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BERNARD TSCHUMI

TEXTES PARALLÈLES

INSTITUT FRANÇAIS D'ARCHITECTURE


6, rue de Tournon, 75006 PARIS
2 avril 18 mai 1985.
-
INDEX ILLUSTRÉ
THÈMES TIRÉS
DE MANHATTAN
TRANSCRIPTS ( 1 }

(En architecture, les concepts peuvent soit précéder soit suivre un p rojet ou bâti­
ment. En d'autres termes, un concept théorique peut être soit appliqué à un pro­
jet, soit en être dérivé. Sans prétendre faire la synthèse des intuitions de la table
à dessin avec les certitudes de la pensée scientifique, l'index s'efforce de montrer
la direction générale d'une recherche).
(1) Extraits d'une conférence donnée à I'Architeccural Association à Londres, le 8 juin 1982. Cf B. Tschumi 11/ustrated Index, since
themes from the Manhatcan Transcripts, AA files no 4, Londres /983.
1. CONDITION Pour analyser les conditions de l'architecture
aujourd'hui, un point de départ s'impose désor­
mais : les phénomènes de dissociation entre la
forme, l'usage et les valeurs sociales. Sans
contestation, ces phénomènes marquent toute
l'architecture du vingtième siècle. Si l'on se réfère
aux anciennes catégories de forme ou de fonction,
ou aux notions, plus récentes, de typologie ou de
morphologie, on s'aperçoit que l'architecture
change de statut dans les dernières décennies,
qu'elle se caractérise par une série de ruptures et
de discontinuités, par un éclatement des compo­
santes de son langage. Plus de grands dispositifs,
ou de composition, mais une combinatoire de
Archaecture �� Oefmed by the actiCHIS 11 wunesses
fragments appartenant à des systèmes distincts ou as muchas by the enclosure of 1ti< W<�lls Murder

m the �ame w<Jy a� love m the �treet dtffers from


m the Street d1ffer� from Murder m the Cathedral

the Street of Love R<1Jically


hétérogènes.

Il. DÉFINITION Notre hypothèse de travail est qu'il n'y a jamais


d'architecture sans espace, sans programme, sans
mouvement, mais qu'aujourd'hui ces notions ne
peuvent plus se rapporter à un système unifica­
teur, à un langage unique. Au contraire, l'hété­
rogénéité de ces constantes conduit à des confron­

2
tations de langages qui poussent l'architecture vers
ses limites.

1. Limite Les limites de l'architecture aujourd'hui :


1) dans la relation entre espace et usage, entre
type et programme, entre objet et événement.
2) dans la recherche et la transmission du mode
de connaissance architectural : notamment
dans le mode de notation de l'architecture.
Tout aussi précis que soient plans, coupes, axo­
nométries, chacun implique une réduction de
la pensée architecturale à ce qui peut être mon­
tré à travers les conventions de l'image dessi­
née, à l'exclusion de toute autre préoccupation.
Ces images (plans, coupes, etc.) sont prises
dans une sorte de prison du langage architec­
tural, où les limites de ce langage deviennent
les limites de la pensée architecturale elle­
même. Toute tentative d'aller au-delà de ces
limites, d'offrir une autre lecture de l'architec­
ture, exige de questionner ces conventions. 3

8
III. CLASSIFICATION Les Manhattan Transcripts cherchent à proposer
une lecture différente de l'architecture, où espaces,
mouvements et événements sont indépendants les
uns des autres, tout en suggérant de nouveaux
rapports, où les composantes traditionnelles de
l'architecture sont brisées et reconstruites selon
d'autres axes. Un mode de notation spécifique­
combinant représentations architecturales, photo­
graphies d'événements particuliers, et diagrammes
fléchés de chorégraphies diverses y est déve­
4
-

loppé de manière séquentielle, parce que l'archi­


tecture contient dans sa définition autant l'action
que l'objet, la dimension du temps autant que celle 1

de l'espace.

!. Événement Événement : un incident, une occurence ; une par­


tie de programme. Les événements dans l'archi­
tecture peuvent contenir certains usages, des
fonctions particulières, ou des activités isolées. Ils
comprennent les moments de passion, autant que
l'instant de la mort.

Ces événements ont leur propre indépendance et


leur propre logique. Rarement, ils sont la consé­
quence de leur contexte ou des circonstances qui
les entourent.

2. Espace Espace : une chose mentale ? l'a priori de la cons­


cience de Kant ? une forme pure ? ou, plutôt, un
produit social, la projection sur le terrain d'une
structure socio-politique ?

Dès l'âge de la modernité : les espaces architec­


turaux ont désormais une autonomie et une
logique propres. Distorsion, rupture, compres­
sion, fragmentation et juxtaposition, sont inhé­
rents à la manipulation de la forme, de Piranèse
à Schwitters, du Docteur Caligari à Rietveld.

3. Mouvement Mouvement : l'action de se mouvoir. Egalement 7

une façon particulière de se mouvoir (dans un


poème ou dans une narration : le développement
de l'action).

Le mouvement signifie l'intrusion d'un corps dans


l'ordre contrôlé de l'architecture. Pénétrer un bâti­
m·ent : un acte qui rompt l'équilibre d'une géo­
métrie précisément ordonnée (les pbotos d'archi­
tecture contiennent rarement des coureurs, des
boxeurs, des amants), des corps qui marquent des
espaces inattendus à travers la fuite et/ou les acci­
dents de leur mouvement. L'architecture est ainsi
tin organisme passivement engagé dans un rapport
constant avec ses utilisateurs, dont les corps
s'affrontent aux règles soigneusement établies de
la pensée architecturale.

9
IV. RELATION L'hypothèse de base des Transcripts est celle de
l'architecture : confrontation en un seul lieu de
trois catégories dont les logiques sont a priori irré­
conciliables : l'espace, l'événement et le mouve­
ment. Il ne s'agit pas cependant de découvrir une
nouvelle synthèse. Au contraire, on cherchera à
maintenir les contradictions de façon dynamique,
dans une nouvelle relation d'indifférence, renfor­
cement ou conflit.

1. Indifférence Indifférence : quand programme et espace sont


indépendants l'un de l'autre (par exemple lorsque
l'on découvre, parmi les colonnades régulières du
Crystal Palace ou des Grandes Halles du
19• siècle, soit des milliers de têtes de bétail desti­
nées aux abattoirs, soit des ateliers d'expositions
de peinture contemporaine), on observe alors une
stratégie dite d'indifférence, où les considérations
spatiales ou formelles ne dépendent pas nécessai­
rement des exigences programmatiques. De même,
mais d'une manière très différente, la Casa del
Fascio de Terragni à Côme est un exercice remar­
quable de langage architectural et un bâtiment
agréable à l'usage malgré ses juxtapositions for­
tuites d'espaces et d'usage.

2. Renforcement Renforcement : espaces et programmes peuvent


évidemment être totalement interdépendants et
conditionner leur existence respective (« machines
à habiter », simulateurs de vol, où chaque fonc­
tion est précisément déterminée, programmée). On
observe alors une stratégie de renforcement, à tra­
vers laquelle un terme renforce l'autre, une sorte
de tautologie architecturale encouragée par la plu­
part des doctrines fonctionnalistes (« le patineur
patine sur la patinoire »). L'architecte y conçoit
les décors, écrit le scénario, et dirige les acteurs.
D'où les cuisines idéales du Werkbund des années
vingt, chaque pas de la femme au foyer étant soi­
gneusement dirigé par les attentions constantes du
plan d'aménagement. D'où les Exercices Biomé­
caniques du Meyerhold, qui, à travers les décors
de Popova, transformaient les personnages en
machines et les machines en personnages. D'où
également la rampe du Guggenheim Museum de
Frank Lloyd Wright ou celle de l'entrée du pavil­
lon General Motors par Norman Bel Geddes.

Il
Il ne s'agit donc pas de déterminer un point de
départ : mouvement ou espace, de savoir lequel
est générateur de l'autre. Un lien profond les unit,
tel celui du prisonnier et son gardien. Ils sont pris
dans un même rapport, seule la flèche du pouvoir
change de direction.

3. Conflit Contradiction, conflit : espaces et action se


heurtent parfois et se contredisent. On assiste alors
à une stratégie de conflit, à traver� laquelle cha­
que terme transgresse la logique de l'autre (« le
footballeur patine sur le champ de bataille »). Les
relations sont évidemment souvent plus
complexes. Quand une révolte du 20• siècle se
substitue à l'ordre d'une place du 18• siècle, le glis­
sement qui en résulte suggère un commentaire cri-

10
tique sur les institutions. Quand l'espace de la
Chapelle Sixtine est détourné pour y accueillir un
110 mètres-haies, l'architecture cesse de se situer
dans le domaine de la bonne conscience. Pour un
instant, la transgression est réelle et toute puis­
sante. Mais, comme l'on sait, la transgression des
attendus culturels est toujours récupérée. Les vio­
lents collages surréalistes inspirent la réthorique
publicitaire, la transgression des règles est intégrée
dans la vie quotidienne, que ce soit à travers des
motivations symboliques ou technologiques.
....._
Pourtant le Carpenter Center de Le Corbusier,
avec sa rampe qui violente l'édifice, signifie un
authentique mouvement des corps à travers un
solide architectural. Inversement : un solide qui
guide de façon autoritaire le moùvement des corps
à travers )'espace.

Si je souligne ces relations d'indifférence, de ren-


. forcement ou de conflit, c'est pour insister sur le
fait qu'elles existent malgré les idélogies prescrip­
14
tives de l'architecture (modernisme contre huma­
nisme, formalisme contre fonctionnalisme, etc.)
qu'architectes et critiques cherchent constamment
à promouvoir.

·
Y. NOTATION Le but du mode de notation tripartite (événe­
ments, mouvements, espaces) est d'introduire
l'ordre de l'expérience, l'ordre du temps - les
moments, les intervalles, les séquences - parce
que toutes interviennent dans la lecture de la ville.
Cette notation procède également d'un besoin de
questionner les modes de représentation généra­
lement utilisés par les architectes : plans, coupes,
axonométries, perspectives.

1. Notation de mouvement Notation : procédé ou méthoqe qui consiste à


représenter des nombres, des quantités, etc., par
un système de signes. Les mouvements- de foule,
de danseurs, de lutteurs - rappellent l'intrusion
inévitable de corps dans les espaces de l'architec­
ture, l'intrusion d'un ordre à l'intérieur d'un
autre. Le besoin d'enregistrer précisément de telles
confrontations, sans tomber dans des formules
fonctionnalistes, exige des formes précises de nota­ /5
tion du mouvement. En tant qu'extension des
conventions graphiques de la chorégraphie, cette
notation tente d'éliminer les significations pré­
conçues données à des actions particulières pour
se concentrer plutôt sur leur effet spatial : le mou­
vement des corps dans l'espace.
16
Plutôt que d'indiquer simplement les flèches direc­
tionnelles sur une surface neutre, la logique des
notations de mouvement suggère des sortes de cor­
ridors, comme si le danseur s'était frayé un espace
à l'intérieur même de la matière. Inversement, 17

cette notation suggère des volumes linéaires


continus, comme si la trajectoire des corps avait
été littéralement solidifiée, « gelée » en un vecteur
massif et permanent.

Enfin, chaque événement ou action des Trans­


cripts est caractérisé par une image photogra­
phique, dans une tentative (peut-être illusoire) de
s'approcher de l'objectivité souvent manquante
/8
aux programmes architecturaux.
11
VI. ARTICULATION Les Manhattan Transcripts ne sont pas une simple
accumulation d'événements pris au hasard; leur
caractéristique principale est la séquence, une
succession composite de cadrages qui confronte
espaces, mouvements et événements, leurs
structures respectives et leurs règles spécifiques.

1. Cadrages Le cadrage est à la fois l'opération qui consiste


à cadrer et le matériau qui est cadré. L'ordre du
premier encadre le désordre du second. Parfois,
ce qui cadre devient désordre, et ce qui est cadré,
ordre.

Chaque partie, chaque cadrage de la séquence


qualifie, renforce ou altère la partie qui la précède
ou la suit. Les associations ainsi formées suggè­
rent une pluralité d'interprétations plutôt qu'un
seul fait singulier. Chaque partie est donc à la fois
complète et incomplète. Si la structure générale
de la séquence exige l'indétermination de son
contenu, son contenu particulier s'affirme comme
détermination.

2. Séquence Toute séquence architecturale inclut ou implique


au moins trois relations : d'abord une relation
interne, liée à la méthode de travail ; ensuite, deux
relations externes, l'une liée à une juxtaposition
d'espaces, la deuxième à une succession d'événe­
ments (le « programme »). La première relation 21
(ou séquence de transformation), peut être décrite
comme une opération machinale, comme un
mécanisme de travail. La seconde relation (la
séquence spatiale) est constante à travers l'histoire,
0········ ·11
. . .::::::::: . . ..... ;,. ::::::::::::[
. . . . . . . . lb i
::: :P.i.'W.f;bl+!1
...'""'I"'"!"'"''"TTT'm--...,
de l'architecture ; ses précédents typologiques sont
:

. 1 �-::::::: · c········;;. ::::::::::: =J····l.!.!l.!...!.. l:::!I::J.;;�:


... ·en·��u:a· ·w�
�:::::::: i'
innombrables. La troisième relation est caracté­
risée par ses connotations sociales et symboliques. :'
22
Nous l'appellerons la séquence programma tique.

Toute séquence est cumulative. Ses cadrages suc­


cessifs prennent un sens à travers leur juxtaposi­
tion. Ils établissent une mémoire- celle du cadre •••
précédent. Faire l'expérience d'une séquence archi­
tecturale veut dire placer des contenus particuliers
(ceux des cadrages) à l'intérieur d'un tout (la
séquence). La séquence la plus simple est donc tou­
jours plus qu'une �onfiguration en suite.
23

La linéarité des séquences ordonne mouvements,


événements, espaces, dans une progression qui ras­
semble ou juxtapose des esthétiques ou des acti­ . . .
' «•'ft:

...
,_.... �
vités divergentes.
( � 1 \
1 E
' .. \ 1

24
----------------.----

25

12
VII. TRANSFORMATION Les séquences des Transcripts sont intensifiées à
�travers l'usage des règles de transformation, telles
la compression, l'insertion, la superposition.

1. Opérations Tout travail sur la forme autonome (à distinguer


de la forme qui prétend être la conséquence de
contraintes fonctionnelles ou matérielles) appelle
l'usage d'opérations spécifiques si on ne veut pas
tomber dans l'arbitraire le plus complaisant, le jeu
des modes et des styles.

Ces opérations permettent la transformation de


la séquence, car le contenu de chacun des cadrages
qui la composent peut être superposé, coupé, téles­
copé, suggérant des possibilités infinies à la
séquence narrative. A la limite, ces transforma­
tions sont à classer selon certaines stratégies spé­
cifiques : la répétition, la distorsion, la superpo­
sition, l'insertion, le fondu-enchaîné.

Ces opérations transformationnelles s'appliquent


indifféremment aux espaces, événements ou mou­
vements. Nous pouvons donc coupler une
séquence répétitive d'espaces semblables (les cours
intérieures des immeubles berlinois par exemple)
avec une séquence d'actions multiples (la danse
dans la première cour, rixe dans la seconde, acro­
batie dans la troisième, etc.).

VIII. COMBINATOIRE En dépassant la définition conventionnelle de la


' , les Transcripts cherchent à adresser
«fonction»
la notion de programme - un champs écarté des
idéologies architecturales depuis plusieurs
décennies.

1. Programme Programme : une combinatoire d'événements


« un programme architectural est une liste de ser­
vices requis. Il indique leurs relations, mais ne sug­
gère ni leur combinaison ni leur proportion »
(Julien Guadet).

Tout programme donné (par un client, une insti­


tution, la coutume) peut être analysé, démontré,
déconstruit selon n'importe quelle règle ou critère,
et reconstruit en une nouvelle configuration pro­
grammatique (tout en conservant ses composantes
d'origine).

Reprendre l'idée de programme aujourd'hui n'im­


plique en aucun cas un retour à « la forme suit
la fonction », aux relations de cause à effet chères
aux fonctionnalistes. Au contraire, on cherchera
à ouvrir un champ de recherche où les événements
sont enfin confrontés avec les espaces qui les
contiennent.

2. Récit Le narratif architectural existe-t-il ? Un narratif


présuppose non seulement une séquence, une
structure, mais aussi un langage. Comme on le
sait, un retour à «l'architecture parlante » du
ISe siècle est illusoire. Même si le narratif archi­
tectural correspondait au narratif de la littérature,
l'espace et ses signes ne nous donneraient pas un
discours.

13
Une autre lecture : la théorie du cinéma nous rap­
pelle le fameux effet Koulechov. La même prise
de vue du visage impassible de l'acteur est insérée
dans une série de situations variées ; le spectateur
croit percevoir différentes expressions dans cha­
que juxtaposition successive. Le même phénomène
existe en architecture : les espaces sont qualifiés
par l'action autant que l'action est qualifiée par
l'espace. L'un ne déclenche pas l'autre : il n'y a
pas de relation de cause à effet, mais seulement
une confrontation.

Ce sont les rapports entre séquences, ou relations


externes, qui sont les plus importants dans les
Transcripts. Dans le dernier épisode par exemple,

1
une relation horizontale et interne prend place à
l'intérieur de chaque séquence respective. Cette
relation peut être continue et logique ; elle peut
aussi sauter d'un cadrage au cadrage adjacent,
créant une disjonction interne. Mais il y a aussi
une relation verticale, externe, les trois séquences
horizontales d'espace, mouvement et événement,
respectivement. Cette relation peut évidemment
être continue et logique (le patineur patine sur la
patinoire), mais peut aussi être peu probable ou
incompatible (par exemple l'ailier gauche valse sur
30
la patinoire, le bataillon patine sur la corde raide).

IX. DECONSTRUCTION Malgré son apparente abstraction, l'architecture


des Transcripts suppose une réalité préexistante,
une réalité prête à être déconstruite - et éventuel­
lement transformée. Elle isole, encadre et s'appro­
prie des éléments de la ville. Son rôle n'est jamais
de représenter : elle n'est pas mimétique.

1. Réalité Une distance vis-à-vis des formes primaires


comme génératrices de l'architecture ne signifie
pas un retour à l'historicisme et à l'éclectisme. Il
s'agit plutôt d'une tentative de combiner les frag­
ments d'une réalité donnée avec la rationalité de
concepts abstraits. Ces fragments de réalité (tels
qu'ils sont appréhendés à travers l'objectif du pho­
tographe par exemple) supposent sans doute cer­
tains a priori culturels. Mais, loin de constituer
des allusions érudites aux architectures du passé,
ces fragments doivent être lus comme un matériau
architectural banal- neutre, objectif, indifférent.

31
2. Photographie Toute déconstruction du matériau architectural
peut être opérée sur sa documentation plutôt que
sur le matériau lui-même. A l'opposé des plans,
coupes ou axonométries utilisés habituellement en
architecture, la description perspective des bâti­
ments est identique à leur image photographiée ;
.la photographie agit en tant qu'origine de l'image
architecturale. L'image perspective n'est plus un
simple mode de dessin tridimensionnel, mais·l�ex�
tension directe d'un mode de perception propre
à l'ère moderne : la photographie, le cadrage
image par image du cinéma.

14
-,·

La logique interne de toute image photographi­

Il
que implique différentes lectures. La photo agit
d'abord comme métaphore du programme archi­
tectural, en se référant plus particulièrement à l'ac­
tion des personnages dans-l'espace. Elle peut aussi �o-- ,o
q<o
'
être lue séparément, comme si la documentation ' 1 ' '

0 \d 0..�
10�
'_, �
_,

: 0
1 '

photographique possédait son autonomie propre,


��-�--p ': 0 /
',

o-
'1
indépendamment des dessins qui lui sont juxta­ o•
posés. Enfin, le contenu allégorique des événe­
ments est là pour déranger la logique abstraite des
phases successives du jeu des permutations, intro­
duisant une lecture purement subjective. Si d'au­
32
tres photos sont juxtaposées ou superposées aux
premières selon certaines règles précises de trans­
formations, la combinatoire offre immédiatement
la possibilité d'activités hybrides.

3. Le cinéma La séquentialité des Transcripts suggère inévita­


blement l'analogie au cinéma. Au-delà d'une sen­
sibilité qui a marqué le vingtième siècle, le cinéma
� ·� g ...
donne aux Transcripts une technique image par ;oo-:-:.-)
0
image, l'isolation de moments d'action extraits de
.•

g.::-;
·· ..

leur contexte. Dans ces deux cas, les espaces ne


sont pas seulement composés, mais aussi assem­
blés, prise de vue par prise de vue, de telle sorte
que la signification de chaque espace est liée autant
à celui qui le précède qu'à celui qui suit. 33

�(�\\��1���A���Att�1
34

X. SENS Si les programmes utilisés pour les Manhattan


Transcripts sont souvent extrêmes, c'est pour sou­
ligner le fait que toute architecture, plutôt que de 35

représenter des standards de fonctionnalité, parle


de la vie et la mort.

1. Violence La violence programmatique est là a contrario,


pour mettre en question les programmes huma­
nistes du passé et leur insistance sur les exigences
« fonctionnelles » de survie ou de production. Ils

favorisent au contraire les activités généralement


considérées comme négatives et improductives :
« le luxe, les guerres, les cultes ; la construction

de monuments somptueux ; les jeux, les specta­


cles, les arts » (Georges Bataille). Les Transcripts

15
proposent également différentes lectures de la
fonction spatiale ; ils suggèrent que la définition
de l'architecture se place à l'intersection de la logi­
que et de la douleur, de la rationalité et de l'an­
goisse, du concept et du plaisir.

2. Plaisir Le plaisir de l'architecture : quand l'architecture


satisfait aux désirs d'espace tout en exprimant idée
ou concept, avec intelligence et invention. Un cer­
tain plaisir à ne pas omettre : celui qui résulte des
conflits, quand le plaisir de l'espace entre en
conflit avec celui de l'ordre.

L'architecture de plaisir : là où le langage se brise


en mille morceaux ; où les mécanismes de l'archi­
tecture sont démontés et leurs règles transgressées ;
où l'on questionne les hypothèses autant acadé­
miques que populaires, ou dérange le goût acquis
et la mémoire architecturale. Typologies, morpho­
logies, articulations d'espaces, constructions
logiques, toutes se dissolvent dans un conflit
nécessaire : répétitions, ruptures, discontinuités, � ·-!"'- 1•

citations et néologismes.

3. Folie « En la folie s'établit l'équilibre, mais elle mas­


que cet équilibre sous la nuée de l'illusion, sous
le désordre feint; la rigueur de l'architecture se
cache sous l'aménagement habile de ces violences
déréglées. » (M. Foucault, Histoire de la Folie).

37

jiJ

2: Rob Mallet-Stevens set for L'Inhumaine, 1923. 5: Oswald,


The Cabinet of Dr Caligari, 1919. 6: Malevich, Architektron,
1923-7. 7: Kurt Schwitters, Merzbau, 1925. 9: Giuseppe
Terragni, Casa del Fascia, Coma, 1932-6, from K. Frampton,
Modern Architecture (Thames & Hudson, 1980). JO: Liubov
Popova set design for Zemlia dybom, 1923 (George Costakis
Collection). 12: Eisenstein, October, 1917. 15: Rameau,
Minuet, dance figure, 1750. 16: Pageants, Florence, 16th
century. 17: Oskar Schlemmer, Ges/ure Dance diagram, 1926.
18: General diagrams of audio-visual correspondences in
sequence from Eisenstein 's Alexander Nevsky, from Eisenstein,
The Film Sense (Faber & Faber, 1968). 21: Melnikov,
Preliminary sketches for Soviet Pavilion, Paris, 1924, from
S.F. Starr, Melnikov (Princeton U. Press, 1978). 22: Egyptian
temples reconstructed by Pococke and reprinted by Quatremère
de Quincy, 1803. 23: Vignola and Ammanati, Villa Giulia,
Rome, 1552. 24: Melnikov, Worker's Club, Moscow, 1929,
from S.F. Starr, Melnikov. 25: Bunuel and Dali, Un chien
andalou, 1928. 27: Arthur Robinson, Warning Shadows, 1923.-
28: Paul Leni, Waxworks, 1924. 29: Dziga Vertov, The Man
With the Movie Camera, 1929, 30, 31: Paul Wegener, The
Golem, 1920 (set by Hans Poe/zig). 32, 33, 34, 35: Bernard
Tschumi, The Manhattan Transcripts (Academy Editions,
1981), Parts 4: The Black, 36: Fritz Lang, Metropolis, 1926.
37: El Lissitzky, Tatlin at Work, from El Lissitzky (Thames &
Hudson, 1980). 38: Natan Altman, Décoration devant le Palais
d'Hiver, Jer anniversaire de la Révolution d'Octobre,
Petrograd, 1918, from Paris-Moscou 1900-1930 (Centre Georges
Pompidou, 1979).

Note: Bernard TSCHUMJ, The Manhattan Transcripts, Academy Editions, London, and St Martin 's Press, New York, 1982.

16
SCREENPLAYS
Extraits de la série des Screenplays.

Les Screenplays (ou scénarios) jouent à la fois sur


le rapport entre une action (un « programme »)
et un espace architectural et sur des transforma­
tions de type séquentiel. Les Screenplays sont une
sorte de sténographie architecturale, à exécuter en
une soirée ou une nuit de travail. Ce sont de
simples guides pour des opérations et procédures
utilisées ailleurs dans des circonstances architec­
turales plus complexes.

A l'opposé des Manhattan Transcripts, dont l'écri­


ture fut longuement élaborée, les Screenplays sont
souvent de nature plus spontanée, semblables à
des « esquisses exploratoires ».
,.... .. ·-· -

L'usage des images de film est née de mon intérêt


pour les notions de programme et de séquence (« il \. r

n'y a pas d'architecture sans action, pas d'archi­


tecture sans programme »). Plutôt que d'inven-
ter des séquences d'événements fictifs, j'ai cherché
à utiliser des séquences existantes. Le cinéma était
une source évidente. Les découvertes formelles et
narratives de l'art le plus spécifique au vingtième
siècle suggèrent inévitablement certains parallèles
· avec la pensée architecturale contemporaine. Les
retours en arrière, les faux-raccords, le montage
en parallèle, les fondu-enchaînés et autres formes
de montage conduisent à certaines analogies avec
l'espace-temps de l'architecture. Cependant, les
préoccupations exprimées dans les Screenplays
sont essentiellement d'ordre architectural. Ce sont
des questions de matériau (les générateurs de la
forme : un espace, un mouvement, etc.) ; de trans­
formation (disjonction, distorsion, répétition,
superposition · , etc.) ; d�è contrepoint (entre l'espace
et le mouvement, l'événement et l'espace, etc.).

. .

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17
CONCEPT DE LA FOLIE

La Villette, axonométrie générale, 1983.

Bernard Tschumi, Madness and the Combinative, PRECIS, Journal of theGra­

-Volume 5, 1984.
duate School of Architecture and Planning, Columbia University, New York

19
« La Folie serait ainsi un mot en perpétuelle dis­
convenance avec lui-même et interrogatif de part
en part, tel qu'il mettrait en question sa possibilité
et, par lui, la possibilité de langage qui le
comporterait, donc l'interrogation, elle aussi, en
tant qu'elle appartient au jeu du langage».
(M. Blanchot).

I. METHODE Si nous avons pris la folie comme point d'ancrage


à une partie de la problématique du Nouveau Parc
de la Villette, c'est parce que le mot, et les ambi­
guïtés, qu'il recouvre, nous paraît bien illustrer
une situation caractéristique à la fin du 20e siècle,
faite de disjonctions ou dissociations entre l'usage,
la forme et les valeurs sociales. Nous ne considé­
rons pas cette situation comme négative, mais
comme symptomatique d'une condition nouvelle,
aussi éloignée de l'humanisme du 18e siècle que
des modernismes de ce siècle. (... )

En tant qu'o.bjet bâti, en effèt, la folie ne signifie


plus l'extravagance éclectique de styles, mais au
contraire une juxtaposition consciente d'espaces
et de programmes sans précédent. Ici, notre but
est de libérer la folie construite de ses connota­
tions historiques et de la placer sur un plan plus
vaste et plus abstrait, en tant qu'objet autonome,
lequel pourra, par la suite, recevoir de nouvelles
significations.

Ainsi, ce ne sont pas les attri�uts spécifiques de


l'objet qui sont significatifs, mais plutôt l'artifi­
cialité de son abstraction - la perfection absolue
du système auquel se réfère l'objet. Les folies et
leur trames sont des formes fabriquées, les pro­
duits de processus à travers lesquels une abstrac­
tion (ici : point, ligne et surface) a été amenée à
remplacer progressivement le support arbitraire de
données existantes (site, contraintes, etc.).

En substituant « � re » à « nature » , les folies


représentent la mutation de cette dernière, et pren­
nent pour modèle, à la fois les capacités répétiti­
ves et l'artificialité de la machine. C'est dans ce
sens que ce nouveau Parc Urbain peut être consi­
déré comme s'opposant aux concepts exprimés au
19e siècle d'une nature basée sur des lois physiques
ou biologiques, les remplaçant par un concept à
la fois combinatoire et transformatif de
1 'environnement.

Le texte qui suit est une tentative de placer la


Villette - et l'architecture -, dans un contexte
méthodologique précis, qui utilise certaines don­
nées peu courantes en architecture, mais plus
communes à d'autres champs théoriques, tels ici
la psychanalyse. Cette contamination d'une dis­
cipline à une autre est aussi symptomatique d'une
condition contemporaine.

11 n'est pas nécessaire de rappeler comment


Foucault, dans l'Histoire de la Folie, a amplement
démontré que celle-ci pose des questions à la fois
sociologiques, psychanalytiques et philosophiques.
(. . . )

20
li ne s'agit pas évidemment ici de céder à la fasci­
nation par la séduction intellectuelle de la folie,
mais plutôt de se rappeler que quelque chose se
dit à travers elle, quelque chose que l'on refuse
généralement d'entendre pour conserver un fra­
gile ordre culturel ou social.

On sait que l'un des apports de Lacan, au niveau


méthodologique, c'est d'avoir dégagé une théo­
rie de la psychanalyse, qui, nourrie par l'expé­
rience clinique, ne lui soit réductible en aucune
manière. La même préoccupation est la nôtre en
architecture, où la théorie de l'architecture est ali­
mentée par l'existant (l'espace, le corps, le mou­
vement, l'histoire), mais ne lui est en aucun cas
réductible. Le travail sur les« Transcripts », puis
sur les « Folies », ainsi que les différents articles
qui les ont précédés ou accompagnés, avaient pour
but de développer une telle théorie. Cette théorie
se devait d'être capable de mettre en forme l'im­
prévu, l'impondérable, de rendre compte de tout
changement, qu'il soit de programme ou d'expé­
rience des sens, de fonder en raison ce qui
jusqu'alors, avait été exclu du domaine de l'archi­
tecte, parce que justement du domaine des pas- 1
sions, de l'irrationnel.

II. DISSOCIATION On ne reviendra pas ici sur l'éclatement qui carac­


térise notre temps, à la différence de fausses cer­
titudes propagées par certains idéologues de
l'architecture. La non-coïncidence entre l'être et
le sens, l'homme et l'objet, a été suffisamment
explorée ou analysée de Nietzsche à Foucault, de
Joyce à Lacan, pour qu'on puisse aisément s'y
référer.

Qui oserait revendiquer aujourd'hui la capacité de [/


reconnaître objets et choses vivantes comme'par­
tie d'un monde homogène, à la fois organisé et
oUo
EXPlOSION FRAGMENTATION DECONSTRUCTION

unitaire ?
0
Ce que les architectes ont pu longtemps proposer
- la composition, l'ordonnance des choses en
tant que reflet de l'ordre du monde -, fait désor­
mais partie de concepts aujourd'hui inapplicables.
L'architecture n'existe qu'à travers le monde dans
lequel elle se présente. S'il y a dissociation, unité
détruite, ville éclatée, l'architecture le sera aussi,
inévitablement. L'excès des styles, les colonnes
doriques pour supermarchés, ou le suprématisme
de banlieue, ont vidé le langage de l'architecture )? �
de toute signification. L'excès de sens n'a pas de
e� Ill{/
sens. L'architecture semble aujourd'hui errer à la
recherche de la signification des choses. La réa­
lité lui paraît se dérouler dans un désordre plus A? g;
ou moins chaotique.
"è7
1. Non-représentation Mais quel sens produire ? Au moment où il appa­
• raît qu'aucun sens n'est possible à travers le seul Îl lb o·
G
� c&l

jeu des formes, alors il est certain qu'un vide, une


oLJo.
IMPlOSION RECOMJ>OSITION POINT FRAMES

absence est la seule donnée antérieure à l'archi­ •

tecture. L'architecture ne peut plus avoir de fonc­ 0


tion représentative. En effet, ne peut être repré­
senté que ce qui a d'abord été présenté, ce qui a
été donné en tant que modèle, à la fois extérieur
et antérieur au projet. (On pourrait rappeler ici
combien l'illusion de la représentation se trouve Déconstruction programmatique

21
llr�t!��
à la base de toute une conception de l'architec­
ture. Mais cela participe plus de l'idéologie
qu'autre chose, et ce n'est pas le propos de notre
travail). Il faut se méfier des signes. Un signe ne

���····§' ��
fait que renvoyer à un autre signe- il n'est pas
signifiant, il n'y a que substitution infinie. « Le
signe n'est donc pas le signe de quelque chose,
mais d'un effet qui est ce qui suppose en tant que
tel d'un fonctionnement du signifiant » note

��fl��ii
Lacan « il n'y a pas de fumée que de signe de
fumeur » (Jacques Lacan, Encore, Séminaire,
Livre XX).

� [!r � ot o� 1l
Mais si les signes ne sont que des variables sans
cesse déplacées, il existe d'autres constantes. La
forme en est une. Car c'est de reconnaître la forme
dans l'espace qui compte. En effet, la forme est
à l'espace, non à l'image. Elle n'a de signification
que dans sa capacité à être reconnue. « La forme
n'en sait pas plus qu'elle ne dit. Elle est réelle en
ce sens qu'elle tient l'être dans sa coupe, mais à
ras bord. Elle est le savoir de l'être » (Jacques
j1 JI JI' D D

Lacan, Encore, Séminaire, Livre XX). La saisie Combinatoire, 1982.


dans l'espace des fragments du vécu, de l'événe­
ment, est liée à la reconnaisance des formes dans
l'espace pour avoir contact avec les choses. ( ... )

2. Il s'agit dès lors, de connaître la nature de nos rap­


ports avec les éléments dissociés de la ville. Notre
hypothèse ici est que ces rapports suggèrent la
notion de transfert. « C'est d'espace qu'il s'agit :
le transfert est pris dans un sens spatialisant de
transport. La dissociation fait éclater le transfert
en fragments de transfert» (G. Pankov, L'Image
du corps et objet transitionnel, Revue Française
de Psychanalyse, no 2, 1976). A la Villette, il s'agit
d'une mise en forme, une mise en acte de la dis­
sociation. L'approche de la Villette suggère des
points de rencontre, des points d'appréhension,
des moments de saisie de la dissociation d'une
totalité éclatée en fragments.

Cela ne va pas sans difficulté. La mise en forme


de la dissociation nécessite que le support (le Parc,
l'institution) soit structuré comme système de ras­
semblement. Le point rouge des Folies est le foyer
de cet espace dissocié. Car il ne s'agit pas d'ex­
clure tous les points de référence. Le point des
Folies agit comme un dénominateur commun, il
se constitue comme un système de rapports entre
objets, événements et personnes. Il permet la mise
en place d'une charge d'intensité.

La trame des Folies autorise une véritable combi­


natoire des lieux de transfert sur le fond du site
de la Villette. Il est évidemment secondaire de
chercher à déterminer à l'avance les formes archi­
tecturales les plus aptes à ces situations transféren­
tielles. Mais nous savons déjà qu'apparaît déjà une
série d'opérateurs privilégiés, porteurs d'espace
clos, de mouvements. Ce sont les surfaces et les
lignes, plantées, construites. Les Folies et leurs
opérateurs forment le premier pas vers un accès
à un nouvel espace fait des formes du corps vécu
et en contact avec les choses. (Voir les textes de
R. Bidault sur la folie).

22
3. Points d'ancrage La trame ponctuelle est l'outil stratégique de la
Villette. Elle articule l'espace, les intensités. En
refusant toute hiérarchie, toute « composition »,
elle refuse les a priori idéologiques des grands
plans-masse du passé. La Villette offre au public
la possibilité d'un repérage d'un monde éclaté à
partir d'un espace intermédiaire (les Folies) où
peuvent s'amorcer des greffes de transfert. ( . . )
.

La Villette s'envisage ainsi comme une mise en


place de quelque chose de l'ordre d'une technique
au niveau des superpositions et des points
d'ancrage. Elle offre une surface d'espaces pour
saisir les formes d'activités et permettre un accès
possible. Elle « s'édifie en un dispositif comme
unité rassemblante de tous les modes du poser »
(Heidegger, Questions IV). ( .. )
.

La Villette, plan de principe, 1982

23
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POINTS

Superpositions

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