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Histoire et Théorie

d'Architecture 3-
Sanae ALJEM
ECOLE NATIONALE D'ARCHITECTURE DE RABAT 2021/2022
Histoire et Théorie
d’Architecture : quel intérêt ?
« Les architectes qui ne
connaissent pas l’histoire
finissent par enfoncer des
POURQUOI portes ouvertes »
L’HISTOIRE? Alberto Campo Baeza
Manfredo Tafuri

L’architecture, pour Tafuri, est toujours interne à la


trame historique. De là vient la nécessité d’enquêter
sur les conditions spécifiques, matérielles et
culturelles, les conflits et les oppositions dans
lesquelles l’architecture
définit ses espaces d’intervention et sa liberté
créatrice.

" Chaque détail est une trace qu’il s’agit d’interroger «


comme un témoin appelé à déposer à propos des
rôles assignés par les mentalités de l’époque à
laquelle il appartient, de sa signification économique,
de sa fonction publique, des modes de production qui architecte, théoricien, historien, critique de
lui sont incorporés, des structures de représentation (= l'architecture italien - 1935 /1994
des idéologies) qui le conditionnent ou dont il est
l’énonciateur autonome ».
L’architecture cristallise et reflète les valeurs et les logiques
de la société qui l’a produite
Pour Tafuri, l'histoire de
l'architecture ne suit pas un schéma
téléologique dans lequel un style
succède à un autre dans la
séquence linéaire. Au lieu de cela,
c'est une lutte continue qui se joue
sur les niveaux critique, théorique
et idéologique ainsi que par les
contraintes imposées à la pratique.
Et cette lutte se poursuit dans le
présent.
Histoire de l'architecture n'est pas
un sujet académique mort, mais un
espace ouvert de débat
"L'architecture semble aujourd'hui confinée « dans la
fétichisation du présent absolu et le triomphe d’une
posture distraite et diffuse au service du marché.»"
• L'architecte intellectuel est remplacé, selon
jacques Lucan, par une figure inédite qui relève à
le déclin la fois de « l’architecte professionnel et manager
» et de « l’architecte artiste »
définitif de • Jean-Louis Cohen dénonçait en 1984 la coupure
entre architectes et intellectuel comme étant au
l’architecte « fondement de la perte de la pleine dimension
culturelle de l’art de construire : l’ensemble des
intellectuel et savoirs sur lesquels les architectes ont réussi à
garder la maîtrise se désagrège sous les coups
critique » ? portés par les disciplines technico-scientifiques,
ou tout au moins il perd sa centralité
"Au moment même où son
champ d’action s’élargit très
notablement, se fait jour un
processus de destruction de
l’identité disciplinaire de
l’architecture."
tandis que le corps épistémologique de la
discipline devient plus complexe – il intègre
désormais, en plus des savoirs traditionnels
comme les sciences mathématiques et
physiques, la politique, la religion, les
moyens techniques de la construction et les
savoirs pluriséculaires dérivés de la culture
matérielle, également les arts visuels,
Vittorio Gregotti décoratifs et appliqués et les nouveaux
territoires des technosciences – il semble en
Architecte Italien liquider le noyau théorique. Comme si une
1927-2020 telle multiplicité de savoirs ne pouvait pas
s’intégrer de manière rigoureuse. Pourtant,
c’est précisément en force de cette nouvelle
complexité pluridisciplinaire que
l’architecture a élargi les limites de son
champ d’action
GREGOTTI V., Contro la fine del l’architettura,
Turin, Einaudi, 2008
"la théorie et l’histoire sont ramenées à l’esthétique,
entendue de manière simpliste comme rhétorique de
l’émotion, communication, collage grossier de
citations savantes ; on permet que ce soient les
écoles d’ingénierie et de management qui dessinent
le profil professionnel des futurs architectes"
La « théorie » est une instance essentielle sur laquelle se fonde la
légitimité sociale des architectes.

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Apporter des réponses aux Prévoir les effets de Formaliser en vue
phénomènes observés circonstances spécifiques d’appliquer

En architecture, un cadre théorique doit expliquer pourquoi les bâtiments affectent les êtres
humains de certaines manières, et pourquoi certains bâtiments ont plus de succès que d’autres, en
termes à la fois pratiques, psychologiques et esthétiques.
1. Les connaissances nouvelles se
construisent à partir des connaissances
existantes.

Éléments 2. Les connaissances anciennes ne sont


remplacées que par de meilleures explications

d'une du même phénomène, jamais en raison d’un


changement de mode. Ce processus crée des
couches de connaissance multiples et
théorie? interconnectées.

3. Une théorie appartenant à une


discipline donnée peut informer de
manière intelligible sur d’autres
disciplines.
Pourquoi est-ce que les bâtiments
À ce stade d'une période spécifique ont une
de la forme spécifique?
réflexion
plusieurs
Comment faire une architecture qui
questions répond aux impératifs
restent contemporains et véhicule un
posées.... message civilisationnel (théorique)?
Quel est notre héritage du
passé?
Quel intérêt dans le présent?
En fin de compte
C'est quoi l'architecture?
Forme?
Fonction?
Symbole?
Ornement?
Ambiance?
Esthétique?

Plusieurs écoles de pensées, plusieurs courants.... plusieurs définitions


Pyramide
de Maslow
Le mythe de la cabane:
« Considérons l’homme dans sa première origine sans autre secours; sans autre guide que l’instinct
naturel de ses besoins. Il lui faut un lieu de repos. Au bord d’un tranquille ruisseau, il aperçoit un
gazon; sa verdure naissante plaît à ses yeux, son tendre duvet l’invite; il vient, et mollement étendu
sur ce tapis émaillé, il ne songe qu’à jouir en paix des dons de la nature : rien ne lui manque, il ne
désire rien. Mais bientôt l’ardeur du Soleil qui le brûle, l’oblige à chercher un abri. Il aperçoit une
forêt qui lui offre la fraîcheur de ses ombres; il court se cacher dans son épaisseur, et le voilà content.
Cependant mille vapeurs élevées au hasard se rencontrent et se rassemblent, d’épais nuages couvrent
les airs, une pluie effroyable se précipite comme un torrent sur cette forêt délicieuse. L’homme mal
couvert à l’abri de ses feuilles, ne sait plus comment se défendre d’une humidité incommode qui le
pénètre de toute part. Une caverne se présente, il s’y glisse, et se trouvant à sec, il s’applaudit de sa
découverte. Mais de nouveaux désagréments le dégoutent encore de ce séjour. Il s’y voit dans les
ténébres, il y respire un air malsain, il sort résolu de suppléer, par son industrie, aux inattentions et
aux négligences de la nature. L’homme veut se faire un logement qui le couvre sans l’ensevelir.
Quelques branches abbatues dans la forêt sont les matériaux propres à son dessein. Il en choisit
quatre des plus fortes qu’il éléve perpendiculairement, et qu’il dispose en carré. Au-dessus il en met
quatre autres en travers; et sur celle-ci il en met quatre autres en travers; et sur celle-ci il en éléve qui
s’inclinent, et qui se réunissent en pointe des deux côtés. Cette espèce de toit est couvert de feuilles
assez serrées pour que ni le soleil, ni la pluie ne puissent y pénétrer, et voilà l’homme logé. Il est vrai
que le froid et le chaud lui feront sentir leur incommodité dans sa maison ouverte de toute part; mais
alors il remplira l’entre-deux des piliers, et se trouvera garanti. »
Architecture liée à la sédentarisation?
Dans certaines régions la sédentarisation a précédé la découverte de l'agriculture,
lorsque l'environnement apportait une subsistance suffisante tout au long des saisons.

Le degré de fixation Matériaux de construction

Nomadisme En bois, terre


Évolution Pierre
technique
Acier et verre
sédentarisation
Peter Zumthor

• L’architecture est toujours une matière


concrète. L’architecture n’est pas abstraite
mais concrète. Une esquisse, un projet
dessiné sur le papier, ce n’est pas de
l’architecture mais une représentation plus
ou moins lacunaire d’architecture
comparable à une partition musicale. La
musique a besoin d’être interprétée.
L’architecture a besoin d’être interprétée.
C’est alors que nait son corps. Et il est
toujours du monde des sens.
Auguste Perret
L’architecture est, de toutes les expressions de l’art,
celle qui est le plus soumise aux conditions
matérielles. Permanentes sont les conditions
qu’impose la nature, passagères celles qu’impose
l’Homme.
Le climat, les intempéries, les matériaux, leurs
propriétés, la stabilité, ses lois, l’optique, ses
1874-1954 déformations, le sens éternel et universel des lignes et
des formes imposent des conditions qui sont
permanentes. La fonction, les usages, les règlements,
la mode, imposent des conditions qui sont passagères.
Bruno TAUT, affirme en 1919: "Architecture
signifie pour nous : invention de formes
agréables pour des constructions utiles...«

Pour Le Corbusier : "L'architecture, c'est, avec


des matériaux bruts, établir des rapports
émouvants ... La passion fait des choses
inertes un drame".

GROPIUS écrit en 1919 : "Qu'est-ce que


l'architecture ? C'est l'expression cristalline des
pensées les plus nobles de l'homme, de ses
aspirations intimes, de son humanité, de sa foi,
de sa religion « .

Ricardo PORRO (1925- 2014) : "L'architecture


est la création d'un cadre poétique à l'action
de l'homme".
Christian Norberd Schulz
L’architecture est un phénomène concret. Elle Comprend des paysages et des
implantations, des bâtiments et une articulation caractérisante . Elle est donc une
réalité vivante
Depuis des temps reculés, l’architecture a aidé l’homme à rendre son existence
signifiante. A l’aide de l’architecture, il a obtenu une assise dans l’espace et dans le
temps.
L’architecture a donc un objectif qui dépasse la satisfaction des besoins pratiques et
économiques . Son objectif est la définition des significations existentielles. Les
significations existentielles précèdent des phénomènes naturels, humains et
spirituels. L’architecture les traduit en formes spatiales.
Dans l’architecture la forme spatiale signifie lieu, parcours, domaine, c’est-à-dire la
structure concrète de l’environnement humain.
L’architecture ne peut donc pas être décrite de manière satisfaisante aux moyens de
concepts géométriques ou sémiologique. L’architecture devrait être comprise en
termes de formes signifiantes (symboliques). Comme telle, elle participerait à
l’histoire des significations existentielles.
1926- 2000
Aujourd’hui, l’homme éprouve l’urgence d’une reconquête de l’architecture en tant
que phénomène concret.
Peut-on rester éternellement contemporains?
Architecture et effet de mode

Les architectes et les critiques changent


régulièrement de mode afin de stimuler sans
cesse le marché. Ils doivent dépenser une
quantité de ressources impressionnantes pour
promouvoir n’importe quel style architectural
en vogue. Pour vendre leur tendance, ils
doivent supprimer toute application dérivée du
savoir architectural accumulé, ce qui empêche
tout développement d’une base théorique.
La tendance, inconstante et versatile, parasite
les processus intemporels.
• Certaines traditions sont anachroniques et mal
guidées, mais, en général, les traditions sont
d’une importance capitale en tant que capital de
manières de vivre, de penser et de résoudre
Et la tradition? des problèmes humains récurrents ; c’est face à
la tradition que sont examinées toutes les
nouvelles propositions. Une solution nouvelle
peut à un moment remplacer une solution
traditionnelle, mais elle doit réussir à s’intégrer
dans le reste de la connaissance traditionnelle.

NIKOS A. SALINGAROS

Cette photo de Auteur inconnu est fournie sous licence CC BY.


« Tout lieu neuf porte les différentes empreintes de l'histoire et exprime l'existence
d'une interaction irréductible entre des phénomènes qualitatifs qui tantôt se
manifestent, tantôt se dissimulent, s’enracinent et bifurquent sans cesse. C'est
précisément de cette dynamique que j’entends rendre compte en instaurant des
références dans un monde qui tend à s’émietter en fragments isolés."
NORBERG-SCHULTZ Christian. L’art du lieu. Paris : Le Moniteur, 1997, p.24
C’est la tradition qui constitue le principe essentiel, et la référence au passé qui fonde généralement la
représentation de l’avenir.

Composantes essentielles La manifestation matérielle et substantielle

Les principes
D'autres • Quels sont les objectifs
de l'architecture comme
questions production humaine?
restent • Sommes-nous influencés
posées.... par l'architecture?
L'architecture ne peut se résumer en
des aspects pratiques, elle a
également des implications
psychiques (prise existentielle)
Pour Norberd Schulz
l'architecture est
L’individu ne peut atteindre la prise
l’instrument existentielle par le seul biais de la
connaissance scientifique, pour
capable de l’atteindre il a besoin de symboles ou
plutôt "d’œuvres d’art" qui représentent
donner à l’homme des situations existentielles.

une
prise existentielle Un des besoins fondamentaux de
l’homme est l’expérience riche de sens
qu’amènent ces situations existentielles,
et le but de l’œuvre d’art est de
conserver et de transmettre ces
significations.
Pour Norberg-Schulz, l’homme vit dans un « espace
existentiel » qui est une réalité concrète, un lieu ayant un
caractère spécifique et avec lequel il entretient un
rapport d’identification. L’homme a besoin d’avoir une
« prise existentielle », une conscience de son existence
et de sa situation. Pour que cette prise de conscience
puisse intervenir, il faut que son univers soit codifié par
des systèmes de symboles, dont l’élaboration est confiée
à l’art et à l’architecture
Dans un sens existentiel
l’"habiter" est le but de
l’architecture

• L’homme habite lorsqu’il réussit à


s’orienter dans un milieu et à
s’identifier à lui, ou plus
simplement lorsqu’il expérimente
la signification d’un milieu.
• Habitation veut donc dire quelque
chose de plus qu’un « refuge » :
l’habitation implique que les
espaces où la vie se déroule
soient des lieux .
Que veut dire lieu?

• Un lieu, est un espace doté d’un caractère qui le distingue.


• c’est certainement plus qu’une abstraite localisation. C'est
un ensemble fait de choses concrètes qui ont leur substance
matérielle, leur forme, leur texture et leur couleur. Tout cet
ensemble de choses définit un caractère d'ambiance » qui
est l’essence du lieu. En général le lieu est défini par son
caractère ou par son atmosphère.

• Faire de l’architecture signifie visualiser le Genius Loci : le


travail de l’architecte réside dans la création de lieux
signifiants qui aident l’homme à habiter.
• Le Genius Loci est une conception romaine. D’après
Genius Loci... une antique croyance, chaque être indépendant a
son genius, son esprit gardien. Cet esprit donne vie
à des peuples et à des lieux, il les accompagne de la
naissance à la mort et détermine leur caractère ou
leur essence.
• Dans les temps anciens la survie dépendait d’un «
bon » rapport avec le lieu, au sens physique et
psychique.

« il est évident que l’œil est éduqué par les choses qu’il voit depuis sa plus tendre enfance et, donc, les peintres
vénitiens doivent voir chaque chose plus clairement et plus joyeusement que n’importe quelle autre personne »
Goethe
• Des fonctions semblables même les
plus élémentaires comme dormir et
manger se déroulent de façons
Les fonctions différentes et nécessitent des lieux aux
humaines sont- caractéristiques diverses selon les
traditions culturelles et
elles communes et les conditions du milieu.
semblables par • Le lieu représente cette part de vérité
tout ? qui appartient à l’architecture : il est
la manifestation concrète du fait
d’habiter propre à l’homme, et
l’identité de l’homme dépend de
l’appartenance aux lieux.
1. Décrypter les édifices majeurs
d’une époque donnée
2. Comprendre les conditions
Nos objectifs historiques et modes de
représentation qui ont conditionné
dans ce cours la création de cette architecture
3. Connaitre les principaux penseurs
de l'époque et confronter leurs
idées

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