiévales : succès ou échec? .......................


279

CARTES

Les missions de Comanie avant l'invasion mongole ................


297
Les routes suivies par les Occidentaux dans l'empire mongol à la fin
du XIIIe et au début du XIVe siècle .......................... 298
La province de Sultanieh ........................................
299
Les pays de la Mer Noire et du Caucase de 1332 au début du XVe siè¬
cle ........................................................ 300
La province ecclésiastique de Khanbaliq (partie orientale) et la vicai-
rie franciscaine de Cathay ............
. ......................
301
L'Arménie et les missions latines .................................
302
Les stations missionnaires dans la vicairie de Tartarie Aquilonaire. . 303
Les stations missionnaires franciscaines dans la vicaria Tartariae
orientalis au XIVe siècle .....................................
304

Index nominum .................................................


305
Table des Matières ..............................................
321

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