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BERNARD TSCHUMI
TEXTES PARALLÈLES
(En architecture, les concepts peuvent soit précéder soit suivre un p rojet ou bâti
ment. En d'autres termes, un concept théorique peut être soit appliqué à un pro
jet, soit en être dérivé. Sans prétendre faire la synthèse des intuitions de la table
à dessin avec les certitudes de la pensée scientifique, l'index s'efforce de montrer
la direction générale d'une recherche).
(1) Extraits d'une conférence donnée à I'Architeccural Association à Londres, le 8 juin 1982. Cf B. Tschumi 11/ustrated Index, since
themes from the Manhatcan Transcripts, AA files no 4, Londres /983.
1. CONDITION Pour analyser les conditions de l'architecture
aujourd'hui, un point de départ s'impose désor
mais : les phénomènes de dissociation entre la
forme, l'usage et les valeurs sociales. Sans
contestation, ces phénomènes marquent toute
l'architecture du vingtième siècle. Si l'on se réfère
aux anciennes catégories de forme ou de fonction,
ou aux notions, plus récentes, de typologie ou de
morphologie, on s'aperçoit que l'architecture
change de statut dans les dernières décennies,
qu'elle se caractérise par une série de ruptures et
de discontinuités, par un éclatement des compo
santes de son langage. Plus de grands dispositifs,
ou de composition, mais une combinatoire de
Archaecture �� Oefmed by the actiCHIS 11 wunesses
fragments appartenant à des systèmes distincts ou as muchas by the enclosure of 1ti< W<�lls Murder
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tations de langages qui poussent l'architecture vers
ses limites.
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III. CLASSIFICATION Les Manhattan Transcripts cherchent à proposer
une lecture différente de l'architecture, où espaces,
mouvements et événements sont indépendants les
uns des autres, tout en suggérant de nouveaux
rapports, où les composantes traditionnelles de
l'architecture sont brisées et reconstruites selon
d'autres axes. Un mode de notation spécifique
combinant représentations architecturales, photo
graphies d'événements particuliers, et diagrammes
fléchés de chorégraphies diverses y est déve
4
-
de l'espace.
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IV. RELATION L'hypothèse de base des Transcripts est celle de
l'architecture : confrontation en un seul lieu de
trois catégories dont les logiques sont a priori irré
conciliables : l'espace, l'événement et le mouve
ment. Il ne s'agit pas cependant de découvrir une
nouvelle synthèse. Au contraire, on cherchera à
maintenir les contradictions de façon dynamique,
dans une nouvelle relation d'indifférence, renfor
cement ou conflit.
Il
Il ne s'agit donc pas de déterminer un point de
départ : mouvement ou espace, de savoir lequel
est générateur de l'autre. Un lien profond les unit,
tel celui du prisonnier et son gardien. Ils sont pris
dans un même rapport, seule la flèche du pouvoir
change de direction.
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tique sur les institutions. Quand l'espace de la
Chapelle Sixtine est détourné pour y accueillir un
110 mètres-haies, l'architecture cesse de se situer
dans le domaine de la bonne conscience. Pour un
instant, la transgression est réelle et toute puis
sante. Mais, comme l'on sait, la transgression des
attendus culturels est toujours récupérée. Les vio
lents collages surréalistes inspirent la réthorique
publicitaire, la transgression des règles est intégrée
dans la vie quotidienne, que ce soit à travers des
motivations symboliques ou technologiques.
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Pourtant le Carpenter Center de Le Corbusier,
avec sa rampe qui violente l'édifice, signifie un
authentique mouvement des corps à travers un
solide architectural. Inversement : un solide qui
guide de façon autoritaire le moùvement des corps
à travers )'espace.
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Y. NOTATION Le but du mode de notation tripartite (événe
ments, mouvements, espaces) est d'introduire
l'ordre de l'expérience, l'ordre du temps - les
moments, les intervalles, les séquences - parce
que toutes interviennent dans la lecture de la ville.
Cette notation procède également d'un besoin de
questionner les modes de représentation généra
lement utilisés par les architectes : plans, coupes,
axonométries, perspectives.
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vités divergentes.
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VII. TRANSFORMATION Les séquences des Transcripts sont intensifiées à
�travers l'usage des règles de transformation, telles
la compression, l'insertion, la superposition.
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Une autre lecture : la théorie du cinéma nous rap
pelle le fameux effet Koulechov. La même prise
de vue du visage impassible de l'acteur est insérée
dans une série de situations variées ; le spectateur
croit percevoir différentes expressions dans cha
que juxtaposition successive. Le même phénomène
existe en architecture : les espaces sont qualifiés
par l'action autant que l'action est qualifiée par
l'espace. L'un ne déclenche pas l'autre : il n'y a
pas de relation de cause à effet, mais seulement
une confrontation.
1
une relation horizontale et interne prend place à
l'intérieur de chaque séquence respective. Cette
relation peut être continue et logique ; elle peut
aussi sauter d'un cadrage au cadrage adjacent,
créant une disjonction interne. Mais il y a aussi
une relation verticale, externe, les trois séquences
horizontales d'espace, mouvement et événement,
respectivement. Cette relation peut évidemment
être continue et logique (le patineur patine sur la
patinoire), mais peut aussi être peu probable ou
incompatible (par exemple l'ailier gauche valse sur
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la patinoire, le bataillon patine sur la corde raide).
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2. Photographie Toute déconstruction du matériau architectural
peut être opérée sur sa documentation plutôt que
sur le matériau lui-même. A l'opposé des plans,
coupes ou axonométries utilisés habituellement en
architecture, la description perspective des bâti
ments est identique à leur image photographiée ;
.la photographie agit en tant qu'origine de l'image
architecturale. L'image perspective n'est plus un
simple mode de dessin tridimensionnel, mais·l�ex�
tension directe d'un mode de perception propre
à l'ère moderne : la photographie, le cadrage
image par image du cinéma.
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que implique différentes lectures. La photo agit
d'abord comme métaphore du programme archi
tectural, en se référant plus particulièrement à l'ac
tion des personnages dans-l'espace. Elle peut aussi �o-- ,o
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être lue séparément, comme si la documentation ' 1 ' '
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indépendamment des dessins qui lui sont juxta o•
posés. Enfin, le contenu allégorique des événe
ments est là pour déranger la logique abstraite des
phases successives du jeu des permutations, intro
duisant une lecture purement subjective. Si d'au
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tres photos sont juxtaposées ou superposées aux
premières selon certaines règles précises de trans
formations, la combinatoire offre immédiatement
la possibilité d'activités hybrides.
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proposent également différentes lectures de la
fonction spatiale ; ils suggèrent que la définition
de l'architecture se place à l'intersection de la logi
que et de la douleur, de la rationalité et de l'an
goisse, du concept et du plaisir.
citations et néologismes.
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Note: Bernard TSCHUMJ, The Manhattan Transcripts, Academy Editions, London, and St Martin 's Press, New York, 1982.
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SCREENPLAYS
Extraits de la série des Screenplays.
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CONCEPT DE LA FOLIE
-Volume 5, 1984.
duate School of Architecture and Planning, Columbia University, New York
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« La Folie serait ainsi un mot en perpétuelle dis
convenance avec lui-même et interrogatif de part
en part, tel qu'il mettrait en question sa possibilité
et, par lui, la possibilité de langage qui le
comporterait, donc l'interrogation, elle aussi, en
tant qu'elle appartient au jeu du langage».
(M. Blanchot).
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li ne s'agit pas évidemment ici de céder à la fasci
nation par la séduction intellectuelle de la folie,
mais plutôt de se rappeler que quelque chose se
dit à travers elle, quelque chose que l'on refuse
généralement d'entendre pour conserver un fra
gile ordre culturel ou social.
unitaire ?
0
Ce que les architectes ont pu longtemps proposer
- la composition, l'ordonnance des choses en
tant que reflet de l'ordre du monde -, fait désor
mais partie de concepts aujourd'hui inapplicables.
L'architecture n'existe qu'à travers le monde dans
lequel elle se présente. S'il y a dissociation, unité
détruite, ville éclatée, l'architecture le sera aussi,
inévitablement. L'excès des styles, les colonnes
doriques pour supermarchés, ou le suprématisme
de banlieue, ont vidé le langage de l'architecture )? �
de toute signification. L'excès de sens n'a pas de
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sens. L'architecture semble aujourd'hui errer à la
recherche de la signification des choses. La réa
lité lui paraît se dérouler dans un désordre plus A? g;
ou moins chaotique.
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1. Non-représentation Mais quel sens produire ? Au moment où il appa
• raît qu'aucun sens n'est possible à travers le seul Îl lb o·
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à la base de toute une conception de l'architec
ture. Mais cela participe plus de l'idéologie
qu'autre chose, et ce n'est pas le propos de notre
travail). Il faut se méfier des signes. Un signe ne
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fait que renvoyer à un autre signe- il n'est pas
signifiant, il n'y a que substitution infinie. « Le
signe n'est donc pas le signe de quelque chose,
mais d'un effet qui est ce qui suppose en tant que
tel d'un fonctionnement du signifiant » note
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Lacan « il n'y a pas de fumée que de signe de
fumeur » (Jacques Lacan, Encore, Séminaire,
Livre XX).
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Mais si les signes ne sont que des variables sans
cesse déplacées, il existe d'autres constantes. La
forme en est une. Car c'est de reconnaître la forme
dans l'espace qui compte. En effet, la forme est
à l'espace, non à l'image. Elle n'a de signification
que dans sa capacité à être reconnue. « La forme
n'en sait pas plus qu'elle ne dit. Elle est réelle en
ce sens qu'elle tient l'être dans sa coupe, mais à
ras bord. Elle est le savoir de l'être » (Jacques
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3. Points d'ancrage La trame ponctuelle est l'outil stratégique de la
Villette. Elle articule l'espace, les intensités. En
refusant toute hiérarchie, toute « composition »,
elle refuse les a priori idéologiques des grands
plans-masse du passé. La Villette offre au public
la possibilité d'un repérage d'un monde éclaté à
partir d'un espace intermédiaire (les Folies) où
peuvent s'amorcer des greffes de transfert. ( . . )
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