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Philosophique
2 | 1999
L'art
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Il ne faut pas sous-estimer la fonction heuristique de la notion de système dans la constitution
du savoir moderne. La dénonciation du JOURNALS
système comme clôture empêche de penser ce que
contenait de théoriquement révolutionnaire la notion de dictionnaire, d'encyclopédie, de
système des sciences considérée dans son rapport à l'idée problématique d'un système du
présent historique et de ses tâches pratiques. La fin des systèmes laisse la pensée démunie
Index terms
Keywords : architectonique, classement, dictionnaire, encyclopédie, rationalité
Full text
1 La notion de système a aujourd’hui mauvaise réputation en philosophie : on y voit
l’expression d’une volonté théorique de puissance exprimant la démesure d’une pensée
prétendant prendre possession du tout de la réalité par l’enfermenent des savoirs dans
la prison d’un réseau de catogories. L’air du temps est au fragment, à l’essai, au collage,
et si la notion est encore utilisée, c’est à la condition de consentir à l’ouverture. Ainsi on
opposera au système fermé dont Hegel aurait donné le modèle le système ouvert qui
reçoit la fonction d’un idéal régulateur permettant d’articuler souplement savoirs et
pratiques.
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Un système n’est autre chose que la disposition des diverses parties d’un art ou
d’une science en un ordre où elles se soutiennent toutes mutuellement, et où les
dernières s’expliquent par les premières. Le caractère artificiel du système est
évident, mais il demeure orienté sur l’idée d’un système objectif de la nature.
Les systèmes sont plus anciens que les philosophes : la nature en fait faire, et il
ne s’en faisait pas de mauvais quand les hommes n’avaient qu’elle pour maître.
C’est qu’alors un système n’était et ne pouvait qu’être le fruit de l’observation
(Oeuvres. Paris. I. P.U.F. 1947. p l21 et 123).
3 Condillac signifie par là que le lien à la nature se distend dès que l’observation exige
d’être interprétée et qu’apparaissent les conjectures abstraites soustraites à
l’expérience. Les philosophes imposent « un esprit de système » qui déborde toute
expérimentation. S’inscrivant dans les camps de Newton et de Locke, contre Descartes
et Leibniz, Condillac critique les prétentieuses constructions qui entendent s’enfermer
dans leurs abstractions selon des principes généraux non fondés sur l’expérience. Il
oppose à cette structure la notion d’ensemble d’hypothèses contrôlées soutenant les
connaissances acquises et soutient que « le système abstrait » ne reflète que les
passions et le caractère du philosophe, non la structure des choses. La révision de l’idée
systématique aboutit à former l’idée d’un ordre ouvert et empirique, celui du
dictionnaire. L’Encyclopédie selon Diderot entend accueillir le savoir se faisant, sans le
corseter, mais en le corrigeant en quelque sorte, en lui imposant de se prêter à un bilan
des progrès des connaissances, de se recueillir dans le sens d’un renvoi indéfini les unes
aux autres des connaissances relatives aux sciences et aux arts. Le Prospectus de
l’Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences et des métiers que Diderot rédige
en 1750 précise que l’idée systématique d’un cercle du savoir ne peut se réaliser que
sous la forme d’un dictionnaire alphabétique, capable de se prémunir contre toute
tendance à esthétiser les contenus dans un ordre univoque, à contraindre le concret à
ployer sous l’arbitraire de schémas a priori. Diderot ne récuse pas l’image de l’arbre de
la connaissance à laquelle avaient eu recours les métaphysiciens de l’ordre systémique,
mais il la dissocie de toute référence à une classification naturelle des sciences qui se
voudrait unique, univoque, définitive. Il l’utilise en lui faisant thématiser et réfléchir
son propre arbitraire.
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d’autant plus grand qu’il y avait plus d’arbitraire. Et combien ne devait-il pas y
en avoir ? La nature ne nous offre que des choses particulières, infinies, en
nombre et sans aucune division fixe et déterminée. Tout s’y succède par
nuances insensibles. Et dans cette mer d’objets qui nous environne, s’il en
paraît quelques uns, comme des pointes de rochers qui semblent percer la
surface et dominer les autres, ils ne doivent cet avantage qu’à des systèmes
particuliers, qu’à des conventions vagues, et qu’à certains événements étrangers
à l’arrangement physique des êtres, et aux vraies institutions de la philosophie
(Oeuvres. I. Edition Versini. Paris, Bouquins, Robert Laffont. 1994. p. 214).
Les philosophes ne balancent pas. Dans ces sortes de cas, chacun a son système
favori, auquel il veut que les autres cèdent. La raison a peu de part au choix
qu’ils font, d’ordinaire, les passions décident toutes seules. Un esprit
naturellement doux et bienfaisant adoptera les principes que l’on tire de la
bonté de Dieu, parce qu’il ne trouve rien de plus grand, de plus beau que de
faire le bien. / / Enfin, un caractère, mélancolique, misanthrope, odieux à lui et
aux autres, aura du goût pour ces mots destin, fatalité, nécessité, hasard, parce
qu’inquiet, mécontent de lui et de tout ce qui l’environne, il est obligé de se
regarder comme un objet de mépris et d’horreur, ou de se persuader qu’il n’y a
ni bien ni mal, ni ordre ni désordre. (Condillac cité p. l26).
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du présent historique
9 C’est en ce point que commence l’entreprise systématique de Hegel. Elle consiste à ne
plus opposer, comme Kant, le « concept scolastique de la philosophie » et le « concept
cosmique ». Le premier désigne le « système de la connaissance qui n’est en somme
recherché que comme science » dont le but ne peut dépasser l’unité systématique du
savoir et sa perfection logique. Le second, on l’a vu, désigne
10 Le système de ces catégories ne peut alors être réduit à une seule dimension
scolastique car ce système exprime la richesse de ce qui s’est produit dans le temps et
qui manifeste le présent historique le plus riche. Il renvoie au cosmique. La synthèse
hégélienne fait du système une détermination logico- cosmo-historique. Le système du
penser comme réseau des catégories est la réponse, en effet, aux problèmes qui sont nés
sur le terrain du présent, auxquels les penseurs du passé ne pouvaient faire face. Hegel
élabore une notion de système qui dépasse le modèle de l’organisme et qui excède le
cosmos des connaissances. Le système est à la fois structure et développement, et il
renvoie à l’époque, l’époque moderne, Die Neuzeit, qu’il faut saisir par la pensée et
diriger selon sa ligne profonde de tendance, qu’il faut concevoir (à tous les sens du
terme). Répondant à la critique condillacienne de l’esprit de système, Hegel ne voit plus
dans le système philosophique l’expression d’une idiosyncrasie arbitraire, ni la
manifestation d’un désir d’articuler le seul organisme du savoir en ses divers organes.
Le penser est systématique en ce qu’il se procure le réseau de catégories permettant de
déchiffrer son propre temps en ses exigences théoriques et pratiques. Si l’époque
moderne est celle qui rend possible et urgente la mise en réseau des connaissances
acquises dans son présent, c’est que ce présent lui-même, en ses problèmes ouverts et
ses modes de changement, tente de se concevoir, de se faire être, de se produire comme
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Bibliography
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References
Bibliographical reference
André Tosel, “Remarques historiques sur la notion de système”, Philosophique, 2 | 1999, 81-
88.
Electronic reference
André Tosel, “Remarques historiques sur la notion de système”, Philosophique [Online],
2 | 1999, Online since 06 April 2012, connection on 25 May 2021. URL:
http://journals.openedition.org/philosophique/245; DOI:
https://doi.org/10.4000/philosophique.245
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