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E. Morin en déduit alors cette relation : « la réalité est dès lors autant dans le lien que dans la distinction entre le
système ouvert et son environnement » (32). Il s’interroge ensuite sur l’information, qui n’est pas un ingrédient
mais une théorie, et qui est constitutive de l’organisation. Le développement de l’information entraîne le
développement de l’organisation et donc le développement de la complexité. « L’information est un concept
problématique, non un concept solution » (37). S’ensuivent des considérations sur Gödel, sur l’entropie, sur l’auto-
organisation. Il se moque au passage des « prétentieuses études quantitatives sur bulldozers statistiques, guidées par
des pilotes à petite cervelle : relier, relier toujours était une méthode plus riche, au niveau théorique même, que les
théories blindées, bardées épistémologiquement et logiquement, méthodologiquement aptes à tout affronter, sauf
évidemment le réel » (48). Il s’ensuit cette conclusion lumineuse : « la complexité dans un sens a toujours affaire
avec le hasard » (49) qui renvoie à nos considérations sur le risque.
Car au fond, la théorie de la complexité « permet l’émergence, dans son propre champ, de ce qui avait été jusqu’alors
rejeté hors de la science : le monde et le sujet » (52). « La science occidentale s’est fondée sur l’élimination positiviste
du sujet à partir de l’idée que les objets pouvaient être observés et expliqués en tant que tel » (54). « Le sujet est
renvoyé, comme perturbation ou bruit, précisément parce qu’il est indescriptible selon les critères de l’objectivisme
» (55). Mais le sujet « prend sa revanche dans la morale, la métaphysique, l’idéologie ». Et plus loin, « l’objet, à la
limite le monde, devient bruit » (56). « Ainsi apparaît le grand paradoxe : sujet et objet sont indissociables, mais
notre mode de pensée exclut l’un par l’autre » (57). Ce rapport du sujet et de l’objet peut être réconcilié : « ainsi le
monde est à l’intérieur de notre esprit, lequel est à l’intérieur du monde » (60). Cela permet le dépassement si l’effort
porte sur la « relation entre le chercheur et l’objet de sa connaissance, en portant consubstantiellement un principe
d’incertitude et d’autoréférence » (61) ; cela nous permet « de nous distancier à nous même, de nous regarder de
l’extérieur, de nos objectiver » (62), ce qui, d’une certaine façon, renvoie à l’indécidabilité de Gödel.