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La Gaule narbonnaise de la fin du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C.
Michel Christol
DOI : 10.4000/books.psorbonne.10542
Éditeur : Éditions de la Sorbonne
Année d'édition : 2010
Date de mise en ligne : 1 février 2019
Collection : Histoire ancienne et médiévale
ISBN électronique : 9791035101732
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782859446345
Nombre de pages : 700
Référence électronique
CHRISTOL, Michel. Une histoire provinciale : La Gaule narbonnaise de la fin du II e siècle av. J.-C. au IIIe
siècle ap. J.-C. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2010 (généré le 05 mai 2019).
Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/psorbonne/10542>. ISBN : 9791035101732.
DOI : 10.4000/books.psorbonne.10542.
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Les trente-cinq études de ce volume, revues et mises à jour, retracent l’histoire de la Gaule
méridionale, appelée d’abord Transalpine puis Narbonnaise, des premiers temps de la présence
romaine aux débuts de l’Antiquité tardive et montrent les transformations d’un monde
provincial sous l’empreinte de Rome. Une nouvelle géographie économique apparaît avec le
déplacement des centres de gravité, de Narbonne vers la vallée du Rhône et Lyon. La
romanisation de la société est autant politique que religieuse. On assiste à une intégration réussie
des élites - notables issus de l’Italie et descendants des grandes familles aristocratiques indigènes
- mais également à l’ascension des représentants de la société civique provinciale - le commun
des détenteurs des magistratures et des sacerdoces. S’épanouit alors au cours de la seconde
moitié du premier siècle av. J.-C. une culture de l’écrit qui se manifeste, en particulier par
l’abondante production épigraphique, dans les lieux funéraires, les grandes demeures et les
espaces publics urbains.
L’accès des grandes familles à l’ordre équestre et à l’ordre sénatorial, puis leur participation au
gouvernement de l’Empire viennent concrétiser, dès le premier siècle ap. J.-C., le rapprochement
entre l’Italie et cette partie de l’Empire romain, dont le destin apparaît alors comme singulier,
selon l’expression de Pline l’Ancien : À la vérité, plus l’Italie qu’une province.
Cette somme érudite est appelée à devenir une œuvre de référence sur l’histoire de la Gaule
narbonnaise.
MICHEL CHRISTOL
Michel Christol a enseigné l'histoire romaine à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et
a développé ses recherches au sein du Centre Gustave-Glotz. Il a publié des ouvrages sur
l’histoire de l’Empire romain au IIIe siècle, sur l’histoire des provinces africaines et sur un
grand érudit nîmois, Jean François Séguier.
2
SOMMAIRE
Avant-propos
Maria Luisa Bonsangue et Christine Hoët-van Cauwenberghe
Introduction
Chronologie
Jusqu’à l’époque césarienne
De l’époque césarienne jusqu’à l’époque flavienne
Du troisième quart du Ier s. ap. J.-C. à la fin du IIe s. ap. J.-C.
Le IIIe siècle ap. J.-C.
Introduction
Introduction
Introduction
Introduction
Introduction
Introduction
Chapitre 21. L’épigraphie et les débuts du culte impérial dans les colonies de vétérans de
Narbonnaise
Chapitre 22. À propos d'une inscription de Lattes relative à deus Mars Augustus : l’acte
religieux et le don
Introduction
Introduction
Chapitre 27. Les ambitions d’un affranchi à Nîmes sous le Haut-Empire : l’argent et la
famille
Chapitre 29. Activité économique, appartenance à l’élite et notabilité : les collèges dans la
Gaule méridionale et la vallée du Rhône
Introduction
Chapitre 32. Marchands gaulois et grand commerce de l’huile de Bétique dans l’Occident
romain : quelques données provenant des amphores
I. La marque Q CONNI VERACI
2. Le cas des Vrittii (la marque Q VRITTI REVOCATI ; les timbres des Vrittii)
Chapitre 33. Les naviculaires d'Arles et les structures du grand commerce maritime sous
l'Empire romain
Bibliographie
NOTE DE L’ÉDITEUR
Ouvrage publié avec le concours du Conseil scientifique de l’université Paris 1 Panthéon-
Sorbonne
8
Avant-propos
Maria Luisa Bonsangue et Christine Hoët-van Cauwenberghe
hommage en accueillant cet ouvrage, tout comme Michel Christol et Michel Gayraud
l’avaient fait eux-mêmes, il y a 20 ans, quand ils avaient rendu hommage à Émilienne
Demougeot, pour couronner une carrière bien remplie...
AUTEURS
MARIA LUISA BONSANGUE
Maître de conférences en histoire romaine. Université de Picardie-Amiens UMR 8585-Centre G.-
Glotz
Introduction
romain », auraient pu se nouer dès cette période. En tout cas, à l’approche de la fin du II e
siècle, les grands peuples du centre de la Gaule, et en premier les Éduens, adoptent un
monnayage d’argent sur le modèle romain.
4 L’apparition d’un nouvel espace provincial, la Gaule transalpine, se place dans ce
contexte. Il s’agit d’une province (provincia), c’est-à-dire d’un espace dont la relation à
Rome et à sa puissance, l’« empire du peuple romain » (imperium populi Romani) est
clairement défini. Chaque année le sort d’ensemble qui devait être fait aux communautés
qui s’y étaient établies et qui en constituaient le tissu politique, faisait l’objet d’une
délibération et d’une décision du Sénat, afin d’orienter l’activité des représentants du
peuple romain qui y seraient envoyés, magistrats de l’année (consuls ou préteurs), ou
promagistrats, c’est-à-dire magistrats dont les attributions étaient reconduites au-delà du
terme légal de la magistrature (proconsuls ou propréteurs), et afin de les doter en moyens
d’action appropriés à l’accomplissement de la mission confiée (troupes et ressources
financières). Cette délibération pouvait même, si nécessaire, recomposer le cadre de la
province, et faire dépendre telle ou telle partie, sinon le tout, de la compétence d’une
autorité établie ailleurs. C’est ainsi qu’au début du Ier siècle av. J.-C. (en 81) le proconsul C
(aius) Valerius Flaccus avait triomphé de Celtiberia et de Gallia. On doit donc admettre que,
durant une première période de son histoire, la géographie provinciale fut quelque peu
mouvante, durant la conquête ou la prise en main, qui correspond aussi aux premiers
temps de l’organisation. On peut considérer que lorsque Fonteius exerçait le
gouvernement de la province, de 74 à 72, une stabilisation s’était produite.
5 Mais elle ne signifiait une définitive stabilité. L’intégration de la province dans l’Empire
romain, la rapprochant peu à peu de l’Italie, suivant une belle formule de Pline le Jeune
qui signale l’aboutissement de ce processus comme caractère spécifique de la
Narbonnaise, est un mouvement assez ample, de perspective séculaire. Il passe par le
développement de la municipalisation et par l’essor de l’urbanisation. C’est ce qui conduit
à mettre en évidence plusieurs phases qui structurent cette période, et qui s’enchaînent
dans la production d’acquis cumulatifs. La phase césarienne (59-44) fait de la Transalpine
la partie méditerranéenne d’un ensemble de régions désormais passées par la conquête
sous la puissance du peuple romain (la Gallia Comata, ou « Gaule chevelue »), en même
temps que s’y répandent les bénéfices tirés de l’aide apportée au proconsul : la diffusion
du droit de cité romaine et la diffusion du droit latin comme mode d’organisation de la
vie des communautés, ce qui facilita l’intégration des élites, les premières fondations
coloniales (romaines et latines), qui lancèrent des processus d’urbanisation nouveaux. La
période triumvirale (44-27) permet l’approfondissement de ces mouvements, avec la
poursuite des fondations coloniales. La période augustéenne, qui commence en 27 par un
recensement provincial, acte fondateur d’intégration s’il en est, est celle des mises en
ordre et, la paix aidant, celle de l’épanouissement du mouvement d’urbanisation.
6 Le cadre géographique a été constitué rapidement pour l’essentiel. Il tut le résultat des
premières interventions romaines dans l’arrière-pays de Marseille contre la
confédération des Salyens (entre 125 et 121), mais elles entraînèrent les troupes et les
généraux romains, consuls et proconsuls, dans des horizons assez larges. Si, par nécessité,
il fallut s’engager dans la vallée du Rhône pour faire face aux menaces des Arvernes et des
Allobroges, l’intervention en Languedoc est moins explicable par l’obligation d’affronter
les peuples gaulois les plus puissants qui intervenaient dans le conflit. Mais elle contribua
à donner aux régions passées sous le contrôle du peuple romain une configuration qui
allait marquer la construction de la province. Au-delà du territoire marseillais, dans la
13
vallée du Rhône et ses abords, la maîtrise des plaines, jusque-là contrôlées d’Avignon
jusqu’à Valence par la confédération des Cavares, puis, sur les abords, le territoire des
Helviens du Vivarais sur la rive droite, ceux des Voconces et des Allobroges sur la rive
gauche, qui conduisaient jusqu’au cœur du massif alpin, encore incomplètement maîtrisé.
Les côtes du golfe du Lion, où se trouvaient les Volques Arécomiques, étaient, pour une
partie à l’écart du domaine marseillais. C’étaient les possibilités de contrôler une grande
voie d’échanges, l’isthme aquitain, et un certain nombre de ressources naturelles. C’est ce
qui sans aucun doute attira d’emblée les représentants de Rome dans la région et les
conduisit à marquer de leur empreinte, dès les premiers temps de la province, cette
région qui prolongeait la province de Citérieure et où les marges de manœuvre étaient
réelles. En 118 la fondation de la colonie de Narbonne est un repère majeur. Mais depuis
le Narbonnais l’influence romaine s’orienta vers le seuil de Naurouze et le pays des
Volques Tectosages, le Toulousain.
7 La ligne des monts Cemmènes, que l’on croyait posée clairement au nord de l’espace
conquis, constituait une limite donnée à la province, même si du côté des Tectosages, le
débordement vers l’espace aquitain était réel. La ligne des Pyrénées fut aussi
définitivement établie lorsque Pompée eut pacifié les provinces hispaniques au terme de
la révolte de Sertorius. Mais la Transalpine, sous l’autorité de Fonteius, avait apporté sa
contribution aux entreprises de rétablissement de la puissance romaine, et le trophée de
Pompée avait été édifié au col du Perthus sur la limite provinciale : « sur le trophée qu’il
élevait dans les Pyrénées, Pompée le Grand a attesté avoir soumis 866 villes, des Alpes aux
frontières de l’Espagne ultérieure » (Pline, Hist. Nat., III, 4,18 ; trad. H. Zehnacker).
8 C’étaient encore les relations avec l’Italie qui présentaient le plus de difficultés.
Rappelons qu’avant même d’aller au secours de Marseille contre les Salyens, Rome avait
dû lutter pour assurer la sécurité des communications sur la mer et sur la route côtière,
contre les peuples ligures, réputés de farouches pirates (en 181, en 154). Toutefois le
contrôle des passages des Alpes occidentales, à travers le pays des Voconces, puis à
travers le pays des Allobroges lorsque l’horizon territorial du peuple romain se fut étendu
vers le nord par la conquête césarienne, n’était pas parfait. Il ne se réalisa pleinement
qu’au début de l’époque augustéenne avec la soumission définitive des peuples alpins et
l’organisation provinciale qui s’en suivit. Un nouveau monument de la puissance de Rome
fut alors édifié, le trophée d’Auguste à la Turbie, sur lequel la liste des peuples soumis
avait été inscrite, comme l’indique Pline l’Ancien (Pline, Hist. Nat., III, 24, 136). Alors la
Narbonnaise s’étendait du Var aux Pyrénées. Elle était délimitée par l'Hispania citerior au
Sud, l’Aquitaine remodelée par Auguste à l’Ouest, la Lyonnaise au Nord, les petites
provinces des Alpes et le royaume allié de Cottius à l’est. Pline l’Ancien, qui reprend une
source antérieure à la pacification des Alpes le présente de la sorte : « On appelle province
Narbonnaise la partie des Gaules qui est baignée par la Mer Intérieure ; elle se nommait
auparavant la Gaule en Braies. Elle est séparée de l’Italie par le fleuve Var et par la chaîne
des Alpes, qui contribua sans doute le plus au salut du peuple romain - et du reste de la
Gaule, du côté nord par les monts des Cévennes et du Jura. Par la qualité de son
agriculture, par la considération dont jouissent ses habitants et leurs mœurs, par
l’importance de ses ressources, elle ne le cède à aucune autre province : bref c’est l’Italie
plutôt qu’une province » (Hist. Nat., III, 5, 31 ; trad. H. Zehnacker).
14
1 Les travaux sont répartis en plusieurs groupes : ouvrages, dont certains sont publiés en
collaboration, puis directions d’ouvrages, qui impliquent aussi l’organisation du sujet et
qui s’accompagnent de participations. Les participations à des ouvrages collectifs sont
d’ampleur variable et de nature différente : notices et commentaires d’inscriptions,
inventaires épigraphiques, chapitres de synthèse d’histoire politique, économique et
sociale. Ils ont permis de nouer des contacts approfondis avec les milieux archéologiques
du Languedoc-Roussillon et les responsables des musées. Le nombre restreint de préfaces
s’explique par l’inclusion de plusieurs préfaces dans les catégories précédentes.
2 La partie la plus abondante concerne les articles, dont beaucoup ont été écrits en
collaboration. Ils résultent donc, en partie, de contacts noués, en diverses occasions, avec
les archéologues de terrain ou bien avec d’autres chercheurs engagés dans l’étude des
mêmes sujets. La liste ne comporte que les travaux publiés. Elle ne recense pas les travaux
en cours de publication. Elle est arrêtée à la date de juin 2009. Les aléas de publication
feront certainement apparaître, plus tard, quelques nouveaux titres en 2007-2009. Il faut,
bien sûr, entrecroiser cette bibliographie avec les publications relatives à l’histoire de
l’Empire romain ou à celle d’autres provinces romaines.
3 Les articles qui ont été reproduits sont signalés par un astérisque. Ils n’ont fait l’objet que
de légères modifications. Les remarques et corrections de fond ont été rejetées dans les
notes additionnelles ou les introductions.
Ouvrages
4 1998 a – (en collaboration avec Chr. Lassalle) Monnaies d’or de l’Empire romain aux Musées de
Nîmes (Cahiers des musées et monuments de Nîmes, 4), Nîmes, 1988, 50 p.
5 2003 a – (en collaboration avec D. Darde) La collection Séguier au Musée archéologique de
Nîmes (Cahiers des musées et monuments de Nîmes, no 12), Nîmes, 2003, 96 p.
6 2005 a – Dissertation sur l’inscription de la Maison Carrée par Jean-François Séguier, Présentation
et commentaire, Aix-en-Provence, 2005, 160 p.
15
Direction d’ouvrages
7 1992 a – Inscriptions antiques de la cité de Nîmes (IACN 1-21), Nîmes, 1992, 112 p.
8 2009 a – (avec D. Darde) L'expression du pouvoir au début de l’Empire. Autour de la Maison
Carrée à Nîmes, Paris, 2009, 224 p.
Préface
Articles
1970
20 1970 a – Notes sur l’inscription romaine de Marennes (commune d’Aumes), Études sur
Pézenas et sa région, 1, 1970-4, p. 4-13.
16
1971
22 1971 a – Remarques sur les naviculaires d’Arles, Latomus, 30, 1971, p. 643-663.
1972
23 1972 a – Une cité romaine : à propos de la thèse de doctorat de Monique Clavel, Études sur
Pézenas et sa région, III, 1972-1, p. 3-17.
24 1972 b – Une inscription de Béziers transportée à Uzès, Revue archéologique de Narbonnaise,
5, 1972, p. 175-178.
1973
25 1973 a – (en collaboration avec C. Brenot et A. Freises) À propos d’une monnaie impériale
grecque frappée sous Commode à Thyatire (Asie), trouvée sur le site du Barrou (Sète,
Hérault) : quelques liaisons de coins, Bulletin de la Société française de numismatique, 1973,
p. 488-491.
1974
26 1974 a – (en collaboration avec C. Brenot et A. Freises) Les monnaies du site galloromain
du Barrou (Sète, Hérault), Bulletin de la Société française de numismatique, 1974, p. 586-590.
27 1974 b – L'origine de quelques familles arlésiennes, Bulletin de la Société nationale des
antiquaires de France, 1973 (1974), p. 117-118.
1975
1977
30 1977 a – Trouvailles monétaires à Saint-Thibéry, Études sur Pézenas et sa région, VIII, 1977-3,
p. 3-9.
31 1977 b – (en collaboration avec C. Brenot et A. Freises) Les monnaies du site du Barrou
(Sète, Hérault). Remarques sur la circulation monétaire en Gaule méridionale, Bulletin de
la Société d’Études scientifiques de Sète et de sa région, 8-9, 1976-1977, p. 17-64.
17
1979
32 1979 a – (en collaboration avec D. Fishwick) A Priest of the Three Gauls at Valentia, Revue
archéologique de Narbonnaise, 12, 1979, p. 281-286.
1981
33 1981 a – Doubles lyonnais d’inscriptions romaines de Narbonne (CIL XIII, 1994 = CIL XII,
4486 ; CIL XIII, 1982 a = CIL XII, 4497), Revue archéologique de Narbonnaise, 14, 1981,
p. 221-224.
1982
1984
36 1984 a – Notes d’épigraphie narbonnaise, III. Inscription de Cébazan, Études sur l’Hérault,
15,1984-3, p. 17-20.
37 1984 b – (en collaboration avec M. Janon) Révision d’inscriptions de Nîmes, I : CIL XII,
3005, Revue archéologique de Narbonnaise, 17, 1984, p. 249-255.
1986
1987
41 1987 b – (en collaboration avec J. Gascou et M. Janon) Les seviralia ornamenta gratuita dans
une inscription de Nîmes, Latomus, 46, 1987, p. 388-398.
42 1987 c – *Les Volques Arécomiques entre Marius, Pompée et César, dans Mélanges offerts au
docteur Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu, Paris, 1987, p. 211-219 [chapitre 4].
43 1987 d – (en collaboration avec J. Charmasson) Une inscription découverte à Gaujac,
Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1987, p. 116-128.
18
1988
46 1988 a – (en collaboration avec Chr. Goudineau) Nîmes et les Volques Arécomiques au I er
siècle avant J.-C., Gallia, 45, 1987-1988, p. 87-103.
47 1988 b – (en collaboration avec S. Demougin) Le choix d’une prosopographie provinciale :
l’exemple de la Narbonnaise (dans La prosopographie. Problèmes et méthodes), Mélanges de
l’École française de Rome, 100, 1988, p. 11-21.
1989
1991
50 1991 a – * L’inscription funéraire de Caius Sergius Respectus. Remarques sur le milieu des
notables gallo-romains de Nîmes (AE1969-1970, 376), dans Mélanges P. Lévêque, 5 (Annales
littéraires de l’université de Besançon, Centre de recherches d’histoire ancienne, 101), Besançon-
Paris, 1991, p. 65-83 [chapitre 17].
51 1991 b – (en collaboration avec Marc Heijmans), Nouvelles inscriptions d’Arles, Documents
d’archéologie méridionale, 14, 1991, p. 355-361.
52 1991 c – (en collaboration avec M. Gazenbeek), Une nouvelle épitaphe d’époque gallo-
romaine à Collias, Documents d’archéologie méridionale, 14, 1991, p. 362-367.
1992
53 1992 b – *Les ambitions d’un affranchi à Nîmes sous le Haut-Empire : l’argent et la famille,
Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 3,1992, p. 241-258 [chapitre 27].
54 1992 c – (en collaboration avec I. Cogitore) Révision d’inscriptions de Nîmes. Les Apicii,
Les inscriptions latines de Narbonnaise (actes de la table ronde d’Alba, 2 et 3 juin 1989), École
antique de Nîmes, Bulletin, ns. 23, 1992, p. 29-38.
55 1992 d – Évergétisme et évergètes à Nîmes à l’époque impériale (I). À propos d’un
hommage public : l’argent et la famille, Les inscriptions latines de Narbonnaise (actes de la
table ronde d’Alba, 2 et 3 juin 1989), École antique de Nîmes, Bulletin, ns. 23, 1992, p. 49-63.
19
56 1992 e – *Nîmes et les marchands de vin de Lyon, dans Inscriptions latines de Gaule lyonnaise
(actes de la table ronde de novembre 1990 organisée au CERGR de l’université Lyon III et
au musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon), Lyon, 1992, p. 125-131 [chapitre 34].
57 1992 f-(en collaboration avec M. Heijmans) Les colonies latines de Narbonnaise : un
nouveau document d’Arles mentionnant la Colonia Iulia Augusta Avennio, Gallia, 49, 1992,
p. 37-44.
58 1992 g – *Composition, évolution et renouvellement d’une classe dirigeante locale :
l’exemple de la cité de Nîmes, dans La mobilité sociale dans le monde romain (actes du
colloque de Strasbourg (novembre 1988), édités par Edmond Frézouls), Strasbourg, 1992,
p. 187-202 [chapitre 16].
1993
1994
1995
1996
67 1996 b – La Narbonnaise dans l’Empire romain, dans Le III e siècle en Gaule narbonnaise :
données régionales sur la crise de l’Empire (Aix-en-Provence, 15-16 septembre 1995), Sophia
Antipolis, 1996, p. 15-31.
68 1996 c – Notes d’épigraphie, I et II, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 7, 1996, p. 307-318.
69 1996 d – Inscriptions de la colonie de Narbonne, provenant de la ville et du territoire,
Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 7, 1996, p. 372-374 (= Bulletin de la Société française d’études
épigraphiques sur Rome et le monde romain, 1995).
70 1996 e – (en collaboration avec J.-Cl. Leyraud et J.-Cl. Meffre) Le cadastre C d’Orange,
nouvelles recherches, Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1996,
p. 288-299.
1997
1998
76 1998 b – La Gaule au IVe siècle, L’archéologue. Archéologie nouvelle, 36, 1998, p. 39-43.
77 1998 c – *(en collaboration avec R. Plana-Mallart), De la Catalogne à Narbonne :
épigraphie amphorique et épigraphie lapidaire. Les affaires de Veiento, dans Epigrafia
romana in area adriatica (actes de la IX e rencontre franco-italienne sur l’épigraphie du
monde romain, Macerata, 10-11 novembre 1995), Macerata, 1998, p. 273-302 [chapitre 31].
78 1998 d – *Cités et territoires autour de Béziers à l’époque romaine, dans Cité et territoire, II
(IIe colloque européen, Béziers, 24-25 octobre 1997), Paris, 1998, p. 209-222 [chapitre 8].
79 1998 e – De la Thrace et de la Sardaigne au territoire de la cité de Vienne, deux chevaliers
romains au service de Rome : Titus Iulius Ustus et Titus Iulius Pollio, Latomus, 57, 1998,
p. 794-815.
80 1998 f – (en collaboration avec J.-Cl. Meffre et J.-C. Leyraud) Le cadastrée d’Orange.
Révisions épigraphiques et nouvelles données d’onomastique, Gallia, 55, 1988, p. 327-343.
81 1998 g – (en collaboration avec I. Bermond, A. Briand et M. Sternberg) Le sanctuaire gallo-
romain de Mars à Balaruc-les-Bains (Hérault), Revue archéologique de Narbonnaise, 31, 1988,
p. 119-154.
21
1999
2000
94 2000 c – (en coll. avec J. Charmasson) Un autel dédié à Apollon provenant de l’oppidum de
Gaujac (Gard), Rhodanie, 75, sept. 2000, p. 3-7.
95 2000 d – *Un pagus dans l’arrière-pays de Narbonne (C.I.L., XII, 5390), dans Epigraphai.
Miscellanea epigrafica in onore di Lidio Gasperini, I, Tivoli, 2000, p. 247-273 [chapitre 25].
22
2001
101 2001 a – De la notabilité locale à l’ordre sénatorial : les Iulii de Nîmes, Latomus, 60, 2001,
p. 613-630.
102 2001 b – Épigraphie et onomastique dans la cité de Nîmes du milieu du Ier s. av. J.-C. à la
seconde moitié du Ier s. ap. J.-C. : analyse d’un échantillon, dans M. Dondin-Payre et M.-Th.
Raepsaet-Charlier (éd.), Noms, identités culturelles et romanisation sous le Haut-Empire,
Bruxelles, 2001, p. 17-38.
103 2001 c – *(en collaboration avec C. Deneux) La latinisation de l’anthroponymie dans la cité
de Nîmes à l’époque impériale (début de la seconde moitié du I er siècle av. J.-C.- III e siècle
ap. J.-C.) : les données de la dénomination pérégrinent, dans M. Dondin-Payre et M.-Th.
Raepsaet-Charlier (éd.), Noms, identités culturelles et romanisation sous le Haut-Empire,
Bruxelles, 2001, p. 39-54 [chapitre 11].
104 2001 d – Nouvelles réflexions sur les milites Glanici, Revue archéologique de Narbonnaise, 34,
2001, p. 157-164.
105 2001 e – (en collaboration avec D. Carru et M. Janon) Les Ateii de Carpentras : notes sur
une inscription récemment découverte, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 12, 2001, p. 301-302
(= Bulletin de la Société française d’études épigraphiques sur Rome et le monde romain,
2000-2001).
2002
106 2002 b – (en collaboration avec M. Janon) Épigraphie et espaces funéraires en Gaule
méridionale, dans La mort des notables en Gaule romaine (catalogue d’exposition, préparé
par Chr. Landes, N. Cayzac et S. Chennoufi, Musée de Lattes, 2002), Lattes, 2002,
p. 121-128.
107 2002 c – Élites, épigraphie et mémoire en Gaule méridionale, dans La mort des notables en
Gaule romaine (catalogue d’exposition, préparé par Chr. Landes, N. Cayzac et S. Chennoufi,
Musée de Lattes, 2002), Lattes, 2002, p. 129-139.
108 2002 d – *Narbonne : un autre emporion à la fin de l’époque républicaine et à l’époque
augustéenne, dans Les Italiens dans le monde grec, II e siècle av. J.-C.- I er siècle ap. J.-C. :
23
circulation, activités, intégration (actes de la table ronde, ENS, Paris, 14-16mai 1998), BCH
Suppl.41, Athènes, 2002, p. 41-54 [chapitre 1].
109 2002 e – *Marchands gaulois et grand commerce de l’huile de Bétique dans l’Occident
romain : quelques données provenant des amphores, dans Vivre, produire et échanger :
reflets méditerranéens. Mélanges offerts à Bernard Liou, Montagnac, 2002, p. 325-334 [chapitre
32].
110 2002 f – *(en collaboration avec M. Heijmans) De la Gaule méridionale à Rome, un
chevalier arlésien et sa famille : P(ublius) Propertius Pater[culus|, Antiquité classique, 71,
2002, p. 93-102 [chapitre 14].
111 2002 g – (en collaboration avec L. Buffat, E. Pélaquier et H. Petitot) Le problème
d’interprétation des établissements ruraux de grande dimension : quelques cas en
Languedoc, Revue archéologique de Narbonnaise, 35,2002, p. 199-239.
112 2002 h – (en collaboration avec St. Mauné) Nouveaux fragments d’une table de bronze mis
au jour près de Pézenas, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 13, 2002, p. 321-322 (= Bulletin de la
Société française d’études épigraphiques sur Rome et le monde romain, 2002).
2003
113 2003 c – *Le patrimoine des notables en Gaule méridionale. Apports et limites de
l’épigraphie, Histoire et sociétés rurales, 19, 2003,1, p. 135-150 [chapitre 26].
114 2003 d – * Activité économique, appartenance à l’élite et notabilité : les collèges dans la
Gaule méridionale et la vallée du Rhône, dans M. Cébeillac-Gervasoni et L. Lamoine (éd.),
Les élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Rome-
Clermont-Ferrand, 2003, p. 323-335 [chapitre 29].
115 2003 e – (en collaboration avec St. Mauné), Une inscription sur bronze trouvée dans
l’établissement gallo-romain de l’Auribelle-Basse à Pézenas (Hérault), Gallia, 60, 2003,
p. 369-382.
116 2003 f – *La carrière d’un notable de Vienne (Gaule narbonnaise), dans Cultus splendore.
Studi in onore di Giovanna Sotgiu, Senorbi, 2003, I, p. 217-227 [chapitre 18].
117 2003 g – Épigraphie, population et société à Nîmes à l’époque impériale. À propos de deux
inscriptions du Cailar (canton de Vauvert, Gard), dans Peuples et territoires en Gaule
méridionale. Hommage à Guy Barruol (Revue archéologique de Narbonnaise, supplément 35),
Montpellier, 2003, p. 463-473.
118 2003 h – L’épigraphie et les dieux du Plateau des Poètes à Béziers, Revue archéologique de
Narbonnaise, 36, 2003, p. 411-423.
119 2003 i – *À propos d’une inscription de Lattes relative à Deus Mars Augustus : l’acte
religieux et le don, Archéologie en Languedoc, 27, 2003, p. 49-56 [chapitre 22].
2004
120 2004 a – (en collaboration avec M. Janon) Albarinus, dieu indigène dans la cité de
Carpentras (Gaule narbonnaise), Zeischrift für Papyrologie und Epigraphik, 146, 2004,
p. 272-278.
24
121 2004 b – (en collaboration avec S. Agusta-Boularot, M. Gazenbeek, etc.) Dix ans de fouilles
et recherches à Glanum (Saint-Rémy-de-Provence) : 1992-2002, Journal of Roman
Archaeology, 17, 2004, p. 26-56.
122 2004 c – *En deçà du monde des notables : la situation en Gaule narbonnaise, dans
Autocélébration des élites locales dans le monde romain. Contexte, textes, images ( IIe s. av. J.-C.- IIIe
s. ap. J.-C.), Clermont-Ferrand, 2004, p. 59-76 [chapitre 28].
123 2004 d – (en collaboration avec D. Carru, et M. Janon) Mercure et les Ateii de Carpentorate.
Note sur une inscription récemment découverte, Revue archéologique de Narbonnaise, 37,
2004, p. 277-289.
124 2004 e – (en collaboration avec Chr. Landes) Les débuts du pouvoir de Constantin d’après
un nouveau document aux limites des cités de Nîmes et de Béziers, Études héraultaises, 35,
2004-2005, p. 5-14.
125 2004 f – Notes d’épigraphie 7-8 : 7 – Un grand propriétaire et ses obligés : les inscriptions
de Saint-Jean-de-Garguier dans le territoire d’Arles (CIL XII, 594 et 595) ; 8 – Sextani
Arelatenses, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 15,2004, p. 85-119.
126 2004 g – Les Sextani Arelatenses, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 15, 2004, p. 382 (Bulletin de la
Société française d’études épigraphiques sur Rome et le monde romain, 2004).
127 2004 h – (en collaboration avec M. Dondin-Payre) Deux monuments funéraires de
Narbonnaise, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 15, 2004, p. 385 (Bulletin de la Société française
d’études épigraphiques sur Rome et le monde romain, 2004).
128 2004 i – *Une étape de l’aménagement et du peuplement des campagnes en Gaule
méridionale : les établissements italiens antérieurs à la colonisation césarienne, dans B.
Cursente (dir.), Habitats et territoires du Sud (126 e congrès national des sociétés historiques
et scientifiques, Toulouse, 2001), Paris, 2004, p. 349-359 [chapitre 2].
2005
129 2005 b-*Provinciaux nîmois à Rome : l’apport de l’épigraphie locale, dans J. Desmulliez,
Chr. Hoët-Van Cauwenberghe, Le monde romain à travers l’épigraphie : méthodes et pratiques,
Lille, 2005, p. 145-170 [chapitre 15].
130 2005 c – À propos d’hommages publics en Gaule narbonnaise, Mélanges de l’École française
de Rome, Antiquité, 117, 2005, p. 555-566.
131 2005 d – Notes d’épigraphie 9-10, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 16, 2005, p. 45-56.
2006
132 2006 a – Jean-François Séguier et l’épigraphie, École antique de Nîmes, Bulletin 26, 2003-2006,
p. 35-48.
133 2006 b – * Mars en Narbonnaise : quelques remarques, dans V. Brouquier-Reddé, E.
Bertrand, M.-B. Chardenoux, K. Gruel et M.-Cl. L’Huillier, Mars en Occident, actes du
colloque international Autour d’Allonnes (Sarthe), les sanctuaires de Mars en Occident, (Le
Mans, université du Maine, 4-5-6 juin 2003), Rennes, 2006, p. 73-85 [chapitre 20].
134 2006 c – *Épigraphie et réception de l’identité impériale (transmission, interprétation et
transformation) : Auguste en Narbonnaise, dans La transmission de l’idéologie impériale dans
25
l’Occident romain, textes réunis par M. Navarro Caballero et J.-M. Roddaz, Bordeaux-Paris,
2006, p. 11-25 [chapitre 24].
135 2006 d – (en collaboration avec J.-L. Fiches, Y. Gasco, A. Michelozzi) Une nouvelle dédicace
de T(itus) Carisius, praetor Volcarum, près d’Ugernum (Beaucaire, Gard), Revue archéologique
de Narbonnaise, 38-39,2005-2006, p. 409-423.
136 2006 e – Praetor Aquis Sextis, Revue archéologique de Narbonnaise, 38-39, 2005-2006,
p. 425-436.
137 2006 f – *Interventions agraires et territoire colonial : remarques sur le cadastre B
d’Orange, dans A. Gonzalès et J.-Y. Guillaumin (éd.), Autour des Libri coloniarum.
Colonisation et colonies dans le monde romain, Besançon, 2006, p. 83-92 [chapitre 3].
138 2006 g – *Élites, épigraphie et mémoire en Gaule méridionale, dans L'architecture funéraire
monumentale : la Gaule dans l’Empire romain (actes du colloque organisé par l’IRAA du CNRS
et le musée archéologique Henri-Prades, 11-13 octobre 2001), Paris, 2006, p. 235-251
[chapitre 19].
139 2006 h – Inscriptions de Gaule narbonnaise, Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 17, 2006,
p. 328-330 (Bulletin de la Société française d’études épigraphiques sur Rome et le monde romain,
2006).
2007
140 2007 a – *(en collaboration avec J. Charmasson) Une nouvelle inscription antique
découverte à Tresques (Gard), Rhodanie, 102, juin 2007, p. 2-12 [chapitre 10].
141 2007 b – (en collaboration avec J.-L. Fiches et John Scheid) Sanctuaires et lieux de culte en
Narbonnaise occidentale. Topographie religieuse et faits de culte : éléments de réflexion
et d’orientation. Introduction au dossier, Revue archéologique de Narbonnaise, 40, 2007,
p. 9-12.
142 2007 c – (en collaboration avec J.-L. Fiches et D. Rabay) Le sanctuaire de la Combe de
l’Ermitage à Collias (Gard), Revue archéologique de Narbonnaise, 40, 2007, p. 15-32.
143 2007 d – (en collaboration avec J.-C. Bessac et H. Pomarèdes) Le sanctuaire des Crêtes de
Mabousquet (Montmirat, Gard), Revue archéologique de Narbonnaise, 40, 2007, p. 33-45.
2009
144 2009 b – La présence du prince dans les cités : le cas de Nîmes et d’Auguste, dans
L’expression du pouvoir au début de l’Empire. Autour de la Maison Carrée (actes du colloque
organisé à l’initiative de la ville de Nîmes et du Musée archéologique, Nîmes, Carré d’Art,
20-22 Octobre 2005), sous la direction de M. Christol et D. Darde, Paris, 2009, p. 177-186.
145 2009 c – Un autel funéraire d’époque romaine provenant de Brignon, Les Amis du musée
d’Uzès, 39, mars 2009, p. 7-14.
26
Chronologie
Début du IV e
Traité d’alliance entre Marseille et Rome,
s. av. J.-C.
IIIe-IIe s. av.
Statues de pierre de Roquepertuse (Bouches-du-Rhône),
J.-C.
218 av. J.-C. Traversée du Midi de la Gaule par Hannibal (récits de Polybe et de Tite-Live).
Mise en place des provinces d’Hispania citerior et d’Hispania ulterior, dans lesquelles
197 av. J.-C. les gouverneurs se rendaient en empruntant la voie terrestre et la voie maritime
d’Italie en Ibérie.
181 av. J.-C. Les Massaliotes se plaignent des méfaits des pirates ligures.
Le consul Q(uintus) Opimius vainc les Oxybiens et les Dexiates, établis dans
154 av. J.-C.
l’arrière-pays des établissements massaliotes de Nice et d’Antibes.
Vers 150 av. Polybe parcourt le Midi de la Gaule. Développement de l’épigraphie gallo-grecque
J.-C. (IIe et Ier s., jusqu’à l’époque triumvirale au moins).
Date supposée, selon le traité de Cicéron, De Republica, III, 9, 16, du dialogue entre
129 av. J.-C. Scipion Émilien et P(ublius) Furius Philus, dans lequel on évoque l’interdiction
faite aux peuples transalpins de planter l’olivier et la vigne.
27
Campagne de M(arcus) Fulvius Flaccus contre les Salyens, les Voconces et les
125 av. J.-C.
Ligures.
Campagne de C(aius) Sextius Calvinus contre les Salyens, les Voconces et les
124 av. J.-C.
Ligures ; prise d’Entremont ; installation d’une garnison à Aix (Aquae Sextiae).
121-118 av. Poursuite des interventions de Domitius en Languedoc occidental ; mise en place
J.-C. de la Via Domitia sur un trajet routier déjà existant.
113-102 av.
Migration des Cimbres, des Teutons, des Ambrons ; désastre d’Orange (105).
J.-C.
112 av. J.-C. C(aius) Servilius Caepio pille la capitale des Tolosates.
107 av. J.-C. Défaite du consul C(aius) Cassius par les Helvètes Tigurins.
C(aius) Marius vainc les Teutons à Aix-en-Provence, avant de vaincre à Verceil les
102 av. J.-C. Cimbres l’année suivante. Il crée, comme d’autres généraux romains, des
clientèles provinciales.
Pompée traverse la Gaule, par le pays des Voconces ; il recrute des troupes pour
lutter contre Sertorius en péninsule Ibérique ; il fait octroyer le droit de cité
77 av. J.-C.
romaine au grand-père de l’historien voconce Trogue Pompée ; vers 75,
construction du trophée du Perthus.
76-74 av. J.- Gouvernement de Fonteius en Transalpine ; la province ravitaille les provinces de
C. péninsule Ibérique.
Vers 70 av. Procès de Fonteius à la suite des plaintes des peuples gaulois. Cicéron prononce le
J.-C. Pro Fonteio.
66 av. J.-C. Révolte des Allobroges, réprimée par P(ublius) Calpurnius Piso.
Fin II e -
Création des premiers établissements appelés fora : Forum Domitii, Forum Voconii,
milieu du I er
Forum Iulii.
s. av. J.-C.
58-51 av. J.- Conquête de la Gaule chevelue ; intervention contre les Helvètes (58) ; défense de
C. la province chez les Helviens et dans l’avant-pays de Narbonne (52).
Milieu du I er
Diodore de Sicile parcourt le Midi de la Gaule.
s. av. J.-C.
43 av.
Gouvernement de Lépide ; Munatius Plancus fonde la colonie de Lyon.
J.-C.
27 av.
Œuvre d’Auguste. Voyage en 27 en Gaule, puis en péninsule
J.-C.
18-16
av. J.- Cn(aeus) Pullius Pollio est le premier proconsul connu.
C.
16-15
L’inscription de la Porte d’Auguste à Nîmes indique que le prince a donné à la cité les
av. J.-
moyens de construire les mur et les tours de l’enceinte.
C.
13-12
av. J.- Travaux routiers sur la Via Aurelia (poursuivis en 3 av. J.-C.).
C.
7-6
Élévation du trophée de la Turbie pour marquer l’achèvement de la pacification des
av. J.-
Alpes.
C.
3 av.
Travaux routiers sur la Via Domitia.
J.-C.
2-6
Construction et achèvement de la Maison Carrée, dédiée aux princes de la jeunesse, C
ap. J.-
(aius) et L(ucius) César.
C.
14 ap. Auguste et Tibère permettent aux citoyens romains de la province d’être candidats aux
J.-C. magistratures à Rome et d’entrer au Sénat en cas d’élection.
17-19
ap. J.- Achèvement de la Géographie de Strabon, dont le livre IV concerne la Gaule.
C.
35 ap.
Consulat du Viennois Valerius Asiaticus.
J.-C.
39 ap.
Consulat du Nîmois Cn(aeus) Domitius Afer.
J.-C.
30
37-41 Principat de Caligula : Vienne est promue au rang de colonie de droit romain, grâce à
ap. J.- l’action de Valerius Asiaticus. Naissance d’Agricola (40), issu d’une famille sénatoriale
C. de Fréjus.
Principat de Claude. Réparations de routes (en 41, puis 42/43). L’empereur fait mettre à
mort Valerius Asiaticus. Après la censure de 47/48, au cours de laquelle ce sont les
41-54 notables de la Gaule chevelue qui obtiennent le droit d’être candidats aux magistratures
ap. J.- à Rome, les sénateurs de Narbonnaise reçoivent le privilège de visiter librement leurs
C. domaines provinciaux. Pompeius Paulinus, chevalier romain originaire d’Arles, exerce
la préfecture de l’annone (49-55) : Sénèque, son gendre, lui dédie le traité De brevitate
vitae. Le sénateur viennois Domitius Decidius détient la préfecture du trésor (44-46).
Guerre civile. La Gaule narbonnaise est traversée par une des armées envoyées par
Vitellius à la conquête de l’Italie : Vienne, en butte à l’animosité des Lyonnais, puis
68-70
les Voconces sont victimes d’exactions. La province rallie le camp de Vespasien
grâce à l’action du chevalier Valerius Paulinus, originaire de Fréjus.
Principat de Domitien. M(arcus) Pompeius Silvanus meurt en 83 alors qu’il avait été
désigné au consulat pour la troisième fois. T(itus) Aurelius Fulvus est consul pour la
deuxième fois (85), puis exerce la préfecture de la Ville. Agricola reçoit les
81-96
ornements du triomphe pour son action en Bretagne, puis subit la disgrâce de
Domitien qui lui aurait refusé le proconsulat d’Asie ; il meurt en 93. Déroulement de
la carrière d’Annius Camars, sénateur originaire d’Arles.
96-98 Principat de Nerva. Tacite publie l’éloge de son beau-père (Vie d’Agricola).
Principat d’Antonin le Pieux. M(arcus) Iallius Bassus, sénateur originaire d’Alba des
Helviens, parcourt une belle carrière, qui s’achève sous le principat de Marc Aurèle.
Réparations de routes dans la vallée du Rhône et dans la partie méridionale de la
138-161
province (144-145). Antonin contribue avec générosité à la reconstruction de
monuments à Narbonne, à la suite d’un incendie. En 149 ap. J.-C. : fondation de Sex
(tus) Fadius Secundus Musa, à Narbonne, en faveur du collège des fabri subaediani.
32
Apogée de l’activité du rhéteur Favorinus d’Arles, ami d’Hadrien, mort sous le règne
Milieu du
de Marc Aurèle.
IIe s.
Justin procède à l’Abrégé des Histoires de Trogue Pompée.
La villa des Prés-Bas à Loupian fournit un modèle de villa opulente et très étendue
IIe siècle
en liaison avec le développement de la viticulture.
Mise en place de cirques dans quelques villes (Vienne, Arles). Mentions fréquentes
IIe siècle de jeux sur le modèle romain et de quelques concours sur le modèle grec (à Vienne,
à Nîmes).
Apogée des villae résidentielles à Arles ; redéfinition des espaces dans les
agglomérations secondaires de la cité de Nîmes et restructuration de la vie rurale
200-250
autour de grands domaines ; abandons dans les quartiers périphériques de Vienne
(Sainte-Colombe) ; signes d’arrêt du dynamisme rural en Valdaine (vallée du Rhône).
197 Septime Sévère vainc à Lyon son dernier compétiteur, Clodius Albinus.
Un riche dossier administratif relatif aux démêlés des « naviculaires d’Arles des cinq
201 corporations » avec les services dépendant du préfet de l’annone montre leur
participation active aux transports destinés au ravitaillement de Rome.
33
Règne de Trajan Dèce. Persécution des chrétiens : la Passio Sancti Saturnini, texte
249-251 tardif, place sous cet empereur le martyre de cet évêque de Toulouse. Hommage
épigraphique des Nîmois à cet empereur.
Installation de Gallien (256) puis de Salonin (258) à Cologne, qui devient une capitale
256-260 secondaire : les dangers extérieurs se précisent sur les divers secteurs de la frontière
rhénane.
Reconquête des Gaules par Aurélien ; sur les milliaires, qui sont désormais des
274 documents honorifiques, Aurélien est appelé « restaurateur du monde entier »
(restitutor orbis) ou « pacificateur du monde » (pacator orbis).
Introduction
1 Les réflexions sur cette époque qui se situe entre la période protohistorique et la période
gallo-romaine doivent être conçues en termes de transition, à mesurer dans des contextes
régionaux à l’intérieur d’une province qui prend forme peu à peu. Les interventions
romaines qui se précisent par étapes dans les dernières décennies du II e siècle av. J.-C.
mériteraient des analyses plus soutenues. Il apparaît aussi qu’il faut tenir compte, dans la
partie occidentale, des effets d’une phase précoloniale qui éclaire l’installation de la
colonie de Narbonne, et qui fait entrer les phénomènes dont on prend connaissance par
l’archéologie (notamment la distribution des amphores et des céramiques d’importation)
dans le contexte plus général des dynamiques de l’expansion de l’Italie.
2 Les interventions dans l’arrière-pays marseillais contre les Salyens, puis l’extension du
conflit à d’autres peuples de la Gaule intérieure ont eu sans aucun doute des effets
importants dans les premiers temps de l’organisation d’une nouvelle province. Il nous
semble qu’il faut rendre aux années 125-120 une importance qu’on était tenté d’atténuer
depuis que les travaux de Badian et d’Ebel avaient mis en évidence les incertitudes de la
documentation relative à l’organisation provinciale à la fin du IIe siècle et au début du Ier s.
Mais on s’oriente alors bien au-delà de l’arrière-pays de Marseille.
3 Une réflexion sur les textes relatifs aux rapports entre les peuples gaulois et la puissance
romaine, représentée par Marcus Fulvius Flaccus, Caius Sextius Calvinus, puis par Quintus
Fabius Maximus et par Cnaeus Domitius Ahenobarbus, les vainqueurs et triomphateurs de
l’année 121, pourrait indiquer que les interventions militaires dans la vallée du Rhône se
doublèrent d’entreprises, peut-être moins brillantes mais rentables, de mainmise sur les
territoires correspondant à l’hinterland de la région de Narbonne. Elles éclaireraient
notamment les propos de César sur les Rutènes (BG, I, 45, 2-3 et VII, 7, 3) et la mise en
évidence d’un territoire tenu par des Rutènes « provinciaux », c’est-à-dire faisant partie
de la Transalpine (avant même l’époque de Pompée et de Fonteius) : l’emprise de Rome,
très tôt, aurait été poussée jusqu’au pied du Massif central. L’oeuvre d’organisation de
Cnaeus Domitius dans le Languedoc actuel ne peut donc plus être minorée. G. Soricelli
pour sa part insistait sur l’époque de Marius. Sur ce point, on renverra à une étude
intitulée « Les Rutènes et la Provincia (à paraître) », où l’on suggère de revenir à une
chronologie précoce pour l’intégration d’une partie du peuple rutène dans la province
(voir aussi chapitre 8), ainsi qu’à une étude intitulée « Géographie administrative et
37
géographie humaine entre Rhône et Pyrénées » (à paraître respectivement dans les actes
d’un colloque qui s’est tenu à Rodez en novembre 2007, et dans un volume d’hommage à
Georges Fabre). On ne doit pas négliger non plus l’entrée précoce des Tectosages de
Toulouse dans l’aire d’influence romaine.
4 Dans la province en formation, dont les traits distinctifs ne sauraient être, à l’identique,
ceux qui apparaissent à l’époque plus tardive de César, la fondation et le développement
de Narbonne s’éclairent plus vivement, ainsi que le rôle de l’hinterland narbonnais qui
prend plus de consistance. L’article sur « Narbonne : un autre emporion à la fin de l’époque
républicaine et à l’époque augustéenne » (BCH Suppl. 41), Athènes, 2002, p. 41-54, s’éclaire
par la mise en évidence des rapports entre la colonie et les zones minières plus
septentrionales. C’est là qu’a été repérée une inscription, malheureusement fragmentaire,
de haute époque1. Ce témoignage épigraphique précoce vient conforter les données de
l’archéologie. Il donne plus d’authenticité aux témoignages que l’on peut dégager des
textes cicéroniens (le Pro Quinctio, le Pro Fonteio).
5 Ceux-ci, à leur tour, peuvent éclairer l’établissement des nouveaux cadres de la vie
provinciale, dans le prolongement des travaux sur les cadastres et sur l’histoire agraire,
engagés par M. Clavel-Lévêque. À côté des richesses minières, le contrôle de la terre
devenait désormais un enjeu essentiel, source de spéculations et d’enrichissement. Mais
ces phénomènes se développaient de façon différenciée selon les régions, ou même à
l’intérieur des grandes subdivisions de la province. La présence romaine et plus
largement italienne s’enracine incontestablement dans le Narbonnais et rayonne depuis
cet emporion, comme le confirmeront un peu plus tard quelques traits du faciès
épigraphique [chapitre 23, mais aussi Christol 1995 c]. Mais on ne saurait limiter à cette
région les recherches sur la présence de noyaux de population italique, venant prendre
en main sous des formes nouvelles la mise en valeur de la terre, dont le contrôle est
arraché aux populations provinciales. La lecture rétrospective de la documentation
épigraphique la plus courante d’une part, l’interprétation de l’arrière-plan de l’emprise
foncière dans la région d’Orange, le pays des Cavares, d’autre part, pourraient suggérer
que d’autres zones que celles relevant de l’emprise du « cadastre B » de Béziers ont subi
un destin et une évolution identiques. Ce sont des réflexions proposées dans deux articles
ici publiés : « Une étape de l’aménagement et du peuplement des campagnes en Gaule
méridionale : les établissements italiens antérieurs à la colonisation césarienne », dans B.
Cursente (dir.), Habitats et territoires du Sud (126 e congrès national des sociétés historiques et
scientifiques, Toulouse, 2001), Paris, 2004, p. 349-359 ; puis « Interventions agraires et
territoire colonial : remarques sur le cadastre B d’Orange », dans A. Gonzalès et J.-Y.
Guillaumin (dir.), Autour des Libri coloniarum. Colonisation et colonies dans le monde romain,
Besançon, 2006, p. 83-92. Ces réflexions sont sous-jacentes dans d’autres travaux dont les
conclusions, fermes ou hypothétiques, pourraient être exploitées dans la même
perspective, mais en tenant compte toujours qu’il s’agit d’analyses rétrospectives et qu’il
faudrait pouvoir assurer souvent le terminus post quem des phénomènes mis en évidence. Il
en est ainsi dans l’article consacré à la dualité des peuplements dans des parties bien
localisées du territoire de la cité de Nîmes2, qu’on rapprochera de l’énigmatique
inscription de Castelnau-le-Lez (Sextantio)3 dans laquelle à une date plutôt haute
apparaissent conjointement coloni et incolae. On ajoutera toutes les publications suscitées
par la mise en place du dossier narbonnais de P(ublius) Usulenus Veiento, présenté dans
d’autres parties de ce volume (notamment chapitres 25 et 31). Le contenu historique des
38
NOTES
1. Christol 1986 a (en collaboration avec G. Bellan).
2. Christol 2003 g.
3. Cette inscription est évoquée à plusieurs reprises dans les travaux ici mentionnés : par
exemple dans Christol 2003 g, dans 2002 a, I, p. 86 (voir aussi I, p. 470).
4. Christol 2000 f (en collaboration avec St. Mauné) ; 2002 h (en collaboration avec St. Mauné) ;
2003 e (en collaboration avec St. Mauné).
5. Christol 1970 a ; Christol 2000 d.
39
NOTE DE L’ÉDITEUR
Il faut désormais se référer aux travaux de Maria Luisa Bonsangue : d'abord à un article
paru en 2002 : M. L. Bonsangue, « Aspects économiques et sociaux du monde du travail à
Narbonne, d’après la documentation épigraphique (Ier siècle av. J.-C.-Ier siècle ap. J.-C.) »,
Cahiers du Centre G.-Glotz, 12, 2002, p. 201-232 ; ensuite à sa thèse de doctorat soutenue
devant un jury de l’université Paris I le 12 décembre 2006 (dir de recherche : Michel
Christol) : L’emporion de Narbonne : économie et société (IIe siècle av. J.-C.-Ier siècle ap. J-C.).
Le dossier des Usuleni est longuement repris dans Christol 2000 d [voir chapitres 25 et 31].
Sur les différents sites de Narbonne et de ses environs, on trouvera des mises au point
claires dans Dellong 2002 (de Chazelles, Sanchez). L’ouvrage publié en hommage à Guy
Barruol (Bats 2003) contient des contributions sur la structuration des espaces et sur les
contacts ou échanges avec le monde celtique intérieur C'est dans ce cadre qu'il convient
de ne pas exclure, au sein de l’œuvre du proconsul Cn(aeus) Domitius Ahenobarbus,
l'intégration d’une partie du peuple rutène : cette mesure semble vraisemblablement plus
précoce qu’on ne l'estimait.
1 Avec Délos et d’autres lieux du monde méditerranéen, Narbonne entre, selon Strabon,
dans la catégorie des emporia1. Cet auteur, il est vrai, a recours à cet endroit à une source
plus ancienne qu’il utilise fréquemment tout au long de son œuvre, à savoir Posidonius
d’Apamée2. Or, parce qu’il avait voyagé dans ces pays, celui-ci décrit d’expérience ou
d’après des relations une partie des régions de la Méditerranée occidentale, mais il put
aussi avoir recours à des sources antérieures à son époque, en particulier à Polybe3. On
voit donc que l’on peut dégager du passage de Strabon un témoignage sur le temps passé -
vraisemblablement la fin du II e siècle av. J.-C. et le début du I er siècle av. J.-C. -, et un
40
8 Toutefois, à partir du début du IIe siècle, comme le montre l’histoire de la diffusion du vin
italien, le secteur de Gaule méridionale correspondant au Languedoc occidental connaît
des transformations. Elles se produisent dans un contexte marqué aussi par l’évolution
propre du monde indigène, où les entités humaines, appelées confédérations, s’ordonnent
et se structurent, donnant de nouvelles dimensions aux échanges (circulation des
produits, réception, contreparties)9. La présence de l’élément étranger, ici le negotiator
italien, se retrouve bien au-delà de la ligne des contacts, dans une zone au sein de laquelle
non seulement les produits importés sont attestés en plus grandes quantités et en un
large semis de points, mais encore la langue qui émerge est celle du commerçant lui-
même, le latin, attesté par les graffites10. M. Bats estime que cette transformation se
produisit, avec assez de rapidité, à l’échelle d’un siècle à peu près. Et, de plus, à son avis,
comme dans toute phase de transition, on peut percevoir une série de périodes
successives au cours desquelles s’opère la transformation : tout évolue d’une génération à
une autre.
9 C’est dans ce contexte que se place la fondation de Narbonne, en 118-116. Elle est certes
proche de la fin de la phase de transition : comme l’écrit M. Bats, « le véritable saut a lieu
après 125 sur tout l’espace de la province romaine ». La fondation prend donc un sens très
fort, puisque la chronologie l’articule avec l’étape finale de la transition économique et
son inflexion. Mais, quelle que soit la place de l’événement qui ressortit, à première vue, à
l’histoire politique ou à l’histoire institutionnelle provinciale, on ne peut échapper à une
mise en perspective qui semble en faire une pièce importante dans une évolution engagée
dès le début du II e siècle av. J.-C. et peut-être même son point d’aboutissement11. Toutes
différences relevées, on prend envie de /45/ comparer avec la fondation de Marseille où,
selon M. Gras, la création d’une polis succéderait à une phase emporique12.
10 Mais, quelles que soient les raisons de la création d’une colonie de citoyens romains et la
forme quelle revêtit dans le contexte régional, au début de l’avant-dernière décennie du II
e siècle av. J.-C., le lieu d’établissement des colons devint rapidement un lieu d’attraction
pour des hommes d’affaires italiens et un nœud des routes commerciales de l’Occident
méditerranéen. Le Pro Quinctio, dont l’occasion fut un procès qui se déroula en 81 av. J.-C.,
se réfère à une affaire de peu d’années antérieure13. Mais la situation que révèle le
développement de cette affaire, et dont les composantes apparaissent grâce au texte
cicéronien, était bien plus ancienne, et très certainement aussi elle met au jour un
contexte plus général : notamment parce qu’il faut admettre que la situation décrite par
Cicéron, qui existait dans une part de la province apparemment éloignée de Narbonne,
devait être encore plus caractéristique de cette ville et de la zone la plus immédiatement
voisine. Ce que réalisait la société établie chez les Sébaginniens14, devait être encore plus
courant dans le chef-lieu régional ou à son approche. Nous pouvons donc, à l’aide de cette
source, dresser un tableau valable pour le tournant de la fin du IIe siècle et du début du Ier
siècle.
11 La Transalpine - et pourquoi ne pas considérer que cette caractéristique est encore plus
marquée dans la zone de Narbonne ? - apparaît comme une région où l’on fait fortune, car
Naevius, homme avide, attiré par l’argent (pecunia), et qui ne peut se contenter de gains
ou de bénéfices médiocres (quaestus), établit hors d’Italie le cœur de ses entreprises 15.
Alors que son adversaire malheureux, P. Quinctius, doit pour ses affaires voyager, mais
péniblement, se rendre en Gaule pour faire face à des difficultés ennuyeuses, Naevius
s’était installé en province (III, 12) : « Voici donc Naevius arraché aux salles de Licinius
(atria Licinia), à la réunion des crieurs publics, et transporté en Gaule, jusqu’au-delà des
43
Alpes ». Il y avait peut-être des lieux où, à Rome, l’on pouvait évoquer plus aisément
qu’ailleurs la conjoncture économique du monde méditerranéen,/46/comme dans la
Bourse d’Amsterdam au XVII e siècle les affaires du monde entier16. Si l’on estime que la
situation décrite par Cicéron devait être encore plus spécifique du point d’ancrage de la
domination romaine en Transalpine, Narbonne avait dû devenir pour beaucoup d’Italiens,
tentés par l’aventure dans le Far West occidental, un point à atteindre, une nouvelle
résidence, qui se substituait à Rome. Cicéron enchaîne : « il en résulte un grand
changement de milieu (mutatio loci), mais pas de caractère ». De fait, c’est en Gaule que
Naevius passe désormais le plus clair de son existence. Mais il ne rompt pas avec Rome, où
il conserve des attaches et où il lui arrive même de se rendre assez fréquemment, surtout
quand il le faut pour faire progresser ses affaires. Mais ses voyages ne paraissent pas aussi
fastidieux que ceux de R Quinctius, pour qui le déplacement depuis l’Italie est un
arrachement au pays natal. Les deux hommes, et les milieux qu’ils représentent,
apparaissent ainsi très distants dans la bouche de l’orateur.
12 Il ne faut pas oublier que C. Quinctius, le frère de Publius, avait certainement précédé en
Gaule Naevius17. Peut-être Cicéron essaie-t-il de dresser de lui une image rassurante, afin
de mieux accuser le contraste avec le portrait de Naevius. Il le présente en effet d’une
façon traditionnelle : C. Quinctius est un paterfamilias et prudens et attentus (III, 11), attaché
à la terre, même s’il ne dédaigne pas l’exploiter au mieux et en retirer tout le profit, ce
qui demeure honorable. Mais il disposait, en propre, avant même de s’associer à Naevius,
d’une belle exploitation rurale (III, 12) : erat ei pecuaria res ampla et rustica sane bene culta et
fructuosa. Une partie de ses biens fera l’objet d’enchères (IV, 15 et V, 20). De tous les
personnages mentionnés, il est celui qui, le premier, a choisi de résider en Gaule ; et c’est
là qu’il meurt. N’oublions pas, de plus, que pour gérer ces biens qui lui sont parvenus par
héritage, P. Quinctius, son frère, doit séjourner longuement en Gaule.
13 C. Quinctius et Sex. Naevius offrent peut-être deux images diverses de ces Italiens établis
en Transalpine. Le premier est aussi le plus anciennement établi, bien avant la création de
la société qui attire Naevius dans ce pays. Il y réside, vraisemblablement de façon
définitive, et il se consacre à la mise en valeur de ses terres. Celles-ci sont vastes, ce qui
doit distinguer le personnage du monde des colons, lotis certes mais plutôt modestement.
C. Quinctius n’est pourtant pas coupé du monde des affaires, prompt à saisir les occasions
de faire du profit. Il ne dédaigne pas de donner à son activité des formes neuves,
dépassant le cadre de l’exploitation familiale, en s’associant à un personnage dont les
préoccupations sont un peu différentes. En effet, pour Naevius, l’association /47/ semble
être conçue comme une affaire purement spéculative, à l’image des autres activités
marchandes qu’il entreprend. S’il est arraché à Rome, il ne rompt pas avec les milieux
d’affaires qui s’y trouvent et il ne semble pas s’attacher à la terre comme l’avait fait son
associé.
14 Il n’en reste pas moins que ces deux types sont associés dans l’exploitation de la province.
Ils sont réunis par la possibilité de s’engager en commun et d’articuler ainsi leurs
intérêts. Ils divergent tout de même, car C. Quinctius semble appartenir à la catégorie des
hommes de patrimoine foncier, tandis que Sex. Naevius s’ouvre davantage à d’autres
activités économiques.
15 C. Quinctius avait aussi des dettes et son frère éprouve des difficultés à mobiliser les
liquidités nécessaires. C’est aussi une différence qui l’oppose à Naevius. Mais s’il faut
établir une comparaison entre R Quinctius et Sex. Naevius, deux autres types se
manifestent, qui font apparaître une distinction entre l’Italie et la province (Gallia). Le
44
résidence des proconsuls, un centre de vie économique, en particulier pour les ventes aux
enchères20. Quelle que soit la position que l’on adopte sur la création d’une province de
Transalpine21, le rôle de Narbonne est évident dès l’époque du Pro Quinctio, soit comme
capitale provinciale, soit comme chef-lieu d’assises à l’intérieur d’une province plus large.
En effet, le conflit dont traite le discours se place sous le proconsul C. Valerius Flaccus
qui, à l’occasion de son gouvernement, triompha de Celtiberis et Gallis : il devait disposer
d’une province associant l’Hispania Citerior à une Gallia que E. Badian considérait comme
l’ensemble de la Transalpine et que Ch. Ebel considérait comme la seule partie occidentale
22
. C’est à Narbonne que P. Quinctius avait fait procéder à la vente aux enchères de ses
biens23. Si l’on ne peut tirer de ce choix /49/ une indication décisive sur la localisation
éventuelle de ses biens, elle indique tout de même que Narbonne était un des lieux où se
trouvait le personnel nécessaire à la réalisation de cette procédure (le praeco et
l’argentarius)24. De toute façon, Narbonne apparaît dans le Pro Quinctio comme le seul lieu
de vie financière dans la Gaule de cette époque, en tout cas comme un lieu de référence
pour les Italiens établis in Gallia. En sorte que l’on peut se demander si, dans un certain
nombre de passages le terme de Gallia n’est pas un simple substitut de Narbo, en
particulier lorsqu’il s’agit d’évoquer les points de départ ou d’aboutissement de voyages
entrepris par les personnages impliqués dans le conflit juridique.
21 Si dans le Pro Fonteio, pour les besoins de sa défense, l’orateur lui rend avant tout le rôle
de propugnaculum du peuple romain, et s’il retrouve ainsi un élément premier de
l’existence d’une colonie romaine, il fait référence bien vite à l’ensemble des « intérêts »
romains dans la région en énumérant une longue catégorie d’hommes d’affaires, qui
montre qu’on ne peut pas réduire la domination de Rome à la présence d’une colonie de
citoyens et d’une cité grecque, alliée très fidèle.
22 II.2. Une part de l’activité économique qui se développe autour de Narbonne, et pour une
grande part à partir d’elle, prend appui sur l’exploitation des ressources revenant au
peuple romain : l’exploitation de l’ager publicus, les ressources du sous-sol.
23 II.2.1. L’exploitation minière a été mise en évidence récemment. Elle concerne les zones de
retombée du Massif central, où les affleurements métallifères sont nombreux. Outre le
rebord de la Montagne Noire, étudié en particulier par Claude Domergue et par son
équipe, un second secteur, tout aussi important, a été mis en évidence dans la haute
vallée de l’Orb. Il s’agit de mines de plomb argentifère et de cuivre. L’exploitation des
sites, quels qu’ils soient, est définie par une chronologie caractéristique, puisque le
matériel archéologique comporte des amphores Dr 1, en général en grandes quantités,
des céramiques campaniennes, puis des céramiques arrétines, enfin des céramiques
sigillées sud-gauloises. La période ainsi définie commence donc dans la seconde moitié du
IIe siècle et s’étend jusque vers le milieu du I er siècle ap. J.-C.25. Il convient, à ce propos,
d’articuler ces observations avec les données de l’épigraphie. En effet, dans la haute vallée
de l’Orb, devaient se situer les Rutènes provinciaux de César26, c’est-à-dire une partie du
grand peuple des Rutènes, intégrés dans la provincia à une date qui est encore
problématique. Ceci ne s’était pas produit en 121, à l’issue des campagnes de Cn. Domitius
Ahenobarbus. Mais cette intégration aurait pu se produire en 81, à l’issue de la guerre
conduite par C. Valerius Flaccus, qui lui avait permis de triompher de Celtiberis et Gallis. En
tout cas elle était acquise au moment /50/ du Pro Fonteio, ce qui a fait penser parfois à une
décision de Pompée27. De ce secteur rutène, désormais provincial, provient l’inscription
latine la plus ancienne de la province, à l’exception du milliaire de Domitius
Ahenobarbus. Il s’agit d’un fragment provenant du village de Villemagne-L’Argentière,
46
augustéenne, outre la gestion de ses domaines, s’est lancé dans le trafic du vin
hispanique. Avait-il aussi des domaines dans l’Ampurdan, là où le matériel archéologique
livré par des fours de céramique a fait connaître sa marque, apposée tant sur des tuiles
que sur des amphores ? Il faudrait alors déterminer pourquoi il se trouvait propriétaire
assez loin de Narbonne : avait-il effectué des investissements ? Peut-être ne faut-il pas
trop presser la documentation, si l’on s’engage sur cette voie, pourtant classique, d’une
articulation entre possession du domaine et valorisation de la production. Si l’on n’est pas
sûr qu’il ait été possessionné, à tout le moins avait-il tourné son regard vers les
possibilités de profit que suscitait le développement du premier vignoble hispanique, en
Léétanie et dans l’Ampurdan. En faisant signer de son nom une production amphorique, il
pouvait révéler son contrôle sur la commercialisation d’un produit qui, dès la seconde
moitié du I er siècle av. J.-C., commençait à s’imposer sur l’isthme aquitain31. Narbonne
apparaissait alors comme le centre de ses affaires, mais dans un contexte économique
détaché de l’Italie. /53/
mentionnant cette activité dans le texte des épitaphes, on ne lui attribuait pas un
caractère péjoratif. Ce monde de gros artisans et de gros boutiquiers, dont le bon niveau
économique ne doit pas être méconnu, était fier de son rôle et de sa situation34. Une des
familles les mieux connues, dont la trajectoire se développe entre le milieu /54/ du I er
siècle av. J.-C. et l’époque augustéenne est celle des Vettieni. Tout semble partir d’un [C.]
Vettienus T.f. Pol(lia), mensularius, qui pratiquait ce métier de l’argent vers le milieu du Ier
siècle av. J.-C. et durant les premières décennies suivantes. Grâce aux diverses
composantes d’un enclos funéraire, nous connaissons les strates d’affranchis qui
dépendaient de lui : en effet, son affranchi Metrodorus avait lui aussi un affranchi, Eros,
personnage dont la richesse peut être évaluée par l’ampleur et la qualité de sa propre
épitaphe. L’un puis l’autre apparaissent comme les continuateurs du tribule de la Pollia.
Mais, pour finir, Eros se lie par son mariage au milieu des ingénus, montrant, à côté
d’autres exemples, la possibilité de confluences entre ces deux groupes socio-juridiques 35.
Mais ces deux groupes ne sont-ils pas définis aussi par la distinction qui sépare, selon J.
Andreau, les gros boutiquiers et les « hommes de patrimoine foncier » ? Toutefois, faute
de connaître le gentilice de l’épouse de C. Vettienus Eros, l’enquête tourne court.
V. Conclusion
30 Ce seul bilan justifierait une comparaison avec Délos, même si pour ces deux foyers
économiques, les chronologies ne sont pas strictement identiques. Le cycle de la grandeur
économique délienne s’engage avec un bon siècle d’avance sur le démarrage narbonnais.
Il subit l’effet d’un choc au début de la seconde décennie du I er siècle av. J.-C., alors que
s’affirment le rayonnement de Narbonne et sa puissance d’attraction. Il s’infléchit alors,
puis s’interrompt, alors que s’ouvre pour Narbonne la période du plus grand
épanouissement, dans le contexte de l’essor économique des provinces d’Occident, durant
l’époque triumvirale et l’époque augustéenne. Nous devons toutefois poser une question,
même s’il est difficile pour l’instant d’apporter une réponse satisfaisante. En effet, même
si elle est vraisemblable, elle ne présente qu’un caractère supputatif. Il est difficile
d’admettre que le volume des transactions, quoique important, ait atteint à Narbonne
l’ampleur qu’il dut revêtir à Délos. Peut-être même faut-il envisager entre les deux
emporia un véritable changement d’échelle, qui tient aux différences économiques entre
les pays de la Méditerranée orientale et ceux de l’Occident romain. Il convient d’en tenir
compte pour étudier les milieux sociaux liés à la vie de ces emporia.
31 Néanmoins, le cas de Narbonne permet d’envisager, outre l’élargissement incontestable
de la Méditerranée des Italiens, suivant quelles modalités apparut avec de plus en plus de
netteté et de force ce point d’animation de la vie économique en Occident. Le
rayonnement narbonnais ne dépend pas seulement de la bonne situation sur des courants
commerciaux. Il résulte aussi d’un rôle peu à peu acquis dans l’animation d’une zone
soumise à divers phénomènes d’exploitation (mise en valeur, c’est-à-dire transformation
du cadre productif). Cette diversification des activités caractérise, sans aucun doute,
l’histoire de Narbonne au I er siècle av. J.-C. et à l’époque augustéenne et confère à ses
structures sociales une réelle originalité que l’on peut apprécier grâce aux données de
l’épigraphie.
50
NOTES
*. Les Italiens dans le monde grec, II e siècle av. J.-C.-Ier siècle ap. J.-C. : circulation, activités, intégration
(actes de la table ronde, ENS, Paris, 14-16 mai 1988,) BCH Suppl. 41, Athènes, 2002, p. 41-54.
1. On s’appuiera sur les travaux rassemblés par Bresson-Rouillard 1993, en particulier sur les
deux contributions d’Étienne 1993 et de Rouillard 1993. Diodore de Sicile, pour sa part, considère
Narbonne comme le plus grand emporion de la Gaule (V, 38, 5) : Duval 1971, I, p. 286-289.
2. Sur les sources de Strabon, on se référera aux observations de Lasserre 1966, p. 4-6 et
p. 106-109 : Duval 1971, I, p. 242-246.
3. Laffranque 1964, p. 67-85. Parmi les témoignages de contemporains se trouve celui de
Charmolaos le Marseillais (Strabon III, 4,17). Sur l’intérêt de Posidonius, Feuvrier-Prévotat 1978.
À propos de Narbonne, on se référera à Gayraud 1981, p. 77 et p. 98.
4. Comme on peut en prendre la mesure, à travers quelques travaux récents : Dangréaux 1988,
Desbat 1987, Desbat 1989.
5. Sur la période précoloniale Barruol 1973, p. 55-59. La question d’un site précolonial, jusqu’ici
non attesté, à l’emplacement de la ville romaine, a été posée à plusieurs reprises, sans que l’on
puisse apporter de réponse. Sur le toponyme Naro/Narbo, voir aussi Gayraud 1981, p. 80.
6. Gayraud 1981, p. 49-57, p. 85-88.
7. Bats 1986, p. 408-409 ; voir aussi Étienne 1993, p. 30-32.
8. Gras 1993.
9. Goudineau 1992, p. 454-455 (= Goudineau 1998, p. 409-411).
10. Bats 1986, p. 409-411.
11. On s’appuiera sur les analyses de Gayraud 1981, p. 136-143, p. 159-160.
12. Gras 1993, p. 105.
13. Mise en perspective par Hinard 1975. On utilisera le commentaire de Kinsey 1971.
14. Barruol 1975, p. 291-293. L’auteur rappelle, p. 293 n. 2 les débats sur l’identification et la
localisation de ce peuple, qui n’est pas autrement connu. Rappelons le commentaire de Kinsey
1971, p. 186 : « the location is no more than a guess based on Cicero’s exiguous evidence ».
15. Non seulement il participe à la société qu’il a mise sur pied avec C. Quinctius, et qui est
appelée indifféremment ager (XI, 38 : ager communis ; XXIX, 90 : totum agrum, qui communis est,
suum facere), saltus (XXIX, 90 ; voir aussi en VI, 28 l’association de deux de ces termes : de saltu
agroque communi a servis communibus vi detruditur) et praedium (VII, 28 : expulsus atque eiectus e
praedio), mais encore il fait le trafic des esclaves pour son propre compte (VI, 24 : vident
perfamiliarem Naevi, qui ex Gallia pueros venales isti adducebat, L. Publicium). Sur l’avide recherche des
gains et du profit que manifeste Naevius, marquée par le mot quaestus : III, 11, 12 (deux fois), 13.
16. Andreau 1987 a, (= Andreau 1997, p. 157-176). Il faut ici mentionner, dans le contexte de ces
liens entre Rome et Narbonne, les suggestions offertes par le dossier de l’oculiste narbonnais L.
Suestilius L.l. Aprodisius : ce gentilice, très rare, se retrouve particulièrement à Rome, par
l’inscription de L. Suestilius L.l. Clarus, argentarius ab Sex Areis, et de L. Suestilius Laetus,
nummularius ab Sex Areis (CIL VI, 9178) : Christol 1996 c, p. 313-318, ainsi qu’Andreau 1987,
p. 109-110, 115, 216.
17. Il faut tirer profit du commentaire de Kinsey 1971, p. 63 (sur la présentation assez elliptique
du personnage, en comparaison d’autres discours cicéroniens), p. 66 (sur la nature de la société
constituée par C. Quinctius et Sex. Naevius), p. 70-71 (sur les liens d’affaires entre Sex. Naevius et
P. Quinctius).
18. Tchernia 1986, p. 74-85.
51
19. Les recherches récentes sur le site permettent de conclure à un déclin rapide, sinon à un
abandon, à partir du milieu du I er siècle av. J.-C., « peut-être même avant les années - 50 » :
Mauné-de Chazelles 1998.
20. On éclairera cette question à l’aide de Ferrary 2002 [dans le même colloque].
21. Exposé de la question par Goudineau 1978, p. 692. L’attention sur ce problème a été attirée
par Badian 1966.
22. Informations sur le personnage et la fonction : MRR III, Suppl. (1986), p. 211 : on admet qu’il
gouvernait en péninsule Ibérique dès 92, et qu’il put ajouter la Gaule à sa compétence peut-être à
partir de 85 : Badian 1966, p. 908 ; Ebel 1975, p. 363. On sait qu’il fait obtenir le droit de cité
romaine à un notable helvien (César, BG, I, 47, 4) : Badian 1958, p. 305 ; Goudineau 1996, p. 74. On
se référera aussi au commentaire de Kinsey 1971, p. 90.
23. Cic., Pro Quinctio IV, 15 : auctionem in Gallia P. hic Quinctius Narbone se facturum esse proscribit
earum rerum quae ipsius erant privatae.
24. Sur le rôle de l'argentarius, Andreau 1987, p. 69-70, p. 75-77.
25. Mise au point, avec des éléments archéologiques neufs, par Gourdiole-Landes 1998.
26. Christol 1998 d, p. 212-217 [voir aussi le chapitre 8 ; sur les nuances à apporter, voir
l’introduction de cette partie].
27. Déjà Albenque 1948, p. 76-77.
28. Christol 1986 a (d’où AE 1986,470).
29. L’analyse du cadastre B de Béziers a été réalisée par Clavel-Lévêque 1995. Nous sommes de
plus en plus convaincu de la nécessité de remonter la datation de ce réseau avant l’époque
pompéienne, à une époque qui devait être de peu postérieure à la fondation de Narbonne, et
certainement antérieure au Pro Quinctio. Les effets de ce remodelage de l’espace rural ont été mis
en valeur par la thèse de Mauné 1998, p. 39-57. Les données archéologiques récoltées plus
récemment encore renforcent cette hypothèse.
30. On doit mettre en évidence tout ce que peut apporter une bonne connaissance des activités
artisanales ayant pour siège le domaine rural : Christol 1999 e. Autre témoignage sur la
production de tuiles à haute époque Sabrié 1992 [voir aussi chapitre 25].
31. Christol 1997 a ; Christol 1998 c. Sur le développement du vignoble hispanique et sur
l’acheminement de sa production Tchernia 1986, p. 142-145.
32. Gayraud 1981, p. 479-491.
33. CIL XII, 4964. Ce type de dénomination, extrêmement concentré à Narbonne, a été mis en
évidence pour la Gaule narbonnaise par Pflaum 1981.
34. On rappellera ici les distinctions établies entre cette catégorie économique et sociale et ce
que J. Andreau appelle les « hommes de patrimoine foncier » : Andreau 1987, p. 363-364 et
p. 393-394.
35. Christol 1997 c, p. 271-280.
52
NOTE DE L’ÉDITEUR
On peut tenter, par l’analyse des inscriptions de la première d’époque impériale, de
repérer l'existence de populations issues de l'Italie au sein des campagnes de Gaule
méridionale, dont l'établissement serait précoce ; voir Christol 2003 g à propos du
territoire de la cité de Nîmes, en rapport avec quelques documents analysés ci-dessus.
Voir aussi chapitre 25 en rapport avec l'arrière-pays de Narbonne.
Naevius se trouvait en Transalpine (XI, 38 : heres eius P. Quinctius in Gallium ad te ipsum venit
in agrum communem, eo denique, ubi non modo res erat, sed ratio quoque omnis et omnes litterae).
9 Le Pro Fonteio, dont le témoignage prend toute sa force pour illustrer une situation
correspondant aux années 80-70 avant J.-C., apporte aussi un lot précieux d’informations.
D’abord parce que, sous un mode exceptionnel d’énumération, il caractérise aussi la
Transalpine comme une terre d’exploitation. Sont évoqués les negotiatores vestri (VI, 12 ;
VII, 15), puis sont déclinées toutes les catégories de citoyens romains qui bénéficient de
ressources du pays (XX, 46) : publicani, agricolae, pecuarii, ceteri negotiatores. Ce texte révèle
la multiplicité des affaires : revenus publics, revenus fonciers, revenus de l’échange, et
tout le reste.
10 C’est à propos de la terre que le discours devient encore plus précis. Le Pro Fonteio fait en
effet allusion à des confiscations de terres (VI, 14) : dicunt qui ex agris ex Cn. Pompei decreto
decedere sunt coacti. Ce texte vise les modes de possession et les modes d’exploitation du
sol. On a puni des indigènes en les chassant de leurs terres. Mais ces terres étaient déjà
entrées dans l’ager publicus par les conquêtes des époques précédentes. Il s’agissait du
transfert du droit d’exploitation. Mais celui-ci ne s’exerçait pas au profit des membres
d’une colonie. Il s’agissait d’une exploitation de l’ager publicus sous d’autres formes,
situation neuve qui pouvait être accompagnée d’une mesure des terres et de procédures
spécifiques pour attribuer le droit d’exploitation sinon le droit de possession du sol. Ces
bouleversements pouvaient entraîner une transformation des méthodes de mise en
valeur.
11 Ces textes cicéroniens permettent de fixer les données générales qui affectent
l’aménagement et le peuplement des campagnes en Gaule méridionale : cadre historique
dans lequel se déroule le processus, modalités de ce processus lui-même, identification
des bénéficiaires principaux, qui sont issus de l’Italie. Peut-être ajoutent-ils, du point de
vue chronologique, une donnée supplémentaire, par la référence à l’époque de Pompée,
c’est-à-dire au moment de la guerre de Sertorius. On se place ainsi dans un contexte qui,
s’ajoutant à l’oeuvre de C(aius) Valerius Flaccus, couvre les premières décennies du I er
siècle av. J.-C. jusqu’aux années 70 av. J.-C. : cette période peut avoir été un moment
d’intensification des interventions du monde italien dans la vie de la nouvelle province.
12 Il importe toutefois d’aller plus avant et d’établir d’une façon plus concrète les détails de
cette page d’histoire économique et sociale. Mais on ne peut réaliser cet objectif qu’en
ajoutant aux textes littéraires d’autres documents, ou bien en précisant les conditions
d’interprétation de certains documents.
13 Abordons d’abord les documents cadastraux. Depuis plusieurs décennies on s’est
intéressé aux grilles cadastrales, décelées sur la carte topographique ou sur la
photographie du paysage. Des zones cadastrées ont été définies, des chronologies ont été
élaborées, non sans débats, parfois véhéments. Sans revenir sur l’ensemble de la question,
on peut retenir comme acquis que, dans la zone de Béziers et dans le Biterrois, un
cadastre appelé cadastre B marque profondément l’organisation de l’espace rural15. On
l’avait daté de l’époque pompéienne, mais peut-être convient-il d’en rechercher
l’installation et les premières marques sur le paysage dès la fin du II e siècle avant J.-C.16.
Mais cette grille n’est point le cadastre correspondant à l’installation des vétérans de la
septième légion, lors de la fondation de la colonie en 36 avant J.-C. (cadastre C). Sur le
territoire de la cité, dans les dimensions qu’il prit durant le Haut-Empire, coexistent ainsi
plusieurs cadastres d’époques différentes, ayant chacun leur propre orientation et
56
intégrant des zones complémentaires plutôt que concordantes17. N’en serait-il pas de
même à Orange, où le positionnement des cadastres B et C vient de faire l’objet de
nouvelles propositions ?
14 Dans leur ensemble, les plans gravés sur le marbre correspondent, au moins pour le
cadastre B et le cadastre C, à la révision flavienne d’une situation créée par Auguste
lorsqu’il établit la colonie de vétérans, en 35 av. J.-C., et qu’il dota celle-ci en revenus
collectifs (publics, en tant que revenus de la cité) par l’abandon des recettes que
produisaient les terres de l’ager publicus non distribuées aux vétérans et exploitées
moyennant paiement d’un vectigal annuel 18. Il existe donc plusieurs niveaux
chronologiques : la confection flavienne, les fondements augustéens retrouvés à travers la
politique de restauration des biens publics, et même une réalité pré-augustéenne qu’il
importe de retrouver. En effet, les mesures d’Auguste embrassaient un terroir un peu plus
large que celui de la colonie : il en demeure trace dans le résultat graphique de l'époque
flavienne. Le cadastre B concerne la rive gauche du Rhône au nord d’Orange ; le cadastre
C concerne les îles du Rhône à l’ouest d’Orange et la plaine jusqu’aux environs de
Carpentras. Le cadastre C, qui entoure la ville d’Orange à l’Est comme à l’Ouest, peut être
considéré comme le cadastre colonial, puisque le chef-lieu était pris dans son maillage19.
Quant au cadastre B, on ne peut plus lui attribuer la zone du chef-lieu, comme l’avait
estimé A. Piganiol dans son édition première. Le réexamen du positionnement d’un
certain nombre de fragments ne permet plus de les maintenir dans la zone correspondant
actuellement au lit de l’Aygues20. Il faut les déplacer vers le Nord, en sorte que le cadastre
B ne peut plus apparaître comme le cadastre colonial. Ce dernier comporte aussi la
mention de terres rendues aux Tricastins, peuple qui constituait sous le Haut-Empire une
entité politique propre, avec un chef-lieu, Augusta Tricastinorum (Saint-Paul-Trois-
Châteaux)21. Il est le témoin de modifications importantes de l’attribution de certaines
terres, et de leur rétrocession à la communauté indigène, faisant connaître l’inversion de
quelques processus de confiscation, tels qu’on les connaît d’après le Pro Fonteio. Le
cadastre B d’Orange s’apparente assez bien au cadastre B de Béziers, car tous deux sont
antérieurs à la fondation de la colonie. Il avait pour fonction d’assurer l’emprise sur les
terres de la rive gauche du Rhône. Une partie d’entre elles avait été enlevée aux
Tricastins, dont le territoire avait été alors réduit à l’extrême, avant de retrouver une
certaine consistance un peu plus tard. C’est vraisemblablement un peu après la fondation
d’Orange (en 35 av. J.-C.) que les Tricastins reçurent ce territoire dont ils avaient été
privés plus tôt : en effet l’emprise des terres distribuées aux vétérans s’imbrique
fortement dans les terres rendues aux Tricastins, en sorte que l’on peut supposer que la
distribution de bonnes terres eut lieu d’abord, et la restitution des mauvaises un peu plus
tard (lors de la fondation de la cité d’Augusta Tricastinorum ?).
15 Tant le cadastre B de Béziers que le cadastre B d’Orange, aux premiers temps de leur
histoire, ne furent peut-être pas lotis pour être distribués à de petits exploitants de la
terre qu’étaient les coloni. Leur mise en valeur se fit plutôt dans le cadre de la grande
exploitation que permettait la locatio des terres et leur concession aux agricolae et aux
pecuarii qu’évoque Cicéron dans le Pro Fonteio22.
16 Lépigraphie fournit aussi un lot de renseignements à qui essaie d’apprécier
l’aménagement et le peuplement des campagnes en Gaule méridionale entre la fin du II e
siècle et le milieu du I er siècle av.).-C. Mais les documents sont rares et, de surcroît,
d’interprétation délicate. Néanmoins on peut, grâce à quelques inscriptions, remonter
d’une période qui correspond à la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. aux époques
57
NOTES
*. B. Cursente (dir.), Habitats et territoires du Sud (126 e congrès national des sociétés historiques et
scientifiques, Toulouse, 2001), Paris, 2004, p. 349-359.
1. Goudineau 1978, p. 692 ; Goudineau 1998, p. 136.
2. Il est aussi conditionné par l’attitude des responsables de l’État face au problème politique et
social de la réinsertion des vétérans : Brunt 1962, p. 81-83.
59
1 À l’époque républicaine, lors de la conquête le territoire des peuples vaincus devenait ager
publicus populi Romani. Désormais le peuple romain en disposait par ses instances de
décision et par ses représentants1. Hors d’Italie et pour longtemps, ce fut rarement sous la
forme d’établissements coloniaux2 : les fondations de Carthage et de Narbonne, l’une
conclue par un échec, l’autre plutôt réussie, sont des événements exceptionnels, qui
provoquèrent en leur temps de débats très passionnés3, en sorte qu’elles ne firent pas
école pendant les décennies qui suivirent. Il fallut attendre l’époque de César, puis
l’époque triumvirale, enfin l’époque augustéenne pour qu’en Transalpine comme ailleurs,
le peuple romain se dessaisisse souvent de sa propriété éminente et en transfère des
parties à un certain nombre de ses membres, constituant une colonie, en général de
vétérans4. Antérieurement à cette époque les formes de l’appropriation et de
l’exploitation du sol provincial sont connues de façon variable selon les provinces 5. Grâce
à plusieurs auteurs, puis grâce à Cicéron, l’exploitation de la Sicile est bien connue dans
ses détails et dans son déroulement6. Il n’en va pas de même pour la Transalpine, même si
on est certain que la mise en valeur de la province était source de gros revenus. Ceux-ci
pouvaient résulter soit de l’exploitation directe, soit de la perception des droits pour
l’exploitation ou pour la mise en valeur du sol. C’est ce que laissent entendre, à propos de
cette province, les textes de Cicéron qui font allusion dans une énumération dont
l’exhaustivité crée une amplification remarquable en même temps qu’elle ouvre une
grande variété de perspectives : negotiatores, coloni, publicani, aratores, pecuarii 7. Parmi ces
trafiquants, les uns sont engagés directement dans la mise en valeur des ressources de la
région, notamment les ressources agricoles ; les autres sont engagés dans des processus
qui, même s’ils les mettent en contact indirectement avec les contextes d’exploitation et
de production, leur assurent la perception de revenus fiscaux fondés sur l’établissement
de la propriété éminente du peuple romain. Ce sont des hommes d’affaires, mais ils sont
souvent en contact avec les réalités foncières.
2 Le développement de la société indigène en a certainement été affecté, mais pas aussi
négativement qu’on l’a parfois estimé. Ce sont de nouvelles conditions de fonctionnement
61
qui sont apparues, dont la plus déterminante était sans doute le décloisonnement des
formes de la vie économique. Une partie du monde indigène en a profité au contact des
représentants du pouvoir dominant et dans les cadres nouveaux que celui-ci établissait 8.
/84/
3 Quelle que soit la forme prise par l’exploitation du sol provincial, en général au profit de
gens venus d’Italie, tels les frères P. et L. Quinctius ou bien leur adversaire Cn. Naevius, la
cadastration des terres accompagnait souvent la mainmise du peuple romain, puis la
concession à des entrepreneurs de la mise en exploitation des ressources du sol 9. Ceux qui
profitaient de la situation ainsi créée étaient souvent extérieurs au monde indigène. Aussi
apparaissent peut-être de nouvelles formes d’exploitation des ressources naturelles en
résultante du souci des nouveaux maîtres de la terre de tirer le maximum de profits de sa
mise en valeur. Quoi qu’il en soit, les grilles cadastrales antérieures à l’époque de la
colonisation césaro-augustéenne traduisent l’emprise précoce sur le sol et le souci du
contrôle de la terre10. Hormis à Narbonne, puisqu’il y fut établi une colonie de citoyens
romains, on se trouve en général hors des principes et des formes de la distribution
coloniale. Les grilles cadastrales n’ont donc pas toujours pour but d’asseoir la propriété
individuelle de la terre par les distributions de lots distraits de l’ager publicus 11. On les
repère par l’interprétation de la carte ou de la photographie aérienne. Mais on peut
estimer que les données qu’apportent les documents cadastraux d’Orange permettent,
par une analyse rétrospective, d’avancer quelques réflexions complémentaires sur cette
période, et d’ajouter à la documentation habituellement examinée une source qui offre
une autre possibilité d’approche12. Une partie de ce document au moins, semble pouvoir
entrer dans le dossier. En tout cas elle ne peut être laissée de côté, ou traitée à part. Si l’on
accepte les propositions qui seront présentées à son sujet elle pourrait prendre toute sa
place dans les études sur l’histoire des campagnes de la moyenne vallée du Rhône dans
l’époque correspondant à la première partie de la présence romaine en Gaule
méridionale.
4 Il importe d’abord de bien définir la source documentaire elle-même, qui est composite
dans l’état qui résulte de sa découverte. Mais les divers fragments d’inscriptions qui ont
été utilisés par Piganiol pour constituer ce qu’il appelle cadastres A, B et C, sont sans
aucun doute fortement complémentaires, ne serait-ce que par la contemporanéité de leur
rédaction, même si l’ample bibliographie du sujet révèle une diversité dans les points de
vue13 : les plaques de marbre affichées et rassemblées sous trois en-têtes (A, B, C), les
documents complémentaires, la grande inscription décrivant de façon synthétique les
opérations décidées par l’empereur Vespasien, en 77 après J.-C., formaient un ensemble
lorsqu’ils furent gravés et affichés en public. Ces deux opérations, composition et
affichage, constituaient l’aboutissement d’un processus qui s’était déroulé à l’initiative de
ce prince, qui souhaitait parvenir à la restauration du domaine public de la colonie
d’Orange, modalité d’une politique plus large dont les traces se retrouvent notamment en
Italie, comme l’avait observé A. Piganiol lui-même14. Pour l’occasion nous concentrerons
la réflexion sur ce que l’on appelle à sa suite le cadastre B, accessoirement sur le cadastre
C, dont les principes de composition semblent identiques ; en revanche les éléments
correspondant au cadastre A ne seront pas pris en considération, dans la mesure où il
nous semble que le positionnement de cette grille n’est pas encore acquis de façon ferme.
Les documents qui correspondent aux cadastres B et C, qui sont très proches dans leur
conception textuelle et qui révèlent ainsi, du point de vue de la fabrication, une
soumission et une conformité à une pratique administrative uniforme, sont à notre avis
62
bois d’Uchaux : ce sont des biens de modeste valeur, faiblement estimés, dont le revenu
est médiocre, comparable à ceux qui étaient accessibles à l’exploitation dans cette zone
un peu répulsive25.
9 En même temps le cadastre C, longtemps parent pauvre de la recherche, a reçu une plus
grande attention26. Son positionnement sur le terrain paraît mieux acquis. Son emprise
s’étendait certainement sur les régions sises à l’Est de la colonie, jusqu’aux abords de
Carpentras, chef-lieu d’une colonie de droit latin, englobant le peuple des Mernini 27. Les
plaques correspondant aux insulae Furianae, qui présentent les mêmes caractéristiques de
composition, fournissaient par ailleurs des indications sur l’extension occidentale, en
montrant ainsi que l’ensemble de la construction encadrait la zone dans laquelle se
trouvait la ville d’Orange28. On pouvait aussi repérer l’emplacement du cardo et du
decumanus maximus, c’est-à-dire apprécier celui de la groma, implantée dans la plaine de
Bédarrides29. Dans le grand dépliant qui a été inséré dans la publication de G. Chouquer,
mentionnée ci-dessus30, ce qui apparaissait comme une vaste grille cadastrale, centuriée
de façon homogène, peut être désormais divisé en deux sous-ensembles correspondant
l’un à la vallée du Rhône au nord d’Orange (cadastre B), l’autre à une zone plus
méridionale s’étendant du fleuve aux abords du mont Ventoux (cadastre C).
10 Sur ces nouveaux fondements, il devient difficile de conserver une proposition qui
semblait acquise depuis le livre d’A. Piganiol. Faut-il en effet maintenir l’idée que le
cadastre B traduirait la mainmise sur le territoire rural qui se serait produite au moment
de la fondation coloniale afin de doter les vétérans ? Ce serait plutôt le cadastre C qui
aurait désormais cette vocation, puisque celui-ci associerait bien plus nettement que
l’autre la ville chef-lieu et un territoire rural. Les plaques correspondant aux insulae
Furianae et au cadastre C, de même orientation et de même composition encadrent la
ville. Était-elle incluse dans l’ensemble31 ? Quoi qu’il en soit de cette question, il est hors
de doute que des parties du cadastre B fournirent aussi des lots pour les vétérans. Si la
grille cadastrale appelée cadastre C’était celle qui fut réalisée lors de la fondation
coloniale32, il faudrait admettre que les procédures d’assignation de terres se déroulèrent
aussi dans l’emprise territoriale correspondant au cadastre B, puisque plusieurs plaques
de marbre mentionnent l’existence de sol ex tributario, dont il est raisonnable d’admettre,
comme on l’a toujours fait, qu’il concernait la propriété des colons, détachée à leur profit
de l’ager publiais.
11 Ce constat a aussi pour implication que cette grille cadastrale (B) existait déjà à ce
moment-là, c’est-à-dire durant les premières années de la période triumvirale. Il est
difficile d’envisager le tracé simultané de deux grilles cadastrales (B et C) lors de
l’installation des vétérans et lors des assignations de terres les concernant : pourquoi
avoir réalisé conjointement deux opérations de cadastration des terres, certes de même
orientation générale, mais avec des localisations de la groma nettement distinctes l’une
par rapport à l’autre, alors que l’installation de la colonie était une opération unitaire ?
Ne doit-on pas considérer que les deux grilles appelées cadastre B et cadastre C seraient à
bien distinguer du point de vue chronologique en ce qui concerne leur mise en place par
les arpenteurs33 ? Elles ne se superposent pas en constituant deux états successifs du
même territoire après la restauration flavienne, comme en son temps avait envisagé A.
Piganiol. Elles ont été mises en place à des dates bien plus anciennes, et elles embrassent
des zones distinctes du point de vue géographique, qui se juxtaposent l’une à l’autre au
lieu de se confondre. Ne peuvent-elles donc pas témoigner d’étapes distinctes de
l’emprise de Rome sur les terroirs tenus par les Cavares et par d’autres petits peuples,
65
dont les Tricastins ? Si le cadastre C’était le cadastre colonial, elles renverraient à des
dates différentes certes, mais précoces. Alors qu’A. Piganiol considérait que la
chronologie relative s’appuyait comme terminus post quem sur l’époque de Vespasien,
celle-ci doit être plutôt envisagée comme le terminus ante quem de l’ensemble des travaux
d’aménagement et d’organisation de l’espace rural. Eexamen des documents
épigraphiques, pris dans leur ensemble, impose ainsi de faire basculer dans un sens
différent l’approche chronologique.
12 Il y a plus. Dans la mesure où, afin de régler la question des revenus publics de la colonie,
la grande inscription de Vespasien met en relation directe l’opération administrative
décidée par ce prince et la situation augustéenne, en renvoyant rétrospectivement de
l’une à l’autre, et dans la mesure où les grands plans de marbre (B et C au moins)
restituent l’état antérieur, considéré comme référent, on peut envisager que ce sont en
réalité les décisions augustéennes qui constituent l’horizon chronologique principal. Ce
niveau scelle ainsi le cadre d’ensemble, tant celui des formes juridiques de l’exploitation
du sol, que celui de la pratique administrative qui s’est développée sur ce fondement. Il
oriente de façon déterminante toute l’évolution ultérieure. Ainsi, à partir de cet horizon
chronologique redéfini, on peut estimer que l’arrière-plan de l’époque républicaine
constitue le plan le plus immédiatement accessible. À travers l’analyse des informations,
on peut donc tenter de retrouver une évolution qui aurait éventuellement commencé à
l’époque républicaine. Précisons tout de même. Il n’est pas impossible que des
interventions se soient produites entre l’époque d’Auguste, celle d’une (re)définition
globale du statut des terres, et l’époque de Vespasien, à l’instar des retouches qui
affectèrent la formula provinciae de la province de Narbonnaise34. Encore faut-il pouvoir en
retrouver les traces dans le texte gravé sur les plaques de marbre. Elles ne concernent
vraisemblablement que des détails concrets, non le cadre d’ensemble qui donnait leur
forme juridique à ces détails concrets. Il serait même possible d’envisager, puisque la
période augustéenne est longue, que diverses phases d’organisation se soient déroulées,
ou que des retouches du cadre d’ensemble se soient produites après la fondation
coloniale, qui se place très haut durant l’époque triumvirale35. Cette réserve, qui a son
poids, devra toujours être présente à l’esprit. Mais elle n’affecte que faiblement les
conclusions sur l’évolution d’ensemble que l’on va tenter de dégager. Il apparaît même
que, dans l’état actuel de la documentation, elle ne puisse être posée qu’à titre purement
formel.
13 Une première hypothèse doit être envisagée. Elle se rapporte à une éventuelle distinction
chronologique entre la fondation de la colonie et l’octroi du privilège établissant les
finances de la cité36. L’installation des vétérans de la Deuxième légion, les Secundani,
appartient à l’époque triumvirale comme l’a montré à juste titre A. Piganiol : son point de
vue ne doit pas être modifié. Il place l’acte important, et premier en l’occurrence, tôt dans
l’ample période augustéenne. Mais, comme on vient de l’envisager, on pourrait supposer
que seulement dans un second temps, impliquant l’existence d’un décalage plus ou moins
long, afin de faciliter le fonctionnement de la vie municipale le même Auguste ait décidé
d’accroître les revenus municipaux en transformant des revenus destinés au trésor public
du peuple romain en ressources municipales. De tels transferts de produits fiscaux, qu’ils
soient temporaires ou définitifs, sont attestés à plusieurs reprises à l’époque impériale.
C’était alors un des moyens privilégiés par le prince pour porter secours à une cité,
affectée de façon temporaire ou affaiblie de façon durable. Cette hypothèse d’une
distinction entre fondation coloniale et affectation de revenus publics peut être formulée.
66
Est-elle soutenue par un élément du texte de la grande inscription ou par un indice porté
sur les plaques cadastrales ? Pour l’instant, il ne semble pas. De toute façon elle n’affecte
pas l’interprétation que nous proposons pour dater le cadastre B, puisque, comme il ne
fait plus de doute, la mise en place de ce dernier est antérieure à l’installation des
vétérans.
14 Mais là n’est pas la question principale, dans l’optique que nous avons choisie. Il s’agit de
savoir, puisque change la nature respective des cadastres B et C, comment mieux articuler
chronologiquement et historiquement ces deux grilles. Puisqu’il semble acquis que le
cadastre C s’étendait de part et d’autre de la ville d’Orange, ne peut-on le considérer
comme le cadastre vraisemblablement mis en place lors de la fondation coloniale ? Il a sa
propre structuration, que traduisent les textes gravés sur le marbre en fournissant les
coordonnées des centuries ; toutefois il a aussi les mêmes orientations d’ensemble que le
cadastre B, comme si malgré tout ils étaient quelque peu liés l’un à l’autre. D’autre part,
dans la mesure où le cadastre B et le cadastre C contiennent les marques de
l’appropriation de lots de terres au profit des vétérans, c’est-à-dire l’effet de la déduction
coloniale, il est vraisemblable d’admettre que, si le cadastre C peut être considéré comme
cadastre de fondation coloniale, le territoire qu’embrasse le cadastre B était déjà
disponible sous la forme globale qui nous a été transmise37. Ce dernier était déjà inscrit
sur le sol dans ses grandes directions et dans son extension. Il avait donc déjà reçu les
grandes lignes de sa structuration topographique, celles de la division en centuries, par
l’effet de la limitatio, le tracé des grandes lignes qui organisaient l’espace. Ainsi ce
cadastre serait antérieur au cadastre C. Mais de combien ? Quoi qu’il en soit, en 35 avant
J.-C. le territoire qu’il embrassait aurait été englobé dans l’espace colonial ; il aurait été
aussi mis à profit pour recevoir des colons vétérans dans certaines de ses parties, au
même titre que le territoire correspondant au cadastre C. Ainsi, à ce moment, auraient
été créés ou renforcés les liens de ce territoire rural avec la ville d’Orange. Cette
dépendance n’est pas inscrite dans la construction graphique, car la carte du cadastre B
ne montre plus l’inclusion de la ville d’Orange, comme on l’envisagea longtemps à la suite
de Piganiol. Mais cette dépendance est exprimée d’une autre manière, qui renvoie aux
décisions prises par Auguste lors de la fondation coloniale, et aux compléments de l’acte
de fondation dus à ce même personnage : d’abord par l’assignation de terres aux vétérans,
puis par l’affectation du revenu des terres non assignées à la colonie. Cette dépendance
est peut-être aussi exprimée par l’affichage au cœur de la colonie, clairement explicité
par la grande inscription de Vespasien38. La contiguïté géographique venait provoquer
une commune appartenance et inscrire sur le terrain les effets partagés des mêmes
décisions de politique agraire. Il paraît vraisemblable de proposer la conclusion suivante :
à partir de la fondation de la colonie de vétérans en 35 av. J.-C., le territoire de la colonie
romaine d’Orange correspondait au cadastre B et au cadastre C (= B + C), le cadastre B,
déjà existant, ayant été ajouté au cadastre C, dessiné sur le moment, s’il constituait lui-
même le cadastre de fondation39.
15 En corollaire il faut admettre aussi que le cadastre B, qui n’était pas conçu initialement
comme un cadastre d’assignation, était antérieur à l’époque triumvirale
vraisemblablement. Les débuts de son histoire sont donc à retrouver dans l’époque
républicaine. S’en étonnera-t-on ? Ne savons-nous pas qu’il exista des cadastres précoces
en plusieurs parties de la Transalpine ? L’amalgame de deux grilles cadastrales de dates
diverses dans le même territoire colonial ne s’est-il pas produit aussi parallèlement dans
la colonie de vétérans de Béziers ? Il nous semble que, sur ce point au moins, le destin du
67
cadastre B d’Orange est, mutatis mutandis, comparable à celui du cadastre B de Béziers 40.
Toutefois le constat de ce fait n’apporte qu’une large datation relative. Peut-on être plus
précis ?
16 Le cadastre B d’Orange comporte des indications spécifiques que l’on ne retrouve pas ou
dont on ne retrouve pas l’équivalent dans les fragments correspondant au cadastre C dans
l’état qui nous a été transmis. Sur ces derniers, ou bien la terre a été distribuée en lots aux
vétérans, recevant le statut de propriété privée, ou bien elle a été affectée à la colonie
comme fondement de ses ressources publiques. En revanche, sur de nombreuses plaques
du cadastre B sont mentionnées des terres rendues aux Tricastins41. Plusieurs indications
apparaissent. Dans un certain nombre de cas, les inscriptions gravées dans la
reproduction des centuries ne comportent que la mention redd(ita) Tricastinis. Il n’y a pas
eu de distribution aux vétérans. Mais aussi, il n’y a aucune mention de revenus publics : la
cité n’a aucun droit, elle ne retire aucune ressource de la mise en valeur de ces terrains
qui avaient été soustraits à l’assignation. Le contrôle de ces biens échappe aux colons
d’Orange, faisant apparaître une enclave. C’est un point qui établit une ressemblance
entre le cadastre B, tel qu’il nous est connu, et la pertica de grandes colonies qui pouvait
englober d’autres communautés. On peut toutefois s’interroger : puisqu’il s’agit de
procéder à un inventaire précis des revenus de la colonie, pourquoi avoir mentionné ces
biens dont la colonie ne pouvait tirer profit ? Ces reddita Tricastinis forment comme un
territoire autre, totalement distinct42, dont la mention semble avoir comme intention
l’affichage d’une impossibilité ou d’un interdit par rapport à une situation créée
précédemment : l’absence de toute référence chiffrée aux revenus de la colonie est le
révélateur le plus fort de cette séparation. En inscrivant sur le marbre cette altérité, on ne
la constate pas seulement, on laisse découvrir qu’elle correspondait à un moment de
l’histoire des Tricastins, à une phase de l’évolution de ce peuple qui se perpétuait à
l’époque de Vespasien et qui était alors intégralement préservée. Elle correspondait donc
à un élément de l’histoire du cadastre B, et elle pouvait être préservée dans un inventaire
des revenus de la colonie parce que ceux-ci provenaient en bonne partie de l’exploitation
des terres englobées par le cadastre B.
17 La même mention de terres rendues aux Tricastins se trouve dans une autre série de
centuries, globalement voisines des précédentes du point de vue topographique. Mais
alors, dans le texte qui a été gravé à l’intérieur du cadre figurant les centuries on trouve
une indication nouvelle, celle que des terres y ont été distribuées aux vétérans43. Il s’agit
de vétérans de la colonie d’Orange sans que le doute soit possible. Ce qui signifie que le
territoire de cette colonie et celui qui a été dévolu aux Tricastins, s’il est franchement
délimité, l’est toutefois sous une forme complexe, et que cette opération n’a pas été
réalisée à grands traits, par des frontières simples44. Il y a imbrication des territoires. Plus
exactement des distributions de terres ont affecté l’ager publicus dans une zone qui par la
suite a été rattachée dans certaines de ses parties au territoire des Tricastins. C’est la
même impression qui prévaut d’après l’examen d’une autre catégorie de centuries dans
lesquelles apparaissent, en se distinguant, les terres distribuées aux vétérans, évaluées
par un chiffre de totalisation, les terres fournissant les revenus publics de la colonie, elles
aussi évaluées pour leur vectigal, et les terres rendues aux Tricastins : mais on se trouve
alors sur les limites, car les centuries en question se répartissaient sur les deux
territoires. En définitive, n’est-ce pas un argument pour avancer l’idée que le retour des
terres aux Tricastins a eu lieu au plus tôt au moment de la fondation de la colonie ? Ce
serait une restitution de terres non distribuées, à l’issue des assignations : mais suivant
68
quelles modalités ? Ou bien un peu après les assignations aux vétérans : mais à combien
de temps de distance ?
18 Très vraisemblablement, les terres publiques dont la redevance parvenait à la caisse de la
colonie ont un trait commun avec les terres rendues aux Tricastins : elles correspondent à
ce qui a échappé à la distribution des lots aux vétérans. C’est au moment où s’effectuait
cette distribution des terres qu’un remaniement d’une autre nature, non un partage du
sol mais une répartition plus large des terroirs, a aussi été effectué. L’assignation des lots
fonciers soustrayait à l’ager publicus populi Romani une certaine superficie. Le reste, qui
demeurait bien du peuple romain, fut subdivisé en deux parts. L’une d’elles fut rétrocédée
aux Tricastins, sous la propriété éminente du peuple romain et sous la condition de
reconnaître fiscalement cette suprématie : ce n’est pas un abandon de souveraineté sur la
terre, mais la délimitation du territoire d’une communauté indigène. Sur cette part la
colonie d’Orange avait perdu tout droit de regard : les plaques de marbre sont muettes.
Quant à l’autre part, elle fut utilisée par le prince pour apporter à cette colonie des
revenus publics par désistement du trésor public et réaffectation des redevances. Toutes
ces mesures ont pu être prises simultanément, en 35 avant J.-C., lors de la déduction des
vétérans de la Deuxième légion. On peut envisager toutefois, comme on l’a suggéré ci-
dessus, que le processus se soit déroulé de façon plus progressive et plus évolutive, et que
l’affectation des biens de l’État n’ait trouvé de solution que dans un second temps, donc à
une date un peu postérieure à 35 avant J.-C. mais toujours sous le principat augustéen.
19 Si cette dernière hypothèse se vérifiait, elle n’affecterait pas le raisonnement concernant
le territoire des Tricastins. La reconstitution de ce dernier peut accompagner la fondation
de la colonie d’Orange : dans ce cas on aurait prélevé quand même dans l’espace rétrocédé
quelques terres pour l’assignation aux vétérans. Elle peut être plus difficilement
antérieure : pourquoi aurait-on transgressé lors de l’assignation des limites qui venaient
d’être tracées depuis peu de temps ? Mais elle peut être aussi postérieure, de peu
toutefois. Comme on le voit, il n’est pas aisé d’inscrire ces événements dans la plus ferme
des chronologies. Néanmoins quelques remarques permettent d’orienter la discussion. La
restitution des terres aux Tricastins, qui préservait sans aucun doute les droits éminents
du peuple romain, ne peut être antérieure à la création de la cité de droit latin, connue
par Pline l’Ancien : ce fait constitue un terminus post quem. De son côté, le développement
du chef-lieu, sous le nom d’Augusta Tricastinorum, constitue un terminus ante quem. Mais la
ville chef-lieu a pu émerger sous la forme accomplie qui lui valait le titre d’Augusta un
peu après l’apparition de la communauté de droit latin, et naître en conséquence à peine
différée dans le temps de l’installation d’une organisation municipale. On sait par ailleurs
que le cadre de cette ville nouvelle s’insère dans une trame qui suivait les orientations du
cadastre B. La mise en place de celui-ci apparaît ainsi comme un cadre préalable, ce qui
vient confirmer ce que nous avons écrit plus haut à ce sujet45. Faut-il alors raccrocher
l’épisode de la restitution des terres à l’époque césarienne, lorsque le droit latin semble
avoir été généreusement donné aux communautés indigènes de Transalpine ? On pourrait
répondre qu’il n’y a pas de lien nécessaire entre le statut des ressortissants d’une
communauté et le statut du sol que ces mêmes ressortissants peuvent exploiter. Faudrait-
il alors privilégier le moment de la fondation coloniale d’Orange, puisque le territoire
correspondant au cadastre B a été tout autant affecté que celui qui correspondait au
cadastre C par les assignations ? Sans aucun doute la région correspondant au cadastre B
a alors vécu une phase de profonds changements. Et, dans ce secteur, l’installation d’un
« corps étranger », en tout cas d’un élément nouveau, a pu conduire à de profondes
69
réorganisations : le pouvoir romain aurait été contraint d’envisager, en même temps que
la fondation de la colonie, et en accompagnement de cette décision, le sort de la
communauté indigène voisine, qui auparavant avait vraisemblablement subi une
amputation de territoire, sinon plus. C’était la solution retenue par A. Piganiol, quand il
faisait remarquer que lors de l’installation d’une colonie, les confiscations pouvaient être
dans un second temps corrigées par des rétrocessions qui atténuaient la spoliation des
indigènes, mais il l’avait abandonnée car il lui semblait que la restitution des terres
s’adaptait mieux à sa propre vision d’une succession d’opérations cadastrales à la fin du Ier
et au début du II e siècle : il interprétait ces restitutions comme une marque de la
promotion de la cité, attesté par le titre de Flavia 46. Mais, comme on le verra plus loin, il
est plus vraisemblable d’admettre que les spoliations étaient antérieures à 35 av. J.-C., et
que les compensations dont l’existence se déduit de la mention des reddita Tricastinis ne
furent accordées à ce peuple qu’à cette date au plus tôt. De toute façon ces restitutions ne
purent pas se produire à une date de beaucoup postérieure à la fondation d’Orange, le
terminus ante quem devant correspondre à l’émergence d’Augusta Tricastinorum,
nécessairement postérieure au début de l’année 27 av. J.-C. (octroi du cognomen Augustus
à l’ancien triumvir), mais peut-être de très peu, puisqu’en 27 même Auguste séjournait en
Transalpine et qu’en 22 av. J.-C. il procéda peut-être aussi à de nouveaux
réaménagements dans l’organisation de la province. Si cette dernière solution devait être
acceptée, la mesure traduirait une fois de plus le souci qu’avait Auguste d’assurer le
développement urbain dans la province. L’archéologie confirme une datation haute : les
premiers horizons chronologiques de la ville d’Augusta Tricastinorum datent de l’époque
augustéenne.
20 Mais du développement qui précède on peut tirer matière à d’autres réflexions, toujours
sous forme régressive. Car il faut bien envisager, antérieurement à la fondation de la
colonie d’Orange et à la restitution d’un territoire substantiel aux Tricastins, que s’était
produite la confiscation de ces mêmes terres et peut-être même davantage. La mention
des reddita Tricastinis renvoie nécessairement à l’épisode de la confiscation, ce qui, une
fois de plus, donne de l’épaisseur chronologique aux données gravées sur les plaques de
marbre. La date de cet événement, imprécise mais non incertaine, apporte un autre
terminus post quem à la détermination du tracé du cadastre B. Mais, dans la mesure où ces
terres restituées entrent dans le cadastre B, il convient aussi de se demander si tout ce qui
correspond à cette grille cadastrale ne doit pas être défini à ses origines comme bien du
peuple romain, terroir saisi par celui-ci à un certain moment de son histoire, et
minutieusement organisé au profit du maître éminent du sol par la centuriation, dont les
traces nous ont été conservées. Nous sommes donc renvoyés à l’époque précésarienne et
au premier siècle de l’histoire de la province de Transalpine : en effet la mise en place de
la centuriation doit avoir accompagné la confiscation. Les deux faits sont contemporains.
21 On sera donc tenté de rapprocher l’apparition du cadastre B des épisodes de l’histoire
agraire de la province, à travers les relations tumultueuses du pouvoir romain et des
peuples indigènes. On sait que le Pro Fonteio de Cicéron apporte des informations
générales, mais éclairantes. Ce discours rappelle en effet que parmi les châtiments des
peuples provinciaux rétifs, les confiscations de terres ou l’expulsion des villes étaient
choses courantes47. On peut penser que les Tricastins se trouvaient, sans doute avec
d’autres, dans une région où la main de Rome fut lourde. Le cadastre B d’Orange, tout
autant que les cadastres déterminés à l’aide des méthodes d’analyse du paysage, peuvent
appartenir à la catégorie des cadastres précoces. À tout le moins : le cadastre B entre dans
70
soit d’une façon précise parce que l’intérêt de leur mention est évident, soit d’une façon
plus générale parce que l’intérêt d’une mention subsiste, même si elle est en quelque
sorte en négatif. Ces notations nous renvoient à une période ancienne, s’achevant
vraisemblablement au début de l’époque augustéenne.
25 Telle pourrait être représentée l’histoire du cadastre B d’Orange, lui aussi cadastre
précolonial. Mais cette histoire est incomplète. On n’a évoqué que les grands traits de
l’évolution du paysage rural. En effet, dans l’information que fournissent les plaques de
marbres constituant cette forma, nous échappent les modalités concrètes de l’utilisation
du sol, modes de division et de répartition, modes d’exploitation aussi, bref tout ce qui
concerne les formes de la production.
26 Néanmoins, tout étant compté, on peut se demander s’il ne convient pas d’opposer la
période antérieure à la fondation de la colonie à l’époque postérieure. L’installation des
vétérans faisait apparaître une propriété petite et moyenne, à la mesure des distributions
du sol. Peut-être aussi, le nombre des colons ne paraissant pas considérable53, même si
leur furent distribuées d’excellentes terres, les mutations foncières que provoqua cet
événement ne bouleversèrent pas de fond en comble le territoire couvert par le cadastre
B. Existait-il déjà une forme d’appropriation qui aurait provoqué la soustraction de terres
à l’ager publicus, par l’intermédiaire de distributions viritanes ? Cela est possible mais pas
prouvé54. Plus vraisemblablement, antérieurement à la fondation de la colonie l’emprise
sur la terre devait être plus lâche, et donc l’effet sur le paysage réduit à de larges
délimitations. La seule perception des revenus du peuple romain n’affectait peut-être pas
la répartition foncière préexistante. Mais si, moins par l’exercice de l’occupatio que par la
mise en locatio55 pouvaient s’exprimer les capacités de mise en valeur, et si cette capacité
avait été offerte à des entrepreneurs, alors, toutefois, les exploitations auraient pu être
redimensionnées, vraisemblablement sur une grande échelle, et la mise en valeur rurale
prendre un aspect différent par l’introduction de nouvelles méthodes agricoles, propres à
assurer l’enrichissement de ceux qui contrôlaient la terre.
27 Lexamen attentif du cadastre B d’Orange conduit donc à porter le regard vers l’époque la
plus ancienne de la présence romaine en Transalpine, celle des premières interventions
sur les territoires des peuples indigènes. Il conduit aussi à envisager une fonction des
centuriations autre que la préparation de la terre pour la distribution à des colons. Ici,
avant de servir à la récompense des vétérans de la légion IIa Gallica, la centuriation avait
servi à prendre la mesure d’un espace saisi par le peuple romain, à le préparer pour qu’il
reçoive des formes d’exploitation et de mise en valeur autres que par le biais de la petite
propriété56. Si l’éventualité de distributions viritanes n’est pas exclue, peut-être ne se
produisit-elle avant 35, et dans un second temps, que sous des formes limitées. Mais ce
n’est qu’une hypothèse, qu’il faut vérifier. En revanche il est plus vraisemblable
d’admettre que la modification de la condition juridique du sol, avec sa mesure et sa
centuriation, s’accompagna de profondes modifications des formes de la mise en valeur
dans une évolution de moyen ou de long terme. On retrouve ainsi les informations
qu’apportait Cicéron sur l’exploitation de la province.
72
NOTES
1. Brunt 1971, p. 278-284. Il faut envisager aussi dans ce cadre le recours éventuel à des
procédures de restitution : ibid., p. 298-299. Le témoignage des bronzes hispaniques est
important : Martin 1986 ; Peña 1994, p. 330-332.
2. Brunt 1971, p. 164 et 214. C’est aussi le point de vue de Peña 1994, p. 330-331 ; le cas de Carteia,
colonie latine, est isolé, voir p. 332-333. Déjà Brunt 1971, p. 206 n. 3 et p. 215, puis Humbert 1976.
3. Sur l’inspiration gracchienne de l’ensemble de ces projets, Brunt 1971, p. 214-215.
4. Brunt 1971, p. 164 et p. 214. Sur le cadre politique et social, et sur les aspirations des soldats
(« il veteranesimo »), Gabba 1951 b (= 1973, p. 55-143). Après d’autres (Kromayer, Vittinghoff,
etc.), Brunt 1971, p. 234-267 et p. 589-601, a longuement étudié ce phénomène. Toutefois, pour la
chronologie relative à la Transalpine, voir en dernier Christol 1999 d.
5. En péninsule Ibérique, en Afrique, en Transalpine, se pose la question des distributions entre la
fin du II er siècle et l’époque césarienne. Le problème a été examiné par Brunt 1971, p. 214-220 ;
récemment, voir aussi Pena 1994, p. 336, mais tout l’article est à prendre en considération.
6. Gabba, 1986 (= Gabba 1988, p. 163-177).
7. Cic., Pro Fonteio, V, 12 : unum ex toto negotiatorum, colonorum, publicanorum, aratorum, pecuariorum
numéro testem producant, vere accusatum esse concedam ; « que de tout l’ensemble des trafiquants,
des colons, des publicains, des agriculteurs, des éleveurs de bétail, on tire un seul témoin, et je
reconnaîtrai le bien-fondé de l’accusation » (trad. A. Boulanger, CUF) ; en dernier Soricelli 1995,
p. 9-10, p. 85-92, p. 122, ainsi que Freyberger 1999, p. 188-194.
8. Cette problématique a été récemment mise en valeur par Soricelli 1995, passim, mais p. 102-106
plus particulièrement. Cet auteur tient ainsi compte des travaux archéologiques qui sont
attentifs à suivre l’évolution du monde indigène. Tout en reconnaissant la part prise par les
hommes d’affaires italiens (p. 6), cet auteur minimise les bouleversements agraires qui auraient
pu se produire. Il est vrai que la réalité d’une colonisation agraire doit être envisagée avec
prudence (p. 102-107). Mais la gestion de l’ager publicus, sous toutes ses formes, devait avoir des
incidences sur l’évolution de la vie rurale. Dans un domaine voisin de l’exploitation foncière,
celui du commerce du vin italien et de la perception des taxes liées à son développement, on se
référera aux remarques récentes de Hermon 1995.
9. Peña en évoque la possibilité en péninsule Ibérique dès le IIe siècle av. J.-C.
10. Clavel-Lévêque 1983, p. 185-186. Quels que soient les phénomènes qui accompagnent
l’installation de ces cadastres, la « rupture » qu’ils introduisent dans le paysage agraire est le
signe - et le fruit-, de la mise en domination, le signe de l’établissement de l’imperium du peuple
romain, même s’il n’y a pas toujours corrélation immédiate entre la soumission d’un peuple et la
centuriation de ses terres.
11. Sur les opérations qui se déroulaient lors de l’installation d’une colonie, ci-dessous n. 19. S’il
ne faut pas majorer la place qu’il convient d’attribuer aux colons issus de l’Italie, comme l’estime
à bon droit Soricelli 1995, p. 51-52, p. 88 (sur César BG, III, 20, 2), p. 100-102, p. 116-117, p. 122, à
propos de la cadastration des terres, il n’en reste pas moins que des distributions viritanes
purent avoir lieu avant l’époque césarienne ou à l’approche de celle-ci, mais leur réalité doit être
d’abord retrouvée dans la documentation archéologique ou ailleurs, puis être bien mesurée dans
son cadre chronologique.
12. Publication d’ensemble par Piganiol 1962. Mais cet ouvrage qui, du point de vue scientifique,
est le fondement de toute recherche, était lui-même l’aboutissement d’une décennie de réflexion
et de tâtonnements, dont témoignent divers articles du même savant, soit isolément, soit en
73
39. On tiendra compte toutefois que le schéma peut être modifié s’il s’avérait que le cadastre E =
D était le cadastre colonial (ci-dessus n. 30-31). Si tel était le cas, le cadre chronologique de la
mise en place du cadastre C serait identique à celui du cadastre B.
40. Point de vue suggéré déjà par Christol 1998 d, p. 217-219. Sur le cadastre B de Béziers on se
référera à Clavel-Lévêque 1995.
41. La mise en évidence de leur localisation a été effectuée par Chouquer dans Odiot-Bel-Bois
1992, p. 142-143. Voir aussi n. suiv.
42. Voir à ce sujet l’utilisation que fait de ces renseignements Barruol 1975, p. 257-266, ainsi que
les remarques de Chastagnol 1980, p. 70-71. Mais on ne retiendra pas une des conclusions de ce
savant sur le rôle de Vespasien comme auteur de la restitution des terres aux Tricastins
(p. 73-74), comme le souhaitait Chouquer 1983, p. 294. Aussi Chastagnol 1997, p. 59-60, revient-il à
une datation qui rapproche les processus mentionnés de la date de la fondation d’Orange.
43. Par exemple dans les centuries DD XVII CK II, DDXVIII CK II, etc. Dans ces cas les Tricastins
ont reçu des terres cultes et incultes. Voir l’assemblage dans Salviat 1985, p. 280, fig. 3. Dans
quelques cas, s’ajoutent aussi les terres fournissant des revenus à la colonie d’Orange : D XVIII CK
I, DD XVIII CK II, etc. : voir Salviat, ibid. ; ceci signifie que la limite entre territoire d’Orange et
territoire de la cité des Tricastins coupait l’espace délimité par les centuries en question.
44. Ce qui distinguerait ce territoire des Tricastins d’un ager per extremitatem mensura
comprehensus, au sens où la décrivent Orejas et Sastre : Orejas 1999.
45. Bel 1986, p. 89-99 ; Bel 1993 ; c’est une observation récurrente dans Odiot-Bel-Bois 1992, p. 52,
p. 76-77, p. 102, p. 142.
46. Piganiol 1962, p. 54-55 : il est suivi par Chastagnol 1980, p. 73-74.
47. Cic., Pro Fonteio, V, 12 :... partim modo ab nostris imperatoribus subacti, modo bello domiti, modo
triumphis ac monumentis notati, modo ab senatu agris urbibusque multati sunt ; ibid., V, 13 : qui
eranthostes, subegit ; qui proxime fuerant, eos ex iis agris quibus erant multati decedere coegit. Le lien
avec les plus anciens cadastres provinciaux est établi par Clavel-Lévêque, 1988 (= Clavel-Lévêque
1989, p. 231-249) ; Clavel 1983, p. 227-231.
48. Christol 1999 g, p. 124-125, sur la restitution de l’expression formam agrorum à la ligne 3 de
l’inscription de Vespasien.
49. Granius Licinianus, 1. XXVIII, lignes 29 et suiv. (éd. Teubner, Leipzig, 1981, p. 8-9) ; Moatti
1993, p. 84-85 ; Chouquer 1994, p. 207.
50. Ces distinctions sont bien relevées par Grelle 1964, p. 1136-1138.
51. Sous réserve que le cadastre C soit véritablement le cadastre colonial. Sinon il faut envisager
que lors de la fondation de la colonie seule la partie correspondant à la ville et à ses environs les
plus proches auraient été touchés par une opération de structuration de l’espace (voir n. 32), et
que les espaces ruraux correspondant aux cadastres B et C auraient simplement été attribués
pour parachever le territoire dépendant.
52. Les réflexions de Mauné vont dans le même sens : Mauné, 2000, p. 239-240.
53. Comme l’a envisagé, autant pour Orange que pour Béziers, Mundubeltz 2000. Mais des
compléments d’assignations purent se produire à d’autres dates : Chouquer, dans Odiot-Bel-Bois
1992, p. 144 ; voir aussi Freyberger 1999, p. 106.
54. La question d’installations viritanes en Gaule transalpine ne peut pas être esquivée, dans le
prolongement de ce qui se produisit en Italie. Ce point a été à juste titre abordé à plusieurs
reprises par Soricelli dans son ouvrage récent (voir ci-dessus n. 11). Mais il reste encore à mettre
en évidence les signes révélateurs d’un tel phénomène.
55. Burdese 1952, p. 13-47, sur les modes de locatio (quaestoria, censoria). Voir aussi Tibiletti 1974,
ainsi que Luzzatto 1974, p. 12-13, p. 20-21.
56. Gabba 1985.
76
NOTES DE FIN
*. A. Gonzalès et J.-Y Guillaumin (éd.), Autour des Libri coloniarum. Colonisation et colonies dans le
monde romain, Besançon, 2006, p. 83-92.
77
NOTE DE L’ÉDITEUR
Les Marii de Vienne ont été réexaminés à l'occasion de l'étude d'une inscription de Seyssel
(ILN, Vienne, 786) : Christol 2003 f (en revenant pour la datation au Ier siècle ap. J.-C., alors
que l'on avait indiqué initialement le IIe siècle ; ici chapitre 18). Le cas de C(aius) Marius
Celsus, de Nîmes, a été reconsidéré dans un sens plus proche de l’interprétation de R.
Syme dans Christol 2005 b [chapitre 15], La thématique des clientèles provinciales doit
être examinée aussi à propos de la diffusion d'un gentilice tel que Valerius, qui peut
renvoyer à l’action du proconsul C(aius) Valerius Flaccus : voir Christol 2000 d, p. 258-260
[ici chapitre 25]. On pourrait envisager aussi de joindre aux Marii, dans une phase
précoce, le cas des Servilii, à la lumière d’une nouvelle inscription : voir déjà Christol 2001
a et 2005 b [ici chapitre 15].
avait été prévu7. Cependant, l’unanimité ne s’est pas faite8. Mais ne s’agit-il pas, en
définitive, de projets qui ne purent recevoir, au mieux, qu’un début d’exécution ?
2 La documentation épigraphique, interprétée de façon rétrospective, a orienté l’attention
sur l’Afrique. Dans un contexte d’émulation municipale, de snobisme local et de retour
aux origines, se prêtant sans doute à des amplifications, des surinterprétations et même
des déformations, certaines collectivités municipales proclamaient fièrement, au III e
siècle, leur origine marienne9. Pour une autre, Mustis, les institutions locales conservent,
d’une façon objective, la trace d’un lien avec le grand C. Marius10. Les inscriptions
d’époque impériale confirment aussi un phénomène que discuta E. Badian, mais qu’il
n’analysa pas avec la même attention que la diffusion du gentilice des grandes familles
sénatoriales ou de Pompée lui-même : la présence du gentilice Marius en Afrique du Nord.
Certes, dans de nombreux cas, la diffusion dans l’onomastique provinciale du nom d’une
grande famille ne signifie pas nécessairement l’octroi du droit de cité romaine par les
soins d’un grand personnage d’époque républicaine, mais indique simplement une
relation de clientèle11 : il ne faut donc pas surestimer la diffusion du droit de cité en
province pendant le II e siècle avant notre ère. En la matière, le moment décisif
correspondit certainement à la guerre sociale et à l’application de la lex Iulia. Mais n’y
aurait-il pas eu des précédents ? Marius, d’une façon on ne peut plus évidente, avait, par
des procédures qui furent critiquées, accordé la cité romaine à des socii 12 qui l’avaient
vaillamment secondé dans la lutte contre les Cimbres et les Teutons. Mais alors, si l’on
suit strictement les sources, il s’agit exclusivement d’alliés italiens. On ne peut trouver
dans les textes quelque indice que ce soit de semblables faveurs dont le général aurait fait
profiter des soldats étrangers à l’Italie. Mais ces naturalisations avaient quand même
revêtu d’assez amples proportions.
3 Cependant, pour expliquer ces souvenirs mariens dans la dénomination des cités et dans
celle des personnes, on pourrait invoquer, puisqu’il ne s’agit pas d’une naturalisation
virtutis causa, que celle-ci ait été la conséquence des stipulations de la lex Appuleia. Cette
dernière ne prévoyait-elle pas que Marius pouvait accorder le droit de cité romaine à
trois personnes (plutôt que trois cents) dans les colonies qu’il allait fonder13 ? Il faudrait
peut-être alors placer en perspective le contenu de la loi avec ce que l’on sait par Strabon
des fondations coloniales en péninsule Ibérique au cœur de l’époque républicaine : mais il
s’agit là-bas de colonies latines et non de colonies romaines14. Il faudrait aussi admettre
que ces nouveaux citoyens étaient des habitants des provinces15. Or le seul cas connu de
ces nouveaux citoyens concerne encore un allié italien, T. Matrinius de Spolète : Marius
l’avait favorisé, mais il lui fallait défendre vigoureusement un privilège qui était contesté,
car la lex Appuleia, affirmait-on, n’avait pas été mise en application. En réalité, comme l’a
bien montré E. Deniaux, la procédure qui avait été inscrite dans la loi était un des artifices
juridiques les plus couramment utilisés pour octroyer la cité romaine à un puissant client,
italien ou étranger : on faisait comme s’il participait à la fondation d’une colonie, afin
qu’il puisse, à brève échéance, se prévaloir de la qualité de citoyen romain16. Nous
sommes bien loin du contexte africain. On doutera donc que Marius ait procédé à des
naturalisations massives chez ses auxiliaires gétules dont il va être question.
4 Mais demeurent les inscriptions africaines d’époque impériale. En effet, en procédant à
une enquête /212/ minutieuse et exhaustive, dans la ligne de celles que savait conduire
H.-G. Pflaum, J. Gascou a mis en valeur la diffusion du gentilice Marius en Afrique du Nord
et, qui plus est, l’association fréquente du prénom Caius à ce gentilice illustre 17 : « [Sa]
présence dans les régions où deux villes ont revendiqué à l’époque impériale une origine
79
mariane (Uchi Maius, Thibaris) nous paraît démontrer que les Marii africains doivent dans
leur très grande majorité leurs gentilices à Marius. » On pouvait donc, à juste titre,
rapprocher ce fait onomastique irréfutable des renseignements que fournit le Bellum
Africum sur les auxiliaires gétules de Marius, que ce dernier récompensa de terres 18.
Certains envisagent aussi des naturalisations : mais les textes n’en apportent pas la
preuve et le contexte historique et juridique n’en soutient pas l’hypothèse. Quoi qu’il en
soit, ces hommes étaient des clients19. Plus intéressantes encore étaient les observations
sur la diffusion géographique de ce nom, qui montrait, comme l’avait suggéré St. Gsell 20,
que ces terres étaient extérieures à l’Africa vetus. De la sorte, les deux zones, celle des
implantations militaires italiques, si le rappel d’une origine marienne implique
nécessairement l’installation de soldats à Thuburnica, Thibaris et Uchi Maius, et celle des
concessions de terres en faveur des Gétules, délimitée à partir de la concentration plus ou
moins grande du gentilice Marius, auraient été imbriquées étroitement21.
5 L’extension à la Transalpine d’une telle politique est source de discussion, car aucun texte
n’est aussi explicite pour cette province que ne l’étaient, pour l’Afrique, les passages du
Bellurn Africum relatifs aux distributions de terres et aux liens de clientèle. D’autre part,
aucun témoignage ne vient attester que telle ou telle cité se soit glorifiée, par « snobisme
municipal », d’une antiquité marienne. Mais il est toutefois un fait qui invite à réfléchir,
et qui par son évidence autorise à déduire de ce qui se produisit en Afrique ce qui aurait
pu se passer en Transalpine. Il s’agit de la fréquence remarquable du gentilice Marius dans
l’épigraphie de cette région, devenue par la suite la province de Narbonnaise. Déjà R.
Syme insérait ce nom de famille parmi les vingt gentilices les plus représentés : dans le
dénombrement un peu grossier qu’il effectuait, il se trouvait à la quatorzième place par sa
fréquence, à égalité avec des noms tels que Fabius, Iunius, Terentius ou Vibius, que l’on
trouve en excellente position dans l’épigraphie hispanique, au moins les trois premiers,
qui y occupent respectivement la troisième, la huitième et la onzième positions22. Mais E.
Badian, puis Y. Burnand, qui se livrèrent ensuite, surtout le dernier, à des décomptes plus
précis, élevèrent le gentilice Marius à une meilleure place : la neuvième chez Badian, en
ne tenant compte que des documents qui paraissent certains, la dixième chez Y. Burnand,
alors qu’il nest qu’à la quatorzième en péninsule Ibérique23. De la sorte E. Badian pouvait
constater non seulement cette fréquence d’apparition si remarquable, mais aussi, en
retenant le nombre important de cas dans lesquels le nom est associé au prénom Caius,
rapprocher la diffusion de ce gentilice de l’action du grand général24.
6 Notre liste est un peu différente, car nous n’avons pas retenu les témoignages de l’
instrumentum domesticum, et nous avons écarté quelques témoignages 25. Mais nous en
avons ajouté d’autres : /213/
G. Marius M. f.
CIL XII, 849 Arles Ier s.
Marinus
AE 1929, 190 D. Marius D. (f.) V(o)l. Helviens (Alba) Ier s. ; soldat à Carnuntum
CIL XII, 1315, 1526, 1534 Sex. Marius Montanus Voconces (Vaison) date indéterminée
Voconces (Lucus
CIL XII, 1641 Marius Atticus IIe s.
Augusti)
Sex. MariusNavus
Allobroges
CIL XII, 1895 D. MariusMartinus Ier s. ; édile
(Vienne)
D. Marius Martinus
Allobroges
CIL XII, 1951 L. Marius M[–] date indéterminée
(Vienne)
Allobroges
CIL XII, 2471 M. Marius Iaraco Ier s.
(Vienne)
Arécomiques (N.
CIL XII, 2910 Maria [–] f. Quintana IIe s
du territoire)
Arécomiques (E.
CIL XII, 2751 Maria Senilis f. Severa IIe s.
du territoire)
Arécomiques
CIL XII, 3252 C. Marius C. f Celsus début du Ier s. ; quattuorvir
(Nîmes)
Arécomiques
CIL XII, 3254 C. Marius Onesimus fin Ier-IIe s. ; sévir augustal
(Nîmes)
Arécomiques
CIL XII, 3734 C. Marius Dubius 2e moitié Ier s.
(Nîmes)
Arécomiques
CIL XII, 3735 Marius Kamenus 2e moitié Ier s.
(Nîmes)
Arécomiques
CIL XII, 3733 C. Marius Ier s.
(Nîmes)
81
Arécomiques
CIL XII, 3337 C. Marius début Ier s.
(Nîmes)
Arécomiques
CIL XII, 3097 Marius Paternus date indéterminée
(Nîmes)
Arécomiques
CIL XII, 3661 add. Maria Nemausin(a) IIe s.
(Nîmes)
Arécomiques
CIL XII, 3903 Maria Dione IIe-IIIe s.
(Nîmes)
Arécomiques
ILGN 478 Q. Marius Sev(erus) fin Ier-IIe s.
(Nîmes)
Arécomiques (O.
CIL XII, 4159 Maria Secundina IIe-IIIe s.
du territoire)
Arécomiques (O.
CIL XII, 4201 L. Marius Om[–] Ier s.
du territoire)
Maria Tertia
CIL XII, 4679 Maria Maxsima Narbonne Ire moitié Ier s.
C. Marius Quintio
L. Marius L. f. Masclus
CIL XII, 4980 Narbonne Ire moitié Ier s.
[-] Marius [-]
Tectosages (Bram,
AE 1969-1970, 388 Q. Marius Quartus IIe s.
Aude)
7 Comme en Afrique donc, la marque du gentilice Marius est réelle en Narbonnaise. Elle se
traduit plus particulièrement dans le nom de familles de notables, à Vienne d’une part, à
Nîmes d’autre part. À Vienne, il s’agit d’une famille qui détient les honneurs municipaux
vers le milieu du Ier s. ap. J.-C. et appartenait à l’ordre équestre 26 : le prénom Caius y est
utilisé, concurremment avec Decimus et Sextus. Avec tous les documents qui s’y rattachent,
il s’agit d’un bon témoignage de la romanisation des notables indigènes. De même et plus
encore, à Nîmes, sans qu’on ait pour l’instant la preuve de l’insertion des Marii nîmois
82
dans l’ordre équestre ou plus haut27, on constate l’existence de notables qui portent ce
gentilice et sont bien implantés dans la vie municipale, tel C. Marius C.f. Celsus, quattuorvir
au début du Ier s. ap. J.-C., C. Marius Iuven[–] Iulianus, ornamentis decurionalibus ornatus, dans
la seconde moitié du Ier s. ap. J.-C., C. Marius Onesimus, sévir augustal à la fin du Ier s. ou au
IIe s. ap. J.-C. Dans les deux cités, l’empreinte du gentilice Marius est donc forte et, qui plus
est, comme à Narbonne, précoce, surtout à Nîmes où plusieurs témoignages peuvent être
placés à une date haute (époque augustéenne ou Ier s. ap. J.-C.).
8 Qu’il s’agisse de familles indigènes qui auraient reçu la cité romaine de Marius ou, plutôt,
de simples clients qui auraient pris le nom du général par fidélité et seraient entrés plus
tard dans la cité romaine, peu importe pour notre propos. Car, quelque interprétation que
l’on retienne, elle révèle incontestablement l’influence du grand homme de guerre, sept
fois consul, en Transalpine. On la rattachera aux opérations qu’il conduisit en 102 contre
les Cimbres et les Teutons28 et qu’il avait préparées dès 104. Ces peuples barbares avaient
mis à mal la province depuis quelques années et leur approche avait encouragé à la
révolte les Volques Tectosages du Toulousain ; dès 108-106, une première révolte avait
éclaté29, puis en 104, Sylla, alors légat de Marius, avait dû lutter contre Copilo, un de leurs
chefs30. Si nous ignorons quelle fut l’attitude des Allobroges et de Arécomiques, rien ne
vient laisser supposer qu’ils aient rejoint les Tectosages ou les envahisseurs germains. On
peut seulement supposer toutefois, que Q. Servilius Caepio, pour affronter les Cimbres et
rejoindre le consul C. Manlius, dut traverser le territoire arécomique en 105, quelque
temps avant le désastre d’Orange. Dans le récit de cette guerre et de ces révoltes, Dion
Cassius évoque seulement l’hostilité des Tectosages31. Orose confirme l’historien grec32.
Mais que Marius ait recruté des auxilia provinciaux ne pourrait surprendre. Ce n’était pas
la première fois que l’on faisait appel à des soldats issus de régions extérieures à l’Italie 33,
et l’état d’urgence, justifié par la terreur des /214/ Germains, autorisait le représentant
de Rome à prendre toutes les dispositions qui semblaient nécessaires34. Nous n’avons donc
point de preuve certaine que les Volques Arécomiques (et les Allobroges) ont fourni au
général des auxilia. Mais la diffusion du nom C. Marius parmi eux, si on la rapproche des
faits observés en Afrique et des pratiques bien connues de l’autorité romaine en temps de
guerre, le laisse supposer avec un fort degré de vraisemblance.
9 On conclura de même que Marius disposait chez les Volques Arécomiques de réseaux de
clientèle par l’examen du dossier des relations orageuses de ce peuple avec le pouvoir
romain au dernier siècle de la République. En effet, à partir de la fin du II e siècle, les
Tectosages semblent soumis : plus rien ne vient attester leur turbulence. En revanche, ce
sont les Arécomiques qui, en compagnie des Allobroges, apparaissent dans nos sources au
premier rang des adversaires de Rome35. Mais il est vrai que dans le déroulement des
conflits interféraient les grandes luttes qui se développaient à Rome et dans l’Italie pour
le contrôle du pouvoir dans la cité : l’opposition à Rome n’est autre que l’opposition au
parti qui contrôle à un moment donné la vie politique. En Afrique, Marius avait trouvé
des appuis auprès de ses clients gétules. Ceux-ci, au terme de près d’une décennie de
luttes, furent châtiés par Pompée pour le compte de Sylla. Celui-ci décida qu’on les
placerait sous l’autorité du roi de Numidie36. Plus tard, ils rallièrent le camp de César.
Tout au long du Ier siècle, en somme, le jeu des factions avait marqué le comportement des
clientèles provinciales et avait orienté leurs interventions37.
10 L’histoire des Arécomiques présente des parallèles saisissants avec celle des Gétules
africains. Quelques années après que ces derniers eurent été châtiés par Sylla, Pompée
dut intervenir en Occident : en Transalpine, puis en Espagne. Il dut se frayer par la force
83
une route jusqu’aux Pyrénées, en massacrant ses adversaires38. La Gaule méridionale était
alors en état de sécession si l’on en croit une lettre de ce général, rapportée dans les
Histoires de Salluste : il se vante d’avoir repris la Gaule avec l’Espagne au cours de cette
guerre39. La réalité de ce bellum Transalpinum est d’ailleurs nettement affirmée par
Cicéron, qui la rattache aux exploits de Pompée dans le discours Pro lege Manilia 40. Faut-il,
alors que toutes les autres res gestae sont admises, minorer l’importance de l’affirmation
de l’oral’ orateur ? Sûrement pas, car rapproché de tout ce que dit Cicéron dans le Pro
Fonteio, ce bellum Transalpinum prend l’aspect d’une véritable guerre, comparable par son
importance et sa gravité à toutes les autres campagnes de ce général. Fonteius, qui
gouverne la Transalpine après le passage du général en Espagne, et assurait ses arrières,
n’avait pas à sa disposition une province apaisée, mais un pays rétif. Et pourtant,
l’historiographie n’accorde que peu d’importance à cet épisode, considéré comme un
simple prélude à la guerre d’Espagne41.
11 Mais on n’oubliera pas que ce conflit, qui secoua la Transalpine, procédait des luttes entre
marianistes et syllaniens. Il s’insère, de la même manière que les campagnes africaines de
la décennie précédente, dans le même jeu des factions, mêlant inextricablement l’Italie et
les provinces dans les mêmes partis pris, les mêmes oppositions irréductibles. On ne peut
l’oublier quand on doit évoquer les mesures d’organisation de la Transalpine qui sont
associées au nom de Pompée et qui datent de ce moment. En effet, les décisions du
général ne se rapportent pas, pour l’essentiel, aux nécessités de la guerre d’Espagne
(fournitures, hivernage des troupes). Celle-ci importe, certes, mais pèse par-dessus tout,
dans l’organisation des peuples Transalpins, leur comportement dans les années difficiles
qui précédèrent ou accompagnèrent l’action énergique de Pompée. C’est cette
conjoncture qui fixe bien des choses et éclaire la plupart des décisions. C’est Pompée lui-
même qui supervisa cette organisation provinciale, véritable lex provinciae 42 : par ses
décisions, decreto, des confiscations furent imposées à certains peuples 43. Le Pro Fonteio ne
mentionne pas explicitement ces derniers, mais on peut en retrouver certains quelques
décennies plus tard lors de la guerre civile. En effet, quand César sollicita les Marseillais
pour qu’ils entrent dans son camp, les représentants de la cité lui firent valoir que s’il leur
avait accordé des avantages lors de son proconsulat, Pompée, avant lui, n’avait pas été
avare de faveurs, car il leur avait accordé les (des ?) terres des Volques et des Helviens 44.
Le mot publice, « avec l’accord de tous », utilisé dans le Bellum civile, répond à la mention
decreto. On admettra que cette subordination avait surtout des incidences fiscales. Mais le
rapprochement avec le transfert des cités gétules sous l’autorité du roi de Numidie, allié
de Rome et de Sylla, est frappant. L’identité des méthodes est remarquable : elles
appartiennent à la panoplie des mesures par lesquelles on récompensait ou on punissait
partisans et adversaires.
12 On peut faire remonter, avec toute la tradition historiographique, cette mesure à la lex
pompéienne antérieure au gouvernement de Fonteius, que ce dernier fut chargé de
mettre en œuvre. Mais on ne peut en faire une mesure neutre, sans signification. Si l’on
peut penser que le partage des faveurs et des défaveurs se fit d’après le départ des
adversaires et des partisans, on rangera donc les Volques Arécomiques et les Helviens -
nous ne savons rien de précis sur le sort des Allobroges45, bien qu’ils fussent des plus
acharnés contre Fonteius-, dans le camp des adversaires de Pompée. Mieux : parmi les
peuples où les /215/ clientèles adverses avaient le dessus. Ne faut-il donc pas considérer
que ces Volques, à l’époque de César, pouvaient encore revendiquer une continuité dans
l’appartenance aux réseaux de clientèles marianistes ? On n’oubliera pas non plus que ce
84
la phase marienne, qui s’explique par les liens qu’entretint avec la région le grand homme
de guerre, lors de l’invasion de Cimbres et des Teutons. Si cette conclusion est recevable,
on peut expliquer les vicissitudes de l’histoire volque au cours du I er siècle av. J.-C.
Entraîné par fidélité, sans doute avec d’autres, dans les ultimes séquelles du conflit entre
marianistes et syllaniens, tout comme les Gétules africains, ce peuple souffrit
d’appartenir alors au camp des vaincus. Et César, héritier de Marius, lui rendit sa liberté
un peu plus tard, en l’arrachant aux Marseillais.
NOTES
1. Italiques et non Romains, si l’on admet que la première colonisation citoyenne hors d’Italie
concerne Carthage (Vell. Pat., I, 15, 4 et II, 7, 8) : Salmon 1969, p. 112-127.
2. Appien, Iberica, 153. Galsterer 1971, p. 12, fait observer qu’aucun document ne vient éclairer le
statut de la cité à l’époque républicaine. Il est suivi par Le Roux 1982, p. 35-36. Toutefois,
Galsterer suppose, p. 7, que cette cité, dont le nom était tout un programme, dut être de droit
pérégrin. Mais les objections de Humbert 1976, p. 226 et n. 1 (cf. aussi p. 232), semblent
convaincre : l’hypothèse de la fondation d’une colonie latine est très séduisante.
3. Strabon, 3, 2, 1. Galsterer 1971, p. 9 ; Le Roux 1982, p. 36 (avec bibliographie). Le sens du mot a
été réexaminé récemment, dans le contexte de Délos et de la Méditerranée orientale il est vrai,
par Solin 1983, p. 113-117.
4. Badian 1958, p. 119, p. 192-213 ; Nicolet 1977, p. 136-137.
5. De viris illustribus, 73,1 : L. Appuleius Saturninus, tribunus plebis seditiosus, ut gratiam Marianorum
veteranorum pararet, legem tulit, ut veteranis centena agri iugera in Africa dividerentur. L’existence de
cette lex est confirmée par Cic. Pro Balbo, 48 : cum lege Appuleia coloniae non essent deductae, qua lege
Saturninus C. Mario tulerat ut singulas colonias ternos cives facere posset ; E. Gabba, dans son
commentaire d’Appien (2e éd., Florence, 1976, p. 102-103) a tiré argument du texte de Cicéron
pour récuser toute exécution de la loi (dans le même sens déjà, Gabba 1951 a). Assez proche de
cette position, Brunt 1971, p. 577-580 (surtout p. 577, à propos de Cercina), n’admet qu’une
application très restreinte de la loi. Dans un sens inverse Hermon 1972 (mais l’article est, sur bien
des points, contestable).
6. De viris illustribus, 73, 5.
7. Entre autres Badian 1958, p. 201-206, et Hermon 1972.
8. Sont d’un avis contraire Gabba 1951 a (et aussi Gabba 1955, p. 225-228), et Brunt 1971, p. 578.
Attitude prudente de Nicolet 1977, p. 136-137.
9. Quoniam 1950 = AE 1951, 81 (hommage public à la mémoire de Marius, conditor coloniae). Mais
aussi CIL VIII, 26181 (Thibaris, qui se qualifie de municipium Marianum), et CIL VIII,
15450,15454,15455, 26270, 26275, 26281 (Uchi Maius, qui se qualifie de colonia Mariana). Voir Gascou
1972, p. 16. Sur le snobisme municipal, vivace en Italie, en Asie et en Afrique, Veyne 1960.
10. Beschaouch 1968, p. 150-151. Il s’agit de la diffusion de la tribu Cornelia parmi les habitants de
Mustis : c’est la tribu d’Arpinum et de Marius.
11. Badian 1958, p. 309 et suiv. ; Sherwin-White 1973, p. 294-295 ; Knapp 1978, p. 188-193 ; Dyson
1980-1981, p. 297-299.
12. Cic., Pro Balbo, 46 ; Val. Max., V, 2, 8 ; Plut., Marius, 28, 2. Cf. Cuff 1975. On ne peut en aucune
façon parler de « barbarian allies », comme le fait Fentress 1982, p. 328.
86
13. Cic., Pro Balbo, 48. Le débat sur l’indication ternos cives, que certains proposent de corriger en
trecentos cives, a été repris récemment par Hermon 1972, p. 84-85, et surtout, d’une façon très
convaincante, par Deniaux 1983, p. 270-271 avec note : il faut conserver l’indication de Cicéron
(chiffre faible).
14. Ont tenté de considérer ces colonies mariennes comme de droit latin : Parker 1938, p. 8, et
Hermon 1972, p. 83-86. Mais E. Deniaux a bien montré que ces procédures s’inscrivent
parfaitement dans le cadre de fondations de colonies romaines (Deniaux 1983, p. 267-268 et
p. 270-272) et non dans celui de colonies latines (p. 268-269). Sur les questions foncières, liées au
problème, Nicolet 1980.
15. On verra plus loin que si l’on ajoute aux bienfaits de Marius l’octroi de la cité romaine, il faut
surinterpréter plusieurs textes (cf. n. 18).
16. Ajouter à Deniaux 1983, Deniaux 1981.
17. Gascou 1969 (la citation se trouve p. 566-567 n. 2). Sa recherche complète donc le travail de
Teutsch 1962, p. 7-27.
18. Il sagit de trois textes extraits du Bellum Africum, 35, 5 : interim Numidae Gaetulique diffugere
cotidie ex castris Scipionis, et partim in regnum se conferre, partim quod ipsi maioresque eorum beneficie
C. Mari uti fuissent, Caesaremque eius adfinem esse audiebant... ; 56, 3 : namque Gaetuli quorum patres
cum Mario ante meruerant, eiusque beneficio agris finibusque donati, post Sullae victoriam sub Hiempsalis
regis erant dati potestatem... ; 35, 4 : saepe numero... complures Gaetuli qui sumus clientes C. Mari... On
rapprochera, pour le vocabulaire, de l’inscription ILAfr. 301, qui fait allusion à des assignations
viritanes à Suturnuca : cives Romani veter(ani) pagi Fortunalis quorum parentes beneficio divi Augusti
Suturnuca agros acceperunt. L’assignation de terres pour ces cavaliers gétules est évidente. Mais
rien n’indique l’attribution de la citoyenneté romaine. D’ailleurs César, dans Bellum Africum, 35, 3,
oppose ces Gétules aux cives Romani qui sunt in legione IV et VI. Ils sont organisés en cités
autonomes, qui ne peuvent être que de statut pérégrin, dépendant depuis Sylla du roi de
Numidie : cf. Bellum Africum, 32, 4 (Htteris ad cives suos datis) et 55, 1 (ad suos cives perveniunt).
Pourtant depuis l’ouvrage classique de Gsell 1928, p. 10, on admet que Marius récompensa ses
auxiliaires gétules en les faisant aussi citoyens romains : en dernier Lassère 1977, p. 128.
19. César, Bellum Africum, 35, 4. L’importance de ces clientèles comme résultat d’un beneficium a
été mise en valeur par Gabba 1973, p. 67-68. Elles permettaient de s’assurer de la fidélité de
communautés, voire de provinces : voir l’observation de César, Bellum Africum, 29, 3, à propos de
l’Espagne ultérieure (altera maximis beneficiis Pompei devincta). On comprend bien, de la sorte,
l’appui qu’apportèrent, au dire de Plutarque, Marius, 41, les cavaliers « maures » qui suivirent
Marius en Italie en 87 av. J.-C. (la terminologie de l’historien est imprécise, cf. Carney 1961,
p. 115). C’est pour cette raison que ces Gétules furent par la suite châtiés par Sylla (César, Bellum
Africum, 56, 3). Les auteurs qui pensent que Marius avait octroyé la cité romaine à ces auxiliaires,
doivent admettre que Sylla la leur retira (Gsell 1928, p. 278 et 287 ; Gascou 1969, p. 557 n. 37 ;
Fentress 1982, p. 328).
20. Gsell 1928, p. 263-264, qui se fonde sur la référence marienne dans le nom du municipe de
Thibaris et dans celui d’Uchi Maius. Contre ce point de vue Saumagne 1962, p. 412-414. Voir aussi
Teutsch 1962, p. 10-11 et 37.
21. Gascou 1969, p. 567 n. 3 ; Lassère 1977, p. 115-131.
22. Syme 1958, II, p. 783.
23. Badian 1958, p. 309-310.
24. Badian 1958, p. 317. Mais l’auteur est bien plus allusif sur les clientèles mariennes que sur les
clientèles pompéiennes. Burnand 1975, p. 226-228.
25. CIL XII, 2355 : mention de la centuria Mari sur l’épitaphe d’un soldat ; CIL XII, 59 (Briançonnet)
qui appartient aux Alpes maritimes, cf. Barruol 1975, p. 369-371.
26. Pflaum 1978, p. 252.
87
27. Le dossier des sénateurs et des chevaliers nîmois a été mis en forme par Burnand 1975 a. A la
p. 700-701, il prend position avec prudence sur la possibilité d’attribuer au sénateur Marius
Celsus, cos. suff. en 69, une origine nîmoise (cf. Syme 1958, p. 592 et n. 4, p. 786). Il est plus
catégorique dans Burnand 1982, p. 420, où il estime qu’il ne s’agit que d’une « simple rencontre
onomastique probablement en raison de la grande diffusion du gentilice Marius et du surnom
Celsus ».
28. Demougeot 1969, p. 55-58. Voir aussi Van Ooteghem 1964, p. 176 et suiv., et enfin Demougeot
1978, p. 915-916, p. 930-932.
29. Labrousse 1968, p. 126-136.
30. Plut., Sylla, 4 ; Labrousse 1968, p. 127 et 205.
31. Dion Cassius, XXVIII, frg. 90-91.
32. Orose, 5, 15,25 et 5,16, 1-8.
33. Yoshimura 1961, p. 472-473 et p. 489-490 ; Ilari 1974, p. 25-27 avec notes. On aimerait pouvoir
déterminer comment furent recrutés les socii mentionnés dans Orose, 5, 16, 3, qui périrent dans
la bataille d’Orange. Pomponi 1966, p. 109-110 (installation des légions romaines par Servilius
Caepio, en attente des barbares, sur le territoire des Volques), surinterprète les documents.
34. Liv., XXXV, 27 (193 av. J.-C.) : si tumultus in Hispania esset, placere tumultuarios milites extra
Italiam scribi a praetore.
35. On ne peut oublier les Allobroges et sans doute aussi les Voconces et les Helviens. Mais
surtout chez les premiers, on trouve, comme à Nîmes et chez les Volques, des traces nettes de
l’onomastique marienne, dans le milieu dirigeant de la cité, dès le Ier s. ap. J.-C. (sur les Allobroges
voir aussi n. 41). Chez les Voconces, si quelques indices existent, ce sont plutôt les Pompei qui
l’emportent ; cf. Goudineau 1979, p. 252-254. Mais cela n’exclut pas, à notre avis, l’hypothèse
d’une influence marienne précoce.
36. Desanges dans Nicolet 1977, p. 636-637.
37. Comme l’a bien vu Fentress 1982, dont la démonstration est toutefois affaiblie par des
interprétations hasardeuses ou des erreurs. On ne peut faire remonter les liens de clientèles aux
années 87-82 seulement.
38. Cic., Pro lege Manilia, 30 (cf. n. 40).
39. Sall., Fragments des Histoires, II, 98 : hostisque in cervicibus iam Italiae agendis ab Alpibus in
Hispaniam submovi ; per eas iter aliud atque Hannibal, nobis opportunius patefeci. Recepi Galliam,
Pyrenaeum, Lacetaniam, Indigetis et primum impetum Sertori victoris novis militibus, et multos
paucioribus, sustinui... ; cf. Pline, NH, III, 18 : Pompeius Magnus tropaeis suis quae statuebat in Pyrenaeo
DCCCLXXVI oppida ab Alpibus ad fines Hispaniae Ulterioris in dicionem a se redacta testatus sit.
40. Cic., Pro lege Manilia, 28 : quod denique genus esse belli potest in quo ilium non exercuerit fortuna rei
publicae ? Civile, Africanum, Transalpinum, Hispaniense, servile, navale bellum... ; ibid., 30 : testis est
Africa... testis est Gallia per quam legionibus nostris iter in Hispaniam Gallorum internecione patefactum
est ; testis est Hispania... ; testis est et iterum et saepius Italia... Sur la date du gouvernement de
Fonteius, voir en particulier Badian 1966, p. 911-912 ; sur le bellum Vocontiorum qui pourrait avoir
éclaté après le passage de Pompée Goudineau 1979, p. 251-252. Peut-être résulte-t-il de
l’affaiblissement temporaire, dans ce peuple, des clientèles pompéiennes, par suite
d’enrôlements de ses partisans pour la guerre contre Sertorius (Justin, 43, 5, 11 ; Goudineau 1979,
p. 252-253).
41. Certes, le conflit s’éternisa en Espagne. Mais s’il ne se produisit pas une résistance armée en
Transalpine, hormis lors du passage de Pompée et lors du gouvernement de Fonteius, on doit
admettre que les peuples gaulois manifestèrent un violent ressentiment : il apparut dans
l’accusation contre Fonteius, à la tête de laquelle se trouvaient les Allobroges, secondés par les
Volques. Il s’exprime à nouveau lors de la conjuration de Catilina, avec une autre initiative des
Allobroges. Enfin, en 62 av. J.-C., ceux-ci se révoltèrent. En revanche, durant le proconsulat de
César, ils sont d’une fidélité irréprochable, jusqu’à l’époque de la guerre civile. Sur tous ces
88
épisodes Pelletier 1982, p. 23-28, et surtout Goudineau 1979, p. 256-263. Mais on n’a pas d’indice
pour démontrer que l’opposition des Allobroges, qui resurgit en 44 av. J.-C. contre les colons
italiens, a les mêmes racines que celle des Volques. En tout cas, si les Volques Arécomiques et les
Voconces jouissent d’une situation juridique privilégiée dans l’organisation de la Narbonnaise
proto-impériale, il n’en est pas de même des Allobroges (Strabon, IV, 6, 4 ; Goudineau 1979,
p. 250-251 avec n. 18).
42. Ebel 1975 ; Ebel 1976, p. 96-100 ; Goudineau 1979, p. 251-255.
43. Cic., Pro Fonteio, VI, 13 : qui proxime fuerant (hostes) eos ex iis agris quibus erant multati decedere
coecoe-git ; cf. VI, 14 : dicunt contra invitissimis imperatum est, dicunt qui ex agris C. Pompei decreto
decedere sunt coacti... ; contre ce rapprochement Pomponi 1966, p. 114, mais voir n. suiv. De plus,
cet auteur, pour soutenir son argumentation et refuser à Pompée tout rôle dans la dévolution du
territoire arécomique aux Marseillais, invoque en VI, 14 la possibilité d’une correction Fontei
decreto (ibid., p. 114) : mais elle n’a aucun fondement dans les manuscrits (Clemente 1974, p. 124).
44. César., Bellum civile, I, 35, 4 : principes vero esse earum partium Cn. Pompeium et C. Caesarem,
patronos civitatis, quorum alter agros Volcarum Arecomicorum et Helviorum iis publice concesserit, alter
belle + vicias Gallias + attribuent, vectigaliaque auxerit. Sur la construction du texte, plutôt qu’aux
explications aventureuses et peu convaincantes de Pomponi 1966, p. 111-115, il faut se rallier aux
conclusions de Goudineau 1976, p. 108-111 (en laissant en suspens la question du contenu des
mesures césariennes dans le passage du texte qui est désespéré) ; cf. aussi Clemente 1974,
p. 122-123.
45. On sait seulement qu’ils conduisirent l’opposition à Fonteius avec le plus grand acharnement.
Les Volques leur sont associés (Cic., Pro Fonteio, XII, 26 : vos Volcarum atque Allobrogum testimoniis
non credere timetis.) On doit y voir les seuls Volques Arécomiques (Pomponi 1966, p. 110).
46. Balty 1981.
47. Voir la note de J.-C. Richard et de P. Souyris sur la provenance de l’objet, dans Balty 1981,
p. 89. Sur le site lui-même, Richard 1975, p. 42-45 ; Gayraud 1982.
48. Balty 1981, p. 96.
49. Plut., César, 5, 2-4 et 6, 1-2.
50. Balty 1981, p. 97.
51. Fiches et Garmy dans Huard 1982, p. 81-83.
52. Clavel-Lévêque 1982.
NOTES DE FIN
*. Mélanges offerts au Docteur Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu, Paris, 1987, p. 211-219.
89
Introduction
Chapitre 5. La municipalisation de la
Gaule narbonnaise*
NOTE DE L’ÉDITEUR
Ce tableau de synthèse se nourrit de tous les travaux en cours. Le livre III de l’Histoire
naturelle a fait l’objet d'une édition récente, avec commentaires, par H. Zehnacker ; CUF,
Paris, 2004, On attend la publication de la traduction et du commentaire de Strabon,
Geogr. IV, I-6, par P. Thollard. La découverte d’une inscription faisant connaître à nouveau
T(itus) Carisius, praetor Volcarum, devrait susciter des réflexions sur l’organisation de ce
peuple avant la mise en place de la grande cité de Nîmes (Christol 2006 d).
c’est-à-dire la mise en place de petites cités considérées comme partie de la grande cité
romaine. /2/
Elle apparaît aussi plus simplement sous d’autres expressions, plus banales : Massiliensium
civitas (VI, 14), ou bien amicissimi et antiquissimi socii (VII, 15), ou bien Massiliensium cuncta
civitas (XX, 45). Comme Narbonne, elle a pu apporter un témoignage de soutien à
Fonteius : iudicium... fidelissimorum sociorum Massiliensium (XV, 34). Marseille, cité grecque,
est la seule cité qui se soit placée aux côtés de Rome5.
7 Il y a, enfin, un troisième groupe, dont l’existence s’explique par le contexte général de
l’histoire de la Transalpine à cette époque, profondément marquée par l’intense mise en
valeur au profit d’Italiens, car cette province était devenue terre d’exploitation. La
Transalpine est peuplée de nombreux citoyens romains : ceux-ci constituent la troisième
partie du camp romain (V, 12 ; VII, 15 : ils sont alors appelés negotiatores vestri ). Ils
apparaissent dans XV, 34, aux côtés des Marseillais et des Narbonnais : omnes illius
provinciae publicani, agricolae, pecuarii, ceteri negotiatores uno animo M. Fonteium atque una
voce defendunt (XX, 46).
8 De ce tableau, valable certainement pour la période du gouvernement de Fonteius (76-74
av. J.-C.) et pour une période un peu plus large s’étendant avant et après ce bref laps de
temps, quelques considérations générales peuvent être dégagées.
9 En premier, l’absence de tout autre colonie que Narbonne, qu’il s’agisse de colonie
romaine, ce qui est évident, ou de colonies latines, ce qui a été récemment remis en
question. En effet, en estimant que Aix-en-Provence avait été le lieu d’établissement
d’une colonie latine dès les années /4/ 120 av. J.-C., on se donnait la possibilité de
démultiplier les hypothèses de fondations semblables entre la date d’établissement de la
puissance romaine et l’époque césarienne6. Il est toutefois difficile d’argumenter à partir
de Strabon, évoquant l’installation d’une garnison de Romains (Geogr., IV, 1,5 : ἐνταυθά τε
ϕροῦρὰν κατᾠκισε ‛Ρωμαίων) par les soins de Caius Sextius Calvinus, sur le rôle militaire
qu’aurait pu tenir une éventuelle colonie latine7. Si la Periocha 61 de Tite-Live mentionne
bien une fondation à l’issue de la défaite des Salyens, l’analyse serrée des documents à
laquelle a procédé J. Gascou, montrerait qu’il ne faut pas surestimer la portée de ce
passage, qui ne s’accorde pas avec les autres données du dossier, et que le procédé de
résumé aurait pu conduire à la formulation d’une phrase imbriquant des données qui
n’étaient pas nécessairement aussi étroitement liées dans le texte de l’historien8. Mais à
l’époque de Tite-Live, Aix-en-Provence était sans aucun doute une colonie latine. Il
semble nécessaire de prendre aussi en compte, dans la discussion, le passage du Pro
Fonteio, et l’argument du silence. Cicéron faisait tout pour grossir l’animosité des peuples
gaulois contre Rome afin de réévaluer l’œuvre de Fonteius. Il lui importait peu de mettre
en évidence l’isolement de Narbonne et de Marseille. Eut-il pu trouver des colonies latines
en Transalpine, n’aurait-il pas montré leur faiblesse ou leur impuissance face aux peuples
indigènes menaçants ? Ne les aurait-il pas mentionnées, comme Narbonne, propugnaculum
istis ipsis nationibus oppositum et obiectum (IV, 3) ? Ne les aurait-il pas citées en évoquant un
combat semblable à celui des Narbonnais (XX, 46) ? Il est difficile d’admettre que si
d’autres colonies à vocation militaire avaient été établies, Cicéron n’eût point eu envie de
les mentionner9. /5/
10 Une autre donnée qui se dégage du discours de Cicéron concerne l’absence de toute autre
forme d’intégration organisée, comme le droit latin. La situation de la Transalpine vers
80-70 av. J.-C. n’est pas celle de la Cisalpine, qui avait bénéficié en 89 av. J.-C. des
dispositions de la lex Pompeia, accordant le droit latin aux peuples provinciaux 10. Rien de
tel ne se trouvait vraisemblablement dans les decreta de Pompée, qui organisaient alors la
province, à la veille du gouvernement de Fonteius, lorsqu’il traversa la province mal
95
12 L’horizon du Pro Fonteio est, du point de vue qui nous intéresse, un horizon pauvre. Mais il
n’y a pas heu de soupçonner la valeur globale des maigres renseignements que l’on peut
en tirer, ni le tableau sommaire que l’on peut en dégager. Il permet d’attirer l’attention
sur la présence d’un élément italien autre que le groupe des colons de Narbonne. Mais il
laisse dans /9/ l’inconnu toutes les questions relatives au milieu indigène et à ses modes
d’organisation politique.
13 Ce dernier est connu fragmentairement, par les monnayages locaux, parfois par
l’épigraphie gallo-grecque, qui souffre toutefois d’incertitudes chronologiques,
accessoirement par quelques allusions des sources classiques. Elles montrent un
développement des communautés vers des formes proches de la cité classique,
notamment dans l’arrière-pays de Marseille19.
97
tout le moins ils n’entraînèrent pas la rédaction d’un autre document comparable,
rendant obsolète la formula augustéenne. Pline avait devant lui une source qui résumait
toute l’histoire des cités de Narbonnaise depuis 27 av. J.-C. Mais la compilation ordonnée,
réalisée à cette date, transmettait aussi, sous forme d’un bilan, des éléments hérités de
l’époque précédente. L’un de ceux-ci, dont la date est controversée, correspondait à
l’octroi du droit latin aux communautés indigènes, sur le modèle dont avait bénéficié
antérieurement la Gaule cisalpine. Nous reviendrons constamment par la suite sur les
diverses parties de ce document. Mais parmi les éléments hérités de l’époque
préaugustéenne, quelques-uns peuvent être dégagés, soit de façon ferme, soit de façon
hypothétique.
1. Le cas de Ruscino permet de formuler une hypothèse. En effet, dans la présentation du
littoral de la province et des cités qui entame la des /11/ cription de la Narbonnaise, Pline
l’Ancien mentionne des communautés qui, s’il n’avait pas usé de ce procédé, auraient fait
partie de l’énumération plus complète qui apparaît plus loin, dans la longue liste des oppida
latina (NH, III, 36-37). Or, dès sa première phrase, une fois achevé l’éloge de la province (Italia
verius quam provincia), il s’engage dans une présentation du littoral depuis les Pyrénées : in
ora regio Sordorum, intusque Consuaranorum, flumina Tetum, Vernodubrum, oppida Illiberis,
magnae quondam urbis tenue vestigium, Ruscino Latinorum, flumen Ataxe Pyrenaeo Rubrensem
permeans lacum... Il ne fait pas de doute que le terme d’oppida doit être éclairé par
l’expression oppida Latina qui vient plus loin : Illiberis (Elne) et Ruscino sont des communautés
de droit latin. Pour Ruscino, de plus, ce que l’on sait de l’histoire institutionnelle de la cité le
confirme. L’on ne peut en douter23. On n’en doute pas pour Maritima Avaticorum (Martigues) 24
. Mais pourquoi, dans le nom de cette communauté, Ruscino Latinorum, a-t-on éprouvé le
besoin d’insister sur la communauté de Latini qui s’y trouvait ? Il ne s’agit pas d’une
maladresse pour dire différemment que Ruscino était un oppidum latinum. Et si Ruscino avait
reçu avec d’autres communautés provinciales le droit latin, puis avait été inscrite dans la
liste des oppida latina, où Pline la découvrit, l’adjonction de ce nom de Latini dans sa
dénomination serait tautologique, en n’apportant rien de plus. On peut donc se demander si,
au moment de la grande diffusion du droit latin, par César vraisemblablement, Ruscino
n’était pas déjà une cité dans laquelle se trouvaient des Latini, et si la dénomination qu’elle
conserva ne peut se comprendre à l’instar de la dénomination de la colonia libertinorum que
reçut Carteia25. En somme, à l’époque de l’octroi du droit latin aux cités pérégrines de
Transalpine, Ruscino portait le titre qui est celui transmis par Pline, comme la marque d’un
privilège acquis depuis un certain temps. La cité, par son emplacement, jouait un rôle
important dans le con-/l2/-trôle de la voie Domitienne au nord du col du Perthus 26. Là,
Pompée avait érigé un trophée, mentionnant les peuples et cités vaincus durant la guerre de
Sertorius ou à l’occasion de celle-ci. Ce conflit avait montré l’importance des passages
pyrénéens pour assurer de bonnes relations entre la péninsule Ibérique et les armées qui y
avaient été engagées et les zones d’arrière. Si Pompée organisa, sur le piémont des grands
massifs pyrénéens, le point d’appui de Saint-Bertrand-de-Comminges, ne peut-on penser
qu’il fit davantage encore au débouché de la traversée des Pyrénées orientales, où venaient
confluer la route ancienne de la Via Domitia et la route plus difficile de la Cerdagne 27 ? Il
pouvait être tenté d’y établir des soldats méritants, dans une communauté dotée du droit
latin, ce qui devrait signifier qu’il s’agissait d’une communauté hétérogène. Mais, pour
l’instant, si l’hypothèse est recevable, il s’agirait de la seule communauté provinciale de ce
type. De plus les données de son organisation institutionnelle nous échappent.
2. Jouèrent un rôle comparable les diverses agglomérations mises en place par les autorités
romaines afin de faciliter la vie collective, là où elle n’était pas suffisamment coordonnée.
On connaît en effet un certain nombre de fora, dont les uns constituèrent plus tard des
centres civiques, et dont les autres furent absorbés par des entités politiques plus
importantes. Cette catégorie concerne Forum Domitii sur la voie Domitienne, Forum Voconi et
99
Forum Iulii en Provence orientale, enfin Forum Neronis au pied du Massif central. César avait
créé sur la bande de terres côtières enlevées aux Marseillais en 49 av. J.-C. une de ces
agglomérations sur le modèle des fora italiens. Si c’est lui qui octroya le droit latin aux cités
de Narbonnaise, il ne fait pas de doute qu’entre la date de la création et la date de la
fondation de la colonie de vétérans, Fréjus entrait dans la catégorie des oppida latina 28. Il en
fut de même, mais à une date imprécise pour Forum Voconi, que l’on retrouve dans la liste des
oppida latina de Pline l’Ancien. Mais cette agglomération était déjà connue en 43 av. J.-C. 29 :
elle conservait donc son autonomie à l’époque flavienne, avant d’être plus tard absorbée
dans la cité de Fréjus. En /13/ revanche Forum Domitii avait disparu assez rapidement, en
étant fondu dans la grande colonie latine de Nîmes30.
3. On doit aussi s’intéresser désormais au développement propre de communautés provinciales
dans l’arrière-pays de Marseille. La cité grecque avait développé des points d’appui sur le
littoral, dont certains devinrent des noyaux de peuplement à l’époque hellénistique, tel Agde
sur le delta de l’Hérault. Mais à côté de ces établissements grecs existaient les « villes de
Marseille », qui ont été définies non comme villes situées dans la région de Marseille, dans
une Massalie difficile à définir, mais comme villes liées politiquement à la cité grecque 31. On
a ainsi un témoignage sur Cavaillon et sur Avignon, nommément connues comme telles par
Étienne de Byzance, auteur du VIe siècle ap. J.-C., reprenant Artémidore, lui-même auteur du
IIIe siècle av. J.-C. Chr. Goudineau a ajouté à ces deux villes Glanon et le chef-lieu des
Kainiketai (les Caenicenses de Pline le Naturaliste), car ces villes frappèrent, à côté des deux
autres, des monnaies d’argent et de bronze avec des légendes grecques. Toutes ensemble,
elles auraient constitué un état fédéral autour de Marseille, elle-même fédérée à Rome,
suivant une interprétation séduisante du Pro Balbo, 50. Trois d’entre elles eurent par la suite
un destin remarquable, tandis que l’histoire des Caenicenses demeure pour l’instant fort
obscure32. L’inventaire de ces communautés ne peut être exhaustif, et si nous pouvons
supposer que d’autres cités indigènes purent faire partie du groupe des villes de Marseille ce
n’est que par analogie avec la cité d’Avignon et avec son destin ultérieur. Mais il s’agit là
d’un élément proprement provincial, manifestant l’influence de Marseille. Cette question ne
peut prendre appui sur le texte de Pline, mais elle permet d’éclairer, parce qu’elle montre un
développement prémunicipal important sur la rive gauche du Rhône, qu’il pourrait en être
de même sur la rive droite, si l’on s’attarde un instant sur les oppida ignobilia qui font partie
de la grande cité de Nîmes.
4. En effet, c’est le même processus de développement interne qui caractérise les petites
communautés qui entourent Nîmes, la métropole, au sein de la confédération des Volques
Arécomiques. Nous ne les connaissons qu’à partir de la documentation sous-jacente chez
Pline l’Ancien, qu’il faut inter /14/ préter pour ce qu’il nous apporte dans cette perspective
indirecte. Il s’agit de la mention des vingt-quatre oppida ignobilia qui auraient été attribués à
la colonie latine de Nîmes. Ce renseignement est recoupé par ce qu’indique pour sa part
Strabon (IV, 1, 12)33, puisant lui aussi dans une source d’époque augustéenne, mais de nature
differente de la formula provinciae. On a proposé de comprendre cette mention, qui
correspond à une glose de Pline, comme signifiant que les vingt-quatre oppida ignobilia
étaient des oppida latina qui avaient été déclassés. Ils avaient disposé, durant un certain
temps, d’une réelle autonomie, ce qui aurait entraîné, lors de la rédaction de la formula, leur
insertion au sein des oppida latina in mediterraneo, à une place commandée par la première
lettre de leur nom34. Puis, ils auraient perdu cette autonomie, leur nom étant maintenu dans
le document augustéen, mais étant alors affecté d’une indication de perte d’autonomie.
Cette interprétation intéresse non seulement la politique augustéenne, sujet sur lequel on
reviendra plus bas, mais aussi la politique césarienne, puisqu’il faut bien s’interroger sur les
raisons de l’émiettement politique dans la confédération des Volques Arécomiques vers le
milieu du Ier s. av. J.-C. À notre avis, la mention des vingt-quatre oppida dans la formula, en 27
av. J.-C., signifie qu’à l’époque de l’octroi général du droit latin aux cités indigènes de
Transalpine, il avait fallu prendre en considération cette situation d’émiettement. Celle-ci
100
révélait une transformation profonde des communautés indigènes et imposait, tout autant
qu’à celles de la rive gauche du Rhône, de leur reconnaître le droit d’acquérir l’autonomie
politique, au risque de leur faire souffrir le risque d’étiolement dans le cadre étroit qui était
le leur.
monnaie ne peut être rapprochée de la diffusion de ce privilège. Elle n’est pas comparable
aux monnaies de Nîmes à la légende NEM COL, car, dans ce dernier cas, l’indication du
statut colonial est évidente : la légende l’exprime. De plus, le rapprochement avec le
monnayage de Cavaillon n’est pas aussi probant qu’on pourrait le penser à première vue.
Les monnaies à légende CABE LEPI sont comparables aux monnaies d’Antibes, à
l’exception de la légende qui est inscrite en latin : elles ne signent pas, non plus, l’octroi
du droit latin ; elles fourniraient plutôt un terminus ante quem. Nous savons certes que
Cavaillon fut colonie latine. Mais les monnaies qui l’indiquent (COL CABE) sont datées du
onzième consulat d’Auguste (IMP CAESAR AVGVST COS XI), c’est-à-dire au plus tôt de
l’année 23 (le douzième consulat est de 5 av. J.-C.). On peut tout aussi bien soutenir
qu’entre la première série et la seconde eut lieu l’élévation au rang de colonie latine,
c’est-à-dire refuser à Lépide tout rôle décisif en ce domaine, si l’on associe étroitement
octroi du droit latin et création de ces colonies latines.
18 D’autre part, il n’est pas nécessaire d’attribuer au cas nîmois, tel qu’il est traité par
Strabon, la valeur de repère essentiel pour l’octroi du droit latin. Comme on le verra plus
bas, le texte de Strabon vise plus à exalter les conditions institutionnelles de la mise en
place d’une grande ville que l’originalité propre du droit latin.
19 En revanche, le texte de Suétone relatif à la mission du père de Tibère, chargé par César
d’installer en Transalpine des colonies, implique l’existence d’une première phase de
colonisation latine avant même l’assassinat du dictateur. C’est un repère suffisant pour
aborder différemment l’histoire institutionnelle de Nîmes et pour relier à cette première
phase de colonisation latine la décision d’octroyer à tous les peuples de Transalpine le
droit latin40.
25 L’élément nouveau que l’on peut ajouter à ce tableau est le nom de Glanum. En effet, une
inscription de Narbonne, où l’on croyait lire le nom d’Aeclanum, apporte en réalité
l’indication que Glanum fut une de ces colonies latines 55. On doit lire en effet, aux lignes
2-3, en dépit d’une lacune, le texte suivant : aedil(is) co[l(onia) —] / Glano... Le seul élément
incertain concerne l’identité du fondateur, car il est très difficile de trancher entre la
restitution du titre Iulia ou celle du titre Iul(ia) Aug(usta). Cette dernière solution,
permettant de placer l’événement à partir de 27 av. J.-C., mais vraisemblablement à cette
date ou très peu après, aurait l’avantage de lier le sort de Glanum à celui d’Avignon : deux
villes de Marseille auraient été transformées en même temps en colonies latines.
Faudrait-il leur ajouter Cavaillon ? /20/
V. Municipalisation et urbanisation
26 À partir de cette période, l’histoire de la municipalisation de la province suit d’autres
développements. Coïncidant peut-être avec la dernière étape de création de colonies
latines, c’est-à-dire la vague de peu postérieure à 27, se manifestent les intentions d’un
remodelage du réseau des communautés, entraînant parfois des décisions catégoriques
quant au sort de quelques-unes d’entre elles.
27 L’évolution institutionnelle de la cité de Nîmes offre quelques pièces significatives d’une
histoire. Le même destin fut, peut-être aussi, suivi par Vienne, si tant est que le parallèle
établi par Strabon, dans la Géographie, a une signification et peut suggérer, pour
reconstruire l’histoire de cette dernière cité, la transposition d’un schéma mieux connu
en ce qui concerne la capitale des Volques Arécomiques56.
28 Nous avons proposé, en compagnie de Chr. Goudineau, d’interpréter la qualification
d’ignobilia, attribuée aux vingt-quatre oppida attribués aux Nîmois, comme signifiant que
ces oppida avaient été à un moment des oppida latina, mais qu’ils ne méritaient plus d’être
cités, lorsque Pline écrivait57. La glose de Pline révélait une histoire institutionnelle
partagée entre deux dates : celle de leur établissement comme communautés de droit
latin, et celle de leur déclassement, lié à l’absorption dans la grande cité de Nîmes du
Haut-Empire, qui s’étendait désormais du Rhône aux rives orientales de l’étang de Thau.
Entre-temps s’était produite la confection de la formula, donc l’insertion de ces
communautés dans la liste des oppida latina sis in mediterraneo. Comme Pline disposait d’un
document remontant au début de l’époque augustéenne, et portant trace des quelques
changements qui s’étaient produits, il pouvait, dans sa glose, embrasser un chapitre
d’histoire provinciale. Nous ne voyons pas, pour l’instant, de raison d’abandonner cette
interprétation.
29 Cette décision augustéenne, si l’on suit le récit de Strabon, - ou, plus exactement, si l’on
suit la source qu’utilise cet auteur-, s’insère dans un éloge du développement urbain
comme paradigme de l’entrée des populations provinciales dans la vie civilisée. Le thème
est longuement filé par le « panégyriste » dont l’œuvre a passé dans le texte du
géographe : il scande le récit de Strabon tant pour la péninsule Ibérique que pour la
Gaule. Pour cette dernière, le passage relatif à Nîmes ne peut pas être dissocié de celui qui
concerne Vienne. On a l’impression qu’à propos de ces deux cités le « panégyriste » a
judicieusement réparti les éléments d’un éloge des bienfaits et de la grandeur de la vie
urbaine. Mais le discours est d’un grec, nourri des/21/valeurs de la civilisation grecque,
en sorte que les renseignements factuels qu’il donne ne peuvent pas être rapprochés sans
104
précaution de ce que nous rapporte Pline. Il en est ainsi des données sur les vingt-quatre
bourgs dominés par Nîmes selon Strabon, à comparer aux vingt-quatre oppida ignobilia
attribués aux Nîmois selon Pline. Le « panégyriste » - et Strabon à sa suite-, ont travesti
les mesures décidées par Auguste, qui impliquaient nécessairement l’émergence d’un
chef-lieu surpuissant au cœur d’une vaste cité, en termes d’affirmation de la civilisation
urbaine. Il est vrai que les deux phénomènes étaient devenus interdépendants et
qu’Auguste ne dédaignait pas se poser en créateur de villes et en acteur privilégié du
développement urbain au sein des provinces de l’Empire.
30 Dans le cas de Nîmes, cette volonté est patente. Le cœur de la cité des Volques
Arécomiques, qu’il avait réunis dans une grande entité politique, devint l’objet de toutes
ses attentions, en sorte que la cité comme centre politique reçut de multiples avantages.
L’un de ceux-ci, qui concerne son statut de cité, appartient ainsi au domaine des
privilèges politiques : c’est l’étonnante exemption des interventions des proconsuls, que
Strabon, par sa présentation, conduirait à rapprocher d’une des composantes de la liberté
des cités grecques58. Les autres avantages, qui concernent le développement du cadre
urbain, appartiennent au domaine de l’évergétisme du prince et de ses proches. Ils se
marquent dans le processus de façonnement de la ville augustéenne. Entre 23 et 19 av. J.-
C. (dates larges fournies par les inscriptions) se placent plusieurs constructions liées à la
bienfaisance d’Auguste et d’Agrippa59. Elles ouvrent un cycle d’urbanisation dont une des
étapes marquantes fut le don de l’enceinte de la ville en 16-15 av. J.-C., moment décisif qui
venait clore une phase de l'histoire de la ville60. On pourrait dire qu’avec ce don Auguste
donnait son terme à la réalisation du cadre urbain, à tout le moins estimait que l’essentiel
venait d’être réalisé et que s’achevait la fondation d’une grande ville qu’il souhaitait
marquer de son sceau. D’autres pourraient venir et suivre l’exemple ; ils devaient même
suivre l’exemple du fondateur61. Mais, plus personne ne pouvait retirer au princeps le
loisir d’avoir pu faire naître et façonner cette ville. Se sont donc produits, en une
décennie, les événements décisifs pour faire de la cité des Volques Arécomiques une
grande cité et de son cœur, Nîmes, une grande ville. La col(onia) Nem(ausus) devenait alors,
sans fondation ou sans transformation essentielle de son statut, la col(onia) Aug(usta) Nem
(ausus). De ce dossier se dégage une date 1221 préférentielle pour la prise de décision :
celle de 22 av. J.-C., moment important, après 27, pour l’histoire provinciale, celui du
transfert de la Narbonnaise dans l’administration des proconsuls. Ce fut aussi le moment
d’ultimes mesures d’organisation.
31 Dans cette nouvelle phase de la municipalisation provinciale, un autre phénomène s’est
davantage lié à l’établissement des institutions civiques : celui de l’urbanisation, qui
mettait l’accent sur le prestige et la puissance nécessaires des chefs-lieux de cités. Mais,
hormis le cas de Nîmes et, vraisemblablement, celui de Vienne, cette politique de
« correction » fut pendant de longues années limitée. Désormais la carte politique de la
province présentait des contours stables.
32 Peu de choses change. À tout le moins, l’évolution ultérieure est lente. Elle se caractérise
essentiellement par la transformation de quelques cités latines en colonies latines, et par
l’assomption de quelques colonies latines au rang de colonies romaines, à titre
honorifique.
33 Au premier phénomène ressortissent la création de la colonie latine de Lodève et celle de
la colonie des Tricastins. La première s’appelle colonia Claudia Luteva : elle apparaît vers le
milieu du I er s. ap. J.-C. 62. La seconde s’appelle colonia Flavia Tricastinorum : elle est un peu
105
plus tardive, et devrait être l’œuvre de Vespasien63. Même si l’installation d’un groupe de
colons devient de plus en plus rare, le fait n’est pas impossible.
34 En revanche, l’élévation à titre honoraire, de colonies latines en colonies romaines se
produit au Ier comme au IIe siècle ap. J.-C. Ce phénomène concerne Valence, puis Vienne64.
On peut interpréter l’insertion de ces deux cités dans la liste de Pline de la même façon.
Leur dénomination ne comporte aucune référence à une unité légionnaire. Elles sont
donc distinctes des autres colonies de vétérans qui les précèdent ou devaient les précéder
dans l’énumération parce que de fondation antérieure. Elles ont été rajoutées à la liste des
colonies romaines par suite d’une élévation qui s’est produite après 27 : leur nom a été
transféré de la catégorie la plus basse, celle des cités de droit latin, à la catégorie la plus
haute par simple ajout en bas de liste (adiectio). /23/ Pour Valence nous ne savons quand
cela se produisit65. Pour Vienne, en revanche, il ne fait plus de doute maintenant qu’il
faille attribuer cet avantage à l’action du célèbre sénateur viennois, Valerius Asiaticus,
auprès de l’empereur Caligula66. Tel était le bilan quand Pline composait l'Histoire
naturelle. Ce n’est que par la suite que s’ajoutèrent à cette maigre liste Aix-en-Provence 67,
Antibes68 et Avignon 69, puis d’autres encore70. Peut-être aura-t-on dans l’avenir d’autres
précisions sur l’évolution du rang des cités de droit latin. Mais il semble bien qu’un
certain nombre d’entre elles aient conservé, telle Nîmes, leur statut latin jusqu’au début
du IIIe siècle.
35 Quoi qu’il en soit, vers la fin du Ier siècle ap. J.-C., la carte des cités provinciales n’avait pas
fondamentalement changé par rapport aux débuts de l’époque augustéenne, si l’on
excepte le sort de Vienne et celui de Nîmes. La liste contenue dans la formula augustéenne
était encore une liste vivante lorsque Pline la reprenait. En témoigne le cas de Glanum.
Longtemps on crut que cette agglomération avait été bien vite absorbée dans la grande
colonie d’Arles. Or, la liste de Pline la mentionnait. Fallait-il considérer que ce document
était dépassé ? La découverte récente d’un lot de plusieurs inscriptions officielles, par
lesquelles les Glanienses rendent hommage aux princes d’époque antonine et sévérienne,
doit montrer le maintien de la vie munici /24/ pale jusqu’à cette date71. On pourra certes
tenter d’expliquer ces témoignages comme des survivances, si l’on ne souhaite pas
récuser catégoriquement une hypothèse ancienne, longtemps reçue comme acquise, et si
l’on ne souhaite pas reprendre la question ab ovo72. Il n’en reste pas moins qu’il faut avant
tout comparer les Glanienses aux Nemausenses ou aux Narbonenses et renverser
complètement les données de l’interprétation traditionnelle. Jusqu’à preuve du contraire,
leur mention doit être prise comme un témoignage de continuité de l’autonomie civique.
Glanum fut une cité autonome à l’époque augustéenne, qui plus est colonie latine ; la liste
de Pline nous conserve la preuve du maintien de son autonomie ; pourquoi ne pas
interpréter les documents nouveaux venus à notre connaissance et l’inscription du
curator peculi r(ei)p(ublicae) Glanico(rum) dans le même sens 73 ? Sans aucun doute la phase
de rétraction du nombre des cités, provoquant la disparition d’un bon nombre d’oppida
latina, et la mise en place d’entités aux vastes dimensions, fut assez tardive. Elle se place
vraisemblablement à la fin du IIIe siècle74.
36 La municipalisation de la Narbonnaise est un chapitre d’histoire dont les temps forts se
placent, pour la mise en place du phénomène, entre l’époque de Pompée et de César,
d’une part, et le milieu de l’époque augustéenne, d’autre part. Les rythmes
chronologiques semblent à présent assez bien fixés, qui permettent de mesurer avec
précision la place des diverses phases de colonisation, césarienne, triumvirale,
augustéenne, y compris même l’étape de « correction » voulue par Auguste. Mais cette
106
NOTES
1. Le Roux 1982, p. 35-38 ; Le Roux 1995, p. 45-58.
2. Rambaud 1980 ; Gayraud 1981, p. 169-175.
3. Rebuffat 1984, p. 4-5.
4. Sur les débuts de la colonie de Narbonne, Gayraud 1981, p. 119-143.
5. Sur cette période de l’histoire de Marseille, Clavel-Lévêque 1977, p. 137-141.
6. Roman 1987 ; déjà en ce sens Degrassi 1949, p. 312-313 (= Degrassi 1962, p. 137-138). Roman
1987, p. 186 envisage ce qui serait la reconstruction traditionnelle de l’histoire institutionnelle
d’Aix. Il semble difficile, après la critique de ses arguments (voir ci-dessous n. 7-9), de revenir à
ce schéma : Christol 1992 f ; aussi Raepsaet-Charlier 1998, p. 144.
7. Roman 1987, p. 187.
8. Gascou 1995, p. 21-23. Reprenons aussi la conclusion de J. Gascou : on peut faire valoir que si
Aix avait été fondée comme colonie latine dès 122, elle aurait eu au nombre de ses épithètes le
titre de Sextia ou Sextiana : en effet l’adjectif Sextiae accolé à Aquae concerne le nom de la ville, et
non la titulature de la colonie, et l’on verra plus loin que cette dernière ne s’intitule, selon les cas,
que Iulia ou Iulia Augusta.
9. Cet argument de Clerc 1916, p. 147, demeure valide, comme l’essentiel de sa démonstration.
Roman 1987, p. 189, insiste d’ailleurs elle-même sur le rôle militaire des colonies latines.
10. Peyre 1979, p. 66-68.
11. Ces décrets sont mentionnés dans le Pro Fonteio 6, 14. On peut abusivement les qualifier de lex,
d’après Cic., 2 Verr. 2, 32 : ex P. Rupili decreto quod is de decem legatorum sententia statuit quant illi
legem Rupiliam vocant ; cf. Galsterer 1986, p. 15-16.
12. Goudineau 1976.
13. On entre ici dans le domaine de l’utilisation de l’ager publicus, suivant une problématique
abordée par Clavel-Lévêque 1988 (= 1989, p. 213-254). Mais nous retenons, d’après les textes, une
première phase, correspondant aux données du Pro Quinctio, et une seconde phase, très explicite,
correspondant au Pro Fonteio. Dans ce discours, le passage de V, 12 (partim modo ab nostris
imperatoribus subacti, modo bello domiti, modo triumphis ac monumentis notati, modo ab senatu agris
108
urbibusque multati sunt...) a une valeur générique ; puis, il convient de rapprocher VI, 13 (qui erant
hostes subegit ; qui proxime fuerant, eos ex iis agris quibus erant multati decedere coegit...) de VI, 14
(Dicunt contra quibus invitissimis imperatum est, dicunt qui ex agris ex Cn. Pompei decreto decedere sunt
coacti...), passages qui montrent l’application par Pompée des directives du Sénat. Toutefois, une
corrélation avec des réseaux centuriés est difficile à établir, sauf peut-être dans la zone
correspondant au cadastre dit « Béziers B », si sa mise en place date vraiment de cette période et
n’est pas, de peu, antérieure : Clavel-Lévêque 1988, 187-196 (= 1989, p. 224-240). Il semble
toutefois de plus en plus vraisemblable que le cadastre B pourrait dater du tournant entre le IIe s.
av. J.-C. et le Ier s. av. J.-C.
14. Chouquer 1982, p. 861-863. Voir aussi, d’une façon plus large, et dans des perspectives plus
diverses Favory 1997.
15. Pena 1994.
16. Quelques observations, déjà, dans Gayraud 1981, p. 204-240. Plus récemment Pérez 1995,
p. 197-239. Mais les propositions de l’auteur nécessitent des confirmations de terrain. Pour le
Biterrois, Mauné 1998, p. 39-68. On éclairera ces travaux à l’aide des réflexions de Favory 1997.
17. Un des documents épigraphiques les plus originaux, mais incomplet, en tout cas précoce par
sa date, provient d’une des zones minières qui se trouvaient chez les Rutènes dits
« provinciaux » : Christol 1986 a (d’où AE 1986, 470). Voir aussi, sur la question, Gourdiole-Landes
1998. Sur les relations entre Narbonne et la côte catalane, dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C.,
Christol 1997 a [et Christol 1998 c = chapitre 31]. Sur la localisation des Rutènes dits
« provinciaux », voir en dernier Christol 1998 d [chapitre 8]. Sur l’exploitation des mines au pied
du Massif central, Gourdiole-Landes 1998 (dans Schneider-Garcia 1998, p. 53-65).
18. Clavel-Lévêque 1988 (= 1989, p. 213-254).
19. Goudineau 1978, p. 695-696 ; sur les villes de Marseille voir n. 31.
20. Christol 1994 a [chapitre 6].
21. Pline, NH, III, 37 : adiecit formulae Galba imperator ex Inalpinis Avanticos atque Bodionticos quorum
oppidum Dinia. Sur ce passage Christol 1994 a, p. 51-53.
22. Christol 1996 a (dans Fiches-Veyrac 1996, p. 59).
23. Gayraud 1980, p. 95-97 ; Rivet 1988, p. 136 ; Rico 1997, p. 194.
24. Barruol 1975, p. 21 et p. 194-197 ; Rivet 1988, p. 202-203. Sur cette cité, à partir des données de
l’archéologie Gateau 1998, dont l’appréciation du statut (p. 164) demeure toutefois incertaine.
25. Liv., XLIII, 3 (en 171 av. J.-C.) : Senatus decrevit uti nomina sua apud L. Canuleium profiterentur,
eorumque si quos manumisisset, eos Carteiam ad Oceanum deduciplacere. Qui Carteiensium domi manere
vellent, potestatem fore, uti numero colonorum essent, agro assignato. Latinam eam coloniam esse,
libertinorum appellari ; Humbert 1976.
26. Castellvi 1997.
27. Sur l'histoire et l’utilisation des voies pyrénéennes Étienne 1955, p. 295-312 (= Étienne 1995,
p. 125-146), surtout p. 300-304 (= Étienne 1995, p. 138-141) sur le contexte sertorien et pompéien),
ainsi que Padrò, 1987, p. 356-362 ; Rico 1997, p. 139-154.
28. Cic., Fam., X, 15, 3, puis Fam., X, 17, 1, mentionne à deux reprises, en 43 av. J.-C., Forum Iuli ; ILN
Fréjus, p. 14-15 ; Raepsaet-Charlier 1998, p. 146.
29. Cic., Fam. X, 17, 1.
30. Jullian 1923, III, p. 36 considère qu’il s’agit d’une création du proconsul qui intervint en
Transalpine. Voir aussi Rivet 1988, p. 43. Mais on a parfois hésité à suivre ce point de vue : Ebel
1976, p. 84.
31. Brunei 1945, p. 130-131 ; Goudineau 1976 a.
32. Leur monnayage rapprocherait leur destin de celui des Samnagetai/Samnagenses, dont
l’histoire est aussi peu connue. Observations récentes sur le pays salyen, par Verdin 1998.
33. Sur ce texte, Goudineau 1976 a, p. 105-107. Le contexte archéologique doit être apprécié à
partir de Py 1990.
109
77. Goudineau 1975, p. 29-31. Lambert 1997, p. 39, fait observer que la chute de Marseille et le
démantèlement de son territoire, en 49 av. J.-C., ne firent pas disparaître l’épigraphie gallo-
grecque.
78. CIL XIII, 1668 ; Tac., Ann., XI, 23-25. Voir à ce sujet Chastagnol 1971 et Chastagnol 1992 a,
p. 79-96.
79. Αnn., ΧII, 23, 1 ; Dion Cassius, 52, 42, 6-7. Chastagnol 1977 ; Chastagnol 1992 a, p. 164-165.
80. Chastagnol 1971, p. 293-295 ; Chastagnol 1992 a, p. 81-83.
81. On rapprochera cette conclusion des observations générales de C. Goudineau à propos de la
romanisation des institutions en Transalpine (voir ci-dessus n. 77).
82. Le Roux 1998, p. 247-249.
NOTES DE FIN
*. Cités, municipes, colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-
Empire romain, éd. par M. Dondin-Payre et M.-Th. Raepsaet-Charlier Paris, 1999, p. I-27.
112
NOTE DE L’ÉDITEUR
Sur un point de détail, qui n’affecte pas la démonstration d’ensemble, il semble possible
de retoucher la date concernant la concentration autour de la colonie latine de Nîmes
d’un certain nombre d’oppida arécomiques : nous avons relevé que l'année 22 av. J.-C.
pouvait être avancée à la suite de la mise en valeur d'un certain nombre d’inscriptions de
Nîmes, immédiatement postérieures à cette date mais antérieures à celle de l'enceinte qui
signifiait l'achèvement de la ville : Christol 1996 a, p. 59. Il apparaît aussi que le territoire
de la cité de Nîmes conserva pendant plusieurs décennies vraisemblablement des oppida
latina enclavés, qui maintinrent leur autonomie. L'exemple que fournit celui de Murviel-
lès-Montpellier est significatif (voir l'introduction). Mais d'autres pourraient être mis en
valeur par de nouvelles découvertes archéologiques ou épigraphiques.
1 On admet depuis longtemps que dans la documentation utilisée par Pline l’Ancien pour
décrire le monde romain les formulae provinciales ont joué un rôle important. C’est
cependant le développement relatif à la Narbonnaise (NH, III, 31-37) qui, d’une façon
précise, a permis de mettre ce fait en évidence, car dans ce passage ce type de document
est invoqué, pour la seule fois dans l’œuvre, de façon explicite, à la fin d’une longue
énumération des oppida latina sis in mediterraneo. En effet, Pline écrit alors : adiecit formulae
Galba imperator ex Inalpinis Avanticos et Bodionticos quorum oppidum Dinia. L’opinion
commune repose donc sur une généralisation fondée sur un témoignage explicite mais
unique1, que l’on rapproche de passages, de facture voisine. Si l’on s’en tient à cela,
comme l’indiqueraient aussi d’autres passages de l’œuvre, ces formulae avaient été
associées à d’autres sources et inextricablement mêlées à elles. On ne sera donc pas
surpris que les travaux suscités par le sujet durent embrasser en général une matière plus
ample et complexe.
113
2 Au début de ce siècle, s’appuyant sur plusieurs décennies de débats qui s’étaient déroulés
en Allemagne, Pallu de Lessert tentait d’apporter une vue d’ensemble sur la question,
abordant du même coup un autre problème, né de l’étude des sources de Pline : la part
respective tenue dans la documentation de cet auteur par l’œuvre géographique
d’Agrippa et par celle d’Auguste2. Comme d’autres l’avaient fait avant lui, ce savant avait
mis en évidence plusieurs données statistiques qui parsemaient /46/ l’œuvre de Pline :
elles fournissaient le total des communautés, rangées par catégorie juridique, ce qui en
conséquence pouvait passer pour « un sommaire statistique3 ». Peu importait que ces
récapitulatifs embrassent l’ensemble des catégories juridiques d’une province ou quelles
n’en livrent qu’une part : le texte de Pline laissait ainsi entrevoir l’existence d’une source
de caractère officiel qu’aurait utilisée l’écrivain, enfouie comme bien d’autres dans son
œuvre4. De plus, de l’avis de Pallu de Lessert, ces données statistiques étaient
inséparables, par leur provenance, des longues énumérations ordonnées de communautés
qui dans le texte leur sont associées5. Celles-ci, comme Pline l’écrit à propos de l’Italie et
de ses régions, sont définies comme des répartitions (discriptiones) et prennent la forme de
la digestio in litteras, l’énumération alphabétique6.
3 À une date antérieure, O. Cuntz avait estimé que ces renseignements provenaient des
formulae censoriae7. à l’existence bien attestée. Il s’agissait de dispositions édictées par les
censeurs (exformula ab Romanis censoribus data : Liv., 23, 15), affichées à Rome (ex formula
census quae Romae proposita erit : FIRA, I, p. 140, n o 13, 1. 147-148). Comme l’on sait par
ailleurs que Pline s’était servi des éléments du dernier recensement qui s’était déroulé à
son époque, celui de Vespasien et de Titus8, le rapprochement paraissait séduisant, même
s’il présentait quelques difficultés9. /47/
4 Mais la référence aux recensements ne peut convenir, comme le montrait Pallu de Lessert
à la suite de D. Detlefsen10. Certes ceux-ci donnaient lieu à des bilans qui se présentaient
comme des énumérations ordonnées. Mais pour les provinces comme pour les régions
italiennes, si les états récapitulatifs étaient dressés en ordre alphabétique, ceci résulte
seulement de la méthode que suivaient les responsables. Elle informait leur activité ;
mieux : la présentation des résultats auxquels ils parvenaient. Or, ce type de composition
n’était toutefois pas réservé aux seuls recensements. On pouvait l'appliquer ailleurs dans
les champs très divers des activités administratives de l’État.
5 Aussi Detlefsen s’orienta-t-il avec bonheur vers une autre solution, plus satisfaisante que
la précédente, en estimant que Pline aurait pu recourir aux formulae provinciarum, c’est-à-
dire à une autre catégorie de documents officiels ordonnant les diverses communautés
provinciales, principalement suivant leur statut ou leur rapport à Rome. Ses conclusions
furent retenues par Pallu de Lessert. Toutefois entre ces deux auteurs subsistait une
divergence. Detlefsen avait estimé qu’il n’y avait pas eu compilation des formulae à
l’époque augustéenne en un document général, et que Pline soit avait pu puiser à son gré
dans les listes provinciales, soit n’avait pu recueillir l’ensemble de ces documents, séparés
qu’ils étaient les uns des autres. De plus, il supposait qu’il avait pu les mettre à jour grâce
à des pièces annexes dont il pouvait disposer parce qu’elles accompagnaient les
documents principaux11. En revanche, Pallu de Lessert qui, comme O. Cuntz, était attentif
à la présence d’archaïsmes, mettait en doute que les moyens d’apporter des observations
ou une mise à jour eussent été joints aux listes provinciales. Il estimait que Pline aurait
plutôt ajouté ses propres corrections, puisées hors de l’hypothétique dossier constitué par
les formulae et ces pièces annexes 12. Il ne croyait pas, en effet, que les documents de base
aient été accompagnés d’autres éléments destinés à les compléter. Pour lui l’époque
114
augustéenne avait été celle de la réalisation de ces formulae provinciarum qui rénovaient
celles qui avaient été rédigées peu après la conquête ou lors de la constitution des
provinces13. Ces documents auraient été composés par suite d’une décision envisageant
aussi leur regroupement général, donc selon un/48/« plan aussi uniforme que possible14
». L’ordre alphabétique traduirait « quelque chose d’artificiel, de bureaucratique, qui
trahit un travail de seconde main15 ». Cette phrase de rédaction, de caractère unitaire, se
serait produite postérieurement à l’année 27 avant J.-C., mais aurait été terminée vers 9
avant J.-C.16. C’est pourquoi Pline l’Ancien n’aurait pas eu sous la main un « document
strictement contemporain17 ».
6 Cet auteur aurait disposé d’un « recueil » comportant les formulae (rédigées comme on l’a
vu postérieurement à 27 avant J.-C.), ledit réorganisant l’Italie, et les formulae des
provinces créées à une date ultérieure. Quant aux modifications nécessaires à la mise à
jour de l’information, Pline les aurait puisées dans un « recueil chronologique d’actes
impériaux », existant séparément du recueil des formulae, mais il s’en serait servi plus ou
moins fidèlement, ce qui traduit la méthode de travail si superficielle du compilateur 18.
7 Par ses articulations cette réflexion concerne tant la question des sources et de la
méthode de Pline que la question du contenu de celles-ci. L’on peut tout autant
s’intéresser à ce qu’utilisait Pline qu’à la forme sous laquelle se présentait sa
documentation. Et même : ne peut-on pas mieux connaître les sources qu’il utilisait en
déterminant en premier quelle était leur nature et leur composition ? Ne peut-on pas
tenter de rechercher une formula provinciae à l’endroit même où Pline disait qu’il s’en
servait ?
8 L’occasion est donc fournie par la description de la Narbonnaise19 :
Narbonensis provincia appellatur pars Galliarum quae interna mari adluitur, Bracata antea
dicta, amne Varo ob Italia discreta Alpiumque vel saluberrimis Romano imperio iugis, a
reliqua vero Gallia latere septentrionali montibus Cebenna et Iuribus, agrorum cultu,
virorum morumque dignatione, amplitudine opum nulli provinciarum postferenda
breviterque Italia verius quam provincia.
In ora regio Sordorum
intusque ( regio ) Consuanorum
flumina Tetum, Vernodubrum
oppida Illiberis, magnae quondam urbis tenue vestigium
Ruscino Latinorum /49/
flumen Atax a Pyrenaeo Rubrensem permeans lacum
Narbo Martius decumanorum colonia XII p. a mari distans
flumina Araris, Liris
oppida de cetero rara praeiacentibus stagnis
Agatha quondam Massiliensium
et regio Tectosagum
atque ubi Rhoda Rhodiorum fuit, unde dictus multo Galliarum ferti lissimus Rhodanus
amnis ex Alpibus se rapiens per Lemannum lacum
segnemque deferens Ararem nec minus se ipso torrentes Isaram et Druantiam Libica
appellantur duo eius ora modica, ex his alterum Hispaniense alterum Metapinum, tertium
idemque amplissimum Massalioticum. Sunt auctores et Heracleam oppidum in ostio Rhodani
fuisse. Ultra fossae ex Rhodano C. Mari opere et nomine insignes, stagnum Mastromela
oppidum Maritima Avaticorum, superque Campi lapidei, Herculis proeliorum memoria
regio Anatiliorum
et intus ( regio ) Dexivatium Cavarumque ( regio .
rursus a mari ( regio ) Tricorium
et intus ( regio ) Tritollorum Vocontiorumque ( regio ) et ( regio ) Segovellau-norum mox (
regio ) Allobrogum
115
at in ora
Massilia Graecorum Phocaensium foederata, promontorium Zao,
Citharista portus,
regio Camactulicorum
dein Suelteri supraque Verucini
in ora autem Athenopolis Massiliensium,
Forum Iuli octavanorum colonia quae Pacensis appellatur et Classica
amnis nomine Argenteus
regio Oxubiorum Ligaunorumque (regio)
super quos Suebri, Quariates, Adunicates
at in ora
oppidum latinum Antipolis
regio Deciatium
amnis Varus ex Alpium monte Caenia profusus.
In mediterraneo
coloniae
Arelate sextanorum
Baeterrae septimanorum
Arausio secundanorum /50/
in agro Cavarum Valentia
Vienna Allobrogum
oppida latina
Aquae Sextiae Salluviorum
Avennio Cavarum
Apta Iulia Vulgentium
Alabaece Reiorum Apollinarium
Alba Helvorum
Augusta Tricastinorum
Anatilia
Aetea
Bormani
Comani
Cabellio
Carcasum Volcarum Tectosagum
Cessero
Carpentoracte Meminorum
Caenicenses
Cambolectri qui Atlantici cognominantur
Forum Voconii
Glanum
Libii
Lutevani qui et Foroneronienses
Nemausum Arecomicorum
Piscinae
Ruteni
Samnagenses
Tolosani Tectosagum Aquitaniae contermini
Tasgoduni
Tarusconienses
Vmbranici
Vocontiorum civitates foederatae duo capita Vasio et Lucus Augusti. oppida vero
ignobiloia XIX sicut XXIV Nemausensibus attributa. Adiecit formulae Galba imperator ex
Inalpinis Avanticos atque Bodionticos quorum
oppidum Dinia
Longitudinem provinciae Narbonensis CCCLXX p. Agrippa tradit, latitudinem CCXLVIII./51/
116
9 Cette description se développe de la façon suivante : après une introduction qui, bien que
brève, rassemble les caractéristiques d’un éloge de la province et se rapproche par
certains aspects de la longue introduction ouvrant la partie réservée à l’Italie (et qui vient
peu après dans le livre III), Pline développe une présentation qui s’appuie sur une
description littorale, pleine de notations géographiques (fleuves, agglomérations) et qui,
de là, comme en Italie, s’amplifie à l’ensemble de la province20. Alors tout l’espace que
souhaite décrire l’auteur est balayé par celui-ci par une succession de va-et-vient de la
côte vers l’intérieur21. Le terme regio (utilisé six fois, sous-entendu neuf fois) est un terme
essentiel qui permet de diviser le pays à décrire, ici l’espace provincial, en quinze sous-
ensembles, dont la définition n’est pour l’instant pas évidente22. Puis l’auteur se lance
dans une longue énumération des collectivités (cités et peuples) sis in mediterraneo,
énumération homogène qui n’est plus hachée d’intrusions diverses, et qui comporte des
sous-parties. Cette énumération faite, l’auteur conclut son passage en donnant les
dimensions en longueur et en largeur de la province : ce renseignement est emprunté à
Agrippa (Agrippa tradit), c’est-à-dire à la dimensuratio provinciarum23.
10 C’est au moment où Pline va conclure, juste avant qu’il n’utilise Agrippa, qu’il lâche une
indication qui peut être pleine de sens : adiecit formulae Galba imperator ex Inalpinis
Avanticos atque Bodionticos, quorum oppidum Dinia.
11 Pallu de Lessert a vu dans cette référence à la formula une des adjonctions qu’aurait
permise à Pline la consultation du recueil des « actes impériaux constitué
chronologiquement » dont il aurait disposé et qu’il aurait assez librement utilisé. Bref : la
phrase de Pline serait une glose fondée sur un document impérial officiel, un
commentaire comportant à la fois un résumé de cet acte et l’indication du document
fondamental ainsi retouché (la formula). Mais on peut constater que cette mise à jour, par
son caractère très ponctuel, diffère des deux autres compléments que l’on pourrait
identifier dans le texte de Pline : l’octroi du droit latin aux provinces ibériques par
Vespasien et l’octroi de la liberté à l’Achaïe par Néron. Ces deux derniers compléments
concernent une province ou plu /52/ sieurs provinces : ils pouvaient entrer aisément
dans la mémoire d’un auteur, de surcroît administrateur impérial. En revanche le
rattachement de deux peuples alpestres n’avait pas la même importance et faisait partie
des actes de gouvernement les plus quotidiens, sauf pour les peuples concernés. D’ailleurs
Pallu, après avoir mis en évidence ce passage au début de son développement sur les
formulae provinciales24, et avoir cité indistinctement les trois passages en question25, finit
par observer qu’il existe quand même une différence entre eux26. Suffit-il alors de se
référer au fait que Pline aurait été procurator de Narbonnaise ? Ne peut-on tenter une
autre explication ?
12 L’observation de Pline se place à la fin de la longue énumération des oppida latina, après
même la mention des oppida ignobilia, et elle peut être aussi, par sa date, le dernier
événement qui ait concerné l’histoire administrative de la province. Dernière position,
ultime repère chronologique : ne peut-on donner du verbe adiecit une interprétation plus
forte, et en faire le commentaire de Pline sur le document de caractère administratif qu’il
avait sous les yeux ? En indiquant adiecit formulae Galba imperator..., Pline constatait qu’il se
trouvait sur le document en sa possession, un ajout, un complément, placé in fine d’une
énumération déjà constituée, dont Galba était responsable. Si Pline décrivait d’une façon
aussi fidèle ce qu’avait fait Galba c’est que la source qu’il consultait lui permettait de le
dire en puisant directement en elle. En d’autres termes, la remarque de Pline dérive de la
consultation directe de la formula invoquée, et là le dernier élément correspondait à la
117
modification liée à l’évolution propre de la cité fédérée des Voconces, seule cité fédérée
mentionnée avec Marseille (Massilia Graecorum Phocaeensium foederata).
20 Enfin on relèvera l’absence de toute cité stipendiaire, alors qu’il s’en trouve par exemple
en Citérieure39, mêlées à d’autres catégories, puis en Bétique40 et en Lusitanie 41. Lorsque
fut constituée la formula de Narbonnaise cette catégorie de cité n’existait pas, ou n’existait
plus, en sorte qu’après les colonies de droit romain la catégorie des oppida latina épuisait,
à une ou deux exceptions près (celles que constituaient les cités fédérées), le reste des
collectivités de la province. Mais cette constatation signifie aussi que le droit latin fut
accordé en bloc, au plus tard au moment de la mise en forme de ce document
administratif, puisque celui-ci en tenait compte d’une façon globale. Malheureusement on
ne peut établir avec toute l’exactitude souhaitée la date de la rédaction de la formula de
Narbonnaise. À l’intérieur de l’époque augustéenne elle est sûrement postérieure à
janvier 27 avant J.-C. puisque le chef-lieu d’Augusta Tricastinorum est mentionné au début
de la liste, sous la lettre A. /57/Sans que cela affecte la valeur de cette hypothèse, peut-
être faudrait-il dégager de la manière de dénommer les colonies romaines que la
répétition du même schéma de Narbo Martius Decumanorum à Forum Iulii Octavanorum
fournirait de son côté une date postérieure à la fondation de cette dernière colonie (entre
31 av. J.-C. et 27 av. J.-C.). Sur ces fondements l’analyse du cas nîmois avait permis de
supposer que la rédaction de la formula se plaçait avant le voyage d’Auguste en Occident
(16-13 av. J.-C.) : en 27 ? ou en 22 ? Mais ce repère chronologique, en lui-même un peu
imprécis, n’est qu’un terminus ad quem. On peut se demander si la diffusion du droit latin
ne remonte pas plutôt à l’époque césarienne42 : elle aurait touché toutes les cités
provinciales à l’exception des cités fédérées, des colonies romaines et des colonies latines
déjà existantes43.
21 On peut aussi, avant d’aller plus loin, dégager un certain nombre de conclusions. En
premier, le document que Pline avait sous les yeux pouvait être appelé formula provinciae.
Il comportait au moins une liste des peuples et leur affectation à tel ou tel chef-lieu, mais
celle-ci nous échappe presque entièrement. S’ajoutaient deux autres listes, puisqu’il n’y
avait plus que deux sortes de cités : une liste des colonies de droit romain et une liste des
oppida latina incluant les colonies latines de la province et les cités fédérées qui avaient
gagné ce statut. La première avait été bâtie initialement en ordre chronologique, la
seconde l’avait été en ordre alphabétique. Par la suite elles avaient fait l’objet de
compléments, ajoutés au fur et à mesure à la suite des énumérations constituées au début
de l’époque augustéenne. Elles étaient donc à jour tant l’une que l’autre, car on peut
trouver trace de compléments jusqu’aux abords de l’époque flavienne.
22 Cette formula provinciae donnait un tableau des cités de Narbonnaise à l’époque de Pline.
Mais elle le faisait d’une façon particulière, car il semble bien qu’il s’agissait d’un texte
conçu bien auparavant d’une façon unitaire, qui avait subi des retouches au fur et à
mesure. Mais on n’avait pas éprouvé le besoin de le refaire. Peut-être parce que les
modifications institutionnelles avaient été minimes. Peut-être aussi parce qu’il ne s’était
plus produit depuis l’époque augustéenne de phase de réorganisation. N’en était-il pas de
même en Bithynie, puisque lorsque Pline le Jeune y assumait le gouvernement provincial,
les deux références fondamentales qu’il tenait présentes en son esprit étaient la loi de
Pompée /58/ et ledit d’Auguste44 ? Aussi peut-on déceler aisément dans le texte de Pline
l’état initial (augustéen) et les changements successifs, le tout constituant le bilan du
début de l’époque flavienne qui cumulait toutes les petites modifications intervenues
durant un siècle de vie provinciale.
120
23 Ce document n’avait pas été refait, semble-t-il. De cette supposition nous pouvons trouver
confirmation en évoquant les oppida ignobilia : oppida vero ignobilia XIX, sicut XXIIII
Nemausensibus attributa. Le renseignement se trouve à la fin de l’énumération des oppida
latina, entre celle-ci et l’indication du passage en Narbonnaise des Avantici et des
Bodiontici, dont on a vu qu’elle provenait de l’examen de la liste des peuples 45. Selon Pline
il s’agit d’entités qu’il ne vaut pas la peine de citer. Ainsi procède-t-il assez souvent quand
il renonce à une citation exhaustive qui aurait pu devenir fastidieuse pour son lecteur. Il
le fait pour des éléments du paysage naturel, fleuves46, îles47 ou montagnes48 : ces derniers
s’opposent à ceux qui sont cités, nobilissimi comme les monts de Thessalie 49, nobilis comme
l’île de Telos50, voire mis en évidence comme le Pénée, fleuve de Thessalie51. Mais c’est
avant tout dans les énumérations de peuples ou de cités que Pline abrège par recours à ce
terme. En effet, au moment où il évoque les oppida stipendiaria de Bétique, il doit
distinguer, dit-il, ceux qui sont dignes d’être retenus ou qu’il est aisé de transcrire : ex his
digna memoratu aut Latino sermone dictu facilia52. Un peu plus loin il qualifie donc de
celeberrima ceux dont il annonce l’énumération 53. Ce mot apparaît comme l’un des
contraires les plus fréquents d’ignobilis : on le trouve en 3, 10 pour les oppida de Bétique,
en 3, 23 pour les peuples du conventus de Tarragone, en 3, 25 pour les peuples
stipendiaires du conventus de Carthagène, en 3, 85 pour les peuples de Sardaigne, en 5, 105
pour qualifier Laodicée (urbs celeberrima) parmi les peuples du conventus de Cibyra 54.
D’autres formules de même sens reviennent éga /59/ lement : ex quibus... nominare libeat 55,
ex quibus... nominare non pigeat56, deceat nominare57. Donc lorsque Pline invoque des oppida
ignobilia dans la province il ne s’agit pas d’une catégorie d’oppida définie juridiquement 58,
qui se distinguerait des colonies et des oppida de droit latin par un statut original les
plaçant en rang inférieur, à l’instar des oppida stipendiaires de Bétique, établis en cette
province au bas de l’échelle. Il s’agit vraisemblablement d’un groupe de chefs-lieux qui se
trouvaient dans la liste qui précédait cette mention, donc celle des oppida latina. Quant à la
totalisation qu’il fournit elle ne peut résulter que d’un inventaire précis, c’est-à-dire de
l’observation de l’auteur lui-même sur sa source. Tenant celles-ci sous les yeux il pouvait
soit énumérer autant de communautés qu’il voulait, soit abréger d’un mot, soit
additionner avec précision les cités qu’il ne voulait pas énumérer59. Quand il s’occupe des
diocèses d’Asie il a recours à ces deux procédés : et alii ignobiles, écrit-il une fois, et reliqui
ignobiles populi XV fait-il savoir un peu plus loin 60. Mais de toute façon ces peuples
figuraient nommément dans sa documentation.
24 Cependant le dénombrement des oppida ignobilia de Narbonnaise diffère de tous ceux dont
on vient de parler. Dans le passage où il les mentionne Pline ne procède pas par simple
totalisation. Il distingue deux sous-ensembles : oppida ignobilia XIX sicut XXIV
Nemausensibus attributa. La définition du premier de ces groupes a donné lieu à diverses
hypothèses. On a cru longtemps, puisque la mention des oppida ignobilia venait après celle
des chefs-lieux des Voconces, qu’il s’agissait de dix-neuf agglomérations plus petites que
Luc et Vaison, faisant partie du territoire de ce peuple61. Mais l’interprétation du passage
a progressé quand on a suggéré que ces dix-neuf oppida ne dépendaient pas des Voconces,
mais qu’ils pouvaient se répartir en plusieurs parts de la province. Nous sommes en effet
en fin d’énumération : l’observation doit se rapporter à l’ensemble qui vient d’être
envisagé62, comme on le constate habituellement chez Pline. Quant au deuxième groupe,
concernant les dépendances des Nîmois, il concerne ce que Strabon appelle pour sa part
des kômai qui se trouvent dans leur sujétion. C’était la situation de son temps. Mieux peut-
être : la situation décrite par sa source mais qui se maintenait toujours. Ces villages
121
étaient rattachés à Nîmes ; c’est là que se déroulait la vie municipale du peuple des
Arécomiques, et là que se gagnaient les avantages du droit latin, dont toutes les parties
rassemblées dans la cité /60/ jouissaient de la même façon. Le géographe transmet
vraisemblablement un extrait puisé dans une source qui exalte la floraison en
Narbonnaise du genre de vie politique sous l’influence de Rome, et qui le fait par la mise
en valeur du rôle de la ville63. Chez Pline le contenu de ce passage se réduit à la simple
mention oppida Nemausensibus attributa : l’auteur alors se réfère seulement au
rattachement des oppida à un seul chef-lieu et à la situation de subordination qui en
résulte. Faut-il aller plus loin dans l’interprétation ? Sans le secours de Strabon le contenu
du mot attributa demeurerait incertain.
25 Entre les deux sous-ensembles, la comparaison établit-elle une totale similitude ? Nous ne
pouvons nous écarter, semble-t-il, de l’alternative suivante :
• Ou bien les dix-neuf oppida ignobilia ne sont pas cités parce qu’ils sont à leur tour attribués à
telle ou telle cité, comme l’étaient les vingt-quatre oppida dépendant de Nîmes. Dans ce cas
Pline, qui n’avait pu lire tous ces noms que sur la liste des oppida latina, trouvait quand même
sur celle-ci, de surcroît, la mention de leur dépendance, suffisante pour justifier qu’il ne les
nommât point l’un après l’autre. On peut alors se dispenser d’imaginer qu’il ait eu en l’esprit
une réminiscence du texte de Strabon : à notre avis celui-ci soutient Pline de façon
indépendante. D’ailleurs le géographe grec serait-il à l’origine de l’observation de Pline que
cela ne changerait pas fondamentalement l’explication de l’ignobilitas. C’est parce qu’ils
seraient attributa que les dix-neuf oppida, comme les vingt-quatre de Nîmes, n’auraient pas
mérité citation : mais ils étaient inscrits sur la liste des oppida latina. Comment alors sortir de
l’aporie sinon en postulant un déclassement postérieur à la mise en forme initiale de la liste
des communautés de Narbonnaise ? Il se serait traduit par une remarque apposée, sur la
liste des communautés de droit latin, à côté de chacune d’entre elles. Et celles-ci, par la
réforme modifiant leur statut, n’auraient pas perdu le droit latin dont elles bénéficiaient
auparavant, mais seulement l’autonomie politique, ce qui faisait qu’elles ne pouvaient
produire de nouveaux citoyens romains per magistratum qu’en un autre lieu, c’est-à-dire leur
nouveau lieu de rattachement. Pline pouvait alors, en s’appuyant sur la liste qu’il consultait,
établir une distinction entre le fait le plus massivement attesté, qui concernait Nîmes, et les
autres exemples de même nature.
• Ou bien les dix-neuf oppida ignobilia ne seraient pas cités pour tout autre raison que leur
qualité d’attributa, par exemple pour un nom difficile à retenir. Dans ce cas la comparaison
avec les oppida rattachés à Nîmes résulterait simplement du fait que, comme ces derniers,
Pline /61/ ne voulait pas les citer. Mais il convient encore d’admettre qu’ils étaient inscrits à
leur place dans la liste des oppida latina et, pour les vingt-quatre qui dépendaient de Nîmes,
de faire de même. Ainsi, si la comparaison avec les oppida rattachés à Nîmes résulte
simplement du fait que comme ces derniers ils ne méritent pas d’être cités, on n’échappe pas
davantage à la nécessité de placer ces vingt-quatre communautés dans la liste des oppida
latina. Sinon comment pourraient-ils surgir dans l’esprit de Pline pour fournir une
comparaison raisonnée avec les autres ? En d’autres termes, si ces vingt-quatre oppida
n’avaient pas été cités par la source de Pline, en cet endroit même, cet auteur n’aurait-il pas
réagi comme ailleurs pour se débarrasser des cités dont il ne voulait pas mentionner le
nom : oppida vero ignobilia XIX, et rien d’autre ? Aurait-il pu seulement les mentionner ?
Comme on l’a vu plus haut, on n’échappe pas non plus à la nécessité de postuler la mention
explicite des oppida dans leur intégralité et donc à celle du déclassement d’un certain
nombre d’entre eux.
122
26 On préférera comme plus simple la première des solutions envisagées. Mais, quelle que
soit la solution retenue, on n’échappe pas à une double conclusion : celle de la mention
des oppida ignobilia dans la liste initiale des oppida latina, et celle de l’adjonction, au
moment où la mise en dépendance se produisit, de la mention de cette perte d’autonomie,
c’est-à-dire de leur déclassement. Il n’était pas nécessaire de constituer une nouvelle liste
de communautés qui n’avait aucun sens. Les quelques données dont on dispose sur
l’histoire institutionnelle de Nîmes et des Volques Arécomiques, permettent de supposer
que la création des oppida latina pouvait remonter à la fin de l’époque césarienne, que leur
insertion (à leur place, en ordre alphabétique) dut être réalisée en 27 avant J.-C. ou peu
après, et que leur déclassement, qui les privait d’autonomie municipale (pour ceux qui
furent rattachés à Nîmes au moins) aurait pu coïncider avec le grand voyage d’Auguste en
16-13 av. J.-C. : cette dernière date correspond au moment où l’agglomération centrale
reçut en don du prince l’enceinte aux amples dimensions destinée à exalter l’évergétisme
du prince fondateur d’une grande ville64.
27 En somme, quand la formula provinciale fut composée il s’y trouvait, au sein des oppida
latina, dix-neuf plus vingt-quatre oppida supplémentaires. Mais, en revanche, quand Pline
examinait son document il y trouvait trace du déclassement de ces collectivités, dont le
nom n’avait toutefois pas été supprimé. Aussi, si ignobilia signifie « ne méritant pas d’être
cités », dans le cas du passage sur la Narbonnaise on a pu proposer de l’entendre comme
« ne méritant plus d’être cités » ; mais, de toute façon, ce mot n’appartenait pas à la
source administrative : c’est le commentaire propre de Pline. /62/
28 Une fois de plus on doit admettre comme vraisemblable que l’on n’avait pas refait le texte
initial. On l’avait conservé et l’on s’était contenté d’y apporter corrections, retouches,
modifications. Le texte portait toute l’histoire des cités de Narbonnaise depuis sa
rédaction à l’époque augustéenne, et toutes les strates successives. Celles-ci, qui
n’apportaient que des modifications limitées, n’avaient pas contraint de tout refaire :
aussi le document composite que Pline pouvait utiliser présentait une richesse
incontestable car il offrait un siècle d’histoire administrative, à peu près. Mais il est vrai
que l’époque du début du principat avait été en cette province le moment d’un véritable
parachèvement pour l’évolution institutionnelle de ses communautés. Quand on prend un
peu de recul on ne peut que constater l’importance de cet « horizon » augustéen : il fixe
l’essentiel des structures, en prenant en compte tous les progrès réalisés dans cette
région en matière de romanisation. Par la suite, jusqu’à l’époque flavienne aucun autre
« horizon » n’était venu faire écran par rapport à l’époque des débuts du principat.
Ailleurs, incontestablement, il en allait différemment et l’on ne peut aborder la
documentation provenant de Pline sans en tenir compte65.
29 Quoi qu’il en soit, on ne doit plus invoquer des oublis, des négligences de l’auteur qui
aurait remodelé sa documentation. Il y a trop de preuves que le document est à jour pour
prendre le risque d’affirmer, comme a priori, que le contraire est assuré, et qu’il faut
prendre son parti des anachronismes que le texte contiendrait. On doit considérer que la
description faite par Pline de la Narbonnaise est sûre parce que sa source, la formula, lui
apportait un bilan exact de l’histoire de la région. Mais aussi l’on peut estimer que ce
document de type administratif affleure dans le texte de l’écrivain, car l’on distingue,
semble-t-il assez aisément, quelques aspects de son architecture, la composition de
plusieurs de ses diverses parties, et même une profondeur qui renvoie aux diverses
phases de l’histoire administrative provinciale.
123
NOTES
1. L’autre attestation de formula, mais avec un sens différent, se trouve dans Plin., NH, IX, 182.
2. Pallu de Lessert 1908, p. 275-298.
3. L’expression est dans Pallu de Lessert 1908, p. 268. On se référera surtout à Plin., NH, III, 7
(pour la Bétique) ; III, 18 (pour la Citérieure) ; IV, 117 (pour la Lusitanie) et à un degré moindre à
III, 38 (pour la Sicile). Voir infra.
4. Ainsi apparaît le rôle de l’Histoire naturelle comme conservatoire d’« œuvres mortes », suivant
l’expression d’Ernout 1951, p. 84 ; Sallmann 1971, p. 1.
5. Pallu de Lessert 1908, p. 267-269, suivant Cuntz 1888, p. 5-6.
6. Plin., NH, III, 46 : nunc ambitus eius (sc. Italiae) urbesque enumerabimus, qua in re praefari
necessarium est auctorem nos divum Augustum secuturos discriptionem ab eo factam Italiae totius in
regiones XI, sed ordine eo qui litorum tractu fiet, urbium quidem vicinitates oratione praepopera servari
non posse, itaque interiore in parte digestionem in litteras eiusdem nos secuturos, coloniarum mentione
signatas quas ille in eo prodidit numero. L’importance du passage a été très tôt relevée par Cuntz
1888, p. 5 ; Sallmann 1971, p. 201-202. Sur ces méthodes de classement Nicolet 1988, p. 184-186 et
p. 190-192 ; Nicolet 1991, p. 85-88.
7. Cuntz 1888, p. 48-49. Sur ces formulae censoriae, Mommsen 1894, p. 49-50.
8. Plin., NH, VII, 162 : experimenta recentissimi census quem inter quadriennium Vespasiani pater
filiusque censores egerunt. Cuntz 1888, p. 46 ; Sallmann 1971, p. 98-99.
9. Pourquoi Pline aurait-il utilisé dans un cas le dernier recensement et dans tous les autres les
documents provenant de recensements plus anciens ? La réponse élaborée par Cuntz est que
Pline aurait exploité une compilation commencée par Agrippa et achevée par Auguste, distincte
du Breviarium imperii laissé à Tibère en 14 ap. J.-C. : Cuntz 1888, p. 48-49 (rapidement) ; Cuntz
1890 ; Pallu de Lessert 1908, p. 277-279.
10. Detlefsen 1908 ; Pallu de Lessert 1908, p. 279-284 ; Detlefsen 1909, p. 26-34.
11. Il s’agit par exemple de l’octroi du droit latin à l’Hispania sous Vespasien (NH, III, 30), de la
liberté accordée à l’Achaïe par Néron (NH, IV, 22), du rattachement de deux peuples alpins à la
Narbonnaise (NH, III, 37).
12. Pallu de Lessert 1908, p. 282 et p. 285.
13. On tiendra compte, en la matière, des progrès de nos connaissances. Pour la Transalpine, qui
précède la Narbonnaise, on se référera aux travaux récents de Ch. Ebel et de Chr. Goudineau :
Ebel 1976, p. 75-102 ; Goudineau 1978, p. 692.
14. Pallu de Lessert 1908, 287 ; Sallmann 1971, p. 95.
15. Pallu de Lessert 1908, p. 287.
16. Pallu de Lessert 1908, p. 289-290. Mais déjà Cuntz 1888, p. 27. Ce sont les éléments relatifs à
l’histoire de l’Illyricum qui permettent les déductions sur le terminus ante quem ; Nicolet 1991,
p. 92-93.
17. Pallu de Lessert 1908, p. 293.
18. Pallu de Lessert 1908, p. 296.
19. Sur Pline source de l’histoire de la Gaule, Duval 1971, I, p. 368-379 ; sur ce passage Barruol
1975, p. 16-24. Sur la distinction entre Glanum et les Libii Barruol 1975, p. 192-193.
20. Detlefsen 1909, p. 41 ; Sallmann 1971, p. 95.
21. Voir à ce sujet les observations de Desanges 1980, p. 17-19, p. 288 (sur NH, V, 29) et p. 305 (sur
NH, V, 30).
124
22. Sur le terme regio, à partir du cas de la province d’Asie, Nicolet 1991, p. 82-85. C’est avec les 44
régions fiscales taillées par Sylla dans la province d’Asie qu’il conviendrait de rapprocher les
quatorze régions de Narbonnaise, et non avec d’éventuels conventus judiciaires.
23. Klotz 1906, p. 13-15, p. 60-61, p. 102-103 ; Nicolet 1988, p. 108-125, avec n. 264-272.
24. Pallu de Lessert 1908, p. 275.
25. Pallu de Lessert 1908, p. 282, p. 285.
26. Pallu de Lessert 1908, p. 296.
27. CIL XII, 6037a. Chastagnol 1992, p. 263-265. Voir aussi Gascou 1991, p. 549 n. 8 se fondant sur
l’avis de Chastagnol.
28. Il suffit de se référer aux mentions épigraphiques accumulées par Hirschfeld dans l’index de
CIL XII, p. 931-938, et de comparer avec les données analysées par Barruol 1975.
29. Chastagnol 1977, p. 6 ; Gascou 1991, p. 550-554. Pour la reconstitution de la chronologie de ces
fondations latines Christol 1992 f, p. 41.
30. Cuntz 1888, p. 13 : « Baeterrae ante Avennionem a Plinio fortasse ipso sunt positae ».
31. Nous ne reprendrons pas cette longue querelle à laquelle participèrent, entre autres, O.
Hirschfeld (introduction à l’édition des inscriptions de Vienne dans CIL XII), C. Jullian et Ph. Fabia
(ce dernier dans son édition de la Table Claudienne de Lyon). On citera parmi ceux qui ont rétabli
le rôle d’un prince autre qu’Auguste, vraisemblablement Caligula : Pflaum 1968, p. 378,
Chastagnol 1971, p. 271-272, Frei-Stolba 1984, cf. aussi Rivet 1988, p. 306, pace Pelletier 1982,
p. 73-80 (mais Pelletier 1988, p. 51-52 semble prêt à se rallier à l’évolution institutionnelle qui
devrait avoir la préférence). Gascou 1991, p. 555-560, reprend, parfois en la compliquant quand il
évoque le rôle d’Auguste, une démonstration largement ébauchée par ses prédécesseurs : il
parvient aussi à la conclusion que lorsque Claude prononce son discours, Vienne venait de
recevoir depuis peu son élévation au rang de colonie de droit romain.
32. Suet., Tib., 4. Sur l’interprétation du texte, Goudineau 1986, Christol 1988 a, p. 92, Christol
1992 f, p. 40-41.
33. On doit suivre Piganiol 1962, p. 79-84, qui place la fondation de Béziers et d’Orange en 35 av.
J.-C., après que Kromayer 1896, p. 18 a mis en évidence pour Béziers la date de 36 av. J.-C. et pour
Orange une date légèrement postérieure (35-33 av. J.-C.) ; voir aussi Clavel 1970, p. 161-167. Dans
la mesure où l’énumération est faite dans son ensemble sur le mode chronologique, puisque
Baeterrae précède Arausio, il faut répartir sur ces deux années les fondations coloniales [voir
chapitre 7].
34. Pour la refondation de Narbonne, incontestablement césarienne. Ajouter Gayraud 1981,
p. 175-181. Pour la date de la fondation de Fréjus, Gascou 1982.
35. On connaît ainsi, dans le courant du II e siècle, les Sextant Arelatenses : il faut restituer ce nom
dans CIL XII, 701 ([Sexta]ni Arelatenses [muni]cipes, solution préférable à [decurio]ni), voir aussi CIL
VI, 1006. Sous Septime Sévère, Caracalla, Elagabal et Gordien III on connaît les Decumani
Narbonenses : CIL XII, 4345, 4346, 4347, 4348, 5366. Enfin sous Philippe l’Arabe on connaît les
Septimani Baeterrenses : CIL XII, 4227 [voir aussi Christol 2004 g].
36. Gascou 1982.
37. Parmi les oppida latina figure sous la lettre A Augusta Tricastinorum.
38. Cuntz 1888, p. 14 n. 5.
39. Plin., NH, III, 18 : civitates provincia ipsa praeter contributas aliis CCXCIII continet, oppida CLXXXIX,
in iis colonias XII, oppida c. R. XIII, Latinorum veterum XVIII, foederatum unum, stipendiaria CXXXV.
40. Plin., NH, III, 7 : oppida omnia numero CLXXV. In iis coloniae IX, municipia c. R. X, Latio antiquitus
donata XXVII, libertate VI, foedera III, stipendiaria CXX.
41. Plin., NH, III, 117 : tota populorum XLV, in quibus coloniae sunt quinque, municipium civium
Romanorum, Lati antiqui III, stipendiaria XXXVI.
42. Christol 1988 a, p. 92, p. 96, p. 99.
125
43. Sur la chronologie de ces créations, voir supra pour les colonies romaines, et pour les colonies
latines dont la création se poursuit après l’année 27, voir Christol 1992 f, p. 41-44.
44. Plin. Iun., Ep. X, 79 et 80.
45. Sur cet aspect de la méthode de Pline, Desanges 1980, p. 277-278 (à propos de NH, V, 29).
46. Plin., NH, III, 148.
47. Plin., NH, IV, 62 et 74.
48. Plin., NH, IV, 21.
49. Plin., NH, IV, 30.
50. Plin., NH, IV, 69.
51. Plin., NH, IV, 30 : et ante cunctos claritate Penius...
52. Plin., NH, IV, 7. Voir aussi III, 139, à propos des peuples d’Illyricum : populorum pauca digna aut
facilia nomina, et de même III, 28, à propos des peuples du conventus de Lugo : praeter Celticos et
Lemavos ignobilium ac barbarae appellationis, puis de ceux du conventus de Braga : ex quibus praeter
ipsos Bracaros... citra fastidium nominentur.
53. Plin., NH, III, 10.
54. On mettra en évidence ce fait à partir d’un parallèle entre Mela I, 30 (Iol ad mare aliquando
ignobilis, nunc quia Iubae regia fuit et quod Caesarea vocitatur inlustris) et Plin., NH, V, 20 (oppidum ibi
celeberrimum Caesarea ante vocitatum Iol, Iubae regia) ; Desanges 1980, p. 13-14.
55. Plin., NH, III, 26.
56. Plin., NH, III, 139 ; IV, 118.
57. Pline, NH, V, 105.
58. Klotz 1906, p. 93.
59. Sallmann 1971, p. 202.
60. Plin., NH, V, 105.
61. H. Rolland, RE IX Al (1961), col. 705 (Vocontii) ; Barruol 1975, p. 278-283.
62. Goudineau 1979, I, p. 271-272.
63. Strab., Geogr., IV, 1, 12, à comparer avec IV, 1, 11 (survienne) : Lasserre 1966, p. 110-112.
64. Christol 1988 a, p. 97-99, p. 102.
65. Pour l’Afrique on se référera à Desanges 1980, p. 23-27.
NOTES DE FIN
*. La mémoire perdue. À la recherche des archives oubliées, publiques et privées de la Rome ancienne,
Paris, 1994, p. 45-63.
126
1 S’interroger sur Béziers en sa province, c’est porter un regard sur les cadres territoriaux
fondamentaux dans lesquels s’inséraient et s’ordonnaient les groupes sociaux ou les
communautés de l’Empire romain1. Pour les anciens, nourris à l’école de la Grèce, le cadre
civique était le lieu où pouvait le plus naturellement s’épanouir l’homme en tant qu’être
social. Le bios politikos était de ce point de vue le genre de vie supérieur. Strabon le
rappelle fortement en faisant la louange de l’extension de la domination de Rome en
Occident : les longs développements qu’il consacre à la Gaule méridionale, c’est-à-dire à la
partie de Celtique transalpine qu’il appelait déjà la Narbonnaise (« Narbonitide »)
comportent, non seulement à propos de Marseille, mais aussi à propos de Nîmes et de
Vienne, des passages significatifs, qui furent peut-être puisés dans un éloge de l’œuvre de
Rome et d’Auguste dans cette région2.
2 Sans renier ce fondement, et même en se l’appropriant, Rome a superposé à ce cadre
élémentaire la structure provinciale. Celle-ci est davantage un cadre d’organisation
spatiale et administrative, c’est-à-dire un cadre de domination, il est vrai, mais elle
impose aux monades que sont les cités de sortir de leur individualité. En effet une
province, qui regroupe plusieurs communautés, les associe et donc, en un certain nombre
de domaines, les force à vivre ensemble, en sorte que les relations de voisinage changent
de nature. Il importe alors, ne serait-ce qu’au moment de la constitution de l’organisation
provinciale, d’énumérer les cités, de les ordonner dans un dénombrement cohérent et, ce
faisant, de les hiérarchiser nécessairement.
3 Dès que Rome eut étendu son autorité impériale, ces deux niveaux sont apparus comme
espaces ou cadres de pouvoir, d’une part la cellule microrégionale, la monade, élément
simple, dont l’identité, au-delà du droit, était façonnée par une vie de proximité et par
une quotidienneté des faits et gestes de ses membres, d’autre part l’entité régionale,
pluricellulaire, dont se dégageait peu à peu, par les nécessités d’une vie commune, une
certaine unité.
4 Mais aussi, à partir du moment où les cités furent réunies dans des structures
englobantes, même souples, même si le gouvernement de Rome empêcha le plus souvent
que les affrontements ne dégénèrent en violence, la compétition et l’émulation les firent
s’entrechoquer ou rivaliser plus ou moins âprement. L’histoire de la Transalpine puis de
la Narbonnaise, dans laquelle la colonie de Béziers se trouvait dès sa fondation, est peut-
127
être fort difficile à écrire dans une telle perspective, car rien ne peut être comparable
dans la documentation dont nous disposons à ce que littérature latine et grecque,
inscriptions, documents juridiques, monnaies nous offrent sur les rivalités entre cités
d’Asie ou, plus généralement, de l’Orient hellénophone. Mais, aux marges de la province,
la solide inimitié qui opposait Lyonnais et Viennois3, rappelle quelles tensions pouvaient
engendrer le voisinage et la participation à une histoire parfois commune. Un parallèle
pertinent surgit alors dans l’esprit, celui que nous offre la Bithynie, où l’histoire des
relations tumultueuses de Nicée et Nicomédie a pu être décrite dans la perspective
conjointe de la gloire et de la haine4. Toutefois, quelque pesante et tragique que fût cette
rivalité, elle n’empêcha point l’administration impériale, quand celle-ci le jugea
opportun, de les associer sous l’autorité bienveillante du sénateur M. Nonius M. f. Fab.
Arrius Paulinus, curator rei publicae Nicomedensium et Nicaeensium 5 : ces deux cités
appartenaient à la même province, et le voisinage pouvait commander un
rapprochement. Pour en revenir à la Narbonnaise, peut-on alors vraiment supposer que
le souci de l’affirmation locale, que nous traduirions volontiers par « esprit de clocher »,
était totalement absent des préoccupations des gens vivant en cette province, que les
bruissements qui animaient souvent l’Asie pu la Bithynie n’y avaient pas leur équivalent ?
Nous ne le pensons pas, même si, à considérer par exemple le témoignage de Tacite dans
les Annales, œuvre dans laquelle le récit des activités politiques à Rome, notamment
/102/ au Sénat, est un bon révélateur de cette caractéristique de la vie provinciale, la
Narbonnaise apparaît comme un havre de tranquillité et de sérénité, très éloigné des
chicaneries du monde grec. Dans cette œuvre en effet, ce sont essentiellement les cités
d’Orient qui viennent exposer leurs querelles ou soutenir leurs prétentions par
l’entremise d’une ambassade. Rien de tel ne concerne la Narbonnaise et ses diverses cités.
Peut-on toutefois accepter les conclusions que suggérerait de prime abord une telle
constatation ?
5 De toute façon une hiérarchie des cités provinciales existait, de caractère officiel et
protocolaire. Mais était-elle valable dans tous les domaines ? N’en existait-il pas d’autres,
nées d’autres fondements, qui n’étaient pas nécessairement concordantes ? Concurrentes
alors, ne pouvaient-elles susciter par leur entrecroisement d’éventuelles tensions voire
les conditions de conflits ?
6 Ineffaçable et irréductible était la hiérarchie des cités qui s’exprimait dans la formula
provinciae. Elle déterminait d’abord la précellence de Narbonne, capitale dont le seul nom
pouvait suffire à désigner, sans avoir besoin de les nommer, toutes les autres cités de la
province. Utiliser le nom de Narbonne en ce sens était rendre anonymes les autres
communautés dont le nom était pourtant l’expression première de l’existence et de
l’identité6. Mais peut-être faut-il aller plus loin.
7 Incontestablement, le texte de la formula provinciae, dans une de ses parties, offrait un
classement hiérarchisé des cités provinciales. En effet un des textes fondamentaux pour
notre sujet est celui que Pline l’Ancien, dans l’Histoire naturelle7. affirme avoir composé à
partir de la formula. Entendons : celle de la province de Narbonnaise 8. Son témoignage est
d’autant plus significatif que c’est le seul passage de l’œuvre où ce terme désigne ce type
de document administratif. Il semble que Pline ait copié et glosé au plus près cette source,
sans trop en transformer le contenu littéral, en sorte que la source elle-même et les
retouches quelle connut affleurent clairement9.
8 On peut aisément constater que l’inventaire des cités provinciales qui nous est proposé
était initialement fondé sur un critère de dignité, puisque l’on mentionnait d’abord les
128
colonies de droit romain, puis les cités et colonies de droit latin qualifiées uniformément
du nom d’oppida latina. Il est vraisemblable que les cités fédérées constituaient une
troisième catégorie spécifique, mais dans l’aboutissement que constitue le texte de Pline
leur spécificité ne peut être aisément dégagée, puisque cette catégorie n’est mentionnée
qu’à travers la liste des oppida latina sis in mediterraneo 10. En revanche, les cités et colonies
de droit latin avaient été classées en ordre alphabétique initialement et cette disposition
n’avait pas été fondamentalement affectée par d’ultérieures mesures relatives à la place
ou au statut d’autres cités11 : on avait complété par simple addition, au fond de
l’énumération, la liste des oppida latina. Mais les colonies de droit romain, quant à elles,
n’avaient pas été disposées initialement de la même manière, c’est-à-dire en ordre
alphabétique. Contrairement à l’opinion courante qui veut retrouver en cet endroit de la
liste le même principe d’énumération, nous estimons que le classement fut
chronologique, fondé sur la date de création, donc sur le principe d’antériorité : sinon
comment expliquer que Baeterrae (lettre B) précède Arausio (lettre A), sauf à supposer par
une maladresse hypothétique une modification du texte officiel12 ? Quand au début du
principat d’Auguste, en 27 sinon peu après 27 av. J.-C., la liste fut constituée, Béziers fut
placée sous Narbonne et Arles, colonies césariennes13, mais avant Orange et Fréjus,
colonies de la période triumvirale, dans la suite des colonies romaines de déduction
légionnaire, et cette origine fut clairement établie : Arelate Sextanorum, Baeterrae
Septimanorum, etc. Telle fut sans aucun doute la forme initiale donnée au document
officiel, que Pline put avoir sous les yeux, même s’il avait subi des modifications 14.
Ajoutons, incidemment, que ce constat plaide, à notre avis, pour une date de fondation de
Béziers postérieure à 44 avant J.-C., et vraisemblablement, si l’on suit J. Kromayer 15, A.
Piganiol16 et M. Clavel dans sa thèse 17, pour la date de 36 av. J.-C. Lorsque Valence puis
Vienne, par la suite, furent ajoutées à cette liste des colonies romaines18, elles ne reçurent
pas la même qualification de déduction légionnaire, preuve que, quelles qu’aient été leurs
origines, cette ultime phase de leur histoire institutionnelle avait été provoquée par une
promotion honoraire.
9 Aussi ce classement des cités établi par voie officielle plaçait quasiment au plus haut la
colonie de vétérans légionnaires de Béziers. Après Narbo Martius Decumanorum et Arelate
Sextanorum, venait au troisième rang dans l’ordre de préséance Baeterrae Septimanorum. On
ne peut en rester à ce niveau, même s’il est consacré par l’usage officiel. Pour /103/ situer
Béziers dans sa province, il importe aussi d’effectuer une série de mesures orientées vers
la recherche d’éléments quantifiés. Alors d’autres hiérarchies apparaissent.
10 Par sa superficie, donnée approchée, Béziers ne compte pas parmi les grandes cités de la
province. Des colonies de vétérans comme Arles ou Narbonne, des colonies latines comme
Nîmes, Vienne dans la première phase de son histoire, Toulouse ou même Aix-en-
Provence, sont nettement plus étendues. Toutefois, par ce critère, elle dépasse, et parfois
très largement, bien des cités provençales ou alpestres. En Languedoc, elle l’emporte sur
Lodève, Carcassonne, les Rutènes provinciaux, ainsi que sur les petites cités latines de la
moyenne et de la basse vallée de l’Hérault (Agde, Cessero, Piscenae). Dans cette partie de la
Narbonnaise, elle se trouve en position intermédiaire, loin derrière les grandes colonies
latines de Nîmes et de Toulouse, ou la colonie romaine de Narbonne. Mais son territoire,
bien doté en matière de capacités productives, pouvait compenser en partie cette
infériorité.
11 Toutefois c’est par la mesure de l’influence sociale que peut le mieux être appréciée la
place de Béziers dans l’ensemble provincial auquel elle appartenait, la Narbonnaise. On
129
rencontre alors une problématique qui fut lancée de façon féconde par les travaux de
Ronald Syme lorsqu’il évoquait les aristocraties de Bétique et de Narbonnaise19. Des divers
travaux au long desquels il a multiplié les réflexions on peut dégager quelques intuitions.
Syme estimait que par leurs origines les élites du Sud de la péninsule Ibérique avaient
plutôt des ascendances italiques, car de façon précoce l’Eldorado d’Occident qu’était l’
Hispania ulterior avait été terre d’accueil d’immigrants issus d’Italie. En revanche la
Narbonnaise offrait à l’analyse un modèle divergent. Syme, à ce sujet, estimait que les
grands personnages qui apparaissaient dans le Sénat des Julio-Claudiens puis des Flaviens
descendaient plutôt des grands aristocrates indigènes, les principes de Transalpine, et
qu’ils avaient pu aisément dépasser les gens des colonies de vétérans légionnaires d’abord
parce que Rome avait maintenu dans les cités de droit latin les structures préexistantes,
d’autre part parce qu’elle avait installé sur des principes plus égalitaires les déductions
militaires. Résumons sa thèse d’une phrase : Vaison, Vienne, Nîmes contrôlaient ainsi de
grands territoires, « tandis que la colonie romaine était souvent plus petite et les colons
de petites gens ». D’une façon régressive on passait ainsi de la composition de la haute
société politique au niveau des conditions de la vie économique et sociale, respectivement
aux diverses catégories de cités.
12 Grâce à la méthode prosopographique et aux données chiffrées quelle permet de dégager
nous pouvons apprécier le destin des élites provinciales tout au long du Haut-Empire et
distinguer au sein de cette longue période deux sous-ensembles : l’époque julio-
claudienne et les débuts de la dynastie flavienne d’une part, la fin de cette dernière
époque et le siècle postérieur d’autre part. Nous pouvons ainsi apprécier dans une
perspective chronologique la place de Béziers au sein de la province20.
13 L’époque julio-claudienne en premier, puis celle de l’établissement des Flaviens, est pour
la Narbonnaise tout entière un moment fondamental. En ce temps, par étapes, l’ordre
équestre, qui était demeuré essentiellement italien par son recrutement à l’époque
augustéenne, s’ouvrit et s’élargit aux provinciaux21. Dans ce processus la Narbonnaise
joua un grand rôle puisque cette province, qui dans l’Empire n’avait qu’une moyenne
importance, tint la première place pour le recrutement des chevaliers provinciaux
jusqu’en 68 ap. J.-C., dépassant de loin la péninsule Ibérique22. Elle fut aussi,
parallèlement, au premier plan pour l’entrée des provinciaux au Sénat23 : mieux même,
puisqu’en ce domaine le recul italien fut moins sensible, la présence d’un certain nombre
de gens issus de Narbonnaise, avant même l’avènement des Flaviens, n’en est que plus
instructive. Puis, à ce moment-là, l’engagement dans le bon camp pendant la guerre civile
permit de profiter des avantages qu’octroya à ses partisans le nouveau pouvoir24.
14 Durant cette période, hormis Orange, dont l’épigraphie est plutôt réduite, les fondations
légionnaires apparaissent comme des pépinières de chevaliers. C’est le cas pour des
ressortissants de Béziers et de Narbonne, mais aussi d’Arles et de Fréjus, si l’on admet, en
plus des témoignages évidents, que pour tous les sénateurs que fournirent les cités l’étape
préalable à l’acquisition de la plus haute dignité était celle de l’appartenance à l’ordre
équestre, suivant le modèle offert par l’ascension de la famille d’Agricola, dont le grand-
père paternel et le grand-père maternel avaient été procurateurs de l’empereur25, et
confirmé par l’histoire de la /104/ famille des Pompei Paulini d’Arles26. Sur les cinquante
attestations de chevaliers romains vraisemblablement issus de Narbonnaise, quinze, soit
approximativement le tiers, proviennent des colonies de vétérans légionnaires : seule,
Orange, dont l’épigraphie est quantitativement très faible, n’apparaît pas. Et dans ce
groupe Béziers se trouve à égalité avec Narbonne (4 attestations, y compris le quasi-
130
Cassius Primus, dont le piédestal de la statue devait comporter tout le cursus jusqu’au
moment de l’érection de l’hommage. Mais il ne reste du texte gravé que le début du
service militaire, avec la préfecture d’une cohorte et le tribunat d’une cohorte milliaire35.
À l’échelle de la province, sur un recrutement éparpillé à l’extrême, peu de
concentrations apparaissent : deux d’importance moyenne, à Vaison et à Aix-en-
Provence, deux très importantes, comme durant la période précédente, à Nîmes et à
Vienne. Pour le reste, l’inventaire des /105/ 106/ témoignages révèle à la fois une
homogénéisation du phénomène, mais aussi une banalisation de la situation des diverses
cités de la province, quel que soit leur statut.
17 D’autres mesures, complémentaires, permettent de renforcer cette image. On se référera
d’abord à la liste, mince il est vrai, des cités qui ont fourni des flammes provinciaux 36. Elle
comporte un Toulousain, deux Viennois, quatre Nîmois. Le seul dont la provenance est
inconnue, C. Batonius Primus, doit plutôt être rattaché à une cité de droit latin37. On
constatera également que les seuls chevaliers originaires de Narbonnaise qui exercèrent
la curatelle de cités à l’intérieur de cette province, ce qui apparaît comme un signe
incontestable de notabilité, appartiennent à la cité de Nîmes au IIe siècle ap. J.-C.38.
18 Ainsi peu à peu dans ce domaine l’avantage que pouvait donner l’origine, donc l’histoire,
s’est estompé. La place des colonies de vétérans légionnaires, que l’ordre de préséance des
cités mettait en évidence à l’époque de Pline l’Ancien, s’est banalisée à l’extrême au II e s.
ap. J.-C. Il semblerait donc que la hiérarchie des cités, mesurée en termes de puissance
sociale, soit moins stratifiée qu’auparavant. La position de la colonie de Béziers suit ce
mouvement d’ensemble, et peu importe que l’on puisse découvrir dans cette cité, sur la
cuve d’un sarcophage, le témoignage de l’existence d’une famille sénatoriale, peut-être au
IIe, plus vraisemblablement au III e siècle39. Alors, derrière deux cités aux vastes
territoires, qui de tout temps ont dominé par la puissance de leurs notables la vie
provinciale, le groupe des cités de puissance intermédiaire s’est dilué nettement et s’est
élargi. La carte que l’on peut en dégager n’est pas très éloignée de celle qui apparaît
quelques siècles plus tard grâce à la Notitia Galliarum 40. Béziers y a conservé sa position de
cité et d’évêché, tout simplement, mais, ce faisant, elle a préservé son existence, au
contraire des nombreuses cités d’époque impériale qui disparurent de la carte
administrative avant le Bas-Empire, et dont peu furent reconstituées. En ce sens, la cité a
survécu à tous les aléas de l’histoire administrative de la province, comme d’ailleurs
l’ensemble des déductions légionnaires de l’époque césarienne ou triumvirale.
19 Pourtant il ne semble pas que le mouvement par lequel des cités de droit latin
rattrapaient en importance les vieilles déductions légionnaires se soit traduit par des
promotions de caractère honoraire. Si Vienne avait gagné grâce à l’entregent de Valerius
Asiaticus le titre de colonie romaine, le solidum civitatis Romanae beneficium 41. Nîmes en
revanche ne parvint pas au même rang. Avignon toutefois, au II e siècle ap. J.-C., gagna
vraisemblablement ce titre de colonie de droit romain42. On ne découvre pas en
Narbonnaise dans l’évolution institutionnelle des collectivités provinciales ce mouvement
continu d’élévation qui est nettement évident dans une province comme l’Afrique, où le
rang de municipe latin puis celui de colonie permettent aux collectivités provinciales de
franchir progressivement les diverses étapes qui conduisent à l’accomplissement des
ambitions locales en matière de statut juridique. C’est plutôt la permanence des statuts
qui constitue le trait /107/ dominant, en sorte que les préséances connues par Pline, et
encore valables de son temps, ne durent pas être profondément altérées. Mais
132
comptaient-elles face aux puissantes réalités sociales, qui renversaient cet ordre des
dignités ?
20 Toutefois, même de peu de poids l’histoire avait son prix. Faut-il s’étonner que les vieilles
déductions légionnaires, rattrapées et bousculées par des cités de moindre statut ou plus
tard venues au premier rang des préséances, aient cultivé leur différence en invoquant
jusqu’au cœur du IIIe siècle et même plus tard leur origine légionnaire ? Déjà, au IIe siècle,
les Arlésiens, dont les plus grandes familles, selon toute apparence, n’avaient plus le
prestige et l’importance des Pompei Paulini de l’époque de Néron, s’affichaient toujours,
chez eux il est vrai, comme Sextani Arelatenses, « les anciens de la sixième légion 43 ». Puis
les Narbonnais, dans leur cité qui était aussi capitale, ne cessent de se dire Decumani
Narbonenses, « les anciens de la Dixième légion » : la chaîne des témoignages part du II e
siècle, avec Lucius Verus44, et se poursuit avec Septime Sévère45, Julia Domna46, puis
Gordien III47, et parvient, comme le montre une inscription mal publiée mais récemment
redécouverte48, à l’époque de Dioclétien sinon au-delà. Les Biterrois ne sont pas en reste.
Une inscription de provenance incertaine, qui pourrait peut-être provenir de la capitale
provinciale, les mentionne comme Septimani Baeterrenses, « les anciens de la Septième
légion », sous le principat de Philippe l’Arabe, vers le milieu du III e siècle ap. J.-C. Ainsi,
pour eux comme pour bien d’autres, le recours au passé était peut-être devenu la
principale légitimation d’une distinction, plus symbolique que réelle. Mais ce titre, ou
cette qualité, qui leur permettait de se rattacher aux grands moments de l’histoire
impériale de Rome, demeuraient quand même inestimables.
NOTES
1. Par rapport à la publication de 1995, l’appendice des pages 108-120 a été supprimé.
2. Strab., Geogr. IV, 1,5 ; 11 ; 12. Cf. Lasserre 1966, p. 111-112 ; Thollard 1987 ; Jacob 1991,
p. 159-162.
3. Tac., Hist. 1, 65.
4. Robert 1977.
5. CIL V, 4341 (ILS 1150).
6. C’est peut-être dans ce contexte de géographie administrative qu’il faudrait expliquer la
mention de « cités qui n’ont pas de nom » ou « qui ne méritent pas de voir leur nom apparaître »
chez Dion de Pruse, Or., 45, 14-15, quand il s’adresse aux gens d’Apamée de Phrygie. Étant chef-
lieu de conventus, le nom de la ville, premier de sa série, pouvait suffire à désigner toutes les
autres cités de la circonscription, placées à la suite. On s’en convaincra en se référant à
l’inscription d’Éphèse que publia Chr. Habicht et qu’il commenta (Habicht 1975, et p. 80-87 pour
Apamée), cf. aussi Burton 1975. On peut constater par la disposition du texte d’Éphèse (Pl. I)
combien est détaché, au centre de la ligne, le nom du siège du conventus. Celui-ci est aussi
mentionné en tête de liste, et derrière se trouvent toutes les autres cités ou peuples qui
ressortissaient à ce siège judiciaire. En latin on dirait que, placées à la suite, donc en dessous sur
le document, ces cités sont subiectae. Le terme est courant dans le langage administratif pour
désigner les pièces jointes à une lettre d’information, comme le montre l’usage de Pline le Jeune
dans sa correspondance avec Trajan.
133
7. Pline, NH, III, 37 ; sur ce passage voir en dernier Christol 1994 a [chapitre 6].
8. Pline, NH, III, 37 : adiecit formulae Galba imperator ex Inalpinis Avanticos atque Bodionticos quorum
oppidum Dinia ; Christol 1994 a, p. 47-48, p. 51-53.
9. Christol 1994 a, p. 62.
10. Pline, NH, III, 37 : Vocontiorum civitatis foederatae duo capita Vasio et Lucus Augusti ; Christol 1994
a, p. 56.
11. Ci-dessus n. 8 et 10.
12. On renverra à Cuntz 1888, p. 13 : « Baeterrae ante Avennionem a Plinio ipso fortasse sunt
positae » : Christol 1994 a, p. 53-55.
13. Suet., Tib., 4. Sur l’interprétation du texte Goudineau 1986 ; Christol 1988 a.
14. Tel est le sens de notre hypothèse d’interprétation de la liste plinienne : Christol 1994 a,
p. 61-62.
15. Kromayer 1896 (surtout p. 18) ; cf. Rivet 1988, p. 78.
16. Piganiol 1962, p. 79-84, qui cependant place la fondation de Béziers et d’Orange en 35 av. J.-C.
(pour sa part J. Kromayer plaçait cette dernière fondation entre 35 et 33).
17. Clavel 1970, p. 161-167 ; Rivet 1988, p. 150.
18. Christol 1994 a p. 55-56 (et pour Vienne, de plus, n. 54 à la p. 54).
19. Syme 1977 (= 1984, III, p. 977-985). Mais la plupart des éléments de la démonstration se
trouvaient déjà dans son grand ouvrage sur Tacite : Syme 1958, p. 584 et suiv.
20. Pour une analyse générale Christol 1993 a.
21. Demougin 1988, p. 503 et suiv.
22. Demougin 1988, p. 530-534.
23. On peut le déduire de plusieurs travaux : Hammond 1957 parvient (tableau p. 77) au chiffre de
83,2 % comme part des Italiens dans le Sénat au début de l’époque flavienne (on comparera avec
les résultats obtenus pour l’ordre équestre par Demougin 1988, p. 547 : pour la période qui
s'étend de Claude à Vespasien les rapports sont égaux entre l’Italie et les provinces), mais parmi
les provinciaux dominent les Occidentaux. Pour sa part Chastagnol 1974, met en évidence à
travers les indications de la prosopographie les lenteurs de l’intégration des provinciaux.
24. Nicols 1978.
25. Tac., Agr., 4, 1 ; Syme 1977, p.374 ; Raepsaet-Charlier 1991, p. 1820 ; Demougin 1988,
p. 615-620 ; Demougin 1992, no 103 et 104, p. 105-106.
26. Burnand 1982, p. 413 ; Demougin 1992, no 518, p. 429-430 ; Eck 1985, p. 120-122.
27. R. Ros, dans Bull. Soc. Arch. de Béziers, 16, 1951, p. 12 (photo), d’où AE, 1951, 62. Texte revu par
Demougin 1992, no 617, p. 514-517.
28. CIL XII, 4230 (HGL XV, 1517 ; ILGN 558) et peut-être 4235 (HGL XV, 1518) ; Demougin 1992, n o
202, p. 177-178. [Analyse de la carrière dans Appendice épigraphique I : Christol 1995 b,
p. 108-111.]
29. CIL XII, 4233 (HGL XV, 1519). [Analyse de la carrière dans Appendice épigraphique II : Christol
1995 b, p. 112-113.]
30. Demougin 1988, p. 323-326 et 685-696.
31. CIL XII, 4229 (HGL XV, 1516) [Analyse de la carrière dans Appendice épigraphique III : Christol
1995 b, p. 113-115.]
32. Sur ces personnages, voir Burnand 1982, p. 414 et p. 421.
33. Tac., Ann., XVI, 17, 3-5 ; Pflaum 1950, p. 165-169 ; Demougin 1988, p. 753 et p. 763.
34. CIL XII, 4277 (HGL XV, 1568). [Analyse de la carrière dans Appendice épigraphique V : Christol
1995 b, p. 118-120.]
35. CIL XII, 4232 (HGL XV, 1520). [Analyse de la carrière dans Appendice épigraphique IV : Christol
1995 b, p. 115-118.]
134
36. Pflaum 1978 a, p. 104-108. On doit vraisemblablement retirer de cette liste le personnage
incomplètement cité sur une inscription de Cuers (CIL XII, 392), selon l’interprétation de Fishwick
1987, 1, 2, p. 243-249.
37. CIL XII, 4323. Le gentilice Batonius peut être considéré comme formé sur un nom individuel, ce
qui nous conduit dans une cité de droit latin.
38. Jacques 1983, p. 387-389.
39. Ci-dessus n. 34.
40. Rivet 1976 ; Harries 1978.
41. Cette expression de l’empereur Claude (CIL XIII, 1668 (ILS 212), « table claudienne » de Lyon)
signifie l’octroi du rang de colonie de droit romain à Vienne. La question a été débattue : ce fut
une longue querelle à laquelle participèrent entre autres O. Hirschfeld (introduction à l’édition
des inscriptions de Vienne dans CIL XII, p. 217-220), C. Jullian, et Ph. Fabia (ce dernier dans son
édition de la « table claudienne »). On citera, parmi ceux qui ont rétabli le rôle d’un prince autre
qu’Auguste, vraisemblablement Caligula : Pflaum 1968, p. 378 ; Schillinger-Häfele 1970 ;
Chastagnol 1971, p. 291-292 ; Frei-Stolba 1984 ; Rivet 1988, p. 306. Pelletier 1988 semble se rallier
à ce point de vue.
42. Christol 1992 f, p. 39-40.
43. Dénomination que l’on peut restituer dans le texte de CIL XII, 701 ( [Sexta]ni Arelatenses/
[muni]cipes...), solution bien supérieure à celle de Hirschfeld ([decurio]ni). Une autre attestation à
Rome (CIL VI, 1006) [voir aussi Christol 2004 g].
44. CIL XII, 4344 et add. (HGL XV, 10). Sur tous ces textes Gayraud 1981, p. 157.
45. CIL XII, 4346 (HGL XV, 11).
46. CIL XII, 4345 (HGL XV, 12).
47. CIL XII, 5366 (HGL XV, 16). On pourrait supposer qu’elle fut transportée depuis Narbonne dans
le lieu où elle fut découverte (cf. Lebègue ad HGL XV, 16). Mais Gayraud 1981, p. 330 et n. 82, est
hésitant sur ce point.
48. CIL XII, 4349 (HGL XV, 17), d’après Allmer, dans Rev. épigr., I, p. 151, n o 185.
NOTES DE FIN
*. Cité et territoire (colloque européen, Béziers, 14-16 oct. 1994), Paris, 1995, p. 101-124.
135
NOTE DE L’ÉDITEUR
La datation relative à la mainmise de Rome sur une partie du territoire rutène doit être
précisée. La datation de l'époque de Pompée, qui peut être défendue sur la base des
documents explicitement rattachés à la question, devient contestable lorsque l'on élargit
le champ d’observation. Elle conduit à considérer que ce repère chronologique n'est
qu'un terminus ante quem. En revanche, comme nous l’avons suggéré dans l'introduction
de la première partie, on pourrait être tenté de revenir à la chronologie de C. Jullian
(détachement d'une partie du peuple rutène dès les premières opérations militaires de
Rome en Gaule méridionale), même si le texte de César peut être utilisé, à première vue,
pour contester ce point de vue (voir aussi chapitre I). Ce sont des considérations de
caractère historique, relatives aux premiers temps de la présence romaine en Transalpine
qui s’achèvent par la fondation de Narbonne, qui contraignent à ne pas négliger cette
partie septentrionale de l'hinterland narbonnais. La poussée vers le Toulousain est aussi
nécessairement antérieure à l'intervention du consul Caepio en 106 avant J.-C. De
combien d’années ?
Un article récent de M. Feugère, « Le monnayage gaulois BnF 3571/72 et les origines
préromaines de la cité de Béziers », RN, 2008, p. 185-208, vient rappeler qu’il faut tenir
compte des monnayages provinciaux et de la répartition géographique des trouvailles.
L'utilité de cette documentation est évidente. En revanche il convient de l'insérer dans
une problématique mesurée : non seulement les caractéristiques propres d'une fondation
coloniale, mais encore, dans le cadre géographique correspondant au territoire de la cité
de Béziers, l'arrière-plan précolonial, tel qu'il semble se dégager de la présence italienne
dans l'hinterland narbonnais.
1 Si l’on veut définir le territoire de la colonie romaine de Béziers, il faut aussi s’interroger
sur l’arrière-plan spatial d’autres cités de Narbonnaise, mentionnées dans la liste de Pline
136
l’Ancien, au livre III de l'Histoire naturelle (III, 31-37), celles qui l’enserrent et dessinent en
creux la réalité à appréhender. Rappelons, avant tout, que Pline énumère les cités de cette
province, en considérant d’abord celles qui sont sur le littoral ou qui le touchent de près.
Puis il progresse vers celles qui se trouvent in mediterraneo, à l’intérieur des terres.
Parvenu à ce point de l’inventaire, il suit au plus près un document administratif qui doit
être la formula de la province de Narbonnaise, avec les diverses classifications internes
qu’elle comportait1. Pline rédigeait son ouvrage au début de la période flavienne, mais en
utilisant un document qui avait été composé à l’époque augustéenne. Cependant, à notre
avis, ce dernier n’avait pas été profondément altéré dans l’intervalle qui séparait la
rédaction initiale de l’utilisation comme source d’information. Seulement, il portait
mention des modifications qui concernaient le statut de quelques cités, lorsque ces
mesures avaient été décidées après la date de confection de la liste, que l’on peut placer
en 27 av. J.-C.2. Il semble ainsi possible de redéployer dans la durée, en remontant dans le
temps jusqu’en 27 av. J.-C., ce que Pline présente comme un état propre à son temps. En
revanche, l’acte administratif initial, qui classait et ordonnait les cités d’une façon globale
et cohérente sous l’aspect de la formula provinciae, constitue un écran qui peut masquer
l’arrière-plan politique et social de l’époque précédente, et qui donc peut rendre difficile
l’appréciation de la situation dans cette région au cœur du Ier s. av. J.-C., antérieurement à
l’organisation augustéenne. À tout le moins, il rend plus difficile la perception de la
situation qui existait à la fin de l’époque républicaine et à l’époque triumvirale.
2 Après la rédaction de la formula provinciae, quelques cités avaient été promues d’une classe
inférieure à une classe supérieure : Valence et Vienne furent ainsi élevées au rang de
colonies romaines3. D’autres, toujours après la date de confection de la liste, avaient
perdu leur autonomie, c’est-à-dire leur qualité de cité. Le déclassement d’une
communauté, ravalée au rang de bourg dépendant, est chose courante qui peut se
produire pour diverses raisons.
3 En Narbonnaise, où quelques cités avaient donc été déclassées d’une manière absolue,
cette question nous fait pénétrer dans la catégorie des oppida de droit latin, dans laquelle
Pline - et surtout, avant lui, le document administratif qu’il utilisait-, mêlent des colonies
latines et des cités indigènes4. On doit alors envisager le cas des vingt-quatre oppida
ignobilia intégrés dans la cité latine de Nîmes, et de quelques autres dont le nom nous
échappe. Pline les qualifie d’ignobilia et se refuse à les mentionner, parce qu’ils avaient
perdu la véritable notoriété qui résulte de l’identité civique5. On les retrouvera un peu
plus loin.
4 À l’époque de la rédaction du document administratif, c’est-à-dire en 27 av. J.-C., la
colonie romaine de Béziers était limitrophe de la colonie romaine de Narbonne. À l’Ouest,
le contact des deux colonies romaines voisines était la résultante d’une décision qui, en
/209/ 36 av. J.-C., avait délimité un territoire au profit des vétérans de la septième légion.
Nous laisserons pour l’instant en suspens la question, difficile à régler, des limites entre
les deux colonies. Nous nous attacherons surtout à définir le territoire de Béziers par
celui des autres cités circonvoisines, en tenant compte que dans cette zone de la
Transalpine le texte de Pline permet peut-être de remonter jusqu’à la situation acquise
en 36 av. J.-C., fossilisée en 27 dans la formula provinciae.
5 À l’époque de Pline, sur les limites orientales de son territoire, la colonie de Béziers
jouxtait désormais la grande colonie latine de Nîmes. Toutefois, lorsque l’on veut
envisager comment ces limites ont été fixées, on doit évaluer au mieux les
renseignements qu’apporte Pline lui-même sur l’histoire institutionnelle de Nemausus
137
conquête romaine était une population gauloise ? Si, pour certains actes, la langue et
l’écriture étaient l’ibérique, qui jouait alors le rôle de langue internationale dans cette
zone de la Méditerranée occidentale, l’onomastique était gauloise, et même elle se
rapprochait de celle que l’on découvre dans le territoire de la cité de Nîmes. Aussi a-t-on
supposé que la langue courante était le gaulois14. Dans la cité de Cessero, le seul
témoignage épigraphique d’époque romaine fait connaître un Divecillus, irréprochable
anthroponyme gaulois, dont un autre exemple se retrouve à Lattes, dans un pays
incontestablement arécomique15. Quant aux Piscenae, l’auteur de la notice de la
Realencyclopädie n’hésite pas à considérer que vraisemblablement ce peuple devait se
trouver dans la région des Volques Arécomiques16. Poser ainsi le rapport entre le
territoire du peuple des Arécomiques à la fin de la protohistoire et celui de la cité de
Nîmes, conduit à se demander si ce peuple ne fut pas, sur une partie de son aire
d’établissement, à distance de la vallée du Rhône, une des grandes victimes de
l’installation des Romains à la fin du IIe s. et des confiscations qui se succédèrent dans le
premier quart du Ier s. av. J.-C.17, puis si Auguste ne laissa pas en dehors du regroupement
qu’il opérait un certain nombre de monades trop éloignées du chef-lieu de la cité pour
être attirées par celui-ci de façon profitable.
7 Ceci pourrait avoir été le cas de quelques communautés aux territoires assez limités, qui
se trouvaient dans la moyenne vallée de l’Hérault, et qui, un peu plus tard, furent
englobées dans la colonie de Béziers. À l’époque augustéenne et durant une bonne partie
du Haut-Empire, elles demeurèrent toutefois autonomes sur les limites de la colonie
romaine. Elles s’y retrouvaient en compagnie d’une communauté d’origine grecque,
détachée de Marseille. D’un côté, il s’agit de Cessero, des Piscenae, des Lutevani. De l’autre il
s’agit d’Agde (fig. 1).
8 Nous sommes d’avis de considérer que la mention d’Agatha, quondam Massiliensium,
comme ville située sur le littoral, à l’instar d’Illiberis, de Ruscino, de Maritima Avaticorum
(Martigues), et d’Antipolis, signifie qu’elle avait acquis l’autonomie civique, et qu’elle
devait disposer du droit latin. Elle avait donc le même statut qu’Antibes à l’époque
augustéenne18, même si Pline n’accole pas à sa citation le terme d’oppidum.
9 Cessero et les Piscenae occupaient avec Agde toute la vallée de l’Hérault inférieur, et peut-
être même un peu plus. Le site de Cessero est bien établi19, il correspond au bourg de Saint-
Thibéry, et même si l’on peut supposer qu’il put y avoir un léger déplacement du site, un
peu à l’écart du lit majeur de l’Hérault, il est difficile d’admettre que le territoire
administré lié à cet oppidum de droit latin dépassait de beaucoup le territoire vivrier de
l’agglomération. Dans le premier cas, celui de Cessero, on avait affaire vraisemblablement
à une agglomération indigène qui avait structuré autour d’elle un terroir, et ce dernier
aurait pu devenir son territoire administré : mais les limites exactes nous échappent 20. En
revanche, les questions relatives aux Piscenae sont plus complexes. Dans leur cas,
l’existence d’un peuple indigène, bien identifié comme tel, donc un groupe social
accroché plus à un territoire qu’à une agglomération principale, conduit à admettre qu’il
aurait pu étendre son emprise sur une zone spécifique, relativement étendue. On peut
alors s’interroger sur le rapport existant entre la zone occupée par le peuple à l’époque de
la conquête et le territoire attribué au chef-lieu lors de la mise en place /212/ de
l’organisation provinciale par César ou par Auguste. Si l’on peut s’appuyer sur les données
de la toponymie, le lien entre le village de Pézènes-les-Mines, la ville de Pézenas, et la
rivière Peyne qui les unit en partant des avant-monts pour venir se joindre à l’Hérault, est
un lien très fort. La rivière a fourni la dénomination des deux habitats, établis l’un à la
139
source et l’autre au confluent avec le fleuve dans lequel elle se déversait21. On échappe
difficilement à la conclusion que le secteur occupé par les Piscenae ne pouvait,
originellement, se trouver ailleurs que dans la vallée de l’Hérault. L’autre mention, que
fournit Pline sur ce peuple, conforterait ce point de vue : l’éloge des laines des Piscenae ne
peut se comprendre que si ce peuple était lié à un territoire conséquent22. Il en résulte
toutefois que la zone que l’on pourrait attribuer au peuple des Piscenae à l’époque
protohistorique, est largement couverte par les traces du cadastre B23. Un des axes
majeurs de ce cadastre B, identifié au kardo maximus, serait ainsi tracé au cœur de leur
pays24. Ce peuple n’aurait-il donc pas fait partie des peuples privés de tout ou partie de
leur territoire durant les périodes troublées du Ier s. ? Le territoire dont disposait la cité
que mentionne Pline ne serait-il qu’une minime partie de celui dont disposait le peuple à
l’époque protohistorique ? Les Piscenae auraient pu, avec d’autres dont le nom a disparu,
être victimes des confiscations qui se produisirent à diverses époques de l’histoire de la
Transalpine, notamment celles qui précédèrent la mise en place du cadastre B. Quelle
était donc la relation entre l’espace occupé par le peuple au moment de la conquête de la
Transalpine et le territoire de l’oppidum de droit latin quand celui-ci fut constitué ? La
réponse pourrait être celle d’une rétraction du territoire originel. Autre problème : celui
du chef-lieu de ce peuple dont l’existence politique jusqu’à l’époque des Flaviens ne peut
être récusée. Où placer le cœur politique de cette petite entité organisée dans le cadre de
la vie provinciale ?
10 Il reste encore une autre question à trancher : l’emprise territoriale de ces trois petites
cités de droit latin, telles quelles sont connues par Pline. Malheureusement nous ne
pouvons procéder que de façon régressive et aléatoire car, à un certain moment, elles
perdirent leur autonomie et furent vraisemblablement englobées dans le territoire de
Béziers qui, à la fin du IVe s. et au début du Ve, comme on peut le dégager du contenu de la
140
Notitia Galliarum, était la seule cité occupant cette région de Languedoc 25. Lorsqu’apparut
un peu plus tard l’évêché d’Agde, fut constituée une cité qui amputait le territoire de la
cité de Béziers d’une zone assez vaste dans la vallée inférieure de l’Hérault et sur la rive
gauche du fleuve26. Mais peut-on tenir que le territoire de cette nouvelle entité
administrative reprenait, en les additionnant d’une façon stricte, les territoires des cités
latines de l’époque augustéenne correspondant, chez Pline, à Agatha, Cessero et les Piscenae
? Si nous nous référons à la carte du diocèse médiéval, on constate que l’emprise de ce
territoire est assez large aux abords de la Méditerranée, puis qu’elle se restreint
fortement en rive droite, où Pézenas et Saint-Thibéry se trouvent quasiment sur les
limites du diocèse, alors qu’en rive gauche la zone occupée est plus large27. On n’est pas
très loin de retrouver l’emprise de la ville hellénistique d’Agde, à laquelle se seraient
ajoutées les zones relativement restreintes laissées aux oppida latins d’origine indigène
lorsque fut établi le cadastre B28. Mais il faut bien reconnaître que cette reconstruction,
qui parvient à conclure à un retour approximatif aux limites anciennes, même après la
perte de l’autonomie subie par ces petites unités politiques, présente un caractère
hypothétique.
11 Plus au Nord l’étude de la cité des Lutevani, qui et Foroneronienses, pose apparemment
moins de problèmes. En effet l’on peut admettre une relative fixité des limites de la cité,
dans la mesure où l’existence de celle-ci fut pérenne : la cité de droit latin acquit en effet
le statut de colonie latine à la fin de l’époque julio-claudienne. C’est la colonia Claudia
Luteva, connue par une inscription de Béziers, récemment étudiée par J. Gascou 29. Puis,
comme Lodève est mentionnée dans la Notitia Galliarum, on peut penser qu’elle
traversa,/213/sans que son existence soit remise en question, toute l’époque impériale.
Les limites du diocèse de Lodève devaient, à peu près, correspondre à celles de la cité
antique d’époque augustéenne et impériale30. Du côté du diocèse de Béziers, elles
traçaient une séparation qui partait de la Fontaine des Trois Évêques, suivait la ligne de
l’Escandorgue, puis le cours de la Dourbie jusqu’à son confluent avec l’Hérault. De là, cette
séparation remontait le cours de ce fleuve, jusqu’au confluent du Gassac. Alors
commençait la limite commune du diocèse de Béziers et du diocèse de Montpellier, qui
faisait dépendre du premier une zone de rive gauche de l’Hérault, comme l’a bien établi
par ailleurs M. Clavel31. Faut-il faire remonter cette limite entre Biterrois et Lutevani à
l’époque de César ?
12 Il reste maintenant à définir les limites du territoire de la colonie de Béziers du côté
septentrional. Dans ce secteur se trouvent, de /214/ plus, les limites provinciales, qui
correspondent aussi, à peu près, avec les grandes limites ecclésiastiques, celles-ci
séparant les évêchés placés sous l’autorité de la métropole d’Aquitaine première, à savoir
de ce côté les évêchés d’Albi et de Rodez. Au Moyen Âge l’archevêché de Narbonne et
l’évêché de Béziers constituaient par leurs limites septentrionales la frontière de la
province ecclésiastique, jusqu’à ce que le découpage de l’évêché de Saint-Pons, pris sur le
diocèse de Narbonne, ne vienne lui-même, dans cette région, apporter un élément
nouveau dans la fixation de la limite provinciale32 : désormais c’étaient, de l’Ouest vers
l’Est l’évêché de Saint-Pons, puis l’évêché de Béziers, enfin celui de Lodève, qui séparaient
le Languedoc des évêchés rouergats.
13 Dans l’Antiquité tardive, le peuple limitrophe du côté de l’Aquitaine, la province qui
bordait ici la Narbonnaise, était le peuple des Rutènes dont l’aire d’installation
correspondait au Rouergue actuel. La question qui surgit immédiatement concerne donc
141
les Rutènes dits provinciaux et leur zone d’installation, vieux problème, amplement
débattu.
14 En effet, une partie du peuple rutène fut intégrée, dès l’époque républicaine, dans la
province de Transalpine. Ce fait est antérieur au proconsulat de César, qui distingue
nettement les Ruteni provinciales (César, BG, VII, 7, 3) du restant du peuple, demeuré
indépendant et situé hors de la province. Certainement, les Rutènes avaient été, au IIe s.
av. J.-C., dans la mouvance arverne, comme les Cadurques33. La date du partage du peuple
des Rutènes et du transfert d’une partie d’entre en Transalpine ne peut être placée à
l’époque des campagnes de Q. Fabius Maximus ou de Cn. Domitius Ahenobarbus, comme
le soutenait C. Jullian34. On ne peut, en effet, récuser le texte de César (BG, I, 45, 2), à
propos des suites de la guerre de 121. Il précise que les Arvernes et les Rutènes avaient été
vaincus, mais que le peuple romain ne les avait pas soumis au régime provincial ni soumis
à l’impôt, qui marquait la dépendance35 : bello superatos esse Arvernos et Rutenos ab Q. Fabio
Maximo ; quibus populus Romanus ignovisset neque in provinciam redegisset neque stipendium
imposuisset. Aussi sera-t-on plutôt tenté de faire du rattachement d’une partie de ce
peuple à la Transalpine une mesure imputable à Pompée, dont le rôle dans l’organisation
de la province fut décisif36. Mais on pourrait aussi penser à une mesure légèrement
antérieure, remontant au proconsulat de C. Valerius Flaccus qui, en 81 av. J.-C., triompha
de Celtiberia et Gallia, même si cela demeure moins probable. Quoi qu’il en soit, les deux
dates sont très voisines.
15 Certains ont pensé que ces Rutènes furent tout de suite absorbés par les Tolosates37.
Toutefois cette solution semble exclue en raison de l’émiettement de peuples que donne
César en BG, VII, 7, 1, puisque, dans ce passage, il dissocie nettement ces deux peuples et
qu’il considère les Rutènes comme une entité ethnique et politique autonome dans sa
province de Transalpine, au même titre que les Tolosates eux-mêmes et que les Volques
Arécomiques. De même exclut cette solution de l’absorption par les Tolosates le fait que
les Rutènes apparaissent toujours comme entité politique particulière dans la formula
utilisée par Pline l’Ancien38. Depuis qu’ils avaient été séparés du gros du peuple rutène, les
Rutènes provinciaux ont suivi une existence autonome.
16 Faut-il alors donner à ce peuple séparé, dont on a peu parlé dans nos sources, un
territoire de modestes dimensions ? Ce fut la solution d’E. Griffe et d’autres auteurs 39. Ils
supposent que leur territoire se limitait à une mince bande de terre entre la Montagne
Noire et le Thoré, région correspondant au diocèse de Lavaur, constitué en 1318 au
détriment de l’évêché de Toulouse. D’autres ont tenté de les établir dans l’Albigeois et de
leur attribuer le territoire de la civitas Albigensium connue au Bas-Empire par la Notifia
Galliarum. Mais cette cité de l’Antiquité tardive appartenait à la province d’Aquitaine
première (métropole : Bourges)40. Il faudrait supposer un retour précoce des Rutènes
provinciaux dans le giron ancestral, et une modification des frontières /215/ séparant la
Transalpine, entre-temps devenue Narbonnaise, et l’Aquitaine. C. Jullian estimait que ce
retour s’était produit à l’époque augustéenne41. Mais le texte de Pline l’Ancien, conservant
en Narbonnaise les Ruteni, interdit de penser que ce changement, s’il avait eu lieu, se
serait produit avant l’époque flavienne. D’autres auteurs ont donc estimé que le transfert
aurait eu lieu plus tard42.
17 Il vaut donc mieux admettre que de ce côté occidental, la frontière de la Narbonnaise n’a
pas subi de modification sur la longue durée43, et qu’elle n’aurait pas varié depuis le
moment où la Transalpine fut organisée par Pompée. D’ailleurs le peuple des Rutènes, ici
des Rutènes provinciaux, apparaît comme une entité autonome placée sous l’autorité de
142
Fonteius, dans un autre passage qui se trouve au début du Pro Fonteio. Il apparaît comme
un peuple spolié par ce propréteur et qui aurait rejoint de ce fait les adversaires de ce
dernier. Mais Cicéron s’indignait que l’accusation portée devant le tribunal soit plus
soudeuse de l’aerarium des Rutènes que de l’aerarium du peuple romain 44 : quae est igitur
ista accusatio quae facilius possit Alpes quam paucos aerari gradus ascendere, diligentius
Rutenorum quam populi Romani defendat aerarium, lubentius ignotis quam notis utatur,
alienigenis quam domesticis testibus, planius confirmare crimen lubidine barbarorum quam
nostrorum hominum litteris arbitratur ? Il s’agit peut-être de vectigalia fournis par
l’exploitation des ressources dont ils disposaient. De toute façon, ce peuple, inclus dans la
Transalpine, est présenté comme une entité politique particulière.
18 Si donc le maintien d’un peuple des Rutènes au sein de la Narbonnaise ne fait plus de
doute, quel territoire leur accorder ? Faut-il, comme on l’a toujours estimé, leur octroyer
un territoire de modestes dimensions ? Si l’on estime que les Rutènes dits provinciaux
doivent se placer dans le prolongement vers le Sud de la localisation des Rutènes
d’Aquitaine, l’examen de la carte des peuples gaulois aurait dû conduire de tout temps à
leur attribuer une large bande de terre, allant de la Montagne Noire à l’Aigoual, c’est-à-
dire une région prolongeant vers le Sud tout le pays qu’ils occupaient en Aquitaine. Or,
dans l’Aquitaine augustéenne, ils se trouvaient largement établis, entre les Cabales du
Gévaudan et de la Lozère d’une part, les Cadurques d’autre part.
19 On peut s’étonner que l’on n’ait jamais voulu envisager une localisation relativement
large. Un texte de César (BG, VII, 7, 1-3) pourtant orienterait dans ce sens. Ce passage
s’insère dans le récit de la révolte de 52 av. J.-C., lorsque le Cadurque Luctère essaie, pour
le compte de Vercingétorix, de faire peser la menace d’une diversion sur la Transalpine,
dans la région de Narbonne : Interim Lucterius Cadurcus in Rutenos missus eam civitatem
Arvernis conciliat. Progressas in Nitiobroges et Gabalos ab utrisque obsides accipit et magna coacta
manu in provinciam Narbonem versus eruptionem facere contendit. Qua re nuntiata Caesar
omnibus consiliis antevertendum existimavit, ut Narbonem profisceretur. Eo cum venisset,
timentes confirmat, praesidia in Rutenis provincialibus, Volcis Arecomicis, Tolosatibus circumque
Narbonem, quae loca hostibus erant finitima, constituit.
20 C. Jullian s’étonnait de l’ordre géographique suivi par César dans son énumération :
« César le fait aller d’abord chez les Rutènes puis chez les Nitiobroges et les Gabales. On
attendrait plutôt Gabales (de Gergovie à Javols), Rutènes (à Rodez), Nitiobroges (à Agen) ;
cependant il n’est pas impossible qu’il ait été d’abord chez les Rutènes, puis chez les
Nitiobroges, et qu’il soit revenu ensuite chez les Gabales pour menacer directement
Narbonne par la route de l’Ergue et de l’Hérault45 ». Mais l’ordre d’énumération n’est pas
dû au hasard. Les études sur la perception de l’espace dans le récit césarien montrent que
bon nombre de descriptions militaires ont été faites comme si l’on observait le pays sur
une carte, ordonnée d’après une ligne de pénétration46. À partir du point d’observation ou
du point de départ du mouvement, on observe à droite, à gauche, enfin on revient au
centre du dispositif. César adopte cette démarche quand il décrit la progression des
Cadurques. D’abord il envisage l’axe central, impliquant les Rutènes, puis il s’oriente à
leur droite, enfin/216/à leur gauche. Et dans la description de sa propre stratégie
défensive, il mentionne en premier la partie centrale, faisant face à l’axe de progression
de ses adversaires : c’est ainsi que face aux Rutènes qui attaquent, il évoque la défense
postée chez les Rutènes provinciaux. Puis il passe à sa droite et à sa gauche. Enfin il
revient sur l’axe central en évoquant alors l’objectif majeur de l’ennemi, le point fort de la
présence romaine dans la région, le pays autour de Narbonne. Ainsi, lorsqu’il décrit le
143
dispositif de défense, il adopte une démarche qui, à notre avis, est rigoureusement
inspirée des mêmes principes. En effet, la mention des Volques Arécomiques et des
Tolosates répond, dans une symétrie inverse, à celle des Gabales et des Nitiobroges. C’est
pourquoi la mention initiale des Rutènes provinciaux se rapporte à l’élément avancé, au
centre du dispositif défensif, tandis que « les environs de Narbonne » doivent être
considérés comme l’élément arrière sur l’axe majeur de la défensive romaine, le cœur de
l’ensemble du dispositif. Les deux descriptions se répondent : l’espace stratégique, qui
supporte la relation avec l’ennemi, est ordonné de façon stricte et rationnelle. César a
présenté le problème militaire avec la rigueur du stratège, habitué à lire des cartes et à
abstraire les réalités du terrain. On doit nécessairement en déduire que la place qui est
faite sur la carte et sur le terrain aux Rutènes provinciaux suppose qu’ils couvrent une
part importante de la frontière provinciale, et qu’il est impossible dans ces conditions de
ne leur attribuer qu’une zone limitée en superficie. Les Rutènes sont donc à rechercher
au-delà des environs premiers de Narbonne, entre cette zone et la limite de la Transalpine
d’une part, entre les Tolosates et les Arécomiques d’autre part.
21 On est donc conduit à se demander si ce peuple ne doit pas être établi dans la partie nord
occidentale du département de l’Hérault, dans une région correspondant au bassin du
Jaur et à la partie supérieure du bassin de l’Orb, par où passait une route permettant de
relier le plateau des Grands Causses au littoral. Faut-il ajouter à leur emprise le Lodévois,
par où passait une autre grande voie de communication, et faire déborder leur influence
au-delà de l’Escandorgue ? Si les Rutènes provinciaux contrôlaient toutes les grandes
routes de direction méridienne, ce serait le cas. Mais qu’en sait-on exactement ? À tout le
moins, après les remaniements césariens ou triumviraux, l’emplacement correspondant
au peuple mentionné par Pline le Naturaliste doit être situé à notre avis dans le sillon
constitué par l’Orb et le Jaur, c’est-à-dire dans une région partagée à l’époque tardive
entre le nord de l’évêché de Narbonne, plus tard devenu l’évêché de Saint-Pons, et le nord
de l’évêché de Béziers47. La frontière entre les Rutènes provinciaux et la colonie de Béziers
se trouverait ainsi sur la ligne des avant-monts, au-dessus de Roquebrun, Faugères et
Cabrières, dans une zone au pied de laquelle viennent s’éteindre les dernières traces de
l’extension du cadastre B48.
22 En faveur de cette localisation on se référera à la découverte de tessères de plomb portant
les abréviations S R, SOC ROT, provenant du site de Lascours, dans la haute vallée de l’Orb.
On les a développées en S(ocietas) R(utenorum) et en Soc(ietas) Rot(enorum) = Rut(enorum) 49.
C’est aussi dans cette région de la haute vallée de l’Orb que fut trouvée une des
inscriptions les plus anciennes de la province, montrant de plus les liens établis entre la
mise en valeur de ce secteur et la colonie de Narbonne50. On se trouve incontestablement
dans un secteur très attractif, pour lequel se manifesta très tôt l’intérêt des négociants
italiens51.
23 On peut à présent reconstituer de la sorte l’environnement de la cité de Béziers, tel qu’il
apparaît entre l’époque augustéenne et l’époque des Flaviens au moins. Dans sa partie
septentrionale la colonie était limitée par deux cités de droit latin, où l’emportait une
population indigène : la cité des Rutènes et la cité de Lodève, devenue colonia Claudia. Dans
la partie orientale, l’ensemble des trois cités latines d’Agde, de Cessero et des Piscenae,
constituait un autre conglomérat de cités de droit latin qui isolait de la Méditerranée les
parties du territoire qui se trouvaient de part et d’autre des rives de l’Hérault. /217/
24 Dans la province de Narbonnaise Première, au Ve s., le paysage avait profondément
changé puisque ne subsistait des cités latines que Lodève. Agde, Cessero et les Piscenae
144
avaient disparu. Ces cités avaient été englobées dans le territoire de la cité voisine. Les
Rutènes avaient aussi disparu, peut-être partagés entre les deux grandes cités des bords
de la Méditerranée, Béziers et Narbonne. Un peu plus tard, toutefois, la reconstitution de
deux évêchés côtiers, celui de Maguelone et celui d’Agde, amputa la partie occidentale de
la cité de Nîmes et la partie orientale de la cité de Béziers. Peut-on dire que le territoire
du diocèse d’Agde, qui englobait le bourg de Cessero et celui de Pézenas, reprenait les
territoires additionnés des anciennes cités latines ? En partie ou intégralement ? La
question demeure en suspens. Plus tard, au cœur du Moyen Âge, le découpage de l’évêché
de Saint-Pons dans celui de Narbonne ne permit pas de reconstituer l’unité de la cité des
Rutènes. Le territoire de l’évêché de Béziers, peut-être rongé à l’Ouest par les ambitions
du puissant archevêché voisin, conserva une maigre compensation dans les hautes terres
de la vallée supérieure de l’Orb52.
25 Ces observations font ainsi apparaître en négatif le territoire colonial fixé dans les années
difficiles de l’époque triumvirale. Alors que Narbonne avait reçu, à l’époque de César, une
nouvelle déduction par l’intermédiaire des vétérans de la dixième légion, les Decumani, un
peu plus tard les vétérans de la septième légion vinrent s’ajouter à eux, mais dans un
territoire voisin. On peut admettre que le territoire colonial de Narbonne, celui qui
remontait à la fondation de la colonie, avait été réoccupé à l’époque césarienne et avait
ainsi trouvé la physionomie d’un territoire rétabli, dont l’occupation par de nouveaux
venus avait été renforcée. Pouvait-on, quelques années après cette œuvre de refondation,
remanier le territoire de Narbonne par les empiétements liés à la fondation d’une
nouvelle colonie ?
26 Mais en installant un groupe de vétérans légionnaires issus de la septième légion sur
l’emplacement d’une grande agglomération indigène, peut-être dotée depuis peu du droit
latin par César, et dans laquelle pouvaient déjà habiter des groupes d’origine italienne,
afin de donner naissance à une nouvelle colonie romaine, Octavien modifiait nettement
l’environnement de la colonie de Narbonne.
27 Désormais, autour de la ville de Béziers, devenue chef-lieu, se trouvaient, comme à
Orange, les terres des vétérans et de leurs familles. On avait constitué un territoire
colonial. Il reste à préciser comment s’effectua ce passage qui avait pour effet d’attribuer,
par l’assignation, des terres aux membres du corps civique fondateur. Celui-ci pouvait
amalgamer des groupes divers. Quelle était l’importance des vétérans de la septième
légion ? Qu’advint-il des indigènes, dont une partie avait pu recevoir le droit de cité
romaine, et des éléments italiens déjà établis dans le territoire concerné ? Ces deux
dernières catégories pouvaient difficilement être mises hors jeu des procédures de
fondation. En particulier, les Italiens avaient pris en mains l’exploitation de l’ager publicus,
si l’on admet que la zone correspondant à l’extension du cadastre B s’était trouvée mise
en exploitation suivant des conditions nouvelles, tant juridiques qu’économiques. On a
depuis longtemps constaté l’aménagement précoce du Biterrois. Quant aux modes
d’utilisation, le témoignage du Pro Fonteio fait penser à la prédominance du régime de l’
occupatio par des exploitants (possessores). Une appropriation par le biais de distributions
viritanes, qui auraient eu pour effet de distraire des terres de l’ager publicus, pourrait
même être envisagée, sans qu’elle puisse être envisagée comme la situation dominante53.
Or, lors de la création d’une colonie, une bonne partie des terres du territoire étaient
retirées de l’ager publicus et devenaient des propriétés privées par suite de leur
assignation, ce qui supposait des opérations appelées par les sources anciennes limitatio,
divisio, sortitio, adsignatio54. On trouvait peut-être aussi, comme à Orange, des terres qui
145
n’avaient pas été distribuées et que le fondateur avait données à la communauté elle-
même, mettant ainsi une partie de l’ager publicus à la disposition commune des/218/
vétérans55. Même si la situation que révèlent les inscriptions liées aux documents
cadastraux d’Orange pourrait être considérée comme spécifique de cette colonie, la
proximité des dates de fondation de Béziers et d’Orange (36 et 35 av. J.-C.) pourrait aussi
servir d’argument pour envisager un parallélisme étroit dans les choix ou les solutions
retenues, dans l’un et l’autre cas, par les organisateurs. Ils agissaient à l’initiative
d’Octavien, et devaient faire face aux mêmes problèmes sociaux et politiques : la demande
de terres et de ressources par les soldats56.
28 Il semble difficile d’admettre que les terres assignées aux vétérans de la septième légion
soient venues empiéter sur le territoire colonial voisin, qui aurait été ainsi au moins
partiellement amputé. On estimera plutôt que le territoire colonial de Béziers devait se
juxtaposer au territoire colonial de Narbonne. Aucune zone de confins n’apparaissant
nettement dans le contexte naturel de cette région du Languedoc, c’est en procédant à
une amputation dans l’hinterland foncier narbonnais, celui qui s’était constitué
postérieurement à la fondation de la colonie, que fut taillé le territoire assigné aux
nouveaux maîtres du sol. Les terres qui furent assignées, et qui devenaient ainsi, comme
l’indiquent les cadastres B et C d’Orange, des terres ex tributatio (solo), c’est-à-dire des
terres retirées de l’ager publicus populi Romani, ne peuvent provenir que d’une zone se
prêtant à un transfert du même genre. On doit observer que le territoire de la colonie
romaine de Béziers recouvre, pour une grande part, les terres appartenant au cadastre B.
Celles-ci n'étaient-elles pas plutôt, au moment de la fondation, une partie de l’ager
publicus provincial, ayant précédemment fait l’objet de procédures diverses
d’adjudication, établissant les adjudicataires-exploitants en possesseurs ou en
percepteurs de revenus57 ? Dans ce cadre, les relations avec les peuples indigènes, pour ce
qui est du droit d’utilisation du sol et de son exploitation, avaient été réglées lors de la
conquête ou par la suite, au gré de leurs relations avec le pouvoir dominant, quand ils
avaient été dépouillés de tout ou partie de leurs terres. Les relations avec les populations
de l’époque protohistorique n’étaient plus, vers 36 av. J.-C., une question prédominante,
puisque le sort des terres avait été une première fois fixé, dans ce secteur, au moment de
Pompée et de Fonteius au plus tard. C’est plutôt aux exploitants de l’ager publicus, qui
avaient pris depuis un certain temps la possession de ces terres et les avaient exploitées
avec des méthodes inspirées de l’agriculture italienne, que les nouveaux venus, vétérans
de la septième légion, furent confrontés. Mais ils étaient soutenus par la volonté du
pouvoir politique dominant. Et celui-ci, de plus, disposait de quelques espaces agraires
supplémentaires dans la plaine littorale58.
29 En somme, l’examen d’ensemble des cités et de leurs territoires autour de Béziers fait
apparaître l’importance des périodes hautes de l’histoire de la Transalpine. L’époque
césaro-triumvirale est décisive pour ce qui concerne l’organisation politique des peuples
indigènes de la région, suivant les principes de l’application du droit latin : c’est avec
l’organisation des diverses communautés provinciales que leurs territoires commencent à
prendre une forme définitive. En une génération, de César à la première décennie du
principat, les espaces politiques qui déterminèrent la vie des peuples provinciaux
reçurent une configuration durable. Le réseau des oppida latina préservait, dans la région
que nous venons d’envisager, les structures de quelques peuples indigènes, et leur
donnait un nouveau cadre de développement59. On peut dire, à leur propos, qu’une
nouvelle phase de leur histoire commençait.
146
30 En revanche, s’il en est de même, selon toute apparence, pour le territoire colonial qu’ils
délimitent en creux en l’enserrant, celui-ci avait incontestablement traversé, pendant le
demi-siècle qui précédait, une phase importante de son histoire. C’est précisément cette
partie de la Transalpine, prise en mains en profondeur après la fondation de Narbonne, et
qui apparaissait dès lors comme le prolongement de cette colonie, qui subit une nouvelle
évolution. Mais celle-ci concernait plus les occupants et exploitants d’origine italique que
/219/ les populations indigènes elles-mêmes. Si l’on peut donc caractériser, dans cette
perspective, le territoire précolonial de Béziers, c’était, dans le prolongement de celui de
Narbonne, une zone où s’étaient déjà bien enracinées les influences extérieures au
détriment de la société indigène et de ses modes de vie. La fondation de la colonie ne
pouvait qu’accentuer les caractères généraux de l’évolution économique et sociale. À ce
moment-là, durant l’époque triumvirale, les processus d’appropriation et d’exploitation
foncière avaient depuis un certain temps profondément bouleversé les structures
économiques et sociales de cette partie de la province. La fondation de la colonie venait
parachever les effets de l’emprise italienne sur un espace déjà profondément transformé
par l’exploitation de l’ager publicus. En effet, à l’intérieur du territoire concerné, elle se
produisait dans un contexte spécifique, moins celui d’une qualification comme ager
publicus par le droit de conquête, que celui d’une politique d’exploitation qui s’était déjà
traduite par d’amples modifications de la condition juridique du sol et des formes de sa
mise en valeur60.
NOTES
1. Christol 1994 a, développant des vues déjà présentées dans Christol 1992 f, p. 40-41. Voir aussi
en général Chastagnol 1997. L’étude du cadre géographique s’appuie aussi sur les mises au point
de Clavel 1970, p. 203-204 et p. 212-226.
2. C’est le moment du voyage d’Auguste en Occident avec une étape importante à Narbonne (Liv.,
Per., 134 ; Dion 53, 22) : Halfmann 1986, p. 157. Sur l’importance de ce voyage dans la vie
provinciale Demougeot 1968, p. 48-53. Sur la date de rédaction de la formula provinciae, utilisée
par Pline, Christol 1988 a, p. 90-99, et à propos de l’originalité du travail de Pline sur ce point
Christol 1994 a, p. 45-52 [chapitre 6].
3. Sur les modalités de rédaction du document utilisé par Pline : Christol 1994 a, p. 53-56
[chapitre 6] ; voir aussi, à propos de la place de Béziers, Christol 1995 b, p. 102-104 [chapitre 7]. Ce
point de vue s’accorde avec les propositions d’A. Chastagnol sur le développement des colonies
de droit romain : Chastagnol 1997, p. 55, p. 61 62.
4. Comme l'estimait déjà Pallu de Lessert, BSNAF 1916, p. 286 ; voir aussi Chastagnol 1987, p. 6 (=
Chastagnol 1995, p. 94).
5. Sur Nîmes et les Volques Arécomiques, Christol 1988 a ; sur l’ensemble des oppida ignobilia,
Christol 1994 a, p. 58-62 [chapitre 6]. Voir aussi n. suiv.
6. Il est difficile de ne pas considérer, à la lumière de la phrase de Pline, qui pour nous est une
glose du personnage sur la documentation dont il disposait, que dans le passage oppida vero
ignobilia XIX sicut XXIV Nemausensibus attributa, la qualité d’oppida ignobilia soit refusée aux oppida
nîmois, comme le voudrait Le Roux 1992, p. 193-194.
147
7. L'articulation des diverses sources de Pline a été, en dernier, examinée par Christol 1994 a,
p. 48-51 [chapitre 6].
8. On abordera cette question en tenant compte des observations de Py 1990, I, 218-221,
p. 236-239, p. 244-246.
9. Strabon, Geogr., IV, 1, 12.
10. Lasserre 1966, p. 9-11, p. 110-112. Sur les thèmes développés par l’auteur, Clavel-Lévêque 1974
(= Clavel-Lévêque 1989, p. 285-306) ; Thollard 1987.
11. Pour la fondation de la colonie de Nîmes (COL NEM), le texte de Suétone, Tib., 4, ne peut-être
négligé : Goudineau 1986, p. 173 ; Christol 1988 a, p. 90-93. Autre proposition de datation,
Chastagnol 1987, p. 5-6 et p. 20 (= Chastagnol 1995, p. 93-93 et p. 108).
12. Pour la mise en évidence de cet apport de l’onomastique Christol 1992 g, p. 191, puis Christol
1993 a, p. 284-285, p. 287. Critiques artificielles de Le Roux 1992, p. 197, n. 112. L’epigraphie de la
cité de Nîmes apporte beaucoup à la connaissance du vécu du droit latin : Christol 1989 b
[chapitre 9] ; Chastagnol 1990 (= Chastagnol 1995, p. 51 71) ; Chastagnol 1995 a.
13. Laffranque 1964, p. 65-67, apporte des arguments pour placer ce voyage à l’intérieur d’une
période s’étendant de 101 à 91 av. J.-C., pour ses diverses étapes et ses développements ; Duval
1971, I, p. 242-246. Voir aussi Lasserre 1966, p. 106-108.
14. Untermann 1992, particulièrement p. 21, p. 23-24, p. 26-27.
15. AE 1969-1970, 383 : Canavae Divecilli f(iliae) ; voir Nony 1977. Autre Divecillus à Lattes ;
Demougeot 1972, p. 95, no 23 (AE 1972, 327).
16. RE, XX, 2 (1950), col. 1775 (Goessler). D’un avis différent, en suivant les indications du
géographe Ptolémée, Clavel 1970, p. 130-138. Mais cet auteur rappelle (p. 134) que, selon Jullian
1921, IV, p. 33, n. 6, les habitants de Béziers seraient des Arécomiques. En revanche, dans la
même encyclopédie, l’auteur de la notice sur Cessero (voir n. 19) place ce lieu chez les Tectosages.
17. Un texte fondamental : Cic., Pro Fonteio, V, 12-13. Voir Clavel-Lévêque 1988 (= Clavel-Lévêque
1989, p. 213-254). Sur les réalités archéologiques de la zone concernée, Mauné 1996.
18. Chastagnol 1992, p. 20, p. 25-29. À propos d’Agde, avis différent de Clavel 1970, p. 203-204.
19. RE, III, 2 (1899), col. 1994-1995 (Ihm) ; Clavel 1970, p. 121-123, p. 203, p. 421-422.
20. Peut-on tenir compte, afin de préciser les limites entre la petite cité latine de Cessero et la
colonie romaine, de l’emplacement de la borne milliaire, élevée lors des réparations réalisées sur
ordre de Tibère, en 31-32 ap. J.-C. : CIL XII, 5665 = HGL XV, 1511= CIL XVII, 2, 286. Elle fut retrouvée
en 1866 à proximité de la voie Domitienne, à 4 km du village de Montblanc et à 3 km du village de
Saint-Thibéry, où l’on place Cessero antique. N’aurait-elle pas pu marquer le passage d’un
territoire de cité à l’autre ?
21. Michel 1960 ; Hamlin 1983, p. 281, p. 285.
22. Pline, NH, VIII, 73 : similis circa Piscenas provinciae Narbonensis...
23. Clavel-Lévêque 1989, p. 236-239. Voir ci-dessus n. 17.
24. Clavel-Lévêque 1995, p. 36, fig. 27.
25. Sur ce document Rivet 1976 ; Harries 1978 ; Chastagnol 1997, p. 64-65.
26. La constitution de l’évêché d’Agde se place dans la seconde moitié du Ve s. ap.).-C. : Dupont
1942, p. 155-156. Mais la date demeure conjecturale : M. Chalon dans Cholvy 1976, p. 14-15.
27. Carte dans Castaldo 1970, p. 190-191.
28. Clavel-Lévêque 1982 ; sur les limites du cadastre B dans ce secteur, Clavel-Lévêque 1995, p. 44
et fig. 30.
29. CIL XII, 4247 = HGL XV, 1527 ; Christol 1975 a ( AE 1977, 532). Pour l’interprétation de
l’inscription, on suivra désormais Gascou 1995 a ; voir aussi Gascou 1997, p. 86 n. 70.
30. Appolis 1934 ; Appolis 1938.
31. Clavel 1970, p. 220, p. 225, p. 228, p. 230.
32. Gayraud 1971 ; Gayraud 1981, p. 324-326. Sur les circonstances de la création de ce diocèse et
sur ses limites Appolis 1939. Mais il n’est pas assuré que ces limites reprennent, notamment dans
148
la partie méridionale qui déborde nettement de la montagne vers la plaine de l’Aude, les limites
anciennes entre la colonie de Narbonne et la cité des Rutènes provinciaux : Christol 1995 c,
p. 335-336.
33. Labrousse 1968, p. 203.
34. Jullian 1923, III, p. 23-24.
35. Albenque 1948, p. 76-77. Le contexte général est présenté par Clavel 1970, p. 146-151.
36. Ebel 1976, p. 97-102 ; Goudineau 1978, p. 692. Pour ce qui concerne particulièrement les
Rutènes provinciaux, Albenque 1948, p. 79-94 ; Labrousse 1968, p. 203-204 avec n. 636-638 ; enfin
Roman 1983, p. 65-66, qui semble suivre Labrousse. Dans le même sens Clemente 1974, p. 108-109,
qui, tout en conservant la même date, insiste sur le rôle de Fonteius.
37. Labrousse 1968, p. 205-206, suivi par Roman 1983, p. 65-66.
38. Pline, NH, III, 37.
39. Griffe 1954 ; voir aussi Labrousse et Roman, cités n. 36, ainsi que Gayraud 1981, p. 173 n. 39,
p. 327 n. 56.
40. Jullian 1923, III, p. 23 n. 1 : mais la preuve absolue manque ; Albenque 1948, p. 74-75. Cette
hypothèse sur la localisation des Rutènes a été reprise récemment : Étienne 1962, p. 97, carte 12 ;
Chevallier 1975, p. 720, carte dépliant ; Laubenheimer 1985, p. 191-193, à propos de la localisation
de l’atelier de Montans. Au Bas-Empire les Rutènes d’Aquitaine ont été subdivisés en deux cités,
celle de Rodez et celle d’Albi. Chez les Voconces, de même, il y eut répartition du peuple entre
deux cités. On ne peut donc pas arguer de cette nouvelle situation administrative pour soutenir
que la cité d’Albi correspondrait au territoire des anciens Rutènes provinciaux.
41. Jullian 1921, IV, p. 69 n. 3.
42. C’est l’avis d’Albenque 1948, p. 85.
43. L’hypothèse de C. Jullian a été réfutée par Griffe (ci-dessus n. 39), d’où Labrousse 1968, p. 203
et p. 328.
44. Cic., Pro Fonteio, III, 4.
45. Jullian 1923, III, p. 428 n. 1. Pour le contexte, Goudineau 1996, p. 201-211, ainsi que Gayraud
1981, p. 174-175.
46. Rambaud 1974. On trouve une présentation semblable chez Florus, I, 37, 2 (omni igitur tractu
violentius hostis a dextris atque a laevis et a medio septentrionis erupit), que P. Jal (éd. CUF, Paris, 1967,
I, p. XVIII-XIX) commente ainsi : « il regarde une carte ».
47. Voir les travaux de M. Gayraud, mentionnés à la n. 32.
48. Clavel-Lévêque 1989, p. 266-267 ; Clavel-Lévêque 1995, p. 43-45 et fig. 30.
49. Barruol 1982. Plus généralement Gourdiole 1977. On ajoutera à cette documentation les
observations de Soutou 1974 : la répartition des toponymes en –dubrum et celle des toponymes en
–O-ialos (-uejouls) montre que ceux-ci débordent au sud de la ligne de partage des eaux entre
l’Océan et la Méditerranée, notamment dans le bassin supérieur de l’Orb, mais aussi dans le
Lodévois. Selon cet auteur les Rutènes auraient débordé de leurs terres vers le Sud. En somme, à
l’époque de Pompée, leur mainmise sur ces terres serait récente. Voir aussi sur la zone minière
Clavel-Lévêque 1989, p. 237-240.
50. C’est de cette région que provient une des inscriptions latines les plus anciennes : Christol
1986 a (AE 1986, 470).
51. Tchernia 1986, p. 90-93. Cela ne suffit pas pour annexer le Saint-Ponais au territoire de
Narbonne, comme le voudrait Gayraud 1981, p. 322.
52. Clavel 1970, p. 215-218, p. 229.
53. Clavel-Lévêque 1984 (= Clavel-Lévêque 1989, p. 255-282) ; Clavel-Lévêque 1989, p. 221-227,
p. 233-235, p. 253.
54. Sur les procédures d’attribution des terres, en dernier Moatti 1993, p. 14-30.
55. Piganiol 1962, p. 57-60.
56. Gabba 1951 b (= Gabba 1973, p. 95-143).
149
57. Il est difficile de déterminer, comme on l’a déjà dit plus haut, s’il y eut des ventes
questoriennes ou s’il y eut des distributions viritanes.
58. Le cadastre C de Béziers correspond à un élargissement de l’emprise cadastrale : Clavel-
Lévêque 1989, p. 267-271.
59. C’est dans ce cadre que peut-être il faudrait, comme à Orange, envisager éventuellement
l’hypothèse de restitution de terres (reddita).
60. Luzzatto 1974, p. 20, p. 25-26, p. 53.
NOTES DE FIN
*. Cité et territoire, II (IIe colloque européen, Béziers, 24-25 octobre 1997), Paris, 1998, p. 209-222.
150
Introduction
1 La question du droit latin innerve largement toute réflexion sur l’histoire provinciale, à
partir de l’époque de César, en plaçant la Transalpine, puis la Narbonnaise, dans un
continuum institutionnel relatif à l’expansion du droit de cité romaine et aux processus
qui en permirent la réalisation. Il se marque dans la péninsule Italique où, à l’Italie
proprement dite, s’ajoutent la Cispadane et la Transpadane, d’abord lors du règlement de
la guerre sociale, puis lors de l’époque césarienne. Avec un décalage temporel et une
gradation institutionnelle, la Transalpine suit la même évolution, avec des
caractéristiques propres, liées aussi au rythme de la colonisation, romaine et latine.
L’époque césarienne, si l’on suit le raisonnement qui a été développé par Chr. Goudineau
et que nous avons repris en sa compagnie (Christol 1988 a), constituerait une étape
importante à cet égard, puisqu’elle aurait été celle de l’octroi du droit latin aux
communautés indigènes, caractérisées comme oppida latina, selon les indications
provenant de sources administratives antiques transmises par l’oeuvre de Pline l’Ancien
(Christol 1994 a ; chapitre 6).
2 Pour d’autres raisons le sujet ne pouvait être esquivé. La découverte de la lex Irnitana a
relancé les débats sur le contenu des lois municipales organisant des communautés de
droit latin dans la péninsule Ibérique. À côté, le développement du programme ILN
(Inscriptions latines de Narbonnaise), engagé à Aix-en-Provence au centre Camille-Jullian par
J. Gascou et M. Janon, conduisait à reprendre le matériau épigraphique et à lui poser des
questions en rapport avec les structures juridiques et sociales des cités provinciales : que
pouvons-nous savoir par les inscriptions des effets concrets de dispositions normatives ?
Comment pouvons-nous remonter des indications répétées qui se constatent dans le texte
d’épitaphes au substrat normatif qui les précéderait et les éclairerait ?
3 L’attention portée au corpus des inscriptions latines de la grande cité de Nîmes avait aussi
pour conséquence l’obligation de s’interroger sur le contenu de deux textes
fondamentaux pour la connaissance du droit latin en Narbonnaise (Strabon, Geogr., IV, 1,
12, qui concerne spécifiquement la cité de Nîmes ; Pline, NH, III, 31-37, qui concerne certes
la cité de Nîmes, mais qui a une portée plus générale car il ne parle de cette cité que dans
un propos étendu à l’ensemble de la province). Le travail épigraphique conduisait à
affronter une documentation qui par son ampleur offrait un intérêt documentaire réel,
sinon inestimable. Cette importance quantitative a toujours soutenu la conviction qu’il
était possible de découvrir dans le dossier nîmois bien plus qu’ailleurs, et qu’il fallait
152
NOTE DE L’ÉDITEUR
Le texte de ce chapitre est la version plus détaillée d'une communication présentée à
Pampelune en 1987 (Christol 1989 a). Sous plusieurs aspects il doit être rapproché des
chapitres 5 et 6 (Christol 1999 d et 1994 a), puis du chapitre 16 (Christol 1992 g). Il
convient d'apporter des retouches au texte publié et repris pour l’essentiel. Nous avons
supprimé ce qui concerne T. Craxxius Severinus : ce personnage, connu par CIL XII, 2754,
était considéré comme un chevalier romain : Burnand 1974, p. 67-68, et Burnand 1975 a,
p. 782-787. La révision de l’inscription le concernant a abouti à une autre lecture, qui en
fait le magister d'un collège artisanal : Christol 1999 k, p. 129-130 (avec fig. 8), d'où AE
1999, 1032. Il ne figure plus en conséquence dans l’ouvrage de Burnand 2005-2007, qui
correspond à la publication de la thèse de 1985. L'inscription de Q(uintus) Caranto Endami f
(ilius), considérée comme inédite (n. 39) a été publiée par la suite : Christol 1992 a,
p. 21-26, d’où AE 1995, 1066. La compréhension de l'inscription de Murviel-lès-
Montpellier, relative aux édiles Sex(tus) Vetto et C(aius) Pedo, a nécessité une retractatio :
Christol 2002 a, p. 429-433. On peut considérer que Vetto et Pedo sont d’authentiques
gentilices. Il convient donc de retirer ces exemples. Quant au contexte institutionnel de
cette agglomération, que l'on peut considérer désormais comme un oppidum latinum, il est
à présent éclairé par les résultats des fouilles de P. Thollard.
propos de Nîmes et des Volques Arécomiques, les mécanismes et les effets du ius latii 3.
Mais toutes les cités de Narbonnaise ne ressortissaient pas à ce type d’organisation
municipale. D’un statut supérieur et organisées d’une façon différente étaient les colonies
de droit romain, que Pline, comme il est de règle, mentionne en tête quand il énumère les
communautés politiques sises à l’intérieur des terres. Par ailleurs, nous connaissons mal
le système d’intégration des peuples, dont le nombre est sans aucun doute nettement
supérieur à celui des oppida latina 4. Quoi qu’il en soit c’est le droit latin, appliqué dans le
cadre des oppida latina, qui constitue l’originalité de l’organisation politique et
institutionnelle de la province. On doit même envisager que ce trait caractéristique
résulte d’une mesure générale. Avec d’autres facteurs non négligeables, comme la
diffusion du droit de cité romaine par le jeu des patronages ou par les bienfaits de la
naturalisation ob virtutem5. ce privilège juridique est à la source de l’intégration des élites
provinciales dans le cadre de vie du togatus 6. On ne peut l’ignorer si l’on veut comprendre
l’éloge de la province par Pline l’Ancien7 : agrorum cultu, virorum morumque dignatione,
amplitudine opum nulli provinciarum postferenda breviterque Italia verius quam provincia.
2 Cette organisation des communautés provinciales remonte à César très
vraisemblablement8, mais elle reçut par la suite plusieurs aménagements que le document
utilisé par Pline le Naturaliste enregistre peut-être plus soigneusement qu’on ne le pense.
3 L’un d’eux concerne la fondation des colonies de droit romain par déduction de vétérans.
Celles-ci sont pour beaucoup postérieures à la mort de César, donc de l’organisation
provinciale fondée sur l’établissement d’un réseau d’oppida latina9. On peut admettre que
lorsqu’elles furent établies sur des sites déjà importants, ce fait entraîna la suppression de
l’organisation politique préexistante, c’est-à-dire la suppression d’un nom dans la série
des oppida latina, et l’insertion d’un nouveau nom dans la série des colonies de droit
romain par adjonction (adiectio en latin) à la suite. Il est donc vraisemblable d’admettre
que la liste des colonies de droit romain se développa suivant l’ordre chronologique des
fondations, et que sous cette forme elle passa de la source de Pline dans le texte rédigé
par cet auteur. À notre avis, la liste des colonies romaines in mediterraneo se déroule à la
différence de celle concernant les oppida latina, en ordre chronologique et non en ordre
alphabétique10.
4 En effet, si la mesure de César était générale parce qu’elle embrassait les communautés
provinciales, la liste des oppida latina qui en résulta était close : il y avait peu de chances
pour qu’elle s’augmentât par subdivision d’une communauté, tandis qu’elle dut plutôt se
réduire par suite de suppressions, comme nous le verrons plus loin11. En revanche, les
possibilités d’accès au solidum civitatis Romanae beneficium 12 faisaient que la liste des
colonies romaines était ouverte. C’est ce qui explique par exemple le transfert de Valence,
puis de Vienne, d’une catégorie à l’autre : ces colonies de droit romain créées par
promotion d’une cité dotée du droit latin et non par déduction de vétérans13,
augmentèrent l’une après l’autre d’une unité la liste des cités du rang supérieur. Il en
avait peut-être été de même plus tôt, quand la déduction de vétérans de la septième
légion recouvrit à Béziers une ville indigène importante, dont on peut difficilement
admettre qu’elle ait été laissée à l’écart de l’organisation césarienne. /88/
5 L’autre source d’évolution de la liste des oppida latina peut-être caractérisée par l’analyse
des aménagements qui affectèrent la cité de Nîmes. L’oppidum de droit latin, au coeur du
pays des Volques Arécomiques, reçut, avant la fin de l’époque césarienne, un lot de colons
donnant naissance à la colonia Nemausensium, connue par le monnayage qui précède les
frappes au crocodile14. C’était une colonie latine, comme Vienne, fondée vers le même
156
moment, du moins dans son premier état qui fut éphémère. On doit verser toutes ces
mesures au compte de Tib. Claudius Nero qui, selon Suétone, Tib., 4, 2, ad deducendas in
Gallium colonias in quis Narbo et Arelate erant missus est. Peu importe pour notre propos que
la déduction ait été surimposée à un oppidum latinum de population indigène, ou établie à
part. Par la suite, à une date qui coïncide peut-être avec le don de l’enceinte, en 16-15 av.
J.-C.15, la colonie reçut les bourgs du pays volque arécomique, qui lui furent attribués.
6 Ces oppida, qualifiés par Pline d’ignobilia, au nombre de vingt-quatre et comparables, selon
cet auteur, aux dix-neuf autres auprès desquels il les range, ne sont pas seulement des
oppida qui ne méritent pas d’être cités. Ils existaient dans la source plinienne puisque cet
auteur peut les comptabiliser exactement. Mais ils n’avaient plus au moment où il écrivait
une quelconque autonomie. On peut même ajouter que l’indication de la réduction de leur
statut se trouvait vraisemblablement dans la source utilisée, puisque Strabon aussi établit
bien leur dépendance, politique et financière, par rapport au chef-lieu de la cité. Mais ce
dernier précise également que leurs ressortissants disposaient pleinement du droit latin
et pouvaient profiter des mécanismes d’assimilation qu’il comportait. Pour concilier Pline
et Strabon, et surtout pour éclairer le plus largement le texte de ce dernier, on adoptera
une solution après avoir présenté deux hypothèses possibles et alternatives :
1. Ou bien Auguste accorda aux ressortissants des bourgs le bénéfice du droit latin en laissant
subsister l’attribution financière, décidée antérieurement, qui devait être pesante. Il
faudrait alors rapprocher la situation de ces communautés de celle qui fut faite aux Carni et
aux Catali 16. attribués par Auguste à la colonie de Tergeste : sous Antonin le Pieux, leurs
notables purent briguer les magistratures dans la colonie romaine voisine et obtenir le droit
de cité romaine après leur élection17. Mais subsistait quand même dans ce cas une dualité de
statut, ce qui n’est pas le cas à Nîmes. Que cette hypothèse soit à retenir ou non importe peu.
Compte bien plus la nécessité d’envisager, tant pour formuler cette hypothèse que la
suivante, un processus ordonné dans le temps en plusieurs étapes 18, dont les sources ne
fourniraient que le résultat.
2. Ou bien Auguste attribue les vingt-quatre oppida à la colonie latine et, s’il les déclasse en les
privant de leur autonomie politique et en leur imposant une sujétion financière, il laisse
toutefois à leurs ressortissants, devenus désormais nîmois, le privilège fondamental du droit
latin qu’ils détenaient auparavant. Mais son profit devenait désormais moins aisément
accessible car la rétraction du nombre des unités politiques était considérable. Cette
solution semble plus vraisemblable que la précédente. Elle s’accorde bien avec la volonté de
susciter l’apparition et le développement de grandes villes : chez Auguste elle est très
manifeste à l’époque de son grand voyage de ces années-là. Elle s’accorde aussi avec son
souci de réorganiser la vie politique des provinces19. Elle s’accorde enfin avec les
enseignements de Dion Cassius sur les décisions prises lors de son voyage de 16-13 av. J.-C. 20.
Aussi proposerons-nous de comprendre ainsi l’expression oppida ignobilia appliquée aux
communautés de Narbonnaise : ces oppida sont des collectivités qui ne méritent pas d’être
citées. Mais le terme d’oppida rappelle qu’elles auraient pu l’être à un certain moment du
passé, car elles avaient été alors de véritables unités politiques, méritant cette définition. Si
les oppida sont donc ignobilia, c’est qu’ils ne pouvaient plus prétendre à leur qualité
première : ils ne pouvaient donc plus être cités, parce que Pline pouvait se rendre compte de
la déchéance de leur situation.
7 Si César a organisé la vie politique de la province par la constitution d’un réseau d’oppida
latina, étendu à l’ensemble du territoire provincial, Auguste a réduit le nombre des
communautés en remaniant pour certaines d’entre elles le cadre administratif dont elles
jouissaient jusque-là21. Il n’y aurait donc pas dans l’organisation provinciale césarienne
d’autre catégorie d’oppida22. Celle-ci n’aurait fait son apparition que plus tard, et encore
157
/89/ ne s’agit-il pas d’une catégorie autonome, juridiquement définie, comme les oppida
stipendiaria de Bétique et de Tarraconaise23. Il s’agit plutôt d’une glose de Pline lui-même,
qui devait disposer dans sa source et de la mention de ces oppida, vraisemblablement
mêlés aux autres, d’où, pour lui la possibilité de les comptabiliser avec précision, et de
l’indication de leur sujétion politique advenue dans un second temps, d’où l’invitation à
marquer par le qualificatif d’ignobilia cette situation nouvelle qui leur avait été faite.
8 Mais la précision des textes littéraires n’est pas le seul élément positif de la
documentation disponible sur Nîmes : il existe aussi une ample documentation
épigraphique provenant de la ville et du territoire. Si l’on combine ces deux types de
sources on peut disposer d’un côté des données les plus générales sur l’organisation de
l’activité civique et le statut de la collectivité, et l’on peut atteindre de l’autre les réalités
quotidiennes de la vie de la population : celles-ci sont ordonnées et informées par un
cadre qui nous échappe, la loi locale et la loi municipale qui, pour sa part, articule les
exigences du droit romain avec celles du droit local tout en apportant à celui-ci des
modifications issues du droit romain24. La loi municipale nous échappe donc, mais l’on
peut tenter d’en retrouver quelques aspects à partir d’une documentation ordinaire.
9 Cette documentation épigraphique est pour l’essentiel d’origine familiale, rarement
publique. Constituée le plus souvent d’épitaphes, elle ne livre que des noms de personnes
et la situation familiale de celles-ci. Le plus souvent, aussi, les articulations de parenté ou
les liens familiaux sont élémentaires : couples, familles définies sur deux générations,
rarement trois, et encore de façon plutôt incomplète, comme nous le verrons plus loin.
Toutefois peuvent être dégagées plusieurs données juridiques qui éclairent l’histoire
sociale de la communauté locale, et au-delà celle des communautés latines provinciales,
en Narbonnaise.
Iulii, Caecilii, Cornelii, Domitii, Valerii, Pompeii, Marii, Antonii, Aemilii. Cette liste a été
établie à partir des gentilices les plus fréquemment attestés dans la province et dans les
autres provinces occidentales, d’après les travaux concordants de R. Syme, E. Badian et Y.
Burnand28. L’émergence très nette de tels gentilices s’explique par de solides liens de
clientèle avec les grands personnages de l’État à l’époque républicaine et aux débuts de
l’Empire. Elle peut indiquer que la naturalisation s’est effectuée par une voie différente du
droit latin. C’est d’ailleurs dans cette strate que se trouve le premier grand sénateur
nîmois, l’orateur Cn. Domitius Afer29. Ces gentilices apparaissent à vingt-quatre reprises
dans la dénomination des notables nîmois (un peu plus de deux attestations par famille,
en moyenne). Leur importance indique l’ampleur de la romanisation des notables
indigènes au Ier s. av. J.-C. et dans les premières décennies du Ier s. ap. J.-C. /90/
13 b) À côté, se distingue un deuxième groupe, constitué lui aussi de personnes portant un
gentilice d’origine italienne, mais d’une diffusion moins ample que les précédents. Il n’est
pas impossible que certains de ces noms de famille ne se soient répandus sur le modèle
précédent. Mais on peut aussi envisager qu’ils révèlent l’existence dans la société locale
d’un noyau de familles originaires d’Italie. On trouve dans ce groupe trente personnes
réparties entre vingt-trois attestations familiales (un peu moins d’une attestation et
demie par famille).
14 c) Enfin un troisième groupe concerne à nouveau des familles d’origine indigène. Il s’agit
de personnes reconnaissables à leur gentilice dérivé de noms individuels, que ceux-ci
proviennent de l’onomastique locale ou qu’ils proviennent de mots latins adoptés comme
éléments de dénomination par les Arécomiques :
CIL XII, 3094 : Q. Crassius Secundinus, q. col. (inscription religieuse) ;
CIL XII, 3175 : Sex. Adgennius Macrinus (chevalier romain) (DM + génitif) ;
CIL XII, 3217 : Helvius Ecimarius Volt. Vitalis, aed. col. Nem. (Dis manibus + génitif) ;
CIL XII, 3227 : Verus Indamius Volt. Servatus, aed. col. Nem (DM + génitif) ;
CIL XII, 3228 : T. Indedius Tertius, aed. col. Aug. Nem. (DM + génitif),
CIL XII, 3272 : M. Senucius Servatus, q. col. Aug. Nem. ab aer. (DM + génitif) ;
CIL XII, 3273 : D. Severius Vol. Severinus, aed. col. Aug. Nem. (DM + génitif) ;
CIL XII, 3292 : M. Vernonius Virilio, aed. col. (DM + génitif) ;
CIL XII, 3295 : C. Vireius C. filius Vol. Virilis, IIIIvir iur. dic. (DM + génitif) ;
CIL XII, 3296 : Sex. Virielius Sex. Fil. Volt Severinus, IIII vir iur. dic. (datif) ;
CIL XII, 4071 : Q. Frontonius Q. fil. Volt. Valerius, IlIIvir iur. dic. (DM + datif) ;
CIL XII, 4104 : Sex. Bucculius Servandus, q. col. (DM + génitif) ;
ILGN 516 : Q. Frontonius Q. fil. Volt. Secundinus, IlIIvir iure dicundo (DM + génitif) ;
AE 1982, 686 : Antonius Secundius Vassedo, q. col. (DM + génitif) ;
AE 1982, 682 : Indelvia T. fil. Valerilla, flaminica perpetua (base honorifique).
15 Ces quinze attestations s’échelonnent tout au long du I er et du II e siècle : toutefois elles
sont plus nombreuses à partir de l’époque flavienne30. Mais il faut prendre garde tout de
même que peut s’interposer entre la date de nos documents et le moment où la famille
avait acquis le droit de cité romaine un intervalle de plusieurs générations. Dans certains
cas qui font apparaître des dénominations que l’on pourrait qualifier d’aberrantes par
rapport à la normale (Verus Indamius Servatus, Helvius Ecimarius Vitalis, Antonius
Secundius Vassedo) nous pourrions atteindre la phase d’insertion de la famille dans la
cité romaine. C’est pourquoi, quelles que soient ces restrictions, on peut admettre que le
droit latin fonctionnait encore comme mode d’intégration de nouvelles familles dans la
cité romaine au IIe siècle ap. J.-C.
16 Mais, dans le domaine de l’onomastique locale, parmi les faits qui apparaissent comme les
plus caractéristiques se trouvent l’emploi et la persistance de la dénomination pérégrine.
159
Cela a été mis en valeur par A. Chastagnol pour l’ensemble de la Narbonnaise31. Reprenant
les réflexions de F. Millar32, qui estimait que ne se trouvait pas de statut individuel
intermédiaire entre la cité romaine et la pérégrinité, il concluait que « les habitants d’une
cité latine, et même les décurions... étaient dans leur majorité, au moins au départ,
juridiquement parlant des pérégrins ». À son avis l’onomastique de type pérégrin
devenait une des caractéristiques de la dénomination des personnes dans les cités de
droit latin en Narbonnaise et l’on ne pouvait pas, d’autre part, opposer la période
antérieure à Hadrien au cours de laquelle « les personnes disposant du droit latin
pouvaient recevoir des gentilices », à la période qui suivait ce règne, au cours de laquelle
« l’emploi des gentilices est devenu général »33.
17 Cette position rejoint ainsi celle récemment affirmée par M. Humbert34 pour qui, hormis
la catégorie spécifique des latins juniens, le bénéfice du droit latin n’est accessible qu’à
travers l’appartenance à une communauté : il n’est alors qu’un moyen (« une passerelle »
précise le juriste) assurant une transition de statut personnel au bénéfice de certains
ressortissants. Il ne constitue nullement un statut individuel intermédiaire. Il apparaît
comme un artifice juridique permettant de transformer, dans le cadre d’une organisation
municipale type, un pérégrin, qui le reste jusqu’au moment décisif, en un citoyen romain.
Dans cette analyse, deux notions sont importantes : la citoyenneté pérégrine et le cadre
municipal. /91/
18 Convaincu que les observations d’ensemble faites à partir de l’examen des inscriptions de
Narbonnaise pouvaient être confortées par un examen plus approfondi de la
documentation épigraphique nîmoise, nous voudrions les expliciter par l’analyse la plus
précise de ce dossier imposant, complété, quand il le faudra, par d’autres éléments
empruntés aux autres cités de la province35.
19 En matière de dénomination pérégrine, il faut d’emblée mettre en valeur la variété des
formes qu’elle peut revêtir. Une grande partie des éléments dont nous disposons, à
travers l’ample collection épigraphique nîmoise, révèle l’association du nom propre, ou
idionyme, et du nom du père, ou patronyme. Mais il arrive que l’un ou l’autre de ces
éléments soit parfois un prénom romain (Cnaeus, Caius, Gaia, Lucius, Lucia, Quintus, Quinta,
Sextus, Sexta, etc.) 36. On doit aussi constater que dans un certain nombre de cas la
dénomination de l’individu se limite à un nom, tout simplement, sans indication du lien
patronymique. On citera par exemple l’inscription CIL XII, 3393 (Nîmes), D(is) M(anibus)
Albini Adiutoris f(ilii) Vitalis f(ilius), dans laquelle la filiation est indiquée de deux façons
différentes, mais aussi des inscriptions de haute époque, telle CIL XII, 3602 (Nîmes) dans
laquelle est mentionnée Suaducco, épouse de C. Gnatius C.f. et mère de C. Gnatius Iulius, ou
telle CIL XII, 3030 (territoire) dans laquelle sont mentionnés les deux grands-parents,
Quadratus et Coblanuo, à côté des deux tantes, Lucia Quadratif. et Vegeta Quadratif. 37. Qui plus
est, à l’inverse, un certain nombre de dénominations se présente sous une forme plus
complexe, qu’il a été possible de mettre en valeur à propos de la révision d’une
inscription de la campagne38. Il faut lire en effet : Varro Sexti Cani f(ilius), c’est-à-dire
Varro, fils de Sextus Canus, en comparant cette épitaphe à d’autres qui lui sont
semblables39. Dans tous ces cas la dénomination se présente sous la forme d’un prénom
associé à un nom individuel, autrement dit, par référence à la nomenclature romaine, à
un cognomen. 40. On mettra en valeur à cette occasion l’inscription de Murviel-lès-
Montpellier41, qui se trouve dans la partie occidentale du territoire des Arécomiques : Sex
(tus) Vetto, C(aius) Pedo, aed(iles), viam lacum ex d(ecreto) d(ecurionum) refic(i) coer(averunt) ;
elle est de date très haute comme l’indique l’archaïsme coeraverunt, mais faute de
160
référence plus exacte du point de vue chronologique on ne peut en tirer toutes les
conséquences. Elle montre toutefois l’usage de cette forme onomastique curieuse dans un
milieu relativement élevé, qui se trouvait aux portes de la cité romaine.
20 Ces différents types de dénomination pérégrine apparaissent tout au long du Ier et du II e
siècle ap. J.-C. Même si l’établissement de critères de datation peut toujours prêter le
flanc à la critique, on insistera sur le fait qu’il semble impossible d’établir qu’à l’époque
d’Hadrien ce type de dénomination disparut pour être remplacé par l’usage généralisé des
tria nomina ou des duo nomina42. Dans le cas de Nîmes et de son territoire, on peut formuler
deux séries d’observations à partir d’un relevé des dénominations pérégrines.
21 L’une concerne un classement global des données tirées des épitaphes, réparties en deux
ensembles : celles qui sont rédigées au nominatif et au datif, dont la date s’étend de la fin
de l’époque républicaine à l’époque flavienne, et celles qui commencent par l’invocation
des mânes du défunt, qui appartiennent plutôt à la fin du Ier s. ap. J.-C. et au IIe s. ap. J.-C.,
même si quelques chevauchements peuvent être envisagés.
Ville Territoire
43 soit 76 % 62 soit 72 %
Idionyme + patronyme, dont associés à des duo ou tria nomina
3 0
Noms uniques associés à des duo ou tria nomina 3 soit 5 % 3 soit 3,5 %
Ville Territoire
63 soit 62 % 37 soit 64 %
Idionyme + patronyme, dont associés à des duo ou tria nomina
15 3
22 On ne saisit donc pas de différence notable entre la ville et le territoire, qui n’est pas une
véritable campagne mais plutôt un semis de bourgs secondaires dominant le territoire
environnant43. Tout au plus, dans une perspective diachronique, peut-on relever une
légère tendance à définir l’identité par un simple nom, sans qu’y soit associé le
patronyme. Mais cela n’altère pas le fait majeur : le maintien des dénominations
161
pérégrines durant tout le deuxième siècle ap. J.-C. Même si, plus souvent qu’auparavant,
on trouve dans la documentation mélange de dénominations pérégrines et de
dénominations romaines, et si l’on peut en inférer que se développa continuellement la
naturalisation de la population, la constatation qui vient d’être faite est d’importance.
23 Un examen plus minutieux des inscriptions de la seule ville de Nîmes le confirme. La
révision en cours des inscriptions de la Narbonnaise a permis de reconsidérer en priorité,
pour le corpus nîmois, les documents accumulés au musée archéologique local et de tenir
compte d’un élément extérieur au texte lui-même, mais fondamental : le support. En
prenant appui sur divers travaux relatifs à la question44, qui permettent de distinguer
quatre périodes dont les deux dernières correspondent respectivement à la première
moitié et à la seconde moitié du II e siècle ap. J.-C., on doit constater le maintien du
système des noms uniques et de la filiation pérégrine jusqu’à la fin de la période
envisagée45. Ces permanences montrent, comme l’indique de son côté A. Chastagnol, que
« tout devient... beaucoup plus clair et plus simple si l’on admet que les citoyens d’une
cité latine qui n’ont pas été gratifiés du droit de cité romaine restaient des pérégrins », et
si l’on ajoute avec le même auteur que cette situation ne fut modifiée que par la mise en
oeuvre de ledit de Caracalla, en 21246. On peut alors considérer que dans les limites du
territoire de Nîmes, à l’exclusion des étrangers à la cité, les ressortissants de la colonie
étaient soit des personnes disposant du statut de citoyen romain soit des personnes de
condition pérégrine mais rattachées à une organisation municipale spécifique.
24 C’est cette conclusion, pouvant apparaître comme un postulat aux plus prudents d’entre
nous qui, seule, du moins à notre avis, éclaire un autre phénomène attesté par les
inscriptions de Nîmes, essentiellement par celles de la ville : l’existence d’affranchis dont
le maître est pérégrin, puisqu’il est impossible dans l’état des textes de leur attribuer un
quelconque gentilice : /93/
CIL XII,
Firmus Lucani 1. sévir augustal honoré des ornements de décurion
3219
CIL XII,
Secundus Postumi lib. sévir augustal
3271
CIL XII,
Crispina Aviti lib. épouse de Martialis Silvini f.
3736
CIL XII,
Modesta Nundini lib.
3753
CIL XII,
Saturio Paterni lib.
3789
CIL XII,
Potita Vegetae lib.
3836
CIL XII,
Secunda Tertullae lib.
3889
162
CIL XII,
Secundinus Senilis lib. époux de Dubitata et père de Domitia
3890
CIL XII,
Ephesius Servilii lib.
3908
CIL XII,
Verecunda Cestiae lib. épouse de Verecundus C. Maximii Catuli lib.
4009
CIL XII,
Melissa Valeri liberta mère de Dubitata
5932
AE 1972,
Rustica Donnae 1. territoire de la cité (Lattes)
340
AE 1972,
Rustica Pompeiae li. territoire de la cité (Lattes)
341
25 Pour chacun de ces cas47, on ne peut manquer de remarquer la différence qui existe entre
ce type de dénomination d’un affranchi et la dénomination traditionnelle de l’affranchi
citoyen romain, bien attestée pour sa part dans l’épigraphie nîmoise, ainsi que la
similitude qui existe entre cette façon de se dénommer et la dénomination des pérégrins.
Dans un cas même48, l’épitaphe fait connaître celui que l’on doit considérer comme le
maître : il porte, lui aussi, une dénomination pérégrine, Paternus Sextili fil. À défaut de
découvrir à travers ces inscriptions le contenu juridique des relations entre affranchis et
patrons, nous saisissons nettement, pour ces affranchis de Latins qui suivaient en
principe la condition de leur patron, au-delà des formes de dénomination, leur statut
pérégrin, et donc celui de leur patron lui-même49. Se manifeste donc un des éléments les
plus importants de la vie sociale des cités de droit latin, à savoir que le droit local, qui est
en partie maintenu, l’est sous la forme d’un droit pérégrin.
paternels51. C’est en particulier le seul moyen pour que le profit du droit de cité romaine
détenu par le père de famille ne s’éteigne pas, et pour que soit évité le paradoxe d’une
rupture des liens familiaux et économiques avec la communauté d’origine par suite d’un
bienfait. Ceci se comprend d’autant plus qu’il s’agissait en premier, pour ce qui concerne
les bénéficiaires, de l’élite politique des cités, dont le rôle économique et social au sein
des communautés provinciales était primordial. Quand on prend comme référence la
manière dont la loi municipale de Salpensa prévoit les conséquences inéluctables de la
mutatio de statut et apporte les solutions pour les réduire, on doit supposer que l’octroi du
conubium fait aussi partie des moyens habituellement utilisés pour ne pas bouleverser une
communauté hétérogène. En matière de mariage, l’octroi du conubium est le seul moyen
pour concilier le droit pérégrin avec le droit romain. A. Chastagnol avait aussi adopté ce
point de vue et affirmé avec force la nécessité de lier l’attribution du droit latin à une cité
provinciale, avec les conséquences qu’il impliquait pour la naturalisation des personnes,
et l’octroi du conubium. /94/
27 À l’aide de cas concrets, l’épigraphie de Nîmes et de son territoire fournit une bonne
illustration de ce propos. D’un côté nous avons témoignage de la multiplicité des unions
de deux personnes de statut inégal, tel qu’il est révélé par leurs dénominations : il est
alors difficile, pour tous ces cas, d’admettre systématiquement qu’il s’agirait
constamment de situations étrangères au mariage légitime. Parfois la documentation
permet d’embrasser l’ensemble du complexe familial, donc de constater quelles sont les
conséquences du mariage sur le statut des enfants.
28 Quelques inscriptions fournissent en effet la dénomination de tous les membres d’une
famille, sans exception : époux, épouse, enfants52 :
29 Dans tous les cas apparaît l’union d’un citoyen romain et d’une pérégrine. Les enfants
disposent du droit de cité romaine, et ont donc suivi la condition de leur père. L’inégalité
de statut des parents n’entraîne pas les conséquences normales en ce cas : on peut y
trouver une première preuve de l’existence du conubium.
164
30 Mais on peut ajouter à ces exemples d’autres documents moins complets mais tout aussi
probants53 :
Mère Enfants
Mamidia (Lutevi
CIL XII, 2815 (au datif) et CIL XII, 2813 T. Octavius T.f. Vol. Niger
f.)
31 Dans tous ces cas, où le nom du père n’apparaît pas de façon spécifique, on peut le
retrouver vraisemblablement à partir de la dénomination de l’enfant. On peut donc
constater qu’il s’agit alors, exactement, de la même situation qui vient d’être examinée ci-
dessus. Apparaît de la même manière une famille dans laquelle le statut des parents est
inégal, le père étant vraisemblablement citoyen romain, la mère étant de statut pérégrin.
L’enfant suit la condition du père : il est citoyen romain. On pourrait certes objecter que
ces reconstructions sont hypothétiques, mais, outre qu’elles apparaissent comme les
explications les plus simples dans le cadre de la vraisemblance, elles peuvent s’appuyer
sur le parallèle avec les cas envisagés précédemment. /95/
32 Mais il arrive aussi que la situation inverse se produise, lorsque, dans un mariage inégal,
le père est de statut pérégrin et la mère dispose de la cité romaine. Conformément à
l’application du conubium, l’enfant doit en principe suivre le statut du père, donc être de
statut pérégrin. Dans la documentation épigraphique nîmoise, plusieurs exemples
peuvent être recueillis54 :
Mère Enfants
33 Il importe de relever que, dans deux cas sur trois, l’enfant est clairement dénommé par
rapport à son père, dans une dénomination de type pérégrin. L’enfant est donc libre, il a
aussi un père, mais sa dénomination montre que, bien que sa mère appartienne à la cité
romaine, lui-même et son père n’en font pas partie. Nous devons en déduire qu’il s’agit
d’un mariage, soumis à la loi pérégrine locale, mais reconnu comme légitime selon le
droit romain puisqu’il préserve tous les droits paternels. Une fois de plus l’institution du
conubium se profile nécessairement à l’arrière-plan.
165
34 La même observation peut être faite en dehors du corpus épigraphique nîmois. À Cessera,
autre oppidum latinum mentionné par Pline l’Ancien, une inscription du I er siècle ap. J.-C.
fait connaître Canava Divecilli f(ilia) et sa mère Annia Kabira 55. De la même manière qu’à
Nîmes et chez les Volques Arécomiques, la dénomination civique est réservée à la mère,
tandis que la fille, que la filiation rapporte à son père, ne reçoit qu’une dénomination de
type pérégrin.
35 On doit donc, pour éclairer le mieux les données de l’épigraphie, se référer constamment,
à Nîmes et, sans doute aussi, dans toute la province de Narbonnaise, au lien entre droit
latin et conubium : celui-ci semble donc partie intégrante de celui-là56.
36 La documentation épigraphique fait apparaître la cité de Nîmes, dotée du droit latin,
comme une communauté hétérogène. Cette documentation, qui est certes très banale,
permet quand même d’apprécier quelques faits essentiels. En premier se dégage
nettement que la condition pérégrine est celle d’une grande partie de la population
jusqu’à la fin du II e siècle ap. J.-C., c’est-à-dire vraisemblablement jusqu’à la constitutio
antoniniana. Même s’ils étaient engagés sur une « passerelle » les conduisant
progressivement au droit de cité romaine, les ressortissants d’une cité de droit latin
demeuraient dans la pérégrinité jusqu’au moment décisif de la naturalisation. La
distinction très rigoureuse entre la dénomination civique et la dénomination de type
pérégrin montre bien que jusqu’à la naturalisation le ressortissant d’une cité de droit
latin conservait au moins le signe extérieur le plus significatif de la pérégrinité : un état-
civil composé de son nom propre et de celui de son père. Mais aussi apparaît nettement
que le conubium constitue un des éléments fondamentaux de l’organisation juridique et
sociale.
37 Certes nous n’atteignons pas à travers cette épigraphie de tous les jours les problèmes
complexes abordés avec précision par les lois municipales, dont le dernier exemple nous
est fourni par la lex Irnitana. Mais il est quand même intéressant de pouvoir retrouver
dans les realia quelques principes généraux de l’organisation des communautés de
Narbonnaise. L’Hispania a certes livré de grands textes. Mais dans la genèse du droit latin
provincial, après l’étape importante que fut l’organisation de la Cisalpine en 89 ap. J.-C.,
un autre moment essentiel fut, à l’époque césarienne, l’organisation des collectivités de
Transalpine57 : cette province fut en effet, à une date très haute, un nouveau champ
d’application de /96/ celui-ci. Elle le resta pendant longtemps. Il est donc légitime de
rechercher, à travers la documentation épigraphique, des données significatives, même
s’il ne s’agit, dans ce cas, que d’une épigraphie de tous les jours, et même si les documents
sont le plus souvent d’une date bien postérieure à la fin de l’époque républicaine. Mais ne
révèlent-ils pas la permanence d’une organisation des communautés fixée très tôt et,
pour beaucoup, maintenue inaltérée dans l’essentiel jusqu’aux premières années du III e
siècle ap. J.-C. ?
NOTES
1. Pline, NH, III, 36-37.
166
2. Deux cités reçoivent expressément dans les paragraphes précédents (Pline, NH, III, 31-35) la
qualité d’oppidum latinum : Ruscino (Ruscino Latinorum) et Antibes/Antipolis (in ora oppidum latinum
Antipolis). Mais on peut se demander si les autres communautés de Narbonnaise qui sont citées
dans ces paragraphes ne reçurent pas aussi ce droit, en particulier les villes dépendantes de
Marseille qui lui furent arrachées après sa défaite, telle Agatha quondam Massiliensium. Deux de ces
oppida latina reçoivent chez Tacite le titre de municipe : Luc (Hist., I, 66) et Antibes (Hist., II, 15).
Mais on peut penser que Tacite a traduit en langage de son temps un statut municipal qui pouvait
lui paraître archaïque : Goudineau 1979, p. 267 n. 144.
3. Strabon, Geogr., IV, 1, 12, cf. Goudineau 1976. Ce texte est un document fondamental pour la
compréhension du droit latin, cf. infra n. 25.
4. On peut penser que le document sur lequel travaillait Pline comportait une liste des peuples de
Narbonnaise, d’après ce que l’auteur indique à la fin de la description de la province : adiecit Galba
imperator ex Inalpinis Avanticos atque Bodionticos, quorum oppidum Dinia.
5. Sur le phénomène des clientèles provinciales, et sur le lien avec l’octroi du droit de cité Badian
1958, p. 309 et suiv. ; Sherwin-White 1973, p. 294-295 ; Knapp 1978 ; Dyson 1980-1981, p. 297-299
surtout. Pour la Narbonnaise on se référera à Burnand 1975, et pour la cité de Nîmes à Christol
1987 c [ici chapitre 4], L’importance des clientèles résultant d’un beneficium a été mise en valeur
par Gabba 1973, p. 67-68.
6. Sherwin-White 1973, p. 232-235. Sur les tensions qui purent opposer aux nouveaux venus dans
la cité romaine les familles les plus anciennement romanisées, Gros 1986.
7. Pline, NH, III, 31.
8. Ce n’est que par déduction, et en faisant appel à la vraisemblance, que cette mesure est
attribuée à César. Mise au point dans Goudineau 1979, p. 264-270. Mais on peut la rapprocher
d’une décision identique prise en faveur de la Sicile, peu avant sa mort (Cic., Ad Atticum, 14, 21, 1)
cf. Sherwin-White 1973, p. 230-233.
9. Il faut, semble-t-il, interpréter le plus strictement possible la phrase de Suétone, Tib., 4, 2 :
César ne décida que la création de Narbonne et d’Arles comme colonies de droit romain. Les
autres fondations coloniales (dont l’inventaire précis reste à faire, car cette catégorie de colonies
put se développer en plusieurs phases de dates différentes) furent des colonies latines : voir à ce
sujet Goudineau 1986.
10. Sur le classement en ordre alphabétique (digestio in litteras), cf. Pline, NH, III, 46. On a supposé
qu’il en était de même dans la liste des colonies de Narbonnaise et que Pline avait peut-être
volontairement placé Béziers avant Orange, modifiant ainsi l’ordre d’énumération qui se trouvait
dans la source qu’il utilisait : Cuntz 1888, p. 13 avec n. 2 (« Baeterrae ante Arausionem a Plinio
ipso fortasse sunt positae »).
11. Voir ci-dessous avec n. 21.
12. L’expression se trouve dans la table claudienne de Lyon (CIL XIII, 1668 = ILS 212). Elle a donné
lieu à de multiples interprétations. Il faut retenir celle de Schillinger-Häfele 1970 et de
Chastagnol 1971, p. 291-292.
13. On peut le déduire des formulations de Pline lui-même, NH, III, 36 : in agro Cavarum Valentia,
Vienna Allobrogum. La dernière déduction de vétérans ayant donné naissance à une colonie de
droit romain aurait donc intéressé Fréjus : Gascou 1982. Mais il est bien évident que cela ne
préjuge en rien des conditions de l’organisation première des communautés latines ni même de
leur évolution jusqu’au moment où elles devinrent colonies romaines. Sur l’évolution politique
de Vienne, Frei-Stolba 1984.
14. Ce sont les monnaies à la légende NEM COL, petites monnaies d’argent et de bronze, de type
massaliote : Giard 1972, p. 50-52 et p. 56-60.
15. CIL XII, 3151. Sur l’évolution politique et institutionnelle de Nîmes et des Volques
Arécomiques Christol 1988 a.
16. CIL V, 532 (ILS 6690).
167
30. Nous avons retiré ce qui concerne T. Craxxius Severinus, à la suite de la révision de
l’inscription le concernant (voir la note additionnelle). On peut toutefois envisager que quelques
inscriptions des personnages mentionnés se placent au début du IIIe siècle.
31. Chastagnol 1986 (= Chastagnol 1995, p. 225-232) ; Chastagnol à paraître [Chastagnol 1990 =
Chastagnol 1995, p. 51-71], On ne négligera pas, non plus, les réflexions de D. Van Berchem,
exprimées par cet auteur à plusieurs reprises. Ces articles sont rassemblés dans Van Berchem
1982, p. 147-150, et p. 157-164.
32. Millar 1977, p. 485-486 et p. 630-635.
33. C’est la position adoptée par Alföldy 1966, p. 47-55 et p. 56-57. Cet auteur pense qu’au premier
siècle ap. J.-C., la dénomination des citoyens latins peut comporter soit les tria nomina soit ce qu’il
est convenu d’appeler la dénomination pérégrine (nom individuel ou idionyme, plus nom du père
ou patronyme), mais qu’ensuite l’emploi des gentilices devint général, après le règne d’Hadrien.
Quant aux gentilices utilisés, cet auteur pense qu’au I er siècle ap. J.-C. ce furent les gentilices
e
impériaux qui l’emportèrent, tandis qu’au II siècle les gentilices furent choisis librement (cf.
p. 55).
34. Humbert 1981, p. 209 n. 8, p. 210, p. 215, p. 226.
35. L’importance de la collection épigraphique de Nîmes et de son territoire n’est plus à
souligner, avec deux mille inscriptions environ.
36. CIL XII, 3030, 3081, 3205, 3721, 3843, 3847, 3856, 3944, 4006, 4074 ; ILGN 492, 493, 495. On
ajoutera CIL XII, 2892 ; D(is) M(anibus) Severini C(ai) f(ilii) C(aius) Firmini f(ilius) f(ilio) piissimo. Sur la
question Christol 1984 b. O. Hirschfeld avait trébuché sur cette question, sans pouvoir la
résoudre : voir ses remarques sur CIL XII, 3005 et 2892.
37. On peut aussi citer comme cas spécifique celui qui résulte du rapprochement de CIL XII, 2813
et 2814, provenant de la même localité dans la partie orientale du territoire des Volques
Arécomiques (Aramon). La même personne est une fois mentionnée sous la forme de l’idionyme
associé au patronyme et une autre fois sous la forme d’un nom unique : Mamidia Lutevi f(ilia) sibi
viro filio viva fecit et T. Octavio T.f. Vol. Nigro Mamidia mater. Mais les exemples sont bien plus
nombreux que ceux qui sont ici invoqués. Cette diversité de l’onomastique pérégrine n’apparaît
pas chez Le Glay 1977.
38. CIL XII, 3034 (révision du texte effectuée à l’occasion de l’entrée du document dans la
collection épigraphique du musée archéologique de Nîmes) : Christol 1986 c.
39. CIL XII, 2728, 2770, 3031, 3355, 4142, 4190. On ajoutera une inscription inédite (Nîmes) qui fait
connaître Q(uintus) Caranto Endami f(ilius).
40. Hirschfeld, comme ses prédécesseurs, avait buté sur cette question, sans apporter de solution
acceptable : les remarques qu'il formule sur CIL XII, 2728, 2770, 3031, 3355, 4142, 4190 sont, à cet
égard, très significatives : Christol 1986 c.
41. CIL XII, 4190. En dernier lieu pour une bonne mise au point sur ce document Gayraud 1982,
p. 22, 23 (photo), p. 26-27 avec n. p. 31-32. Sur ce point il convient d’effectuer une retractatio qui
conduit à écarter l’interprétation proposée ici, et à exclure le document de la démonstration
(voir la note additionnelle).
42. Ce fait a déjà été mis en question par Chastagnol dans l’article cité supra [Chastagnol 1990,
p. 584-585 = Chastagnol 1995, p. 62-63].
43. Fiches et Garmy dans Huard 1982, p. 93-96.
44. Lassalle 1966 ; Sauron 1983. Voir aussi, pour le territoire, Demougeot 1972.
45. Nous nous appuyons sur le mémoire de M.-L. Gamerre, Recherches sur l’onomastique nîmoise
(mémoire de DEA, sous la direction de J. Gascou, Aix-en-Provence, 1986), dont nous avons suivi
avec attention la préparation.
46. Voir aussi dans ce sens Humbert 1981, p. 209, et, à partir d’un point de départ différent, les
remarques de Van Berchem 1981, p. 227-228 (= Van Berchem 1982, p. 149-150).
169
47. À titre d’exemple remarquable on doit citer CIL XII, 3219 (Nîmes) : Dis Manib(us) Firmi Lucani l
(iberti) (se)vir(i) aug(ustalis), ornamentis decurion(alibus) Nemausi honorato. On fera valoir que le
sévirat ou les ornements décurionaux seraient les moyens les plus courants pour honorer un
étranger à la cité. Mais cela ne résoudrait pas la question de l’origo du personnage et de son
rattachement à une cité donnée, ni celle de sa dénomination caractéristique. On doit bien relever
que, hormis les trois cas cités dans la liste ci-dessus, tous les autres sévirs nîmois mettent en
valeur les duo ou tria nomina. La dénomination Firmus Lucani l(ibertus) est donc la dénomination
authentique du personnage.
48. CIL XII, 3789 (Nîmes) : Paterne Sextili fil. et Aemiliae Phoebe Saturio Paterni lib(ertus). La solution la
plus vraisemblable consiste à considérer l’affranchi comme celui du pérégrin cité le premier.
49. Voir sur cette question Volterra 1956. La question des manumissions et celle du statut de
l’affranchi sont abordées dans la loi d’Urso (chap. 108) et dans celle de Salpensa (chap. 23). Pour
les autres textes cf. Volterra 1956, mais aussi Humbert 1981, p. 222-224. On rapprochera la
documentation provenant de Nîmes du cas fourni par Heraclides Xsanthermi l(ibertus), à Narbonne
(CIL XII, 4487) : il s’agit d’un médecin, affranchi d’un Marseillais (Robert 1968 ; Salviat 1969).
50. Humbert 1981, p. 221 ; Luraschi 1979, p. 260-261 ; Van Berchem 1982, p. 157-158.
51. Volterra 1950 ; Castello 1951, p. 86-88 et p. 167-190 ; Humbert 1981, p. 212 n. 18 et p. 213.
52. À titre d’exemple, voici le texte complet d'un de ces documents (CIL XII, 3205) : D(is) M(anibus)
/T(iti) Boduacii / Kari / Gaiae Messoris f(iliae) / C(aius) Boduacius / Karus / sibi et parentib(us) / v(ivus) f
(ecit).
53. CIL XII, 2813 (Aramon, territoire de la cité) : Mamidia Lutevi f(ilia) / sibi viro filio / viva fecit. CIL
XII, 2814 (Aramon) : T(ito) Octavio T(iti) f(ilio) Volt(inia) / Nigro / Mamidia mater. CIL XII, 3603
(Nîmes) : Sex(to) Granio Sex(ti) f(ilio) Volt(inia) / Boudo / et Disetoni matri / Homullus, Iapys, Alchimedo
lib(erti). CIL XII, 3950 (Nîmes) : D(is) M(anibus) / Tertullae Tuti f(iliae) / Annia Tuta / matr(i) opt(imae).
ILGN 529 (= CIL XII, 6037) (Saint-Clément, territoire de la cité) : D(is) M(anibus ) / Marciae M(arci) / f
(iliae)/Secun[d] illae / Servata mater.
54. CIL XII, 3750 (Nîmes) : D(is) M(anibus) / Mettiae T(iti) fil(iae) / Firminae / Tertulla / matri. ILGN 479
(Nîmes) : D(is) M(anibus) / Messinae Messini / filiae / Tasgia Titulla / posuit. ILGN 493 (Nîmes) : D(is) M
(anibus) / Severi Luci fil(ii) / Serania Severa / mater filio / pientissim(o).
55. AE 1969-1970, 383 : Canavae / Divecilli f(iliae) / Anniae Kabi/rae matri ; Nony 1977.
56. Dans l’épigraphie nîmoise, deux cas demeurent difficiles à régler. Il s’agit d’abord de CIL XII,
3943 : D(is) M(anibus) Tertii Bucani f(ilii) et M(arci) Rufii lustini, M(arcus) Rufius Maximin(us) et Rufia
Quartina, patri et fratri optimis. Nous ignorons la dénomination de la mère, mais les enfants sont
citoyens romains et le père possède une dénomination de type pérégrin. On peut ajouter un
second exemple, moins probant (CIL XII, 2954) : D(is) M(anibus) Severino Severi fil(io) Pomponia Tertul
[l]a p(atri) p(ientissimo) p(osuit). Là aussi le père dispose d’une dénomination de type pérégrin
tandis que la fille possède la dénomination d’une citoyenne. Ces deux documents datent du II e s.
ap. J.-C. Faut-il y voir l’application aux cités de droit latin des mesures prises par Hadrien (Gaius,
I, 80 : sed hoc iure utimur ex senatusconsulto quod auctore divo Hadriano signifiait, ut quoquo modo ex
Latino et cive Romand natus civis Romanus nascatur), qui sont en général rapportées au mariage des
latins juniens (Humbert 1981, p. 213) ? [sur ce point voir l’introduction de la troisième partie, ci-
dessus].
57. En ce sens Sherwin-White 1973, p. 232-233 et p. 364-366.
170
NOTES DE FIN
*. Les inscriptions latines de Gaule narbonnaise (actes de la table ronde de Nîmes, 25-26 mai 1987,)
École antique de Nîmes, Bulletin, ns., 20, 1989, p. 87-100.
171
1 Le village de Tresques et son territoire ont fourni de nombreuses inscriptions1 qui ont été
analysées sous divers angles, le décor des autels funéraires sur lesquels elles avaient été
gravées2, ou bien leur contenu documentaire pour l’histoire économique et sociale de la
région, correspondant à l’époque gallo-romaine à la partie nord-orientale de la cité des
Volques Arécomiques3.
2 Début janvier 2007, Monsieur Bruno Gervasoni a mis au jour, à l’occasion d’un labour
profond de 60 cm environ, une nouvelle inscription latine qu’il a communiquée à l’un
d’entre nous (J.C.). L’emplacement de la découverte se place au lieu-dit Pujols (naguère
« Domaine du Seigneur »), parcelle AN0302. Il s’agit d’une plaque de calcaire, de 44 cm de
haut, sur 60 cm de large et 14,5 cm d’épaisseur (sur le bord). Celui-ci, constitué d’une
moulure simple de 4 cm de largeur sur 2 cm d’épaisseur, délimite un champ épigraphique
en creux, de 35, 5 cm sur 50 cm. On remarquera, sur le pourtour, des traces
d’arrachement, qui indiqueraient que l’inscription était insérée dans la façade d’un
monument funéraire, car telle est la signification que donne le texte gravé au bâti qui le
supportait. Les faces latérales sont taillées au ciseau et quelques traces d’un mortier de
scellement à forte teneur en chaux y sont visibles. L’arrière est simplement épannelé et
ne porte pas de trace de mortier.
3 Le texte occupe la partie supérieure et la partie centrale du champ épigraphique,
dégageant nettement la partie inférieure, puisque la dernière ligne se réduit à une seule
lettre. Mais le recours aux abréviations a facilité la tâche du graveur. La composition est
centrée et la réalisation de cette mise en page a été réalisée sans trop de difficultés, sauf à
la deuxième ligne où, à l’approche de la fin de la ligne, les lettres ont été d’abord
resserrées, puis une ligature a permis de superposer N et T, qui désormais surplombait
l’alignement, enfin la lettre O a été réduite en largeur, comme un ovale très allongé. On a
ainsi pu insérer les mots exs testamento, qui formaient la ligne la plus longue, sans avoir à
recourir à une abréviation ou à une coupure.
172
4 L’écriture est régulière, avec des lettres bien gravées, dont les empattements sont bien
marqués. On relèvera aussi la forme en J du I de SMERI à la ligne 1 : cette lettre dépasse en
haut et en bas l’alignement des lettres. Des points séparent les mots et les abréviations à
chaque ligne. La hauteur des lettres est constante à toutes les lignes (sauf le J et la ligature
de N et T) : 5,5 cm sur la première et la deuxième ligne, 5 cm sur la troisième ; le J de la
première ligne a 8,4 cm, le T de la deuxième 7 cm, le F final 4,5 cm (fig. 2).
5 On lira :
Sex(to) • Smeri • f(ilio)
exs • testamento ;
h(eredes) • rogati
f(ecerunt).
6 On traduira : « Pour Sextus, fils de Smerius, d’après son testament ; ses héritiers, qui
avaient été sollicités à cet effet, ont fait édifier (ce tombeau) ».
unique21. Enfin, dans le cadre de la cité de Nîmes le nombre des attestations est un peu
plus important et sa diversité très significative.
13 On doit d’abord relever l’intérêt de deux inscriptions de la région qui nous concerne. Une
provient de Gaujac, et se trouve au musée Léon-Alègre de Bagnols-sur-Cèze, tandis que
l’autre provient de Tresques, et se trouve au musée Calvet d’Avignon. La première indique
l’alliance d’une famille représentée par Smeria Q(uinti) f(ilia) Primula avec une famille bien
implantée dans la même région nord-orientale de la cité de Nîmes, celle des Craxii/Crassii/
Crasii, qui était parvenue à se glisser dans le milieu des notables de la cité 22. L’autre
indique l’alliance d’une famille représentée par Smeria Quintilla, mère du responsable de
l’inscription funéraire, avec la famille des Frontonii, d’un excellent niveau parmi les
notables23 : cette dernière est non seulement représentée dans la partie nord-orientale de
la cité de Nîmes, mais encore en d’autres lieux du territoire, ce qui caractérise bien le
rayonnement de notables du premier plan, qui pouvaient pousser leurs relations en
plusieurs lieux du territoire24. Les similitudes que l’on découvre dans les dénominations
de ces deux femmes (l’une est fille d’un Quintus, l’autre a pour surnom Quintilla )
conduisent à les rapprocher étroitement et à les considérer comme appartenant à la
même famille. Ainsi la nouvelle inscription vient confirmer avec force l’enracinement de
cette famille dans la région de Tresques, où se constitue son premier réseau d’alliances.
14 Mais on ne saurait omettre une inscription de Nîmes25, qui d’elle-même apporte deux
témoignages : celui du terme Smerius attesté encore comme gentilice, et celui du même
terme utilisé comme nom unique26. L’ensemble des éléments onomastiques semble
caractéristique d’une latinisation qui laisse transparaître les traditions indigènes. Tutus,
le nom unique de la soeur, est certes le participe passé du verbe tueor (« protéger,
préserver »)27, mais il est plus vraisemblable de le considérer comme la couverture latine
d’un terme dérivé du nom du « peuple » dans la langue celtique (touta) 28, qui a donné en
particulier en gallo-grec le nom tooutios, (que l’on traduit : « le citoyen ») 29. Ingenua est
certes, aussi, un terme du vocabulaire latin, mais on peut constater combien il est bien
acclimaté dans les dénominations provinciales des Gaules et des pays celtiques plus
généralement30. L’inscription, d’une gravure de qualité moyenne, est à placer à la fin du Ier
siècle ap. J.-C. vraisemblablement.
15 Lorsque l’on effectue la cartographie de tous ces témoignages, on retrouve une
répartition comparable à celle qui caractérisait la répartition des Craxii/Crassii/Crasii : une
concentration dans la partie nord-orientale du territoire de la cité de Nîmes, à Tresques
et autour de Tresques, accessoirement ailleurs, et une présence réduite à Nîmes31. Lorsque
l’on évoque la situation dans le chef-lieu, où la représentation des témoignages est très
limitée, ce qui est caractéristique, on peut se référer, à propos de ce premier groupe
familial, à l’entrée d’un personnage dans le monde des notables, par l’exercice de la
questure ou de l’édilité, car l’exercice des magistratures n’était pas compréhensible sans
l’installation dans le coeur politique de la cité. On connaissait, en effet, Q(uintus) Crassius
Secundinus, qui honorait le dieu Nemausus 32. Il était questeur, or cette magistrature
constituait la porte d’entrée dans la notabilité, et, comme l’explique Strabon, l’exercice
des magistratures ne pouvait se produire qu’à Nîmes33. Il en va peut-être différemment
pour les Smerii de l’inscription de Nîmes, car nous n’avons pas, pour le moment,
d’indication de l’appartenance de cette famille à l’élite municipale. Et dans la nouvelle
inscription de Tresques rien ne vient apporter à ce propos quelque trace explicite que ce
soit de l’entrée dans le monde des notables. On hésitera donc entre deux explications :
soit celle d’une migration vers le chef-lieu, fait banal d’histoire sociale et non fait
175
d’ascension sociale dans le monde des notables, soit le développement d’une façon
autonome d’une branche urbaine de Smerii, dans la mesure où l’on peut admettre que
cette souche linguistique pouvait être attestée en plusieurs points du territoire et donc
apparaître d’une façon dispersée dans la cartographie des noms de personnes.
16 On ne saurait enfin négliger les dernières lignes, qui expliquent que dans son testament
Sex(tus), fils de Smerius, avait demandé à ses héritiers de lui élever le monument funéraire
sur lequel était gravée l’inscription. C’est une indication qui montre le bon niveau
d’assimilation culturelle et juridique de la famille, point sur lequel il conviendra
ultérieurement de revenir longuement. Déjà, sur une inscription de Saint-Vincent-de-
Gaujac on pouvait relever, à travers la mention ex testamento, combien les formes
romaines du testament avaient dû pénétrer précocement dans les usages et les
comportements de la partie la plus élevée de la société locale34. Néanmoins l’inscription
demeurait encore elliptique. En revanche, dans le nouveau texte qui provient de
Tresques, on trouve un terme essentiel du vocabulaire du testament romain, le verbe rogo
(« je demande », « je sollicite »)35. Il peut se référer soit au texte écrit du testament, soit à
une considération verbale accompagnant sa rédaction par le testateur, quand il s’agit
d’ajouter des volontés particulières une fois que l’institution d’héritier a été effectuée36.
C’est ainsi que dans un passage célèbre du festin de Trimalcion, Pétrone fait revivre le
dialogue entre le héros de la scène, Trimalcion, et un de ses affranchis, Habinnas, qu’il
charge d’exécuter tout ce qui concerne l’agencement de la sépulture37 : « Hé bien, très
cher ami, lui dit-il, t’occupes-tu d’élever mon monument comme je te l’ai commandé
(quemadmodum te iussi) ? Je te prie instamment de placer aux pieds de ma statue... (Valde te
rogo, ut...) Je te prie encore de sculpter sur mon tombeau des vaisseaux cinglant à pleines
voiles... (Te rogo, ut...) ». À Nîmes même on relèvera qu’un certain M(arcus) Allius Vitalis,
qui avait été sollicité dan s le testament d’un défunt inconnu, avait fait le monument
funéraire38 : [—] M(arcus) Allius Vitalis testamento rogatus fec(it). Le nouveau texte de
Tresques dit les mêmes choses en substance, mais différemment. D’abord, explique le
rédacteur, le monument funéraire fut élevé pour le défunt, « en conséquence du
testament » (exs testamento), c’est-à-dire selon des indications, explicitement exprimées
dans le testament lui-même, qui concernaient l’organisation de la tombe et de son
environnement39. Le testateur avait tout prévu, y compris dans le détail. Ailleurs on aurait
dit que tout avait été exécuté ex forma testamenti « en conséquence des instructions
détaillées contenues dans le testament ». Puis les héritiers, h(eredes), indiquent qu’ils ont
été sollicités : par oral plus que par écrit. Mais ils se sentaient obligés par la volonté du
testateur qui les avait aussi institués héritiers. Les deux explications se recoupent sur
l’essentiel. En tout cas elles montrent l’adoption des usages juridiques romains dans cette
famille qui n’était pas encore entrée totalement dans la cité romaine40.
17 La nouvelle inscription de Tresques, qui s’insère dans un dossier déjà bien fourni par les
découvertes épigraphiques anciennes, apporte, grâce à sa date relativement précoce, une
pièce très intéressante pour analyser les processus d’intégration et de romanisation. En
effet, outre les phénomènes de latinisation de l’anthroponymie qu’elle met au jour dans
leur première phase de développement, elle met davantage en évidence un phénomène
qui touche aussi les structures profondes de la société : le recours au droit romain pour
l’élaboration des pratiques testamentaires et pour la disposition des volontés
testamentaires. L’épigraphie funéraire n’y accorde que peu de place, car le texte des
épitaphes est essentiellement réservé à la mention du défunt, puis à celle des dédicants.
C’est par la mention du testament (ex testamento) que l’on peut entrevoir le recours aux
176
NOTES
1. Provost 1999, p. 701-711, no 331.
2. Sauron 1983.
3. Christol 2002 g.
4. Déjà, brièvement, Demougeot 1972 ; Christol 1984 b.
5. À nouveau, M. Christol, I. Cogitore et M. Tarpin, « Inscriptions de Cabrières », dans Christol
1992 a, p. 58-59.
6. Lambert 1994, p. 148 ; Degavre 1998, II, p. 384.
7. Lambert 1994, p. 106-107 ; Duval 1954 a. P.-M. Duval procède à un inventaire des divinités dans
lesquelles cette souche linguistique intervient : ibid., p. 254-255 : Atesmerta, d’après AE 1925, 98, le
deus Atesmerius d’après CIL XIII, 3023, Mercure Adsmerius, d’après CIL XIII, 1125. En revanche,
Degavre 1998, II, p. 384, interprète différemment le nom de cette divinité Smertrios/Smertrius :
pour lui il s’agirait du dieu « terrible, redoutable ».
8. Lambert 1994, p. 148.
9. Delamare 2001, p. 234-235, en s’appuyant sur Fleuriot 1982, p. 125, qui met en évidence le sens
que permet de dégager les rapprochements avec des termes qui se rapportent à l’économie
domestique ou à la vie commerciale : « prend soin de », « qui administre ».
10. CIL XII, 3005 = HGL 1454 ; Christol 1984 b, p. 254-255 (d’où AE 1986, 473) : Cn(aeo) Excingilli f(ilio),
Solirigi, f(ilii) parentibus fecerunt.
11. Ainsi Sex(tus) Aneistlici f(ilius), à Lattes : Demougeot 1972, p. 68-69, n o 4 (d’où AE 1972, 321, mais
avec des impropriétés de lecture). Tentative de lecture dans Christol 2001 b, p. 32-33, n o 4.
12. RIG, I, p. 23-25, G-3.
13. RIG, I, p. 112, G-99 et G- 100.
14. RIG, I, p. 245, G- 176.
15. Holder 1896-1904-1907, II, col. 1592-1594 ; Schmidt 1957, p. 269-270.
16. Demougeot 1972, p. 97-99, no 25 (avec fig. 27), d’où AE 1972, 329. Le texte a été revu par
Christol 1999 i, p. 139-140 avec fig. 1-2, puis Christol 2001 b, p. 34, n o 25 et p. 38, no 6.
Accessoirement on citera T(itus) Vennonius Smertulli fil(ius) Quir(ina tribu) [—], à Embrun dans une
province alpestre.
17. CIL XII, 1065 = ILGN155 = ILN Aix, 227 ; dédicace au dieu Lanovalus par Q(uintus) Corn(elius)
Smertullus, pro Placido fratre (anciennement considérée comme appartenant à la cité d’Apt).
177
18. CIL XII, 2923 = HGL XV, 1682. Holder 1896-1904-1907, III, col. 255 ; Delamare 2001, p. 234, sv.
smer-, Schmidt 1957, p. 269-270.
19. AE 1934, 165 = ILN Vienne, 667 : Zmertuccius Titianus, p(atronus) v(ici). On se référera toujours
aux remarques de Lejeune 1977, p. 65-66.
20. CIL XII, 2461 = ILN Vienne, 666 : deux personnages qui se dénomment Smer(ius) L[i]cinianus et
Smer(ius) Ma(n)suetus.
21. ILGN 251 : Felix Smeri f(ilius), sur un autel à Baginus et aux Baginatiae ; Desaye 2000.
22. CIL XII, 2802 = HGL XV, 1436 ; Christol 2002 g, p. 226.
23. CIL XII, 2767 = HGL XV, 1559 ; Christol 2002 g, p. 221 ; Gascou 2005, I, p. 182-183, n o 174.
24. Christol 2002 g, p. 228-230, avec. fig. 17.
25. CIL XII, 3920 et add. = HGL XV, 1178 : L(ucius) Smerius Sp(urii) f(ilius) sibi, Smerio patri, Ingenuae
matri, Tutae sorori faciundum curavit.
26. Pourtant, dans l’index du CIL XII, p. 881, ces deux éléments de dénomination, qui nous
paraissent distincts, ont été traités comme noms gentilices.
27. Kajanto 1965, p. 280.
28. Sur ce terme, Lambert 1994, p. 54.
29. RIG, I, G-153, p. 205-209.
30. Christol 2006 e, p. 430, à propos de CIL XII, 517 = ILN Aix-en-Provence, 27.
31. Christol 2002 g, p. 228, fig. 16.
32. CIL XII, 3094 = HGL XV, 52 = 290.
33. Strabon, Geogr., IV, 1, 12 ; Chastagnol 1987, p. 4-5 (= Chastagnol 1995, p. 92-93).
34. Il s’agit d’une inscription qui doit être placée à une date haute selon Charmasson et Christol,
dans Christol 1992 a, p. 79-95 (d’où AE, 1995, 1075) : Aemiliae Atevloibitis f(iliae) Bitugnatae ex
testament(o).
35. On se référera à Gaius, Institutes, 2, 249 : verba autem utilia fideicommissorum haec recte maxime in
usu esse videntur : peto, rogo, volo, fideicommitto ; quae proinde firma singula sunt atque si omnia in unum
congesta sint ; « Les formules qui paraissent les plus usuelles pour établir un fideicommis sont les
suivantes : “Je prie, je mande, je désire, je m’en remets à la foi de...” Chacun de ces mots, isolé, a
la même valeur que s’ils sont rassemblés en une formule unique » (d’après la traduction J.
Reinach, CUF). Dans le texte du célèbre testament du Lingon (CIL XIII, 5708 ; Hatt 1951, p. 66-69),
on trouve successivement volo (deux fois), mando (deux fois), rogo (une fois).
36. CIL XII, 5273 (Narbonne) ; CIL XII, 3564 (Nîmes).
37. Pétrone, Satiricon, 71 (traduction A. Ernout, CUF).
38. CIL XII, 3399.
39. On se référera aux commentaires sur le testament du Lingon : Hatt 1951, p. 69-77, ainsi qu’aux
études rassemblées, sur ce sujet, par Le Bohec 1991.
40. On doit tenir compte que l’on ignore la dénomination de l’épouse, et donc son statut
juridique. C’est par le père que se transmet le droit de cité romaine : Christol 1989 a et 1989 b (ici
même chapitre 9).
NOTES DE FIN
*. Rhodanie (en collaboration avec J. Charmasson), 102, juin 2007, p. 2-12.
178
apparemment les plus anciennes, des épitaphes au style plus complexe, qui ajoutent un
ou deux qualificatifs élogieux, qui inscrivent l’ascia en haut ou en bas du texte, qui
présentent une mise en page médiocre, etc. Ces dernières sont vraisemblablement plus
tardives. Nous parvenons ainsi à répartir la documentation en quatre périodes : la fin du I
er s. av. J.-C. et le début du I er s. ap. J.-C. (-50 à + 20), l’époque julio-claudienne (+ 20 à + 70
env.), l’époque flavienne et les débuts de l’époque antonine (+ 70 à + 140 environ), la fin de
l’époque antonine et le IIIe s. /42/
7 Aux épitaphes on ajoutera quelques inscriptions religieuses pour lesquelles une datation
fondée sur des critères paléographiques peut être adoptée.
8 Une fois que ces critères chronologiques ont été présentés, il faut aborder une question
relative à la détermination du statut des personnes lorsque la dénomination ne comporte
qu’un seul élément, sans qu’il y ait recours au patronyme10. Dans bien des cas, le contexte
de l’inscription rattache une ou plusieurs de ces personnes à quelqu’un qui, de son côté,
est identifié par une dénomination bi-membre : il s’agit certainement de pérégrins. C’est
évident dans le cas d’une inscription de Cabrières11 : Accepte T(iti) filio, Secunda soror. C’est
vraisemblable dans le cas d’une autre inscription provenant du même lieu, dans le
territoire de la cité12 : Servilio Sacconis f(ilio) e[t] Tertullae uxo[ri]. Il semble évident, dans la
mesure où le nom Tertulla ne peut être considéré comme caractéristique d’une personne
de condition affranchie, ni comme celui d’une esclave, que cette dernière est une ingénue
de statut pérégrin. D’autre part il arrive aussi, dans certains cas, que l’on mentionne, à
côté du père, citoyen romain, et des enfants, également citoyens romains, une épouse et
mère qui n’est identifiée que par un seul élément de dénomination, l’idionyme ou nom
propre, sans qu’apparaisse le patronyme. Il s’agit d’une variante de l’exemple précédent :
on considérera aussi que la personne en question était de condition libre, et même quelle
était née dans la liberté, mais quelle était de statut pérégrin. Le rédacteur du texte lui a
attribué une dénomination simplifiée. Et vice versa pour des hommes. On citera un
exemple, puisé dans le recueil d’Espérandieu13 : C(aio) Venio Serra et Annitae uxori, Exor[a]ta
[pa]rentib(us) et Gratu[lla] lib(erta). D’une part, il faut considérer que l’épouse était de
condition pérégrine, mais de naissance libre selon toute vraisemblance, et que la fille
était aussi née dans la liberté. En revanche ont été exclus tous les noms dont l’élément
unique pouvait être trompeur, car le gentilice familial avait été exprimé ailleurs dans le
texte de l’épitaphe. Dans le cas qui vient d’être examiné, puisque l’enfant suit la condition
du père, il faut admettre que pour Exorata on s’est dispensé de mentionner le gentilice
paternel, qui venait au début du texte, et dont le rappel semblait inutile : on ne la
considérera pas comme de statut pérégrin. Il en va de même dans cette inscription du
territoire14 : Cataliae Servatae [Sa]mmoniccia Severina mater et Oppius Severinus fil(ius) et
Severianus sorori. On peut penser que le frère s’appelait (Catalius) Severianus. Et l’on
pourrait augmenter les exemples15. /43/ En définitive, il n’est pas impossible qu’à ce
propos nos listes pèchent à la fois par excès et par défaut, et qu’une meilleure
interprétation contraigne tant à supprimer quelques références qu’à en ajouter de
nouvelles.
9 De ces classements fondés sur les critères assez généraux que l’on vient d’évoquer, il se
dégage plusieurs appréciations d’ensemble qui permettent d’envisager progressivement
divers aspects du sujet16.
181
Ville et territoire
10 On ne peut ignorer d’abord une distinction globale entre la ville et le territoire.
2 74 88
3 135 125
4 54 36
Territoire
CIL XII, 2817 Toutodivicis Antilli [p. 902] Antillus [p. 887] Toutodivix [p. 902]
CIL XII, 2921 Solimarus Leiturronis [p. 901 : (f.)]* Leiturro [p. 894] Solimarus [p-901]
CIL XII, 2988 Esciggorix Ammonis f. [p. 891]* Ammo [p. 886] Esciggorix [p. 891]
CIL XII, 4193 Belus Cobn[erti f.] [p. 888] Cobnertus [p. 888] Belus [p. 888]
CIL XII, 2813 Mamidia Lutevi f. [p. 895]* Lutevus [p. 894] Mamidia [p. 895]
CIL XII, 2817 Iulia Porronis f.21 Porro [p. 898] Iulia
CIL XII, 2831 Maria [---]onis [p. 895]22 [---]io Maria [p. 895]/46/
CIL XII, 2927 L. Gellius Sentronis f.23 Sentro [p. 873] L. Gellius [p. 873]
CIL XII, 2920 Servilia Atureni [p. 900 : (f.)]* Aturenus [p. 887] Servilia [p. 900]
CIL XII, 3031 Lucia L. Vassedonis f. [p. 894] 25 L. Vassedo [p. 903] Lucia [p. 894]
CIL XII, 3031 Tertulla L. Catupris f. [p. 902]26 L. Catuper [p. 889] Tertulla [p. 902]
CIL XII, 3018 a Seranus Frontonis f. [p. 900] Fronto [p. 892] Seranus [p. 900]
CIL XII, 4211 Quintus Ferrini f. [p. 899] Ferrinus [p. 892] Quintus [p. 899]
15 Néanmoins la ville a vécu ce phénomène sous une forme particulière. En effet, lorsque
l’on établit l’inventaire des attestations disponibles durant la première période que l’on a
déterminée plus haut, force est de constater que, au sein des inscriptions provenant du
chef-lieu, les marques de l’influence celtique sont, en proportion, nettement plus
affirmées que dans le territoire. Ce fait se manifeste d’abord par l’inventaire brut des
attestations, puisque les /47/ éléments anthroponymiques que l’on peut considérer
comme indigènes constituent 71 % de l’ensemble, alors qu’ils n’en constituent que 41 %
dans le territoire. De plus, si l’on envisage les dénominations bi-membres qui nous sont
disponibles, on peut observer que les deux premières lignes de notre classement en sous-
catégories sont bien représentées (celtique > celtique et celtique > latin), mais presque pas
la troisième, celle qui concerne les pérégrins dont la dénomination est formée d’éléments
exclusivement latins.
Ville
CIL XII,
Adgennus Cassici34 Cassicus [p. 889] Adgennus [p. 886]
3369
CIL XII,
Adgonna Excingilli f.*35 Excingillus Adgonna36
3370
185
CIL XII,
Annicco Mogillonis f. [p. 887] Mogillo [p. 896] Annicco [p. 887]
3407
CIL XII,
Atepilla Atessatis f. (p. 887] Atessas [p. 887] 37 Atepilla [p. 887]
3429
CIL XII,
Virotouta Atessat[is f. ?] [p. 903] Atessas [p. 887] Virotouta [p. 903]
3802
HGL XV, Senicatus Asci f. Gnata Concennonis f. Ascus Concenno38 Senicatus Gnata Sex.
1153 Sex(tus) Senikatus (fils de Senicatus) (Senicatus) Senikatus
CIL XII, 3093 C(aius) Andolatius [p. 866] Andolatus [p. 866] 39 C(aius)
CIL XII, 3252 Pompeia Toutodivicis f.* [p. 898] Toutodivix [p. 902] Pompeia [p. 898]
CIL XII, 3743 Montanus [Ex]cingo[mari f.] [p. 896] Excingomarus [p. 891] Montanus [p. 896]
CIL XII, 3883 Secundus Combarilli f.* [p. 900] Combarillus [p. 889] Secundus [p. 900]
CIL XII, 3884 Secundus Dannomari f* [p. 900] Dannomarus [p. 890] Secundus [p. 900]
CIL XII, 3886 Secundus Sapalonis f. * [p. 900] Sapalo [p. 900] Secundus [p. 900]
16 On rappellera d’abord que la sélection des documents exclut les inscriptions de citoyens
romains, dont une partie était issue du milieu indigène : ils étaient mieux représentés
186
dans la ville et leur dénomination traduisait certainement une latinisation plus poussée.
C’est en leur sein que l’on peut mieux saisir la transmission rigoureuse de noms latins. Ce
préalable posé, on peut avancer deux autres explications.
17 D’abord la possibilité de l’existence d’un exode rural en direction du chef-lieu. La période
qui correspond à l’établissement du principat est celle d’une mise en valeur de Nîmes et
d’un développement urbain considérable. La ville, qui joue le rôle de foyer politique
unique pour la grande cité des Volques Arécomiques, a sûrement attiré plus que les
notables. Le mouvement de croissance urbaine, déjà sensible à la période précédente,
s’est certainement accéléré41. Une population d’origine rurale, véhiculant des traditions
indigènes est venue grossir la ville. Cette hypothèse semble à même de justifier un certain
nombre de retours au celtique, comme dans le cas d’une inscription récemment publiée42,
qui permet de suivre une famille sur trois générations : Baebio Solimari et Iuliae uxor(i),
Cintugnatus, Messinus, Quintulus fil(ii). À la première appartient Solimarus, père de Baebius ; à
la seconde appartiennent Baebius et Iulia, qui sont unis ; à la troisième appartiennent leurs
enfants, Cintugnatus, Messinus et Quintulus.
18 Même si les deux parents portent des noms latins, ici des gentilices utilisés comme
idionymes, ils sont, par leurs origines, fortement liés au milieu indigène : ceci est évident
pour le père. Il en va de même pour la mère, si l’on observe que, très souvent, le recours à
un gentilice latin comme idionyme caractérise la première latinisation de
l’anthroponymie dans une famille. Mais les enfants portent, pour deux d’entre eux
(Cintugnatus et Messinus), des noms celtiques : le premier conserve à l’évidence les
caractéristiques d’un nom composé, même si son sens est relativement pauvre43 ; le
second est lui aussi relié à une souche indigène très vivace, mais dont la survie provient
de la proximité avec le vocabulaire latin44. Quant au troisième enfant, il porte un surnom
proprement latin. /49/
19 Mais une seconde explication mériterait d’être avancée : l’incontestable supériorité de la
ville pour promouvoir une pratique de l’écrit donc de l’épigraphie funéraire. Il convient
donc, pour ce qui concerne la documentation urbaine, de mettre en perspective le
mouvement de latinisation de l’anthroponymie avec le développement de l’écrit : ce
dernier est un préalable. Il touche fortement les gens issus de la campagne, une
population fraîchement installée.
20 2) C’est pourquoi, si l’on envisage à présent en continuité l’ensemble des deux premières
périodes (-50 à +20 et +20 à +70 env.), on peut mieux prendre la mesure de ce mouvement
de latinisation de l’anthroponymie. La longue durée efface ou atténue les distorsions qui
pourraient apparaître dans la documentation lors de cycles courts.
21 Dans la deuxième période, le même phénomène d’abandon du nom celtique se précise.
Territoire
celtique> celtique
CIL XII, 4150 Sollo Aviuli f. [p. 901] Sollo [p. 901] Aviulus [p. 888] |
celtique> latin
CIL XII, 2936 Caesius Cattonis f. [p. 888] Catto [p. 889] Caesius [p. 888]
CIL XII, 2936 Maxsima Lattonis f. [p. 895] Latto [p. 894] Maxsima [p. 895]
CIL XII, 2891 Mansuetus Andorouri f.* [p. 895] Andorourus [p. 887] Mansuetus [p. 895]
CIL XII 2903 Secundilla Bocuri f. [p. 900] Bocurus [p. 888] Secundilla [p. 900]
CIL XII, 2866 Paterna Solibitis f.45 Solibis [p. 894] Paterna
CIL XII 3032 Domitia Licini f. [p. 890] Licinus [p. 894] Domitia [p. 890]
CIL XII, 2808 Cornelia Sammi f. [p. 890] Sammus [p. 900] Cornelia [p. 890]
CIL XII, 2738 Scatnilla (Scantilla ?) Senilis f. [p. 900] Senilis [p. 900] Scatnilla [p. 900]
CIL XII, 2785 Titulla Senecionis f.* [p. 902] Senecio |p. 900] Titulla [p. 902]
CIL XII, 2903 Blandus Privati f.* [p. 888] Privatus [p. 898] Blandus [p. 888]
CIL XII, 2918 L(ucius) Quartae f.46 Quarta [p. 899] L(ucius)
CIL XII, 2928 Laurinus Celti f. [p. 894] Celtus [p. 889] Laurinus [p. 894]
CIL XII, 2936 Marcus Caesii f. [p. 895] Caesius 47 Marcus [p. 895]
CIL XII, 3018 Paternus Nundini f.48 Nundinus [p. 896] Paternus [p. 897]
188
CIL XII, 4209 Quarta Mascli f.* Masclus [p. 895] Quarta [p. 899]
CIL XII, 4074 Blaesa Blandi f. [p. 888] Blandus [p. 888] Blaesa [p. 888]
CIL XII, 4074 Servata Titi f.* [p. 900] Titus [p. 902] Servata [p. 900]
CIL XII, 4141 Aemilius Titi f. [p. 886] Titus [p. 902] Aemilius [p. 896]
CIL XII, 4152 Senilis Decumi f.* Decumus [p. 890] Senilis [p. 900]
latin> celtique
CIL XII, 2876 Andoro[urus T]erti f.* [p. 887] Tertius [p. 902] Andorourus [p. 887]
CIL XII, 4150 Scotto Domiti f. [p. 900] Domitius 49 Scotto [p. 900]
Ville
celtique> celtique
CIL XII, 3396 Allevorix Crappai [p. 886] Crappa [p. 890] 50 Allevorix [p. 886|
CIL XII, 3746 Messius Indedi fi* [p. 896] Indedius [p. 893] 51 Messius [p. 896]
CIL XII 3920 Tuta (fille de Smerius) Smerius [p. 881] 52 Tuta [p. 902]
189
CIL XII, 3944 Cintullus Ateponis f. [p. 889] Atepo [p. 887] Cintullus [p. 902]
CIL XII, 3075 Natalis Luttaci* [p. 896] Luttacus [p. 894] 53 Natalis [p. 896]
CIL XII 3584 Firminus Senoviri f.* [p. 892] Senovir [p. 900] Firminus [p. 892]
CIL XII, 3840 Primulus Capausonis f. [p. 898] Capauso [p. 888] Primulus [p. 898]
CIL XII 3879 Saturninus Eruci f.* [p. 900] Erucius [p. 891] Saturninus [p. 900]
CIL XII, 3930 Secunda Actali f. [p. 900] Actalus [p. 886] Secunda [p. 900]
CIL XII, 3944 Tertius Cintulli f. [p. 902] Cintullus [p. 889] Tertius [p. 902]
CIL XII, 3994 Iulia Troucilli f. [p. 894] Troucillus [p. 902] Iulia [p. 894]
CIL XII, 3944 Quinta Cintulli f.* [p. 899] Cintullus [p. 889] Quinta [p. 899]
CIL XII, 3944 Secunda Toutilli f. [p. 900] Toutillus [p. 903] Secunda [p. 900]
latin> latin
CIL XII, 3498 Caerellia Secundi f. Secundus [p. 900] Caerellia [p. 868] 54
CIL XII, 3739 Materna Catulli f. [p. 895] Catullus [p. 889] Materna [p. 895]
CIL XII, 3755 Montanus Montani f. [p. 896] Montanus [p. 896] Montanus [p. 896]
CIL XII 3766 Novella (fille de Marcella) Marcella [p. 895] Novella [p. 896]
CIL XII, 3833 Posilla Sex(ti) f. [p. 898] Sex(tus) 55 Posilla [p. 898]
CIL XII, 3847 Lucius Publi f.*[p. 894] Publius [p. 889] Lucius [p. 894]
CIL XII, 3855 Quintulus Q(uinti) f. [p. 899] Q(uintus) Quintulus [p. 899]
CIL XII, 5929 Martialis C(ai) Titi f. C(aius) Titus56 Martialis [p. 895]
latin> celtique
CIL XII, 4025 Virillio Montani [f.] Montanus [p. 896] Virillio [p. 903]
22 Durant cette phase, l'accroissement des noms latins est très important. On dégage d’un
examen global de la documentation que les noms indigènes sont de plus en plus immergés
à l’intérieur d’un ensemble de noms latins qui s’est accru de façon continue. On peut aussi
constater, une fois de plus, la moindre résistance de l’anthroponymie indigène quand il
s’agit de choisir le nom de l’enfant : les exemples qui montrent que patronyme et
idionyme sont tous les deux d’origine indigène se raréfient durant cette deuxième
période (5 ex. sur 65 éléments ; auparavant : 19 exemples sur 52 éléments). Sur la durée
d’un long siècle environ, puisque la seconde période nous conduit un peu après le milieu
du I er s. ap. J.-C., on peut mesurer les progrès décisifs de la latinisation de
l’anthroponymie.
23 On pourrait certes tenter de nuancer ce point de vue en faisant observer qu’un certain
nombre de témoignages indiquent un retour vers le nom de forme indigène :
Andorourus, fils de Tertius
Dubia, fille de Senilis
Scotto, fils de Domitius
Virillio, fils de Montanus /52/
24 Dans un cas au moins (Dubia) le nom indigène ressemble à un nom latin, même si le sens
diffère. Seuls les choix d’Andorourus et de Scotto marquent une affirmation de
l’anthroponymie proprement locale, sans rapprochement possible avec un nom latin.
Mais tous ces exemples pèsent peu par rapport à l’hégémonie du nom latin qui s’impose
de façon évidente.
25 Il convient aussi de tenir compte que parmi les éléments latins, il se trouve des prénoms (
Lucius, Sextius, etc.), des gentilices (Valerius, Domitius, etc.) et des surnoms. Les Volques ont
pris presque indifféremment les uns et les autres pour affubler un enfant d’un idionyme
latin. Entre la première et la deuxième période, en valeur absolue, le recours aux prénoms
ou aux gentilices demeure à peu près stable. Mais il importe de considérer les éléments de
dénomination qui ne sont pas des prénoms ou des gentilices et dont l’usage, dans la
dénomination du citoyen, correspondait seulement au cognomen. En ville, il faut
désormais opposer aux six surnoms latins repérés durant la première période les 39 que
l’on dénombre durant la deuxième période. Dans le territoire il faut de même opposer les
27 surnoms latins repérés durant la première période aux 38 que l’on dénombre durant la
deuxième période. Il s’est produit sans aucun doute un rapprochement entre
l’anthroponymie des pérégrins et l’anthroponymie latine transmise plus souvent par la
dénomination des citoyens. On a puisé de plus en plus dans le stock des surnoms latins, et
peut-être par ce biais conviendra-t-il de rapprocher, à Nîmes, les éléments de
dénomination des pérégrins et les surnoms des détenteurs du droit de cité romaine. Pour
les membres de la première catégorie, le nom personnel ou idionyme ressemble de plus
en plus aux cognomina attestés ailleurs.
26 La deuxième période que nous avons déterminée (+ 20 à + 70 env.) présente donc une
grande importance en ce qui concerne les phénomènes de latinisation de
l’anthroponymie. Elle couvre l’époque correspondant aux Julio-Claudiens.
191
I 29 30
II 19 18
III 17 9
IV 2 5
29 Mais il faut observer également que la plupart d’entre eux ne sont attestés qu’une seule
fois, ou bien n’apparaissent qu’en peu d’exemples. Rares sont ceux qui traversent
plusieurs périodes, produisant des diminutifs parfois, et même, dans certains cas, des
gentilices. Messor est dans ce cas, qui donne Messinus ainsi que Messius vraisemblablement.
Tutus entre aussi dans cette catégorie. Le nom apparaît en composition, sous la forme
Virotouta, puis de façon isolée. Enfin on peut citer Virillio, qui est assez bien représenté du
point de vue quantitatif : il dérive de Virillus/Virilla, mais l’élément vir- entre dans
plusieurs cas en composition ; on vient de citer la forme Virotouta. Sur la longue durée, et
dans le contexte d’ensemble d’une anthroponymie qu’il faudrait également saisir à
travers la dénomination des citoyens, la dénomination de forme pérégrine ne permet pas
de pallier la fragilité du fonds onomastique indigène face aux éléments d’origine latine et
d’en préserver durablement la saveur et l’originalité.
30 Il convient donc de prendre en considération les éléments latins, ceux qui, à Nîmes et
dans le territoire, s’établissent dans la dénomination des personnes au détriment des
noms indigènes. On a vu qu’ils pouvaient être définis de différentes façons par rapport
aux composantes de la nomenclature civique : il s’agit parfois de prénoms, parfois de
gentilices, et, naturellement aussi, de surnoms. On s’arrêtera à cette dernière catégorie,
majoritairement représentée. Le stock des surnoms latins adoptés par la population
locale s’accroît d’une période à l’autre de façon constante. Mais lui-même évolue aussi par
élimination ou disparition, ainsi que par substitution. On a relevé 198 occurrences. Mais
58 de ces noms ne sont attestés qu’une seule fois.
192
NOTES
1. Christol 1988 a ; Christol 1996 a, p. 58-60 ; Christol 1999 d, p. 18-21 [ci-dessus chapitre 4].
2. Chastagnol 1987, p. 4-5 (= Chastagnol 1995, p. 93-94) ; Christol 1989 a et Christol 1989 b [ci-
dessus chapitre 9].
3. Millar 1977, p. 485-486 et p. 630-635 ; Chastagnol 1990, p. 575-577 (= Chastagnol 1995, p. 53-55).
4. Strabon, Geogr., 4, 1, 12. Voir aussi Christol 1989 a, p. 68.
5. Suivant l’expression de Lejeune, RIG I, p. 453. Pour Nîmes, une première appréciation dans un
contexte plus large par Chastagnol 1990, p. 586-588 (= Chastagnol 1995, p. 64-66).
6. Christol 1984 b. Au même moment, A. Chastagnol envisageait dans des contextes voisins les
mêmes problèmes : Chastagnol 1987 (= Chastagnol 1995, p. 225-232), et Chastagnol 1990,
p. 577-579 (= Chastagnol 1995, p. 55-57).
193
7. Christol 1992 a, p. 21-34, d’où AE 1995, 1066-1067 ; voir aussi Christol 1986 c, d’où AE, 1985, 1050
(sur CIL XII, 3034).
8. On doit renvoyer à l’analyse des inscriptions de Lattes : Christol 2001 b.
9. Voir à ce sujet Lassalle 1966, ainsi que Christol 1996 a, p. 89-100.
10. Voir déjà à ce sujet Christol 1989 a, p. 71-73.
11. Barruol, Gallia 37, 1979, p. 537 ; Christol 1992 a, p. 56-60 (IACN14), d’où AE 1995, 1070.
12. Christol 1992 a, p. 60-65 (IACN 15), d’où AE 1995, 1071.
13. ILGN 503.
14. CIL XII, 2757, à corriger à la lumière de HGL XV, 1549, qui établit la lecture du gentilice
Sammoniccia.
15. Dans CIL XII, 2765, il faut entendre que Secundinus et Servatus, fils de G(aius) Frontinius Servatus,
ont le statut de citoyens romains. Dans CIL XII, 2857, il en va de même pour Primulus et Severus,
fils de C(aius) Vassilius Terentius et de Vas(sillia) Secundilla. Dans CIL XII, 2900, il en va de même
pour Titiola et Secundilla, filles de T(itus) Tu[—]. Voir aussi CIL XII, 2948,2997, etc.
16. Le sujet a été abordé lors d’un mémoire de DEA (C. Deneux, Latinisation de l’anthroponymie chez
les pérégrins dans la cité de Nîmes ; dir. : M. Christol, université Paris 1, 1999).
17. Christol 1989 a, p. 75 n. 29. Entrent dans ce cas CIL XII, 2854 et 3943. Voir en ce sens avec
d’autres exemples Chastagnol 1995 a.
18. Dans les listes qui suivent, nous indiquons les pages de l’index du CIL où sont enregistrés les
différents noms et nous fournissons des précisions sur les interprétations de Hirschfeld, qui
parfois ne correspondent pas à celles que nous adoptons. Nous indiquons aussi par un astérisque
si la dénomination a été enregistrée par Chastagnol 1990, car ce ne fut pas toujours le cas, un
certain nombre de références ayant été omises, ce qui a pour conséquences que la liste, quoique
copieusement fournie, ne tend pas autant qu'il le faudrait à l’exhaustivité. Nous donnons d’une
part la dénomination sous sa forme épigraphique, et d’autre part les éléments de dénomination
qu’il faut en retirer, en les classant par ordre chronologique (patronyme, puis idionyme). Il faut
observer qu’un certain nombre de dénominations ne recourent pas au mot f(ilius) pour indiquer
la relation d’appartenance, c’est-à-dire que cette dernière est formulée par le recours au génitif
« nu », comme l’écrit M. Lejeune à propos d’une inscription de Ventabren, dans les Bouches-du-
Rhône (RIG II, 1, p. 65 = 1LGN 97 : Vectit/Biraci).
19. Il s’agit dans le territoire du cas de Smertullus Fusci f(ilius), attesté à Lattes (AE1972,329). Du
point de vue chronologique, c’est une intéressante indication de précocité.
20. Inscription révisée : Christol 2001 b, p. 34 et p. 36-37 (= Demougeot 1972, n o 20).
21. Cette forme n’est pas enregistrée dans l’index du CIL. Hirschfeld ne perd pas parti sur Iulia, ni
dans l’index des gentilices ni dans celui des surnoms.
22. Lecture révisée dans Christol 1987 a, p. 111 : lire Mariae [4 l.]/onis f(iliae). Le patronyme, plutôt
que Catto, proposé par Hirschfeld, ou Capito, proposé par les auteurs de HGL, pourrait être Kario ou
Cario, attestés dans la cité de Nîmes (AE 1972, 327), d’où AE 1995,1048.
23. Hirschfeld considère que la forme L(ucius) Gellius correspond à l’association d’un prénom et
d’un genti lice. Mais voir dans Christol 2001 b, p. 27, l’interprétation que nous proposons.
Pourtant dans l’inscription CIL XII, 3596 (Gellius Corneli f.), il considère les deux éléments comme
des noms uniques.
24. Inscription révisée : Christol 1984 b.
25. Indexé comme Lucia L(...) Vassedonis f. : « potius L(ucilii) sive L(icinii) quam L(ucii) », d’où
l’indexation L(...) p. 876 comme gentilice.
26. Interprété comme le cas précédent. L(...) serait un gentilice (indexé comme tel, p. 874).
Catupris est indexé comme le génitif d’un nom d’homme.
27. Inscription révisée : Christol 2001 b, p. 32-33 (= Demougeot 1972, n o 4).
28. L’inscription, fort brève, se présente ainsi : C(aio) Veratio / Veni / pio. Les exigences de la
composition symétrique ne permettent pas d’envisager que s’y trouvait une référence explicite à
194
la filiation. Nous trouvons ainsi un « génitif nu » (voir ci-dessus n. 18). Il faut s’appuyer sur les
inscriptions de Lattes pour en fournir une interprétation. C(aius) Veratius est fils de Venus. Il
porte une dénomination de pérégrin.
29. Inscription révisée : Christol 2001 b, p. 33 et p. 35-36 (Appendice II, 2) (Demougeot 1972, n o 5).
30. Inscription révisée : Christol 2001 b, p. 34 et p. 38 (Appendice II, 6) (= Demougeot 1972, n o 25).
31. Inscription réinterprétée : Christol 2001 b, p. 33 (= Demougeot 1972, n o 15).
32. Inscription réinterprétée : Christol 2001 b, p. 32 (= Demougeot 1972, n o 3).
33. Inscription révisée : Christol 2001 b, p. 32 et p. 35 (Appendice II, 1) (= Demougeot 1972, n o 1).
34. Dénomination non enregistrée comme telle par Hirschfeld.
35. Dénomination non enregistrée comme telle par Hirschfeld.
36. Non indexé par Hirschfeld.
37. Enregistré par Hirschfeld sous la forme du génitif. Le nominatif Atessas et ses autres formes
sont analysés par Lejeune 1977, p. 62-65 ; voir aussi RIGI, G-3.
38. À rapprocher de Congenniccus : CIL XII, 4883.
39. Enregistré comme gentilice part Hirschfeld. Pourrait être un adjectif patronymique en -io.
40. À rapprocher de Maccianus : CIL XII, 3787.
41. Monteil 1999, p. 496-497.
42. Christol 1992 a, p. 28-34.
43. Holder 1896-1904-1907, I, col. 1022-1023 et III, col. 1223-1224 ; Schmidt 1957, p. 172.
44. Kajanto 1965, p. 82 et p. 361 pour Messor, p. 162 pour Messinus. Cet auteur se demande si
Messinus ne serait pas celtique (p. 162). Holder 1896-1904-1907, II, col. 575-576, enregistre
Messinus avec Messillus et d’autres. Sur la fréquence de Messor et de Messinus à Nîmes, Christol
1992 a, p. 34.
45. Pas enregistré comme tel par Hirschfeld. Paterna n’est pas indexé p. 897.
46. Pas enregistré comme tel par Hirschfeld. L(ucius) ou L(ucia) ne sont pas indexés p. 894.
47. Pas indexé comme idionyme par Hirschfeld, p. 888.
48. Pas enregistré comme tel par Hirschfeld.
49. Indexé Domitus par Hirschfeld, p. 890.
50. Indexé sous la forme du génitif Crappai.
51. Indexé sous la forme du génitif Indedi.
52. Indexé sous la forme du gentilice Smerius. L’inscription doit être lue : L(ucius) Smerius Sp(urii) f
(ilius) sibi, Smerio patri, Ingenuae matri, Tutae sorori faciundum curavit.
53. Indexé sous la forme du génitif Luttaci.
54. Indexé comme gentilice. Hirschfeld n’a pas vu la filiation ou ne l’a pas supposée. Il n’a donc
pas appliqué les principes d’indexation qu’il avait posés à la p. 864.
55. N’est pas enregistré comme surnom, quoiqu’à la p. 901 des exemples comparables aient été
retenus. Voir aussi les deux exemples suivants dans cette liste : Publius est enregistré, mais pas Q
(uintus).
56. Appelé C(aius) Titius, p. 882, dans l’index des gentilices.
NOTES DE FIN
*. M. Dondin-Payre et M.-Th. Raepsaet-Charlier (éd.) (en collaboration avec C. Deneux), Noms,
identités culturelles et romanisation sous le Haut-Empire, Bruxelles, 2001, p. 17-38.
195
Introduction
d’un auteur chrétien de la fin du IIe siècle et du début du IIIe siècle, Hippolyte de Rome, qui
dit avec plus de brutalité que l’Empire romain a des dents de fer qui broient les peuples
qui passent sous sa domination, et qu’il a le génie de les transformer en instrument de
guerre et de violence. On peut donc se demander si, dans un premier temps au moins, ou
pour une partie de ces élites, l’aventure militaire de Rome ne constitua pas un interface
majeur, facilitant pour quelques-uns l’ascension et l’intégration dans la société politique,
comme l’a souligné à plusieurs reprises Chr. Goudineau (par exemple, Goudineau 1998,
p. 53-62, p. 138) : l’exemple des Voconces dotés du droit de cité romaine par Pompée pour
leurs exploits militaires (ob virtutem) dans les guerres contre Sertorius et contre
Mithridate, s’est répété, avant et après eux, au moins jusqu’à la fin du premier siècle ap.
J.-C.
4 L’etablissement du principat, et la corrélation entre la mise en place du nouveau pouvoir
et les efforts de rationalisation du gouvernement de l’Empire, ont offert d’autres
possibilités d’ascension. Le service du prince s’est diversifié : les tâches militaires sont
restées importantes, confortées par l’origine militaire de nombreuses colonies romaines,
mais celles d’administration, notamment financière, sont venues établir une familiarité
avec l’empereur, et la reconnaissance d’autres mérites que la bravoure ou les capacités de
commandement. L’histoire familiale et personnelle d’Agricola, dont la famille était
originaire de la colonie de Fréjus, telle que la relate Tacite dans un opuscule de
dimensions réduites, est exemplaire : on se référera à l’analyse récente de M.-Th.
Raepsaet-Charlier 1991.
5 Les réflexions en ce domaine s’appuient sur les recherches prosopographiques. Il
convient donc, outre les travaux cités ci-dessus, de ne pas omettre l’apport de travaux
d’ensemble, tels ceux de H.-G. Pflaum sur les procurateurs équestres et sur les fastes de la
province de Narbonnaise (Pflaum 1960-1961 et 1978 a), ceux de S. Demougin sur l’ordre
équestre à l’époque julio-claudienne (Demougin 1992 et 1997). Ils montrent l’importance
de l’apport précoce de la Narbonnaise dans le renouvellement des classes dirigeantes
romaines. Ils fournissent des données d’ensemble dont il est possible de reprendre à
l’occasion tel ou tel élément constitutif, car la démarche prosopographique est faite non
seulement d’analyses et de synthèses, mais encore de la mise en évidence de situations
exemplaires (carrières, biographies, etc.).
6 Par rapport aux travaux d’ensemble cités ci-dessus, les gains en connaissance sont
ponctuels. Mais il nous semble que le rôle militaire dans l’entourage du prince, au sein
des cohortes prétoriennes, est plus précoce et important qu’on ne l’estimait
traditionnellement. Le bref article qui est repris (Christol 1997 e) retient l’essentiel d’une
étude plus longue qui entraînait trop loin de la province à certains endroits du
développement (Christol 1998 e ; aussi Christol 1998 h).
7 C’est l’ancrage des trajectoires personnelles ou familiales dans les espaces politiques et
sociaux qui a fait l’objet d’une plus grande attention. En effet l’engagement dans le
service de l’État ou l’insertion dans la société politique impériale impliquaient un
déracinement, à tout le moins un éloignement du lieu d’origine. La documentation sur les
provinciaux de Narbonnaise membres de l’ordre équestre et de l’ordre sénatorial ne se
trouve pas nécessairement dans les cités dont ils étaient issus. Il en résulte des
incertitudes pour déterminer à quelle cité il convient de rattacher tel ou tel personnage,
et l’on doit même envisager qu’en la matière des progrès sont à réaliser. Le cas des
Propertii arlésiens, traité en collaboration avec M. Heijmans, apparaît comme un cas
remarquable, car il montre comment peut être intégrée à la démonstration une
198
NOTE DE L’ÉDITEUR
Nous devons corriger sur plusieurs points de détail le tableau présenté. À la suite de la
meilleure appréciation du statut de Glanum, qui aurait été colonie latine, l’inscription de
Graveson, traditionnellement attribuée à la colonie latine d'Avignon, pourrait être
transférée à celle de Glanum, pour des raisons de proximité. Mais elle avait été citée parce
que le personnage mentionné, notable municipal, avait vraisemblablement une origine
italienne et que son cas montrait qu’il devait se trouver, lors de la fondation d'une colonie
latine, un élément italien mêlé à un élément autochtone, ce qui n'est pas admis par tous
les auteurs. On peut estimer que le phénomène est aussi évident pour Vienne et pour
Nîmes. Quant aux Craxxii de Nîmes, longtemps considérés comme ayant fourni des
chevaliers romains (en la personne de T(itus) Craxxius Severinus), ils doivent disparaître.
L’inscription de Tresques, qui doit être lue différemment, n’indique nullement que ce
personnage appartenait à l'ordre équestre : voir déjà à ce propos la note additionnelle du
chapitre 9.
Il faut ajouter à Aix-en-Provence, au IIe siècle, une famille sénatoriale, celle des Iulii :
Christol 2000 h. : Burnand 2005-2007, p. 428-430.
La place d'Arles s'accroît au Ier siècle avec la mise en évidence des Propertii : Christol 2002 f
(ici chapitre 14).
On se référera à présent à l’ouvrage publié par Y. Burnand 2005-2007, en reliant en
particulier le contenu des notices du vol. II (Prosopographie) avec le contenu du vol. III, 1
(Étude sociale. Les racines). Le bilan que s’en dégage s'écarte parfois du nôtre, mais il
apporte aussi des confirmations : la place écrasante devienne, colonie latine puis colonie
romaine, tout au long de la période ; la bonne tenue des colonies de vétérans dès les
débuts du principat ; leur recul à la fin du Ier siècle, à l'exception d'Arles ; la bonne
position de Nîmes tout au long de la période, même si elle ne peut rivaliser avec Vienne
200
1 Si l’on veut apprécier le fait colonial en Narbonnaise, il faut d’abord mettre en évidence
un élément fondamental de son histoire : la précocité de l’établissement des colonies. En
effet, l’installation des vétérans légionnaires sous la forme de colonies de droit romain fut
achevée aux lendemains d’Actium, ou peu après durant l’époque augustéenne1. La colonie
de Narbonne avait été créée à la fin du IIe siècle av. J.-C.2 : elle reçut un nouveau groupe de
colons à la fin de l’époque césarienne3, au moment même où d’autres étaient établis à
Arles4. Ensuite, à l’époque triumvirale furent fondées Béziers puis Orange, respectivement
en 36 et en 35 avant J.-C. selon toute vraisemblance5. Enfin, aux lendemains de la bataille
d’Actium, et de toute façon antérieurement à l’année 27 av. J.-C., Fréjus s’ajouta à la liste 6.
Ce caractère de fondation militaire, comme colonies de droit romain, se dégage de la
documentation épigraphique qui apporte la titulature des cités. Nous y reviendrons. Mais
surtout, Pline le Naturaliste, au début de l’époque flavienne, rappelle d’une façon unitaire
et significative, en reprenant une source rédigée depuis longtemps mais parfaitement
tenue à jour, la formula provinciae 7. l’origine légionnaire des colons de ces cinq cités. En
effet, dans l’Histoire naturelle, après avoir énuméré dans une première partie, tout au long
de laquelle il parcourait la province d’Ouest en Est par une /278/ succession de va-et-
vient de la côte vers l’intérieur, Narbo Martius Decumanorum colonia et Forum Iuli Pacatum
Octavanorum colonia, il ajoute lorsqu’il évoque les cités sises in mediterraneo : Arelate
Sextanorum, Baeterrae Septimanorum, Arausio Secundanorum, in agro Cavarum Valentia, Vienna
Allobrogum. On peut supposer que ces dernières sont énumérées non dans l’ordre
alphabétique, mais dans l’ordre chronologique, d’Arles fondée peu avant la mort de César
à Vienne promue du statut de colonie de droit latin à celui de colonie de droit romain
sous Caligula8. Mais pour les trois premières seulement Pline fait référence aux soldats
d’une légion. Quelle que soit l’origine de Valence et de Vienne, leur insertion dans le
cadre des colonies romaines se fit dans un second temps de leur histoire, grâce à une
promotion à titre honoraire9. Ainsi l’installation de vétérans légionnaires sous la forme de
colonies de droit romain fut autant un phénomène précoce que bref, puisqu’en moins de
vingt ans, avant même le début de la période augustéenne, cette phase semble achevée.
2 Toutefois ces fondations de droit romain ne représentaient pas le seul mode
d’établissement coloniaire. À côté d’elles apparaissent des colonies latines que la liste de
Pline masque sous le nom d’oppida latina, même si toutes les collectivités provinciales
regroupées sous ce nom ne peuvent prétendre manifestement au statut colonial10. Les
installations de ce type qui sont les plus anciennes remontent certainement à l’époque
césarienne11 : en effet, si dans le texte de Suétone relatant l’œuvre de Tib. Claudius Nero
les autres colonies évoquées ne sont pas de droit romain, comme Narbonne et Arles, elles
sont forcément des colonies de droit latin, malheureusement anonymes. L’archéologie et
la numismatique indiquent quand même que la fondation de Nîmes appartient à cette
phase12, tandis que les sources littéraires permettent d’y ajouter les colons de Vienne,
ceux qui, devant fuir la colère des Allobroges, allèrent se réfugier sur le site de Lugdunum
13
. Y eut-il au même moment d’autres établissements de ce genre ? Présentement on ne
saurait l’affirmer, mais on doit estimer, à partir d’une documentation essentiellement
épigraphique, que durant l’époque triumvirale puis durant l’époque augustéenne, en
plusieurs vagues /279/ d’autres colonies de droit latin furent établies : colonies Iuliae
d’abord, colonies Iuliae Augustae ensuite14.
201
3 La question de l’origine sociale de ces colons n’est pas encore clairement résolue. Le
dossier documentaire relatif à Vienne suggère qu’au moins au début les éléments établis
dans ces colonies latines étaient des militaires15. Y avait-il également des civils ?16 Pour
l’instant, hormis dans le cas des premiers Viennois cette question ne peut être résolue.
Mais on peut supposer que dans ces communautés devait se trouver une population
diverse dans ses origines, et qu’étaient associés des éléments provinciaux et des éléments
qui ne l’étaient pas, italiens ou d’ascendance italienne. Comme on le verra à plusieurs
reprises cette hypothèse est nécessaire pour expliquer un certain nombre de faits
d’onomastique. On comprend dès lors pourquoi le recours au droit latin fut une solution
commode pour associer dans le cadre unitaire d’une cité des groupes aux statuts
différents, et pour que s’établissent en faveur des indigènes des passerelles vers la
romanisation juridique. Les mécanismes mis en place permettaient en effet non
seulement d’intégrer l’élite locale mais encore de ne pas dissoudre les structures
familiales et patrimoniales, bref les fondements de la société indigène.
4 Enfin, en plus de ces deux catégories, il y avait les collectivités indigènes qui, tout en
ayant acquis le privilège du droit latin, n’avaient pas reçu d’élément colonial. À l’époque
de Pline elles continuaient d’exister sous le nom d’oppida latina, sans correspondre
totalement, comme on l’a vu, à cette catégorie. Parfois ces collectivités prirent la forme
d’une agglomération de modeste importance, mais dotée de l’autonomie, telle Cessero qui
se trouvait enclavée dans le territoire de la colonie de Béziers, ou bien Glanum, cité dans
laquelle la vie publique se poursuivit de façon autonome à l’époque antonine et
sévérienne comme le montrent plusieurs inscriptions de découverte récente17. Parfois ce
fut sous la forme d’un peuple dont l’organisation nous /280/ échappe, tels les Lutevani, qui
accédèrent au statut colonial à l’époque claudienne18, ou les Ruteni dont nous savons peu
de chose, ou d’autres encore. Dans ces cités les effets du droit latin (l’acquisition de la
civitasper honorem) s’appliquaient, mais vraisemblablement on n’y trouvait pas d’élément
externe venu d’Italie.
5 Dans une perspective d’histoire sociale de la province il est difficile d’isoler ces diverses
catégories de cités. Si Pline le Naturaliste ouvre son exposé sur la Narbonnaise par un
éloge plein de force (breviterque Italia verius quant provincia), cette vision d’ensemble,
réductrice à première vue des différences, n’efface pas en réalité la hiérarchie des
statuts : celle-ci est l’essence même de la longue description qui suit19, faite de diversité et
de décalages juridiques. On peut donc se demander si la hiérarchie des statuts n’a pas été
un facteur déterminant de différenciation, au profit des hommes et des familles de la
catégorie la plus relevée. La réponse doit provenir d’une mesure d’ensemble, de caractère
comparatif, du destin des élites, de leur organisation, de leur stratification. Mais on bute
alors, de façon immédiate, sur une problématique lancée par R. Syme lorsqu’il évoquait
les aristocraties de Bétique et de Narbonnaise. Il les estimait diverses par leurs origines,
celles de la péninsule Ibérique ayant souvent, à son avis, des ascendances italiques, par
suite de l’installation dans l’Eldorado d’Occident de migrants issus de la péninsule, tandis
que celles de la Narbonnaise représenteraient les milieux aristocratiques provinciaux
profondément romanisés. Il considérait en effet que les grands personnages qui
apparaissent dans le Sénat des Julio-Claudiens puis des Flaviens descendaient des
“principes” de Transalpine, et qu’ils avaient pu aisément dépasser les gens des colonies
parce que Rome avait maintenu les structures indigènes : Vaison, Vienne, Nîmes
contrôlaient de grands territoires, « tandis que la colonie romaine était souvent plus
petite et les colons de petites gens »20. Laissons de côté la comparaison entre péninsule
202
Ibérique et Narbonnaise, restons en cette province dans laquelle, selon l’auteur de Tacitus,
l’éminence juridique des fondations légionnaires aurait été annulée par le poids des
structures indigènes maintenues ailleurs par Rome, comme si le statut colonial le plus
élevé n’aurait pas été productif de distinction.
6 R. Syme s’appuyait sur les exemples fournis par l’onomastique des grands personnages de
Nîmes, de Vienne et de Vaison, mais aussi de Fréjus. Quelques cas, qui lui paraissaient
significatifs, lui suffisaient. Tout autre que lui aurait sans aucun doute emprunté une
autre démarche, soutenue par le traitement d’une documentation plus /281/ élargie.
Question de tempérament peut-être, même s’il arrive parfois que l’on surprenne R. Syme
à tenter des comptabilités. Question de sujet peut-être aussi car ne s’agissait-il pas pour
cet historien d’analyser surtout l’ascension de groupes limités, addition de personnalités
ou de familles bien individualisées ? Mais dans la mesure où ses réflexions le conduisaient
à s’intéresser au substrat d’où provenaient les grands personnages qu’il mettait en relief,
et à y rechercher des éléments d’explication, il entrait dans l’histoire sociale de la
province, considérée d’après les cités qui composaient celles-ci. L’ensemble n’était donc
pas isolé de chacune de ses parties.
7 Toutefois, dans la perspective qui est la nôtre, l’ascension vers les sommets des hommes
et des familles issus de Narbonnaise doit être analysée avec d’autres préoccupations que
le souci de connaître comment se constituèrent les classes dirigeantes de l’Empire. Pour
les lignées en question l’analyse du fait colonial dans l’histoire sociale de la province
conduit à s’intéresser non aux phases les plus illustres de leur destinée mais aux étapes
préliminaires de l’établissement de leur grandeur. Ce retour en arrière fait retrouver les
lieux d’origine et les notables locaux dont l’élite était souvent partie de l’ordre équestre,
strate sociale autant tournée vers la vie municipale ou l’expression de l’excellence civique
que vers le service de l’État qui donnait naissance à la nobilitas equestris des procurateurs
et des préfets21. Comme il convient d’y demeurer et d’envisager de plus grands nombres
de personnes, une autre approche méthodologique doit être envisagée, et l’on peut passer
à des mesures plus exhaustives, celles d’une prosopographie un peu plus sérielle.
8 L’époque même qui avait retenu l’attention de R. Syme, à savoir la période julio-
claudienne en premier chef et celle de l’établissement des Flaviens, guerre civile propre à
l’épanouissement des ambitions et à la réalisation des ascensions sociales, est une époque
fondamentale. C’est le moment où, par étapes, l’ordre équestre, essentiellement italien à
l’époque augustéenne, s’ouvrit et s’élargit aux provinciaux22. Dans ce processus la
Narbonnaise joua un grand rôle puisque cette province de moyenne importance tient le
premier rang pour le recrutement des chevaliers d’extraction provinciale jusqu’en 68 ap.
J.-C., bien avant la péninsule Ibérique. Elle est aussi au premier plan pour l’entrée des
provinciaux au Sénat, et en ce domaine, puisque le recul italien est moins sensible23, la
présence d’un certain nombre de gens /282/ issus de Narbonnaise, avant même
l’avènement des Flaviens, n’en est que plus instructive.
9 Ce ne sont toutefois que des mesures globales. Il importe en effet de considérer la
Narbonnaise (comme on devrait le faire pour tout autre province) dans la diversité de ses
communautés, aux statuts divers et hiérarchisés. Dans ce cadre, les critères d’admission
aux ordres supérieurs, qui pour l’accès à l’élite sénatoriale se sont définitivement fixés
durant la première moitié du I er s. ap. J.-C., c’est-à-dire le census et la dignitas, renvoient
aussi à la puissance économique (facultates) et aux comportements sociaux (mores) des
élites. Ils reflètent la puissance des cités à travers celle de leurs élites. À condition
203
toutefois qu’elle puisse se réaliser, et que des obstacles de droit ne viennent pas rendre
insurpassable la distance par rapport aux lieux du pouvoir.
10 Durant la période qui s’achève au cœur de l’époque flavienne, hormis Orange dont
l’épigraphie est assez réduite, les fondations légionnaires apparaissent comme des
pépinières de chevaliers. Certains d’entre eux s’engagent même dans le service de l’État
bien au-delà du service militaire. C’est le cas pour des ressortissants de Béziers et de
Narbonne, mais aussi d’Arles et de Fréjus, si l’on admet que pour tous les sénateurs que
fournirent ces cités l’étape préalable à l’acquisition de la plus haute dignité était celle de
l’appartenance à l’ordre équestre, accompagnée du service du prince, comme le montre
l’exemple des grands-pères paternel et maternel d’Agricola24, et comme le soutient le cas
des Pompei Paulini d’Arles25. Peu importe donc que l’on puisse hésiter sur les origines de
C. Cornelius Gallus26. Les exemples que l’on peut relever (quinze, soit à peu près le tiers de
l’ensemble de la documentation que l’on peut rassembler) suffisent à établir cette
incontestable participation des colonies de droit romain au recrutement de l’ordre
équestre : mais n’étaient-elles pas le prolongement “transmarin” de la cité romaine ? Le
cas des fondations légionnaires/283/de Narbonnaise trouve des échos ailleurs, par
exemple dans le destin des familles d’Antioche de Pisidie et d’autres colonies établies
dans les provinces de langue grecque27. Toutefois R. Syme estimait que les familles issues
de ces cités qui parvinrent à l’ordre sénatorial pourraient ne pas appartenir au ban de
colons légionnaires : il s’agit des Iulii de Fréjus et des Pompei arlésiens 28 qu’il considérait
comme des descendants des “principes” indigènes gratifiés de la cité romaine et intégrés
dans les colonies lors de leur fondation.
11 Cette hypothèse qui se fonde sur l’onomastique gentilice pourrait éclairer de façon
féconde les phénomènes d’ascension sociale que nous constatons avant même l’époque
claudienne. Mais s’applique-t-elle invariablement à tous les cas ? Ne serait-elle pertinente
que par la somme de nos ignorances sur l’histoire de ces familles ? Une inscription d’Arles
récemment découverte, qui fait connaître A. Pompeius A. f. Pius, édile mais
vraisemblablement décédé avant d’être parvenu au sommet du cursus municipal, indique
aussi qu’il était inscrit dans la tribu Sabatina 29. On a admis avec vraisemblance qu’il
représentait une famille de colons issus d’Étrurie, comme quelques autres Arlésiens dont
l’onomastique est significative30. Ne faut-il pas le rapprocher des autres Pompei arlésiens
au destin plus brillant, notamment des Pompei Paullini, étant donné que l’on sait par le
texte de la loi d’Éphèse que le frère de l’épouse de Sénèque, légat de l’armée de Germanie
inférieure puis, en 62, membre de la commission responsable de l’aerarium, se
prénommait Aulus, comme le jeune notable31. On ne peut les ranger aussi aisément que
par le passé parmi les descendants des aristocrates indigènes. Faut-il aller plus loin et
généraliser ? Avec R. Syme qui insistait sur la nécessité de disposer d’une grande fortune
pour accéder aux honores, nous relèverons que les colonies de Narbonne et de Béziers, si
elles ont fourni un bon nombre de chevaliers, n’ont pu produire, sinon fort tard, des
sénateurs32. Cette constatation met d’autant plus en relief la situation de Fréjus et d’Arles,
et dans cette dernière colonie le destin singulier des Pompei Paullini33. /284/
12 Les collectivités qui furent, pour la plupart d’entre elles, aux origines des colonies latines
(Vienne ne devint que dans un second temps colonie de droit romain ; Toulouse dut aussi
en faire partie) apportent 31 témoignages (sur 50 au total), soit un peu moins des deux
tiers de l’ensemble. Toutefois Vienne (19 ex.) fournit à elle seule plus de la moitié de ce
contingent ; Vienne (19 ex.), Nîmes (7 ex.) en fournissent à elles deux 85 % (52 % du total),
c’est-à-dire la quasi-totalité. Cette comptabilité met donc en évidence, comme l’avait déjà
204
remarqué R. Syme, les colonies de droit latin, où, à l’origine, les structures indigènes
avaient été préservées. Mais point toutes, il s’en faut de beaucoup : si Ruscino, Toulouse,
Aix émergent, pour l’instant rien ne provient d’Avignon, Riez, Apt, Carpentras, Cavaillon
etc. On n’échappe pas toutefois à la conclusion, déjà développée par R. Syme, qu’entre la
prépotence de Vienne et de Nîmes et l’ampleur des territoires que contrôlaient ces
colonies de droit latin devrait être établie une corrélation.
13 Cette conviction se renforce si l’on ajoute que parmi les cités qui ne peuvent prétendre au
titre de colonie, seule la cité des Voconces apparaît avec un certain nombre de
témoignages (4 ex.). Or c’est incontestablement une communauté indigène dont les
structures territoriales furent préservées. La situation contraste donc fortement avec le
destin des petits peuples indigènes, dotés du droit latin.
14 On peut être frappé par la part prise par les grandes cités indigènes dans lesquelles les
structures économiques et sociales traditionnelles avaient été maintenues, même quand,
pour deux d’entre elles, le titre de colonie venait révéler d’autres phénomènes sociaux.
Mais on ne doit point leur attribuer une place excessive. D’Auguste aux Flaviens la
position des colonies de droit romain n’est nullement négligeable : quatre sur cinq des
fondations légionnaires figurent dans la prosopographie des classes supérieures. En dépit
de l’importance des contingents allobroge et arécomique, la représentation des colonies
de droit latin est moins forte en proportion. Et malgré l’apport de Vaison, celle des oppida
latina indigènes est très faible. La hiérarchie des statuts civiques n’est pas inversée.
15 Toutefois ces observations n’épuisent pas la question. On ne manquera pas d’observer
qu’à Vienne plusieurs notables de rang équestre (L. Vibrius Punicus, Sex. Decius P.f., T.
Decidius Domitianus, peut-être aussi C. Passerius Afer) portent des gentilices qui ne
peuvent permettre de les considérer a priori comme des indigènes romanisés. Il en est de
même du gentilice Afranius à Vaison. Dans certains cas toutefois, pour les Afranii de
Vaison ou les Decidii de Vienne une recherche minutieuse permet de supposer que
l’hypothèse d’une origine indigène et de l’entrée dans la cité romaine grâce à
l’intervention d’un membre important de l’entourage des ‘dynastes’ a de bonnes chances
d’être valide34. Mais tous les cas ne peuvent être /285/ résolus de la sorte. La même
conclusion s’impose si l’on envisage la strate des notables des colonies latines. Dans
l’onomastique des membres de ce groupe la présence de gentilices italiques est évidente
(Otacilius en Avignon [peut-être à Glanum], Dudistius à Aix ; Allius, Volusius, Orbius à Apt,
Cascellius et Fabricius à Nîmes, etc.). Faut-il en déduire qu’un élément italique fut
transféré dans les colonies latines de Transalpine ? Toutefois les familles que l’on peut
ainsi individualiser sont minoritaires au sein de l’élite de ces cités. Cependant, même si
elles ne sont pas parvenues à pénétrer dans l’ordre sénatorial, elles gèrent brillamment
dans leurs cités une notabilité qui s’appuie souvent sur l’appartenance à l’ordre équestre.
Seuls les Decidii viennois, s’ils appartenaient à ce groupe, seraient parvenus à rivaliser
plus avant avec les ‘principes’ indigènes, auxquels les dispositions d’Auguste et de Tibère
lors du census de 14 ap. J.-C. avaient ouvert la voie des magistratures et du Sénat 35.
16 Si l’on se place à la fin du Ier s. et au IIe s. ap. J.-C. l’on saisit une nette évolution. Peut-être
parce que la place de la Narbonnaise s’est relativisée au sein de l’ensemble impérial.
Certes les mouvements lancés durant l’époque julio-claudienne et renforcés par
l’adhésion des gens de Narbonnaise au parti flavien durant la guerre civile, se
prolongèrent-ils jusqu’au cœur du IIe s. et s’achevèrent-ils avec l’accès au pouvoir
suprême d’Antonin. Mais il n’empêche : le recrutement du Sénat, corps à l’effectif stable,
quand il se réalisait en province, s’effectuait de plus en plus ailleurs, en sorte que la
205
Narbonnaise fut reléguée des premiers rangs dans une position secondaire, même si dans
l’absolu des chiffres sa contribution demeura à peu près stable.
17 Toutefois dans la province la base du recrutement de ce groupe le plus élevé de la société
s’est élargie (9 cités apparaissent contre 6 auparavant). Les nouvelles cités qui entrent
dans l’album sont soit des colonies latines (Riez, Aix, Alba), soit des colonies romaines
(Orange). Mais – est-ce un phénomène à conjuguer au précédent ?–, les vieilles colonies
légionnaires sont en déclin. Fréjus disparaît totalement. L’apparition d’Orange ne
compense pas la minceur de la documentation issue d’Arles. Et même si Narbonne
parvient à fournir un sénateur (adlecté), son premier sénateur connu, la part de ce
groupe s’est, au total, réduite. Aucune d’elles n’a en ce domaine la tenue de Fréjus ou
d’Arles aux époques précédentes. /286/
18 Si l’on ajoute maintenant une mesure plus large, en considérant aussi les membres de
l’ordre équestre et les notables qui sont sur leurs franges et qui partagent parfois le même
honneur (flaminat provincial, appartenance aux décuries de juges), l’élargissement du
recrutement est également manifeste. Aux dix cités de la première période s’opposent les
seize de la seconde. Mais les fondations légionnaires n’apportent plus que 7 témoignages,
soit 14 % des cas recensés dans la documentation, alors qu’auparavant (sur des
fondements un peu différents il est vrai, mais qui n’altèrent pas vraiment les résultats) on
parvenait à 30 %. De plus, pour les autres cités, hormis à Vienne (colonie honoraire) et à
Nîmes, accessoirement à Aix-en-Provence et à Vaison, nulle concentration n’apparaît. On
observe que s’est réalisé un mouvement favorable aux petites colonies de droit latin, et,
en sens inverse, que s’est rétractée l’influence des plus anciennes colonies romaines. Ces
dernières sont devenues au sein de la province des cités comme les autres, des
collectivités où l’appartenance à l’ordre sénatorial ou à l’ordre équestre distingue du
restant des notables une ou deux familles selon l’endroit, rarement plus. Serait-ce pour
résister à cette banalisation dans la vie sociale de la province, serait-ce pour tenter de se
distinguer encore quelles se rattacheraient plus que jamais aux souvenirs de leurs
origines militaires ? C’est en effet, pour l’instant, du IIe et du IIIe s. ap. J.-C. que datent la
plupart des documents épigraphiques qui rappellent l’unité fondatrice. On connaît ainsi
dans le courant du IIe s. les Sextani Arelatenses 36. puis sous Septime Sévère, Caracalla,
Elagabal et Gordien III les Decumani Narbonenses 37. enfin sous Philippe l’Arabe les Sextani
Baeterrenses38. Seul le recours au passé pouvait désormais légitimer des distinctions ou
fonder des prétentions.
19 L’émergence de nouvelles cités dans les dénombrements fait apparaître aussi de
nouveaux noms de famille. De leur côté les communautés déjà attestées au I er s.
n’apportent que rarement les signes de la stabilité des familles, et encore faut-il prendre
garde aux apparences de la simple continuité onomastique. D’où provenaient les Pompei
arlésiens qui se retrouvent dans la dénomination de M. Precilius Pompeianus ? Tentons
une mesure, certes imparfaite car on pourra objecter qu’il aurait été nécessaire de tenir
compte des épouses des notables. Mais l’inventaire des gentilices portés par les personnes
qui appartiennent à la classe dirigeante des cités (magistrats, flamines du culte impérial
local ou provincial, juges des cinq décuries, etc.) révèle des changements significatifs.
Force est de constater que d’une période à l’autre cette /287/ liste présente de fortes
variations. Disparaissent les Domitii de Nîmes, les Domitii d’Aix, les Cornelii, les Marii, et
la plupart des Pompei. Incontestablement une strate importante des notables provinciaux
a disparu. L’appel de l’Italie fut pour les familles du premier ordre la cause qui contribua à
fixer ailleurs les anciennes aristocraties indigènes, ne serait-ce que par le service du
206
colonial, l’importance d’un élément encore imparfaitement connu : les colonies de droit
latin.
NOTES
1. Seule incertitude : celle qui concerne Valence, voir infra et n. 10.
2. Gayraud 1981, p. 117 et suiv.
3. Pour la date, on suivra la démonstration de Gayraud 1981, p. 178 et suiv. (en 45 av. J.-C., peut-
être à la fin de l’année), confirmée par Gascou 1982, p. 132-145 (46-45 av. J.-C.).
4. Suet., Tib. 4, 2... et ad deducendas in Galliam colonias, in quis Narbo et Arelate erant, missus est. Sur
l’interprétation de ce passage Goudineau 1986, p. 171. Pour Narbonne, Gayraud 1981, p. 175 (qui
propose de dater la refondation de la fin de 45 ou du début de 44 av. J.-C.). Pour Arles, Constans
1921, p. 52 et suiv.
5. Piganiol 1962, p. 83, suivi pour la colonie de Béziers par Clavel 1970, p. 165 et suiv. C’est la
solution déjà élaborée par Kromayer 1896 [voir chapitre 7].
6. Gascou 1982, p. 139 et suiv.
7. Plin., NH, III, 4, 37.
8. Christol 1989 b, p. 87 et p. 96.
9. Pour Vienne le fait est assuré : il n’y eut pas de déduction. Seule incertitude : le cas de Valence.
Cette colonie de droit romain ne fut créée comme telle qu’après Fréjus, et peut-être aussi
postérieurement à la rédaction de la formula provinciae dont se sert Pline pour composer une
partie de sa description de la Narbonnaise.
10. Chastagnol 1987, p. 5 et suiv. ; Gascou 1991, p. 547 et suiv.
11. Contra Roman 1987, p. 185-190.
12. Christol 1988 a, p. 90 et suiv.
13. Goudineau 1986.
14. Voir Christol 1992 f, p. 37-44. On connaît la colonia Iulia Apta, la colonia Iulia Carcaso, la colonia
Iulia Meminorum (Carpentras), la colonia Iulia Augusta Apollinarium (Reiorum), la colonia Iulia
Augusta Aquae Sextiae et, depuis peu, la colonia Iulia Augusta Avennio. La numismatique permet
d’ajouter Cabellio/Cavaillon, mais la date de fondation ne peut être exactement précisée : Rogers
1986, p. 83-93 ; Gascou 1991, p. 550 et suiv. Par l’étude des magistratures on peut naturellement
ajouter le cas d’Alba Helviorum : Gascou 1991, p. 560.
15. Ces colons fournirent les fondateurs de Lyon : Goudineau 1986.
16. On rejoint ainsi la question de l’installation par César d’éléments de la plèbe urbaine dans les
colonies d’outre-mer (Suet., Caes., 42 : octoginta autem civium milibus in transmarinas colonias
distributis). On a tenté de déduire de ce texte que les colonies dites de vétérans n’auraient eu
qu’une apparence militaire (par ex. Hirschfeld, CIL XII, p. 83). Mais contra Constans 1921, p. 56 et
suiv.
17. Signalées dans Gallia Informations 1990, p. 190 et suiv.
18. CIL XII, 4247.
19. Plin., NH, III, 31.
20. Syme 1977, p. 373-380. Mais la plupart des éléments de la démonstration se trouvaient déjà
dans l’ouvrage sur Tacite : Syme 1958, II, p. 584 et suiv.
21. Demougin 1988, p. 712 et suiv.
208
NOTES DE FIN
*. Prosopographie und Sozialgeschichte. Studien zur Methodik und Erkenntnismöglichkeit der
kaiserzeitlichen Prosopographie (Kolloquium Köln 24.-26. November 1991), Cologne-Vienne-Weimar
1993, p. 277-291.
210
NOTE DE L’ÉDITEUR
Les données des divers articles consacrés à ces inscriptions du territoire viennois
(Christol 1997 e, ici reproduit, mais aussi Christol 1998 e et 1998 h) ont été enregistrées
dans AE 1998, 906, et pour l’essentiel résumées dans les commentaires de ILN Vienne, 3,
735 et 763. Elles ont aussi nourri les notices de Burnand 2005-2007 : notice 78 E 65 ([T ?]
Julius Pollio), p. 191-193, et 80 E 67 (T Julius Ustus), p. 196-198.
On reliera ce chapitre au chapitre 18 sur l’inscription de Seyssel.
1 Parmi les procurateurs équestres dont l’onomastique est originale figure un gouverneur
de Thrace, appelé T(itus) Iulius Ustus. On se réfère alors, habituellement, à deux
inscriptions faisant connaître la restauration des tabernae et des praetoria sur diverses
routes de cette province1. Elles partaient de la grande voie de Sirmium à Byzance, par
Singidunum, Serdica, Philippopolis et Hadrianopolis, et la reliaient à d’autres parties de
monde romain, danubien et égéen. L’une de ces routes adjacentes se dirigeait vers le
Danube, à partir de Philippopolis, jusqu’aux camps de Novae et d’Oescus ; d’autres se
dirigeaient vers la mer Egée, à partir de Serdica, jusqu’à Philippes par Pautalia.
Récemment on a ajouté une autre inscription considérée comme la troisième du dossier :
il s’agit d’une borne milliaire, qui indiquait que l’activité de ce gouverneur s’était aussi
étendue aux restaurations de la via Egnatia, lorsqu’elle franchissait le secteur égéen 2. En
réalité le dossier épigraphique est bien plus consistant, car il comporte quelques
documents peu connus :
• Provenant du village de Mihilci (Mikhilitzi) sur une route se dirigeant de Philippopolis vers
le Danube et les camps de Novae et d’Oescus3.
• Provenant du village de Bucino (Butchino), près de Serdica. Sur une route en direction du
sud, qui devait joindre la voie centrale, à la via Egnatia. Même texte, mais moins bien
conservé4.
211
• Trouvée « im Stadtteil sekihata der Stadt Ihtiman, Bezirk Sofia ». Le texte se développe sur
treize lignes, alors que les deux inscriptions déjà citées se développaient sur quatorze lignes 5
.
• Une autre inscription, de caractère fragmentaire, appartenant à la même série : « Zu den
drei Inschriften ist auch das Fragment einer lateinischen Inschrift aus der Zeit Neros zu
nennen, das in einer römischen Siedlung beim Dorf Belozem, Bezirk Plovdiv, gefunden
wurde ». Gerov identifiait ce fragment à celui que signalait A. Stein, en 1920 6.
• Les deux inscriptions nouvelles (no 3 et no 4) appartiennent, non au réseau routier qui
divergeait de la route principale, appelée parfois « Heerstrasse », mais à la « Heerstrasse »
elle-même, dans sa traversée de la Thrace. Elles montrent l’ampleur des travaux routiers :
• Enfin, sur une borne milliaire, dans un champ près de Pherai, ville située entre Doryscos et
l’emplacement présumé de Dymae7.
2 Le procurateur, T(itus) Iulius Ustus, dispose d’une notice dans l’ouvrage classique de H.-G.
Pflaum. Mais le surnom Ustus a surpris. L’on a donc régulièrement corrigé les textes,
même si E. Kalinka avait apporté une édition parfaitement claire. Le premier qui resta
sans hésitation au texte lu fut G. Seure, qui avait réexaminé les deux plaques connues
dans son temps au Musée de Sofia (RA, 1915, p. 166). Au même moment, A. Stein 8,
confirmait cet avis, en ajoutant une plaquette de bronze, provenant de Rome : CIL XV,
7167 (CIL VI, 2709, cf. p. 3370). Aussi regrettera-t-on que le rédacteur de la notice AE, 1991,
1407, ait accompagné le mot U[s]tum de l’observation sic ! et que l’index ait persévéré dans
cette recherche de la lectio facilior, en enregistrant un Iustus (p. 533), puis en offrant
(p. 540) la correction V[s]tus (= Iustus ?).
3 H.-G. Pflaum commentait : « Il est vraisemblable que T. Iulius Ustus, comme tous les
autres tribuns de la garde, était originaire de l’Italie. » Mais, dès les Julio-Claudiens, le
recrutement des primipiles s’est étendu hors d’Italie. Ainsi, les auteurs de la PIR 2. en 1966,
orientèrent la recherche vers la Narbonnaise9 : « Fortasse e Gallia Narbonensi ortus, si
idem est vel parentela coniunctus T. Iulius Ustus, cui dedicavit T. Iulius Pollio tribu
Voltinia, t. XII, 2545 ». C’est cette voie qu’a suivie S. Demougin, en ajoutant qu’il pourrait
être parent d’un autre tribun du prétoire, Iulius Pollio10.
4 Or la documentation épigraphique provenant de la partie orientale de la cité de Vienne
permet de rattacher ces deux chevaliers romains à cette colonie. En effet, l’ouvrage
récent des Inscriptions latines de Hautes-Savoie, contient non seulement la réédition du
texte invoqué par les auteurs de la notice dans PIR 2, mais encore une autre inscription
dont l’apport est décisif.
5 Une inscription d’Annecy11 porte le texte bref : T(ito) Iul(io) Vsto / T(itus) Iul(ius) Volt(inia) /
Vstus Pollio / restituend(um) / curavit. Par sa forme – un rectangle allongé dans le sens de la
hauteur–, cette plaque moulurée peut être interprétée comme un élément de base de
statue. La première ligne mentionne la personne honorée : « A T(itus) Iulius Ustus ». Les
autres lignes se rapportent à l’acte de T(itus) Iulius Ustus Pollio, un descendant, qui
regroupait dans sa dénomination les surnoms des deux frères : « T(itus) Iulius Ustus
Pollio, de la tribu Voltinia, s’est chargé de faire remettre en place (la statue) ». D’après la
date du floruit de T(itus) Iulius Ustus et de T(itus) Iulius Pollio, à la lumière aussi des
événements propres à la Gaule entre 68 et 70, et à Vienne en particulier, la destruction
d’une statue puis sa restauration, ne paraissent pas invraisemblables.
6 L’epigraphie d’Annecy conserve aussi un fragment de linteau qui avait servi de plaque
d’autel dans l’ancienne église de Saint-Jorioz (100 x 177 x 10,5 ; lettres de grandes
212
dimensions : 10,5 x 12,5cm). Hirschfeld n’avait pas revu le texte12. On lira, avec les auteurs
de l’édition récente qui fournissent une excellente photo :
---]TVS vac PRIMV[---
---]TOR•NERONIS•C[---
---]LIO vac PRIMV[---
7 La ligne 2 a suscité quelques commentaires. Mowat envisagea que le personnage ait été
procurateur13. Hirschfeld ajoutait l’hypothèse qu’il ait pu être fait mention d’un flamine
de l’empereur Néron.
8 À la ligne 1, on retrouve la fin du mot Ustus. Il y avait, avant le vacat, dix-sept ou dix-huit
lettres ([T • IVLIVS • T • F • VOL (ou VOLT) • VS]TVS). On restituera le surnom Ustus pour
plusieurs raisons : d’abord, le fait que l’une des restitutions incontestables pour la ligne 3
est celle du surnom Pollio, ensuite le fait que cette identification perd de son caractère
hypothétique, puisque la ligne 2 nous rapproche d’un personnage ayant vécu sous Néron,
enfin le fait que l’on peut sans difficulté, pour le premier personnage cité, restituer des
éléments significatifs de la carrière d’un tribun prétorien. Après le vacat, il faut restituer
la mention du primipilat, normale dans l’avancement d’un tribun du prétoire (PRIMV
[SPILVS ITERVM]).
9 À la ligne 2, à droite du mot NERONIS, on restituera la titulature de Néron : C[LAVDI
CAESARIS AVG(VSTI) GERMANICI], soit une séquence de 25 lettres au total, peut-être
même 29.
10 À la ligne 3, on restituera, à gauche, la dénomination du second personnage mentionné :
[T • IVLIVS • T. • F • VOL (ou VOLT) • POL]LIO, puis, après le vacat : PRIMV[SPILVS ITERVM].
11 La gravure du texte est soignée, la mise en page est de qualité. Les dénominations des
personnes citées mises en évidence, entre deux vacat. À la ligne 1, on peut restituer le
nom d’une divinité, à laquelle serait consacré le monument. On parvient ainsi au texte
suivant :
[17 lettres….......vac. T•IVLIVS•T•F•VOL•VS]TVS vac PRIMV[SPILVS•ITERVM]
[27 lettres………. PROCVRA]OR•NERONIS• C[LAVDI•CAESARIS]
[AVGVSTI•GERMANICI..vac. [T•IVLIVS•T•FVOL.POL]LIO vac. PRIMV[SPILVS• ITERVM]
12 Il faut restituer à la ligne 2 une autre fonction, intermédiaire entre le second primipilat et
la procuratelle mentionnée. La plus vraisemblable est une fonction militaire. La
préfecture du camp de l’armée d’Égypte, dont la création résulte du regroupement des
deux légions provinciales, la XXII a Deiotariana et la III a Cyrenaica, correspondrait bien au
cursus de ce militaire. Mais la restitution n’a que la valeur d’exemple.
13 Nous pouvons présenter ainsi les carrières de T. Iulius Pollio et de T. Iulius Ustus.
14 Après le second primipilat et un poste intermédiaire, Ustus parvint à la procuratelle -
gouvernement de la Thrace durant les années 61-62. C’est vraisemblablement le poste
procuratorien auquel fait allusion l’inscription de Saint-Jorioz. Comme il était l’aîné des
deux personnages, son passage par le prétoire doit avoir été antérieur de peu à l’année 55,
puisqu’à ce moment-là son frère, Pollio, commandait une des cohortes prétoriennes. Le
floruit de la carrière de T(itus) Iulius Ustus se plaça dont sous le règne de Claude puis sous
celui de Néron.
15 Quant à Pollio, il était tribun des cohortes prétoriennes en 55 ap. J.-C., quand il participa à
l’empoisonnement de Britannicus. Il aurait été promu pour la seconde fois au primipilat,
avant de parvenir au gouvernement de la province de Sardaigne, que ne mentionne pas
l’inscription de Saint-Jorioz. En effet, ce personnage doit être rapproché d’un gouverneur
213
de cette province. Il est connu par deux inscriptions. L’une de Fordongianus (Forum
Traiani), incomplète, comporte la fin de sa dénomination : [----]OL•POLLIO, ainsi que les
derniers éléments de la carrière militaire : [---C]OH•XV•VRB•TRIB•COH•IIII•PR14. C’est par
rapport à l’autre inscription que la qualité du personnage cité a été reconnue. Cette
dernière, qui provient de Turris Libisonis15 a fait l’objet de corrections et de restitutions de
la part d’A. v. Domaszewski16, reprises par H.-G. Pflaum. On a pu rétablir des éléments de
la carrière militaire ainsi que le gouvernement de la Sardaigne. Grâce à l’inscription de
Saint-Jorioz, l’édifice bâti par les spécialistes de la prosopographie impériale est conforté.
Engagé dans la carrière militaire en 55 après J.-C., Pollio demeura dans l’armée quelques
années encore, par l’exercice du second primipilat. Entre cette dernière étape dans les
camps et le gouvernement de la Sardaigne s’interposèrent certainement quelques
années : la promotion dans ce dernier poste doit avoir été postérieure à l’année 61-62,
dans la mesure où l’on n’en trouve aucune trace dans l’inscription de Saint-Jorioz. On
nuancera donc l’opinion traditionnelle qui place cette fonction de gouvernement « poco
dopo il 55 », « peu après 56 » (H.-G. Pflaum), ou « paullo post a. 55 ». Sa carrière se place
plus nettement sous Néron.
16 Nous pouvons maintenant conclure sur l’inscription de Saint-Jorioz. Pour les dix lettres
restantes de la ligne 2 la plaque mesure 177 cm. Or il convient de restituer à cette ligne un
texte comportant au moins 57 lettres. Le linteau avait au moins une longueur de
10 mètres. On peut ainsi envisager les belles dimensions du monument, témoignage
intéressant de l’évergétisme des notables viennois.
17 Ce document confirme que le recrutement des officiers du prétoire s’est réalisé, très tôt,
au-delà de la seule Italie, notamment en Narbonnaise. On ajoutera les deux personnages
fournis par cette inscription à [-] Maximus, de Ruscino, qui fut successivement tribun de la
deuxième cohorte prétorienne, primipile bis, procurateur de Tibère Claude César Auguste
Germanicus, préfet de légion à deux reprises 17, et à Valerius Paulinus, ami de Vespasien,
procurateur de Narbonnaise, issu de Fréjus18.
18 En définitive, l’élargissement des données prosopographiques montre l’ampleur de
l’engagement des notables de cette cité dans le service militaire de Rome, dès l’époque
julio-claudienne. Vienne apparaît ainsi, parmi les cités de Narbonnaise, comme celle qui,
durant cette période, a fourni à l’ordre sénatorial et à l’ordre équestre le plus grand
nombre de personnages19.
NOTES
1. CIL III, 6123 (cf. p. 1059) (d’où ILS 231) = 1420734 (paru en 1902 ; d’après E. Kalinka, qui publia
ensuite lui-même le texte) = Kalinka 1906, p. 17-18, n o 19 avec un fac-similé (d’où ILS add„
p. CLXX, sur 231).
2. B. Filow, dans Bull. Soc. Arch. Bulgare, 3, 1912, p. 17, n o 13 (AE 1912, 193).
3. Ivanov 1973, p. 209-213 (photo p. 210).
4. B. Filow, dans Bull. Soc. Arch. Bulgare, 3,1912, p. 17, n o 13 (AE 1912,193). A. Stein, en évoquant
l’existence, à son époque, d’un troisième exemple du texte, fournissait toutefois une référence
214
entachée d’erreur : « Ein drittes Exemplar dieses Meilensteinres ist erwahnt Année épigraphique
1916-17 ». Mais l’indication « Année épigraphique 1916-17 » (c’est-à-dire page 17) renvoie à cette
publication au lieu même où elle résume l’article de G. Seure, déjà cité, qui mentionne seulement
les inscriptions classées ici sous le no 1 (reproduit aussi dans AE 1900, 18), et sous le n o 2. Dans PIR2
l’indication « A.E., 1916, p. 215 » est également erronée : il s’agit d’une référence identique, car on
renvoie à la pagination de l’Année épigraphique dans la Revue archéologique de 1916. À un certain
moment, on a donc pu douter de l’existence d’un troisième exemplaire. Ce fut ainsi le cas de B.E.
Thomasson : « Haud iure de « ein drittes Exemplar dieses Meilensteines » cogitavit Stein ». Il est
difficile de vérifier si A. Stein se réfère explicitement à un des nouveaux textes que l’on vient
d’évoquer, ou si son affirmation est gratuite.
5. Ivanov 1973, p. 209-213 (photo p. 210).
6. Gerov 1959-1960, p. 239.
7. Mottas 1989, voir surtout p. 98-100 avec fig. 1 et 2 (d’où A.E., 1991, 1407).
8. A. Stein, R.E., X, 1917, col. 891, Iulius 539.
9. PIR 2 1 632 : « Fortasse e Gallia Narbenensi ».
10. Demougin 1992, p. 455, no 546. Sur Pollio : Demougin 1992, p. 450-451, n o 539. Ce personnage a
reçu une notice dans PIR2, I, 473 : on maintient l’origine italique, d’après Pflaum 1960, p. 69-70, n o
28 et p. 961.
11. ILHS 12 [ILN Vienne, 3, 763].
12. CIL XII, 2520, d’après copie ancienne cf. p. 831 d’après copie d’Allmer = ILHS 86 [ILN Vienne,
3,735].
13. Dans Bull. épigr., 5,1885, p. 148.
14. CIL X, 7863.
15. CIL X, 7952.
16. Pflaum 1960, p. 69-70, n o 29 et p. 961 ; Meloni 1966, p. 186-187 ; Demougin 1992, p. 450-451, n o
539 ; Thomasson 1984, col. 7, no 6.
17. AE 1914, 27 ( ILGN 632) ; Gayraud 1980, p. 87-89, n o 23 (avec photo). Sur la carrière du
personnage, cf. Pflaum 1960, p. 28-30, n o 12 ; Gayraud, cité ici même ; Dobson 1978, p. 192, n o 58 ;
Demougin 1992, p. 418, no 505.
18. Tac. Hist., III, 43, I et III, 43, 3-4 ; Pflaum 1960, p. 94-95, n o 40 ; Dobson 1978, p. 211, no 87 ;
Demougin 1992, p. 596-597, no 702.
19. Christol 1993 a, p. 277-291.
NOTES DE FIN
*. Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1997, p. 260-265.
215
NOTE DE L’ÉDITEUR
L’inscription a été enregistrée dans AE 2002, 922. Le personnage a reçu une notice dans
Burnand 2005-2007, II, p. 64-65. Cet exemple entre dans la problématique suivie dans
Christol 2005 b [chapitre 15].
1 Lors des fouilles de J. Formigé au coeur de la ville d’Arles, dans les galeries des
cryptoportiques1, de nombreux documents épigraphiques furent mis au jour. Certains
furent à peine signalés et ne reçurent pas alors l’honneur de la publication. Ainsi, dans un
des secteurs les plus productifs en documents d’époque romaine, le dépotoir de la galerie
nord du site, en 1952, plusieurs fragments de marbre appartenant à une plaque inscrite
furent exhumés (CRY 52.00.06) 2. Ils étaient mêlés au clipeus virtutis et à d’autres
inscriptions honorifiques du Ier siècle ap. J.-C., ainsi qu’à des éléments de sculptures
provenant des monuments du forum. Ils avaient été rassemblés là afin d’alimenter un
four à chaux, au début du Ve siècle.
2 Ces fragments, une fois rapprochés, apportent la partie gauche d’une inscription,
composée de quatre lignes au moins. L’écriture est de belle facture, avec des P à la boucle
non fermée, un O de forme parfaitement circulaire, le recours à des lettres qui parfois
surplombent la ligne (le T à la. 2) ou qui parfois se caractérisent par une taille réduite. La
gravure permet de comparer cette inscription à celle que supporte une autre plaque,
trouvée dans le même lieu et, elle aussi, reconstituée à partir des fragments mis au jour
durant les diverses campagnes de fouille. Elle avait été également apposée sur une base de
statue : elle portait le cursus d’un chevalier arlésien3. Cette dernière appartient à l’époque
augustéenne, alors que l’inscription qui nous intéresse principalement ici ne peut être
216
datée qu’un peu plus largement : à l’époque /94/ augustéenne ou peu après, mais sans
dépasser vraisemblablement le milieu du Ier siècle ap. J.-C.
3 Dimensions (conservées) - Hauteur : 45 ; largeur : 26 ; épaisseur : 1,5. Hauteur des lettres -
L. 1 ; 6,3 ; L. 2 : 5,7 (T ; 7 ; R : 4,1) : L. 3 : 5,4 ; L. 4 : 4,8.
4 Le texte se présente ainsi (fig. 3) :
1 P•PROPE+---
2 TER•PATE+---
3 II•VIR•P+---
4 FABR.•---
5 /95/
6 Aux lignes 1 et 3 ne subsiste plus de la dernière lettre conservée qu’une partie de haste
verticale, marquant le début de la lettre. À la 1. 2, il reste suffisamment d’éléments pour
reconnaître le R, appelé par la restitution vraisemblable. À la ligne 4, le point séparatif,
sous forme d’une délicate hedera, montre que le mot fabr(um) avait été abrégé. Les points
séparatifs sont triangulaires aux lignes 1, 2 et 3 ; puis ils prennent la forme de l’hedera à
partir de la ligne 3. On notera aussi les empattements des hastes, très larges, et la grande
qualité de la gravure.
7 Aux lignes 1 et 2 se développait la dénomination du personnage. On restituera à la fin de
la ligne 1 le gentilice Propertius, comme l’avait déjà proposé F. Benoit, et la filiation,
puisqu’a la ligne 2 la mention de la tribu Teretina fait admettre que la dénomination du
personnage comportait tous les éléments caractéristiques de celle d’un citoyen romain.
8 L’identification du gentilice Propertius s’impose, si l’on se réfère aux listes compilées dans
l’ouvrage de H. Solin et d’O. Salomies4. Mais ce gentilice est nouveau dans
l’anthroponymie de la colonie d’Arles. Il s’agit d’un gentilice italien, attesté à Rome et
dans plusieurs cités de la péninsule. Mais il est surtout concentré dans la cité d’Assise 5.
Dans cette cité on peut suivre le destin de ce nom de famille depuis la fin du IIe s. av. J.-C.6,
et constater que le gentilice du poète, né vers 47 av. J.-C., puis établi à Rome, n’était pas
isolé.
9 C’est principalement l’Ombrie qui fournit les indications les plus denses, dans la mesure
où le foyer constitué à Assise s’est particulièrement développé. Il est remarquable par le
nombre des attestations (20 selon les inventaires de G. Forni), et par la présence de
personnages de bon niveau social, le décurion Cn(aeus) Propertius T. f. Scaeva7 et surtout
le chevalier romain C(aius) Passenus C. f. Serg. Paullus Propertius Blaesus8. À proximité de
cette cité on relèvera, à Mevania, le chevalier romain Sex(tus) Caesius Sex. f. Propertianus
9
. Mais on pourrait également mettre en évidence, quoiqu a un degré moindre, le Latium
adiectum, puisqu’a Abella, en particulier, ce gentilice apparaît aussi dans les familles de
notables10. /96/.
217
Fig. 3. P(ublius) Propertius Pater[culus] (Musée départemental de l'Arles antique, cliché M. Lacanaud)
10 Parmi les porteurs de ce gentilice le personnage le plus connu est le poète, originaire
d’Assise11. Quant au sénateur C(aius) Propertius Postumus, qui épousa Aelia Galla, fille
dAelius Gallus qui aurait pu être le père adoptif de Séjan, issu lui-même de Volsinies en
Étrurie12, on ne saurait pour l’instant lui attribuer, en Italie, une origine précise13, mais ce
que l’on sait de la diffusion du gentilice oriente tout de même vers l’Étrurie et l’Ombrie 14.
Il en est de même pour le sénateur Propertius Celer qui, appauvri, fut aidé par Tibère15 :
on ne peut toutefois lui attribuer une origine précise16.
11 En Narbonnaise on ne trouve que peu de témoignages complémentaires. Isolé à Nîmes
apparaît G(aius) Propertius Epapra (Epaphra), au IIe siècle17. Isolé aussi, à Hyères, apparaît
C(aius) Propertius A[—]18. Cela faisait en tout deux exemples avant que ne soit mise au
jour l’inscription d’Arles. Mais pour l’instant, dans la colonie des Sextani, ce nom de
famille demeure unique lui aussi, ce qui laisse en suspens la question de l’enracinement
local de la famille et celle de son possible rayonnement, même s’il est bien évident qu’il
s’agit d’une importante famille de notables, honorée dans l’un des lieux publics essentiels
de la cité, à peu de distance de sa fondation pour les vétérans de César 19.
12 Si l’on peut avancer que l’origine tusco-ombrienne apparaît comme l’hypothèse
dominante, on pourrait insérer les Propertii arlésiens dans un groupe de /97/ familles
manifestement issues de cette partie de l’Italie, qui profitèrent de l’établissement de la
colonie de vétérans à la fin de l’époque césarienne. Déjà H.-G. Pflaum avait mis en valeur
que la famille du sénateur A(ulus) Annius Camars pourrait être originaire d’Étrurie en
raison de la conservation du surnom Camars au fil des générations20.
13 Un autre exemple remarquable est fourni par une inscription incomplète, enregistrée par
Hirschfeld et actuellement conservée dans les réserves du Musée21. Hirschfeld estimait
qu’elle présentait des lettres caractéristiques du début du Ier siècle ap. J.-C., ce qui signifie
qu’elle appartient aux plus anciennes inscriptions de la colonie et que l’on peut même
218
envisager, sans hésiter, une date un peu plus haute que celle que postulait le savant
éditeur du CIL. Ce dernier attribuait aux personnes connues par ce texte le gentilice
Ubilatro/Ubilatronia, qui apparaissait ainsi comme exemple unique 22. Pourtant, dans son
étude sur les gentilices latins, W. Schulze n’a pas retenu la lecture de son prédécesseur. Il
a préféré lire dans l’inscription le gentilice Viblatro/Viblatronia, attesté aussi dans une
inscription d’Arna en Ombrie23. Il s’agit d’un gentilice très rare, formé sur le modèle de
Commeatro/Commeatronia24. L’erreur de Hirschfeld s’explique par l’abondance des ligatures
dans la partie conservée de l’inscription d’Arles. Mais il faut rendre hommage à la
perspicacité de Schulze et faire disparaître de l’index des gentilices du CIL ce nom de
famille qui n’a plus de raison de s’y trouver25.
14 Un autre cas, comparable, est fourni par la dénomination de M(arcus) Saenius M. f. Ter.
Secundus, dont l’inscription appartient aussi à une haute époque26. Ce nom de famille est
aussi bien concentré en Étrurie, comme l’a aussi souligné W. V. Harris27. /98/
15 L’inscription de ce nouveau notable arlésien s’insère bien dans le contexte des
déplacements de populations italiennes par la colonisation militaire césarienne.
16 L’inscription est malheureusement incomplète, en sorte qu’une partie des restitutions
demeure sujette à caution.
17 Toutefois on n’hésitera pas à compléter la ligne 1 par la fin du gentilice et par la filiation,
ce qui nous fournit au moins six lettres supplémentaires, en comptant le R. On verra que
la restitution d’un prénom paternel abrégé par plus d’une lettre pourrait également
convenir (TI ou SEX), mais c’est peut-être le mot filio qui n’était pas fortement abrégé
(FIL). La ligne 1 comportait donc a priori entre 12 et 14 lettres. Cette dernière évaluation
semble vraisemblable, à la lumière des observations sur la ligne 3.
18 À la ligne 2, après la mention de la tribu Ter(etina) se trouvait le surnom. On envisagera à
première vue la restitution du surnom Paternus, qui est très bien attesté dans l’épigraphie
de la province, y compris chez les notables, mais Paterclus ou Paterculus pourraient
également convenir : en ce domaine aussi, les inventaires de H. Solin et d’O. Salomies sont
très précieux28. Mais on tiendra compte qu’existe à Rome un témoignage sur un
personnage d’une certaine importance sociale, s’appelant P(ublius) Propertius Paterculus
29. C’est pourquoi on n’écartera pas le surnom Paterculus, même s’il est nettement moins
fréquemment attesté que Paternus 30. Comme on va le voir plus bas, c’est la solution qui,
dans l’état de nos connaissances, doit avoir la préférence.
19 En tenant compte que le premier mot de cette ligne 2 comporte une petite lettre, le
nombre total de signes pourrait à cette ligne osciller entre 13 et 15. Or, en ajoutant le
surnom Paterno nous ne parvenons qu’à dix lettres. En revanche, en ajoutant le surnom
Paterculo nous parvenons à douze lettres, mais il existe une possibilité d’inclusion de l’V
dans le C. De plus à cette ligne il devait se trouver, à droite, la place pour un autre mot, si
l’on accepte les observations générales que nous venons d’effectuer. Mais nous quittons
alors, sans aucun doute, la dénomination du personnage pour aborder son cursus.
20 Celui-ci devait d’abord comporter les éléments municipaux. Puis il se prolongeait par ce
que l’on appellera la carrière impériale. La transition de l’une à l’autre s’effectue à la ligne
3. Ici, à la ligne 2, avant la mention du duumvirat on sera tenté d’insérer d’autres
éléments de la carrière municipale. On pourrait envisager la/99/mention des premières
magistratures31, soit q(uaestori) ou aed(ili). Toutefois ceci créerait dans l’épigraphie
arlésienne une séquence, certes possible, mais nouvelle, car il ne semble pas habituel de
mentionner dans son intégralité le cursus municipal, ni même, lorsque l’on fait partie de
219
[ntubernali] / meren[tissimo f(ecit)]. On est frappé par un grand /101/ nombre de rencontres
entre les deux dénominations : d’abord et surtout par le recours au prénom P(ublius) qui
n’apparaît nullement chez les Properce d’Italie39 ; mais aussi par la possibilité de
retrouver le surnom Paterculus dans l’une comme dans l’autre.
28 Il faut peut-être se rendre à l’évidence et admettre l’existence d’un lien dépassant la seule
rencontre onomastique entre l’inscription d’Arles et l’inscription de Rome, ville dans
laquelle se trouve l’essentiel de la documentation relative aux dispensatores 40. Il convient
en effet de tenir compte que le contenu même de l’inscription de Rome, par tous les
rapprochements qui sont possibles, est riche d’enseignements sur le statut socio-politique
de P(ublius) Propertius Paterculus, le maître du dispensator. Ils sont compatibles avec les
données de l’inscription d’Arles, même si l’homonymie n’impose pas nécessairement une
identification. Elle peut tout aussi bien signifier qu’il s’agit du père (en Arles) et d’un
descendant, peut-être un enfant (à Rome).
29 Sans aucun doute, Ingenuus, esclave dispensator dans une maison romaine, est attaché à
une famille de très bon niveau41. Son maître, établi à Rome, devait disposer d’une belle
fortune, car ce type de gestion des biens est caractéristique des strates élevées des classes
possédantes42. Nous ne nous avancerons guère en admettant que P(ublius) Propertius
Paterculus est à Rome un homme d’importance. Quand on dénombre les personnages
révélés par les inscriptions des dispensatores, si l’on/102/trouve P(ublius) Propertius
Paterculus en compagnie des gens de la plus haute aristocratie, ces derniers ne
constituent pas toutefois son milieu d’appartenance. En effet il y avait aussi dans le
groupe mis en évidence des sénateurs d’une réputation moins illustre, à qui leur statut
imposait le domicile romain43, ainsi que des chevaliers de bon niveau, qui suivaient en
particulier la carrière procuratorienne44. C’est dans l’un ou l’autre de ces sous-ensembles
qu’il convient certainement de placer P(ublius) Propertius Paternus, connu à Rome par
l’épitaphe de son dispensator Ingenuus45.
30 Il conviendrait donc d’envisager que la famille du chevalier arlésien s’est engagée dans la
voie du service impérial, qui offrait de belles perspectives d’ascension sociale et de
promotion dans l’élite politique romaine, à l’image du destin qui échut aux ancêtres
d’Agricola, procurateurs impériaux, puis membres de l’ordre sénatorial46. Il semble donc,
sans même attendre l’apparition d’une documentation plus explicite, que l’inscription
d’Arles relative à ce nouveau chevalier romain, permette aussi d’éclairer l’ascension des
notables des cités de Narbonnaise durant le Ier siècle ap. J.-C.47.
NOTES
1. Mise au point : Heijmans 1991 ; pour le dépotoir, partie, p. 169-170. Informations succinctes par
Benoit, « Informations archéologiques », Gallia, 8, 1950, p. 120.
2. Benoit, 1953, p. 109 : « deux duumvirs arlésiens de la tribu Teretina : l’une encore incomplète
portant le nom de P. Prope[rtius ?] ; l’autre complétant le cursus de [T. Iuli]us, IIvir et Augustalis,
précédemment signalée » ; sur cette dernière, voir n. suiv. L’inscription qui nous intéresse fut
221
omise dans AE 1954, p. 30, qui ne reprenait que celle du chevalier romain déjà mentionné par AE
1952, 169. Il n’en est rien dit également dans Benoit 1952.
3. Benoit 1952, p. 55 (d’où AE 1952,169) ; Benoit 1953, p. 110 (d’où AE 1954,104) ; Christol 1996 c,
p. 307-312 (d’où AE 1996, 1008) [voir aussi Christol 1999 h, ici chapitre 21]. D’une bibliographie
abondante retenons Pflaum 1978 a, p. 196, no 2, ainsi que p. 197 et 257 ; Dobson 1978, p. 172 ;
Devijver 1976-2001, I, p. 433-434, I 13 ; IV (Supplément I), p. 1591 et V (Supplément II), p. 2130 ;
Demougin 1992, p. 80-81, no 70.
4. Solin et Salomies 1994, p. 144.
5. Forni 1985, p. 205-223 ; pour les inscriptions d’Assise : Forni 1987. Voir aussi Gaggiotti et Sensi
1982, p. 262-263.
6. Forni 1985, p. 219-220.
7. AE 1978, 294 (= Forni 1987, 565).
8. CIL XI, 5405 (= Forni 1987,47) ; ILS 2925 ; Forni 1985, p. 212-213, 220. C’est un correspondant de
Pline le Jeune (Ep.,V 1, 15, 1 et IX, 22, l) ; Syme 1991, p. 495.
9. CIL IX, 5028 ; Devijver 1976-2001,1, p. 207, C 44 ; V, p. 2044. Mevania est un municipe d’Ombrie.
10. T(itus) Propertius T. f. Thor[---] (duumvir) : CIL I 2. 1609 = X 1218 = ILLRP 519 ; Cébeillac-
Gervasoni 1998, p. 76-77. C’est pourquoi la mention passim, pour qualifier la répartition de ce
gentilice, dans Solin et Salomies 1994, p. 149, semble peu appropriée.
11. Wiseman 1971, p. 52 ; Syme 1967, p. 442. Retenons, à son propos et à propos d’Ovide, le
jugement de Syme 1986, p. 359 : « They belonged to the class of « domi nobiles », the men of
substance and repute in the towns of Italy » ; voir aussi Boucher 1965, p. 105-111.
12. Demougin 1992, p. 57 (no 42 : Aelius Gallus), p. 236-237 (no 272 : L. Aelius Seianus).
13. Syme 1967, p. 442-443, admet une parenté entre le poète et C(aius) Propertius Postumus (C
(aius) Propertius Q.f. T.n. Fab. Postumus) ; de même Syme 1986, p. 359, en se fondant sur la rareté
du gentilice ; Wiseman 1971, p. 254, no 345, fait remarquer que la tribu Fabia n’est pas attestée en
Ombrie. Assise pour sa part se trouve dans la tribu Sergia. Mais à ce propos on retiendra les
observations de Forni 1985, p. 214-215, qui trouve que cet argument n’est pas aussi fort qu’on
pourrait le croire. Enfin Gaggiotti et Sensi 1982, p. 263.
14. Ce serait au moins le cas de son épouse : Demougin 1992, p. 236.
15. Tac., Ann., I, 75, 3 ; Syme 1991, p. 495.
16. Wiseman 1971, p. 254, n o 344, ne lui attribue une origine ombrienne qu’avec une très grande
réticence ; Gaggiotti et Sensi 1982, p. 263, sont également évasifs.
17. CIL XII, 3891, revue par Christol 1990, p. 179, n o 5 (d’où AE 1995, 1056).
18. CIL XII, 387 ; ILGN 47.
19. Outre le mise au point de Heijmans 1991, Gros 1987, p. 339-363.
20. Pflaum 1970, p. 265-272. Sur les Annii en Étrurie, Harris 1971, p. 199-200.
21. CIL XII, 906.
22. D’où l’index, CIL XII, p. 884.
23. Schulze 1904-1991, p. 299. CIL X, 5611 : Fortunae Bon(ae). L(ucius) Viblatro Clemens v(otum) s(olvit)
l(ibens) m(erito). Voir aussi Solin et Salomies 1994, p. 207 (pour Viblatro ; Ubilatro n’apparaît donc
pas dans ce recueil). Voir aussi Christol 1973 a, p. 117-118 (d’où AE 1975, 585).
24. Schulze 1904-1991, p. 342, 380 ; Solin et Salomies 1994, p. 59. CIL X, 6556, 6557.
25. Dans AE 1975, 585 (voir ci-dessus n. 23) la lecture alternative Vib(ia) Latronia est proposée dans
le commentaire qui complète la notice (d’où l’index p. 284), mais elle ne peut être retenue, car
fallacieuse. Pourtant elle a été validée dans les Tables générales de l’Année épigraphique, VIII e série
(1961-1980), établies par J.-M. Lassère : p. 197 pour Vib(ia) Latronia, dans l’index des gentilices,
puis p. 259 où apparaît Latronia, dans l’index des cognomina (en revanche aucune mention de
l’authentique Viblatro parmi les gentilices). Il faut corriger cette indexation hasardeuse et
trompeuse.
26. CIL XII, 609.
222
27. Harris 1971, p. 322-324. Le gentilice Saenius est attesté en particulier dans l’Étrurie du centre
et du nord ainsi qu’en Ombrie (Florence, Clusium, Asisium, Volaterrae ; cf. les index du CIL XI) ;
de là il s’est diffusé vers l’Italie et ailleurs : Schulze 1904-1991, p. 93, p. 228.
28. Solin et Salomies 1994, p. 376.
29. Not. Scav., 1923, p. 376 (le texte est transcrit plus bas). L’inscription est signalée par Forni
1985, p. 218, mais ce savant lui a consacré peu d’attention, en particulier à la p. 209 lorsqu’il
examine les prénoms utilisés par les divers rameaux gentilices des Propertii.
30. Près d’Arles, CIL XII, 983 : Kareia Karei f(ilia) Patercla ; dans l’épigraphie locale surtout C. Statius
Paterclus (CIL XII, 882). D’autres attestations à Nîmes : CIL XII, 3683 (Paterculus), AE 1982, 680
(Patercla). Voir Kajanto 1965, p. 304.
31. Gascou 1997, p. 82. La questure n’est pour l’instant attestée que par une restitution aléatoire
de Herzog, abandonnée par Hirschfeld, cf. CIL XII, p. 932 et 941 (à propos de CIL XII, 712). Mais son
existence dans une colonie est indubitable. L’édilité est plus régulièrement attestée : voir Gascou
1997, p. 82, n. 43.
32. D’où la correction à CIL XII, 701 : au lieu de [decurio]ni, Arelatenses municipes, comme
l’envisageait Hirschfeld, on devrait préférer [Sexta]ni Arelatenses municipes. Cette solution a été
formulée par Christol 1991 b, p. 360, n. 14 : elle n’est pas prise en compte par Gascou 1997, p. 83,
n. 54, même s’il estime que la mention du décurionat dans les inscriptions de notables n’est pas
courante [voir aussi Christol 2004 g, p. 107-110],
33. Sur les sacerdoces arlésiens, Gascou 1997, p. 82-83. L’augurat doit être restitué dans
l’inscription AE 1954, 104 (voir ci-dessus n. 3).
34. Gascou 1997, p. 83 : CIL XII, 692 ; CIL XII, 698 ; CIL XII, 701.
35. Pour le premier anonyme, voir ci-dessus (n. 3). Pour le dernier anonyme, qui pourrait
appartenir à la tribu Voltinia, et donc ne serait arlésien que par alliance, l’inscription
fragmentaire a été gravée sur un mausolée, dont subsistent quelques fragments architecturaux :
Du nouveau sur l’Arles antique, dans Revue de l’Arles antique, 1, 1987, p. 112-113. À présent, Demougin
1998, p. 333-341. Le premier de ces personnages ne figure pas dans la liste de Sablayrolles 1984,
p. 241-243, ni dans celle de Lamoine 1999, p. 144-146.
36. CIL XII, 671 et Mémoires de l’Institut historique de Provence, 9, 1932, p. 132-135 ; Pflaum 1960,
p. 118-123, no 52 ; Pflaum 1978 a, p. 125-129, no 7 ; brève mention chez Sablayrolles 1984, p. 240, n.
10. Hirschfeld, ad CIL XII, 671 et index p. 923, qui le premier proposa de restituer cette fonction,
était conscient de son caractère aléatoire.
37. Pour tous ces cas voir Sablayrolles 1984, p. 239-247.
38. Voir ci-dessus n. 29. Pas de mention dans l’ΑΕ, 1924, dans laquelle les Notizie degli Scavi ont
pourtant fait l’objet d’un dépouillement, p. 29 et suiv. (partic. p. 30-31 pour la nécropole de la via
Salaria). L’inscription peut appartenir au Ier s. ap. J.-C. d’une façon large.
39. Listes compilées par Forni 1985, p. 218-221.
40. En Gaule narbonnaise la documentation est très réduite. On signalera, provenant d’Arles,
l’inscription de Peregrinus, Antistiae Piae dispensator (CIL XII, 856), à rapprocher de l’inscription de
St-Paul-Trois-Châteaux qui mentionnait Antistia Pia Quintilla, flaminica colonia Flavia
Tricastinorum (AE 1962,143) : Wierchowski 1995, p. 86, n. 41, p. 264.
41. Sur le rôle des dispensatores, personnages importants pour la gestion des affaires et hommes
de confiance au sein de la familia urbana, voir G. Bloch, sv. dispensator, dans Dict. des Antiquités, II,
Paris, 1892, p. 280-286. On tiendra compte de Muniz Coello 1989 : Muniz Coello 1989, p. 108-119,
avec un rapide examen de l’épigraphiep. 110 n. 6 ; Aubert 1996, p. 196-198.
42. CIL IX, 3375 (ILS 3530) : dispensator qui accomplit une dédicace en compagnie de l’affranchi
procurateur de son maître ; CIL IX, 4644 (ILS 3857) ; CIL VI, 2187 (ILS 4973) : dispensator d’un Iunius
Silanus ; CIL X, 7893 (ILS 5409) ; CIL XI, 5418 (ILS 5459) : dispensator de Poppaea Sabina ; CIL VI, 9341
(ILS 7379) ; CIL 9357 (ILS 7380) ; dispensator de Caepio Hispo ; CIL VI, 33472 (ILS 7381) et CIL VI,
33849 (ILS 7381a) : dispensatores de la grande famille des Norbani ; CIL VI, 9327 (ILS 7382) : qui
223
dispensavit Volusio Torquato Luci filio ; CIL VI, 9325 (Buonocore 1984, p. 68, n o 10) : dispensator de L.
Volusius Saturninus ; CIL VI, 9355 (ILS 7383 ; Buonocore 1984, p. 140-141, n o 111) : moratus in
dispensatione Boioniae Procillae et Aureli Fulvi ; CIL VI, 9343 (Buonocore 1984, p. 13, n o 109) :
dispensator de Q. Volusius Saturninus et de Cornelia ; CIL VI, 9349 (ILS, 7384) : dispensator de Valeria
Polla ; CIL VI, 9321 (ILS, 7853) : dispensator des Vitellii ; CIL VI, 9326 (ILS 7864 ; Buonocore 1984,
p. 135-137, no 106) : dispensator de Q. Volusius Saturninus ; CIL VI, 6275 (ILS 8418) : dispensator des
Statilii ; CIL VI, 9331 (AF, 1992, 98) ; AE 1992, 196 ; AE 1984, 291 ;AE 1945, 107 : dispensator de L.
Aelius Lamia.
43. C’est pour cette raison que d’une façon assez régulière on a rapproché les maîtres de ces
dispensatores de membres de l’ordre sénatorial : par exemple dans l’inscription CIL VI, 9351, à
propos de laquelle Servaeus Innocens est rapproché d’un consul de 101 ap. J.-C. (Q. Servaeus
Innocens). Régulièrement, l’information sur ces dispensatores a été intégrée aux notices de la
Prosopographia imperii Romani par Groag et Stein.
44. On citera CIL VI, 9363, inscription de Quietus, dispensator, qui fait composer l’épitaphe de
Diocharis, Iuli Classiciani ser(vi) : ils appartiennent tous deux à la même familia servile urbaine : PIR
2
I 145.
45. On s’appuiera sur les dénombrements de Kajanto 1965, p. 314, qui naturellement rapproche
l’usage de ce surnom de l’anthroponymie des citoyens. Cet auteur relève toutefois qu’en face de
559 hommes libres apparaissent 36 attestations relatives à des esclaves ou affranchis : 4
proviennent de Narbonnaise, où l’on trouve par ailleurs l’usage de ce surnom comme nom
individuel (CIL XII, 1310). Le dispensator de Rome ne serait-il pas un esclave, ayant suivi la famille
de son maître au cours de son ascension politique et sociale ?
46. Raepsaet-Charlier 1991, p. 1820 ; voir aussi Demougin 1992, p. 105, n o 103. Rappelons aussi que
c’est de Rome que provient l’inscription faisant connaître le père et l’oncle d’Agricola ; AE 1946,
94. Dans le même contexte de l’ascension sociale des notables des cités de Narbonnaise au sein de
l’aristocratie sénatoriale, on mentionnera l’exemple des Iulii de Nîmes : Christol 2001 a.
47. Christol 1993 a [chapitre 12].
NOTES DE FIN
*. Antiquité classique, 71, 2002, p. 93-102.
224
NOTE DE L’ÉDITEUR
Les personnages cités dans cet article ont trouvé leur place dans l’ouvrage de Burnand
2005-2007 :Cn. Domitius Afer (27 S 3, p. 77-84), T Aurelius Fulvus (61 S 11, p. 159-166), T.
Iulius Maximus (151 S 31, p. 366-370), Cn. Iulius Agricola (122 S 23, p. 284-293). Sex. Iulius
Maximus (77 E 64, p. 189-191) est toutefois maintenu à l'époque claudio-néronienne et le
lien avec le sénateur T. Iulius Maximus n'est pas souligné. Le cas du sénateur A(ulus)
Marius Celsus n'est pas envisagé, conformément au point de vue de cet auteur exprimé à
plusieurs reprises.
Sur la famille des Iulii de Nîmes, déjà Christol 2001 a. Sur les rapports des notables, issus
des colonies de vétérans, avec le service impérial, cas qui concerne les aïeux d'Agricola,
Christol 2004 f et 2004 g.
15 On insistera d’abord sur les inscriptions de la zone occidentale de la cité, provenant des
environs de Lattes et de Lattes même. La première, connue depuis longtemps42, mais
incomplètement déchiffrée, a été gravée sur un bloc imposant qui pouvait appartenir à un
mausolée : les deux personnes mentionnées sont un Pompeius et une Domitia. Sans aucun
doute par ce texte nous connaissons des personnes d’un bon niveau social et, comme les
caractéristiques paléographiques suggèrent une datation haute (époque du triumvirat ou
première époque augustéenne), ce témoignage renvoie aux premières générations des
familles indigènes entrées dans la cité romaine. L’autre inscription appartient à la
nécropole de la ville de Lattes43 ; elle fait connaître une Domitia Domiti f(ilia), ce qui montre
aussi l’usage de ce gentilice dans une dénomination pérégrine, à deux reprises 44. Peut-être
avons-nous aussi de cette manière une trace de l’influence locale de cette famille,
puisqu’on peut ajouter une autre inscription de Lattes où apparaît ce gentilice45, et une
inscription assez proche, à Candillargues46, où celui-ci a été /156/ utilisé comme surnom
(Porcia C(ai) f(ilia) Domitia). Un autre secteur de la cité mérite aussi attention. Il s’agit de la
zone qui se trouve entre Nîmes et Alès, correspondant à la Gardonenque. On y recense
quelques attestations du nom Domitius, soit comme gentilice (à Saint-Étienne de l’Olm 47, à
Dions48), soit comme nom unique dans une dénomination pérégrine (La Rouvière49). Qui
plus est, ces inscriptions sont à rapprocher d’une des références toponymiques mises en
évidence par Y. Burnand, concernant le lieu-dit Domessargues, situé à une faible distance
de chacun de ces trois points.
16 Il importe d’utiliser la répartition spatiale des témoignages pour apprécier comment se
marque dans le territoire l’empreinte de ce gentilice Domitius : empreinte de l’influence
d’un grand personnage et de sa famille, peut-être aussi empreinte soutenue par une
appropriation foncière. À la zone littorale à l’Ouest du territoire, s’ajoute la Gardonenque,
ainsi qu’une troisième zone, vraisemblablement autour d’Uzès, autre point de
concentration d’attestations mais dans le cadre d’une agglomération secondaire50. En
revanche le témoignage provenant de Barjac51, au Nord de la cité, et celui provenant du
toponyme Domazan, à l’Est, sont pour l’instant isolés sur une carte de répartition (fig. 4).
17 Pour l’instant, aucun témoignage clair ne montre de lien entre des notables nîmois
appartenant au groupe des Domitii et une quelconque partie du territoire. Toutes les
inscriptions qui concernent les personnages d’un certain rang proviennent du chef-lieu,
notamment celle d’un notable connu à haute époque, L(ucius) Domitius L(uci) f(ilius) Vol
(tinia) Axiounus, pr(aetor) (quattuor) vir bis 52. On ne peut non plus mettre en avant
d’inscription de sévir augustal provenant du territoire. Peut-on toutefois en tirer un
argument pour atténuer les conclusions précédentes ? Les relations entre les notables et
la campagne peuvent se marquer de différentes manières, mais en Gaule méridionale elles
semblent, comme ailleurs, incontestables53.
18 Enfin, un élément important du dossier épigraphique, suggestif dans le cas de Cn(aeus)
Domitius Afer, correspond aux inscriptions qui témoignent de son implantation italienne.
Outre ce que l’on sait à une date ultérieure sur l’intérêt pris par sa famille à la production
de matériaux de construction, il faut tenir compte, à Rome et en Italie aussi, que
l’épigraphie apporte des /157/ informations sur le sénateur, notamment sur le personnel
qui l’assistait dans ses charges publiques et dans ses affaires privées 54.
19 Concluons à présent sur les divers éléments de ce dossier. Les inscriptions de Rome et
d’Italie viennent corroborer le transfert des affaires du personnage et de celles de sa
famille à Rome et dans la péninsule. Ce sont les conséquences de l’acquisition du domicile
romain. En province, en revanche, les données se prêtent à des interprétations plus
230
21 Le premier est connu par une inscription, qui a été peu utilisée parce qu’il y avait
hésitation sur sa date. Elle a été mise au jour durant les travaux de dégagement qui se
produisirent aux Arènes entre 1808 et 1811. Elle fut publiée par l’érudit Trélis qui était
secrétaire perpétuel de l’Académie, dans les Mémoires de l’Académie du Gard, puis elle passa
dans le supplément au recueil d’Orelli, dans l’appendice de Herzog, et enfin dans le CIL XII
de Hirschfeld. Tous ces auteurs se référaient à l’édition imprimée de Trélis, la pierre
ayant disparu. Mais il existait des copies manuscrites. Hirschfeld n’indique pas qu’il les ait
consultées ou, s’il le fit, il n’en tint pas compte. On /158/ les trouve sur des feuilles
volantes collées dans un recueil de dessins attribués à J.-Fr. Séguier (BM Nîmes, ms 109) 57.
22 Habituellement on a interprété l’inscription comme une épitaphe. C’est ainsi que
Hirschfeld restituait au début du texte la formule d(is) m(anibus). Dans l’index du CIL XII,
au sein des notabilia varia, on retrouve l’inscription sous la rubrique sepulcra eorumque iura,
à la p. 963, avec les textes qui, en Narbonnaise, associent la mémoire du défunt à
l’invocation de ses mânes. Dans l’Histoire générale de Languedoc, XV, n o 221, l’inscription est
présentée sous le titre « Épitaphe d’un tribun légionnaire ». Mais la mention des
Nemausenses, à la dernière ligne, fournit la clef de l’interprétation. Il s’agit d’un hommage
collectif, autrement dit : d’un hommage public. C’est l’ordo decurionum qui en avait
l’initiative. C’est pourquoi, le plus souvent, la mention d(ecreto) d(ecurionum) venait
s’inscrire à la fin du texte. Mais dans quelques cas la formule est introductive : on citera
une inscription d’Arles, relative à la statue de Precilius Pompeianus58, surtout une autre
inscription de cette cité relative à un autre notable : d(ecreto) d(ecurionum) ob merita in r
(em) p(ublicam)59... Le texte, avec ses développements, se présente ainsi : D(ecreto) [d
(ecurionum)],/ memor[iae]/ Sex(ti) Iulii S[ex(ti) f(ilii)]/ Vol(tinia) Max[imi],/ flaminis Rom[ae et]/
divi Aug(usti) item Dr[usi]/ et Germ(anici) Caes(arum), tr(ibuni) m[il(itum)],/ praef(ecti) fabr(um)
III, IIIIv[ir(i)]/iur(e) dic(undo), / Nemausens[es].
23 L’élément initial et l’élément final appartiennent donc aux hommages publics. Il reste à
éclairer la référence à la memoria.
24 Il convient d’observer que les décrets qui définissaient les honneurs à rendre aux notables
étaient pris en général de honoranda morte ou de honoranda memoria 60. Le rappellent les
documents complets dont on dispose. Après l’expression d(ecreto) d(ecurionum) le mot
memoria résumait l’objet de la proposition, de la délibération et de la décision, toutes
étapes du déroulement d’une réunion de l’ordo municipal61. Nous disposons donc du texte
gravé sur la base d’une statue érigée en l’honneur et à la mémoire de Sex(tus) Iulius
Maximus par ses compatriotes.
25 Cette conclusion a des implications en matière chronologique. On n’est plus réduit à
balancer entre une date haute, fournie par la mention du flaminat de Germanicus et de
Drusus, à la suite du flaminat d’Auguste divinisé, et une date basse, fournie par ce que l’on
croyait être une invocation aux dieux mânes, associée à l’évocation de la mémoire du
défunt62. Une /159/ datation du deuxième quart du I er siècle pour les dernières étapes de
la carrière devient plus normale : mais il semble tout de même que l’inscription fut gravée
plutôt vers le début (Tibère ou Caligula) que vers la fin de cette période (Claude).
26 Pour l’interprétation du déroulement de la carrière on peut, en accord avec la notice de S.
Demougin63, estimer que carrière municipale et carrière équestre ont été entremêlées, et
que les dernières étapes de la carrière municipale se sont déroulées (au moins les
flaminats) lorsqu’il était revenu dans sa cité avec tout le prestige d’un service impérial
bien fourni (le tribunat militaire, puis la préfecture des ouvriers).
232
nîmoise. /162/ Par la suite R. Syme est demeuré fidèle à ce point de vue76, tandis que, tout
aussi systématiquement, Y. Burnand répliquait qu’il valait mieux rejeter cette hypothèse 77
. En la matière, il semble que le débat porte sur le degré de vraisemblance que l’on peut
atteindre par l’examen des pièces du dossier. Mais désormais les conclusions sur
l’ascension des Iulii nîmois, viennent conforter les arguments en faveur d’une origine
nîmoise pour le consul suffect de 69 ap. J.-C.
35 Il convient d’abord de placer sur une échelle chronologique les étapes respectives de
l’ascension et de l’intégration de ces familles. Sex(tus) Iulius Maximus, dont nous avons
réexaminé la carrière, eut son floruit sous Tibère et Caligula, plutôt que sous Claude, ce
qui permet de le placer dans les dernières décennies du Ier siècle av. J.-C. et les premières
décennies du I er siècle ap. J.-C. : deux ou même trois générations séparent ce notable de
rang équestre du sénateur polyonyme, consul en 112 ap. J.-C., mais l’entrée sa famille
dans l’ordre sénatorial se produisit peut-être à la génération précédente. Les
informations fournies par Tacite sur la carrière de Marius Celsus indiquent qu’à la fin du
règne de Néron il joua un rôle dans la guerre d’Orient78, avant de recevoir le consulat
suffect, pour 69 ap. J.-C. Il était ainsi contemporain de T(itus) Aurelius Fulvus, le grand-
père d’Antonin le Pieux, qui assuma lui aussi le commandement d’une légion en Orient à
la fin du règne de Néron79. Autrement dit : l’intervalle entre les consulats de ces deux
sénateurs est d’un peu plus de quarante ans.
36 Nous ne pouvons pas exclure du dossier des Marii nîmois, le préteur pérégrin de
l’année 31 ap. J.-C., Q(uintus) Marius Celsus. Au sein de cette famille, il peut apparaître un
élément représentatif de la génération précédant immédiatement celle du consul A(ulus)
Marius Celsus80. On peut estimer que ce sénateur naquit tout au début du Ier siècle ap. J.-C
„ ou très peu avant. Puisqu’il semble vraisemblable d’envisager aussi pour la famille du
polyonyme qu’elle soit entrée antérieurement dans l’ordre sénatorial, l’intervalle de
temps que l’on a évoqué ci-dessus (une quarantaine d’années) n’est pas modifié.
37 On a justifié l’origine nîmoise du consul suffect de 69 ap. J.-C. par un rapprochement avec
le notable local qui s’appelle C(aius) Marius Celsus, et qui fut quattuorvir dans sa cité 81. S’il
s’agit d’établir une continuité entre toutes les personnes entrant dans ce dossier, on
relèvera que le notable quattuorvir apparaît dans une inscription de haute époque, à notre
avis /163/ antérieure à la fin du I er siècle avant J.-C., comme l’était déjà celle de L(ucius)
Domitius L(uci) f(ilius) Vol(tinia) Axiounus ; néanmoins la plus ancienne des deux devrait
être cette dernière. Même si ces deux personnages n’étaient pas membres de l’ordre
équestre, ils étaient parvenus au faîte des honneurs municipaux, ce qui ne les éloignait
pas trop en rang de Sex(tus) Iulius Maximus, l’ancêtre du sénateur polyonyme. En
définitive l’intervalle de temps qui sépare le moment où C(aius) Marius Celsus parvint au
plus haut niveau dans la société locale, et le moment où l’on connaît des Marii Celsi dans
l’ordre sénatorial est suffisamment large pour insérer dans le schéma préétabli les
générations qui ont assuré l’ascension de la famille. Nous retrouvons une situation qui
avait déjà été envisagée pour les Domitii nîmois, parvenus aussi à la préture sous Tibère
avec l’orateur Cn(aeus) Domitius Afer.
38 Il est vrai, toutefois, que dans un premier temps Y. Burnand ne récusait pas que les
ancêtres d’A(ulus) Marius Celsus fussent originaires de Narbonnaise. Mais il estimait qu’il
était impossible de trancher entre Nîmes et Vienne82. Ce n’est que plus tard qu’il exclut
non seulement une origine nîmoise pour le consul Marius Celsus, mais encore une
quelconque origine de Narbonnaise83. Pourtant la question mérite d’être reprise et
approfondie.
235
42 Néanmoins les données complémentaires que l’on peut parfois mettre en œuvre, ailleurs
par des documents nouveaux, mais à Nîmes par une meilleure appréciation d’inscriptions
connues depuis longtemps, donnent plus de force à l’étude du sujet dans son ensemble,
car elles accroissent la vraisemblance des déductions dans quelques cas particuliers et
ajoutent à l’occasion de nouveaux exemples, tel celui des Iulii. Au total la méthode suivie
reçoit de nouvelles illustrations de son bien-fondé et le phénomène d’intégration des
provinciaux est ainsi mieux perçu. L’ascension des familles provinciales se traduit à son
terme par un transfert de domicile ; pour leurs membres elle s’accompagne aussi d’une
profonde modification de leur champ d’action politique, qui peu à peu prend pour cadre
l’ensemble des provinces. Ces changements se traduisent dans l’épigraphie. Chaque étape
marque à sa façon la documentation : il n’est que de rappeler qu’à partir du moment où le
domicile est devenu romain, les inscriptions de Rome peuvent offrir de précieux
renseignements, comme pour les Domitii nîmois.
43 Même quand la trajectoire d’ascension s’est achevée, quelques témoignages viennent
parfois rappeler que le déracinement familial n’est pas total : l’hommage des gens de
Calagurris au descendant du chevalier Sex(tus) Iulius Maximus est significatif. Seule
absence, pour l’instant, au sein des inscriptions de Nîmes : l’échelon de l’equestris nobilitas,
autrement dit les traces du service procuratorien. Cependant les autres cités de
Narbonnaises ne sont pas plus riches dans ce domaine.
44 Naturellement, les étapes antérieures, dans lesquelles les familles bénéficient
essentiellement d’une notabilité locale, s’inscrivent de façon privilégiée dans l’épigraphie
locale, mais toujours de façon variable. Chacun des dossiers examinés apporte son lot de
traits caractéristiques, mais jamais d’une façon exhaustive. Celui qui concerne Sex(tus)
Iulius Maximus est riche de nouveauté : l’inscription de ce personnage appartient aux
hommages publics, érigés au cœur de la cité, dans la ville chef-lieu. Mais il convient de
tenir compte aussi – fait qui n’avait pas échappé à Y. Burnand –, que l’histoire des
familles, non celle des seuls individus, est empreinte dans le territoire, ne serait-ce que
par l’appropriation foncière ou par l’expression de la puissance sociale : la documentation
épigraphique traduit à sa manière ces phénomènes. C’est donc une voie qu’il convient
d’exploiter systématiquement. Or, le dossier épigraphique de la cité de Nîmes, par sa
richesse quantitative, offre la possibilité de multiples enquêtes, souvent fructueuses. La
cité est alors mise en évidence dans sa totalité. Ainsi, avec toutes les ressources de
l’épigraphie locale il devient possible d’enrichir l’étude d’une question d’histoire
politique et sociale aux larges implications : l’ascension des provinciaux dans
l’aristocratie impériale.
NOTES
1. Strabon, Geogr., IV, I, 11 et IV, 1, 12 ; on pourrait ajouter la remarque plus brève mais
significative sur la transformation du peuple des Tectosages, en IV, 1, 14 (καὶ τοὺς βίους
κατασκευᾶζονται πολιτικούς).
2. Analyse du point de vue de cet auteur par Lasserre 1982 ; Le Roux 1995, p. 7-18.
237
Asiaticus from Vienne and Cn. Domitius Afer from Nemausus... »). C’est une problématique qui
annonce celle de Badian 1958.
18. Syme 1958, p. 455-456, à propos des ancêtres paternels et maternels d’Agricola ; voir aussi
Raepsaet-Charlier 1991, p. 1820 et 1856.
19. Syme 1958, p. 455 et p. 607-608, cf. p. 54-55 (pages qui présentent un caractère plus général) ;
voir déjà Syme 1999, p. 28-29 et p. 75 ; Pflaum 1968. Sur l’equestris nobilitas, Demougin 1988, p. 6, et
surtout p. 677-764 passim.
20. Chastagnol 1977 ; Chastagnol 1992, p. 165-168 ; Syme 1986 a, p. 2 (= Syme 1991, VI, p. 210).
21. Même si l’épigraphie apporte un éclairage irremplaçable sur la première génération qui
accéda à l’ordre sénatorial : AE 1946, 94 ; sur L(ucius) Iulius Graecinus et sur M(arcus) Iulius
Graecinus, respectivement père et oncle d’Agricola, voir Burnand 1982, p. 411 ; Raepsaet-Charlier
1991, p. 1820 et 1856 ; voir aussi Birley, dans Syme 1999, p. 34.
22. Syme 1958 b, p. 18-21.
23. On citera à ce sujet une inscription d’Arles, relative à un chevalier issu de cette colonie, P
(ublius) Propertius Pate[rculus]. On doit retrouver à Rome sa présence ou celle de sa famille grâce
à l’inscription du dispensator Ingenuus (Not. Scav., 1923, p. 376) : Christol 2002 f [voir chapitre 14],
Quelques éléments du dossier épigraphique relatif à Cn(aeus) Domitius Afer confortent la
démonstration (voir ci-dessous n. 53).
24. Sur Nîmes et Vienne, déjà Syme 1999, p. 63-64, avec ce jugement significatif : « Clearly,
Nemausus should be reckoned as a “civitas favorabilis” » ; voir aussi Syme 1958 a, p. 23, n. 17.
25. Christol 1988 b, p. 15-17.
26. PIR 2, D 126 ; Burnand 1975 a, p. 716-717 ; Burnand 1982, p. 418.
27. Burnand 1982, p. 416.
28. Syme 1958, p. 786-787.
29. Syme 1938, p. 15-16 (= Syme 1979, p. 102-103) ; Syme 1970, p. 33 (= Syme 1979, p. 814) ; Syme
1977, p. 380 (= Syme 1979, p. 985) ; etc. Voir aussi Syme 1958, p. 455-456, p. 589-590, p. 604-605 ;
Burgers, 1997, p. 97. On pourrait être tenté d’ajouter P(ublius) Memmius Regulus, consul suffect
en 31 et de considérer ce sénateur comme le premier à parvenir au consulat, au sein de la
documentation dont on dispose : observation complémentaire à Syme 1979, p. 103, n. 2. Mais les
éléments du dossier ne sont pas décisifs ; déjà Syme 1999, p. 32-35.
30. Voir les travaux cités ci-dessus n. 17 ; ajouter Syme 1958, p. 783-784 ; voir aussi Burnand 1982,
p. 421 et 431.
31. Badian 1958, p. 302-321.
32. Burnand 1975, p. 217-219, 223-224.
33. Comme le montrerait le cas de T(itus) Valerius C(ai) f(ilius) Senecio, dans CIL XII, 5370 (ILS,
5421) : Christol 2000 d, p. 258-260 [voir chapitre 4 sur les Marti et pour l’inscription ci-dessus le
chapitre 25].
34. Il est évident que ce qu’écrit César sur l’octroi du droit de cité à un notable helvien (BG, 1, 47,
4 et VII, 65, 2), puis ce que rapporte Justin, d’après Trogue Pompée, sur l’octroi de la cité romaine
à des notables voconces (XLIII, 5, 11), sont des références essentielles. Voir aussi Syme 1999, p. 65.
35. Voir ci-dessous n. 42.
36. AE 1955,110 = ILN Riez, 10 ; voir ci-dessous n. 43.
37. Badian, 1958, p. 256-257 ; voir aussi Christol 1999 i, p. 142-143 [mais aussi sur le sujet 2001 b et
2001 c, ici chapitre 11].
38. Jer., Chron., a. 2062 (éd. Helm, Berlin, 1956, p. 179,1. 26 et p. 180,1. 1-3) : Domitius Afer
Nemausensis clarus orator habetur...
39. Burnand 1975, p. 217-219. Nous apporterons plus loin quelques compléments par de
nouveaux documents.
40. Burnand 1975, p. 218-219.
41. Christol 1989 a et b [ici chapitre 9].
239
42. CIL XII, 4208 : inscription à réviser, actuellement au musée de Lattes. Y. Burnand ne la prend
pas en compte.
43. AE 1972, 329 ; révision par Christol 1999 i, p. 139-140 [voir aussi Christol 2001 b, p. 38].
44. Chastagnol 1986, et 1990, p. 579 (= Chastagnol 1995, p. 225-227, et p. 57).
45. AE 1972, 328.
46. CIL XII, 4181.
47. CIL XII, 2890.
48. AE 1967, 296.
49. CIL XII, 3032 : Domitia Licini f(ilia). Ce texte n’est pas pris en compte par Y. Burnand. On peut
rattacher à cet emploi celui qui provient de Nîmes (CIL XII, 3890 : D(is) m(anibus) Secundini Senilis
lib(erti), Domitia filia patri karissimo et Dubitata uxor marito optimo) : l’interprétation de l’inscription
par Burnand 1975, p. 217 est à reconsidérer.
50. CIL XII, 2928, 2933, 2934 ; dans ce dernier texte, relever le nom de l’époux, L(ucius) Baebius L.f.
Volt(inia) Cassianus, vraisemblablement personnage de bon niveau social.
51. CIL XII, 2840.
52. CIL XII, 3215 ; Burnand 1975, p. 223-224 ; voir aussi Syme 1938, p. 16 (=Syme 1979, I, p. 103),
Syme 1977, p. 379 (= Syme 1979, p. 984).
53. Voir en général Février 1981.
54. CIL XI, 3245 ; CIL VI, 9330 ; Burnand 1975 a, p. 726.
55. Burnand 1975 a, p. 711-712 (IIE 2) ; voir aussi Pflaum 1978 a, p. 208.
56. Burnand 1975 a, p. 754-760 (XIII S 4) ; Burnand 1982, p. 418-419 (XXXII) ; PIR 2 1426.
57. CIL XII, 3180 ; Christol 2001 a, p. 613-617.
58. CIL XII, 691 ; voir aussi dans cette cité : CIL XII, 691.
59. AE 1952, 169 = AE 1954,104 = AE 1996,1008.
60. AE 1910, 203 (Brindisi) ; CIL X, 1782 (Pouzzoles) ; Sherk 1970, p. 25-26, et p. 35-36.
61. AE1910, 203 :... placere decur(ionibus) et in illorum solacium et in memoriam honestissimae puellae
locum posteritatis dari, item statuam quam frequentissimo loco publice poni ; CIL X, 1782 ; CIL XIV, 2973 ;
Christol 2001 a, p. 621.
62. Voir à ce propos les remarques de Burnand, 1975 a, p. 711-712, ainsi que les hésitations de
Pflaum 1978 a, p. 208 et p. 259. Mise au point bibliographique par Christol 2001 a, p. 614-615 avec
notes.
63. Demougin, 1992, p. 532-533 (no 630).
64. Mise au point avec bibliographie par Christol 2001 a, p. 623-624.
65. CIL XII, 2606 ; 2607 ; CIL XIII, 5007 ; Pflaum 1978 a, p. 211-212 ; Devijver 1976-1993,1, p. 443-444
(I 36) ; IV, p. 1594 ; V, p. 2133.
66. CIL XIII, 5007 ; Burnand 1974, p. 62-63 ; Pflaum 1978 a, p. 215-216 ; Devijver 1976-1993,1, p. 478
(1106) ; IV, p. 1613.
67. CIL XII, 1855 ; 1869 ; 1870 ; 2580 ; 2613 ; Pflaum 1978 a, p. 225-226 ; Devijver 1976-1993,1,
p. 445-446 (140) ; IV, p. 1595 ; Jacques 1977, p. 290.
68. Hirschfeld, ad CIL XII, 3167 ; Dessau dans PIR I 287 ; Stein, 1927, p. 180-181 ; Petersen dans PIR 2
1426.
69. CIL XII, 3166 et add. ; Burnand 1975 a, p. 737-741 ; Burnand, 1982, p. 418.
70. Christol 2001 a, p. 626-628.
71. Cette restitution a été proposée par L. Renier dans les notes à B. Borghesi, Œuvres, IV, Paris,
1865, p. 214-215.
72. CIL II, 4510 = IRC IV, 32 ; CIL II, 4511 = IRC IV, 33 ; IRC I, 138 et 139 ; Syme 1982-1983, p. 247 (=
Syme 1988, p. 99-100).
73. Syme 1958, p. 603 ; Syme 1958 b, p. 13, 19 ; Syme 1980, p. 51-52.
74. Sen., Epist., 2, 55 ; Badian 1984, p. 70-71.
75. Birley, dans Syme 1999, p. 124.
240
76. Syme 1958, p. 683 ; Syme 1980, p. 50-51 ; Syme 1981, p. 134-135 (= Syme 1984, p. 1383) ; Syme
1982, p. 476 (= Syme 1988, p. 132) ; Syme 1986, p. 9 (= Syme 1991, p. 217) ; lavis est maintenu par
PIR 2 1296 (paru en 1983).
77. Burnand 1975 a, p. 700-701 ; Burnand 1982, p. 420.
78. Tac., Ann., XV, 25, 3.
79. Dossier prosopographique dans Burnand 1975 a, p. 731-737.
80. CIL I2 p. 71 m ; PIR 2 I 297.
81. CIL XII, 3252 : Pompeia Toutodivicis f(ilia) C(aio) Mario C(ai) f(ilio) Vol(tinia) Celso, (quattuor)viro ;
Pompeia Toutodivicis f(ilia) sibi et viro suo. Sans aucun doute le couple appartient aux descendants
des grands aristocrates indigènes.
82. Burnand 1975 a, p. 701.
83. Voir le tableau récapitulatif dans Burnand 1992, p. 431 (« non pertinens »).
84. AE 1904,141 = ILGN 348 = ILHS 98 ; Pflaum 1978 a, p. 252 ;Demougin 1982, p. 417 (n o 504)
85. Christol 2003 f. Ce point de vue, appuyé sur le réexamen du support épigraphique, permet de
résoudre tous les problèmes de datation qui avaient embarrassé les commentateurs. On peut
estimer, dans la mesure où il s’agit d’un chevalier romain, qu’il aurait exercé le tribunat militaire
(à restituer à la ligne 4). De plus le personnage a été préfet des ouvriers à trois reprises
(PRAEFECTO FABRVM III).
86. CIL XII, 1895 (« litteris optimis saeculi primi », selon Hirschfeld).
87. Pflaum 1978 a, p. 252 ; Gascou 1997, p. 90-101 sur l’ensemble des institutions de la cité de
Vienne et sur leur évolution.
88. Christol 1987 c [ici chapitre 4] ; il faut mettre en rapport la moisson de témoignages avec les
interventions de C(aius) Marius à la fin du II e siècle avant J.-C., dans la guerre contre les Cimbres
et les Teutons. Observons aussi que R. Syme n’avait pas accordé grande attention aux clientèles
de Marius. Il préférait se concentrer sur les Valerii, les Domitii et les Pompei.
89. Burnand 1975 a, p. 701.
90. Burnand 1982, p. 420.
91. Néanmoins il semble inutile, dans un certain nombre de cas, de se contenter de
rapprochements trop hypothétiques, car le degré de vraisemblance est extrêmement réduit.
NOTES DE FIN
*. J. Desmulliez, Chr Hoët-Van Cauwenberghe, Le monde romain à travers l’épigraphie : méthodes et
pratiques, Lille 2005, p. 145-170.
241
Introduction
1 Les études que renferme ce chapitre sont essentielles dans l’optique d’une histoire
provinciale, c’est-à-dire d’une histoire politique et sociale marquée par ce qui fait
l’originalité de la réalité provinciale : l’empreinte de Rome et les transformations de la vie
des communautés. Le monde des notables dans les cités est en effet l’interface majeure
entre le pouvoir impérial et l’univers provincial.
2 L’épigraphie devient une source essentielle, mais elle trouve des occasions
d’épanouissement lorsque l’on s’attache avec la plus grande attention au support du
document et à sa localisation. Les perspectives s’élargissent considérablement, en
permettant d’aborder des plans de recherche plus profonds : la relation avec le territoire,
les formes d’expression de la notabilité, de l’encadrement social et de la domination. Il
n’est donc pas surprenant que d’autres parties du monde romain aient fait l’objet, en
parallèle, de recherches comparables. Les travaux de P. Le Roux, ou de Fr. Jacques sur les
régions d’Occident, les multiples recherches portant sur l’Italie d’époque impériale, ont
souvent conforté la réflexion.
3 C’est sans aucun doute un domaine auquel apporte beaucoup la documentation
épigraphique, si on la valorise, lorsque la possibilité se manifeste, par d’autres regards,
comme on vient de le préciser ci-dessus. Mais, pour en rester aux sources documentaires
premières que constituent les inscriptions, il a toujours semblé utile de ne pas se limiter
aux documents explicites. D’elles-mêmes les inscriptions font entrer, en règle générale,
dans les parties les plus élevées de la société ou dans les groupes qui leur sont les plus
proches. En considérant que les communautés civiques sont fortement structurées et que
les divers segments que l’on peut distinguer sont bien articulés entre eux, la
documentation épigraphique devient un matériau à prendre dans sa globalité, pour
gagner progressivement les soubassements de la vie provinciale : il faut sur ce point
renvoyer à la huitième partie.
4 Il convient de relever que, par l’abondance de sa collection, la cité de Nîmes constitue,
une fois de plus, un remarquable laboratoire d’expérimentation. On peut s’engager dans
une perspective d’ensemble, suffisamment assise sur le quantitatif pour autoriser des
distinctions chronologiques et la recherche de mouvements internes. Il en résulta une
étude, qui tente de dégager quelques traits des dynamiques dévolution : c’est le chapitre
16. Mais celle-ci ne constitue qu’un fondement problématique, et il conviendra de
243
l’approfondir ou de la nuancer par l’apport de nouveaux dossiers, celui qui est traité dans
le chapitre 17 pouvant paraître exemplaire.
5 Il était tentant d’opérer dans la même perspective en allant dans d’autres cités. Seul dans
cette partie, un exemple viennois a été retenu : mais le cas traité dans le chapitre 18 est
précieux car il se place dans les premiers temps de la cité, colonie latine, puis colonie
romaine, et il montre la présence des notables dans le territoire, sous la forme
caractéristique de l’évergétisme religieux. Mais pour cette cité on peut trouver des
compléments dans des études qui mettent en évidence les rapports des grandes familles
avec le service impérial ou bien aux formes de la vie religieuse, intégrant dans les
institutions de la cité les divinités du territoire qui peuvent être absorbées par le dieu
Mars : le chapitre 13 et le chapitre 20. On peut aussi, si l’on souhaite se rendre dans
d’autres cités, s’intéresser à la colonie d’Arles à partir des chapitres 14, 21 et 29, sinon à
Béziers ou à Narbonne que l’on retrouve ailleurs dans cet ouvrage.
6 On doit tenter de dépasser le marqueur des institutions. Les réflexions des archéologues
ont offert l’occasion de mieux saisir les rapports que laissent entrevoir les inscriptions
entre les notables et la terre, par l’appropriation foncière. Les témoignages sont parfois
explicites, comme le montrent les inscriptions de notables provenant de la campagne. Le
cas offert par l’inscription gravée sur l’autel funéraire de C(aius) Sergius Respectus était
remarquable. Celui que nous fournit C(aius) Marius [---] dans le territoire de Vienne est
comparable. Mais la problématique est celle de l’évergétisme religieux, comme pour la
famille de chevaliers étudiée au chapitre 13. Et l’on doit tenir compte aussi du
renouvellement de la perception du phénomène que suggèrent des études récentes
(Leveau 2007, auquel on joindra le dossier publié dans RAN 38-39, 2005-2006).
7 Bien d’autres exemples pourraient être ajoutés, méritant d’être exploités selon toutes
leurs possibilités, mais surtout en tenant compte que d’une cité à l’autre les situations ne
sont pas totalement identiques. On examinera sous peu un cas identique provenant des
environs de la colonie romaine de Béziers : il montre comment les usages publics,
destinés à fixer la mémoire d’une famille, sont rappelés à l’écart du chef-lieu dans les
sépultures rurales des notables. On renverra surtout ce qu’apporte le dossier des Usuleni
de Narbonne. Il importe aussi de mettre en valeur les témoignages indirects, devenant
explicites à la lumière des précédents. Les dossiers sont ici sériels, comme on peut le
relever pour les campagnes autour de Béziers (Christol 1995 c) ou bien ils s’appuient sur
un ancrage archéologique de qualité. On voit que s’annonce, en esquissant quelques traits
majeurs, l’étude sur le patrimoine des notables de la huitième partie.
8 Cette épigraphie funéraire, à la ville comme à la campagne, est aussi celle de la
récapitulation de la notabilité. Les inscriptions deviennent alors le support d’autres
réflexions : leur composition même, qui devient significative, se prête à des remarques
sur les formes d’expression du statut social.
244
NOTE DE L’ÉDITEUR
La carrière de C(aius) Sergius Respectas a été longuement analysée : Christol 1991 a ; ici
chapitre 17. Elle illustre un cas exemplaire. On peut s’interroger sur la nature du gentilice
Solonius : grec ? ou indigène ? Á propos des « clientèles étrangères », le cas des Servilii ne
peut plus être esquivé, à la lumière de documents nouveaux (voir déjà la note
additionnelle du chapitre 4). Les travaux de Burnand 1975 a et de 1982 doivent être mis à
jour à partir de Burnand 2005-2007. Sur les édiles de Murviel-lès-Montpellier voir à
présent la note additionnelle du chapitre 9. La compréhension de l'inscription relative
aux édiles Sex(tus) Vetto et C(aius) Pedo a nécessité une retractatio : Christol 2002 a,
p. 429-433. On peut considérer que Vetto et Pedo sont d’authentiques gentilices. Il convient
donc de retirer ces exemples, d'autant que le contexte institutionnel de cette
agglomération s'est aussi éclairé et qu'il convient de considérer désormais qu'il s’agit
d’un oppidum latinum, longtemps enclavé dans le territoire de la cité de Nîmes. Sur l’édile
connu par une inscription provenant des environs d'Alès (AE 1954, 107), on peut tenter le
même raisonnement, et considérer aussi qu'il s'agit d’un magistrat relevant d'une cité de
droit latin : voir Christol 2002 a, p. 88. Enfin deux nouvelles inscriptions relatives à des
magistrats de la cité de Nîmes ont été mises au jour voici peu de temps dans la périphérie
de la ville : on se référera provisoirement à la notice 642 de Fiches-Veyrac 1996 (CAG 30/1,
p. 489) [= Christol 1996 a]. Il s’agit d'un quattuorvir dénommé L(ucius) Caecilius Blaesus,
qui est mentionné sur un autel funéraire décoré de rinceaux, et d'un questeur dénommé
Q(uintus) IuliusVarus, fils d’un personnage s'appelant pour sa part Q(uintus) Iulius
Caturix (le surnom est typique de l'anthroponymie celtique).
245
nécessaire pour franchir les divers échelons de la hiérarchie sociale, il faut souvent
remonter jusqu’aux décennies de la transition entre République et Principat pour placer
le moment de l’acquisition du droit de cité par les ancêtres d’hommes dont le floruit se
place sous les Julio-claudiens, voire sous les Flaviens.
3 Il existe de fortes corrélations entre les noms de ces familles illustres de l’époque
républicaine, auxquels on ajoutera le nom Iulius, et les gentilices des sénateurs et
chevaliers nîmois d’une part, mais aussi entre ces mêmes noms et les gentilices des
notables municipaux qui appartiennent à l’époque augustéenne ou au I er siècle d’autre
part. Mais apparaissent aussi des écarts qui montrent peut-être que chaque cité pouvait
offrir une certaine spécificité. On peut être surpris de la bonne représentation des Valerii
dans le milieu des notables municipaux et de leur absence de l’album équestre ou
sénatorial, tel qu’on peut l’établir à présent : pourtant les interventions de cette famille
chez un peuple voisin des Volques Arécomiques, et en Narbonnaise plus généralement,
sont bien connues par quelques textes de César7. Inversement, on doit tenir compte de la
bonne représentation des Fulvii et des Servilii dans le milieu le plus élevé, et surtout de
l’existence d’une famille des T. Au-/189/-relii, dont la fortune se manifesta à l’époque
julio-claudienne8, sans qu’apparaisse pour l’instant une quelconque corrélation dans le
milieu des notables de la première époque. C’est pour cela que, si l’on tient compte de
l’importance des témoignages relatifs aux Marii et de la précocité de leur apparition dans
le milieu dirigeant9, l’hypothèse d’une origine nîmoise du sénateur Marius Celsus, consul
en 69, sort renforcée10. En définitive, ces comparaisons mettent aussi en valeur, pour ce
qui concerne les interventions des grands responsables politiques d’époque républicaine,
des noms de familles moins courants que ceux auxquels on se réfère d’habitude, ne serait-
246
ce que parce qu’ils sont parmi les plus représentés ; elles imposent d’élargir l’enquête sur
les clientèles provinciales11, résultant non seulement de l’exercice d’un gouvernement
provincial en Transalpine, mais encore et peut-être surtout de l’existence d’un grand
commandement qui permettait d’octroyer la cité romaine ob virtutem aux plus méritants
des auxiliaires recrutés en cette province12.
4 L’évolution administrative et juridique de la région nîmoise à l’époque césarienne et
augustéenne13 constitue le second phénomène essentiel qu’il importe de mettre en valeur.
Sans que tous les éléments de la démonstration/190/soient totalement assurés, quelques
hypothèses permettent d’envisager le cadre général de cette histoire. À l’époque
césarienne, l’octroi du droit latin, sur le modèle qui avait été mis en place auparavant en
Cisalpine14, et l’organisation d’une vie municipale autour de centres politiques appelés
oppida latina dans la documentation dont s’inspira Pline le Naturaliste 15, eurent pour
conséquence que le territoire des Volques Arécomiques, comme d’ailleurs l’ensemble de
la Transalpine, fut le lieu de la romanisation juridique de caractère systématique, par
l’exercice des magistratures : aux citoyens romains qui l’étaient par ascendance ou par les
mérites acquis durant les guerres extérieures ou intérieures s’ajoutèrent ceux qui le
devinrent par l’application des mécanismes de droit latin16. La mise en forme de leur
nouvelle dénomination n’avait plus à recourir nécessairement au gentilice d’un grand
personnage ni à celui d’un de ses proches17. Il devenait possible de transformer un nom
indigène en gentilice et donc d’enrichir de noms nouveaux l’onomastique du groupe
dirigeant du pays volque. Mais procéda-t-on toujours de cette façon18 ?
5 Un peu plus tard, mais toujours à l’époque césarienne, sans que l’on retouche
l’organisation du pays arécomique, une colonie latine (COL NEM) fut installée sur
l’emplacement même de Nîmes, voisinant, dans des conditions difficiles à déterminer,
avec l’habitat indigène, ou l’englobant19.
6 Enfin, dans un troisième temps, au cœur de l’époque augustéenne, on rattacha les oppida
latina à la colonie afin de constituer une vaste cité unifiée : de l’ethnos on était passé à la
polis. Mais ce déclassement des oppida les affectait seulement comme centres de vie
politique : leurs ressortissants, qui appartenaient à la communauté arécomique,
conservaient tous les avantages du droit latin, et pouvaient briguer, quoique plus
difficilement désormais, les magistratures de la colonie. Les notables locaux durent
s’adapter aux contraintes d’une vie municipale d’un niveau élevé, et à une compétition
plus exigeante que par le passé. Tous n’y parvinrent pas peut-être. Mais le droit de cité
romaine que leurs familles avaient acquis antérieure-/191/ment leur demeura, même s’ils
ne purent s’intégrer totalement à la nouvelle élite politique, en assumant les
magistratures les plus élevées au cœur de la nouvelle cité. Est-on sûr d’ailleurs que l’élite
des colons n’éprouva pas les mêmes difficultés ? Si l’on examine la dénomination des
notables connus et de leurs femmes au I er s. ap. J.-C. (sénateurs, chevaliers, magistrats
municipaux) (cf. tableau I), on observe, parmi ceux qui parvinrent au moins jusqu’au
quattuorvirat20, que pourrait s’y trouver un nombre très important de descendants de
grands notables romanisés l’époque républicaine ou augustéenne (12 exemples) ; en
revanche, un seul pourrait être de souche italique (P. Pusonius Peregrinus), et deux
(quatre peut-être)21 auraient une dénomination révélant la transformation en gentilice
d’un nom indigène (Sex. Virielius Sex. fil. Volt. Severinus ; Sex. Adgennius Macrinus).
247
Tableau I. Notables du Ier s. ap. J.-C. (épitaphes au nominatif, au datif, Dis Manibus)
L. Domitius L. f.
[---]onis [f. ---] (CIL L. Licinius Vo[lt. ---Jus
T. Aurelius Fulvus Vol. Axiounus (CIL
XII, 3207) (CIL XII, 3143= 5902)
XII, 3215)
C. Marius C. f. Vol.
Sex. Iulius Sex. fil. Celsus (CIL XII, Sex. Allius Repentinus
Cn. Domitius Afer Vol. Maximus (CIL 3252) époux de (CIL XII, 3196) époux
XII, 3180) Pompeia de Memmia
Toutodivicis f.
T. Iulius Maximus
Manlianus Brocchus
Sex. Virielius Sex.
Servilianus Q. Quadronius T. Caecilius T. f. Vol.
[---] CIL XII, 3187 fil. Volt. Severinus (
[Verus ?] L. Servilius Vatia Guttur (CIL XII, 3206)
CIL XII, 3296)
Cassius Cam[----] (CIL XII,
3167, Flaviens-Trajan)
L. Messius Silvinus (
CIL XII, 3257)
C. Pinarius L. f. Albus (
CIL XII, 3261)
248
D. Pompeius
Homuncio (CIL XII,
3263)
T. Turpilius T. f. Vol.
Capito (CIL XII, 3282)
C. Valerius L. f. Vol.
Lussor (CIL XII, 3283)
[-] Servilius
Excingomarus (ILGN
425)
C. Cascellius Vol.
Pompeianus (CIL XII, Valeria Q. f. Sextina (CIL Q. Iulius Bucca (CIL XII,
3210) époux d’Antonia XII, 2823) flaminica 3095)
Titulla
Q. Soillius T. f. Volt.
Aemilius [---] (CIL XII, T. Attius Quartio (CIL
Valerianus (CIL XII,
3190) XII, 3195= ILS 426)
3274 et 3275)
( ?) Coelia Sex. f.
Aemilia L. f. Titia (CIL XII, Verus Indamius Volt.
Paterna (CIL XII, 3200)
3194) flaminica Servatus (CIL XII, 3227)
mère de chevalier
Sex. Bucculius
M. Numerius M. f. Volt.
Servandus (CIL XII,
Messor (CIL XII, 3259)
4104) époux de Bucculia
époux de Iulia Valentilla
C. f. Graecina
Antonius Secundius
Numeria Tertulla (CIL XII, Vassedo (AE 1982, 686)
3260) flaminica époux dAemilia
Nigellionis f. Nigrina
10 /196/
11 Mais en réalité passer d’une documentation à l’autre permet d’analyser l’évolution et le
renouvellement du groupe dirigeant, même si, à Nîmes comme ailleurs, l’on ne peut, en
général, dresser de nombreux arbres généalogiques embrassant plusieurs générations.
Mais l’on dispose quand même d’un assez grand nombre de noms de personnes. On peut
les classer de la sorte, en tenant compte aussi des épouses de notables et des gentilices
transformés en surnoms (de type Valerianus)33 :
12 Dans la strate inférieure, parmi les notables n’ayant atteint que la questure ou l’édilité,
donc parmi le groupe situé à l’entrée de l’élite dirigeante, que cela apporte aussi la
citoyenneté romaine par l’application du droit latin ou que cela confère une dignité
supplémentaire par l’exercice des magistratures, on trouve des noms représentés à
l’époque précédente (Valerius, Attius, Iulius, etc.). Leur présence pourrait montrer
l’efficacité des patronages exercés par les héritiers des grandes familles. En revanche -
faut-il incriminer la documentation ? - on ne trouve qu’une seule famille appartenant à
l’ordre sénatorial, celle des Aemilii, dont le floruit se placerait au cœur du IIe s. À côté de
ce sous-ensemble apparaît un fort pourcentage de notables disposant d’un nom qui trahit
une origine indigène ; certains d’entre eux se retrouvent également dans la strate
supérieure (les Sammii). Un nombre très significatif de ces gentilices présente une racine
celtique et montre bien l’enracinement dans le terroir (Indamius, Indedius, Senucius,
Veronius, Bucculius, Crassius), mais quelques autres sont formés sur des éléments latins
(Severius, Secundius)34. En définitive, dans la documentation existante, un seul nom
pourrait passer pour italique, celui de l’épouse d’un notable appartenant à la gens
Cloustria35. /197/
13 Dans la strate supérieure, où l’exercice des hautes magistratures implique un niveau
social élevé, fondé peut-être sur des facultates importantes ou sur une dignité bien
enracinée par quelques générations d’exercice des fonctions publiques, plus du tiers des
gentilices correspond encore à de vieux noms de famille déjà attestés à l’époque
252
attestée à Nîmes54. /201/ Mais c’est son fils qui est honoré pour les mérites attribués au
personnage : il s’appelle Q. Avilius Q. f. Sennius Cominianus, (tribu) Palatina. L’honneur
public d’une statue, sur la base de laquelle fut gravé l’essentiel du décret municipal,
montre qu’il était vraisemblablement aux portes de l’ordo, grâce à l’activité de son père.
Mais sa dénomination indique par ailleurs qu’il était un fils adoptif : cela se marque par
l’ensemble Sennius Cominianus. Tant les Sennii que les Cominii apparaissent comme de
254
grandes familles nîmoises au IIe s. : le fait est évident pour les Cominii qui sont parvenus à
l’ordre équestre55 ; il l’est moins pour les Sennii, mais plusieurs indices montrent tout de
même leur bonne position dans la cité56. On peut se demander si dans le cas qui nous
intéresse nous ne sommes pas en face d’une adoption de type « pompéien »57, c’est-à-dire
d’une adoption où l’adoptant recherche des appuis pour faciliter l’accès de son nom de
famille aux listes de l’ordo municipal 58. Mais on peut aussi se demander si l’adopté n’est
pas tout simplement le fruit de l’union de deux affranchis de grandes familles nîmoises, à
savoir d’un affranchi des Sennii et d’une affranchie des Cominii.
22 Cet exemple met enfin en valeur que les activités financières, source de rapide
enrichissement, pouvaient aussi bien que les revenus du sol, soutenir les prétentions à
entrer dans l’ordo. « Coqs de village » et manieurs d’argent de haut rang pouvaient
espérer faire entrer leur nom dans l’album municipal, et en quelque sorte participer à son
renouvellement, mais le profit n’était pas nécessairement pour eux-mêmes. Aussi la
stratégie la plus efficace consistait peut-être à utiliser le concours des gens déjà en place :
clientèle, alliances matrimoniales, « bons offices », devaient faciliter la réalisation de ces
ambitions. Les affranchis des grandes familles n’étaient pas les moins bien placés, mais
c’est leur descendance qui en profitait. Il n’en reste pas moins que, pour notre propos, le
moment important se plaçait lors des préliminaires à l’entrée dans l’ordo ou lors de
l’entrée dans celui-ci59. Mais dans la do-/202/-cumentation nous n’avons pas, sauf
exception, de renseignements sur cette phase-là. Nous n’atteignons souvent les notables
que lorsqu’ils sont parvenus au sommet : or, nous aimerions savoir quelles furent les
étapes du parcours. À Nîmes comme ailleurs, quelques sources remarquables permettent
tout de même d’entrevoir certaines modalités de l’ascension sociale. Mais les saisissons-
nous toutes60 ?
NOTES
1. On regrettera qu’un peu de hardiesse n’ait pas conduit à démonter le mur d’époque tardive mis
au jour sur l’emplacement du Palais de justice. Chacun des blocs mis au jour lors des travaux
ponctuels avait élargi précieusement notre champ de connaissances sur le milieu dirigeant
nîmois. Les inscriptions ont été publiées par Barruol-Gascou-Bessac 1982, (AE 1982, 680-691). Le
cadre d’ensemble est tracé dans Huard 1982.
2. Sur cette question, voir les travaux de Syme 1958 ; Badian 1958 ; Burnand 1975, ainsi que les
articles récents de Knapp 1978 et de Dyson 1980-1981.
3. Christol 1987 c, p. 211-219 [chapitre 4]. Ces naturalisations sont antérieures à la lex Iulia ; cf.
Badian 1958, p. 260 et suiv.
4. Christol 1987 c, p. 212 et suiv. Ajouter à la liste des Marii du territoire volque CIL XII, 2831,
commenté par Christol 1987 a, p. 111.
5. Il n’y a pas, pour l’instant, dans le milieu des notables, ni de Ti. Claudii, ni de T. Flavii, ni de M.
Ulpii, etc.
6. Burnand 1975 a.
7. Il s’agit de l’intervention de C. Valerius Flaccus en faveur d’un notable helvien (César, BG, I, 47,
4 et VII, 65, 2) : E. Badian 1958, p. 305. Pour Vienne, Van Berchem 1982, p. 159 et suiv.
255
8. Sur cette famille, surtout connue lorsqu’elle fut parvenue au rang sénatorial, Burnand 1975 a,
p. 731-741 ; Burnand 1982, p. 417 (sur les questions d’ascension sociale, p. 393 et suiv.). Voir aussi
à propos des questions de documentation, Syme 1982, p. 518 et suiv.
9. Il s’agit de C. Marius C. f. Celsus, quattuorvir au début du Ier s. ap. J.-C. (CIL XII, 3252).
10. Syme 1958, p. 592 et n. 4, p. 786. La prudence de Burnand 1975 a, p. 700 et suiv et Burnand
1982, p. 420, semble excessive [voir chapitre 15].
11. Le même problème se pose pour des noms encore moins répandus, tel celui des Carisii, dont il
faut établir le lien avec la famille italique connue à l’époque de César puis à l’époque triumvirale :
en dernier lieu, Christol 1988 a, p. 93-95 [voir aussi Christol 2006 d].
12. Comme ce fut le cas pour les membres de la famille du Voconce Trogue Pompée : Justin,
Epitom. 43, 5, 11-12. Voir en dernier lieu Alonso-Nuñez 1987, p. 56-72. Voir aussi infra n. 16.
13. Voir, en dernier lieu, l’article cité supra, n. 11. Rappelons que ce n’est pas par déduction, et en
faisant appel à la vraisemblance, que l’octroi du droit latin (cf. n. 14) est attribué à César ; voir la
mise au point de Goudineau 1979, p. 264-270. Mais on peut le rapprocher d’une décision identique
prise en faveur de la Sicile, peu avant sa mort (Cicéron, ad Atticum, 14, 21, 1) ; cf. Sherwin-White
19732, p. 230-233. Il faut également tenir compte de l’importante thèse de Py 1990, dans ses
derniers chapitres.
14. Sherwin-White 1973², p. 232 et suiv. et 364-366 ; Christol 1988 a, p. 90.
15. Pline, NH, 111, 4, 31-37 [voir chapitre 6].
16. À ce sujet, à propos des possibles tensions entre ces deux groupes de nouveaux citoyens, on
lira avec profit les réflexions de Gros 1986, p. 67-80.
17. Sur la question de la dénomination des personnes ayant acquis le droit de cité, cf. Alföldy
1966, et en dernier lieu, Van Berchem 1982, p. 155-164.
18. Sur cette question, voir infra, avec n. 26.
19. Pour la date et le contexte, Goudineau 1986, p. 171-173 ; Christol 1988 a, p. 91 et suiv.
20. L’épigraphie nîmoise dissocie deux types de cursus municipaux : ceux qui mentionnent les
magistratures ou fonctions supérieures, parfois même l’ultime d’entre elles seulement (le
quattuorvirat), et ceux qui ne mentionnent que l’une des deux magistratures inférieures (édilité
ou questure) ; cf. Burnand 1975 a, p. 739 et suiv. avec n. 6. Rares sont les exceptions, telle
l’inscription de [-] Antonius L. f. Vol. Paternus : Christol 1987 f ; Christol 1987 d. Cela signifie que
par la présentation de leur carrière se différencient deux catégories de notables, relativement
distinctes et hiérarchisées.
21. Tout dépend de la définition (indigène ? italique ?) du gentilice Attius et du gentilice
Veratius.
22. CIL XII, 3206.
23. Strabon, Géogr., 4, 1, 12 ; à rapprocher d’Asconius, In Pison., 3 C, et Appien, BC, 2, 26. Cf.
Goudineau 1976, p. 105-114.
24. ILGN 425.
25. Sur les noms composés sur la racine -cengo-/ -cingo-, voir en dernier lieu Christol 1986 b,
p. 262 suiv.
26. On doit se référer au cognomen Servilianus du sénateur nîmois T. Iulius Maximus Manlianus
Brocchus Servilianus etc. (CIL XII, 3167= ILS 1016 ; cf. Burnand 1975 a, p. 754-760), mais aussi à
l’apparition du même surnom dans la dénomination d’un notable adlecté par Vespasien (CIL XII,
3166 et add. ; cf. Burnand 1975 a, p. 737-741). Enfin le nom Servilius/a apparaît comme nom
unique dans les dénominations de type indigène (CIL XII, 2920 ; ILGN 536) ; on ajoutera une
inscription inédite [Christol 1992 a, p. 60-63, d’où AE 1995, 1071] : on peut l’interpréter comme un
témoignage de l’influence d’une gens. La plupart des documents du même genre font apparaître
également l’usage comme nom unique d’un gentilice « républicain » (Cornelius, Aurelius, etc.).
27. CIL XII, 3227.
28. CIL XII, 3217 ; cf. Van Berchem 1982, p. 158.
256
29. On trouve ce même type de dénomination plusieurs fois à Nîmes pour des notables : Antonius
Secundius Vassedo (AE 1982, 686), Verus Indamius Volt. Servatus (CIL XII, 3227), Tertius Sammius
Volt. Karus (CIL XII, 3267).
30. On retrouve ainsi une position exprimée par Van Berchem 1982, p. 148-150.
31. Nous avons réparti les documents d’une façon grossière mais commode en tenant compte,
quand cela était possible, du formulaire funéraire. Ont été placés au Ier s. les épitaphes rédigées
au nominatif ou au datif, ainsi que celles où l’expression Dis Manibus n’était pas abrégée. Ont été
placés au II e s., sans que cela signifie que l’on méconnaîtrait que l’abréviation D.M. apparaît dans
le cours de l’époque flavienne, toutes les épitaphes caractérisées de cette façon.
32. Le sénateur T. Iulius Maximus, etc. (C/L XII, 3167) a une carrière qui s’étend entre l’époque
flavienne et Trajan. L’anonyme CIL XII, 3169, appartiendrait à l’époque de Trajan (Burnand 1975
a, p. 701 suiv. ; Burnand 1982, p. 419) [voir aussi Christol 2001 a et 2005 b, ici chapitre 15].
33. Pour les deux classes de notables, voir supra, avec n. 20. Nous considérons comme disposant
d’un gentilice formé sur un terme grec les deux Solonii : CIL XII, 3165 b et 3184 [mais voir
désormais la note additionnelle).
34. Voir supra n. 17.
35. CIL XII, 3193.
36. Sur le domicile des sénateurs et leur capacité à se rendre dans leur patrie, Chastagnol 1977,
p. 45-46, p. 48-49.
37. Il est tentant, mais fragile de déceler un changement d’attitude au II e s. ap. J.-C., tant que la
présence d’Aemilii à tous les niveaux de la classe dominante est remarquable. Mais l’hypothèse
doit être confirmée.
38. Nous avons tenté d’insérer le commentaire de quelques inscriptions du Beaucairois dans cette
problématique de l’appropriation foncière des familles de notables : voir Christol 1987, II, p. 9-11,
p. 16, p. 21-23. Mais on pourrait prolonger ces réflexions à propos d’une autre microrégion de la
partie orientale du territoire des Volques Arécomiques : Christol 1971, p. 643-663. On n’oubliera
pas les réflexions suggestives de Burnand 1964, p. 51-62.
39. CIL XII, 527 : D(is) M(anibus) C(ai) Verati C(ai) fil(ii) Pal(atina) Paterni, equitis Rom(ani), flam(inis)
Aug(usti) ; C(aius) Veratius Threption filio piissimo [voir chapitre 19].
40. Veyne 1961 (= Veyne 1991, p. 13-56).
41. Voir supra n. 1.
42. AE 1978, 465= AL 1982, 684 : D(is) M(anibus) (se)viri Aug(ustalis) L(ucii) Aemilii Asyncriti ; L(ucius)
Aemil(ius) Honoratus et L(ucius) Aemil(ius) Cornelian(us) patri optimo. AE 1982, 685 : D(is) M(anibus)
Corneliae Philaenidis et Aemiliae Cornelian(ae) ; (se)vir Aug(ustalis) L(ucius) Aemilius Asyncritus uxori
karissimae et filiae piissimae ; L(ucius) Aemilius Honoratus et L(ucius) Aemil(ius) Cornelianus matri optim
(ae), sorori karissim(ae). Ces inscriptions apparaissent sur de beaux cippes à rinceaux, qui révèlent
un excellent niveau social, à tout le moins un certain niveau de fortune et le désir de paraître. Sur
ces inscriptions, voir Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 294-297 et 297-299.
43. CIL XII, 3192 : cippe funéraire élevé par trois affranchis.
44. On relèvera l’homonymie avec le sénateur du IIe s. ap. J.-C. (CIL XII, 3164).
45. On citera quand même, à titre de point de comparaison significatif, un exemple comparable
provenant de Pouzzoles (CIL X, 2109), mentionné par Kajanto 1968, p. 522.
46. CIL XII, 3541.
47. CIL XII, 3221.
48. CIL XII, 3693.
49. CIL XII, 4015.
50. AE 1982, 681 : ordo sanctissim(us) Q(uinto) Avilie Q(uniti) filio Sennio Palatina Cominiano, in honorem
patris eius Q(uinti) Avili Hyacinthi quod is, praeter liberalitates spectaculorum quae sponte edidit vel
postulata non negavit, velis novis sumptu suo in theatro positis cum suis armamentis, saepe pecunia mutua
257
quae a magistratibus petebatur data, actum publicum iuverit. Voir Barruol-Gascou-Bessac 1982,
p. 287-290 [Christol 1992 b et d = chapitre 27].
51. On pourrait le qualifier de « financier de l’aristocratie locale », sans pour autant le considérer
comme un banquier de métier : Andreau 1987, 583 suiv., qui montre bien que le prêt d’argent
n’est pas l’apanage de cette dernière catégorie.
52. Le vocabulaire reprend celui de la vie municipale, avec la référence à la postulatio populi. Ces
libéralités pourraient se rapporter aux manifestations associées au culte impérial, dans le
sanctuaire de la Fontaine où se trouve le théâtre (cf. sur la topographie et les fonctions du site,
Gros 1984).
53. Nous nous séparons de Gascou dans Barruol-Gacou-Bessac 1982, p. 290, qui comprend le
passage de la fin du texte (pecunia mutua quae a magistratibus petebatur data) comme indiquant des
prêts aux magistrats pris en particulier, bref des prêts personnels leur permettant de tenir leur
rang (summae honorariae, pollicitationes). Il s’agit de véritables emprunts publics tels que ceux qu’a
étudiés Migeotte 1984.
54. CIL XII, 3703 et 4078, citées par Gascou dans Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 287. Ajouter
l’attestation supplémentaire fournie par Römische Inschriften aux Tarraco, 223 sur C. Valerius
Avillius, Volt(inia) Nemauso, vétéran de la légion VIIa.
55. CIL XII, 3212 et 3213 ; Burnand 1975 a, p. 764-769.
56. CIL XII, 2818 ; cf. Christol 1987 a, II, p. 9-11.
57. Cf., à propos des travaux de Castren, les réflexions d’Andreau 1973, p. 223-225. Sur cette
question, voir aussi Veyne 1961 et Garnsey 1975.
58. Andreau 1973, p. 225.
59. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas limiter l’enquête aux seuls notables explicitement
repérés, notamment quand ils sont connus par des documents de caractère honorifique, car seuls
les plus puissants d’entre eux recevaient ces témoignages de morte honoranda d’une façon
régulière. Il faut considérer les groupes sociaux qui se trouvent aux frontières inférieures de
l’ordo, mais qui sont liés à lui par les modalités de recrutement, en particulier les sévirs
augustaux. À Nîmes, le gentilice d’un peu plus de la moitié des sévirs augustaux se retrouve
parmi les noms de famille des notables. Cela ne signifie pas que les autres n’ont pas d’attaches
locales.
60. Les tableaux ont été composés à partir des listes (complètes) de sénateurs et de chevaliers
nîmois : Burnand 1975 a ; Burnand 1982, p. 417-420. Pour les autres notables, ne sont mentionnés
que ceux dont la dénomination est connue.
NOTES DE FIN
*. La mobilité sociale dans le monde romain (actes du colloque de Strasbourg (novembre 1988), édités
par Edmond Frézouls), Strasbourg, 1992, p. 187-202.
258
appartenant à ce que l’on pourrait appeler de nos jours les « classes moyennes », tant de
la ville que de la campagne, adeptes des goûts de l’élite sociale. Il s’agit autant d’un
phénomène de « vulgarisation » du modèle que d’une volonté d’affirmer une ascension
sociale7.
Fig. 5. L’inscription de C(aius) Sergius Respectus à Vallabrègues (30) (cliché centre Camille-Jullian)
4 En lui-même, le texte présente, d’un avis unanime, un grand intérêt pour l’histoire sociale
de la cité de Nîmes et, plus particulièrement, pour celle de la partie du territoire qui
touche l’axe rhodanien. Mais les interprétations butaient parfois sur le caractère
incomplet du texte qui était conservé. La face gauche du champ épigraphique avait été
endommagée, si bien qu’il était nécessaire de restituer un certain nombre de lacunes. À la
suite de plusieurs révisions8 on peut établir le texte suivant, qui varie parfois
sensiblement par rapport aux éditions précédentes :
D(is) M(anibus)
C(aio) Sergio Vol(tinia tribu) Respect(o),
fla[m(ini)] Rom(ae) [e]t August(i),
a[go]nothete, (quattuor) vir(o)
iur[e dic(undo)], pontif(ici), praef(ecto)
vi[gilu]m et armorum,
/[— 6 ou 7 l.]e agonis
/[— 6 ou 7 l.]i item decur(ioni)
or[nam(entario) C]abal(lione) gratuito,
[—]cus, lib(ertus)
[et pro]c(urator) mausoleum
[patro]no optimo et s(ibi) v(ivus)f(ecit).
/67/
5 - ligne 2 : SERG Barruol ; SERG.O Wuilleumier. Les traces de la lettre 1 sont perceptibles.
6 - ligne 3 : FL Barruol, Wuilleumier. Le départ de la lettre A est net.
260
que, comme en d’autres cités, /70/ chevaliers romains et grands plébéiens l’occupaient.
Mais le flaminat apparaît incontestablement comme le discriminant du groupe le plus
élevé et le plus puissant au sein des notables municipaux19. À Nîmes, où les membres de
cette strate supérieure appartenaient souvent à l’ordre équestre, les simples plébéiens
pouvaient avoir des difficultés pour accéder à ce faîte de la carrière municipale20. Il est
donc très significatif que Caius Sergius Respectus y soit parvenu.
18 Le pontificat, bien qu’il ne constituât pas, comme le flaminat impérial un couronnement
de carrière, était aussi un excellent discriminant du groupe social le plus élevé de la cité.
On a remarqué que ce sacerdoce, qui pouvait être obtenu à diverses étapes de la carrière
des honneurs, concrétisait bien, dans d’autres cités, le rang des notables : il était réservé
aux représentants du groupe le plus élevé de l’oligarchie /71/ municipale21. La
documentation provenant de la cité de Nîmes montre qu’on l’accorde, au sein de
l’oligarchie municipale, à un groupe assez restreint, qui se définit assez aisément : on y
trouve la plupart des chevaliers romains dont le cursus est suffisamment connu22 et
vraisemblablement la plupart des personnages qui étaient parvenus au quattuorvirat,
c’est-à-dire au terme des magistratures municipales23.
19 C. Sergius Respectus a donc parcouru dans sa cité la carrière traditionnelle d’un membre
de l’élite la plus relevée, alliant magistratures et sacerdoces. Énumérés dans le texte de
l’inscription en ordre inverse, ces honneurs sont au nombre de trois : la préfecture des
vigiles et des armes, le pontificat, le quattuorvirat (ici iure dicundo). Ces charges, civiles et
religieuses, sont avec une extrême régularité, mentionnées dans cet ordre. On ne trouve
que très peu de variations24. Le cursus de C. Sergius Respectus s’est donc coulé dans le
moule habituel de la carrière d’un notable nîmois : /72/
Note 2525
20 /73/ Mais l’épigraphie nîmoise montre aussi une stricte séparation entre deux types de
cursus26. Les uns se limitent à la mention de la questure de la colonie (q., q. col., q. col.
262
Nem., q. col. Aug. Nem.) ou de l’édilité (aed., aed. col, aed. col. Nem., aed. col. Aug. Nem.).
L’obtention de l’une ou de l’autre de ces magistratures était pour des notables qui
n’avaient pas encore le droit de cité romaine, la condition d’accès à ce statut juridique
supérieur : ils bénéficiaient ainsi des avantages que donnait aux ressortissants de la cité
de Nîmes le privilège du droit latin, comme l’indique Strabon au début de notre ère27. À
partir du moment où ce statut fut obtenu (à l’époque césarienne), puis quand eut lieu la
réorganisation augustéenne, son application permit d’intégrer peu à peu dans le groupe
des citoyens romains les plus puissantes familles indigènes qui n’avaient pas encore reçu
le droit de cité au cours du I er siècle avant J.-C. par l’intermédiaire des grands hommes
politiques (les Valerii, les Pompeii, les Iulii, les Aemilii, etc.). Mais la questure et l’édilité
ne jouaient pas ce seul rôle dans les institutions de Nîmes. Dans la mesure où l’on trouve
parmi les titulaires de ces magistratures des possesseurs de gentilices italiques rares
(Pinarius, Alfius, Allius par exemple), on doit admettre que la mention de la questure ou
de l’édilité, seules, dans les inscriptions de notables, permet plutôt d’isoler une strate
moins élevée parmi ceux-ci, qui ne parvenait pas à atteindre les échelons supérieurs des
honneurs28.
21 Au-dessus d’eux se trouvaient d’autres personnages ou d’autres familles ; les inscriptions
indiquent que les membres de cette partie de l’élite furent préfets des vigiles et des
armes, pontifes et quattuorvirs. Cela ne signifie pas qu’ils n’avaient pas/74/obtenu la
questure ou l’édilité29. Mais, dans leur ensemble, ils prenaient soin d’effacer toute trace de
la gestion des magistratures inférieures, doter tout doute sur la jouissance du droit de cité
par la naissance, d’affirmer enfin, en élaborant leur mémoire publique de la sorte, qu’ils
n’étaient pas des nouveaux citoyens30. Les deux groupes sont très nettement séparés. C.
Sergius Respectus appartient, sans qu’il puisse y avoir le moindre doute, à la partie la plus
élevée de la société politique.
22 Cette constatation est d’autant plus digne d’intérêt que le gentilice Sergius, et les
éléments onomastiques dérivés (le cognomen Sergianus) sont peu représentés dans la cité
de Nîmes31, et même en Narbonnaise32. Il s’agit d’un gentilice d’origine italique qui s’est
assez peu diffusé. Pour l’instant, à Nîmes, nous ne disposons pas d’inscription révélant un
autre grand personnage de cette famille, ni même un sévir : tout juste deux attestations,
se rapportant à des femmes. Toutefois dans les deux cas nous atteignons un certain
niveau social. Il s’agit d’abord d’une inscription faisant connaître Sergia Montania et sa
fille Acilia Sergiana : elle est gravée sur un cippe à décor de rinceaux qui est actuellement
conservé à la Maison Carrée33. Ce type de monument classe incontestablement les
personnes citées dans les milieux aisés de la société nîmoise, ceux qui côtoient l’élite
sociale et politique, voire en constituent la trame. L’autre inscription34 perdue, est
d’interprétation plus délicate, mais nous pourrions la rapprocher d’autres documents qui
font connaître les milieux d’affranchis liés aux grandes familles et les pratiques
onomastiques qu’ils utilisent. On connaît depuis peu les inscriptions relatives à une
famille importante d’affranchis nîmois, qui /75/ furent découvertes sur l’emplacement de
l’actuel Palais de justice35. Elles mentionnent un couple constitué de deux affranchis, L.
Aemilius Asyncritus36 et Cornelia Philaenis. Leurs enfants s’appellent respectivement L.
Aemilius Cornelianus et Aemilia Corneliana. Pour un fils et une fille on a ainsi associé
dans la dénomination nom de famille paternelle et nom de famille maternelle. On peut
penser que les parents sont les affranchis de deux grandes familles, car tant les Aemilii
(surtout) que les Cornelii apparaissent en bonne position dans l’aristocratie nîmoise37. À
la génération qui suit leur mariage, la mutation onomastique est complète, les
263
dénominations sont latinisées, tandis que cette alliance qui unit deux grandes familles est
scellée par la combinaison des deux gentilices, dont l’un a servi de base au surnom. Le
parallèle est saisissant avec l’inscription qui vient d’être rapportée aux Sergii nîmois : elle
fait connaître la mère, Cornelia Elpis, qui est vraisemblablement une affranchie, et la fille
Sergia Corneliana, dont la dénomination associe Sergii et Cornelii. Faut-il en conclure
aussi que l’on voit se dégager de la sorte l’importance de ces deux familles ?
23 Rares sont donc les attestations, minces sont les témoignages, mais le peu que l’on sait
laisse présumer que les Sergii constituent une famille bien en vue. Le flaminat impérial de
C. Sergius Respectus n’est donc pas totalement surprenant, du moins si l’on considère que
nous ne disposons pas encore de toute la documentation qui permettrait de cerner avec
précision les contours de ce groupe familial.
24 Mais l’influence de C. Sergius Respectus ne se limite pas à l’horizon local. Aux lignes 8-9
de l’inscription, R Wuilleumier a restitué les mots decur(ioni) o[rnam(entario) Ca]bal(lione)
gratuito38. La révision ne permet que d’ajouter l’extrémité de la lettre A. Ce titre indiquait
qu’à défaut de pouvoir l’admettre pleinement comme membre de l’ordo municipal, ce
dernier avait néanmoins tenu à l’honorer en le considérant quasiment comme l’égal des
notables locaux. Une telle distinction permettait au groupe dirigeant d’honorer des
compatriotes bien en vue, qui avaient bien mérité de la collectivité, mais qu’il était peut-
être difficile d’agréger au groupe le plus éminent, l’ordo, soit pour des raisons d’ordre
juridique, tenant à leur statut, soit peut-être tout simplement pour des raisons de
nombre. On tenait toutefois à/76/rehausser leur dignité et à les rapprocher, au moins par
des signes extérieurs de distinction, de l’élite39. Mais cette distinction permettait aussi de
gratifier de marques d’estime des étrangers à la cité, gens de haut niveau social, liés à
celle-ci de diverses façons, soit par des alliances matrimoniales, soit par des liens
d’intérêt40. Dans la hiérarchie des honneurs et des distinctions, l’octroi des ornements de
décurion était, avec l’admission parmi le groupe des sévirs augustaux41 et l’érection de
statues, l’un des plus estimables et des plus élevés. L’hommage reçu dans la cité voisine de
Cavaillon, sise sur la rive gauche du Rhône au sein d’un terroir florissant42, peut
s’expliquer par une alliance. Nous avons la preuve de liens noués entre l’aristocratie
nîmoise et celle des cités de la partie orientale de la province. M. Attius Paternus, membre
de l’ordre équestre, décurion à Riez, est honoré des ornements de décurion à Nîmes, où sa
mémoire est célébrée par Coelia Paterna, sa mère43 : c’est sûrement un premier indice de
ces relations assez larges qu’entretenait l’aristocratie nîmoise. Mais ce nest point le seul
exemple. On connaît aussi, par une inscription provenant de Caissargues, dans le
territoire de la cité, l’épitaphe d’un autre décurion de Riez, qui reçut les ornements de
cette charge à Nîmes44. On ajoutera enfin le cas de Iulia Tutullina, flaminique à Cavaillon,
honorée par L. Lucretius Honoratus, son époux, sur un cippe à décor de rinceaux daté de
l’époque d’Hadrien et d’Antonin le Pieux par /77/ G. Sauron45. Ce rayonnement de
l’aristocratie nîmoise46 se concrétisait donc, souvent, comme on peut s’y attendre, par des
alliances matrimoniales avec les aristocraties d’autres cités de Narbonnaise : Narbonne
paraît une fois47, mais les documents les plus nombreux orientent vers la vallée du Rhône
48
. Une fois de plus, l’exemple fourni par la carrière de C. Sergius Respectus l’insère
parfaitement dans son milieu d’origine, tant elle se conforme aux usages et pratiques
qu’attestent les inscriptions de sa cité. Nîmois, il a très certainement noué une alliance
dans le milieu des notables de la cité de Cavaillon, y devenant aussi, en quelque sorte, un
notable. Lui-même ou son épouse ont dû multiplier les faveurs envers cette communauté.
Ce sont des mérites qui expliquent non seulement l’honneur des ornements de décurion
264
mais aussi la dispense de summa honoraria, rappelée par l’indication de la gratuité49. Nous
atteignons ici non seulement le rang social du personnage et les réseaux aristocratiques
provinciaux dans lesquels il s’intègre, mais aussi sa richesse et l’utilisation qui en était
faite à travers l’évergétisme municipal.
25 Ces éléments du cursus du personnage, transcrits dans l’inscription, suffisent à camper sa
personnalité. Mais il y a davantage. Le texte comporte en effet deux indications insolites :
celle d’agonothète, devinée par P. Wuilleumier50 à la ligne 4, puis confirmée par la
révision (on lit a[go]nothete), et celle de [---]e agonis [---]i, mentionnée aux lignes 7-8. Dans
ce cursus dont toutes les charges ou fonctions locales sont ordonnées chronologiquement,
même si c’est en sens inverse, ces indications/78/s’inscrivent, l’une avant l’exercice des
magistratures supérieures de la cité, l’autre entre le quattuorvirat, la magistrature la plus
élevée et le flaminat impérial. La première fonction a donc été exercée très tôt dans la
carrière du personnage, l’autre lorsque C. Sergius Respectus était devenu un notable
confirmé.
26 Cette dernière peut être aisément éclairée : l’agonothète, c’est le président des concours,
des concours de forme grecque, dont la tenue, les prérogatives et le rôle ont été maintes
fois définis par L. Robert51. Mais cette évidence, confirmée par la révision, exclut
formellement la seconde hypothèse avancée, non sans hésitation, par P. Wuilleumier,
pour combler la lacune de la ligne 752. Il est vrai que sa démarche était orientée par le fait
qu’il avait lu la lettre I avant le mot agonis. Or on doit lire la lettre E. Nous retrouvons
donc certainement un mot au datif translittéré du grec, sur le modèle d’agonothete. Tout
ce que permet d’apporter la révision, en plus de la certitude de la lecture de la lettre E à la
fin du mot, c’est que la première lettre, dont une trace est conservée, comportait à son
départ une haste verticale (ce qui exclut par exemple des lettres telles que A, O, C, etc.).
Ce mot devait comporter, si l’on compare la lacune qui se trouve à cette ligne à celle qui
est comblée à la ligne précédente, par le mot v[igilu]m, huit ou neuf lettres au datif : e
[pimelet]e pourrait convenir, car ce mot s’accorderait avec les traces de traits horizontaux,
vestiges possibles de lettres, qui se trouvent à la partie supérieure de la ligne, avant le E
terminal (E, T ?)53. Mais ce n’est qu’une hypothèse, dont la fragilité résulte du fait qu’elle
ne semble pas s’appuyer sur des parallèles. Par ailleurs, si on l’accepte, il faut supposer
que l’Yagon dont le nom/79/nous échappe, aurait pu être organisé, à certaines occasions,
non à frais publics ou sur les revenus d’une fondation, mais avec une forte participation
évergétique54.
27 Quoi qu’il en soit des noms à restituer au début des lignes 7 et 8, demeure la réalité de ce
concours : le vocabulaire employé ne l’est pas en vertu d’un snobisme quelconque, mais
certainement parce que cette fête était organisée sur le mode des concours grecs. C’est
une preuve de l’acclimatation des coutumes helléniques dans la cité de Nîmes, dont
certaines institutions se rapprochent ainsi de celles qui sont connues à Marseille.
28 Telle apparaît donc cette brillante carrière de notable. Elle est typique d’un Nîmois
appartenant à la partie supérieure de l’élite municipale. L’inscription révèle aussi les liens
noués avec les grandes familles d’autres cités de Narbonnaise. Elle suggère aussi que C.
Sergius Respectus disposait d’une réelle aisance, celle qui permet de soutenir la dignité et
qui explique l’évergétisme, même si celui-ci n’est pas l’objet d’ostentation dans le texte de
l’inscription. Mais si l’on ne peut qu’imparfaitement saisir d’où provenaient toutes les
sources de revenus, il est un fait que suggère la localisation de la trouvaille dans le
territoire nîmois. Si l’on admet que, comme il est normal, une part de sa fortune était en
biens-fonds, le choix de la campagne pour la sépulture fixe à proximité du Rhône un de
265
ses domaines, peut-être le plus important, peut être simplement celui qui conservait la
mémoire de ses ancêtres55.
29 Cette région était l’une des plus riches dans le territoire nîmois. L’orientation précoce de
la production vers la viticulture y est confirmée par la découverte de/80/plusieurs
ateliers d’amphores56. Les liens particuliers que cette partie orientale du territoire
entretenait avec le port d’Arles, et plus généralement les liens que l’on peut entrevoir
entre Nîmes et les puissantes corporations marchandes de Lyon, en particulier celle des
marchands de vin, font connaître les circuits commerciaux assurant l’écoulement de cette
production spéculative57. La voie rhodanienne permettait aisément de valoriser l’activité
des domaines des terroirs voisins, voire de diversifier les sources de revenus 58. /81/
30 La fin du texte précise la procédure d’érection du monument funéraire, le mausolaeum. P.
Wuilleumier, qui avait lu, à l’extrémité de la lacune de la ligne 11, la fin de la lettre C,
restituait d’abord le possessif eius (libertus eius), suivi du démonstratif hoc (hoc
mausolaeum). Peut-être s’agit-il d’un remplissage par des mots passe-partout, des
« chevilles », car ni l’un ni l’autre ne s’imposent vraiment à la brièveté épigraphique.
Libertus et patronus, qui se répondent dans cette dernière partie du texte, suffisent à situer
les deux personnages cités. Ils sont même redondants59, mais ce redoublement est en
revanche typique d’une certaine épigraphie funéraire : il permet non seulement d’établir
la qualité ou la parenté du responsable du monument, mais aussi d’introduire un
qualificatif précisant sous forme d’éloge la valeur du défunt, parent ou patron60.
31 Il est donc préférable, dans ces conditions, de rechercher une restitution plus
significative, mieux en rapport avec le contenu du document. Par ce qui subsiste nous en
savons suffisamment sur les liens qui unissent C. Sergius Respectus et le responsable du
mausolée : celui-ci est son affranchi. Nous retrouvons alors l’usage bien répandu dans le
milieu aristocratique, et ailleurs aussi, de confier à défaut des proches les devoirs
funéraires à des membres de l’entourage que sont les affranchis. Ceux-ci étaient choisis
pour l’estime et la confiance qu’ils méritaient61 ; ils étaient donc susceptibles d’exprimer
le plus sincèrement et le plus fidèlement leur piété envers leur patron et leur
reconnaissance. Désignés pour cela par testament, ils avaient la conservation de sa
mémoire62. La documentation épigraphique illustre bien/82/ce phénomène. Elle met
parfois en valeur le lien précis qui, en plus de l’affranchissement, unissait le défunt à
l’exécutant de ses volontés : celui-ci était son homme de confiance, son représentant, son
délégué en affaires ou en justice, c’est-à-dire son procurateur63. La liste que nous
fournissons n’est certainement pas exhaustive, mais elle atteste bien le rôle de ces
affranchis qui étaient les plus proches du maître, dans la réalisation des tombeaux, ornés
d’épitaphes prestigieuses, mais aussi dans l’expression d’hommage post mortem ou dans
des dédicaces pro salute64.
32 Il importe alors de retrouver l’expression lib(ertus) / [et projc(urator), dont la restitution
s’accorde bien, de plus, avec la lacune du début de la ligne 11 : cinq lettres y prennent
mieux place que six. C’est donc son fondé de pouvoir qui a fait construire le grand
monument funéraire dont ne subsistent que quelques éléments d’architecture. Il n’est
donc pas indifférent de retrouver ainsi, derrière les ultimes lignes de l’inscription, un
aspect de l’entourage du notable, et d’apercevoir un mode de gestion des affaires assez
habituel dans les grandes familles65. Malheureusement, pour/83/l’instant, la
documentation épigraphique nîmoise n’apporte pas d’écho ou d’élément solide de
comparaison. Hormis, peut-être, l’inscription de Cornelia Elpis et de Sergia Corneliana,
qui fait supposer l’existence d’un affranchi haut placé portant le gentilice Sergius, rien
266
NOTES
1. Roche 1985.
2. Barruol 1969, p. 411 et fig. 42.
3. Wuilleumier 1971, p. 262-265, d’où AE 1969-1970, 376 (paru en 1972) qui résume l’article
précédent.
4. Sauron 1983, p. 59-109, partic. p. 81 et p. 84-85 ; Wuilleumier 1971, p. 265, se contente d’une
appréciation plus vague : « Le texte paraît dater du IIe siècle après J.-C. »
5. Voir infra, note 27.
6. Sauron 1983, p. 74-75, 1 13, avec fig. 10. Curieusement ce grand monument aux dimensions
exceptionnelles (191 x 191 cm) est, semble-t-il, demeuré longtemps inédit [il est enfin signalé
dans AE 1995, 1064 ; aussi Fiches-Veyrac 1996, n° 514, p. 452].
7. On pourra citer ici le cas de CIL XII, 3349 (cf. Sauron 1983, p. 87, VI 02), qui concerne un
marchand d’esclaves, et celui de CIL XII, 3345 (Sauron 1983, p. 94, X 10) qui concerne un
cabaretier.
8. Dans le cadre de la révision des inscriptions latines de Nîmes ainsi que dans celui d’un travail
sur les structures du Beaucairois, le texte a été réexaminé à deux reprises : une première fois par
M. Janon en 1984, une seconde fois au cours d’une mission épigraphique à Nîmes et dans sa
région en 1986 (Programme ILN du centre Camille-Jullian, sous la direction de J. Gascou).
9. Pétrone, Satyricon, 71, 1-12 particulièrement la partie finale. À éclairer par les commentaires de
Veyne 1961, p. 213-247, partic. p. 240-246 et de D’Arms 1981, p. 97-120, partic. p. 108-116.
10. CIL VIII, 11824 (= ILS 7457), avec les commentaires de Picard-Rougé 1969, p. 224-227 et de
Lepelley 1981, p. 290-291.
11. Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 285-290, n o 3 (= AE 1982, 681) : Ordo sanctissim(us) Q(uinto) Avilio
Q(uinti) f(ilio) Sennio Palatina (tribu) Cominiano in honorem patris eius Q(uinti) Avili Hyacinthi quod is,
praeter liberalitates spectaculorum quae sponte ededit vel postulata non negavit, velis novis sumptu suo in
theatro positis cum suis armamentis, saepe pecunia mutua quae a magistratibus petebatur data actum
publicum iuverit. On doit tenir compte, pour la compréhension du document, qu’il s’agit d’un
hommage public décidé post mortem (du jeune homme) par l’ordo decurionum : il s’agit d’une base
de statue érigée en lieu public. Les inscriptions qui étaient gravées sur de tels supports
n’hésitaient pas à reprendre un élément du décret municipal décidant leur érection : cf. à Nîmes
dans la même publication l’inscription no 1 (p. 281-285 (= AE, 1982, 680) : Attiae L(ucii) fil(iae)
Paterclae, flaminicae perpet(uae) gratuitae decret(o) ordinis [.]a[.]t. ob liberalitates [p]atri[s] eius qui,
praeter c[e]tera, (trecenta millia) (sestertium) rei publ(icae) (se)virorum reliquit ad ludos seviral(es) in
perpet(uum) celebrandos. Daphnion lib(ertus). L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum) [sur ce texte voir
désormais Christol 2005 c]. Mais on trouve rarement une énumération aussi concrète contrastant
avec les formules plus fréquentes (ob merita, ob liberalitates, ob pietatem in patriam, ob adfectionem
erga municipes, etc.) qui à notre avis ne sont nullement banales mais en revanche très
significatives. Voir en général sur ces questions, Sherk 1970.
12. Cf. infra p. 71-74.
13. Wuilleumier 1971, p. 263.
267
14. CIL XII, 3207 ; Burnand 1975 a, p. 706-711 ; Pflaum 1978 a, p. 253.
15. CIL XII, 3180 ; Burnand 1975 a, p. 711-712 ; Pflaum 1978 a, p. 209.
16. CIL XII, 3212-3213 ; Burnand 1975 a, p. 764-769 ; Pflaum 1978 a, p. 99. Ce chevalier est
également parvenu au flaminat provincial.
17. CIL XII, 3274-3275 ; Burnand 1975 a, p. 775-779 ; Pflaum 1978 a, p. 99-100. Comme M. Cominius
Aemilianus (cf. note 16), il est parvenu au flaminat provincial.
18. CIL XII, 3186 ; Burnand 1975 a, p. 789-790 ; Pflaum 1978 a, p. 222. On doit aussi tenir compte de
CIL XII 3190, inscription incomplète qui a disparu. Les restitutions de Hirschfeld, pour la ligne 3,
sont satisfaisantes (IIII[vir(o)] a[d aer(arium)] ou a[b aer(ario)]. Il s’agit au moins d’un plébéien du
plus haut rang, comme C. Sergius Respectus.
19. Il semble difficile de montrer qu’un certain nombre de chevaliers romains nîmois ne
parvinrent pas à obtenir ce sacerdoce très important. Il faut en effet tenir compte pour certains
d’entre eux (L. Attius Lucanus : C/L XII, 3177, cf. Burnand 1975 a, p. 712-716 et Pflaum 1978 a,
p. 203 ; C. Cascellius Pompeianus CIL XII, 3210, cf. Burnand 1975 a, p. 773-774 et Pflaum 1978 a,
p. 255 ; Fabricius Montanus : CIL XII, 3002, cf. Burnand 1975 a, p. 774-775, et Pflaum 1978 a,
p. 226-227) d’une disparition précoce. Pour d’autres, la formule omnibus honoribus in colonia sua
functus doit inclure le flaminat (Anonyme CIL XII, 3187 a et 3187 b, cf. Burnand 1975 a, p. 727-731 ;
C. Aemilius Postumus : CIL XII, 3176, cf. Burnand 1975 a, p. 748-749, et Pflaum 1978 a, p. 223). Pour
un autre encore, il apparaît que l’honneur du flaminat provincial se comprend malaisément sans
la gestion du flaminat local, et qu il faut supposer l’utilisation d’une formulation très contractée
pour présenter les honneurs du personnage (CIL XII, 3183, cf. Burnand 1975 a, p. 769-773 et
Pflaum 1978 a, p. 238-239), mais voir les objections avancées par Burnand 1975 a, p. 771 à propos
de l’absence de tout honneur municipal : celles-ci, si on les accepte, font disparaître
complètement le problème, car le personnage appartient alors à une strate encore plus élevée,
qui s’insère dans le niveau provincial et s’écarte du niveau local. C’est cette dernière observation
qui doit être faite à propos de C. Fulvius Lupus Servilianus dont l’ascension est remarquable,
puisqu’il passe de l’état de notable municipal, membre de l’ordre équestre, à l’ordre sénatorial,
grâce à l’adlection dont le gratifie l’empereur Vespasien (CIL XII, 3166, cf. Burnand 1975 a,
p. 737-741, et Pflaum 1978 a, p. 207). Le seul exemple que l’on pourrait invoquer est donc celui de
Sex. Adgennius Macrinus (CIL XII, 3175, cf. Burnand 1975 a, p. 742-744 et Pflaum 1978 a, p. 237),
dont l’épouse, Licinia Flavilla est flaminica Aug(ustae). Mais pour lui aussi, ne peut-on invoquer
une mort qui l’aurait privé de l’honneur suprême dans sa cité ?
20. On peut tenter une comparaison avec la cite voisine de Béziers. Dans cette colonie romaine
cinq flamines du culte impérial sont connus (Clavel 1970, p. 456-459) deux sont membres de
l’ordre équestre (CIL XII, 4230/4233), trois autres sont des plébéiens ou des inconnus (CIL XII,
4402, 4252 ; ILGN 559). Mais vice-versa, il faut remarquer que sur les quatre chevaliers romains
provenant de la cité, en plus des deux déjà cités, un troisième qui s’était peut-être engagé dans
une carrière équestre, avait été honoré des ornements du flaminat (CIL XII, 4241), tandis que nous
ne connaissons pas tous les détails de la carrière du quatrième (CIL XII, 4229).
21. Jacques 1984, p. 138-140.
22. Un seul d’entre eux pourrait ne pas avoir revêtu ce sacerdoce (C. Cascellius Pompeianus : CIL
XII, 3210, cf. Burnand 1975 a, p. 773-774, et Pflaum 1978 a, p. 255), mais il nous semble que,
comme pour Fabricius Montanus (CIL XII, 3002, cf. Burnand 1975 a, p. 774-775, et Pflaum 1978 a,
p. 226-227), il dut mourir très jeune, ou suffisamment tôt pour ne pas atteindre le sommet des
honneurs municipaux (cf. n. 19).
23. Un certain nombre d’inscriptions de notables ne mentionne que le quattuorvirat (C/L XII,
3180, 3215, 3222, 3235, 3236, 3252, 3295, 4071) : il est difficile d’en déduire que ces personnes
n’avaient pas détenu le pontificat, surtout quand on sait que l’obtention de ce sacerdoce est, en
règle quasi générale, antérieure à la magistrature suprême (cf. n. 24 et le tableau récapitulatif). Il
est certainement inclus dans la formule omnibus honoribus in colonia functus (cf. les remarques de
268
Burnand 1975 a, p. 771), qui apparaît à plusieurs reprises : CIL XII, 3176, 3236, 3286, 3289 ; ILGN
420).
24. Le seul exemple qui montre l’obtention du pontificat après le quattuorvirat est celui du
chevalier C. Solonius Severinus (CIL XII, 3184 ; cf. Burnand 1975 a, p. 781 et Pflaum 1978 a,
p. 231-232) :... et Philomuso Q(uinto) Solonio Q(uinti) f(ilio) Vo[l(tinia)] Severino, ex V decuriis, equo
publico, luperco, IIIIvir(o) ab aerar(io), pontifici, flamini provinciae Narbonensis, trib(uno) militum leg
(ionis) VIII Aug(ustae), civitas Foroiuliensium patrono [...]. On admettra qu’à première vue le cursus
municipal est rédigé en ordre direct, puisque le flaminat provincial est un couronnement de
carrière (en ce sens Burnand 1975 a, p. 781). Mais H.-G. Pflaum, pour sa part, estime que le cursus
a été bouleversé de telle façon qu’apparaissent de nombreux problèmes de compréhension. On
connaît, par une inscription de Rome, un autre cursus rédigé dans l’ordre direct, mais il se
conforme au schéma traditionnel (préfecture des vigiles et des armes, pontificat, quattuorvirat)
(CIL VI, 29718 : Sex. Sammius Aper, domo Nemauso). Enfin, on remarquera que cette inscription a
été gravée à l’initiative des habitants de Fréjus : peut-être la source des maladresses se trouve-t-
elle là, due à une méconnaissance des institutions nîmoises.
25. L’inscription s’interrompt après le mot praef. ; plus rien n’a été gravé. On pourrait être tenté
de restituer praef. [fabrum]. Mais dans les autres cas semblables (CIL XII, 3175, 3207) nous avons les
preuves d’une appartenance à l’ordre équestre ou à l’élite la plus relevée par la mention d’un
tribunat de légion ou celle du flaminat impérial. Aussi préférera-t-on, en laissant tout de même
un doute, restituer praef. vigilum et armorum, en rapprochant de nombreux exemples comparables
dans ce tableau.
26. Voir à ce sujet les observations de Burnand 1975 a, p. 739-740 avec la note 6. Un exemple
récent de questeur de la colonie à rajouter : Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 299-301, n o 7 (= AE
1982, 686).
27. Strabon, Geogr., IV, 1, 12 ; Goudineau 1976, p. 105-114 ; cf. Christol 1988 a.
28. Nous connaissons à présent une inscription qui livre le cursus d’un notable des échelons
inférieurs jusqu’au quattuorvirat. Il s’agit d’une inscription provenant de l’oppidum de Gaujac
dont nous devons la connaissance à l’amabilité de J. Charmasson. Nous en avons assuré avec lui la
publication (Christol 1987 f) : [Ap]oll[ini] / An[t]onius L(uci) f(ilius) Vo[l(tinia)] / Pater[nus], aedil[is] /
prae[f(ectus)] [f]abrum / IIIIvir ad aerar(ium). Dans ce cursus, surprend l’absence de la préfecture
des vigiles et des armes puis celle du pontificat. Mais pour ce personnage, la mention de l’édilité
ne signifie pas qu’il était nouveau citoyen ; au contraire, la fonction de préfet des ouvriers atteste
qu’il faisait partie de l’ordre équestre (sur cette question, voir en dernier Sablayrolles 1984,
p. 239-247).
29. L’inscription de Gaujac citée à la note précédente le montre.
30. On mettra à cette occasion en valeur quelques inscriptions de notables, vraisemblablement
morts prématurément, qui ne mentionnent que la préfecture des vigiles et des armes. On voulait
certainement montrer qu’ils auraient été appelés aux plus grands honneurs dans la cité : 1/[.]
Fabricius Montanus (CIL XII, 3002) est chevalier romain (Burnand 1975 a, p. 774-775, et Pflaum
1978 a, p. 226-227) : il a exercé une milice équestre en étant tribun de la légion III a Cyrenaica.2/M.
Numerius M. fil. Volt(inia) Messor (CIL XII, 3259) appartient à une famille bien représentée à
Nîmes (exclusivement, en Narbonnaise) et qui a fourni une flaminique (CIL XII, 3260).3/T.
Geminius T. fil. Vol(tinia) Titianus (CIL XII, 3223 = ILGN 422) présente un cas très intéressant,
puisqu’il s’agit certainement du fils d’un sévir augustal, T. Geminius Zethus (CIL XII, 5900a).
31. Voir déjà Wuilleumier 1971, p. 263. On pourrait ajouter un troisième exemple (CIL XII, 3682)
mais le texte est mutilé.
32. Dans CIL XII, 3 ex. à Vienne (2001, 2026, 2503), 2 ex. à Narbonne (4521, 5134), 2 ex. à Aix (570),
1 ex. à Marseille (434), 1 ex. chez les Tricastins (1716).
269
33. CIL XII, 3904 : D(is) M(anibus) Sergiae Montaniae, Acilia Sergiana matri optim(ae) et M(arcus)
Montanius Epictetus iunior lib(ertus) ; Sauron 1983, p. 90-91, date le monument du milieu du II e
siècle après J.-C.
34. CIL XII, 3541 : D(is) M(anibus) Corneliae Elpidis, Sergia Corneliane, matri pientissimae filia. Nous ne
savons rien de précis sur le support.
35. Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 294-296 n o 5 (AE 1978, 465 = AE 1982, 684) : D(is) M(anibus)
(se)vir(i) Aug(ustalis) L(ucii) Aemilii Asyncriti, L(ucius) Aem(ilius) Honoratus et L(ucius) Aem(ilius)
Cornelian(us) patri optim(o). Sauron 1983, p. 85, la date du règne d’Hadrien et d’Antonin le Pieux
(117-161). Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 294-296 n o 6 (AE 1982, 685) : D(is) M(anibus) Corneliae
Philaenidis et Aemiliae Cornelian(ae), (sevir) Aug(ustalis) L(ucius) Aemilius Asyncritus uxori karissimae et
filiae piissimae, L(ucius) Aemilius Honoratus et L(ucius) Aemil(ius) Cornelianus matri optim(ae), sorori
karissim(ae). L’inscription est antérieure à la précédente.
36. Il est déjà connu par CIL XII, 3192.
37. Pour les Aemilii : CIL XII, 3176, 3164 et add., 3615a, 3247, cf. 3183 et add., 3212 et add. ; pour les
Cornelii : CIL XII, 3214.
38. Wuilleumier 1971, p. 264-265. L’inscription rhénane citée par P. Wuilleumier correspond à CIL
XIII, 6945, cf. Pflaum 1978 a, p. 271.
39. La documentation provenant de Nîmes permet de bien cerner l’importance de cet honneur
pour des personnages appartenant à la cité. Il s’agit dans un certain nombre de cas d’un honneur
supplémentaire attribué à des sévirs augustaux : CIL XII, 3219, 3191, 3221, 3245, 3249, 4068, ILGN
431. On peut vraisemblablement adjoindre à ce groupe le cas de l’anonyme ILGN 423 et 424, dont
on aimerait pouvoir mieux discerner la personnalité, tant son réseau d’influence, assis sur
l’activité commerciale, semble riche et important [voir chapitre 34]. Dans un cas (CIL XII, 3253),
relatif à un personnage s’appelant C. Marius Iuven[... ] Iulianus, on ne peut être assuré qu’il ait
été sévir augustal.
40. Jacques 1984, p. 390-391, 404-406, 610, 656. Dans la documentation provenant de Nîmes, ce cas
pourrait conerner C. Aurelius Parthenius (CIL XII, 3203) : ornamentis dec(urionalibus) honoratus col.
Aug. Nemausi, IIIIIIvir aug. col. Copia Claudia Lugud. item Narbone Martio et Fir. Iul. Secund. Arausione et
foro Iulii Pacato ubique gratuitis honoribus. On pourra rapprocher de l’exemple fourni à Narbonne
par L. Aponius Chaerea (ILGN 573), honoré des ornements de diverses magistratures dans les cités
de Sicile.
41. Dans le cas particulier de la cité de Nîmes nous pouvons ajouter maintenant, parmi ces
honneurs, les ornamenta seviralia, comme l’apprend une inscription inédite : (Se)vir A[ug(ustalis)]
Sex(tus) Licin[ius] Helicon, cui ordo san[ct(issimus)] seviralia orna[ment(a)] gratuita dec[rev(it)], v(ivus) s
(ibi) et s(uis) [f(ecit) ou p(osuit)], cf. Latomus 46, 1987, p. 388-398 [Christol 1987 b],
42. Voir en général la notice de Hirschfeld, CIL XII, p. 136.
43. CIL XII, 3200 ; Burnand 1975 a, p. 749-751, dont nous nous écartons légèrement de
l’interprétation.
44. CIL XII, 3291 : Burnand 1975 a, p. 750.
45. CIL XII, 3242 : D(is) M(anibus) Iulia L(ucii) fil(iae) Titullinae, flam(inicae) Aug(ustae) Cabell(ione), L
(ucius) Lucretius Honoratus uxori optimae et Q(uintus) Lucretius Honor(atus) matri optimae. Pour la
date, Sauron 1983, p. 86-87. L. Lucretius Honoratus est un notable nîmois : CIL XII, 3247.
46. On peut en trouver confirmation dans l’exercice de charges confiées en Narbonnaise par
l’autorité impériale : M. Cominius Aemilianus est curateur de la cité d’Aix (CIL XII, 3212 add. : CIL
XII, 3213 add. ; Burnand 1975a, p. 764-766 ; Pflaum 1978 a, p. 109 ; Jacques 1983, p. 387-388) ; Q.
Soillius Valerianus est curateur de Cavaillon, d’Avignon et de Fréjus (CIL XII, 3275 add. ; CIL XII,
3274 add. ; Burnand 1975a, p. 775-779 ; Pflaum 1978 a, p. 99 ; Jacques 1983, p. 388-389). On
ajoutera un certain nombre de patronages sur les communautés de Narbonnaise : M. Cominius
Aemilianus sur la cité des Voconces, Q. Soillius Valerianus sur la cité d’Apt, Q. Solonius Severinus
sur la cité de Fréjus (CIL XII, 3184 ; Burnand 1975a, p. 779-782 ; Pflaum 1978 a, p. 231-232). Tous
270
ces notables appartiennent à l’ordre équestre. Si l’on considère l’exercice du flaminat provincial,
cela est confirmé : les Nîmois l’emportent en nombre dans la documentation actuellement
connue (Pflaum 1978 a, p. 107-108).
47. ILGN 429.
48. Voir supra, les documents cités aux notes 40, 43, 44, 45 et 46.
49. La mention de la gratuité se trouve dans les trois documents nîmois : CIL XII, 3203, cf. n. 40,
l’inscription inédite relative aux seviralia ornamenta gratuita, cf. n. 41, puis dans une inscription de
découverte récente (Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 281-285, no 1) dont l’interprétation pourrait
être reprise sur des bases nouvelles [voir Christol 2005 c]. La gratuité sous-entend en général de
multiples manifestations préalables de générosité.
50. Wuilleumier 1971, p. 263.
51. Robert 1982, partic. p. 258-263.
52. Wuilleumier 1971, p. 264 : « la reprise de a[gon]ot[het(a)e] par [praesid ?]i agonis surprend un
peu ». Des deux exemples allégués, celui fourni par CIL III, 6835-6837 (= ILS 5081) ne peut être
retenu, car Cn. Dottius Plancianus a été agonothète à deux reprises mais dans deux concours
différents. L’autre exemple n’est pas plus probant (CIL XII, 410 add.), car Cn. Valerius Valerianus a
été agonothète de l’agon Iobianus (sic) : il n’y a pas redoublement mais précision. D’autre part la
lecture du mot agonothète à la ligne 7 est exclue, pour les raisons indiquées plus haut sur la
lecture de la première lettre de la ligne. On ne peut donc pas envisager que C. Sergius Respectus
ait été agonothète à deux reprises, soit du même concours (cf. CIL II, 4136 (ILS 1399)= RIT 159), soit
de deux concours différents.
53. Dans le langage des concours grecs, dont le vocabulaire est examiné par Robert, prostates ne
convient pas car ce mot correspond à agonothète (Robert, p. 266) et cette variatio de vocabulaire
serait surprenante dans une inscription. Epistates ne convient pas davantage (Robert, p. 262-264),
car c’est une fonction subalterne. Eisagogos ou eisagogeus sont exclus en raison de la lecture
(Robert, p. 275). Quant au nom du concours, il nous échappe, même si le qualificatif gymnicus est
tentant, par comparaison avec le concours de Vienne (Pline, Lettres, IV, 22 ; Sherwin-White 1966,
p. 301) dont C. Goudineau nous rappelle amicalement l’existence.
54. Dans ce cas l’agonothète, qui assurait la présidence et l’organisation générale des jeux, aurait
pu être assisté d’un curator se réservant les charges matérielles, et palliant les insuffisances de la
caisse locale. Les difficultés de la caisse municipale nîmoise ont été révélées par une découverte
épigraphique effectuée sous l’ancien Palais de justice (Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 285-290 n o
2 (= AE 1982, 681) : les prêts d’argent résolvent les questions financières, mais aussi les évergésies
(praeter liberalitates spectaculorum quae sponte ededit vel postulata non negavit) [chapitre 27].
L’intervention de C. Sergius Respectus ne se place peut-être pas à un autre niveau. Elle était, vu la
qualité du personnage, au moins autant honorifique que celle de Q. Avilius Hyacinthus (son fils
fut gratifié d’une statue in honorem patris). Sur les curatores des munera publica ou des ludi publici,
Ville 1981, p. 193-196. À Nîmes, on connaît un curator lud[---] (CIL XII, 3290. : D(is) M(anibus) C(ai)
Verati Trophimi (se)viri Aug(ustalis) corporat(i) Dea Aug(usta) Vocontior(um), curato[r(is)] lud[---] (voir
aussi CIL XII, index p. 935). On peut envisager aussi que la cura des jeux ait été assumée ex
postulatione populi. Dans ce cas, il s’agirait d’une pratique évergétique typique.
55. Sur cette question, on trouvera à la fois un exemple remarquablement analysé, et des
compléments documentaires dans Burnand 1975, p. 94-130. Sur les relations qu’entretenaient les
notables avec la campagne est récemment revenu Février 1981. L’inscription de C. Sergius
Respectus est mentionnée à deux reprises de façon inexacte : ce personnage n’est pas décurion de
Cavaillon (p. 362), ni n’a exercé les fonctions dans cette cité (p. 363 : les ornements de décurion
sont une distinction honorifique, non une magistrature ni une fonction) [voir chapitre 26].
56. Pour situer ces régions orientales du territoire de Nîmes, il faut se référer à présent aux
observations, fondées sur des travaux de première main, de Fiches et Garmy dans Fluard 1982,
p. 83 et 89-92. On y adjoindra les données rassemblées par Laubenheimer 1985, sur la localisation
271
des ateliers d’amphores et sur leur production, même si l’analyse historique de cette
documentation aurait mérité approfondissement ; voir aussi, plus récemment Laubenheimer
1984, p. 23-32.
57. Nous avions attiré l’attention, dès 1971, sur les liens révélés par l’onomastique, entre les
naviculaires d’Arles et les familles volques implantées dans la partie orientale du territoire :
Christol 1971 a, partic. p. 650-651, p. 654-655, p. 657. La cartographie des attestations du gentilice
Secundius le montre tout autant que celle du gentilice Frontonius : la révision de l’inscription
ILGN 40 (à Riez), cf. AE 1976, p. 380, montrant qu’il faut exclure ce document de la liste des
Frontonii, fait disparaître cette attestation de la rive gauche du Rhône et renforce la
concentration de ce gentilice sur le territoire nîmois. Quant aux liens avec Lyon, dont le rôle est
capital dans la géographie des échanges en Gaule (Rougé 1978, p. 47-63, ainsi que Cracco Ruggini
1978, p. 65-92), ils sont attestés par deux inscriptions (cf. n. 39) malheureusement incomplètes,
qui peuvent se rapporter au même personnage (ILGN 423 et 424). Ce personnage est
vraisemblablement originaire de la cité de Nîmes ; en tout cas il y avait sa sépulture. Il a été
curator negotiatorum vinariorumm et sevirorum Lugduno constitentium (ILGN 423), et curator
negotiatorum vinariorum qui Lugduni in canabis consistant (ILGN 424) [voir chapitre 34].
58. Voir à ce propos Le Glay 1964, p. 140-152, sur CIL XIII, 1954, à corriger toutefois par Rougé
1978, p. 54 ; Burnand 1977, p. 279-305. Dans le contexte nîmois, on insistera sur deux séries de
rapprochements à partir d’inscriptions de la région de Beaucaire, c’est-à-dire du secteur où se
trouvent implantés le domaine et le mausolée de C. Sergius Respectus. Dans le premier cas, il
s’agit de deux inscriptions faisant connaître des affranchis des T. Iulii. Elles proviennent du
même secteur comme l’indiquent les mentions de la découverte (CIL XII, 2858 et 2829), et la
seconde d’entre elles, qui se rapporte à un couple d’affranchis de cette famille, appartient à la
série des cippes funéraires à rinceaux. On peut tenter de les rapprocher du groupe important des
Iulii nîmois, qui fournit sénateur, chevaliers et notables locaux (un des plus fastueux de ces
derniers est T. Iulius T. f. Dolabella, cf. CIL XII, 3232). Dans le second des cas, il s’agit
d’inscriptions faisant connaître des membres de la famille des Sennii (CIL XII, 2818 et 2837),
moins bien connus au niveau des notables, mais dont l’importance peut se déduire, comme celle
des Sergii, de quelques documents relatifs à leurs affranchis ou aux descendants de leurs
affranchis (voir l’inscription citée n. 11, qui fait connaître Q. Avilius Q. f. Sennius Palatina
Cominianus).
59. En général un terme suffit. CIL XII, 3296 :... Primitivus lib(ertus) ; CIL XII, 3286 :... Calidia Munatia
fil(ia) ; CIL XII, 3268 :... heredes (sans nom) ; CIL XII, 3206 :... Anteros, Hyllus, liberti ; CIL XII, 3295 :...
Maria Chresime marito optimo ; ILGN 422 :... Acutia Epiteuxis marito optimo...
60. On comparera avec CIL XII, 3292 : Nemonius Titus, fil(ius), patri piisim(o). Nous retrouvons ce
problème dans l’épigraphie officielle, et avec une importance particulière à Volubilis : Christol
1986 d.
61. Fabre 1981, p. 142-150 et p. 241-252.
62. Fabre 1981, p. 281. Lemonnier 1887, p. 153-155, avec les références citées p. 154, note 7. Dans
le testament du Lingon (Hatt 1951, p. 66 et s.) les affranchis du testateur sont mentionnés :
colaturque id aedificium et ea pomaria et lacus arbitratu Philadelphi et Veri libertorum meorum. Dans
lepigraphie italienne et provinciale de la fin de la République et du début de l’Empire, très
souvent le nom de l’affranchi est introduit par le mot arbitratu, suivi du génitif (voir pour la
Narbonnaise lepigraphie de Béziers et de Narbonne [chapitre 23]). On se référera, pour situer le
cadre juridique, à Amelotti 1966, I, p. 136-138 etp. 148-161.
63. Bibliographie et mises au point dans Nicolet 1966 a, p. 691-709, partic. p. 691-695, cf. Nicolet
1966, I, p. 423-427, et Fabre 1981, p. 344-354, partic., p. 349-352.
64. CIL VIII, 8993 (inscription funéraire) : Fabatiae Luci filiae Pollae Domitiae Gelliolae, consulari
feminae... M(arcus) Fabatius Domitius Pancratius, libertus et procurator, patronae piisimae. CIL VI, 1577
(inscription funéraire) : [... adlecto inter patr]icios a divo Pertinace... [Pol]ytimus, lib(ertus) et proc
272
(urator), patrono. CIL V, 4347 (hommage public) : M(arco) Nummio Euhodus, lib(ertus), nutritor et
procurator. L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum). CIL X, 106 (dédicace religieuse) : Herae Lacinae
sacrum, pro salute Marcianae sororis Aug(usti), Oecius, lib(ertus), proc(urator). CIL V, 4241 (dédicace
religieuse) : I(ovi) O(ptimo) M(aximo) conservatori possessionum Rosciorum Paculi Aeliani n(ostri) co(n)s
(ularis) et Bassae filiorumque eor(um) ex voto, L(ucius) Roscius Eubulus, nutrit(or) et procurat(or), cum P
(ublio) Roscio Firme, lib(erto), proc(uratore) eorum. Assez voisin nous semble AL 1968, 109 : [L(ucio)
Ca]esonio L(uci) f(ilio) [Ov]inio Manlio Basso, [c(larissimo)] v(iro)... domino patro[no p]raestantiss
[imo...]actys, lib(ertus), actor, cum suis.
65. Il faut supposer, à notre avis, que le responsable du tombeau rappelle sa situation du vivant
de son maître, et le lien privilégié qu’il entretenait avec celui-ci en étant chargé de la capacité
d’agir à sa place pour la gestion des affaires. Il nous semble plus difficile de le définir comme
procurator ex testamento (sur ce personnage, Amelotti 1966, I, p. 149-150). On hésitera de même à
confondre le procurator mentionné dans l’inscription avec l’intendant du domaine, le régisseur. Si
le procurator est bien le fondé de pouvoir de C. Sergius Respectus, il se place donc dans
l’entourage le plus proche de son patron, le suivant dans ses déplacements ou se déplaçant lui-
même pour gérer ses affaires. Il devait avoir une influence qui dépassait l’horizon du domaine
local. On pourrait être tenté de rapprocher avec la position détenue auprès des pagani pagi Lucreti
qui sunt finibus Arelatensium loco Gargario par Q. Cornelius Marcelli libertus Zosimus, sévir augustal
dans la colonie d’Arles (CIL XII, 594) : il a eu des contacts fréquents avec ses protégés, mais
l’insistance à soutenir leur cause implique qu’il n’ait pas résidé de façon permanente auprès
d’eux : cela convient moins à un régisseur attaché au domaine qu’à un fondé de pouvoir du
maître, plus libre de ses mouvements [mais voir, pour l’interprétation de cette inscription,
Christol 2004 f].
NOTES DE FIN
*. Mélanges P. Lévêque, 5 (Annales littéraires de l'université de Besançon, Centre de recherches d'histoire
ancienne, 101), Besançon-Paris, 1991, p. 65-83.
273
NOTE DE L’ÉDITEUR
La notice de Burnand 2005-2007, (83 E 69, p. 106-107), ne tient pas compte de cette étude,
et conserve donc une datation antérieure au milieu du Ier siècle ap. J.-C. Les inscriptions
de Seyssel ont trouvé place dans le volume 3 des ILN Vienne, publié en 2005. Le
commentaire de l'inscription 786 a repris l’essentiel de nos propositions, en particulier
celle qui nous paraissait la plus importante, l'exercice à trois reprises de la préfecture des
ouvriers. On peut s'étonner qu'il soit indiqué « qu'il n'est pas possible d'affirmer que D.
Marius Martinus [CIL XII, 1895 = ILN Vienne, I, 75] était le père de C. Marius... », puisque la
datation proposée dans le commentaire de ce texte est la suivante : « à l'époque de la
colonie latine ou de la colonie romaine ». Il faut, au contraire, envisager que le réexamen
de l'inscription de Seyssel, dont la date peut être un peu plus avancée qu’on ne le pensait
dans le Ier siècle ap. J.-C., puisqu'il est vraisemblable que la dénomination du notable
comportait un cognomen, ouvre la voie à une mise en perspective des deux textes telle
qu'on l'a envisagé, alors qu'auparavant cette solution était très difficile à argumenter. On
insérera le document dans la problématique des rapports entre les notables de la cité de
Vienne et le territoire (agglomérations, lieux de culte, grands domaines) : voir chapitres
13 et 20.
l’exception des plus nobles d’entre eux qui résident à Vienne. De simple village qu’elle
était autrefois, bien qu’elle portât déjà le titre de capitale de ce peuple, ils ont fait de
Vienne une ville » (Geogr., IV, 1, 11 ; trad. Fr. Lasserre, CUF). Ne croyons pas que les
membres de l’élite politique ont déserté leurs domaines ruraux. L’épigraphie prouverait
le contraire. Retenons que Strabon apporte une vision idéalisée de l’évolution de la
société indigène. Il reprend ici un panégyriste qui s’était laissé aller à filer la topique des
transformations provoquées par la domination de Rome dans le genre de vie des vaincus :
passage à une vie civilisée par le développement de l’activité agricole et renonciation à un
genre de vie sauvage fondé sur la violence et la guerre, apparition de villes et du genre de
vie politique qui organise la vie des communautés autour d’un chef-lieu1. Strabon, grâce
au panégyrique qu’il/218/adapte, met en évidence ce dernier point, l’importance prise
désormais par le chef-lieu, sans que pour autant il faille admettre un transfert de
résidence. Les notables faisaient alterner leur vie entre la ville et la campagne2. Dans la
cité de Vienne, qui plus est, leur participation à la vie d’agglomérations secondaires est
on ne peut plus évidente.
2 Le site de Seyssel (Haute-Savoie), sur le Rhône, au confluent du Fier, fait partie des lieux
importants à l’intérieur du territoire de la cité, par son rôle dans la circulation des
hommes et des biens. Il comporte une agglomération basse, à Seyssel même, au sein de
laquelle les fonctions d’échange sont bien marquées, et une agglomération haute, à Vens,
où devait exister le sanctuaire du dieu Vintius3. Cette divinité, qui ailleurs apparaît sous la
forme d’une épiclèse de Mars (Mars Vintius) 4, est ici attestée à plusieurs reprises. Ces
témoignages ont trouvé place dans le recueil récent des Inscriptions latines de Haute-Savoie,
tant les deux inscriptions mises au jour à Seyssel même5 que l’inscription découverte à
Hauteville-sur-Fier6, petite agglomération distante d’environ quatorze kilomètres de cet
important carrefour. À Seyssel un autre document, à première vue non explicite, a pu être
ajouté à ce dossier. Il s’agit de l’inscription no 98.
3 Cette inscription a été mise au jour en 1890, comme l’indique Ch. Marteaux dans sa
publication initiale, après s’être rendu sur les lieux de découverte et avoir recueilli
quelques informations. Mais elle ne fut publiée qu’en 1901, après que cet érudit, en
décembre 1900, en eut reçu copie d’un de ses correspondants, l’instituteur en retraite
Fenouillet. Il la présenta à une séance /219/ de la Société Florimontane d’Annecy, puis la
publia en même temps qu’une autre inscription des environs de cette ville7. L’inscription
passa dès lors dans les recueils de diffusion : d’abord dans la Revue épigraphique, V, n o 110,
juillet-septembre 1903, p. 37-38 (E. Espérandieu), puis dans l’Année épigraphique, 1904, 141
(R. Cagnat, d’après Rev. épigr.)8. Par la suite son texte fut repris par E. Espérandieu (ILGN
348)9. Enfin P. Dufournet en a donné un fac-similé d’après un relevé de P. Broise 10.
4 Voici le texte et les restitutions proposées dans ILHS 98 :
5 La publication récente n’a pas beaucoup modifié l’établissement du texte conservé. Mais,
sur un point, concernant la restitution de la première ligne, elle a repris le sujet. Alors
que généralement on avait restitué, à droite, à la ligne 1, le mot sacrum, suivant une
formule banale de l’épigraphie religieuse (August[o sacr.)])11, B. Rémy suggère la possibilité
de restituer le nom du dieu local, c’est-à-dire Vintius. Soit : August[o Vintio]. Il suivait en
cela une suggestion déjà formulée par R Dufournet qui, après avoir donné la restitution
habituelle, concluait ainsi son commentaire12 : « Pourquoi ne pas essayer de placer Vintio
par exemple après AVGVSTO ? »/220/
6 Le dieu Vintius est appelé Vintius Augustus sur une autre des inscriptions de Seyssel. Mais
la formule inversée, qui rejette le nom du dieu à la fin de l’énoncé, donne un autre sens au
premier mot, et met en évidence une véritable association du culte impérial et du culte
topique13. Elle apparaît sur l’inscription d’Hauteville14 : Aug(usto) Vint[io] / sacr(um) / T
(itus) Valerius / Crispinus / sacer(dos) Vinti / praef(ectus) pag(i) Dia(-) / aedem d(at).
Curieusement, elle ne se trouve pas dans les inventaires des documents qu’avait
constitués A. Chastagnol15, mais, à notre avis, elle mérite pleinement d’y figurer, car les
deux termes de la première ligne sont juxtaposés. Dans le territoire de la cité de Vienne,
une telle association, dans laquelle le nom Augustus est placé en tête et le nom du dieu
topique à la fin, apparaît aussi une autre fois, à Hières16 : Aug(usto) sacr(um) (signe
séparatif) deo / Mercurio / Victori/Ma[g]- / niaco Ve[l]launo/etc. Hirschfeld, comme l’indique
l’index du volume XII du CIL, avait interprété le nom du dieu comme Aug(ustus) deus
Mercurius Victor Magniacus Vellaunus17. Mais le texte est clair : il faut disjoindre du nom de
la divinité celui de l’empereur : ce dernier est vénéré à travers son genius ou son numen.
C’est ce qu’estime A. Chastagnol, qui range ce texte parmi les témoignages relatifs au
culte impérial et à son association avec les cultes locaux18.
7 On ajoutera qu’en Gaule méridionale ce formulaire comme tous ceux qui sont voisins sont
représentés faiblement. Dans le cas d’Andarta des Voconces, des conclusions assurées
peuvent être avancées. Les constructions de l’expression avec l’adjectif Augusta ne
comportent aucune ambiguïté : l’expression dea Augusta Andarta de CIL XII, 1555, 1556,
1557, 1558, 1560 a le même sens que l’expression dea Andarta Augusta de CIL XII, 1559. En
revanche on pourrait hésiter sur la dédicace à Aug(usto) Marti Britovio à Nîmes 19. On
pourrait objecter qu’il s’agit d’une rédaction maladroite et rappro-/22l/-cher le nom du
dieu à identifier de Mars Augustus Lacavus, de Mars Augustus Rudianus, ou de Mercurius
Augustus Artaius20. C’est dans ce sens que se prononce Hirschfeld dans l’index du CIL XII 21.
Mais, avec A. Chastagnol, il semble préférable de l’insérer dans la liste de témoignages sur
l’association du culte impérial et du culte des dieux locaux22.
8 L’inventaire des documents, tel que l’a constitué A. Chastagnol, montre qu’à l’époque
concernée, c’est-à-dire vers le milieu du I er siècle après J.-C., lorsque le prince, à travers
son genius ou à travers son numen, reçoit un hommage cultuel, il est dénommé de façon
précise lorsqu’il est seul en cause, sans la présence d’un autre dieu23. Mais, lorsqu’il s’agit
d’associer son culte à celui d’une divinité locale, bien vite c’est sous une forme un peu
plus abstraite, limitée au seul élément Augustus, que le prince apparaît dans les
inscriptions. C’est ici le cas. Mais généralement apparaît aussi le nom de la divinité à
laquelle on associe l’empereur. Si dans l’un de ses derniers articles A. Chastagnol
considérait que l’inscription de Seyssel constituait une sorte d’exception, c’est parce qu’il
276
conservait les restitutions habituelles du texte, qui le présentent sous une forme
raccourcie et omettent la restitution du nom de la divinité associée à l’Auguste régnant24.
Pourquoi faudrait-il renoncer à comparer l’inscription de Seyssel à l’abondante
documentation provenant des provinces de Gaule intérieure et de la cité de Vienne elle-
même ? On ne peut se contenter de rétablir dans l’inscription de Seyssel le mot sacrum,
sous quelque forme que ce soit, à droite dans la lacune, comme on le faisait
habituellement quand on adoptait des restitutions courtes. En ce sens l’intuition de P.
Dufournet et les /222/ remarques de B. Rémy n’ont plus à s’accommoder de réticences ou
d’hésitations. On a vu plus haut que P. Dufournet énonçait sa suggestion sous forme
interrogative. De même, B. Rémy hésite quelque peu lorsqu’il place sa notice sous le titre
« Dédicace à l’Auguste régnant ou à Auguste Vintius par un chevalier », puis lorsqu’il
assortit de points d’interrogation sa restitution, puis sa traduction, enfin son indexation
du nom du dieu Vintius. Il convient, sans aucun doute, de restituer le nom d’une divinité
dans la lacune, à droite, à la ligne 1. Dans l’agglomération de Seyssel, en fonction du
dossier disponible, c’est de la divinité topique qu’il s’agit, le dieu Vintius.
9 Cette contrainte en a une seconde, car si l’on inscrit intégralement le mot Vintio, puisque
dans les documents parallèles le nom du dieu a été inscrit de cette manière,
l’établissement du texte doit suivre d’autres voies, car on ne peut plus se contenter de
restitutions courtes comme on le faisait jusqu’ici. Mais avant d’aller plus loin, il convient
d’envisager les diverses solutions :
1. la restitution du nom de la divinité, juxtaposé au nom Augusto (Augusto Vintio). Ce type de
formulation est peu fréquent, mais il apparaît dans l’épigraphie de la cité de Vienne, comme
on l’a vu ci-dessus ;
2. la restitution du nom de la divinité, associé au nom Augusto par la conjonction de
coordination et, sur le modèle de quelques dédicaces Aug(usto) et Marti Mulloni... Mais c’est
aussi un type de formule peu fréquent25 ;
3. la restitution du nom de la divinité, celui-ci étant séparé du nom Augusto par le mot sacrum.
C’est le type de formule le plus répandu. Comme on l’a vu ci-dessus il apparaît dans
l’épigraphie de la cité de Vienne.
10 Restituer seulement les six lettres du mot VINTIO impose de reconstituer une ligne de
treize lettres. Mais cette solution ruine déjà la reconstruction habituelle du texte, fondée
sur des restitutions courtes. Il faut envisager brièvement cette première solution, car elle
permet, sur un certain nombre de points, de tirer quelques conclusions que ne remet pas
en question une restitution un peu plus longue. Si l’on se fonde sur la reconstruction
graphique de l’inscription ainsi restituée, on s’aperçoit d’abord qu’est réglée de façon
définitive une question qui embarrassait régulièrement les commentateurs, même s’ils
parvenaient tant bien que mal à la résoudre : l’absence supposée de surnom dans la
dénomination du premier personnage mentionné. C’est ainsi que H.-G. Pflaum prenait
appui sur ce fait pour ne pas dépasser le milieu du I er siècle ap. J.-C. dans sa datation du
texte26. Ce personnage, appe-/223/-lé jusqu’ici d’une façon invariable C. Marius D(ecimi) f
(ilius)27, porte un surnom, mais celui-ci nous est inconnu. On devra donc l’appeler C(aius)
Marius D(ecimi) f(ilius) Volt(inia tribu) [---].
11 Une précision complémentaire concerne la ligne 4. En effet, il faut disposer à cheval sur
les lignes 4 et 5 la mention de la fonction de IIIvir locorum publicorum persequendorum,
comme on l’a toujours fait jusqu’ici. Mais, puisque les lignes sont plus longues, il en
résulte qu’il faut interpréter différemment l’indication numérale qui suit la mention de la
préfecture des ouvriers. Jusqu’à présent on considérait qu’elle fournissait le début de la
277
mention du triumvirat viennois, et c’est même cette interprétation qui fixait le principe
de restitutions courtes. On avait oublié que la préfecture des ouvriers peut être détenue
plus qu’une fois et que souvent le personnage demeure plusieurs années consécutivement
auprès d’un magistrat cum imperio dont le pouvoir a été prorogé, ou bien qu’il
accompagne à différents moments plu-/224/-sieurs magistrats cum imperio 28. À Vienne,
par exemple, C(aius) Passerius Afer avait exercé à trois reprises la préfecture des ouvriers
29, ainsi que D(ecimus) Iul(ius) Capito30, tandis que M(arcus) Coelius Lectus l’avait exercée
courant d’insérer le mot sacrum au début de ces textes, entre le mot Augusto, désignant
l’empereur régnant, et le nom de la divinité chez qui on fai-/224/-sait entrer le culte
impérial. Que le mot ait été abrégé ou non (sac. ; sacr.), on doit envisager que la
reconstitution du texte aurait été de plus amples dimensions. Nous la reproduisons ci-
dessous sous une forme qui permet de résoudre tous les problèmes nouveaux qui
apparaissent. Elle nous semble donc la solution à retenir, même s’il convient d’admettre
qu’une part des propositions avancées ne le sont qu’exempli gratia (fig. 6b).
13 Ainsi, à la ligne 2, on devra opter pour un surnom bien plus long que dans le cas
précédent : entre 8 et 10 lettres. Puis, à la ligne 3, il convient aussi de proposer l’insertion
d’une fonction municipale, plutôt un sacerdoce32. Enfin, à la ligne 4, la lacune
relativement ample pourrait convenir à l’insertion d’une autre fonction équestre, le
tribunat militaire (TRIB·MILIT), ce qui, par le développement de la carrière, rapprocherait
notre personnage de plusieurs autres chevaliers romains originaires de Vienne. Mais, à
son propos, on peut, semble-t-il, estimer qu’il accomplit la carrière militaire équestre au
coeur de la carrière municipale. Même si le rédacteur avait regroupé pour la facilité
toutes les charges équestres, leur position entre duumvirat et triumvirat indique plutôt
l’existence d’un intervalle de temps durant lequel le notable s’éloigna de sa cité pour
accomplir tout ou partie de la carrière équestre, puis qu’il y revint et qu’il reçut alors la
charge municipale la plus prestigieuse33. Le cursus aurait été rédigé, dans ses grands
traits, dans un ordre chronologique : carrière municipale jusqu’au duumvirat, carrière
équestre, fin de la carrière municipale avec le triumvirat. En définitive, sans que cela
modifie profondément l’aspect général du déroulement de cette carrière, la prise en
compte d’une reconstruction plus ample de l’inscription, conduit à l’étoffer quelque peu,
sans que l’on s’éloigne de la normalité. Elle paraît même, de toutes les solutions, la plus
satisfaisante.
14 Il en résulte que l’on est moins tenu par les contraintes chronologiques qui provenaient
de l’absence de surnom. Si le terminus post quem demeure toujours le même, à savoir la
transformation du statut de Vienne par l’octroi du/226/ droit de colonie romaine
honoraire, sous Caligula, le terminus ante quem peut être élargi quelque peu. On peut ainsi
dépasser le milieu du I er siècle ap. J.-C. et s’avancer jusqu’à la fin de la période julio-
claudienne, sinon un peu plus loin34.
15 On peut aussi, plus aisément, établir un rapprochement entre ces Marii viennois et
d’autres porteurs du même gentilice, attestés aussi dans le milieu des notables
municipaux. En effet, il existe dans l’épigraphie locale une inscription faisant connaître
trois personnages qui portent ce même gentilice35 : Sex(to) Mario Navo, ae[dili] / D(ecimo)
Mario Martino [-] / D(ecimus) Mar(ius) Martinus t. [f.i. ?]. Si un certain nombre d’incertitudes
pèsent encore sur la restitution du texte aux lignes 2 et 3, il semble bien qu’il soit difficile
de ne pas restituer la fonction d’édile à la ligne 1. Cette proposition de Hirschfeld 36 a été
unanimement acceptée. Y. Burnand a rassemblé les arguments afin de proposer une date
haute et de faire entrer ces personnages, dont un au moins appartenait à l’élite
municipale, dans l’histoire de la colonie latine37. Il a été suivi par B. Rémy38. On ne peut
qu’être frappé par la communauté de gentilice et de prénom entre deux de ces Marii et le
père des deux notables viennois mentionnés dans le texte de l’inscription de Seyssel. On
pourrait être tenté de les placer en perspective afin de reconstituer un hypothétique
schéma de descendance, de la génération attestée par l’inscription de l’édile à Vienne à
celle des notables attestés par l’inscription de Seyssel.
279
16 À partir de la ligne 6, dans le texte de cette inscription de Seyssel était inscrit le nom d’un
second personnage, peut-être frère du premier, puisqu’il était aussi D(ecimi) flilius), en
tout cas membre de cette famille des Marii. La dénomination devait être suivie des détails
de sa carrière, à l’image de ce qui avait été inscrit pour son prédécesseur dans le texte :
tout ceci, dénomination et carrière, pouvait occuper deux lignes supplémentaires sur la
plaque. Enfin, était mentionné ce que les deux personnages avaient consacré à Auguste et
au dieu Vintius. Vraisemblablement il faut, à ce propos, ajouter une ou deux lignes
supplémentaires, et même plutôt deux qu’une. En tout le texte devait se dérouler sur neuf
lignes vraisemblablement, peut-être un peu plus, si le cursus municipal était assez long. Si
dans la première reconstruction que nous avons /227/ envisagée le champ épigraphique
aurait pu avoir approximativement comme dimensions 35 x 38 cm, dans la seconde on
pourrait estimer ses dimensions à 35 x 52 cm (ces chiffres n’ont, bien sûr, qu’une valeur
indicative et, de surcroît, approximative). On doit alors envisager que le champ
épigraphique présentait une forme oblongue.
17 Il convient pour conclure de s’interroger sur la finalité de cette inscription. Le matériau
est noble. Le texte mentionne l’association de deux membres d’une même famille, et
laisse entrevoir que tant l’un que l’autre appartiennent au milieu le plus relevé de la cité.
La forme oblongue du support épigraphique convient bien à une inscription rappelant des
travaux de construction. Les parallèles indiquent que, selon toute vraisemblance, il s’agit
d’une inscription signalant un acte évergétique en faveur d’un dieu local39, mais
introduisant à l’occasion à ses côtés la personne du prince régnant. En somme, dans le
contexte de l’épigraphie du territoire de Vienne, une inscription banale quand il s’agit de
notables. Mais le réexamen du document apporte son lot de précisions pour reconstituer
l’histoire d’une famille et mieux apprécier le destin de l’un de ses membres les plus
importants vers le milieu ou dans la seconde moitié du Ier siècle après J.-C.
NOTES
1. Sur la composition de l’ouvrage de Strabon, Lasserre 1966, p. 106. Il estime que le long passage
de IV, 1, 8 à 14, dérive de Posidonius, mais qu’il s’y trouve de compléments relatifs à la situation
récente de plusieurs communautés de la province (Fréjus, Nice, Antibes, Nîmes). À notre avis, il
faut y joindre aussi tout ce qu’écrit l’auteur sur la situation récente de Vienne. Sur l’idéologie de
Strabon, Lasserre 1982, p. 867-896, ainsi que Clavel-Lévêque 1974, p. 285-306.
2. Février 1981. Cette étude est essentiellement fondée sur les épitaphes. Le dossier est plus
ample, comme le montre à Vienne la question de l’évergétisme : voir à ce sujet, ci-dessous, n. 39.
La problématique ne doit pas non plus se limiter aux domaines ruraux. Dans l’immense cité de
Vienne, elle doit prendre en compte les agglomérations secondaires.
3. Mise au point par J. Serralongue, dans ILHS, p. 17. Voir aussi Dufournet 1974.
4. CIL XII, 3 (à Vence, Alpes-Maritimes).
5. ILHS 96 = CIL XII, 2561 ; ILHS 97 = CIL XII, 2562.
6. ILHS, 67 = CIL XII, 2558.
7. Pour tous ces détails, Marteaux 1901. L’inscription qui nous intéresse est publiée et commentée
aux p. 94-95. L’autre inscription correspond à ILHS, 95. La présentation à la Société Florimontane
280
fait l’objet d’un bref compte-rendu, p. 1-2. On corrigera la référence donnée dans ILHS, 98 (« Ch.
Marteaux, RS, 41, 1901, p. 34 »).
8. Dans ILHS, 98, on corrigera AE, 1904, 14 en AL, 1904, 141. De plus le lemme donne l’impression
que l’AE dépend directement de Ch. Marteaux, ce qui n’est pas le cas.
9. On corrigera dans ce recueil l’indication de provenance : Curty et non « Curby ».
10. Dufournet 1974, p. 392, fig. 5. Ce fac-similé a été utilisé pour les diverses reconstructions
graphiques que nous proposons ci-dessous (fig. 1 et fig. 2).
11. On trouve cette solution dès la publication de Ch. Marteaux, mais sous une forme contestable,
car elle ne prend pas en compte la longueur des lacunes (August[o deo sacrum]) : Marteaux 1901,
p. 94. Mais dans toutes les autres publications on trouve l’autre restitution (August[o sacr(um)]),
car on tient compte qu’il faut opter pour une restitution courte.
12. Dufournet 1974, p. 392.
13. Chastagnol 1995 b, p. 593-614. À compléter par Chastagnol 1999.
14. CIL XII, 2561 = ILHS 67. Il s’agit d’une chapelle cultuelle (aedes). La traduction du mot par
sanctuaire est trop forte. Peut-être faut-il restituer à la fin de la 1. 3 la filiation dans la
dénomination du donateur.
15. Chastagnol 1995 b, p. 606 ; pas de traces non plus dans Chastagnol 1999.
16. CIL XII, 2373 = ILS 4602.
17. CIL XII, p. 926. Dessau, ILS III, 1, p. 544 ne retient pas cette identification, et exclut Augustus de
la dénomination du dieu.
18. Chastagnol 1995 b, p. 606, cf. p. 598-601 ; Chastagnol 1999, p. 7.
19. CIL XII, 3082 = ILS 4548.
20. CIL XII, 3804 ; CIL XII, 1577 et 2204 ; CIL XII, 2199.
21. CIL XII, p. 925. Cet auteur est sur ce point suivi par Dessau, ILS III, 1, p. 540.
22. Chastagnol 1995 a, p. 606. On relèvera aussi la discordance entre les interprétations de Dessau
et d’A. Chastagnol à propos de la dédicace Aug(usto) Marti Mulloni... (CIL XIII, 3149 = ILS 4578) : ILS
III, 1, p. 541 et Chastagnol 1995 b, p. 605. Il semble que l’on puisse proposer la même
interprétation pour l’inscription CIL XIII, 3063 = ILS 4695 (Orléans) : Aug(usto) Acionnae sacrum,
Capillus Illiomari fil(ius) porticum cum suis ornamentis v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito). La divinité est
interprétée comme Aug. Acionna (c’est-à-dire Aug(usta) Acionna) par ILS III, 1, p. 516, puis par
Holder 1896-1907, I, col. 19. On doit encore distinguer le prince (Augustus) de la divinité (Acionna).
Toutefois, cette inscription n’est pas recensée dans les inventaires d’A. Chastagnol (p. 604-605).
23. CIL XII, 3158 ; ILGN HH ; ILGN 264. Voir Chastagnol 1995 b, p. 598.
24. Chastagnol 1999, p. 7 : « Il est remarquable que, jusqu’au milieu du premier siècle, ce soit
l’Auguste seul ou son corégent qu’on invoque dans l’inscription alors que, dans les Trois Gaules,
on lui a déjà associé une divinité gauloise ou un dieu romain plus ou moins assimilé à un dieu
local. » On voit aussi que notre maître conservait la datation traditionnelle du texte, sur laquelle
on reviendra plus bas.
25. ILTG 343 et 344 ; formule inversée dans CIL XIII, 1575 = ILS 4665.
26. Pflaum 1978 a, p. 252 : « Comme Vienna n’est devenue colonie romaine qu’à partir du règne de
Gaius... et que d’autre part C. Marius ne porte pas de surnom, l’inscription doit dater des années
comprises entre 37 et 54. » C’est aussi l’avis exprimé récemment par Chastagnol 1999, p. 7.
27. On se référera aux derniers travaux sur l’ordre équestre ou sur les préfets des ouvriers :
Demougin 1992, p. 417, no 504 ; Sablayrolles 1984, p. 242, n o 13 (datation : sous Claude) ; Lamoine
1999, p. 145. Il en va de même chez les auteurs qui s’intéressent à Vienne : Pelletier 1982, p. 87 et
90 ; Burnand 1990 a, p. 568 ; Rémy 1998, p. 98 et 115 (Datation : 45-68).
28. Sur cette question, outre l’article de Sablayrolles 1984, Demougin 1988, p. 682-684.
29. CIL XII, 1872 ; Pflaum 1978 a, p. 200-201 ; Demougin 1992, p. 255-256, n o 300 ; Sablayrolles
1984, p. 242, no 14, cf. p. 244.
281
30. CIL XII, 1870 ; Pflaum 1978 a, p. 225-226 ; Sablayrolles 1984, p. 242, n o 16 ; Devijver 1976-2001,
I, p. 445-446 (I 40), IV (Suppl. I), p. 1595, V (Suppl. II), p. 2134.
31. CIL XII, 1867 ; Pflaum 1978 a, p. 208 ; Demougin 1992, p. 625, n o 729 ; Sablayrolles 1984, p. 243,
no 18, cf. p. 243.
32. Sur les institutions de Vienne, on se réfèrera en dernier à Gascou 1997, p. 90-101. Il est
difficile de formuler une proposition précise au sujet de ce sacerdoce : voir Gascou 1997, p. 98-101
sur les liens entre sacerdoces et cursus municipal.
33. Voir déjà Sablayrolles 1984, p. 243. On peut comparer avec la carrière de D. Iul(ius) Capito
(voir supra n. 30) : Gascou 1997, p. 96-97 (dans un sens un peu différent de H.-G. Pflaum et de R.
Sablayrolles) montre que les inscriptions relatives à ce personnage permettent de bien saisir les
différentes étapes de sa carrière et l’alternance des séjours dans la cité et des déplacements pour
le service de l’État.
34. Dans l’inscription de Genève (CIL XII, 2613) sur la carrière de D. Iul(ius) Capito (voir ci-dessus
n. 30 et 33), le tribunat militaire est inscrit sans mention de la légion (la IIa Adiutrix : CIL XII, 1855
= ILS 1380 ; CIL XII, 1869 = ILS 6997 ; CIL XII, 1870).
35. CIL XII, 1895 (« litteris optimis saeculi primi »).
36. Voir aussi CIL XII, p. 938 (index).
37. Burnand 1990 a, p. 545, n. 12.
38. Rémy 1998, p. 108, n o 143 et 144. Il ne semble pas qu’A. Pelletier ait pris parti sur ces
personnages. Gascou 1997, p. 91, n. 103, estime que l’on ne peut pas choisir entre les deux
périodes de l’histoire institutionnelle.
39. Sur l’evergétisme des notables, Rémy 1992, p. 201-221 : on ajoutera ce témoignage aux listes,
p. 204, 206-207 ; sur les interventions dans les édifices sacrés et les sanctuaires, p. 210 ; Rémy
1998, p. 87-88 : on ajoutera ce témoignage à la liste des p. 101-102. Autre témoignage à prendre en
compte dans ce même contexte : CIL XII, 2520, cf. p. 831 = ILHS 86, réinterprété par Christol 1998
e, cf. aussi Christol 1997 e [chapitre 13].
NOTES DE FIN
*. Cultus splendore. Studi in onore di Giovanna Sotgiu, Senorbi, 2003, I, p. 217-227.
282
1 Dans les cités de Gaule méridionale1, dont les usages politiques et sociaux ont été modelés
par l’importation des structures de la vie civique de l’Italie tardo-républicaine et
augustéenne2, l’exercice de la notabilité est indissociable de son affirmation. Les notables
des cités, c’est-à-dire le groupe des familles dont les membres sont distingués par
l’exercice de responsabilités publiques (magistratures, sacerdoces), et les membres des
élites – notion plus large qui fait appel à d’autres critères de distinction (la richesse, une
activité économique d’importance ou une activité valorisante) – usaient de divers moyens
pour afficher leur position durant leur vie ou pour assurer la pérennité de leur mémoire
après leur mort. L’exercice des fonctions civiques permettait à coup sûr de se glisser dans
la mémoire collective, à la mesure des compétences exercées : les magistrats supérieurs
interviennent dans les dédicaces de monuments construits sur initiative publique3, les
magistrats qui peuvent imposer des amendes en affectent souvent le produit à un
embellissement public, réalisé ex multis 4 ou bien ex aere multaticio 5. Dans certains cas,
lorsque la dépense était prise en charge par les individus, membres du conseil des
décurions ou membres de la collectivité dans son ensemble, et qu’une collecte (ex stipe) se
substituait à l’engagement de la pecunia publica, ils apparaissaient aussi ès-qualité : c’est
en particulier le cas à Nîmes, au sanctuaire de La Fontaine, où l’autel à la Victoire
impériale qui est consacré par le pontife M(arcus) Valerius Severus, a été offert ainsi que
les tentures qui l’abritaient à l’issue d’une collecte6. Il en va de même dans des lieux
distincts du centre politique, où se trouvaient des groupements subordonnés ou des
communautés dont les modes d’administration étaient plus embryonnaires que ceux de la
cité. Là aussi, ceux qui font figure de notables, et dont les charges sont définies d’une
façon précise sont mis en avant dans l’exercice de leurs/236/fonctions, lorsqu’ils ont à
exécuter à ce moment-là des décisions collectives. C’est par exemple le cas dans l’arrière-
pays de Narbonne, à Moux, où les autorités du pagus, avec les recettes provenant des
offrandes au dieu Larraso (ex reditu fani), font refaire en mieux les diverses composantes
du sanctuaire7 : les quatre magistri pagi sont mentionnés dans un ordre qui est
vraisemblablement protocolaire, car le premier d’entre eux est un citoyen romain alors
que les autres sont des affranchis. Mais dans le territoire de la cité de Vienne, à Annecy,
283
c’est à partir d’une collecte tarifée, puisqu’on agit ex stipe dupla, que le p(raepositus) p(agi)
Apollin(aris) réalise une construction (faciendum curavit) pour les dieux Castor et Pollux 8.
2 C’est une première manière qu’ont les notables d’apparaître comme acteurs de la vie
publique. Mais le fonctionnement de la vie municipale avait aussi ses contraintes :
l’exercice du pouvoir était fragmenté par les intervalles séparant les magistratures. Du
vivant il fallait maintenir constamment la position acquise par l’individu et par la famille,
entretenir la faveur quand elle était gagnée, ou la conquérir quand elle quelle n’était pas
encore suffisamment assurée. C’est surtout l’évergétisme, sous toutes ses formes, qui
jouait alors un rôle essentiel parce qu’il conditionnait la faveur collective, donc l’accès à
la notabilité, et parce qu’il l’accompagnait9.
3 La générosité au profit de la collectivité pouvait s’exprimer de diverses manières 10. Une
construction à vocation collective, embellissant le paysage urbain, pourra valoir
l’insertion du nom du bienfaiteur dans l’inscription commémorative ou dans la dédicace 11
: ce n’était point permis au commun des notables, car il fallait certes disposer de grands
moyens mais, quand on le pouvait, une belle générosité permettait de se hisser aux côtés
des plus grands personnages, y compris des membres de l’aristocratie sénatoriale : nous
avons mention de sommes supérieures à cent mille sesterces12. Une fondation, c’est-à-dire
l’affectation d’un capital ou de biens, transférés à la collectivité ou à un groupe organisé
participant à la vie collective comme l’étaient les collèges, pouvait aussi perpétuer la
mémoire, car ces institutions étaient prévues pour produire des revenus durables. Fixer
par l’écrit l’organisation de ces générosités afin de garantir le mieux possible leur
application contre l’usure du temps et les négligences des hommes était une obligation
issue de la prudence la plus élémentaire13. Cette forme de générosité valait aussi
reconnaissance : l’inscription de Sex(tus) Fadius Secundus Musa, à Narbonne (fig. 7),
illustre les deux aspects que nous venons d’évoquer14. Une statue lui avait été élevée à
l’initiative des fabri subaediani, qui avaient demandé à l’ordo la possibilité de l’installer en
lieu public (l.d.d.d.) : elle honorait celui qui était leur patron (patrono ob merita eius).
Lorsque ce dernier leur offrit l’argent d’une fondation, il prit la précaution de faire
inscrire sur la face latérale de cette statue placée en lieu public la lettre par laquelle non
seulement il annonçait aux membres de la corporation qu’il leur accordait seize mille
sesterces, mais encore il manifestait diverses exigences pour que sa volonté fût respectée
et bien préservée : [Hanc vo]luntatem meam si modo probaveritis et vestram [adsen]sionem uti
aereae tabulae inscalptam ante aedem [Augusti] proponatis et in basi statuae /237/ quam mihi
posuistis [latere de]xtro scribatis impensissime peto, [quo cer]tior futurae observationis in
desiderio probatio sit (« Et si vous approuvez ma volonté, je vous demanderai très
instamment de vouloir bien, en témoignage de votre assentiment, faire graver la lettre
contenant ces dispositions sur une table de bronze qui sera placée par vos soins devant le
temple d’Auguste et de l’inscrire également sur le côté droit du piédestal de la statue que
vous m’avez élevée ; ainsi la future exécution de mes désirs sera plus sûrement
garantie »). Et, de plus, à la fin du texte gravé sur le côté droit de la base de la statue, les
fabri subaediani ont fait transcrire le résumé du procès-verbal de leur séance, en
soulignant leur désir de maintenir la mémoire de la générosité de leur patron ; [Huius
liber]alitatis in perpetuum conservandae et [celebr]andae gratia fabri subaediani Narbonenses
[exemplum cu]m tabula aerea conlatum ante aedem loco [celeberr]imo ponendum censuerunt.
284
Fig. 7. Face principale et face latérale de la base de Sex(tus) Fadius Secundus Musa à Narbonne (Cl.
Foliot, centre Camille-Jullian)
4 L’inscription est donc un moyen sûr de créer une mémoire et de l’assurer à terme. Mais ce
n’est pas toujours l’intéressé qui pouvait écrire pour l’avenir sa vie et son œuvre. Le plus
souvent, la collectivité s’en chargeait, soit du vivant du bienfaiteur, soit à sa mort15. Avant
tout, la mémoire était affaire de la collectivité si l’on voulait que son évocation soit forte
et bien installée. On entrait donc dans la sphère de la vie publique. C’était la communauté
des citoyens qui devenait alors la garante de l’établissement /238/ de la mémoire et de sa
conservation : elle apportait ainsi une récompense16, elle isolait au sommet du groupe des
citoyens ceux qui manifestaient ou avaient manifesté leur excellence17, mais en même
temps elle codifiait les formes de sa décision. L’érection d’une statue en lieu public, sur la
base de laquelle était gravée une inscription (titulus) 18, était la suite fréquente d’une
générosité importante, ou la conclusion normale d’une vie vouée au bien public. C’était le
conseil municipal (ordo) qui en décidait (decreto decurionum) sur rapport du magistrat qui
l’avait convoqué. L’inscription portait donc diverses formules l’indiquant : publice par
exemple, ou bien d(ecreto) d(ecurionum) 19, ou bien même les deux à la fois, d’une façon
quelque peu redondante20. Souvent au bas du texte venait l’indication de la communauté
au nom de laquelle avait agi l'ordo : c’est parce que les Nemausenses apparaissent comme
les auteurs de l’inscription faisant connaître le chevalier nîmois Sex(tus) Iulius Maximus
que l’on peut proposer pour la première ligne, au lieu de la restitution habituelle (d(is) [m
(anibus)]), qui faisait du texte une épitaphe, une restitution plus claire (d(ecreto) [d
(ecurionum)]), qui fait du texte un hommage public dont la datation ne pose plus de
problème21.
5 Le conseil avait à sa disposition, pour les vivants comme pour les morts, toute une gamme
d’honneurs (honores) qu’il votait sous forme de décrets. Si l’on se réfère aux modèles
italiens, qui furent exportés en Narbonnaise durant la phase de municipalisation, on peut
285
dégager une séquence-type. Leloge prononcé lors des funérailles était le premier élément,
mais il n’est pas toujours mentionné en tant que tel : il survit plutôt dans les termes de
louange qui constituent souvent la fin du texte inscrit et qui proposent du personnage
honoré, défunt ou pas, les qualités convenues22. Mais pour que l’éloge apparaisse dans la
documentation épigraphique il convient qu’il y ait, en plus, décision d’élever une statue,
puisque c’est sur la base de cette dernière qu’était gravée l’inscription préservant la
mémoire du personnage23. Régulièrement venaient donc s’ajouter la statue assortie de son
inscription, mais aussi les funérailles publiques, et parfois même le don d’un
emplacement pour établir le tombeau24. Dans le cas de vivants, pouvaient être accordés
des privilèges ou des fonctions spécifiques25, assortis ou non de la gratuité26, c’est-à-dire
de la dispense du versement à la caisse municipale de la somme réglementaire
accompagnant l’octroi de toute fonction publique (summa legitima ou summa honoraria).
Suivant les cas ou les circonstances, suivant aussi la qualité de la personne concernée, on
recourait à telle ou telle solution : on peut considérer qu’il existe une réelle hiérarchie,
plutôt strictement respectée.
6 Toutefois les inscriptions de caractère public ne peuvent rendre compte de toutes ces
décisions, et de tous leurs détails, car leur forme est en général contractée. D’abord nous
manquent souvent /239/ les considérations sur la vie et sur l’œuvre qui se trouvaient
dans la proposition du magistrat, dans la présentation de celle-ci et dans les discussions
du conseil municipal : les décrets, quand nous en conservons témoignage, apprennent
bien plus de choses que les inscriptions qui en dépendent. Mais ils étaient loin d’être
systématiquement reproduits. Les deux lettres d.d. ou l’adverbe publice suffisaient à
résumer de longs développements27. De plus, une série d’honneurs n’impliquait pas
automatiquement l’érection d’une statue associée à un titulus : ceux-ci n’étaient donc pas
fixés par l’écrit là où la cité s’affirmait ou se rassemblait pour être elle-même (le forum,
les lieux publics ou de spectacle). Mais devait-on les oublier, les faire passer par pertes et
profits, puisque la collectivité n’assumait pas dans ce contexte son devoir de mémoire ?
Ils nous échapperaient si parfois les inscriptions funéraires n’en faisaient mention, ce qui
signifie qu’il y avait des moyens de se substituer à l’écriture publique que fournissait
l’inscription honorifique. Sans aucun doute des pratiques compensatrices pouvaient
exister. On s’aperçoit aussi que ces marques d’honneur qu’il faut à tout prix mettre en
évidence, dans d’autres lieux que les lieux politiques essentiels, concernent souvent des
personnes qui n’ont pas toujours atteint les plus hauts niveaux dans le monde des
notables : en effet, l’octroi d’honneurs comportant l’érection d’une statue en lieu public,
accompagnée d’une inscription, était restreint à la frange élevée des notables
municipaux. L’épigraphie de caractère public constitue donc un référent essentiel pour
apprécier la constitution de la mémoire des notables, mais on ne saurait omettre, comme
on le verra, tout ce qui provient de l’épigraphie funéraire, ni en négliger la signification.
7 En dépit de la singularité des cas, des normes apparaissent car le langage des hommages
publics avait acquis un caractère conventionnel : les modèles s’étaient mis en place dans
l’Italie de la fin de l’époque républicaine, et en avaient été transférés avec l’établissement
des colonies et la municipalisation de la vie collective en Narbonnaise. Le titulus inscrit
sur la base de la statue développait généralement la carrière publique du personnage. On
pouvait même ajouter un élément spécifique de celle-ci, si d’aventure l’amor civicus, c’est-
à-dire l’attachement à la patrie, pouvait de cette manière être encore mis en valeur plus
efficacement : c’est le cas à Vaison, où l’inscription honorifique illustrant la carrière de C
(aius) Sappius Flavus (fig. 8) donne toutes les informations sur les générosités dont il
286
gratifia sa cité d’origine28 : Vasiens(es) Voc(ontiorum) C(aio) Sappio C(ai) filio Volt(inia) Flavo,
praefect(o) Iuliensium, tribun(o) militum leg(ionis) XXI Rapacis, praef(ecto) alae Thracum
Herculaniae, praef(ecto) ripae fluminis Euphratis, qui (sestertium) (duodecies millia) rei publicae
luliensium quod ad (sestertium) (quadraginta) ussuris perduceretur testamento reliquit, idem
(sestertium) quinquaginta millia ad porticum ante thermas marmoribus ornandam legavit. Mais,
en Narbonnaise ce type de développement est plutôt rare dans la documentation qui
subsiste.
Fig. 8. Inscription honorifique de C(aius) Sappius Flavus à Vaison (Musée d’Avignon. Cliché Foliot,
centre Camille-Jullian)
8 Dans quelques cas l’hommage public ne présente pas les caractères réflexes qu’il revêt
habituellement quand apparemment il vient sanctionner la délibération post mortem ou la
nécessité de répondre à un bienfait de taille. Quelques textes, en effet, viennent suggérer
que parfois la procédure était plus complexe /240/, et que le souhait de voir s’étaler la
célébration de la mémoire suivait un cheminement plus lent. L’érection d’un certain
nombre de statues semble obéir à des dispositions testamentaires, dont les héritiers se
faisaient les défenseurs zélés : il ne s’agit plus pour l’ordo de célébrer spontanément le
meilleur des citoyens, mais de se laisser convaincre, peut-être au terme d’une tractation
préparée par le défunt dans son testament, qu’il est nécessaire de participer à la
construction d’une mémoire civique voulue par la famille ou par les héritiers. C’est ce que
pourrait indiquer une inscription d’Apt29 (fig. 9) : L(ucio) Allio Severo, C(aius) Allius Celer
patruo testam(ento) poni iussit, item statuas duas patri e[t f]ili[o], quar(um) statuar(um) dedic
(atione) hered(es) ex form(a) testamenti(i) decur(ionibus) sing(ulis) (denarios) LXX deder(unt).
L’inscription a été interprétée comme épitaphe, mais il peut être préférable d’envisager
que cette plaque ait appartenu au soubassement d’une statue placée en lieu public. Par
testament plusieurs statues avaient été prévues, et c’est lors de la fête d’installation que
les décurions ont été récompensés de leur compréhension à l’égard des requérants, eux-
mêmes membres de l’élite socio-politique, en étant gratifiées de substantielles sportules 30.
287
C’est le même contexte que l’on découvre dans le texte d’une inscription d’Arles, gravée
sur une plaque de bronze31 (fig. 10) : A(ulo) Pompeio A(uli) f(ilio) Sabat(ina) Pio, aed(ili), Kareia
Sex(ti) f(ilia) Ingenua mater t(estamento) f(ieri) r(ogavit), A(ulus) Kareius Amomus, h(eres) p
(onendum) c(uravit). L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum). Dans tous les cas ce sont les
héritiers ou les membres de la famille qui prennent en charge l’installation en lieu public
de la mémoire du défunt. /241/
9 C’est à la lumière de ces pratiques qui concernent l’individu et sa famille – puisque
comptait avant tout l’affirmation du nom, transmis de génération en génération –, qu’il
faut examiner l’univers de la sépulture, certes privé, mais accessible visuellement aux
membres de la communauté et souvent intégré à des espaces collectifs. L’inscription y
joue aussi un rôle important.
10 C’est en particulier le cas lorsque l’on peut mettre en évidence l’ascension en dignité
jusqu’aux sommets. Ceci se produit à Aix-en-Provence où deux fragments de plaque,
rapprochés, permettent de reconstituer l’ample énumération qui exaltait l’ascension
d’une famille locale de l’ordre équestre et d’une notabilité provinciale jusqu’à l’ordre
sénatorial32. Mais assez rares sont les exemples dans la documentation actuellement
disponible.
Fig. 9. Inscription honorifique d’Apt évoquant des statues érigées à l'initiative des héritiers (Cliché
centre Camille-Jullian)
288
Fig. 10. Inscription sur plaque de bronze provenant d’Arles relative à une statue dont l’érection a été
prévue par testament (Musée départemental de l'Arles antique. Cliché M. Lacanaud)
11 L’usage le plus répandu consistait à reproduire dans l’épitaphe les formes d’expression de
la mémoire publique affichées ailleurs. On a donc l’impression de retrouver les mêmes
textes que ceux qui étaient exposés en lieu public. Ainsi l’hommage se dédoublait et le
texte affiché sur une base de statue à l’intérieur de la ville, sur le forum ou dans un
bâtiment public, recevait sa copie à l’extérieur de celle-ci, dans les nécropoles ou le long
des voies qui étaient bordées par les nécropoles33. On retrouve ainsi /242/ avec
l’inscription d’Annius Camars, dans la colonie d’Arles le déroulement d’un cursus
sénatorial et la mention des importantes libéralités qu’il avait accordées à ses concitoyens
34 : s’il faut restituer le mot monumentum à la fin du texte, ce que laisse entendre l’emploi
parvient au faîte des honneurs indique d’une expression qu’il les a accumulés en totalité
(omnibus honoribus in colonia sua functus) : on comparera ainsi à Nîmes CIL XII, 3176 = HGL
XV, 264 et CIL XII, 3236 = HGL XV, 247, qui appartiennent à la catégorie des hommages
publics, avec CIL XII, 3286 = HGL XV, 248, CIL XII, 3289 = HGL XV, 249 et CIL XII, 3309 = HGL
XV, 250, qui appartiennent à la catégorie des inscriptions funéraires. Cette sélectivité
dans la référence aux honneurs s’éclaire par la recherche de la distinction.
Fig. 11. Inscription funéraire du magistrat municipal C(aius) Otacilius Optatus à Graveson (13) (Musée
d'Avignon. Cliché Foliot, centre Camille-Jullian)
15 L’expression de la notabilité dans les inscriptions funéraires est dans l’ensemble assez
stéréotypée. Il suffit d’envisager un ensemble documentaire large, tel celui qui concerne
les notables de la cité de Nîmes, pour relever le caractère répétitif des cursus. Il est rare
que l’on trouve trace d’autres éléments. Mais cela se produit parfois parce que
l’énumération des charges ou fonctions ne peut suffire aux responsables de /244/
l’épitaphe. Il existe un trait de vie d’une grande originalité, ou bien il s’est produit un
événement saillant : l’un comme l’autre assuraient une incontestable distinction et
pouvaient ainsi plus particulièrement faciliter la mise en évidence du défunt. Divers cas
peuvent alors être présentés.
16 À quelques reprises – mais rarement en définitive –, on peut relever que l’inscription
énumère abondamment les honneurs publics reçus, sur un modèle plus couramment
attesté en Italie. C’est à Béziers, où l’on indique que la défunte, Iulia Celsa, flaminique, a
reçu des funérailles publiques : publico funer[e elata] ex d(ecreto) d(ecurionum) 49 (fig. 12). Ce
type d’honneur, décidé par les conseils municipaux, entrait dans la catégorie la plus
élevée, et en général venait parachever un ensemble qui comprenait l’érection d’une
statue et l’octroi officiel d’une sépulture. Cette inscription de Béziers, qui était gravée
initialement sur une plaque épaisse, correspond à un élément du bâti d’une construction :
elle devait être insérée sur la façade d’un mausolée. On a également pris soin d’indiquer le
291
nom de son époux : on la dénomme Iulia [.fi]l. Celsa / Val[eri Po]llionis. L’alliance familiale a
été ainsi mise en relief, comme il arrive aussi dans le texte des décrets municipaux, parce
que dans le conseil des décurions pouvaient se trouver plusieurs parents ou alliés
concernés par la préservation de sa mémoire : outre l’aspect honorifique, la décision
prenait une forme consolatoire50. À Narbonne on trouve l’équivalent dans une inscription
très ressemblante51 : Liguriae Q(uinti) fil(iae) Frontinae, Q(uinti) Hortensi Katulli. Huic ordo
Narbone(n)sis /245/ publice funus et omnes vectigales decrevit. Vraisemblablement le bloc
mouluré, plus large que haut, appartient aussi au bâti d’une construction funéraire. On a
alors repris le formulaire qui dans certains cas apparaissait dans l’exécution épigraphique
de l’hommage public : une proposition indépendante, commençant par le démonstratif
huic, ou une relative, venait décrire en quelques mots la décision de l’ordo municipal et en
apportait les détails saillants52. À Nîmes enfin, sur un autel funéraire on peut lire
l’ensemble des honneurs qui selon ces usages, pouvaient être décernés53 : D(is) m(anibus)
Terentiae M(arci) f(iliae) Marcellae [f]lamin(icae) Aug(ustae), [cui] Nem(auso) pub(lice) l(ocus) s
(epulturae), f(uneris) impensa, [...] statua decr(eta) sunt.
Fig. 12. Inscription funéraire de la flaminique Iulia Celsa à Béziers (Musée du Biterrois. Cliché Foliot,
centre Camille-Jullian)
17 Dans d’autres cas, c’étaient des responsabilités particulières, ayant pu donner l’occasion
de la munificence, qui étaient ainsi rappelées. Elles n’entraient pas véritablement dans le
cursus honorum. Mais leur gestion avait pu s’accompagner de manifestations brillantes et
prestigieuses, bien propres à soutenir la réputation d’un évergète : elles étaient
comparables aux entreprises édilitaires, mais leur réalisation n’impliquait pas
l’inscription des bienfaits sur un bâtiment. Elles pouvaient ne pas retenir constamment
l’attention des rédacteurs d’un hommage public, à la différence de ce qui s’était produit à
Vaison pour C(aius) Sappius Flavus. Aussi le responsable de l’épitaphe, lié souvent par la
piété familiale ou par la gratitude de l’affranchissement, pouvait être tenté de valoriser à
l’extrême le défunt. Le qualificatif munerarius venait par exemple souligner l’exercice
d’une magistrature54. Mais d’autres formules pouvaient apparaître, souvent singulières,
car le souci de la mise en évidence de l’exception était fort. À Vaison, une base de statue
détaille les mérites de Sex(tus) Vendus Iuwentianus, curator muneris gladiatorii Villiani 55 : il
s’agit d’un hommage public. Mais à Nîmes, nous retrouvons l’équivalent dans le texte de
292
Fig. 13. Inscription funéraire du sévir Q(uintus) Magius Epitynchanus à Nîmes (Musée archéologique
de Nîmes. Cliché Foliot, centre Camille-Jullian)
20 Dans ce milieu social l’exercice de multiples sévirats était aussi un élément flatteur,
propre à être mis en valeur. C’est par ce biais que souvent se révèlent les riches
affranchis, engagés dans une activité/247//248/économique d’importance qui les
conduisait au loin de leur cité : à défaut des plus hauts niveaux de l’honorabilité, ils
pouvaient mettre en évidence la multiplicité des marques d’honneur qui résultaient de
l’étendue de leurs relations d’affaires64. C’est surtout à Arles ou à Narbonne, ainsi qu’à
Lyon que se trouvent des exemples en assez grand nombre, car ces villes étaient des
foyers d’activité économique, non seulement au niveau de leurs provinces respectives
mais encore au niveau de l’ensemble de l’Occident romain. Mais il s’agissait d’une
expression de l’importance par l’exercice d’une activité marchande ou commerçante,
dans des lieux où elle était valorisée. Elle concernait autant des gens issus de ces cités
elles-mêmes que des gens venus d’ailleurs. Pour ces derniers, soucieux de s’affirmer aussi
chez eux – c’est-à-dire dans les lieux de l’origine distincts des lieux de l’activité –, la
relation avec l’un ou l’autre de ces grands centres, parfois même plusieurs d’entre eux,
est régulièrement attestée. Ainsi, à Nîmes, l’inscription de C(aius) Aurelius Parthenius 65
(fig. 14) : C(aius) Aurelius Parthenius, ornamentis dec(urionalibus) honoratus col(oniae) Aug
(ustae) Nemausi, (se)vir aug(ustalis) col(onia) Copia Claud(ia) Aug(usta) Ludug(uno) item Narbone
Martio et Fir(mo) Iul(io) Secund(anorum) Arausione et Foro Iulii Pacato, ubique gratuitis
honoribus. C’est ce qu’exprime aussi l’inscription d’Orange de découverte récente 66. Mais
les relations d’affaires pouvaient même entraîner plus loin encore, au-delà de l’horizon
provincial, puisqu’un sévir de Lyon avait reçu des honneurs à Pouzzoles67.
21 Avec ce groupe des sévirs augustaux on quitte le groupe des notables dans sa définition la
plus stricte et l’on accède au monde des élites économiques qui pouvaient toutefois être
plus ou moins liées à la/249/classe dirigeante des cités68. En effet, même si assez peu de
294
sévirs augustaux indiquent clairement sur quoi reposait leur puissance, quelques-uns
dévoilent que leur situation est fondée sur l’exercice d’activités économiques. Mais celles-
ci sont toujours valorisantes pour mériter mention, y compris sur l’épitaphe. Ces
personnages s’occupent de revenus publics69, ou bien sont membres des associations
professionnelles les plus réputées, auxquelles l’État avait pu concéder un statut
particulier, tels les naviculaires de Narbonne70, les naviculaires d’Arles71, les différentes
corporations de nautes établies à Lyon, ou les marchands de vin de Lyon. Il existe aussi,
en effet, une hiérarchie des associations professionnelles. Et c’est souvent, dans le texte
de l’épitaphe, la mention conjointe de l’honneur du sévirat et de l’appartenance à ces
corporations bien déterminées qui révèle ce que l’on pouvait trouver de remarquable
dans la situation des défunts tant du point de vue des honneurs que du point de vue de
l’activité économique. On peut aussi constater que seules certaines activités économiques
sont pleinement valorisantes. Elles produisent une distinction : les textes qui révèlent
celle-ci proviennent de quelques villes où se concentre l’animation économique des
provinces, et leur contenu montre que, dans ces villes, il convient de se diriger vers des
lieux spécifiques où se rassemblaient les hommes d’affaires dont on vient d’énumérer la
liste à l’instant, à savoir qu’il convient d’entrer dans leurs locaux professionnels, où les
groupes qu’ils constituaient tenaient leurs réunions et où ils pouvaient mimer les
instances civiques en décrétant des statues et des hommages à leurs patrons ou aux plus
importants d’entre eux72. On retrouve alors le phénomène du dédoublement des textes,
déjà relevé à propos des honneurs décrétés par les conseils municipaux, les uns se
trouvant en lieu public, les autres, qui les copiaient, se trouvant dans les nécropoles et sur
les monuments funéraires. Pour ces personnes on connaît ainsi les bases de statues dans
les locaux de réunion : elles résultaient de décrets du groupement et elles mettaient en
valeur autant leurs patrons que leurs membres les plus éminents. C’est ce que l’on
découvre à Narbonne, grâce à une base élevée à l’initiative des sévirs augustaux73 et à
Lyon, grâce à plusieurs bases élevées par une des grandes corporations de la cité, celle des
marchands de vin74. On peut en retrouver l’équivalent d’autre part sur les épitaphes. De la
même manière que souvent les épitaphes des notables pouvaient reprendre ce que
/250//251/ relataient les inscriptions honorifiques qui leur étaient adressées, de la même
manière au niveau de l’élite économique les épitaphes des grands personnages
reprennent ce que souvent leurs pairs leur concédaient pour les mettre en valeur. Mais la
décision n’appartenait pas au conseil municipal, dans la curie. Elle se réalisait dans
d’autres lieux, les locaux de réunion, et ne donnait accès que très exceptionnellement aux
espaces civiques réservés à l’élite politique75.
295
Fig. 14. Inscription funéraire de C(aius) Aurelius Parthenius à Nîmes (Musée archéologique de Nîmes.
Cliché Foliot, centre Camille-Jullian)
22 C’est pour cela que, tant pour les notables que pour ceux qui, sans faire partie de ce
monde, en étaient proches et tentaient d’y parvenir, en appartenant notamment à l’élite
économique des cités, l’épitaphe participe à la construction de la mémoire car ses
rédacteurs peuvent soit reprendre sans trop les remodeler les conventions et les formules
mises en avant dans les lieux institués, soit les développer et librement les enrichir.
Pouvait-elle pour autant se substituer pleinement à l’hommage officiel établi en lieu
public ? Quels que soient les jeux ou les interactions, celui-ci apportait une parole
autorisée, celle de la cité.
NOTES
1. Une version simplifiée a été publiée dans le catalogue de l’exposition « La mort des notables en
Gaule romaine » (musée de Lattes, 2002), p. 129-139.
2. Il suffit de rappeler le jugement de Pline l’Ancien au début du long passage dans lequel il
présente la province (NH, III, 31-37) : agrorum cultu, virorum morumque dignatione, amplitudine opum
nulli provinciarum postferenda breviterque Italia vertus quant provincia.
3. CIL XII, 4338 = HGL XV, 78, à Narbonne. C’est une situation qui peut être éclairée par les
abondantes données de la documentation épigraphique italienne, puisqu’il s’agit d’une
transposition des institutions des cités d’Italie : Cébeillac-Gervasoni 1998, p. 65-97, qui souligne
296
toutefois que le déséquilibre en faveur des constructions publiques peut s’expliquer par la nature
même de la documentation.
4. AE, 1955, 107, à Vié-Cioutat, près d’Alès.
5. CIL XII, 1227 (à Orange). Petit autel élevé aere mu[ltaticio] selon la restitution proposée par
Hirschfeld (voir aussi index p. 960). On peut se demander si on ne pourrait pas substituer à cette
proposition une restitution plus respectueuse de la coupure des mots : aere m(ultaticio)/ v(otum) s
(olvit) l(ibens) m(erito).
6. CIL XII, 3134, à Nîmes : Victoria Aug(usta). M(arcus) Valerius Severus, pontif(ex) ex stipe vela et aram.
On doit vraisemblablement sous-entendre : dedit et dedicavit. Texte éclairé par Gros 1984, p. 130, n.
63.
7. CIL XII, 5370 : Gayraud 1981, p. 347 ; Christol 2000 d, p. 247-273 [chapitre 25].
8. CIL XII, 2526. Voir aussi ILHS 2 (p. 37-39) [ILN Vienne, 3, 752]. Il est raisonnable de développer
Apollin(aris) et non Apollin(is) ou Apollin(ensis), à partir de CIL XII, 2527 (= ILHS 33) [ILN Vienne, 3,
744] où il est également question d’une stips dupla : la première ligne du texte comporte les lettres
[---]LLINAR, qui devrait correspondre au nom du pagus Apollinar(is).
9. Sur ce point aussi, la comparaison avec l’Italie est éclairante : Cébeillac-Gervasoni 1998,
p. 99-133.
10. Sur la relation quasi mécanique entre générosité et hommage, Forbis 1996, p. 28-31.
11. CIL XII, 1383 à Vaison, par exemple.
12. De Kisch 1979, p. 259-280 ; ajouter AE, 1982, 682 (voir ci-dessous, n. 27, pour une libéralité de
300 000 sesterces).
13. Voir sur le sujet l’article exhaustif de Magioncalda 1992, p. 471-498.
14. CIL XII, 4393 = HGL XV, 44. Gayraud 1981, p. 340-342, p. 367-368, p. 492-496 ; Magioncalda 1992,
p. 472-478.
15. On se référera à l’ouvrage classique de Sherk 1970. Mais les exemples les plus suggestifs
proviennent surtout d’Italie : ce genre de document est quasiment absent de l’épigraphie de la
Narbonnaise, sauf sous forme très lacunaire (CIL XII, 5413 ; ILN Digne, 3) [On utilisera aussi Corbier
2006].
16. CIL V, 8139 = ILS 6676 (Sherk 1970, p. 22-23, n o 8) : [merita decreto]publico remuneranda [esse...].
17. CIL X, 1728 (Sherk 1970, p. 35-36, n o 33) : quo testatior sit erga eum adfectus rei publicae ; CIL XIV,
3679a = ILS 6245 = Inscr. Ital. IV, I, 188 (Sherk 1970, p. 51-52, n° 57) : q[uo f]acilior ceteri q[uo]que
exemplum e[ius s]equi velint.
18. AE 1957, 53 (Sherk 1970, p. 32, n o 28) : placere decurionibus statuam equestrem ei poni quam
celeberrimo loco expecuniapublica inscribique M. Nonio Men. Balbo pr. procos. patrono universus ordo
populi Herculanensis ob merita eius. Il s’agit d’un patron, membre de l’ordre sénatorial, mais la
procédure devait être la même pour un notable local.
19. CIL XII, 701, dans la colonie d’Arles.
20. CIL XII, 691, dans la colonie d’Arles ; ILGN 635 à Ruscino.
21. CIL XII, 3180 ; Christol 2001 a [voir aussi le chapitre 15].
22. Forbis 1996, p. 12-21, à propos de l’omniprésence du pluriel merita.
23. Les similitudes et les différences entre la pratique grecque et la pratique romaine sont bien
marquées par Veyne 1996, p. 273-280.
24. Des exemples dans H. Dessau, ILS III, 2, p. 943-944. Sur la statue comme honor, Forbis 1996,
p. 10-12.
25. Tels les ornements de décurion, fréquemment mentionnés dans le texte des inscriptions de
Nîmes : CIL XII, 3191, etc. Voir en général Jacques 1984, p. 390-392, p. 402-403, p. 404-405.
26. L’épigraphie de Nîmes offre un bon exemple avec l’inscription du sévir Aurelius Parthenius,
dont les honneurs à Lyon, Orange, Nîmes, Narbonne et Fréjus ont toujours été accordés avec la
gratuité : ubique gratuitis honoribus : CIL XII, 3203 = HGL XV, 238 (ILS 6984) ; voir également ci-
dessous. Voir aussi H. Dessau, ILS III, 2, p. 678-679.
297
27. C’est ce qui établit parfois un contraste à l’intérieur des hommages publics, lorsque un
membre de la famille ou un proche peut s’en charger au lieu et place de la communauté, par
exemple en faisant remise des frais engagés au nom de la cité : l’accord du conseil des décurions
pour qu’il se charge de la statue et de la dépense lui permettait de mieux maîtriser la
composition du texte gravé ; il pouvait alors fournir davantage de détails. Tel serait le cas à
Nîmes dans l’inscription honorant Attia Patercla (AE 1982, 682) : Attiae L(uci) fil(iae) Paterclae,
flaminicae perpet(uae) gratuitae decret(o) ordinis [I(uliensium)] A[p]t(ensium), ob liberalitates [p]atri[s]
eius qui praeter c[e]tera (trecenta milia) (sestertium) reipub(licae) (se)virorum reliquit ad ludos seviral(es)
in perpet(uum) celebrandos, Daphnion lib(ertus). L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum). Daphnion, sans
aucun doute membre du collège des sévirs augustaux (ce que n’était sûrement pas le père d’Attia
Parercla), a pris en charge l’exécution des frais de l’hommage, décidé par les sévirs augustaux
(voir CIL XII, 3235 et 3236) et placé en lieu public avec l’autorisation des décurions, sollicités à cet
effet par les sévirs eux-mêmes [voir Christol 2005 c]. Dans un sens différent Barruol-Gascou-
Bessac 1982, p. 281-284. On comparera avec CIL X, 5808 = ILS 6257 à Aletrium : ex decreto decur
(ionum) municipii Aletrinat(ium) et pollicitationesevir(orum) et municipum et incolarum...
28. CIL XII, 1357 ; Sur cette inscription De Kisch 1979, p. 273, ainsi que De Kisch 1992, p. 111-114 ;
pour la carrière du personnage Pflaum 1978 a, p. 213-215. À propos des chiffres relatifs à la
fondation, il y a des divergences d’interprétation : Magioncalda 1992, p. 487-488.
29. CIL XII, 1115 et add. = ILN Apt, 35.
30. À titre de comparaison, pour le lien entre sportules et dédicace de statues en lieu public : CIL
X, 5917 = ILS 1909 ; CIL X, 5918 = ILS 406 ; CIL X, 5923 = ILS 6262a ; CIL XIV, 2120 = ILS 6199.
31. AE 1988, 859 = AE 1992,1182 ; Dondin-Payre 1992.
32. CIL XII, 521 et add. = ILN Aix-en-Provence, 216 + CIL XII, 516 = ILN Aix-en-Provence, 24 : Sex(to) Iul
(io) Pate[rni f(ilio) Vol(tinia)] Vero laticlavio, patro[no col]oniae, Sex(to) Iul(io) Sex(ti) f(ilio) Vo[l(tinia)
Paterne, trib(uno) m]il(itum) leg(ionis) VII Gem(inae) fel(icis), honore flamo[ni functo)--]viro, patrono col
(oniae), M(arco) Iul(io) Sex(ti)f(ilio) Vo[l(tinia) ---, trib(uno) m]il(itum) leg(ionis) VIII Aug(ustae), flam[ini]
Augusti patro]no coloniae ; voir Christol 2000 h.
33. Christol 1986 d, p. 90-93.
34. CIL XII, 670. La restitution de la dernière ligne est proposée par Hirschfeld ; Magioncalda 1986,
p. 482-483.
35. CIL XII, 2327 ; Pflaum 1978 a, p. 204-207. Inscription retrouvée : Rémy et Ferber 1991,
p. 267-270 [ILN Vienne, 2, 515].
36. Burnand 1975 ; à propos des inscriptions découvertes en même temps : AE 1961, 167 = AE
1969-1970, 340 = ILN Aix-en-Provence, 243-245.
37. Jacques 1984, p. 507-570 (chapitre intitulé : « Hétérogénéité des couches dirigeantes ») ; Sherk
1970, p. 74-75.
38. Un bon exemple est fourni par une inscription de Nîmes provenant du mur d’enceinte mis au
jour sous le Palais de justice (AE 1982, 681) : Christol 1992 b [chapitre 27]. On comparera avec
l’exemple fourni à Suessa Aurunca, en Campanie, par l’inscription de C(aius) Titius Chresimus,
honoré d’une statue et de divers avantages prestigieux, et dont le fils fut admis parmi les
décurions ob merita patris (CIL X, 4760 = ILS 6296), cf. Jacques 1984, p. 402-403.
39. On ne doit pas exclure aussi que dans les villes de Gaule méridionale cette épigraphie
publique ait moins résisté au temps que l’épigraphie funéraire : à Nîmes, une partie des
témoignages qui s’y rapportent a été récemment mise au jour dans les fouilles sur l’emplacement
du Palais de justice (voir ci-dessus n. 23 et 29).
40. CIL XII, 4232 = HGL XV, 1520. La caractérisation de Hirschfeld est insuffisante : « cippus
quadratus » ; celle des auteurs de HGL n’est guère plus satisfaisante : « bloc rectangulaire bordé
d’un double bandeau ».
41. Sur ce haut personnel dirigeant, Burnand 1975 a ; à corriger sur quelques points : voir ci-
dessus n. 19 à propos de Sex(tus) Iulius Maximus, et pour CIL XII, 2754 qui ne porte pas l’épitaphe
298
d’un chevalier romain mais d’un plébéien modeste, Christol 1999 k, p. 129-130 [voir la note
additionnelle aux chapitres 12 et 15].
42. Il s’agit de l’inscription de la flaminique Licinia Flavilla et du chevalier romain Sex(tus)
Adgennius Macrinus : CIL XII, 3175.
43. CIL XII, 3212, 3213, 3235 et 3236, 3274, 3275.
44. Gascou 1997.
45. CIL XII, 3252 = HGL XV, 266. Sur ce personnage, Burnand 1975 a, p. 700-701. On sera moins
catégorique que cet auteur sur l’absence de liens du personnage avec le sénateur Marius Celsus
[voir chapitre 15].
46. Le classement de Hirschfeld la place dans l’épigraphie d’Avignon. Mais les données nouvelles
sur le statut de Glanum inviteraient à rattacher à cette colonie latine cette inscription qui a été
découverte au sud de la Durance : voir Gateau et Gazenbeek 1999, p. 188, notice 045, 19. Le statut
de Glanum, colonie latine, a été précisé par Christol 2000 g.
47. CIL XII, 1029.
48. Outre Burnand 1990 a, voir Christol 1991 a, partic. p. 69-74. Il faut, à propos de la questure,
relever que dans certains cas l’apparition de la questure après la magistrature la plus élevée peut
signifier que le personnage a exercé une fois de plus cette magistrature qui avait des implications
financières importantes [à Narbonne, voir chapitre 31 pour P(ublius) Usulenus Veiento].
49. CIL XII, 4244 = HGL XV, 1530. Pour le formulaire : ILS 862, 6136, 6147 add., 9389.
50. Voir aussi CIL X, 1782 (Sherk 1970, p. 35-36, n o 33) ; CIL X, 1784 = ILS 6334 (Sherk 1970, p. 36-37,
no 35) ; CIL XIV, 353 = ILS 6148 ; Veyne 1996, p. 276-277. C’est peut-être dans ce contexte qu’il
faudrait placer l’hommage rendu à Ma[---] Marcella par les sévirs augustaux d’Antibes, in honorem
Calpurni(i) Hermetis, marit(i) eius : ILN Antibes, 15.
51. CIL XII, 4399 = HGL XV, 75. Les deux personnages cités appartiennent sans aucun doute à
l’élite locale.
52. « Vectigal a le sens tout particulier de taxes, frais d’enterrement, droits de sépulture, etc. Il
arrive souvent que les décurions font toutes ces dépenses à la place des familles des morts qu’ils
veulent honorer », expliquent les auteurs de HCL XV, 75.
53. ILGN 429.
54. CIL XII, 701 dans la colonie d’Arles ; CIL XII, 522 - ILN Aix-en-Provence, 29 à Aix-en-Provence.
Sur l’importance des munéraires, Jacques 1984, p. 399-406. Ajouter le commentaire de Gascou, ILN
Aix-en-Provence, p. 31-32.
55. CIL XII, 1585.
56. Voir ci-dessus n. 35 [et chapitre 17].
57. Pétrone, Satiricon, 71, 12. Il faut tenir compte aussi, dans son cas, du langage des images
(Satiricon, 71, 5-11). Veyne 1961 (= Veyne 1991, p. 13-56).
58. Sauf cas exceptionnels, ces personnages n’obtiennent pas des statues élevées en lieu public :
voir ci-dessus n. 29 pour l’exemple de C(aius) Titius Chresimus ; on peut ajouter l’exemple de L
(ucius) Vitrasius Silvester, à propos duquel est connu le décret municipal : CIL X, 4643 (Sherk
1970, p. 41, no 44). Mais le plus souvent c’est par l’épigraphie funéraire que de tels honneurs sont
connus. À Nîmes un document récent a fait connaître l’octroi des ornements du sévirat augustal,
qui plus est assorti de la gratuité ; Christol 1987 b.
59. CIL XII, 3200, 3288, 3291.
60. Voir n. 38 et n. 53. On se référera aussi à Trimalcion : Veyne 1991, p. 47-48.
61. On ne trouve pas de cas équivalent à celui de T(itus) Cornasidius Vesennius Clemens qui,
honoré d’une statue, demande que l’honneur soit transféré à son père, T(itus) Cornasidius
Sabinus : CIL IX, 5439 = ILS 1368 :... qui ab ipsis oblatum sibi honorem statuae in patris sui nomen
memoriamque transmisit.
62. CIL XII, 527 et p. 814 = ILN Aix-en-Provence, 26.
63. Christol 1992 g, p. 198-199.
299
64. Hors du monde des affranchis et des sévirs augustaux, un cas exceptionnel, se rapportant à
un notable narbonnais, est celui de L(ucius) Aponius Chaerea (ILGN 573) : voir Gayraud 1981,
p. 447, p. 533, p. 556.
65. CIL XII, 3203 = HGL XV, 238.
66. Faure, Gascou, Mignon, Planchon et Zugmeyer 1999.
67. CIL XIII, 1942. Autres sévirs lyonnais ayant exercé des sévirats multiples (en plus de CIL XII,
3203 et du sévir d’Orange) : CIL XIII, 1949, 1956 ; ILTG 241.
68. C’est ce lieu qui éclaire les interventions d’affranchis pour mettre en valeur les mérites de
leurs maîtres. Outre le cas de Daphnion à Nîmes (voir ci-dessus n. 27), on mentionnera
l’intervention de l’affranchi L(ucius) Aemilius Moschus à Narbonne en faveur de son maître L
(ucius) Aemilius Arcanus, membre de l’ordre sénatorial (CIL XII, 4354) [voir aussi chapitre 29].
69. CIL XII, 4398, à Narbonne.
70. CIL XII, 4406.
71. CIL XII, 704.
72. CIL XII, 4406 à Narbonne ; CIL XIII, 1911 à Lyon.
73. CIL XII, 4406.
74. CIL XIII, 1911, 1954.
75. Voir à ce propos les exemples cités ci-dessus n. 23.
NOTES DE FIN
*. La mort des notables en Gaule romaine (catalogue d’exposition, préparé par Chr Landes, N. Cayzac
et S. Chennoufi, musée de Lattes, 2002), Lattes, 2002, p. 129-139.
300
Introduction
1 Ce chapitre est réduit en importance, mais les références à la vie religieuse de la province
sont nombreuses par ailleurs. Elles sont, par exemple, souvent présentes dans les
manifestations devergétisme, tant dans les cités que dans les campagnes, comme on a pu
le montrer à propos de la cité de Vienne (Christol 1997 e ; 1998 e et 1998 h : ici chapitre
13 ; Christol 2003 f : ici chapitre 18). Mais peut-être aussi que d’autres problèmes ont
retenu davantage l’attention. Ou que le nombre d’inscriptions à contenu explicitement
religieux qu’il fallait présenter et analyser a été plus réduit que les autres catégories de
documents : néanmoins les divinités de l’oppidum de Gaujac se sont peu à peu révélées
(Christol 1997 d et f ; 2000 c), et le dieu Larraso dans son fanum proche de Moux a présenté
suffisamment d’intérêt pour provoquer un commentaire (Christol 2000 d ; ici chapitre 25).
Des corrections épigraphiques ont permis de s’assurer de l’identité de divinités, en faisant
apparaître un dieu Melovius à Riez, à côté du Mars Melovius de Nîmes (Christol 1997 c,
p. 280-284), et en cernant la personnalité d’Albarinus, dieu celtique dans la cité de
Carpentras (Christol 2004 a).
2 Il est dommage que des fouilles n’aient pas permis de mieux connaître le fanum de Larraso,
car c’est en liaison avec le travail des archéologues que peut le mieux s’inscrire dans la vie
des cités provinciales la place des divinités et le mieux se découvrir leur personnalité. Des
enquêtes, ramenant à une documentation épigraphique ancienne, ont permis à l’occasion,
par comparaison avec la documentation relative à l’Italie, de relever la présence de lieux
de cultes dans les domaines ruraux (Christol 2002 g). Mais ce sont des travaux plus
récents, prolongeant les liens noués en Languedoc par la participation au programme sur
les agglomérations secondaires animé par J.-L. Fiches, et bénéficiant, grâce à J. Scheid, de
tout l’acquis de la réflexion sur les lieux de culte, qui ont fait entrer le fait religieux dans
un cadre de recherche plus ordonné.
3 Un dossier purement épigraphique, puisque l’information archéologique est non
seulement ancienne, mais fort ténue, est celui des dieux du Plateau des Poètes à Béziers :
le lieu de culte est sans aucun doute inaccessible à jamais, mais un groupe d’inscriptions
permet de découvrir les composantes d’un panthéon et les lignes de force d’une
éventuelle hiérarchisation (Christol 2003 h). On peut aussi considérer que l’enquête
conduite sur le site de la Combe de l’Ermitage à Collias, qui dégage, à ce qu’il semble, un
lieu de culte microrégional à l’intérieur de la cité de Nîmes, repose sur la réévaluation
d’éléments de documentation plus que sur la mise en évidence de données nouvelles,
302
même si le regard neuf porté sur la chapelle qui marque le lieu a permis d’étoffer le
dossier et de conforter la démarche entreprise (Christol 2007 c). Mais on est loin toutefois
d’une entreprise archéologique de grande ampleur, comme celle qu’a réalisée déjà sur le
site de Vernègues, dans les Bouches-du-Rhône, l’équipe de l’IRAA d’Aix-en-Provence
animée par S. Agusta-Boularot, A. Badie et M.-L. Laharie, dont les résultats ont été publiés
dans Christol 2009, p. 131-158.
4 En revanche les fouilles du sanctuaire de Balaruc-les-Bains, conduites par I. Bermond, et
celles du sanctuaire des Crêtes de Mabousquet, conduites par H. Pomarèdes, ont permis
d’analyser « en situation » des éléments épigraphiques nouveaux (Christol 1998 g et 2007
d).
5 On considérera que l’enquête sur Mars en Narbonnaise n’est qu’un coup de sonde, mais il
se révèle à l’occasion riche d’aperçus sur la situation faite à cette divinité dans la cité de
Vienne, où se dessinent vigoureusement les traits d’un culte civique, original dans cette
province. Il convenait de comparer largement sans effacer le cadre des cités et en tenant
compte aussi que les divisions provinciales peuvent avoir des effets négatifs sur la
problématique de recherche : les points de comparaison se trouvent en effet dans les
Trois Gaules.
6 L’enquête sur les débuts du culte impérial a aussi les mêmes caractéristiques : elle avait
ses origines dans l’étude du monde des notables et de leur rôle dans la vie des cités. Il
était tentant de considérer le matériau épigraphique sous l’angle de la mise en place du
culte impérial, en l’associant à d’autres témoignages, ceux qui entrent dans les
compétences des spécialistes d’architecture antique, ou des spécialistes du portrait
impérial. On constate alors que c’est la personne du prince qui, sous diverses formes ou
de diverses manières, envahit les lieux éminents des villes qui se développent comme
coeurs des communautés civiques. À des degrés divers, car elles n’ont pas également
conservé les traces du passé, Narbonne, Béziers, Arles, Nîmes, Vienne ou Orange, etc.
viennent occuper le premier plan dans la citation d’exemples. La publication récente des
actes d’un colloque sur la Maison Carrée donnerait une position d’excellence à Nîmes (M.
Christol et D. Darde (dir.), L’expression du pouvoir au début de l’Empire. Autour de la Maison
Carrée à Nîmes, Paris, 2009). Mais les documents épigraphiques, provenant de colonies
romaines en ce qui concerne l’article reproduit (chapitre 21), viennent souligner l’unisson
provincial.
7 L’article sur le dieu Mars à Lattes concerne, à une époque plus tardive, le développement
des formes du fait religieux dans des groupes sociaux plus modestes, dont la connaissance
est fragile en raison de leur utilisation parcimonieuse du langage épigraphique. Il est à
rattacher aux articles relatifs aux collèges (chapitres 28, 29 et 30). Mais il montre combien
le fait religieux est source importante d’expression épigraphique, car il revêt souvent les
caractéristiques d’un acte collectif, engageant le groupe d’associés. C’est ce que viennent
de montrer à nouveau, à une date récente, les inscriptions relatives à l’association des
lenuncularii du port d’Arles (Long 2008).
303
Narbo Martius
3 En rapport avec les premiers temps de la présence romaine en Gaule transalpine, on peut
mettre en évidence un témoignage important. Il s’agit de la dénomination du lieu où
s’ancra le nouveau pouvoir aux origines de la province : la colonie de Narbonne, Narbo
Martius2.
304
la divinité dominante a, sans aucun doute très tôt, été enveloppé par un vocable romain
et par une représentation inspirée par l’image du dieu italique, casqué, armé d’une lance
et d’un bouclier24. Apparemment cet important dieu local n’a laissé aucune trace, ce qui
montre une assez faible résistance du nom indigène face au nom latin25.
11 Le dossier qui provient de Béziers, comme celui de Narbonne, vient indiquer non
seulement la possibilité de passer aisément d’une divinité locale au Mars italique, mais
encore la facilité qu’il y eut d’imposer à cette divinité locale de s’effacer devant le dieu
venu d’Italie26. Tous deux montrent aussi qu’il s’agit chaque fois d’une divinité de premier
plan dans le panthéon que découvraient les Romains lors de leur installation en
Transalpine.
ensuite ce qui peut apparaître comme une conséquence de la /77/ position acquise par ce
dieu, à savoir que, tant à la ville que dans le territoire, le culte de Mars était bien répandu
au sein de l’élite politique34.
15 D’autre part – et c’est une différence importante par rapport à ce que l’on va connaître
dans la cité de Nîmes et dans d’autres cités de Narbonnaise –, les témoignages relatifs au
culte de Mars n’ajoutent jamais au nom de cette divinité une quelconque épiclèse, comme
si toute trace des divinités celtiques avait disparu. On se trouve donc devant une divinité
qui paraît régner sans partage, et qui a effacé les traces les plus visibles des divinités
qu’elle aurait supplantées, si l’on se place dans une problématique de recouvrement et de
substitution, comme à Béziers et à Narbonne.
16 À titre d’hypothèse on peut envisager une évolution conformément au schéma suivant.
Au moment de la fondation de la colonie latine, à Vienne est institué un culte de Mars qui,
comme à Béziers ou à Narbonne, recouvre le culte d’une divinité aisément assimilable.
Mais il s’agit d’un culte intégré dans les cadres institutionnels de la nouvelle cité et qui
s’ancre le plus fortement et le plus symboliquement dans le chef-lieu35. Dans le cadre
d’une colonie latine, vraisemblablement instituée en vue de réunir des populations
hétérogènes, cette confusion d’un dieu local et du dieu Mars des Romains, résulte
vraisemblablement d’un choix de l’élite dirigeante, plus que d’une décision imposée par le
pouvoir dominant. S’il s’agissait d’une décision imposée par les autorités romaines, ce
culte ne serait-il pas attesté en d’autres lieux de la province sous la même forme ? Or rien
de tel n’apparaît dans les autres colonies latines de Narbonnaise. On est donc conduit à
mettre en rapport ce qui se produisit à Vienne avec ce qui se produisit quelques
décennies plus tard, lorsque les Trévires organisèrent le culte de Lenus Mars dans leur cité
36
. Mais dans la cité des bords de la Moselle le nom ancien de cette grande divinité
persista, de sorte que nous connaissons bien Lenus Mars et son culte, alors qu’à Vienne
nous n’avons aucune trace de l’identité de la divinité locale qui avait été supplantée.
Comme à Béziers peut-être, mais dans un contexte institutionnel qui créait une situation
spécifique, le nom de la divinité romaine a supplanté le nom de la divinité locale, sans
trop bouleverser le panthéon local. Dès lors une comparaison avec les situations
religieuses qui furent créées autour du dieu Mars dans la Gaule centrale et septentrionale
peut être établie, mais elle fait apparaître des nuances ou même des différences.
17 Lorsque l’ensemble du territoire allobroge fut réuni autour de la colonie latine, à l’instar
du regroupement qui semblait rapprocher tous les Arécomiques de Nîmes, le dieu Mars
dont la position était déjà bien établie, étendit sa prépotence à l’ensemble de la nouvelle
cité. On s’explique ainsi que les références à ce dieu ne laissent pas de place à quelque
divinité locale qui serait caractérisée par une épiclèse héritée de l’époque préromaine.
Néanmoins quelques signes apparaissent qui pourraient indiquer que l’uniformisation ne
fut pas totale : l’usage généralisé du même théonyme traduirait l’efficacité du processus
d’assimilation, mais il subsiste quand même quelques traces de singularités locales,
montrant qu’il existait peut-être anciennement un panthéon plus divisé et surtout bien
ancré dans la diversité du pays allobroge. Le deus Mars de Ruffieux en Savoie 37, invoqué
pour le profit d’une personne de dénomination celtique (Divixtus), pourrait être une
divinité d’implantation locale, reconnue certes comme Mars, mais la formulation pourrait
montrer qu’il existait sous ce vocable une divinité que l’on aurait aussi pu définir par un
nom plus ancien et de saveur plus locale38. De même l’association de Mars à d’autres
divinités du panthéon pourrait laisser entendre qu’il y avait des rémanences de formes
cultuelles antérieures à l’époque romaine39. Enfin, comment expliquer la présence à Ville-
309
la-Grand (Haute-Savoie) d’un sacerdos, dédiant un autel à Mars 40, qui apparaît donc
comme un complément local du flamine municipal, sinon par la résistance d’une forme
cultuelle mineure, en dépit de l’interprétation du nom de la divinité ? Si l’on peut, d’une
certaine manière, présenter le Mars que l’on connaît dans la colonie romaine de Vienne
comme l’équivalent des divinités qui dominaient les cités gallo-romaines, et évoquer
l’existence d’un Mars allobroge, il convient immédiatement d’apporter des observations
complémentaires, à la fois pour expliciter le propos et pour nuancer les éventuelles
comparaisons. C’est une prépondérance construite à partir de la position acquise aux
origines de la colonie latine, grâce à la force provenant de l’insertion dans les cadres
institutionnels de la cité. L’hégémonie s’est réalisée par généralisation du mouvement
d’assimilation et de substitution au détriment d’autres divinités comparables qui étaient
établies en d’autres lieux du territoire des Allobroges.
18 L’intérêt du dossier qu’offre la cité de Vienne est d’entrevoir le destin d’un certain
nombre de divinités qui ont été entraînées dans le mouvement d’interprétation, mais qui
ont en même temps subi les effets de l’installation dans la vie religieuse de la cité d’un des
leurs, assimilé au Mars romain et desservi par un flamine. Il était en effet difficile
d’envisager qu’entre les divinités voconces assimilées à Mars et /78/ les Mars indigènes
mis en évidence dans les cités gallo-romaines plus septentrionales (Mars Caturix, Mars
Segomo, Mars Cicolluis)41. puisse se dessiner une zone vide de références à un tel substrat
religieux42. Ainsi, au terme des observations précédentes, la cité des Allobroges n’est plus
un no man’s land. L’évolution du culte de Mars y a suivi une voie particulière. Désormais
cette cité ne manque pas de faire transition, mais sous une forme originale et avec une
évolution cultuelle remarquable, entre la Narbonnaise et les Trois Gaules.
situations de Mars et de Mercure s’inversent par rapport à ce que l’on connaît en général
dans la province : à l’abondance des épiclèses de Mars dans les cités de Narbonnaise
s’oppose ici leur inexistence, tandis que pour Mercure, à la quasi-absence d’épiclèses de
Mercure qui est partout ailleurs la caractéristique générale, s’oppose ici l’existence de
cette poignée de témoignages49. Pour Jupiter, on relève un seul exemple : c’est le Jupiter
Baginas de Morestel (Isère), également chez les Allobroges 50. Pour Minerve, enfin, on ne
relève aussi qu’un seul exemple, provenant de la cité de Nîmes51. En revanche, Mars est
accompagné dans le seul CIL XII, de quatorze épiclèses : Albiorix, Belado, Britovius,
Budenicus, Buxenus, Carrus, Cicinus, Giarinus, Lacavus, Ieusdrinus, Melovius, Nabelcus, Olloudius,
Rudianus, Vintius. Le recueil d’Espérandieu joint à cette liste, mais par erreur, un Mars
Albarinus qui n’existe pas 52. Pour l’instant, on ne connaît qu’Albarinus. Il convient donc
d’être prudent dans son cas53, et de retirer de la liste des épiclèses celle qui en général
ouvre l’émunération54. Cette diversité des épiclèses ne se retrouve que dans la liste des
diverses Matres ou Matrae dont l’existence est aussi caractéristique des panthéons locaux,
hérités de l’époque préromaine55. Quoi qu’il en soit, à première vue on ne peut qu’être
frappé par le sort différent qui touche Mars d’un côté, Apollon, Jupiter et Mercure de
l’autre56. Mais en même temps, lorsque l’on se concentre sur les apparitions des épiclèses
de ces trois autres grandes divinités, on voit reparaître au premier plan la cité de Vienne,
ce qui fait ressortir plus vivement encore la situation qui y fut celle de Mars.
21 Cependant, grâce à des dossiers bien circonscrits, on peut dépasser la simple opposition
entre les témoignages fournissant le seul nom de Mars et ceux qui recourent à
l’identification supplémentaire par une épiclèse. Alors n’apparaît pas la remarquable
persistance des divinités indigènes assimilables à Mars, mais plutôt leur faible résistance
à l’identification, comme on l’a déjà indiqué. Les traces de persistance sont certaines, et il
conviendra peut-être de réfléchir aux raisons qui éclaireraient cet aspect des choses ;
mais elles ne sont plus l’élément essentiel. Un exemple significatif est fourni par le
dossier qu’a rassemblé G. Barruol sur Mars Nabelcus et sur Mars Albiorix 57. Le premier de
ces dieux est attesté dans une aire limitée, qui appartient à la colonie latine de
Carpentras. Mais une grande partie des témoignages provient de Saint-Didier (Vaucluse) :
il s’agit d’autels qui ont été retirés d’un puits, ce qui confère aux trouvailles une
homogénéité certaine. Ainsi sont mêlés des autels dédiés au seul Mars (au nombre de
cinq), un autel dédié à Mars Auguste, un autel dédié à Mars Nabelcus, ainsi que des autels
inscrits58 /79/ mais sans indication de divinité (au nombre de trois). Hirschfeld a classé à
part ces derniers témoignages, suivant une logique de présentation qui se fondait sur
l’absence de toute expression écrite de l’identité du dieu. Mais il convient, contrairement
à son avis, et à celui d’H. Lavagne, d’attribuer tout le lot des autels au dieu appelé ailleurs
soit Mars soit Mars Nabelcus. On doit ajouter les découvertes réalisées dans un second
sanctuaire, établi à proximité de Saint-Didier : deux inscriptions citent nommément Mars
Nabelcus. On peut donc constater que Mars a supplanté aisément Mars Nabelcus, mais
encore il convient de relever que l’on ne peut retrouver tous les éléments de l’évolution
courante de la dénomination indigène à la dénomination romaine : (Nabelcus)/ Mars
Nabelcus/Mars. La documentation relative à une divinité voisine, Albiorix, montre aussi
cette évolution59.
22 Il est bien évident que, dans le temps, les diverses expressions de l’identité de la divinité
ont pu parfois se chevaucher, et que tel ou tel dédicant a pu revenir au nom originel, qui
ne disparaissait pas de la mémoire collective. Néanmoins, tendanciellement le nom de la
divinité romaine interprétant le dieu indigène a dû s’imposer, pouvant sur le long terme,
311
par la force de l’écrit, provoquer l’effacement du dieu local, ainsi supplanté, suivant un
processus d’uniformisation religieuse.
23 L’émiettement spatial des références à ces divinités qui peuvent être identifiées à Mars ne
doit pas être négligé, même si de temps en temps on décèle des dédoublements à distance.
Ainsi on peut être tenté de rapprocher Mars Melovius, connu dans la cité de Nîmes 60, de
Melovius, connu dans la cité de Riez (Alpes-de-Haute-Provence) 61. L’émiettement conforte
l’idée que certaines dénominations ont une valeur locale ou localisée62, tandis que les
redoublements conduiraient à retenir que certaines d’entre elles recourent à des notions
qualitatives, mettant en relief des capacités des divinités plus que leurs liens avec un pays
ou avec un peuple63.
24 L’épigraphie permet ainsi d’entrevoir la diversité des divinités qui existait au moment de
l’établissement de la présence romaine, ainsi que le cloisonnement des panthéons.
un préalable intéressant à tout examen d’ensemble71. Les nuances sont alors plus vives,
les traits distinctifs sont plus vigoureusement dégagés. Ainsi l’étude se subdivise en une
multiplicité de thèmes, qui s’accompagnent et peuvent s’entrecroiser. Il en ressort
quelques observations, qui seront peut-être à préciser à la suite de réexamens plus
approfondis.
27 L’extrême diversité et l’extrême fragmentation des panthéons existant lorsque la
province de Transalpine fut organisée, constituent sans aucun doute un trait premier. Il
est perceptible à distance, puisque notre documentation appartient aux I er-IIIe siècles.
Néanmoins ce regard rétrospectif de la période gallo-romaine vers la période préromaine
est légitime, même s’il comporte des difficultés. L’une d’entre elles, qui semble évidente,
vient de ce qu’il est impossible de ne pas relever que cette diversité a peu à peu été
réduite par l’assimilation de multiples divinités indigènes à un dieu déterminé, introduit
par le pouvoir dominant et par ses représentants, le dieu Mars. Mais ce qui est valable à
propos de Mars l’est peut-être bien plus pour d’autres divinités, presque totalement
effacées du paysage religieux par la nomenclature gréco-romaine72 et par les pratiques
d’un « syncrétisme commode73 », qui ne posait pas de problème aux habitants de la
province. Une remarque de forme problématique en découle : avons-nous l’assurance que
dans tous les cas l’assimilation ait reproduit dans la divinité gallo-romaine la même
divinité, ce qui conduit à s’interroger sur les résultats de la reconstruction du panthéon
que produit l’interpretatio ? N’y a-t-il pas de place, suivant l’heureuse expression de H.
Lavagne, pour un « bougé » dans l’appréhension de dieux identifiés de la même façon ?
L’image pourrait venir ici offrir d’éventuels compléments de réflexion74. Mais nous
n’avons que rarement l’association du texte et de l’image.
28 Les modalités de l’assimilation de ces divinités sont aussi diversifiées, parfois imposées
par l’autorité politique éminente comme à Narbonne, parfois prises en main par les
autorités politiques locales comme à Vienne75, parfois assumées par la partie supérieure
et moyenne de la population76. Peut-on envisager que l’épigraphie nous ferait atteindre
toutes les couches de la population des cités provinciales ?
29 Cette diversité crée des contrastes qu’on ne peut apprécier que par des études plus
ponctuelles ou plus partielles, essentiellement placées dans le cadre de la cité.
L’originalité de la situation de Mars dans la colonie de Vienne est ainsi plus explicable.
Avec toutes les nuances qu’il convient d’apporter aux observations formulées
précédemment, la documentation suggère de rapprocher cette colonie romaine honoraire
des cités plus septentrionales qui, dans les processus d’intégration religieuse de l’époque
romaine, vécurent des pratiques spécifiques, faisant émerger au niveau officiel des
divinités connues sous le nom de Mars77. Ailleurs, sans que l’on retrouve cette mise en
valeur officielle d’un dieu local sous le nom de Mars, les dieux indigènes ont été assimilés
au dieu italique et romain d’une façon plus progressive, permettant à l’épigraphie de
transcrire des situations plus complexes ou plus nuancées. L’écriture traduisait par la
diversité des formules d’identification la lente unification des panthéons indigènes. Elle
indiquait aussi, à partir de l’identité des dédicants, l’acceptation de ces transitions lentes.
Suivant les remarques de H. Lavagne, elle permet d’envisager que l’interprétation ne
serait pas un travestissement simpliste qui cacherait la véritable nature des dieux gaulois.
Ce processus d’assimilation s’accompagnerait aussi de la reconnaissance des points
communs et de l’acceptation de différences78.
30 Cependant, la documentation ne permet pas d’entrer dans les parties inférieures de la
population provinciale, dont les comportements étaient moins marqués par la pratique
313
de l’écrit79. Mais l’écrit, comme l’image aussi, ne pouvait-il pas pour elles fournir des
signes déterminants ? Certes, on doit estimer que le texte de l’inscription a souvent
permis de faire émerger des éléments du panthéon indigène et de connaître la diversité
qui s’y trouvait80. Cela est vrai en particulier dans le cas de Mars. Mais, en dépit de ces
acquis incontestables, l’expression écrite de l’identité du dieu sous la forme romaine a
contribué aussi à faire disparaître souvent le nom de la divinité locale interprétée.
Toutefois, dans le cadre régional qui nous intéresse ici, et dans une perspective plus large
concernant l’ensemble des panthéons préromains, désigner une divinité locale par le nom
de Mars n’a pas été l’acte le plus dévastateur pour notre appréhension de la religion des
peuples indigènes.
NOTES
1. Lavagne 1979, p. 160-162 en particulier. Pour la Gaule en général, Duval 1957, p. 70-72 ; Clavel
1972, p. 103-104 (= Clavel-Lévêque 1989, p. 353-355) ; Van Andringa 2002, p. 141. À titre
comparatif Derks 1992, p. 20-23.
2. Gayraud 1981, p. 146.
3. Sur la composition de ce passage Christol 1994 a [chapitre 6].
4. Sur ces différentes dénominations, non seulement pour Narbonne mais aussi pour les autres
colonies de vétérans de Transalpine, Christol 1997 d et 2004 g.
5. Comme vient de le rappeler Pailler 2003. Par des voies parallèles, le réexamen du dossier nous
conduit aux mêmes conclusions. Sur l’arrière-plan économique de la fondation de la colonie,
Christol 2002 d [chapitre 1].
6. Gayraud 1981, p. 147-148 ; déjà Benedict 1941, p. 26.
7. Betti 1990 ; cf. Zecchini 2001, p. 137-138.
8. Dumézil 1996, p. 448-454.
9. Martin 1988, p. 244-245 et p. 248-249. Dans l’analyse du cas de Narbonne et dans tous ceux qui
lui sont associés on peut estimer que l’interprétation exprime un impérialisme religieux : sur les
nuances de l’approche de l’interprétation, Lavagne 1979, p. 158-159 ; plus généralement Webster
1995.
10. Jullian 1923, III, p. 128, n. 7.
11. Le problème d’appréhension et de reconnaissance est bien exposé par Lavagne 1979, p. 159.
On retiendra l’utilisation de la notion de « bougé », afin de poser, certes de façon problématique,
la question de la perception du dieu indigène interprété.
12. Voir plus bas, notamment en tenant compte de l’intégration institutionnelle qui apparaît
dans cette cité. Faut-il incriminer les lacunes de la documentation ?
13. AE 1969-1970, 385 : Mar[ti] Augusto / L(ucius) Accius / Lemnus / v(otum) s(olvit). Voir la notice de
M. et R. Sabrié dans Dellong 2002, p. 380, no 148*. On connaît aussi l’inscription de Rennes-les-
Bains, mais dans le territoire de la cité de Carcassonne peut-être (voir à ce sujet Gayraud 1981,
p. 329). Sa provenance peut être discutée, comme l’indique le lemme de Hirschfeld : on a même
écrit qu’elle avait été transportée à Rennes-les-Bains depuis Narbonne. Elle est dédiée à Mars
suus : HGL XV, 1322 = CIL XII, 5377. Dellong 2002 lui fait un sort aux p. 446-447. D’abord elle est
dédoublée : le no 2 correspond à notre texte, et le no 10 correspond à la création d’un doublet par
bévue. Quant à la traduction du texte, elle véhicule une hypothèse plus qu’audacieuse de Barry et
314
de Lebègue (conduisant à admettre l’existence d’un Mars Suus (sic). Renvoyons aux commentaires
de Hirschfeld p. 925 : « Mars suus (= Genius) ». Ce point de vue a été repris par Jullian 1920, p. 71
(suus « un dieu de chacun »), et puis par Lavagne 1979, p. 166-168 (« le génie de chacun »).
14. CIL XII, 4220 = HGL XV, 1541 ; CIL XII, 4222 = HGL XV, 1543 ; CIL XII, 4221 = HGL XV, 1542 ; Clavel
1970, p. 519-520. Il n’est pas nécessaire de tenir compte des deux Mars associés sur le même autel
à Saint-Pons-de-Thomières, qui entrent dans le cadre d’une autre cité que la colonie romaine de
Béziers : CIL XII, 4218 = HGL XV, 153 (Narbonne) ; voir Clavel 1970, p. 520-522 ; Gayraud 1981,
p. 148. Pour la localisation du lieu de découverte, la source du Jaur, à Saint-Pons-de-Thomières :
Gayraud 1971, et Gayraud 1981, p. 324-324-326 ; sur le cadre administratif, Christol 1998 d,
p. 213-217 [chapitre 8]. Voir ci-dessous n. 43.
15. Christol 2003 h (inscr. no 2 et no 3).
16. CIL XII, 4225 = HGL XV, 1545 ; Christol 2003 h, p. 417-419, n o 5. Sur l’association en couple :
Clavel 1972, p. 109 (= Clavel-Lévêque 1989, p. 360) ainsi que Bémont 1986. À Trèves, Lenus Mars est
flanqué d’une compagne, Ancamna : Finke 1927, p. 20, n o 12. On connaît aussi au sanctuaire de
Möhn le couple formé par Mars Sme[rtuli]t[anus] et par Ancamna (CIL XIII, 4119 = AE 1983, 718).
17. Clavel 1970, p. 510. Sur la formation du nom, Holder 1896-1904-1907, II, col. 1183 et 1189 ;
Degavre 1998, p. 356 ; sur le suffixe hypocoristique -orio : Holder 1896-1904-1907, II, col. 878. Sur
les modalités d’apparition de cette divinité féminine souveraine Hatt 1981 et Lejeune 1981. Sur
les couples divins Bémont 1986.
18. Christol 2003 h, p. 418, p. 421.
19. CIL XII, 4223 = HGL XV, 1544 ; Christol 2003 h, p. 415-417, n o 4, et p. 421-422. Voir aussi Clavel
1970, p. 277-278, p. 508-510, p. 596-597.
20. CIL XII, 4216 = HGL XV, 1540 ; Christol 2003 h, p. 412-413, n o 1, et p. 421-422. Voir aussi Clavel
1970, p. 277-278, p. 512, p. 591-592.
21. On sait peu de chose sur le contexte archéologique : Christol 2003 h, p. 411-412. Rien
n’apparaît dans Bonnet 1946, p. 30-40, notice no 99. La notion de sanctuaire, voué à des divinités
indigènes, est d’abord apparue chez Demougeot 1966, p. 91, puis elle a été bien établie par Clavel
1970, p. 277-278, p. 510, p. 519, p. 552 ; Ead., dans Sagnes 1986, p. 62-63, 67-68.
22. Sur cette problématique Van Andringa 2002, p. 132.
23. On ne doit pas écarter non plus qu’il y ait eu aussi réorganisation de l’espace sacré : pour les
Trois Gaules, voir Van Andringa 2002, p. 87-99.
24. Ajouter Espérandieu 1907, I, p. 343, n o 530. Sur le Mars gallo-romain et son rapport au
panthéon celtique, Duval 1954, p. 13-14 ; Duval 1957, p. 70-72 ; Duval 1958, p. 48-51. À propos de la
figuration classique, dominante en Narbonnaise, Lavagne 1979, p. 166-171 ; le cas de Béziers est
examiné p. 166. En revanche le dieu gaulois est nu : Lavagne 1979, p. 169.
25. En revanche, les autres divinités ont conservé leur dénomination celtique : Ricoria,
Menmanduti, Digenes. Cette distinction n’implique pas résistance conflictuelle, mais plutôt
permanence acceptée. Le changement d’identité n’a pas semblé possible, ni surtout nécessaire :
Christol 2003 h, p. 422.
26. Lavagne 1979, p. 174-175, relève la facilité de l’interprétation.
27. On s’appuiera sur l’article récent de Bertrandy 2000.
28. Bertrandy 2000, p. 224. Sur Mercure Rémy 1994.
29. Gascou dans Rémy 2004, p. 39 et p. 40.
30. Sauf en ce qui concerne les institutions municipales, qui sont caractéristiques : Gascou dans
Rémy 2004, p. 44-52 ; sur le territoire de la colonie de Vienne, que l’on peut considérer comme un
état d’achèvement : Rémy 2002 et Gascou dans Rémy 2004, p. 50-52.
31. Christol 1999 d, p. 20-22 [chapitre 5].
32. Christol 1994 a, p. 58-62 [chapitre 6]. Une question subsidiaire : tout le pays des Arécomiques
fut-il intégré dans la colonie de Nîmes ? Voir Christol 1998 d, p. 210-211, ainsi que Fiches 2002.
315
33. Gascou 1997, p. 99 et p. 122 (qui ignore AE 1934, 168) ; Bertrandy 2000, p. 228 et p. 234. Gascou
dans Rémy 2004, p. 48. Deux personnages, membres de l’élite politique la plus relevée,
appartiennent à cette période. Il s’agit d’abord du chevalier romain Sex(tus) Decid[ius---] (appelé
antérieurement Sex(tus) Decius P. f.) : CIL XII, 2430 = AE 1994, 1171 (Rémy-Ferber 1994, p. 352-353,
no 7) = ILN Vienne, 3, 638 ; Pflaum 1978 a, p. 199, n o 7 ; Devijver 1976-2001, I, p. 319-320, n o D 3 ; IV,
p. 1539-1540 ; IV, p. 2087 ; Demougin 1992, p. 253, n o 295 ; Bertrandy 2000, p. 227, no 9, p. 235-236,
et p. 238, no 9. L’inscription du personnage est incomplète, mais on sait qu’il a été tribun militaire
et qu’au niveau municipal il avait exercé le quattuorvirat, magistrature caractéristique des
colonies latines : voir notamment Gascou 1997, p. 121-122. L’autre exemple est celui de L(ucius)
Aemilius Tutor, connu par une inscription de Genève, et qui faisait partie également de la partie
la plus éminente de l’élite politique : CIL XII, 2600 = Maier 1983, p. 84, n o 59 = ILN Vienne, 3, 849 ;
Pflaum 1978 a, p. 250, no 2 et p. 254, no 14 ; Demougin 1992, p. 131-132, no 133 ; Bertrandy 2000,
p. 228, no 25, p. 234-235, et p. 240, no 25.
34. Ce fait a déjà attiré l’attention, sans susciter des explications spécifiques. Sur le niveau social
remarquable des personnes liées au culte de Mars dans la cité de Vienne : Lavagne 1977,
p. 163-164. Outre un sévir augustal (CIL XII, 2415 = ILN Vienne, 3, 621 ; Bertrandy 2000, p. 227 et
p. 238, no 7), on relèvera l’important groupe d’inscriptions provenant de Passy : CIL XII, 2350 =
ILHS 80 (Bertrandy 2000, p. 227 et p. 239, n o 16) = ILN Vienne, 2, 548 ; CIL XII, 2349 = ILHS 79
(Bertrandy 2000, p. 227 et p. 239, no 15) = ILN Vienne, 2, 547 ; AE 1934, 168 = ILHS 81 (Bertrandy
2000, p. 227 et p. 239, no 14) = ILN Vienne, 2, 549 ; sur le site Bertrandy 2000, p. 233-234. À Vienne
on relèvera l’inscription d’un édile : CIL XII, 1821 = ILN Vienne, 11 (Bertrandy 2000, p. 227 et p. 238,
no 1, cf. aussi p. 233).
35. S’annonce de la sorte l’intégration des cultes de grandes divinités indigènes dans la religion
civique des cités gallo-romaines : Van Andringa 2002, p. 141-153. La ville apparaît aussi comme le
lieu même du dépassement de l’hétérogénéité sociale et religieuse : Clavel-Lévêque 1973-1974,
p. 15-16 (mais dans un contexte de tensions qui est particulièrement révélateur).
36. Scheid 1991 ; Scheid 1995 ; Van Andringa 2002, p. 144-145, p. 187-188. Sur les flamines de
Lenus Mars, Derks 1997, p. 18-20. On comparera aussi avec l’organisation du culte de Mars Mullo
dans la cité des Riédons : Van Andringa 2002, p. 141-143, p. 188.
37. AE 1996, 1023 = ILN Vienne, 3, 717 ; Bertrandy 2000, p. 238, n o 8.
38. Sur deus/dea comme marqueurs d’un panthéon provincial : Clavel 1972, p. 99-100 (= Clavel-
Lévêque 1989, p. 348). Van Andringa 2002, p. 134-135.
39. Association de Mercure et de Mars à La Chapelle-du-Mont-du-Chat : CIL XII, 2436 = ILN Vienne,
3, 627 ; Bertrandy 2000, p. 238, no 10. Association de Iupiter et de Mars à Douvaine : CIL XII, 2580 =
ILHS 57 = ILN Vienne, 3, 809 ; Bertrandy 2000, p. 239, n o 21 ; le dédicant D(ecimus) Iul(ius) Capito
est sinon le grand personnage connu, membre de l’ordre équestre (voir le commentaire ad ILHS
57), du moins un membre de sa famille, ascendant ou descendant. Association de Mars, Iupiter et
Mercure, à Genève : CIL XII, 2589 = Maier 1983, p. 97, n o 74 = ILN Vienne, 3, 823 ; Bertrandy 2000,
p. 239, no 22. Nous sommes toujours dans le territoire de la cité.
40. ILGN 351 = ILHS 113 = ILN Vienne, 3, 806 ; Bertrandy 2000, p. 239, n o 20. On connaît à Ville-la-
Grand une autre inscription relative au culte de Mars : CIL XII, 2578 = ILHS 112 = ILN Vienne, 3, 805 ;
Bertrandy 2000, p. 239, no 19. Le document incomplet, témoignant d’un acte d’évergétisme,
pourrait se rapporter également au sanctuaire : ILGN, 352 = ILHS, 114 = ILN Vienne, 3, 807.
41. Van Andringa 2002, p. 147-149. On retrouve aussi une caractéristique de la situation
religieuse à Vienne : la présence des notables dans les témoignages de ces cultes officiels.
42. D’autant qu’on ne peut mettre en évidence l’existence d’une grande divinité de substitution,
comme a pu le faire dans les régions rhénanes T. Derks, à propos de la répartition des rôles entre
Mars et Hercule : Derks 1997, p. 141-145.
43. Voir ci-dessus n. 14.
316
44. Sur Mars comme héritier des dieux de la tribu, Duval 1954, p. 43-44, Duval 1958, p. 48-50 et
p. 57.
45. CIL XII, 2525 = ILHS 1. On connaît une divinité de même identité à Jublains (CIL XIII, 3185).
46. Sur la pauvreté des attestations de Mercure indigène par rapport à Mars indigène, à partir
des épiclèses, Lavagne 1979, p. 173-174, qui relève aussi que parmi les dédicants les traces de
romanisation ne sont pas plus grandes. Sur les fonctions de cette divinité Lavagne 1979,
p. 176-179.
47. CIL XII, 2199.
48. CIL XII, 2373.
49. On en prendra la mesure grâce à Rémy 1994 (depuis cette date quelques documents nouveaux
ont été publiés et ils ont été recensés dans l’Année épigraphique : ils ne modifient pas les
conclusions d’ensemble). On tiendra compte, bien sûr de l’importante documentation provenant
du site de Châteauneuf : Mermet, 1993. Mercure, accompagné de Maia, prend la succession du
dieu Limetus. Mais pour l’instant n’apparaît pas un Mercure Limetus. Autre distinction entre le
culte important de Mercure dans la cité de Vienne et le culte de Mars : la faible représentation
des notables parmi les personnages connus par l’épigraphie.
50. CIL XII, 2383. On le rapprochera du dieu Baginus (ILGN, 251) de Tarendol, et des déesses
Baginatiae, qui se trouvent en pays voconce : Desaye 2000.
51. CIL XII, 2974.
52. L’erreur provient d’une bévue de C. Jullian, dans BAC, 1922, p. XXXVII (séance du 13 février
1922), puis dans BAC, 1922, p. CXCIII (séance du 11 décembre 1922), enfin dans « Le dieu topique
et fontainier Albarinus », REA, 25, 1923, p. 174, reprise par AE 1923, 99 ainsi que dans les Tables
décennales... 1921-1930, p. 33, et enfin par Espérandieu qui, dans ILGN 173, republie avec des
erreurs de présentation et d’interprétation CIL XII, 1157. Voir Christol 2004 a, p. 272-278. Il faut
conserver la lecture de Hirschfeld, sur une seule ligne : [---] mari f(ilius) Albarino v(otum) s(olvit) l
(ibens) m(erito). La fausse rectification du texte a suscité dans l’article Mars, dans RE XIV (1930),
col. 1941 (Heichelheim), une insertion de Mars Albarinus destinée à remplacer l’article Albarinus,
dans RE I (1890), col. 1311 (« gallischer Gott »).
53. Christol 2004 a, p. 277. Sur le positionnement des témoignages sur le terrain, ibid., p. 273 et
276-277 ; voir aussi Barruol 1975, p. 246.
54. Voir ainsi : Lambrechts 1942, p. 131 (où est souligné le caractère local ou topique) et p. 191
(index des surnoms indigènes accolés à Mars) ; Thévenot 1955, p. 102 ; Grenier 1954, p. 331
(inventaire des divinités locales auxquelles a été accolé le nom de Mars) et p. 335 ; Benoit 1959,
p. 49-50 et p. 60. Toutefois on conserve la simple dénomination Albarinus : Vendryes 1948,
p. 284-285. L’ouvrage récent de Finocchi 1994, p. 24, conserve aussi la dénomination Albarinus,
mais en même temps l’auteur considère que CIL XII, 1157 et ILGN 173 constituent deux
inscriptions distinctes.
55. Lavagne 1979, p. 192-193.
56. La situation est différente dans les Trois Gaules : Van Andringa 2002, p. 133-134.
57. Barruol 1963 a.
58. Christol 2004 a, p. 277-278.
59. Cette évolution est importante pour déterminer la valeur de l’épiclèse : Thévenot 1955,
p. 12-14. En sens inverse Benoit 1956. Voir aussi Lavagne 1979, p. 171-175, qui admet une
diversité de significations (topiques, mystiques, etc.). Dans le cas d’Albiorix, on connaît le
théonyme nu à Saint-Saturnin-lès-Apt (CIL XII, 1060 = ILN Apt 95) [on peut ajouter aux listes de
Hirschfeld, Mars Bruatus, d’après ILGN 221 = ILN Apt 62], et la forme complexe Mars Albiorix à
Sablet, près de Vaison (CIL XII, 1300). En revanche les graffites provenant du sanctuaire proche de
Saulze d’Oulx (Salice d’Ulzio) offrent (au datif) soit la forme Albiorigi soit la forme deo Albiorigi :
Barruol 1963 a, p. 357-359. Quant à la station routière qui se trouvait à proximité du sanctuaire,
317
NOTES DE FIN
*. V. Brouquier-Reddé, E. Bertrand, M.-B. Chardenoux, K. Gruel et M.-Cl. L’Huillier Mars en
Occident. Actes du colloque international « Autour d'Allonnes (Sarthe), les sanctuaires de Mars en
Occident » (Le Mans, université du Maine, 4-5-6 juin 2003), Rennes, 2006, p. 73-85.
319
NOTE DE L’ÉDITEUR
À propos de l'inscription de Narbonne relative à P(ublius) Usulenus [---], fils de Veiento,
une datation de haute époque est confortée par les remarques de Gascou dans AE 1998,
932 et AE 1999, 1036. Il faut retenir son interprétation de l'adverbe primum : son emploi
indique que le personnage occupa la fonction de flamine pour la première fois, à son
institution comme prêtrise municipale.
inaltéré nous a été transmis par Pline l’Ancien dans l’Histoire naturelle 8. Elles étaient
l’œuvre de César, puis de son fils adoptif, ce qui se traduit dans leur titulature
épigraphique par la distinction entre colonia Iulia Paterna (Narbo Martius ou Arelate) et
colonia Iulia ( Urbs Baeterrae). On trouve, en revanche, pour les colonies latines, une
distinction plus complexe entre les colonies qui ne font aucune référence au gentilice de
leur fondateur, et celles qui prennent, dans leur titulature, soit le nom de Iulia, soit le nom
de Iulia Augusta9.
3 L’épigraphie apporte beaucoup à toutes les recherches relatives à ces origines. Mais il faut
bien convenir que la documentation n’est pas égale. Orange et Fréjus sont quasiment
absentes du dossier des origines, sauf, en ce qui concerne la première, par la richesse de
son archéologie. Narbonne et Béziers y figurent en général en bonne place. Mais c’est
Arles qui tient incontestablement le haut du pavé, non seulement par la qualité du dossier
épigraphique, mais encore par l’ampleur des données archéologiques. Un rôle décisif doit
être reconnu aux fouilles de Fernand Benoit dans les cryptoportiques, mais il faut bien
relever d’emblée que ce savant exhuma autant d’éléments architecturaux, livrés à la
sagacité des archéologues spécialistes d’architecture ou de sculpture, que de fragments
d’inscriptions, livrés au savoir des épigraphistes ou des historiens. L’interprétation de
cette documentation a été souvent reprise et les résultats qui, à ce jour, sont acquis
doivent beaucoup aux réflexions de P. Gros10. Nous sommes ainsi assurés que le
développement du centre monumental d’Arles fut très précoce et que son organisation
fut fixée « dès la fin des années 40 ou au début des années 30 », tandis que la décoration
des édifices prévus, quelque peu décalée dans le temps, se plaçait entre 25 et 10 avant J.-C.
4 Toutefois des interrogations pourraient subsister sur le contenu des premières
manifestations du culte du souverain. P. Gros a observé que le développement du forum
d’Arles s’est progressivement articulé sur la personnalité d’Auguste, sur celle des
membres de sa famille, et sur elles seules apparemment11. Or, une inscription (fig. 15),
mise au jour par F. Benoit, avait été interprétée comme l’indice d’un culte de César
divinisé12, car il semblait quelle mentionnât, parmi les fonctions qu’avait exercées le
personnage honoré par le conseil des décurions13, celle de flamen Romae et [divi] Caesar[is],
Tel fut, à la suite de F. Benoit, l’avis enregistré dans l’Année épigraphique 14. régulièrement
repris, même si l’on pouvait relever parfois quelque hésitation ou quelque réserve à ce
sujet. Si E. Demougeot envisageait qu’un culte de César divinisé ait pu être établi dans les
cités de Narbonnaise15, ce n’était pour elle qu’une éventualité. /13/ Même à propos
d’Arles, elle n’évoquait que le « sanctuaire municipal d’Auguste et de ses successeurs 16 ».
Pour sa part St. Weinstock envisageait qu’un temple d’Auguste eût pu succéder à un
temple de César17. Mais c’est surtout P. Gros qui tentait de trouver une solution, en
prenant toutefois la mesure de la difficulté, puisqu’il rejetait son avis dans une note. Pour
définir le temple édifié, après le principat d’Auguste, au cœur du forum adiectum dont il
précisait l’ampleur, cet auteur, en invoquant l’inscription de ce chevalier arlésien,
estimait quelle « tendrait à prouver l’antériorité (normale dans une colonie césarienne)
du culte voué à la personne du Dictateur », et que « ce culte aurait été ensuite complété,
ou relayé, par la mise en place d’un temple de Rome et d’Auguste sous Tibère18 ». À l’appui
de cette hypothèse venaient en particulier les exemples d’Éphèse et de Nicée, où l’on
trouve un culte de César divinisé19, établi à l’époque augustéenne, et quelques autres
indications apportées par l’épigraphie20. Mais la répartition de ces témoignages faisait
quand même douter qu’ait pu exister en Occident un culte du Divus Iulius. C’était l’avis de
321
D. Fishwick, qui écrivait à ce propos : « There seems to be no trace of the cuit of Roma and
Divus Iulius in the West except possibly at Arelate in Narbonensis21. »
Fig. 15. Restitution de l’inscription d’un notable d'Arles, prêtre du culte impérial
5 On peut, à notre avis, faire l’économie de cette hypothèse si l’on tient compte que le
flaminat du chevalier romain, dont l’inscription fut exhumée par F. Benoit, ne concerne
pas César divinisé mais Auguste lui-même.
6 Depuis la découverte de l’inscription, on aurait pu légitimement hésiter, car la restitution
de F. Benoit évoquant le Divus Caesar aurait dû surprendre. César, divinisé est appelé soit
Divus soit Divus Iulius. La première forme est courante dans la dénomination d’Octavien,
puis d’Auguste22. La seconde est aussi attestée régulièrement23. Les témoignages
épigraphiques sur le culte qui lui fut rendu montrent que les titulaires de la fonction
portaient le titre de flamen Divi Iuli 24. La restitution adoptée pour l’inscription d’Arles par
F. Benoit lui-même, et régulièrement reprise à sa suite, créait donc une nouveauté de
formulaire, sans qu’on s’en aperçût. /14/
7 Or, on ne doit pas oublier qu’Auguste est appelé soit Caesar Augustus, soit Augustus Caesar,
ce qui n’avait pas échappé en son temps à R. Syme25. La première forme, de loin la plus
répandue, il est vrai, entre dans la dénomination élaborée peu à peu lors de la mainmise
sur le pouvoir26. Elle apparaît sur les monnaies. Dans l’épigraphie, elle est courante quand
il s’agit de nommer le prince en tête d’un hommage public, ou de lui consacrer un autel,
ou de placer sous son nom un édifice. Mais la seconde forme, certes moins répandue 27,
n’est pas rarissime. On la trouve à deux reprises dans le décret de Pise sur les honneurs de
Lucius César :... de augendis honoribus L(uci) Caesaris, Augusti Caesaris... fili (aux lignes 5-6),
inter ceteros plurimos ac maxsimos honores L(uci) Caesaris, Augusti Caesaris... filii (aux lignes
10-11)28. Elle entre aussi dans les formules du cursus de P. Paquius Scaeva29 : proco(n)s(ule)
iterum extra sortent auctoritate Aug(usti) Caesaris et s(enatus) c(onsulto) misso ad componendum
statum in reliquum provinciae Cypri.
322
8 Elle apparaît surtout dans une série assez substantielle de documents relatifs au culte
voué au fondateur du Principat de son vivant même. C’est ainsi qu’existait à Bologne un
putéal voué à Apollon et au Genius Augusti Caesaris 30. À Lepcis Magna, une inscription fait
connaître un flamen Augusti Caesaris en 9-8 av. J.-C. 31. On peut mentionner aussi le
sanctuaire de Pompéi dédié [Augu]sto Caesari, parenti patriae 32. Mais surtout, dans des
formules qui se rapprochent de très près de celle qui devait apparaître sur l’inscription
d’Arles, on citera la dédicace du temple de Terracine : Romae et Auguste Caesari, Divi [f(ilio)]
33
et celle du temple de Pola : Romae et Augusto Caesari, Divi f(ilio) 34. Tout récemment, enfin,
est venue de Rodez, chef-lieu de la cité des Rutènes d’Aquitaine, une inscription qui fait
connaître un prêtre du culte impérial municipal, sacerdos Romae et Augusti Caesaris 35. Tous
ces documents sont incontestablement du vivant même d’Auguste. Ils offrent les
meilleurs parallèles pour restituer dans la lacune de l’inscription d’Arles, l’expression de
flamen Romae et [Aug(usti)] Caesar[is] 36. Le chevalier arlésien a donc été prêtre du culte
municipal de Rome et d’Auguste, du vivant même de ce dernier37. Disparaît donc le seul
témoignage sur un éventuel culte de César divinisé dans cette même cité, ce qui a
l’avantage de mettre fin aux doutes qu’exprimait D. Fishwick à ce sujet38. Pour l’instant en
Narbonnaise, rien ne permet d’établir l’existence d’un culte de César divinisé. Tout
semble commencer en matière de culte du souverain, avec celui d’Auguste associé à la Dea
Roma. Mais l’inscription du chevalier arlésien vient montrer que ce culte précoce, qui
s’enracinait dans le cœur monumental de la jeune colonie39, eut aussi précocement /15/
un desservant particulier, pris dans l’élite politique et sociale de la cité.
9 Dans la colonie de Béziers, les éléments les plus spectaculaires sur le développement du
culte impérial sont, sans conteste aucun, les portraits de divers membres de la famille
impériale, exhumés au cœur de la ville, et actuellement en place au musée Saint-Raymond
de Toulouse40. L’étude détaillée qu’a réalisée depuis peu J.-Ch. Balty jette des lueurs
nouvelles sur les relations entre cette colonie d’époque triumvirale d’une part, son
fondateur et la famille qui l’entourait. Octavien eut, semble-t-il, bien vite sa place sur le
forum41.
Fig. 16. Inscription funéraire du chevalier L(ucius) Aponius [---] à Béziers (Cliché Foliot, centre Camille-
Jullian)
10 Une inscription latine (fig. 16) fait connaître un flamine d’Auguste, le premier de la cité.
Ce document n’est plus visible que pour sa seule partie gauche, dans le lieu même où
323
l’érudit A. de Rulman l’avait vu et copié au XVII e siècle. Encore a-t-il subi quelques
retouches maladroites qui l’ont quelque peu altéré. La partie droite, copiée à plusieurs
reprises, a disparu, bien que Rulman l’ait signalée dans le même endroit. Nous avons
récemment fourni une nouvelle édition de l’ensemble du texte, assortie d’un
commentaire42. Nous reprenons la partie concernant le personnage principal, en
précisant que la première ligne, gravée en caractères de plus grande taille, a disparu en
haut du fragment de droite, et que dans la lacune devaient se trouver, sans aucun doute,
la filiation, la tribu et le surnom de ce notable :
L. Aponio [— —]
praefecto equit(um), tribuno militum [leg(ionis)] VII
et leg(ionis) XXII, praefect(o) castrorum, flamini Aug(usti)
primo Vrbi Iul(iae) Baeter(ris), praefecto pro (duo)viro C(ai) Caesaris Augusti f(ilii)
11 On a longtemps pensé que l’inscription avait été apposée sur la base d’une statue et quelle
revêtait un caractère honorifique43. Toutefois les auteurs de HGL, sans poser vraiment le
problème de la destination du texte et de son support, alternent dans leur description
entre « dédicace » et « tombeau ». En réalité, ce qui reste visible comme inscriptions dans
l’ancienne maison Barrès (actuellement Maison de l’Avocat, 7, rue du Docteur Vergnes) à
Béziers, montre que nous disposons de plusieurs plaques inscrites appartenant au même
monument funéraire. Cette observation d’Allmer est pleinement justifiée44. La présence
de pilei sur le support épigraphique va dans ce sens, car souvent les affranchis
participaient à la construction du monument funéraire de leur patron45.
12 L’inscription donne un cursus double, équestre et municipal. De ce dernier n’ont été
mentionnés que deux éléments, mais ils étaient sûrement les plus prestigieux. Il s’agit du
remplacement de Caius César comme duumvir et du flaminat du culte de l’empereur. La
première fonction se réfère à un usage bien attesté en d’autres lieux de l’Empire46. On
estimera que cet honneur échut à L. Aponius [—] quand il était un des personnages les
plus en vue de la colonie. Il avait certainement à ce moment-là revêtu le duumvirat 47.
L’élévation au flaminat du culte impérial, dont il fut le premier desservant officiel, est
également une charge remarquable. D’habitude ce sacerdoce, constitue l’aboutissement
d’une longue carrière de notable. Cela devait être encore plus le cas lorsqu’il s’agissait de
son institution, puisque nous savons qu’il fut primus 48. On placera toutefois son obtention
avant l’exercice de la préfecture pro duoviro comme le veut E. Demougeot, qui interprète
l’ensemble de ce cursus en ordre direct49. De toute façon le flaminat est antérieur à la
mort d’Auguste, en 14 ap. J.-C., car tout indique dans la formule retenue que le prince
était vivant quand l’inscription fut gravée50. /16/
13 On peut désormais préciser comment se succédèrent carrière municipale et carrière
équestre. On a d’habitude supposé que la carrière équestre avait suivi la carrière locale, et
qu’elle se serait poursuivie brillamment en Illyricum, lors de la révolte des légions de
Pannonie au début du principat de Tibère. Alors, selon Tacite, se trouvait dans la cohors
amicorum du jeune Drusus, fils de Tibère, un certain L. Aponius 51, en qui l’on a vu notre
Biterrois. Ce rapprochement, qui n’avait jamais été fait par les auteurs qui s’étaient
intéressés aux inscriptions de Béziers, a été introduit dans rhistoriographie du sujet par
A. Stein, non sans une certaine prudence, il est vrai52. Après lui, il n’a cessé d’être repris
ou maintenu53. Mais puisque l’inscription est manifestement de caractère funéraire, il est
évident qu’elle fut gravée avant la mort d’Auguste, ce qui exclut tout rapprochement avec
le texte de Tacite. Puisque, par ailleurs, comme nous le verrons, la préfecture pro duoviro
324
est vraisemblablement antérieure à l’ultime année du Ier s. av. J.-C., la longue carrière
s’est plutôt développée dans la période médio-augustéenne.
14 Ce personnage a peut-être suivi une carrière municipale normale dans une colonie54. Mais
celle-ci nous échappe totalement puisque nous ne le saisissons que lorsqu’il parcourait
une carrière équestre, puis lorsque, revenu dans sa cité, il apparaissait comme un
personnage de premier plan, peut-être comme le meilleur représentant de la colonie.
Cependant, comme nous le verrons plus loin, il n’est pas impossible qu’il ait passé de
longues années loin de sa colonie comme centurion.
15 La carrière équestre a été analysée par H.-G. Pflaum, B. Dobson55, H. Devijver et S.
Demougin. De façon concordante ils estiment qu’il convient de rompre l’énumération des
commandements, et de placer la préfecture des cavaliers après les deux tribunats
militaires56. L. Aponius [—] a été tribun à deux reprises, ce qui n’est pas exceptionnel : ces
deux commandements l’ont placé à la tête de la légion VIIa, qui avait un lien avec les
vétérans fondateurs de la colonie, /17/ puis de la légion XXIIa Deiotariana. Le premier
commandement, suivant la date retenue pour le déroulement de son cursus, aurait pu le
conduire soit en Illyricum, si nous sommes à une date plutôt basse dans le principat
d’Auguste, soit en Orient si nous sommes à une date haute dans ce même principat 57. Tout
dépend des vicissitudes et des déplacements de la légion VIIa, qui sont relativement
obscurs. Le second tribunat le conduisit en Égypte, où fut stationnée tout de suite la XXIIa
Deiotariana58. Lenvoi en Orient d’un chevalier romain issu de Narbonnaise apparaissait
curieux à A. Allmer59. Aussi était-il prêt à accorder quelque crédit à la lecture de la 1.3 par
l’érudit nîmois J.-Fr. Séguier (LEG XXI), et à supposer que nous avions affaire à la légion
XXIa Rapax, établie en Occident. Mais de tels déplacements ne sont pas inconnus. On
connaît plusieurs chevaliers romains de Narbonnaise qui servirent dans les légions
orientales60.
16 C’est à la suite des deux tribunats, si l’on admet qu’il faut intervertir l’énumération des
premières milices, qu’il aurait exercé la préfecture de cavalerie, puis obtenu la fonction
de praefectus castrorum. L’apparition de cette fonction serait suffisante pour établir une
datation haute de la carrière. Surtout elle permet de supposer, à la suite de S. Demougin
et de B. Dobson61, que L. Aponius [—] était un ancien centurion primipile, admis pour ses
mérites dans l’ordre équestre et autorisé à poursuivre une carrière militaire de ce rang.
Aussi peut-on penser que c’est un notable assez âgé que les Biterrois virent revenir dans
leur colonie. Ceci et le rang social acquis expliquent les dernières faveurs qu’il reçut dans
le cadre de la vie municipale. On retrouve de telles carrières dans d’autres cités de
Narbonnaise62.
17 Tout dépend à présent de la date que l’on peut attribuer à la préfecture pro duoviro. Dans
un premier temps nous avions supposé que le terminus ante quem ne devait pas être
nécessairement fixé au plus près de la date de la mort de C. César, en 4 ap. J.-C 63., et nous
avions estimé qu’une date proche du moment où ce jeune fils d’Agrippa, adopté par
Auguste, fut systématiquement mit en évidence par le princeps, pourrait convenir. Cette
hypothèse nous aurait donc placé après la prise de la toge virile en 5 av. J.-C., en tout cas
antérieurement au départ du jeune prince pour l’Orient en 1 av. J.-C., qui l’écartait
manifestement des affaires de la Narbonnaise et des clientèles qui s’y trouvaient 64. Ce
choix aurait pour effet de placer l’institution du flaminat de Rome et d’Auguste à Béziers 65
dans la dernière décennie du Ier s. av. J.-C. Mais on ne peut plus, à présent, ignorer les
conclusions de J.-Ch. Balty sur l’évolution du groupe statuaire du forum. Il apparaît qu’à
un moment que notre collègue place vers 12-11 av. J.-C., les statues d’Agrippa, de Julie et
325
d’Agrippa Postumus au moins vinrent s’ajouter à celle d’Auguste66. Faut-il penser que les
deux fils d’Agrippa, adoptés par le prince avaient été oubliés, soit un peu avant cette date
soit, surtout, à ce moment-là ? Cette supposition de J.-Ch. Balty est parfaitement justifiée.
Elle impose de conclure que des décisions de caractère honorifique furent prises en
faveur de Caius et Lucius César durant cette période67. Faut-il ajouter à l’érection de
statues l’honneur du duumvirat, attesté ici pour Caius César par l’épigraphie ? Ce serait
un argument pour adopter une date un peu plus haute que celle que nous formulions
précédemment. Et, du coup, l’institution du flaminat de Rome et d’Auguste pourrait se
placer dans la décennie 20-10 avant J.-C., dans la mesure où le service militaire, qui le
précède dans la carrière du personnage, ne peut se situer qu’après l’organisation de la
Galatie, en 25 av. J.-C., au lendemain de la mort du roi Amyntas68. /18/
Fig. 17. Inscription funéraire de P(ublius) Usulenus Veientonis f. ---] à Narbonne (Musée de Narbonne.
Cliché centre Camille-Jullian)
qui concerne le fils de Veiento, cette solution d’un second flaminat pour un membre de la
famille impériale apparaît comme la plus vraisemblable83. Mais elle a pour effet, si on la
retient, de placer le déroulement de cette carrière durant la dernière partie de la période
augustéenne, et surtout de nous écarter du moment où fut décidée l’installation d’un
desservant du culte impérial.
24 Le réexamen de ces quelques documents épigraphiques permet donc de nuancer nos
connaissances sur les débuts du culte impérial. Il conduit à écarter le seul texte qui
semblait apporter un témoignage sur l’organisation d’un culte de César divinisé en
Narbonnaise, dans la colonie d’Arles. C’est avec l’exaltation de son fils adoptif, et les
manifestations d’attachement et de loyalisme à son égard, que tout commence en matière
d’institutionnalisation du culte du souverain. Il est vraisemblable que les colonies de la
Transalpine avaient pu élever des statues à César et à son fils adoptif. Mais la colonie
d’Arles, en mettant en valeur les insignes ou symboles attribués au prince par le Sénat,
allait un peu plus loin. Faut-il croire qu’elle ne fut pas suivie par les autres colonies de
vétérans, ou même, plus largement, par les autres cités de la province ? Cependant ce
n’était pas encore l’institutionnalisation du culte par la mise en place d’un sacerdoce
spécifique.
25 Sur cet aspect du problème, l’épigraphie est d’un réel secours. Les révisions de la
documentation qui viennent d’être effectuées, si elles sont recevables, conduisent à
placer à Béziers une telle évolution dans la décennie 20-10 av. J.-C., et plutôt dans les
premières années de cette décennie que dans les dernières. Mais il semble difficile de
supposer que l’émulation entre cités ou, tout simplement, le désir d’imitation n’ont pas
conduit les unes et les autres à suivre un mouvement général. Même si chaque cité put
agir à sa guise, les décisions prises révèlent une certaine uniformité.
NOTES
1. Benoit 1952, p. 66 ; Gros 1987, p. 346-347.
2. CIL XII, 3148 et 3149 ; Gros 1984, p. 129.
3. CIL XII, 4333.
4. Une vue d’ensemble a été apportée par Demougeot 1968, p. 39-65.
5. On suivra pour l’interprétation du texte de Suétone, Tib., 4, Goudineau 1986, p. 173.
6. Les conclusions de Kromayer 1896, reprises par Piganiol 1962, p. 79-84, semblent
vraisemblables. Surtout, il apparaît bien quelles concordent avec les données fournies par Pline
l’Ancien lui-même, NH, III, 37 : Christol 1994 a, p. 53-55 [chapitre 6] ; Christol 1995 b, p. 102
[chapitre 7].
7. Gascou 1982, p. 132-145 ; Gascou 1985, p. 16-18.
8. Christol 1994 a, p. 55, 61-62 [chapitre 6].
9. Christol 1992 f, p. 37-44.
10. Gros 1987, p. 339-363.
11. Gros 1987, p 356-357 ; Gros 1990, p. 58. Pour l’ensemble du site urbain, on se référera à
Heijmans 1994, p. 141-149.
328
12. Benoit 1952, p. 55 (d’où AE 1952, 169), apporta une première édition, qui ne portait pas sur la
totalité des fragments. Elle fut complétée par Benoit 1953, p. 110 (d’où AE 1954, 104). Nous en
avons effectué une révision, avec des corrections aux dernières lignes, dans Christol 1996 c,
p. 307-312 [d’où AE 1996, 1008].
13. Devijver 1976-2001, I, p. 433-434, I 13 ; IV (Suppl. I), p. 1591 et V (Suppl. II), p. 2130 ; Pflaum
1978 a, p. 196 no 2, voir aussi p. 197 et 257 ; Dobson 1978, p. 172 ; Demougin 1988, p. 832 n o 70 ;
Demougin 1992, p. 80-81, no 70 ; Sablayrolles 1984, p. 240.
14. AE 1954, 104, ainsi que p. 90 (index).
15. Demougeot 1968, p. 49-50.
16. Demougeot 1968, p. 51-53.
17. Weinstock 1971, p. 408.
18. Gros 1987, p. 361, n. 78 ; cette hypothèse n’est pas retenue par Heijmans 1994, p. 147-148.
19. Dion Cassius, LI, 20, 6 ; Price 1984, p. 254, cf. 54, n. 3, 76 (Éphèse), 266 (Nicée). Pour Éphèse on
ajoutera J. Keil, Forsch. Eph. IV, 3 (1951), p. 280, n o 24 (J. et L. Robert, Bull, 1953,177) ; I. Eph. VII, 2,
4324. Voir aussi Weinstock 1971, p. 402.
20. Le dossier est commodément établi par Weinstock 1971, p. 401-414, mais il contient des
interprétations contestables.
21. Fishwick 1987, p. 130, n. 234.
22. Voir en dernier Magioncalda 1991, p. 7-8.
23. On citera par exemple CIL IX, 2628 (ILS 72) ; Genio Deivi Iuli parentis patriae,... ; CIL VI, 872 (ILS
73) : Divo Iulio, iussu populi Romani... ; CIL X, 512 (ILS 74) : Divo lulio civit. Zmyrnaeorum, etc. On peut
aussi citer des textes littéraires : Suet., Aug., 15 ; Val. Max., I, 6, 13, etc.
24. CIL III, 386, cf. p. 977 (ILS 2718) à Alexandria Troas : Weinstock 1971, p. 405 ; CIL V, 4459 (ILS
6715) à Brixia : Weinstock 1971, p. 407 ; CIL VIII, 7986 (ILS 6682) = ILAlg. II, 1, 36, à Rusicade :
Weinstock 1971, p. 410 ; West 1931, p. 50, n o 68, cf. PIR 2. I 587 : Weinstock 1971, p. 405, et S.
Demougin 1992, p. 469-470, no 564.
25. Syme 1958 a, p. 183 et p. 185.
26. Magioncalda 1991, p. 3-10.
27. On trouve un bref inventaire dans E. Ciccotti, Dizionario epigrafico di Antichità romane, I, Rome,
1895, p. 918. Voir infra pour les exemples.
28. CIL XI, 1420 (ILS 139).
29. CIL IX, 2845 (ILS 915).
30. CIL XI, 804 (ILS 3218).
31. IRT 319 ; Fishwick 1992, p. 87 ; Kotula 1983, p. 216.
32. CIL X, 823 ; voir aussi dans cette cité CIL X, 830, pour un notable, Augusti Caesaris sacerdos. Il
s’agit de M. Holconius Rufus (Demougin 1992, p. 120-121, n o 117) qui est appelé à la fois Augusti
sacerdos (CIL IV, 1886) flamen Caesa[ris Augusti] (CIL X, 847), flamen Augusti (CIL X, 838, cf. p. 968), et
Augusti Caesaris sacerdos.
33. CIL X, 6305.
34. CIL V, 18 (ILS 110). Mommsen avait plusieurs fois insisté sur le fait qu’une telle dénomination
convenait à des cas dans lesquels on évoquait moins le prince lui-même que sa divinité (ad CIL X,
823 et 6305). Son commentaire fut signalé par Dessau (ad ILS 110), qui faisait observer que,
toutefois, dans dautres inscriptions, c’était bien le prince vivant qui était concerné : on connaît
ainsi un lictor Augusti Caesaris (CIL IX, 4057).
35. Sablayrolles 1993, p. 49-53.
36. Voir déjà Christol 1996 c, p. 311-312. Le texte de l’inscription d’Arles se présente donc de la
sorte : D(ecreto) d(ecurionum), [ob] merita in r(em) p(ublicam) [—]o T(iti) f(ilio) Ter(etina tribu)
[prim]opilo bis, [trib]uno militum bis, [pr]aefecto equitum bis, praefecto c[a]strorum, praefecto fabrum,
praefecto navium, ex conlegio Honoris et Virtutis, Ilvir(o) bis, aug[uri], flamini Romae et [Aug(usti)]
Caesaris.
329
37. La datation de Weinstock 1971, p. 408, n. 11 (« Neronian âge ? ») est irrecevable. Notre
restitution a l’avantage de fournir un critère de datation incontestable. Elle confirme les
propositions avancées par Pflaum 1978 a, p. 196 (époque d’Auguste) et par Demougin 1992, p. 80
(premières années du règne d’Auguste).
38. Weinstock 1971, p. 408-409 (avec n. 12), estimait qu’à Riez existaient aussi des traces d’un
culte pour César. Mais l’inscription CIL XII, 370 = ILN Riez 16, n’apporte rien en ce sens. Une
restitution du flaminat du Divus lulius est difficile à imaginer, sauf à transformer profondément le
texte qui a été transmis. On se référera au commentaire de l’inscription par A. Chastagnol, dans
l’édition récente des inscriptions de Riez. Déjà, dans l’index de CIL XII, p. 904 et 936, O. Hirschfeld
n’avait retenu cette possible restitution d’un texte très incomplet qu’avec des réserves.
39. Sur le petit monument qui se trouvait au centre du forum et sur sa destination, voir la
description de Gros 1987, p. 345-350.
40. Balty 1995.
41. Balty 1995, p. 38-40 et 121.
42. Éditions des deux parties : A. Allmer, Rev. épigr., I, 1882, p. 328, n o 363 ; Noguier 1891, p. 221, no
7 ; Noguier 1883, p. 23, no 7 ; CIL XII, 4230 ; A. Allmer, Rev. épigr., III, 1891, p. 119, n o 864 ; HGL XV,
1517 ; ILGN 558 (qui indique par erreur que l’inscription se trouve « actuellement au Musée ») ;
Christol 1995 b, p. 108, no 1 (Appendice : sénateurs et chevaliers originaires de Béziers).
43. Christol 1995 b, p. 109.
44. A. Allmer, Rev. épigr., III, 1891, p. 119, n o 864, qui revient ainsi sur sa position précédente (Rev.
épigr., I, 1882, p. 328, no 363). Ce point de vue n’a pas été repris par Burnand 1975, p. 122.
45. Fabre 1981, p. 146-150.
46. Demougin 1992, p. 121-123, n o 118 à propos de AE 1913, 235 et AE 1914, 260, ainsi que
p. 337-339, no 413 sur AE 1927,172. Voir aussi Mennella 1989, p. 377-389.
47. En sens contraire, Clavel 1970, p. 169, p. 505-506. Sur les débuts de la carrière, qui
n’apparaissent pas, voir infra.
48. Sur le titre, Aymard 1948, p. 414-417.
49. Demougeot 1968, p. 56.
50. Clavel 1970, p. 456.
51. Tacite, Annales, I, 29, 2.
52. PIR 2, A 934 : « fortasse non diversus ».
53. Clavel 1970, p. 601-602 ; H. Devijver, 1976, I, p. 115-116, n o 150 (avec une réserve) ; Pflaum
1978 a, p. 195 ; Demougin 1988, p. 365 (avec une réserve à la n. 48) ; Demougin 1992, p. 178.
54. Sur les structures institutionnelles de la colonie, Clavel 1970, p. 167-169.
55. Dobson 1978, p. 169-170, no 8.
56. Demougin 1988, p. 336-344.
57. Mitchell 1976 a, p. 298.
58. Mitchell 1976 a, p. 301.
59. A. Allmer, Rev. épigr., I, 1882, p. 329.
60. C. Passerius Afer, de Vienne, servit aussi en Égypte : CIL XII, 1872 ; Pflaum 1978 a, p. 200-201, n
o 10 ; Demougin 1992, p. 255-256, no 300. M. Coelius Rectus, de Vienne, servit en Syrie : CIL XII,
1867 ; Pflaum 1978 a, p. 208, no 5 ; Demougin 1992, p. 625, no 729. L. Valerius Optatus, d’Alba des
Helviens, servit en Syrie : CIL XII, 2676 ; Pflaum 1978 a, p. 207-208, n o 4. Voir aussi Schwartz 1962,
p. 1397-1406.
61. Demougin 1988, p. 372-376 ; Dobson 1978, p. 169.
62. Christol 1982 b [voir aussi Christol 2004 f, p. 102-117].
63. Kienast 1990, p. 73-74, sur la chronologie de Caius Caesar.
64. Christol 1995 b, p. 110.
330
65. De même que dans la colonie d’Arles, Auguste devait être associé à la déesse Rome, comme le
montre une inscription de haute époque relative à un autre chevalier romain qui fut flamen
Romae et divi Augusti : CIL XII, 4233 ; Christol 1995 b, p. 112-113, n o 2.
66. Balty 1995, p. 121.
67. Balty 1995, p. 121 : « Je vois mal que Gaius et Lucius, voire leurs sœurs, n’aient point été
présents dans ce groupe familial... »
68. Sur cette date, qui correspond aussi à la création de la XXIIa Deiotariana, voir en dernier
Mitchell 1976, p. 299.
69. CIL XII, 4426 et add. ; HGL XV, 96 (copies d’Allmer et de Lebègue).
70. Herzog 1864, Ap. epigr., no 22, p. 11.
71. CIL XII, p. 935.
72. A. Lebègue, commentaire de HGL XV, 96. Gayraud 1981, p. 332, hésite entre les deux solutions ;
voir aussi p. 339, n. 154.
73. On éclairera cette question à l’aide de Jacques 1984, p 211-224. Cette position de la questure
au sein des magistratures se retrouve dans les colonies de la Catalogne septentrionale, Mayer
1989, p. 77-87.
74. État de la question dans Gayraud 1981, p. 367.
75. C’est le cas dans la péninsule Ibérique : R. Étienne, Le culte impérial dans la péninsule Ibérique
d’Auguste à Dioclétien, Paris, 1958, p. 236, n. 7. L’inscription de Béziers (CIL XII, 4241) invoquée par
Gayraud 1981, p. 367, n. 362, ne peut apporter de confirmation, car l’itération concerne la
questure.
76. On citera à ce propos quelques exemples, provenant de la péninsule Ibérique, et qui
concernent des personnages de haut niveau social : CIL II, 4249 (ILS 6933), sur M. Valerius M. fil.
Gal. Aniensi Capellianus, Damanitanus, qui fut adlectus in coloniam Caesaraugustanam ex beneficio
divi Hadriani, omnib. honorib. in utraq. rep. funct. ; CIL II, 4277 (ILS, 694) sur C. Valerius Avitus, IIvir,
translatus a divo Pio ex municip. August. in col. Tarrac.
77. Il faut mentionner le chevalier romain L. Aufidius Vinicianus Epagatinus, issu de Fundi (CIL
XII, 4357). Mais il n’exerça aucune responsabilité publique à Narbonne, semble-t-il.
78. Le nom de P. Usulenus Veiento apparaît en effet sur des amphores du type Pascual 1,
produites dans un vaste secteur artisanal mis au jour à Llafranc, situé au centre de la côte
ampurdane : voir Christol 1997 a, 1998 c [chapitre 31], 1998 i, 1999 e et 2000 d [chapitre 25].
79. Flamen Martis : CIL XII, 1899, etc. ; flamen Iuventutis : CIL XII, 1783, etc. Ce sont de grands
personnages dans leur cité [voir chapitre 20].
80. On trouvera des références dans H. Dessau, ILS III, 1 (index VIII), p. 571-572, en rapport avec
les cultes des cités d’Italie.
81. À Nîmes, CIL XII, 3180 : flamen Rom[ae et D]iui Aug., item Dr[usi] et Germ(anici) Caes(arum) ; à
Nîmes, CIL XII, 3207 : [flamen Roma]e et Divi Au[g. item Drusi et Germa]nici Caesar[um]. À Vienne un
notable de rang équestre, C. Passerius Afer, a été successivement flam(en) Divi August. d(ecreto) d
(ecurionum) et flam(en Germ(anici Caes(aris) : CIL XII, 1872.
82. CIL XII, 4363. Le personnage, dont l’inscription est mutilée, est par son père originaire d’Aix-
en-Provence. La mention éventuelle de la prêtrise de [flamen Germanici Caes]aris est fondée sur
une longue restitution. On pourrait aussi envisager la restitution [flamen Romae et Augusti
Caes]aris, comme pour le chevalier romain d’Arles (AE 1954, 104), dont on a examiné la carrière
plus haut. Gayraud 1981, p. 366-367, le considère comme flamme de Germanicus à Narbonne, en
suivant ainsi l’avis de Hirschfeld. Voir aussi Pflaum 1978 a, p. 251, qui adopte le même point de
vue. On pourrait aussi envisager qu’il ait été préfet d’un membre de la famille impériale nommé à
la magistrature municipale suprême.
83. Elle serait un témoignage incontestable de l’importance de son rang social, car tous les
flamines de Germanicus et de Drusus que nous avons évoqués plus haut appartenaient à l’ordre
équestre : Pflaum 1978 a, p. 200, p. 209, p. 225-226, p. 253, p. 265-266.
331
NOTES DE FIN
*. Revue archéologique de Narbonnaise, 32, 1999, p. 11-20.
332
1 Dès sa découverte, en 19651, l’inscription de Lattes qui faisait connaître l’association des
artisans et celle des bateliers établies dans cette localité, sise dans le territoire de la cité
antique de Nîmes2, connut une belle notoriété, tant dans la presse régionale que dans la
presse nationale3. Puis elle trouva par les soins d’Émilienne Demougeot un commentaire
en proportion de son intérêt quand, grâce à Hubert Gallet de Santerre, alors directeur de
la circonscription archéologique du Languedoc-Roussillon, celle-ci en reçut
communication aux fins de publication4. L’article, paru en 1966, comportait d’amples
développements sur la vie religieuse et sur la vie institutionnelle de cette agglomération
secondaire dont le riche passé commençait à émerger5 : en effet les fouilles de Henri
Prades avaient déjà démontré la richesse et l’importance du site archéologique sur une
longue période, et elles ne cessèrent d’apporter ensuite de nouveaux éléments6.
Rappelons que l’inscription, qui fut mise au jour par un ouvrier agricole dans une parcelle
dépendant du Mas Saint-Sauveur, avait été sauvée par cet archéologue passionné, à qui
tout ce qui concernait l’archéologie du Montpelliérais était familier7.
2 Le texte a été gravé dans le cadre rectangulaire allongé (22 cm x 55 cm) et mouluré qui lui
sert de support8. La lecture est aisée. La seule perte du texte est minime. Elle se trouve en
bas à gauche, dans une partie de la plaque qui a subi quelques dégradations : à la ligne 5,
qui est la dernière de l’inscription, le premier des trois mots a disparu dans une cassure,
sauf l’extrémité de la dernière lettre. E. Demougeot avait hésité entre deux restitutions :
soit la préposition pro, qui lui permettait d’envisager le développement pr(o) mer(itis) eor
(um), soit la préposition ob, qui conduisait pour sa part au développement ob mer(ita)
eorum)9. Elle adoptait la première solution, tout en reconnaissant que les traces
convenaient aussi bien à la partie supérieure d’un R qu’à celle d’un B, et qu’il était
impossible de retrouver le O final de la préposition dont elle avait retenu la restitution :
« La première lecture, qui semble la plus satisfaisante à cause de la symétrie de ces trois
groupes de trois lettres – sur la pierre, à l’emplacement du groupe gauche disparu, il y a
333
trace de la bourse d’un R, qui peut cependant être aussi un B, mais rien ne reste d’un O –
aboutirait à la traduction suivante : « pour les bienfaits reçus de ces divinités », écrivait-
elle10. Or l’examen de l’inscription, ou même de la photographie jointe à la publication,
ôtent tout doute. Entre les traces subsistantes de la lettre conservée (R, B, ou même P), et
le point séparatif que l’on peut voir immédiatement à droite, il n’y a pas de place pour
une quelconque lettre supplémentaire : la préposition pro doit donc être exclue. C’est la
préposition ob qui a été gravée.
3 Il faut donc développer ob mer(ita) eor(um)11. c’est-à-dire accepter la restitution alternative
qu’avait présentée Émilienne Demougeot, mais qu’elle n’avait pas souhaité adopter.
Toutefois, comme elle-même l’avait alors bien vu, cette solution conduisait à une autre
d’interprétation.
4 Mais, avant d’en venir au commentaire de l’ultime élément du texte, il convient de
présenter celui-ci dans son ensemble et d’en proposer une analyse globale. L’inscription
se présente ainsi :
DEO•MARTI•AVG.
ET•GEN•COL•IIIIIIVIR
AVG·T•EPPIL•ASTRAPTON
FABR•ET•VTRIC•IATTAR
[O]B•MER•EOR•
5 Le sens du texte n’apparaît pas d’emblée. E. Demougeot elle-même n’était parvenue à
l’éclairer qu’à la suite de développements détaillés et de minutieuses discussions. Si l’on
souhaite reprendre le commentaire de cette inscription, il convient de la rapprocher de
textes voisins ou parallèles, rassemblés à partir de quelques constatations de caractère
général : leur texte concerne la dédicace d’une offrande, à laquelle sont mêlées une ou
plusieurs associations, soit de caractère professionnel soit de nature funéraire ou
cultuelle, ainsi qu’une personne qui, à l’occasion, est mise en évidence ou se met en
évidence. L’ouvrage de J.-P. Waltzing, même déjà centenaire12, se prête à un
dépouillement instructif, que d’autres enquêtes pourraient sans aucun doute élargir ou
parachever d’illustrer. Sans prétendre à l’exhaustivité, on retiendra de cet ouvrage
quelques témoignages qui paraissent suffisamment intéressants : ils font connaître des
situations voisines les unes des autres, en sorte que les nuances de formulation que l’on
peut relever apportent des variations d’éclairage très significatives et surtout
convergentes.
6 1) CIL II, 2818 (J.-P. Waltzing, III, p. 10-11 ; Uxama, province de Citérieure) : Lugovibus
sacrum ; L(ucius) L(icinius) Vrcicus collegio sutorum d(onum) d(edit) ; c’est-à-dire : « Consacré
aux Lugoves. Lucius Licinius Vrcicus l’a donné comme offrande pour le profit du collège
des sutores ».
7 Il faut s’expliquer sur cette traduction. L’objet consacré aux Lugoves a été donné par
Lucius Licinius Vrcicus : c’est une offrande religieuse (donum) 13. et non l’exécution d’un
voeu14. Mais ce personnage n’a pas offert cet objet pour son propre compte et pour son
propre profit ; l’offrande est à mettre au profit du collège des cordonniers (sutores) : ces
artisans sont donc désignés comme les véritables initiateurs de l'offrande et les éventuels
destinataires en retour des bienfaits des divinités, dont il convient de capter la
bienveillance. C’est entre eux et les Lugoves que s’établit la relation religieuse, en sorte
que l’on a estimé pouvoir définir ces divinités comme chères à ce groupe d’artisans 15.
Mais ces derniers ne sont pas eux-mêmes les ultimes donateurs, ou bien ceux qui ont
matériellement remis l’offrande, qui entrait désormais dans la propriété du dieu.
334
8 Le donateur mentionné dans le texte était-il membre du collège ? Rien ne vient l’établir.
Mais il en était certainement très proche sans aucun doute, en sorte qu’il pouvait dans de
telles circonstances se mettre aisément en évidence lorsqu’il réalisait cette offrande
religieuse. On peut donc envisager de façon très vraisemblable qu’il a lui-même fait le
cadeau de l’offrande que souhaitaient remettre les artisans à leurs divinités : une statue ?
un édifice cultuel ? On ne sait, mais le contexte de l’inscription, qui à présent nous
échappe, l’indiquait clairement. Le collège des sutores est désigné comme bénéficiaire de
l’objet offert en cadeau. Il n’a pas eu à se soucier des frais entraînés par son acte religieux.
Cette charge a été assumée par le personnage qui est mentionné individuellement par
l’inscription. Cet homme n’est donc qu’un intermédiaire qui règle les questions
matérielles. Il agit peut-être pour les sutores, mais il n’est certainement pas à la source de
l’offrande. C’est son acte de bienfaisance qui lui permet d’apparaître dans le texte qui
conserve la mémoire de l’acte, et au texte gravé de donner l’impression qu’il joue un rôle
essentiel, alors qu’il ne joue qu’un rôle auxiliaire.
9 Dans cette inscription l’acte évergétique de L(ucius) Licinius Urcicus, le cadeau dont il
gratifie les cordonniers, est venu un peu masquer la réalité religieuse et occulter la place
des modestes sutores à l’avantage de leur bienfaiteur. D’autres exemples confortent cette
interprétation en montrant que les formulations étaient variables.
10 2) CIL II, 4498 - IRCatalogne IV, Barcino, 14 (J.-P Waltzing, III, p. 16 ; Barcino, province de
Citérieure) : Minervae Aug(ustae) ; N(umerius) Aufustius Homuncio (se)vir Aug(ustalis) collegio
fabr(um) dono posuit. C’est-à-dire : « (Consacré) à Minerve Augusta ; N(umerius) Aufustius
Homuncio, sévir augustalis, a élevé (la statue ?) en offrande pour le profit du collège des
artisans ». Dono posuit : l’expression vise spécifiquement Minerve et l’objet qui a été élevé
en offrande et qui devient alors son bien. Mais dans le texte s’ajoute, comme dans
l’inscription précédente, le datif collegio. N(umerius) Aufustius Homuncio, sévir augustal,
qui a accompli l’acte matériel, a agi non pas au nom ou à la place du collège des artisans 16 :
il n’est pas acteur religieux, sinon de façon subalterne. Il s’est contenté de se substituer
aux membres du collège du point de vue matériel. Il les a aidés à honorer Minerve comme
ils le souhaitaient. Il leur a fait cadeau de l’objet qui devait être offert à la déesse 17. On
pourrait être tenté de sous-entendre : (quod) collegio fabr(um) (dederat), mais est-ce
nécessaire ? Le datif collegio est un datif d’intérêt. Ainsi l’acte religieux relevait du collège
lui-même : les artisans avaient décidé d’honorer Minerve pour leur profit18. Mais parce
qu’il les avait aidés matériellement dans cette entreprise, N(umerius) Aufustius Homuncio
pouvait apparaître au premier plan dans le texte qui conservait la mémoire de l’acte. À
quelques nuances près, le texte est très voisin de l’inscription de Lattes.
11 3) CIL III, 3580 (J.-P. Waltzing, III, p. 102-103 ; Aquincum, Pannonie supérieure) : C(aius)
Iulius Severus coll(egio) fabrum Sil(v)anum pecunia sua fecit, Muciano et Fabiano co(n)s(ulibus).
C’est-à-dire : « C(aius) Iulius Severus a fait faire à ses frais la statue de Silvain pour le
profit du collège des artisans ; sous le consulat de Mucianus et de Fabianus (en 201 ap. J.-
C.) ». Les données de cette inscription sont précieuses, mais le texte ne relate qu’une
partie des faits, comparativement à ce qu’apprennent les précédentes inscriptions. Il est
d’ailleurs possible qu’il faille interpréter l’acte comme un pur acte d’évergétisme, destiné
à orner d’une statue le local de réunion des artisans, sans qu’il y ait acte religieux19.
Néanmoins on peut constater une fois de plus combien dans le fonctionnement de la vie
quotidienne de cette modeste association professionnelle comptait l’intervention de telle
ou telle personne qui lui était extérieure et qui se manifestait par un acte de générosité20.
335
Néanmoins, dans les textes examinés plus haut, puis dans ceux qui vont l’être, s’ajoute
plus clairement que dans celui-ci un élément religieux.
12 4) CIL III, 882 (J.-P. Waltzing, III, p. 81 ; Potaissa, Dacie) : Isidi Myrionymae C(aius) Iul(ius)
Martialis pater et L(ucius) Livius Victorinus quaestor collegio Isidis d(onum) d(ant). C’est-à-dire :
« A Isis aux mille noms ; Caius Iulius Martialis, père du collège, et Lucius Livius Victorinus,
questeur, ont fait l’offrande pour le profit du collège d’Isis ». Le texte ressemble à ceux
que nous avons examinés en première puis en deuxième place. Il s’agit d’une offrande à
Isis : la déesse a reçu une offrande par le groupement de ses dévots, le collegium Isidis. Il
est en effet impossible que l’offrande ait été consacrée à la divinité sans que le collège soit
impliqué : celui-ci est d’ailleurs lui-même nommé dans le texte, et les deux personnages
cités ne sont que les émanations du groupe. Ils en assurent la représentation ; ils ne
paraissent pas agir d’eux-mêmes dans le domaine religieux, mais au nom de l’ensemble de
leurs collègues, qui sont les véritables initiateurs de l’acte religieux. De plus ils n’agissent
pas pro collegio, comme d’autres pro se et suis. Ils n’ont pas pris une initiative religieuse au
profit de leurs associés. Tout simplement, ils ont pris en charge eux-mêmes les éléments
matériels correspondant à l’intention religieuse de leurs compagnons. Le pater et le
quaestor agissent au nom du groupe dont ils assuraient l’administration, mais pas à sa
place. Ils ont déchargé leurs compagnons des frais de l’offrande que la communauté
voulait offrir à la divinité, sans doute une statue ou un autel, ou les deux à la fois. Une fois
de plus le texte est explicite sur la nature des bienfaiteurs qui ont assumé l’exécution de
l’acte religieux.
13 5) CIL III, 4779 (J.-P. Waltzing, III, p. 111 ; Virunum, Norique) : Genio Aug(usto) sacr(um)
iuventutis Manliensium gentiles qui consistunt in Manlia ; in hoc donum dedit Campanius Acutus
(sestertios) n(ummos) c(entum). C’est-à-dire : « Consacré au Génie Auguste de la jeunesse de
Manlia ; les gentiles qui sont établis à Manlia ; dans cette offrande Campanius Acutus a mis
cent sesterces. » Le texte distingue avec le plus grand soin les deux aspects que nous
tentons de dégager grâce aux exemples examinés ci-dessus. La première partie du texte
concerne l’acte religieux : il s’agit d’honorer le génie de l’association des juvenes par une
offrande, appelée un peu plus loin donum. Par la suite nous apprenons qu’un certain
Campanius Acutus a pris à sa charge cette offrande pour un montant de cent sesterces.
D’une manière explicite cette offrande est donnée au dieu par le groupe : les initiateurs
sont donc bien désignés. De même le bienfaiteur a sa place. Mais le texte distingue
nettement les deux niveaux de l’affaire : celui de l’acte religieux d’une part, celui de
l’évergétisme d’autre part. Le texte n’inclut pas au datif la mention du groupe qui a
bénéficié de la générosité du personnage cité. La formulation emprunte une autre voie
pour dire le tout. Mais le texte doit être compris comme tous les précédents. Mieux : il les
éclaire.
14 Nous sommes plus à l’aise désormais pour revenir à l’inscription de Lattes et pour tenter
de la réinterpréter. Il s’agit d’une offrande religieuse à Mars Auguste et à un génie qu’il va
falloir définir : les premiers mots au datif correspondent à des datifs d’attribution ou de
destination. Il s’agit des divinités que l’on a souhaité honorer. Mais cette offrande a été
décidée par les deux associations professionnelles établies à Lattara, les fabri d’une part,
les utricularii Iattarenses d’autre part 21. Il arrive parfois que des collèges agissent en
commun, même si cette pratique n’est pas très fréquemment attestée : toutefois elle
apparaît à plusieurs reprises en Cisalpine, particulièrement à Brixia/Brescia : nous
reviendrons d’ailleurs souvent sur la riche documentation qui provient de cette cité22,
mais il faut d’ores et déjà relever que les exemples se rapportent souvent à des hommages
336
destinés à des bienfaiteurs, donc à des personnages qui pouvaient aisément susciter la
mise en commun des remerciements et des reconnaissances. Or l’inscription de Lattes se
place dans un contexte différent, puisqu’il s’agit d’offrandes à des divinités. Leur
caractère religieux est évident, car il introduit des éléments spécifiques : on ne doit pas
l’oublier si l’on veut apprécier au plus juste le sens à donner au regroupement de ces deux
collèges professionnels. Pour l’instant il suffit de retenir que dans le texte de l’inscription
de Lattes, sur le modèle des exemples examinés plus haut, il faut, à la ligne 4, développer
au datif l’énoncé des collèges : fabr(is) et utric(laris) Iattar(ensibus). Pour ce groupe de mots,
l’usage du datif correspond au datif d’intérêt.
15 T(itus) Eppil(ius) Astrapton, dont il conviendra plus loin de mieux cerner la personnalité,
prend donc à sa charge le don des fabri et des utriclarii. Il se sent engagé à leur égard, et
souhaite les remercier, car il évoque leurs merita, par un langage qui est bien courant dans
les échanges officiels. Il justifie ainsi sa générosité, contre-don des mérites qu’ils ont
acquis auprès de lui. Il les aide, mais il peut aussi se mettre en valeur à l’occasion. On doit
en effet définir les mérites de la dernière ligne du texte comme les mérites acquis par les
membres des deux associations réunies, et non comme les mérites des dieux : ob mer(ita)
eor(um)23.
16 Tout en reconnaissant qu’elle était envisageable, E. Demougeot avait écarté cette solution.
Mais dans la discussion elle avait laissé entrevoir quelles seraient les interprétations à
développer s’il fallait aller vers cette alternative quelle ne souhaitait pas retenir : « Cette
formule d’“ob merita eorum” serait un acte de gratitude de la part de T(itus) Eppilius
Astrapton envers les fabri et utricularii qui l’avaient aidé dans son entreprise : il les aurait
associés à cet ex-voto qu’il offrait à Mars Auguste24... » Il y a bien révélation de liens entre
Astrapton et les deux corporations de Lattes mais, à la lumière du dossier épigraphique
déjà présenté, il faut tenir compte que le texte rédigé attribue la plus belle place au
bienfaiteur et qu’il restreint en conséquence la place des bénéficiaires de son geste, alors
que ce sont vraisemblablement ces derniers qui sont à l’origine de l’acte religieux. Cette
interprétation semble éclairer au mieux l’inscription de Lattes, si nous pouvons nous
laisser guider par les commentaires des inscriptions précédemment rassemblées.
17 On peut dès lors s’intéresser à la place de Mars, le dieu qui vient en tête. C’est le dieu des
fabri et des utricularii de Lattes, honoré par ceux-ci, et non le dieu de T(itus) Eppil(ius)
Astrapton25. Mis en évidence de la sorte par ces deux associations d’artisans et de
bateliers, il acquiert une position plus collective, en devenant le protecteur des deux seuls
groupes professionnels connus dans l’agglomération. L’appellation Deus Mars permet
d’envisager avec une très grande vraisemblance que cette divinité serait locale26 et qu’elle
avait reçu à un certain moment, à la place de son nom indigène, qui nous échappe pour
l’instant, le nom de la grande divinité romaine, à qui elle pouvait quelque peu ressembler,
tant pour la place dont elle disposait dans le panthéon local que par les fonctions quelle y
assurait. Le dieu Mars, en Gaule, quand il se substitue par le nom à une divinité indigène,
assume le rôle de dieu protecteur du groupe27, ce qui, dans le Languedoc des Romains,
peut se vérifier par le nombre des attestations d’une part et par le rôle que joue la divinité
dans les panthéons locaux d’autre part.
18 On peut considérer qu’il s’agirait d’un dieu essentiel dans le panthéon local, peut-être
même du dieu principal. Le qualificatif d’Auguste pourrait indiquer que par son
intermédiaire s’exprimaient les intentions de ses dévots au profit de l’empereur : qui,
mieux qu’un dieu important du panthéon, pouvait accueillir le prince à ses côtés ou bien
être le protecteur attitré de la personne impériale, en recevant les voeux et les prières des
337
artisanales des fabri et si les activités batelières des utricularii étaient importantes dans la
vie de l’agglomération, ces associations pouvaient aisément encadrer l’essentiel de la
population et en quelque sorte en assumer la représentation face aux divinités de la
religion locale.
20 C’est en tout cas un aspect original de la vie associative qui apparaît dans la cité de Nîmes,
car jusqu’ici les documents relatifs aux associations, artisanales ou non, les faisaient
connaître dans leur fonction funéraire. C’est le cas à Tresques, dans la partie orientale du
territoire, où une association de centenaires, qui ne se définit pas par rapport à un lieu
particulier pour son ancrage, parce que peut-être le fait était patent pour tous dans le
contexte de l’inscription, assume les frais d’obsèques et de sépulture de son président
(magister), T(itus) Craxxius Severinus38. En remplissant son rôle funéraire, l’association de
Tresques répond à une fonction courante des associations professionnelles ou artisanales.
Mais on évoquera aussi une inscription de Beaucaire, relative aux centonarii Vcernenses 39.
C’est aussi, pour l’instant, la seule association d’artisans connue dans cette agglomération
secondaire de la cité de Nîmes, qui pour son propre développement profitait largement de
la proximité d’Arles. De la même manière que l’inscription de Lattes, cette inscription de
Beaucaire dénomme l’association par son lieu d’implantation, ce qui montre bien que le
fait associatif n’était pas concentré dans le chef-lieu, à Nîmes, ou qu’il ne s’exprimait pas
au seul profit de celui-ci. Si la vie politique avait un foyer commun, le fait associatif était
assez diffus et dispersé dans le territoire. Ses manifestations permettaient de mieux
structurer la vie collective des communautés subordonnées, loin du centre urbain
principal.
21 L’inscription de Beaucaire et celle de Tresques ont un caractère funéraire. Mais là s’arrête
la comparaison des deux textes. L’inscription de Beaucaire se trouve sur un autel de
bonnes dimensions et d’une excellente facture. Le texte lui-même a été soigneusement
présenté et gravé. En revanche l’inscription de Tresques se trouve sur une stèle de qualité
médiocre, dont la gravure semble passablement grossière. Lecart de qualité entre les
supports épigraphiques est patent. Qui plus est : le texte de l’inscription de Beaucaire,
comme celui de Lattes d’ailleurs, a recours à un des mots essentiels du vocabulaire public,
celui qui concernait la cité et les meilleurs de ses membres, le mot de merita. Ce terme
fleurissait dans les chefs-lieux des cités, dans le texte des hommages publics rendus aux
notables40. Les centonaires de Beaucaire ont agi ob merita, font-ils écrire41. Cette indication
place la défunte, Moccia C.f. Silvina, dans une position de bienfaitrice plus que de membre
de l’association, même éminent : c’est la situation que détiennent face aux associations
bien des personnages cités plus haut et, dans le cas de Lattes, la position reconnue au
sévir T(itus) Eppil(ius) Astrapton42. Ainsi, les centonaires d’Ugernum se sont placés dans
le contexte des hommages publics, ceux qui sont destinés à mettre en évidence les
personnes qui les ont obligés par l’octroi de cadeaux ou de bienfaits. On peut donc
constater avec quelle facilité les associations pouvaient reprendre les usages en vigueur
au niveau le plus élevé de la vie municipale. Au sein des diverses agglomérations
secondaires de la cité de Nîmes dont on vient de parler, on peut ainsi se rendre compte du
rôle que jouaient les associations, de leur capacité d’appropriation du langage civique,
indiquant peut-être quelles se sentaient les plus aptes à détourner cette pratique et à la
reprendre à leur propre compte : un mimétisme qui peut se comprendre si, précisément,
ces organisations constituaient l’élément le plus émergent de la vie collective locale,
offrant un succédané de l’ordo installé au chef-lieu.
339
22 Elles pouvaient donc, par l’expression épigraphique de leurs propres activités, mettre en
évidence tel ou tel de leurs membres - en général un de leurs notables-, ou tel ou tel
personnage qui leur était extérieur mais qui comptait fort pour elles. L’inscription de
Tresques illustre le premier cas, celui d’un des grands personnages de l’association,
important localement, mais de quel poids dans le macrocosme civique de Nîmes ? Celle de
Beaucaire illustre l’autre cas envisagé. Mais alors Moccia C.f. Silvina semble prendre un
peu plus de relief lorsque l’on prend en visée l’au-delà du cadre local : on s’attend
davantage à la retrouver un jour prochain, par un autre document, dans une position
élevée43.
23 L’inscription de Lattes offre une variante d’expression de cette dernière situation, mais de
façon plus explicite. T(itus) Eppil(ius) Astrapton n’est certainement pas membre de l’une
ou de l’autre des deux associations citées, mais il leur est lié, comme l’était Moccia C. f.
Silvina aux centonarii Vcernenses. Il est capable de nouer avec elles les échanges de don et
de contre-don qu’appelle l’expression ob merita. Il est comparable au notable
d’importance qui au chef-lieu de cité, par sa surface sociale, attire l’attention et peut
imprimer sa marque aux décisions collectives. Le sens du texte devient ainsi de plus en
plus clair. T(itus) Eppil(ius) Astrapton est un personnage d’un certain relief à Lattes, mais
il peut ne pas être un habitant permanent du lieu. Il est lié aux associations
professionnelles, en sorte qu’il peut résider, temporairement ou même peut-être un peu
durablement, en ce lieu. Quoi qu’il en soit, il peut faire cadeau aux fabri et aux utriclarii
Lattarenses de l’offrande que ces derniers destinaient aux divinités mentionnées en tête du
texte, le Deus Mars Augustus et une autre divinité dont l’identité a été aussi l’objet de
discussions.
24 E. Demougeot estimait possible de définir ce génie comme celui du collège des sévirs
augustaux, bien sûr ceux de Nîmes, dont aurait fait partie T(itus) Eppil(ius) Astrapton.
Même si rien n’est indiqué de façon précise, le sens peut être aisément découvert : si
Astrapton avait été membre d’un collège de sévirs augustaux dans une autre cité, cette
extranéité aurait été sans aucun doute mise en évidence, à partir du moment où le titre
de sévir apparaissait. E. Demougeot l’avait bien vu d’ailleurs, persuadée qu’il fallait à un
certain moment sous-entendre l’adjectif Nemausensium, après l’énoncé du collège 44. Dans
le sens de son explication, elle restitue donc : Deo Marti Aug(usto) et Gen(io) col(legii) (se)-vir
(orum) Aug(ustalium). Elle récuse à bon droit qu’il s’agirait du génie des deux collèges
locaux45. Mais un autre éclairage est possible, précisément parce que l’on peut attribuer
un caractère quasi officiel à l’acte accompli.
25 Plusieurs raisons conduisent à s’engager dans cette direction. D’abord, parce que
l’association de deux collèges pour un acte religieux est significative46. Dans les exemples
cités plus haut c’est la singularité dans les termes de la relation qui l’emporte : un collège,
une personne qui lui est attachée, un dieu ou des dieux à qui s’adresse un acteur et celui
qui vient à son aide pour financer l’acte religieux. À Lattes, la pluralité des responsables
de l’acte religieux peut provenir du fait qu’ils représenteraient, à eux deux – et à eux deux
seulement –, la communauté établie à l’embouchure du Lez sur l’étang. Est-ce aller trop
loin que de supposer que les fabri et les utriclarii sont les deux seules associations
professionnelles existant à Lattes, et qu’ils apparaîtraient ici comme les tria collegia
principalia peuvent ailleurs 47 représenter et résumer l’ensemble du monde associatif ? Le
texte de l’incription prend ici son sens le plus fort, en sorte que la citation des fabri et des
utricularii vaut énumération exhaustive. Cités ensemble, ces collèges sont plus qu’eux-
mêmes.
340
26 Mais ce qui révèle le mieux le caractère quasi officiel de l’inscription et de l’acte religieux
qu’elle relate, c’est aussi la personnalité du premier dieu mentionné. Tient la tête Mars,
un dieu dont on a pu présumer du caractère local, mais aussi du rôle collectif. Les
comparaisons que l’on a établies dans l’environnement régional, montreraient aisément
que le dieu qui peut être appelé Mars possède un caractère majeur dans le panthéon local.
Il peut apparaître comme dieu tutélaire du groupe, génie du lieu et du groupe qui s’y
trouve installé. Aussi ne pourrait-on supposer qu’une fois honoré le dieu tutélaire du lieu,
les associations représentatives de la population de Lattes n’auraient pas souhaité lui
joindre la divinité représentant l’instance supérieure dans laquelle l’agglomération se
trouvait englobée, à savoir le génie de la colonie, celle-ci étant, bien sûr, la colonie de
Nîmes ?
27 Nous envisagerons donc de poursuivre ainsi le développement du texte : Deo Marti Aug
(usto) et gen(io) col(oniae), (se)vir Augustalis T(itus) Eppil(ius) Astrapton, etc. Une fois de plus,
on pourra mettre en avant qu’une formulation plus nette, se référant au genius col(oniae)
Nem(ausi), enlèverait tout doute. Mais quelles que soient les solutions alternatives
adoptées, il faut à un certain moment admettre que l’allusion à Nîmes ou aux Nemausenses
va de soi ou s’impose d’évidence. Notre solution permet aussi de retrouver une indication
de l’augustalité courante à Nîmes : en effet très souvent cette qualité précède la
dénomination du personnage qui en est revêtu48.
28 En définitive, on proposera pour l’ensemble de l’inscription les développements suivants :
Deo Marti Aug(usto) et gen(io) col(oniae), (se)vir aug(ustalis) T(itus) Eppil(ius) Astrapton fabr(is) et
utriclar(iis) Lattar(ensibus), ob mer(ita) eor(um).
29 On traduira : « Au dieu Mars Auguste et au génie de la colonie ; le sévir augustal T(itus)
Eppil(ius) Astrapton pour le profit des artisans et des bateliers de Lattes afin de
récompenser leurs mérites. »
30 Sans aucun doute, l’emplacement de l’inscription était suffisamment explicite sur la
nature de cette générosité et sur l’intention religieuse des associations de l’endroit. Mais
pour l’instant nous ne connaissons pas dans tous les détails le contexte topographique de
la découverte. L’acte religieux avait sa source dans la volonté des artisans et des bateliers
de rendre hommage au dieu principal de l’agglomération où ils exerçaient leur activité,
peut-être une divinité à vocation tutélaire, et de ne pas oublier à l’occasion le dieu
tutélaire de la grande cité dans laquelle leur petite communauté était englobée : le lieu où
l’acte religieux se concrétisait devait avoir une haute valeur symbolique dans
l’agglomération. Cette supposition se renforce si l’on retient aussi notre proposition
visant à retrouver la mention de la colonia Nemausus, car dans l’acte qu’ils accomplissaient
les artisans et les bateliers exprimaient d’une certaine façon la conscience de l’intégration
de l’agglomération dans la colonie de Nîmes. L’intervention de T(itus) Eppil(lius)
Astrapton leur permettait aussi de donner pleine réalisation à leur intention religieuse49.
Ce personnage d’un certain relief, puisqu’il était sévir augustal à Nîmes, manifestait sa
bienfaisance non pour cette raison, mais parce qu’il avait des liens privilégiés avec les
artisans et les bateliers de Lattes. Leur permettant par son cadeau de réaliser pleinement
leurs intentions, il pouvait passer au premier plan dans le texte qui était destiné à
conserver la mémoire de l’offrande religieuse et il pouvait y insérer, qui plus est, la
mémoire de sa propre générosité.
341
NOTES
1. Il nous est agréable de remercier Christian Landes, conservateur du musée Henri-Prades de
Lattes, avec qui nous avons souvent évoqué ce document et le contexte de sa découverte.
2. Sur le territoire : à propos de son organisation institutionnelle durant le Haut-Empire, Christol
1988 a, p. 90-93 ; Christol 1999 d, p. 14-16, p. 21-22. Sur son extension à l’époque du Haut-Empire,
voir la carte et les commentaires de J.-L. Fiches, dans Huard 1982, p. 80 (carte) et 81-85 ; voir aussi
Fiches 2002, p. 119-128.
3. Découverte en février 1965, elle faisait l’objet d’une notice dans le quotidien régional Midi Libre,
édition de Montpellier, le 1er mars 1965 (avec une photo). L’article s’inspirait des remarques de J.
Brunei, professeur à la faculté des lettres, dont les travaux d’épigraphie avaient déjà porté sur les
inscriptions de Nîmes. Puis elle fut signalée (avec une photo également) dans l’hebdomadaire
national L’Express, le 27 décembre 1965.
4. Demougeot 1966, p. 85-100, d’où AE 1965, 164 = AE, 1966, 247 ; voir aussi Duval 1966, p. 351-352.
Entre-temps elle avait été présentée à la Société archéologique de Montpellier, en février 1966.
Les dossiers laissés par E. Demougeot contiennent des éléments inédits sur le contexte de la
publication, et sur ses relations épistolaires avec Henri Prades, qui avait sauvé l’inscription de
l’oubli. L’inscription reçoit aussi des commentaires de la part de Barruol 1988, p. 7-8.
5. On consultera désormais la mise au point dans la notice 31 de Fiches 2002 a, p. 483-505 (notice
de M. Monteil et C. Sanchez).
6. Informations sur les fouilles de H. Prades dans les divers comptes-rendus rédigés par H. Gallet
de Santerre puis par Barruol, Gallia, 22, 1964, p. 491 ; 24, 1966, p. 467-468 (avec l’indication de la
découverte de l’inscription dans la parcelle 101 et l’annonce de la publication) ; 27, 1969,
p. 393-394.
7. On peut mettre toutes ces recherches en situation grâce à Landes 1988, p. 57-63, puis grâce à
Py 1988, p. 65-146.
8. Présentation et description par Demougeot 1966, p. 85-87 (avec photo).
9. Demougeot 1966, p. 95-96 ; voir aussi p. 87. E. Demougeot fournissait le texte suivant : Deo Marti
Aug(usto) et Gen(io) col(legii) (se)vir(orum) Aug(ustalium) T(itus) Eppil(ius) Astrapton, fabr(i) et utricl(arii)
Iattar(enses) (ob ? pro ?) mer(ita ? itis ?) eor(um). L’Année épigraphique conserve le même texte sauf
pour la dernière ligne (voir ci-dessous avec n. 11) [la lecture Lattar(enses) doit être retenue]. Dans
la notice de M. Monteil et de C. Sanchez dans Fiches 2002 a, p. 482, nous avions déjà suggéré un
certain nombre d’interprétations que nous reprenons ici. Mais sur un point, concernant le
développement des lettres COL, nous n’étions pas encore parvenu aux conclusions que nous
argumenterons plus loin : développer COL en col(oniae), en sous-entendant la mention de la
colonie de Nîmes.
10. Demougeot 1966, p. 95.
11. Les premiers commentateurs (Duval P.-M., « Chronique gallo-romaine », REA, 68, 1966,
p. 351-352 ; de même, les éditeurs d’AE 1966, 247) ont aussi rattaché les mérites aux divinités, tout
en reconnaissant que la formule était « nouvelle ». Le développement de la dernière ligne sous la
forme ob mer(ita) eor(um) était aussi fermement défendu contre la première édition.
12. Waltzing 1895-1900.
13. Sur le don, Dumézil 1966, p. 130-131 ; à propos de l’expression épigraphique, Panciera 1990,
p. 905-914, partic. p. 908-909.
14. Cette forme de générosité est aussi attestée : elle se traduit par des constructions « au profit
d’un collège ». On citera CIL III, 1547, mentionnant la construction d’un temple, en conséquence
342
de l’exécution d’un voeu, au profit d’un collège d’utriculaires (collegio utriclariorum) ; voir
Waltzing 1895-1900, I, p. 471, n. 4, et III, p. 92. À propos de la spécificité du voeu, Scheid 1990,
p. 774-783, avec une claire distinction entre l’offrande et le voeu, p. 773, qui complète les
références données à la note précédente.
15. « Fortasse numina tutelaria », écrit à leur sujet E. Hübner. On sait peu de chose sur ces
divinités : une brève allusion, indirecte, chez Tranoy 1968, p. 198, n. 45. On citera aussi à leur
propos les remarques de Loth 1914, p. 225-226, et celles de Duval 1954, p. 10-11
16. Ce commentaire s’écarte légèrement de celui qui a été proposé par G. Fabre, M. Maier et I.
Roda, dans IRCatalogne IV, Barcino, 14.
17. Waltzing 1895-1900, I, p. 477.
18. Ce qui est admis par les commentateurs. Sur les liens entre Minerve et les artisans, Étienne
1958, p. 349.
19. Waltzing 1895-1900, I, p. 471-472. Dans ce contexte on peut aussi relever le cas de CIL V 4294,
où les donateurs prévoient une somme (vraisemblablement une fondation) pour l’entretien de la
statue : et in tutel(am) (sestertios) CCCC ded(erunt) coll(egio) iument(ariorum).
20. Waltzing 1895-1900, I, p. 478.
21. L’adjectif Iattarensibus [= Lattarensibus] qualifie autant les fabri que les utriclarii. Sur les aspects
toponymiques voir Barruol 1988, p. 5-13.
22. Le fait est mis en évidence par Salamito 1990, p. 165-167. Voir par exemple CIL V, 4396 = I.Ital.
X, 10, V, 189.
23. Voir ci-dessus n. 11.
24. Demougeot 1966, p. 96 ; voir aussi l’avis suivant lequel T(itus) Eppil(ius) Astrapton était
« assez riche pour susciter, subventionner ou diriger les travaux des collegiati », ainsi qu’à la
p. 95 l’indication selon laquelle il aurait associé les artisans « à cette pieuse dédicace à ses dieux
tutélaires (sic), dont il fit les frais ».
25. D’un avis différent, Demougeot 1966, p. 90.
26. Déjà, sur ce point, Demougeot 1966, p. 91.
27. Duval 1957, p. 25-27, 70-72 ; Duval 1959, p. 48-51.
28. Lavagne 1979, p. 160-175.
29. Voir déjà Clavel 1970, p. 277-278, 510, 519-520 ; Christol 2003, p. 411-423.
30. Gayraud 1971, p. 41-50 ; Gayraud 1981, p. 324-326.
31. Christol 1998 d, p. 214-217 [chapitre 8].
32. CIL XII, 4218 ; au sujet des divinités, Duval 1957, p. 90-91.
33. Christol 1998 g, p. 119-154.
34. Mars Budenicus : CIL XII, 2973 ; Mars Lacavus : CIL XII, 3084 ; Mars Melovius : AE 1955, 106, revu
par Brunei 1958, p. 3-4 ; Christol 1990, p. 178-179, n o 4 ; Mars Britovius : CIL XII, 3082 et 3083.
35. Déjà, sur ce point, Demougeot 1966, p. 89-90. Sur le contexte de la navigation dans les étangs,
ibid., p. 99-100 ; compléter pour la période antique par les observations de Landes 1988, p. 57-59
[d’autres interprétations sont possibles].
36. Demougeot 1966, p. 100. Cet auteur envisage un transport fluvial, donnant le beau rôle au Lez.
Mais on peut se demander si le transport vers l’intérieur ne se faisait pas surtout par voie de
terre, comme à l’époque médiévale ; Combes 1990, p. 12, 20-21, 44.
37. Christol 1999 d, p. 21-22 [chapitre 5].
38. CIL XII, 2754 = HGL XV, 378 et add. Révision par Christol 1999 k, p. 129-130 (avec fig. 8) : D(is) m
(anibus) T(ito) Craxxio Severino collegium centonario<rio>rum m(agistro) s(uo) colleg(a)eq(ue) p(osuit) ex
fun[eraticio] [d’où AE 1999, 1032].
39. CIL XII, 2824 : D(is) m(anibus) Mocciae C(ai) f(iliae) Silvinae centonari Vcernenses ob merita.
40. En Narbonnaise on mentionnera, à Narbonne, l’inscription de Fadius Musa (CIL XII, 4393 ;
Gayraud 1981, p. 340-342, 367-368, 492-496) ; voir plus généralement, l’étude de Forbis 1996,
343
p. 10-12. L’expression des merita est souvent accompagnée ou remplacée par celle des liberalitates.
Ample récolte d’exemples dans Waltzing 1895-1900, IV, p. 679-685.
41. Voir toujours Waltzing 1895-1900, IV, p. 679-683.
42. On se référera aussi aux inscriptions de Brixia. On citera un parallèle : CIL V, 4426 = I.Ital. X,
10, V, 221, le collège des centonaires honore Sex(tus) Helvius Leo ob merita erga se collata ; dans le
cas fourni par CIL V, 4395 = I.Ital. X, 10, V, 187 (honneurs funéraires par les collegiati du défunt,
amico karissimo pro meritis eius), on se trouve devant une situation qui est encore voisine de celle
que l’on connaît à Tresques.
43. C’est ce que suggère l’examen de la documentation relative aux hommages rendus par les
collèges à des femmes : Waltzing 1895-1900, IV, p. 682-683. On citera CIL V, 4388 = I.Ital. X, 10, V,
932 (Brixia) : Aemiliae Synethiae, Aemil(iae) Agrestinae patrona(e) eius, Aemil(iae) Prosoche matri eius, ob
merit(a) Aemil(iae) Synethiae, coll(egium) dendrof(ororum) d(e) p(ecunia) s(ua) p(osuit) ; sur ce texte,
Salamito 1990, p. 174-175. Mais ce n’est pas, comme à Beaucaire, un autel funéraire.
44. Demougeot 1966, p. 92.
45. Demougeot 1966, p. 91-92.
46. À propos de la jalousie des associations à préserver leur individualité et leur autonomie, Pavis
d’Escurac 1990, p. 112-113, qui se réfère plus particulièrement aux remarques de J.-M. Salamito
sur les collèges des cités de Cisalpine. À Brixia, par exemple, lorsqu’il y a mention d’un legs
testamentaire un seul collège est destinataire. On citera CIL V, 4433 = I.Ital. X, 10, V, 226 : un
membre du collège des fabri est honoré par celui-ci : qui facultat(es) suas colleg(io) reliq(uit) ; même
situation de don à un seul collège avec CIL V, 4418 = I.Ital. X, 10, V, 211 au profit des
dendrophores. En revanche, pour honorer des bienfaiteurs les collèges peuvent s’associer.
47. L’exemple à fournir concerne les collèges de Cimiez (Cemenelum), dans la province des Alpes
maritimes : CIL V, 7881 ; AE 1965, 194 : Pavis d’Escurac 1990, p. 114-115.
48. CIL XII, 3188, 3189, 3230, 3231, etc. ; un exemple récent est fourni par AE 1987, 752, inscription
à propos de laquelle on se référera à la publication et aux commentaires de Christol 1987 b,
p. 388-398.
49. Sur la modestie de ces associations, qui ne leur permet pas de bénéficier d’une grande
visibilité dans l’épigraphie locale, Christol à paraître [ici chapitre 30].
NOTES DE FIN
*. Archéologie en Languedoc, 27, 2003, p. 49-56.
344
Introduction
paraissent les plus anciens au début du I er siècle ap. J.-C. ou même à lépoque julio-
claudienne. À l’autre extrémité, on peut estimer aussi qu’une semblable prudence conduit
à dater trop systématiquement du II e siècle une documentation qui devrait être mieux
étalée sur le III e siècle, au moins dans sa première partie : sinon on inscrit dans la
réflexion une rupture précoce du fait épigraphique, sans l’expliquer.
5 On peut analyser le développement du fait épigraphique, dans ses premières
manifestations, qui sont différenciées dans l’espace social de la province, comme un
transfert. Les groupements de population issus d’Italie, à Narbonne, colonie fondée avant
la fin du IIe siècle av. J.-C. mais aussi lieu d’ancrage d’une forte immigration suscitée par la
mise en valeur de l’arrière-pays, ou en d’autres lieux disséminés dans la Transalpine, ont
introduit, d’une façon précoce, l’usage de l’inscription selon les formes usitées à Rome
même et en d’autres lieux d’Italie. Les signes tangibles s’inscrivent dans ce cadre. Il s’agit
de l’inscription de Villemagne-L’Argentière, souvent évoquée (Christol, 1986 a). On peut
ajouter l’inscription de Vieille-Toulouse, datée de 47 av. J.-C. (CIL XII, 5388). C’est ce qui
doit donner validité au parallélisme qu’il convient d’établir entre l’épigraphie funéraire
de Narbonne, à laquelle on joindra celle de Béziers, dont l’histoire ne commence pas avec
l’établissement des vétérans de la Septième légion, et l’épigraphie funéraire de la ville de
Rome : les ressemblances sont trop fortes pour qu’on ne soit pas tenté d’en dégager des
conclusions. Celle du transfert, bien sûr, qui donne par ailleurs un lieu d’origine précis et
un point de passage pour les hommes et pour leurs usages, ce qu’expliquaient quelques
données provenant du Pro Quinctio (l’activité de Naevius va et vient entre Rome à
Narbonne). Mais aussi celle d’un transfert sans véritable décalage chronologique, en sorte
qu’il paraît vraisemblable de prendre en compte les observations qui ont permis à deux
élèves de S. Panciera (Friggeri-Pelli 1980) d’établir qu’un certain nombre de formulaires
funéraires romains doivent dater de la première moitié du I er s. av. J.-C., et surtout de la
période s’étendant entre le milieu du Ier s. av. J.-C. et le milieu du Ier s. ap. J.-C. Peut-il être
imprudent de considérer qu’il en serait de même à Narbonne pour des inscriptions
présentant les mêmes caractéristiques ? Leur rareté dans les inscriptions d’autres
colonies de vétérans (Arles, Fréjus) joue, apparemment, le rôle de contre-épreuve de
datation afin de défendre la thèse de l’ancrage précoce de l’usage.
6 Un deuxième élément caractérise le développement de l’écrit. Il s’agit de l’écrit public et
de l’écrit en lieux publics, dans les espaces de la vie collective et de la vie politique, ce que
facilitait le développement de la vie municipale et de l’urbanisation, dans toutes les
parties de la Gaule. Lepigraphie routière, à laquelle se rattache le fameux milliaire de Cn
(aeus) Domitius Ahenobarbus, imperator, apporte sa contribution, surtout
lorsqu’apparaissent les séries de milliaires de l’époque augustéenne. Mais alors la
Narbonnaise entre dans un cadre plus général, qui est celui de la gestion de l’Empire : les
milliaires de M(anius) Aquillius dans la province d’Asie à l’époque républicaine, puis ceux
du gouverneur de Galatie Cornutus Aquila, viennent montrer qu’il ne s’agit pas d’une
situation particulière. Mais c’est incontestablement l’établissement du « nouveau
régime », le principat, qui, en multipliant les références au détenteur du pouvoir,
Auguste, son fondateur, contribue à la diffusion de l’épigraphie publique. Les décalages
sont faibles alors, entre la Gaule méridionale et les diverses parties de la Gaule chevelue :
quelques décennies tout au plus. L’épigraphie publique augustéenne est bien présente
partout, notamment lorsque furent honorés les fils adoptifs du prince, Caius et Lucius
César, mais il est vrai aussi que par la variété des formes et par l’ampleur des attestations
347
NOTE DE L’ÉDITEUR
L’enquête sur les formules épigraphiques funéraires peut être approfondie, toujours en
écho aux usages italiens relatifs au droit des tombeaux : Christol 2000 b.
1 En Gaule méridionale il apparaît que, considéré d’une façon générale, le fait épigraphique
s’épanouit au tournant de l’ère chrétienne, c’est-à-dire avec l’établissement et
l’affermissement du principat1. Une comparaison avec les données de l’intérieur gaulois
montre, par contraste, l’ancrage rapide et large de l’usage de l’inscription lapidaire dans
des nombreuses couches de la société et dans la vie collective : bien vite le nombre des
inscriptions, à en juger par les documents conservés – et il faut admettre de surcroît que
les documents les plus anciens ont souffert plus que les autres de l’injure du temps –, s’est
accru dans de fortes proportions. Il s’agit aussi d’une épigraphie qui est alors quasi
exclusivement de langue latine : on peut en effet compter comme quantités négligeables
les quelques inscriptions grecques qui sont incontestablement d’époque impériale2 et les
quelques inscriptions gallo-grecques ou gallo-latines qui, en Narbonnaise, pourraient
appartenir à une période correspondante au changement d’ère3. C’est pourquoi si l’on
revient une fois de plus au mot /164/ de Pline l’Ancien qui clôt son éloge de la
Narbonnaise, Italia vertus quam provincia, on pourrait trouver dans l’extension du fait
épigraphique une illustration de la profondeur de l’acculturation et un incontestable
point de rapprochement avec l’Italie julio-claudienne et flavienne : il suffira d’invoquer la
quantité de documents, la diversité de leurs caractéristiques (inscriptions municipales,
honorifiques, religieuses, funéraires, officielles) et l’arrière-plan culturel que celles-ci
révèlent, enfin l’ample répartition des témoignages que couvre avec assez d’homogénéité
la carte administrative de la province.
2 Mais il faut descendre de l’ensemble de la province au niveau des monades qui en
constituent la trame : colonies romaines, colonies latines, cités de droit latin, dont la
349
diversité n’avait pas encore disparu quand Pline rédigeait son chapitre de l’Histoire
naturelle4.
3 On ne peut récuser tout de même que d’une collectivité à l’autre le fait épigraphique soit
parvenu à des états différents, si l’on se place en ce temps-là : c’est le fruit d’un
développement à des rythmes distincts. Mais il faut alors se situer au niveau de l’entité
microrégionale, avec le risque de privilégier de modestes exceptions, pour en prendre la
mesure. Quoi qu’il en soit, au sein des colonies de vétérans légionnaires5, le fait
épigraphique s’exprime amplement dès l’époque augustéenne, en particulier dans le
domaine de l’épigraphie funéraire, c’est-à-dire hors de toute influence officielle et de tout
rapport prédéterminé. L’examen de la documentation rassemblée par J. Gascou et par M.
Janon pour constituer le recueil des inscriptions de la cité de Fréjus6, montre la place
importante des documents qui, selon les auteurs, sont antérieurs à la fin de l’époque julio-
claudienne. En ne tenant compte que de celles dont la datation semble assurée, c’est dans
la ville (quarante-sept inscriptions retenues) vingt-sept témoignages contre vingt, et dans
la campagne (trente et une inscriptions retenues) vingt contre onze, qui seraient
antérieures à la mort de Néron. Et parmi les documents de la première période (quarante-
sept en tout) onze ne /165/ seraient pas postérieurs au principat de Caligula. La même
conclusion se dégage du recueil des inscriptions de Béziers, colonie des Septimani. Dans les
colonies de droit latin, si des signes incontestables d’une égale précocité sont à relever,
c’est quantitativement que le poids de la première période est nettement moins
important. Dans la cité d’Antibes la part des inscriptions les plus anciennes est
relativement faible (onze contre soixante), tandis qu’à Riez le rapport est un peu plus
équilibré (huit contre dix)7. Mais on ne saurait oublier, pour que l’inventaire soit précis à
l’extrême, qu’il existe des zones où, à l’inverse, le fait épigraphique constitue une rareté.
Pour ne prendre comme exemple qu’une région bien déterminée, celle qui dans le Bas-
Languedoc des Romains regroupe des colonies de vétérans légionnaires, comme Béziers et
Narbonne, une puis deux colonies latines, comme Nîmes et Lodève, et de simples cités de
droit latin qui subsistaient dans les interstices entre les grosses unités politiques, telles
Cessero, les Piscenae, et peut-être d’autres non encore localisées, on doit constater qu’au-
delà du bel épanouissement quantitatif du fait épigraphique mesuré globalement, la
documentation révèle une profonde irrégularité de répartition, qui n’est pas seulement
fondée sur l’opposition entre la ville et le territoire. Le corpus de Cessero se limite, par
exemple, à une seule inscription8, et celui des Rutènes provinciaux, que nous placerions
volontiers au pied du Massif central, dans une région riche en possibilités minières, n’en
comporte guère plus9. La pesée globale ne doit pas faire oublier les réalités locales et le
fait que la province était une juxtaposition de cités.
4 La référence à Pline l’Ancien renvoie d’autre part à un moment où le phénomène de
diffusion de l’épigraphie lapidaire latine a pris son plein épanouissement. Autre chose est
de tenter de se placer aux origines du phénomène et d’en saisir les premières étapes. Pour
aborder cette question on laissera bien vite deux aspects, précoces, de l’intrusion de
l’épigraphie latine dans la Gaule méridionale. Ils concernent l’épigraphie triomphale et
l’épigraphie routière. Mais on doit quand même signaler que le texte écrit sur la pierre
servit dans deux cas au moins pour témoigner de la puissance du peuple romain et de la
grandeur de ses gouvernants. L’un de ces /166/ témoignages n’est autre que l’inscription
apposée sur le trophée qu’érigea Pompée aux limites de l’Hispanie et de la Gaule
transalpine, à l’extrémité orientale de la chaîne des Pyrénées10. L’autre, postérieur de plus
d’un demi-siècle, est du même genre puisqu’il se rapporte au trophée des Alpes, élevé à la
350
Turbie en 7-6 av. J.-C. à l’initiative du Sénat et du peuple romain11. Les deux inscriptions
sont les expressions en province d’une épigraphie triomphale déjà ancienne à Rome, qui
s’amplifia durant le I er siècle av. J.-C. en raison des rivalités entre les imperatores 12 puis de
l’affirmation du charisme augustéen.
5 Il n’est pas possible de trop séparer de ces documents exceptionnels les bornes milliaires.
Polybe écrivait, dans un passage qui fut longtemps suspecté d’interpolation mais auquel
les historiens sont tentés de donner à présent toute sa valeur d’information, que la route
qui partait de Carthagène pour rejoindre le Rhône avait été soigneusement mesurée par
les Romains et avait subi un bornage13. La découverte du milliaire de Cnaeus Domitius
Ahenobarbus, entre Narbonne et les Pyrénées, constitue sur le sujet un apport de taille,
même s’il demeure un témoignage isolé14. Toutefois ce n’est qu’un siècle plus tard que les
séries des bornes routières deviennent substantielles. Alors les bornages effectués sous
l’autorité d’Auguste diffusent largement ces inscriptions officielles, à usage administratif :
elles apparaissent en série dans le territoire de la cité de/167/Fréjus, en 13-12 av. J.-C. 15
puis en 3 av. J.-C.16, dans celui de la cité de Nîmes en 3 av. J.-C. également, ailleurs en 12-13
ap. J.-C.
6 Durant la période que limitent ces dates se sont produites dans ces régions transalpines
d’abord une intrusion progressive de la présence italienne, qu’il est malaisé d’apprécier
exactement dans les modalités locales de son développement, hormis peut-être à
Narbonne et dans son hinterland où les processus de mise en valeur au profit d’Italiens
furent les plus intenses et les plus efficaces, puis, surtout, une affirmation de plus en plus
nette de celle-ci, perceptible à peu près partout même si c’est à des degrés divers.
L’accélération du processus peut être mise en relation avec l’exacerbation des conflits
entre imperatores 17, qui culmine avec l’établissement de clientèles césariennes et l’octroi
du droit latin aux communautés indigènes18, puis avec les diverses étapes de la
colonisation tant de droit romain que de droit latin19, qui inséraient des groupes de
populations italiques plus ou moins denses dans le tissu social provincial. Cette dernière
phase, qui s’ouvrit vers 45-44 av. J.-C. avec la fondation d’Arles et la refondation de
Narbonne20, et dura environ trois décennies, fut décisive car elle se traduisit par
l’établissement en cette province de/168/populations venues d’Italie. Faut-il supposer
que ce phénomène ne se serait pas accompagné du transfert en Transalpine des modes de
vie et des formes d’expression qui s’épanouissaient alors en Italie ?
7 Pour la période qui précéda le début de la colonisation les signes d’une intrusion du latin
sont incontestables : d’ailleurs le principe d’une phase de latinisation semble un postulat
indispensable, quelle que soit la position adoptée sur la chronologie des premières
inscriptions latines de la région, comme l’indiquent par exemple les réflexions récentes
de J. Untermann21. L’usage de cette langue ne concerne pas seulement la cité de Marseille,
vieille alliée de Rome, où nous savons qu’existait un véritable trilinguisme22. On peut
estimer aussi que les élites devaient pratiquer le latin23, comme le montrent non
seulement l’exemple des notables helviens de l’entourage de César24, dont le droit de cité
remonte au proconsul Valerius Flaccus, mais encore celui du chef voconce, grand-père de
l’historien Trogue Pompée, qui avait gagné ce statut de Pompée le Grand lui-même au
cours de la guerre contre Sertorius25. En la matière l’entrée dans les clientèles et une de
ses conséquences, l’enrôlement dans les auxilia, jouèrent un rôle capital. Ils entraînèrent
la diffusion des gentilices des « dynastes », soit comme élément de dénomination romaine
26
soit comme élément nominal dans les dénominations de type local. Accessoirement
d’autres éléments nominaux latins, comme des cognomina, purent entrer dans la
351
ibérique se maintient jusqu’aux derniers moments de l’habitat, même si l’on constate par
ailleurs l’abondance des céramiques d’importation, des amphores italiques, des monnaies
républicaines, etc. On a même pu suggérer, à ce propos, que la persistance de la langue et
de l’écriture était devenue synonyme de « résistance au latin, malgré la conquête romaine
51 », en sorte que cela montrerait la permanence et la vigueur des cultures indigènes,
même à une époque où le réseau des colonies romaines et latines était pour une grande
part constitué. On ajoutera cependant, à la lumière des recherches récentes, que la
population était, dans l’ultime couche qui précéda la conquête romaine, une population
gauloise : car si pour certains actes la langue et l’écriture étaient l’ibérique, qui jouait
aussi un rôle de langue interrégionale52, l’onomastique était gauloise, proche en
particulier de celle qu’on trouve dans le territoire de la cité de Nîmes, et
vraisemblablement la langue courante était le gaulois53. Si la langue latine l’emporta peu à
peu /174/ dans l’ensemble de la province, et si les caractères latins servirent à noter des
théonymes, anthroponymes, toponymes, subsistèrent les idiomes du passé, comme dans
l’intérieur gaulois. Mais faut-il nécessairement en déduire que l’histoire de l’épigraphie
en Gaule méridionale doit être décrite comme une simple succession de phases générales,
comme l’a supposé récemment J. Untermann, en avançant un schéma ordonné en
plusieurs étapes : fin de l’épigraphie préromaine au IIe siècle av. J.-C. / latinisation à la fin
du II e siècle av. J.-C. et au I er siècle av. J.-C. /épigraphie latine à l’époque impériale54 ?
Toutefois, pourra-t-on estimer, c’est aborder de très haut ces questions d’acculturation
que de les prendre de la sorte.
13 On doit se demander, à la lumière de ce qui vient d’être exposé, si le tableau ne doit pas
plutôt être différencié, en tenant compte en particulier de l’évolution politique et sociale
de la Gaule méridionale, moins linéaire et homogène qu’on ne la décrit
traditionnellement. En effet, il apparaît de plus en plus évident que l’organisation de la
domination et les modalités d’exploitation ont évolué à des rythmes différents, suivant
les secteurs de cette région. Ce que l’on peut appréhender de l’histoire du pays qui
entourait plus ou moins largement Narbonne permet d’avancer l’hypothèse suivante : en
Gaule méridionale, au moment où pour l’épigraphie gallo-grecque s’amorce
vraisemblablement le déclin et où se met en place peu à peu le fait colonial, il existait une
zone fortement imprégnée d’influences italiques parce que réceptacle d’immigrants. La
question de l’apparition et du développement de l’épigraphie latine ne peut être mise à
l’écart. Grâce à ce type de documentation, qui s’avère riche et substantielle, on peut non
seulement conduire une réflexion sur l’ensemble de ces phénomènes en termes
qualitatifs, mais encore l’envisager dans le temps et dans l’espace.
14 Parmi les observations insérées par O. Hirschfeld dans le volume XII du CIL, il en est une
qui, à propos de l’épigraphie de Narbonne essentiellement, scande constamment la
présentation des documents, pour l’essentiel funéraires : litteris saeculi primi incipientis.
Dans la partie concernant le chef-lieu de la Narbonnaise on peut retrouver la formule à
soixante reprises au moins. Parfois le commentaire devient plus précis : litteris optimis,
litteris bonis, litteris perbonis, etc. Mais invariablement le document est placé au début du Ier
siècle ap. J.-C., comme s’il ne fallait pas s’aventurer en deçà d’une limite chronologique
intouchable. Une fois seulement (CIL XII, 4389) Hirschfeld s’aventure : « cippus litteris bonis
aetatis, ni fallor, reipublicae liberae extremae ». Mais avec quelle prudence ! C’est pourquoi on
a pu estimer que les inscriptions de/175/Narbonne appartenaient à l’époque impériale55.
Pourtant cet avis qui semble indiscuté pourrait être remis en question. Une série
d’observations permet de proposer une révision de l’opinion commune.
354
15 Grâce aux travaux de l’équipe des chercheurs regroupés autour de Silvio Panciera on
connaît mieux les données chronologiques de l’épigraphie urbaine. Récemment une étude
substantielle a été publiée sur les inscriptions romaines qui portent, parfois
conjointement, deux types d’indications56 : soit les abréviations V/VIV ou les mots VIVIT/
VIVVNT/VIVET/VIVONT, soit la lettre grecque théta. Ces mots ou lettres sont soit placées
en tête de l’épitaphe, soit accolés aux dénominations des personnes mentionnées.
Rosanna Friggeri et Caria Pelli ont proposé de placer le groupe important d’inscriptions
romaines quelles ont rassemblées dans une période commençant dès la première moitié
du Ier siècle av. J.-C., surtout entre le milieu du Ier siècle av. J.-C. et le milieu du Ier siècle ap.
J.-C. De plus, font-elles remarquer, dans cette série sont quasiment absents les gentilices
impériaux, les esclaves ou affranchis du prince.
16 Passons en Gaule méridionale. Là le volume XII du CIL apporte une documentation qui est
aussi substantielle : aux 563 textes recueillis par nos collègues italiennes dans la
documentation ancienne et récente, on peut opposer les 192 exemples rassemblés par
Hirschfeld dans la partie du CIL XII concernant Narbonne, auxquels on ajoutera les cinq
autres qui proviennent du recueil d’Espérandieu. Mais, en face de cette cité, se trouve un
désert quasi absolu, semble-t-il : on ne trouve aucun texte comparable parmi les
inscriptions d’Arles, pourtant colonie de vétérans d’époque césarienne, ni parmi celle de
Fréjus, elle aussi colonie de vétérans mais de fondation légèrement postérieure puisque
l’on sait qu’elle fut créée entre 31 et 27 av. J.-C.57. Cette particularité avait déjà été bien
relevée par Hirschfeld qui, dans l’index de son volume, sans aller jusqu’au terme du
dépouillement se contentait d’affirmer « passim in titulis coloniae Narbonensis ». Comme à
Rome on trouve toutes les possibilités d’énoncer le mot : soit V (91 fois), soit VIV (31 fois),
soit VIVIT (71 fois), soit /176/ VIVET (4 fois), soit enfin VIVONT (24 fois). Comme à Rome
on ne trouve aucune liaison entre ce mot ou la lettre théta et l’invocation aux Dieux
Mânes. Comme à Rome le plus souvent sont mentionnés pour désigner les personnages
soit la filiation soit l’affranchissement, ce qui correspond aussi à une datation haute
fondée sur l’étude de la nomenclature.
17 On se trouve donc devant un groupe d’inscriptions comparable à celui qui a été mis en
évidence dans l’Urbs. Faut-il alors le répartir chronologiquement de façon différente, et
alors que le groupe urbain doit s’étendre du début du I er siècle av. J.-C. au milieu du I er
siècle ap. J.-C. faut-il réserver au groupe provincial des dates qui rassembleraient tous les
documents dans la dernière partie de cette période, comme si les transferts d’usages
épigraphiques n’avaient pu se produire qu’à partir d’une certaine époque ? Le repère
choisi par Hirschfeld, à savoir le début du I er siècle ap. J.-C., ne présenterait-il pas un
caractère arbitraire ?
18 Ces inscriptions de Narbonne qui montrent un transfert d’usages épigraphiques italiens,
et leur transplantation massive, doivent s’étaler sur une longue période. Certaines
incontestablement conduisent jusqu’au milieu du I er siècle ap. J.-C. Mais si l’on veut bien
en prendre la mesure, le phénomène doit être étalé dans le temps vers l’amont. Il n’a
certainement point trop de liens avec la colonisation militaire. En effet, dans la mesure où
à Narbonne comme à Arles ou plus tard à Fréjus, ce furent des vétérans légionnaires issus
d’Italie qui furent établis, ne devrait-on pas effectuer ailleurs les mêmes observations que
dans le chef-lieu de la province ? D’autres explications peuvent alors être proposées.
Avant d’être refondée par César, Narbonne fut – et ce depuis sa création –, le grand centre
commercial de la Méditerranée occidentale. Strabon reprenant un passage de Posidonius
58
vraisemblablement de première main, écrivait que le port des Arécomiques était
355
« Narbonne dont il serait d’ailleurs plus juste de dire qu’il est le port de la Celtique
entière, tant il surpasse les autres par le nombre d’entreprises auxquelles il sert de place
de commerce » : il se référait alors à une situation bien antérieure au milieu du I er siècle
av. J.-C. Un peu plus loin, dans le même passage, quittant cette source pour une autre qui
pourrait se placer dans la seconde décennie avant notre ère, sur Nîmes, capitale des
Arécomiques, il écrit « qu’elle est bien inférieure à Narbonne sous le rapport de sa
population étrangère et commerçante, mais (qu’) elle l’emporte sur elle par son corps de
citoyens ». Ces deux passages, mis en perspective, montrent bien l’importance de la place
au I er siècle av. J.-C. C’est aussi dans cette « population étrangère » qu’il faut placer avant
tout une forte proportion /177/ d’Italiens, porteurs des usages épigraphiques de Rome et
de la péninsule et les imposant durablement comme modèles épigraphiques prégnants.
19 D’ailleurs l’exemple qui vient d’être examiné n’est pas le seul qui pourrait être considéré.
À partir du moment où la singularité de l’épigraphie funéraire de Narbonne est mise en
évidence, d’autres fait spécifiques attirent l’attention. Un d’entre eux concerne un
formulaire qui se rapporte au droit testamentaire. Mais celui-ci, autant que sur les
modestes stèles peut apparaître sur des réalisations architecturales plus amples, les
grands enclos funéraires ou les mausolées. Dans le territoire d’Arles, une fois, il apparaît
même sur une construction décidée par testament59. Mais quand le défunt, plutôt que
d’avoir prévu sa tombe, en confiait la réalisation à d’autres, héritiers, parents, ici souvent
affranchis, il s’en remettait à leur bonne foi, à leur décision, quand il avait exprimé ses
volontés. La forme juridique aurait dû en être un fidéicommis. Alors l’exécutant indiquait
qu’il avait de son propre chef réalisé ce qu’on lui avait demandé, et le faisait graver sur le
tombeau : arbitratu + le génitif, c’est-à-dire par la décision d’Untel, ce dernier étant le
bâtisseur. Cette formule est tellement courante en Italie que dans les index de certains
volumes du CIL relatifs à la péninsule on ne trouve pas un relevé exhaustif des
occurrences. Mais il est clair que la période du plus grand nombre des attestations
correspond aussi à la fin de l’époque républicaine et à la période julio-claudienne. Par la
suite les mentions sont nettement plus rares, alors que s’accroît en revanche la quantité
d’inscriptions disponibles. La Gaule méridionale constitue aussi un remarquable lieu
d’exportation du formulaire, révélateur par la même occasion de la diffusion du droit
romain. C’est dans le volume XII du CIL que la densité des témoignages provinciaux est
incomparablement la plus forte. Mais dans cette province l’inventaire de la
documentation est très instructif. Dans l’index du CIL Hirschfeld mentionnait encore une
fois, après avoir effectué le dépouillement des quelques exemples se rapportant aux
autres cités : in Narbonensibus passim. En réalité le décompte des témoignages est le
suivant : 2 ex. à Arles, 1 ex. à Valence, 6 ex. à Béziers (5 dans le CIL, 1 dans ILGN), 18 à
Narbonne. Pour l’instant ce sont les colonies de vétérans légionnaires qui apportent
l’essentiel de la documentation (à l’exception de Valence dont l’histoire institutionnelle
est encore incertaine). Partout les inscriptions doivent être placées à des dates hautes,
mais pour Arles et Béziers il semble normal de ne pas les faire remonter en deçà de leur
fondation. Quant à celles de Narbonne elles présentent des caractéristiques identiques à
celles dont on a parlé plus haut : mention régulière soit de l’ingénuité soit de
l’affranchissement, dans un cas présence du théta. /178/
20 Cet exemple permet de constater la relative importance des attestations qui proviennent
de l’épigraphie de Béziers. De plus c’est aussi dans cette cité que se trouvent deux
exemples de stèles sur lesquelles le texte inscrit commence par l’abréviation V60. En la
matière, la collection épigraphique de cette cité apparaît comme le prolongement de celle
356
de Narbonne, ce qui fait que ces deux cités, qu’il importe à présent de joindre, s’opposent
assez nettement au reste de la province. Il importe donc de s’interroger sur l’extension de
ces influences dans le temps et dans l’espace.
21 Problèmes de dates d’abord. Nous avons supposé que les épitaphes ressemblant à celles de
Rome pouvaient remonter, pour certaines, à une date plus haute que le milieu du Ier siècle
av. J.-C. C’est ce que pourrait confirmer la découverte assez récente d’un fragment
épigraphique dans le nord du département de l’Hérault, dans la haute vallée de l’Orb, là
où, à la fin de l’époque républicaine, l’exploitation des ressources minières battait son
plein et là où aboutissait le vin italien transporté dans les amphores Dressel 1 61. Ce
fragment qui mentionne un tribule de la Pollia, la tribu de Narbonne antérieurement à la
refondation césarienne, présente des caractéristiques de gravure qui le rapprochent de
documents italiens datés entre l’époque de Sylla et la fin de la République : F dont les
deux barres sont aussi longues l’une que l’autre, P à boucle non fermée, O totalement
circulaire, points de séparation de forme triangulaire orientés vers le haut62. On peut
difficilement descendre un tel document au-delà de l’époque césarienne. Très
vraisemblablement, par la date qu’il convient de lui attribuer, il authentifie l’essentiel des
renseignements qu’apporte le pro Fonteio63.
22 Mais la connaissance de ce fragment a aussi pour conséquence de montrer quelle
extension avait l’arrière-pays narbonnais. À partir des bords de l’Aude l’influence
romaine ou italienne avait gagné les coteaux du Minervois et du Biterrois (les
développements spatiaux des cadastres le prouvent), bref de bonnes terres agricoles 64, et
puis, au-delà, le pied du /179/ Massif central, riche en gisements miniers65. Le territoire
qui fut attribué aux vétérans de la septième légion en 36 av. J.-C., les fondateurs de
Béziers66, fut taillé dans cette zone, l’hinterland narbonnais, ce qui pourrait expliquer
combien l’épigraphie de la colonie fut marquée par l’influence de la cité voisine, sise à
peine à une vingtaine de kilomètres : il y a trop d’affinités, y compris en matière
d’onomastique, en plus de celles que l’on a évoquées, pour ne pas se soustraire à
l’hypothèse.
23 Il faut bien, en effet, inscrire ces faits épigraphiques sur la carte, et être très attentif aux
aspects de répartition spatiale des inscriptions. Nous affrontons alors une question qui a
été soulevée récemment par P.-A. Février, quand il étudiait, en s’appuyant sur les
témoignages épigraphiques, quelles relations avaient pu s’établir, dans le cadre de ces
cités de Narbonnaise, entre les notables et la campagne. Constatant que dans l’ensemble
le choix de la sépulture campagnarde était, comme en Italie, un trait de mentalité
répandu, quoique non exclusif, il discernait une anomalie de répartition des témoignages
dans les régions de Béziers et de Narbonne : « On aura remarqué que les séries ainsi
regroupées sont toujours relatives au Sud-Est de la Gaule et ne s’éloignent guère vers
l’Ouest de la vallée du Rhône : curieusement les cités de Béziers et Narbonne sont
absentes67. » Apparaissait alors un paradoxe. Il est certain que, par rapport à la
répartition des inscriptions dans le territoire de la cité de Nîmes, celles des deux colonies
précitées se singularisent nettement. Mais en réalité le vide que décelait P.-A. Février, est
moins net que qu’il ne le pensait : une attention plus grande aux provenances des
inscriptions, qui sont pourtant signalées dans les notices du CIL, eût permis par exemple
de trouver à Cruzy, à l’extrémité occidentale de la cité de Béziers, un cas de/180/
magistrat de cette colonie enseveli à la campagne68. Il eût été nécessaire aussi de retenir
des documents en fonction de la nature ou de la qualité du support69. Bref, le territoire de
ces colonies de vétérans ne fait pas autant exception qu’on pouvait le supposer. Mieux,
357
une inscription de découverte récente70, sur une plaque de marbre, provenant d’Aigues-
Vives (département de l’Hérault canton de Saint-Chinian), c’est-à-dire de la partie
septentrionale du territoire de Narbonne, fait connaître, sous la marque du théta nigrum,
les membres d’une famille, Pomptina, dont l’origine est à chercher dans le Latium adiectum.
Elle invite à considérer sous de nouvelles perspectives la relation entre le fait
épigraphique et le territoire des cités en Gaule méridionale. Mais surtout, témoignage sur
l’origine italique des colons narbonnais, ceux du premier comme ceux du second ban
colonial tout autant que les exploitants qui vinrent entre les deux déductions s’établir sur
les bonnes terres que leur étaient offertes, elle est, à une date qui correspond
vraisemblablement à l’époque augustéenne ou la première moitié du I er siècle ap. J.-C.,
une preuve supplémentaire de l’enracinement d’usages empruntés depuis longtemps à
l’épigraphie funéraire d’Italie.
24 Aussi pourrait-on envisager que dès la première moitié du I er siècle av. J.-C., quand
ailleurs se développait encore l’épigraphie gallo-grecque, une région de la Transalpine
correspondant à Narbonne et à sa zone d’influence voyait naître puis s’épanouir une
épigraphie proprement italique. Sinon on est contraint, à la suite de J. Untermann, de
supposer antérieurement à l’apparition de l’épigraphie latine une phase de latinisation
sans recours à l’écriture sur le support lapidaire, et en ce domaine un isolement de l’Italie
qui est contredit par toutes les autres données de la vie économique et sociale. En réalité,
la vraisemblance de ces transferts d’influences pouvait se déduire à titre d’hypothèse des
témoignages /181/ littéraires sur la présence des Italiens. Mais l’épigraphie, ici celle de
Narbonne, doit être réexaminée plus attentivement - accessoirement celle de Béziers :
outre qu’elle fait saisir ces phénomènes d’une façon concrète, notamment à travers les
formulaires funéraires, elle permet d’en mesurer la véritable ampleur. Narbonne a joué
de façon très précoce un rôle de réceptacle, mais aussi, comme pour les produits du grand
commerce, un rôle de redistribution. On peut en saisir les modalités dans la zone la plus
proche, incontestablement la plus marquée par la présence des immigrants italiens, celle
qui correspond en particulier aux territoires des cités dont nous venons de parler. Mais
on pourrait aussi en saisir des prolongements en direction de l'Aquitaine, d’autant qu’une
partie de cette province augustéenne a hérité de quelques régions transférées de la
Narbonnaise. L’épigraphie latine de cette partie de la Transalpine a donc été fortement
marquée par cette phase de l’histoire provinciale. Ailleurs, il en va différemment.
NOTES
1. Cet article reprend et développe, à la date de 1994, une communication présentée à Saragosse,
à l’invitation de F. Belltrán Lloris. Elle sera publiée dans les actes de ce congrès (Roma y la primeras
culturas epigraficas del Occidente mediterraneo) sous le titre « De l’Italie à la Gaule méridionale :
transferts d’influences, d’après les inscriptions de la fin du Ier siècle avant J.-C. et du Ier siècle
après J.-C. » (Christol 1995 e).
2. Une d’entre elles a été rapidement portée à la connaissance du public savant très récemment :
Christol 1990, p. 204. Mais à la différence des autres inscriptions publiées à cette occasion, elle n’a
point été signalée par l’Année épigraphique.
358
26. Voir sur la question, en plus du livre de Burnand 1975 (cité supra note 17), Syme 1958,
p. 783-784 ; Badian 1958, p. 309-315 ; Knapp 1978, p. 187-222 ; Dyson 1981, p. 257-299.
27. Lejeune, RIG, I, G-141, p. 176-177 ; Bats 1988, p. 140, n. 47.
28. RIG, I, G-65, p. 78-79. Lambert 1994, p. 87-88.
29. Il est bien évident qu’il faut étudier en continuité ce phénomène, en plaçant les documents
épigraphiques latins dans le prolongement du document gallo-grec. Les inscriptions latines dont
il est question proviennent essentiellement des cités de droit latin. On retiendra les observations
contenues dans Chastagnol 1986 et Chastagnol 1990, partic. p. 579 [= Chastagnol 1995, p. 225-232
et p. 51-71]. En dernier, avec l’examen de la riche documentation provenant de la cité de Nîmes,
Christol 1992 a, p. 29-30.
30. Comme le suppose, à bon droit selon nous, à propos de la chronologie de la disparition de
l’épigraphie gallo-grecque, Bats 1988, p. 131-133. Voir aussi supra n. 3.
31. Gros 1987, p. 339-363.
32. AE 1952, 165.
33. La précocité du développement du culte impérial est aussi remarquable, cf. Demougeot 1968,
p. 39-65 [voir aussi Christol 1999 h, ici chapitre 21].
34. Christol 1988 a, p. 90-93.
35. CIL XII, 3148 et 3149.
36. CIL XII, 3151. Il s’agit de l’inscription de la « Porte d’Auguste » ou « Porte d’Arles », qui date
de 16-15 av. J.-C. Sur les changements politiques qui se produisirent alors dans l’espace des
Volques Arécomiques et sur la création d’une grande ville à Nîmes, Christol 1988 a, p. 102-103.
37. CIL XII, 3156. Amy-Gros 1979, p. 177-195.
38. CIL XII, 4190 = CIL I2, 2281.
39. CIL XII, p. 508.
40. Christol 1988 a, p. 97-98 [ajouter Christol 2002 a, p. 429-433, ainsi que le chapitre 2 et le
chapitre 9 avec la note additionnelle].
41. CIL XII, 1028 = CIL I 2, 2279. Sur l’interprétation et la datation Christol 1988 a, p. 93-95 [ajouter
à présent, avec un nouveau texte, Christol 2006 d].
42. Christol 1993 a, p. 277-291 et pour la cité de Nîmes en particulier, Christol 1992 g, p. 187-202
[ici chapitre 16].
43. Christol 1992 a, p. 79-95 : Aemiliae Atevloibitis f(iliae) Bitugnatae ex testamento.
44. CIL XII, 3093 : C(aius) Andolatius Nemauso v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito).
45. CIL XII, p. 866 : Holder 1896-1904-1907, I, col. 149. On trouve Andolata dans l’onomastique de
Nîmes : Christol 1992 a, p. 21-28.
46. RIG, I, p. 453-454. Sur la date de cette inscription, voir la position de Lambert 1992, p. 291.
47. Bats 1988, p. 145-146, qui envisage aussi (p. 146, n. 59) une certaine résistance de l’écriture
grecque d’après un graffite d’Entremont.
48. RIG, I, G-108 [voir aussi Christol 2006 e].
49. RIG, II, L 1 (à Ventabren, dép. Bouches-du-Rhône) et L 2 (à Coudoux, dép. Bouches-du-Rhône).
50. Untermann 1992, p. 19-27.
51. Gallet de Santerre 1965, p. 625-638 ; Bats 1988, p. 137-139.
52. Untermann 1992, p. 21 et 26-27.
53. Untermann 1992, p. 26-27, cf. p. 23-24.
54. Untermann 1992, p. 19-20.
55. Gayraud 1981, p. 149. Cet auteur accepte en général les datations fournies par Hirschfeld (cf.
par exemple p. 150-152). La même observation, appliquée à un cadre différent se trouve chez
Untermann 1992, p. 19.
56. Friggeri-Pelli 1980, p. 95-172.
57. Gascou 1982, p. 132-145 ; Gascou 1985, p. 15-18.
360
58. Strabon, Geogr., IV, 1,12. Confirmation dans Diodore de Sicile, V, 38, 5. Gayraud 1981,
p. 186-199 [voir chapitre 1].
59. CIL XII, 647.
60. CIL XII, 4286 ; 4309 d.
61. Tchernia 1986, p. 77-93.
62. Christol 1986 a, p. 33-44 (AE 1986, 470).
63. Christol 1986 a, p. 40-41.
64. Chouquer 1983 a, p. 87-112 ; Clavel 1983 a.
65. Clavel 1970, p. 330-333 ; Gourdiole 1977, p. 69-87. On éclairera ces travaux du point de vue de
la géographie historique par les considérations sur la situation des Rutènes de Narbonnaise. Cf.
Barruol 1982, p. 78-93 [voir chapitre 8].
66. Sur la date de la fondation de Béziers on doit suivre pour l’argumentation Kromayer 1896, (36
av. J.-C. pour Béziers, une date légèrement postérieure pour Orange) ; il est suivi par Piganiol
1962, p. 79-84 (qui propose toutefois la date de 35 av. J.-C., ce qui ne nous paraît pas préférable) ;
Clavel 1970, p. 161-167 [voir chapitre 7].
67. Février 1981. La citation provient de la p. 363.
68. CIL XII, 4238.
69. On mettra en évidence l’inscription publiée dans Gallia 1955, p. 415-416 (cf. AE, 1955, p. 35),
proche d’Aumes (Département de l’Hérault, canton de Montagnac), qui se rapporte à un tribule
de la Pupinia (Béziers) : c’est une grande plaque portant les portraits des défunts au-dessus de
l’inscription. Mais un choix des documents qui se fonde exclusivement sur la mention d’un signe
de notabilité, comme une magistrature ou le sévirat, n’est peut-être pas suffisant pour établir de
la façon la plus assurée cette recherche, comme d’ailleurs P.-A. Février lui-même en était
conscient.
70. Inscription incomplète, dont ne subsiste vraisemblablement que le quart supérieur gauche
(24 cm x 40 cm x 7,8 cm) : (obito) L(ucio) Pomptino [—] / (obito) C(aio) Poinptin[o —] / [—. Il nous est
agréable de remercier Messieurs Michel Ollier, Robert Monté et Noël Houlès. L’inscription est en
cours de publication [Christol 1995 c et AE 1995, 1077].
NOTES DE FIN
*. Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 6, 1995, p. 163-181.
361
NOTE DE L’ÉDITEUR
Cet article a été développé récemment, dans une autre perspective, à propos du
bimillénaire de la Maison Carrée à Nîmes : Christol 2009 b, Dans le volume des actes de ce
colloque peut être appréhendée la diversité des formes d’expression du pouvoir impérial
par la polyphonie des sources.
1 Dans l’Occident des Romains, à l’époque républicaine on avait pu honorer les magistrats
ou les promagistrats qui représentaient la puissance dominante. Mais en Transalpine les
traces d’une telle pratique n’apparaissent pas encore. Elle n’était sûrement pas très
répandue. En revanche dans le monde grec, où les traditions politiques se conjuguaient
avec l’usage de l’écrit, les témoignages sont abondants1. Lorsque la nature du pouvoir se
transforma dans la cité romaine et qu’au sommet de l’État, comme dans la vie politique
plus généralement, s’imposa la personnalité d’Auguste, vainqueur des guerres civiles,
l’épigraphie des diverses parties du monde grec enregistra cette évolution et même
l’amplifia : en peu d’années les hommages adressés au prince se multiplièrent d’une façon
remarquable, comme l’a souligné Fergus Millar2. Retenons une expression dans le titre de
sa contribution : « The Impact of the Monarchy ». Elle illustre bien à la fois la
transformation du régime politique et le bouleversement des pratiques politiques qui
s’ensuivirent dans la vie des cités et des provinces. En somme, la formule souligne les
effets de rupture. Cette révolution ne s’exprima pas seulement dans l’épigraphie, mais
une révolution épigraphique avait été ainsi engagée. Cependant, en Orient les formes de
l’hommage préexistaient3, de sorte que l’on peut souvent relever des éléments de
362
continuité formelle. Les inscriptions ont dès lors traduit à leur façon les changements
politiques qui se produisaient au centre du pouvoir, ainsi que les nouvelles relations qui
engageaient les habitants de l’empire envers la personne qui dominait la vie politique ;
elles sont non seulement un écho de ces transformations politiques qui ne se limitaient
pas au coeur de la res publica, à Rome, la capitale, accessoirement à la vie politique des
cités d’Italie, mais encore un témoignage sur l’ampleur quelles revêtaient.
2 Mais dans les provinces d’Occident, de telles traditions d’honneur ou d’hommage, passant
par l’écrit, n’avaient pas été aussi largement répandues : première observation. On sait
toutefois que dans la péninsule Ibérique les relations entre dominants et dominés
s’étaient engagées suivant les formes du patronat et de l’hospitium, et que les usages
de/12/l’époque préromaine s’étaient prolongés en se coulant dans les formes
d’expression romaine, issues d’Italie ; il est difficile d’aller au-delà4. Peut-on présumer
qu’il en fut de même en Transalpine, puisque nous avons aussi des traces de relations
entre puissants personnages de la vie politique romaine et aristocrates indigènes, voire
communautés organisées : les témoignages provenant de Cicéron et de César apportent
des renseignements sur les patronages exercés sur les Allobroges ou d’autres peuples de
la province, ainsi que sur la diffusion du droit de cité au profit de notables indigènes 5.
Mais le fait épigraphique était embryonnaire à la fin de l’époque républicaine : seconde
observation. C’est peut-être là que se trouvent les principales difficultés de l’enquête. Le
manque de documents ne produit pas seulement une déficience objective, de nature
quantitative. Il conduit à s’interroger. En premier sur l’expression politique de
l’hommage au puissant, en se plaçant au-delà des mots contenus dans les tables qui
sanctionnaient l’entrée en clientèle ou la conclusion de l’hospitium ; mais aussi en tentant
d’observer au-delà des formes de relation qu’impliquent la clientèle et l’hospitium. Or, à
l’époque augustéenne, non seulement les provinces d’Occident ont alors pleinement vécu
à l’unisson de l’Italie et du reste de l’Empire, mais encore dans un temps assez restreint
elles ont rattrapé une part de leur retard en matière de développement du fait
épigraphique. La Transalpine, devenue Narbonnaise, n’échappe pas à l’essor de ce
phénomène : l’époque augustéenne est le temps de cette mutation, la personne du prince
est un facteur majeur qui en structure le développement politique. À l’occasion, sa
présence, à plusieurs reprises, rendit plus manifeste encore son pouvoir.
3 Certes la présence du prince est multiforme, mais la statuaire, la numismatique et
l’épigraphie toutefois l’emportent comme formes d’expression. Cependant, dès qu’il
convient de dénommer le prince pour l’honorer, le texte épigraphique passe au premier
plan.
4 Nommer le prince : R. Syme puis, plus récemment, F. Millar ont mis en évidence l’intérêt
qu’apportait une réflexion sur cette question ; ces auteurs ont montré aussi que les
innovations qui apparaissaient n’étaient pas de pure forme6. Mais revenir sur le sujet
impose aussi d’expliciter quelques réflexions préliminaires. Il faut tenir compte que le
principat augustéen est une construction progressive, et que la dénomination de celui qui
avait pris dans ses mains les destinées de la res publica s’était développée dans le temps,
s’était construite par étapes, en même temps que se renforçait sa domination politique,
certes un nouveau régime qui pouvait pour certains bouleverser les choses, mais qu’il
semblait nécessaire ou inévitable d’accepter. Ne savons-nous pas que la présence ou
l’absence de tel ou tel titre apporte en général un repère indiscutable pour dater les
inscriptions ? Ces critères externes traduisent à leur façon des phénomènes plus
profonds, qui ressortissent au domaine des institutions et de la vie politique ; ils éclairent
363
innervait l’Italie et les provinces, une référence à cette toute-puissance, à ses capacités
d’entreprendre, d’agir et d’intervenir sans rencontrer d’obstacle ?
8 Ce sont des textes longs, sans que l’on ait même à considérer les mots qui relataient
l’oeuvre entreprise : ce n’est que plus tard qu’apparaissent des verbes tels que fecit, refecit
ou restituit 11. Le milliaire augustéen se réduit au long énoncé de l’identité impériale. La
partie la plus étonnante est peut-être celle que l’on sera tenté d’éliminer dans d’autres
contextes ou dans d’autres circonstances, celle qui correspond aux titres de prestige et de
pouvoir, dans la seconde partie des énoncés. C’est une partie dans laquelle on a procédé
par addition sans que cette dernière soit une accumulation inutile. La filiation par
rapport aux usages du temps de la république est réelle, surtout si l’on tient compte des
premières inflexions de l’époque césarienne12. On y trouve les titres qui établissaient dans
le cadre institutionnel de la res publica ses pouvoirs prédominants, et qui lui assuraient
une place hors du commun dans la /15/ vie politique. Sans aucun doute, le besoin de
montrer cette prééminence hors du commun, non seulement dans le temps présent, face
à d’éventuels compétiteurs, mais encore dans le développement historique de la res
publica13 fut fortement proclamé à Rome, puis officiellement répandu dans les provinces –
mais pas seulement dans la Narbonnaise –, par les réalisations d’administration, qui se
plaçaient dans l’immédiat au-delà de l’acte normatif et qui correspondaient à la mise en
place de son exécution. Les documents qui en résultent permettent de savoir ce qu’était
l’autorité du prince et de montrer comment elle évoluait constamment vers une
extension, un renforcement et un épanouissement14 : les milliaires de la cité de Fréjus se
répartissent ainsi en deux séries bien distinctes, l’une de 13-12 avant J.-C., l’autre du
premier semestre de 3 avant J.-C.15. N’est-ce pas aussi l’explication qui éclaire l’expression
originale qui apparaît sur divers milliaires de la cité d’Apt, sur la route de Cavaillon à
Sisteron16 ? Le titre de pater patriae a été ajouté au sommet du texte, afin d’apporter une
mise à jour.
9 Il faut reconnaître une certaine importance à ce type d’intervention, qui fait diffuser par
l’intermédiaire des actes de ses représentants l’identité de celui qui exerce l’autorité dans
l’État : le délégué du prince, son légat, ou bien le proconsul qui a reçu mandat, s’effacent
pour laisser s’exprimer à leur place celui qui a pris les rênes du pouvoir. Aussi ne faut-il
pas s’étonner que des textes fort semblables apparaissent dans des provinces très
éloignées : à quelques nuances finales le texte des milliaires dans la cité de Nîmes, le long
de la via Domitia, ressemble à celui des milliaires érigés sur la via Sébastè en Asie Mineure 17.
Les actes administratifs ont diffusé avec fidélité l’identité la plus canonique, celle qui
apparaît au début des actes normatifs18. On n’a pas l’impression que les délégués de
l’autorité romaine /16/ aient pris quelque initiative que ce soit afin de modifier cette
image du prince, comme ils pouvaient le faire dans le texte de leurs propres édits, qui
explicitaient et transmettaient la volonté du pouvoir. Sur ce point nous n’avons pas de
document provenant de Narbonnaise, mais ailleurs ledit du gouverneur de Galatie Sex
(tus) Sotidius Strabo Libuscidianus en Galatie, relatif au cursus publicus dans cette
province, montre cette autre facette du discours officiel qui comporte une autre façon de
définir l’identité du détenteur du pouvoir impérial19 : la manière est plus discursive, les
termes ont davantage de connotations morales, le prince est certes lointain, mais en se
référant aux modalités de la cura reipublicae, expression qui n’a pas de contenu juridique
et qui n’est qu’un vêtement idéologique, son délégué le rend aussi présent, mais dans un
autre registre20.
365
10 Toutefois, aborder le domaine des cités modifiait fortement les perspectives du problème,
car a priori c’était à leurs autorités que revenait l’initiative, y compris celle de la
formulation. Si nous ne disposons pas en Narbonnaise de l’équivalent des décrets de Pise,
décrets municipaux reproduisant les délibérations de l’ordo des cités provinciales, le texte
de l’autel de Narbonne constitue toutefois, par son caractère solennel, un document de
premier ordre. Il conviendra de l’examiner avec attention. Mais il existe aussi les
inscriptions apposées sur les édifices publics. Or la période augustéenne est celle des
premiers et importants développements de l’urbanisme gallo-romain : l’épigraphie
impériale a accompagné l’urbanisation de la province, liée elle-même à sa
municipalisation21. Enfin, par leur statut, un certain nombre des cités provinciales
constituaient un prolongement de l’Italie, et donc vivaient au rythme de l’Urbs, pour la
diffusion de l’information officielle sur les grandes décisions honorifiques, désormais
concentrées sur le prince et les membres de sa famille. Elles ont reçu certainement
notification de toutes les étapes de la mise en place du principat augustéen. Sans aucun
doute le zèle des représentants du pouvoir y pourvut aussi, à l’image de ce que révèle, à
une date un peu plus tardive, ledit de Sex. Sotidius Strabo Libuscidianus. Les affichages
ont sûrement diffusé et vulgarisé l’identité impériale et relaté à leur façon l’accumulation
des honneurs, des pouvoirs et des privilèges qui mettaient à part le prince. Sinon,
comment comprendre la décision des colons d’Arles d’honorer Auguste d’une réplique du
clipeus virtutis22. qui reprend avec une fidélité presque intégrale le texte des attendus
officiels qui avaient justifié la décision du Sénat ? Or, parmi les centres dans lesquels se
développèrent les diverses formes d’exaltation du prince et manifestations du culte
impérial, Arles, comme Narbonne, sont des colonies romaines. Quant à Vienne et Nîmes,
colonies de droit latin, elles jouissaient aussi de liens privilégiés avec le maître du pouvoir
et avec son entourage. Toutes furent le réceptacle de l’information officielle, en même
temps qu’elles étaient attachées à mettre en valeur la personnalité du prince. Si l’οn /17/
envisage les modalités de la diffusion des nouvelles, les informations fournies par la
tabula Siarensis ne sont pas vraisemblablement une nouveauté : la mise en valeur de
l’octroi des pouvoirs et des honneurs sur un large plan fut, sans aucun doute, une des
formes d’établissement de l’autorité d’Auguste sur le monde entier, entraînant ainsi des
manifestations d’exaltation de sa personne qui étaient aussi des manifestations
d’acquiescement à son pouvoir23. Les rédacteurs s’exprimaient aussi à ce niveau, celui de
la cité, comme celui de la province qui lui est rattaché, avec un incontestable souci de
précision afin de définir la position du prince et celle des autres représentants de
l’autorité publique24.
11 Les inscriptions apposées sur les monuments publics, ou destinées à apparaître dans des
espaces publics – y compris les lieux à vocation plus spécifiquement religieuse –,
constituent une première catégorie. Elles sont bien moins nombreuses que les bornes
milliaires précédemment évoquées, mais les bâtiments à prendre en considération
avaient dans la vie quotidienne une place qui n’était pas négligeable25. Les conditions de
conservation de l’épigraphie urbaine, même plus difficiles, en ont préservé quelques-
unes. La documentation fournie par l’épigraphie de Nîmes offre ainsi un échantillon
convenable pour apprécier le problème, car, en raison de l’attachement du prince lui-
même, de celui de son principal lieutenant Agrippa, puis de celui d’autres membres de
l’entourage impérial, le développement urbain fut, de plus en ce lieu, étroitement hé à
l’exercice des patronages et aux faveurs ou avantages qui l’accompagnaient. Les grands
événements qui scandent le développement de ces relations ont reçu une traduction
366
épigraphique, associée aux grands monuments qui venaient peu à peu structurer le
paysage urbain. Les composantes d’un tel dossier méritent attention26.
12 Les premiers éléments correspondent aux deux textes mis au jour lors des travaux
entrepris à La Fontaine27. Ces inscriptions datent de l’année 25 avant J.-C. ; elles ont été
mises en rapport avec le retour du prince de péninsule Ibérique, où s’étaient déroulées les
guerres de pacification du Nord-Ouest28. Dans ces deux textes, identiques, on a repris le
modèle le plus officiel, en donnant autant de place à la dénomination originale du prince
qu’à l’énoncé de ses prérogatives (le consulat) et de ses titres victorieux : par rapport aux
premiers mots des diverses lettres constituant le dossier de Rhosos, on ne relèvera que
l’inversion entre mention/18/des consulats et mention des acclamations de victoire. Mais
il convient de s’interroger sur l’origine de ces deux monuments. La localisation des blocs,
en un lieu qui était dominé par le dieu Nemausus, pourrait s’expliquer par le souci de
rapprocher le génie d’Auguste de la plus importante divinité de l’endroit, ou d’installer
un hommage au grand personnage dans l’environnement le plus proche de la divinité.
Outre la dénomination, dont le caractère exceptionnel était déjà perçu comme le reflet
d’une position plus que remarquable dans la res publica, on a voulu mentionner ce qui,
alors, assurait à son pouvoir un fondement stable (le consulat)29, et le charisme victorieux
qui fondait d’une autre manière sa prééminence et la singularité de son génie (les
acclamations de victoire)30. Eadem vocabula, pourrait-on dire en adaptant une expression
de Tacite31 ; mais la combinaison qui apparaissait permettait à l’ensemble de la formule
d’opérer un dépassement. Les Nîmois n’ont pas apporté de modification significative à
l’identité impériale la plus canonique qui leur était proposée par les textes officiels : ils
ont exalté le prince en tant que tel, dans sa dénomination la plus pure en termes de droit
public32. Il ne fallait peut-être pas le désigner par le terme (princeps) qui offrait de sa
puissance une définition trop unitaire et donc trop monarchique, mais le dénommer
d’une façon plus conforme à la mise en place du nouveau régime et à l’esprit dans lequel
le bénéficiaire de ce changement souhaitait qu’il soit perçu, c’est-à-dire par l’addition
d’une dénomination, originale par elle-même et forte du sens de chacune de ses
composantes33, et d’une série de titres dont le cumul était aussi plein de signification34.
Mais, s’il devait être évident, l’effet de dépassement ne devait pas heurter l’opinion35. On
ne peut manquer d’être tenté de transposer au commentaire de ce document une
conclusion majeure que dégage S. Price du culte des souverains hellénistiques : ils ne sont
pas honorés essentiellement comme bienfaiteurs ou protecteurs, ils sont honorés d’abord
comme détenteurs du pouvoir36. Et à Nîmes, au sanctuaire de La Fontaine, la présence
d’Auguste aux côtés de Nemausus est celle du détenteur d’un pouvoir exceptionnel, défini
comme tel et, pourrait-on dire, de la manière la plus explicite et la plus véridique. Celle-ci
reflète les conditions mêmes de l’installation de ce nouveau pouvoir ; elle se garde aussi
de tous les /20/ excès par la fidélité à la terminologie froide des institutions héritées de
l’époque précédente37.
13 Il en est de même dans un autre texte, malheureusement incomplet38. Les restes
permettent toutefois d’établir la date avec précision. Il s’agit d’un fragment d’architrave
dont la restitution pourrait a priori susciter l’hésitation, tant les lacunes sont importantes
39
. Mais il s’agit aussi d’Auguste, comme tous les éditeurs du texte l’ont indiqué
fermement : [-----cos. XI, imp.] VIII trib(unicia) po[t(estate)—]. En revanche, nous ignorons si
le texte était rédigé au nominatif ou au datif, et donc si le prince agit ou bien reçoit un
hommage à l’occasion d’une construction. Mais, une fois de plus, c’est le princeps qui
apparaît, défini par la somme de ses pouvoirs et attributions : on a toujours repris les
367
rédaction du texte qui résume l’oeuvre augustéenne, les habitants des provinces -
entendons : leurs élites-, participaient à l’établissement d’un pouvoir prédominant, celui
du prince, en convenant de l’éminence de sa position, en l’affirmant et en l’acceptant,
bref en participant de leur côté et dans leur position à sa mise en place.
17 Mais il est une autre forme de l’identité impériale qui se réduit à la première partie seule
des formulations que nous venons d’évoquer. Elle ne reprend que l’aspect personnel,
exempté des références à des pouvoirs ou à des honneurs strictement définis.
L’épigraphie juridique apporte aussi ses témoignages dans l’intitulatio des
correspondances impériales, /21/ quand l’identité impériale était gravée sous une forme
abrégée46 : Imperator Caesar Divi filius, puis Imperator Caesar Divi filius Augustus. C’est cette
forme, plus personnelle, qui a abouti au seul cognomen Augustus, celui qui sert à équilibrer
la formulation définissant les prêtres institués (flamines Romae et Augusti, sacerdotes Romae
et Augustï). Tout finit par se condenser dans ce terme, dont le sens était très fort 47, comme
l’explicitait le gouverneur de Galatie que l’on a évoqué plus haut, lorsqu il écrivait : id
quod Augusti alter deorum alter principum maximus diligentissime caverunt. L’autel de
Narbonne (en 11 et 12 après J.-C.), qu’il faut placer en continuité avec l’autel consacré à
Rome par Tibère en 9 ap. J.-C., reflète bien la manière dont l’identité impériale pouvait
s’exprimer dans de larges milieux de la population des cités de l’empire. Il apporte une
riche palette de formules48. La forme la plus évidente, qui se trouvait en haut de l’autel,
ara numinis Augusti, qui répond au numinis Augusti votum susceptum, abrège à l’extrême
l’énoncé relatif au prince, ce qui montre que, peu à peu, ce terme de dénomination,
attribué en 27 av. J.-C., avait acquis une valeur suffisante. Mais le texte explicatif du voeu
contient d’autres formes d’identification plus larges, et peut-être aussi, à propos de la
relation des circonstances de l’exécution du voeu, apporte les explicitations qui éclairent
le terme isolément employé un peu plus haut. Toutes ces formulations reprennent en
partie les éléments de dénomination et en partie les titres, honneurs ou pouvoirs. Quod
bonum faustum felixque sit Imp(eratori) Caesari Divif(ilio) Augusto p(atri) p(atriae) pontifici
maximo, trib(unicia) potest(ate) XXXIIII : l’identité impériale a été dépouillée des éléments
qui, quelques années plus tôt, constituaient l’ossature de sa seconde partie, consulat,
acclamations de victoire49. À leur place s’installent des notions plus proprement
religieuses (le grand pontificat) ou des notions aux résonances civiques, rappelant l’octroi
du bouclier des vertus et redoublant le cognomen Augustus (père de la patrie) 50. La
puissance tribunicienne vient toutefois préciser la longue possession d’un pouvoir
essentiel, même si elle ne fut pas pour Auguste le pouvoir initialement essentiel 51 : /22/
elle revêt peut-être aussi une valeur de datation52. On retrouve cette identité, à une
nuance près sur la filiation du prince, dans l’autre partie du texte, correspondant à
l’exécution du voeu : hanc tibi aram pro imp(eratore) Caesare Aug(usto), p(atre) p(atriae),
pontifice maximo, tribunicia potestate XXXV, coniuge liberis genteque eius senatu populoque R
(omano)...doque dedicoque... Toutefois existent dans le texte de la formulation initiale du
voeu des allusions à la puissance politique d’Auguste : il est orbis terrarum rectorem, et le
jour de ses premiers auspices est ainsi appelé : qua die primum imperium orbis terrarum
auspicatus est. Ces images du maître du monde sont l’illustration discursive des titres un
peu froids qui avaient été auparavant déclinés pour identifier le prince. Elles sont les
premières formules qui pouvaient venir à l’esprit de ceux qui avaient d’abord donné
l’identité du prince53.
18 On peut donc pressentir tout ce qui affleurait déjà quelques décennies plus tôt lorsque les
Nîmois mettaient en évidence l’identité impériale. Il leur venait certainement à l’esprit
369
un certain nombre de formules qu’ils auraient pu exprimer s’ils avaient souhaité donner à
leur acte un aspect plus discursif. Les habitants de Narbonne le firent quelques années
plus tard, en concordance avec l’esprit du moment. Aussi ne peut-on réduire l’examen des
premières titulatures impériales à peu de chose sous prétexte qu’elles auraient un aspect
très formel et très stéréotypé. Il vaut mieux adopter un point de vue contraire. Aux
origines du principat les documents épigraphiques qui comportent l’expression de
l’identité impériale sont un des vecteurs de l’affirmation d’une forme nouvelle de
pouvoir. Par son originalité, l’identité impériale ne pouvait que frapper les esprits. La
sèche majesté des formules, l’ampleur des résonances textuelles quelles pouvaient
susciter, contribuaient à isoler au sommet de la scène politique celui qui peu à peu
construisait un édifice politique nouveau. Sur les monuments, dans les lieux publics, où
elles supplantaient par leur nombre celles des autres personnages de la vie politique
locale ou de la vie politique provinciale, ces inscriptions créaient un monopole de la
représentation de la res publica par des textes réservés au prince, à l’expression de sa
volonté ou au souci de lui rendre hommage. Il faut ainsi relever qu’aux formules issues
des milieux mêmes du pouvoir répondirent sans hésitation celles des sujets, qui les
reproduisirent fidèlement au fur et à mesure qu’elles leur étaient soumises. C’était une
des formes de l’unification du monde romain.
NOTES
1. Ferrary 1997, pour une approche dans le cadre de l’évergétisme.
2. Millar 1984.
3. Price 1984, p. 23-52 (chapitre intitulé « Hellenistic cities and their rulers »). On n’omettra pas
les suggestions de Béranger 1975a, p. 40-41.
4. Étienne 1987 a. En revanche, la position des patrons d’Ampurias, dans la seconde moitié du I er
siècle avant J.-C., entre parfaitement dans le contexte romain : Bonneville 1988, p. 181-200.
5. D’une façon générale Badian 1958, p. 252-284, partic. p. 263-265.
6. Syme 1958 a ; Millar 2000. Sur le titre d’imperator, on tiendra compte également des remarques
de Béranger 1975b, p. 123-124 (mais l’article original est paru en 1959) et des analyses de Combès
1966, p. 132-150. Plus généralement, sur le développement des titulatures impériales,
Magioncalda 1991, p. 3-18 ; sur les pouvoirs d’Auguste, en dernier Ferrary 2001 ; enfin, à propos
du culte impérial, Fishwick 1987,1991 et 1993.
7. F1RA 2, I, p. 308, no 55 ; Mélèze-Modrzejewski dans Les Lois des Romains, Naples, 1977, document
no VII, 5, p. 352-352-366. Documents récemment réexaminés en détail par Millar 2000, p. 15-25.
8. En rapport avec les développements du culte impérial, voir la mise au point d’ensemble de
Demougeot 1968. Nous ne disposons pas pour la Narbonnaise, province rendue au peuple romain
en 22, de l’équivalent de la plaque de bronze reproduisant l’édit de castellanis Pameiobrigensibus,
daté de 15 av. J.-C. (AE 1999, 915). Il fut pris à Narbonne (actum Narbone Martio) par Auguste : Imp
(erator) Caesar Divi fil(ius) Aug(ustus) trib(unicia) pot(estate) VIIII (sic) et pro co(n)s(ule) dicit. Voir
Ferrary 2001, p. 115-116, ainsi que Richardson 2002, p. 413, qui rappelle à juste titre la belle
remarque conclusive de Syme dans un passage aboutissant aux pouvoirs d’Auguste après 23 av.
J.-C. (mise au point de Ferrary 2001, p. 136-137) : « Similarly, the Res Gestae Divi Augusti do not
reveal the vast provincia voted in 27 B.C. and carrying with a command over almost all the armed
370
forces of the Republic, or the modification of the imperium in 23 B.C. which extended it to cover
the public provinces in the form of imperium maius. After that date the ruler could (and, be it said,
should) borne ‘pro cos’on his titulature » (Syme 1958 a, p. 184).
9. Millar 1984, p. 49-53.Il s’agit de l’expression de l’auctoritas. Ce fait institutionnel est à plusieurs
reprises invoqué, analysé et illustré par Ferrary 2001, p. 113-114, p. 130-141. L’analyse de
l’inscription de Kymè est dans cette optique très significative : Ferrary, 2001, p. 134-135. Mais on
peut pressentir aisément combien important était le rôle du gouverneur (voir aussi ci-dessous n.
17-19). Dans une autre province occidentale on peut illustrer ce phénomène par d’autres
exemples. On évoquera le rôle joué par les légats R Sestius Quirinalis et Paullus Fabius Maximus
(Le Roux 1982, p. 56 et 76), ou par le légat P. Carisius, qui apparaît dans le monnayage d’Emerita (
RPCI, 1-25).
10. Par exemple CIL XII, 5637 = CIL XVII, 2, 256 : Imp(erator) Caesar Divi f(ilius) Aug(ustus), pontif(ex)
maximus, co(n)s(ul) XII, co(n)s(ul) designat(us) XIII, imp(erator) XIIII, tribunicia potestate XX ; etc. Voir
aussi, plus loin, les textes aux n. 11-12. Il en va de même en péninsule Ibérique : CIL II, 4936, 4937,
etc., cf. Sillières 1990, p. 70 (no 3), p. 71-72 (no 5). Une série de milliaires augustéens, un peu
postérieure, fait état de la portée de l’entreprise routière, ce qui donne au texte une plus grande
force par l’expression d’une politique de maîtrise de l’espace (CIL II, 4704, etc.) : Imp(erator) Caesar
Divi f(ilius) Augustus, co(n)s(ul) XIII, trib(unicia) potest(ate) XXI, pontif(ex) max(imus) a Baete et Iano
Augusto ad Oceanum. LXXV ; Sillières 1990, p. 106 (n o 46). Description de la voie par Sillières 1990,
p. 290-316, et p. 580-586. On éclairera ces réalisations, datées du début de l’année 2 avant J.-C.,
par les réflexions sur la symbolique de la conquête du monde : Nicolet 1988, p. 41-68.
11. Ces termes apparaissent sur les milliaires de Tibère et de Claude. Viam refecit : CIL XII, 5441 =
CIL XVII, 2, 23 = ILN Antibes, 139 (Tibère) ; restituit et refecit : CIL XII, 5446 = CIL XVII, 2, 69 = ILN
Fréjus 182 (Tibère) ; refecit : CIL XII, 5666 = CIL XVII, 2, 288 (Claude).
12. Voir ci-dessous n. 33.
13. C’est un des résultats marquants de la composition des Res gestae : les références à la position
éminente d’Auguste (me principe : 13 ; 32, 3 ; ante me principem : 30, 1) n’apparaissent pas dans les
chapitres à contenu institutionnel, mais dans les chapitres qui se réfèrent à la puissance du
peuple romain, liés à la guerre et à la politique extérieure. Voir sur ces emplois Béranger 1953,
p. 44-45, p. 47-49.
14. Ce caractère progressif semble évident lorsqu’il s’agit de la mise en place d’un pouvoir, peu à
peu constitué. On s’en tiendra aux remarques suggestives de Haverfield 1912, p. 195-197 sur Tac.,
Ann., I, 2, 1 : posito triumviri nomine, consulem se ferens et ad tuendam plebem tribunicio iure contentum.
Voir aussi n. 51.
15. CIL XII, 5454 = CIL XVII, 2, 35 = ILN Fréjus, 177 et CIL XII, 5455 = CIL XVII, 2, 36 = ILN Fréjus, 178
pour la première série : Imp(erator) Caesar Augustus, imp(erator) X, tribunicia potestate X[I]. IIIII. ; CIL
XII, 5450 = CIL XVII, 2, 72 = ILN Fréjus, 179 et CIL XII, 5444 et add. = CIL XVII, 2, 26 = ILN Fréjus, 180
pour la seconde série : [Imp(erator) Caesar Divi f(ilius) Aug(ustus), pontif(ex) maxumus, co(n)s(ul) XII, co
(n)s(ul designat(us) XIII, imp(erator) XIIII], tribunicia potestate XX. VIIII.
16. CIL XII, 5496 = CIL XVII, 2, 82 = ILN Apt, 150, sur lequel on a relevé une première rédaction
entre le I er juillet et le 31 décembre de l’an III avant J.-C. et l’adjonction plus tardive du titre de
père de la patrie, octroyé en 2 avant J-C. : Pater [p]atria[e]. Im[p(erator)] Caesar Divi f(ilius) Augustus,
pontifex maxumus, co(n)s(ul) XII, co(n)s(ul) designatus XIII, imp(erator) XIIII, tr[i]bunic(ia) [p]otestat[e].
XX[I].
17. Milliaires de la région de Nîmes, voir n. 10 ci-dessus. On se référera aussi aux documents cités
dans les notes précédentes. Voici le texte modèle des milliaires érigés le long de la via Sébastè en 6
avant J.-C. (Waldmann, ZPE, 44, 1981, 99-100, n o 7 et pl. X, corrigé par M. Christol et Th. Drew-
Bear, Tyche, 1, 1986, 51-53) : Imp(erator) Caesar D[ivi flilius)] Augustu[s], pont(ifex) ma[xim(us)], [c]o(n)s
(ul) X[I], desig(natus) XII, im[p(erator) XV], tri[b(unicia)po]test(estate) XIIX v[iam Seba]stem cura[nte]
Cornuto A[qui]la [leg(ato)] suo pro pr(aetore) [f]ec[it]. XXIII. La mention du gouverneur de Galatie est
371
l’élément caractéristique de ces textes, mais leur formulation montre de façon évidente comment
s’exprime la décision et comment elle se réalise ensuite, le gouverneur n’étant que l’agent de
l’empereur.
18. Un exemple sur la place du gouverneur, le cas de l’Afrique : Huriet 2001 a. Les analyses de
Lacey 1979 et 1996, notamment à propos de la diffusion des mentions de la puissance
tribunicienne, ne tiennent pas compte suffisamment du rôle des représentants du pouvoir
romain, quels qu’ils soient.
19. Mitchell 1976 (AE 1976, 653) : est quidem omnium iniquissimum me edicto meo adstringere quod
Augusti alter deorum alter principum maximus diligentissime caverunt... ; plus loin le prince est
qualifié de princeps optimus.
20. Béranger 1953, p. 186-217 ; sur les débats provoqués par l’idée selon laquelle la cura reipublicae
serait une réalité institutionnelle, Ferrary 2001, p. 113-114 (avec présentation bibliographique, n.
53).
21. Mise en place du cadre d’ensemble par Christol 1999 d.
22. AE 1952, 165 ; Seston 1954 (= Seston 1980, p. 121-132). Sur les vertus, voir aussi Lacey 1974,
p. 181-184 et Lacey 1996, p. 94-98.
23. Il s’agit des lignes 23-27 de la Tabula Siarensis, examinées en détail par Le Roux 1988. À propos
du monde grec, Millar cité ci-dessus. D’une façon plus générale, Eck 1996, p. 335-342.
24. Un bon exemple provient dans la province d’Afrique de la cité de Lepcis Magna (AE 1940, 68 =
IRT 301) : Marti Augusto sacrum, auspiciis Imp(eratoris) Caesaris Aug(usti), pontificis maxumi, patris
patriae, ductu Cossi Lentuli co(n)s(ulis), (quindecem)viri sacris faciundis, proco(n)s(ulis), provincia Africa
belle Gaetulico liberata, civitas Lepcitana. Le rédacteur a dissocié, de façon explicite et avec la plus
grande exactitude dans les termes, le pouvoir éminent d’Auguste en matière d’auspices et le rôle
d’exécutant attribué au proconsul de la province. Sur ce texte voir Huriet 2000, et sur les auspices
d’Auguste en général Huriet 2001 b (pour ce texte de Lepcis p. 176-179).
25. Les travaux récents de Ramage 1987 et 1988 envisagent d’une façon un peu trop globalisante
tous les éléments relatifs à ce qui est appelé la propagande impériale. Les inscriptions ne sont pas
traitées de façon particulière. La mise en valeur de la victoire impériale est toutefois un aspect
important à retenir.
26. Quelques observations rapides : Christol 1996 a, p. 59 ; Christol 1999 c (à propos de CIL XII,
3155).
27. CIL XII, 3148 et 3149 : Imp(eratori) Caesari Divi [f(ilio)] Augusto, co(n)s(uli) nonum, designato
decimum, imp(eratori) octavom.
28. Kienast 1990, p. 61-67.
29. Sur la place du consulat dans le dispositif institutionnel des débuts du principat, Ferrary 2001,
p. 101 - 115. Voir aussi les remarques de Béranger 1975b, p. 122-123.
30. L’exaltation du charisme victorieux et du rôle providentiel dans le fonctionnement de la res
publica a été très tôt mis en évidence : par ex. Vitruve, De architectura, praef., I, 1.
31. Tacite, Annales, 1, 3, 7 : domi res tranquillae, eadem magistratuum vocabula.
32. Comme le soulignait déjà Haverfield 1912, p. 195-197.
33. On ne saurait trop insister sur l’originalité du praenomen imperator, puis sur l’originalité tout
aussi forte du cognomen Augustus. Sur le premier point, Syme 1958 a, p. 172-188 ; voir aussi Millar
2000 et Combès 1966, cités ci-dessus, n. 6.
34. Le phénomène d’accumulation s’était précisé à l’époque césarienne, puis à l’époque
triumvirale. Pour les inscriptions de César, Raubitschek 1954, pour le contexte des cités grecques.
Du côté italien, CIL XI, 2653 = ILS 70 : [C(aio) Iul[io Caesari im[p(eratori)], dictat(ori) iteru[m, pont]ufici
max[umo, aug(uri), c]o(n)s(uli) patrono mu[nicipi], d(ecurionum), c(onsulto). On retiendra aussi les
remarques de Combès 1966, p. 101-110, avec les tableaux récapitulatifs sur les emplois d’
imperator.
372
35. Problème posé par Millar 2000, p. 4-7, à propos de la période entre 31 et 27 av. J.-C., à partir
de l’article de Rich-Williams 1999. Cette attitude dans le domaine politique rejoint celle adoptée
dans le domaine religieux : Fishwick 1987, p. 72-93. Voir aussi les remarques de Béranger 1975b,
p. 124-131.
36. Price 1984, p. 51-52.
37. Nous rappellerons que dans les débats sur les origines du principat, l’éventualité de l’octroi
de ce titre de princeps à Auguste, dans le cadre institutionnel le plus strict, avait rebondi à propos
de l’étude de Seston 1954 sur le clipeus virtutis, avec l’intervention d’André Piganiol à la suite. On
prendra appui sur la mise au point de J. Scheid dans Scheid-Jacques 1992, p. 1-46, partic. 38-42.
38. CIL XII, 3150.
39. L’affectation de l’édifice sur la façade duquel se trouvait l’inscription est incertaine. Mais, s’il
s’agissait d’un édifice du culte impérial, il faudrait suivre l’avis exprimé par D. Fishwick sur des
inscriptions analogues : « ... the wording of these various epigraphical texts makes clear that the
emperor is adressed in his “menschliche Wesenheit” », cf. Fishwick, 1991, p. 439.
40. Ferrary 2001, p. 108-111, p. 117-120, p. 123-124, p. 153-154(qui nuance à plusieurs reprises les
travaux de Lacey cités à la n. suiv.).
41. ILS 6753. Pour la date de 20 avant J.-C. comme terminus ante quem : Barnes 1974, p. 21 et 26,
ainsi que Kienast 1991, p. 63 et 66. Sur les premières mentions de la puissance tribunicienne,
Lacey 1979, p. 29-30 et Lacey 1996, p. 159-160.
42. CIL XII, 3151 : Imp(erator) Caesar [D]ivif(ilius) Augustus, [c]o(n)s(ul) X[I], trib(unicia) pot(estate) VIII
portas muros[q(ue)] col(oniae) dat.
43. Roddaz 1984, p. 416-417, à propos de l’inscription du théâtre de Mérida (CIL II, 474 = ILS 130).
44. Ferrary 2001, p. 130-137.
45. Yavetz 1984, particulièrement p. 5-6, 8, 13-14, et surtout p. 14-20.
46. On partira de la distinction qui apparaît dans une inscription postérieure de presque un
demi-siècle à l’époque d’Auguste. Il s’agit de l’inscription qui se rapporte à l’affichage et à la
reproduction de ledit de l’empereur Claude de civitate Anaunorum (CIL V, 5050 = ILS 206 = FIRA 2, 1,
p. 417-419, no 71). On trouve d’abord, dans les lignes consacrées à l’annonce de l’affichage :...
edictum Ti. Claudi Caesaris Augusti Germanici propositum fuit id quod infra scriptum est. Puis vient le
texte de l’édit reproduit intégralement, avec l’inscriptio (ou praescriptio, ou intitulatio) originale : Ti.
Claudius Caesar Augustus Germanicus, pont(ifex) maxim(us), trib(unicia) potest(ate) VI, imp(erator) XI, p
(ater) p(atriae), co(n)s(ul) designatus IIII, dicit. E. Volterra a attiré l’attention sur ce phénomène de
contraction des textes officiels, qui est bien vérifié dans la partie initiale, ce qui n’a pas suscité les
mêmes polémiques que les points de vue de ce savant sur la partie normative : Volterra 1971,
p. 925-937. Dès l’époque augustéenne on trouve les deux types d’inscription : soit l’énoncé
complet, comme dans les inscriptions de Rhosos (ci-dessus n. 7), soit l’énoncé réduit, comme dans
une inscription d’Aphrodisias (Reynolds 1982, p. 104-113, n o 13), qui est toutefois d’une
interprétation délicate, comme le montre le commentaire. Ces formes abrégées, dont la gravure
suit incontestablement d’autres intentions, apparaissent surtout dans la documentation
numismatique : Burnett-Amandry-Ripollès 1992, 1, 2, p. 769-770 (indices).
47. Schilling 1979, p. 47-48 ; pour la dénomination du prince Magioncalda 1991, p. 8-10.
48. Dans l’examen de ce document se superpose la problématique des développements du culte
impérial : Demougeot 1968, p. 61-62, Fishwick 1969.
49. On trouvera des parallèles dans les décrets de Pise (CIL XI, 1420-1421 = ILS 139-140).
50. On trouvera un point de comparaison dans l’inscription de Lepcis mentionnées à la n. 24.
51. Tac., Ann., I, 2, 1, qui met en évidence le consulat et la puissance tribunicienne : Haverfield
1912 ; Lacey 1996, p. 3-4 (avec n. 8), 63, 113. Voir aussi ci-dessus n. 40-41.
52. Res gestae, 10 et 35 ; Tac., Ann., I, 9 ; Magioncalda 1991, p. 11-13 ; Lacey 1996, p. 154-167,
approuvé par Ferrary 2002, p. 117 n. 69.
373
53. On relèvera les rapprochements possibles avec CIL XI, 1421 = ILS 140 : Augusti patris patriae
[po]ntif(icis) masxumi custodis imperi Romani totiusque orbis terrarum praesi[dis f]ilium...
NOTES DE FIN
*. La transmission de l'idéologie impériale dans l'Occident romain, textes réunis par M, Navarro
Caballero et J.-M. Roddaz, Bordeaux-Paris, 2006, p. 11-25.
374
Introduction
1 Les divers chapitres rassemblés sous ce titre viennent compléter directement ceux qui se
trouvent dans la quatrième et la cinquième partie, en s’écartant de la vie politique des
cités, au sens le plus strictement institutionnel. C’est l’occasion d’orienter la réflexion
dans trois directions.
2 Une réflexion sur la fortune des notables, donc sur l’assise économique du pouvoir
politique, est nécessaire. Elle permet à l’occasion de revenir sur les rapports
qu’entretiennent les grandes familles avec le territoire, soit d’une façon restreinte,
lorsque leur emprise se limite à une zone bien déterminée, soit plus largement lorsque,
par le jeu des alliances, elles peuvent embrasser divers points du territoire ou s’y
possessionner. La colonie de Narbonne apporte un exemple remarquable qui s’enrichit de
l’apport d’autres documentations que l’épigraphie lapidaire : on mettra particulièrement
en avant l’apport de l’épigraphie tégulaire, qui reste, comme dans bien d’autres cas, à
exploiter. L’exemple de la cité de Nîmes montre, à l’occasion, tout ce que l’on peut retirer
de l’attention portée à la localisation des inscriptions.
3 Les problèmes de mobilité sociale au sein des cités méritaient aussi d’être analysés. À
partir d’un exemple remarquable provenant toujours de la cité de Nîmes, l’univers des
proches des grandes familles apparaît, en la personne de leurs affranchis ou de leurs
descendants : tout autant que les trajectoires individuelles, ce sont les relations qui se
nouent dans la proximité des notables qui se dégagent fermement ; elles laissent
entrevoir l’existence d’une société d’affranchis, avec leurs réseaux qui s’entrecroisent à
ceux des grandes familles. Mais, en la matière, il faudrait peut-être, avant toute
généralisation, nuancer la recherche par la prise en compte de la diversité des cités et des
contextes économiques qui y prévalent (notamment la place des activités commerciales
ou marchandes).
4 On pénètre ainsi, insensiblement, dans les milieux sociaux qui se trouvent aux marges de
la société des notables ou qui, même, constituent un en-deçà de ce monde. Il s’agit tout de
même de la plus grande partie de la population des cités et l’appréciation des formes de la
stratification du populus ou de la plebs permet de considérer cette réalité sociale au-delà
de sa globalité. Toutefois on n’est pas assuré que les diverses composantes de cet univers
social aient été toujours identifiées par l’écrit, même celui de l’épitaphe. Les collèges, qui
peuvent revêtir des formes multiples, en réalisent souvent l’encadrement, tant dans les
376
chefs-lieux que dans les campagnes : on est donc conduit à analyser dans sa diversité le
phénomène associatif. Les collèges apparaissent dans plusieurs études qui ont été
reproduites, même si parfois elles se chevauchent quelque peu. Pour suivre leur
déroulement on notera que le chapitre 30, qui est présenté comme inédit, est en réalité le
plus ancien, victime, si l’on peut dire, des aléas de publication qui peuvent parfois se
produire. C’est à partir de quelques constatations d’ensemble, mais point de
généralisations – car le souci de segmenter la réalité était toujours bien présent, afin de
nuancer par cité ou par groupe de cités –, que des réflexions complémentaires ont été
avancées, afin de mettre en évidence les caractéristiques de la société d’une cité, Arles,
qui durant le Haut-Empire, puis même durant l’Antiquité tardive, fut un lieu majeur des
échanges en Gaule : même si par le choix des exemples elle est régulièrement mêlée à
d’autres cités de la province, Nîmes, Narbonne, Vienne, etc. (et même Lyon, au-delà de ses
limites) elle livre peu à peu les composantes et les caractéristiques d’une société ouverte.
377
1 Un article, dont l'essentiel a été partiellement inclus ici même, est celui qui, publié en
collaboration avec G. Fédière, examine la production de tuiles, production artisanale qui
peut se développer aussi bien à proximité des villes que dans les campagnes : Christol
1999 c. Ce type de document, plus familier aux archéologues, souffre peut-être d’un trop
grand désintérêt. Nous en avons extrait la reproduction de la marque tégulaire M.VSVL.
2 Ce chapitre doit être mis en rapport avec ceux qui composent la première partie de
l’ouvrage, car il concerne des phénomènes de mise en valeur remontant à l’époque
augustéenne. À ce sujet les observations d’ordre chronologique de J. Gascou dans AE 1998,
932 et AE 1999, 1036, sur la datation de la carrière du fils de P(ublius) Usulenus Veiento,
conforteraient une datation haute. Voir aussi la note additionnelle du chapitre 31.
3 En faisant pénétrer dans les microrégions qui constituent les cités, il peut être rapproché
de travaux comparables sur la structuration de l’espace dans la cité de Nîmes, tant dans
les formes de l’économie que dans celles de la vie religieuse, qui est aussi un révélateur
précieux : sur le premier point, Christol 2002 g ; sur le second point Christol 2007 c.
4 Dans les rares inscriptions de l’arrière-pays de Narbonne, un petit groupe de trois
documents provient d’un lieu qu’il convient de définir comme sanctuaire rural. Le site fut
mis au jour durant le XIXe siècle, sans que véritablement des fouilles aient été entreprises.
Une redécouverte semble, à présent, extrêmement aléatoire, car le site a été pour
l’essentiel ennoyé par les terrassements de l’autoroute dite « des Deux-Mers ». Ne
subsiste, comme témoin, que le site de captage de la source qui alimente encore le village
de Moux. Il est coincé entre l’emprise de l’autoroute et le flanc d’une colline appartenant
aux premiers contreforts du mont Alaric.
5 Nous nous trouvons à proximité du village de Moux (canton de Capendu), dans le
département de l’Aude, à un peu moins de 30 km de Narbonne par la route nationale 113
(25 km à vol d’oiseau) (fig. 18)1.
6 Les trois inscriptions qu’a livrées le site ont été découvertes à diverses périodes du XIX e
siècle. La première fut mise au jour en 1837, et signalée presque immédiatement par le
378
chevalier Alexandre du Mège (ou Dumège)2. Elle fut souvent citée par la suite, mais la
meilleure présentation du document se trouve dans l’ouvrage de l’érudit J. Sacaze, fondée
sur une enquête minutieuse3 : « Plaque /248/ /250/ trouvée en 1837 par Dominique Belly,
âgé aujourd’hui de quatre-vingt-six ans, dans un de ses champs dits « de la font de
Comigne », sous le sol, à une faible profondeur, parmi des briques et des monnaies
romaines, acquise par M. Bataille, conseiller à la Cour de Paris et par lui donnée au Musée
de Carcassonne ». Elle est enregistrée dans les principaux recueils épigraphiques4 : E.
Herzog, Galliae Narbonensis provinciae romanae historia, descriptio, institutorum expositio,
Leipzig, 1864, Appendix epigraphica, p. 20, n o 79, CIL XII, 5369, d’où ILS 4678, et HGL XV,
1320.
Fig. 18. Le site de la Font de Comigne à Moux (11) et son environnement (carte St. Mauné)
conseil municipal faisaient alors état, à plusieurs reprises, des inquiétudes du maire et de
ses conseillers. Le 17 mai /251/ 1868, il est écrit dans le compte rendu : « Considérant que
la commune de Moux ne possède pas depuis quelques années l’eau nécessaire pour
alimenter les fontaines publiques en cas de sécheresse (le conseil) est unanimement d’avis
d’opérer des fouilles à la fontaine dite de Comigne ou en un autre lieu où il sera reconnu
possible pour subvenir à un besoin si pressant. » Un peu plus tard, le 30 juin 1868, on
apprend qu’« il a été découvert une source dans le terroir dit Fontaine de Comigne,
section D, no 221 du plan cadastral, à 550 m des réservoirs destinés à alimenter la fontaine
de la place. Cette source creusée à 3 m 50 de profondeur donne cinq hectolitres d’eau à
l’heure ou 120 hectolitres par jour ». C’est en procédant à ces travaux, de repérage et de
sondage, puis, dans les mois qui suivirent, de captage, que la troisième inscription fut
mise au jour7. Ces /252/ travaux, suivis de l’érection d’une modeste installation de
captage, furent achevés en 1869, comme l’indique cette date gravée au-dessus de la porte
de la petite construction qui subsiste. Là aussi, l’enquête minutieuse de J. Sacaze apporte
les renseignements essentiels : « [Elle] était tout au fond de l’ancien bassin, au milieu de
morceaux de marbre et de monnaies romaines ; ce fragment, brisé lui-même en deux
parties, est la propriété du Dr Huc à Moux8. » L’inscription figure dans deux grands
recueils épigraphiques : d’abord en annexe à CIL XII, 5370, puis dans HGL XV, 1321 ; elle est
aussi mentionnée dans IGR I, 22 (fig. 3). Il n’en subsiste que trois lignes, mais seules les
deux dernières peuvent être déchiffrées clairement. On y lit, d’une écriture maladroite :
---Λαρρασῶνι δῶρον.
11 Mais le texte que nous voudrions examiner plus longuement, en l’assortissant d’un
commentaire détaillé, n’est autre que l’inscription découverte en 1849. Elle fut signalée,
presque tout de suite après la découverte, par du Mège, qui ne manquait pas de la
rattacher à l’inscription de P(ublius) Cornelius Phileros 9. Il fournissait cependant, d’après
une copie qui lui avait été remise, un texte erroné de la première ligne
(T•VALERIVS•SC•F•SENECIO). Il reproduisit le tout un peu plus tard, sous la même forme.
Mais, dans les deux cas, il apportait une localisation exacte : « La pierre a été trouvée non
loin de la première, au champ de Lues, à la fontaine de Comigne10. »
12 Par la suite, l’inscription fut reproduite à plusieurs reprises dans les travaux de M.
Tournai, qui réalisa le premier catalogue du Musée de Narbonne11. Il avait pu réviser le
document. Le texte était à présent parfaitement reproduit, mais les indications de
provenance manquaient de précision : « Inscription gallo-romaine découverte sur/253/le
mont Alaric, près de Moux12. » Une fois de plus, c’est à J. Sacaze que nous devons la
meilleure présentation, assortie d’une copie : « Plaque de marbre blanc trouvée à Moux,
en 1849, par Joseph Lues, âgé maintenant de quatre-vingt-onze ans, dans son champ dit
de Bubas, contigu au champ où avait été découverte la précédente inscription ; vendue,
peu de temps après, au Dr Huc, de Moux, qui la conserve dans son cabinet13. » C’est de ces
auteurs quelle passa dans les recueils épigraphiques : Herzog 1864, p. 20, no 78 ; CIL XII,
5370, d’où ILS 5421 ; HGL XV, 148.
13 Plaque de calcaire clair (45 x 49,5 x 5). Usure des lettres aux lignes 2-4, à gauche, et par
endroits ailleurs. Hdl. : l. 1 :4,7 (T : 5,8 ; 1 : 3,5) ; l. 2 : 4,9 (L : 4,9) ; l. 3 : 3,8 ; l. 4 : 4,3 (T : 4,8) ;
l. 5 : 3,8 (T : 4,5) ; l. 6 : 3,2 (T : 3,8) ; l. 7 : 3,4 ; l. 8 : 3,4 (ligature finale : 1,2). On notera
l'effort de mise en page, y compris par le recours aux ligatures ou à l’insertion de lettres
droites dans les lettres arrondies. Chacun des noms des responsables du pagus reçoit une
ligne du texte, à l’exception du nom du second d’entre eux qui reçoit deux lignes et dont
le surnom est remarquablement centré. Aux lignes 6-8 les mots ou groupes de mots liés
380
par le sens sont bien répartis d’une ligne à l’autre. Quant à l’écriture elle est d’une réelle
élégance. Les T surplombent les lignes en général ; les R retombent de façon /253/
rectiligne. L’inscription appartient à la fin de l’époque augustéenne, comme on le verra
plus bas (-15/+ 15) (fig. 19).
T(itus) Valerius C(ai) f(ilius) Senecio
P(ublius Usulenus Veientonis l(ibertus)
Phileros
T(itus) Alfidius T(iti) l(ibertus) Stabilio
M(arcus) Usulenus M(arci) l(ibertus) Charito
magistri pagi, ex reditu fani,
Larrasoni cellas faciund(as)
curaverunt idemque probaverunt.
Fig. 19. L’inscription des magistri du pagus à Moux (11) (Cliché centre Camille-Jullian)
14 Nous connaissons les raisons de l’inscription. Elle provient du site même du sanctuaire
rural, appelé ici fanum 14. Il était sans aucun doute lié à la source redécouverte au XIX e
siècle. La divinité tutélaire, du nom de Larraso, est inconnue par ailleurs 15. Le texte a pour
finalité de mettre en évidence l’œuvre d’embellissement réalisée.
15 Celle-ci concerne des constructions appelées de façon explicite des cellae. Il s’agit sans
aucun doute des chapelles qui occupaient d’une façon plus ou moins ordonnée l’espace
des sanctuaires gallo-romains. Cette forme de bâti, qui en vient parfois, par l’irrégularité
de son installation, à rompre l’unité architecturale des sanctuaires, est une des
caractéristiques des provinces gallo-romaines que l’on met souvent en évidence16. Il
convient donc de remarquer que ce que l’on appelle communément « cella17 », en
reprenant le vocabulaire latin usuel, bien explicite chez un auteur comme Vitruve18,
trouve ici /255/ sa véritable illustration textuelle, qui plus est sous la forme du pluriel, ce
qui est la transcription exacte de ce que l’on trouve dans l’archéologie de nombreux
sanctuaires19.
381
16 Il s’agissait donc, pour les rédacteurs de l’inscription, de faire état de constructions par
lesquelles on transformait le sanctuaire et son paysage architectural : construction de
plusieurs petits bâtiments /256/ appelés cellae, en remplacement d’autels ou peut-être de
constructions plus légères ou plus sommaires20. Mais, quoi qu’il en soit, ce qui avait été
entrepris méritait cette appellation, empruntée au latin et aux usages linguistiques de
l’Italie. Nous avons donc ici, en Gaule méridionale où l’on estimait que ce type de
sanctuaire était rarissime, sinon absent21, un témoignage précieux, à partir duquel on
commencera d’élaborer une série, en ajoutant d’autres témoignages22. Nous rappellerons
de plus que nous sommes à l’époque augustéenne, puisque le patron de l’un des magistri
vivait en ce temps-là.
17 La finalité de ces chapelles, de dimensions plutôt modestes, nous échappe. Le texte
indique que les constructions furent réalisées pour Larraso (Larrasoni cellas faciundas
curaverunt idemque probaverunt). Abritaient-elles, chacune, une représentation de cette
divinité ? L’inscription de P(ublius) Cornelius Phileros qui, par ses dimensions, ressemble
à celle que nous commentons, et qui résulte aussi d’un vœu accompli pour Larraso (
Larrasoni votum solvit libens merito) pourrait soutenir ce point de vue. Mais ne peut-on
supposer aussi que Larraso devait accueillir dans le sanctuaire dont il était la divinité
tutélaire d’autres personnalités du panthéon, qui lui étaient régulièrement associées ?
18 Quant aux autres termes employés pour relater la construction, curaverunt idemque
probaverunt, ils révèlent un usage conforme au vocabulaire des travaux publics d’Italie. Ils
indiquent clairement que l’activité des responsables a dû se développer suivant les
procédures en vigueur dans une collectivité dotée d’institutions semblables aux cités
d’Italie. En effet on a pris soin de détailler l’ensemble des activités : la cura, responsabilité
de la surveillance des travaux, a ainsi /257/ précédé la probatio23. Il en est de même dans la
ville de Narbonne où une inscription, peut-être légèrement antérieure, fait état de
travaux publics24 : Q(uintus) Vibius Q(uinti) f(ilius) Maxumus, M(arcus) Varius L(uci) f(ilius)
Capito, pr(aetores) (duo)viri, aram Volcano maceriamq(ue) aream saepiendam piscinamque ex d
(ecreto) d(ecurionum) de pecunia publica facie(n)-da coer(averunt) ; Q(uintus) Vibius Q(uinti) f
(ilius) Maxumus probavit. Le texte gravé, dans sa parfaite et claire latinité, montre qu’à une
époque haute, dans le chef-lieu colonial, le fonctionnement des travaux publics se
conformait aux formes usuelles des cités d’Italie. Pouvait-il en être autrement ?
19 Il convient de s’attarder sur l’onomastique des magistri qui, incontestablement, suit un
ordre protocolaire.
20 Le premier personnage, T(itus) Valerius C(ai) f(ilius) Senecio, citoyen romain, est un ingénu :
est-ce la raison de sa mention en première ligne ? Il n’a pas indiqué la tribu du citoyen
romain. Mais on peut penser que, dans le contexte local, cette mention était évidente,
comme pour les deux magistrats de Narbonne, praetores duoviri, dont il a été question plus
haut. En Narbonnaise, le gentilice Valerius, comme le surnom Senecio, peuvent indiquer
que sa famille, d’origine indigène, a bénéficié du droit de cité grâce à l’intervention d’un
personnage de haut rang. Tout en reconnaissant qu’il s’agit aussi d’un élément
anthroponymique latin, I. Kajanto a mis en évidence la grande diffusion de Senecio dans
les provinces du monde celtique. C’est vérifiable en Narbonnaise, où en plus de gentilices
comme Senilius (CIL XII, 4212), Senocondius (CIL XII, 3028, 3029), Senucius (CIL XII, 3371,
3372, 3377), issus de la transformation d’idionymes en gentilices, il existe des éléments
nominaux de même base (Sene ou Seno-) ayant acquis valeur de surnom dans une
dénomination de citoyen. C’est le cas de Senilis (7 ex.), Senilus (CIL XII, 4213), Senicio (11
382
ex.), qui sont bien attestés, particulièrement chez les Volques Arécomiques de la grande
cité de Nîmes dont l’anthroponymie révèle fortement les influences indigènes25. /258/
21 Il est donc tentant de rattacher l’élévation au statut de citoyen romain d’un ancêtre du
personnage cité, à l’action du proconsul C. Valerius Flaccus. On sait que ce sénateur
important du Ier siècle avant J.-C. ajouta à sa province en péninsule Ibérique la Gallia, c’est-
à-dire une partie plus ou moins importante de ce que l’on appelle couramment la
province de Transalpine, ce qui lui permettait d’intervenir des deux côtés des Pyrénées 26.
C’est en vertu de son action qu’il put triompher ex Celtiberia et Gallia. Du côté
transpyrénéen sa présence est signalée par Cicéron, car il eut à intervenir dans le conflit
dont traite le Pro Quinctio : il fut sollicité par P. Quinctius contre son adversaire Sex. Naevius
27. Mais il faut surtout mettre en évidence une intervention, relatée par César, qui entre
directement en relation avec notre propos. Nous apprenons, en effet, par le de bello Gallico,
que dans l’entourage du conquérant se trouvaient des aristocrates gaulois, dont il utilisait
fréquemment /259/ les services. L’un d’eux est l’Helvien C. Valerius Procillus, à qui César
confie la mission d’aller parlementer avec Arioviste. Il est retenu prisonnier par le chef
germain et n’est libéré qu’à la suite de la défaite de ce dernier28. Nous apprenons alors que
son père, qui s’appelait C. Valerius Caburrus, avait reçu la cité romaine grâce à
l’intervention de C. Valerius Flaccus 29. Ces renseignements sont confirmés au livre VII,
lorsqu’est relatée la défense de la province romaine. Alors apparaît C. Valerius
Donnotaurus, un autre fils de C. Valerius Caburrus, qui défend vaillamment la cause romaine
30
. Il y avait aussi C. Valerius Troucillus, autre grand personnage de la province, dont on
peut penser que la dénomination révèle des mêmes interventions, fondées sur les mêmes
phénomènes de clientèle : il servit d’interprète lorsque César, désireux de sévir contre
Dumnorix, s’entretint à ce sujet avec Diviciacos, frère de ce dernier31. On peut faire entrer
dans la même série l’exemple que permet de dégager la documentation épigraphique
provenant de l’arrière-pays de Narbonne, car si T(itus) Valerius Senecio peut être né vers le
milieu du Ier siècle av. J.-C., son père, au prénom de C(aius), nous conduit un peu plus haut.
S’il faut vraisemblablement insérer une génération supplémentaire entre le moment de
l’acquisition de la cité romaine et la date à laquelle aboutit l’interprétation des données
de l’inscription de Moux, il n’en reste /260/ pas moins que nous pouvons remonter, par ce
document, aux périodes importantes durant lesquelles une partie des aristocraties
indigènes entra dans la cité romaine32, grâce à l’action du proconsul et imperator C.
Valerius Flaccus33.
22 L’un des trois autres magistri, T(itus) Alfidius T(iti) l(ibertus) Stabilio, porte un gentilice qui
n’est attesté qu’une seule fois en Narbonnaise34. Mais il n’y a aucun doute à formuler, car
il s’agit bien d’un gentilice italien, comme le révèle de façon évidente une carte de
répartition :
• C. Alfidius Secundus (Roma) : CIL VI, 481 (ILS 2131) ;
• C. Alfidius (Venusia) : CIL IX, 465 (ILS, 5083) ;
• L. Alfidius C.fi Taracius (Corfinium) : CIL IX, 3202 ;
• Alfidia M.fi (Marsi Marruvium) : CIL IX, 3661 (ILS, 125) ;
• D. Alfidius Hypsaeus (Pompei) : CIL X, 907 ; Eph. Epigr., 8, 1899, p. 87, n o 316 (ILS, 6387) ;
• D. Alfidius (Pompei) : CIL X, 908 ;
• [-] Alfidius Strabo (Capua) : CIL X, 3783 = CIL I2, 686 (ILS, 6303) ;
• M. Alfidius M. l. Sota (Capua) : CIL I2, 683 ;
• L. Alfidius Herennianus (Fabrateria Nova) : CIL X, 5578 (ILS, 5024) ;
• C. Alfidius Rufio (Fundi) : CIL X, 6248 ;
383
25 Avec ce gentilice Alfedius on se trouve donc à Carsioli également chez les Eques de
l’Apennin central, dans l’arrière-pays de Tibur, puis à Amiternum et à Aufinum, chez les
Vestins, eux aussi dans l’Apennin central. Ceci renforce tout ce que laisse entrevoir la
carte de répartition du gentilice Alfidius. Du cœur de l’Apennin, il a pu se diffuser dans le
Latium, le Latium adiectum et en Campanie, puisqu’on le trouve à Ulubrae, Latina, Fabrateria
Nova, Fundi, Capoue et jusqu’à Pompei 40. ainsi qu’en d’autres régions de l’Italie
péninsulaire, puisque ce gentilice est aussi attesté à Forum Semproni, dans l’ager Gallicus 41.
26 La même conclusion, à savoir une origine italienne, doit être avancée à propos du dernier
des gentilices des magistri, attesté ici à deux reprises. Le gentilice Usulenus est en effet
extrêmement rare. Toutefois, on le connaît, à plusieurs reprises, dans l’épigraphie de
Narbonne42 :
• [P(ublius) Usulenus] P(ubli) l(ibertus) Acastus : CIL XII, 4542 et add. ; HGL XV, 934 ;
vraisemblablement identique au suivant ; /263/
• [P(ublius)] Usulenus Acastus : CIL XII, 5265 et add. ; HGL XV, 932 ;
• P(ublius) Usulenus Hila[rae] l(ibertus) Anoptes : CIL XII, 4479 et add. ; HGL XV, 184 (ILS 7669) ;
• P(ublius) Usulenus P(ubli) l(ibertus) Celadus : CIL XII, 5263 ; HGL XV, 933 ;
• M(arcus) Usulenus M(arci) l(ibertus) Charito : CIL XII, 5370 ; HGL XV, 148 (ILS 5421) ;
• Usulena P(ubli) l(iberta) Hilara : CILXII, 4479 et add. ; HGLXV, 184 (ILS 7669) ;
• P(ublius) Usulenus P(ubli) l(ibertus) Isochrysus : CIL XII, 4542 et add. ; HGL XV, 934 ;
• P(ublius) Usulenus Veientonis l(ibertus) Phileros : CIL XII, 5370 ; HGL XV, 148 (ILS 5421) ;
• Usulena T(iti) f(ilia) Procula : CIL XII, 5264 ; HGL XV, 931 ;
• Usulena Veientonis l(iberta) Quarta : CIL XII, 4892 et add. ; HGL XV, 597 ;
• Usulena P(ubli) l(iberta) Ursa : CIL XII, 5265 et add. ; HGL XV, 932 ;
• (P(ublius) Usulenus) Veiento (d’après Usulena Veientonis l(iberta) Quarta et d’après P(ublius)
Usulenus Viento[nis f(ilius)---]) ;
• P(ublius) Usulenus Veiento[nisf(ilius)—] : CIL XII, 4426 et add. ; HGL XV, 96.
384
27 Il apparaît aussi sous la forme Usulenius dans l’épigraphie de cette ville ainsi que dans
l’épigraphie de la colonie de Barcino. Mais il s’agit, dans les deux cas, d’inscriptions de
dates un peu plus tardives, appartenant plutôt au IIe siècle43 :
• Usulenia Lupa : CIL XII, 5266 ; HGL XV, 935 ;
• Usulenius Ge[min]ianus : CIL XII, 5266 ; HGL XV, 935 ;
• Usulenia Atticilla : CIL II, 4594 ; IRC IV, 228 ;
• Usulenia Valentina : CIL II, 6161 ; IRC IV, 227.
28 En revanche, une seule attestation provient de Rome. Pour l’instant, selon la
documentation qui nous a été accessible, il n’existe pas d’autre attestation en Italie :
• Usulena (mulieris) liberta Salvia : CIL VI, 29608. /264/
29 On a pourtant proposé de le considérer comme un gentilice d’origine provinciale, en
prenant appui sur quelques constatations : le groupement du plus grand nombre des
attestations à Narbonne, ainsi que des données relatives à la dénomination du personnage
principal de cette gens 44. Mais il faut bien tenir compte que la curiosité qui consisterait à
admettre l’existence, dans la dénomination d’une affranchie qui se serait appelée Usulena
Udentonis l(iberta) Quarta, d’un élément anthroponymique indigène ne résiste pas à
l’examen. En effet, dans l’inscription CIL XII, 4892 la dénomination de cette personne a
certes été lue de la sorte par Hirschfeld lui-même. Mais ce savant signalait dans l’apparat
critique que l’épigraphiste A. Allmer lui avait communiqué une lecture par laquelle, à la
place de VDENTONIS, il convenait de lire VEIENTONIS. Dans l’addendum (p. 851) il
apportait lui-même une correction qui faisait disparaître cette proposition malheureuse,
en vérifiant l’exactitude de la lecture de son collègue. Elle est donc écartée définitivement
dans l’index45.
30 Mais aussi, une interprétation un peu trop rapide d’une carte de répartition peut
conduire à des conclusions fragiles. En la matière, importe avant tout la formation du
gentilice. Il appartient à une série bien attestée dans l’anthroponymie italienne, aux côtés
de gentilices en –enus tels que Titisenus, Histumenus, ou en –ulenus tels que Statulenus,
Vettulenus, Sariolenus. Les uns comme les autres sont plutôt rares, mais ils sont
typiquement révélateurs d’une incontestable origine italienne. Ce que permet d’établir la
carte de répartition des attestations, c’est, tout simplement, le rôle de conservatoire que
joue l’épigraphie de Narbonne pour quelques aspects de l’anthroponymie italienne46.
31 Il est naturel de rechercher, derrière les trois affranchis qui ferment la liste des magistri,
la personnalité de leur patron, ou la /265/ présence d’une lignée à laquelle ils sont
intégrés par les liens juridiques et sociaux nés de l’affranchissement. Cet objectif s’impose
d’autant plus que l’un de ces personnages se réfère explicitement à son patron : il s’agit
de P(ublius) Usulenus Veientonis l(ibertus) Phileros. Le patron, Veiento, est un homme
important à Narbonne, dont on a pu récemment dégager la personnalité47. Nous savons
qu’il faisait marquer à son nom une production d’amphores et une production de tuiles,
dans un atelier sis à bonne distance de Narbonne, le grand emporion de l’Occident romain
au I er siècle avant J.-C. et à l’époque augustéenne48. Ces découvertes archéologiques,
notamment la mise en évidence de sa participation à la fabrication d’amphores Pascual 1,
engagent à établir des liens entre les activités du personnage et le développement du
vignoble de Léétanie, l’un des premiers vignobles provinciaux, dont la production
s’écoula principalement, dans la seconde moitié du I er s. av. J.-C. et à l’époque
augustéenne, le long de l’isthme aquitain, c’est-à-dire entre Narbonne et Bordeaux49. Nous
savons aussi, grâce à la révision d’une inscription de Narbonne, qu’il était le père d’un
385
notable de premier plan dans sa cité, qui parvint jusqu’au sommet de la carrière
municipale et qui reçut des charges importantes dans l’accomplissement du culte officiel
rendu au prince et à des membres de la famille impériale50. La chronologie fournie par
cette inscription (fig. 17, chap. 22) permet de placer le floruit du fils de Veiento dans les
années 10-30 ap. J.-C., et donc le floruit du père entre 15 av. J.-C. et 10 ap. J.-C. Mais les
activités économiques de ce dernier ont pu couvrir une période un peu plus large dans la
seconde moitié du I er s. av. J.-C. On peut donc admettre que, grand personnage à
Narbonne, il disposait de biens fonciers importants dans les territoires proches de cette
colonie. Mais il pouvait en disposer et en tirer profit dans des contextes juridiques divers :
la pleine propriété, qui était le mode d’appropriation des colons, si toutefois l’un de ses
ancêtres avait été établi lors de la fondation de la colonie de citoyens romains, ou bien le
régime de la possessio, s’il avait saisi toutes les occasions qui /266/ s’offraient de mettre la
main sur des portions de l’ager publicus du peuple romain. Ce mode d’appropriation
semble même le plus adapté à la constitution de grandes unités foncières. Ce devait être
sous cette forme que des gens comme C. Quinctius et Sex. Naevius avaient mis en place
leurs exploitations rurales51. Le même arrière-plan se dégage également des propos de
Cicéron, dans le Pro Fonteio, sur les diverses catégories d’exploitants italiens établis en
Transalpine52. Nous avons suggéré que, plutôt que descendant d’un colon, soit du premier
ban, soit du ban césarien de 45 av. J.-C., P. Usulenus Veiento, le notable qui associait dans
ses affaires l’exploitation foncière et la recherche de divers profits, aurait pu appartenir à
une de ces familles d’Italiens d’Occident, installée dans la première moitié du Ier s. av. J.-C.
dans le but de s’enrichir en Transalpine53.
32 La personnalité du patron de M(arcus) Usulenus M(arci) l(ibertus) Charito est plus incertaine.
Cependant l’image de ce M. Usulenus, dont le surnom nous échappe - si toutefois il en
portait un-, vient de prendre un peu de consistance, grâce à la découverte, dans
386
mis en valeur par les représentants des détenteurs de la terre établis ailleurs. Ces derniers
cependant, comme leurs délégués, marquaient fortement la vie de la communauté
paysanne indigène, peut-être en étant demandeurs de main-d’œuvre, s’ils ne recouraient
pas eux-mêmes au travail servile. On s’attendrait à trouver des esclaves intendants,
actores ou villici , mais, pour l’instant, la documentation est muette à ce sujet 57. Il est
toutefois difficile de supposer que la direction des exploitations était assumée par les
affranchis dont le nom paraît dans l’inscription du sanctuaire de Larraso58. Il occupaient
plutôt les fonctions de fondés /269/ de pouvoir que celles d’intendants ou de régisseurs
domaniaux59. Ils venaient visiter les domaines, et pouvaient y résider de façon durable,
puisque l’on prévoit leur hébergement dans la disposition de la pars urbana 60. Ils étaient
donc les meilleurs représentants des gros détenteurs de biens-fonds. Ils pouvaient à
l’occasion prendre à leur compte les intérêts des habitants du lieu et défendre leur cause,
comme le fit, vraisemblablement, Q. Cornelius Marcelli l(ibertus) Zosimus, sévir augustal à
Arles, qui défendit à l’époque d’Antonin le Pieux les intérêts du pagus Lucretius (pagani pagi
Lucreti qui sunt finibus Arelatensibus loco Gargario)61. Quoi qu’il en soit, même si l’on ne peut
pas exclure que des affranchis de riches et puissants narbonnais auraient pu, deux-
mêmes, investir en bien-fonds dans l’arrière-pays de la colonie, la solution que nous
venons de développer demeure celle qui est soutenue par le plus grand nombre
d’arguments. D’abord la présence dans les environs de Moux d’un artisanat au nom de M
(arcus) Usulenus : ce fait soutient l’idée que le patron de M(arcus) Usulenus Charito était le
véritable maître des affaires ; il conduit à voir dans son affranchi un représentant sur
place pour en assurer la gestion. De plus, la référence à Veiento dans la dénomination de P
(ublius) Usulenus Phileros peut indiquer que ce grand personnage représentait quelque
chose pour les membres du pagus, et qu’il valait la peine de se référer à lui pour récupérer
quelque peu de l’autorité qui se dégageait de sa puissance à Narbonne62.
37 En définitive, l’image que donnent ces deux mondes qui se côtoient et parfois, comme ici,
s’interpénétrent, peut être rapprochée des réalités que l’on découvre dans l’arrière-pays
de Carthage, à condition d’additionner ce qui dans cette région furent longtemps
distingués par le droit, à savoir, comme à Thugga, le pagus de citoyens romains et la civitas
pérégrine. À Thugga, la civitas, dans laquelle survivent des institutions puniques 63, aurait
préservé sa consistance /270/ juridique, même si elle avait perdu une grande partie de sa
substance économique au profit des conquérants. Mais il est vrai aussi que le pagus de
Thugga, quand nous commençons à la connaître par l’épigraphie à l’époque julio-
claudienne, était d’abord un prolongement de la colonie de Carthage et qu’il demeura
longtemps étroitement soumis à son contrôle64. Toutefois, sur le terrain, coexistaient les
deux communautés, qui pouvaient même tisser des liens entre elles, en sorte que les
membres de la civitas pérégrine pouvaient même quitter ce cadre juridiquement
subordonné pour entrer dans celui du pagus et donc dans la colonie de droit romain.
L’Afrique offre ainsi, sans conteste, de suggestifs éléments de comparaison pour qui tente
d’analyser les réalités institutionnelles qui se dégagent de l’inscription de Moux, ne
serait-ce qu’en montrant qu’il existe même des pagi qui préservèrent leur identité jusqu’à
l’époque sévérienne65.
38 Ces observations conduisent donc à envisager du point de vue juridique et administratif
les relations entre le pagus qui apparaît à Moux et la colonie de Narbonne. Il est évident
que, même s’il s’agit d’une affaire locale, intéressant plus particulièrement les
populations indigènes de la région de Moux et les grands personnages qui y étaient
possessionnés, l’inscription révèle des institutions spécifiques : l’autorité qu’exerce le
388
42 À Moux émerge donc, par cette inscription, un territoire original dont les institutions
sont fortement marquées par l’empreinte de l’Italie. Tout en encadrant le monde
indigène, placé /273/ dans une position subordonnée, elles assurent à l’époque
augustéenne le fonctionnement de la vie locale et la pérennité des lieux de culte
traditionnels. Le pagus apparaît donc, ici, comme une réalité issue de l’extérieur 72, que
l’on comparera avec les territoires confiés à des groupements de colons ou de vétérans
romains dans d’autres provinces, en particulier l’Afrique73. À l’époque de l’inscription,
c’est-à-dire à l’époque augustéenne, ce pagus semble vivre dans une réelle autonomie par
rapport au chef-lieu de la colonie voisine. Par ses propres institutions, il permettait aux
personnes qui vivaient dans ses limites d’assurer le développement de la vie locale, car
l’on peut estimer que l’exemple qui nous est livré, celui de l’aménagement d’un
sanctuaire local, revêtait pour elles une importance essentielle. Mais, tout intéressante
qu’elle soit, l’inscription de Moux laisse en suspens plusieurs questions. Depuis quand ce
secteur territorial à l’organisation spécifique existait-il ? Quel fut son devenir ? On ne
peut, en effet, exclure une intégration ultérieure dans la colonie de Narbonne : il y avait
trop de liens qui rattachaient fortement cette zone agricole à la grande ville voisine74.
NOTES
1. Grenier 1959, p. 178 n. 103. Au cours de nos recherches à Moux, nous avons toujours été
accueillis avec la plus grande disponibilité par Monsieur D. Morettot. Qu’il en soit vivement
remercié.
2. Du Mège 1840-1841, p. 140-141.
3. Sacaze 1892, p. 9-10, no 3.
4. Nous devons rappeler l’importance du vol. XV de l’Histoire générale de Languedoc. Dès 1887,
l’éditeur (Privât) faisait circuler un fascicule comprenant les inscriptions de Narbonne : « Ce
fascicule, renfermant seulement les inscriptions de Narbonne, n’est pas livré au public ; il est
distribué à un très petit nombre d’exemplaires, afin de faire connaître l’état à ce jour du recueil
épigraphique de l’Histoire générale de Languedoc » (le 20 mars 1887).
5. CIL XII, 3606, 5051, 5370 ; ILGN 601. Soit : quatre cas sur six attestations.
6. Pour ce qui concerne les P(ublii) Cornelii (CIL XII, 4729, 4742), on mettra en évidence le cas de [-]
Cornelius P(ublii) f(ilius) Paetus, lictor viator, c’est-à-dire membre du personnel colonial qui était
placé à la disposition des magistrats (CIL XII, 4447) : Gayraud 1981, p. 345-346.
7. L’information sur les travaux provient des registres des délibérations municipales, consultées
à la mairie de Moux. Ils relatent par la suite l’exécution des travaux durant l’été 1868.
8. Sacaze 1892, p. 12-13, no 5.
9. Du Mège 1852, p. 52.
10. Du Mège 1853, p. 34-35.
11. Tournai 1863, p. 836-837, n o 2 ; Tournai 1864, p. 63, no 239 ; Tournai 1871, p. 133. On pourrait
croire que la pierre se trouvait alors au musée de Narbonne. Il n’en est rien : le musée ne
disposait que d’un estampage.
12. Même localisation imprécise dans HGL XV, 148.
13. Sacaze 1892, p. 10-12, no 4.
390
14. Il vaut la peine de mettre en relief l’emploi de ce nom, qui caractérise habituellement en latin
un lieu sacré, consacré à un dieu, qu’il s’y trouve ou non un édifice unique ou majeur. Ici, la
relation avec les cellae indique une réelle complexité ou diversité dans l’espace religieux. Il est
curieux que le mot n’ait pas attiré l’attention de Hirschfeld dans l’index de CIL XIII, p. 183.
15. On a toutefois établi un rapprochement avec une divinité appelée Laurusun deus, d’après une
inscription mise au jour dans l’église de Tasque (département du Gers ; province d’Aquitaine) :
Fabre 1978-1979 ; Labrousse, « Informations archéologiques », Gallia, 38,1990, p. 493.
16. Fauduet 1993, p. 12.
17. Par exemple Grenier 1958, III, 1, p. 454, p. 455, p. 465, p. 468.
18. Th.l.I., II, sv. cella, col. 759-761 ; il s’agit de l’« intima pars templi, ubi sedes dei est ». Voir
Vitruve, III, 2,1 ; IV, 5, 1.
19. Ce texte est enregistré dans Th.l.I., col. 761, ainsi que dans Diz. Epigrafico, II (1900), p. 151-152.
En revanche Fauduet 1993 b, n’enregistre pas la documentation relative au sanctuaire de Larraso
à Moux. Sous le no 403 de son inventaire (p. 31), elle retient le sanctuaire ( ?) mis au jour à
Douzens, dans le même canton de Capendu, à quelques kilomètres de Moux : voir Grenier 1959,
p. 178-179, no 104 (rappelons que le sanctuaire de Larraso se trouve dans ce même recueil p. 178,
no 103).
20. Il reste à déterminer la chronologie de la réfection de ce sanctuaire. L’inscription que nous
commentons ici donne une première indication concernant l’époque augustéenne. Mais la
documentation mise au jour durant les travaux d’adduction d’eau du XIX e siècle, qui concerne un
bassin qui recueillait les eaux de la source, indiquerait que ce dernier fut aménagé un peu plus
tard, vers le milieu du Ier siècle ap. J.-C.
21. Fauduet 1993, p. 12.
22. Le sanctuaire des Basiols à Saint-Beauzély (Bourgeois 1993 ; Fauduet 1993, p. 37) est, du point
de vue de la géographie administrative, dans la cité des Rutènes d’Aquitaine. Mais à Balaruc-les-
Bains, aux limites occidentales de la cité de Nîmes, vient d’être dégagé un sanctuaire dont le dieu
principal était Mars, qui présente les mêmes caractéristiques (Christol 1998 g).
23. Jouffroy 1986, p. 18-61, rassemble de nombreux exemples pour l’époque républicaine.
24. CIL XII, 4338 (HGL XV, 78). Illustration dans Gayraud 1981, p. 245, fig. 36. L’inscription est alors
datée de l’époque augustéenne. Nous préférerions la placer à l’époque triumvirale ou dans les
premières décennies du principat, comme cet auteur l’admet d’ailleurs p. 153 (« de la fin de
l’époque républicaine ou de l’époque d’Auguste »).
25. Holder 1896-1904-1907, II, col. 1474-1477. On aura recours à la documentation rassemblée sur
les inscriptions gallo-grecques par Lejeune 1985, p. 306-307, n o 219 (σενικιος αβρω) à Uzès
(territoire de la cité de Nîmes).
26. Sur les gouverneurs de Transalpine à l’époque républicaine, liste dans Gayraud 1981,
p. 377-379. À propos de C. Valerius Flaccus C. f. L. n., Badian 1963, p. 88-96 et Broughton 1986, III,
p. 211 : on admet habituellement qu’il ajouta, en 85 vraisemblablement, à son gouvernement d’
Hispania citerior, détenu depuis 92, une région située au nord des Pyrénées. Elle est appelée Gallia
par référence au triomphe qu’il célébra ex Celtiberia et Gallia. Mais l’extension territoriale
qu’implique cette nouvelle définition provinciale demeure sujette à débat : si un certain nombre
d’auteurs (tel Richardson 1983, p. 40) se contentent d’une référence vague à « la Gaule » ou à « la
Gaule transalpine », d’autres estiment qu’il convient d’être plus précis, car l’histoire
institutionnelle de cette région transalpine serait loin d’être claire, entre la fin du II e siècle et le
premier tiers du I er siècle avant J.-C. : exposé de la question par Goudineau dans Nicolet 1978,
p. 692. L’attention sur ce problème a été attirée par Badian 1966. Cet auteur pense que C. Valerius
Flaccus eut alors autorité sur l’ensemble de la Transalpine. Mais Ebel 1975, p. 363, estime qu’il
n’intervint que dans la partie occidentale de cette région. Toutefois, comme on va le voir, son
intervention se marque aussi aux abords du Rhône, chez les Helviens [voir aussi l’introduction à
la première partie, qui ferait pencher dans le sens de Badian, ainsi que le chapitre 4].
391
27. Cic., Pro Quinctio, 7, 28 : Expulsus atque eiectus e praedio Quinctius accepta insigni iniuria confugit
ad C. Flaccum imperatorem, qui tunc erat in provincia, quem, ut ipsius dignitas poscit, honoris gratia
nomino. Is eam rem quam vehementer vindicandam putarit, ex decretis eius poteritis cognoscere...
28. BG, I, 47, 3-5 : legatum a suis sese magno cum periculo ad eam rem missurum et hominibus feris
obiecturum existimabat. Commodissimum visum est C. Valerium Procillum, C. Valeri Caburi filium, summa
virtute et humanitate adulescentem, cuius pater a C. Valerio Flacco civitate donatus erat, et propter fidem
et propter linguae gallicae scientiam, qua multa iam Ariovistus longinqua consuetudine utebatur, et quod
in eo peccandi Germanis causa non esset, ad eum mittere, et M. Metium, qui hospitio Ariovisti utebatur. His
mandavit ut quae diceret Ariovistus cognosceret et ad se referent. L’histoire se termine en BG, I, 53, 5 :
C. Valerius Procillus, cum a custodibus in fuga trinis catenis vinctus traheretur, in ipsum Caesarem hostes
equitatu persequentem incidit. Quae quidem res Caesari non minorem quam ipsa Victoria voluptatem
attulit, quod hominem honestissimum provinciae Galliae, suum familiarem et hospitem, ereptum e manibus
hostium, sibi restitutum videbat, neque eius calamitate de tanta voluptate et gratulatione quicquam
fortuna deminuerat.
29. Badian 1958, p. 305 ; Goudineau 1996, p. 74.
30. BG, VII, 65, 2 : Helvii, sua sponte cum finitimis proelio congressi, pelluntur, et C. Valerio Donnotauro,
Caburi filio, principi civitatis, compluribusque aliis interfectis, intra oppida ac muros compelluntur.
31. BG, I, 19, 3 : Itaque prius quam quicquam conaretur Diviciacum ad se vocari iubet et cotidianis
interpretibus remotis per C. Valerium Troucillum, principem Galliae provinciae, familiarem suum, cui
summam omnium rerum fidem habebat, cum eo conloquitur.
32. Ce mouvement peut s’engager, d’une façon importante, à partir de l’époque de Marius :
Christol 1987 c [ici chapitre 4, avec la note additionnelle]. On peut prendre la mesure du
phénomène par quelques travaux assez récents : en plus du livre de Badian 1958, p. 309-321,
Burnand 1975, p. 226-230.
33. Reste ouverte la question d’une entrée dans la cité romaine par la récompense ob virtutem,
comme pour les ancêtres de l’historien Trogue Pompée, issus des Voconces (Justin, Hist.
Philippiques, 43, 5, 11) : Badian 1958, p. 305 ; Goudineau 1996, p. 74-75.
34. L’autre témoignage, à Vienne, est douteux de l’avis même de Hirschfeld : CIL XII, 2024, voir
aussi l’index p. 866. Rien dans ILGN, ni dans les volumes parus des ILN (Antibes, Fréjus, Riez,
Digne, Aix-en-Provence, Apt).
35. Pour les deux personnages mentionnés dans cette inscription, le rapprochement avec
l’inscription AE 1978, 81, renforce la restitution de ce gentilice Alfidius.
36. CIL IX, 3661 ; PIR 2 L 528 ; Wiseman 1965, p. 333-334 ; voir aussi, à propos du proconsul de Sicile
Alfidius Sabinus (PIR2 A 527), Wiseman 1971, p. 211 n. 19.
37. CIL IX, 3202.
38. Il s’agit de l’inscription publiée d’abord dans Not. Scav. 1884, p. 86, d’où Eph. Epigr., 8, 1899,
p. 48, no 196 (mentionnée de la sorte dans Schulze 1904-1991, p. 587, add. p. 119).
39. Nous ajoutons sans hésiter cette inscription parce que la restitution du gentilice Alfedius est la
plus vraisemblable (de préférence à Parfedius). Cette inscription a été publiée une première fois
par N. Persichetti, Not. Scav., 1898, p. 460 (provenance : Coppito, « agro amiterno ») sans autre
commentaire, puis a été reprise par S. Segenni, « Regio IV. Sabina e Samnium. Amiternum, ager
Amiternus », dans Suppl. Ital., 9, Rome, 1992, p. 151, n o 132. Celle-ci écrit : « Il gentilizio può essere
restituito con [-Aljfedius (cfr. Schulten, Klio, 2-3, 1902-1903, p. 329) attestato nella vicina Aufinum
(CIL IX, 3389) o, meno probabilmente, Fedius o Pafedius... La tribu Sergia è documentata nella IV
regio a Marruvium, Antinum, Corfinium, Sulmo, Superaequuum, Trebula Mutuesca (R. Taylor,
p. 111). » Le texte est passé dans AE 1992, 461, mais avec un commentaire réducteur et fallacieux,
puisqu’au choix hiérarchisé de S. Segenni pour la détermination du gentilice s’est substituée, à
tort, une information indifférenciée : « Gentilice Alfedius, Fedius ou Pafedius ». Tout aussi grave
est dans ce résumé sans critique la transmission du gentilice Pafedius. Il ne semble pas jusqu’ici
faire l’objet d’attestation. Il y a vraisemblablement une confusion de la part de S. Segenni avec le
392
gentilice Parfedius-Parfidius, attesté à Narnia (CIL XI, 4127 : Q. Parfidius Primus) et à Peltuinum
Vestinum (Not. Scav., 1899, p. 67 : Sex. Parfedius Sex. l. Modestus et C. Parfedius CANV[—]). Il est
dommage qu’elle soit diffusée par l’Année épigraphique (voir aussi l’index p. 580). La première
ligne est incomplète, mais, en tenant compte que devait s’y trouver le prénom, suivi d’un point
séparatif, la restitution [Al]fedius est préférable à la restitution [Par]fedius.
40. Sur les Alfidii de Pompei, Castren 1975, p. 100 et p. 132. Voir aussi Cébeillac-Gervasoni 1998,
p. 184 et p. 190.
41. CIL VI, 2379a ; voir Schulze 1904-1991, p. 587 (addenda à la p. 119) ; Gayraud 1981, p. 425.
42. Réexamen de la documentation par Christol 1998 c.
43. Datation de l’inscription : Christol 1998 c, p. 290. Datation des éditeurs des IRC :
respectivement « de la première moitié ou du milieu du IIe siècle » et « du deuxième siècle ».
44. Tarpin dans Laubenheimer 1993, p. 274 n. 78.
45. P. 886 pour la dénomination sur la base des gentilices ; p. 903 : dans l’index des surnoms
aucune trace de l’inutile VDENTO. On peut vérifier grâce à la photo qui se trouve dans Christol
1998 c, p. 294, fig. 8.
46. Schulze 1904-1991, p. 261 ; Gayraud 1981, p. 442, considère à juste titre ce gentilice comme
italien. À propos du gentilice Usulenius, dans les inscriptions de Barcelone, les auteurs de IRC IV,
envisagent aussi une lointaine origine italique. Sur les gentilices connus à Narbonne, on verra
aussi Christol 1995 a, particulièrement p. 174-178 [ici chapitre 23].
47. Christol 1998 c, p. 299-302 [chapitre 31] ; Christol 1997 a [sur la carrière de notable voir aussi
Christol 1999 h, ici chapitre 21].
48. Présentation du site fouillé et bibliographie par R. Plana-Mallart dans Christol 1998 c,
p. 274-282.
49. Tchernia 1986, p. 142-145 et carte p. 403.
50. CIL XII, 4426 et add. ; HCL XV, 96. Révision et réinterprétation par Christol 1998 c, p. 295-299 ;
Christol 1997 a, p. 87-91.
51. Même si l’on n’est pas assuré que les biens fonciers des protagonistes du Pro Quinctio aient été
localisés dans l’arrière-pays de Narbonne, l’histoire de l’implantation italienne en Transalpine
montre que cette situation devait exister a priori dans cette région. On rappellera que l’associé de
Sex. Naevius, le frère de P. Quinctius, disposait de biens qui ne pouvaient résulter de simples
distributions viritanes : erat ei pecuaria res ampla et rustica sane bene culta et fructuosa (III, 12). Le
discours mentionne l’attrait spéculatif de la Transalpine, ce qui sous-entend l’existence de modes
de mise en valeur autres que ceux que pouvait pratiquer l’exploitation coloniaire traditionnelle
[chapitre 2].
52. Il faut rapprocher deux passages du Pro Fonteio : Cic., Pro Fonteio, V, 12 : Unae tabulae
proferantur, in quibus vestigium sit aliquod quod significet pecuniam M. Fonteio datam : unam ex toto
negotiatorum, colonorum, publicanorum, aratorum, pecuariorum numero testem producant, vere
accusatum esse concedem ; XX, 46 : omnes illius provinciae publicani, agricolae, pecuarii, ceteri
negotiatores uno animo M. Fonteium atque una voce defendant. Voir aussi V, 11 : referta Gallia
negotiatorum est.
53. Christol 1998 c, p. 300-301 ; Christol 1997 a, p. 91-93.
54. Voir à ce sujet les informations fournies par Fédière dans Christol 1999 c.
55. Cébeillac-Gervasoni 1998, p. 163-165.
56. Mais nous devons supposer que la population indigène a été, à un moment ou à un autre,
privée du contrôle du sol, et peut-être expulsée d’une partie de ses terres. On n’oubliera pas
l’importance des diverses phases de confiscation qui ont rythmé l’histoire de la Transalpine :
Clavel-Lévêque 1988 (= Clavel-Lévêque 1989, p. 213-254).
57. On éclairera le fonctionnement de ces domaines à l’aide des observations de Martin 1974.
58. L’affranchi peut jouer un rôle de surveillance générale, dans le cadre des responsabilités que
lui attribuait le patron dans la gestion de ses affaires : Martin 1971, p. 366-367, avec la longue
393
note 4, attire lattention sur plusieurs passages évoquant le rôle du procurateur dans la
surveillance des domaines (Colum., I, 6, 7 ; Plin., Ep., III, 19, 2). Voir aussi Martin 1974, p. 272-274.
Le rôle de l’actor ou du villicus est différent. Un exemple d’actor, esclave impérial : Chastagnol 1985
(= Chastagnol 1995, p. 209-220).
59. Fabre 1981, p. 334-352.
60. Colum., R.R., I, 6, 7 : Vilico iuxta ianuam fit habitatio, ut intrantium exeuntiumque conspectum
habeat, procuratori supra ianuam ob easdem causas ; et is tamen vilicum observet ex vicino...
61. CIL XII, 594 et 595 [sans que cela modifie le raisonnement, nous préférerions nuancer
l’interprétation des inscriptions de Saint-Jean-de-Garguier, en ce qui concerne le rapport de
l’affranchi au domaine : Christol 2004 f, p. 85-102 ; voir aussi chapitre 28].
62. Nous rejoignons ainsi l’interprétation de Gayraud 1981, p. 347, mais aussi p. 367, p. 369,
p. 467. C’était déjà l’avis de Grenier 1959, p. 178.
63. Homo 1889 ; Seston 1967 (= Seston 1980, p. 377-380) ; Poinssot 1966. Les cadres d’une analyse
d’ensemble ont été posés par Pflaum 1970 (= Pflaum 1978, p. 300-344) ; voir aussi Gascou 1978.
64. Chastagnol 1997 a ; pour les relations avec les magistrats de Carthage Christol 1991 d.
65. Cette diversité des définitions du mot pagus a été posée par Pflaum, en préambule à son étude
si importante : Pflaum 1970, p. 75 (= Pflaum 1978, p. 300). Dans la vallée de l’Oued Miliane, un bon
exemple de pagus se perpétuant jusqu’à l’époque sévérienne vient d’être mieux connu, grâce à de
nouvelles inscriptions : Maurin 1995.
66. Herzog 1864, p. 173.
67. Gayraud 1981, p. 347.
68. Sur la diversité des sens de colonus, De Neeve 1984, p. 3-4, p. 21, p. 31-37, p. 82. Rappelons que
dans la Pro Fonteio, V, 12, les catégories d’aratores et de coloni apparaissent, puis que dans une
énumération à peu près semblable (voir les textes, plus haut n. 52), dans XX, 46, la catégorie des
agricolae apparaît. Il s’agit pour Cicéron de gros exploitants. De Neeve 1984, p. 55 n. 108, estime
aussi que ces coloni ne sont pas des « colonists », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent être confondus
avec les colons de Narbonne.
69. Piganiol 1962, p. 55-60.
70. Chastagnol 1996 a, p. 14-15.
71. Beschaouch 1997, p. 65-67.
72. Nous devons, sur ce point, nous séparer de l’interprétation avancée par Tarpin dans
Laubenheimer 1993, p. 273-274. Outre la nécessité de bien prendre la mesure de la date de
l’inscription de Moux, il importait de mieux définir la personnalité et la position des quatre
magistri, et de ne pas se laisser abuser par un certain nombre de particularités onomastiques. Il
ne nous semble donc pas pertinent d’écrire que les terres du pagus seraient celles que le pouvoir
romain aurait laissées aux indigènes.
73. À titre d’exemple, citons l’inscription de Suturnuca, de l’époque de Septime Sévère (ILAfr.,
301, revue par A. Beschaouch : cives Romani pagani veter(ani) pagi Fortunalis, quorum parentes
beneficio dm Augusti [castello] Suturnuca agros acceperunt, p(ecunia) p(ublica) f(aciendum) c(uraverunt) :
Beschaouch 1997, p. 62-63. Ajoutons à la lumière des travaux de L. Maurin, les pagani pagi
Mercurialis veterani Medelitani : CIL VIII, 885 et AE 1995, 1567 (Maurin, 1995, p. 102-103, n o 1 :
inscription inédite [AE 1995, 1657]).
74. Le titre de Claudia apparaît dans la dénomination de la colonie : CIL XII, 4390, 4391 ; Gayraud
1981, p. 178.
394
NOTES DE FIN
*. Epigraphe. Miscellanea epigrafica in onore di Lidio Gasperini, I. Tivoli, 2000, p. 247-273.
395
NOTE DE L’ÉDITEUR
Selon les mêmes perspectives le sujet a été abordé, en collaboration avec des
archéologues, pour une région de la partie orientale de la cité de Nîmes : Christol 2002 g.
Cet article a été prolongé par l’étude d’un site voisin : L. Buffat, H. Petitot, L. Vidal, « Un
centre domanial dans la vallée de la Tave : la villa de Mayran (Saint-Victor-la-Coste,
Gard) », RAN, 38-39, 2005-2006, p. 225-282.
1 Voici plus de vingt ans, Paul·Albert Février étudiait les rapports entre les notables et les
campagnes, en Gaule narbonnaise et en Cisalpine, en mettant en évidence la place des
inscriptions comme document signifiant1. Mais parmi ces dernières il concentrait son
attention sur les épitaphes, en faisant remarquer qu’il convenait de les rapprocher des
témoignages archéologiques relatifs à l’implantation rurale des membres de la classe
sociale dominante : bâtiments de résidence ou d’exploitation, mosaïques reflétant un
genre de vie aisé, mausolées ou constructions à vocation funéraire, etc. Ce dernier type de
rapprochement paraissait particulièrement suggestif : il avait déjà apporté des éclairages
remarquables2 et il n’a cessé d’en fournir3. /134/
3 Les réflexions qui avaient été avancées ne parvenaient pas toujours à mettre en œuvre les
matériaux accumulés dans le vol. XII du CIL. C’est ainsi que des inégalités de répartition,
qui paraissaient étonnantes, auraient pu être nuancées. P.-A. Février constatait avec
surprise que « les séries ainsi regroupées sont toujours relatives au Sud-Est de la Gaule et
ne s’éloignent guère vers l’Ouest de la vallée du Rhône : curieusement les cités de Béziers
et de Narbonne sont absentes » ; « je ne parviens pas à me l’expliquer », ajoutait-il 4. En ce
qui concerne Béziers, les documents existent, mais il convient de lire attentivement les
notices lorsqu’elles indiquent les provenances des inscriptions, même si dans son recueil
O. Hirschfeld n’a pas dissocié la ville et son territoire, comme il l’avait soigneusement fait
pour la vaste cité de Nîmes ou ailleurs. Mais déjà M. Clavel avait fait apparaître dans le
territoire de la colonie un certain nombre de documents qui se référaient de façon
explicite à des notables5. Une de ces inscriptions apparaissait à Cruzy, village situé à un
peu plus de vingt kilomètres de Béziers : elle faisait connaître un notable, tribule de la
Pupinia, qui avait parcouru tout le cursus des magistratures : questure, édilité et
duumvirat6. Une autre provenait du village de Cazouls-les-Béziers, situé pour sa part à
une dizaine de kilomètres environ du chef-lieu : elle faisait connaître un autre tribule de
la Pupinia, sévir 7. Enfin, une troisième avait été mise au jour sur le territoire de la
commune de Corneilhan, au toponyme évocateur, plus proche de la ville, dans le premier
cercle des zones rurales enserrant le chef-lieu de la colonie8. Il faut donc convenir qu’en
ce qui /135/ concerne le territoire de la colonie de Béziers l’anomalie constatée par R-A.
Février est bien moins nette qu’il ne lui paraissait.
5 C’est dans ce contexte que l’on expliquera l’intervention de Q(uintus) Cornelius Marcelli lib
(ertus) Zosimus en faveur des pagani pagi Lucreti qui sunt finibus Arelatensium loco Gargario 16.
398
Lui aussi est dénommé en référence à son patron, qu’il faut rapprocher d’une famille
importante d’Arles connue par un magistrat municipal, patron des naviculaires marins et
honoré par eux17. Il a plaidé avec constance et vigueur les droits des pagani pour qu’ils
puissent jouir de l’usage de bains publics, qui doivent être ceux de la ville chef-lieu plutôt
que ceux qui auraient été établis à Saint-Jean-de-Garguier et qui, selon la dernière
interprétation du texte, auraient été transmis aux habitants du lieu par un évergète,
c’est-à-dire vraisemblablement par l’un des grands propriétaires de cette zone rurale18.
S’il s’était agi de thermes institués par un grand propriétaire n’aurait-on pas adopté une
formule différente : au lieu d’une référence simple au droit d’usage gratuit (balneum
gratuitum) les requérants n’auraient-ils pas évoqué le nom familial du créateur de
l’édifice, à jamais inscrit dans la topographie d’abord par l’acte de fondation puis par le
testament qui le transmettait aux habitants du pagus ? Il pourrait donc être préférable
d’envisager qu’il s’agît des thermes urbains, fort éloignés de ces confins de la colonie 19.
/138/
L’appropriation foncière
6 Sans que l’on soit conduit à exclure systématiquement la mainmise de l’affranchi défunt
sur des biens fonciers, c’est dans la perspective que nous venons de dégager que l’on
pourrait être tenté d’interpréter quelques inscriptions funéraires de sévirs augustaux qui
apparaissent à la campagne, surtout lorsqu’elles entrent dans une série qui trouve aussi
son unité du rapprochement topographique ou de l’appartenance à une concentration en
un même lieu.
7 Un exemple apparaît dans la cité de Fréjus avec les belles inscriptions de Seillans et de
Caillan, deux localités voisines au nord-est du territoire de la colonie20, dans une zone où
d’autres inscriptions indiquent de surcroît que des vétérans furent installés21. Les deux
inscriptions qui nous intéressent sont d’incontestable plus belle facture que les épitaphes
de ces anciens soldats : il y a un saut qualitatif qui traduit une distance économique
incontestable. P.-A. Février avait attiré l’attention sur ces deux références et les
considérait comme de bons témoignages de la présence des notables à la campagne22. Les
commentaires récents ont développé cette argumentation en insistant sur les
rapprochements possibles du gentilice Coelius avec les toponymes Seillans et Caillan. Il
faut insister surtout sur l’existence d’un affranchi de deux personnes dans le texte de
l’une des inscriptions : elle peut traduire la transmission de biens reçus en commun. Mais
l’intérêt des inscriptions découvertes à Caillan est d’offrir, à côté de celle dont on vient de
parler, sous le même gentilice (Hirpidius), le rapprochement de l’épitaphe d’un notable,
élevée par un de ses affranchis23 et de l’épitaphe d’un sévir augustal 24. Dans les deux cas
examinés ci-dessus on doit relever la concentration topographique des deux gentilices
concernés, le gentilice Coelius et le gentilice Hirpidius. /139/
8 Ces observations de méthode invitent à ne pas considérer l’épitaphe comme le support
d’un renseignement acquis directement ou immédiatement. Le défunt n’est pas
nécessairement le maître des biens dont l’épitaphe fixe la localisation. La prise en compte
d’un cadre de relations sociales dans le cas de sévirs augustaux, puisque leur condition
d’affranchis impose d’envisager le maintien de liens avec le patron, conduit à analyser
399
Fig. 21. Répartition des attestations du gentilice Vettius et du dérivé Vettianus (carte L. Buffat)
400
10 L’inventaire des attestations du gentilice Vettius montre qu’il existe dans le territoire une
concentration de trois cas dans la partie occidentale, aux limites des cités de Nîmes et de
Béziers, dans la zone de Monbazin (fig. 21). Y apparaissent sur le même autel funéraire
décoré d’un beau rinceau, témoignage d’une sépulture luxueuse, fréquemment attesté à
Nîmes et dans son territoire29, et comparable aux autels funéraires de Caillan et de
Seillans, C(aius) Vettius Hypnus, sévir augustal et un autre Vettius, C(aius) Vettius Eutyches.
Du même endroit provient une troisième attestation, celle d’un C(aius) Vettius [---], connu
par une inscription de découverte récente30. C’est dans ce secteur que nous placerons les
biens fonciers de cette famille de notable, car le reste des autres documents la concernant
est remarquablement concentré dans la ville de Nîmes (figure 1) :/141/
• CIL XII, 4012 (Nîmes) : C(aius) Vettius Dionysius, époux de Caecilia Haple ;
• CIL XII, 3294 (Nîmes) : C(aius) Vettius Hermes, sévir augustal, époux de Iulia Fuscina ;
• CIL XII, 3339 (Nîmes) : Q(uintus) Vettius Gracilis, gladiateur ;
• CIL XII, 3293 (Nîmes) : C(aius) Vettius Helis, sévir augustal, époux de Vettia Servanda ;
• CIL XII, 4013 (Nîmes) : T(itus) Vettius Victor, époux de Vettia Euporia ;
• CIL XII, 4013 (Nîmes) ; Vettia Euporia, épouse de T. Vettius Victor ;
• CIL XII, 3293 (Nîmes) : Vettia Nice, épouse de Pompeius Mercurialis ;
• CIL XII, 3293 (Nîmes) : Vettia Servanda, épouse de C(aius) Vettius Helis, sévir augustal.
11 Les résultats qui ressortent de la mise en forme cartographique de ces données sont
simples : la documentation se partage entre la ville et un point de la campagne. Elle révèle
l’existence de ces relations étroites entre la ville et le territoire, mais dans le cadre de la
cité, au sein de laquelle le chef-lieu, ici la grande ville voulue par Auguste, se nourrit des
ressources du territoire et vit des richesses qui y sont produites. Cette relation unitaire se
traduit parfaitement mais simplement. Dans la perspective tracée par P.-A. Février,
l’inventaire des sépultures de notables, mausolées autant qu’épitaphes, mettait en place,
chaque fois qu’une telle identification était possible, une relation simple entre le lieu
repéré à l’intérieur du territoire et la cité elle-même.
12 Mais on peut, à partir de la documentation épigraphique aller plus loin, et dépasser cette
vision des relations entre le notable et la cité qui est quelque peu réductrice, L’exemple
que nous venons d’examiner dans la cité de Nîmes montre la voie à suivre, même si de lui-
même il ne permet pas d’ouvrir les plus grandes perspectives. Il convient de ne pas
s’arrêter aux seules épitaphes de notables. Il faut associer à chacune d’entre elles tous les
témoignages anthroponymiques possibles. Les conclusions peuvent alors être parfois plus
riches de contenu. Un autre exemple, provenant aussi de la cité de Nîmes, le montrera
(fig. 22).
401
Fig. 22. Répartition des attestations des gentilices Craxius et Frontinius (carte L. Buffat)
13 Nous avons eu récemment l’occasion de revenir sur plusieurs documents qui entraient
dans la prosopographie des notables nîmois31. D’abord pour exclure de cette liste T(itus)
Craxxius Severinus, considéré habituellement comme un chevalier romain32, mais qui n’est,
après révision de l’inscription qui le fait connaître, que magister d’un collège de
centonaires dans la partie orientale du territoire de la cité, à Tresques33. Mais /142/ aussi
pour rétablir le gentilice Craxia dans la dénomination d’une femme de notable, connue
avec son époux par le texte d’une inscription de Lunel-Viel dans le territoire de la cité34 :
D(is) [m(anibus)] Q(uinti) Fro[ntoni] Q(uinti)f(ilii) [V]olt(inia) Secundini, (quattuor)vir(i) iur(e)
dicund(o), pont(ificis), praef(ecti) vigil(um) et arm(orum), [C]raxia Secundi[n]a m[a]r(ito) opt(imo).
L’inventaire des attestations du gentilice Craxius et de tous les gentilices assimilés
(Craxxius, Craxsius, Crassius, Crasius) faisait apparaître une concentration des attestations
dans la partie orientale du territoire nîmois, à Tresques même et dans quelques localités
voisines (figure 22) :
• T(itus) Craxxius Secundinus à Tresques : CIL XII, 2754 = HGL XV, 378 ;
• Crasia Severilla à Tresques : CIL XII, 2758 = HGL XV, 1550 ;
• L(ucius) Crasius Severinus à Gaujac : CIL XII, 2802 = HGL XV, 1536 ; /143/
• L(ucius) Crasius Primulus à Gaujac : CIL XII, 2802 = HGL XV, 1536 ;
• Crasia L(uci) f(ilia) Secundilla à Gaujac : CIL XII, 2802 = HGL XV, 1536.
14 Il s’agit d’un gentilice issu du terroir, qui traduit l’acquisition du droit de cité romaine par
une famille d’origine locale. La concentration dans la région de Tresques et de Gaujac,
villages situés à très peu de distance l’un de l’autre, montre une zone d’implantation de la
famille, vraisemblablement celle dont elle provient. La formation d’un gentilice à partir
d’un nom indigène est attestée ici à plusieurs reprises : ces parallèles montrent la vitalité
de la société indigène et sa capacité d’intégration. L’analyse onomastique ouvre la voie à
des perspectives sociales.
402
15 Mais cette famille, ou un de ses rameaux, s’est peu à peu élevée dans l’échelle sociale. En
témoigne une inscription du chef-lieu de la cité qui fait connaître l’hommage d’un de ses
représentants, Q(uintus) Crassius Secundinus à Nemausus, le dieu de la source, protecteur de
la ville35. C’est dans ce contexte d’ascension sociale que se réalise l’union de Craxia
Secundina et de Q(uintus) Frontonius Q(uinti) f(ilius) Secundinus, attestée à Lunel-Viel, dans la
partie occidentale du territoire de la cité. Ce dernier, enterré à la campagne, avait atteint
le plus haut niveau des magistratures à Nîmes, le quattuorvirat. Désormais il convient de
faire vivre ensemble le gentilice Craxius et le gentilice Frontonius.
16 L’inventaire des attestations de ce gentilice Frontonius est un peu plus diffus que le
précédent, mais l’essentiel des témoignages se concentre aussi dans la partie orientale du
territoire de la cité de Nîmes :
• P(ublius) Frontonius Quintinus, à Tresques : CIL XII, 2767 = HGL XV, 1559 ;
• Q(uintus) Frontonius Quintinus, à St-Victor-la-Coste : CIL XII, 2793 = HGL XV, 1527 ;
• Q(uintus) F(rontonius) Primulus, à St-Victor-la-Coste : CIL XII, 2793 = HGL XV, 1527 ;
• Q(uintus) F(rontonius) Severus, à St-Victor-la-Coste : CIL XII, 2793 = HGL XV, 1527 ;
• F(rontonia) Quintilla, à St-Victor-la-Coste : CIL XII, 2793 = HGL XV, 1527 ;
• P(ublius) Frontonius Fronto, à Blauzac : CIL XII, 2969 = HGL XV, 1617 ;
• [-] Frontonius Rusticus, à St-Gilles : CIL XII, 4122 = HGL XV, 1399 ;
• Q(uintus) Frontonius Q(uinti) f(ilius) Valerius, quattuorvir, à Manduel : CIL XII, 4071 = HGL XV,
252 ;
• Q(uintus) Frontonius Q(uinti) f(ilius) Volt(inia) Secundinus, quattuorvir, à Lunel-Viel : ILGN 521 bis.
17 La documentation que l’on vient de présenter révèle l’absence de témoignages provenant
du chef-lieu, ce qui la différencie par rapport à ce que l’on sait des Vettii ou des Craxxii.
Mais ceci résulte de la diversité des/144/formes qu’elle peut prendre, et des lacunes
qu’elle peut comporter : l’exercice des magistratures par deux des personnes connues
implique une présence dans la ville où se déroulait l’essentiel de la vie politique. Le lien
entre la zone du territoire où les attestations les plus nombreuses se regroupent (entre
Tresques et St-Victor-la-Coste la distance est inférieure à dix kilomètres) et le chef-lieu de
la cité est inscrit en creux dans les textes de Manduel et de Lunel-Viel qui font connaître
des magistrats municipaux, tout comme pour les Vettii devenait vraisemblable l’existence
d’un personnage d’importance. Mais dans le cas des Frontonii il faut retenir l’essaimage
des attestations au-delà de la zone de concentration principale, ponctué à deux reprises
par des signes incontestables d’une possession de biens par des épitaphes de notables. En
deux lieux éloignés de la partie orientale du territoire apparaissent ainsi les traces d’une
diversité de l’assise foncière : nous sommes aux abords du chef-lieu à Manduel, puis
nettement à l’Ouest à Lunel-Viel. Et, de plus, l’un des cas envisagés montre comment un
nom de famille, celui de Craxia Secundina, peut s’échapper de sa zone d’origine pour
gagner, par mariage, une autre partie du territoire de la cité.
devait en dériver. Mais ce sont aussi d’autres inscriptions que les épitaphes qui viennent
concourir à cet approfondissement et cet élargissement des perspectives.
19 Il est vrai qu’on ne saurait tout résumer aux épitaphes. Le comportement des notables est
multiforme. On a déjà envisagé leur participation à /145/ la vie locale par les liens de
protection qu’ils devaient établir dans l’environnement social, et la place qu’ils pouvaient
jouer dans la vie religieuse au quotidien, celle des sanctuaires ou des lieux de culte locaux.
À Moux, dans l’arrière-pays de Narbonne, on perçoit le rôle que jouaient ces affranchis
que l’on a considérés comme des procurateurs d’importants possesseurs du sol. Mais on
peut saisir à l’occasion ces gens eux-mêmes autrement que par leurs épitaphes. Il ne faut
pas négliger l’activité évergétique des notables, qui ne s’exerçait pas seulement au cœur
de la cité.
20 Toutefois d’une cité à l’autre des variations apparaissent dans la nature de la
documentation : elles résultent autant des lacunes inévitables et des modalités de la
transmission des documents que des formes spécifiques de la relation entre le notable et
le plat pays. On ne peut qu’être frappé par les distances qui existent à ce propos entre la
documentation provenant de la cité de Nîmes et celle fournie par la cité de Vienne. Dans
cette dernière, le nombre de témoignages de constructions, à caractère religieux ou à
caractère parapublic, dans les agglomérations secondaires ou à la campagne, est
substantiel36. Il révèle les interventions, souvent conséquentes, des grandes familles de la
cité, dont certaines étaient même intégrées à l’ordre équestre. Nous pouvons retirer de
tous ces documents relatifs aux générosités des familles autant de renseignements que
des épitaphes : ils peuvent même être plus révélateurs car, si la sépulture n’offre qu’un
point d’enracinement, les générosités peuvent s’exercer partout où le notable et sa
famille disposent d’une assise foncière. Or celle-ci était en général multiple. En revanche,
dans la cité de Nîmes, peu de témoignages comparables sont disponibles. Tout au plus
peut-on, toujours aux limites occidentales du territoire, relever les générosités d’un
chevalier romain (anonyme) qui, à Balaruc-les-Bains, offre vraisemblablement la
construction d’un aqueduc aux gens du lieu et dédie les travaux réalisés à Neptune et aux
Nymphes37. Malheureusement l’ignorance dans laquelle nous sommes de sa dénomination
ne permet aucun prolongement de la réflexion par une analyse anthroponymique.
21 Sans aucun doute l’omission des documents sur l’évergétisme des notables dans le
territoire, peut-être parce que l’on était obnubilé voici vingt ans par le thème de la ville
consommatrice, a occulté une bonne partie de la documentation. Il convient de la
réintégrer pleinement et de tirer tout le profit possible d’une palette documentaire très
diversifiée. /146/
22 Mais il reste une autre question à affronter. Le plus souvent, quand il s’agit de la Gaule
méridionale, les travaux sur les biens fonciers des notables se limitent au groupe que l’on
pourrait définir comme l’élite municipale, et nous-même avons suivi jusqu’à ce point
cette ligne de conduite. Or, l’Italie offre d’autres perspectives, en particulier parce que
l’implantation foncière de l’ordre sénatorial était un élément structurant de la vie rurale.
404
C’est pourquoi il ne faut pas oublier que si la plupart des grandes familles de l’aristocratie
provinciale, par l’élévation vers l’ordre sénatorial, ont été aspirées par Rome et par
l’Italie, et si elles ont dû, par contrainte de statut, investir en biens-fonds italiens, elles
n’ont pas nécessairement, à tout coup, rompu les liens avec la petite patrie. Mais la
recherche et l’identification de ces biens fonciers sont malaisées. L’existence d’une
propriété d’une Faustine, identifiée à Annia Fundania Faustina cousine de Marc Aurèle et de
Faustine la Jeune, est attestée ainsi d’une façon que l’on peut qualifier d’exceptionnelle 38.
Néanmoins ceci invite à prolonger l’enquête et à épuiser toutes les possibilités
d’hypothèses que celle-ci peut faire naître.
23 Il existe très peu d’inscriptions d’actores. Seule une autre apparaît à proximité de
Grenoble, dans la cité de Vienne : D(is) m(anibus) Frontonis, actoris huius loci, Materna coniugi
karissimo, [Ph]ilusa patri dulcissimo faciendum curavit et Eudrepites filius parenti optimo sub
ascia d[edicaverunt]39. L’épigraphie révèle ce que l’on sait des actores : ils sont de statut
servile, mais en raison de leur importance dans la familia, ils bénéficient de conditions
d’existence privilégiées. Ils peuvent nouer aisément un contubernium et vivre quasiment
en communauté familiale. Il ne faut pas non plus négliger l’accès à l’épitaphe, rare chez
les esclaves : quand un esclave apparaît dans le texte d’une épitaphe, ou bien quand il est
le défunt pour qui est gravée la stèle, il ne fait pas de doute qu’il s’agit d’esclaves d’un
niveau élevé dans les rapports avec le maître, et de ce fait bénéficiant d’une situation
particulière.
24 Aussi, en prenant appui sur ces observations on sera tenté d’éclairer deux documents
originaux provenant de la zone de Tresques, déjà évoquée, et englobés dans un riche
dossier épigraphique. En effet, le village de Tresques a fourni un nombre important
d’inscriptions, en général conservées à l’heure actuelle au musée Calvet d’Avignon. Parmi
elles, une belle série d’autels funéraires décorés de rinceaux, longuement étudiés par
Gilles /147/ Sauron40. Il s’agit de personnes disposant d’une bonne situation matérielle, si
on peut les comparer aux autres habitants de la cité de Nîmes, tant de la ville que de la
campagne, qui reçurent leur épitaphe sur ce type de monument : on y trouve des notables
de tous les niveaux, des affranchis liés aux grandes familles, ce qui fait aisément admettre
que lorsqu’un signe de notabilité n’apparaît point, ce n’est pas une raison suffisante pour
trop éloigner de l’ordo municipal ces personnes et leurs familles. Il existe
incontestablement un seuil entre ces familles qui honorent leurs défunts sur ces autels
funéraires de belles dimensions et de belle décoration et d’autres qui, tout en ayant
recours à ce type de monument, ne le font que sur des autels de plus petites dimensions,
ou bien qui n’ont recours qu’à la stèle, bien plus simple et moins coûteuse. Toutes ces
familles, Secundii, Frontonii, Frontinii, Siricii, etc., sont issues du terroir et elles nouent des
relations entre elles et avec d’autres familles dans un cercle limité, d’une dizaine de
kilomètres de rayon41. C’est dans ce cercle qu’apparaissent à l’occasion d’autres familles,
elles aussi très souvent d’origine locale : Craxxii déjà vus, Smerii, Samoniccii, etc. 42. Les
processus d’élévation sociale les conduisent vers Nîmes et vers d’autres lieux du
territoire, d’abord par l’exercice des responsabilités politiques, ensuite par les relations
un peu plus élargies quelles peuvent alors nouer avec d’autres membres de l’aristocratie
locale. Nous avons ci-dessus évoqué ces phénomènes conduisant les Frontonii et les Craxii
en d’autres lieux de la cité. Sans aucun doute elles tirent de l’exploitation du sol, dans
cette partie dynamique du territoire de la cité de Nîmes, les fondements de leur puissance
économique, et il est légitime de considérer que c’est dans ce secteur quelles disposaient
initialement de leur assise foncière.
405
25 Mais le tableau semble un peu plus complexe. En effet, il apparaît dans le dossier
épigraphique deux documents curieux qui ne peuvent s’éclairer, à notre avis, que par des
comparaisons à longue distance. On citera d’abord l’autel funéraire de deux esclaves,
Placida et Matutinus. Certes il n’est pas aussi riche que les autels décorés de rinceaux, mais
il est de belles dimensions (141 x 59 cm) : D(is) m(anibus) Placidae viba sibi p(o)s(ui)t ;
Matutini Placida contubernali optimo p(o)s(ui)t 43. /148/
26 L’union de ces deux personnes par le contubernium révèle leur statut servile 44. Il s’agit
d’esclaves qui sont parvenus à un certain niveau, sans doute d’aisance, peut-être
d’activité. Celle-ci s’exerce non à la ville mais à la campagne, ce qui renforce l’originalité
du document. Même s’il n’y a pas de mention explicite de la fonction d’actor, les
comparaisons qu’il est possible d’effectuer orientent vers les documents relatifs aux
actores connus en Gaule méridionale. Ils auraient représenté, au cœur d’un domaine, le
maître qui était absent. Allons plus loin pour renforcer l’hypothèse. L’autre inscription
fait connaître Glycon, sans aucun doute un esclave également 45 : Iovi o(ptimo) m(aximo)
dedicavit Glycon. Elle est gravée sur un cippe de fortes dimensions (144 x 44 x 43 cm) qui
devait servir de support à une statue ou à une offrande. Il est étonnant que la seule
inscription religieuse du dossier fasse connaître un esclave. On n’oublie pas alors quelles
étaient les responsabilités religieuses du maître et de ses représentants quant à
l’entretien des sanctuaires privés, à la lumière de ce qu’écrit Pline le Jeune46. Tout
converge donc pour supposer que tant Matutinus que Glycon représentaient sur place leur
maître absent, et qu’il conviendrait alors d’admettre aussi que dans la région où l’on
trouve leur épitaphe, ou la trace épigraphique de leur intervention religieuse, se trouvait
une entité domaniale importante. C’est sur les actores, esclaves de toute confiance, que
reposaient les responsabilités de la gestion de la production et de la comptabilité, alors
que les procuratores avaient plutôt une responsabilité de supervision de l’ensemble des
revenus, ce qui pouvait les conduire à intervenir tant à la ville qu’à la campagne47.
27 L’examen de ce dossier, qui nous a conduit à postuler l’existence d’une importante
emprise domaniale, ne peut s’achever sans que l’on aborde les relations entre les
personnages qui apparaissent sur les monuments funéraires les plus luxueux, et qui
semblent des exploitants du sol, et la structure qui peut les englober. Il convient
d’évoquer les modes de gestions des grandes fortunes, le plus souvent absentéistes, et la
diversité de solutions retenues, soit à des époques différentes soit de façon
contemporaine. Ne peut-on donc envisager que les personnages qui apparaissent sur les
autels funéraires sont les gros exploitants du sol, enrichis par cette activité qui bénéficiait
de la proximité de la voie de circulation constituée par la vallée du /149/ Rhône ? Ne
peut-on ajouter qu’en simple filigrane se révélerait qu’ils ne détiennent pas totalement le
contrôle de la terre ? Ne peut-on estimer qu’il est nécessaire de postuler qu’existait un
grand propriétaire absent, seulement représenté sur place par un actor, et que ce dernier
assumait la responsabilité d’une gestion peut-être en (petite) partie directe peut-être en
(grande) partie indirecte ?
28 Hypothèses sans aucun doute. Il sera nécessaire de tenter de les conforter. Mais il faut
bien convenir qu’à propos des biens fonciers des notables l’usage de l’épigraphie peut
conduire à poser de multiples questions et à affronter des problèmes d’une grande
diversité. En Gaule méridionale, les données sont suffisamment riches pour dévoiler les
modalités de la présence des notables dans le monde rural et pour hiérarchiser aussi, à
l’occasion, les modalités de leur emprise, en ajoutant au passage leur expression dans les
rapports sociaux. Elles nous conduisent aussi aux abords d’une question d’importance,
406
qui conditionne le jeu des rapports de production : l’appropriation des biens et leur mode
d’exploitation.
NOTES
1. Février 1981.
2. Burnand 1975.
3. Guery, Hallier et alii 1990, p. 145-202. En 2002 a été organisée à Lattes une exposition sur le
thème « La mort des notables en Gaule romaine », dont le catalogue a été publié avec la
collaboration de l’IRAA d’Aix-en-Provence : il contient un inventaire des monuments funéraires
et diverses études plus ponctuelles, ainsi qu’une sélection de documents épigraphiques
commentés.
4. Février 1981, p. 363.
5. Clavel 1970, p. 218 et p. 231-232, avec la carte de la p. 208 (relevé des découvertes
épigraphiques dans la région biterroise) ; analyse du fait épigraphique dans la zone rurale qui
sépare les colonies de Béziers et de Narbonne : Christol 1995 c, p. 333-341.
6. CIL XII, 4238 = HGL XV, 1526 ; Clavel 1970, p. 167-168, p. 216, p. 218, p. 230-231.
7. ILGN 560 ; Clavel 1970, p. 561-562.
8. CIL XII, 4247 (« près de Béziers ») (= Noguier 1883, p. 32-33, n o 16 : « près Béziers ») = HGL XV,
1527 (« Corneilhan » d’après A. Allmer, Revue épigraphique, I, 1879, p. 105-107, n o 122-123) ; sur
cette inscription, Christol 1975 a, p. 3-6 (doù AE 1977, 532), ainsi que Gascou 1995, p. 89-94, qui
améliore la compréhension du texte (d’où AE 1995, 1076).
9. CIL XII, 5370 ; ILS 5421 ; HGL XV, 148.
10. Christol 2000 d, p. 257-260.
11. Christol 1999 e ; Christol 2000 d, p. 266-267 [voir chapitres 25 et 31].
12. Christol 1998 c, p. 283-297 ; Christol 1997 a, p. 75-95 ; Christol 2000 d, p. 262-266. À propos de
l’inscription CIL XII, 4426 et add. = HGL XV, 96, on tiendra compte des observations de AE 1998,
932.
13. Martin 1974, p. 267-297.
14. Colum., R.R., I, 6, 7 : Vilico iuxta ianuam fiat habitatio, ut intrantium exeuntiumque conspectum
habeat, procuratori supra ianuam ob easdem causas ; et is tamen vilicum observet ex vicino...
15. Pline, Ep., III, 19, 2 : sollicitat primum ipsa pulchritudo iungendi, deinde, quod non minus utile quam
voluptuosum, posse utraque eadem opera, eodem viatico invisere, sub eodem procuratore ac paene isdem
actoribus habere, unam villam colere et ornare, alteram tantum tueri ; sur ce texte Martin 1971,
p. 366-367, notamment avec la n. 4.
16. CIL XII, 594 ; le même personnage est vraisemblablement connu par CIL XII, 595, qui est de
caractère funéraire. Voir déjà Christol 2000 d, p. 269 [ajouter Christol 2004 f].
17. CIL XII, 692. À la même famille appartient vraisemblablement Cn(aeus) Cor[nelius---] Ter(etina)
Op[tat---, de]curio C•[I•P•A] de AL 1991, 1193.
18. C’est l’argumentation développée par Gascou 2000, p. 279-295.
19. C’était le point de vue de Jacques 1990, p. 63-64.
20. CIL XII, 267 et p. 808 = ILN Fréjus, 118 (Caillan) : C(aio) Coelio C(ai) et L(ucii) lib(erto) Sestertio, C(aio)
Coelio C(ai) l(iberto) Felici, (se)viro, C(aius) Coelius C(ai) l(ibertus) Faustus (se)vir, frater, fecit ; ILGN 27 =
ILN Fréjus 128 (Seillans) : C(aio) Coelio C(ai) l(iberto) Severo, (se)viro, Coeliae C(ai) l(ibertae) Iucundae
407
coniugi. On se référera à la carte insérée à la fin de l’ouvrage de J. Gascou et M. Janon, ILN Fréjus,
Paris, 1985.
21. ILN Fréjus 114 ; CIL XII, 260 = ILN Fréjus 115 ; CIL XII, 266 = ILN Fréjus 116.
22. Février 1981, p. 362 (liste) et p. 363.
23. CIL XII, 285 = ILN Fréjus 117 : D(is) m(anibus) Q(uinto) Hirpidio Iuliano (duo)viro quae Pacens(is), q
(ui) vix(it) [a]nn(is) [L]IIII, d(iebus) XII, [Q(uintus) Hir[p(idius)—]nus patrono p(io) d(e) s(uo) f(ecit).
24. CIL XII, 268 = ILN Fréjus 119 : D(is) m(anibus) Q(uinti) Hir[p]idi Barbari, (se)vi[r(i)] aug(ustalis), q(ui)
v(ixit) an(nis) XXX[---], Q(uintus) Hirpid(ius) Alphius et Hirpidio [---].
25. CIL XII, 4191, 3294, 3293.
26. CIL XII, 3521.
27. Christol 1992 b, p. 241-256, partic. p. 253-257 [chapitre 27].
28. CIL XII, 3227 : Verus Indamius Servatus : ce personnage est aed(ilis) col(oniae) Nem(ausensis).
29. Sauron 1983.
30. Thomas-Rouquette 1987, p. 60-62.
31. Christol 1999 k, p. 111-136.
32. Burnand 1974, p. 67-68 ; Burnand 1975 a, p. 782-787 [voir les notes additionnelles aux
chapitres 9 et 12].
33. CIL XII, 2754 = HGL XV, 378 et add. (révisée par Christol 1999 k, p. 129-130) : D(is) m(anibus) T
(ito) Craxxio Severino collegium centonarioriorum (sic) m(agistro) s(uo) colleg(a)eq(ue) p(osuit) ex fun
[eraticio].
34. ILGN 521 bis ; révision par Christol 1999 k, p. 123-128 [d’où AE 1999, 1031].
35. CIL XII, 3094 = HGL XV, 52 = 290.
36. La documentation a été récemment rassemblée par Rémy 1992, p. 201-221. Mais dans cet
article les auteurs ne se placent que très fugitivement dans les perspectives tracées par R-A.
Février. Nous avons pu montrer tout l’intérêt qu’il y avait à reprendre en détail l’examen de
certains documents : Christol 1997 e [chapitre 13] et 1998 e ; Christol 2003 f [chapitre 18].
37. CIL XII, 4186.
38. AE 1976,382 = AE 1986, 485 : Apollini Pamphorus Faustinae n(ostrae) actor. À rapprocher de CIL XII,
361 (ILS 1114). Voir à ce sujet Chastagnol 1995 b, p. 66-76.
39. CIL XII, 2250 [= ILN Vienne, 2, 387].
40. Voir l’article cité ci-dessus n. 29.
41. CIL XII, 2760 = HCL XV, 1552 ; CIL XII, 2763 = HGL XV, 1556 ; CIL XII, 2761 = HGL XV, 1553 ; CIL
XII, 2764 = HGL XV, 1557 ; CIL XII, 2765 = HGL XV, 1555 ; CIL XII, 2766 = HGL XV, 1558.
42. CIL XII, 2754 = HGL XV, 378 (révisée) ; CIL XII, 2757 = HGL XV, 1549 ; CIL XII, 2767 = HGL XV,
1559.
43. CIL XII, 2762 = HGL XV, 1554.
44. Treggiari 1981, p. 42-69 ; Rawson 1974, p. 279-305.
45. CIL XII, 2753 = HGL XV, 1547 (texte révisé).
46. Pline, Ep., IV, 1 ; VIII, 8 ; IX, 39 ; Scheid 1996.
47. Aubert 1994, p. 183-199 ; voir aussi Veyne 1981, p. 258-262
NOTES DE FIN
*. Histoire et sociétés rurales, 19, 2003, I, p. 135-150.
408
1 Parmi les inscriptions récemment mises au jour à Nîmes sur l’emplacement du Palais de
justice se trouve une base de statue sur laquelle avait été gravé un texte de quatorze
lignes, l’un des plus amples qui parvinrent alors à notre connaissance et furent publiés
peu après par G. Barruol et J. Gascou1. Le texte est ordonné en lignes continues, sans
effort particulier de mise en page, avec coupure syllabique des mots. Seul, à la dernière
ligne, l’ultime mot du texte a été détaché au centre du champ épigraphique (fig. 23) :
Ordo sanctissim(us)
Q(uinto) Avilio Q(uinti) f(ilio) Sennio
Palatina (tribu) Comini
ano in honorem pa
tris eius Q(uinti) Avili Hyacin
thi quod is, praeter libera
litates spectaculorum quae
sponte ededit vel postulata
non negavit, velis novis sum
ptu suo in theatro positis cum
suis armamentis, saepe pecunia
mutua quae a magistratibus
petebatur data actum publicum
iuverit.
2 « Le très vénérable sénat à Quintus Avilius Sennius Cominianus, fils de Quintus, de la tribu
Palatina, en l’honneur de son père Quintus Avilius Hyacinthus parce que, outre les
libéralités consistant en spectacles qu’il fit représenter de son propre mouvement ou qu’il
n’a point refusées lorsqu’on les lui réclamait, tout en ayant fait installer à ses frais dans le
théâtre de nouveaux voiles avec leur appareillage, celui-ci, par l’attribution de prêts
sollicités par les magistrats, a fréquemment favorisé le fonctionnement de la vie
municipale. »
409
Fig. 23. L’hommage public au fils de Q(uintus) Avilius Hyacinthus à Nîmes (Cliché Réveillac, centre
Camille-Jullian)
3 Le texte adopte une formulation assez rare dans ce type d’hommage qui le plus souvent se
conforme au schéma suivant : 1) dénomination de la personne honorée au datif, 2)
mention de la collectivité qui a décrété les honneurs, ou simple indication decreto
decurionum se référant à la procédure de décision 2. Mais cette disposition élémentaire
s’étoffe parfois de variantes, quand on indique par exemple le motif de la décision ou que
l’on résume, d’un mot, d’une expression ou de plusieurs, les longs considérants du décret
honorifique qui avait été voté3. Le texte de ce dernier, en effet, se fondait sur le rapport
introductif des magistrats et sur les commentaires des membres du conseil municipal,
mais il n’était que rarement publié, si bien qu’il n’en reste généralement que les parties
intégrées de diverses manières dans l’inscription apposée sur la base qui s’élevait en lieu
public. Celle-ci pouvait même s’enrichir lorsque la personne honorée ou l’un de ses
proches avait fait part de sa volonté de prendre à sa charge la dépense publique : alors, en
même temps qu’il mettait en valeur le bénéficiaire du décret, l’exécutant de l’hommage
prenait soin de mentionner la décision publique par l’emploi d’un verbe tel que censere ou
decernere. Puis il ajoutait les formules spécifiques de ce type d’évergétisme très intéressé
puisqu’en quelque sorte un particulier devenait maître de la publication d’une décision
collective concernant l’un de ses proches, parent, ami ou patron4.
4 Ici la première place est occupée par l’ordo sanctissimus, le « très vénérable sénat » de la
cité de Nîmes5. Cette formulation est très rare : on a peine à trouver des parallèles dans
l’épigraphie latine, alors que du côté des cités grecques il est courant de faire commencer
le texte gravé en l’honneur d’une personne par les premiers mots du décret, c’est-à-dire
par la mention du conseil et du peuple. En Gaule pourrait se rapprocher de notre
document – mais dans le déroulement de l’inscription apparaissent bien vite de sensibles
différences –, une inscription honorifique de Lyon6 : elle commence par la double
410
indication publice, d(ecreto) d(ecurionum) (« au nom de tous, par décret des décurions ») qui
met à sa façon en valeur le conseil municipal. Quoi qu’il en soit, dans le texte de
l’inscription de Nîmes le plan est évident : d’abord est mentionnée l’instance de décision,
puis vient le nom de la personne honorée, enfin l’exposé des motifs de l’honneur –
l’érection d’une statue –, qui utilise une formule indirecte sur laquelle il faudra revenir
plus loin. En effet elle associe à l’hommage rendu au fils le propre père de celui-ci, et, à ce
propos, plutôt que les mérites du premier nommé, destinataire direct du témoignage de
gratitude publique, elle met en évidence ceux de l’autre personne. La formulation retenue
projette donc sur le fils les mérites reconnus à son père, comme si le premier risquait d’en
être dépourvu.
5 Comme dans tous les hommages publics rendus à des évergètes, c’est l’énumération des
générosités qui tient la première place par son importance. Mais ici ce sont celles de C.
Avilius Hyacinthus et non celles de la personne honorée de la façon la plus directe qui
sont en évidence. Elles sont énumérées avec un tel luxe de détails que la liste prend neuf
lignes sur les quatorze de l’ensemble. Ce personnage a d’abord offert des spectacles :
praeter liberalitates spectaculorum quae sponte ededit vel postulata non negavit 7. Comme l’a bien
relevé J. Gascou, ces libéralités se sont déployées hors du cadre institutionnel habituel,
c’est-à-dire hors de l’obtention des magistratures et de leur accomplissement, hors de
toute fonction politico-religieuse comme le sévirat augustal, et même hors de toute
distinction honorifique au sens le plus large, telle que l’octroi des ornements de décurion
ou des ornements de sévir augustal8. C’est en effet dans ces occasions que le notable ou
celui qui aspirait à le devenir ajoutait souvent à la summa honoraria ou legitima, c’est-à-dire
à la contribution légale accompagnant la magistrature ou la distinction officielle, une
seconde somme (adiecta pecunia, de suo) qui complétait la première, parce qu’il devait
exécuter une promesse formulée avant de recevoir l’honneur ou la distinction.
6 En revanche tout concourt à montrer la spontanéité de la munificence, délibérément
placée hors du cadre des activités civiques contraignantes, celles qui étaient soumises à
un fort contrôle social. L’emploi du terme de liberalitates, typique des documents qui
mettaient en évidence les assauts de générosité « gratuite » dont faisaient preuve les
évergètes pour le financement des spectacles, au risque de susciter les réprimandes des
moralistes9, est en lui-même suffisant : l’expression, qui sert aussi à désigner les
générosités testamentaires10, a été codifiée par l’usage. Mais ici elle est renforcée par une
proposition relative qui ajoute : quae sponte ededit vel postulata non negavit. Ce membre de
phrase met en valeur deux façons d’exercer la générosité volontaire, soit par l’offrande
spontanée, soit par l’acceptation de demandes qui auraient pu être refusées. Mais il
semble bien que le participe postulata doit recevoir son sens le plus fort, car il faut le
comprendre par rapport à la vie municipale et à ses usages : il évoque la postulatio populi,
la demande des citoyens qui faisait partie des formes admises de la vie civique. Toutefois
ce n’est point celle qui s’exprime au moment des élections et qui parvenait, en certains
cas, à influencer le jeu politique traditionnel11, quand certains candidats savaient
valoriser leurs promesses (pollicitationes). C’est celle par laquelle le peuple sollicite une
évergésie pour donner aux fêtes de la cité un éclat particulier : on s’adressait alors aux
riches notables ou à ceux qui, bien que riches, n’étaient pas encore admis dans l’élite
dirigeante12, appel flatteur qui faisait céder l’envieux mais qui faisait aussi disparaître
pour un temps la hiérarchie des dignités entre les hommes ou les familles. La réponse
généreuse à ces sollicitations qui se plaçaient hors de la compétition pour les
magistratures ou pour les fonctions officielles pouvait susciter en retour un hommage
411
collectif13, mais celui-ci n’était pas de façon nécessaire immédiatement consécutif. C’était
plutôt un bon placement. Il pouvait dans quelques cas faciliter à terme l’accès au groupe
social le plus élevé soit du bienfaiteur lui-même soit d’un de ses proches, en général son
enfant. Dans l’inscription de Nîmes la mise en valeur du mécanisme évergétique renvoie
non à la propre volonté du bénéficiaire ou de l’un de ses proches, qui aurait rédigé le
texte, mais vraisemblablement à un document officiel, car l’on peut admettre que
l’expression de la postulatio provient certainement du décret de l’ordo sanctissimus. C’est
dans celui-ci que la mention de la sollicitation populaire avait été revêtue des mots, les
plus usuels et les plus significatifs à la fois, de la vie municipale14.
7 Une autre générosité concerne le paiement des vela du théâtre. Il s’agit
vraisemblablement de l’édifice qui faisait partie du sanctuaire du culte impérial, sis dans
la partie occidentale de la ville romaine, autour de la source de la Fontaine15. L’évergète a
offert un ensemble de vastes bâches qui, tendues au-dessus des édifices de spectacles, tels
les théâtres ou les amphithéâtres, permettaient de protéger les spectateurs des rayons du
soleil et de leur offrir ainsi quelque confort. Pour les théâtres le dispositif était constitué
de deux parties, un toit pour la cavea, un toit pour la scaena 16. À cette couverture il a joint
les armamenta, c’est-à-dire l’appareillage permettant d’en assurer la manoeuvre. R. Graefe
en fait l’inventaire : mâts et perches, cordages, anneaux17. J. Gascou remarque que ce
terme apparaît pour la première fois afin de désigner les appareillages nécessaires au
confort des spectateurs, qui augmentaient l’agrément du public et le prestige de l’édifice.
C’est pour cela que le terme d’ornatus, dans une inscription d’Abella, en Italie méridionale
18
, quoique plus large dans cette acception, doit inclure les armamenta : dans cette ville
l’augustal N. Plaetorius Onirus vela in theatro cum omni ornatu sumptu suo dederit.
8 On doit aussi remarquer que l’expression de cette libéralité apporte la première mention
épigraphique du théâtre de Nîmes, connu du temps de l’historien Ménard19, puis
réexaminé par A. Pelet lors des fouilles qu’il réalisa dans les jardins de la Fontaine : il en
subsistait alors neuf rangées de gradins de 0,74 m de largeur et de 0,34 m de hauteur 20. Cet
édifice faisait partie intégrante du vaste sanctuaire du culte impérial, longtemps défini
comme l’emplacement des thermes de la cité, mais depuis peu réinterprété par P. Gros.
Celui-ci a aussi mis en évidence l’abondance des documents relatifs aux représentations
« scéniques » qui proviennent de l’endroit : on le suivra quand il estime que ces
témoignages doivent être rattachés aux aspects du culte impérial, mais aussi quand il en
déduit que le théâtre avait été le lieu privilégié de la célébration des concours de forme
grecque, dont l’existence est incontestablement attestée à Nîmes21. C’est pourquoi l’on
admettra que les spectacula dont il est question au début du texte pourraient se rapporter
tant aux concours du théâtre qu’aux jeux de l’amphithéâtre.
9 Du même secteur de la Fontaine provient une seconde mention des vela. En effet on y a
trouvé les restes d’un autel, consacré à la victoire impériale, sur lequel un notable, M.
Valerius Severus, agissant comme pontife, avait fait mentionner qu’il avait mis en place
vela et aram22. Mais on hésitera à identifier les vela de cette inscription avec ceux qu’offrit
Q. Avilius Hyacinthus. Ceux dont s’occupa le pontife ne sont pas forcément ceux du
théâtre : ce peuvent être « des voiles ou des tentures », ou même « peut-être les rideaux
encadrant une statue de la Victoire lors de certaines cérémonies23 ».
10 Toutefois ces deux catégories de libéralités, pour aussi importantes qu’elles aient été, sont
surpassées, d’après le texte qui fut gravé, par ce que met en valeur l’élément principal de
la phrase latine : quod is... saepe, pecunia mutua quae a magistratibus petebatur data, actum
publicum iuverit. Là, les responsables de l’inscription ont certainement serré de près le
412
texte même du décret, et comme les rédacteurs de celui-ci ils ont voulu caractériser de la
meilleure façon ce qu’ils considéraient comme l’objet fondamental de la reconnaissance
publique. Ceci n’efface pas les autres générosités mais les surpasse dans l’échelle des
valeurs ou des services rendus. Aussi cette mention devait-elle constituer la chute de la
phrase affichée au coeur de la cité. Il s’agit de l’acceptation d’emprunts publics24. Si l’on se
réfère à la documentation provenant des cités du monde grec, elle valait à de tels
bienfaiteurs des décrets honorifiques25. Nous ne saurons pas pour quel usage ces prêts
avaient été sollicités par les magistrats (approvisionnement, fêtes, constructions ?), ni si
parfois le bailleur de fonds renonça aux intérêts, voire au principal26. Mais on peut penser
qu’à l’occasion il se laissa aller à quelque marque de désintéressement. Q. Avilius
Hyacinthus maniait donc de l’argent et pouvait mobiliser des sommes importantes sans
que pour autant nous disposions d’une preuve absolue de l’exercice d’une profession
bancaire particulière, lui valant l’appellation de « banquier de métier27 » : de toute façon
le décret honorifique n’aurait pu le dire ni le texte gravé l’avouer28. L’intention essentielle
était de clore l’énoncé des mérites par ce qui devait définir Q. Avilius Hyacinthus comme
un optimus civis.
11 Il existe de fortes présomptions pour supposer que Q. Avilius Hyacinthus était un
affranchi. Il porte en effet un surnom grec, ce qui en la matière pourrait apparaître
comme un argument suffisant29. De plus son fils est enregistré dans la tribu Palatina, ce
qui apparaît comme un second élément déterminant (la tribu de la cité de Nîmes étant la
Voltinia)30. Enfin on relèvera que le fils, destinataire de l’hommage public, est revêtu d’une
dénomination entièrement latine : ce passage du surnom grec au surnom latin est aussi à
sa façon significatif31.
12 D’autre part, dans la dénomination de Q. Avilius Q.f. Sennius Cominianus on doit avant
tout mettre en valeur l’adjonction aux éléments familiaux transmis par le père (Q. Avilius)
d’un élément complexe constitué d’un nouveau nom de famille (Sennius) et d’un surnom
composé d’un gentilice qui a été suffixé32. Q. Avilius Hyacinthus a donc adopté comme fils
un dénommé Sennius Cominianus33.
13 La gens Avilia est assez faiblement représentée à Nîmes. Dans l’état de la documentation
on ne trouve que deux références localement34, mais on ajoutera une nouvelle mention
avec C. Valerius Avillius, soldat de la légion VIIa Gemina qui, à Tarragone, rappelle qu’il est
issu de Nîmes (Volt(inia) Nemauso) 35. Le fastueux évergète appartenait donc à un groupe
familial d’origine locale. Mais peut-on pour autant placer la famille de son patron dans le
milieu des notables ? Levergétisme éclatant laisserait plutôt entendre que dans ce cas les
multiples dépenses tenteraient de compenser un handicap : celui, évident, qui résultait du
statut d’affranchi, mais aussi, ce que laisse entrevoir l’analyse onomastique, celui qui
résultait du niveau peut-être médiocre de son patron36. N’oublions pas que l’inscription
met en valeur les mérites d’une personne qui n’était pas le bénéficiaire direct et premier
du décret honorifique. Répondrait-elle alors à quelque secret désir d’apparaître que l’on
n’aurait pu jusque-là satisfaire ? En d’autres termes : l’homme puissant par sa richesse
mais fragile par son faible enracinement dans le milieu des notables, tel que pourrait être
Q. Avilius Hyacinthus, ne se serait-il pas fait tout seul ? N’aurions-nous pas en lui un de
ces « affranchis indépendants », mis en scène par P. Veyne, P. Garnsey et J. D’Arms 37 ?
Quelques-uns des traits caractéristiques mis en avant par P. Garnsey apparaissent déjà : la
richesse et l’indépendance dans la réalisation de l’ascension sociale38. D’autres, tout aussi
significatifs, apparaîtront par la suite.
413
14 S’il est difficile de considérer la gens Avilia comme une importante famille locale, il n’en
est pas de même pour la gens Sennia et pour la gens Cominia. Les Sennii ont une origine
indigène39. Ils n’apparaissent pas encore de façon évidente dans la documentation relative
aux notables de Nîmes, alors que leurs homonymes de Vienne s’y trouvent40, mais ils
constituent quand même dans la cité un groupe familial bien attesté. L’on trouve parmi
eux un sévir augustal41 ; une femme, Sennia Hygia, est mentionnée sur un cippe à
rinceaux, type de monument cher aux milieux aisés de la cité42. Les attestations montrent
aussi que cette famille est bien implantée dans la partie orientale du territoire, au coeur
d’une région bien située et orientée vers une production agricole rémunératrice, ici le vin
43
. On peut donc raisonnablement penser qu’au sein des milieux dirigeants de la cité de
Nîmes la gens Sennia avait sa place.
15 Les preuves sont en revanche indubitables pour les Cominii. Les attestations de ce gentilice
sont assez rares, il est vrai44, mais on doit mettre en avant la personnalité de M. Cominius
M. fil. Volt. Aemilianus, chevalier romain, bien en vue dans la cité durant le deuxième
siècle ap. J.-C.45 : il parvint au flaminat provincial et reçut de l’empereur la curatelle de la
cité d’Aix-en-Provence. Il s’agit donc d’une famille importante de l’aristocratie nîmoise.
16 En somme, puisque l’on peut supposer que le niveau social atteint par le patron de Q.
Avilius Hyacinthus était médiocre, on estimera que l’adoption par cet affranchi d’une
personne du nom de Sennius Cominianus était destinée à attacher le nomen Avilius à celui
de familles plus en vue dans la vie locale. La pratique d’un évergétisme d’envergure se
doublait d’une stratégie familiale qu’il est aisé de retrouver. On pourrait rapprocher cette
dernière des pratiques du même genre que des études approfondies sur l’ordo de Pompéi
ont mises en valeur. En effet, P. Castren a relevé que dans cette cité certaines familles,
afin de s’assurer de solides appuis pour faire entrer leur nom dans l’ordo decurionum,
utilisaient l’adoption d’enfants issus de groupes déjà bien installés au sommet de la
hiérarchie sociale46 : les adoptants sont soit des personnes venues de l’extérieur, soit des
personnes d’origine ingénue qui n’avaient pas eu encore accès à l’ordo, mais aussi des
affranchis qui ainsi trouvaient moyen de s’accrocher au milieu des notables47. En serait-il
de même à Nîmes ?
17 Toutefois, avant de se laisser entraîner par ce rapprochement suggestif, il importe de
tirer le plus possible de la constatation suivante : le surnom de l’adopté, bénéficiaire
direct de l’hommage public, n’est autre qu’un gentilice affecté du suffixe -anus 48. Dans
l’épigraphie de la cité de Nîmes un tel type de dénomination est abondamment
représenté. Il apparaît principalement dans les milieux relevés, si l’on en juge par les
titres ou honneurs affichés, et dans des milieux d’une aisance certaine, si l’on se réfère au
type de monument funéraire choisi, cippe à rinceaux ou autel funéraire de bonne taille.
18 On devrait donc s’attendre à trouver dans cet ensemble des aristocrates et des notables.
Parmi eux on mettra à part C. Fulvius C.f. Volt. Lupus Servilianus49 et T. Iulius Sex. f. Volt.
Maximus Ma[---] Brocchus Servilianus A. Quadronius L. Servilius Vatia Cassius Cam[---] 50 :
ils appartiennent au monde des sénateurs ou des chevaliers admis dans l’ordre
sénatorial ; même si l’on peut penser qu’ils sont issus de l’aristocratie volque, celle-ci a
repris, durant le premier siècle ap. J.-C., les usages onomastiques courants à l’époque
républicaine dans la haute société. Pour le premier d’entre eux, en particulier, le surnom
Servilianus indique certainement que ce personnage était né dans la gens Servilia.
Cependant un tel mode de dénomination n’apparaît qu’à sept reprises dans le groupe de
ceux qui, chevaliers romains ou non, ont le comportement, local ou provincial, du notable
municipal, alors que la documentation relative à ce sous-ensemble s’élève à un peu plus
414
de soixante-dix attestations pour toute la cité51 : cette pratique qui faciliterait la mise en
valeur des alliances matrimoniales n’est donc pas particulièrement prisée par les grandes
familles de Nîmes.
19 Dans le petit groupe dont on vient de parler, il y a quand même quatre chevaliers
romains, dont un praefectus fabrum. Dans ce dernier cas52, il s’agit d’un notable parvenu au
faîte des magistratures municipales, et peut-être mort avant d’accéder aux plus hauts
honneurs, dans sa cité et dans sa province, par l’exercice des prêtrises du culte impérial.
Les trois autres personnages sont parvenus aux plus hauts honneurs municipaux et
provinciaux, tant M. Cominius M. f. Volt. Aemilianus53, que C. Soillius T.f. Volt. Valerianus
54
et L. Sammius L. f. Vol. Aemilianus 55. Cependant, à propos de leur statut, on utilise la
formule equum publicum habens, qui sert, avec d’autres, à indiquer qu’il s’agit du premier
membre de la famille accédant à l’ordre équestre. On a observé à ce sujet que l’expression
caractérisait l’ascension sociale de notables provinciaux ou municipaux mais aussi celle
de fils d’affranchis56. Aussi on se gardera, dans le cas des Nîmois, de les considérer comme
les représentants de familles établies depuis longtemps dans une bonne position sociale et
accédant enfin à un degré plus éminent de la notabilité. Il importe en revanche d’explorer
l’hypothèse d’ascensions rapides, réalisées sur une seule génération par des individus
dont les ascendants subissaient des incapacités, tels les affranchis.
20 L’épigraphie de Nîmes apporte ici de bons arguments. Il existe en effet un certain nombre
d’inscriptions qui montrent que les enfants d’affranchis pouvaient porter un surnom
dérivé du gentilice de la mère57, à tout le moins que cette pratique permettait à un couple
d’anciens esclaves de latiniser le surnom des enfants à la génération suivante58. On
mentionnera le cas de L. Aemilius Cornelianus et d’Aemilia Corneliana, fils et fille de
Cornelia Philaenis et de L. Aemilius Asyncritus, sévir augustal dans sa cité59. On ajoutera
celui que fournit un cippe à rinceaux sur lequel le texte funéraire est accompagné d’une
épigramme grecque60. On pourra même se référer à celui qu’apporte une épitaphe61 sur
laquelle, si l’épouse porte un surnom grec, l’époux s’appelle Communis, assez répandu
dans le monde servile62. On enregistrera encore, même s’il est impossible de connaître
entièrement la dénomination d’un des membres de la famille, d’autres exemples :
• CIL XII, 3221 : la dénomination de l’épouse est inconnue. Mais le texte mentionne C. Fulvius
Nicephorus, sévir augustal et décurion ornamentarius de la cité de Nîmes, père de Fulvia C.f.
Cassiana. On en déduira que la mère était vraisemblablement une Cassia.
• CIL XII, 3541 : la dénomination de l’époux est inconnue. Mais le texte mentionne Cornelia
Elpis mère de Sergia Corneliane. On en déduira que le père est un Sergius.
• CIL XII, 3644 : la dénomination de l’époux est Sex. Iul. Dionysius, alors que celle de l’épouse
est inconnue. Mais le fils est dénommé Sex. Iul. Messianus. On en déduira que la mère était
vraisemblablement une Messia.
• ILGN 459 : la dénomination du père est Aelius Cornelius Hermes, alors que celle du fils est L.
Cornelius Valerianus. On en déduira que l’épouse était vraisemblablement une Valeria.
21 Dans tous ces cas, les gentilices que l’on découvre sont ceux de grandes familles locales.
On mettra particulièrement en valeur le rapprochement que l’on peut effectuer entre C.
Fulvius Nicephorus et le sénateur nîmois C. Fulvius C. f. Volt. Lupus Servilianus dont il a
été question plus haut63, tandis que pour Sergia Corneliane le rapprochement s’impose
avec le grand notable que fut C. Sergius Respectas64. La conclusion s’impose donc : dans
cette cité provinciale de bonne taille on peut constater que les affranchis des grandes
familles, par leurs alliances, auraient pu reconstituer, quoiqu’a un niveau inférieur, le
415
milieu des notables, leurs patrons, vraisemblablement avec l’assentiment de ces derniers
65.
22 Mais l’enquête ainsi conduite montre que tout ne se résout pas en mariage d’affranchis.
Dans plusieurs cas où se manifeste cette pratique de donner à l’enfant un surnom dérivé
du gentilice de la mère, seul un des membres du couple était un ancien esclave, tandis que
l’autre était d’une extraction ingénue, ou paraissait en être. On mettra ainsi en évidence
deux exemples :
• CIL XII, 3457 : M. Aurelius Karus, le père, pourrait être ingénu, tandis que Cassia Charite, son
épouse, est plutôt de condition libertine. L’enfant s’appelle M. Aurelius Cassianus.
• CIL XII, 5900 : nous sommes dans le cas inverse. T. Geminius Zethus, le père, est
vraisemblablement affranchi, mais la mère, Titia Martialis fil. Paterna, est de condition
ingénue. L’enfant s’appelle T. Geminius T. f. Vol. Titianus.
23 Avec ce dernier exemple nous pouvons aller plus avant, car nous connaissons le destin de
cet enfant. T. Geminius T. f. Vol. Titianus reparaît sur une autre inscription de Nîmes, son
épitaphe66. À sa mort il était parvenu à un niveau assez élevé dans la hiérarchie des
honneurs municipaux, puisque la préfecture des vigiles et des armes précède le
quattuorvirat. Vraisemblablement les notables qui parvenaient à ce rang avaient
préalablement exercé la questure ou l’édilité. Mais, de fait, l’on constate l’existence de
deux représentations du cursus municipal à travers les inscriptions de la cité. D’un côté la
simple mention de la questure ou de l’édilité, c’est-à-dire des magistratures inférieures
qui toutefois avaient l’avantage dans cette colonie de droit latin de permettre aux
notables qui n’en jouissaient pas encore de gagner le droit de cité romaine67. De l’autre la
mention, en règle quasi générale invariablement répétée, des honneurs et prêtrises du
plus haut rang : dans l’ordre direct la préfecture des vigiles et des armes, le pontificat, le
quattuorvirat (soit iure dicundo soit ad aerarium), enfin, couronnement qu’il n’était pas
loisible à tous d’atteindre, le flaminat du culte impérial68. Dans le cas de notre
personnage, il est significatif que, même si sa carrière avait été prématurément
interrompue69, son épouse ait tenu à montrer, en ne mentionnant que la préfecture des
vigiles et des armes, qu’il était vraisemblablement destiné à atteindre les plus hautes
fonctions dans la cité. Cet exemple montre à la fois vers quelles hypothèses suggestives
peut conduire cette enquête, mais aussi les limites qu’impose la documentation dont on
dispose, car celle-ci ne livre que des renseignements réduits sur la composition des
familles. L’épouse s’appelle Amulia Epiteuxis : si son surnom grec évoque l’origine servile,
son gentilice en revanche, inconnu pour l’instant à Nîmes et en Narbonnaise, ne permet
pas de mettre en évidence des relations avec les groupes les plus élevés de la société
locale. Toutefois ici se révèle que dans ces familles qui s’installaient peu à peu dans la
notabilité les liens n’étaient pas totalement coupés avec le milieu des affranchis. Pourrait
le suggérer aussi une autre inscription funéraire de Nîmes qui fait connaître le quattuorvir
C. Vireius C. fil. Vol. Virilis, époux de Maria C(h)resime70. Enfin pourrait aussi l’indiquer
l’examen des inscriptions qui font connaître des mariages entre personnes dont l’une
porte un surnom grec et l’autre un surnom latin : on rencontre souvent des sévirs
augustaux71.
24 De toute façon, l’usage de donner à l’enfant un surnom tiré du gentilice de la mère oriente
vers les milieux d’affranchis des grandes familles, dont on peut mesurer combien ils
étaient proches de leurs patrons et peut-être par ceux-ci des autres composantes de l’élite
sociale et politique de la cité. C’est pourquoi, même si nous ignorons l’identité et le statut
des parents du jeune Sennius Cominianus, on doit être tenté de s’orienter vers les groupes
416
d’affranchis qui gravitaient autour des grandes familles de la société locale. Q. Avilius
Hyacinthus est donc allé chercher son fils d’adoption dans ce milieu parce qu’il pouvait
en retirer des appuis afin de réaliser son objectif d’ascension sociale, et combler par des
concours haut placés l’insuffisance de ses propres garants. Faut-il préciser : de son patron
72 ?
NOTES
1. Les fouilles eurent lieu de 1976 à 1978. Leur déroulement est résumé par G. Barruol,
« Informations archéologiques », Gallia, 36, 1978, p. 454-455 avec fig. 21-22 ; 37,1979, p. 543-544
avec fig. 14-16 ; 39, 1981, p. 522. C’est alors que fut mise au jour une enceinte d’époque tardive :
Dedet-Garmy-Pey 1981. Les inscriptions ont été publiées par Barruol-Gascou-Bessac 1982. La base
de statue est monolithe (1,21 x 0,61 x 0,55m) ; le champ épigraphique se trouve sur le dé (0,61 x
0,51). L’inscription a été publiée par G. Barruol, Gallia, 37, 1979, p. 543, par Dedet-Garmy-Pey 1981,
p. 158 avec fig. 34-35, par Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 285-290 avec fig. 6 (d’où AE 1982,681).
2. Sur ces formulaires, Christol 1986 d, p. 86-89.
3. On se référera à Sherk 1970, qui en fournit une liste avec les textes.
4. Étienne 1964 ; Dardaine 1980. Un bon exemple se trouve à Nîmes dans un des textes publiés et
commentés par Barruol-Gascou 1982, p. 291-293 (d’où AE 1982, 682) : Indelviae T(iti) fil(iae)
Valerillae, flaminicae perpetuae, quae pro eo honore statuant argenteam cum basi ex (sestertium)
(quinquaginta milibus) (nummum) in basilica posuit, ob quant munificentiam ordo sanctissimus statuant
ei ponendam de publico decrevit. Quae honore contenta impendium remisit.
5. Sur ce qualificatif, rarement usité, voir les commentaires de Barruol-Gascou-Bessac 1982,
p. 283, qui rassemblent la documentation disponible. On ajoutera, si la restitution proposée peut
être maintenue, le témoignage d’une inscription de Nîmes publiée récemment (Christol 1987 b,
d’où AE 1987, 752) : (Se) vir a[ug(ustalis)] Sex(tus) Licin[ius] Helicon cui ordo san[ct(issimus) ?] seviralia
orna[ment(a)] gratuita dec[rev(it)] v(ivus) s(ibi) et [s(uis) f(ecit) ou p(osuit)]. En revanche on retirera le
témoignage d’une autre inscription découverte au même emplacement du Palais de justice et
publiée par Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 281 (d’où AE 1982, 680), car la révision du texte
montre que l’on ne doit pas lire le mot abrégé [s]a[nc]t. : il s’agit d’un terme collectif désignant la
communauté dont l’ordo a décrété les honneurs gratuits pour Attia Patercla (decret(o) ordinis...).
Nous nous proposons de revenir ultérieurement sur ce texte important pour l’évergétisme à
Nîmes [à présent Christol 2005 c].
6. CIL XIII, 1900 (ILS 7025), à Lyon : Publice d(ecreto) d(ecurionum) [S]ex(to) Vagirio Sex(ti) fil(io) Gal
(eria) Martiano... quant statuant cum ordo [s]anctissim(us) ob eius erga remp(ublicam) suam eximiam
operant et insignem abstinentiam ex aerario [p]ublico poni censuisse[t]... ; Burnand 1973.
7. Sur la forme incorrecte ededit, Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 288. La nature des spectacula
demeure incertaine : à Nîmes ce ne sont pas nécessairement ceux de l’amphithéâtre, cf. infra. Sur
la diversité qu’implique le terme lui-même, Cavallaro 1984, p. 13-31.
8. Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 288-289. L’octroi de distinctions comme les ornements de sévir
impliquait aussi un versement honorifique, puisque parfois la gratuité l’accompagnait, cf.
l’inscription citée supra n. 5 et les commentaires dans Christol 1987 b, p. 393-394.
9. Veyne 1976, p. 436-440.
10. On citera à l’appui l’inscription n o 1 publiée par Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 281-285 (d’où
AE 1982, 680).
11. Jacques 1984, p. 389-393.
12. Jacques 1984, p. 399-406.
418
13. C/L X, 4760 (ILS 6296) : C(aio) Titio Chresimo, aug(ustali) (iterum). Huic ordo decurionum, quod pro
salute et indulgentia Imp(eratoris) Antonini Pii Felicis Aug(usti) et ex voluntate populi munus familiae
gladiatoriae ex pecunia sua diem privatum secundum dignitatem coloniae ediderit, honorent biselli quo
quis optimo exemple in colonia Suessa habuit et ut aquae digitus in domo eius flueret commodisque publicis
ac si decurio frueretur, et Titio Chresimo filio suo ob merita patris honorem decurionatus gratuitum
decrevit. Cf. Jacques, 1984, p. 402-403.
14. Jacques 1984, p. 392-393 et p. 405.
15. Gros 1984, p. 123-124. Remplacement de la Fontaine a longtemps été considéré comme un
établissement de bains, au XVIIIe et au XIXe s. : A. Pelet, Essai sur les anciens thermes de Nemausus,
Nîmes, 1863. On replacera ces interprétations dans le cadre général des recherches
archéologiques et épigraphiques des érudits nîmois, grâce aux éléments qui sont rassemblés dans
le catalogue composé par D. Darde, L’épigraphie à Nîmes du XVIe s. à nos jours, Nîmes, 1987.
16. Le pluriel vela semble courant (Graefe 1979, p. 189, n. 35), même en grec (cf. au théâtre de
Patara en Lycie, ΤΑΜ II, 408,l.15-16), mais cette langue utilise aussi, pour définir la toile de
couverture de ce lieu de théâtre le termepétasos, qui désigne le chapeau aux larges bords dont
était coiffé Mercure (L. Robert, Hellenica, XI-XII, Paris, 1960, p. 17, n. 3, cf. Bull., 1961, 216 et 659
avec les références).
17. Graefe 1979, p. 22-26 à propos du théâtre d’Orange ; pour l’amphithéâtre de Nîmes, p. 62-67.
18. Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 289 (précisant l’avis de Graefe 1979, p. 10). Il s’agit de
l’inscription CIL X, 1217 (ILS 5651). À Narbonne on connaît une inscription qui pourrait se référer
aussi à l’embellissement du théâtre, mais sans autre précision (CIL XII, 4445 :[ad t]heatri or[na
\ione]m selon Hirschfeld, mais avec un point d’interrogation, cf. aussi dans l’index, p. 958) ; mais
les lacunes sont vraisemblablement plus longues que ne le suppose cet auteur : on pourrait donc
trouver à la ligne supérieure le mot or[natum...], puis une énumération explicitant la générosité
de l’évergète avant de parvenir au début de la ligne inférieure.
19. L. Ménard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nîmes, Paris, 1750-1758, VII, p. 69.
20. Louis 1941, p. 103.
21. Gros 1984, p. 130-132. À compléter par les observations du même, Gros 1989, p. 76-79. Nous ne
connaissons pas encore le nom de ces concours, même si une inscription découverte depuis
quelques années vient attester, comme on pouvait s’y attendre, l’insertion d’un concours dans les
fêtes officielles de la cité, puisque le notable C. Sergius Respectus, après avoir pris en charge
comme epimeletes ( ?) agonis [—] (le nom manque par suite d’une lacune) une des manifestations,
fut un peu plus tard agonothetes, c’est-à-dire président du concours : AE 1969-1970, 376, cf.
Wuilleumier 1971 (une révision du texte et de nouveaux commentaires ont été publiés par
Christol 1987 a, II, p. 11-18 ; on se référera aussi à Christol 1987 e, p. 115-116 pour le texte révisé,
et à Christol 1991 a [voir chapitre 17]). On pourrait se demander si les deux expressions flamen
Romae et Augusti et agonothetes ne sont pas juxtaposées et ne signifieraient pas que le flaminat du
culte impérial aurait été revêtu lors d’une année de célébration de ce concours au caractère
périodique. Il est en effet difficile de penser que leur organisation et leur présidence échappaient
normalement au plus haut responsable du culte impérial dans la cité. Quant à la documentation
relative aux troupes et aux acteurs, elle est plus abondante : Lavagne 1986. Les théâtres jouaient
un grand rôle dans les cérémonies du culte impérial : Price 1984, p. 109 et p. 210-211.
22. CIL XII, 3134 : Victori[a ou ae] |Aug.|M. Valerius|Severus, pontif.|ex stipe| vela et aram [d. ?].
L’inscription fut « trouvée en 1740 dans les décombres des anciens bains bâtis sur le bord de la
fontaine, actuellement au temple de la fontaine » selon Ménard. Le texte a été mutilé avec le
temps, mais si le bord supérieur du champ épigraphique a disparu, le bord inférieur subsiste en
partie, ce qui permet de conclure qu’il n’y avait pas une sixième ligne ou davantage de texte en
bas. De plus le texte est remarquablement mis en page. On pourrait donc ajouter une lettre à
droite, à la dernière ligne ; en revanche, même si cela entraîne une difficulté pour comprendre le
419
texte, on peut se demander s’il convient de restituer au datif le nom de la Victoire comme le
voulait Hirschfeld conformément à une certaine logique.
23. Gros 1984, p. 130, n. 63. Quant à la statue, qui pourrait être de métal précieux, on aurait pu
l’exposer lors des fêtes du culte impérial. Cette question mérite un approfondissement.
24. Dans un sens différent Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 290.
25. Migeotte 1984, fournit de nombreux éléments de comparaison et met en valeur un
phénomène fondamental dans la vie des cités, le manque fréquent de liquidités de la caisse
municipale.
26. On se référera aussi à l’inscription de Corfinium relative à Q. Avelius Q. f. Serg. Priscus
Severius Annavus Rufus (AE, 1961, 109, cf. M. Buonocore dans Supplementa Italica, n.s., 3, 1987,
p. 144-145, no 2) dans laquelle on indique onera reip. gratuita pecunia saepius iuvit (on relèvera la
ressemblance des formulations et la position finale de la mention de ce geste dans la série des
mérites qui lui sont attribués).
27. Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 290, estiment à ce propos qu’il « aurait pu être un important
banquier ». Jacques 1990, p. 151, va dans le même sens en estimant qu’il est « peut-être un
financier professionnel ». Il est certain que son niveau de fortune devait être très élevé, et que la
répétition des prêts à la municipalité est un fait incontestable. Toutefois Andreau 1987,
p. 583-584, montre bien que le prêt d’argent n’est pas l’apanage des banquiers de métier : à
Corfinium le prêteur d’argent est un important notable, patron du municipe et quinquennal (cf.
supra n. 26). Même si Q. Avilius Hyacinthus n’est point parvenu à ce niveau de notabilité (cf. infra)
et semble s’être fait lui-même, l’incertitude demeure et la prudence s’impose.
28. Nous sommes en effet dans le contexte de la vie municipale. Des termes plus propres à décrire
une biographie personnelle n’auraient pu apparaître que dans l’épitaphe du personnage, à
condition qu’il ait jugé préférable de faire abstraction de toute référence à des données de
caractère civique : sur de tels documents, voir en dernier Panciera-Zanker 1989.
29. Sur cette question qui a été récemment éclaircie par quelques travaux d’ensemble, on se
référera à Solin 1971, p. 121-138 ; Duthoy 1974, p. 136-137 ; Duthoy 1970. Sur des cas bien
déterminés, concernant les naviculaires d’Arles, nous avions tenté une démonstration similaire :
Christol 1971 a. En Narbonnaise Hyacinthus est rarement attesté, mais dans CIL XII, 358 (Riez) il
s’agit d’un sévir augustal, M. Iulius Hyacinthus. Les attestations provenant de Rome sont
examinées par Solin 1982, II, p. 1107-1108. Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 287-288, utilisent cet
argument pour élaborer leur démonstration.
30. Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 288, qui mettent en valeur l’observation d’O. Hirschfeld à
propos de CIL XII, 3525. On connaît trois affranchis nîmois inscrits dans la tribu Palatina : M.
Colius Ennaei l. Pal. Faustus et M. Colius Fausti l. Pal. Atticus (CIL XII, 3525) ainsi que Cn. Pompeius
Cn. Sex. T. l. Pal Lemiso (CIL XII, 3809 ; sur l’origine celtique du personnage on se référera à
l’inscription gallo-grecque de Coudoux (Bouches-du-Rhône) dans Lejeune 1988, p. 67-68, L-2).
Pour ce qui concerne les fils d’affranchis ou leurs descendants on se référera à Garnsey 1975.
31. Ce phénomène a été depuis longtemps relevé (voir les travaux cités à la note 29) ; une des
principales raisons de son importance se trouve dans la connotation servile de la plupart des
surnoms grecs : voir, en plus des références citées, Kajanto 1968. On en trouve une illustration
très significative dans une cité voisine, à Aix-en-Provence, par l’inscription CIL XII, 527 : elle
mentionne deux personnes, le père (C. Veratius Threption) et le fils (C. Veratius Paternus, de la
tribu Palatina, chevalier romain et flamine du culte impérial) ; l’intégration du personnage le plus
jeune s’accompagne de la latinisation du surnom. Voir déjà sur cette inscription Christol 1988 b,
p. 19-20, où est esquissée une comparaison entre les Veratii aixois et les Avillii nîmois.
32. Voir infra.
33. Dans un sens différent, Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 287-288.
34. CIL XII, 3703 et 4078 ; Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 287. Ce gentilice a une origine italique :
Schulze 1904-1991, p. 72-73, p. 337 et 348.
420
35. RIT 223. Le Roux 1982, p. 202 (fin du Ier s.-début du IIe s. ap. J.-C.).
36. Il convient donc d’insérer le cas de cet affranchi dans la problématique des « affranchis
indépendants » (cf. infra n. suiv.). Un des points de la réflexion concerne les liens entretenus avec
le patron : ne devrait-on pas considérer également la position sociale du patron ?
37. Sur cette question on se référera en premier à l’article de Veyne 1961 (= Veyne 1991, p. 13-56),
souvent repris et discuté. On se référera en particulier à Garnsey 1981, et à D’Arms 1981.
38. Garnsey 1981, p. 368-370. Cet auteur, parmi divers critères, met en avant « wealth and
positions of responsability ».
39. Sur ce gentilice, Holder 1896-1904-1907, II, col. 1479-1481. On peut lui rattacher le gentilice
Senius, même si Hirschfeld (CIL XII, index p. 881) le rapproche du gentilice Saenius, attesté à Arles
(CIL XII, 609-610).
40. CIL XII, 2439, 2493, 2494, 2495, 2592 ; Pflaum 1978 a, p. 251-252.
41. CIL XII, 2818 (Q. Senius Furius) [Furius est à corriger en Euplus].
42. CIL XII, 3902. Sur ce type de monument, Sauron 1983, p. 51-109.
43. Christol 1987 a, II, p. 9-10, cf. p. 117. On se référera aussi aux implantations des ateliers
d’amphores gauloises G 1 et G 4 : Laubenheimer 1985, p. 349-351.
44. 26 attestations dans CIL et ILGN, dont 9 seulement proviennent de Nîmes : CIL XII, 2827, 3526,
3527, 3528, 4061, et ILGN 454, 546, cf. CIL XII, 3212 et add., 3213 et add. (voir n. suiv.). On ajoutera
un emploi de ce gentilice en position de cognomen (CIL XII, 4116 à Saint-Gilles) et le surnom
Cominianus (CIL XII, 2733, toujours dans la cité de Nîmes). On observera que la connaissance des
Cominii comme notables se réduit, dans la documentation actuelle aux deux bases honorifiques de
Nîmes qui montrent l’importance considérable du personnage dans sa cité et dans sa province.
Mais sur place rien d’autre ne vient s’ajouter pour mieux connaître l’influence de la famille,
même si le chevalier romain est patron des sévirs augustaux nîmois (voir n. suiv.).
45. CIL XII, 3212 et add., 3213 et add. Sur ce personnage, Burnand 1975 a, p. 764-769 ; Pflaum 1978
a, p. 99 et p. 100 ; Jacques 1983, p. 387-388.
46. Castren 1975, p. 93, p. 99-100, p. 123-124.
47. Andreau 1973, p. 223-225.
48. Kajanto 1965, p. 32-35.
49. CIL XII, 3166 ; PIR 2 F 548 ; Burnand 1975 a, p. 737-741 ; Pflaum 1978 a, p. 207 ; Burnand 1982,
p. 418.
50. CIL XII, 3167 ; PIR 2 I 426 ; Burnand 1975 a, p. 754-760 ; Pflaum 1978 a, p. 317-319 ; Burnand
1982, p. 418-419.
51. CIL XII, 3229 ([--] Sex. fil. [I]ulianus) ; 3307 ([---]llius L.f. [---]onianus) ; 3223 (T. Geminius T. fil.
Vol. Titianus) ; 3210 (C. Cascellius Vol. Pompeianus) ; 3212 et add.-3213 et add. (M. Cominius M.f.
Volt. Aemilianus) ; 3274-3275 (Q. Soillius T.f. Volt. Valerianus) ; 3183 (L. Sammius Aemilianus). Cf.
n. 52, 45, 53, 54, 55.
52. CIL XII, 3210 : D(is) M(anibus) C(ai) Cascelli Vol(tinia) Pompeiani, praef(ecti) fabr(um), (quattuor)vir(i)
iur(e) dic(undo), praef(ecti) vig(ilum) et arm(orum), Antoniae Titullae uxori. Le texte n’est pas
totalement sûr. Burnand 1975 a, p. 773-774 ; Pflaum 1978 a, p. 255 ; Sablayrolles 1984, p. 239-242.
53. Cf. n. 45.
54. CIL XII, 3274 et 3275 ; Burnand 1975 a, p. 775-779 ; Pflaum 1978 a, p. 99-100 ; Jacques 1983,
p. 388-389.
55. CIL XII, 3183 et add. ; Burnand 1975 a, p. 769-773 ; Pflaum 1978 a, p. 238-239.
56. Demougin 1988, p. 202.
57. Voir déjà sur cette question Christol 1987 a, II, p. 10-11, p. 14-15.
58. Voir déjà supra n. 29 et 31. Dans larticle de Kajanto 1968, on relèvera, à la p. 522, l’exemple
fourni par CIL X, 2109 (Pouzzoles) : L. Asellius L. f Mamilianus y apparaît comme fils de L. Asellius
L. lib. Hermes et de Mamilia Lyris.
421
59. CIL XII, 3192 : D(is) M(anibus) L(uci) Aemil(i) Asyncriti (se)vir(i) Aug(ustalis) ; L(ucius) Aemil(ius)
Gamus et Aemil(ia) Silvina et L(ucius) Aemil(ius) Gamicus patrono piissimo. Nous ne savons rien de
précis sur le support de l’inscription. AE 1978, 465 = AE 1982, 684 : D(is) M(anibus) (se)vir(i) aug
(ustalis) L(ucii) Aemilii Asyncriti ; L(ucius) Aemilius Honoratus et L(ucius) Aemil(ius) Cornelian(us) patri
optim(o). L’inscription est gravée sur un cippe à rinceaux, daté par Sauron 1983, p. 85, de la
période 117-161 ap. J.-C. AE 1982, 685 : D(is) M(anibus) Corneliae Philaenidis et Aemiliae Cornelian(ae) ;
(sevir) aug(ustalis) L(ucius) Aemilius Asyncritus uxori karissimae et filiae piissimae. L(ucius) Aemilius
Honoratus et L(ucius) Aemil(ius) Cornelianus matri optim(ae), sorori karissimae. Sur Philaenis, Solin 1982,
I, p. 156-157 ; sur Asyncritus, un cognomen rare, Solin 1982, III, p. 1274. L. Aemilius Honoratus
devait être l’aîné : voir infra n. 65.
60. CIL XII, 4015 : D(is) M(anibus) C(ai) Vibi Liciniani, ann(orum) XVI, m(ensium) VI ; C(aius) Vibius
Agathopus et Licinia Nomas fil(io) optimo piissim(o). Sur Agathopus, H. Solin, Personennamen, I, p. 9-12 ;
sur Nomas, Solin 1982, III, p. 1300-1301.
61. CIL XII, 3693 : D(is) M(anibus) L(uci) Kari Aemiliani ; L(ucius) Karius Communis et Aemilia Zosime filio
piissimo.
62. Kajanto 1965, p. 256. À Narbonne on trouve P. Granius P. l. Communis (CIL XII, 4499 et add.).
63. Supra n. 49.
64. Supra n. 21.
65. On n’oubliera point, de même, que le premier-né de L. Aemilius Asyncritus cité supra n. 59
s’appelait L. Aemilius Honoratus, comme le seul sénateur nîmois connu au coeur du II e siècle ap.
J.-C. (CIL XII, 3165 et add. ; 3165b ; Burnand 1975 a, p. 760-764 ; Burnand 1982, II, p. 417).
66. CIL XII, 3223 = ILGN 422 : D(is) M(anibus) T(iti) Geminii T(iti) fil(ii) Vol(tinia tribu) Titiani, praef(ecti)
vigil(um) et armor(um), Acutia Epiteuxis marito opt(imo) et sibi v(iva) f(ecit). Cf. supra n. 51.
67. On se référera au texte de Strabon, Geogr., IV, 1, 12, avec les commentaires de Goudineau
1976 ; en dernier Christol 1988 a, dont les hypothèses sur l’interprétation des textes de Strabon et
de Pline ne devraient pas être ébranlées par les critiques de Le Roux 1991, p. 116-120.
68. Burnand 1975 a, p. 739-740, avec surtout n. 6. Christol 1987 d, p. 122-125 (avec les listes).
69. Un cas comparable est fourni par la carrière du chevalier romain C. Cascellius Vol.
Pompeianus (C/L XII, 3210) à qui échappe ainsi le pontificat, bien qu’il fût promis aux plus hautes
charges : Christol 1987 d, p. 125.
70. CIL XII, 3295.
71. CIL XII, 3188, 3248, 3294 ; voir de même supra le cas de C. Fulvius Nicephorus (CIL XII, 3221)
cité et commenté.
72. Cf. supra n. 36-37. Pour le profit que l’on peut espérer gagner d’une recherche sur le patron,
Christol 1971 a.
73. Comme les ornements de sévir augustal, cf. supra n. 5 et 8.
74. On pensera à l’honneur du bisellium, fréquemment attesté en Italie, cf CIL XII, index
p. 707-708. Quelques exemples dans Jacques 1984, p. 402-403, cf p. 487 et p. 409.
75. Voir l’exemple analysé par Jacques 1984, p. 402-403 et p. 487 (sur ce dernier ; cf. n. 13). On
connaît à Nîmes plusieurs exemples d’honneurs obtenus « gratuitement » ; mais ils se rapportent
à des notables ayant été ainsi honorés hors de cette cité (CIL XII, 3203 (ILS 6984) et AE 1969-1970,
376, cf. supra n. 21). On pourrait leur adjoindre, en suivant une interprétation différente de celle
qu’avancèrent les premiers éditeurs, une inscription provenant du Palais de justice : AE 1982, 680,
cf. supra n. 5. On hésitera à utiliser un document récent (cf. aussi n. 5) dont la restitution n’est pas
totalement assurée.
76. Sur ces décrets de consolation et leur intérêt pour l’histoire sociale, D’Arms 1981, p. 136 avec
la n. 78.
77. Le fait avait été observé en Italie par Gordon 1931, mais dans une optique de conflit social
entre les aristocraties municipales traditionnelles et leurs anciens esclaves, et dans la
422
perspective, peu pertinente, du déclin de l’Empire. Plus justes sont les vues de Veyne 1961 (=
Veyne 1991, p. 217, p. 220-221, p. 226, p. 240).
78. Garnsey 1981, p. 369.
NOTES DE FIN
*. Cahiers du Centre Gustave-Glotz, 3, 1992, p. 241-258.
423
NOTE DE L’ÉDITEUR
On n'omettra pas que les chapitres 28, 29 et 30 sont étroitement imbriqués dans leur
composition. Les remarques sur l’inscription de Lattes, qui en proposent un nouveau
commentaire, ont été publiées dans Christol 2003 i [chapitre 22]. Le commentaire de
l'inscription de Saint-Jean-de-Garguier dans le territoire d'Arles a été publié, avec plus de
détails, notamment pour défendre la restitution du mot oleo dans la dernière partie du
texte dans Christol 2004 f. L'enquête pourrait se prolonger avec le commentaire de
quelques-unes des nouvelles inscriptions venues au jour à Arles (Long 2008, mais aussi
Rothé-Heijmans 2008). Sur bien des questions, on constate que l’étude des collèges ouvre
sur la vie des cités dans son ensemble : N.Tran, Les membres des associations romaines. Le
rang social des collegiati en Italie et en Gaules sous le Haut-Empire, Rome, 2006.
il est subdivisé et hiérarchisé. En son sein deux niveaux au moins apparaissent qui ont des
accès différenciés aux moyens de produire une mémoire.
2 Dans le fonctionnement de la vie des cités, l’élite politique, souvent considérée comme un
tout, constitue l’horizon de référence. Si le recours au terme d’élite, afin de mieux
s’adapter aux données de l’analyse sociale, à la diversité des situations et des
comportements, permet ainsi d’échapper à la stricte définition par le politique, il renvoie
quand même, parfois par un glissement insensible, à l’élite politique. On retrouve alors,
presque par nécessité, la partie dominante de la société, celle qui contrôle le
fonctionnement des cités et de ses institutions, celle dont les comportements
déterminent les attitudes des autres groupes sociaux parce qu’elles assurent une fonction
d’encadrement global, tant social que culturel. Au-delà, il y a dans les cités tous les
autres : ceux qui se sont hissés de la plèbe moyenne dans la partie inférieure du monde
des notables, la plèbe moyenne, enfin la masse de la population. Ceux qui ont gagné une
marque de notabilité sont heureux de le faire savoir, parce que cela constitue un critère
de distinction. Tout le reste correspond à ce que les textes appellent plebs ou populus. Mais
cette dernière catégorie peut, sans aucun doute, être subdivisée à son tour.
3 Il ne s’agit pas ici de rechercher les traces d’une contre-société, ou celles d’un contre-
modèle. Comme l’explique Paul Veyne, tout en se sentant à distance, Trimalcion se
projette dans l’imitation et se réalise dans cette posture, même si son comportement
présente les caractéristiques de l’outrance1. Le plus souvent, ses semblables, tels qu’on les
recense à partir des documents épigraphiques, se sont placés dans une perspective bien
définie : rejoindre l’élite politique, le monde des notables. Mais la distance ne peut être
abolie que dans le temps, par une trajectoire qui implique la durée, parfois même le
déroulement de quelques générations (deux au moins). Néanmoins, parce qu’ils sont
riches, et souvent parce qu’ils sont liés à de puissants patrons, ces personnages qui, en
dépit de leur réussite matérielle, ne peuvent se dégager des contraintes de leur condition,
savent que tôt ou tard celles-ci pourront être abolies, et qu’à un moment à venir les
obstacles s’effaceront ou seront effacés. Et, si ce n’est eux-mêmes qui en bénéficieront, du
moins leur descendance en tirera avantage. Aussi parvenir à cette fin de leur vivant
même, non pour eux-mêmes mais pour leur descendance, pouvait apporter une totale
satisfaction : réussir de la sorte, dans de telles conditions, permettait de jouir pleinement
de l’accomplissement d’une entreprise de longue haleine. C’est peut-être donc
l’impatience qui avivait les tensions et parfois faisait apparaître avec force les
contradictions existantes. Ceux dont on envisage le cas connaissent parfaitement le point
d’aboutissement de leur propre trajectoire d’ascension, avec son inachèvement pour ce
qui les concerne. Et, quoique maintenus à distance du véritable point d’arrivée, ils savent
que leurs descendants pourraient réaliser ce qu’eux-mêmes ne peuvent envisager que
dans l’irréel. On reprendra ici la remarque de P. Veyne, qui s’interroge sur la meilleure
façon de qualifier le type social que représente Trimalcion et qui passe au crible le
concept de parvenu : « Le mot est bien impropre ; un parvenu est effectivement arrivé,
tandis que Trimalcion ne peut échapper à sa caste »2. D’où le drame de l’échec, quand
l’enfant sur qui on avait reporté les espoirs disparaissait prématurément, comme nous
l’apprenons par une inscription de Nîmes (fig. 23, chap. 27) : Ordo sanctissim(us) Q(uinto)
Avilio Q(uinti) f(ilio) Sennio Palatina Cominiano in honorem patris eius Q(uinti) Avilii Hyacinthi
quod is, praeter liberalitates spectaculorum quae sponte ededit vel postulata non negavit, velis
novis sumptu suo in theatro positis cum suis armamentis, saepe pecunia mutua quae a
magistratibuspetebatur data actum publicum iuverit (« Le très vénérable sénat à Quintus
425
Avilius Sennius Cominianus, fils de Quintus, de la tribu Palatina, en l’honneur de son père
Quintus Avilius Hyacinthus parce que celui-ci, outre les libéralités consistant en
spectacles qu’il fit représenter de son propre mouvement ou qu’il n’a point refusés
lorsqu’on les lui réclamait, tout en ayant fait installer à ses frais dans le théâtre de
nouveaux voiles avec leur appareillage, celui-ci, par l’attribution de prêts sollicités par les
magistrats, a fréquemment favorisé le fonctionnement de la vie municipale »)3. Outre le
drame personnel vécu par un Trimalcion local qui avait ardemment souhaité que son fils
accédât au monde le plus relevé des notables, le texte de l’inscription nous révèle
combien la stratégie jugée la plus pertinente comportait deux volets, complémentaires :
nouer des liens avec les familles les plus prestigieuses de l’ordo, et multiplier presque
sans retenue les dépenses de l’évergétisme, sous toutes leurs formes et dans toutes les
occasions. L’affranchi qui voulait que sa descendance parvînt un jour à pénétrer dans le
monde des notables en dépassant la situation d’impuissance qu’il connaissait lui-même,
avait bien assimilé les valeurs du groupe social le plus relevé, tout en sachant qu’il
demeurait lui-même dans une situation irréelle. Or cette histoire touchante est relatée
sur une base de statue posée en lieu public par l’ordo municipal. L’ordo est intervenu, il
s’est penché sur le sort de cette famille, suivant l’usage, les manières et les formes qui
concernaient les plus grandes familles se trouvant en son sein et avec toute la solennité
qui convenait pour mettre en valeur l’élite politique, ceux qui étaient les mieux installés
dans la notabilité. Il a délibéré sur les moyens d’apaiser la douleur des proches et plus
particulièrement du père ; il a décidé, comme pour les plus dignes de ses membres,
d’autoriser l’érection d’une statue en lieu public. L’histoire relatée dans cette inscription
aboutit in celeberrimo loco. Mais c’est l’histoire d’un échec, même si pour un temps le père
du défunt, à qui l’accès à l’ordo était interdit, est devenu le sujet des délibérations de
celui-ci, en vue de l’attribution d’honneurs. Cette inscription de Nîmes relate donc à
plusieurs titres une situation limite, sans pour autant accentuer les traits, comme le
faisait le récit de Pétrone à propos de Trimalcion. Des rapprochements entre texte
littéraire et inscriptions on retirera surtout, à la suite de P. Veyne, la mise en évidence du
comportement d’imitation dans la strate des riches affranchis placés au contact du
monde des notables4, et le jeu des rapprochements qui apparaît entre les uns et les autres.
4 Mais si l’on veut vraiment mesurer l’importance de ces phénomènes d’imitation, il ne faut
pas hésiter à pénétrer dans la plèbe des cités et à s’avancer peu à peu à bonne distance
sociale de l’élite politique. On rencontre alors le monde des associations et des collèges,
car la vie associative apportait aux gens moyens ou modestes, mais pas nécessairement
aux plus pauvres des cités, même si on les appelle les tenuiores, les moyens d’acquérir une
place dans le fonctionnement de la vie collective, et d’en retirer les fondements d’une
existence reconnue. L’épigraphie, ici aussi, apporte une documentation, mais l’existence
d’une documentation épigraphique constitue déjà par elle-même un élément intéressant.
Sans aucun doute, dans le chef-lieu d’une cité, ou bien dans le territoire, la forme
associative permettait aux personnes qui s’étaient réunies avec une finalité
professionnelle ou cultuelle, ou bien sur la base d’un voisinage géographique, d’avoir une
position plus évidente et plus assurée, d’acquérir une visibilité sociale certaine, et de
gagner parfois une réelle reconnaissance lorsque l’association à laquelle elles
appartenaient accomplissait des tâches d’intérêt public, par exemple la lutte contre les
incendies5.
5 Toutefois il faut se rendre à l’évidence. Nous connaissons mal l’importance réelle du
phénomène associatif, même dans une province comme la Narbonnaise, ou plus
426
les deux groupes doit être moins tranchée. Ils agissent plutôt en complémentarité car si,
par leurs décisions, ils produisent aussi de la réputation, parmi les personnes qu’ils
distinguent il se trouve également des notables municipaux ou des représentants des
grandes familles locales.
7 On s’intéressera d’abord aux exemples fournis par Narbonne. Dans cette cité, la
documentation permet de privilégier le lieu de rassemblement des sévirs augustaux. Nous
connaissons ainsi l’hommage rendu à un de leurs membres, P(ublius) Olitius Apollonius,
qui de surcroît appartenait au corpus des naviculaires marins : Dec(reto) (se)vir(orum)
Augustal(ium). P(ublio) Olitio Apollonio (se)vir(o) Aug(ustali) et navic(ulario) c(olonia) I(ulia) P
(aterna) C(laudia) N(arbone) M(artio) ob merita et liberalitates eius qui honore decreti usus
impendium remisit et statuam de suo posuit8. Il s’agit d’une base de statue érigée du vivant
même du personnage (et statuam de suo posuit). Le texte s’ouvre par l’imitation d’une des
formules les plus courantes des hommages publics (decreto decurionum) : dec(reto) (se)vir
(orum) Augustal(ium). Comme dans les textes apposés sur les bases de statues qui étaient
votées pour les évergètes par les conseils des décurions, on détaille les raisons de
l’hommage9 : ob merita et liberalitates eius. Enfin, à l’instar de bon nombre d’évergètes,
suivant des usages bien décrits dans les formulaires épigraphiques de la péninsule
Ibérique, celui que l’on honore fait remise de la dépense : qui honore decreti usus impendium
remisit. Du même lieu provient une autre statue, mais pour un membre de l’ordre
sénatorial, appartenant à une famille locale, L(ucius) Aemilius Arcanus : L(ucio) Aemilio L
(uci) f(ilio) Pap(iria) Arcano, trib(uno mil(itum)..., adlecto in amplissimum ordinem..., praetori
designat(o), L(ucius) Aemilius Moschus (se)vir Aug(ustalis) patrono optumo post obitum eius,
inlatis arcae seviror(um) ob locum et tuitionem statuae (sestertium) n(ummum) (quattuor)
(millibus). L(ocus) d(atus) d(ecreto) (se)viror(um)10. L’initiative de l’hommage a été prise par
un de ses affranchis, sévir augustal lui-même. Mais la décision est clairement indiquée : l
(ocus) d(atus) d(ecreto) (se)viror(um). On ne saurait mieux démontrer la force du modèle
présentant les caractéristiques les plus officielles, ainsi que sa capacité d’attraction et
donc les formes que revêtait sa diffusion11. Grâce à ces deux exemples, on peut mettre en
évidence un des lieux où s’exprimait une autre élite de la cité, en imitant les procédures
et les formules de l'ordo municipal. Mais la proximité est trop forte et les aspirations
d’intégration trop grandes pour que le mimétisme ne soit pas un comportement
inéluctable, sinon invariable. Ce premier dossier épigraphique vient aussi compléter les
conclusions à tirer du dossier de Trimalcion : la distance sociale n’interdit pas les
interactions. Le mode des notables et le monde des affranchis, s’ils sont distincts, ne sont
pas toujours en situation de confrontation.
8 Dans la colonie d’Arles c’est peut-être un autre lieu qui émerge, sans que l’on puisse
soutenir qu’il se substitue au lieu de réunion des sévirs, car il convient de tenir compte
que, du point de vue qualitatif, la documentation diffère de celle provenant de Narbonne.
Dans cette colonie, la vie économique locale est dominée par la puissante corporation des
naviculaires. Un riche dossier épigraphique permet de connaître quelques détails de son
organisation, notamment l’existence d’une statio, qui devait servir de centre des affaires
et de centre de ralliement, avec notamment un local de réunion12. Ici, ce sont les patrons
de l’association qui sont bien connus. Deux cas apparaissent. L’un concerne un notable
local, duumvir et flamine du culte impérial. L’inscription fut trouvée « dans une des cours
du collège », c’est-à-dire dans la partie de la ville située sur la rive gauche du Rhône, là où
se trouvait le coeur de la colonie : Cn(aeo) Cornel(io) Cn(aei) fil(io) Ter(etina) Optato, (duo)vir
(o), pontific(i), flamini, navicularii marin(i) Arel(atenses) patrono13 L’hommage adressé à ce
428
(aris) Antonini Aug(usti) Pii beneficia durarent permanerentque quibus frueremur [oleo] et balineo
gratuite quod ablatum erat paganis quod usi fuerunt amplius annis xxxx (« Les habitants du
pagus Lucretius, qui appartiennent au territoire des Arlésiens, dans la localité de
Gargarius, à Quintus Cornelius Zosimus, affranchi de Marcellus, sévir augustal de la
colonie Iulia Paterna d’Arles, en conséquence de l’honneur qu’il a reçu. Il a fait connaître
l’injustice dont nous étions victimes au prince le plus vénérable de tous les siècles Titus
Aelius Antoninus Auguste, Pieux ; à trois reprises il a envoyé (un messager) à Rome ; il a,
pendant de nombreuses années, réclamé réparation auprès des gouverneurs de la
province de l’injustice que nous avons subie, à ses frais - et pour cela il nous a fait cadeau
des dépenses qu’il a effectuées-, afin que les bienfaits du prince le plus vénérable de tous
les siècles, l’empereur César Antonin Auguste, Pieux, subsistassent de façon permanente,
bienfaits propres à nous permettre de jouir de l’huile et du bain gratuits dont on avait
privé les habitants qui pourtant en avaient fait usage depuis plus de quarante ans ») 17. Les
habitants du pagus se félicitaient qu’on leur ait rendu l’usage gratuit du bain public et des
distributions d’huile, bref qu’ils ne soient plus placés dans une position d’extranéité et
d’infériorité par rapport aux colons d’Arles, en ayant à payer une redevance. Il s’agit
vraisemblablement d’un bain de la ville d’Arles, comme l’avaient déjà admis L.-A.
Constans et Fr. Jacques, car s’il sétait agi d’un bain fonctionnant dans ce canton éloigné de
la colonie, dont l’usage aurait été accordé par le propriétaire, comme l’a supposé
récemment J. Gascou, sans aucun doute le nom du détenteur du bien, sous forme d’un
adjectif dérivé de la dénomination, serait apparu dans le texte à l’endroit même où les
habitants ont voulu spécifier clairement l’objet du litige. Mais il y a plus peut-être.
L’inscription a été gravée, peut-être associée à autre chose, en vue d’honorer le
personnage, sans aucun doute : le texte, et peut-être une statue – le texte à tout le moins
–, constitue de lui-même un hommage. Mais lorsque le texte indique que les pagani ont agi
ob honorent eius, ce n’est pas seulement pour indiquer qu’ils ont voulu lui faire honneur
pour le bienfait qu’il leur avait apporté (n’aurait-on pas écrit : in honorent eius ?). Ils ont
voulu l’honorer parce qu’il avait acquis l’honneur du sévirai augustal : ils ont donc agi
« en conséquence de » quelque chose. Cette élévation flatteuse offrait une bonne occasion
pour rendre hommage à un personnage dont l’influence avait grandi depuis le moment où
il avait fait rendre leurs droits aux habitants de ce canton éloigné. L’inscription n’est pas
l’acte de reconnaissance élevé par réflexe de gratitude lorsque les pagani ont obtenu gain
de cause. C’est le rappel d’un bienfait, dans un hommage différé, suscité par la marque
d’honneur reçue par Cornelius Zosimus dans la colonie. L’octroi de l’honneur a déclenché
l’hommage des débiteurs. Il n’y a donc peut-être pas de lien direct entre le contenu de la
dernière partie du texte et la cause de sa composition puis de sa gravure.
11 On relève ici un des moyens auxquels on avait recours pour se donner une position dans
une partie de la population plébéienne d’une cité : l’évergétisme. Ici l’engagement de
Zosimus ressemblait aux générosités des notables qui se proposaient afin d’effectuer au
profit de leur cité une ambassade auprès des autorités ou de l’empereur, et qu’ils
appelaient pompeusement lorsqu’ils allaient à Rome une legatio urbica. Leurs concitoyens,
par l’intermédiaire de l’ordo, les remerciaient de l’engagement qu’ils avaient manifesté en
faveur de la collectivité, de leur dévouement et de leur désintéressement. Mais à Saint-
Jean-de-Garguier, où nous sommes dans une situation comparable, les pagani ont un peu
attendu, car ce n’est pas la satisfaction de leur demande qui les a poussés à rendre
hommage à Zosimus de façon immédiate. Saurions-nous quelque chose de l’affaire s’il
n’avait pas été admis parmi les sévirs augustaux ?
430
12 Néanmoins nous ne sommes pas encore trop éloignés du modèle dont nous avons décrit
ci-dessus à plusieurs reprises l’application. L’aboutissement en était l’hommage public, ou
l’hommage prenant cette forme, c’est-à-dire un texte établissant un rapport simple entre
les membres du groupe et leur bienfaiteur et manifestant la gratitude des premiers à
l’égard du second. On trouve divers témoignages de ces pratiques d’imitation au niveau
sub-civique lorsque l’on entre dans le domaine des vici et des pagi, qui pouvaient disposer
d’un embryon de structure institutionnelle, à tout le moins qui pouvaient se comporter
sur le modèle des institutions de la cité dans laquelle ils avaient été intégrés. Une
inscription provenant de la ville d’Apt, chef-lieu de la cité du même nom, vient en fournir
témoignage : un grand personnage local, connu par ailleurs18, reçoit un hommage public
décerné par un pagus19. L’initiative a été engagée dans un lieu excentré du territoire de la
cité, à l’instar de ce qu’avaient fait les gens du pagus Lucretius d’Arles, ou de ce qu’avaient
fait aussi les habitants du pagus Matavonicus dans la colonie voisine de Fréjus 20. Mais elle
ne s’est pas concrétisée sur le lieu même de la prise de décision. Elle s’est inscrite au
coeur de la vie civique, dans le chef-lieu, sans aucun doute avec l’accord des autorités. Cet
aboutissement la rapproche encore plus des autres modalités de la célébration d’un
notable par ses pairs. Mais ce n’est pas un exemple isolé21.
13 Un autre cas, qui de lui-même nous situe aussi dans les groupes qui gravitaient à faible
distance de l’élite politique, mérite d’être à présent examiné, parce qu’il met au grand
jour les mécanismes de l’évergétisme qui valaient notoriété et provoquaient en temps
normal dans l’élite politique la pratique de la célébration. Il s’agit d’une inscription de
Lattes, agglomération secondaire au sein de la cité de Nîmes22, dont le commentaire
mérite d’être repris et dont l’interprétation peut s’envisager dans de nouvelles
perspectives23. On peut en proposer une nouvelle lecture et reconsidérer son
interprétation : Deo Marti Aug(usto) et gen(io) col(oniae), (se)vir Aug(ustal) T(itus) Eppil(lius)
Astrapton fabr(is) et utric(lariis) Lattar(ensibus) ob mer(ita) eor(um). Cette inscription est liée à
un hommage au dieu Mars Auguste, qui peut être considéré comme l’un des dieux
principaux de la petite communauté qui vivait à Lattes : Mars en effet recouvre souvent
en Gaule narbonnaise une divinité topique associée à un groupe humain relativement
restreint24. On a associé à cette divinité de rayonnement local le génie de la colonie, c’est-
à-dire que l’on a accolé à un dieu local, certainement important à ce niveau, la divinité
protectrice de la grande cité de Nîmes dans laquelle s’insérait l’agglomération secondaire.
Dans le texte de l’inscription, qui n’est qu’un aboutissement, l’acteur apparemment le
plus important est le sévir augustal, T(itus) Eppillius Astrapton. Mais on ne peut
comprendre le texte qu’en admettant que les véritables responsables de l’offrande
religieuse étaient les deux associations professionnelles, dont l’implantation était
clairement affirmée : fabri et utricularii Latterenses. Astrapton les a dégagées de leurs
obligations financières, puisqu’il a leur a fait don de ce qu’elles souhaitaient offrir au dieu
Mars. L’initiative religieuse provient des deux associations à caractère professionnel,
certes de faible rayonnement, mais d’importance locale majeure. Elle a rencontré dans un
second temps l’initiative d’Astrapton, qui lui a permis de voir le jour. Les associations
pouvaient-elles d’elles-mêmes se hisser à la hauteur de leurs intentions ? N’avons-nous
pas vu précédemment que bon nombre de ces associations se caractérisaient par une
modestie des capacités financières et de faibles ressources ? Astrapton a donné aux
charpentiers et aux bateliers l’offrande qu’ils voulaient eux-mêmes offrir à Mars Auguste
et au génie de la colonie. Le texte par l’usage d’un double datif montre bien les deux
niveaux d’action.
431
religieux. À quelques nuances près, ce texte est dans sa conception proche de l’inscription
de Lattes que nous avons mentionnée ci-dessus.
18 C’est donc sur ces fondements que l’on expliquera un texte provenant du monde
danubien : C(aius) Iulius Severus coll(egio) fabrum Sil(v)anum pecunia sua fecit, Muciano et
Fabiano co(n)s(ulibus)27. On traduira : « C(aius) Iulius Severus a fait faire à ses frais la statue
de Silvain pour le compte du collège des artisans. Sous le consulat de Mucianus et de
Fabianus (201 ap. J.-C.). » Ici le texte ne relate qu’une partie des faits ou des actes
concernés, à la différence des textes précédents. D’ailleurs il n’est pas impossible que l’on
doive interpréter le texte comme un pur acte d’évergétisme, destiné à décorer le local de
réunion des artisans d’une statue, sans qu’il y ait véritablement offrande religieuse.
Néanmoins on peut constater encore combien dans le fonctionnement de la vie
quotidienne de cette association professionnelle comptait l’intervention de telle ou telle
personne qui n’en faisait pas nécessairement partie, mais qui pouvait apparaître au
premier plan dans le texte qui rappelait l’événement.
19 Dans un autre cas, on s’écarte d’un collège à définition professionnelle pour entrer dans
un collège à définition religieuse : Isidi Myrionymae C(aius) Iul(ius) Martialis pater et L(ucius)
Livius Victorinus quaestor, collegio Isidis d(onum) d(ant)28. On traduira : « À Isis aux mille
noms ; Caius Iulius Martialis, père du collège, et Lucius Livius Victorinus, questeur, ont
fait l’offrande pour le compte du collège d’Isis. » Le texte ressemble à ceux que nous avons
examinés en première et en deuxième place précédemment. Il est très explicite sur
l’identité des bienfaiteurs. Il s’agit d’une offrande à Isis. La responsabilité de son
attribution incombe au collège lui-même, mais il est impossible que l’offrande soit
adressée à la divinité sans que le collège de ses dévots ne soit pas impliqué. Celui-ci est
donc nommé dans le texte. Quant aux deux personnes citées, elles en sont des membres
éminents. Mais elles n’agissaient pas en tant que représentantes autorisées du
groupement religieux auquel elles appartenaient, en quelque sorte comme si elles avaient
obtenu de ce dernier une délégation de compétence. Parce quelles étaient peut-être en
son sein les plus aisées, elles avaient pris en charge elles-mêmes les éléments matériels et
financiers correspondant à l’intention religieuse de leurs compagnons. Elles avaient
déchargé ces derniers des frais de l’offrande. Aussi apparaissent-elles au premier plan
dans le texte de l’inscription.
20 On pourrait apporter à cette liste d’autres compléments par une enquête approfondie
dans les recueils épigraphiques, notamment dans celui de Waltzing. En tout cas, tous les
textes que nous venons d’examiner témoignent du développement des pratiques de
l’évergétisme au-delà du groupe des notables ou des élites qui leur sont très proches. Mais
ces exemples correspondent aussi à des engagements moins lourds du point de vue
financier que ceux qu’entraînait la bienfaisance des membres les plus élevés des classes
dirigeantes ou de ceux qui souhaitaient les égaler. Néanmoins la pratique est identique
dans ses formes, et elle parvient aux mêmes résultats : la mise en évidence du bienfaiteur.
À la lumière de l’inscription de Saint-Jean-de-Garguier, on peut même se demander si
elles n’entrent pas dans une stratégie de mise en évidence progressive. Tous les
documents rassemblés ici se placent à un niveau préalable à l’acquisition de la notabilité
par l’honor. Peut-être révèlent-ils, au moins en partie, comment pouvait se préparer cette
433
consécration ? Mais si nombreux pouvaient être ceux qui espéraient une confirmation,
combien parmi eux parvenaient à leur fin ?
21 Enfin, à propos des exemples que l’on vient d’examiner, quelques distinctions peuvent
être formulées :
1. En ce qui concerne la documentation provenant de ces associations professionnelles et de
ces collèges à vocation religieuse ou funéraire, ou bien les impliquant d’une manière ou
d’une autre, on doit relever la rareté des hommages comparables aux hommages publics, qui
s’exprimaient par l’érection de statues et accessoirement par la mise en valeur dans
l'inscription des mérites du personnage honoré. Ces formes d’expression, dans le texte
desquelles le mimétisme entre nettement en ligne de compte, n’apparaissent que dans un
cercle étroit de collèges ou corporations, et dans quelques cités où s’impose la puissance des
associations à vocation commerciale. Rare est donc, ailleurs, l’évocation explicite des
mérites d’une personne que l’on peut considérer comme de premier plan. Toutefois, on
mentionnera la forme, très originale, que revêt dans la cité de Nîmes, dans une
agglomération secondaire placée sur le Rhône, l’hommage rendu à Moccia Silvina par les
centonari Ucernenses29 : D(is) m(anibus) Mocciae C(ai) f(iliae) Silvinae centonari Ucernenses ob
merita. On y retrouve la formule courante des hommages publics (ob merita), qui plus est
attribuée par une association professionnelle qui se désigne comme une collectivité
publique. Mais l’hommage, incontestable par la forme donnée au texte, est apposé sur un
autel funéraire. Certes, ce dernier présente de bonnes dimensions et une excellente qualité
de facture. Mais il ne peut être assimilé à une quelconque base de statue.
2. Ce sont surtout des offrandes religieuses qui ont été relevées ci-dessus. Leur emplacement
renvoie à d’autres lieux que les lieux utilisés couramment pour les hommages publics. Ces
offrandes sont aussi, vraisemblablement, d’un coût inférieur aux constructions. Si le dossier
révèle la faiblesse des moyens dont disposaient nombre d’associations, qui ainsi méritent
bien la qualification de collegia tenuiorum, il montre aussi que l’évergétisme pratiqué ne se
caractérise pas par des dépenses extraordinaires30.
3. Le texte des inscriptions qui décrivent ces pratiques est en général un peu plus complexe
que celui des hommages publics. Il s’écarte de la formulation d’une relation directe entre un
personnage et un groupe qui prend l’initiative de l’honorer pour services rendus. S’il prend
soin d’établir au premier plan le bien-faiteur, il préserve la place du collège ou de
l’association que celui-ci a secouru, et n’omet pas de signaler que, même si ces derniers sont
passifs à partir d’un certain moment du processus qui est décrit, ils sont aussi bénéficiaires
de la générosité du personnage principal.
qui se trouvent en position intermédiaire, et qui, comme les sévirs augustaux, peuvent
regarder vers le haut pour leurs aspirations et vers le bas pour leurs pratiques d’affirmation.
3. Les inscriptions mettent en évidence les pratiques évergétiques de ceux qui apportent à ces
collèges ou associations les moyens d’affirmer leur existence. Sans aucun doute on peut
trouver parmi ces personnes des gens qui appartiennent au milieu des notables ou qui en
sont proches. Mais les exemples que l’on vient d’examiner révèlent, quand on quitte la classe
dirigeante, une diversité des conditions qui dessine un arc assez large, au moins dans la
typologie. Aux deux extrêmes on placera les sévirs augustaux et les responsables des
collèges. Les premiers sont plutôt proches du monde des notables, et souvent même ils sont
liés à ces derniers. Les derniers sont encore fortement liés au monde des collèges religieux
ou des associations professionnelles, dont ils constituent la partie émergente. Quand il s’agit
de collèges professionnels, peut-on dire qu’il s’agit d’une élite économique ? Il vaut mieux
restreindre l’expression à quelques cas bien identifiés. C’est dans les collèges à vocation
religieuse, vraisemblablement plus ouverts dans leur recrutement social, que l’on trouverait
peut-être des personnalités un peu plus émergentes : néanmoins elles tiennent leur autorité
de la volonté de leurs collègues. Entre ces deux groupes, apparaissent des bienfaiteurs que,
faute de disposer en général d’élément de caractérisation, l’on qualifiera de plébéiens,
comme les autres d’ailleurs. Ils se différencient du plus grand nombre par une aisance
relative. Ils ont les ressources suffisantes pour pallier la modestie des moyens dont
disposaient la plupart de ces associations. Leur fortune, même médiocre, leur permettait de
s’afficher, principalement dans le domaine religieux. Mais en même temps ils s’affirmaient
individuellement en prenant en main la dépense de ceux qui devenaient ainsi leurs obligés.
La matérialisation de l’offrande, accompagnée par l’inscription, donnait alors publicité à
l’acte.
23 C’est un premier degré d’affirmation dans la vie publique. Mais il est difficile d’espérer
mieux, et surtout d’envisager de la part des obligés un acte réflexe apportant l’imitation
d’un hommage public. Toutes les prestations bienfaisantes des gens que nous avons
énumérés ne produisaient pas ces effets les plus flatteurs. Revenons pour finir sur
l’inscription de Saint-Jean-de-Garguier, en reprenant appui sur l’interprétation de la
mention ob honorem eius, et en mettant en évidence que si l’hommage permet de rappeler
un bienfait du passé, l’expression de la reconnaissance a été quelque peu différée. Dans ce
type de bienfaisance, l’expression par écrit de la gratitude ne paraît donc pas
automatique. En revanche, lorsque le bienfaiteur réalise l’offrande il peut assurer la
publicité à son acte, ce qui explique que ce dossier s’est nourri d’inscriptions religieuses.
24 Autre considération sur ce document. Il est difficile d’envisager que l’élévation au sévirat
augustal de Q(uintus) Cornelius Zosimus serait la conséquence directe de son intervention
en faveur des pagani pagi Lucreti : d’autres considérations ont été prises en compte, peut-
être d’abord la position de son patron au sein de l’ordo municipal, mais aussi
éventuellement les générosités dont il aurait pu gratifier la cité dans son ensemble ou
d’autres parties de celle-ci. Ainsi, les générosités que nous révèlent les pratiques de ces
évergètes n’ont pas nécessairement de résonance forte au niveau de la cité : elles ne sont
pas d’ampleur publique comme la plupart de celles auxquelles s’engagent les notables.
25 Elles existent toutefois, et elles sont donc à prendre en considération. Même si elles n’ont
pas le caractère des grandes évergésies publiques, marquantes dans le paysage par les
constructions, ou remarquables dans la vie civique par les jeux, les spectacles ou les
fondations, elles reflètent un souci d’imitation, et elles se traduisent aussi par les mêmes
effets : l’insertion du nom du bienfaiteur dans des textes accessibles à un groupe plus ou
moins étoffé en nombre. Si, parfois, du côté du bienfaiteur, elles s’insèrent de plus dans
435
une stratégie d’affirmation en vue d’acquérir le statut de notable, leur importance comme
pratique de la vie collective, à ses premiers niveaux, doit être reconnue en rapport avec
les pratiques des milieux dirigeants et étudiée comme telle.
NOTES
1. Veyne 1961 (-Veyne 1991, p. 13-56 ; les citations seront présentées selon cette dernière
publication). On n’oubliera pas, comme le souligne cet auteur, p. 22, que « Pétrone surdétermine
son histoire, bloque plusieurs cas typiques en un ».
2. Veyne 1961 (= Veyne 1991, p. 14 ; voir aussi p. 47-54).
3. Pour une première approche, Barruol-Gascou-Bessac 1982, p. 285-290 avec fig. 6 (d’où AE 1982,
681) ; Christol 1992 b [chapitre 27].
4. Veyne 1961 (= Veyne 1991, p. 55) : « Ainsi les riches affranchis placent finalement le sens de
leur condition hors deux-mêmes, dans une imitation perpétuelle des ingénus. »
5. Ce sont souvent les tria collegia principalia dans les cités où ont été associés centonaires,
dendrophores et fabri. Par exemple à Arles, CIL XII, 700, qui fait connaître un patron commun de
ces trois collèges ; voir aussi à Cimiez une documentation épigraphique assez importante. Elle
comporte d’abord l’hommage au gouverneur M(arcus) Aurelius Masculus (CIL V, 7881 ; ILS 1367) :
les colleg(ia) (tria) quib(us) ex s(enatus) c(onsulto) c(oire) p(ermissum) est affichent fièrement leur
statut reconnu. Mais on tiendra compte de deux autres inscriptions qui montrent que, dans
certains cas, les utriculaires pouvaient faire partie de ce regroupement : Laguerre 1975, n o 65,
p. 103-105 et no 66, p. 106-109.
6. Christol 2003 d, p. 324-326 [chapitre 29].
7. Christol 2003 d, avec l’analyse de trois dossiers, ceux de Narbonne, d’Arles et de Lyon. D’une
façon générale, Morel 1990, p. 273-280, met en évidence l’extrême diversité qui existe dans le
monde de l’artisanat.
8. CIL XII, 4406 ; Waltzing 1899, III, p. 551, n° 2052 ; Héron de Villefosse 1914 ; Gayraud 1981,
p. 535-536.
9. Cette formulation est rare en Narbonnaise : CIL XII, 701 (Arles), 1116 = ILN Apt, 23 (Apt) ; mais le
commentaire de cette dernière inscription n’apporte aucune attention particulière à ce détail. En
revanche, sous cette forme et d’autres, cette façon d’agir est fréquemment attestée en Bétique :
Dardaine 1980.
10. CIL XII, 4354 ; Waltzing 1899, III, p. 548-549, n o 2047 ; Gayraud 1981, p. 340-342 ; Pflaum 1978 a
p. 229-230.
11. Christol 2003 d, p. 327-329.
12. CIL XII, 718. Sur les naviculaires d’Arles, Constans 1921, p. 205-211 ; Rougé 1966, p. 154-155,
p. 252-253, p. 306-307 ; Christol 1971 a ; Christol 1982 a.
13. CIL XII, 692 ; l’emplacement correspond actuellement à celui du Muséon Arlaten.
14. CIL XII, 672.
15. Déjà sur ce point Constans 1921, p. 210 ; sur le rôle du quartier de Trinquetaille, Heijmans-
Sintès 1994, p. 141-145.
16. CIL XII, 594 et add. p. 815 (= ILS, 6988). Récemment l’histoire du texte a été réexaminée par
Gascou 2000, p. 279-288.
436
17. Constans 1921, p. 71-73 ; Jacques 1990, p. 63-64 (traduction avec un commentaire bref, mais
essentiel). Nous avons repris la traduction de Gascou 2000, p. 288, en la modifiant sur quelques
points.
18. Autre inscription : CIL XII, 1115 et add. = ILN Apt, 35. Il ne s’agit pas, à notre avis d’un texte de
caractère funéraire, mais plutôt d’une base de statue, liée à un hommage public pris en charge
par les héritiers, assorti d’une distribution aux décurions. On ne doit donc pas dater le texte du Ier
siècle sous prétexte que manquerait la formule D(is) m(anibus).
19. On citera l’hommage rendu à leur patron, grand notable local, par les pagani Vordenses (CIL
XII, 1114 et add. p. 823 (= ILS, 6989) = ILN Apt, 22) : C(aio) Allio C(ai) fil(io) Volt(inia) Celeri, (quattuor)vir
(o), flam(ini), augur(i) col(onia) I(ulia) Apt(a), ex V dec(uriis) Vordenses pa[ga]ni pa[tro]no.
20. CIL XII, 342 et p. 810 = ILN Fréjus, 164.
21. On citera dans cette perspective une inscription d’Avenches (CIL XIII, 5110 (= ILS 7008)) : C(aio)
Valer(io) C(ai) f(ilio) Fab(ia) Camille quoi publice funus Haeduorum civitas et Helvet(iorum) decreverunt et
civitas Helvet(iorum) qua pagatim qua publice statuas decrevit I[u]lia C(ai) Iuli Camilli f(ilia) Festilla ex
testamento.
22. Sur l’organisation de la cité de Nîmes Christol 1994 a, p. 58-61 ; Christol 1999 d, p. 20-22
[chapitre 5]. À propos de Lattes voir Monteil-Sanchez dans Fiches 2002, I, p. 483-505 (notice 31).
23. Demougeot 1966, d’où AE 1965, 164 = AE 1966, 247 ; voir aussi Duval P.-M. « Chronique gallo-
romaine », REA, 69, 1967, p. 351-352. Le texte proposé par l’éditeur et admis pour l’essentiel par la
suite est celui-ci : Deo Marti Aug(usto) et gen(io) col(legii) (se)vir(orum) Aug(ustalium), T(itus) Eppil(lius)
Astrapton, fabr(i) et utrie(larii) Lattar(enses) ob mer(ita) eor(um).
24. Sur les fonctions de Mars, Duval 1957, p. 25-27, 70-72 ; Duval 1958-1959, Lavagne 1979,
p. 160-175.
25. CIL II, 2818 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 10-11.
26. CIL II, 4498 = G. Fabre, M. Mayer, I. Rodà, IR Catalogne, IV, 14 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 16.
Étienne 1958, p. 349, n’envisage pas la complexité des dons.
27. CIL III, 3580 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 102-103.
28. CIL III, 882 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 81.
29. CIL XII, 2824 ; Christol 1987 a, I, p. 28.
30. On éclairera ces remarques par des comparaisons avec les conclusions sur les pratiques de
fondation en Italie : Andreau 1977.
NOTES DE FIN
*. Autocélébration des élites locales dans le monde romain. Contexte, textes, images ( IIe s. av.J.-C.- IIIe s. ap.
J.-C.), Clermont-Ferrand, 2004, p. 59-76.
437
NOTE DE L’ÉDITEUR
Cet article se nourrit des remarques d'histoire économique que l’on trouvera dans la
partie suivante, notamment les chapitres 32-35. En ce qui concerne la vie sociale et la vie
économique d’Arles, les travaux présentés ont donné lieu à divers chapitres de synthèse
parus récemment dans un livre dirigé par J.-M. Rouquette, Arles. Histoire, territoires et
cultures, Paris, 2008 (dans la partie concernant l'Antiquité) [= Christol 2008 a]. L'apport
des fouilles récentes (provisoirement Long 2008) et le bilan que représente la carte
archéologique GAG 13/5 (Rothé-Heijmans 2008) devraient se traduire par de nouveaux
approfondissements dans ces domaines.
1 Les associations professionnelles, les collèges ou corporations ont une place dans la vie
municipale et le fonctionnement des cités1. À ce titre, dans le contexte d’une vie sociale
dominée par les valeurs civiques et la notion de notabilité, acquise par l’exercice d’une
responsabilité au sein des institutions politiques, il semble légitime de s’interroger sur le
positionnement que pouvait offrir l’appartenance à ces groupements, dont certains
pouvaient même exercer des activités reconnues d’intérêt public.
2 Par ailleurs, même si, pour un certain nombre de ces groupements, considérés comme
ressortissant à la catégorie des collegia tenuiorum, l’objectif de la réunion ou de
l’association était principalement funéraire, le substrat professionnel n’était pas ignoré,
puisqu’il servait à définir les contours du recrutement, c’est-à-dire l’identité collective.
3 À l’intérieur de chacune de ces associations, quel qu’en fût le poids économique ou social,
se dessinaient des stratifications, des hiérarchies, qui permettaient de distinguer une
élite. Les mots sont bien repérables : magister, curator, parfois praefectus 2. Dans tous ces
438
cas, le personnage ainsi signalé par la documentation peut être considéré comme membre
du collège, partageant la même activité que ses collègues. Mais il se distingue de la plèbe,
et en ce sens, constituant la partie émergente, il entre dans une élite. Certes, la distance
qui le sépare du rang moyen peut varier, notamment en fonction de la nature du
regroupement qui s’est opéré. Mais même chez les gens modestes, ceux qui constituaient
l’essentiel des collegia tenuiorum, il existe une stratification du groupe. À tout le moins le
groupe éprouve la nécessité de déléguer des responsabilités à tel ou tel de ses membres,
comme l’indiquent les documents. On peut estimer que ce choix n’était pas arbitraire et
que la partie émergente ne l’était pas du seul fruit du hasard.
4 Un autre mode de distinction dont disposaient les membres de ces associations résidait
dans le choix des patrons, que l’on recrutait soit à l’intérieur du collège soit à l’extérieur
de celui-ci. Mais, quelle que soit l’origine ou la trajectoire de celui qui était choisi, la
décision de le solliciter pour exercer cette responsabilité portait en elle une
reconnaissance : elle plaçait sans aucun doute dans une élite. Ne pouvait-elle parfois
ajouter une notabilité ?
5 Enfin, à l’intérieur de chaque cité, à des degrés différents certes, on peut aussi observer
des distinctions entre les divers groupements existants. Chacun d’entre eux détenait plus
ou moins d’importance ou de relief. Aussi, l’indication de l’appartenance peut être plus ou
moins significative : elle peut d’elle-même situer dans une hiérarchie. Quant aux
décisions prises, elles revêtaient elles aussi, par le poids des mots, plus ou moins de valeur
qualifiante. Il faut s’interroger : peut-on tenir pour équivalents tous les collèges, toutes
les associations, toutes les corporations que l’on rencontre ? Peut-on traiter de façon
indifférente les éléments de documentation qui sont disponibles ?
6 À cet effet, la Gaule méridionale et la vallée du Rhône jusqu’à Lyon offrent, pour une
période qui s’étend entre la fin du Ier siècle après J.-C. et le milieu du IIIe siècle après J.-C.,
une documentation suffisamment diverse et abondante. La région ainsi définie constitue
un bon champ d’observation.
7 Un certain nombre de groupements ou d’associations n’est connu que par des inscriptions
funéraires3. Pourtant l’énoncé de l’association, la définition qu’en donnent ses propres
membres, celle qui était reconnue par la communauté dans la vie et le fonctionnement de
laquelle s’intégrait le collège, se réfèrent de façon explicite à une activité productive ou
artisanale.
8 Nous connaissons ainsi deux collèges professionnels dans la partie orientale de la cité de
Nîmes. Il s’agit d’abord des centonaires d’Ugernum, centonari Vcernenses, fabricants de
toiles plus ou moins grossières plutôt que drapiers. Ils sont établis dans une petite
agglomération, relativement dynamique en raison de la proximité d’Arles et du Rhône.
Une autre association, indépendante de la précédente, apparaît un peu plus au Nord dans
la vallée du Rhône, toujours dans le territoire de la cité de Nîmes, à Tresques, mais dans
un environnement moins immédiatement urbain. Que les centonaires ne soient pas
strictement définis de la même façon dans les deux cas importe peu en définitive : on peut
penser que dans un autre contexte les centonaires connus à Tresques auraient ajouté à
leur qualification professionnelle une indication toponymique significative. Mais, dans les
deux cas, il s’agit d’une association professionnelle locale, au rayonnement restreint.
L’une et l’autre toutefois correspondent à l’image que peuvent donner les multiples
associations qui devaient exister dans les cités d’époque gallo-romaine4.
439
émergent pour l’instant, caractérisés par une activité commerciale intense, qui façonne la
vie quotidienne des cités : Narbonne, Arles, Lyon.
13 Nous commencerons par Narbonne. La documentation épigraphique qui en provient offre
un nombre important d’inscriptions funéraires, dans lesquelles le métier du personnage
principal est indiqué : medicus, nauclarius, argentarius, lardarius, etc. Il faut admettre que
ces mentions ne pouvaient apparaître comme péjoratives dans le cadre de cette ville où
les activités économiques étaient diversifiées. Ces inscriptions appartiennent à la fin du Ier
siècle avant J.-C. et au début du II e siècle ap. J.-C. Nous ne nous attarderons pas trop sur
leur contenu14.
Fig. 24. L'épitaphe du sévir augustal Tib(erius) lunius Eudoxus à Narbonne (Musée de Narbonne.
Cliché Foliot, centre Camille-Jullian)
frère vivant pour un frère défunt. En revanche l’autre provient certainement des locaux
(schola) qui abritaient les réunions des sévirs augustaux. Il faut relever que le vocabulaire
employé ajoute tout de même les éléments d’un langage officiel, mimant les usages de
l’ordo municipal : mention d’un décret, mention des merita et des liberalitates, indication
que le décret contient un honor, mention d’une statue, remise de la dépense par le
bénéficiaire de l’hommage. C’est le décalque exact des relations entre conseils de
décurions, représentant la communauté et agissant publice, et notables municipaux, pris
individuellement, telles que les décrivent les hommages publics des cités18. On peut
déduire qu’ici se dégage de l’hommage rendu à l’homme d’affaires la recherche de signes
et celle d’un langage propres à la société des notabilités. L’objectif est de mettre en
évidence un personnage dont on ne cache pas, hors de sa corporation professionnelle, les
activités économiques (l’armement maritime et la participation au grand commerce
maritime). On ne renonce pas à en avouer l’exercice dans un milieu, celui des sévirs
augustaux, qui s’efforçait de reproduire fidèlement les usages de la société des notables.
15 Nous nous trouvons certes dans un lieu distinct de la curie19. Mais c’est un lieu qui n’est
pas étranger aux membres de la curie. De la salle de réunion des sévirs narbonnais
provient aussi la base de statue d’un grand personnage municipal20 : L(ucio) Aemilio L(uci) f
(ilio) Pap(iria) Arcano, trib(uno) mil(itum)..., adlecto in amplissimum ordinem... praetori designat
(o), L(ucius) Aemilius Moschus (se)vir Aug(ustalis) patrono optumo post obitum eius inlatis arcae
seviror(um) ob locum et tuitionem statuae (sestertum) n(ummum) (quattuor) (millibus). L(ocus) d
(atus) d(ecreto) (se)viror(um), On peut présumer que ce sénateur reçut d’autres statues qui
furent posées en d’autres lieux importants de la ville. L(ucius) Aemilius Arcanus a été
honoré post mortem. Il reçoit l’hommage d’une statue d’un de ses affranchis, sévir lui-
même. Nous pouvons ainsi repérer un des lieux où peut être dépassée la simple
affirmation ou reconnaissance d’une élite économique. Nous y constatons que s’opèrent
des transitions en direction des détenteurs de la plus authentique notabilité, ceux qui
n’avaient pas à afficher l’exercice d’une activité économique. Nous entrevoyons que s’y
trouvaient même des possibilités de franchissement en sorte qu’en cette schola des sévirs,
hors de tout sentiment d’incongruité, pouvaient s’entremêler diverses notabilités, les
unes évidentes, les autres nées de l’approche et du voisinage de ceux qui en disposaient.
La situation observée indique la compatibilité des deux systèmes de valeurs. Mais dans le
cas des gens qui accèdent à la notabilité par leur engagement dans l’activité économique
et par la puissance qu’ils en dégagent, il s’agit sans aucun doute de personnes parvenues
au plus haut dans les affaires, grâce à l’armement maritime. Nous touchons ici un groupe
certainement très restreint. Nous pouvons pressentir qu’il s’agit, au sein de la corporation
des naviculaires narbonnais, d’un milieu remarquable par sa richesse, qui s’élève pour
cette raison et peut-être aussi pour d’autres, en particulier pour les relations établies avec
les grandes familles de la cité. C’est pourquoi la compatibilité des valeurs et des
comportements ne peut se réaliser en n’importe quel lieu.
16 Passons maintenant dans la colonie d’Arles. La situation n’y est pas fondamentalement
différente. Toutefois la documentation sur les associations professionnelles est nettement
plus abondante, faisant émerger, entre autres, trois corporations : les fabri tignuarii, les
fabri navales, les utricularii. Celles-ci peuvent disposer de tous les privilèges juridiques
accordés aux collèges professionnels, en particulier recevoir des legs ou être destinataires
de fondations testamentaires21. Elles produisent leurs élites, et l’on connaît parfois le
curator ou le magister de l’une ou de l’autre 22. Mais il faut observer que les témoignages
démontrent que même les magistri de ces corporations n’accèdent pas au sévirat augustal.
442
L’activité de ces dernières est reconnue, ne serait-ce que par les places réservées à
l’amphithéâtre23. Mais leurs élites ne franchissent pas la distance qui leur permettrait de
parvenir en des lieux appartenant à la sphère de l’intégration. Comme à Narbonne, c’est
par l’appartenance au corpus des naviculaires que l’on peut accéder au sévirat. Les
naviculaires d’Arles, autrement dits naviculaires d’Arles des cinq corporations 24,
constituent une puissante corporation, dont les patrons appartiennent soit à la haute
société locale, ce qui n’est pas véritablement un facteur discriminant25, soit, parfois, à
l’administration impériale, ce qui est alors véritablement discriminant26. Au sujet de ces
corporations engagées dans l’armement et le commerce maritime, la documentation offre
même un peu plus de renseignements qu’à Narbonne. Les naviculaires ont une statio, avec
son apparitor 27 ; ils ont des esclaves qui, lorsqu’ils bénéficient de l’affranchissement,
portent le nom significatif de Navicularius 28 ; ils accèdent au patronage d’autres
corporations, liées directement ou indirectement à l’activité commerciale du port d’Arles
29
: [D(is)] m(anibus) M(arci) Frontoni Eupori (se)-vir(i) Aug(ustalis) col(onia) Iulia Aug(usta) Aquis
Sextis, navicular(ii) mar(ini) Arel(atensis), curat(oris) eiusd(em) corp(oris), patrono nautar(um)
Druenticorum item utriclarior(um) corp(oratorum) Ernaginensium, Iulia Nice uxor coniugi
carissimo. On peut comparer ce que nous indique son épitaphe avec les renseignements
qu’apporte de son côté une autre épitaphe de sévir augustal, dont les activités
économiques ne sont pas explicitement mentionnées30 : par la diversité des patronages
détenus elles sont semblables.
17 C’est dans le monde des patrons de corporations que l’on atteint l’élite économique, celle
qui peut côtoyer l’élite politique. Même si, sur ce point précis, la documentation
provenant d’Arles est bien moins parlante que celle de Narbonne, et même si aucun
document ne permet d’entrer de plain-pied dans la vie officielle de ces associations, avec
leurs décrets et leurs décisions honorifiques, force est de constater qu’elle permet quand
même de mettre en évidence un fait nouveau : la capacité qu’ont les naviculaires d’entrer
en contact avec les autorités de l’État puisque, comme on l’a déjà vu, un de leurs patrons
est un procurateur impérial. On vérifie également qu’en matière de recrutement les sévirs
augustaux, par leur rôle d’institution intermédiaire, placée sous l’ordo, pouvaient
rassembler en leur sein, avec d’autres, les membres de l’élite économique, puisée dans les
grandes corporations locales. C’est ainsi que la corporation des naviculaires reçoit de la
documentation les preuves évidentes de sa suprématie : parmi les deux sévirs d’Arles
mentionnant une activité économique31, l’un est naviculaire marin32 : D(is) m(anibus) L
(ucio) Secundio Eleuthero, navic(u)lar(io) Arel(atensi) item (se)vir(o) Aug(ustali) corpor(ato) c
(olonia) I(ulia) P(aterna) A(relate), Secundia Tatianae fil(ia) patri pientissimo, l’autre appartient
à une grande corporation lyonnaise sur laquelle on reviendra33. On ne saurait mieux
établir la position de ces armateurs engagés dans le trafic maritime : ils coiffent d’autres
collèges professionnels de la cité, et, par cette position éminente, ils se placent quelque
peu à part, côtoyant d’autres milieux, les autorités municipales et surtout les autorités de
l’État. Ainsi l’élite économique peut d’acquérir une notabilité.
18 On passera donc à Lyon, où les données sont encore plus significatives. La vie économique
à Lyon est dominée par quelques grandes associations professionnelles : celle des
marchands de vin, celle des marchands de blé, cependant un peu moins connue, celles des
nautes de la Saône, du Rhône, de la Saône et du Rhône34. Elles disposaient d’une
organisation très élaborée, bien mieux connue qu’à Arles ou à Narbonne. Les nautes de la
Saône35, les nautes de la Saône et du Rhône36, les marchands de vin37 vivaient comme des
cellules autonomes, produisant des décrets, honorant de statues qui bon leur semble,
443
affectant des emplacements à leurs patrons pour ériger les hommages qu’ils leur
adressent, que ces patrons fussent pris dans l’association elle-même ou qu’ils fussent issus
d’une corporation voisine. La documentation fait apparaître quelque chose que ne nous
livraient pas avec autant d’évidence les inscriptions d’Arles ou de Narbonne : ces quelques
collèges professionnels très puissants peuvent créer, au profit de leurs élites, une propre
notabilité et offrir à certains membres de leur personnel dirigeant les moyens de nouer
des relations avec d’autres lieux de notabilité de la ville : les lieux municipaux (les sévirs
augustaux et la curie), les lieux provinciaux (le personnel dirigeant des Tres Galliae, qui se
retrouvait à l’autel du Confluent). Les patronats que ces hommes d’affaires puissants
exercent sur d’autres corporations ou bien ceux qui les établissent au-dessus des
membres de leur association, les mettent en contact non seulement avec les membres de
l’ordo municipal, mais encore avec l’élite des cités gauloises. Mieux qu’ailleurs, les lieux de
réunion de ces très grands collèges professionnels peuvent faciliter à l’occasion la
rencontre de personnes appartenant à des niveaux sociaux relativement hétérogènes.
19 Quant au tableau des patrons d’associations à Lyon qu’a dressé Lellia Ruggini à la fin de
son article, il montre bien qu’il s’agit d’un milieu très divers par sa composition, et que se
retrouvent dans ces responsabilités honorifiques des notabilités diverses38. Néanmoins
l’analyse du contenu des inscriptions recueillies dans ce tableau permet de relever
l’esquisse de deux groupes suffisamment différents. L’un concerne les notables des Tres
Galliae qui ont exercé un patronat : aucune mention d’une activité économique, seulement
l’existence de patronats39. L’autre concerne ceux qui indiquent l’exercice d’une activité
économique : il s’agit de personnes appartenant aux grandes corporations énumérées ci-
dessus. Un seul cas, un peu plus complexe, associe à l’appartenance aux nautes du Rhône
l’appartenance à la corporation des charpentiers, apparemment de moindre relief, mais le
personnage en question a parcouru tous les honneurs dans cette dernière corporation40.
20 C’est parmi ces personnages de la seconde catégorie que l’on trouve quelques notables
municipaux. Mais ce petit groupe qu’il convient d’examiner en dernier peut s’accroître,
puisqu’il faut adjoindre à trois inscriptions de Lyon41 trois autres textes qui proviennent
de Glanum42 et de Nîmes, car ces personnages sont souvent enracinés ailleurs43.
21 Les deux inscriptions de Nîmes font connaître le même personnage. Malheureusement
elles sont mutilées et elles ne nous livrent pas l’identité de la personne. Mais il apparaît
nettement que ce personnage, engagé dans les affaires à Lyon, était d’origine nîmoise. Il
est enterré à Nîmes et c’est là que, vraisemblablement de condition affranchie, se trouvait
la famille de son patron. Il a exercé une longue activité au sein de la corporation des
marchands de vin lyonnais. Il y a gagné l’accès au collège des sévirs augustaux tant à
Nîmes qu’à Lyon. Mais surtout, dans sa cité d’origine, à Nîmes, il est devenu decurio
ornamentarius. Il a reçu, comme un certain nombre de ses compatriotes (des sévirs
augustaux, des notables issus d’autres cités de Narbonnaise) ces ornements de décurion
qui lui conféraient en particulier un certain nombre de privilèges détenus par les
membres de l’ordo. Mais il faut bien retenir que cette entrée dans la notabilité est acquise
sur le tard, au moment où une longue pratique du grand commerce et un rayonnement
personnel, par les relations et par la richesse, peuvent expliquer ce couronnement d’une
vie. Ne peut-on envisager qu’il aurait dans la dernière partie d’une vie bien remplie
souhaité « rentrer au port » et choisir un genre de vie plus paisible44 ? Ici une remarque
s’impose, qui vaut sans doute pour tous les autres cas envisagés : les documents
épigraphiques viennent au moment où la trajectoire est en train de s’achever et de se
parfaire ; ils ne retiennent que les étapes ultimes les plus avantageuses. Ils diffèrent donc
444
des textes qui traitent d’ascension sociale ou d’enrichissement, car ces derniers
envisagent souvent le phénomène dans la longue durée du cadre familial, en évoquant les
ascendances, afin de juger la totalité de la trajectoire, quitte parfois à connoter les
renseignements de façon négative45.
22 Il en va de même pour M(arcus) Inthatius Vitalis. Son inscription, de caractère
honorifique, indique qu’il obtint le consessus de la part de l’ordo des décurions d’Alba 46. Il
avait droit de siéger parmi eux lors des grandes fêtes de la cité, s’il s’y trouvait. Même s’il
ne s’agit pas des ornements de décurion, le privilège est assez proche. On peut penser
même qu’il avait pu accéder à l’ordre équestre47. Mais dans son cas, également, on peut se
demander si le couronnement par la notabilité équestre ne résulte pas d’une longue
pratique de l’activité commerciale, source d’enrichissement, puis d’une relative prise de
distance par rapport aux activités absorbantes liées au trafic du vin.
23 Une trajectoire du même genre aurait pu valoir au Trévire de devenir décurion dans sa
cité48 et au Viennois de parvenir jusqu’au duumvirat49.
24 Peut-on penser que ce couronnement s’accompagnait de ruptures avec le genre de vie
précédent ? Vraisemblablement. Mais on peut penser aussi qu’il n’y avait pas rupture
avec le souci de l’enrichissement : ces gens demeuraient liés à leurs associations
professionnelles. Tout au plus opéraient-ils un changement de comportement, se
dégageant de la plus intense occupatio, adoptant un genre de vie plus sédentaire50. Nous ne
savons point d’où partaient ces personnages. Nous les connaissons lorsqu’ils sont entrés
dans l’élite de leur collège professionnel et qu’ils ont ajouté à cette position éminente des
signes incontestables de notabilité. Leur trajectoire s’inscrivait certainement dans la
durée, ce qui laisse entendre qu’il s’agissait généralement de personnages d’un certain
âge. Ils avaient pu ajouter à une vie d’affaires, avec tous ses risques, une autre vie, plus
paisible, en suivant les conseils de Cicéron et en « rentrant au port ».
25 Au demeurant, il s’agit d’un nombre limité de cas. L’activité économique présentait une
diversité de voies. Mais tous les métiers ne pouvaient prétendre apporter richesse et
notabilité. Chaque association professionnelle, chaque collège ou chaque corporation
pouvait créer en son sein une élite. Mais il serait illusoire de considérer que les
renseignements dont nous disposons sur l’ensemble de ces groupements nous font
connaître indistinctement des gens du même niveau. Il existait une profonde
hétérogénéité entre ces milieux professionnels, et leur monde était fortement stratifié.
Seuls quelques-uns de ces collèges - et en des lieux privilégiés-, pouvaient, en produisant
une élite, attribuer à quelques-uns de leurs membres les moyens d’acquérir la véritable
notabilité. Si des phénomènes de mobilité et une ascension des élites professionnelles
vers la notabilité peut se produire, et si ces aspects de la vie sociale peuvent être mis en
évidence, c’est en des lieux bien déterminés au sein desquels l’activité commerciale
pouvait se développer sur une grande échelle : mais ce constat exclut aussi une grande
partie des associations professionnelles.
26 Le dossier épigraphique constitué concentre l’attention sur quelques villes, Arles,
Narbonne, Lyon. En ces villes même il met en évidence quelques emplacements précis, qui
ont leur importance à côté de la schola des sévirs augustaux, mais sans doute aussi en
relation avec cette dernière.
27 Toutefois on pourra distinguer deux situations. Celle que l’on peut découvrir à Narbonne
et à Arles correspond à une relation simple entre deux lieux seulement : le lieu de réunion
des sévirs et le lieu de réunion du plus puissant groupement professionnel, celui des
445
NOTES
1. Waltzing 1895-1900, II, p. 174-208.
2. Waltzing 1895-1900, I, p. 379-415.
3. Sur l’importance des responsabilités funéraires assumées par les collèges professionnels,
Waltzing 1895-1900, I, p. 256-300.
4. Y compris à la campagne. On comparera avec les données fournies par Pavis d’Escurac 1967.
5. CIL XII, 2754 ; HGL XV, 378 et add. ; texte révisé par Christol 1999 k, p. 129-130 (avec fig. 8), d’où
AE 1999, 1032.
6. La révision du texte fait disparaître un document qui, sans cela, avait un caractère
exceptionnel, car depuis l’édition de Hirschfeld au CIL XII, on considérait qu’il s’agissait d’un
chevalier romain, ex quinque decuriis. On retirera donc ce personnage du groupe des juges des cinq
décuries de la Gaule romaine, dans lequel il a régulièrement été inséré : Burnand 1974, p. 67-68,
ainsi que du groupe des chevaliers romains issus de Nîmes, dans lequel ce même auteur l’avait
aussi inclus : Burnand 1975 a, p. 782-787. On corrigera de même Waltzing 1895-1900, III, p. 541, n o
2022.
7. On rapprochera de l’inscription de Tresques l’inscription d’Arles relative aux lapidari
Almanticenses (CIL XII, 732) : D(is) m(anibus) Sex(ti) Iul(i) Valentini, lapidari Almanticenses ex funere eius
et Pomp(eiae) Gratinae co(n)iugi incomparabili posuit (voir aussi Waltzing 1895-1900, III, p. 530-531, n o
1978). On évoquera également l’inscription de Vaison relative aux opifices lapidari (CIL XII, 1384) :
D(ecimo) Sallustio Accepte opifices lapidari ob sepulturam eius (voir aussi Waltzing 1895-1900, III,
p. 534, no 1992).
8. Sur ce point, Hatt 1951, p. 77. Cet auteur relève toutes les interventions de collèges ou de
groupes qui semblent constitués sur le même modèle, sans l’expliciter, p. 78-83. Voir aussi, d’une
façon plus générale Waltzing 1895-1980, I, p. 274-300).
446
NOTES DE FIN
*. M. Cébeillac-Gervasoni et L. Lamoine (éd.), Les élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde
hellénistique et romain, Rome-Clermont-Ferrand, 2003, p. 323-335.
449
où nous entendons ce mot (opifex, faber), voisinent avec les inscriptions de gens dont le
métier est éloigné de l’artisanat de production : gens de la banque ou des affaires
financières (nummularii, coactores argentarii, mensularii), gens du commerce et du transport
maritime (navicularii/nauclarii), gens qui maîtrisaient les arts de la santé (medici, medici
ocularii). Tous ces groupes, dont on peut dire qu’ils ont comme facteur commun d’exercer
un métier6, y compris nos artisans définis dans le sens le plus strict, ont fourni des
inscriptions très semblables, qu’il est aisé de rassembler et d’examiner en concordance.
Les personnes qu’elles font connaître appartiennent à une plèbe moyenne dont chaque
élément paraît satisfait et soucieux de s’afficher par l’exercice d’une activité rémunérée 7 :
ces gens disposent sans aucun doute d’une certaine aisance, même si de l’un à l’autre
celle-ci peut varier et même si entre eux pouvaient exister des sous-ensembles reflétant
des réalités matérielles diverses : le fait épigraphique peut les différencier d’homologues
qui n’ont peut-être pas aussi bien réussi. Ils constituent sans aucun doute la partie
supérieure des classes moyennes. Dans certains cas le métier et l’aisance devaient aussi
conférer quelque notoriété, même s’il ne s’agit pas de l’honorabilité au sens où le terme
était entendu : pourquoi donc, avec toutes les précautions d’usage, ne pas considérer qu’il
s’agit d’une « bourgeoisie », qui exprime à sa façon un idéal de la réussite8 ?
3 Parmi les artisans ainsi connus beaucoup relèvent d’un artisanat de qualité (vascularii,
ampullarii, aurifices, etc.) : leurs connaissances techniques, leurs liens avec une clientèle de
choix peuvent leur assurer une réputation ; d’autres exercent des métiers plus communs (
faber sous toutes ses modalités : lapidarius, tignuarius, etc). Mais pour tous il semble bien
que l’activité se concentre dans un cadre familial, dont l’individualité est bien marquée.
Le responsable de l’entreprise, seul ou en société, peut être un ingénu ou un affranchi ;
ses affranchis et ses esclaves, sont groupés autour de la maîtrise d’un savoir technique ou
d’une compétence, qu’ils peuvent d’ailleurs se transmettre de l’un à l’autre, ou de
génération en génération. Il n’est pas exclu que dans ses entreprises le maître ait aussi
recours aux services d’ouvriers (operarii), salariés libres. Or l’étude du fait associatif
impose le constat d’un dépassement de cette sorte de relation, en créant une situation
plus complexe. Il n’apparaît pas dans cette documentation de Narbonne qui appartient à
une période s’étendant entre la fin du I er siècle av. J.-C. et la fin du I er siècle ap. J.-C.9.
Pourtant, à peu de distance de l’époque envisagée, dans la cité de Pompéi, au moment des
élections municipales au moins, l’expression de groupes qui se qualifient par leurs
activités est un fait bien attesté. Faut-il opposer l’Italie et les provinces ? Observons que
nous sommes, à Pompéi comme à Narbonne dans un milieu colonial, et que Narbonne
apparaît très tôt comme un prolongement de l’Italie. Est-ce une question de chronologie,
puisque les inscriptions de Narbonne appartiennent à une époque plutôt précoce et que
celles de Pompéi dépassent la fin de l’époque julio-claudienne ? Nous verrons que
quelques documents révéleraient que le fait associatif pourrait être attesté ailleurs dès la
première moitié du Ier siècle après J.-C.10. Est-ce une question de milieu urbain spécifique,
tant le rôle de Narbonne comme emporion est dominant jusqu’aux premières décennies du
Ier siècle ap. J.-C. ? Tous ces facteurs pourraient intervenir pour apporter des éléments
d’explication. Mais faut-il nécessairement analyser en termes d’opposition et de contraste
ces données provenant de Narbonne. Par son faciès épigraphique cette ville se rapproche
de quelques villes d’Italie où, de même, le nombre des métiers qui apparaît est fort
important (Rome, Aquilée, Capoue, Pouzzoles). L’interprétation des inscriptions de
Narbonne oriente vers l’analyse d’une formation économique et celle des conditions de la
production, alors que, comme on le verra par la suite, l’étude des inscriptions relatives au
451
genre de vie associatif met au jour une forme d’organisation sociale. On ne peut pas
exclure que les spécificités de la documentation provenant de Narbonne ne soient
qu’apparentes et que nous échapperaient les modalités d’expression collective, en
revanche perceptibles dans la documentation provenant de Pompéi.
4 Il importe donc de tenir compte de la nature de la documentation. Celle-ci est
essentiellement funéraire. Seule l’épigraphie de Pompéi, puisqu’on l’a évoquée, offre un
contexte de vie politique. Mais c’est précisément des interférences dans la vie locale des
groupements plébéiens que se méfient les autorités publiques, et c’est cette crainte qui,
outre leurs réticences à accorder le droit d’association, les conduit parfois à sévir. En
revanche on sait bien, depuis que J.-P. Waltzing l’a établi, qu’à partir d’un certain moment
un sénatus-consulte a permis, et d’une façon générale, la constitution et le
développement de collèges à but funéraire, à condition qu’ils se restreignent à cet objectif
et qu’ils ne multiplient pas leurs réunions11. Les collèges funéraires qui apparaissent dès
lors, et que l’épigraphie fait connaître abondamment, n’ont pas tous une identité
professionnelle clairement affichée. Si l’on envisage la totalité de la documentation, qui
concerne d’autres provinces et surtout l’Italie, force est de constater que leurs
dénominations révèlent une assez grande diversité dans la raison d’être qui est
exprimée : organisation domestique, référence religieuse par exemple. Mais beaucoup
toutefois affichent une identité professionnelle. L’ouvrage de J.-P. Waltzing invite donc à
une autre lecture de la documentation, mais il laisse entrevoir aussi des variations et des
degrés dans les formes de constitution et dans les modalités d’expression du fait
associatif, ce que n’avait pas pris en compte l’élaboration de l’index du CIL XII.
5 En Gaule méridionale la documentation épigraphique permet de suivre le développement
progressif du phénomène associatif durant le I er siècle et surtout durant le II e siècle.
Néanmoins subsistent toujours des témoignages sur l’existence de métiers isolés en
dehors même de la documentation de Narbonne qui a été examinée ci-dessus. Il s’agit de
métiers spécifiques, toujours bien individualisés, qui nous écartent de l’artisanat voué à la
production directe des biens. On se trouve au-delà de ce niveau d’activité économique.
Les mentions relevées concernent les médecins, par exemple, ou des techniciens qu’on
pourrait qualifier de supérieurs ; de nos jours on les regrouperait sous le vocable de
« professions libérales », même si dans l’Antiquité ils ne pratiquaient pas les « arts
libéraux12 ». Il est difficile d’insérer dans la catégorie des artisans, telle que nous
souhaitons la cerner ici13, l’architectus navalis d’Arles, qui pourrait d’ailleurs appartenir au
Ier siècle14, ou bien les deux personnes qualifiées de iuris studiosus à Nîmes, qui
appartiennent à la fin du I er siècle et au II e siècle15, ou bien même l’exactor operis basilicae
marmorari et lapidari dans cette même cité 16. Mais il est vrai aussi que la documentation
épigraphique ne saurait révéler de façon claire toutes les strates de la société ou tous les
niveaux de l’activité productive.
6 En revanche une partie de la documentation épigraphique que l’on peut collecter nous
conduit dans le monde de l’association. Dans l’ensemble des index du CIL XII, du point de
vue du dénombrement quantitatif elle semble moindre que celle que nous venons
d’évoquer à propos de Narbonne. Il est vrai que le dossier épigraphique narbonnais est
substantiel et qu’il provoque un déséquilibre, au moins dans les apparences. Mais il ne
doit pas conduire à sous-estimer la place globale du fait associatif dans cette partie de la
Gaule romaine.
7 Premières questions à poser : quelle est l’importance de celui-ci dans l’organisation de
l’artisanat en Gaule méridionale ? Comment peut-on l’appréhender à travers les
452
inscriptions ? Si l’on se réfère aux divers index du CIL XII qui, rappelons-le, ont été
composés avant la publication des travaux de Waltzing, on peut suivre peu à peu le
développement des formes d’organisation collective appelées explicitement soit collegium
soit corpus 17. Mais le repérage de ces termes ou de ceux qui en sont dérivés suffit-il pour
constituer un inventaire complet des documents à retenir ?
8 On peut tenter d’apporter une réponse par l’examen de quelques textes provenant de la
cité de Nîmes, dont le vaste territoire fait une place, à l’écart du chef-lieu, à des
dynamiques économiques et sociales locales, autour ou dans des agglomérations dites
« secondaires », qui sont aussi de statut inférieur18 : ce sont des bourgs, parfois des
villages. Cette documentation, qui offre la possibilité d’une étude de cas, facilite la
formulation d’hypothèses. Une première inscription19 fait connaître à Beaucaire les
centonarii Vcernenses, fabricants de toiles de qualité médiocre plutôt que drapiers 20. Ils
sont établis dans une agglomération qui profite de sa situation sur le Rhône et de la
proximité d’Arles. Une autre association, indépendante de la précédente, apparaît un peu
plus au Nord, dans la vallée du Rhône mais toujours dans les limites du même territoire
de la cité de Nîmes21. Nous nous trouvons alors à Tresques, dans un contexte moins
urbanisé, plutôt dans un habitat rural. Enfin une troisième inscription provient de la
partie occidentale du territoire. Elle fait connaître les fabri et les utriclarii Lattarenses, qui à
notre avis apparaissent liés parce qu’ils sont fixés dans la même agglomération et parce
que le principal personnage de l’inscription qui mentionne ces deux groupements
professionnels s’est substitué à eux pour exprimer l’intention religieuse dont ils avaient
eu l’initiative22.
9 Il s’agit d’associations dont l’identité est le plus souvent définie par l’addition d’une
référence topographique et d’une référence professionnelle : les exemples que l’on
examinera dans d’autres cités le confirment, tels les ratiarii Voludnenses, les nautae lacus
Lemanni, les lapidarii Almanticenses, etc. 23. Quand l’indication topographique manque,
comme dans l’inscription de Tresques, c’est que dans le contexte de rédaction du
document, elle pouvait aller de soi. L’inscription de Tresques apporte aussi d’intéressants
renseignements sur la fonction de ce collegium centonario<rio>rum par rapport à ses
membres24. Ce groupement s’est donné la responsabilité de leur assurer une sépulture, et
c’est le titulus lui-même, sur la stèle funéraire, qui apporte les renseignements. Mais le
texte est aussi très clair. Si le défunt est un collega, ce qui introduirait une notion de
relative égalité, elle n’est qu’apparente. Il s’agit d’un magister, c’est-à-dire d’un
personnage qui disposait de responsabilités de direction, et qui devait donc se distinguer
de la masse des membres du collège25. Le collège agit collectivement, ayant donc
l’occasion d’apparaître comme regroupement professionnel bien défini. Mais à la lumière
de la révision du texte qui a été effectuée, on peut avancer quelques remarques. Pour
l’instant nous ne connaissons qu’un seul membre de ce collège, et c’est un de ses notables.
Cela signifie-t-il que par l’épigraphie nous ne connaîtrions que la partie supérieure de ces
associations professionnelles ? En d’autres termes : ne connaîtrions-nous l’existence de
ces collèges que par les seules épitaphes de ceux qui les dirigeaient ? S’il fallait apporter
une réponse positive, elle signifierait d’une part que la documentation épigraphique
relative à chacune de ces associations est extrêmement réduite, et d’autre part que nous
n’avons qu’une connaissance limitée du monde des associations dans les agglomérations
secondaires, dans les bourgs, ou dans les petites agglomérations rurales du territoire, au
village. Dans ces parties des cités l’expression épigraphique est plus rare et donc apparaît
aléatoire l’existence d’une documentation pertinente.
453
10 On pourrait objecter que ces inscriptions sont élevées ex funeraticio et que l’on devrait
trouver une relative égalité dans l’affectation de fonds. Mais si tel était le cas n’aurions-
nous pas à travers la documentation épigraphique davantage d’informations sur les
membres de ces collèges ? Le funeraticium doit être considéré comme la somme destinée
aux funérailles26. Le montant pouvait être égal pour les plébéiens de l’association, mais il
pouvait être substantiellement relevé, à l’initiative de ses membres et sans doute aussi à
la mesure des versements effectués, pour les personnalités plus marquantes qui avaient
dirigé le collège27. Nous retiendrons ici que le document provenant de Tresques, une
épitaphe, met clairement en évidence le but principal dont pouvaient se réclamer ces
groupements, ici professionnels, afin de justifier leur licéité : la finalité funéraire. Mais
seuls les personnages les plus importants dans la vie du collège pouvaient espérer plus
que le commun des membres associés : par exemple la stèle funéraire ou l’autel funéraire
portant une inscription, c’est-à-dire ce qui préservait la trace d’une mémoire écrite.
11 C’est ce que nous apprend aussi, très vraisemblablement, l’inscription d’Ugernum
(Beaucaire), relative aux centonarii Vcernenses. Toutefois les données sont encore un peu
différentes, car le monument funéraire est de plus grandes dimensions que celui de
Tresques. Il s’agit d’un autel de belle facture et de bonnes dimensions (85 x 52 cm), d’une
gravure soignée28. Le texte fait connaître un collège professionnel au rayonnement limité
puisqu’en se qualifiant d’Vcernenses ces centenaires s’attachent manifestement au lieu
même de leur activité et récusent toute référence au chef-lieu de la cité (Nîmes) ainsi qu’à
ses propres associations. Ici il n’est pas question de funeraticium, du moins explicitement.
En revanche sont mis en évidence les merita de la défunte, par le recours à un langage qui
rappelle celui qu’emploie une cité, rendant son dû à un citoyen d’élite, et qu’avaient
récupéré sans difficulté apparente les collèges et associations, quand leurs membres
dialoguaient avec leurs bienfaiteurs29. À Beaucaire l’hommage est inclus dans le texte de
l’épitaphe. On doit estimer que Moccia Silvina n’était pas liée au collège d’une façon
banale. Était-elle l’épouse d’un personnage important de cette collectivité ? D’un patron
peut-être ? Était-elle une bienfaitrice ? Dans la mesure où les merita renvoient souvent à
une libéralité ou à une intervention protectrice, il semble raisonnable d’estimer que
l’hommage funéraire rendu à cette femme traduirait des relations dissymétriques entre
elle et les membres de l’association, comme à Pompéi entre Eumachia et les foulons. Mais
une fois de plus ce n’est pas par un document concernant un membre de la plèbe du
collège professionnel que l’existence de celui-ci nous est donnée. Nous verrons plus loin
qu’il en va de même pour la troisième inscription de la cité de Nîmes que nous avons
mentionnée, celle des fabri et des utriclarii Lattarenses.
12 On peut dès lors rapprocher de ces textes d’autres inscriptions provenant de diverses
cités de la Gaule narbonnaise. C’est le cas à Vaison, où émergent dans un contexte
identique un groupe d’opifices lapidari que les auteurs de l’index du CIL XII rejetaient dans
la catégorie des artes et officia privata. Même si le terme de collegium n’apparaît pas dans
l’inscription, leur action ob sepulturam du défunt rappelle l’intervention collective des
membres d’un collège pour accorder à un de leurs collègues les funérailles auxquelles il a
droit30. Il est difficile de ne pas rapprocher l’expression ob sepulturam de l’expression ex
funeraticio, employée plus régulièrement : c’est pourquoi J.-P. Waltzing retient fort
justement ce texte dans sa liste des associations professionnelles. À tout le moins, s’il
s’agit d’un regroupement occasionnel, réalisé lors d’un chantier de construction
relativement durable, les tailleurs de pierre agissent à l’image des associations
professionnelles que l’on est en train de considérer. C’est aussi le cas en Arles, où sur un
454
sarcophage on découvre la mention des lapidari Almanticenses 31. Enfin, dans la cité d’Alba,
apparaissent dans les mêmes conditions, puisqu’il s’agit toujours d’épigraphie funéraire,
les cupari Vocronenses 32. Ces trois inscriptions nont pas eu l’avantage d’être considérées
par les auteurs de l’index du CIL XII comme faisant allusion à des collegia. À l’inverse, les
centonarii de Tresques, dont le rayonnement ne paraît pas plus important, ont droit à une
place parmi les collèges de la province (index, section XII, p. 942). Cette distinction
semble résulter de l’application, par ceux qui ont réalisé l’index du CIL, de deux principes
complémentaires : le postulat que les centonarii étaient partout organisés sur le même
modèle juridique, les faisant entrer dans la catégorie des tria collegia principalia, dont la
place était reconnue dans la vie municipale ; le postulat que l’absence du terme collegium
dans ces inscriptions relatives à des gens de métiers établissait une distance par rapport
au système d’organisation des collèges.
13 À notre avis, à la lumière des observations déjà anciennes de Waltzing, cette
différenciation n’est pas pertinente. Les centonarii de Tresques, comme les opifices lapidari
de Vaison, ou d’autres, sont des collèges funéraires, comme l’envisageait sans hésitation
J.-P. Waltzing33. Leur constitution vise à offrir des sépultures décentes à leurs membres, et
un peu plus à leurs personnages les plus importants. Ils agissent ex funeraticio,
conformément aux dispositions officielles sur les collèges funéraires34. C’est pourquoi,
dans un certain nombre d’autres cas que nous venons d’envisager, lorsqu’est mentionné
le funeraticium, le nominatif pluriel par lequel se désigne le groupe qui agit pour donner
au défunt une sépulture suffit à indiquer l’existence d’un collège funéraire organisé sur
un fondement professionnel. En reprenant une expression heureuse de J.-J. Hatt, on les
considérera comme des « amicales funéraires35 ». Allons plus loin encore, à propos d’une
inscription de Nîmes36. Que faut-il penser du mot lintearii ? S’agit-il d’un génitif
singulier ? Il s’agirait alors du métier du défunt, comme l’envisageaient Hirschfeld puis
les auteurs de l’Histoire générale de Languedoc. Mais n’est-il pas plus séduisant de voir que
ce mot, au nominatif pluriel maintenant, mentionnerait les responsables de l’épitaphe de
l’un des leurs ? Dans ce cas, il s’agirait d’un autre groupement professionnel local, établi
dans ce chef-lieu : mutatis mutandis il faudrait conduire l’interprétation de la même
manière que pour les centonarii de Tresques. Avec cet exemple nous nous trouvons peut-
être aux limites des modalités d’expression par l’épigraphie du fait associatif.
14 À partir du moment où elles existaient, ces associations professionnelles pouvaient
participer à la vie collective, jouant un rôle important dans les agglomérations
secondaires et dans les villages, à la campagne37. À ce niveau au moins, leur rôle ne doit
pas être négligé. On évoquera plus particulièrement la place qu’elles pouvaient prendre
dans les agglomérations secondaires, car dans certains cas l’expression que revêt la
dénomination dans la documentation est proche des formes les plus officielles, celles qui
prévalaient dans les chefs-lieux des cités. L’hommage rendu à Caligula (Caius Caesar
Augustus Germanicus) par les ratiarii Voludnienses, sur l’Isère, le laisse entrevoir 38. Sans
que l’on puisse affirmer que, dans de grandes cités comme Vienne, où plusieurs districts
sont connus sous l’appellation commune de pagus, ces associations locales viennent
constamment les concurrencer, l’inscription indique que ces groupements manifestaient
une réelle activité à l’intérieur de ces cadres territoriaux et qu’ils pouvaient, à l’occasion,
s’exprimer de la même manière que les communautés instituées. Dans cette perspective,
où il s’agit de loyalisme politique, on comparera avec l’hommage adressé au même
empereur Caligula, en 37 ap. J.-C., par le pagus Matavonicus qui se trouvait dans l’arrière-
pays de Fréjus39.
455
15 Il en va de même quand les hommages concernent des notables par l’octroi de statues.
C’est ce que montrerait un exemple provenant de Genève, agglomération secondaire de la
cité de Vienne, car il ne semble pas qu’il s’agirait, comme à Beaucaire, d’un autel
funéraire. En ce lieu c’est un hommage rendu par les nautae lacus Lemanni à un
quattuorvir, magistrat viennois40. Mais ce type de document est très rare, et il convient de
ne pas oublier que l’agglomération de Genève avait une physionomie urbaine très
marquée.
16 Un autre contexte est un peu plus régulièrement attesté dans la documentation, celui de
la dévotion ou de l’hommage religieux. Il permet de mettre en évidence ces associations.
En effet elles devaient se trouver sous un patronage divin, le génie du collège pouvant
être aisément une divinité locale. En Gaule méridionale nous n’avons pas de témoignage
direct, montrant ces groupements en position d’auteur de l’hommage religieux. Mais
plusieurs documents présentent le fait sur un mode indirect en mettant en évidence un
intermédiaire qui alors accomplit vraisemblablement un acte d’évergétisme. À Vaison,
une colonnette brisée peut contenir un hommage adressé au dieu Silvain dans l’intérêt
des utriculaires de la ville41. C’est le même formulaire qui apparaît dans une inscription
de Lattes découverte voici quelques décennies42. On commentera ainsi : le sévir Titus
Eppillius Astrapton a donné aux fabri et aux utricularii de Lattes, pour les récompenser
d’avantages acquis de leur part, l(es) objet(s) offert(s) au dieu Mars, sans aucun doute l’un
des dieux les plus importants de l’agglomération et en même temps, pour cette raison, le
dieu protecteur de ces deux groupements professionnels. Sans que les deux associations
soient unifiées – elles étaient simplement rapprochées topographiquement par leur
localisation dans cette agglomération –, elles avaient la protection du même dieu, un
Mars d’origine indigène. Le sévir Titus Eppillius Astrapton les a associées dans l’hommage
rendu à leur intention à ce protecteur commun, dieu local. Peut-être d’ailleurs a-t-il
simplement facilité l’exécution du voeu de ces deux groupes, et l’a-t-il rendu plus évident
en se chargeant de son exécution43. Cette réinterprétation de l’inscription de Lattes
pourrait être éclairée par un troisième document à ajouter à cette petite série, provenant
encore de Genève44. Le terme d’amicus que l’on y trouve cache, comme il arrive souvent,
une relation dissymétrique. Mais l’hommage et le don de l’individu s’effectuent pour
récompenser l’association professionnelle, comme à Lattes. Ici, apparemment, le
ressortissant de la cité des Helvètes a offert à Silvain un hommage qu’il avait promis, mais
il avait formulé son voeu dans l’intention d’attirer sur les ratiarii les bienfaits de la
divinité : c’est pour cette raison que nous connaissons cette association de bateliers.
17 Ainsi l’un des mérites de la documentation que nous venons d’inventorier et de parcourir,
faisant connaître ces associations identifiées par l’exercice d’une activité productive ou
d’un métier, est d’ouvrir des perspectives sur des activités artisanales plutôt modestes.
Ces dernières auraient été vraisemblablement occultées et ignorées si cette possibilité
d’organisation n’avait pas existé : ce constat s’impose même si nous pouvons estimer que
par les témoignages disponibles nous n’atteindrions que les élites de ces groupements. On
peut même envisager qu’une grande partie de ces associations, établies dans le territoire
des cités, soit en milieu rural soit dans des agglomérations secondaires, nous échapperait.
Néanmoins les quelques documents disponibles viennent confirmer que le phénomène
associatif devait être plus important que nous ne le pensons habituellement. C’est
pourquoi, du moins en Gaule méridionale et dans la vallée du Rhône, il ne faut pas
opposer trop fortement le milieu urbain et le milieu rural pour ce qui est de sa diffusion 45.
456
18 Toutefois c’est à la ville, dans les chefs-lieux des cités, que l’on trouve les plus nombreux
témoignages sur de telles associations, identifiées par un métier. On a déjà vu, à ce
propos, un certain nombre de documents, qui concernaient Arles, ou bien Vaison. Mais la
ville était aussi le lieu d’institution d’associations professionnelles qui concouraient au
fonctionnement de la vie municipale46. Cette institution passait par l’autorisation
officielle qui était d’elle-même dispensatrice d’honorabilité.
19 On peut appréhender ce phénomène de diverses manières. D’abord par les liens de
patronage que ces collèges ou corporations établissent, en général, dans le milieu local.
Dans la mesure où ces organismes, identifiés par leur qualité professionnelle, exécutent
des missions d’intérêt public, il peut devenir flatteur de nouer avec eux des liens de
patronage. C’est ce qui apparaît à Arles, où un sévir augustal affiche aussi l’exercice du
patronage de trois collèges ou corporations locaux, les fabri navales, les utricularii et les
centonarii47. Une autre inscription provenant de cette ville indique qu’un sévir augustal à
Aix, naviculaire marin d’Arles, est aussi patron des nautes de la Durance et des
utriculaires d’Ernaginum48. À Narbonne aussi, le dossier relatif à Sex(tus) Fadius Secundus
Musa montre très bien la capacité qu’ont ses clients à se faire entendre des autorités de la
cité afin d’établir en un lieu public, concédé à leur demande (l(ocus) d(atus) d(ecreto) d
(ecurionum)), la statue de leur patron ; celle-ci devient ensuite le support de la lettre et de
l’extrait du procès-verbal de réunion qui relatent ses bienfaits49.
20 Ce sont ces associations à caractère professionnel qui, au coeur des cités, pouvaient le
mieux mimer dans leur fonctionnement habituel les usages de la vie municipale50. Seuls
les sévirs nous ont régulièrement fourni plusieurs mentions de leurs décrets, destinés à
établir des statues à leurs bienfaiteurs, soit dans leurs locaux soit dans des lieux publics.
Mais si, en Narbonnaise, le cas des fabri subaediani de Narbonne est pour l’instant unique,
il peut montrer que dans les chefs-lieux des cités les associations à caractère
professionnel reprenaient aussi ces usages civiques51, et que l’on pourrait espérer en
retrouver ailleurs des exemples comparables.
21 Ce sont aussi ces associations qui recevaient des fondations52. Elles disposaient ainsi d’une
caisse comparable à celle de la cité. Elles remplissaient alors un rôle funéraire spécifique
pour leurs membres bienfaiteurs, mais sur des modes différents de ceux que permettait le
simple funeraticium.
22 Sans aucun doute, elles disposaient de bien plus de moyens que les associations de la
campagne ou des agglomérations secondaires. Il existe incontestablement des différences
entre chef-lieu et territoire, ne serait-ce que par les possibilités d’accéder, même
marginalement, à la vie publique et à ses manifestations. Mais aussi dans les chefs-lieux
de cités apparaissent des différenciations entre les collèges funéraires les plus communs,
qu’ils aient une identité professionnelle ou pas, et ceux qui pouvaient se placer au niveau
le plus relevé et qui étaient investis de responsabilités dans le fonctionnement de la vie
locale. Ce sont ces collegia ou ces corpora qui tenaient le haut du pavé ; ils disposaient par
la qualité de leurs membres de plus de moyens et ils pouvaient mieux s’exprimer à
travers la documentation épigraphique. Ils offrent l’image la plus élaborée de la forme
associative, et ils marquent fortement la relation entre association et artisanat.
23 Il est vrai aussi que le contexte urbain suscite mieux qu’ailleurs le développement du fait
épigraphique. C’est pourquoi ce sont les chefs-lieux de cités qui nous apportent les
renseignements les plus riches sur les structures de ces associations définies par un
critère professionnel. Néanmoins c’est toujours une élite qui est connue. À Nîmes
457
NOTES
1. Siebert 1978.
458
de l’association des drapiers nîmois » ; voir aussi Burnand 1974, p. 67. Cela semble une
interprétation un peu trop valorisante de ce métier.
21. Texte à la note 24 ci-dessous.
22. Texte à la note 42 ci-dessous. Voir aussi les observations des notes 42-43 ci-dessous.
23. Textes respectivement aux notes 38, 40, 31 ci-dessous ; voir aussi Pavis d’Escurac 1990, p. 109.
24. CIL XII, 2754 = HGL XV, 378 et add. ; Waltzing 1895-1900, III, p. 541. Révision dans Christol 1999
k, p. 129-130 (avec fig. 8) [d’où AE 1999, 1032] : D(is) M(anibus T(ito) Craxxio Severino collegium
centonario<rio>rum m(agistro) s(uo) colleg(a)eq(ue) p(osuit) ex fun[eraticio].
25. Waltzing 1895-1900, I, p. 385-406 ; Pavis d’Escurac 1990, p. 115-116.
26. Définition du terme dans le Dictionnaire de Gaffiot, d'après CIL VI, 10234 ; Waltzing 1895-1900,
I, p. 268-269, p. 272-273.
27. Voir par exemple CIL III, I 1042 :... expecunia [quam vi]vos dederat Q(uintus) Ulp(ius) F[ave]nt
(inus)... itemque ad sepulc[hrum] a solo inpendio [eius faciendum ?]... : Waltzing 1895-1900, III, p. 108.
Sur les finances (stips menstrua, summa honoraria) : Waltzing 1895-1900, I, p. 450-454.
28. CIL XII, 2824 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 541 ; Christol 1987 a, p. 28 ; D(is) M(anibus) Mocciae C
(ai) f(iliae) Silvinae centonari Vcernenses ob merita.
29. Les exemples foisonnent : CIL V, 4388 à Brixia pour une patronne (Waltzing 1895-1900, III,
p. 141) ; CIL III, 2026 et 2087 à Salone pour des patrons (Waltzing 1895-1900, III, p. 97) ; etc.
30. CIL XII, 1384 : D(ecimo) Sallustio Accepta opifices lapidari ob sepulturam eius ; Waltzing 1895-1900
III p. 534.
31. CIL XII, 732 : D(is) M(anibus) Sex(ti) Iul(ii) Valentini, lapidari Almanticenses ex funere eius et Pomp
(eiae) Gratinae co(n)iugi incomparabili posuer(unt) ; Waltzing 1895-1900, III, p. 530. On trouve la
référence dans l’index des artes et officia privata du CIL XII.
32. CIL XII, 2669 : D(is) M(anibus) Maxximi (sic) cupari Vocronenses ; Waltzing 1895-1900, III, p. 541.
Cette référence a été aussi placée dans l’index des artes et officia privata du CIL XII.
33. Sur ce rôle funéraire de nombreuses associations d’artisans, Waltzing 1895-1900, I, p. 265-300.
Ce point de vue est admis par Hatt 1951, p. 77-84.
34. CIL XII, 4158 : D(is) M(anibus) M(arci) Quieti Severini Marcia Secundina mater de funeraticio
faciendum curavit (on ignore la nature du groupement qui agit) ; en revanche dans CIL XII, 736, le
groupement est professionnel : D(is) M(anibus) Pompei Lucidi, [f]abri tignuari cor[p]orati Arelat(enses)
e funeraticio eius ; Waltzing 1895-1900, I, p. 274.
35. Hatt 1951, p. 83.
36. CIL XII, 3340 : Manibus Reburri Virilis f(ilii) linteari. Hirschfeld considère qu’il s’agit du métier du
défunt et non du regroupement des artisans exerçant ce métier. La même interprétation apparaît
dans HGL XV, 558, qui le définit comme marchand de toiles (de lin)
37. C’est à ce niveau, le plus élémentaire dans la vie des communautés, que des formes
d’association, moins marquées par une activité professionnelle, apparaissent. On citera dans le
territoire de la cité de Nîmes le cas des vicini Arandunici à Calvisson (CIL XII, 4155). Hatt 1951,
p. 81, les décrit comme association locale de propriétaires ou de villageois. Voir aussi, sur la
diffusion des associations hors du chef-lieu de cité, Pavis d’Escurac 1990, p. 113 avec n. 48.
38. CIL XII, 2331 : C(aio) Caesare Aug(usto) [[Germanico]], imp(eratore), pont(ifice) max(imo), trib(unicia)
potest(ate), co(n)s(ule), ratiarii Voludnienses. Même si le début de l’inscription est à l’ablatif, avec une
valeur temporelle, on peut se demander si l’inscription n’accompagnait pas une statue impériale.
Autre possibilité : une construction, datée en référence à l’empereur. L’association est considérée
comme un collège dans le CIL XII ; voir aussi Waltzing 1895-1900, III, p. 539.
39. CIL XII, 342 et p. 810 ; ILN Fréjus, 164.
40. AE 1926, 2 = Maier 1983, p. 108-109, n o 81 : Q(uinto) Decio Alpino (quattuor)viro, nautae lacus
Lemanni.
41. Sautel 1926-1942, II, p. 86, n o 147 et pl. XXI, no 4 : Sil[vano]/ base[m] / utriclaris / Vas(iensium)
Voc(ontiorum) / donum d(at).
460
42. AE 1965, 164 = AE 1966, 247 ; Demougeot 1966. Nous proposons de développer le texte de la
façon suivante, qui diffère quelque peu de celle adoptée par E. Demougeot : Deo Marti Aug(usto) et
Gen(io) col(legiorum) (se)vir Aug(ustalis) T(itus) Eppil(lius) Astrapton fabr(is) et utric(ularis) Lattar
(ensibus) [ob] mer(ita) eor(um) [voir à ce propos chapitre 22].
43. Le sévir se comporte en évergète ; il prend donc une place prépondérante dans le texte de
l’inscription. On peut par conséquent s’interroger : sans évergétisme l’acte de ces artisans et de
ces bateliers n’aurait-il pas été réduit au strict minimum ? Son souvenir aurait-il été gravé sur
pierre ?
44. CIL XII, 2597 = Maier 1983, p. 66-67, n o 43 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 540 : Deo Silvano pro salu
[t]e ratiarior(um) Superior(um) amicor(um) suor(um) pos(u)it L(ucius) Sanct(ius ou -inius) Marcus, civis
Helvetius, v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito) [----]dd.
45. Suivant une distinction posée par Pavis d’Escurac 1967, p. 59. Il est vrai que cet auteur
s’intéresse surtout aux provinces africaines.
46. Ce sont les collegia (tria) quib(us) ex s(enatus) c(onsulto) c(oire) p(ermissum) est de CIL V, 7881, à
Cimiez ; Waltzing 1895-1900, III, p. 165. L’inscription CIL II, 1167 indique l’intervention
bienveillante du prince (indulgentia) : Waltzing 1895-1900, III, p. 5.
47. CIL XII, 700 : D(is) M(anibus) G(ai) Paqui Optati lib(erti) Pardalae, (se)viri Aug(ustalis) col(onia) Iul(ia)
Pat(erna) Ar(elate), patron(i) eiusdem corpor(is) item patron(i) fabror(um) naval(ium) utriclar(iorum) et
centonar(iorum), C(aius) Paquius Epigonus cum liberis suis patrono optime merito ; Waltzing 1895-1900,
III, p. 528 ; Rougé 1966, p. 306-307.
48. CIL XII, 982 : [D(is)] M(anibus) M(arci) Frontoni Eupori (se)vir(i) Aug(ustalis) col(onia) Iulia Aug(usta)
Aquis Sextis, navicular(i) mar(ini) Arel(atensis), curat(oris) eiusd(em) corp(oris), patrono nautar(um)
Druenticorum et utriclarior(um) corp(oratorum) Ernaginensium, Iulia Nice uxor coniugi carissimo ;
Waltzing 1895-1900, p. 251-252 ; Christol 1971 a.
49. CIL XII, 4393 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 549-550, et I, p. 434-437 ; Gayraud 1981, p. 265-266,
p. 341-343, p. 367-368, p. 492-496.
50. Waltzing 1895-1900, I, p. 425-431 ; Pavis d’Escurac 1990, p. 114-115, p. 120.
51. Voir n. 49 supra : [Huius liber]alitatis in perpetuum conservandae et celebr[andae] gratia fabri
subaediani Narbonenses [exemplum cu]m tabula aerea conlatum ante aedem loco [celeberr]imo ponendum
censuerunt.
52. CIL XII, 731 (Arles) ; Waltzing 1895-1900, I, p. 456-462 ; Magioncalda 1992.
53. CIL XII, 3351 :L(ucius) Valerius Secundinus, m(agister) bis colleg(ii) utriclarior(um) Nemausensium
vivus sibi pos(uit) ; Waltzing 1895-1900, III, p. 546.
54. CIL XII, 526 = ILN Aix-en-Provence, 37 (autel funéraire) : D(is) M(anibus) C(ai) Valgi Victorini (se)v
(i)r(i) Aug(ustalis) item ex numero coll(egii) centon(ariorum) Iulia Marcina co(n)iugi piissimo ; Waltzing
1895-1900, III, p. 523. Une formule voisine dans CIL V, 3387 à Vérone : ex numero colleg(ii) fabrum ;
Waltzing 1895-1900, III, p. 134.
55. CIL XII, 523 et add. = ILN Aix-en-Provence, 36 ; Waltzing 1895-1900, III, p. 134.
56. CIL XII, 4406, 4398 ; Gayraud 1981, p. 326, p. 481, p. 534.
57. Ce que confirme par une autre approche Pavis d’Escurac 1967. Même point de vue chez Hatt
1951, p. 83.
58. Point de vue bien argumenté par Pavis d’Escurac 1990, p. 110, p. 116, p. 117, p. 120.
461
NOTES DE FIN
*. Article inédit.
462
Introduction
NOTE DE L’ÉDITEUR
Cette étude, qui résulte d'un échange d'informations avec R. Plana-Mallart, à présent
professeur d'archéologie à l'université Montpellier III, et qui fut écrite en étroite
collaboration avec elle, a reçu une version en langue catalane dans la revue Faventia, 19,
1997. Le dossier s'est développé, notamment quand il s'enrichit des compléments
d'épigraphie tégulaire, transmis par G. Fédière [Christol 1999 e, Christol 2000 d, ici
chapitre 25]. Les remarques faites par J. Gascou dans AE 1998, 932 et AE 1999, 1036,
conduisent à conforter une chronologie haute pour la carrière municipale du fils de
Veiento et donc pour le floruit des affaires de ce dernier : voir la note additionnelle au
chapitre 21. Dans la récente publication de la carte archéologique de la ville de Narbonne,
une nouvelle inscription, vraisemblablement relative à P(ublius) Usulenus Veientonis f(ilius)
[—], a été signalée. Mais elle est mutilée. Voir Dellong 2002, p. 445 avec fig. 564.
Fig. 25. De part et d’autre des Pyrénées : Narbonne et Llafranc (carte R. Plana-Mallart)
7 Les résultats des fouilles réalisées en 1988 et 1989 à l’intérieur de la zone dont l’activité
était la plus récente, dans un secteur occupé par trois fours, un dépotoir et une aire de
stockage, apportent toutefois un certain nombre de données sur la fabrication des
amphores Pascual 1. /277/ Le pourcentage de ce type amphorique est ici réduit, face à
une très forte quantité d’amphores Dressel 2/4, mais la présence des deux formes dans les
niveaux les plus anciens qui y apparaissent, atteste que les deux conteneurs ont été
utilisés conjointement. Le remplacement des conteneurs vinaires ne s’est donc pas fait
d’un seul coup. Les deux types ont coexisté pendant quelques décennies.
8 Le début de l’activité de ce secteur doit être placé dans les premières décennies de n. è., et
même un peu plus tard, bien que la production de ces amphores connaisse déjà à ce
moment une forte concurrence de la part du type Dressel 2/4.
9 Au Sud de l’espace occupé par l’atelier céramique, deux fouilles, réalisées en 1987 et 1991 9
, ont mis au jour des structures du Ier s. de n. è. qui ont une fonction de production ou de
stockage. La présence importante de dolia suggère que ce secteur a pu être utilisé pour
stocker les produits agricoles (le vin ?). Là, les structures les plus anciennes ont été datées
du premier tiers du I er s. de n. è., plus précisément vers l’année 20 10. Dans le premier
niveau d’occupation les amphores Pascual 1 sont nombreuses, ce qui atteste à nouveau
que ce type amphorique a encore été produit dans les premières décennies du I er s. de n.
è., sinon pendant toute la première moitié de ce siècle.
10 De fait il importe toujours de savoir à quel moment a commencé sur le site de Llafranc la
fabrication des amphores Pascual 1, et donc quand se plaça le début du fonctionnement
de l’atelier de potiers. Le manque de fouilles dans le principal secteur de production ayant
fabriqué ce type amphorique – celui qui est le plus proche du rivage –, empêche de
répondre avec précision à la question, mais il ne paraît pas hasardeux de penser, à partir
de ce que nous savons du développement du secteur plus tardif qui a été bien fouillé, que
469
la fabrication du modèle a pu commencer, au plus tôt, dans les deux dernières décennies
du I er s. av. n. è. On peut ainsi proposer pour l’ensemble de la production des Pascual 1
une fourchette chronologique de 40 ou 50 ans, probablement davantage, étant donné le
flou qui pèse actuellement sur les débuts et la fin de l’activité de l’atelier.
11 L’amphore Pascual 1 a commencé à être fabriquée en Tarraconaise vers les années 40-30
av. n. è., peut-être même un peu avant, /278/ comme le montre l’exemple de Baetulo11. Ce
conteneur vinaire a connu dès ce moment une forte commercialisation en Gaule, d’abord
dans l’axe Aude-Garonne et dans la vallée du Rhône pour se répandre un peu plus tard
dans l’ensemble de la Gaule12. Le rôle commercial des amphores Pascual 1 se substitue à
celui des Dressel 1, ce qui indique l’ampleur de leur circulation. Cette amphore catalane
est la plus répandue en Gaule à l’époque augustéenne, avant le développement de
l’économie viticole gauloise13.
12 C’est donc dans le contexte de la commercialisation du vin catalan dans les Gaules qu’il
faut placer le démarrage de Llafranc et l’implantation d’un atelier qui a produit
principalement des amphores vinaires, sans qu’il soit actuellement possible d’établir
l’ampleur de la production, puisque les fouilles n’ont pas concerné la totalité de l’atelier.
À titre indicatif, les exemplaires recensés montrent cependant une nette majorité
d’amphores Dressel 2/4 face au type Pascual 1 ; ce qui peut être lié au fait que le trafic
précoce des Pascual 1 restait encore « à petite échelle », en comparaison avec la grande
diffusion des Dressel 2/4 de Tarraconaise. Les épaves à amphores Pascual 1 correspondent
en effet à de petits bateaux à faible tonnage, ce qui contraste avec le trafic postérieur des
Dressel 2/414.
13 Autre donnée qui ressort de la documentation archéologique : l’atelier de potiers de
Llafranc a été, dès le début, indépendant des centres de production agricole. Il est né
comme complexe artisanal autonome. La tendance à lier systématiquement les ateliers
aux domaines ruraux est très répandue en Catalogne, mais on observe souvent une
séparation nette entre la production agricole et la production artisanale, comme à
Llafranc. Le caractère du lieu où l’atelier s’ins-/279/-talle, puis la diversification de la
production de l’atelier, répondent à une demande variée.
14 La méconnaissance des sites archéologiques de l’arrière-pays ne permet pas, pour le
moment, d’aborder les effets de l’extension de la vigne dans les campagnes, ni la
transformation des structures agraires. Il serait pourtant indispensable, pour mieux
comprendre la circulation des amphores vinaires, de pouvoir évaluer la production de vin
dans cette partie du Nord-Est catalan. Une meilleure connaissance des unités
d’exploitation agricole permettrait également de mieux cerner le lien entre la production
agricole et sa commercialisation. Dans l’arrière-pays de Llafranc15, les sites repérés en
surface, avec une occupation qui va du Ier s. av. n. è. au I er s. ap. n. è., semblent plutôt
correspondre à de petites unités agricoles, qui ont dû assurer la production viticole. Cette
constatation n’a rien d’étonnant, puisque l’on sait que très souvent la petite propriété est
associée au développement de la viticulture16. Ce qui pose le problème de la
commercialisation de leur production.
15 Un certain nombre d’amphores du type Pascual 117 portent la marque VSVL • VEIENT. Elle
apparaît en relief dans un cartouche imposé en creux sur la lèvre de l’amphore, mais les
bords latéraux n’ont pu être imprimés, en sorte que l’on peut supposer que le prénom P,
qui apparaît sur une tuile, qui sera présentée plus bas, devait se trouver aussi sur le
poinçon. Cette marque a été également découverte sur des tegulae produites dans le même
470
atelier18 : on peut lire très nettement sur ces dernières la dénomination complète du
personnage P • VSVL • VEIENT. Du point de vue graphique la ressemblance entre les deux
marques est évidente.
16 Le nombre d’amphores marquées est pourtant très faible en comparaison du volume total
d’amphores recensées. Cet aspect n’est pas exclusif de Llafranc, puisqu’il caractérise la
plupart des ateliers connus. La signification de cette pratique n’est guère expliquée, peut-
être le marquage d’un petit nombre de conteneurs était-il suffisant pour l’identification
d’un gros lot d’amphores ? Ceci paraît l’interprétation la plus vraisemblable. /280/
17 La signification des estampilles sur amphores a été très largement débattue. Cependant il
existe actuellement un certain consensus pour considérer que l’estampille est en relation
directe avec le processus de fabrication du produit d’emballage, ce qui nous rapproche du
fabricant ou du propriétaire de l’officine19. Cette hypothèse ne doit pas /281/ pour autant
négliger la possibilité que dans certains cas l’estampille fasse référence au commerçant et
rien alors n’interdit d’estimer que le personnage ainsi mentionné ait pu occuper une
place importante dans le développement de l’artisanat, puisqu’il fallait assurer avant tout
l’emballage des marchandises, ici du vin. Ne faut-il donc pas supposer que la production
d’amphores est en réalité davantage liée au commerce qu’à l’exploitation agricole ?
18 À Llafranc, la présence de la même marque sur des amphores Pascual I et sur des tegulae
suggère que le personnage mentionné, P(ublius) Usulenus Veiento, puisqu’on peut le
dénommer de la sorte, était le propriétaire de l’atelier céramique. À tout le moins, il
jouait un rôle très important pour orienter son activité. Mais on doit supposer aussi que
son rôle ne se limitait pas à ceci, puisqu’il était probablement l’un des commerçants,
sinon le seul à l’époque de fabrication des amphores Pascual 1, à participer à la
commercialisation en Gaule du vin de cette région de l’Ampurdan. En revanche, aucun
indice ne permet d’envisager que le personnage ait possédé des terres dans les environs
de Llafranc. /282/
19 Dans un dépotoir utilisé pendant les deux premiers siècles de n. è. ont été trouvées
d’autres marques sur tegulae : PRI, MVL, SEC et QVIETI20. Ces produits ont aussi pu être
fabriqués à Llafranc, bien que la plupart des timbres ne soient connus qu’en un seul
exemplaire. Mais, étant donnée la chronologie du dépotoir, ces productions sont
vraisemblablement beaucoup plus tardives que celles de Publius Usulenus Veiento. Cette
marque n’a d’ailleurs pas été constatée dans ce secteur. Il faut noter que, à l’exception des
amphores Pascual 1 à marque VSVL • VEIENT, il n’y a pas à Llafranc d’autres amphores
timbrées, qu’il s’agisse de Dressel 2/4 ou de Dressel 30. Ce fait peut dériver autant d’un
changement dans les usages de fabrication que d’une nouvelle forme de fonctionnement
de l’atelier de potiers.
20 L’intérêt de la découverte de cette marque amphorique est de rattacher à un dossier
épigraphique dense cette production archéologique et de faire de P(ublius) Usulenus
Veiento tout autre chose qu’un inconnu. En effet un des noms de famille les plus originaux
de Narbonne est le gentilice Usulenus. Il est peut-être moins bien connu que ceux des
grands naviculaires du IIe siècle ap. J.-C., mentionnés sur les amphores du Testaccio, mais
il est important car il fait entrer dans le cercle des grandes familles locales de l’époque
augustéenne. C’est un gentilice d’origine italienne, peu attesté, ce qui a pu faire douter
parfois de cette provenance21. Mais en dépit d’une grande rareté hors de Narbonne22, il est
évident que c’est vers l’Italie qu’il faut se tourner pour en rechercher le foyer initial de la
diffusion. En effet les gentilices en -enus (Titisenus, Histumenus, etc.), en -ulenus ou en -
471
28 2) CIL XII, 5263 (non revu par Hirschfeld ; d’après une copie d’Allmer) ; HGL XV, 933 (copie
d’Allmer). Sur un bloc qui se trouvait dans la muraille de la ville. Il se trouvait ensuite au
musée Lamourguier quand il fut copié par Allmer. Nous n’avons pu le retrouver, mais
nous disposons d’une photographie, provenant des archives du Centre Camille-Jullian
(cliché CNRS, A. Chéné). La première édition du texte fut fournie par un érudit
narbonnais, Berthomieu, /285/ qui avait rédigé un article intitulé « Notice sur le Musée
lapidaire de Lamourguié et sur son développement pendant l’année 1875 », paru dans le
Bulletin de la Commission archéologique de Narbonne, 1, 1876-1877, p. 584. Nous reproduisons
d’abord le texte reproduit par Hirschfeld (et qui concorde pour l’essentiel avec celui
qu’ont apporté les auteurs de HGL).
P(ublio) Usuleno
P(ubli) l(iberto) Celado
Primae libert(ae)
[i]n a(gro) p(edes)XV
et
Primae mat[ri]
[---]RI[-]A
[---
29 Par rapport à l’édition de Hirschfeld, il n’existait qu’une variante dans HGL : à la ligne 3 le
mot LIBERT était inscrit de façon incomplète, et suivi d’un point de séparation, mais nous
verrons plus bas ce qu’il faut penser de ces lectures. Les dernières lignes sont très
effacées.
30 Les reproductions du texte que nous fournissent ces ouvrages suggèrent que l’inscription
se présenterait sous forme d’une épitaphe allongée en hauteur. Mais la photographie dont
on dispose permet de considérer toutefois ces deux éditions comme peu satisfaisantes. Il
est en effet difficile d’éliminer la lecture faite par Berthomieu à la ligne 3 ; Hirschfeld la
reléguait dans l’apparat critique, HGL l’ignorait tout simplement. Or cet érudit lisait à la
fin de cette ligne la lettre I. On peut vérifier la justesse de sa lecture d’après la photo et
l’on peut même sur celle-ci relever quelques traces de la lettre S, qui avait été gravée à la
suite. Nous retrouverions ainsi le mot LIBERTIS à la fin de la ligne 3. Il est également
curieux de ne retrouver, sur les éditions du CIL et de HGL, que la mention de la profondeur
de la concession funéraire, sans celle de la largeur de la façade. De plus le datif Primae, à la
fin de la ligne 3, ne peut revêtir un sens très clair dans le texte qui est établi dans CIL et
HGL.
31 On se demandera donc si ce qui subsiste, et qui fut publié comme une inscription
complète, tant à droite qu’à gauche, correspond vraiment au texte intégral de celle-ci.
N’aurait-on pas seulement la partie droite d’un texte très largement étalé sur la façade
d’un enclos funéraire ? Les observations que nous devons faire sur la lecture de la ligne 3
indiquent que celle-ci comportait la fin d’une énumération de personnes, dont le dernier
anthroponyme était une personne appelée /286/ Primae, et qu’après cette indication se
trouvait un mot au datif pluriel (libertis), précisant le statut des personnages cités
précédemment. On /287/ relèvera qu’une autre inscription de ce dossier des Usuleni,
malheureusement introuvable, fournit aussi une dimension de 15 pieds (ci-dessous no 3).
N’apporterait-elle pas le moyen de découvrir des compléments au texte que nous sommes
en train d’examiner ? Quoi qu’il en soit, on ne peut tenir pour totalement assurées les
éditions communes (CIL, HGL).
32 Nous retrouvons, comme précédemment, un milieu d’affranchis. Une fois de plus il faut
postuler l’existence d’un patron s’appelant P(ublius) Usulenus, comme dans le texte
473
précédent. Cette inscription nous place dans le même groupe familial. Si le raccordement
de blocs que nous suggérons pouvait être vérifié, ce serait encore plus évident.
33 3) CIL XII, 4542 (d’après une copie d’Allmer) et add. (Hirschfeld lui-même) ; HGL XV, 934
(d’après des copies de Barry et Lebègue, puis d’Allmer). Bloc qui se trouvait dans la
muraille de la ville. Il se trouvait ensuite au Musée Lamourguier. Nous n’avons pu le
retrouver, ni retrouver une photo dans les archives du centre Camille-Jullian.
---]
P(ubli) l(iberto) Acas[to]
et P(ublio) Usuleno
Isochryso.
In [-] p(edes) XV
34 Hirschfeld hésita d’abord, sur les lettres AGA copiées par Allmer, entre le surnom Acastus
et le surnom Agathemerus, puis il établit lui-même la lecture Acas[to], d’où l’index des
surnoms à la p. 886. Nous avons envisagé qu’il s’agisse d’un élément à raccorder à
l’inscription précédente. La seule hésitation à faire apparaître, d’après ce que l’on sait du
texte, concerne la ligne correspondant aux dimensions de la concession funéraire : elle
semble gravée en caractères plus gros que ceux des premières lignes de l’inscription. Quoi
qu’il en soit, les caractéristiques d’ensemble de la gravure montrent des concordances (T
surplombant la ligne par exemple).
35 De toute façon, une fois de plus nous sommes dans un milieu d’affranchis. Le premier
personnage doit très vraisemblablement s’appeler P(ublius) Usulenus P(ubli) l(ibertus) Acas
[tus]. Hirschfeld qui, dans l’addendum, propose un rapprochement avec P(ublius) Usulenus
Acastus de CIL XII, 5265 (ci-dessus n o 1), maintient cependant une séparation entre les
deux personnes dans l’index des gentilices (p. 885) /288/ et dans celui des surnoms
(p. 886), peut-être parce que l’une des dénominations comporte la mention du patron et
l’autre non. L’autre personne citée s’appelle (ou doit s’appeler, s’il faut raccorder les deux
blocs comme cela a été envisagé) P(ublius) Usulenus Isochrysus, et l’on peut aussi le tenir
pour un affranchi. Le surnom d’origine grecque permettrait à Rome d’avancer une telle
hypothèse29, et s’il est difficile de se prononcer à partir de la documentation provenant de
la Narbonnaise, on remarquera toutefois qu’à Nîmes un sévir augustal porte ce surnom30.
36 4) CIL XII, 4479 (d’après une copie d’Allmer) et add. (revue) ; HGL XV, 184 (copies d’Allmer
et de Lebègue). Cippe de forme quadrangulaire, décoré d’une rosace, qui devait faire
partie d’un enclos funéraire. Déposé au Musée Lamourguier. Revu. Photographie au
centre Camille-Jullian (CNRS, Ph. Foliot).
Vivit
P(ublius) Usulenus Hila[rae]
l(ibertus) Anoptes, gypsa[rius]
(obitus) et Communi fil[io]
v(ivae) Usulenae P(ubli) l[ib(ertae)]
Hilarae uxso[ri]
In fr(onte) p(edes) XII
37 L’inscription, comme celle que nous avons examinée ci-dessus, était gravée sur ce cippe
qui, comme les merlons d’une muraille, devait avec d’autres rythmer la façade de l’enclos,
et sur les blocs voisins qui se raccordaient à lui. Ce fait est bien visible à gauche, où la
première lettre des lignes 2, 4 et 5, ne se trouve qu’en partie sur ce bloc en forme de
pilier. Il en était de même sur le bord droit, où les terminaisons de lignes devaient être un
peu plus importantes (deux à trois lettres en général).
474
38 Encore une fois nous restons dans le cercle des affranchis de cette gens. On peut penser
que P(ublius) Usulenus Anoptes est l’époux et l’affranchi de Hilara. C’est pourquoi nous
restituerons le surnom féminin Hilara /289//290/à la ligne 2 à la place de Hilarus, que
préfèrent tant Hirschfeld que les auteurs de HGL. Ce type d’union est courant dans le
monde des affranchis. Mais une fois de plus nous devons, à travers la dénomination de la
femme, supposer l’existence d’un patron s’appelant P(ublius) Usulenus.
39 Tous ces personnages sont dénommés d’une façon concordante, qui renvoie à un maître
unique P(ublius) Usulenus, soit de façon directe en étant ses affranchis, soit de façon
indirecte en étant les affranchis de ses affranchis. Ensemble ils représentent les diverses
ramifications d’un groupe familial, ordonné en plusieurs strates. On peut les placer à une
haute époque, car certains éléments épigraphiques sont significatifs, surtout l’emploi de
la formule Vivit, et l’inscription du theta nigrum31.
40 Mais il y a d’autres Usuleni à Narbonne, qui se différencient des précédents par le recours
dans leur dénomination à un autre prénom.
41 5) CIL XII, 5264 (d’après d’anciennes copies) ; HGL XV, 931 (d’après d’anciennes copies).
Inscription perdue.
(obita)
Usulena T(iti) f(ilia) Procula
sibi et suis parentibus
[q]uorum nomina scripta
[sunt ---]
42 Dans le texte de cette inscription, qui aussi se place à une haute époque, apparaît une
personne, de condition ingénue. Comme l’indique le prénom de son père, Titus, elle
appartient à une branche familiale voisine du groupe dont on vient de parler.
43 6) CIL XII, 5370 ; HGL XV, 148. Dans l’inscription de Moux, dont on parlera plus bas, se
trouve un M(arcus) Usulenus M(arci) l(ibertus) Charito. Sa position est comparable à celle de
P(ublius) Usulenus Veientonis l(ibertus) Phileros, qui est mentionné peu avant lui dans ce
texte : ils sont tous les deux membres du collège des magistri du pagus. Mais son patron
porte le prénom Marcus. Dans l’énuméra /291/ tion il est en quatrième position, après un
ingénu, placé en tête, et deux autres affranchis, dont Phileros affranchi de Veiento.
44 Ces deux textes montrent combien ce groupe familial était à la fois bien implanté et bien
ramifié à la fin de l’époque républicaine et à l’époque augustéenne. On pourrait ainsi faire
remonter l’installation de cette famille, si son origine narbonnaise dépend d’un
personnage unique, à une date encore plus haute, vers le milieu du Ier siècle avant J.-C. au
moins.
45 On ajoutera que cette gens est encore attestée au IIe siècle sur une épitaphe.
46 7) CIL XII, 5266 (d’après une copie d’Allmer) ; HGL XV, 935 (d’après une copie d’Allmer).
Autel funéraire, qui se trouve au musée Lamourguier. Revu. Photographie au centre
Camille-Jullian (cliché CNRS, A. Chéné).
D(is) m(anibus)
Usuleniae
Lupae
Usulenius Ge-
[min]ianus pa
[tron]ae et Voco
[n]ius Eutychi
475
[a]nus coniugi
[s]anctissimae
47 Nous sommes alors à une époque bien plus tardive. Le gentilice s’est transformé en
Usulenius. À ce moment-là, au II e s. vraisemblablement, les activités économiques de
Narbonne sont dans les mains d’autres familles : on ne trouve pas en effet le gentilice
Usulenus parmi ceux des naviculaires attestés par les inscriptions du Monte Testaccio à
Rome32. Néanmoins cette inscription montre le maintien d’un nom de famille par-delà les
vicissitudes de celle-ci.
48 Le personnage important, dans ce dossier épigraphique, est P(ublius) Usulenus Veiento. Il
est d’abord connu par deux de ses affranchis. L’un P(ublius) Usulenus Veientonis l(ibertus)
Phileros, est un personnage important du pagus attesté par une des inscriptions de Moux
sur /292//293/ les frontières de la cité, telles quelles ont été redessinées à l’époque
impériale, après la création de la colonie de Carcassonne33.
49 8) CIL XII, 5370 (d’après diverses copies) ; HGL XV, 148 (copies de Barry, Allmer et
Lebègue). À Moux, à l’Ouest de Narbonne, au pied de la Montagne d’Alaric(fig. 19, chap.
25).
T(itus) Valerius C(ai) f(ilius) Senecio
P(ublius) Usulenus Veientonis l(ibertus)
Phileros
T(itus) Alfidius T(iti) l(ibertus) Stabilio
M(arcus) Usulenus M(arci) l(ibertus) Charito
magistri pagi ex reditu fani
Larrasoni cellas faciund(as)
curaverunt idemque probaverunt
50 Cet affranchi indique sa dépendance par le surnom de son patron. À Narbonne un tel
usage était répandu parmi les affranchis, sur les inscriptions d’époque augustéenne ou de
peu postérieures34. Mais en général c’était par rapport à un patron lui-même affranchi
que ceux-ci se désignaient, car alors apparaissaient comme noms de patrons Celadus,
Olympus, Bargates, tous noms d’esclaves ou d’affranchis. Est-ce à dire que Veiento est un
nom d’affranchi aussi ? Certainement pas. Le surnom, comme Veientanus, Calenus, etc.
indique une provenance35, plus ou moins lointaine, ce qui confirme l’origine italienne de
la famille du personnage. Mais ce n’est pas un nom d’esclave ou d’affranchi. On retrouve
ainsi une seconde raison d’invoquer le surnom du patron : c’est qu’il s’agit d’un grand
personnage, d’un notable, d’un individu appartenant à une grande famille locale. Est-ce
pour cette raison que Phileros, affranchi de Veiento, a été placé, dans l’énumération des
personnages, en second rang, devant tous les autres affranchis ? Mais ce n’est pas le seul
exemple qui mette ainsi en évidence Veiento : on connaît une seconde affranchie qui se
dénomme de cette façon (inscr. no 9).
51 On a déduit de l’inscription de Moux l’indication que Veiento possédait des biens dans ce
secteur du territoire de la cité, et que Phileros était là pour s’occuper du domaine de son
patron. Sa situation devait être comparable à celle que connut dans la colonie d’Arles le
sévir /294/ augustal Q(uintus) Cornelius Marcelli l(ibertus) Zosimus 36. Celui-ci est honoré par
les pagani pagi Lucreti, parce que, vraisemblablement, il résidait ou avait résidé pour le
compte de son patron dans cette partie du territoire fort éloignée du chef-lieu, et qu’il
était devenu pour les habitants de l’endroit un personnage important37. Phileros, peut-être
intendant de son maître, était aussi pour les habitants du vicus un personnage de poids.
Mais cette inscription montre aussi qu’il y avait un second membre de cette famille qui
était possessionné au même endroit38. Un second magister, M(arcus) Usulenus M(arci) l
476
(ibertus) Charito, dépend pour sa part d’un patron prénommé Marcus : frère ? cousin ? On
ne sait.
52 9) CIL XII, 4892 (revue) et add. ; HGL XV, 597 (copies de Barry, Lebègue et Allmer). Au
musée Lamourguier. Revue. Photographie au centre Camille-Jullian (cliché CNRS, A.
Chéné). /295/
[C(aius)] Iulius Licini l(ibertus)
Inachus sibi et
Usulenae Veientonis l(ibertae)
Quartae coniugi
53 Quarta, affranchie de Veiento, est elle-même l’épouse d’un affranchi Inachus, lui-même
affranchi de C. Iulius Licinus, un Gaulois dont le nom individuel a été latinisé (Licnos). On
peut penser que ce personnage est l’affranchi d’un affranchi impérial, et donc un
personnage d’importance39.
54 Enfin nous arrivons à un personnage qui nous rapproche de l’homme clef du dossier. Il
s’agit d’un notable de Narbonne dont le nom et la carrière sont en partie connus par un
bloc d’entablement provenant d’un monument funéraire élevé par son affranchi Plocamus.
55 10) CIL XII, 4426 (revue) et add. ; HGL XV, 96 (copies d’Allmer et Lebègue). Au Musée
archéologique. Revue. Photographie au centre Camille-Jullian (cliché CNRS, Réveillac).
Nous /296/ transcrivons le texte, tel qu’il convient de la faire à notre avis, en nous
séparant des éditions habituelles (fig. 17, chap. 22).
[P(ublio)] Usuleno Veiento[nis f(ilio) ---]
(duo)viro, q(uaestori), flamini primum [---]
Plocamus l[ib(ertus) posuit]
56 On constate que la mise en page de l’inscription, avec les larges vacat aux lignes 2 et 3,
impose d’envisager une composition du texte très équilibrée et très soignée. Donc nous ne
disposons vraisemblablement que d’une moitié du texte, sinon moins encore, ce que
montre la restitution de la ligne 3. Une restitution courte imposerait d’ajouter le seul mot
libertus soit en abrégé (LIB), soit en toutes lettres (LIBERTVS). Mais il n’est pas impossible
qu’à cette ligne 3 la partie manquante soit encore plus longue, s’il s’y trouvait par
exemple un verbe (posuit, curavit, etc.) ou l’indication ex testamento. De toute façon on doit
admettre que la première ligne ne s’arrêtait pas à brève distance des lettres VEIENTO
parfaitement lisibles. D’autres mots devaient être inscrits dans la partie manquante. Dans
l’hypothèse de la restitution la plus courte, c’est au moins une dizaine de lettres qui ont
disparu. C’est pourquoi l’on conclura que le surnom Veiento n’est pas celui du personnage
principal de l’inscription comme on l’affirmait habituellement. Veiento n’est pas le patron
de Plocamus, mais le père du patron de ce dernier. Il est mentionné comme père du défunt,
parce qu’il convenait de se rattacher à sa personne ou à sa mémoire. Quant au défunt
qu’honore Plocamus, ce n’est pas un affranchi. Nous entrons à présent dans le groupe des
aristocrates municipaux, comme l’indiquent les mentions du duumvirat et du flaminat,
qui sont l’aboutissement d’une carrière municipale. On doit alors pour le personnage
décédé restituer la dénomination suivante : P. Usulenus Veiento[nis f(ilius + tribu + surnom].
Veiento appartient à la génération précédente.
57 Le rédacteur de l’inscription a transcrit une partie du cursus, en se contentant
vraisemblablement des fonctions supérieures. En premier lieu, dans cette séquence, se
trouvait le duumvirat. Puis suivait vraisemblablement la questure municipale, comme
l’avaient déjà postulé Herzog40, puis Hirschfeld41, contre Lebègue42 qui préférait
477
développer /297/ q(uinquennalis) : elle avait été gérée, d’une façon assez rare, après le
duumvirat43.
58 Enfin venait la mention du flaminat. Celle-ci est assortie d’un adverbe temporel primum.
On a d’habitude interprété ce mot comme l’équivalent de l’adjectif primus, et l’on a
considéré ce personnage comme le premier flamine du culte impérial dans la colonie de
Narbonne44. Aussi estimait-on pouvoir le placer à une date haute, puisqu’il fallait le situer
aux origines du culte de Rome et d’Auguste à Narbonne. S’il en était ainsi on serait
vraisemblablement lors du voyage d’Auguste en 27 av. J.-C.45 ou peu après, même si l’on
ne parvient à cette conclusion que par hypothèse : l’installation d’un culte à Rome et
Auguste fut en effet précoce dans la colonie d’Arles46, et il est difficile de supposer que
Narbonne, chef-lieu de la Narbonnaise, ait été en reste, comme d’ailleurs bien d’autres
cités provinciales47. Nous disposerions ainsi d’un repère chronologique important pour
situer dans le temps non seulement le magistrat narbonnais, mais encore son père
Veiento.
59 Mais il n’est pas sûr qu’il convienne d’interpréter ainsi cet adverbe, ni même que l’on
doive suggérer qu’il annoncerait une itération du flaminat du culte impérial48. Remploi de
l’adverbe primum indique que le flaminat fut exercé à deux reprises. Mais le recours à ce
mot, qui appelle à sa suite un deinde, ou un adverbe de même sens, n’indique pas qu’il y
eut itération de la prêtrise du culte impérial à Narbonne, /298/ car une telle situation
serait indiquée autrement, comme pour une magistrature. On doit plutôt envisager soit
l’exercice de deux flaminats dans des cités différentes, soit l’exercice de deux flaminats de
nature différente. La première hypothèse nous entraînerait dans d’autres hypothèses sur
un éventuel changement de cité, comme il advint à L. Aufidius Vinicianus Epagatinus de
Fundi49. La seconde hypothèse orienterait vers deux sacerdoces, dont le desservant
portait le titre de flamine, et dont l’un serait vraisemblablement le flaminat du culte de
Rome et d’Auguste. Malheureusement nous ne connaissons pas, à Narbonne, d’autre
flamine comparable au flamen Iuventutis de Vienne, ou au flamen Martis de la même cité 50.
Mais dans une ancienne colonie d’époque républicaine comme Narbonne on pourrait
supposer l’existence d’une telle prêtrise51 : encore faut-il en apporter la preuve, et sur
cette question l’épigraphie est muette. Pourquoi donc ne pas envisager qu’après le
flaminat de Rome et d’Auguste le fils de Veiento ait pu revêtir une prêtrise comparable,
vouée au culte d’un autre membre de la famille impériale ? Nous connaissons à Nîmes et à
Vienne des notables qui joignirent au flaminat de Rome et d’Auguste celui de Germanicus
et celui de Drusus52. À Narbonne on a proposé de restituer dans le texte d’une inscription
relative à un personnage important cette même fonction de flamen Germanici Caesaris. Mais
cette solution, même si elle apparaît comme très vraisemblable, est loin d’être assurée.
Est-on sûr d’ailleurs que l’exercice de cette prêtrise se serait produit dans la capitale
provinciale53 ? Mais comme nous l’avons écrit plus haut, c’est /299/ encore faire la part
belle à l’hypothèse, même si, en raison des rapprochements possibles avec tous les
témoignages provenant des autres cités de la province, cette solution apparaît pour
l’instant comme la plus raisonnable.
60 Toutes ces observations conduisent en définitive à envisager que le personnage était un
grand notable de sa cité, qui côtoyait les gens de statut équestre54. Elles permettent de
placer son floruit dans les deux premières décennies du Ier siècle ap. J.-C., si l’on retient la
dernière hypothèse qui s’est présentée, ou même un peu plus tôt (l’extrême fin du Ier s. av.
J.-C.) si l’on se rallie à tout autre parmi celles que nous venons de formuler. Le floruit de
son père, le célèbre Veiento, dont on pouvait se réclamer avec honneur, se placerait donc
478
environ vingt ans auparavant, c’est-à-dire, si l’on préfère la première des solutions
envisagées, dans la dernière décennie du Ier siècle av. J.-C. approximativement, et pourrait
s’étendre soit un peu avant soit un peu après. C’est également l’époque de l’apogée de la
production des amphores Pascual 1 en Tarraconaise du Nord-Est. Cette reconstruction
chronologique n’est pas contredite par ce que nous savons de l’activité de l’atelier de
Llafranc.
61 Il existait donc un P(ublius) Usulenus Veiento, antérieur au notable connu par cette
inscription. Sa fortune était bien assurée dans la Narbonne d’époque augustéenne. Il
appartenait à un groupe familial bien ramifié, et bien possessionné dans la terre, si l’on
admet l’interprétation habituelle de l’inscription de Moux. Mais ce que l’on apprend par
l’épigraphie sur les proches de Veiento, gens de sa génération, montre à la fois cet
enracinement foncier et l’orientation dans les grandes affaires commerciales. C’est
pourquoi nous ne le rattacherons pas au ban des colons césariens de 45-44 av. J.-C., certes
possessionnés, mais sûrement moins intégrés dans la vie commerciale que leurs
prédécesseurs dans la colonie. Il semble préférable de faire de Veiento un Italien
d’Occident, qui plongeait ses racines dans la cité de Narbonne tardo-républicaine, car, si
nous pouvons placer son floruit dans la dernière décennie avant notre ère, il pouvait être
né vers 60-50 avant J.-C. peut-être même un peu plus tôt, mais guère plus tard55. On peut
donc placer son activité économique dans une fourchette chro /300/ nologique
correspondant aux deux ou trois dernières décennies du Ier siècle avant J.-C., et son floruit
à l’approche du changement d’ère.
62 Il reste maintenant à examiner l’intérêt pour l’histoire économique de ce rapprochement
entre épigraphie amphorique et épigraphie lapidaire. Avec le cas de Veiento nous
disposons d’une indication incontestable sur l’intervention de personnages narbonnais
dans le trafic du vin catalan. Par le profil social qui se dégage du dossier épigraphique, et
par la puissance que peuvent révéler ces multiples activités, Veiento peut être défini
comme un negotiator, c’est-à-dire comme quelqu’un qui était entré dans le grand
commerce : il traitait à partir de Narbonne de grandes affaires, qui s’ajoutaient à ses
revenus fonciers. Mais il ne perdait pas pour autant sa notabilité56.
63 Sa position sur le site de Llafranc peut être assez précisément définie. Il a
vraisemblablement assuré la commercialisation des produits du territoire, et pour lui le
site devait apparaître comme le lieu de magasinage, d’emballage et de commercialisation
du vin par la voie maritime. Il a pu profiter des ressources viticoles offertes par cette
région pour créer un trafic commercial qui devait assurer au vin ampurdan un débouché
sur le marché gaulois. Il a probablement été conduit à développer une activité artisanale
sur une assez grande échelle afin de garantir l’emballage des amphores, et peut-être
même a-t-il été tenté de profiter de toutes les occasions offertes par le marché pour
élargir la production de ce site en vue de satisfaire des demandes plus locales. Il avait fait
imprimer sa marque sur des amphores fabriquées sur la côte de l’Ampurdan,
vraisemblablement dans un atelier qui se consacrait à diverses productions céramiques.
C’est pourquoi, si les terres productrices du vin ne semblent pas avoir été en sa
possession, il en va autrement du contrôle de l’atelier de production céramique. De toute
façon il achetait le produit commercialisable, assurait l’emballage, et peut-être aussi le
transport, à tout le moins le surveillait, c’est-à-dire le commanditait57. Sur ce dernier
point le doute subsiste, car on n’est point du tout sûr qu’il ait possédé des bateaux : il
devait /301/ plus vraisemblablement utiliser les services de transporteurs. Quant à la
destination du produit, on estimera que ce vin catalan de Veiento devait suivre la même
479
route que les autres amphores Pascual 1 : il transitait par Narbonne vers l’intérieur de la
Gaule occidentale et peut-être au-delà. À Narbonne, Veiento faisait transborder le produit
et surveillait son écoulement commercial. Mais il nous manque les découvertes d’autres
témoignages de sa marque58.
64 Cette reconstruction des affaires de P(ublius) Usulenus Veiento permet de mettre en
évidence le rôle de Narbonne comme plaque tournante des grands trafics commerciaux
de l’Occident au cœur du principat d’Auguste, à un moment où les vins de la péninsule
Ibérique remplacent les vins d’Italie sur les routes de l’isthme aquitain. Mais on savait
depuis longtemps, par un faisceau de sources littéraires (Strabon) et archéologiques,
quelle était l’importance de cette ville. Toutefois le dossier de Veiento apporte plus que
cette confirmation, parce qu’il enracine en un point précis le nom du responsable de la
fabrication des amphores, de l’acheteur du vin, et du bénéficiaire de son commerce, et
qu’il permet de mettre en évidence quelques modalités de ce trafic. Celles-ci révèlent que
l’expansion du commerce du vin hispanique ne s’explique pas seulement par le
développement propre d’un vignoble provincial, mais elles suggèrent qu’il faut tenir
compte des sollicitations du marché et du rôle de ceux qui, dans quelques points
névralgiques du grand commerce méditerranéen, faisant des affaires, assuraient la
fonction entre production et consommation, tirant au passage l’essentiel des profits,
puisqu’ils assumaient les principaux risques59. C’étaient des Italiens qui géraient ces
affaires, car ils étaient les seuls à maîtriser véritablement à cette époque les grands
marchés méditerranéens. Les activités de Veiento indiquent de plus que ce pouvaient être
des Italiens d’Occident.
65 Le développement du site de Llafranc s’éclaire aussi dans ce contexte. L’organisation de
l’établissement répond à des modèles nouveaux, issus de la participation de plus en plus
active des provinces occidentales au grand commerce international. Son expansion à
l’époque /302/ augustéenne est en rapport étroit avec l’essor de la viticulture et de la
commercialisation du vin catalan. Nul doute que c’est la position maritime qui valorisa
fortement le site. On peut envisager que P(ublius) Usulenus Veiento ait été le premier
propriétaire de l’officine céramique, mais cette fonction a dû rester secondaire, sa
véritable qualité étant celle de grand entrepreneur de commerce. Son implantation à
Llafranc put se faire dans les deux dernières décennies du I er s. av. n. è. Puis il marqua
l’activité de l’atelier jusqu’au premier quart du I er s. de n. è.60. Mais Llafranc n’était pas le
centre de ses affaires ni de celles qui enrichissaient sa famille.
66 On peut à présent élargir la perspective et poser d’autres questions. D’abord se demander
si les Usuleni narbonnais ne s’engagèrent dans les affaires qu’à l’époque de Veiento. Peut-
être n’avons-nous avec ce personnage qu’une des dernières étapes de l’aventure
commerciale d’une famille : quand, alors, avait-elle commencé ? Il convient aussi de se
demander si le dossier que nous venons d’examiner a une valeur d’exemple ou
d’exception : les mêmes mécanismes commerciaux peuvent être mis en évidence par
d’autres cas. L’un concerne plus particulièrement les Voltilii, eux aussi très bien
représentés dans les inscriptions de Narbonne et sur les marques d’amphores catalanes 61.
Ainsi d’autres rapprochements onomastiques, moins incontestables que celui que l’on
vient d’examiner, mais quand même suffisamment précis, peuvent être effectués entre
deux séries documentaires. Ils éclairent un large pan de ce grand commerce du vin
hispanique, en attirant l’attention sur le rôle de l’emporion, le lieu de l’animation
économique62. On a souvent évoqué le rôle des propriétaires fonciers, attentifs aux
480
innovations et aux profits63. Ne négligeons pas toutefois les interventions des grands
negotiatores.
NOTES
1. Tchernia 1986, p. 125-195, dans le chapitre III : « De grands changements entre la mort de
César et celle d’Auguste ». Nous avons pu bénéficier de renseignements inédits, transmis par F.
Laubenheimer, que nous remercions bien sincèrement : il s’agit d’éléments présentés lors d’un
séminaire à la Casa de Velâzquez sous le titre « Des Espagnes vers la Gaule, mouvements
d’amphores », qui sont en cours de publication.
2. Beaucoup d’entre eux sont rassemblés dans le livre récent intitulé El vi a l’Antiguitat. Economia,
producció i comerç al Mediterrani occidental, Badalona 1987 (« Museu de Badalona, Monografies
Badalonines », num. 9).
3. Tchernia 1986, p. 142-145, avec la carte p. 403, bâtie surtout d’après l’article de Mayet-Tobie
1982 ; Roman 1983, p. 240-244 ; Miró 1987 (avec carte p. 257).
4. Sur les routes de l’isthme aquitain les productions de Bétique n’ont pas eu la même
importance : Tchernia 1986, p. 86-89. Confirmation par F. Laubenheimer (documentation inédite,
en cours de publication, sur Narbonne, Saint-Bertrand-de-Comminges, Bordeaux).
5. Pascual Guasch 1962 ; Tchernia 1971, Pascual Guasch 1977. Les divers articles sur de nouvelles
découvertes, rassemblés dans les actes du colloque El vi a l’Antiguitat, confirment cette
chronologie.
6. Nolla-Canes-Rocas 1982 ; Barti-Plana 1993.
7. Barti-Plana 1993, p. 91-94.
8. Sur la typologie de ces amphores, voir la bibliographie citée n. 5.
9. Barti-Plana 1987 ; Llinas-Sagrera 1993.
10. Llinas-Sagrera 1993, p. 107-108.
11. Comas 1987.
12. Miró 1987 ; Miró 1988, p. 183-197 ; Galliou 1991. Confirmation par les données inédites
fournies par F. Laubenheimer (en plus des sites mentionnés plus haut, à la n. 4, fouilles de
Besançon, Lyon, Argenton, etc.).
13. 1986, p. 140-146, p. 179-195 ; Laubenheimer 1989 ; Laubenheimer 1990, p. 111-115.
14. Liou 1987.
15. Espadale-Rocas 1989.
16. Vandermersch 1994, p. 93-121 ; Tchernia 1986, p. 114-116.
17. Badia 1966, p. 265-266 ; Barto-Plana 1993, p. 91 et p. 96.
18. Barti-Plana 1987, p. 141 ; Llinas-Sagrera 1993, p. 127.
19. Manacorda 1989 ; Rico 1993, p. 58-62 ; Tchernia 1993, p. 183-185 ; Manacorda-Panella 1993 ;
Liou-Tchernia 1994.
20. Nolla-Canes-Rocas, 1982, p. 158-160.
21. Schulze 1904-1991, p. 261-262, p. 429-434.
22. Avec le temps le gentilice Usulenus est devenu Usulenius. Outre les témoignages fournis par
l’épigraphie narbonnaise, qu’on examinera plus bas, il existe deux attestations provenant de
Barcino, qui datent du IIe s. de n. è. : CIL II, 4594 et 6161.
481
23. Usulenus est considéré comme italien par Gayraud 1981, p. 442. Mais on trouve l’hypothèse
d’une origine indigène, à notre avis peu probable, chez M. Tarpin dans Laubenheimer 1993,
p. 274, p. 442. On trouve aussi à Narbonne le gentilice Sariolenus (CIL XII, 5119), voir Gayraud 1981,
p. 439.
24. Sur l’originalité de l’onomastique de Narbonne par rapport à Fltalie, voir Christol 1995 e,
repris et développé dans Christol 1995 a [chapitre 23]
25. Il faut ajouter au volume XII du CIL le recueil des inscriptions de Narbonne qui se trouve dans
Histoire générale de Languedoc, XV, Toulouse, 1982 (Recueil des inscriptions antiques de la province de
Languedoc, préparé par E. Barry et E. Germer-Durand, publié par A. Lebègue, Fr. Germer-Durand
et A. Allmer).
26. En tout, en Narbonnaise (CIL, HGL, ILGN) trois attestations, provenant de Narbonne : en plus de
celle-ci CIL XII, 4538 (HGL XV, 681) et 4542 et add. (HGL XV, 934). Mais cette dernière pourrait se
rapporter au même personnage.
27. En plus du document dont il est ici question : CIL XII, 4850 (HGL XV, 538) ; CIL XII, 4849 (HGL
XV, 969) ; CIL XII, 4848 (HGL XV, 537) ; CIL XII, 5170 (HGL XV, 842).
28. Sur les cinq exemples provenant de Narbonne, trois se rapportent à des affranchis : CIL XII,
4477 (HGL XV, 223) ; CIL XII, 5011 (HGL XV, 692) ; CIL XII, 5210 ( HGL XV, 877). Sur la valeur
péjorative du suffixe -io, Kajanto 1965, p. 37 et 121. Sur Rufio en particulier, p. 121, p. 124 et p. 229
29. Solin 1982, I, p. 89.
30. CIL XII, 4168 (HGL XV, 351).
31. Friggeri-Pelli 1980. Pour Narbonne voir les travaux cités n. 24.
32. Gayraud 1981, p. 532-536.
33. Gayraud 1981, p. 188 et p. 327-328.
34. Ce phénomène de dénomination a été examiné pour la Narbonnaise par Pflaum 1981 a.
35. Kajanto 1965, p. 119, p. 189-190.
36. CIL XII, 594 et 595.
37. Sur l’affaire qu’il doit défendre Constans 1921, p. 70-71 ; Jacques 1990, p. 63-64. On peut sans
hésiter insérer ces textes dans la documentation relative aux relations des notables avec le
territoire des cités. Sur les Cornelii arlésiens, en dernier Christol 1991 b, p. 356-357 et p. 359-360.
[Le dossier s’est épaissi dès lors de Gascou 2000 a, d’où AE 2000,883, et de Christol 2004 f,
p. 85-102, avec des nuances d’interprétation.]
38. Gayraud 1981, p. 347, p. 367, p. 467.
39. Faut-il rapprocher son maître du fameux Licinus, affranchi d’Auguste, qui trompa
effrontément les Gaulois ?
40. Herzog 1864, Append. epigr., no 22, p. 11.
41. Hirschfeld dans CIL XII, p. 935.
42. Lebègue, commentaire de HGL XV, 96. Gayraud 1981, p. 332, hésite entre les deux solutions ;
voir aussi p. 339, n. 154.
43. On éclairera cette question à l’aide de Jacques 1984. Cette position de la questure au sein des
magistratures municipales se retrouve dans les colonies de la Catalogne septentrionale : Mayer
1989.
44. État de la question dans Gayraud 1981, p. 367.
45. Sur le voyage d’Auguste, Demougeot 1968, p. 48-49 et p. 56.
46. Demougeot 1968, p. 51-53 ; Gros 1987 [voir aussi chapitre 21].
47. Il en est sûrement de même dans la colonie voisine de Béziers. Là le premier flamine du culte
impérial peut être daté de la dernière décennie du Ier siècle avant J.-C. Il s’agissait d’un notable de
l’ordre équestre, comme dans la colonie d’Arles. Mais on doit admettre un décalage entre
l’installation du culte et la première attestation d’un desservant [chapitre 21].
482
48. Comme dans la péninsule Ibérique : Étienne 1958, p. 236 n. 7. L’inscription de Béziers (CIL XII,
4241) invoquée par Gayraud 1981, p. 367 n. 362, ne peut apporter confirmation, car l’itération
concerne la questure.
49. CIL XII, 4357 ; HGL XV, 47. Mais il n’exerça aucune responsabilité publique à Narbonne,
semble-t-il.
50. Flamen Martis : CIL XII, 1899, etc [voir chapitre 20] ; flamen Iuventutis : CIL XII, 1783, etc. Ce sont
de grands personnages dans la cité.
51. On trouvera des références dans Dessau ILS III, 1 (index VIII), p. 571-572, en rapport avec les
cultes des cités d’Italie.
52. À Nîmes CIL XII, 3180 : flamen Rom[ae et] Divi Aug. item Dr[usi] et Germ(anici) Caes(arum) ; à
Nîmes, CIL XII, 3207 : [flamen Roma]e et Divi Au[g. item Drusi et Germa]nici Caesar[um]. À Vienne, un
notable de rang équestre, C. Passerius Afer, a été successivement flam(en) Divi August. d(ecreto) d
(ecurionum) et flam(en) Germ(anici) Caes(aris).
53. CIL XII, 4363. Le personnage, dont l’inscription est mutilée, est par son père originaire d’Aix-
en-Provence. La mention éventuelle de [flamen Germanici Caes]aris est fondée sur une longue
restitution. On pourrait aussi envisager la restitution [flamen Romae et Augusti Caes]aris, comme
pour le chevalier romain d’Arles (AE 1954, 104) [voir chapitre 21]. Gayraud 1981, p. 366-367, le
considère comme flamine de Germanicus à Narbonne, en suivant ainsi l’avis de Hirschfeld. Voir
aussi Pflaum 1978 a, p. 251, qui adopte le même point de vue. On pourrait aussi envisager qu’il ait
été préfet d’un membre de la famille impériale nommé à la magistrature municipale suprême.
54. Tous les flamines de Germanicus et de Drusus que nous avons évoqués plus haut
appartenaient à l’ordre équestre : Pflaum 1978 a, p. 200, p. 209, p. 225-226, p. 253, p. 265-266.
55. Cette observation chronologique ne permet pas de le considérer comme un colon césarien.
56. On éclairera la personnalité de Veiento grâce aux réflexions de J. Andreau sur les relations
entre les gens d’affaires et les manieurs d’argent et la propriété foncière : Andreau 1987,
p. 370-371.
57. Les conditions du transport de ce vin hispanique ont été mises en évidence par Liou 1987,
p. 306-307, qui insiste sur la réduction des quantités d’amphores Pascual 1 par rapport au Dr 1, et
sur les risques du cabotage entre la côte catalane espagnole et le port de Narbonne.
58. F. Laubenheimer nous fait savoir qu’elle n’a pas retrouvé d’autre témoignage dans les
documents qu’elle a étudiés en divers points du territoire gaulois. Mais le nombre d’amphores
marquées était minime.
59. On éclairera ces remarques par les réflexions de Tchernia 1987, p. 329-330.
60. La fouille menée en 1991 dans un secteur à usage industriel, au Sud de l’atelier céramique, a
permis de constater que, dans la construction de murs datés de la deuxième décennie du Ier s. de
n. è., ont été utilisées des tegulae dont certaines sont timbrées au nom de P•VSVL•VEIENT. Ceci
pourrait témoigner qu’au moment où ces constructions ont été entreprises, il contrôlait encore
l’officine (Llinas-Sagrera 1993, p. 127).
61. Les Voltilii/Volteilii sont bien représentés dans l’épigraphie de Narbonne : CIL XII, 5256 (avec le
prénom Lucius), 4516, 5253, 5254, etc. (avec d’autres prénoms). Pour les amphores portant la
marque L•VOLTEIL : Miró 1987, p.251, p. 261-263.
62. On se référera aux commentaires de R. Étienne, P. Rouillard et P. Counillon dans Bresson-
Rouillard 1993, p. 23-34, p. 35-46, p. 47-57.
63. Cette approche a été chère à R. Syme : Syme 1977 (= Syme 1984, III, p. 976-985).
483
NOTES DE FIN
*. Epigrafia romana in area adriatica. Actes de la IX e rencontre franco-italienne sur l’épigraphie du monde
romain (Macerata, 10-11 novembre 1995), (en collaboration avec R. Plana-Mallart), Macerata, 1998,
p. 273-302.
484
NOTE DE L’ÉDITEUR
Sans qu’il en résulte une modification de l’interprétation historique, car elle est fondée
sur la détermination de l'origine linguistique du gentilice Connius et sur la répartition des
attestations d’épigraphie lapidaire, il faut relever que la dénomination plus exacte du
personnage principal de l'étude est Q(uintus) Connius Verna (et non Veracus) : B. Liou,
« Quintus Connius Verna : trois inscriptions peintes sur amphores Dressel 20 découvertes
à Sainte-Colombe-lès-Vienne (Rhône) », dans Actes du congrès de Saint-Romain-en-Gal, 29
mai-1er juin 2003 (SFECAG), Paris, 2003, p. 289-293. Il faudrait même remonter jusqu'aux
années 60-70 l'activité du personnage. D'autre part, St. Martin-Kilcher a publié dans le
même volume d’hommages à B. Liou des compléments sur l'activité des Urittii : « Lucius
Urittius Verecundus, négociant à la fin du Ier siècle et sa marchandise découverte à
Mayence », ibid., p. 343-353.
du produit. Même si demeurent encore des zones d’ombre, à l’échelle de près d’un demi-
siècle de recherches les résultats sont riches et significatifs.
2 On a fréquemment abordé le domaine de la commercialisation. Les découvertes
d’amphores fournissent des informations sur les zones de consommation et sur les
circuits de distribution. L’un des points les plus controversés concerne la définition des
milieux du commerce et de la distribution, les gens que l’on appelle les negotiatores olearii,
les mercatores olearii, les diffusores olearii 1. Ils sont connus par l’épigraphie lapidaire et par
l’épigraphie amphorique. Celle-ci utilise les données fournies par les tituli picti que l’on
trouve sur les amphores Dr 20. Au moment où ces tituli picti ont acquis leur plein
développement, et font apparaître nettement plusieurs rubriques, c’est en β
qu’apparaissaient, au génitif, les noms des commerçants qui faisaient transporter les
cargaisons d’huile de Bétique2. Mais avant cette période de complexification on trouvait
déjà des noms au génitif sur les amphores de Bétique, qui ont été interprétés de la même
façon, et à juste titre. En somme entre les tituli picti de l’épave de Port-Vendres et ceux des
dépôts romains de même époque ou plus tardifs, il n’y a pas de différence substantielle.
3 Il n’en reste pas moins que le marchand ou commerçant-exportateur dont la
dénomination était inscrite en β pouvait avoir une activité diversifiée sur les circuits de
diffusion de l’huile. Il pouvait aussi être le transporteur et le propriétaire des bateaux de
transport, tel le Narbonnais P(ublius) Olitius Apollonius, navicularius marinus c(olonia) I(ulia) P
(aterna) C(laudia) N(arbone) M(artio) (CIL XII, 4406), qui a été rapproché heureusement des
marques du Testaccio (CIL XV, 3863-3873) 3 : il intégrait ainsi plusieurs formes d’activité
que les sources juridiques prennent le soin de bien distinguer4. Paradoxalement l’étude de
la dénomination de ces personnages n’a pas suscité, à notre avis, toutes les réflexions
qu’il était possible de formuler. C’est à ouvrir sous de nouvelles formes un dossier qui
semblait avoir été suffisamment parcouru que nous voudrions engager ces remarques.
4 Nous disposons de plusieurs listes regroupant plus ou moins parfaitement les données
reprises des tituli picti, et considérées comme relatives aux gens du commerce de l’huile.
Elles compilent les données anciennes, souvent déjà enregistrées dans le CIL XV, et les
éléments nouveaux acquis peu à peu, par les fouilles terrestres ou subaquatiques ou par
les nouvelles fouilles du Monte Testaccio. Il semble qu’avant les nouvelles fouilles entre
/326/ prises à Rome sur l’emplacement de ce site archéologique de première importance 5
la liste la plus complète fut ordonnée par E. Rodriguez-Almeida dans sa publication sur le
Testaccio6. Elle fournit en tout cas le fondement propre à une première série de
remarques.
le Testaccio9. Mais on peut se demander si au lieu du génitif Veracis n’apparaît pas plutôt
le génitif Veraci, issu d’un patronyme en -aco-(-acus)10, donnant un possible * Veracus, ce
qui ne modifie pas profondément les termes du raisonnement que nous allons
développer.
6 Le gentilice est rare. Il renvoie à l’anthroponymie celtique sans aucun doute. Le recueil de
Schulze est de peu de secours, sauf qu’il indique que le gentilice Connonius, qui est de la
même base linguistique, est gaulois (« gallisch »)11. On en trouve confirmation dans les
ouvrages classiques sur l’anthroponymie celtique. A. Holder le retient et consacre
quelques colonnes à l’enregistrement des données12. Mais ce sont surtout les ouvrages
récents qui apportent beaucoup. Le gentilice Connius dérive de la souche Conno-, qui est
associée à Condo–. Le premier terme signifie « intelligent », et évoque la raison ; le second
terme correspondrait à « tête », « chef »13.
7 Il importe donc de réaliser une géographie de la répartition.
8 À partir des indices des divers volumes du CIL, il est aisé de constater qu’il y a une totale
absence de références dans CIL I, II, V, VI, VIII, IX, XI. Le gentilice n’apparaît
pratiquement pas en Italie, à l’exception de deux attestations :
• CIL XIV, 861 (Ostie) : Q(uintus) Connius Agathopus. L’inscription se présente ainsi : D(is) m
(anibus) Q(uintus) Connius Agathopus L(ucio) Valerio Valeriano filio dulcissimo.
• CIL X, 3699, 1,10 (Cumes, dans la liste des membres du collège des dendrophores) : L(ucius)
Connius Castrensis. Holder 1896, III, col. 1274, sv. Connius.
9 Mais c’est surtout le volume XII qui offre le plus grand nombre d’attestations (à Vienne et
à Nîmes)14.
• CIL XII, 1880 (Vienne) : Q(uintus) Connius Aper ; Q(uintus) Connius Rhodocus ; Q(uintus) Connius
Sauria. L’inscription se présente ainsi : D(is) m(anibus) Q(uinto) Connio Sauriae (se)vir(o) Aug
(ustali), Q(uintus) Connius Rhodocus (se)vir Aug(ustalis) patri piissimo, Q(uintus) Connius Aper avo.
Holder 1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Connius ; A. Allmer 1876, II, p. 305-306, n° 195 (à
Seyssuel près de Vienne).
• CIL XII, 1933 (Vienne) : Q(uintus) Connius [---] Zosimus. L’inscription se présente ainsi, si l’on
envisage d’interpréter quelque peu l’édition d’O. Hirschfeld : [D(is)] m(anibus) / [---] l(iberti)
Africani / [---] Q(uintus) Connius / [---] Zosimus / [---]er[---]. L’amputation de la plaque du côté
gauche rend difficile la restitution de la dénomination Q(uintus) Connius Zosimus en liant
directement le texte de la 1. 3 et celui de la 1. 4. Peut-être que l’indication de
l’affranchissement était mentionnée en référence au cognomen du patron. Holder
1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Connius ; CIL XII, p. 870 ; Allmer 1876, II, p. 491-492, n o 297
(« dans la plaine de l’Aiguille »). /327/
• CIL XII, 1949 (Vienne) ; Connius Aquilius ; Connius Chrysopaes ; Connius Theseus ; [Connia Ge]mina.
L’inscription se présente de la sorte : [Conniae Ge]minae [feminae in]compa[rabi]li quae vixit ann
(is) XXIIII, Conni Aquilius et Theseus sorori piissimae et dulcissimae et Connius Chrysopaes lib(ertus)
487
et sub ascia dedicaverunt et Verr(ius) Attianus coniugi castissim(ae). Holder 1896-1904-1907, I, col.
1104, sv. Connius ; Allmer 1876, II, p. 489-491, n o 296 (Sainte-Colombe).
• CIL XII, 2212 (Vienne). Connia Conniola : Sammius Connius (voir ci-dessous). L’inscription se
présente ainsi : T(ito) Sammio Tertiolo scrib(ae) aerari, defuncto ann(orum) XXVI, Connia Conniola
coniugi op[t]imo et Sammius Connius patri. Holder 1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Connius. Le
gentilice de l’époux, Sammius, est aussi caractéristique de l’anthroponymie celtique.
• CIL XII, 2621 (Vienne ; à Genève ; voir aussi Maier 1983, p. 47 n o 28). M(arcus) Connius
Secundus. L’inscription est la suivante : M(arci) Conni Secundi M(arcus) Iulius Marcianus fratri.
Holder 1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Connius ; Ailmer 1876, III, p. 263-264, n o 589.
• CIL XII, 3530 (Nîmes). [C]onnius [Qua]rtulus. L’inscription est très mutilée et d’autres
restitutions sont possibles (Donnius, par exemple). Elle se présente ainsi : [- C]onni / [Qua]rtuli
/ [---]NVMPI / [---]TIRIIM·II/[---] LIB. Holder 1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Connius.
• CIL XII, 3543 = HGL XV, 773 (Nîmes). T(itus) Connius Silanus. L’inscription se présente ainsi :
Diis manibus Corneliae Gratae T(itus) Connius Silanus uxori. Holder 1896-1904-1907, I, col. 1104,
sv. Connius.
10 Le recueil d’E. Espérandieu permet d’ajouter d’autres exemples dans la même province (à
Alba des Helviens et chez les Voconces) :
• ILGN 219 ; d’après Allmer, Rev. épigr., V, 1904, n o 1557 = AE 1904, 143 (chez les Voconces). Con
[nius] Ur[sus]. Il s’agirait d’une dédicace à un Mars local : [Marti] Bela[doni] Con[nius] Ur[sus] v
(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito).
• ILGN 377 ; d’après Espérandieu, Rev. épigr., V, 1904, n o 1624 (Alba des Helviens). Connia
Amatia ; Con(nia) Honorat(a). L’inscription se présente ainsi en tenant compte des remarques
de H.-G. Pflaum (Pflaum 1971, p. 225 = Pflaum 1981, p. 3) : D(is) m(anibus) Conniae Amatiae Ati
(us) Amoenus et Con(nia) Honorat(a) fil(iae) pient[issimae].
• ILGN 455 (Nîmes). M(arcus) Con[nius] Optatus. L’inscription est mutilée : M(arcus) Con[nius]
Optatus [---] nep[---] Congen[---] t(estamento) c(urandum) [i(ussit) ?]. Le gentilice du second
personnage cité est aussi d’origine celtique (Congenncia Cornelia : CIL XII, 3529 ; Congenniccus :
CIL XII, 4883).
11 Il faut joindre les usages du surnom Connius ou de ses dérivés, ainsi que les témoignages
onomastiques que fournit l’épigraphie gallo-grecque, dont procèdent pour une part ceux
que nous offre l’épigraphie latine :
• CIL XII, 2212 (Vienne ; voir déjà ci-dessus) : Connia Conniola ; Sammius Connius. Holder
1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Conniola ; Holder 1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Connius.
• RIG I, G-184 (Nîmes, dans le territoire, à Collorgues) : Konnoubr[---], interprété comme
Konnoubr[atou].
• CIL XIII, 11218 (Ambarres ; Briord, dans le département de l’Ain) : Connius T[u]ticus.
L’inscription se présente ainsi : D(is) m(anibus) et aeternae memoriae Conni T[u]tici Connia Nicen
(a) coniugi pon(endum) curavit et s(ub) a(scia) d(edicavit). Holder 1896-1904-1907, III, col. 1274,
sv. Connius ; voir aussi Fr. Marchand, dans BSNAF, 1902, p. 139-141.
• CIL XIII, 2522 add (Ambarres) : Co[nn]ia Antiqua. L’inscription se présente ainsi : D(is) m(anibus)
Co[nn]iae Antiquae Silanius Luciolus coniugi carissimae et sibi viv[us) ponendum curavit. A. Héron
de Villefosse, dans BSNAF, 1902, p. 143 a justifié par le recours aux données de
l’anthroponymie locale la restitution Co[nn]iae là où l’on hésitait auparavant entre Co[mn]iae
et Co[nn]iae. Holder 1896-1904-1907, I, col. 1104, sv. Connius enregistre Co[nn]ia Antiqua, puis
III, col. 1272 ; Allmer-Dissard 1888-1893, III, p. 411-412, n o 723 (Cressin près de Belley).
• CIL XIII, 1988 (Lyon) : Connia Lucina. L’inscription se présente ainsi : D(is) m(anibus et memoriae
aeternae Conniae Lucinae feminae sanctissimae et incomparabili, civi Viennensi, T(itus) Veratius
Taurus, nat(ione) Trever, coniugi karissimae et sibi desiderantissimae quae mecum vixit annis XVI
mens(ibus) IIII diebus XI sine ulla animi laesione et C(aius) Marius Lucinianus filius eius matri
dulcissimae vivi p(onendum) c(uraverunt) et sub ascia dedicaver(unt). Holder 1896-1904-1907, I,
col. 1104, sv. Connius ; Allmer-Dissard 1888-1893, III, p. 127-133, n o 240 ; Krier 1981, p. 40-42.
/328/
13 On a déjà indiqué qu’il s’agissait d’un gentilice celtique. On doit donc a priori rechercher
l’origine de ce gros négociant d’huile espagnole non dans la zone de production de cette
denrée, mais plutôt dans une des zones de consommation déjà bien connue. L’attention se
portera sur le foyer viennois d’où proviennent les témoignages les plus nombreux sur le
gentilice du négociant en gros Q(uintus) Connius Veracus. Mais ces témoignages indiquent
aussi un enracinement de cette famille dans la vie politique et sociale, à partir de l’époque
flavienne quand l’invocation des dieux mânes prend place définitivement dans
l’épigraphie funéraire : deux personnages connus sont sévirs augustaux (Q(uintus) Connius
Sauria et Q(uintus) Connius Rhodocus), et une autre personne mentionnée est l’épouse d’un
membre du personnel administratif municipal (scriba aerarii). Dans cette cité de Vienne
cette famille s’approche ainsi des premiers degrés de la notabilité la plus affirmée. Cette
concentration des documents avait été observée depuis longtemps, puisque A. Héron de
Villefosse écrivait voici plus d’un siècle à propos de l’inscription de Lyon relative à Connia
Lucina, civis Viennensis : « Le nom de famille Connius, qui est peu commun d’ordinaire, se
trouve assez fréquemment dans le territoire de la cité de Vienne. On l’a relevé à Vienne
même, dans les environs de la ville, à Seyssuel et à Sainte-Colombe, ainsi qu’à Genève et à
Cressin16. » Ce point de vue est renforcé parce que l’une des inscriptions de Lyon relie
explicitement à la cité de Vienne l’une des personnes qui porte ce gentilice, mais aussi
parce que les inscriptions du CIL XIII qu’O. Hirschfeld place chez les Ambarres devraient
plutôt appartenir au territoire de la cité de Vienne, comme on l’avait parfois supposé17.
14 On pourrait objecter que le gentilice apparaît aussi dans d’autres cités qui jalonnent la
vallée du Rhône (Nîmes, Alba, Vaison). Mais il convient alors de tenir compte du
praenomen, autre élément de dénomination significatif. C’est à Vienne qu’apparaît à
plusieurs reprises le praenomen Quintus et, en Gaule, à Vienne seulement.
15 La détermination de l’origine de cette famille est donc claire. Elle nous situe à Vienne, qui
se trouvait sur l’un des trajets essentiels du commerce de l’huile de péninsule Ibérique.
On sait en effet qu’à partir de l’époque augustéenne ce produit avait pénétré dans les
489
que de l’huile de Bétique. Mais il est tout aussi clair aussi que d’autres personnes que des
transporteurs ibériques assuraient le transport comme naviculaires et que d’autres
personnes que des marchands-exportateurs du Sud de la péninsule Ibérique pouvaient
être intéressées au développement de ce commerce à longue distance, puisqu’il convient
de bien distinguer entre la fonction de naviculaire et celle de mercator 27. Toutefois, comme
le remarquait déjà L. Cantarelli, les conclusions de Héron de Villefosse qui étaient
recevables concernaient des personnes dont lefloruit se place dans les décennies du milieu
du II e siècle ap. J.-C. Il s’agissait aussi, quand l’origine était bien établie, de transporteurs
et de négociants établis à Narbonne, c’est-à-dire dans un des grands ports qui pouvaient
jouer dans ce trafic un rôle de relais. Avec la marque Q CONNI VERACI, nous sommes
placés dans une période bien antérieure, dans la seconde moitié du Ier siècle en général ou
peut-être même dans le dernier quart de cette période plus exactement. Et, de plus, cette
marque fait apparaître des marchands qui sont issus de l’intérieur de la Gaule, à l’écart
d’un des circuits maritimes joignant la Bétique à Ostie. Le dossier qui s’ouvre est neuf.
19 Il est riche d’une diversité que n’offrait pas nécessairement la documentation examinée
par Héron de Villefosse. En plaçant vraisemblablement à Vienne l’origine de ce
marchand-exportateur nous pouvons non seulement saisir l’origine gauloise d’une famille
de gros négociants dans la seconde moitié du I er siècle ap. J.-C., bien plus tôt qu’on ne le
supposait, mais aussi disposer de quelques aperçus sur la complexité de ses relations
d’affaires, ouvertes à l’ensemble de la Méditerranée occidentale. De ce fait d’autres
questions doivent être examinées, ce que nous ferons ci-dessous à l’aide d’un autre
exemple.
21 Il s’agit d’un gentilice d’origine celtique. En s’appuyant sur les travaux de M. Lejeune, J.
Gascou a analysé un ensemble onomastique, assez divers mais de relativement modeste
importance, à partir d’inscriptions lapidaires gallo-grecques, d’inscriptions lapidaires
latines et de timbres amphoriques28. On peut ajouter à cette documentation
minutieusement rassemblée un cachet d’oculiste publié en 1921, mais ignoré alors par
l’Année épigraphique (Espérandieu, dans BCTH 1921, p. L) 29 : il a certes été à nouveau publié,
mais sous une forme incorrecte qui ne permettait pas de le rattacher aisément à ce
dossier30.
priorité sur l’épigraphie amphorique qui par sa nature même subit le déplacement ou le
transfert.
27 Il n’en reste pas moins que l’on doit éclairer une partie de la documentation issue de
l’épigraphie amphorique, non celle qui concerne les marques peintes sur amphores Dr 20
et Haltern 70, mais celle qui concerne les timbres apposés sur amphores Dr 20 au moment
de la production.
28 En effet on a relevé qu’une série de timbres sur les amphores Dr 20 porte le même nom de
famille. Déjà les auteurs de la publication de l’épave de Port-Vendres II avaient fait un
recensement qui, complété, a été repris par J. Gascou dans son étude récente34. Mais les
cognomina sont incomplets : TER (), SE(), FES(), EV(), EL(), ER(), PV() ou PVS(), FA () ou FAV
(), LIB(). Les dernières découvertes proviennent de Lyon35, du golfe de Fos36, du site de
Cala Culip au Cap Creus37. Les exemplaires de ce timbre apparaissent dans la vallée du
Rhône et au-delà, vers la Suisse, vers la Bretagne, vers la frontière rhénane38. C’est surtout
l’espace gallo-germanique qui a donc reçu en priorité ces amphores, mais on en trouve
tout de même une attestation à Thamusida en Maurétanie Tingitane et une autre à Rome
même (CIL XV, 3248) 39. On place la fabrication de ces amphores au I er siècle, dans la
seconde moitié de la période ou à l’époque flavienne40.
mêmes si l’on envisage les régions intermédiaires où cette consommation est aussi
attestée. Cette proposition se renforce si l’on prend en compte le timbre L VAL TROPHIMI
qui se trouvait sur l’une des anses de l’amphore Dr 20 de la Villa Ludovisi marquée Q
CONNI VERACI (CIL XV, 3228b). Comme les timbres des Vrittii, ce timbre et tous ceux qui
lui sont associés sont amplement attestés dans la vallée du Rhône, dans l’espace gallo-
germanique et en Bretagne48. /332/ Même si ces amphores apparaissent parfois ailleurs,
et en particulier à Rome, il semble bien que la direction principale de l’huile quelles
contenaient était l’espace gallo-germanique. Il y a de ce point de vue une continuité avec
ce que révèlent les timbres mis au jour dans l’épave de Port-Vendres II.
33 Les mercatores dont on vient de mettre en évidence l’origine étaient-ils majoritaires sur
cet axe commercial ? Il serait téméraire de l’affirmer. Mais ne peut-on envisager qu’ils
auraient eu leur part - et à quel moment ?-, dans la construction de ce puissant courant
commercial ? La question est large, et l’on ne peut ici apporter de réponse ferme. Il suffit
de constater que ces relations commerciales entre les diverses parties de l’Occident
romain, de plus en plus solidaires entre elles, pouvaient ne pas se trouver dans les seules
mains de marchands issus des zones de production. Le circuit économique que les cartes
nous révèlent a été fait d’une multiplicité d’interventions. Ayant chacune une
particularité ou une finalité propre, elles se déroulaient en quelques lieux privilégiés
(Narbonne, l’embouchure du Rhône, le carrefour lyonnais, etc.) et ceux-ci pouvaient
fournir des portes d’accès ou offrir des moyens d’intervention aux milieux marchands
ancrés dans ces lieux ou bien aptes à s’y établir. On peut même envisager aussi que la
place acquise par des négociants gaulois a pu faciliter le développement à longue distance
de ce circuit de l’huile (et des autres produits de la péninsule Ibérique) quand il a
commencé à s’amplifier durant la première moitié du Ier siècle ap. J.-C.49 : Q(uintus) Vrittius
Revocatus est ici parfaitement à sa place.
34 Mais la marque de Q(uintus) Connius Veracus nous conduit à Rome, alors que pour l’instant
le plus grand nombre des témoignages de même époque qui ont été regroupés dans ce
dossier conduit en Gaule, qu’il s’agisse des timbres des Vrittii ou du timbre L VAL
TROPHIMI. Lorsque les inventeurs de l’épave de Port-Vendres II publiaient leur
découverte ils se demandaient si le navire se dirigeait vers Narbonne, Arles ou Rome.
Rome ne pouvait pas ne pas apparaître dans cette hypothèse énumérative, car le
commerce des produits de péninsule Ibérique, sous tous ses aspects, concernait tant la
capitale que les provinces gallo-germaniques, surtout au moment des grands
aménagements de Claude à Ostie50 : le montrent bien les cartes de diffusion, notamment
celles de l’huile car cette dernière a suscité plus fortement l’intérêt des savants51.
Néanmoins la cartographie des destinations des amphores portant les mêmes timbres que
ceux découverts sur la cargaison de Port-Vendres II montre bien l’importance de la vallée
du Rhône et de ses prolongements. Q(uintus) Vrittius Revocatus aurait pu destiner à
Narbonne et aux points de débarquement de l’embouchure du Rhône, Arles ou Fos, dont
le rôle mis peu à peu en valeur ne doit pas être négligé52, les produits qu’il avait
embarqués sur le navire. S’il les avait destinés au marché romain n’aurait-il pas utilisé un
navire effectuant le trajet direct, comme cela est bien attesté par d’autres épaves53 ?
35 Même si Q(uintus) Connius Veracus est mentionné à Rome, au vu de ses origines ne pouvait-
il aussi expédier des cargaisons vers Lyon et le Rhin ? Si l’on prend en compte la
provenance de la marque et l’origine du mercator on parcourt à nouveau les deux grands
courants du commerce de l’huile dans l’Occident romain. L’huile que ce négociant avait
achetée et qu’il faisait transporter pouvait être en partie orientée vers Lyon et le Rhin
495
mais elle parvenait aussi à la ville de Rome. Faut-il en déduire que de la carte de
répartition des amphores de Bétique produite par les auteurs de la publication de l’épave
de Port-Vendres II à celle que dessinerait le réseau supposé des affaires de Q(uintus)
Connius Veracus il n’y aurait pas de différence ? Ce serait réintroduire pour le navire de Q
(uintus) Vrittius Revocatus et pour sa cargaison la possibilité d’un prolongement du trajet
en direction de Rome. Est-ce toutefois nécessaire ?
36 N’oublions pas que l’épave de Port-Vendres II se place à la fin du deuxième quart du Ier s.
ap. J.-C. Les amphores timbrées au nom des Vrittii sont en revanche postérieures à cette
époque : on les situe dans la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C. Il en va de même pour la
marque Q CONNI VERACI et pour le timbre L VAL TROPHIMI qui lui est associé. Nous
sommes à une ou deux générations du naufrage de Port-Vendres. Mais le paysage
amphorique se transforme. Les amphores Haltern 70 ont disparu54, alors que sur le
marché romain se produit l’arrivée de plus en plus importante des amphores vinaires
gauloises55. Les données du commerce du vin dans la Méditerranée occidentale sont en
train d’évoluer. La zone principale de production de l’huile n’alimente plus le commerce
du vin de façon aussi significative que par le passé. Pour ce produit, Rome est devenue
dépendante d’autres sources et d’autres régions, celles qui ont vu naître les marchands
dont on a évoqué l’identité ci-dessus et dont on a tenté de reconstruire l’organisation des
affaires. Pouvons-nous écrire à propos des Vrittii que nous suivrions le déplacement de
leur intérêt du vin hispanique vers le vin gaulois ? /333/
37 En somme, à partir de ces remarques sur l’origine gauloise d’un certain nombre de ces
grands négociants qui animaient les circuits commerciaux de l’Occident romain, on peut
s’interroger sur le fonctionnement de ces derniers. Outre la nécessité d’une réflexion sur
la place réelle de ces marchands issus du monde gallo-romain, se dégage l’intérêt d’une
réflexion sur les points de rupture de charge, qui étaient peut-être aussi ceux de la
reconstitution des cargaisons. On laissera de côté Narbonne, dont le rôle demeure
toujours important, pour insister sur les opérations qui se déroulaient certainement aux
embouchures du Rhône, à Fos plus qu’à Arles même. On se demandera aussi si les trafics
n’étaient pas plus complexes que ne le laissent supposer nos études qui se concentrent
sur le sort d’un seul des grands produits de ce commerce interprovincial, et si parfois au
trajet direct vers Rome ne pouvait pas se substituer un trajet plus complexe, mais peut-
être plus fructueux, fait de quelques relais de transbordement et de recomposition de la
cargaison car, au gré des conjonctures économiques régionales, des flux commerciaux
complémentaires ou nouveaux pouvaient s’adjoindre au flux principal. Pourquoi ne pas
supposer qu’à partir d’un certain moment une grande partie du vin gaulois put se
déverser en Italie grâce à des navires qui initialement étaient lestés de Dr 20 ? Il convient
aussi de réfléchir où auraient pu s’effectuer ces rechargements : à Fos par exemple pour
les vins de la vallée du Rhône56. La présence de marchands gaulois sur le circuit des
exportations de péninsule Ibérique conduit à toutes ces hypothèses. La nature de
l’échange devenait plus complexe, mais les profits en revanche pouvaient être multipliés.
Déjà durant la première moitié du Ier siècle ap. J.-C. il était rentable de s’immiscer dans ces
trafics à longue distance de l’Occident romain et à partir de là il devenait tentant de
valoriser toutes les possibilités qui étaient offertes, en particulier – et à tout le moins – en
faisant produire des emballages amphoriques sur les lieux mêmes de la production de
l’huile. Mais au moment même où ces expériences fructueuses étaient tentées, à partir du
milieu du I er siècle, les conditions étaient devenues encore plus lucratives avec la
possibilité de prendre en même temps tous les profits du commerce du vin, dont les
496
importations dépassaient pour Rome celles de l’huile57. Le dossier que nous venons de
constituer, et auquel on pourrait être tenté d’ajouter quelques autres pièces, ne le
montrerait-il pas ?
NOTES
1. Panciera 1980 ; Le Roux 1986, p. 258-263, p. 267-271 : Liou 1990, p. 205-208. Mais voir aussi
Étienne 1998, p. 156-164.
2. Rodriguez Almeida 1980 ;DeSalvo 1992, p. 186-207. Toutefois chez De Salvo 1992, p. 193-194,
p. 201-202, p. 209-216, p. 220 la distinction entre naviculaires et mercatores n’apparaît pas. Cette
question est déjà traitée dans Colis 1977, p. 91-93, puis par Liou 1990, p. 205.
3. Héron de Villefosse 1914.
4. Sirks 1991, p. 45-107.
5. Étienne 1987.
6. Rodriguez-Almeida 1984, p. 222-233 ; mais voir aussi 1972, p. 107-241, et Chic, 1985 et 1988,
puis Blázquez 1999. Voir enfin les 4 vol. du Congresso internacional EX BAETICA AMPHORAE.
Conservas, aceitey vino de la Bética en el lmpero romano (Sevilla-Ecija, 17 al 20 de diciembre de 1998),
Ecija, 2000.
7. Kajanto 1965, p. 314.
8. Kajanto 1965, p. 253. On mentionnera en Gaule narbonnaise, à Rognes, Verax Antenoris f. : ILGN
87 = ILN Aix-en-Provence, 240 ; Holder 1896-1904-1907, III, col. 1275.
9. Rodriguez-Almeida, 1984, p. 223.
10. Lejeune 1982, p. 116 et RIG I, p. 453-454. On trouve un exemple dans l’épigraphie gallo-
grecque, tel Ourittakos dans une inscription de Glanum : RIG I, G-68 ; il en existe un autre dans
lëpigraphie gallo-latine, avec Biracus à Ventabren (Vectitus Biraci : ILGN 97 ; RIG II, L-l, p. 64-67) ;
avec le développement du fait épigraphique les attestations sont plus nombreuses dans
lëpigraphie latine : Boduacus (CIL XII, 1231 a), Cippacus (CIL XII, 3763), Dubnacus (CIL XII, 2358),
Luttaci (au génitif dans l’index, CIL XII, 3075), Servaci (au génitif dans l’index, CIL XII, 852), Valtacus
(CIL XII, 5890, revu par Christol 1986 b, d’où AE 1986,474).
11. Schulze 1904-1991, p. 237-238 ; CIL III, 5114 ; CIL XIII, 2902.
12. Holder, 1896-1904-1907, I, col. 1103-1104 enregistre Connacia, Connarius, Conniola, Connius,
Connonia, Connos, puis dans III, col. 1274, revient sur Connius.
13. Dottin 1920, p. 248 ; Evans 1967, p. 337 ; Degavre, 1998, p. 163 ; Delamare 2001, p. 103.
14. Sans que ce choix affecte les interprétations qui suivent, nous n’avons pas retenu CIL XII, 2403
(Vienne ; Aoste) : le gentilice Connius est restitué en partie et Hirschfeld lui-même admet que
l’interprétation est incertaine (CIL XII, p. 870 : index des gentilices).
15. On ne trouve rien dans le complément de P. Wuilleumier.
16. Héron de Villefosse, dans BSNAF, 1885, p. 87.
17. Allmer 1876, III, p. 358, p. 363-364 ; Pelletier 1982, p. 59-60.
18. Dangréaux 1987 ; Desbat 1989.
19. Même trajet pour le vin hispanique : Étienne-Mayet 2000, p. 214-217.
20. Dans le cas de Vienne on rappellera l’inscription de L. Helvius Frugi, duumvir à deux reprises à
Vienne, naute de la Saône et du Rhône (CIL XIII, 1918), honoré par ces derniers.
21. Rougé 1978 ; Cracco Ruggini 1978 ; Pelletier 1982, p. 349-351.
497
NOTES DE FIN
*. Vivre, produire et échanger : reflets méditerranéens. Mélanges offerts à Bernard à Bernard Liou,
Montagnac, 2002, p. 325-334.
499
NOTE DE L’ÉDITEUR
Un point important du dossier des naviculaires d'Arles a fait l’objet récemment d’un
article de C. Virlouvet :« Les naviculaires d'Arles. À propos de l'inscription provenant de
Beyrouth », MEFRA, 116, 2004, p. 327-370 ; voir aussi Corbier 2006, p. 233-256. Leur place
dans la cité a été présentée, dans une perspective globale, dans l’ouvrage récent dirigé
par J.-M. Rouquette, Arles. Histoire, territoires et cultures, Paris, 2008 (dans la partie
concernant l'Antiquité) [= Christol 2008 a]. Ce chapitre doit être rapproché des chapitres
31, 32, 33 et 35, afin de montrer tout l’intérêt d’une étude anthroponymique en vue
d’analyser la composition des milieux du grand commerce dans l'espace gallo-
germanique, et d'effectuer des corrélations entre circulation des biens et circulation des
hommes.
il s’avère que les documents invoqués sur ce sujet, s’ils sont correctement interprétés,
non seulement conduisent dans un sens opposé à l’interprétation traditionnelle, mais
encore fournissent des éléments précieux pour éclairer les autres problèmes.
3 Il est commun d’attribuer aux éléments étrangers, notamment orientaux, groupes ou
individus, la direction du grand commerce maritime et, au-delà, un rôle essentiel dans la
direction de la vie économique. L’idée fut exposée avec quelque force par C. Jullian3. En
Narbonnaise, estime-t-/6/on, une population « nouvelle » se serait constituée par
l’apport de la colonisation et d’une immigration d’Italiens et d’Orientaux tournés vers le
commerce. À Arles, comme à Narbonne, ce seraient des étrangers, au premier rang
desquels se trouveraient ces négociants issus des parties orientales de l’Empire, qui
maîtriseraient l’activité commerciale4. La thèse est clairement exprimée. Elle a souvent
été reprise et l’on peut lui accorder la valeur d’une vulgate5. Rares sont les voix
discordantes qui ont affirmé le dynamisme des milieux commerçants gallo-romains. P.
Lambrechts s’est certes élevé avec vigueur contre l’affirmation de la primauté des
marchands orientaux dans l’activité économique des provinces gauloises, mais s’il a
montré que cette thèse s’appuie sur des généralisations un peu trop hâtives, il n’est pas
parvenu à révéler l’existence d’une classe marchande authentiquement gallo-romaine en
Narbonnaise6.
4 Il est vrai aussi que ceux qui accordent aux Orientaux le monopole de l’activité
commerciale ont des arguments à avancer. La plus grande partie des armateurs ou
hommes du négoce maritime qui nous sont connus dans les ports de la Méditerranée
occidentale, en Arles comme à Narbonne en particulier, ne portent-ils pas des cognomina
grecs ou orientaux7 ? La conclusion serait évidente si l’on était sûr qu’un surnom grec ou
oriental impliquait une telle origine. Or rien n’est moins certain. Plus que de l’origine
ethnique, hormis en quelques cas, les cognomina peuvent dans une certaine mesure être
révélateurs du statut des personnes qui les portent8 /7/.
5 En tout cas, l’examen de l’onomastique des naviculaires d’Arles est extrêmement
concluant. Deux naviculaires sont connus : L. Secundius Eleuther et M. Frontonius
Euporus. Si l’on envisage la diffusion de ces cognomina dans les régions occidentales de
l’Empire, on doit conclure que tant Euporus, ses parallèles et ses dérivés (Euporio,
Euporis, Euporistus, Euporianus)9, qu’Eleuther et ses dérivés (Eleuthera, Eleutheris)10,
sont, de façon caractéristique, des noms d’esclaves ou des surnoms d’affranchis. Si la
valeur du cognomen comme indication de l’origine ethnique demeure fort incertaine, en
revanche il est sûr qu’à travers la dénomination des personnes se révèle leur situation
juridique et sociale.
6 En Arles, mais aussi à Narbonne, l’autre grand port de la Narbonnaise, l’analyse de
l’onomastique des personnes engagées dans les activités maritimes montre qu’il s’agit,
dans une majorité de cas, d’affranchis11. Ainsi se déplace la perspective de la recherche. La
question de l’origine ethnique des personnes passe au second plan, voire même paraît
artificielle. L’analyse onomastique fait passer au premier plan l’ensemble des relations
juridiques et sociales qu’implique le statut d’affranchi de la plupart de ces naviculaires.
L’état de dépendance dans lequel ils demeurent après l’acte d’affranchissement impose de
rechercher dans quel cadre « familial » s’intègre leur activité. En somme, de qui sont-ils
les affranchis ?
7 Dans le cas des naviculaires d’Arles l’examen des gentilices Frontonius et Secundius
oriente la recherche vers les milieux gallo-romains régionaux, et peut-être même vers la
cité de Nîmes12. Il en est de même à Narbonne13. C’est donc un phénomène
501
d’enracinement local qui apparaît, car derrière les affranchis se trouvent des familles
locales. À Arles comme à Narbonne, les groupes de commerçants engagés dans l’activité
maritime ne sont pas des étrangers à la société gallo-romaine, ils en procèdent.
8 Du point de vue des origines, c’est un milieu local qu’il s’agit. Mais en constatant qu’il
s’agit d’affranchis, et qu’ils sont enracinés dans les sociétés du sud de la Gaule, on ne peut
esquiver la question de l’origine des capitaux, celle de la mise de fonds commerciale. En
effet on retrouve un schéma commercial très répandu dans la société romaine
républicaine et impériale. La morale civique conseille de ne point s’engager directement
/8/ dans les affaires si l’on aspire à l’honorabilité. Mais il n’est pas interdit de capter les
hauts profits du commerce de mer, si l’on peut le faire par personne interposée. Les
exemples ne manquent pas, qu’il s’agisse du modèle un peu abstrait et irréel, du cas
limite, que fournit Trimalcion, le héros du roman de Pétrone14, qu’il s’agisse de cas très
concrets et vécus, qu’a analysés J. Andreau dans la société pompéienne15. L’aristocratie
sénatoriale, et aussi les élites municipales, qui cherchent, chacune à leur niveau et en leur
domaine, à réaliser l’idéal de l’optimus vir et se plient aux exigences de l’honorabilité qui
conditionne la reconnaissance de la dignitas, savent capter les profits commerciaux par le
biais de leurs esclaves ou de leurs affranchis16. Les moyens sont multiples. Le maître peut
préposer son esclave à une activité dont il récupère les gains, ou bien peut lui confier des
fonds à faire fructifier : dans le premier cas le maître est responsable des engagements
pris par l’esclave dans le cadre de sa préposition. Avec ses affranchis, ce sont des
associations qu’il peut nouer ; mais alors s’efface toute responsabilité financière :
l’affranchi fait écran. C’est cette situation que l’on doit retrouver dans l’exemple des
naviculaires d’Arles, même si leurs épitaphes ne sont pas explicites sur cette question.
L’onomastique, qui se plie à des contraintes, en dit à la fois trop et trop peu. Elle établit
toutefois le statut social, et permet de deviner de qui dépendaient ces personnes et avec
qui elles pouvaient nouer des relations économiques privilégiées17.
9 On doit admettre l’existence de sociétés « familiales » dans le milieu des naviculaires
d’Arles, c’est-à-dire des formes d’association commerciale impliquant, sans doute de
façon prédominante, les capitaux avancés par l’ancien maître et l’activité de l’affranchi.
10 J. Rougé estime qu’une telle organisation des sociétés de commerce est évidente à
Narbonne18, mais il pense qu’il en va peut-être différemment dans l’autre grand port de la
province. Il est vrai que les deux dossiers épigraphiques paraissent présenter des
différences notables : les inscriptions d’Arles seraient en général plus récentes que celles
de Narbonne ; elles permettraient de percevoir deux moments de l’évolution des
structures des sociétés de commerce maritime. Reprenons, pour la commodité, l’état /9/
de la question qu’il dresse dans sa thèse, en précisant toutefois que dans ce domaine il a
apporté aux hypothèses avancées en 1964 des remaniements et des aménagements qui
montrent que le dossier n’est pas clos19. C’est ainsi qu’il propose de classer les documents
en trois groupes :
1. Inscriptions concernant des naviculaires individuels, non rattachés à quelque organisation
que ce soit (CIL XII, 704) ;
2. Inscriptions mentionnant les membres d’un corpus de naviculaires (CIL XII, 982) ;
3. Inscriptions se rapportant aux quinque corpora (CIL XII, 672 et CIL III, 14185),
11 et qu’il conclut que les documents les plus anciens (CIL XII, 704) révèlent l’existence de
naviculaires détachés de toute organisation collective, à l’image des naviculaires
narbonnais, tandis que les autres révéleraient une évolution significative : à la différence
502
de ce que pensait L.-A. Constans, J. Rougé estime que les quinque corpora (CIL XII, 672 et CIL
III, 14185) ont précédé le corpus (CIL XII, 982), c’est-à-dire qu’un processus de fusion aurait
unifié les cinq grandes associations de transport en un seul corpus, sous l’effet de
l’évolution économique20. Mais aussi, doit-il ajouter, le terme de corpus indiquerait qu’il
s’agit alors de sociétés commerciales d’un type nouveau, dépassant le cadre familial,
impliquant un investissement plus important, organisées pour avoir une existence
permanente et jouissant d’un statut juridique particulier21. /10/
12 Les documents arlésiens appuient-ils une telle vision des choses ?
1. Incontestablement, CIL XII, 704, comme nous l’avons vu plus haut, révèle une organisation
« familiale » de l’entreprise maritime, comme à Narbonne 22.
2. Mais il en est de même de l’inscription CIL XII, 982, qui date vraisemblablement de la même
époque, c’est-à-dire du début ou de la première moitié du II e s. ap.J.-C. 23. Comme plusieurs
inscriptions de naviculaires narbonnais datent également du IIe s., il faudrait en conclure que
dans les deux ports de la Narbonnaise les structures d’organisation des sociétés
commerciales sont semblables. Pour cette période au moins on ne décèle point une
quelconque évolution d’une cité à l’autre.
3. Rien, non plus, dans les inscriptions d’Arles n’appuie l’argumentation selon laquelle la
mention des quinque corpora précéderait celle du corpus unifié des naviculaires. En effet,
l’inscription mentionnant que M. Frontonius Euporus est curator des naviculaires d’Arles ne
peut être d’une date trop basse dans le IIe siècle, si l’on s’en tient à l’évolution du langage de
l’épigraphie funéraire. En revanche, les inscriptions mentionnant les quinque corpora
appartiennent au début du III e siècle et sont donc postérieures à la précédente (il en est de
même, très vraisemblablement, pour CIL XII, 718) 24. L’inscription de Beyrouth25 appartient
aux premières années du siècle, d’après l’identification de Julianus, qui est mentionné dans
le texte en tant que préfet de l’annone, selon l’interprétation habituelle, avec Claudius
Julianus, connu comme tel en 20126. Quant à la date de la fonction de procurator Augustorum
ad annonam provinciae Narbonensis et Liguriae, exercée par Cominius Bo[-]ius Agricola Aurelius
Aper27, qu’on a tendance à placer à l’époque antonine, sous Marc Aurèle et Lucius Vérus
(161-169), il /11/ convient de l’abaisser jusqu’au début du III e siècle au moins, car dans le
cursus de ce chevalier il est fait mention qu’il commanda, comme préfet, une unité appelée
ala milliaria, stationnée en Maurétanie Césarienne. Or cette unité n’est connue en cette
province qu’à partir du début du IIIe siècle, quand furent entreprises les opérations militaires
qui firent avancer vers l’ouest la zone contrôlée par la puissance romaine : elle est alors
stationnée sur les confins sud-occidentaux de la province28.
de l’utilitas publica. C’est pourquoi M. Frontonius Euporus, qui exerce des responsabilités
dans l’un d’entre eux est qualifié des termes curator eiusdem corporis.
15 Ces naviculaires sont engagés dans des opérations commerciales pour leur compte :
armateurs, ils doivent conclure toutes sortes de contrats avec des passagers, des
négociants, etc. Engagés vers l’amont envers leurs patrons, ils le sont aussi vers l’aval
envers d’autres contractants. À ce titre ils peuvent recevoir une part des profits du
transport et du commerce. Mais en sus, et c’est ce qui leur vaut une situation particulière,
ils sont engagés dans des opérations pour le compte de l’État : pour cela ils reçoivent des
sommes d’argent, les vecturae, et l’autorisation de constituer des corpora. Ces deux types
d’activité sont exercés conjointement : l’une revêt un caractère privé, l’autre un caractère
public. La première n’apparaît nullement dans nos documents narbonnais ou arlésiens :
nulle trace explicite d’opérations pour leur propre compte. Seule, par le biais de
l’onomastique, se révèle la structure « familiale » de l’entreprise d’armement : mais il faut
interpréter la nomenclature. En revanche, la seconde apparaît mieux dans la qualité de
navicularius marinus Arelatensis ou de navicularius marinus C.I.P.C.N.M. 31 : si l’utilitas publica
est la raison d’être de ces organisations de naviculaires, il n’existe plus d’obstacle pour
mentionner cette activité de caractère commercial au service de la res publica sur une
inscription, car elle est honorable.
16 En somme, l’existence d’un groupement de naviculaires, sous la forme d’un corpus, n’est
pas incompatible avec l’activité commerciale de type « familial ». Se conjuguent alors la
société « familiale », ayant pour but la réalisation d’un gain par l’exploitation de navires
dans un contexte privé, et le regroupement de plusieurs de ces sociétés, sur une base
géographique, pour faire face à un service public, plus lourd et de durée supérieure à celle
des contrats entre particuliers32.
17 Quelle différence y a-t-il, alors, entre la mention d’un corpus sur une inscription de la
première moitié du II e s. et celle des quinque corpora sur deux inscriptions du début du III e
siècle ?
18 Le texte de Beyrouth permet d’avancer une hypothèse33. Il relate un conflit, sans doute à
propos de poids et mesures, dans lesquels les naviculaires d’Arles seraient en mauvaise
posture en face de l’administration annonaire, c’est-à-dire de l’administration
responsable du transport des denrées frumentaires (et aussi de l’huile) indispensables au
ravitaillement de Rome. Les naviculaires d’Arles sont qualifiés de la façon suivante :
navicularii marini Arelatenses quinque corporum, terminologie qui apparaît aussi dans
l’inscription relative au procurateur ad annonam. On traduit habituellement cette
expression par « les cinq corporations de naviculaires d’Arles », et l’on en conclut que les
naviculaires d’Arles étaient organisés en cinq corpora, à charge de définir la nature de ces
corpora.
19 Dans sa partie conservée le texte est une lettre du préfet de l’annone à un de ses
subordonnés. Il lui fait part des décisions des naviculaires d’Arles et lui indique que le
conflit dont il est question prend de l’ampleur et touche d’autres personnes, qui sont
nommées un peu plus loin par le terme ceteri, c’est-à-dire « tous les autres ». Si l’on prend
ce terme dans son sens strict, il faut l’entendre par rapport à l’expression navicularii
marini Arelatenses quinque corporum, et considérer que ceteri (tous les autres) et les
naviculaires d’Arles constituent un ensemble homogène, et le constituent à eux seuls.
« Tous les autres » ne peuvent être que des naviculaires. Ceci est confirmé par la nature
du conflit relaté, qui est une affaire entre l’administration annonaire et des personnes qui
504
NOTES
1. Sur les naviculaires d’Arles Constans 1921, p. 111-113, p. 119, p. 205 ; Christol 1971 a ; cf. aussi
la n. suivante. Les textes épigraphiques invoqués sont les suivants : CIL XII, 704 ; 718 ; 853 ; 982 ;
CIL III, 14185.
2. Rougé 1966, p. 142, p. 154-155, p. 252-253, p. 306-307.
3. Jullian 1920, V, p. 14-17.
4. Jullian 1920, V, p. 168 et suiv.
5. Grenier 1937, p. 475-476 ; Frank 1924, p. 102 ; Constans 1921, p. 111-113, p. 119 et p. 205, où il
écrit notamment à propos de Marcus Frontonius Euporus et de Lucius Secundius Eleuther : « tous
deux sont des affranchis grecs : les colons d’Arles semblent avoir abandonné à d’anciens esclaves
dont la plupart devaient être des Grecs, le commerce maritime et ses profits ». Rougé 1966,
p. 295-321 passim, et surtout p. 306-307 : « en effet si nous considérons l’onomastique des
habitants d’Arles engagés dans les activités du commerce maritime proprement dit, c’est-à-dire
celle des naviculaires marins dont les relations s’étendaient jusqu’aux régions les plus orientales
de la Méditerranée, nous y constatons une forte proportion de noms orientaux... Si les seuls noms
qui nous aient été conservés sont des noms d’Orientaux nous devons bien en conclure que leur
part dans la corporation devait être importante, cela d’autant plus que nous les retrouvons dans
les métiers du port, les utriculaires... ».
6. Lambrechts 1937.
7. Cf. la démonstration de Rougé 1966, p. 306-307, qui s’appuie sur le dossier des naviculaires
d’Arles et de Narbonne.
8. Kajanto 1967 ; Duthoy 1970 ; Solin 1971 ; Pflaum 1973.
505
NOTES DE FIN
*. Provence historique, 32, 1982, p, 5-14.
508
NOTE DE L’ÉDITEUR
On tiendra compte des réflexions contenues dans les chapitres 29 et 35. Il convient aussi
d'utiliser les renseignements fournis par ces inscriptions de Nîmes dans la problématique
des rapports entre les affranchis, engagés dans l'activité marchande, et leurs patrons
[voir aussi chapitres 33 et 27].
cretariae Lugduni consistens, est civis Trever également 6. En revanche, à Lyon,/126/ un seul
membre de l’association des negotiatores vinarii s’avoue lyonnais : il s’agit de L. Hilarianius
Cinnamus, civis Lug(dunensis) 7. Mais cette mention se réfère, peut-être, à une qualité
acquise. La mise en valeur du statut de ressortissant du lieu ne pourrait-elle s’expliquer
par référence à l’identité de deux utriculaires ? L’un est dit ex civitate Veliocassium,
sublectus in numerum colonorum Lug(dunensium)8. l’autre est dit natione Sequanus, civis
Lugdunensis9. N’aurait-on pas, de la même façon, fait entrer ce marchand de vin dans la
communauté civique lyonnaise ? Et donc L. Hilarianius Cinnamus pourrait n’être pas
originaire de Lyon Quoi qu’il en soit, même si l’on ne connaît pas l’origine exacte des
autres membres de l’association professionnelle, il y a de bonnes raisons d’admettre qu’ils
n’étaient pas issus du terreau local10, puisqu’on les appelle consistentes 11. Ce seraient donc
des gens venus d’ailleurs, réunis en un lieu favorable à leurs entreprises. C. Sentius
Regulianus12, connu comme diffusor olearius ex Baetica et negotiator vinarius in canabis
consistens, s’il n’était pas originaire de Rome 13, n’était pas pour autant lyonnais même si
ses attaches familiales avec la Gaule semblent évidentes14. M. Inthatius Vitalis15, aussi
negotiator vinarius Lugduni in kanabis consistens, n’était sûrement pas Lyonnais, si l’on se
réfère aux critères invoqués ci-dessus16 et à sa dénomination17. /127/
3 Grâce aux renseignements géographiques que contiennent les inscriptions on peut
délimiter aisément faire d’intervention de la puissante corporation lyonnaise. Ses
membres drainaient et contrôlaient le trafic d’un produit qui constituait un des
commerces majeurs de l’axe rhodanien, s’épanouissant au-delà de Lyon vers tous les
secteurs de l’arc rhénan et même les espaces océaniques au Nord-Ouest de l’Empire. À
l’époque de son plus grand essor c’étaient de plus les vins gaulois qui fournissaient la
majeure partie de ce commerce. En effet, depuis le milieu du Ier s. ap. J.-C. les vins qui
circulaient dans la vallée du Rhône provenaient pour l’essentiel de la province de
Narbonnaise18. Pline le Naturaliste relate quel développement anima les vignobles établis
de part et d’autre de l’axe fluvial : il résultait d’innovations culturales, qui faisaient la
gloire des propriétaires fonciers helviens19 et allobroges 20. Désormais l’archéologie vient
attester la vigueur de ces trafics. Mais l’épigraphie conserve son importance car elle
apporte des documents très suggestifs. Les historiens d’Alba comme ceux de Lyon
connaissent bien l’inscription de M. Inthatius Vitalis21 : celle-ci montre combien
importants étaient les liens – entendons aussi des liens d'affaires –, qu’avait noués avec la
cité des Helviens ce marchand de vin lyonnais, engagé de surcroît dans le transport
fluvial dans la vallée du Rhône. L’épigraphie de Nîmes peut apporter sa contribution au
sujet, grâce à deux documents jusqu’ici peu utilisés.
4 La première inscription fut découverte en 1899, Grand-Rue, maison Martin, et fut aussitôt
transportée au Musée. Il s’agit, comme souvent, d’un remploi. Le document conservé
correspond à la partie inférieure gauche d’un cippe funéraire qui devait être
originellement encadré d’un décor de rinceaux22. Mais de ce dernier ne subsistent que des
traces, car les parties saillantes furent abattues lors du remploi. Ce texte fut publié par
Espérandieu23 avec un commentaire qui était assez développé, et repris par l’ Année
épigraphique24. avant de trouver place dans les ILGN25 : /128/
H. : 0,30 ; L. : 0,43 (corriger ILGN) ; Ep. : 0,15.
— seviro Aug. col. Copia]
Claudia Lugduno [item col.]
Nem. item decurio[ni orna-]
mentario col. eius[d. cura-]
tori negotiator[um vina-]
510
non sans hésiter, s’il ne fallait pas restituer la fonction de praef(ectus) fabr(um) à l’avant-
dernière ligne. Cette proposition était très audacieuse. Aussi fut-elle tout de suite
abandonnée lorsque le texte fut reproduit dans l’Année épigraphique27. et par la suite dans
les inscriptions de Narbonnaise28.
H. : 0,27 ; L. : 0,43 ; Ep. : 0,07. Lettres de 0,03.
---decurioni]
ornament[ario col. Aug.]
Nem. curatori ne[gotiato-]
rum vinarioru[m qui ]
Lugduni in can[abis]
consistunt praef[—]
Elpidepho[rus
6 L’inscription est un peu plus médiocrement conservée que la précédente. Ce qui en
subsiste correspond aussi à un bord gauche dont la moulure a été abattue. Il s’agit de la
partie inférieure du cippe, à laquelle manque vraisemblablement la dernière ligne.
7 Ces deux inscriptions ont toujours été considérées séparément, comme s’il s’agissait de
deux personnages différents, notamment par L. Cracco Ruggini29 qui, à notre
connaissance, s’en est occupée en dernier lieu. Pourtant on doit pouvoir établir qu’elles se
réfèrent à la même personne.
8 La première inscription a été posée du vivant même de l’anonyme qui a pris soin lui-
même, sans trop se fier à la bonne volonté de ses héritiers, de ses amis ou de ses
affranchis, de mettre en évidence sa carrière, du moins ce qui lui paraissait digne d’être
affiché au moment où il prenait sa décision. Les cippes à rinceaux ont souvent un champ
épigraphique qui se rapproche du carré, ou à peu près. On peut évaluer que dans le sens
de la hauteur ne subsiste que la moitié de ce dernier. Mais si la dénomination était,
comme il paraît normal, écrite en plus gros caractères, il ne manquerait en définitive que
trois lignes au plus de la biographie que le personnage souhaitait présenter à ses
contemporains : ainsi, en tenant compte des restitutions qui semblent s’imposer, on
constatera que peu de chose nous échappe. En tout cas la localisation de la sépulture à
/129/ Nîmes, et la nature même de certains honneurs, imposent de le considérer comme
Nîmois30.
9 Mais nous ajouterons que l’on peut aussi déterminer son statut social. Nous y aide la
mention des deux honneurs reçus à Nîmes : le sévirat augustal et les ornements du
décurionat. Le dossier relatif à cet honneur, attesté à plusieurs reprises dans l’épigraphie
locale, montre qu’il concerne d’abord les notables d’autres cités venus s’établir à Nîmes,
vraisemblablement à l’issue d’une alliance. Ces exemples témoignent de la capacité
d’attraction de ses élites dirigeantes ainsi que des facultés d’intégration aux plus hauts
degrés de la notabilité provinciale quelles apportaient à qui voulait bien se joindre à l’une
de leurs parties31. Mais à côté de ce groupe s’en trouve un autre, qu’il est tout aussi aisé
d’individualiser : il est constitué de gens mentionnant, comme ici, à la fois le sévirat
augustal et les honneurs des ornements de décurion32. Il s’agit alors de Nîmois. Quelques-
511
uns indiquent clairement qu’ils sont des affranchis33. D’autres portent des surnoms
d’origine grecque34. Pour tous l’octroi des ornements de décurion est une étape
supplémentaire dans la recherche de la meilleure honorabilité et dans la quête d’une
intégration au sein de l’élite sociale et politique. D’ailleurs dans certains cas on peut
pressentir que ces affranchis dépendent de grandes familles et que leurs unions copient
celles de leurs maîtres35. Notre homme appartient à ce milieu, mais les incertitudes qui
pèsent sur sa dénomination interdisent de préciser comment il s’insérait dans les réseaux
familiaux locaux.
10 L’anonyme a construit sa biographie de façon à mettre en évidence les honneurs reçus à
Lyon et à Nîmes, et par ce biais à montrer son importance (le sévirat augustal à Lyon
s’ajoutant aux honneurs nîmois est en soi très significatif), mais surtout les deux
responsabilités qui le plaçaient au plus haut au sein des associations lyonnaises. L’on peut
alors se demander si l’énumération ne suit pas un ordre d’importance. Entendons :
d’importance honorifique, car il est bien évident que responsabilité professionnelle et
honneur municipal ne peuvent être mêlés et leur mélange bien entendu que si les deux
mentions se chargent d’elles-mêmes de connotations identiques, ici positives. Cette
responsabilité professionnelle est la cura de l’association des marchands de vin établis à
Lyon, ce qui implique certainement qu’il avait été auparavant simple membre de
l’association. En effet cette fonction le plaçait parmi les personnages les plus importants,
ceux qui en assuraient l’administration, l’encadrement et la représentation36 ; elle le
distinguait de la plèbe du collège. À Lyon les curatores des négociants en vin qui sont
connus sont au nombre de deux. L’un est M. Inthatius Vitalis, qui associe négoce du vin et
transport fluvial (nauta Arare navigans) et qui exerce de multiples patronages sur les
associations professionnelles de Lyon. L’on sait, de plus, qu’il a reçu à Alba l’honneur du
consessus37. L’autre est C. Sentius Regulianus : il associe négoce du vin et transport fluvial
(nauta Araricus) comme le précédent, mais ajoute le commerce en gros de l’huile de
Bétique ; il exerce aussi le patronat des nautes de la Saône et des sévirs Lugduni /130/
consistentes38. Peut-être parvint-il, pour services rendus, à être admis dans l’ordre
équestre39. Les curateurs des autres collèges lyonnais sont d’un niveau comparable40. La
position de ce Nîmois est donc flatteuse. Mais elle est encore plus rehaussée si l’on tient
compte de l’autre curatelle qu’il a exercée, celle des sévirs augustaux résidant à Lyon41 : il
y retrouve trois personnages du plus haut rang social : C. Primius Secundianus, C. Marius
Ma[---], T. Munatius Felix42.
11 On ne peut donc plus hésiter sur le niveau qu’avait atteint ce personnage. À Nîmes, peu
d’hommes lui sont comparables : on ne peut citer que C. Aurelius Parthenius43, sévir
augustal à Lyon, Narbonne, Orange et Fréjus, ce qui pourrait indiquer l’existence de
relations élargies dans l’espace gaulois, et un anonyme, dont les activités étaient
orientées vers Arles et la moyenne vallée du Rhône44.
12 Faut-il identifier cet affranchi au personnage anonyme de l’autre inscription trouvée à
Nîmes quelques années plus tard ? Le second texte, qui présente aussi un caractère
funéraire, a été gravé à l’initiative d’un affranchi, Elpidephorus, qui de ce fait n’indique
pas son gentilice, comme l’affranchi qui, à Vallabrègues, aux limites orientales du
territoire, éleva le monument funéraire destiné à son patron : [---]cus lib. [et pro]c.
mausoleum patrono optimo et s(ibi) v(ivus) f(ecit) 45. Mais cette fois l’inscription a été rédigée
post mortem et peut donc tenir compte des ultimes développements de la carrière du
défunt. Or il y a trop de ressemblances pour que l’on dissocie les deux documents. Le
décurionat honoraire à Nîmes et l’insertion des personnages parmi les marchands de vin
512
de Lyon constituent des points communs très significatifs. On peut supposer que le
rédacteur de la seconde inscription, qui n’était plus le personnage lui-même, a d’abord
mentionné dans le texte qu’il composait tous les honneurs lyonnais puis les honneurs
nîmois, et que dans la première partie se trouvaient le sévirat à Lyon et la curatelle des
sévirs établis en cette ville. Il a, comme son patron, placé in fine les responsabilités
exercées au sein du collège des marchands de vin, mais il y a ajouté autre chose, l’ultime
étape de sa carrière.
13 En effet la fin de l’avant-dernière ligne conservée comporte la mention d’une nouvelle
fonction qui, vu sa place, correspond à une fonction au sein des corporations lyonnaises.
E. Espérandieu s’abstenait de restituer quelque chose. L. Cracco Ruggini supposait
d’abord, non sans hésiter, qu’il s’agissait de la préfecture des nautae /131/ Rhodanici 46.
avant de l’embrigader parmi les préfets de cette corporation47. En effet, d’après la
documentation existante, seules deux corporations professionnelles sont coiffées par un
praefectus : celle des nautae Rhodanici 48 et celle des negotiatores Cisalpini et Transalpini 49. En
serait-il de même pour notre Nîmois ? Mais il faudrait quand même insérer à la fin du
deuxième texte, sous une forme abrégée à l’extrême, l’indication N. RHOD., en
contradiction avec le libellé des mots, car le rédacteur a tout au long du texte répugné
aux abréviations. De plus dans tous ces cas le personnage qui était parvenu si haut avait
d’abord été simple membre du collège, comme prennent bien soin de le mentionner les
sources épigraphiques correspondantes :...n(auta) [Rh]od(anico), praef(ecto) [eius]d(em) corp
(oris) pour le premier, ...negotiatori corporis splendidissimi Cisalpinorum et Transalpinorum,
eiusdem corporis praef(ecto) pour le second. Aussi dans la logique de l’énumération qui
venait de commencer nous suggérons de restituer praef(ecto) [eorum], c’est-à-dire préfet
de la corporation des marchands de vin. Ceux-ci auraient ainsi disposé d’une organisation
comparable à celle de deux autres associations professionnelles établies à Lyon50. Faut-il
penser qu’il en était de même dans tous les autres collèges lyonnais ?
14 Ainsi, en dépit de l’anonymat qui subsiste, la personnalité de ce Nîmois peut être mieux
appréhendée. Important dans sa cité, il l’était non par une notabilité héritée mais par la
position qu’il avait gagnée grâce à ses mérites et ses activités, puisqu’il s’agissait d’un
affranchi. Celles-ci l’avaient conduit à Lyon. C’est pourquoi les inscriptions illustrent
l’importance des liens qui s’étaient noués entre les cités de la vallée du Rhône et la
métropole lyonnaise. D’Alba à Lyon mais aussi de Nîmes à Lyon, c’étaient les cités de la
rive gauche du Rhône qui par le commerce du vin en particulier se rattachaient au
quartier des marchands établis aux canabae. Les deux inscriptions de Nîmes montrent
bien l’ample extension de ce réseau commercial tout au long de l’axe fluvial. En ce sens
les inscriptions de Nîmes répètent en les élargissant les enseignements fournis par
l’inscription de M. Inthatius Vitalis.
15 S’ajoute au demeurant une indication précieuse sur la composition des milieux
commerçants, où la part des hommes de Gaule méridionale se trouve valorisée. Lyon
accueillait des négociants venus de toutes parts, qui y résidaient de façon plus ou moins
durable, sinon périodiquement, en sorte qu’ils pouvaient s’intégrer peu ou prou à la vie
sociale de la cité. C’est ce que montrent aussi les deux inscriptions de Nîmes examinées ci-
dessus. Inversement les cités qui entraient dans l’horizon commercial des canabae
recevaient ou hébergeaient des négociants lyonnais ou bien des gens de commerce établis
à Lyon, à tout le moins des hommes qui avaient établi dans cette ville le centre de leurs
activités commerciales. Y séjournant périodiquement ils pouvaient aussi participer à la
vie locale, comme le montre l’inscription de M. Inthatius Vitalis qui met en évidence ses
513
relations avec la cité des Helviens. En somme les documents qu’apporte l’épigraphie de la
cité de Nîmes sur les relations entre cette ville et Lyon complètent heureusement ce que
l’on savait bien grâce à l’épigraphie lyonnaise sur les relations entre cette cité et la cité
d’Alba : le trafic du vin était l’un des fondements de l’activité et de la prospérité du
carrefour lyonnais mais les cités de Narbonnaise, d’où provenait l’essentiel de ce produit,
n’étaient pas absentes des canabae. Non contentes de retirer le prix de la production, elles
savaient aussi prendre le profit de la distribution.
NOTES
1. CIL XIII, 1921 (ILS 7024). Ce notable lyonnais fêtait le pontificat perpétuel qui venait de lui être
attribué. Sur sa carrière, Burnand 1973.
2. CIL XIII, 1974. En d’autres termes, ici les marchands de vin sont inclus dans « le tout venant des
associations autorisées », suivant l’expression de Burnand 1990, p. 54.
3. Dans CIL XIII, 1900 (ILS 7025) on peut penser, en revanche, que même les sévirs augustaux sont
inclus dans les omnia corpora.
4. Sur la question de la hiérarchie des corporations lyonnaises, Waltzing 1895-1900, p. 185-186 ;
Cracco Ruggini 1978, p. 75 et n. 3.
5. CIL XIII, 1911 et 11179 ; Krier 1981, p. 31-35. Sur la diaspora des Trévires on se référera aux
cartes de Whigtman 1970, p. 49 et de Krier 1981, p. 12.
6. CTL XIII, 2033 ; Krier 1981, p. 54-56.
7. CIL XIII, 1996.
8. CTL XIII, 1992.
9. CIL XIII, 2013 (ILS 7034).
10. C’est ce qu’observe Rougé 1984, p. 347 n. 3.
11. M. Murranius Verus l’était déjà, cf. n. 6. Voir à ce sujet les remarques de Waltzing 1895-1900,
II, p. 176-182, et de Rougé 1974. On retiendra aussi l’observation de Cracco Ruggini 1978, p. 72 n.
2 : « en général j’ai considéré non Lyonnais quiconque se déclare consistens ». Voir aussi Rougé
1984, p. 344-345 et p. 348-349. Récemment Burnand 1990, p. 71 n. 63, a récusé l’interprétation de
Cracco Ruggini. S’il est exact que consistens se réfère au siège de l’association, fixé à Lyon, et si
l’emploi de ce mot n’entraîne pas nécessairement que l’individu ainsi désigné serait extérieur à
cette cité, il y a trop d’exemples qui montrent que ces consistentes sont des étrangers fixés pour
leurs affaires.
12. CIL VI, 29722.
13. Comme le voudrait Rougé 1984, p. 348, n. 1. Mieux : Le Roux, 1986, p. 261 et p. 269.
14. Cf. Le Roux 1986, p. 269, un peu elliptique tout de même. L’a(v)us de ce personnage, L. Silenius
Reginus, sera rapproché de M. Silenius Symphorus, sévir à Lyon, Arles et Riez (ILTG 241 ; Lyon).
Quant à Ulattia Metrodora, elle doit être rapprochée des Ulattii gaulois, importants dans la cité
des Ségusiaves, mais aussi représentés à Lyon par C. Ulattius Meleager, sévir en cette cité, patron
de tous les corpora Lugduno licite coeuntia (CIL XIII, 1974), cf. Rémy 1974, p. 102 n. 40. Le dossier
rassemblé par Burnand 1990, p. 58-60, montre bien que ce personnage est probablement issu
d’une cité gauloise du proche voisinage de Lyon. Faut-il pour autant suivre cet auteur quand il le
considère comme lyonnais ?
15. CIL XIII, 1954.
514
16. Lauxerois 1983, p. 248-249 Ce personnage n’est pas d’Alba, puisqu’il a obtenu en cette cité le
consessus. Ce privilège n’est pas le droit de siéger dans l’ordo d’Alba comme le voudrait Le Glay
1964, p. 147-148, mais le droit de siéger au milieu des décurions lors des fêtes de la cité, au
théâtre par exemple ou dans les banquets officiels : cf. en ce sens Burnand 1990, p. 69 n. 42. On
rapprochera ce privilège du consessus de l’honor biselli, fréquemment attesté en Italie, cf. CIL XI,
3805 (ILS 6579) à Véies : liceatque ei... bisellioproprio inter Augustales considere. De même on
rapprochera du consessus les clauses de la lex coloniae Genetivae sur l’attribution des places au
théâtre (CIL I 2, 594 ; CIL II, 5439 ; FIRA I(2), 21 ; Les Lois des Romains, Naples, 1977, IV, 3, au chap.
CXXVI : IIvir., aed., praef., quicumque c.G.I. ludos scaenicos fecit, colonos Genetivos incolasque hospitesque
adventoresque ita sessum ducito, ita locum dato distribuito atsignato ; cf. aussi chap. CXXVII). Plus
proche de l’exactitude est donc Lauxerois 1983, p. 80 quand il évoque une admission dans le sein
de l’ordo à titre honoraire (cf. p. 86 et p. 96), mais il conserve quand même l’autre interprétation
(p. 104).
17. Burnand 1990, p. 73 n. 104, qui fait remarquer justement que si « Inthatius n’a pas été
enregistré comme nom celtique.... il paraît pouvoir être rapproché de théonymes et de
toponymes connus commençant par le préfixe int. ».
18. Rougé 1978, p. 57 ; Dangréaux 1988 ; Martin-Kilcher 1990.
19. Pline, NH, XIV, 4, 25 ; Dion 1959, p. 118 ; Lauxerois 1983, p. 94-97.
20. Pline, NH, XIV, 4, 26 ; Dion 1959, p. 111, p. 118-121.
21. CIL XIII, 1954. Lauxerois 1983, p. 86, 96, 101, 104 ; Le Glay 1964, p. 144-147. Le Glay 1978,
p. 25-26, met pour sa part en valeur, à propos de la géographie de la circulation des biens et des
hommes, les relations entretenues au loin par les sévirs augustaux de Lyon détenteurs du même
honneur en d’autres cités : T. Cassius Mysticus est aussi sévir à Vienne (CIL XIII, 1956), M. Silenius
Symphorus est aussi sévir à Arles et Riez (AE 1935, 17 = ILTG 241), C. Aurelius Parthenius est
honoré aussi (des ornements de décurion) à Nîmes, puis est sévir augustal à Narbonne, Orange et
Fréjus (CIL XII, 3203).
22. Sur ce type de décor, Sauron 1983.
23. Espérandieu, Revue épigraphique, IV, 1900, p. 120-121, n o 1354.
24. AE 1900,203.
25. ILGN 423.
26. Mazauric 1909, p. 40.
27. AE 1909, 81.
28. ILGN 424.
29. Cracco Ruggini 1978, p. 69, n. 1 (second texte) ; p. 69, n. 2 (second texte) ; p. 73, n. 1 (les deux
personnages sont juxtaposés) ; p. 76, n. 1 (premier texte seul) ; p. 84, n. 1 (second texte, à propos
duquel le personnage est considéré comme nauta Rhodanicus).
30. Cette voie avait déjà été entrevue par Espérandieu, Revue épigraphique, IV, 1900, p. 121.
31. CIL XII, 3200 (le père du personnage principal, non mentionné dans le texte de l’inscription,
doit être de Riez) ; 3291 (de même, le père est un ressortissant de Riez) ; 3288 (le père est de
Senez).
32. CIL XII, 3191, 3219, 3221, 3245, 3249, 4068, 4081.
33. CIL XII, 3219, 4068.
34. CIL XII, 3191 (Anicetus) ; 3221 (Nicephorus) ; 3249 (Epitynchanus).
35. CIL XII, 3221. Sur cette inscription, C. Fulvius Nicephorus, sévir augustal et décurion
honoraire, apparaît comme père de Fulvia C. f. Cassiana. Sur ce type de dénomination à Nîmes et
les interprétations que l’on peut en dégager, Christol 1992 b [chapitre 27].
36. Waltzing 1895-1900,I, p. 356-364 et p. 406-421.
37. Cf. n. 16.
38. Cf. n. 12-14.
39. Cette hypothèse a été formulée par Le Roux 1986, p. 269.
515
40. On citera CIL XIII, 2020 (civis Vangio) : patron des nautes de la Saône ; CIL XIII, 1961 et 1937 : un
sévir augustal de Lyon, curateur des dendrophores, qui a suivi tous les degrés de la hiérarchie
chez les centonarii, patron de ces derniers ; CIL XIII, 1918 (L. Helvius Frugi, duumvir de Vienne),
patron des nautes du Rhône et de la Saône. Sur le patronat des associations lyonnaises, et son
importance, Cracco Ruggini 1978, p. 72-73.
41. On s’est demandé s’il n’existait pas deux groupes de sévirs à Lyon, ceux de la cité elle-même
et les sévirs honorés en d’autres cités qui résidaient dans cette ville pour leurs affaires : Waltzing
1895-1900, II, p. 181, n. 7, demeure sceptique à ce sujet. Si l’interrogation peut être posée, on doit
répondre comme Waltzing et Burnand par la négative : les sévirs Lugduni consistentes sont
vraisemblablement les sévirs de la colonie de Lyon. Ce qui n’interdit pas qu’aient résidé à Lyon
des personnages honorés du sévirat en d’autres cités. Cf. aussi Cracco Ruggini 1978, p. 74, n. 2.
42. CIL XIII, 1966 et 1967, 1960, 1937.
43. CIL XII, 3203.
44. CIL XII, 4019. L’inscription incomplète, et de plus invérifiable car elle a disparu, portait le
texte suivant : naut. Atr. et Ov., curator. eiusdem corporis item utriclar. corp. Arelat. eiusdemq. corp.
curat.
45. Christol 1991 a.
46. Cracco Ruggini 1978, p. 69, n. 2.
47. Cracco Ruggini 1978, p. 84, n. 1.
48. CIL XIII, 1967.
49. CIL XIII, 2029 (ILS 7279).
50. Waltzing 1895-1900, I, p. 406-413 et II, p. 352-354, bien qu’admettant que les préfets
représentaient l’autorité de l’État (suivi en ce sens par Cracco Ruggini 1978, p. 70) devait
reconnaître qu’à Lyon « le praefectus paraît n’être qu’un président, comme ailleurs le magister »
(p. 353, n. 3).
NOTES DE FIN
*. Inscriptions latines de Gaule lyonnaise (actes de la table ronde de novembre 1990 organisée au CERGR de
l'Université de Lyon III et au Musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon), Lyon, 1992, p. 125-131.
516
NOTE DE L’ÉDITEUR
On associera à ce chapitre les remarques sur les associations professionnelles établies à
Lyon, dans le chapitre 29, ainsi que le chapitre 34 sur les marchands de vin lyonnais. Le
contexte archéologique arlésien est à prendre en compte désormais à travers Rothé-
Heijmans 2008.
1 Il en est parfois des inscriptions comme des monnaies. L’un des exercices préférés des
numismates, lorsqu’ils tentent de reconstituer les émissions monétaires, est la recherche
des liaisons de coins, de droit ou de revers, pour rapprocher des exemplaires et les
ordonner dans un ensemble cohérent. Mutatis mutandis, il peut en être de même pour les
inscriptions.
2 Une des particularités de l’épigraphie lyonnaise est de révéler, par un certain nombre de
documents, l’ampleur des relations de la ville, devenue bien vite un carrefour de premier
plan dans l’Occident romain. Aux indications propres à l’activité économique, fournies
par les inscriptions, s’ajoutent d’autres éléments. Explicitement, ils informent sur les
larges horizons dans lesquels s’inscrivent les origines des marchands qui confluent vers
Lyon ou viennent y résider pour affaires1. Les personnages cités sont venus s’établir à
Lyon de façon durable, ou bien y ont vécu d’une façon plus épisodique tout en faisant de
cette ville le centre de leurs affaires. Ils y ont trouvé épouse ou compagne, ou bien ont pu
l’y conduire avec eux. Ils y ont fait souche aussi. Bref, ces documents relatifs au commerce
et aux commerçants lyonnais révèlent un monde ouvert, relativement mobile, pour lequel
l’horizon de vie et d’affaires dépasse largement celui d’une banale cité provinciale.
3 Prenons l’exemple du commerce du vin, tenu par l’importante corporation des
negotiatores vinarii. Les textes indiquent qu’ils sont établis à Lyon (Luguduni consistentes), ou
bien qu’ils sont établis à Lyon aux kanabae (Luguduni in kanabis consistentes), suivant les
formulations les plus courantes. Dans la société lyonnaise, cette corporation se place, par
l’estime qui lui est accordée, juste après celle des sévirs augustaux, comme le montre une
517
inscription relative à la distribution de sportules : celle que ses membres reçoivent est
supérieure à celle qui est prévue pour les autres corporations professionnelles (corpora
Lugduni licite cœuntia)2. Dans cette corporation des marchands de vins C(aius) Apronius
Raptor est originaire de Trèves (Trever) 3. /83/ comme M(arcus) Murranius Verus (civis
Trever)4. D’autres, qui ne mentionnent pas leur origine, indiquent qu’ils sont consistentes,
c’est-à-dire qu’ils sont venus d’ailleurs pour s’établir à Lyon. Apparaît ainsi un milieu
mobile, attiré par Lyon, mais point nécessairement attaché de façon constante au site
lyonnais : les affaires nécessitaient des déplacements, des séjours au loin, même si les gros
négociants qu’étaient ces personnages n’étaient pas constamment sur les routes de terre
ou de mer. C’est ce que montre par exemple l’inscription de M(arcus) Inthatius Vitalis, à
qui les décurions d’Alba des Helviens ont accordé le droit de siéger parmi eux (cui ordo
splendidissimus civitatis Albensium consessum dedit)5. Pris dans son ensemble, l’horizon
géographique révélé explicitement par les inscriptions de Lyon embrasse la voie
rhodanienne, puis ses prolongements vers le Nord jusqu’aux cités des bords du Rhin et
vers l’Ouest jusqu’aux cités voisines de l’Océan, ainsi que les routes provinciales vers
l’Italie du Nord et le monde danubien6.
4 Dans ce cadre bien défini peuvent s’insérer des documents moins explicites que ceux que
l’on vient d’utiliser. On ne peut les écarter car, joints les uns aux autres, ils conduisent
aux mêmes conclusions, créant d’eux-mêmes une évidence qu’ils n’avouent pas
explicitement. En effet, ils conduisent à plaquer l’information qu’ils contiennent sur les
mêmes voies commerciales ou les mêmes trajets des gens d’affaires. Quand ils s’appellent
l’un l’autre, ils font parcourir les mêmes chemins ou les mêmes routes. Ainsi, par les
liaisons que l’on peut établir de l’un à l’autre on dessine les mêmes circuits commerciaux.
Apparaissent ainsi des concordances qui ne peuvent être négligées, car elles contraignent
à articuler autour de Lyon et de ses activités un certain nombre d’autres documents. Elles
leur confèrent aussi une signification, en les sortant parfois de leur isolement.
5 Nous partirons d’un document provenant de Lyon. Il s’agit de l’épitaphe de Valerius
Messor par son épouse Maspetia Silvina, à laquelle se joignent ses enfants, Valerius
Silvicola et une fille à la dénomination inconnue. Dans le long texte se dégage une
phrase : ei posita est ara, qui gessit in kanabis sine alla macula. « C’est pour lui qu’a été élevé
cet autel, pour lui qui, sans tache, a fait ses affaires aux Canabae. » Si l’on se réfère aux
critères définis par A. Audin et Y. Burnand pour dater les inscriptions de Lyon, il faudrait
placer ce texte dans la sixième période qu’ils ont définie, c’est-à-dire postérieurement à
240 ap. J.-C., car, outre la référence aux dieux mânes, il y a mention de la memoria du
défunt ; l’ascia est présente ; enfin, la forme ne manque pas d’ampleur et le langage est
bien empreint d’allusions morales7. Si l’on estime qu’il est possible de nuancer ce qui
n’était, après tout, qu’un découpage commode8, on placera l’inscription dans le courant
du IIIe siècle, et on la considérera, avec d’autres, comme un témoignage du maintien de la
vitalité économique de Lyon jusqu’à une date assez avancée durant cette période.
Manifestement, même si n’apparaît dans le texte aucune allusion directe à des activités
qu’aurait exercées le principal personnage, Valerius Messor, on pourra quand même être
tenté de voir en lui un marchand de vin, car c’est dans l’épigraphie des membres de ce
collège professionnel, attaché à une activité essentielle du grand commerce lyonnais, que
l’expression « établi aux canabae » est la plus courante : les negotiatores vinarii, plus que
tous les autres hommes d’affaires lyonnais, se disent « établis aux canabae 9 ». Mais on peut
aussi renforcer cette interprétation par divers rapprochements fondés sur l’épigraphie.
518
6 Il faut alors s’appuyer sur l’identité de l’épouse, Maspetia Silvina. Elle porte un gentilice
très peu répandu. À notre connaissance, il n’apparaît que deux fois dans le vol. XIII du
CIL : mais c’est précisément dans le texte de notre inscription, et pour la même personne.
On peut donc penser que Maspetia Silvina, connue à Lyon, vient de l’extérieur. La
recherche des origines, par l’inventaire des attestations du gentilice, conduit vers un petit
groupe d’inscriptions dans la vallée du Rhône, chez les Helviens, à /84/ Cruas. Là, deux
inscriptions font connaître A(ulus) Maspetius Severus et A(ulus) Maspetius Severianus,
deux frères (CIL XII, 2667), ainsi que Maspetia Vera et A(ulus) Maspetius Verus, une fille et
son père (CIL XII, 2668). Ces inscriptions funéraires, qui s’ouvrent par l’invocation aux
dieux mânes, appartiennent à une période qui couvre largement le II e siècle après J.-C.
sinon plus. Toutes deux concordent pour suggérer que ce groupe familial était enraciné
dans cette partie de la vallée du Rhône, et que, de là, il avait pu se ramifier vers Lyon10. Il
s’agit sans aucun doute d’une famille d’origine provinciale, car le gentilice Maspetius ne
peut être considéré comme italique. Ces observations conduisent à un premier
rapprochement entre les pièces du dossier onomastique que l’on vient d’établir et les
données qui concernent les relations économiques entre Lyon et les pays de la vallée du
Rhône. L’un des documents les plus significatifs en la matière est constitué par
l’inscription de M(arcus) Inthatius Vitalis, negotiator vinarius Ludguni in kanabis consistens,
personnage mentionné plus haut, à qui le conseil des décurions d’Alba avait accordé le
droit de siéger en son sein. Consistens, ce personnage n’était probablement pas lyonnais : il
s’était établi à Lyon, comme le supposent L. Cracco Ruggini, J. Rougé, puis H. Pavis
d’Escurac11. Était-il pour autant issu du pays des Helviens ? On en doutera, en dépit de
l’origine vraisemblablement celtique de son gentilice12. On estimera que les notables
helviens l’honorèrent du droit de siéger parmi eux lors des fêtes de la cité, par exemple
au théâtre, s’il se trouvait dans cette cité aux dates de leur célébration13. Les liens entre
Lyon et le pays des Helviens, clairement établis par l’inscription de M(arcus) Inthatius
Vitalis, se retrouvent ainsi, plus qu’en filigrane, dans le rapprochement entre les deux
lieux où apparaît la gens Maspetia par l’intermédiaire d’inscriptions funéraires.
7 Il y a plus même. D’autres attestations de ce gentilice apparaissent dans les inscriptions
d’Arles. Il s’agit d’abord d’une inscription qui a été vue, du temps de Peiresc, sur un
tombeau le long du Rhône, à Trinquetaille, c’est-à-dire dans le quartier commercial de la
ville14, comparable aux canabae lyonnaises. Elle fait connaître Maspetia Onesime, épouse
de Q(uintus) Asicius Verus, et leur fille, Maspetia Vera15. On relèvera que l’on connaît à
Lyon un Q(uintus) Asicius Norbanus16. La mention des mânes du défunt place cette
inscription, d’une façon large, dans le IIe siècle, sinon même dans le troisième, car on peut
supposer, d’après les renseignements fournis par Peiresc sur la disposition du texte qu’il
pouvait se trouver dans le cartouche d’un sarcophage, les lettres D et M étant disposées
de part et d’autre du texte principal, à l’intérieur des queues d’aronde. Dans ce cas, la
prise en considération du formulaire funéraire, par sa relative simplicité, conduirait à
placer le document plutôt vers la fin du IIe siècle ou vers le début du IIIe siècle après J.-C.17.
Mais c’est plutôt l’autre inscrip-/85/-tion qui retiendra davantage l’attention. Vu la
disposition suivant laquelle elle a été transmise, elle devait se trouver, également, sur un
sarcophage, les lettres D et M étant aussi disposées sur les côtés du texte principal.
Comme le texte se développe sur un plus grand nombre de lignes, mais moins chargées en
mots, donc vraisemblablement plus étroites, on supposera que sur la cuve du sarcophage,
le cartouche contenant l’inscription était encadré d’un décor, comme sur le sarcophage
de Cornelia Lacaena par exemple18. On attribuera donc à cette inscription d’Arles une date
519
qui concorde pour l’essentiel avec elle des inscriptions lyonnaises que nous avons citées
plus haut : la fin du II e siècle ou, plus vraisemblablement, les premières décennies du III e
siècle ap. J.-C. Il est remarquable qu’elle mentionne Maspetia Sabina et son époux L
(ucius) Hilarianius Martidius19. Or le gentilice Hilarianius, isolé en Narbonnaise, est en
revanche attesté à Lyon. Il apparaît sur l’inscription d’un grand négociant20 : D(is) m
(anibus) L(uci) Hilariani Cinnami, civis Lug(dunensis), naut(a)e Rhodanico Rhodano navigantis,
curatori eiusdem corporis, negotiatoris QHARI, Q(uintus) Maspetius Severianus, s[o]cer eius et Cl
(audius) Severinus, amicus, idemqu[e] heredes, p(onendum) c(uraverunt) et sub [as]cia
dedicaverun[t]. A. Audin et Y. Burnand placent l’inscription dans leur cinquième époque,
c’est-à-dire entre 140 et 240 ap. J.-C.21, mais on a vu plus haut comment il fallait suivre ces
observations. Ce texte, d’établissement difficile sur quelques points, a l’intérêt de
confirmer les liens d’alliance entre les deux familles, mêlées aux trafics lyonnais. L(ucius)
Hilarianius Cinnamus est engagé, non sans importance car il appartient à l’élite de son
collège professionnel, dans la batellerie du Rhône. Il est aussi appelé civis Lugdunensis, ce
qui peut signifier, non qu’il est Lyonnais d’origine, mais qu’il a gagné cette identité. En
effet, parmi les gens de commerce à Lyon, on trouve plus souvent des étrangers que des
autochtones. Aussi pourrait-on se demander si la citoyenneté lyonnaise du personnage ne
ressemble pas à celle acquise par un utriculaire, ex civitate Veliocassium, sublectus in
numerum colonorum Lug(dunensium), ou par un autre personnage de ce collège
professionnel, natione Sequanus, civis Lugdunensis 22 ? Cette interprétation peut être
soutenue par le constat que les autres Hilarii ou Hilarianii connus proviennent des régions
plus septentrionales de la Gaule :
• L(ucius) Hilarius Luccus : CIL XIII, 3707 (Trèves) ;
• [Hi]larius Maturus : CIL XIII, 3707 (Trèves) ;
• Hilarius Seducto[r] : AE 1994, 1236 (Trêves) ;
• [H]ilari(us) Sequens : CIL XIII, 668116 (Mayence) ;
• L(ucius) Hilarianius Amabilis : CIL XIII, 8206 (Cologne ; bénéficiaire du gouverneur) ;
• M(arcus) Hilarianius Romanius ; CIL XIII, 8612 (Vetera).
8 On n’échappe pas à la conclusion que les Hilarianii sont, vraisemblablement, des
personnes établies à Lyon, qui devaient appartenir au groupe de négociants issus de la
partie septentrionale et nord-occidentale de l’espace gaulois23. Mais l’inscription de Lyon
relative à L(ucius) Hilarianius Cinnamus révèle de surcroît, un lien avec la famille des
Maspetii. C’est vraisemblablement par ces alliances avec les Maspetii, et par leurs activités
propres, que ces négociants venus de la Gaule septentrionale ont été entraînés vers la
Gaule méridionale et vers Arles, porte de la vallée du Rhône sur la Méditerranée24. Le
trajet que suggère la dispersion des occurrences de ce gentilice Maspetius rejoint celui que
dessinent les inscriptions de Lyon qui établissent plus clairement les liens entre cette cité
et des cités de Gaule méridionale, Arles, Riez, Apt, Nîmes par /86/ exemple 25, sinon
d’autres lieux plus méditerranéens encore26.
9 Il est certes délicat de confondre tous les renseignements familiaux apportés par
l’inscription d’Arles et par l’inscription de Lyon, qui mentionnent conjointement Maspetii
et Hilarianii. Mais, au vu de la rareté des attestations de ces gentilices, les rapprochements
ont une très grande force, d’autant que, même si le prénom Q(uintus), attesté pour le
Maspetius lyonnais, n’a aucun écho ailleurs, le surnom Severianus que porte ce personnage,
doit être rapproché de Severus et de Severianus, attestés chez les Maspetii Helviens.
10 En définitive, le sort de ces familles s’entrecroise sur les routes qui parcourent la vallée
du Rhône et ses prolongements. Il se lie, sans aucun doute, dans le creuset lyonnais, foyer
520
NOTES
1. Un bilan de cette documentation explicite : Wierchowski 1995, p. 153-171. Pour le cadre
général des milieux marchands à Lyon, voir Cracco Ruggini 1978, Rougé 1984, Pavis d’Escurac
1988.
2. CIL XIII, 1911 ; ILS 7033 ; CIL XIII, 11179 ; Krier 1981, p. 31-35.
3. CIL XIII, 2033 ; Krier 1981, p. 54-56.
4. CIL XIII, 2033.
5. CIL XIII, 1954 ; ILS 7030 ; voir ci-dessous avec n. 13 [ainsi que chapitre 29].
6. Le rôle du fleuve, important à l’époque romaine, a été mis en valeur par Y. Burnand. On trouve
aussi dans son article de 1971 [paru en 1977], l’essentiel de ce qu’il faut connaître sur la
topographie de Lyon commercommerçant ; Burnand 1977.
7. Audin 1959, p. 326-327.
8. Rappelons que Burnand lui-même a mis en garde contre tout esprit de systématisation :
Burnand 1989 et 1992.
9. CIL XIII, 1954 ; XIII 11179 ; VI 29722 ; ILGN 424.
10. Le vase marqué MASPETI, trouvé à Sainte-Colombe (CIL XII, 5686 563) a moins d’importance
pour fixer la provenance de la famille.
11. Cracco Ruggini 1978, p. 72, n. 21 : « en général j’ai considéré non lyonnais quiconque se
déclare consistens ». Dans le même sens Rougé 1984, p. 344-345 et p. 348-349, puis Pavis d’Escurac
1988, p. 62-63. Toutefois Burnand 1990, p. 71, n. 63 a récemment récusé ce point de vue. S’il est
exact que consistens se réfère au siège de l’association et au lieu des activités, comme pour les
cives Romani qui Deli negotiantur, il y a trop d’exemples qui montrent que ces consistentes sont des
étrangers fixés pour leurs affaires.
12. On retiendra une juste observation de Burnand 1990, p. 73, n. 104 : « ... Inthatius n’a pas été
enregistré comme nom celtique..., (mais) il paraît pouvoir être rapproché de théonymes et de
toponymes connus commençant par le préfixe int ». Solin-Salomies 1994, p. 97, connaissent aussi
Intutius.
13. Ce privilège n’est pas le droit de siéger dans l’ordo d’Alba comme le voudrait Le Glay 1964,
p. 147-148. On suivra l’avis de Burnand 1990, p. 69, n. 42. On rapprochera de l’octroi du consessus
les dispositions de la lex coloniae Genetivae sur l’attribution des places au théâtre (CIL I 2, 594 ; CIL II,
5439 ; FIRA I 2, 21, chap. CXXVI) : IIvir., aed., praef, quicumque c. G. I. ludos scaenicos fecerit, colonos
Genetivos incolasque hospitesque adventoresque ita sessum ducito, ita locum dato distribuito atsignato (cf.
521
aussi chap. CXXVII). Pavis d’Escurac 1988, p. 62-63, ne prend pas fermement position dans ce
sens. On ne conclura donc pas, comme le fait Wierchowski 1995, p. 245 qu’il fut admis parmi les
décurions d’Alba, c’est-à-dire comme membre de l’ordo (voir p. 280, p. 299).
14. Heijmans 1994, p. 144-145.
15. CIL XII, 760 : [D(is)] m(anibus) Q(uinti) Asici Veri Maspetia Vera patri pientissimo et Maspetiae
Onesime matri vivae posuit.
16. CIL XII, 1728.
17. Sur les sarcophages de la vallée du Rhône : Février 1976 (= Février 1996, II, p. 1099-1141) ;
Gaggadis-Robin 1996 ; on peut envisager une disposition comparable à celle du sarcophage n o 1,
dans la série étudiée : il est placé vers la fin du IIe siècle.
18. CIL XII, 790.
19. CIL XII, 851 : D(is) m(anibus) Maspetiae Sabinae L(ucius) Hilarianius Martidius coniugi karissimae et
incomparabüi.
20. CIL XIII, 1996 ; ILS 7031.
21. Audin 1959, p. 325-326.
22. CIL XIII, 1992 ; CIL XIII, 2013. On ajoutera CIL XII, 1585 (Die), même s’il s’agit d’un cas un peu
différent : Pavis d’Escurac 1988, p. 65.
23. Pour les Trévires voir en général Krier 1981 ; voir aussi Rougé 1974.
24. On rappellera que, d’une manière comparable à celle que nous suivons ici, J. Guyon et M.
Heijmans ont abordé la question des déplacements des personnes, mais à une date plus tardive :
Guyon 1995.
25. Silenius Symphorus est sévir augustal à Lyon, Arles et Riez : ILTG 241. Aebutius Agathon, nauta
Araricus, est aussi sévir augustal à Arles et Apt. Pour Nîmes, ILGN 423 et 424 : Christol 1992 e
[chapitre 34].
26. CIL XIII, 1942 ; ILS, 7029 : Q. Capitonius Probatus, sévir augustal à Lyon et à Pouzzoles,
naviculaire marin. C’est peut-être la raison qui explique la présence à Rome de quelques Maspetii :
CIL VI, 22280 et 43608. On mettra en valeur, plus particulièrement, l’inscription faisant connaître
Maspetius Nicomeda et Maspetia Satyra (CIL VI, 22280). Elle doit, selon nous, s’ajouter au dossier
des attestations explicites de Gaulois ayant résidé dans l’Urbs. Voir, à propos de ce dossier Ricci
1992. Selon Solin 1992, p. 218, l’inscription concerne vraisemblablement un affranchi, mais la
datation est peut-être un peu trop large (« 1/3 Jh. »).
NOTES DE FIN
*. Revue archéologique de Narbonnaise, 33, 2000, p. 82-86.
522
1 Les chapitres qui précèdent n’ont pas dissocié la province de l’ensemble de l’Empire. Ils
ont montré, si l’on opère une lecture attentive à la chronologie des phénomènes, une
rapide intégration dans la construction impériale, et pas seulement par la participation
des élites à la direction des affaires, apanage des classes dirigeantes de l’Empire. Les
transformations de la vie économique ne peuvent se comprendre que dans un cadre plus
vaste. D’abord dans l’expansion italienne qui embrasse toute la Méditerranée. Mais aussi
lorsque, à l’initiative d’Auguste, une fois que les régions du nord-ouest de la péninsule
Ibérique eurent été pacifiées, s’ouvrit la question de la conquête de la Germanie. C’est
alors qu’une nouvelle phase d’histoire de la province s’engage et qu’un remaillage des
axes et des lieux majeurs de l’Occident se produit : Narbonne perdit peut-être quelque
peu du poids dont elle disposait au I er siècle avant J.-C. au profit de Lyon, et l’isthme
aquitain fut supplanté par l’axe rhodanien : il ne s’ensuivit pas un déclin de secteurs
jusque-là florissants mais, dans le cadre d’un développement global, d’une redéfinition
des responsabilités et des fonctions. Arles devenait alors, par sa situation, la ville majeure
d’entrée dans l’espace gallo-germanique, mais la province, dans son ensemble,
s’engageait dans un long cycle de développement économique, sensible dans la vie
agricole et dans la vie artisanale, tant étaient stimulants l’effort militaire dans les
provinces septentrionales et le développement urbain dans l’ensemble de l’Occident.
2 Appuyée sur la Méditerranée, ouverte à ses activités, la région pouvait tirer profit du
développement des échanges et y participer en apportant sa propre contribution. Strabon
déjà met en valeur le réseau fluvial comme vecteur de produits. La province non
seulement était traversée par les grands courants d’échanges, mais encore elle devenait
zone de production. Dans le domaine agricole, elle tirait parti de sa position de province
méditerranéenne pour la culture du vin et de l’olivier, ce qui explique, en particulier, que
le développement des vignobles se soit bien vite avancé jusqu’à ses limites
septentrionales, puis, même, les ait dépassées. Mais ces vins gaulois – entendons, pour
l’essentiel : ceux de Narbonnaise –, parvenaient autant en Italie que dans l’intérieur gallo-
germanique.
523
3 Rien n’est donc plus révélateur que le développement des réseaux de circulation, ceux des
produits comme ceux des hommes. Par les prolongements septentrionaux de la vallée du
Rhône, la Narbonnaise se relie fermement aux provinces plus extérieures en même temps
quelle est innervée à son tour par le développement de ces dernières. La diaspora trévire,
et plus largement celle des commerçants gaulois des régions septentrionales, gagnait
ainsi par Lyon les zones plus méridionales, et elle s’arrimait dans cette ville-carrefour à
d’autres réseaux, venus d’Italie ou des régions danubiennes. Le dynamisme des diverses
régions de la vallée du Rhône, dépendait de l’ample réseau des voies de circulation des
biens qui s’était rapidement constitué. Dans cette partie de la province les données de
l’épigraphie ne permettent pas de dissocier le IIe siècle du IIIe. Mais jusqu’à quelle date ?
4 Les travaux et réflexions d’un colloque (Fiches 1996), dont les résultats ont été bien reçus
(Gros 2008), permettent d’établir quelques constats, suffisamment concordants pour être
significatifs. Il apparaît ainsi, comme l’ont montré l’interprétation des données de la vaste
enquête sur le monde rural (le projet européen Archaeomedes) qu’après une phase
d’expansion et de développement – trop exubérant peut-être –, durant le I er siècle, une
autre phase caractérisa la situation des campagnes : non une décroissance évidente, mais
une mise en ordre sélective. Elle commence avec le II e siècle. Mais sur ce phénomène se
surimpose, à partir d’un moment qu’il est malaisé de déterminer, une atonie qui contraste
avec le dynamisme précédent. Le phénomène est assez général, même si des variations
locales viennent signaler des exceptions, tant dans le sens du déclin que dans celui du
dynamisme. Néanmoins les grosses unités d’exploitation traversent tant bien que mal le
IIIe siècle, puis le IV e siècle, en donnant l’impression que l’on revient aux niveaux de
l’époque augustéenne, mais point en-deçà. On signalera toutefois que l’on mesure les
caractéristiques des exploitations, non les niveaux de production.
5 Quant aux villes, leur situation est peut-être plus révélatrice d’une nouvelle conjoncture,
qui accentue les contrastes avec l’époque précédente. Les mêmes caractéristiques
d’atonie caractérisent leur évolution à la fin du II e siècle et au début du III e siècle (Nîmes,
Aix-en-Provence, etc.), à l’exception d’Arles. Mais pour elles les signes de rétraction de
l’espace occupé, les signes d’abandon de domus ou de quartiers, deviennent plus
préoccupants. Mais à partir de quand ? Et selon quelles modalités ? Il est difficile de
proposer une datation précise du phénomène, et souvent la fin de la période sévérienne
constitue un repère suggéré, qui vient tout de même amender la vision traditionnelle du
IIIe siècle comme temps de crise global. On est même tenté de dépasser cette limite et de
s’avancer davantage vers le milieu du siècle.
6 À Vienne, dans le quartier de rive droite (Saint-Romain-en-Gal), on peut envisager, dans
une chronologie qui recourt toujours à une appréciation générale, bien compréhensible,
le milieu du III e siècle comme phase d’abandon. À Arles, dans le quartier de Trinquetaille,
sur la rive droite aussi, qui concentrait l’activité commerciale liée au port, le
développement avait été continu jusqu’au début du III e siècle, mais aucun signe de déclin
avéré ne semble avoir été relevé jusqu’au milieu de cette période. Néanmoins, dans le
troisième quart de celle-ci, un ensemble de signes concordants, provenant de l’évolution
des quartiers périphériques de la ville, tant sur la rive gauche, autour de la ville des
colons de la sixième légion, que sur la rive droite, dans le quartier des artisans et des
marchands, vient signaler une rupture violente, qui se traduit par des couches d’incendie
et par des abandons. Mais de comparables scénarios de catastrophes ne se dégagent pas
de l’étude d’Aix-en-Provence, où la rétraction de l’espace urbain est continue, mais sur un
524
rythme assez lent. Ni de l’étude de Nîmes où, si dans l’espace intra-muros, des signes de
ralentissement apparaissent nettement dès le II e siècle, dans l’espace péri-urbain il n’en
va pas de même.
7 On a tendance à revenir, de plus en plus souvent, sur les effets de la « peste antonine »,
effets démographiques d’abord, prolongements économiques et sociaux ensuite. Ce
repère chronologique peut être aisément mis en relation avec un retournement global de
la conjoncture, traduit par les termes de ralentissement ou d’atonie que l’on trouve dans
la présentation des travaux des archéologues. La reprise aurait été contrastée, laissant à
la traîne les parties de la province éloignées des axes majeurs, comme pourrait le montrer
l’évolution des campagnes de la région de Béziers, mais en revanche restituant à la vallée
du Rhône une belle dynamique.
8 Il convient, de toute façon, de ne pas isoler le devenir de la province de l’ensemble de
l’espace impérial occidental. Dans celui-ci un retournement de la conjoncture, lié au
fléchissement de la frontière du Rhin et du Danube, se produit dans la décennie 250-260,
mais il est surtout marqué par les tragiques événements des années 259-260, puis des
années 270-274, enfin par la grande invasion des Francs en 276, sous Probus. Il suscite
aussi l’apparition de l’Empire gaulois, entre 260 et 274. Les effets de ce quart de siècle
dramatique ont été importants pour la Narbonnaise, même s’il ne convient pas
d’imaginer qu’elle ait été à feu et à sang de façon constante, jusqu’à la ruine. Il convient
donc d’en mesurer avec précision les contrecoups. Jusqu’aux années 259-260, qui se
marquent par des événements violents (invasion des provinces, menaces même sur
l’Italie), entraînant la création de l’Empire gaulois et la sécession d’une grande partie des
provinces de l’Occident romain, on ne peut pas espérer découvrir dans la province les
marques de quelque rupture brutale que ce soit. Par la suite, devenue pour les empereurs
de Rome, autant un glacis protecteur qu’une base de reconquête, peut-être fut-elle
victime (mais en quels lieux ? quand ?) des va-et-vient militaires, comme le montrent les
inscriptions des cités des Voconces et de Vienne, appartenant aux règnes de Claude le
Gothique (268-270) et d’Aurélien (270-275), ou les milliaires de Tétricus, le dernier des
empereurs gaulois, en Narbonnaise occidentale et jusqu’aux portes de Béziers. Ne serait-
ce pas dans ce cadre que l’on devrait envisager le déroulement d’épisodes tragiques ayant
marqué telle ou telle cité (le quartier de rive droite à Vienne, le quartier de Trinquetaille
à Arles) ? Dans une province voisine, la Lyonnaise, c’est le conflit entre empereurs de
Rome et de Trèves qui ruine Autun pour de longues décennies. Il faudrait alors repousser
dans la seconde partie du siècle les causes de ce déclin, surimposant les accidents
provenant de la crise politique et militaire aux causes plus profondes de ralentissement.
9 Il importerait aussi de tenter de mesurer les conséquences à long terme. Les indications
fournies sur les campagnes comme sur les villes, lorsqu’elles embrassent la longue durée,
ne traduisent pas un effondrement continu et persistant. Pour les campagnes c’est une
lente contraction qui se manifeste, pour les villes, une fois la rétraction spatiale effectuée,
c’est une stabilisation qui semble le trait dominant. Aussi relèvera-t-on les difficultés
d’une reprise, même à Arles, où la ville du IV e siècle se transforme intra-muros sans
récupérer les quartiers péri-urbains abandonnés à l’époque précédente. Si l’on peut
penser à une relance de l’activité portuaire, justifiant la qualification de duplex Arelas, le
quartier de Trinquetaille ne retrouve nullement son ampleur du Haut-Empire.
10 Il importe de ne pas détacher le devenir de la province de l’ensemble de l’Occident
romain. En effet, les événements qui touchèrent profondément les régions plus
septentrionales de l’Empire affectèrent les solidarités provinciales qui avaient été
525
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562
I- Sources épigraphiques
Les indications sont données de façon à permettre, si nécessaire, une concordance entre
les diverses publications. La première publication sert de référence.
1900, 203 (= ILGN 423). — 1904, 141 (= ILGN 348 = ILHS 98 = ILN Vienne, 3, 786) : 92 ; 276 ;
319-328. — 1904, 143 (= ILGN 377). — 1909, 81 (= ILGN 424). — 1910, 203 : 271. — 1912, 193 :
243. — 1913, 235 : 382. — 1914, 27 (= ILGN 632) : 247. — 1914, 260 : 382. — 1923, 99 (= C XII,
1157). — 1926, 2 : 542. — 1927, 172 : 382. — 1934, 165 (= ILN Vienne, 3, 667) : 203. — 1934,
168 (= ILHS 81 = ILN Vienne, 2, 549) : 365. — 1935, 5 : 125. — 1935, 17 (= ILTG 241). — 1940, 68
(= IRT 301) : 434. — 1945, 107 : 258. — 1946, 94 : 258 ; 263. — 1949, 38 : 414. — 1951, 62 :
153. — 1952, 165 : 416 ; 433. — 1952, 169 (= 1954, 104 = 1996, 1008) : 270 ; 376-380 ; 388. —
1954, 104 (= 1952, 169). — 1954, 107 : 293 ; 300. — 1955, p. 25 (= Gallia 1955, p. 415-416) :
425. — 1955, 106 : 399. — 1955, 107 : 329. — 1955, 110 (= ILN Riez, 10) : 266. — 1957, 53 :
333. — 1961, 109 : 490. — 1961, 167 (= 1969-1970, 340 = ILN Aix, 243-245) : 240. — 1962,
143 : 257. — 1965, 164 (= 1966, 247) : 371 ; 391-404 ; 511 ; 522 ; 543. — 1965, 194 : 403. —
1966, 247 (= 1965, 164). — 1967, 296 : 267. — 1968, 109 : 317. — 1968 : 259 : 236. —
1969-1970, 103 : 413. — 1969- 1970, 340 (= 1961, 167). — 1969-1970, 376 : 293-317 ; 489 ;
498. — 1969-1970, 383 : 160 ; 196. — 1969-1970, 385 : 360. — 1969-1970, 388 : 93. — 1972,
321 : 202 ; 214. — 1972, 322 : 220. — 1972, 323 : 215. — 1972, 326 : 220. — 1972, 327 (= 1995,
1048) : 160 ; 213. — 1972, 328 : 267. — 1972, 329 : 202 ; 213 ; 215. — 1972, 331 : 213. — 1972,
332 : 213. — 1972, 334 : 215. — 1972, 338 : 215. — 1972, 339 : 215. — 1972, 340 : 193. —
1972, 341 : 193. — 1972, 342 : 215. — 1972, 343 : 215. — 1972, 344 : 214. — 1972, 345 : 213.
— 1973, 23 : 454. — 1975, 585 : 253. — 1976, 382 (= 1986, 485) : 479. - 1976, 653 : 433. —
1977, 532 (= CXII, 4247). — 1978, 81 : 454. — 1978, 86 : 454. - 1978, 294 : 252. — 1978, 465 (=
1982, 684) : 310. — 1982, 680 : 254 ; 294 ; 305 ; 485 ; 487 ; 498. — 1982, 681 : 298 ; 314 ; 341 ;
483-499 ; 502-503. — 1982, 682 : 188 ; 214 ; 294 ; 331 ; 334 ; 485. — 1982, 685 : 293 ; 308. —
1982, 686 : 188 ; 308. — 1983, 718 : 361. — 1984, 508 : 434. — 1985, 1050 (= C XII, 3034). —
1986, 470 : 423. - 1986, 473 (= C XII, 3005). — 1986, 474 (= C XII, 5890). — 1986, 485 (= 1976,
563
382). — 1987, 752 : 485. — 1988, 859 (= 1992, 1182) : 337. — 1991, 1193 : 471. - 1991, 1199 (=
C XII, 2327). — 1991, 1407 : 244. — 1992, 98 (= C VI, 9331). - 1992, 186 : 258. — 1992, 461 (=
Suppl. Ital. 9, p. 151, 132).— 1992, 1181 : 121. - 1992, 1182 (= 1988, 859). — 1994, 1171 : 364.
— 1994, 1184 : 125.— 1994, 1185 : 125.— 1994, 1186 : 125.— 1994, 1187 : 125. — 1994,
1188 : 125. — 1995, 1048 (= 1972, 327). — 1995, 1066 : 198 ; 209. — 1995, 1067 : 209. —
1995, 1070 : 210. — 1995, 1071 : 210 ; 290. — 1995, 1075 : 205. — 1995, 1076 (= C XII, 4247).
- 1995, 1077 : 425. — 1995, 1567 : 465. - 1996, 1008 (= 1952, 169). — 1996, 1023 (= ILN
Vienne, 3, 717) : 366. — 1997, 1032 (= CXII, 5752). — 1998, 932 : 389 ; 465. — 1999, 915 : 430.
— 1999, 1031 (= ILGN 551 bis). — 1999, 1032 (= CXII, 2754). — 1999, 1036 : 465. — 2000, 833
(= C XII, 595). — 2002, 922 (= Not. Scav., 1923, p. 376)
I2, 594 (= II, 5439 = FIRA I 2, 21) : 607 ; 618— 683 : 454. — 686 : 454. — 1609b (= CX, 1218 =
ILRRP, 519) : 252. — 2279 (= CXII, 1028). — 2281 (= CXII, 4190)
II, 474 (= ILS 130) : 437. — 2818 : 389-390 ; 512. — 4136 (ILS 1399 = RIT 159) : 313. — 4249 (=
ILS 6933) : 387. — 4277 (= ILS 6943) : 387. — 4498 (= IRC IV, 14) : 394-395 ; 513. — 4510 (= IRC
IV, 32) : 273. — 4511 (= IRC IV, 33) : 273. — 4594 (= IRC IV, 228) : 456 ; 561. — 5439 (= CI 2,
594). — 6161 (= IRC IV, 227) : 456 ; 561
III, 352 (= ΜΑΜΑ VII, 305) : 184. — 386 (= ILS 2718) ; 378. — 882 : 395-396 ; 513. — 1547 :
393. — 3580 : 513. — 4779 : 396. — 5114 : 579. — 6123 (= ILS, 231 = 14207 34) : 243. — 6835 (=
ILS 5081) : 313. — 11042 : 5399— 14185 ; 526 ; 598 ; 600 ; 602
V, 18 (= ILS 110) : 379. — 532 (= ILS 6690) : 184. — 4241 : 317. — 4294 : 395. — 4347 : 317. —
4341 (= ILS 1150) : 148. — 4388 (= I. Ital., X, 10, V, 932) : 402. — 4395 (= I. Ital., X, 10, V, 187) :
401. — 4396 (= I. Ital., X, 10, V, 189) : 397. — 4418 (= I. Ital., X, 10, V, 211) : 403. — 4426 (= I.
Ital., X, 10, V, 221) ; 401. — 4433 (= I. Ital., X, 10, V, 226) ; 403. — 4459 (= ILS 6715) : 378. —
5050 (= ILS 206) : 438. — 7881 (= ILS 1367) : 504 ; 544 ; 602. — 8139 (= ILS 6676) : 333
VI, 481 (= ILS, 2131) : 454. — 872 (= ILS 73) : 378. — 1006 : 137 ; 156 ; 240. — 1577 ; 317. —
2379a : 455. — 2817 (ILS 4973) : 257. — 6275 (= ILS 8418) : 258. — 9321 (= ILS 7853) : 257. —
9325 : 257. — 9326 (= ILS 7864) : 258. — 3927 (= ILS 7382) : 257. — 9330 : 268. — 9331 (= AE
1992, 98) : 258. — 9341 (= ILS 7379) : 257. — 9343 : 257. — 9349 (= ILS 7384) : 257. — 9351 :
258. — 9355 (= ILS 7383) : 257 — 9357 (= ILS 7380) : 257. — 9682 : 603. — 22280 : 620. —
29608 : 456. — 29711 : 294. — 29718 : 307. — 29722 (= ILS 7490) ; 530 ; 606 ; 616. — 33472 (=
ILS 7381) ; 257. — 33849 (= ILS 7381a) : 255
VIII, 885 : 465. — 7986 (= ILS 6682 = ILAlg. II, 1, 36) : 378. — 8993 : 317. — 11824 (= ILS
7457) : 304. — 26181 : 88
IX, 465 (= ILS, 5083) : 454. — 2628 (= ILS 72) : 378. — 2845 (= ILS 915) : 379. — 3202 : 454 ;
455. — 3375 (= ILS 3530) : 257. — 3389 : 455. — 3661 (= ILS 125) ; 454 ; 455. — 4644 (= ILS
3857) : 257. — 5028 : 252. — 5439 (= ILS 1368) : 348
X, 106 : 317. — 512 (= ILS 74) : 378. — 823 ; 379. — 830 : 379. — 847 : 379. — 907 (= ILS 6387
= Eph. Epigr., 8, 1899, 316) : 454. — 908 : 454. — 1217 (= ILS 5651) : 488. — 1218 (= C I 2, 1609).
— 1728 : 333. — 1782 : 271 ; 344. — 1784 (= ILS 6334) : 344. — 2109 : 298 ; 494. — 3688 : 580.
— 3783 (= C I 2, 686 = ILS 6303) : 454. — 4643 : 346. — 4760 (= ILS 6296) : 487. — 5578 (= ILS
5024) : 454. — 5611 : 253. — 5808 (= ILS 6257) : 335. — 5918 (= ILS 406) : 337. — 5923 (= ILS
6262a) : 337. — 6248 ; 454. — 6305 : 379. — 6493 : 454. — 6556 : 253. — 6557 : 253. — 7863 :
247. — 7952 : 247. — 7983 (= ILS 5409) : 257
564
XI, 804 (= ILS 3218) ; 379. — 862 (= ILS 7559) : 454. — 1420-1421 (= ILS 139-140) : 379 ; 439 ;
440. — 2653 (= ILS 70) : 436. — 3245 : 268. — 3805 (= ILS 6579) : 607. — 5405 (= ILS 2925) :
252. — 5418 (= ILS 5459) : 257
XII, 175 (= ILN Ant., 12) : 125. — 178 (= ILN Ant., 101) : 125. — 260 (= ILN Fr. 115) : 471. — 266
(= ILN Fr. 116) : 471. — 267 (= ILN Fr. 118) : 471. — 268 (= ILN Fr. 119) : 472. — 285 (= ILN Fr.
117) : 472. — 342 (= ILN Fr., 164) : 510 ; 542. — 358 : 121 ; 490. — 367 : 121. — 370 (= ILN Riez
16) : 380. — 387 (= ILGN 47) : 252. — 392 : 154. — 410 : 313.
516 (= ILN Aix, 24) : 340. — 517 (= ILN Aix, 27) : 204. — 521 (= ILNAix, 216) : 240. — 522 (= ILN
Aix, 29) : 346. — 523 (= IL NAix, 36) : 546. — 526 (= IL NAix, 37) : 546. — 527 (= IL NAix, 26) :
348 ; 491. — 560 : 91. — 594 (= ILS 6988) : 317 ; 461 ; 470 ; 508 ; 527 ; 568. — 595 (= AE 2000,
833) : 461 ; 470 ; 568. — 609 : 254 ; 492. — 610 : 492. — 615 : 586. — 642 : 527. — 647 : 422. —
670 : 340. — 671 : 255. — 672 : 507 ; 526 ; 598 ; 600. — 689 : 527. — 691 : 270 ; 333. — 692 :
255 ; 470 ; 507 ; 600. — 694 : 527. — 698 : 255. — 699 : 527. — 700 : 504 ; 526 ; 527 ; 544. —
701 : 137 ; 156 ; 237 ; 240 ; 255 ; 333 ; 346 ; 506 ; 524. — 702 : 527. — 704 : 349 ; 527 ; 595 ;
598 ; 599 ; 601. — 705 : 527. — 709 : 527. — 710 : 527. — 712 : 255. — 718 ; 507 ; 526 ; 595 ;
599. — 719 : 526. — 723 : 536. — 730 : 526. — 731 : 525 ; 545. — 732 : 521 ; 540. — 733 : 526.
— 738 : 526. — 760 : 618 ; 619. — 807 : 91. — 849 : 91. — 851 ; 619. — 852 : 579. — 853 : 526 ;
595. — 856 : 257. — 882 : 254. — 906 : 253. — 982 : 121 ; 522 ; 526 ; 527 ; 544 ; 595 ; 598 ; 599 ;
600. — 983 : 254
1005 : 121 ; 126 ; 527 ; 529. — 1028 (= C I2, 2279) : 417. — 1029 : 342. — 1060 (= ILN Apt, 95) :
370. — 1065 (= ILGN 155 = ILN Aix, 227) : 202. — 1114 (= ILS 6989 = ILN Apt, 22) : 121 ; 510. —
1115 (= ILN Apt, 35) : 337 ; 510. — 1116 (= ILN Apt, 23) : 121 ; 506 ; 524. — 1118 : 121. — 1120
: 121 ; 125 ; 241. — 1125 : 201. — 1145 : 91. — 1157 (= AE 1923, 99 = ILGN 173) : 369. — 1227
: 329. — 1231a : 579. — 1239 : 121. — 1300 : 370. — 1310 : 258. — 1315 : 91. — 1357 : 335.
— 1383 : 330. — 1384 : 521 ; 540.
1526 : 91. — 1534 : 91. — 1555 : 322. — 1556 : 322. — 1557 : 322 ; 329. — 1558 ; 322. — 1559
: 322. — 1560 : 322. — 1585 : 346 ; 620. — 1641 : 91. — 1684 : 586. — 1728 : 618. — 1783 :
387. — 1821 (= ILN Vienne, 1, 11) : 363. — 1867 : 324 ; 384. — 1869 (= ILS 6997) : 272 ; 326. —
1870 : 272 ; 324 ; 326. — 1872 : 324 ; 384 ; 388. — 1880 : 580. — 1885 (= ILS 1380) : 326. —
1895 (= ILN Vienne, 1, 75) : 91 ; 276 ; 327 ; 328. — 1899 : 387. — 1933 : 580. — 1949 : 580. —
1951 : 92
2024 : 322. — 2199 : 322 ; 368. — 2212 : 580 ; 581. — 2250 (= ILN Vienne, 2, 387) : 479. —
2299 : 586. — 2327 (= AE, 1991, 1199 = ILN Vienne, 2, 515) : 125 ; 340. — 2331 : 542. — 2349 (=
ILHS 79 = ILN Vienne, 2, 547) : 365. — 2350 (= ILHS 80 = ILN Vienne, 2, 548) : 365. — 2358 : 579.
— 2373 (= ILS 4602) : 321 ; 368. — 2383 : 369. — 2403 : 580. — 2415 (= ILN Vienne, 3, 621) :
365. — 2430 (= AE 1994, 1171 = ILN Vienne, 3, 638) : 364. — 2436 (= ILN Vienne, 3, 627) : 366.
— 2439 : 492. — 2461 (= ILN Vienne, 3, 666) : 203. — 2471 : 91. — 2493 : 492. — 2494 : 492
2520 (= ILHS 86 = ILN Vienne, 3, 735) : 245. — 2525 (= ILHS 1) : 368. — 2526 (= ILHS 2 = ILN
Vienne, 3, 752) : 33. — 2527 (= ILHS 33 = ILN Vienne, 3, 744). — 2561 (= ILHS 96) : 320 ; 321. —
2562 (= ILHS 97) : 320 ; 321. — 2578 (= ILHS 112 = ILN Vienne, 3, 805) : 367. — 2580 (= ILHS 57
= ILN Vienne, 3, 809) : 272 ; 366. — 2588 (= ILHS 67) : 320. — 2589 (= ILN Vienne, 3, 823) : 367.
— 2592 : 492. — 2600 (= ILN Vienne, 3, 849) : 365. — 2606 : 272. — 2607 : 272. — 2613 : 272 ;
326. — 2621 : 580. — 2667 : 617. — 2668 : 617. — 2669 : 540. — 2676 : 384. — 2733 : 492. —
2751 : 92. — 2753 (= HGL 1547) : 481. — 2754 (= HGL 378 = AE 1999, 1032) : 198 ; 341 ; 400 ;
476 ; 480 ; 521 ; 538. — 2757 (= HGL 1549) : 210 ; 480. — 2760 (= HGL 1552) : 480. — 2761 (=
HGL 1553) : 480. — 2762 (= HGL 1554) : 481. — 2763 (= HGL 1556) : 480. — 2765 (= HGL 1555) :
210 ; 480. — 2766 (= HGL 1556) : 480. — 2767 (= HGL 1559) : 203 ; 477 ; 480. — 2770 : 190. —
565
3886 : 216. — 3889 : 192. — 3890 : 192 ; 267. — 3902 : 492. — 3903 : 92. — 3904 : 292. —
3908 : 192. — 3920 (= HGL 1178) ; 203 ; 220. — 3929 : 192. — 3930 : 221. — 3943 : 197 ; 211.
— 3944 : 189 ; 220 ; 221. — 3950 : 195. — 3980 : 195. — 3994 : 221. — 4006 : 189. — 4009 :
192. — 4012 : 474. — 4013 ; 474. — 4015 : 298 ; 495. — 4025 : 221. — 4061 : 492. — 4068 :
610. — 4071 (= HGL 252) : 188 ; 293 ; 477. — 4074 : 189 ; 219. — 4078 : 299 ; 491. — 4081 :
610. — 4082 : 121. — 4104 : 188 ; 293. — 4116 : 492. — 4122 (= HGL 1399) : 477. — 4141 : 220.
— 4142 : 190. — 4152 : 220. — 4150 : 221. — 4155 : 542. — 4158 : 581. — 4159 : 92. — 4168 :
479. — 4180 : 65. — 4181 : 267. — 4190 (= CI 2, 2281) : 64 ; 190 ; 290 ; 417. — 4191 : 472.—
4193 :213
4201 : 92. — 4208 : 267. — 4209 : 219. — 4211 : 214. — 4216 (= HGL 1540) : 362. — 4218 :
361 ; 399 ; 413. — 4220 (= HGL 1541) : 361. — 4221 (= HGL 1542) : 361. — 4222 (= HGL 1543) :
361. — 4223 (= HGL 1544) : 362. — 4225 (= HGL 1545) : 361. — 4227 : 137 ; 240. — 4229 (= HGL
1516) : 153. — 4230 (= HGL 1517 = ILGN 558) : 153 ; 381-385. — 4231 : 306. — 4232 (= HGL
1520) : 154 ; 306 ; 308 ; 341. — 4233 (= HGL 1519) : 153 ; 306 ; 384. — 4235 (= HGL 1518) : 153.
— 4238 (= HGL 1526) : 424 ; 468. — 4241 : 387. — 4244 (= HGL 1530) : 344. — 4247 (= HGL
1527 = AE 1977, 532 = AE 1995, 1076) : 124 ; 164 ; 231 ; 468. — 4252 : 306. — 4277 (= HGL
1568) : 154. — 4286 : 423. — 4309 d : 423. — 4323 : 155. — 4333 : 375. — 4338 (= HGL 78) :
329 ; 451. — 4344 (= HGL 10) : 156. — 4345 (= HGL 12) : 137 ; 156 ; 240. — 4346 (= HGL 11) :
137 ; 156 ; 240. — 4348 : 137 ; 240. — 4349 (= HGL 17) : 156 ; 240. — 4354 : 349 ; 401 ; 506 ;
525. — 4357 : 387. — 4363 : 388. — 4379 : 121. — 4389 : 420. — 4390 : 465. — 4391 : 465. —
4393 (= HGL 44) : 331 ; 401 ; 545. — 4398 : 524 ; 546 ; 601. — 4399 (= HGL 75) : 344
4402 : 306. — 4406 : 351 ; 506 ; 524 ; 546 ; 578 ; 601. — 4422 : 535. — 4426 (= HGL XV, 96) :
385-388456 ; 458 ; 469 ; 569-570. — 4445 : 488. — 4447 : 447. — 4477 (= HGL 223) : 563. —
4479 (= HGL XV, 184 = ILS 7669) : 456 ; 585-586. — 4487 : 193. — 4499 : 495. — 4520 : 535. —
4521 : 535. — 4528 : 121. — 4538 (= HGL 681) : 562. — 4542 (= HGL 934) : 456 ; 562 ; 563. —
4679 : 93. — 4729 : 447. — 4742 : 447. — 4848 (= HGL 537) : 563. — 4849 (= HGL 969) : 563. —
4850 (= HGL 538) : 563. — 4883 : 581. — 4892 (= HGL XV, 597) : 456 ; 569
4980 : 93. — 4981 : 93. — 5007 : 272. — 5011 (= HGL 692) : 563. — 5051 : 447. — 5119 : 561.
— 5170 (= HGL 842) : 563. — 5210 (= HGL 877) : 563. — 5263 (= HGL 933) : 456 ; 563. — 5264
(= HGL 931) : 456 ; 566. — 5265 (= HGL 932) : 456 ; 562 ; 565. — 5266 (= HGL 935) : 567. —
5366 (= HGL 16) : 137 ; 156 ; 240. — 5369 (= HGL 1320 = ILS 4678) : 447. — 5370 (=HGL 148 =
ILS 5421) : 63 ; 265 ; 330 ; 445-465 ; 468 ; 566 ; 567-569. — 5371 : 121. — 5377 (= HGL 1322) :
360. — 5388 : 408. — 5413 (= ILN Digne, 3) : 333. — 5441 (= CXVII 2, 23 = ILN Ant., 139) : 431.
— 5444 (= CXVII 2, 26 = ILN Fr., 180) : 414 ; 432. — 5446 (= CXVII 2, 69 = ILN Fr., 182) : 431. —
5450 (= ILN Fr., 179) : 414 ; 432. — 5454 (= CXVII 2, 35 = ILN Fr., 177) : 414 ; 432. — 5455 (=
CXVII 2, 36 = ILN Fr., 178) : 414 ; 432. — 5496 (= CXVII 2, 82 = ILNApt, 150) : 432. — 5637 (=
CXVII 2, 256) : 430. — 5665 (= HGL 1511 = CXVII 2, 286) : 162. — 5666 (= C XVII 2, 288) : 431.
— 5752 (= ILN Riez, 2 = AE 1997, 1032) : 371. — 5890 (= AE 1986, 474) : 579. — 5899 : 292. —
5900 : 309 ; 537. — 5929 : 221. — 5932 : 193. — 6037 (= ILGN 529) : 121 ; 136 ;595
XIII, 1575 (= ILS 4465) : 423. — 1668 (= ILS 212) : 128 ; 155 ; 183 ; 260. — 1688 (= ILS 7021) :
183 ; 529. — 1695 : 529. — 1697 : 529. — 1709 (= ILS 7020) : 529. — 1900 (= ILS 7025) : 486 ;
605. — 1911 = 11179 (= ILS 7033) : 351 ; 528 ; 605 ; 606 ; 616 ; 619. — 1918 : 528 ; 584 ; 610 ;
611. — 1937 : 611. — 1942 (= ILS 7029) : 349 ; 620. — 1949 : 349. — 1954 (ILS 7030) : 315 ;
351 ; 528 ; 606 ; 607 ; 616 ; 619. — 1956 : 349 ; 607. — 1960 : 611. — 1961 : 611. — 1966 : 611.
— 1967 : 611 : 612. — 1974 : 608. — 1988 : 582. — 1992 ; 606 ; 620. — 1996 (ILS 7031) ; 606 ;
619. — 2013 (ILS 7034) : 606 ; 620. — 2020 : 527 ; 611. — 2029 (= ILS 7279) ; 612. — 2033 :
606 ; 616. — 2113 : 582. — 2522 : 582. — 2902 : 579. — 2961 : 586. — 3063 (= ILS 4695) : 322.
567
— 3149 (= ILS 4578) : 322. — 3185 : 368. — 3313 : 582. — 3707 : 620. — 4119 (= AE 1983,
718) : 361. — 5110 (= ILS 7008) : 511. — 6681 : 620. — 6949 ; 92. — 8206 : 620. — 8612 : 620.
— 11218 : 582
XIV, 409 : 603. — 861 : 580. — 2120 (= ILS 6199) : 337. — 2973 : 271. — 3727 : 455. — 4549 :
603
XV, 3228b : 599. — 3248 : 588. — 3652 : 578
XVII 2, 23 (= CXII, 5441). — 26 (= CXII, 5444). - 35 (= C XII, 5454). - 36 (= C XII, 5455). - 69 (=
C XII, 5446). - 82 (= C XII, 5496). - 256 : 430. - 286 (= C XII, 5665). — 288 (= C XII, 5666)
Nîmes
52 = 290 (= C XII, 3034). — 78 (= C XII, 4338). — 238 (= CXII, 3203). — 252 (= CXII, 4071). -
266 (= C XII, 3252). — 378 (= CXII, 2754). — 773 (= CXII, 3530). — 1143 : 221. — 1153 : 216. —
1178 (= C XII, 3920). — 1399 (= C XII, 4122). - 1436 (= C XII, 2802). - 1454 (= CXII, 3005). —
1527 (= CXII, 2767). — 1547 (= CXII, 2753). — 1549 (= CXII, 2757). — 1552 (= CXII, 2760). —
1554 (= CXII, 2762). — 1555 (= CXII, 2765). — 1556 (= C XII, 2763). — 1557 (= C XII, 2761). —
1558 (= CXII, 2766). — 1617 (= CXII, 2969). — 1682 (= CXII, 2923)
I, 22 : 448
301 : 90 ; 465
27 (= ILN Fr., 128) : 471. — 47 (= C XII, 387). — 87 (= ILN Aix, 240) : 579. — 88 : 322. — 97 (=
RIG II L-l) : 213 ; 418 ; 579. — 173 (= CXII, 1157). — 188 ; 91. — 251 : 203. — 264 : 322. — 348
(= AE 1904, 141). — 351 (= ILHS 113 = ILN Vienne, 3, 806) : 367. — 352 (= ILHS 114 = ILN
Vienne, 3, 807) : 367. — 377 (= AE 1904, 143) : 581. — 388 : 219. — 393 : 218. — 402 : 220. —
404 : 219. — 420 : 307. — 421 : 289 ; 308. — 422 (= CXII, 3223). — 423 (= AE 1900, 203) : 311 ;
315 ; 529 ; 608 ; 620. — 424 (= AE 1909, 81) : 311 ; 315 ; 529 ; 608 ; 617 ; 620. — 425 : 290. —
429 : 312 ; 345.— 431 : 311. — 445 ; 193. — 454 : 492. — 455 : 581. — 459 : 495. — 461 : 193.
— 473 : 348. — 478 : 92. — 479 : 196. — 493 : 196. — 502 : 195. - 503 : 210. - 516 : 188 ; 293 ;
308. — 529 (= C XII, 6037). — 534 : 220. — 536 : 290. — 539 : 220. — 540 : 221. — 546 : 492. —
551 bis (= AE 1999, 1031), 477. — 558 (= CXII, 4230). — 559 : 306. — 560 : 468. — 573 : 311. —
632 (= AE 1914, 27).— 635 : 333
1 (= CXII, 2525). — 2 (= CXII, 2526). — 12 (= ILN Vienne, 3, 763) : 245. — 33 (= C XII, 2527). —
57 (= C XII, 2580). — 67 (= C XII, 2588). — 79 (= C XII, 2349). — 80 (= C XII, 2350). — 81 (= AE
1934, 168) : 365. — 86 (= CXII, 2520). — 96 (= CXII, 2561). — 97 (= CXII, 2562). — 98 (= AE
1904, 141). — 112 (= C XII, 2578). — 113 (= ILN Vienne, 3, 806). — 114 (= ILN Vienne, 3, 807)
Aix, 24 (= CXII, 516). — 26 (= CXII, 527). — 27 (= CXII, 517). — 29 (= CXII, 522). — 36 (= C XII,
523). — 37 (= C XII, 526). — 216 (= CXII, 521). — 227 (= CXII, 1065). — 240 (= ILGN 87). — 243
(= AE 1961, 167). — 244 (= AE 1961, 167). — 245 (= AE 1961, 167)
Antibes, 12 (= CXII, 175). — 15 : 344. — 101 (= CXII, 179)
Apt, 22 (= C XII, 1114). — 95 (= C XII, 1060).— 150 (=CXII, 5496)
Digne, 3 (= C XII, 5413)
569
Fréjus, 114 : 471. — 115 (= CXII, 260). — 116 (= C XII, 266). — 117 (= C XII, 285). — 118 (=
CXII, 267). — 119 (= CXII, 268). — 128 (= ILGN27). — 164 (= CXII, 342). — 177 (= CXII, 5454).
— 178 (= CXII, 5455). — 179 (= CXII, 5450). — 180 (= CXII 5444). — 182 (=CXII 5446)
Riez, 2 (= C XII, 5752). — 16 (= C XII, 370)
Vienne, 1, 11 (= CXII, 1821). — 1, 75 (= CXII, 1895). - 2, 387 (= CXII, 2250). — 2, 515 (= CXII,
2327). — 2, 548 (= C XII, 2349). - 2, 547 (= C XII, 2350). — 2, 549 (= AE 1934, 168). — 3, 621 (=
CXII, 2415).— 3, 627 (=CXII, 2436). — 3, 638 (= CXII, 2430). — 3, 666 (= CXII, 2461). — 3, 667
(= AE 1934, 165). — 3, 717 (= AE 1996, 1023). — 3, 735 (= C XII, 2520). — 3, 744 (= C XII, 2527).
— 3, 752 (= C XII, 2526). — 3, 763 (= ILHS 12). — 3, 786 (= AE 1904, 141). — 3, 805 (= CXII,
2580). — 3, 806 (= ILHS 113). — 3, 807 (= ILHS 114). — 3, 809 (= C XII, 2589). — 3, 823 (= C XII,
2589). — 3, 849 (= C XII, 2600)
70 (= C XI, 2653). — 72 (= CIX, 2628). — 73 (= C VI, 872). — 74 (= CX, 512). — 110 (= C V, 18).
— 125 (= CIX, 3661). — 130 (= CII, 474). — 139-140 (= CXI, 1420-1421). — 231 (= CIII, 6123).
— 260 (= C XIII, 1668). — 406 (= CX, 5918). — 426 (= CXII, 3195). — 1016 (= CXII, 3167). —
1150 (= CXII, 4341). - 1367 (= C V, 7881). — 1368 (= CIX, 5439). — 1380 (= CXII, 1885). —
1399 (= CXII, 4136). — 2131 (= C VI, 481). — 2718 (= CIII, 386). — 2925 (= C XI, 5405). — 3218
(= C XI, 804). — 3530 (= CIX, 3375). — 3857 (= CIX, 4644) : 257. — 4548 (= C XII, 3082). —
4578 (= C XII, 3149). — 4602 (= C XII, 2373). — 4665 (= CXIII, 1575). - 4678 (= CXII, 5369). —
4695 (= C XII, 3063). — 4973 (= C VI, 2817). — 5081 (= CII, 6835). — 5083 (= CIX, 465). - 5204
(= C X, 5578) : 454. — 5409 (= C X, 7983). — 5421 (= C XII, 5370). — 5459 (= CXI, 5418). —
5651 (=CX, 1217). — 5680 (= C XII, 3156b). — 6199 (= CXIV, 2120). — 6257 (= CX, 5808). —
6262a (= C X, 5923). — 6296 (= CX, 4760). — 6303 (= CX, 3783). — 6334 (= C X, 1784). — 6387
(= C X, 907). — 6579 (= CXI, 3805). — 6676 (= C V, 8139). - 6682 (= C VIII, 7986). — 6690 (= C
V, 532). — 6715 (= C V, 4459). — 6943 (= CII, 4277). — 6984 (= C XII, 3203). — 6988 (= C XII,
594). — 6989 (= C XII, 1114). — 6997 (= C XII, 1869). — 7008 (= CXIII, 5110). — 7020 (= CXIII,
1709). — 7021 (= CXIII, 1688). — 7025 (= CXIII, 1900). — 7029 (= C XIII, 1942). — 7030 (= C
XII, 1954). — 7031 (= CXIII, 1996). — 7033 (= CXIII, 1911 = 11179).— 7034 (= CXIII, 2013). —
7279 (= CXIII, 2029). — 7379 (= C VI, 9341). — 7380 (= C VI, 9357). — 7381 (= C VI, 33472). —
7381a (= C VI, 33472). — 7382 (= C VI, 9327). — 7383 (= C VI, 9355). - 7384 (= C VI, 9349). —
7457 (= C VIII, 11824). — 7490 (= C VI, 29722). — 7559 (= CIX, 862). — 7669 (= C XII, 4479). —
7853 (= C VI, 9321). — 7864 (= C VI, 9326). — 8418 (= C VI, 6275)
241 (= AE 1935, 17) : 606 ; 607 ; 620. — 249 : 527. — 343 : 323. — 344 : 323
I, 138 : 273. — I, 139 : 273. — IV, 14 (= C II, 4498). — IV, 32 (= CII, 4510). — IV, 33 (= CII,
4511). — IV, 227 (= CII, 6161). — IV, 228 (= C II, 4594)
I G-3 : 202. — G-62 : 586. — G-65 : 415. — G-68 : 579 ; 586. — G-99 : 202. — G 100 : 202. –
G-108 : 418. — G-111 : 586. — G- 153 : 204. — G- 176 : 202. — G- 184 : 581. — G- 219 : 452
II L- 1 (= ILGN 97). — L-2 : 418 ; 491
Supplementa Italica
2- Sources littéraires
Ap., Civ. : 2, 26 : 186 ; 290
571
Accepta : 195
Acceptus T(iti) f(ilius) : 210
Acilia Sergiana : 310
Sex(tus) Adgennius Macrinus : 288 ; 289 ; 306 ; 341
Aebutius Agatho : 529 ; 620
Aelia Galla : 252
Aelius Gallus : 252
Aemilia Atevloibitis f(ilia) Bitugnata : 205 ; 418
Aemilia Corneliana : 310 ; 495
Aemilia Epiteuxis : 292
Aemilia L(uci) f(ilia) Titia : 292
Aemilia Zosime : 298
[-] Aemilius [-] : 292
L(ucius) Aemilius Arcanus : 349 ; 506 ; 525
L(ucius) Aemilius Asyncritus : 297 ; 310 ; 495
L(ucius) Aemilius Cornelianus : 297 ; 310 ; 495
Q(uintus) Aemilius Firmus ; 292
L(ucius) Aemilius Honoratus : 292 ; 310
L(ucius) Aemilius Moschus : 349 ; 506 ; 525
C(aius) Aemilius Postumus : 289 ; 306
L(ucius) Aemilius Tutor : 365
L(ucius) Afranius A(uli) f(ilius) : 238
L(ucius) Afranius L(uci) f(ilius) Volt(inia) Burrus : 238
Albinus Adiutoris f(ilius) ; 189
C(aius) Allius Celer : 337-338
Sex(tus) Allius Nundinus : 289
Sex(tus) Allius Repentinus : 289
573
Q(uintus) Cornelius Marcelli l(ibertus) Zosimus : 317 ; 461-462 ; 470-471 ; 508-510 ; 517 ;
568
Craxxius/a, Craxsius/a, Crassius/a, Crasius/a : 203-204 ; 475-476 ; 480
Q(uintus) Crassius Secundinus : 187 ; 204 ; 292 ;476
Craxia Secundina : 293 ; 476
T(itus) Craxxius Severinus : 188 ; 198 ; 242 ; 400 ; 475-476 ; 521 ; 538
Crispina Aviti lib(erta) : 192
Sex(tus) Decid[ius---] (= Sex. Decius---) : 238 ; 364
L(ucius) Decidius Saxa : 238
Diseto : 195
Domitius/a : 264-267 ; 277-279
Domitia Domiti f(ilia) : 266-267
Domitia Eorte ; 292
Domitia Graecina : 292
Cn(aeus) Domitius Afer : 263-264 ; 269 ; 276 ; 279
Cn(aeus) Domitius Ahenobarbus : 37 ; 50 ; 56 ;165 ; 408 ; 414
L(ucius) Domitius L(uci) f(ilius) Vol(tinia) Axiounus : 268 ; 275 ; 289
T(itus) Domitius Decidianus ; 238
L(ucius) Duvius Avitus : 143
Helvius Ecimarius Volt(inia) Vitalis : 188 ; 289 ;291
Ephesius Servilii lib(ertus) : 193
T(itus) Eppillius Astrapton : 371 ; 391-404 ; 511-512 ; 543
[-] Fabricius Montanus : 292 ; 306 ; 307 ; 309
Sex(tus) Fadius Secundus (Musa) : 331-332 ; 401 ; 544 ; 584
Fausta Cracconis f(ilia) : 193
Firmus Lucani l(ibertus) ; 192 ; 193
Fronto : 479
Frontonius/a : 315 ; 477 ; 480 ; 597
M(arcus) Frontonius Euporus : 526 ; 544 ; 596 ; 599
Q(uintus) Frontonius Q(uinti) f(ilius) Volt(inia) Secundinus : 188 ; 293 ; 476
Q(uintus) Frontonius Q(uinti) f(ilius) Valerius : 188 ; 293 ; 477
Fulvia C(ai) f(ilia) Cassiana : 298 ; 495
C(aius) Fulvius C(ai) ffilius) Volt(inia) Lupus Servilianus : 273 ; 289 ; 306 ; 493 ; 495
C(aius) Fulvius Nicephorus : 298 ; 495
Gaia Messoris f(ilia) : 195
L(ucius) Gappius Secundinus : 292
T(itus) Geminius T(iti) ffilius) Volt(inia) Titianus : 292 ; 309 ; 496
T(itus) Geminius Zethus : 309 ; 496
Glycon : 481
C(aius) Gnatius C(ai) f(ilius) : 195
576
Mercurius 363 ; 368. — Mercurius Adsmerius : 201. — Mercurius Augustus Artaius : 368. —
Mercurius Viator : 368. — Mercurius Victor Magniacus Vellaunus : 321-322368 : 368
Minerva : 369 ; 394-395
Numen Augusti : 438-440
Ricoria : 361
Smertrios/Smertrius : 201
Silvanus (statue) : 395
Vintius : 321. — Mars Vintius : 369. — Augustus Vintius : 321
aedes : 321
cellae : 450
culte impérial : 375-389. — clipeus virtutis : 433. — genius Augusti : 322. —flamen : 305-306 ;
308 ; 507. — flamen Aug(usti) : 348. —flamen Aug(usti) primus : 380-384. — flamen Divi Iuli :
378. —flamen Romae et Augusti : 570-571. — flamen Romae et Aug(usti) Caesaris : 376-380. —
flamen Romae et Divi Augusti item Drusi et Germanici Caesarum : 307. —flaminica : 305 ; 306 ;
312 ; 345. — flaminica perpetua : 485. — sevir Augustalis : 349 ; 394-395 ; 468 ; 485 ; 495 ;
505-508 ; 524-525 ; 531 ; 544 ; 583 ; 607
fanum : 450 ; 567-568
flamen Iuventutis : 387 ; 571
flamen Martis : 364-366 ; 387 ; 571
interprétation des dieux : 357-374
pontifex ; 306-308 ; 330 ; 567
sacerdos (Martis) : 367. — sacerdos (Vinti) : 321
sanctuaire : 360-363
stips (ex stipe dupla) : 330
Vie municipale
Institutions municipales