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Chez le même éditeur

Thérapie cognitive et émotions – La troisième vague, J. Cottraux. 2e édition, 2014,


224 pages.
Psychologie positive et bien-être au travail, J. Cottraux. 2012, 224 pages.
Les psychothérapies comportementales et cognitives, J. Cottraux. 5e édition, 2011,
384 pages.
TCC et neurosciences, J. Cottraux. 2009, 240 pages.
Psychothérapie cognitive de la dépression, I. Blackburn, J. Cottraux. 3e édition, 2008,
248 pages.
Psychothérapies cognitives des troubles de la personnalité, I. Blackburn, J. Cottraux.
2e édition, 2006, 320 pages.
Prise en charge
comportementale
et cognitive du trouble
du spectre autistique
Sous la direction de Jean Cottraux
Psychiatre honoraire des hôpitaux, ancien chargé de cours à l’université Lyon 1,
habilitation à la direction de recherche, directeur scientifique, Institut francophone
de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive (Ifforthecc)
Vinca Rivière
Professeur de psychologie du développement, Université de Lille III,
Laboratoire URECA, BCBA-D©
Gisela Regli
DESS-TED, accréditée ESDM, directrice Cocon Développement, Montréal
Cécile Coudert
Psychologue–neuropsychologue, TEACCH℠ Certified Practitioner, formatrice, Annemasse
Paul Trehin
Ancien professeur associé, université de Nice
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© 2015, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-73405-2
e-ISBN : 978-2-294-73476-2

Elsevier Masson  SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442  Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Abréviations
AAC analyse appliquée du comportement
AAPEP adolescent and adult psychoeducational profile
ABA applied behavior analysis
ABLLS-R assessment of basic language and learning skills-revised
ADOS autism diagnosis observation schedule
ADI-R autism diagnostic interview-revised
AFLS assessment of functional living skills
ASD autism spectrum disorder
AVS assistante de vie scolaire
BCBA® board certified behavior analyst
BECS batterie d’évaluation cognitive et socio-émotionnelle
CAM comportement d’automutilation
CAMSP centre d’action médico-sociale précoce
C-MO conditioned motivating operation
CPM coloured progressive matrices
CSBSD  communication and symbolic behavior scales developmental profile
infant/toddler checklist
CP comportement problématique
DATA developmentally appropriate treatment for autism
DIR developmental, individual-difference, relationship-based
DSM diagnostic and statistical manual
DTT discret trial training
ECF entraînement à la communication fonctionnelle
ECPA Éditions du Centre de psychologie appliquée
EDEI échelles différentielles d’efficiences intellectuelles
EEF entretien d’évaluation fonctionnelle
EEG électro-encéphalogramme
EFI évaluation des compétences fonctionnelles pour l’intervention
EIBI early intensive behavioral intervention
ESDM early start Denver model
FAI functional analysis interview
FCT functional communication training
HAS Haute Autorité de santé
IBI intensive behavioral intervention
ICI intervention comportementale intensive
ICIP intervention comportementale intensive précoce
IDEA individuals with disabilities education act
IME institut médico-éducatif
IRM imagerie par résonance magnétique
KABC Kaufman assessment battery for children
LEAP  learning experiences and alternative program for preschoolers and their
parents
LPAD learning potential assessment device
VI

MAS motivation assessment scale


M-CHAT modified checklist for autism
NCR noncontingent reinforcement
NICE National Institute for Clinical Excellence
NIH National Institutes of health
NIHR National Institute for Health Research
NT neurotypique
PBS positive behavior support
PCDI Princeton Child Development Institute
PEI programme éducatif individualisé
PEP profil psycho-éducatif
PM progressive matrices
QABF questions about behavioral function
QI quotient intellectuel
SCP soutien au comportement positif
SESSAD service d’education spéciale et de soins à domicile
SIB self-injurious behavior
STAT screening tool for autism in toddlers and young children
TCC trouble du comportement et de la conduite
TEACCH  treatment and education of autistic and related communication-handicapped
children
TED trouble envahissant du développement
TOC trouble obsessionnel compulsif
TSA trouble du spectre autistique
TTAP TEACCH transition assessment profil
VB verbal behavior
VB-MAPP verbal behavior milestones assessment and placement program
WAIS Wechsler adult intelligent scale
WISC Wechsler intelligence scale for children
WNV Wechsler nonverbal scale of ability
WPPSI Wechsler preschool and primary scale of intelligence
I ntroduction. Que sait-on
du trouble du spectre
autistique ?

J. Cottraux

Depuis sa description clinique par Leo Kanner en 1943 [1], puis Hans Asper-
ger en 1944  [2], et l’ouvrage de Bernard Rimland en 1964  [3], montrant
qu’il s’agissait d’un trouble neurodéveloppemental, l’autisme infantile est
devenu un domaine de recherche particulièrement fertile.
Il suffit pour s’en convaincre d’examiner le développement exponentiel
des recherches de la génétique et des neurosciences cognitives au cours
de ces quinze dernières années et également d’envisager la longue pos-
térité du travail pionnier d’Ole Ivar Lovaas [4] qui avait montré, dans une
cohorte, que 49 % des enfants autistes pouvaient être améliorés par la thé-
rapie comportementale conduite selon la méthode d’analyse appliquée du
comportement (applied behavior analysis ou ABA en anglais). Cette introduc-
tion s’efforcera de synthétiser un certain nombre de points essentiels pour
la compréhension de cet ouvrage.
Il faut, avant toute chose, insister sur la nécessité d’un diagnostic et d’une
intervention psycho-éducative précoce, qui permette l’émergence d’un
langage fonctionnel avant 5 ans, ce qui est de bon pronostic. Le destin de
l’enfant et de ses parents repose sur les épaules du clinicien. Celui-ci va se
trouver en face d’un enfant dont le développement fait problème : il a donc
besoin d’un guide fiable. C’est ce que propose la description rénovée que
donne de l’autisme le DSM-V [5], sous le nom de trouble du spectre autis-
tique (TSA).

Clinique du trouble du spectre autistique


et DSM-V
Comme pour tous les troubles du DSM, se pose pour l’autisme infantile
le problème d’une classification «  naturelle  ». Nos classifications ne sont
pas fondées sur une dissection de la nature au niveau de ses articulations,
car ce sont des consensus d’experts fondés sur des recherches en perpétuel
mouvement. Malgré les critiques dont il est régulièrement l’objet depuis ses
origines, le DSM reste pour l’instant le meilleur guide diagnostique possible.
Il ne fait que refléter l’état du consensus scientifique qui a résulté d’âpres
discussions auxquelles les internautes ont pris part.

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Encadré 1

Quotient du spectre de l’autisme (AQ-10), National


­Institute for Health Research (NIHR)
Un guide rapide pour les adultes suspectés d’autisme
mais qui ne présentent pas une incapacité d’apprentissage.
Traduction française Jean Cottraux, 2014
Consigne : cocher une seule case par ligne.

Accord Accord Désaccord Désaccord


total léger léger total
1. Je remarque souvent
des petits sons que les autres
ne remarquent pas
2. Je me concentre plus sur le tableau
global que sur les petits détails
3. Je trouve facile de faire plus d’une
chose à la fois
4. En cas d’interruption, je peux
revenir très rapidement à ce que
je suis en train de faire
5. Je trouve facile de lire entre
les lignes lorsque quelqu’un me parle
6. Je peux dire si quelqu’un qui
m’écoute est en train de s’ennuyer
7. Lorsque je suis en train de lire
une histoire je trouve difficile
de comprendre les intentions
des personnages
8. J’aime rassembler des informations
au sujet des catégories de choses
(par exemple les types de voitures,
les types d’oiseaux, les types de
trains, les types de plantes, etc.)
9. Je trouve facile de comprendre
ce que quelqu’un est en train
de penser ou de ressentir, simplement
en regardant son visage
10. Je trouve difficile de comprendre
les intentions des gens
Introduction. Que sait-on du trouble du spectre autistique ? 3

Dépouillement :
j attribuer un point pour accord total ou accord léger aux items 1,7, 8 et 10 ;

j attribuer un point pour désaccord total ou désaccord léger aux items 2, 3, 4,

5, 6 et 9 ;
j seuil décisionnel : si le total dépasse 6 sur 10, il faut envisager de consulter un

spécialiste de l’évaluation du TSA.


Ce test est recommandé par le National Institute for Clinical Excellence (NICE) :
www.nice.org.uk/CG142
Référence  : Allison  C, Auyeung  B, Baron-Cohen  S. Toward brief “Red Flags”
for autism screening: The Short Autism Spectrum Quotient and the Short
Quantitative Checklist for Autism in toddlers in 1,000 cases and 3,000 controls
[corrected]. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2012 ; 51(2) : 202-12.

Classification du DSM-V
Dans le DSM-V, une seule catégorie diagnostique est utilisée pour définir
l’autisme, celle de trouble du spectre de l’autisme dont l’acronyme est TSA
(autism spectrum disorder ou ASD en anglais). En effet, l’autisme est conçu
comme un trouble unique, dont les manifestations sont rangées le long
d’un même continuum. La prévalence du TSA est d’environ 1 % de la popu-
lation générale. Il est plus fréquent dans le sexe masculin (75 %).
En général, le trouble est diagnostiqué entre 12 et 24 mois, mais dans cer-
tains cas les symptômes sont remarqués avant 12 mois ou bien ils peuvent,
dans les formes subtiles, n’être reconnus qu’après 2 ans. Dans certains cas,
le diagnostic n’est fait qu’à l’âge adulte devant des complications sociales
qui amènent à reprendre l’histoire du développement.

Signes d’alerte
Les signes d’alerte qui peuvent faire penser à un TSA chez l’enfant sont :
1. l’inquiétude des parents évoquant une difficulté de développement de
leur enfant ;
2. dès la première année, l’absence ou la rareté du sourire social, du contact
par le regard, de l’orientation à l’appel du prénom ;
3. au fur et à mesure du développement de l’enfant, des perturbations du
langage ou de la socialisation ;
4. des comportements répétitifs ou stéréotypés ;
5. quel que soit l’âge, l’existence d’une régression dans le développement du
langage ou des relations sociales.Les parents peuvent s’aider d’un question-
naire validé, le M-CHAT, qui est disponible à l’adresse Internet suivante :
4 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

http  ://www2.gsu.edu/∼psydlr/M-CHAT/Official_M-CHAT_Website_files/
M-CHAT_French.pdf
Pour un diagnostic rapide chez l’adulte, le lecteur trouvera dans l’enca-
dré 1 une traduction du quotient du spectre de l’autisme (AQ-10) ou autism
spectrum quotient [6] développé au Royaume-Uni par le National Institute for
Health Research (NIHR).

Critères du DSM-V résumés et adaptés


(traduction Jean Cottraux)
A. Déficits persistants de la communication sociale et des interactions
sociales dans plusieurs contextes historiques ou actuels :
1. déficit dans la réciprocité socio-émotionnelle. Il peut aller d’une approche
sociale anormale à un échec dans le dialogue conversationnel ; de la capa-
cité réduite à partager des intérêts, des émotions, des affects à l’échec dans
la capacité à initier le contact lors des interactions sociales, ou à répondre
à celles-ci ;
2. déficit dans la communication non verbale lors des relations sociales
allant, par exemple, d’une communication verbale et non verbale mal inté-
grée à des anomalies dans le contact visuel et le langage corporel, ou des
déficits dans la compréhension et l’utilisation des gestes à un manque total
d’expression faciale et de communication non verbale ;
3. déficit dans la capacité à développer, maintenir et comprendre les rela-
tions humaines. Ce déficit peut aller de la difficulté à s’adapter à différents
contextes sociaux à la difficulté à partager des jeux imaginaires, ou à se faire
des amis, ou à l’absence d’intérêt pour les pairs.
B. Patterns de comportements, d’intérêts et d’activités restreints et répéti-
tifs dans plusieurs contextes historiques ou actuels qui se manifestent dans
deux domaines sur les quatre listés ci-dessous :
1. stéréotypies ou répétition des mouvements, utilisation stéréotypée des
objets ou de la parole : aligner des jouets, jeter des objets, écholalie ;
2. insistance sur la stabilité de l’environnement, adhérence inflexible à des
routines, ou à des patterns comportementaux verbaux ou non verbaux.
Incapacité à supporter les transitions et les changements même minimes de
nourriture, d’itinéraire, de pensée ou dans les salutations ;
3. intérêts restreints et fixes d’intensité anormale ou dont la focalisation est
excessive : par exemple attachement fort pour des objets inhabituels ;
4. hyper- ou hyporéactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabi-
tuel pour les aspects sensoriels de l’environnement.
C. Les symptômes doivent être présents dans la petite enfance, mais peu-
vent ne pas être complètement manifestes tant que les exigences sociales
n’excèdent pas les capacités limitées, ou qu’ils demeurent masqués par des
stratégies apprises ultérieurement tout au long de la vie.
Introduction. Que sait-on du trouble du spectre autistique ? 5

D. Les symptômes entraînent des limitations cliniquement significatives


dans le domaine social, professionnel ou d’autres domaines du fonctionne-
ment actuel.
E. Ces difficultés ne peuvent pas être expliquées par la déficience intellec-
tuelle ou un retard global du développement.
Le DSM-V demande aussi au clinicien de remplir une échelle de sévérité
qui concerne :
• les déficits de la communication sociale ;
• les comportements répétitifs ou intérêts restreints.
Chacun de ces deux groupes de symptômes est noté de  1 à  3 selon la
cotation suivante :
1. nécessité d’un soutien ;
2. nécessité d’un soutien important ;
3. nécessité d’un soutien nettement important.
Le DSM-V demande également d’affiner le diagnostic selon cinq catégories :
1. TSA avec ou sans altération intellectuelle ;
2. TSA avec ou sans altération du langage ;
3. TSA associé avec une condition médicale connue, ou une condition géné-
tique, ou un facteur environnemental connu. Il peut être fréquemment
associé avec certaines conditions médicales comme l’épilepsie, les troubles
du sommeil et la constipation ;
4. TSA associé avec un autre trouble neurodéveloppemental, mental ou
comportemental ;
5. TSA associé avec la catatonie.
Une des modifications importantes du DSM-V par rapport au DSM-IV-TR est
l’élimination du syndrome d’Asperger qui avait été intégré dans le DSM en
1981 à la demande de Lorna Wing, mère d’un enfant autiste et pédopsychiatre
anglaise renommée. Le syndrome d’Asperger était utilisé dans le DSM-IV-TR
pour qualifier des comportements autistiques sans retard de langage. Or rien,
actuellement, sur le plan scientifique ne soutient cette distinction, car seul le
niveau de communication verbale diffère entre autisme et syndrome d’Asperger.
Ainsi, le terme « syndrome d’Asperger » a été retiré du DSM-V et les personnes
concernées font donc partie désormais du TSA. De même, le trouble envahis-
sant du développement non spécifié est rangé dans le TSA. Cependant les per-
sonnes qui ont des difficultés de communication, sans symptômes autistiques,
à savoir des comportements répétitifs et des intérêts restreints, seront classées
dans une catégorie spéciale : trouble de communication sociale (pragmatique).
Une étude épidémiologique  [7] a appliqué rétrospectivement les nou-
veaux critères à des sujets ayant déjà reçu un diagnostic d’autisme, selon
les critères du DSM-IV-TR. Elle portait sur 6577  sujets étiquetés «  avec
autisme », selon les critères de l’édition révisée du DSM-IV. En appliquant
rétrospectivement  les critères du DSM-V, les auteurs ont confirmé le
­
­diagnostic de TSA pour 81,2 % des cas. Inversement, 304 enfants ont relevé
6 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

du diagnostic de TSA selon les critères du DSM-V, mais non selon ceux du
DSM-IV-TR. Sur cette base, la prévalence des TSA pour l’année 2008 se serait
élevée à 1  % de la population générale. La réduction des proportions de
sujets avec autisme ou troubles apparentés sera sans doute moins impor-
tante avec l’application du DSM-V que ne le redoutent ses détracteurs.

Comorbidité psychiatrique du trouble du spectre


autistique
Le TSA a une comorbidité élevée avec les autres troubles psychiatriques [8],
car aux moins 70 % des sujets ont un trouble comorbide et 41 % en présen-
tent au moins deux, la comorbidité la plus élevée est avec le trouble anxiété
sociale (29  %). Le tableau  1 représente les principales catégories nosogra-
phiques qui sont comorbides avec le TSA.
La statistique de Simonoff et al. [8] n’envisageait pas la comorbidité avec
la schizophrénie à début infantile, mais des études de cohortes ont montré
qu’elle pouvait être précédée dans 30 à 50 % des cas par un trouble enva-
hissant du développement, qui est actuellement classé par le DSM-V dans
le spectre de l’autisme. Ces données posent le problème de l’existence de
variations génétiques communes entre le TSA et la schizophrénie, au moins
dans certaines formes des deux maladies [9].
Une étude effectuée dans une cohorte 374  adultes présentant un syn-
drome d’Asperger a montré que 66  % rapportaient des idées de suicide,
35 % des plans de suicide ou une tentative de suicide, et 31 % estimaient
souffrir d’un état dépressif. La fréquence de l’idéation suicidaire était plus
importante chez les sujets Asperger que dans la population générale et que
dans un groupe de patients souffrant de maladies physiques et même dans
un groupe de patients psychotiques [10].

Tableau 1. Prévalence des troubles comorbides avec le TSA


selon le DSM-IV-TR d’après Simonoff et al. [8].
Troubles anxieux 41,9 %
– trouble anxieux généralisé :  13,4 %
– anxiété de séparation :  0,5 %
– trouble panique :  10,1 %
– agoraphobie :  7,9 %
– trouble d’anxiété sociale (phobie sociale) :   29,2 %
– phobie spécifique :  8,5 %
– trouble obsessionnel compulsif :  8,2 %
Dépression 1,4 %
Trouble opposant de l’enfant 30 %
Trouble déficit de l’attention et hyperactivité 28 %
Autres troubles (énurésie, encoprésie, Tourette, tics, trichotillomanie) 25 %
Introduction. Que sait-on du trouble du spectre autistique ? 7

Étiologie du trouble du spectre autistique


et ses incertitudes
Le fait que le TSA présente dans son étiologie des composantes génétiques
et neurologiques est établi aujourd’hui. Mais il n’y a pas de certitude qu’une
altération d’origine génétique du système nerveux central soit la cause
unique de l’autisme.

Le trouble du spectre autistique est un trouble


neurodéveloppemental
L’argument le plus convaincant a été apporté par une étude post mortem
du cortex préfrontal [11]. Elle incluait sept enfants autistes et six enfants
témoins de sexe masculin âgés de 2 à 16 ans. Elle a permis une quantifica-
tion du nombre et de la taille des neurones dans le cortex préfrontal. Les
enfants atteints d’autisme avaient 67  % plus de neurones dans le cortex
préfrontal. De plus, ils présentaient un poids du cerveau plus élevé que les
enfants témoins du même âge.
Les études de neuro-imagerie apportent des résultats qui pour l’instant
sont à aborder avec précaution, car ils portent sur de petits échantillons
et sont souvent contradictoires, peut-être pour des raisons qui sont liées aux
limites des techniques utilisées et aux biais d’échantillon.
Un travail avec l’IRM fonctionnelle, dû à Monica Zilbovicius  [12], sug-
gère que l’enfant autiste présente un traitement atypique de l’information
verbale, qui correspondrait à une absence d’activation du sillon temporal
supérieur, dont la fonction est de sélectionner les sons de la voix humaine.
En revanche, les enfants autistes ont une activation normale pour les sons
non vocaux. Il y a donc une absence de traitement des stimuli vocaux qui
facilitent la socialisation et l’acquisition du langage. Ce trouble serait cor-
rélé à un déficit de la transmission de l’information visuelle, des difficultés
d’apprentissage du langage et des compétences relationnelles.
D’autres travaux se sont centrés sur l’amygdale qui est le hub des émo-
tions. Une des fonctions de l’amygdale est de servir de hub au traitement
des émotions. Mosconi et al. [13] ont retrouvé un élargissement de l’amyg-
dale droite chez 50  autistes vers 2  ans par rapport à un groupe contrôle
«  normal  » de 33  enfants. Cette anomalie était associée à un trouble de
l’attention et pourrait représenter un marqueur neurocognitif.
Dès les années 1980, plusieurs chercheurs ont suggéré que des dysfonc-
tionnements neurologiques pouvaient conduire à des anomalies du traite-
ment de l’information et de la représentation de soi et d’autrui. La capacité
de lecture de l’esprit de l’autre serait liée au fonctionnement d’un « module
cognitif » autonome, assurant la représentation des états mentaux d’autrui,
qui serait déficitaire chez les enfants autistes [14]. Ces enfants sont carac-
térisés par une altération de la communication verbale et non verbale qui
8 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

les empêche d’interagir avec les autres, même si lorsque leur intelligence
est normale, ce qui est le cas des autistes à haut niveau. Selon certains
auteurs [15], il est possible qu’une partie de la population avec TSA ait un
déficit relativement isolé et primaire de processus socio-cognitifs, mais il
est peu probable qu’un tel déficit concerne la majorité des personnes avec
TSA, car il s’agit d’un groupe très hétérogène dans lequel l’impact de la dys-
fonction sociale est tributaire du contexte dans lequel il se développe.
Cependant des arguments nouveaux, en faveur d’un trouble central de
la maturation du système nerveux, sont apportés par une étude de connec-
tivité effectuée avec l’IRM fonctionnelle chez 25  patients présentant un
TSA et 25  sujets contrôles  [16]. Elle montre une connectivité anormale
entre deux réseaux qui sont le support de l’empathie et qui normalement
devraient être distincts. Le premier réseau est celui des neurones miroirs
qui permettent de comprendre les émotions et les actions des autres en
les imitant à l’intérieur de soi par simple observation : c’est le réseau des
représentations partagées. Le second réseau de neurones est le réseau de
la mentalisation qui va permettre une interprétation des états d’esprit, des
croyances et des intentions d’autrui : c’est un réseau cognitif et inférentiel.
En cas d’immaturité du système nerveux central, ces deux réseaux demeu-
rent trop interconnectés et cette absence de déliaison pourrait expliquer les
déficits de la communication sociale empathique dans le TSA.

Facteurs génétiques
Une estimation haute donnait une héritabilité de l’autisme de 70 % [17]. Une
nouvelle étude  [18] révise l’héritabilité de l’autisme à la baisse car elle
ne  retrouve que 50  %. Il est prématuré de proposer des tests génétiques
de l’autisme [19], car l’hérédité demeure polygénique avec plusieurs gènes
« candidats ». Les études qui sont publiées à un rythme accéléré ne permet-
tent pas actuellement des conclusions définitives.
Bien que le TSA diffère, en ce qui concerne la clinique et l’anatomie
fonctionnelle, de la schizophrénie et du trouble bipolaire, des données
épidémiologiques existent montrant que le risque d’apparition d’un TSA se
trouve augmenté en cas de présence de schizophrénie et, à un degré moin-
dre, de trouble bipolaire dans la famille [20]. Cela pose la question d’une
étiologie unique en amont de la clinique de ces trois troubles neurodéve-
loppementaux.

Facteurs liés à l’environnement modulant


l’expression des gènes
Il est possible que certains facteurs environnementaux participent à l’expres-
sion des gènes et programment le fœtus  : âge des parents, fécondation
in  vitro (FIV), génotype maternel, réaction immunitaire fœtomaternelle,
Introduction. Que sait-on du trouble du spectre autistique ? 9

ingestion maternelle de drogues ou de toxiques environnementaux liés à la


pollution industrielle, diabète et infections durant la grossesse (cytoméga-
lovirus), prise maternelle de médicaments (thalidomide, acide valproïque,
antidépressseurs), prématurité et souffrance périnatale [21].
Le risque augmente de manière linéaire avec l’âge du père. Soixante-dix à
80 mutations nouvelles apparaissent chez l’enfant qui ne sont présentes chez
aucun des deux géniteurs. Il s’agit de petites mutations de novo, c’est-à-dire
apparues au moment de la conception mais dont les parents ne sont pas eux-
mêmes porteurs. Elles correspondraient à une altération des protéines [22].

Prise en charge du trouble du spectre autistique


Un groupe de travail composé de professionnels réunis par la Haute Autorité
de santé (HAS) [23] a produit un argumentaire qui repose sur la sélection
d’études de haute qualité sur les troubles du comportement dans l’autisme
à savoir 18 études provenant du Royaume-Uni, d’Irlande, de Norvège et des
États-Unis, publiées entre 2000 et 2010. Elles ont permis de tester l’efficacité
et la sécurité d’interventions comportementales globales dans un groupe de
305 enfants comparés à 315 enfants issus des groupes de référence. Selon
les études, ils étaient âgés de 22 mois à 9 ans. Il s’agissait de troubles autis-
tiques, avec un quotient de développement faible ou un quotient intel-
lectuel (QI) inférieur à 75 (très souvent inférieur à 40). Sur ces 18 études,
15  ont montré un progrès significatif, cliniquement identifiable chez au
moins 45 % des cas.
La HAS a établi ensuite les preuves d’efficacité des différentes méthodes
selon trois grades  : A.  efficacité démontrée  ; B.  présomption d’efficacité  ;
C. faible niveau de preuves.
Le programme ABA et le modèle d’intervention précoce de Denver ont
reçu un grade B et le programme TEACCH (traitement et éducation pour
enfants avec autisme ou handicap de la communication) a reçu un grade C.
Le grade  B peut apparaître sévère pour la méthode ABA, car une méta-
analyse bien conduite [24] a retrouvé 28 études publiées dont 22 ont été
retenues : 14 avaient un groupe contrôle de comparaison et huit se conten-
taient d’une comparaison intragroupe de l’avant-traitement avec l’après-
traitement. L’ABA a démontré des effets à long terme positifs sur l’ensemble
des mesures, qui étaient dépendantes de la « dose » reçue. La taille d’effet
était de 1,5 pour le langage (réception et expression) et les compétences de
communication qui étaient les principales cibles de l’intervention. On se
rappellera qu’une taille d’effet supérieure à 80 signe une différence impor-
tante entre le groupe contrôle et l’ABA.
En ce qui concerne le programme TEACCH, une méta-analyse portant sur
un nombre faible d’études confirme le niveau limité des preuves d’effica-
cité [25]. Le lecteur trouvera une analyse détaillée des preuves concernant le
10 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

modèle d’intervention précoce de Denver dans le chapitre 10 ainsi qu’une


validation par la neuro-imagerie cérébrale (p. 173).
Ces résultats sont encore modestes, mais ces trois méthodes sont les seules
à avoir reçu une validation scientifique de la part des agences d’évaluation
non seulement en France mais aussi au Royaume-Uni, aux États-Unis et
d’autres pays européens [26].

Conclusion
Le TSA est corrélé principalement à des dysfonctionnements cérébraux dans
les régions du sillon temporal supérieur, de l’amygdale, du cortex préfrontal,
et du réseau de l’empathie et des cognitions partagées. Il existe un facteur
génétique important mais dont le poids varie suivant les études. Récemment,
le rôle de facteurs environnementaux pré-, péri- et post-nataux a été souligné.
Le diagnostic précoce doit guider le clinicien vers la mise en place
immédiate d’une approche psycho-éducative du trouble dans laquelle
les thérapies cognitives et comportementales ont une place essentielle à
travers trois méthodes validées qui sont décrites dans cet ouvrage par des
spécialistes expérimentés : Vinca Rivière pour la méthode ABA, Gisela Regli
pour le modèle d’intervention précoce de Denver et Cécile Coudert pour la
méthode TEACCH.
Le véritable enjeu d’une intervention précoce est la possibilité pour
l’enfant d’acquérir un langage fonctionnel, d’entrer dans la scolarisation
et d’apprendre les bases relationnelles de la socialisation. La réussite de ce
programme permettra d’éviter qu’à l’âge adulte, il ne soit réduit à l’institu-
tionnalisation en milieu psychiatrique ou bien reste à domicile à la charge
de parents vieillissants. Il faut malheureusement reconnaître que notre
pays a pris beaucoup de retard dans la mise en place d’intervention psycho-
éducatives efficaces, ce que soulignent avec constance les associations de
familles d’enfants autistes.
Dans le chapitre  12, Paul Trehin, père d’un enfant autiste, propose
une approche originale issue de la psychologie positive. Elle se fonde sur
l’étude des processus créatifs originaux qui font parfois des autistes à haut
niveau  des personnes d’exception qui contribuent par leur singularité et
leurs dons à l’avancement de la société.

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1 Historique et diagnostic

V. Rivière

Résumé
Bien que récemment le nombre de publications scientifiques ou
médiatiques concernant l’autisme ait connu une évolution exponen-
tielle, l’histoire, la clinique et le diagnostic de l’autisme ont débuté
très tôt avec l’avènement de la psychiatrie et de la psychologie
scientifique au début du xixe siècle. Ce chapitre retracera les grandes
étapes de cette évolution. Nous verrons les différentes classifications
permettant la pose d’un diagnostic et les problèmes qui y sont
associés. Le développement d’un cadre international commun qui
définit les troubles du spectre autistique est primordial pour la pose
d’un diagnostic le plus précis possible, afin de mettre en œuvre une
prise en charge adaptée. Une étude de cas permettra d’illustrer ces
propos et conclura ce chapitre.

Jean Itard (1774–1836) et le sauvage


de l’Aveyron
L’une des premières descriptions de l’autisme connue est celle de Victor,
l’enfant sauvage de l’Aveyron, relatée par le médecin français Jean Itard.
Victor était un enfant qui avait été retrouvé après avoir vécu dans les bois
pendant quelque temps. Après avoir réintégré la communauté humaine,
un grand nombre de médecins se sont penchés sur son cas qui n’a eu de
cesse de fasciner l’opinion, au point d’inspirer un film à François Truffaut
en 1970, L’enfant sauvage. Le diagnostic qui avait été posé par les autorités
médicales était que l’enfant n’était pas sauvage, mais que tout simplement
il présentait un retard mental profond. Cependant, Itard émit l’hypothèse
que son retard provenait d’une privation sociale sévère et que l’éducation
et l’entraînement pourraient l’aider à combler ces carences et à retrouver
des comportements adaptés  [1]. Son hypothèse, nous le verrons, était
judicieuse car c’était imaginer que l’environnement peut modifier les
comportements de l’enfant. Toutefois, cette thèse « environnementaliste »
n’est toujours pas clairement acceptée de nos jours. Itard, pour tester son
hypothèse, commença alors à mettre en place des entraînements intensifs
et individualisés. Il apprit à Victor des moyens de communication et ins-
taura des compétences scolaires. Victor put tolérer des interactions avec
des personnes familières, mais il présentait des troubles importants en

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
16 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

présence de personnes inconnues. Itard commença à comprendre que les


retards intellectuels n’étaient pas l’explication privilégiée des troubles de
Victor. Les perturbations et les troubles des interactions sociales ainsi que
les comportements répétitifs semblaient être, en fait, à l’origine de ce retard
intellectuel.
Dans l’histoire des sciences, il est fréquent de retrouver des études, des
résultats ou des observations anciennes qui mettent en évidence des faits
complètement d’actualité. Les observations d’Itard peuvent même nous
paraître quelque peu en avance sur la façon dont sont conduites en France
aujourd’hui les interventions destinées aux personnes présentant des
troubles mentaux et, en particulier, les personnes présentant un trouble
du spectre autistique (TSA). Elles ont pourtant plus de deux siècles, ce qui
témoigne de la difficulté à faire admettre des pratiques qui vont à l’encontre
des routines intellectuelles.

Eugène Bleuler (1857–1939) et le concept


d’autisme
Il faudra attendre une centaine d’années, après Itard, pour voir apparaître
le terme « autisme » en 1911, avec les travaux d’Eugène Bleuler. Historique-
ment, des exemples d’enfants considérés comme étranges, énigmatiques ou
sauvages ont toujours reçu une attention particulière dans notre culture [2].
Bleuler décrit également des particularités chez certains patients, troubles
neurologiques qu’il nomme synesthésie, pathologie où les sens semblent se
mêler les uns aux autres (le toucher, le goût, l’odorat, la douleur, la couleur,
les graphèmes, etc.). Nous verrons que ces observations ne sont pas de sim-
ples rappels historiques, mais nous transmettent de précieuses informations
qui ont été négligées pour donner toute la place à d’autres orientations,
dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles n’aident guère les personnes
présentant un TSA et leurs familles.
Bleuler  [2] utilise le terme d’autisme pour désigner une catégorie de
troubles de la pensée observés chez des personnes schizophrènes comme la
perte de contact avec la réalité, le rétrécissement des relations avec l’envi-
ronnement, ainsi que l’exclusion de toute vie sociale par un mécanisme de
repli sur soi.

Leo Kanner (1894–1981) et Hans Asperger


(1906–1980)
En 1943, lorsque Kanner décrit l’autisme infantile, notamment les pertur-
bations autistiques du contact affectif chez de jeunes enfants, il reprend
le terme de Bleuler ce qui engendre, à l’époque, des confusions entre les
troubles schizophréniques et les troubles dits autistiques. À la même époque
Historique et diagnostic 17

(1944), Asperger publie une description d’enfants ayant des caractéristiques


comportementales perturbées  : un manque d’empathie, des difficultés à
se faire des amis et à se parler à soi-même (monologues et dialogues inté-
rieurs)  ; l’enfant peut aussi être absorbé par une activité spécifique sans
qu’on puisse l’en sortir. Asperger nomme ces enfants, des «  petits profes-
seurs » du fait de leur habilité à discuter de leur thème favori de façon ency-
clopédique. Asperger considérait même qu’il présentait à un certain degré
le syndrome qui porte maintenant son nom.
Ces deux chercheurs décrivent avec une précision remarquable ce que
nous appelons encore aujourd’hui « autisme ». On oppose toujours de nos
jours l’autisme de Kanner et le syndrome d’Asperger, pourtant, en lisant
les descriptions réalisées par Kanner [3], on s’aperçoit qu’elles ne sont pas
différentes de celles d’Asperger [4]. Ainsi Kanner [3] décrit le cas de Donald,
enfant de 5 ans, qu’il voit en consultation à l’université John Hopkins de
Baltimore, Maryland :
« Je fus frappé par le caractère unique des particularités que présentait Donald.
Depuis l’âge de deux ans et demi il pouvait nommer tous les présidents et vice-
présidents, réciter l’alphabet à l’endroit et à l’envers et, sans se tromper et à voix
claire, réciter rapidement le vingt-troisième psaume. Il était cependant incapable
de mener à bien une conversation normale. Il n’avait aucun contact avec les gens,
alors qu’il manipulait adroitement les objets. Sa mémoire était phénoménale. Les
rares fois où il s’adressait à quelqu’un – surtout pour combler ses désirs – il se
référait à lui comme “vous” et à son interlocuteur comme “je”. Il ne pouvait passer
aucun test d’intelligence mais il mettait en place avec adresse les pièces d’une
planche d’encastrement compliquée. »

Classifications internationales : CIM-10,


DSM-IV et V
Cette description reste toujours d’actualité et les critères définis par la
CIM-101 le démontrent. Voici la définition utilisée par la CIM-10 pour
décrire les troubles envahissants du développement :
«  Groupe de troubles caractérisés par des altérations qualitatives des inter-
actions sociales réciproques et des modalités de communication, ainsi que par un
répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif. Ces anomalies
qualitatives constituent une caractéristique envahissante du fonctionnement du
sujet, en toutes situations. »
On peut reprendre de la CIM-10 les deux grands groupes concernant les
troubles envahissants du développement, l’autisme infantile et le syndrome
d’Asperger.

1. CIM-10 : Classification statistique internationale des maladies et des problèmes


de santé connexes (2008), Organisation mondiale de la santé.
18 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Voici la définition concernant l’autisme infantile :


« Trouble envahissant du développement caractérisé par : a) un développement
anormal ou altéré, manifeste avant l’âge de trois ans, avec b) une perturbation
caractéristique du fonctionnement dans chacun des trois domaines psychopatholo-
giques suivants : interactions sociales réciproques, communication, comportement
(au caractère restreint, stéréotypé et répétitif). Par ailleurs, le trouble s’accompagne
souvent de nombreuses autres manifestations non spécifiques, par exemple des
phobies, des perturbations du sommeil et de l’alimentation, des crises de colère et
des gestes auto-agressifs. »
Le syndrome d’Asperger est, quant à lui, défini ainsi :
«  Trouble de validité nosologique incertaine, caractérisé par une altération
qualitative des interactions sociales réciproques, semblable à celle observée dans
l’autisme, associée à un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et
répétitif. Il se différencie de l’autisme essentiellement par le fait qu’il ne s’accom-
pagne pas d’un déficit ou trouble du langage, ou du développement cognitif. Les
sujets présentant ce trouble sont habituellement très malhabiles. Les anomalies
persistent souvent à l’adolescence et à l’âge adulte. Le trouble s’accompagne
parfois d’épisodes psychotiques au début de l’âge adulte. »
Une autre classification reconnue est la classification américaine, le DSM-
IV-TR ou le DSM-V [5], les deux versions les plus récentes du Diagnostic and
Statistical Manual of Mental Disorders. La nouvelle version DSM-V nous per-
met de mettre en évidence les éléments spécifiques liés à cette pathologie.
Les chercheurs ont rassemblé deux domaines sur lesquels il faut se focaliser
pour poser le diagnostic :
• les déficits sociaux et/ou de communication ;
• les intérêts restreints et les comportements répétitifs.
Ces précisions sont importantes car nous pouvons repérer ces déficits
très tôt au cours de l’enfance, ceux-ci étant observés sur tout le spectre de
l’autisme.
La dénomination de troubles envahissants du développement (TED) ou
troubles du spectre autistique (TSA) permet d’insister sur le fait qu’il y a
un phénomène qui perturbe le développement de l’enfant. Il est impos-
sible à l’heure actuelle de fournir les éléments qui expliquent la causalité
de ces troubles d’une manière entièrement satisfaisante. L’établissement
d’un diagnostic précis permet également une orientation rapide vers les
traitements adaptés pour l’enfant.

Difficultés du diagnostic
Nous pouvons observer toutes sortes de termes dans les dossiers des enfants
vus en consultation : TED, traits autistiques, dysharmonie évolutive ou psy-
chotique, troubles de la personnalité, psychose infantile, autisme atypique,
schizophrénie infantile, dépression précoce autistique, etc. On parle aussi
Historique et diagnostic 19

de «  trouble de la personnalité avec des angoisses spécifiques, des mécanismes


défensifs pour les contenir ainsi que des modalités particulières de relation au
monde et à autrui » [6]. Le fait de ne pas avoir clairement identifié le trouble
va avoir des conséquences considérables sur la mise en place des traitements
et de la réhabilitation. Certains professionnels seront partisans d’attendre
un peu, d’autres, au contraire, d’agir rapidement, mais comment ?
Pour le DSM-V, le terme de trouble du spectre autistique (TSA) est utilisé,
regroupant les anciennes catégories du DSM-IV, à savoir le trouble autis-
tique, le trouble d’Asperger, le trouble désintégratif de l’enfance et le trouble
envahissant du développement non spécifié. L’intérêt de ces classifications
internationales est qu’elles sont indépendantes de toute approche théo-
rique et qu’elles ne font que décrire les manifestations observées par les
cliniciens.
Quels sont les éléments importants que l’on retrouve en consultation ?
Le premier domaine du TSA est représenté par la présence d’un déve-
loppement anormal de la communication et des interactions sociales. On
observe des déficits dans la réciprocité socio-émotionnelle, dans le partage
des émotions et dans les initiations aux interactions sociales. Pour un grand
nombre de parents, l’hypothèse de la surdité est fréquemment mise en
avant. En effet, le bébé peut ne pas se retourner lorsqu’on l’appelle et ne pas
réagir même lors de bruits d’intensité élevée. Des interprétations apparais-
sent alors telles que le bébé serait trop concentré, etc.
Pourtant ces éléments sont extrêmement importants à prendre en
compte dans le dépistage de l’autisme. On observe également, au niveau
de la communication sociale, des déficits concernant les relations allant de
difficultés à ajuster les comportements en fonction des situations sociales
à des difficultés de partage de jeux symboliques et des difficultés à se faire
des amis.
Les relations avec les enfants de même âge sont perturbées, celles-ci pou-
vant prendre des formes différentes selon le niveau de développement de
l’enfant. Les jeunes enfants présentent aucune ou peu d’attirance envers
des pairs. Les enfants plus âgés peuvent présenter un intérêt pour les autres
mais avec une incompréhension des conventions sociales, un manque de
spontanéité dans le partage des émotions comme la joie, l’intérêt ou la tris-
tesse. On observe aussi des changements des états émotionnels brutaux,
passage du rire aux pleurs par exemple, sans présence d’éléments déclen-
cheurs visibles.
On constate aussi des déficits dans les comportements non verbaux lors
d’interactions sociales. Cela se remarque par l’absence de comportements
de communication comme le pointage en direction d’un objet, d’une per-
sonne ou le fait d’apporter quelque chose à quelqu’un. Les personnes pré-
sentant un TSA préféreraient les activités solitaires. Les autres sont utilisées
comme outil ou comme aide « mécanique ». Chez ces enfants, le contact
20 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

oculaire, le regard, l’expression faciale, les postures corporelles et gestuelles


sont altérés. La communication est aussi altérée de façon importante au
niveau des compétences verbales et non verbales. On note un retard dans
l’acquisition ou une absence totale du développement du langage oral.
Lorsque le langage oral est présent, il est généralement de mauvaise qualité
et initier ou maintenir une conversation est souvent difficile. Si le langage
apparaît, il est particulier, l’intonation n’est pas adaptée à la situation, la
vitesse d’élocution ou le rythme de parole sont perturbés. Le ton de voix
est souvent monotone. Les mots peuvent apparaître de façon répétée, sans
signification. Des phrases entières sont dites sans relation avec le contexte.
La compréhension du langage est souvent retardée et l’enfant peut être
incapable de comprendre des consignes simples. Associer un geste à un mot
est souvent problématique. Mais ces manifestations restent des éléments
descriptifs.
Le second domaine concerne les patterns des comportements restreints
ou répétitifs, des intérêts ou des activités. Ces patterns de comportements
se retrouvent à différents niveaux : un langage répétitif et stéréotypé, des
mouvements moteurs et une utilisation des objets particulière. On observe
également des écholalies, des stéréotypies motrices ou verbales, phrases
répétées en boucle sans aucune fonction de communication. Ces troubles
du comportement sont retrouvés également dans des routines qui sont res-
pectées de façon excessive, des patterns ritualisés de comportements verbaux
ou non verbaux. Une résistance au changement excessive est fréquente, ce
qui peut se retrouver à différents niveaux, comme le comportement ali-
mentaire, le sommeil ou les activités quotidiennes. Lors de changements
de ces routines ou rituels, les troubles émotionnels sont considérables et
disproportionnés. L’enfant peut, par exemple, ne manger que des aliments
d’une certaine couleur ou d’une certaine texture. Il peut ne pouvoir dormir
qu’avec une même personne ou vouloir réaliser toujours le même trajet en
voiture ou à pied et hurler si un changement apparaît.
Les activités à caractère restreint sont observées par une intensité ou une
focalisation anormale. Un bébé de 15 mois pourra ainsi passer des heures à
empiler des cubes de façon méticuleuse et recommencer si la précision n’est
pas atteinte ou encore laisser tomber des objets pour observer les reflets
et écouter le bruit que cela produit sans que l’interaction avec l’adulte ne
vienne interrompre cette activité. Chez les personnes avec autisme, on
observe un intérêt particulier pour des jeux impliquant le comptage, l’ali-
gnement des objets, le fait de toucher un certain nombre de fois un jouet,
un intérêt particulier pour les dates, les numéros de téléphone ou les sta-
tions de métro. Des postures spécifiques peuvent être présentes  : tapoter
les objets ou faire des mouvements rapides avec les mains ou les bras. Ils
peuvent aussi avoir une fascination pour des objets en mouvement : faire
tourner les roues de petites voitures, fermer et ouvrir des portes ou toucher
Historique et diagnostic 21

les fils du téléphone. Ils peuvent être attachés à des objets inhabituels pour
des enfants, une pièce d’un jeu ou une cordelette.
Un autre point concerne l’hyper- ou l’hyposensibilité. Une fois de plus,
les excès sont impressionnants. L’enfant peut sembler insensible à la dou-
leur, au froid ou à la chaleur et par contre présenter une hypersensibilité
à certains bruits, qui sont pour nous, anodins. Cette hypersensibilité peut
se retrouver au niveau du toucher, du goût ou de l’odorat. Pour certains
enfants, l’ensemble des sens peut être touché. Cette hypersensibilité peut
se retrouver dans la fascination pour certains bruits, odeurs ou stimulations
lumineuses. L’enfant va ainsi s’orienter vers des bruits comme ceux du lave-
vaisselle ou d’une porte automatique de voiture que l’on ferme, vers des
lumières ou vers les pages d’un livre que l’on tourne pour en capter les
odeurs ou le vent que ce mouvement produit.
Les manifestations de ce trouble du spectre autistique varient de façon
considérable selon le niveau de développement et l’âge chronologique2 de
l’individu. Tous les éléments présentés peuvent se retrouver chez tous les
enfants neurotypiques, mais l’intensité et la persistance sont les aspects sur
lesquels il faudra se focaliser. C’est bien un envahissement du développe-
ment et non quelques petits troubles épars.
Dans le TSA, il est important de prendre en compte également la sévérité
du trouble. Différents niveaux peuvent être observés. En reprenant les deux
domaines présentés, nous pourrons observer des différences dans la sévérité.
Ainsi pour certains enfants avec trouble léger, nous allons pouvoir
observer des déficits dans la communication sociale surtout au niveau des
initiations et des patterns de réponses entravant la mise en place de ces
comportements sociaux. L’enfant peut apparaître comme peu intéressé par
les autres. Les comportements rituels et répétitifs sont la cause de pertur-
bations dans un ou plusieurs contextes. Lors de l’arrêt par l’entourage de
ces activités ou des comportements stéréotypés, on observe une résistance
massive.
Pour le niveau moyen, les déficits dans les compétences sociales verbales
ou non verbales sont importants. Les initiations sociales sont limitées et les
réponses aux incitations d’interactions sont inadaptées. Les comportements
répétitifs et les rituels sont rapidement observables par un observateur naïf
et interfèrent avec le développement dans un grand nombre de situations.
Les troubles émotionnels apparaissent lors de la rupture de ces rituels ou de
ces comportements de stéréotypies.
Pour le niveau sévère, dans le domaine de la communication sociale, les
déficits des compétences sociales verbales ou non verbales provoquent des
perturbations importantes du développement. Les interactions sociales sont

2. L’âge chronologique fait référence à l’âge réel de l’enfant. Il est comparé à l’âge
mental, âge obtenu lors d’évaluation standardisée par des tests spécifiques.
22 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

extrêmement limitées à la fois dans les initiations et dans les réponses, au


contact de l’entourage. Les comportements de stéréotypies et rituels inter-
fèrent de façon intense dans le développement à tous les niveaux. De gros
troubles apparaissent lors de l’interruption par l’entourage de ces routines
ou rituels. Il est très difficile d’orienter l’enfant vers d’autres activités.
Dans les années 1960, les théories psychanalytiques présentent l’autisme
comme une forme de schizophrénie, causée par la privation sociale et/ou la
négligence parentale [7]. Pourtant, à la fois Kanner et Asperger s’orientent
dès les années 1940 vers une hypothèse génétique du fait de leurs observa-
tions des familles concernées. On parle alors de troubles neurologiques et
les recherches vont se développer dans ce sens. On retrouve des associations
entre l’autisme et l’épilepsie, le retard intellectuel, le langage, les déficits
cognitifs avec troubles de l’attention et des systèmes vestibulaires  [8-10].
Dès les années 1960, Rimland semble en avance sur son temps  [9]. Son
ouvrage intitulé Autisme infantile  : le syndrome et ses implications pour
une théorie neurale du comportement3 en sont un exemple. Un autre point
important pour l’époque concerne les recherches en génétique. Folstein
et Rutter  [11] trouvent des cas d’autisme de façon plus importante chez
les jumeaux monozygotes que les jumeaux dizygotes. Mais un élément
important repose sur le fait que ces jumeaux identiques génétiquement ne
présentent pas les mêmes symptômes comportementaux, ce qui montre le
caractère hétérogène du syndrome autistique.
Cette hétérogénéité se retrouve à plusieurs niveaux. Lorsqu’on parle
d’autisme, nous pouvons observer des personnes présentant des compé-
tences intellectuelles hors norme, des personnes avec des troubles cognitifs
importants et des personnes avec des troubles du comportement sévères
sans comportement verbal. Cette hétérogénéité peut être expliquée par la
variabilité de plusieurs facteurs comme la trajectoire développementale, le
niveau de langage, les compétences en langage, le genre, les comportements
adaptatifs et les troubles moteurs. De cette hétérogénéité, il semble que les
mêmes facteurs étiologiques peuvent être expliqués par différents phéno-
types [12]. Ces groupes de sujets vont également présenter des réponses aux
traitements comportementaux différents.
Pour certains enfants présentant un TSA, les symptômes sont présents
très tôt au cours du développement (vers 8 mois) [13]. On observe alors une
absence de communication et/ou de compétences sociales au cours de la
première année. D’autres enfants présentent un développement typique au
cours de la première année, mais il est observé une rupture dans la trajec-
toire développementale [14]. Cette régression soudaine est pourtant contro-
versée, car il apparaît que lorsqu’on parle de trajectoire typique, certaines
caractéristiques autistiques peuvent être retrouvées par une analyse fine des

3. Traduit par nous.


Historique et diagnostic 23

comportements [15]. Ozonoff et al. [16] indiquent que la présence ou non


de phénomènes de régression ne semble pas avoir d’incidence sur la sévérité
du TSA, le fonctionnement intellectuel, les comportements adaptatifs ou la
présence d’épilepsie.
Le diagnostic d’autisme ne repose actuellement que sur des données
comportementales. Malgré les recherches, aucune étiologie biologique n’a
pu être établie de façon certaine à ce jour. Le diagnostic est posé après avoir
éliminé toutes les autres possibilités. En parlant d’autisme, on indique tout
simplement que l’on ne sait pas de quoi l’enfant est atteint. Il faut écar-
ter d’abord un grand nombre de possibilités génétiques, métaboliques ou
infectieuses pour parler alors de troubles envahissants du développement,
comme précisé dans les définitions ci-dessus.
Nous le verrons, repérer précocement ces troubles est un objectif essen-
tiel pour la mise en place des traitements comportementaux. Ces manifes-
tations comportementales sont assez faciles à observer mais sont souvent
considérées par les professionnels comme normales ou peu graves du fait
du jeune âge de l’enfant. Il est évident que chaque enfant est différent et par
conséquence chaque enfant autiste aussi ! L’enfant avec un TSA ne présen-
tera pas tous les symptômes et ceux-ci n’auront pas forcément la même
intensité.
En reprenant la définition présentée par la CIM-10 ou le DSM-IV ou V, il
est malaisé, en l’absence de formation spécifique, de faire la différence entre
des enfants, entre 10 et 20 mois, ayant des perturbations du sommeil et de
l’alimentation, des crises de colère et des gestes auto-agressifs, et un TSA.
Ces manifestations comportementales peuvent être observées chez l’enfant
sans pour autant qu’on puisse parler de TSA. Ces perturbations peuvent
même être normales chez l’enfant et bien des professionnels vont demander
aux parents d’attendre avant d’entreprendre des analyses plus poussées. Des
outils existent à l’heure actuelle pour recueillir des éléments de dépistage
précoce : le M-CHAT (modified checklist for autism) [17]), le STAT (screening
tool for autism in toddlers and young children, 2000) ou le CSBSD (communica-
tion and symbolic behavior scales developmental profile infant/toddler checklist,
2001). Il est à noter que ces évaluations, pourtant déjà anciennes, n’ont pas
leur équivalent en langue française. Les préconisations de la Haute Autorité
de santé  [18] indiquent que les professionnels en première ligne doivent
repérer un certain nombre d’éléments mais sans réellement pouvoir se réfé-
rer à des outils spécifiques. Des tests standardisés peuvent être utilisés pour
repérer un retard de développement, le Brunet-Lezine par exemple [19].
Les enfants que je vois en consultation ont souvent des manifestations
comportementales qui permettraient, sans faire d’investigation profonde,
de proposer assez rapidement un diagnostic selon les normes internatio-
nales. Nous exigeons toujours des examens complémentaires plus poussés.
Ils sont indispensables pour établir un diagnostic. Utiliser un protocole
24 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

spécifique dès la suspicion de troubles permettrait de gagner un temps pré-


cieux à la mise en place des traitements comportementaux. Ce protocole
existe dans d’autres pays européens ou sur le plan international (États-Unis,
Canada, Québec, pays scandinaves, Pologne, etc.). La figure 1.1 représente
un des protocoles qui se traduit par un algorithme de décision.

Figure 1.1. Exemple de protocole de suivi pour le dépistage de troubles


du développement et de l’orientation.
Source : Council on Children With Disabilities, Section on Developmental Behavioral Pediatrics, Bright Futures
Steering Committee and Medical Home Initiatives for Children With Special Needs Project Advisory Committee.
Identifying infants and young children with developmental disorders in the medical home : an algorithm
for developmental surveillance and screening. Pediatrics 2006 ; 118(1) : 405-20.
Historique et diagnostic 25

Étude de cas. Benoît, 6 ans. Le problème


du diagnostic précoce et le parcours
du combattant des parents
Chez Benoît, les signes alarmants sont apparus très tôt, vers 8 mois. Les
parents suspectent alors une surdité du fait de son désintérêt pour les sol-
licitations verbales de ses frères et sœurs. Il sourit peu. Dès la première
consultation, le diagnostic de la surdité est écarté. Le pédiatre rassure les
parents, précisant bien que chaque enfant avance à son rythme, il suffit de
beaucoup lui parler. Ce pédiatre demande à la maman de consulter un psy-
chologue pour traiter ses angoisses et l’apaiser. Le comportement angoissé
de la mère  peut être la cause du refus de contacts sociaux du bébé. La
maman accepte donc un suivi. Elle comprend lors de ces séances qu’elle est
responsable du « blocage » de son enfant. L’enfant est alors orienté vers un
CAMSP (centre d’action médico-sociale précoce). Les parents se réjouissent
à l’idée que leur enfant va pouvoir bénéficier d’une prise en charge si pré-
coce. Ils s’y rendent rapidement. On leur indique que Benoît sera vu trois
quarts d’heure par semaine pour une séance de « JEU » avec une infirmière.
L’enfant est alors âgé de 12 mois. Il est évident que trois quarts d’heure par
semaine de jeu avec une infirmière ne sont pas suffisants. L’angoisse de la
maman ne cesse d’augmenter. Bien sûr, elle accepte être la cause de ce retard
de communication, mais un suivi médical soi-disant précoce aussi lacunaire
l’effraie  ! Les parents regardent alors sur Internet. Ils lancent, comme la
plupart des parents, une recherche en indiquant les mots clés suivants  :
Trouble – communication – retard.
Peu à peu, leurs recherches les orientent vers l’autisme. On parle de
troubles envahissants du développement, d’autisme de Kanner. Les parents
demandent un rendez-vous au CAMPS afin de discuter du diagnostic de
leur fils. La psychologue est outrée par le discours et l’attitude des parents :
« NON votre fils n’est pas autiste ! Il faut vous sortir cela de la tête ! Le problème
concerne la relation que vous tentez d’établir avec votre enfant ! Il faut apprendre
à le récupérer, à ce qu’il ait ENVIE de communiquer avec vous. »
À la sortie de la consultation, les parents sont démunis. Comme beau-
coup de parents, ils sont acharnés et ne sont pas convaincus par les pro-
pos de la psychologue. Ils décident de consulter un neuropédiatre dans un
centre hospitalier régional. Les bilans se font, après, là encore, une bataille
effrénée : ponction lombaire, prises de sang et d’urines, IRM… Tous sont
négatifs. L’enfant est âgé maintenant de 3 ans et demi. Au vu de ces résul-
tats, il est envoyé, certes un peu tard, au centre de diagnostic précoce ! Ver-
dict : autisme sévère. On précise aux parents que le mieux pour l’enfant est
d’être placé au plus vite en hôpital de jour. Les parents souhaitent pourtant
qu’il soit scolarisé quelques heures par semaine :
26 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

« Mais vous êtes inconscients ! Jamais votre enfant ne pourra aller à l’école ! Il
faut maintenant faire le deuil d’une possible scolarité. Votre enfant doit être hos-
pitalisé afin de travailler les interactions de groupe. »
Benoît a maintenant 5 ans et demi. Il est suivi dans cet hôpital sans que
les parents ne sachent concrètement ce qu’il y fait. Les progrès de Benoît
sont minimes. Il ne parle toujours pas. Les crises augmentent progressive-
ment. Un beau jour, ils reçoivent une convocation du pédopsychiatre :
« Votre enfant ne peut plus être accueilli dans notre hôpital. Après avoir tout
tenté, nous ne pouvons plus rien pour lui. Il devra quitter l’hôpital dans un délai
de 6 mois ! Nous avons fait tout notre possible mais cela ne relève plus de notre
établissement. »
Les parents tentent alors de trouver une solution. En France, ce sont les
parents qui recherchent les solutions  : un SESSAD (service d’éducation
spéciale et de soins à domicile) ? un IME (institut médico-éducatif) ? une
école ? L’hôpital les contacte à nouveau en insistant fortement :
« Vous n’avez qu’à l’inscrire à l’école. Il sera au moins quelque part ! De toute
façon c’est obligatoire, il a plus de 6 ans ! »
Voici sans la romancer, l’histoire de Benoît. Un enfant qui, du fait de
l’incompétence et de l’ignorance des professionnels, s’est retrouvé aban-
donné, soutenu par une famille désemparée et perdue face à la pathologie
de leur fils. Cette pathologie est pourtant connue et il faut rappeler que
cette histoire a commencé en 2003.
Cet exemple nous montre comment le diagnostic tarde à être donné alors
que les parents eux-mêmes l’avaient suspecté dès 12 mois. Les propositions
faites par le député Chossy [20] recommandaient pourtant un dépistage et
un diagnostic le plus tôt possible, obligatoirement avant 3 ans, et si possible
entre 15 et 18 mois. Par ailleurs, la discordance des avis donnés aux parents
est criante : on passe de troubles psychologiques à un autisme sévère.
Pourtant le diagnostic de Benoît n’était pas difficile à poser. Les profes-
sionnels avaient tous les éléments. Reprenons ceux qui sont nécessaires
pour pouvoir évoquer la suspicion d’autisme avant 18 mois  : selon Fer-
rari [6], il faut pouvoir retracer l’histoire clinique de l’enfant obtenue lors
d’entretiens avec les parents. Puis un examen neuropédiatrique doit être
réalisé soigneusement. Le mieux serait même de filmer les entretiens avec
les parents et leur enfant, alors nous aurions tous les éléments pour poser
ce fameux diagnostic. En outre, dès que les manifestations apparaissent,
avant l’âge de 3  ans, nous pouvons selon Ferrari être sûrs de ne pas être
dans le cas d’une dysharmonie psychotique selon la classification française,
puisque les manifestations de ce trouble n’apparaissent que beaucoup plus
tardivement.
Dans l’exemple de Benoît, rien de tout cela n’a été réalisé, aucune piste
possible, aucune orientation n’a été proposée. Rappelons que l’ouvrage
de Ferrari date de 1999 [6] et que de nombreux ouvrages de psychiatrie
Historique et diagnostic 27

présentent les éléments de la même façon. La méthode d’investigation


devrait ainsi être connue par tout professionnel, psychologue, éducateur,
médecin généraliste, pédiatre et psychiatre. Cela ne demande pas, répétons-
le, une connaissance approfondie pour orienter ensuite l’enfant vers les ser-
vices spécialisés. Pour Benoît, non seulement le diagnostic n’a été émis que
trop tardivement, mais surtout aucune prise en charge n’a été proposée, ni
aucun traitement. Simplement attendre, emmener son enfant jouer trois
quarts d’heure par semaine  ! Aucune aide, aucune écoute de la part des
professionnels mais une seule affirmation : l’anxiété supposée de la mère est
sans aucun doute à l’origine des troubles de son enfant. Après des erreurs de
diagnostic aussi flagrantes, aucune aide psychologique n’est apportée aux
parents. On les laisse seuls avec leur enfant en difficulté.
Dans les manuels que peuvent consulter les parents, tous ces éléments
d’observation sont clairement présents pour la pose du diagnostic. Après les
3 ans de l’enfant, les professionnels auraient dû donner le diagnostic d’autisme
sévère aux parents. Si l’enfant avait eu la chance d’être anglais, belge, espa-
gnol ou américain, il n’aurait pas reçu un diagnostic si tardivement.
La HAS [18] a rédigé un rapport concernant la prise en charge chez
l’enfant et l’adulte avec autisme, dans lequel les traitements comportemen-
taux sont recommandés pour la prise en charge de l’autisme. Cependant
qu’entendons-nous par traitements comportementaux ? Des mélanges de
terminologie sont souvent observés et nous allons donc établir d’abord à
quoi ils font référence précisément (voir chapitre 2). Puis nous traiterons de
l’analyse fonctionnelle qui est déterminante dans la perspective compor-
tementale (voir chapitres 3 à 5) et de la façon dont nous pouvons gérer
cette pathologie chez l’enfant et chez l’adulte (voir chapitre 6). Enfin, nous
proposerons des exemples de techniques spécifiques chez ces enfants et
adultes aux niveaux des troubles du comportement, du développement du
comportement verbal et du développement social (voir chapitres 7 et 8).

Références
[1] Itard JMG. Mémoire et Rapport sur Victor de l’Aveyron (1801 et 1806). ­Édition
numérique  : Pierre Hidalgo. La Gaya Scienza  ; © décembre 2011. En ligne  :
http://www.ac-grenoble.fr/PhiloSophie/file/jean_itard_memoire pdf
[2] Bleuler E. Dementia Praecox oder Gruppe der Schizophrenien. Leipzig, Germany:
Deuticke; 1911.
[3] Kanner L. Autistic disturbances of affective contact. Nervous Child 1943;2(3):
217-50.
[4] Asperger H. Die «  Autistischen Psychopathen  » im Kindesalter. Archiv fur
Psychiatrie und Nervenkrankheiten 1944;117:76-136.
[5] American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders. 5th edition Washington, DC: APA; 2013.
[6] Ferrari P. L’autisme infantile. Coll. Que sais-je ? Paris: PUF; 1999.
28 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

[7] Bettelheim B. The empty fortress: infantile autism and the birth of the Self. New
York: The Free Press; 1967.
[8] Hermelin B, O’Connor N. Psychological experiments with autistic children.
New York, NY: Pergamon; 1970.
[9] Rimland B. Infantile autism: the syndrome and its implications for a neural
theory of behavior. New York: Appleton-Century-Crofts; 1964. 282 p.
[10] Rutter M, Schopler E, editors. Autism: a reappraisal of concepts and treatment.
New York: Plenum Press; 1978.
[11] Folstein S, Rutter M. A twin study of individuals with infantile autism. In: Rutter
M, Schopler E, editors. Autism : a reappraisal of concepts and treatment. New
York: Plenum Press; 1978.
[12] Lord C, Corsello C. Diagnostic instruments in autistic spectrum disorders. In:
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sive developmental disorders, Vol. two: assessment, interventions, and policy.
Hoboken, NJ: Wiley; 2005. p. 730-71.
[13] Watson LR, Baranek GT, Crais EJ, Reznick JS, et al. The first year inventory: retros-
pective parent responses to a questionnaire designed to identify oneyear-olds at
risk for autism. Journal of Autism and Developmental Disorders 2007;37:49-61.
[14] Pickles A, Simonoff E, Conti-Ramsden G, Falcaro M, et al. Loss of language in
early development of autism and specific language impairment. Journal of Child
Psychology and Psychiatry 2009;50(7):843-52.
[15] Lord C, Shulman C, DiLavore P. Regression and word loss in autistic spectrum
disorders. Journal of Child Psychology and Psychiatry 2004;45(5):936-55.
[16] Ozonoff S, Young GS, Carter A, Messinger D, et al. Recurrence risk for autism
spectrum disorders: a Baby Siblings Research Consortium study. Pediatrics
2011;128(3):e488-95.
[17] Wetherby AM, Prizant BM. Communication and symbolic behavior scales deve-
lopmental profile. Baltimore: Paul H. Brookes Publishing Co; 2001.
[18] Haute Autorité de santé. Autisme et autres troubles envahissants du dévelop-
pement: interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant
et l’adolescent. Méthode Recommandations par consensus formalisé. Argumen-
taire scientifique. Paris: HAS; mars; 2012.
[19] Brunet O, Lezine I. Le développement psychologique de la première enfance.
2e édition Paris: PUF; 1997, 2001 pour la forme révisée.
[20] Chossy JF. La situation des personnes autistes en France. Besoins et perspectives.
Rapport parlementaire 2003.
2 Principes et pratique
de la réhabilitation
psychosociale du trouble
du spectre autistique

V. Rivière

Résumé
Étudier le comportement en adoptant une démarche scientifique
a été un enjeu crucial en analyse du comportement. L’analyse
du  comportement est une approche compréhensive de l’étude du
comportement des organismes. Cette science fait partie des sciences
naturelles et a pour objectif principal la découverte des principes et
lois qui gouvernent le comportement. Ce chapitre présentera les
principaux concepts fondamentaux utilisés en sciences appliquées
du comportement. Rendre compte du développement selon une
approche comportementale nous permettra de proposer un modèle
explicatif de l’autisme en lien avec l’ensemble des recherches en
neurosciences.

La science est souvent perçue comme obscure et hermétique au grand


public. Réaliser des investigations, arriver à des conclusions et disséminer
ses résultats prennent un temps considérable que le chercheur n’arrive
pas à comprimer. Les méthodes et analyses scientifiques paraissent parfois
défier la logique et semblent peu conformes au sens commun. Le proces-
sus scientifique est complexe, pour le public en général, mais aussi pour
les professionnels qui ne sont pas entraînés à la logique et aux méthodes
scientifiques. Dans notre pays, la science en tant qu’ensemble de connais-
sances et méthodologie n’est que peu enseignée, même à de hauts niveaux
universitaires, dans les sciences de l’éducation, la médecine, la psychologie
et les autres professions en charge de la personne.

Adopter une démarche scientifique


Lorsqu’on présente de nouveaux traitements et de nouvelles approches,
les professionnels même hautement qualifiés dans leur discipline n’ont
pas recours à des méthodes ou rapports scientifiques pour les évaluer. Il

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
30 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

leur est impossible d’estimer la légitimité de ces nouveautés sans utiliser


des moyens empiriques  [1,  2]. La littérature scientifique, souvent peu
accessible, est généralement laissée de côté, alors qu’un grand nombre de
rumeurs et de lubies arrivent et prennent place. Le développement de ces
rumeurs est nettement plus rapide que celui de la science  [3]. Il suffit de
peu de chose. Une  idée peut dériver d’une intuition, d’une observation,
d’une anecdote, d’une étude de cas, enrobée dans un cadre théorique ou
conceptuel et disséminée directement par la presse, un livre, sur Internet
ou lors de conférences. Les familles désespérées, à la recherche du moindre
petit indice d’information, sont une audience très réceptive à ces idées.
Sur Internet, en utilisant des moteurs de recherche classiques par les
mots clés « autisme traitement », on trouve près de 70 types de traitements
différents. La plupart de ces traitements n’ont pas fait l’objet d’une évalua-
tion scientifique rigoureuse. Certains ont tenté de le faire, sans résultats
probants, d’autres pas du tout [4, 5]. Ce n’est pas le seul domaine où ce
type d’attitude est observé. Le secteur de l’alimentation en est aussi un
bon exemple. De nombreux traitements sont proposés contre le choles-
térol ou le surpoids, avec des études cliniques mettant en évidence des
résultats spectaculaires. Le terme clinique peut justement être trompeur.
Pour le grand public, « test clinique » signifie « test scientifique ». Pourtant
le fait d’utiliser le terme clinique ne fait pas référence à une méthodologie
scientifique. Dans ces tests, nous demandons tout simplement aux per-
sonnes ayant été soumises à l’étude ce qu’ils ont apprécié ou non dans
le produit par exemple. Pour un aliment, vous pouvez donc obtenir plus
de 80 % de personnes appréciant l’aliment, ce qui ne lui donne pas pour
autant des vertus médicales. Produire des études scientifiques exige une
méthodologie rigoureuse et pourtant ces études ne sont que rarement
présentées, alors que seul ce type de recherches permet d’obtenir le maxi-
mum d’éléments pour confirmer ou non l’efficacité d’un traitement quel
qu’il soit.
Un des points essentiels pour parler d’effets d’un traitement sera de le
comparer à un autre traitement. Il est nécessaire d’identifier et d’implémen-
ter des interventions qui sont, la plupart du temps, fondées sur des preuves
scientifiques. Cette rigueur existe dans les autres disciplines et n’est pas
réservée aux sciences du comportement. En sciences du comportement,
pour parler de traitements efficaces, il faut également pouvoir répondre
à un certain nombre d’exigences. Il faut que ces traitements aient été
testés en comparaison avec d’autres types de traitements et des groupes
dits « contrôles », c’est-à-dire des groupes d’enfants ne bénéficiant d’aucun
traitement particulier. Il faut que la méthodologie soit clairement décrite
ainsi que les procédures, les mesures utilisées, et que des réplications soient
réalisées par d’autres équipes. L’usage de méthodes expérimentales de plans
Principes et pratique de la réhabilitation psychosociale du trouble... 31

à cas  unique1, spécifiques à l’analyse du comportement, est également


accepté comme moyen d’évaluation des changements dus au traitement
appliqué. Il y a un grand nombre d’études dont les conclusions ne peu-
vent  être utilisées du fait d’un manque de précision méthodologique. Le
rapport de la HAS [6] s’est fondé sur ces éléments afin de conclure à l’effica-
cité ou non des traitements testés.
Les recherches en sciences du comportement ont été extrêmement éten-
dues dans le domaine des troubles du développement et du comportement.
Dès le début des années 1950, un grand nombre de recherches ont été
menées, permettant de mettre en évidence les capacités d’apprentissage
de personnes présentant des déficits sévères. Cela peut nous sembler un
objectif simpliste, mais il faut savoir qu’à l’époque, ces personnes étaient
considérées comme incapables du moindre apprentissage du fait même de
leur pathologie.
Comprendre l’autisme suppose de connaître la façon dont l’enfant
typique se développe. Ainsi, les recherches sur le développement du lan-
gage, les interactions sociales, le développement cognitif et d’autres encore
sont d’une importance capitale pour les applications. Elles vont être à
l’origine d’applications lorsque le développement de l’enfant présente des
perturbations. Les traitements comportementaux dans le cas de l’autisme
ne sont pas construits de façon indépendante des recherches en sciences
expérimentales du comportement.

Conceptualisation du développement
selon l’approche comportementale
En sciences du comportement, le développement est défini comme les
changements progressifs dans les interactions entre une personne (un
comportement) et son environnement [7]. Nous pouvons ainsi voir appa-
raître des modifications du comportement en fonction des conséquences
qui le suivent. On parle de comportements qui opèrent sur l’environne-
ment [8-11]. Cette approche comportementale du développement a fourni
un grand nombre de preuves expérimentales permettant de rendre compte
de cette interaction comportement–environnement. De nouveaux compor-
tements vont émerger de cette interaction, en fonction de l’environnement

1. Dans ce type de recherches, le sujet est soumis à plusieurs conditions, il est son
propre contrôle. S’il y a un réel effet du traitement, alors on doit voir apparaître
des changements lors de l’implémentation du traitement. On réalise alors des
mesures avec et sans traitement pour vérifier son efficacité (voir Rivière V. L’ana-
lyse du comportement appliquée à l’enfant et à l’adolescent. Presses Universitaires du
Septentrion ; 2006).
32 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

dans lequel l’enfant va être placé. Quel que soit le domaine du développe-
ment (développement cognitif, social, moteur ou du langage), l’étude des
interactions environnement–comportement va s’étendre  : tout au long
des décennies à venir, des recherches en analyse du comportement et les
applications qui en découleront vont apparaître.
En sciences du comportement, l’apprentissage est un processus de base
du développement humain. Il est responsable de changements. L’apprentis-
sage est défini comme un changement relativement permanent du compor-
tement dans la relation qu’il entretient avec l’environnement. Il y a trois
parties essentielles dans cette définition :
1. l’apprentissage est un changement dans la relation comportement–envi-
ronnement. Le comportement peut changer, mais il le fait en relation avec
des événements de l’environnement. Notre comportement change lorsque
nous apprenons à marcher, tenir debout seul sans appui, puis avancer d’un
pas avec appui, etc. ;
2. ce changement est relativement permanent. Ainsi, les changements ne
sont pas simplement momentanés, comme un éternuement mais durable
dans le temps. Lorsque nous apprenons à marcher, la modification compor-
tementale obtenue se maintient, sauf problème moteur spécifique. Une fois
le comportement acquis, il reste dans le répertoire du sujet. Si le comporte-
ment n’est pas relativement permanent (nous émettons le comportement
sur une période de temps courte : par exemple, apprendre à dénommer un
mot dans une autre langue), nous n’avons pas appris à émettre le comporte-
ment. Pourquoi avons-nous besoin du qualificatif « relativement » ? Parfois,
les comportements disparaissent après avoir été appris : par exemple, lorsque
nous oublions ce qu’un mot signifie ou que des troubles moteurs apparais-
sent comme pour la marche. Le temps nécessaire d’apprentissage pour parler
est vague mais les chercheurs définissent souvent explicitement l’apprentis-
sage comme un nombre ou pourcentage de réponses correctes à la suite ;
3. le dernier point de cette définition est que l’apprentissage est dû à l’expé-
rience avec l’environnement. Ainsi, les conditions dans lesquelles le sujet
sera placé lui permettront d’acquérir des compétences, adaptées ou non
en fonction des conséquences reçues, mais également de les maintenir au
cours du temps.
Rappelons notre définition du développement : changements progressifs
dans les interactions entre une personne et son environnement. Spécifi-
quement, nous nous focaliserons sur ce que la personne présentera comme
comportements ou réponses. Les termes comportement et réponse peu-
vent être utilisés de façon interchangeable. Ils sont les actions ou les chan-
gements que les individus font  : faire claquer ses doigts, marcher, parler,
chuchoter ou écrire une lettre sont tous des comportements. Imaginer un
coucher de soleil et penser à ce que l’on fera demain sont aussi des éléments
inclus dans les actions de l’individu, donc des comportements.
Principes et pratique de la réhabilitation psychosociale du trouble... 33

Le terme environnement fait souvent référence à plusieurs définitions, ce


qui entretient les incompréhensions. Lorsque nous utilisons le terme envi-
ronnement, nous parlons en termes de stimuli. Un stimulus est un change-
ment environnemental ou événement : un flash de lumière, une sonnerie,
la lettre « A », tous ces éléments sont des événements environnementaux
ou stimuli. En analysant l’environnement, nous pouvons donc en identifier
d’innombrables. Cependant, nous nous intéressons principalement à ceux
qui ont une relation fonctionnelle avec l’environnement, c’est-à-dire les
stimuli qui ont un effet sur le comportement.
L’unité de base qui a été repérée se nomme la contingence à trois termes.
Nous avons un stimulus antécédent appelé stimulus discriminatif, une
réponse et une conséquence. Une contingence est une relation dépendante,
exprimable en termes de « si–alors » : « Si vous appuyez sur le bouton, alors la
lumière s’allumera. » Ceci est une contingence simple, le premier terme est
« si vous appuyez », qui spécifie le terme « alors la lumière s’allumera ». Ce
type de contingences est la base du comportement opérant : si cette réponse
est émise, alors cette conséquence est susceptible d’apparaître. Si c’est le cas,
la conséquence est dite contingente à la réponse, la conséquence dépend
de la réponse (figure 2.1).
L’histoire des sciences du comportement nous montre comment les cher-
cheurs ont pu trouver différentes lois de comportements et de principes
pour rendre compte du comportement humain. Ainsi, les comportements
existent car ils sont en interaction fonctionnelle avec l’environnement.
Différents domaines du développement ont été explorés  : social, verbal,
moteur, cognitif, etc. Considérer que nos comportements sociaux ou autres
sont appris et non liés à un processus de maturation ou de gènes, est une
conception encore difficile à comprendre pour un grand nombre de cher-
cheurs, notamment en psychologie du développement. Lorsqu’on observe
un bébé qui commence à marcher, il peut sembler évident qu’il soit « pro-
grammé » pour marcher, car il a un système nerveux qui va lui permettre
de coordonner ses actions. Cependant, placer le même enfant dans un
environnement où il ne peut atteindre un support pour se mettre debout
et la marche n’apparaîtra pas. La maturation n’y fera rien, le stade de déve-
loppement moteur prévu ne sera pas observé et les gènes supposés actifs
dans le contrôle moteur n’auront aucun effet. Si l’environnement n’est pas
fonctionnel, le comportement ou la réponse ne peut apparaître. Nous pou-
vons reprendre le même type de raisonnement avec le bébé sourd. Même
si le bébé sourd peut babiller, ce comportement disparaît progressivement

Figure 2.1. Contingence à trois termes.


34 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

car l’environnement auditif n’est pas fonctionnel. Pourtant ses cordes


vocales sont actives et il pourrait très bien avoir un langage oral. Mais sans
environnement fonctionnel, sans interaction entre l’environnement et le
comportement, ces réponses disparaissent.
Selon les sciences du comportement, nos comportements provien-
nent de l’interaction avec l’environnement. Ceci permet de comprendre
comment ont pu apparaître des traitements comportementaux pour des
enfants ou personnes ne présentant pas certaines compétences. Si l’hypo-
thèse de l’apprentissage est confirmée, alors nous devrions voir apparaître
les comportements en déficit dans le répertoire du sujet, en présence d’un
environnement fonctionnel.
Ainsi, pour comprendre l’efficacité des traitements comportementaux,
il faut adopter l’idée selon laquelle de nouveaux comportements apparais-
sent par l’effet de l’interaction comportement–environnement et non
par l’effet de processus de maturation ou de stades d’évolution comme
on l’entend souvent dans les théories classiques du développement. Lors
de troubles du développement, modifier les comportements inadaptés et
augmenter le répertoire comportemental déficitaire sont considérés comme
irréalisables pour les chercheurs en développement du fait de leurs concep-
tions théoriques centrées sur la maturation ou sur le concept de stades de
développement.

L’autisme selon l’approche comportementale


Les manifestations comportementales décrites précédemment permettent
de proposer un diagnostic  : trouble du spectre autistique ou trouble de
l’autisme. Cependant, comment expliquer l’apparition de ces comporte-
ments  ? Au vu de la littérature, ces manifestations comportementales ne
semblent pas être l’expression même de l’autisme. Elles témoignent d’un
trouble dont on ne connaît pas la cause et qui a comme conséquences ces
mêmes manifestations, comme la réduction des compétences de commu-
nication, l’altération des interactions sociales, etc. C’est pourquoi nous
retrouvons également ces manifestations comportementales dans d’autres
pathologies proches, comme le syndrome de l’X fragile ou le syndrome de
Rett, troubles qui ne sont plus considérés dans les nouvelles classifications
comme des troubles du spectre autistique. Ce dernier semble donc recouvrir
différents troubles, sans que l’on puisse actuellement les différencier.
Les comportements de stéréotypies sont retrouvés dans un grand nombre
de troubles provoquant une privation sensorielle. Par exemple, des per-
sonnes aveugles peuvent présenter des comportements de balancement. Or
ces stéréotypies ne sont pas considérées chez la personne aveugle comme
élément diagnostique pour autant. La cécité va provoquer une privation
sensorielle qui sera suppléée par des mouvements moteurs plus importants,
Principes et pratique de la réhabilitation psychosociale du trouble... 35

par exemple des balancements mais les stimulations visuelles ne sont pas
des stimulations fonctionnelles. De la même façon, on peut émettre l’hypo-
thèse que la personne avec autisme ne présente pas de comportements sté-
réotypés du fait de son autisme mais bien parce que l’environnement n’est
pas un environnement fonctionnel. Certaines recherches apportent des
éléments dans ce sens : la personne avec autisme présente des différences
de perception des stimuli. Ne pas percevoir les éléments pertinents de son
environnement de façon adaptée et typique va avoir des conséquences
importantes sur son développement global. Les troubles du développement
observés ne seraient donc que la conséquence de ces troubles de percep-
tion ou de discrimination. Faisons le parallèle avec le développement d’un
enfant sourd qui n’aurait pas été appareillé : les troubles du comportement,
l’isolement, les stéréotypies vont apparaître mais progressivement. Tous
ces comportements ne sont que la conséquence d’un trouble perceptif, ici
l’audition. Dans le cas de l’autisme, la recherche doit encore progresser pour
mettre en évidence les différences réellement observées.
Dès 1971, Lovaas examine chez des enfants avec autisme des troubles
de la discrimination. Ses recherches sont d’une richesse incroyable et res-
tent à l’heure actuelle une préoccupation scientifique importante [12]. Ses
résultats montrent que ces enfants présentent des phénomènes appelés de
sursélectivité [13-15]2, ce qui évoque plutôt des troubles de la perception.
Il faudra attendre les années 1990 pour que les recherches s’orientent dans
cette voie plutôt que vers les hypothèses reliées aux troubles relationnel et
psychique. L’équipe de Zilbovicius [16] a également apporté de nouvelles
données concernant la modalité sensorielle auditive. Ainsi, la voix humaine
n’a pas les mêmes effets de stimulation chez des personnes avec autisme
que chez les personnes neurotypiques. On peut alors comprendre que ces
différences peuvent avoir des répercussions sur le développement du lan-
gage ou sur la mise en place des interactions sociales. D’autres recherches
montrent le même phénomène concernant les stimuli visuels : se focaliser
sur des lumières ou des objets serait lié à un défaut de perception et non au
trouble autistique en lui-même, ce qui indique que les troubles sont plutôt
liés à l’interaction comportement–environnement.
Lorsqu’on regarde le spectre de l’autisme, certaines personnes présentent
des troubles liés aux stimuli antécédents, stimuli qui n’évoquent pas le
comportement, comme nous avons pu le voir dans la stimulation sonore
de la voix humaine. D’autres personnes vont présenter des troubles liés aux
conséquences car les conséquences sociales (le toucher, le regard, les sourires,
les félicitations, etc.) peuvent n’avoir aucun effet sur le comportement. Enfin,

2. La sursélectivité est un phénomène qui apparaît lorsque le contrôle du compor-


tement est effectif uniquement pour une classe de stimuli extrêmement res-
treinte au cours de l’apprentissage de la discrimination.
36 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

d’autres personnes avec autisme vont associer les deux types de troubles. En
adoptant ce type d’analyse, nous pouvons donc imaginer comment mettre
en place des traitements comportementaux pour y remédier.
Deux éléments semblent être en cause, soit le stimulus discriminatif, soit
la conséquence. Concernant le stimulus discriminatif, les troubles enva-
hissants du développement ont pour particularité, nous l’avons vu, des
troubles de la discrimination. Sans une analyse précise des troubles, nous
pourrions placer pendant des heures l’enfant en situation d’apprentissage
avec des  conséquences appétitives adaptées sans obtenir de résultats. Les
recherches indiquent en effet que ces personnes peuvent avoir des difficultés
à regarder de façon globale les stimuli présentés. Prenons l’exemple d’une
image présentée à l’enfant illustrant un chien. L’objectif d’apprentissage
serait d’associer l’image d’un chien avec la consigne « montre le chien ».
Pour pouvoir répondre à cette consigne, plusieurs compétences sont en jeu,
d’une part regarder la carte, d’autre part écouter la consigne. Pour certains
enfants, le fait de regarder le stimulus présenté (la carte) ne nous permet
pas d’affirmer que c’est réellement le cas. Que regarde réellement l’enfant ?
L’ensemble de l’image présentée, le bord de la carte, le fait que la carte pré-
sente une pliure à un endroit ? Sans une analyse visuelle précise, nous pour-
rions faire perdre du temps à l’enfant. Ces troubles de l’apprentissage font
partie du trouble envahissant du développement (TED), il faut donc analy-
ser, finement, d’où peuvent provenir les problèmes d’apprentissage. Lorsque
nous rencontrons des enfants qui présentent ces difficultés d’apprentissage,
nous mettons alors en place d’autres techniques permettant de fournir la
réponse plus rapidement, sous contrôle de la consigne. Dans notre exemple,
on peut augmenter la taille de l’image du chien, agir sur le contraste de
l’image ou utiliser un dispositif d’analyse de poursuite oculaire pour ren-
forcer les réponses de poursuite réalisées sur l’image présentée. Cette der-
nière possibilité est ce que nous réalisons en laboratoire pour accélérer les
apprentissages des enfants qui présentent des troubles de la discrimination
visuelle. Si les problèmes concernent le stimulus, sans analyse précise nous
ferons perdre un temps précieux à l’enfant ou à la personne [17-19].
Un autre problème en résulte : il faudra tester les conséquences afin de
s’assurer qu’elles sont bien à même de jouer la fonction de renforçateurs.
Nous avons vu que cela ne peut être prévu à l’avance. Par exemple, on ne
peut dire à l’avance qu’une sucette soit un renforçateur pour un enfant. La
sucette en elle-même n’est pas un renforçateur. C’est uniquement son rôle
fonctionnel qui est à prendre en compte et donc son effet sur les réponses.
Chez la personne avec autisme, les perturbations pourraient être expliquées
par des problèmes liés aux renforçateurs.
En effet, les parents ou intervenants indiquent souvent leur difficulté
à trouver des conséquences positives pour l’enfant. La recherche des pré-
férences nécessite la connaissance de techniques spécifiques mais cette
Principes et pratique de la réhabilitation psychosociale du trouble... 37

difficulté doit bien être considérée comme un des problèmes majeurs des
personnes avec autisme [20,  21]. Ce problème de développement naturel
des renforçateurs permet également de comprendre la notion de spectre
de l’autisme, ce qui est souvent déterminant lors de l’évaluation princeps de
l’enfant et du pronostic de récupération. En effet, lorsque très tôt, l’enfant
présente des intérêts variés pour des objets ou activités, ceci permet d’envi-
sager un pronostic favorable.
Chez certains enfants, les activités sont très restreintes, focalisées unique-
ment sur un ou deux objets, portées vers les autostimulations ce qui évoque
souvent l’interprétation de repli sur soi. Chez ces enfants, les objectifs pre-
miers seront d’augmenter le nombre de renforçateurs potentiels en utilisant
les techniques adaptées car sans renforçateurs variés, le développement de
l’enfant ne peut apparaître, limitant les apprentissages. Lorsqu’on observe
un bébé sans trouble spécifique de 15 mois, le nombre de conséquences
positives rencontrées dans son environnement naturel est important, varié
et les apprentissages sont quotidiens. Sans se focaliser sur la diversification
des renforçateurs, les apprentissages chez l’enfant avec autisme sont plus
faibles, ce qui ralentit son développement. Donc lorsqu’on entreprend des
apprentissages afin d’augmenter le nombre de renforçateurs chez l’enfant
avec autisme, on se rend compte de la perte de temps engendrée en compa-
raison à d’autres enfants qui auront déjà dans leur répertoire un grand
nombre d’items, activités ou personnes, susceptibles d’augmenter les
comportements en apprentissage.
Pour certaines personnes présentant un autisme, l’élément le plus inquié-
tant est le fait que les conséquences sociales ne prennent pas la fonction de
conséquences positives mais au contraire de conséquences aversives. Cer-
tains parents ont déjà noté que le fait de toucher l’enfant, de lui parler, de
le regarder, provoque des comportements de rejet, de cris ou d’automutila-
tion, ce qui est totalement déroutant pour les parents ou les professionnels.
L’objectif principal lors de l’apprentissage sera alors d’associer des éléments
ayant comme fonction d’être des renforçateurs aux stimulations comme
le toucher, la voix de la mère ou les approbations. Ces techniques ont été
mises en évidence en recherche fondamentale [22, 23].
Les recherches en neurosciences comportementales s’intéressent éga-
lement aux conséquences renforçatrices ou aversives des stimuli chez les
personnes avec autisme. En effet, la libération de dopamine, suite à l’arrivée
d’une stimulation appétitive, permet de rendre compte de l’émergence de
comportements sur le plan physiologique. La libération de dopamine  est
nécessaire lors des apprentissages, mais plus du tout lors de la période
de maintien des comportements. Les recherches se poursuivent car nous
sommes encore bien loin d’avoir toutes les connaissances dans ce domaine
[24]. Des perturbations à ce niveau sont supposées jouer un rôle dans
l’autisme ou dans d’autres pathologies comportementales [25, 26].
38 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

En adoptant l’approche comportementale du développement, l’analyse


des troubles du comportement porte à la fois sur les antécédents et sur les
conséquences. Lorsque des difficultés sont observées au cours d’un appren-
tissage, nous pouvons donc intervenir sur l’un ou l’autre des éléments de
la contingence (antécédents et/ou renforçateurs). Indiquer que l’enfant
ne peut apprendre, que la méthode ABA ou applied behavior analysis (analyse
du comportement appliquée en français) ne lui est pas adaptée, que c’est
lié à son syndrome lui-même, ne peut en aucun cas constituer des raisons
crédibles scientifiquement. La notion de déterminisme est importante dans
les sciences et est un élément essentiel en sciences du comportement.

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3 Traitement
comportemental : l’applied
behavior analysis (ABA)

V. Rivière

Résumé
L’ABA, trois lettres qui dans le monde de l’autisme ont fait couler
beaucoup d’encre. Un grand nombre d’explications et d’interpré-
tations existent à propos de l’ABA provoquant parfois des incom-
préhensions. Nous reviendrons ainsi sur les dix éléments principaux
essentiels à la compréhension de l’analyse appliquée du comportement.
Afin de reprendre l’historique de ces traitements comportementaux,
deux exemples de suivis mis en place chez l’adulte avec autisme
datant des années 1980 et 1990 seront présentés. Ces deux exemples,
ceux de Harry et Helle, mettent en évidence la rigueur scientifique
nécessaire pour offrir à ces personnes une vie d’adulte la plus auto-
nome possible.

Les premières recherches en analyse du comportement pour le traitement


de l’autisme ont vu le jour en 1948. Sidney Bijou était à cette époque
directeur de l’Institut de recherches sur le développement de l’enfant
à Washington. Dans cette unité, un grand nombre de chercheurs sont
devenus célèbres sur la scène internationale grâce à leurs découvertes en
analyse du comportement : Wolf, Risley, Baer, Birnbrauer, Hart, Sloane. Le
Dr Lovaas y a réalisé également un stage post-doctoral. Dans ce laboratoire,
la psychologie du développement est complètement reliée à l’analyse du
comportement et ses premières applications à l’autisme se trouvent dans
les études de Ferster et DeMeyer en 1961 [1] et de Wolf, Risley et Mees en
1964 [2].
Dès les années 1960, on voit apparaître les premières procédures de ce
que l’on appelle des « essais discrets », c’est-à-dire travailler en décomposant
élément par élément les compétences dans divers domaines. Des procédures
utilisées en situation naturelle, que l’on nomme « apprentissage incident »,
voient le jour dès 1968, grâce à Hart et Risley. Toutes ces recherches et ces
travaux ont permis la mise en place progressive de ce que l’on a appelé
«  analyse appliquée du comportement  » (applied behavior analysis ou
ABA). De ces recherches fondamentales sont nées les applications : l’analyse
expérimentale du comportement et l’analyse appliquée du comportement
qui sont des disciplines maintenant enseignées dans le monde entier.
Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
42 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Histoire de l’ABA : les travaux d’Ivar Lovaas


Les premières études ont porté sur les techniques d’apprentissage spéci-
fiques et sur l’étude de la contingence. Les procédures proposées s’intéres-
sent donc à modifier les stimuli antécédents et les conséquences. Dès 1962,
Lovaas et ses collaborateurs entreprennent deux années d’études explora-
toires auprès d’une adolescente autiste de 13 ans ayant des comportements
d’automutilation et un langage avec écholalie. Ils utilisent des procédures
comportementales et élaborent un système de mesure des comportements
par observation systématique, ce qui leur permet de tester l’efficacité
des  techniques qu’ils appliquent. Lovaas, Freitag, Gold et Kassorla [3] obser-
vent que l’adolescente apprend à lire des mots lorsqu’elle reçoit comme
conséquence des renforçateurs alimentaires plutôt que des renforçateurs
sociaux. Après quelques mois, l’adolescente répond aux consignes simples
des intervenants sans présenter de troubles du comportement (automutila-
tion) et apprend à lire jusqu’à 50 mots, c’est-à-dire à réaliser l’association
entre un mot écrit (prononcé) et l’objet ou l’action réelle. Commence alors
l’élaboration d’un protocole plus précis, comportant l’ensemble des compé-
tences développementales pour des enfants plus jeunes, de moins de 4 ans.
En 1971, Lovaas poursuit ses recherches sur la discrimination auditive et
visuelle des enfants avec autisme [4].
L’étude qui a mis en évidence l’efficacité d’un traitement intensif chez les
enfants autistes est celle de Fenske, Zalenski, Krantz et McClannahan  [5].
Cette recherche est rarement citée car elle a utilisé un plan dit «  quasi
expérimental  » donc sans l’existence d’un groupe contrôle, la validation­
scientifique n’étant donc pas possible. Ils observent que six enfants sur neuf
ayant commencé le traitement avant l’âge de 5  ans intègrent le système
scolaire classique au bout de 2 ans. Un seul sur les neuf enfants mis en trai-
tement après l’âge de 5 ans y parvient. Ces résultats sont impressionnants
mais pour les chercheurs en analyse du comportement, le fait qu’aucun
groupe contrôle n’existe ne permet pas de conclure de façon scientifique à
l’efficacité d’un tel traitement. Cependant les pistes sont ouvertes. L’étude
qui a permis de reprendre l’ensemble de ces recherches et de proposer un
réel traitement est celle de Lovaas et ses collègues [6]. Ils réalisent une étude
comportant deux groupes : un groupe expérimental bénéficiant d’un trai-
tement comportemental à raison de 40  heures par semaine et un groupe
contrôle n’effectuant qu’un nombre d’heures réduit du traitement compor-
temental : 10 heures. Lovaas ayant travaillé sur les troubles du comportement
depuis les années 1940, ce traitement découle des recherches antérieures
en analyse du comportement. Les mesures utilisées pour comparer les deux
groupes sont principalement le quotient intellectuel, l’âge lors du premier
diagnostic, l’âge au début du traitement, la fréquence des comportements
d’autostimulation, le nombre de mots reconnaissables et le niveau de lan-
gage. Lovaas et ses collègues notent que neuf enfants sur 19 ont récupéré un
Traitement comportemental : l’applied behavior analysis (ABA) 43

QI normal après 3 ans de traitement et peuvent intégrer le cursus scolaire


classique ; 47 % des enfants ont terminé l’école primaire sans suivi ultérieur,
les effets du traitement se conservant à l’adolescence [7] ; 40 % des enfants
ont présenté un retard de langage et un retard intellectuel moyen et ont été
orientés en classe d’intégration  ; 10  % des enfants ont présenté un retard
intellectuel profond et ont été orientés vers des classes spécialisées. Dans
le groupe contrôle, n’ayant été sous traitement que 10 heures par semaine,
seuls 2  % des enfants ont réintégré un cursus normal, 45  % ont présenté
un retard intellectuel moyen et ont été orientés en classe d’intégration et
53 % ont présenté un retard intellectuel profond et ont été orientés en classe
spécialisée [6, 8].
Cet article a reçu un grand nombre de critiques, mais c’est le principe
même des recherches scientifiques. L’important dans la recherche scienti-
fique est de pouvoir répliquer ce qui a été mis en évidence. Les principales
critiques étaient liées au fait d’utiliser le terme de «  récupération  » pour
décrire l’amélioration des performances des enfants. Ils utilisent alors le
quotient intellectuel (QI) comme mesure de cette récupération. Ils indi-
quent que les enfants qui ont «  récupéré  » obtenaient un QI supérieur à
cent, et donc des résultats comparables à ceux des enfants du même âge.
De plus, il fallait que les enfants soient réintégrés dans le système scolaire
classique. Ainsi certains auteurs précisaient que des enfants avec autisme de
haut niveau pouvaient après quelques années obtenir ce même type
de  résultat  [9]. Lovaas a pu répondre facilement à ces critiques. Ainsi,
le diagnostic a été posé par deux équipes extérieures à l’étude, à la fois avant
et après le traitement. Les évaluateurs ne pouvaient savoir si les enfants
provenaient ou non du groupe contrôle ni s’ils faisaient partie de l’étude
ou non. Un autre point critique souvent évoqué concerne l’utilisation de
techniques aversives, la punition par exemple, ce qui a été critiqué pour le
côté inhumain de la prise en charge. En fait, ces techniques sont utilisées
lors de troubles sévères du comportement, notamment lorsque la vie de la
personne est en jeu. Nous en verrons des exemples dans la partie consacrée
aux troubles du comportement (voir chapitre 8, p. 145).
Depuis l’expérience de Lovaas, de nombreuses reproductions de ses résul-
tats ont vu le jour, ce qui permet de s’assurer de la réelle efficacité de ce
type de traitement. Pourtant, jamais on ne parle d’auteurs comme Krantz
et McClananhan, comme Birnbrauer ou Smith. L’étude de Howard et al. en
2005 [10] est une des réplications les plus représentatives. Ces auteurs ont
tenté de remédier aux critiques exposées lors des études précédentes. Toutes
ces études permettent d’améliorer les traitements, de retrouver les éléments
les plus importants à élaborer, les procédures qui sont les plus utiles et les
plus efficaces. Les comparaisons entre traitements sont également d’un
grand intérêt. Ainsi, Howard et ses collaborateurs présentent des travaux
permettant de comparer différents traitements [10]. Depuis les recherches
de 1985–1986, nous savons que nous permettons à des enfants de réintégrer
44 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

un fonctionnement normal, mais pour 49 % seulement, et les études qui


ont suivi ont permis, nous l’avons dit, d’affiner ces résultats [11].
Smith, Groen et Wynn  [12] utilisent des critères de sélection similaires à
ceux de l’étude de Lovaas mais en adoptant un traitement comportemental
moins intensif, 25  heures par semaine avec des professionnels formés aux
techniques comportementales. Le groupe contrôle est composé d’enfants
bénéficiant d’une prise en charge en éducation spécialisée et de 10 heures par
semaine de traitements administrés par les parents. Les résultats montrent
que les enfants du groupe traitement comportemental présentent des amélio-
rations importantes au niveau du quotient intellectuel ainsi que des compé-
tences spatiales et langagières.
Reichow [13] réalise une synthèse de cinq méta-analyses concernant les
traitements comportementaux intensifs et précoces (intensive behavioral
intervention ou IBI). Les cinq études prises en compte sont celles de Eldevik
et al. [14], Reichow et Wolery [15], Spreckley et Boyd [16], Viruès-Ortega [17]
et Makrygianni et Reed  [18]. Quatre des cinq méta-analyses concluent à
l’efficacité des traitements comportementaux intensifs et précoces sur un
grand nombre d’enfants avec autisme.
Ces différentes études présentent toutes des limites méthodologiques,
dont l’effet taille de l’échantillon (les effectifs sont petits) ou le manque de
comparaisons standardisées. Toutefois, un point important ressort de cette
synthèse  : le profil des sujets et l’analyse des composants des traitements
comportementaux. Concernant les sujets, certaines caractéristiques (compé-
tences avant la mise en place du traitement) vont avoir des effets sur la
réactivité de ces enfants au traitement. Pour ce qui est des composantes du
traitement, les auteurs prennent en compte l’intensité, la durée, le niveau
de fidélité au traitement, l’expérience des intervenants et/ou l’entraîne-
ment. Ces éléments sont nécessaires pour optimiser les effets du traitement
comportemental sur le développement de l’enfant. Nous détaillerons ces
aspects dans le chapitre 6.
La particularité de ce traitement est l’adhésion des parents au traitement.
C’est la tâche la plus difficile pour un professionnel  : faire en sorte que le
patient ou les parents adhèrent au traitement car bien évidemment cela aura
une influence sur les résultats. Ainsi, travailler avec la famille est essentiel pour
faire en sorte que tous les membres de la famille participent au traitement [19].
Mais qu’en est-il actuellement ? Les programmes se sont-ils améliorés ou
modifiés en fonction des avancées scientifiques ?

Dix clés pour comprendre l’ABA


Aux États-Unis comme en France ou dans les pays scandinaves par exemple,
la médiatisation des résultats obtenus chez des enfants avec autisme a
­permis de rendre ces traitements accessibles à un grand nombre de parents
Traitement comportemental : l’applied behavior analysis (ABA) 45

et de professionnels. Grâce à eux, un grand nombre de projets et de struc-


tures thérapeutiques ont pu voir le jour [20].
Cependant, l’ABA n’est pas toujours bien compris et de nombreux parents
et beaucoup de professionnels en ont une vision étroite ou incorrecte [21].
L’ABA offre aux éducateurs un ensemble de techniques d’apprentissage
dont l’efficacité a été empiriquement validée, ce qui ne le limite pas à une
simple méthode spéciale d’enseignement. L’ABA comprend, nous l’avons
vu, une philosophie, un ensemble de principes qui impliquent des inter-
ventions éducatives à hautes probabilités d’efficacité et, le plus important,
une méthode basée sur des données pour évaluer en continu l’efficacité des
interventions proposées [22].
Nous allons résumer en dix points l’ABA de manière à montrer ce qu’il
est réellement au-delà des mythes qui l’entourent depuis sa création dans
les années 1960.

1. On ne peut résumer l’ABA


aux apprentissages discrets
On ne peut résumer l’ABA aux apprentissages discrets (discret trial training
ou DTT), des sessions en un pour un (un éducateur pour un enfant) pendant
lesquelles une séquence répétée d’essais est présentée par un intervenant
avec l’enfant assis à une table. On parle d’essais discrets car la réponse
peut être comptée. L’essai est composé d’une consigne donnée à l’enfant
(antécédent), d’une réponse donnée par l’enfant (comportement) et d’une
conséquence donnée de façon contingente à la réponse (conséquence). Par
exemple, on demande à l’enfant « montre-moi la poupée », l’enfant pointe
la poupée et reçoit comme conséquence un renforçateur social1 : « super ».
Et ces essais sont répétés un nombre important de fois jusqu’à l’obtention
de plus de 80 % de réponses correctes.
Cette technique d’apprentissage est connue depuis longtemps dans le
domaine de l’éducation [23]. Elle reprend tout simplement les termes de la
contingence qui ont été exposés précédemment. Le stimulus discriminatif
(la consigne) évoquera la réponse si elle est suivie par une conséquence appé-
titive. Pour la mettre en œuvre, il faut connaître précisément les objectifs
à atteindre. Cette technique a également pour objectif d’évaluer comment
l’enfant apprend à apprendre et sa vitesse d’apprentissage, éléments qui nous
seront précieux pour parler de pronostics quant aux possibilités de récupé-
ration. Ainsi, répondre à une consigne peut être obtenu en dix ou 20 essais

1. Rappelons que le fait de donner comme conséquence des approbations sociales


« c’est super », « champion », etc. peut ne pas avoir la fonction de renforçateur
positif. Si on n’observe aucune augmentation des réponses, il faudra alors mettre
en place des programmes spécifiques concernant le développement de renforça-
teurs sociaux (voir chapitre 7).
46 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

et pour certains enfants 100 essais, pour une seconde consigne (cinq, dix
ou 20 essais) et pour la troisième consigne (un, cinq ou dix essais). Il sera
important de s’assurer que l’enfant apprend à apprendre : l’association entre
la consigne et la réponse est de plus en plus rapide. Sans cette précision dans
les techniques d’apprentissage, on peut faire perdre du temps à l’enfant.
Nous avons précisé précédemment que l’apprentissage doit être efficace.
Si l’objectif d’apprentissage n’est pas atteint, il faudra analyser précisément la
contingence [24-26].
Cependant, les essais discrets ne représentent pas l’ABA, qui peut être
réalisée sans DTT. Il faut insister sur le fait que les DTT sont une partie
importante de l’apprentissage, non seulement pour les enfants avec
autisme mais aussi pour ceux en situation d’apprentissage général, même
les adultes. En effet, ces techniques sont utilisées pour des étudiants en
classe préparatoire ou en médecine où le nombre d’informations à intégrer
est considérable [27]. Utiliser les DTT accélère l’apprentissage et permet un
pourcentage de réussite bien supérieur aux techniques traditionnelles sans
fondement théorique [28]. Ces techniques sont utilisées chez l’enfant en
situation scolaire pour un certain nombre d’apprentissages nécessitant une
réponse précise [29, 30].
Il serait extrêmement réducteur de résumer les sciences appliquées du
comportement aux DTT. Au contraire, l’ABA a mis en évidence un nom-
bre considérable de procédures permettant aux personnes avec troubles
du développement d’augmenter leur répertoire comportemental et donc
d’avoir une autonomie maximale. Nous détaillerons dans ce qui suit un
certain nombre de techniques.

2. L’ABA ne peut être qu’individualisée


Ceci fait référence au terme «  appliquée  » de «  analyse appliquée du
comportement  »  : les objectifs d’apprentissage sont déterminés par une
évaluation minutieuse des compétences et des déficits réels de la personne
dans le contexte de son environnement. Les compétences à acquérir
ne peuvent être préprogrammées mais bien sélectionnées d’après les obser-
vations et les évaluations réalisées au préalable. Dans un premier temps, les
comportements sélectionnés doivent permettre à l’enfant et à sa famille de
constater des bénéfices le plus rapidement possible.

3. L’ABA est une évaluation fondée


sur des données et des prises de décision
Les mesures directes et indirectes sont la base même de l’ABA. Les mesures
sont directes lorsque la performance du comportement cible de la personne
est observée et enregistrée en milieu naturel. Des mesures fréquentes sont
nécessaires pour éventuellement modifier le programme ou accélérer les
Traitement comportemental : l’applied behavior analysis (ABA) 47

étapes du programme. Lorsque la personne est en situation d’apprentis-


sage, nous devons mesurer et évaluer ses performances afin d’adapter au
mieux les programmes en fonction de ses comportements et non suivre
un programme rédigé à l’avance, ce qui pourrait faire perdre du temps à la
personne, voire la placer en échec.

4. L’ABA est vouée à l’efficacité


Ceci fait référence au terme « analyse » : comme les données sont collectées
directement et régulièrement, l’évaluation de l’apprentissage est continue.
En examinant les données, les enseignants, psychologues, éducateurs et
parents peuvent déterminer si la programmation de l’apprentissage est
correcte. Par contre, si l’enfant ne présente pas de progrès, la programmation
doit être modifiée. Il arrive que les objectifs d’apprentissage ne soient pas
adaptés au niveau de l’enfant du fait d’une mauvaise évaluation au départ
ou d’une modification physiologique, visible ou non, de l’enfant. Nous
avons ainsi pu détecter des problèmes de surdité ou d’épilepsie chez des
enfants grâce à l’évaluation régulière de leurs comportements. Si les per-
formances stagnent ou régressent, nous devons immédiatement réagir afin
d’évaluer les variables en jeu. Ceci est parfois mal interprété, dans le sens
où l’on pourrait penser que l’ABA ne donne pas les mêmes résultats chez
tous les enfants. Le point essentiel repose sur l’adaptation des procédures
validées au cas spécifique de chaque enfant. Nous présenterons la procédure
de renforcement positif. Chez tout individu, nous pouvons retrouver ce
principe et lui permettre d’augmenter son répertoire comportemental. Par
contre, les effets du traitement comportemental, dont les fondements pro-
viennent de l’analyse du comportement, ne sont pas les mêmes pour tous
les enfants, ce qui fait dire que l’ABA ne marche pas pour tout le monde.
C’est un peu comme de dire que la kinésithérapie ne marche pas pour
tout le monde sous prétexte que toutes les personnes ne récupèrent pas la
marche après un accident même avec des atteintes cérébrales comparables.
Les techniques utilisées sont les mêmes et les principes restent les mêmes.
Maintenant, il subsiste des variables que nous ne contrôlons pas encore et
comme dans toute science, ceci ne remet pas en cause l’approche scienti-
fique pour autant.

5. L’ABA est faisable mais nécessite une formation


L’ABA nécessite une formation de pointe de la part des professionnels
souhaitant mettre en place des traitements comportementaux. Sans cette
formation de haut niveau, nous ne pouvons prétendre à une bonne
­maîtrise des concepts et des principes. Pourtant, pour les parents ou les
enseignants, ces techniques doivent être accessibles bien qu’ils n’aient pas à
connaître l’ensemble des principes pour mettre en place des programmes de
48 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

r­ enforcement. De façon naturelle, ils utilisent ces principes sans s’en rendre
compte ni pouvoir expliquer concrètement ce qu’ils font. Le spécialiste lui,
pourra réaliser l’analyse des contingences mais le parent ou l’enseignant
n’en auront aucune utilité. Par contre, lorsque des troubles apparaissent, il
faut donner aux parents ou aux enseignants les moyens d’agir. C’est pour-
quoi les techniques sont présentées de façon accessible à tous, ce qui permet
aux programmes éducatifs d’être suivis dans la plupart des environnements
de l’enfant.

6. L’ABA est un ensemble de pratiques anciennes


Elle n’est ni une baguette magique, ni une cure miracle mais nécessite une
analyse continue des relations environnement–comportement dans les-
quelles le comportement apparaît. Puisque le comportement apparaît,
l’apprentissage peut apparaître. On comprend alors la notion d’intensif.
Permettre à l’enfant d’apprendre uniquement sur un temps donné n’aurait
aucun sens d’un point de vue développemental. En effet, l’enfant est vu
comme étant en perpétuelle interaction avec son environnement et donc en
perpétuelle situation d’apprentissage. Ceci ne signifie pas pour autant qu’il
sera assis 40 ou 80 heures pour qu’il apprenne. Au contraire, l’objectif est de
reproduire les conditions naturelles de l’environnement afin que l’enfant
puisse apprendre à apprendre, sans que des techniques spécifiques lui soient
présentées. En adoptant ce type de protocole, nous savons maintenant que
certains enfants peuvent récupérer un grand nombre de compétences et
pour certains d’entre eux les compétences suffisantes pour ne plus être en
situation de handicap.

7. L’ABA n’est pas un ensemble de techniques,


de situations d’apprentissage ou de matériels
spécifiques à l’autisme, elle est fondée
sur les principes universels de l’apprentissage
Elle peut être employée par un enseignant lors de l’apprentissage de la lec-
ture avec un enfant en utilisant des essais discrets. L’ABA peut être utilisée
par des parents pour le développement du langage en situation d’apprentis-
sage incident. L’ABA ne nécessite pas que certains items spécifiques soient
utilisés comme des récompenses ou des conséquences. Les récompenses
(renforçateurs) sont déterminées par les préférences de l’enfant mais sans
que ce soit prédéterminé. On ne peut dire à l’avance qu’un bonbon pourra
jouer le rôle fonctionnel de renforçateur (fonction d’augmenter la proba-
bilité future d’apparition de la réponse contingente). Sans analyse fonc-
tionnelle, ni évaluation précise, nous ne pourrons qu’en faire l’hypothèse,
mais il faudra de toute façon le tester. Connaissant l’enfant, les parents sont
souvent les plus à même de nous indiquer les préférences de leur enfant.
Traitement comportemental : l’applied behavior analysis (ABA) 49

Parfois, ils peuvent aussi être surpris d’apprendre que certains items peu-
vent être source de renforcement.

8. L’« ABA » n’est pas une marque de psychothérapie


mais un ensemble de principes scientifiques
qui expliquent le comportement humain
Certains soutiennent que l’ABA enfermerait l’enfant ou l’adulte dans un
environnement très réducteur. C’est ce que nous pouvons lire dans certains
rapports [31, 32].
Que pouvons-nous répondre à ces considérations ? Qu’on le veuille ou
non, nous sommes tous soumis aux lois d’apprentissage, lois que tout le
monde peut observer ou tester. Par exemple, nous sommes soumis à la loi
de la gravitation, même si nous ne le souhaitons pas et si nous sautons
d’une fenêtre, il est probable que nous allons tomber. En tant que scien-
tifique, il faut toujours évoquer le doute, car certains éléments pourraient
faire en sorte que cette hypothèse soit remise en cause. Pourtant, il serait
difficile de trouver des personnes qui accepteraient d’en faire l’expérience.
On peut donc prédire sans grande crainte le comportement de chute.
Concernant les lois d’apprentissage, c’est la même chose. Elles existent
et tous les organismes y sont soumis. Nous pouvons les observer dans la
vie de tous les jours, même si le terme « réflexe » est souvent évoqué à tort.
Il vous est peut-être déjà arrivé d’essayer d’ouvrir votre porte de domicile
avec la clé du bureau ou de vouloir allumer la lumière alors que la lumière
était déjà allumée : « J’ai fait ça par réflexe. » En fait, ce sont rarement des
réflexes, ce qui a été défini précédemment, mais plutôt des effets des lois du
conditionnement opérant. L’environnement, les antécédents évoquent une
réponse et nous sommes parfois surpris par notre propre comportement.
Les applications de ces recherches fondamentales permettent d’aider des
personnes, quels que soient leurs problèmes, en utilisant des techniques
précises. Qu’une méthode soit plus adaptée qu’une autre est aussi un non-
sens scientifique. Même si nous arrangeons l’environnement différemment,
nous restons dans l’analyse des contingences telle que nous l’avons pré-
sentée. Dans l’exemple du jeu d’un enfant, certaines thérapies insistent en
indiquant que c’est un élément important, qu’il faut le laisser jouer ou se
reposer car il ne peut tout le temps travailler. On remarque dans ce cas
deux niveaux d’erreurs  : pour certains enfants, notamment chez l’enfant
avec autisme, le jeu comme nous pouvons le concevoir est une activité
absente de son répertoire. Au contraire, il va réaliser le jeu toujours dans le
même ordre, avec une régularité exemplaire. Ceci peut apparaître comme
un jeu sauf que l’enfant peut faire cela pendant des heures, construire
des tours de cubes dès 15 mois sans arrêt et hurler dès qu’un cube tombe,
situation fréquente dans ce type de jeux. On ne peut laisser l’enfant dans
50 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

cet ­environnement non fonctionnel, aucune interaction sociale n’étant


possible et les comportements répétitifs ne lui permettant pas de progres-
sion dans le développement moteur car ils sont uniquement centrés sur la
construction d’une tour de cubes.
Dans ce contexte, il ne peut pas augmenter son répertoire comporte-
mental comme tout enfant de son âge peut le faire en jouant. L’enfant
neurotypique va parler, aller chercher l’adulte, lui demander de l’aide, il
changera d’activité, marchera vers un autre lieu, écoutera des consignes,
etc. Toute cette variabilité comportementale lui permettra de créer un réper-
toire comportemental de plus en plus riche. Au bout d’un mois, si nous
testons cet enfant, nous verrons qu’il a progressé sur le plan moteur, cog-
nitif, social et langagier. Nous ne dirons pas pour autant que l’enfant était
placé en situation de travail, alors qu’il a été soumis à des sessions intenses
d’apprentissage, mais qui n’ont pas été perçues ainsi. Les autres traitements
comme les approches dites développementales n’ont pas à proprement
parler de cadre scientifique spécifique permettant d’analyser précisément
les contingences des situations proposées. Ainsi en mettant en place des
traitements comportementaux, nous nous plaçons dans l’environnement
de la personne et faisons en sorte que toute situation soit une situation
d’apprentissage pour tout individu, nécessaire à son autonomie à venir.

9. L’ABA n’est pas fondée sur le chantage


Tous les efforts sont mis en œuvre pour augmenter la motivation des
enfants et rendre les apprentissages agréables. Sans cette condition, nous
ne pouvons de toute façon réaliser des traitements car la participation de
l’enfant est importante. Ceci devrait être repris d’ailleurs pour l’éducation
de tout enfant. Positiver les situations d’apprentissage est ce qui permet aux
enfants d’apprendre plus vite, de façon plus adaptée et de les rendre à l’âge
adulte plus épanouis. Notre culture française n’est pas réellement orientée
vers une approche positive du monde qui nous entoure. C’est un problème
important et récurrent. Les rapports sur l’Éducation nationale le pointent
souvent du doigt. Peut-on apprendre sans contrainte, en ne s’intéressant
qu’aux comportements adaptés  ? C’est l’un des objectifs des techniques
comportementales. Lorsqu’on analyse les pratiques parentales des enfants
de moins de 15 mois (généralement un peu avant la marche), elles sont
essentiellement positives. Tout ce que peut faire le bébé est suivi de source
de renforcement : il commence à sourire, il commence à émettre des sons, il
découvre les jeux, il arrive à allumer la télévision, à imiter en prenant le télé-
phone, etc. Les parents sont en émerveillement constant devant les progrès
de l’enfant. Ils ne se rendent pas compte que pratiquement chaque compor-
tement est suivi de conséquences appétitives : les parents sourient, applau-
dissent, les prennent dans les bras, etc. C’est exactement ce qui est réalisé en
situation d’apprentissage pour les enfants avec autisme. P ­ rogressivement,
Traitement comportemental : l’applied behavior analysis (ABA) 51

lorsque l’enfant grandit, il commence à émettre des comportements qui


pour nous sont inadaptés : déchirer un livre, taper un autre enfant, placer
un cube dans le lecteur DVD, etc. C’est à ce moment que les pratiques édu-
catives divergent le plus. Les parents ont peu de connaissances sur ce qu’il
faut faire ou plutôt trop de connaissances  : faut-il punir  ? Faut-il laisser
faire  ? Toutes sortes de considérations qui malheureusement font perdre
parfois un temps considérable notamment lorsque l’enfant présente des
troubles. Des techniques existent, qui permettent à des parents ou ensei-
gnants de placer les enfants dans des contextes d’apprentissages positifs et
de rendre ces moments d’éducation les plus agréables possibles.

10. L’ABA n’est pas punitive, car les stratégies


de renforcement positif sont privilégiées
Les stratégies positives sont toujours utilisées en premier recours et ce
doit être la stratégie à privilégier. En utilisant uniquement ces straté-
gies, nous voyons apparaître une augmentation du répertoire compor-
temental. L’objectif des traitements comportementaux n’est pas de faire
disparaître des comportements inadaptés mais de faire en sorte que la
personne puisse utiliser des comportements adaptés pour obtenir ce
qu’elle souhaite. Nous l’avons vu dans la partie sur l’analyse fonction-
nelle : obtenir qu’un enfant cesse de s’automutiler n’est pas un objectif
comportemental. L’objectif comportemental sera de faire en sorte que
l’enfant puisse apprendre à communiquer pour demander d’arrêter
(si la fonction du comportement était d’éviter une situation aversive
pour l’enfant), apprendre à appeler l’éducateur pour qu’il vienne le voir
(si la fonction était la recherche d’attention sociale), apprendre à utiliser
un dispositif adapté pour s’autostimuler comme une balle vibrante ou
apprendre à jouer seul (si la fonction était de l’autostimulation). C’est
un élément important car il est souvent reproché à l’ABA de ne s’inté-
resser qu’aux comportements et non aux causes. Nous nous focalisons
sur les relations causales et donc les relations fonctionnelles entre le
comportement et l’environnement et non au comportement lui-même.
Ainsi, ce n’est pas le fait de faire diminuer les comportements d’automu-
tilation qui est l’objectif mais bien de lui apporter la possibilité d’opé-
rer ou d’agir sur son environnement de façon adaptée. Si on ne s’inté-
resse qu’au comportement, nous pouvons faire en sorte de manipuler
l’environnement pour que le comportement diminue. Mais si nous n’en
connaissons pas la fonction, un autre comportement le remplacera  :
en effet, la personne émet ce comportement car il lui a permis jusqu’à
présent d’obtenir la conséquence recherchée. Sans connaissance précise
des principes des sciences du comportement, le développement de ces
techniques aura du mal à se développer.
52 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Études de cas : Harry et Helle, deux personnes


avec autisme prises en charge à l’âge adulte
Nous avons particulièrement insisté sur des programmes d’intervention pré-
coces. Il est souvent indiqué que ces techniques ne sont applicables qu’à de
jeunes enfants entre 3 et 10 ans. Voici deux exemples qui ont fait l’objet
de reportages audiovisuels et qui montrent que ces traitements sont égale-
ment profitables aux personnes avec autisme, adultes.
Ils ont été exposés dans les films sur Harry et Helle. Le documentaire
Regarde-moi portant sur Helle a reçu le prix du meilleur grand reportage,
FIGRA 1998 et celui sur Harry, intulé Harry : à propos du traitement de l’auto-
mutilation, a obtenu un grand nombre de prix depuis sa sortie en 1978.

Harry
Harry est un jeune américain de 25 ans. Il a été placé en hôpital psychia-
trique depuis des années, du fait de comportements violents. Les compor-
tements d’automutilation deviennent de plus en plus importants, ce qui
contraint l’équipe de l’hôpital psychiatrique à lui placer des attelles pour
l’empêcher de se taper. Progressivement elles deviennent une camisole
complète, le contraignant totalement dans la liberté de ses mouvements.
Les attelles sont problématiques car elles occasionnent à Harry des escarres,
du fait de la mauvaise circulation sanguine. Pourtant sans elles, Harry pré-
sente des troubles tels que cela en devient dangereux pour sa vie. Par contre,
toutes les tâches quotidiennes, comme se nourrir, se laver ou aller aux toi-
lettes, lui sont difficiles puisqu’il faut dans ces situations lui ôter les attelles
ou la camisole. Les troubles sont si violents qu’il se casse le nez à plusieurs
reprises et hurle jusqu’à ce que les attelles lui soient replacées.
Il arrive dans le service du Dr Foxx2 en mars 1978. C’est le moment où
le reportage commence. L’ensemble du traitement est enregistré en vidéo
pour présenter l’évolution du développement d’Harry. Plusieurs séances
sont réalisées avant le traitement afin de coter et mesurer la sévérité des
troubles d’un point de vue objectif, la présence ou non de comportements
inadaptés comme crier, tirer les habits, se taper ou se mordre. Les procé-
dures utilisées qui réduisent les troubles du comportement se nomment
«  time-out  » ce qui signifie «  mise au calme  ». On va apprendre à Harry
à présenter des comportements adaptés pendant un temps extrêmement
court, seulement quelques secondes, avant d’avoir à nouveau la possibilité
de remettre les attelles. S’il est calme pendant cinq secondes, alors on lui

2. Foxx est professeur de psychologie à l’université de Penn State Harrisburg et de


pédiatrie au Penn State College of Medecine. Il a été nommé expert aux tribunaux
de la Cour suprême. Ses recherches ont été centrées sur les troubles sévères du
comportement pour les personnes avec troubles du développement.
Traitement comportemental : l’applied behavior analysis (ABA) 53

redonne ses attelles, sinon l’intervenant sort de la pièce et le laisse seul


pendant cinq minutes. Progressivement, le temps où Harry est sans attelle
et sans troubles du comportement augmente. On arrive à une minute et
trente secondes au bout d’une semaine. Cela peut paraître bien laborieux
mais il faut simplement réapprendre à Harry à utiliser ses mains autrement
qu’en se tapant ou en se mutilant. Ces troubles n’ont pas de rapport avec
l’autisme, ils sont liés au fait qu’aucune prise en charge spécifique n’ait été
appliquée jusqu’à présent, excepté le fait de le contenir pour éviter qu’il ne
se blesse. Il faut donc maintenant apprendre à Harry à utiliser ses mains
et ses bras, sans attelle et sans trouble. Par cette procédure toute simple
en apparence, Harry va apprendre à émettre des comportements adaptés.
Le film présente toute la progression de cet apprentissage, minute après
minute. En août 1978, Harry est sans attelle, dans une pièce de l’établis-
sement, mais on lui donne des objets qu’il tient pour occuper ses mains.
Ces objets, des verres, des capsules sont de plus en plus petits. Progres-
sivement, Harry a réappris à utiliser ses mains, peut se nourrir, se laver et
s’occuper en triant du courrier. Nous sommes à 6 mois de traitement, sans
aucun médicament, et Harry retrouve le sourire, la liberté lui permettant
d’apprendre d’autres choses, compter, lire, etc. Il travaille ainsi au sein de
la structure, peut sortir au restaurant, avoir de plus en plus de vie sociale.
Ce traitement a nécessité la présence permanente de quatre intervenants, à
temps plein, pendant 6 mois, pour permettre à une personne de vivre de la
manière la plus autonome possible. Trouve-t-on cela trop coûteux pour
la  société  ? Est-il préférable de laisser les personnes s’automutiler tout au
long de leur vie parce qu’ils sont autistes ?
Le succès à long terme du traitement a été observé chez Harry, 10  ans
après l’application des procédures comportementales. Les résultats se main-
tiennent et Harry vit alors sans aucune contrainte physique. Il est capable
de participer à la vie en société du service.

Helle
Helle est une jeune adulte de 20 ans habitant le Danemark. Elle a été adoptée
à l’âge de 2 mois. La famille adoptive consulte rapidement les pédiatres pour
les troubles du comportement de leur enfant. Pourtant, à 3 ans, Helle sait
lire et compter mais les troubles sont déjà impressionnants. Elle ne peut
être laissée seule. Pour manger, la maman explique qu’il fallait lui tenir les
mains et pour se promener, la tenir par la main sinon elle se laissait tomber
sur la tête. Les parents sont optimistes : si ses troubles sont dus à l’adoption,
alors en lui donnant le maximum d’amour et d’attention, ils devraient dis-
paraître. La maman explique qu’elle a toujours dormi avec Helle, même
lorsqu’elle était grande. Elle a dormi environ 2 semaines dans son lit, mais
les aller-retour vers la chambre des parents et celle de Helle étaient tellement
fréquents, et avec une présence sans relâche, que les parents ont craqué pour
54 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

récupérer un peu. Progressivement, elle est devenue agressive, au point que


la maman ne pouvait plus dormir avec elle à cause des coups de tête, de pied
et des morsures. Elle place donc un matelas par terre et dort à même le sol.
Le diagnostic tombe alors : « psychotique » et « retardée ».
Un nouveau centre ouvre ses portes et Helle y est intégrée. La Maison
jaune accueillera à partir du 13 juin 1994 cinq jeunes. Le film nous présente
Helle, au début du traitement, s’automutilant dans un lit, attachée, seule
possibilité adoptée par l’équipe psychiatrique qui l’accueille à l’époque. Elle
parle et comprend très bien ce qu’on peut lui dire. Elle est incapable de se
déplacer seule et dès qu’elle est lâchée, elle tombe violemment sur le sol
ou se cogne contre les murs. Elle adore la musique mais pleure souvent et
ne peut avoir les mains détachées du fait des stéréotypies qu’elle présente,
stéréotypies qui engendrent des automutilations, en particulier elle se frotte
le nez fortement ce qui lui provoque des brûlures.
Le traitement commence en juin 1994, Helle est maintenant adulte et
va bénéficier d’une prise en charge à temps plein avec quatre intervenants
spécialisés en analyse du comportement. Toute personne au contact de Helle
reçoit une formation pour que tout le monde puisse réagir de la même façon
aux troubles du comportement. Les parents, lors de ce reportage, expli-
quent leur désarroi face au trouble autistique et à la non-reconnaissance
de la pathologie. Puisque Helle est adoptée, pendant longtemps on a pré-
cisé aux parents que ses troubles provenaient de l’abandon. Elle se cogne la
tête contre son lit fréquemment ce qui a des conséquences négatives sur
la vision, l’audition, etc. L’hospitalisation ayant progressivement engendré
des troubles sévères du fait d’une prise en charge inadaptée, on va lui réap-
prendre à marcher seule, ce qu’elle était totalement capable de faire avant
ses 10  ans. Là encore, c’est l’institution qui engendre les troubles et non
l’inverse. Les images sont impressionnantes, son état est tel qu’il faut dans
un premier temps l’attacher pour progressivement lui réduire ces troubles
du comportement. Lorsque les troubles apparaissent, des procédures spéci-
fiques sont utilisées, c’est ce qu’on appelle « le renforcement différentiel »
[33]. Les comportements adaptés sont renforcés, les autres sont mis sous
extinction. Rien n’est laissé au hasard. Tant que des troubles sont présents,
les interactions sont absentes et dès que les troubles disparaissent, les inter-
actions reprennent. On réapprend à la personne à gérer ses troubles afin de
se comporter de façon adaptée, notamment sans se blesser. On lui réapprend
à utiliser ses mains, autrement qu’en se tapant, en griffant ou en mordant.
Sortir était devenu impossible. Dans la Maison jaune, la promenade sera
fréquente. On voit les progrès apparaître petit à petit. Aucun médicament
n’est délivré à Helle. Son visage va progressivement changer. Les cris et
pleurs du début du traitement diminuent pour faire place à des interactions
sociales adaptées : elle sourit, elle rit, elle discute avec ses parents. Son visage
tuméfié du début de la prise en charge se transforme en visage souriant et
Traitement comportemental : l’applied behavior analysis (ABA) 55

reposé. Monter en voiture était tout simplement inimaginable au départ. Des


sorties seront pourtant organisées afin qu’elle puisse ne plus appréhender
les déplacements. Au bout de 2 ans, progressivement, elle peut faire quelques
pas seule, sans qu’aucun trouble n’apparaisse. Elle peut commencer
à vivre, tout simplement.

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4 Analyse fonctionnelle
du comportement :
les principes

V. Rivière

Résumé
Ce chapitre présente le concept de l’analyse fonctionnelle en détaillant
les différents composants. Après avoir présenté les bases de l’analyse
du comportement en tant que partie des sciences naturelles, nous
étudierons la perspective fonctionnelle en sciences du comporte-
ment. Comprendre l’apparition de comportements en analysant les
événements antécédents qui les évoquent mais aussi les événements
qui suivent leur émission ou conséquences est essentiel en analyse du
comportement. Une méthodologie rigoureuse est nécessaire et doit
être spécifiquement utilisée. Ce chapitre développe des concepts cen-
traux en analyse du comportement et permet au lecteur de compren-
dre l’essence même de l’analyse du comportement.

L’approche fonctionnelle en sciences du comportement considère le


comportement observable comme étant un objet d’étude en soi. Elle
renvoie aux relations fiables régies par des lois entre le comportement et
l’environnement. Cette approche est conceptuellement reliée à d’autres
domaines d’analyse du comportement comme l’évolution en biologie.
Lorsqu’on parle d’analyse appliquée du comportement, le terme « analyse »
renvoie à l’étude de ces relations fonctionnelles entre un comportement et
un environnement.
C’est donc l’objectif même de la discipline. En modifiant l’environne-
ment, nous pourrons observer des modifications sur le comportement.
L’analyse fonctionnelle du comportement consistera à trouver les variables
indépendantes (ce que nous contrôlons, les antécédents et les conséquences)
ayant une action sur les variables dépendantes (le comportement). Obser-
vez une personne devant un distributeur. Comment expliquer l’apparition
de certains comportements ? Si nous manipulons de façon indépendante
certains éléments de l’environnement, nous pourrons alors voir les effets
sur le comportement de la personne. De ces observations, nous pourrons
progressivement prédire les comportements à venir, objectif de l’approche
fonctionnelle.

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
60 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Sélection du comportement
Skinner  [1] analyse la psychologie comme l’étude du comportement des
organismes. La psychologie est donc une sous-discipline de la biologie et
ses principes s’inscrivent dans le contexte de la sélection naturelle. Skinner
parle alors de sélection par les conséquences. La sélection par les consé-
quences s’applique à trois niveaux :
• la sélection des caractéristiques d’une espèce (la sélection naturelle) ;
• la sélection du comportement au cours de la vie d’un individu (sélection
du comportement opérant) ;
• la sélection de patterns de comportements (les pratiques) des groupes
d’individus au cours de leur vie (la sélection culturelle).
La source biologique du comportement est présentée comme la capacité
d’un organisme à répondre à des stimuli qui peuvent devenir source de
contrôle du comportement de l’organisme au cours de sa vie. Le compor-
tement réflexe apparaît lorsque des stimuli provoquent le comportement
de l’organisme. Par exemple, toucher une casserole chaude provoquera le
comportement de retrait rapide de la main chez l’enfant ou l’adulte. De tels
comportements réflexes ont valeur de survie de sorte que le comportement
de retrait d’un stimulus chaud évite les brûlures à court ou long terme. On
parle également de comportements innés [2]. Les relations répondantes,
stimulus–réponse réflexe, sont considérées comme étant le produit de
l’héritage phylogénétique. Il existe toujours un stimulus qui provoque
une réponse.
La deuxième source du comportement est l’évolution d’un compor-
tement opérant au cours de la vie d’un organisme. Certains comporte-
ments deviennent plus ou moins probables que d’autres, dus aux consé-
quences qui suivent ces comportements. Ce type de comportement opère
sur l’environnement pour produire des conséquences et le changement
dans le comportement résulte d’un processus de sélection d’une classe de
réponses appelé conditionnement opérant. Le comportement opérant dif-
fère du comportement réflexe selon la façon dont chacun d’eux évolue et
est conditionné. Le comportement opérant est un comportement appris,
acquis par contact entre le comportement émis et les événements de l’envi-
ronnement. Il n’est pas inné, mais se développe de façon continue au cours
de la vie de l’individu.
La troisième source du comportement est l’évolution culturelle. Dans
toute culture, un certain nombre d’institutions (comme le gouvernement,
les lois, la religion, les codes éthiques, l’éducation, l’économie) déterminent
quels sont les comportements acceptables à développer pour la commu-
nauté. Le comportement des membres d’une culture peut être renforcé en
suivant les règles de ces institutions, en augmentant l’apparition de tels
comportements dans le futur. La sélection culturelle évolue de façon gra-
duelle sur plusieurs générations.
Analyse fonctionnelle du comportement : les principes 61

Les sciences du comportement sont organisées en trois branches  : une


branche concerne la philosophie, nommée le behaviorisme, une branche
concerne les recherches fondamentales, nommée analyse expérimentale du
comportement, et la dernière branche concerne les recherches appliquées
et est nommée l’analyse appliquée du comportement.
Rendre compte d’une relation causale ou fonctionnelle entre un fait
et un autre est un des principes de la démarche scientifique, comme en
sciences du comportement. Le développement de la discipline «  analyse
du comportement  » a permis de mettre en place une méthodologie pour
analyser de façon objective les relations causales entre le comportement et
l’environnement.
Dès les années 1960, les recherches appliquées mettent en évidence les
effets des conséquences sur les troubles du comportement [3]. L’intérêt
de ces recherches a été d’améliorer la qualité de vie de personnes pré-
sentant des troubles du développement, dont l’autisme. Grâce à des tra-
vaux issus à la fois de la recherche fondamentale et appliquée, des gains
importants ont été observés dans l’apprentissage de compétences, l’éva-
luation et la remédiation des troubles du comportement [4]. Les individus
avec troubles du développement ont un risque élevé de développer des
troubles du comportement et des psychopathologies associées comme les
comportements d’automutilation [5], d’agression [6], de stéréotypies [7]
ou d’autres comportements problèmes [8]. Sans analyse fonctionnelle et
sans traitement adapté, de tels comportements subsistent. Les facteurs de
risque sont : de faibles compétences de communication, des déficits dans
les compétences sociales, le manque de compétences d’autonomie, des
pratiques parentales punitives, la restriction de l’accès à des activités ou
des items, certains troubles génétiques, des conditions neurologiques et
physiques particulières et enfin des troubles psychiatriques [9, 10].
La méthodologie de l’analyse fonctionnelle fournit un cadre validé empi-
riquement par ses évaluations et les traitements appliqués. Nous présente-
rons les hypothèses de bases de cette approche, les méthodes pour conduire
une analyse fonctionnelle, les traitements basés sur l’analyse fonctionnelle
et nous présenterons des exemples concernant cette analyse fonctionnelle.

Approche fonctionnelle du comportement


Il existe deux façons de classer le comportement des organismes : par sa struc-
ture ou par sa fonction. L’approche structurale analyse le comportement en
observant sa forme. Par exemple, de nombreux chercheurs en psychologie
du développement s’intéressent au développement de l’intelligence chez
l’enfant. Ces chercheurs repèrent alors ce qu’un enfant peut faire à un âge
donné du développement. Chez Piaget, structuraliste de renom, observer la
façon dont l’enfant se comporte lors de certaines situations lui permettait
62 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

d’obtenir le stade de développement auquel se trouvait l’enfant [11]. La forme


du comportement observée était le reflet de la structure du comportement. De
ces observations, les chercheurs réalisent des inférences sur le fonctionnement
cognitif de l’enfant. En analyse expérimentale du comportement, la méthode
utilisée est l’analyse fonctionnelle. Ceci implique de classer le comportement
selon les fonctions des réponses et d’analyser l’environnement en termes de
stimuli fonctionnels. On tente alors d’établir une relation fonctionnelle entre
les réponses de l’organisme et les stimuli conséquences. Les principes des rela-
tions comportement–environnement sont retrouvés quel que soit l’organisme.
En analyse du comportement, adopter l’approche structurale seule n’est pas
suffisant. Il faut pouvoir prendre en compte à la fois la forme de la réponse
et sa fonction. Cette forme, structure ou topographie de la réponse, apparaît
du fait de son efficacité à opérer sur l’environnement. Placez un très jeune
enfant devant une tablette tactile. Vous serez surpris de la façon dont l’enfant
va apprendre, sans qu’on ait besoin de lui expliquer, comment faire fonction-
ner la tablette. L’enfant va émettre un grand nombre de réponses, certaines
suivies de conséquences, d’autres sans conséquences. Par réitération, seules
celles contingentes à des conséquences augmenteront (changement d’images,
sons, mouvements), les autres réponses s’éteindront. Et en quelques essais, les
réponses les plus efficaces, donc suivies de conséquences, seront observées.
Ces réponses sont dites fonctionnelles. De façon fonctionnelle, par exem-
ple, la réponse de toucher–glisser est une façon particulière de produire des
actions efficaces sur la tablette. Le bébé de 10 mois n’a pas besoin de guide,
ni d’explication pour que certaines réponses apparaissent. Seules les contin-
gences de renforcement vont permettre le développement d’un nombre varié
de réponses pour obtenir des conséquences.

Fonctions des réponses


Le comportement n’est pas uniquement composé de réponses discrètes. En
fait, il est préférable de considérer le comportement comme une performance
qui suit un stimulus spécifique et résulte d’une conséquence particulière. On
formalise souvent ces relations par un système de notation concernant les
trois termes de la contingence : A → B → C. Le A fait référence aux antécé-
dents, le B1 au comportement et le C aux conséquences.
Une réponse est définie comme un ensemble de mouvements ou une per-
formance comportementale qui est fonctionnellement reliée aux ­événements
environnementaux car nous parlons de deux types de comportements  :
­répondant et opérant. Le terme répondant fait référence au fait que le compor-
tement augmente ou diminue suite à la présentation d’un stimulus (ou événe-

1. B correspond à behavior en anglais. Pour l’anecdote, il faut préciser que le verbe


behave en anglais provient du français.
Analyse fonctionnelle du comportement : les principes 63

ment). La présentation du stimulus régule ou contrôle la réponse [12]. Pour que


le comportement ou la réponse apparaisse, la présence du stimulus est indis-
pensable. Le comportement répondant est provoqué, dans le sens où il apparaît
lorsque le stimulus est présent de façon fiable. On représente cette relation de
cette manière : S → R. La flèche précise que le stimulus « cause » la réponse. La
porte du four brûlante cause la réponse réflexe de retrait de la main.
Certains comportements ne sont pas provoqués par des stimuli. Ces
comportements sont émis et apparaissent à certaines fréquences. Les mou-
vements des bras chez le jeune enfant sont émis sans qu’un stimulus parti-
culier soit présent. Ce comportement de mouvements moteurs, s’il est suivi
de conséquences comme le mouvement d’un mobile associé à une petite
musique, sera susceptible d’augmenter la fréquence de ces mouvements.
On parle alors de comportement opérant. Les opérants sont des réponses
émises qui apparaissent plus ou moins souvent en fonction des consé-
quences qu’elles produisent. Nous pouvons préciser que les comportements
émis sont des actions sans préciser leur fonction, alors que lorsqu’on parle
d’opérants, nous précisons la fonction du comportement. Ainsi, on peut
pour notre exemple indiquer que le comportement émis est le mouvement
de bras et l’opérant est le mouvement de bras qui fait bouger le mobile.
Par exemple, pour atteindre le mobile, le bébé peut émettre toutes sortes de
comportements moteurs très variables, en particulier au début de ses essais.
Pour faire bouger le mobile, il peut même utiliser ses pieds, les conséquences
seront les mêmes. On parle alors de classes de réponses. Chaque variation de
réponses aura le même effet, faire bouger le mobile et déclencher la musique.
Une classe de réponses fait référence à toutes formes topographiques de la
performance qui ont une fonction similaire. Dans certains cas, les réponses
d’une classe présentent une ressemblance physique proche, mais ce n’est pas
toujours le cas, ce que nous verrons pour le comportement verbal.
Toutes ces précisions ont une importance considérable pour la compré-
hension de ce qui est mis en place lors des traitements comportementaux.
Les deux types de comportements répondant et opérant apparaissent sou-
vent en même temps. Notre organisme réagit en fonction des stimulations
externes et internes et ces stimulations vont évoquer des comportements qui
pourront opérer sur l’environnement. De plus, l’ensemble de nos compor-
tements émotionnels est relié aux sources de comportements répondants.
C’est une partie extrêmement importante de l’approche comportementale,
nous en verrons quelques exemples dans le chapitre 8.

Fonctions de l’environnement
Le terme environnement est défini comme étant les stimuli et événements
qui modifient le comportement. Ces événements peuvent être externes
ou internes (physiologie interne). Le son d’une moto qui démarre ou la
64 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

dilatation des vaisseaux sanguins font partie de l’environnement. Dans le


premier cas, l’individu pourra se boucher les oreilles pour éviter la situation
de bruit  ; dans le second cas, l’individu pourra prendre un médicament
pour réduire le mal de tête.
La localisation de la source de stimulation, interne ou externe, n’est pas
une distinction qui importe en analyse du comportement [13]. Cependant,
nous savons que les comportements doivent être observables. Un problème
méthodologique se pose alors : comment observer des comportements dont
les stimulations ne sont pas directement observables  ? Ainsi, les sources
internes de stimulation peuvent ne pas être observées directement mais
parfois en utilisant des instruments (électro-encéphalographie, réponses
électrodermales, rythme cardiaque, etc.) ou les rapports verbaux des sujets
(échelles de mesure de la douleur, échelles de localisation de la douleur, etc.).

Fonctions des stimuli


Tout événement ou stimulus, qu’il soit interne ou externe, peut acquérir la
capacité d’affecter le comportement. Lorsque l’occurrence d’un événement
modifie le comportement d’un organisme, nous disons que l’événement
est un stimulus fonctionnel. Le conditionnement répondant et opérant
correspond à des techniques permettant de créer des stimuli fonctionnels.
Au cours du conditionnement répondant, un événement arbitraire comme
un son associé à de la nourriture vient provoquer une réponse spécifique,
la salivation par exemple. Lorsque le son est efficace, le stimulus est dit
conditionnel. La fonction du stimulus son est la même que la fonction
du stimulus nourriture, car ils produisent tous les deux la même classe de
réponses. Sans histoire de conditionnement, le son présenté n’aura aucune
fonction particulière, il n’affectera pas le comportement [14, 15].
De la même façon, le conditionnement opérant résulte des changements
de fonction des stimuli. Tout stimulus (ou événement) qui suit une réponse et
augmente sa fréquence est dit avoir une fonction de renforcement. Lorsque
le comportement d’un organisme est renforcé, les ­événements qui précè-
dent la réponse prennent la fonction de discrimination. Ces événements
sont appelés stimuli discriminatifs. Les stimuli discriminatifs acquièrent
cette fonction parce qu’ils prédisent l’apparition du renforcement. Le feu
tricolore est un stimulus discriminatif, la réponse de s’arrêter ou d’avancer
est fonction des conséquences (en fonction de l’histoire de renforcements
des individus). Le fait de s’arrêter au feu rouge peut éviter une amende, la
perte de points de permis ou un accident. Ainsi, le conducteur présente des
réponses différentes lorsque le feu est vert ou rouge. Ces stimuli sont dits
fonctionnels, ils prédisent l’apparition ou non de la conséquence.
Le concept de la fonction du stimulus est important dans le développe-
ment de l’analyse du comportement et notamment lors des applications.
Analyse fonctionnelle du comportement : les principes 65

Comprendre ces concepts permet d’avoir une vision claire des applications
qui en découlent.

Classes de stimuli
Nous avons parlé de classes de réponses, réponses qui produisent des effets
similaires mais qui présentent des différences topographiques. Les stimuli
qui régulent les comportements répondant ou opérant varient aussi d’un
moment à l’autre. Lorsque les stimuli varient selon la dimension physique
mais ont des effets similaires sur le comportement, on parle de classe de sti-
muli. Bijou et Baer [16] utilisent le concept de classe de stimuli dans leur ana-
lyse du développement de l’enfant. Le visage d’une mère peut être considéré
comme un stimulus, cependant ce stimulus n’est jamais le même : visage de
la mère au lever, cheveux mouillés, avec un chapeau, etc. À l’inverse, si vous
prenez un père qui a une barbe et qui se rase après quelques mois, il n’est pas
rare de constater que le bébé qui n’avait aucune peur de voir son père avec
la barbe, peut présenter des comportements de peur, comme il le ferait avec
n’importe quel inconnu. Le stimulus ici n’était pas le père en tant qu’entité,
mais bien la vision d’un stimulus qui ne présente plus la même fonction.
Bien évidemment, le nouveau stimulus « visage du père sans barbe » va vite
prendre la fonction de sources de renforcement en quelques essais.

Classes de stimuli renforçateurs


Le concept de classes de stimuli peut être utilisé pour catégoriser les consé-
quences du comportement. Lorsque le comportement opère sur l’environne-
ment pour produire des effets, c’est un opérant. Les effets qui augmentent
la fréquence des réponses sont une classe de stimuli renforçateurs. Certaines
conséquences renforcent le comportement lorsqu’elles sont présentées,
comme obtenir de l’argent pour un travail effectué  ; d’autres renforcent le
comportement lorsqu’elles sont retirées, comme couper le son d’une musique
trop forte. Ces événements qui augmentent le comportement lorsqu’ils
sont présentés sont appelés renforçateurs positifs, et ceux qui augmentent le
comportement lorsqu’ils sont retirés sont appelés renforçateurs négatifs.
De la même façon, nous pouvons retrouver des classes de stimuli dont les
effets sont de diminuer la fréquence des réponses. On les appelle des stimuli
punisseurs. Lorsqu’un événement est contingent à une réponse spécifique
et que la probabilité d’apparition de cette réponse diminue, on parle de
punition ou de punissement2.

2. Ce terme punissement est préféré car il se détache de la notion utilisée par le


grand public, souvent de façon erronée. On parle souvent dans la vie de tous
les jours de punition sans considérer les effets des événements sur le comporte-
ment, ce qui du coup n’a plus de sens d’un point de vue fonctionnel.
66 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Lorsqu’un stimulus est présenté suite à un opérant et que l’opérant


diminue en fréquence, on parle de punissement positif. Lorsqu’un parent
crie sur un enfant pour qu’il s’arrête au carrefour et que l’enfant s’arrête de
courir, c’est une procédure de punissement positif. La focalisation sur le
concept de fonction est essentielle ici. Ce n’est pas le stimulus « crier sur
l’enfant » qui est punisseur positif mais bien le fait que ce stimulus diminue
la fréquence d’apparition du comportement de courir.
Lorsqu’un stimulus est retiré de façon contingente à une réponse et que ce
retrait résulte d’une diminution dans la fréquence des réponses, la contin-
gence est appelée punissement négatif. Un enfant regarde la télévision mais
se lève sans arrêt en battant des bras. Le parent utilise la télécommande
pour éteindre la télévision de façon contingente au comportement de se
lever. Dans ce cas, le renforcement positif (la télévision) est retiré de façon
contingente au comportement émis et si le comportement diminue, nous
parlons de punissement négatif.
Les termes de renforcement ou de punissement ne sont définis qu’a pos-
teriori. Ainsi, nous ne pouvons d’emblée indiquer qu’un stimulus comme
l’argent ou de la nourriture sera a priori un renforçateur. De même, nous ne
pouvons dire a priori que de priver de sortie un adolescent ou de crier sur un
enfant sera un punisseur. Nous devons observer les conséquences de ces sti-
muli sur le comportement. Lorsque nous observons que les comportements
augmentent ou diminuent, alors nous pouvons parler respectivement de
renforçateur ou de punisseur. Certaines circonstances vont nous permettre
de nous placer dans les meilleures conditions pour anticiper les effets des
conséquences sur le comportement.

Le contexte comme motivation


Les relations entre le stimulus et les classes de réponses dépendent du
contexte dans lequel est émis le comportement. Les relations comporte-
ment–environnement sont toujours dépendantes des circonstances. Il est
fréquent de modifier les relations comportement–environnement par des
moments de privation ou de satiété. Le contexte dans lequel est émis le
comportement est défini comme événement, opération ou stimulus, qui
affecte un organisme en altérant momentanément l’efficacité renforçante
d’autres événements et la fréquence d’apparition de comportements asso-
ciés [17]. Ainsi, la privation de nourriture est un contexte3 qui augmente
momentanément l’efficacité du stimulus nourriture comme renforçateur. Le
contexte évoque tout comportement qui a été suivi par le stimulus renfor-
çant nourriture. L’effet évocatif est le résultat d’un effet direct du contexte

3. Le terme anglais est establishing operation (EO). Nous utiliserons le terme


contexte.
Analyse fonctionnelle du comportement : les principes 67

sur ces comportements. On note alors une augmentation de l’efficacité de


tous les stimuli discriminatifs pour le comportement qui a été suivi par
le stimulus renforçant nourriture et une augmentation de la fréquence du
comportement qui a été suivi par les renforçateurs conditionnés dont l’effi-
cacité dépend de la privation de nourriture.
Nous verrons que la prise en compte du contexte dans l’analyse fonction-
nelle est un élément essentiel et permet de mettre en place des procédures
adaptées pour la réduction des troubles du comportement [18, 19].

Intérêt de l’analyse fonctionnelle


Obtenir des éléments prédictifs, explicatifs et reproductibles concernant les
comportements est, nous l’avons vu, un objectif central des sciences du
comportement. Dans un grand nombre de cas et en sciences appliquées,
il s’avère que retrouver ces éléments permet de répondre à différents pro-
blèmes. Les troubles du comportement sont une part extrêmement impor-
tante des recherches en analyse appliquée du comportement depuis ses
origines [20].
Les premières études démontrant les relations comportement–envi-
ronnement chez des personnes avec troubles du développement ont été
publiées dans les années 1960 [21, 22]. Ces premiers résultats montrent
que le comportement problème n’est pas un trait caractéristique de la
personne mais une réponse aux conditions de l’environnement. Les
troubles du comportement chez des personnes avec troubles du dévelop-
pement, notamment chez des personnes avec autisme, sont considérés
comme une réponse apprise qui est évoquée et maintenue par les condi-
tions environnementales et est influencée par le contexte, les antécédents
et les conséquences [4].
Quatre classes générales de conséquences ont été repérées : le renforce-
ment social positif, le renforcement social négatif, le renforcement automa-
tique positif et le renforcement automatique négatif. Dans cette approche,
la focalisation se porte bien sur la fonction des comportements et non sur la
topographie. Selon la fonction, le traitement qui s’y rapporte sera différent.
Les troubles du comportement ne sont pas conceptualisés comme un symp-
tôme d’une pathologie sous-jacente, d’un trait de personnalité (trouble de
la personnalité, trouble génétique, dépression, autisme) ou du fait du stade
de développement mais bien comme une réponse qui est reliée aux condi-
tions environnementales par les lois d’apprentissage comme nous l’avons
explicité au début du chapitre.
Même les troubles du comportement plus ou moins caractéristiques
d’un trouble génétique spécifique, comme l’automutilation dans les syn-
dromes de Lesch-Nyhan ou Cornelia de Lange, présentent une variabilité
considérable selon les conditions environnementales [23-25]. Ils peuvent
68 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

être traités par des interventions, en analysant les fonctions de ces compor-
tements, plutôt que par l’analyse du diagnostic ou de la topographie du
comportement problème. De même, des interventions similaires peuvent
être réalisées pour des troubles observés dans le syndrome Gilles de la Tou-
rette (troubles du comportement de type tics vocaux et moteurs à des taux
élevés). Ces troubles peuvent être réduits après analyse fonctionnelle et
mise en place de traitements comportementaux adaptés [26-28].

Fonctions des comportements


Beaucoup de comportements inappropriés ont pour fonction d’obtenir des
renforcements positifs ou négatifs. Les fonctions principales observées
lors de différentes recherches peuvent se grouper en quatre catégories  :
recevoir de l’attention ; échapper ou éviter une situation ; obtenir une sti-
mulation sensorielle ; rechercher la nature du renforcement proposé [29].
L’attention portée par l’entourage joue un grand rôle dans le déve-
loppement de l’individu. Dès la naissance, et même pendant la grossesse,
l’enfant est regardé, touché, porté. Tous ces éléments lui apportent des
renforcements positifs, renforcements qu’il aura tendance à rechercher. De
plus, par l’attention de l’autre, l’enfant peut recevoir les soins essentiels,
les objets ou les événements qu’il désire. Pour y arriver, tous les comporte-
ments lui seront utiles. Ceux-ci sont assez réduits à la naissance (en général
le cri), mais progressivement il pourra utiliser le pointage, les gestes, puis le
langage. Lorsque ces comportements ne sont pas présents dans le répertoire
de l’enfant, il cherchera d’autres moyens de communication, mais parfois,
du fait du handicap, peu de comportements lui seront accessibles.
Une autre fonction des comportements inappropriés est d’échapper ou
d’éviter une situation aversive qui peut être un stimulus externe ou interne.
La fonction sera de stopper une interaction aversive, activité ou tâche. Nous
verrons que seule une analyse fonctionnelle peut nous permettre de trouver
les fonctions des comportements. Nous ne pouvons pas a priori considérer
qu’une activité ou notre seule présence soient appétitives pour la personne.
Seuls les résultats obtenus, augmentation ou diminution des comporte-
ments, importeront. Parfois la situation aversive est provoquée par un sti-
mulus interne. Un mal de tête ou un mal d’oreille par exemple peuvent être
la cause de cris chez un bébé ou chez un enfant n’ayant pas d’autres moyens
de communication [30].
Une dernière fonction concerne ce que l’on appelle l’autostimulation
produite par « renforcement automatique ». De tels comportements pro-
duisent des renforcements qui ne sont pas apportés par l’action d’autres
individus [31, 32]. Certains comportements permettent de stimuler l’enfant
(renforcement positif, sucer le pouce, se balancer) ou de réduire la douleur
(renforcement négatif, se frotter ou se taper). Tous les sens peuvent être
Analyse fonctionnelle du comportement : les principes 69

sollicités, visuel, tactile, auditif, gustatif, vestibulaire. Les comportements


comme « mâcher les stylos », « se ronger les ongles », « bouger une partie du
corps » en font partie. Ils sont souvent présents chez l’adulte comme chez
l’enfant dans un environnement peu stimulant ou stressant.
Ces différentes fonctions se retrouvent quelles que soient les personnes.
Nous verrons que les formes des comportements peuvent par contre être
complètement différentes d’un individu à l’autre. L’intérêt de l’analyse
fonctionnelle sera de trouver justement les fonctions des comportements
pour proposer des comportements adaptés ayant les mêmes fonctions.

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5 Méthodologie de l’analyse
fonctionnelle

V. Rivière

Résumé
L’analyse fonctionnelle du comportement nécessite de respecter
un cadre méthodologique spécifique. Plusieurs méthodes existent
afin de répéter les fonctions des comportements. Cependant seule
l’observation directe et la manipulation des variables permettront
de trouver la fonction des comportements cibles. L’analyste du
comportement à la recherche des fonctions du comportement est
un peu comme un détective et toutes les informations qu’il peut
recueillir sont importantes. La caractéristique principale consiste
à se poser une question et d’essayer d’y répondre le plus préci-
sément possible. Nous présenterons les différentes formes d’ana-
lyses comme l’analyse descriptive, l’observation directe et l’analyse
fonctionnelle dite expérimentale. Ces outils sont nécessaires avant
toute mise en place de procédures visant à modifier le comporte-
ment d’une personne.

La méthodologie de l’analyse fonctionnelle inclut les méthodes d’évalua-


tion des propriétés fonctionnelles des comportements problèmes. Une
distinction est posée généralement entre les méthodes descriptives et les
méthodes expérimentales. Les méthodes descriptives sont appelées égale-
ment évaluation fonctionnelle. Les méthodes expérimentales sont appelées
analyse fonctionnelle et font référence aux procédures qui manipulent
directement les conditions environnementales pour mesurer les effets sur
les taux de comportements problèmes [1]1.

Analyse descriptive
L’analyse descriptive implique des méthodes d’observation à la fois directes
et indirectes du comportement cible et des événements environnemen-
taux. Ces méthodes sont implémentées en situation naturelle, lieux où les
troubles du comportement apparaissent.

1. Pour une description complète de l’analyse fonctionnelle et sa méthodologie,


voir Rivière, 2006 [1].

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


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72 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Méthodes indirectes
Le terme «  observation  indirecte  » signifie que ces méthodes ne néces-
sitent pas d’observation au contact de la personne présentant les troubles
du comportement et utilisent des entretiens et échelles comportementales.
Il s’agit de s’appuyer sur les rapports obtenus des intervenants qui sont
habituellement avec la personne, comme les parents, les intervenants, les
aides-soignants, les enseignants, etc. Ces rapports peuvent être obtenus par
la personne elle-même. Un grand nombre d’outils existent généralement en
langue anglaise tels que :
• functional analysis interview (entretien d’analyse fonctionnelle) ou FAI de
O’Neill et al. [2] ;
• motivation assessment scale (échelle d’évaluation de motivation) ou MAS
de Durand et Crimmins [3] ;
• questions about behavioral function (questionnaires à propos des fonctions
comportementales) ou QABF de Matson et Vollmer [4].
O’Neill et al. [2] développent une évaluation systématique permettant de
réaliser l’entretien avec l’ensemble des participants autour de la personne
concernée. Des questions ouvertes sont posées aux intervenants sur les
caractéristiques des comportements problèmes (durée et topographie par
exemple), les événements plus ou moins proches susceptibles d’évoquer
ces comportements et les conséquences qui suivent les comportements
et qui peuvent le maintenir. Ce type de protocole peut être intéressant
lorsque le comportement apparaît à un taux relativement faible, mais avec
une intensité élevée. Suite à cet entretien qui dure 45 à 90 minutes, nous
allons pouvoir proposer différentes hypothèses concernant la fonction
des troubles reportés. Ce type d’entretien peut être utilisé et adapté en
fonction de chaque personne. Cette échelle a été validée par différentes
études [5, 6].
Les échelles telle la QABF (questions about behavioral function)  [4] sont
apparues comme une alternative aux lignes de base (voir p. 145). La QABF
est composée de cinq sous-échelles contenant cinq variables potentielles : le
renforcement non social (automatique) ; le renforcement tangible ; l’atten-
tion ; l’échappement ; l’inconfort physique. L’intérêt de ce questionnaire
est de prendre en compte les éléments concernant l’évitement social et
l’inconfort de la personne.
Ces méthodes indirectes sont faciles à utiliser et sont économes en temps.
Elles sont les plus utilisées par les psychologues [7]. Leur inconvénient est
que les intervenants doivent se souvenir des événements qui peuvent avoir
eu un rôle fonctionnel dans l’apparition du comportement problème, ce
qui peut conduire à des erreurs d’analyse de la part de ces intervenants et
donc des biais dans les données recueillies.
Méthodologie de l’analyse fonctionnelle 73

Ces méthodes restent utiles pour structurer l’entretien afin de recueillir


le maximum de données. Un bon entretien comportemental doit être
structuré pour obtenir l’information pertinente, claire et objective des inter-
venants : celle concernant le comportement problème, les antécédents et
les conséquences qui doivent décrire les événements environnementaux
(en prenant en compte le comportement d’autres personnes) sans faire
d’inférence ni d’interprétation. C’est l’objectif même de ce type d’entre-
tien, éviter toute interprétation préétablie. Prenons l’exemple d’un enfant
présentant des comportements d’automutilation comme se mordre  la
main. À la question « Pouvez-vous me dire à quel moment le comportement de
se mordre apparaît ? », la réponse du parent peut être « lorsque je me retourne
pour parler à son frère ». Ainsi, nous avons dans cette réponse l’information
objective concernant les événements environnementaux qui précèdent le
comportement. Si la réponse du parent est « il n’aime pas que je ne m’en
occupe pas, il ne me veut que pour lui », cette réponse est une interprétation,
impliquant des inférences qui seront difficiles à vérifier. Elle ne fournit
pas d’informations objectives sur les antécédents aux comportements
problèmes.
En situation naturelle, ce type de rapport est pourtant ce qui est le plus
courant dans nos pratiques avec l’enfant de façon générale. Les interpré-
tations sont fréquentes, infondées et malheureusement peuvent avoir des
conséquences désastreuses pour des personnes qui n’ont pas la possibilité
de communiquer. Adopter une démarche scientifique permettra d’être le
plus objectif possible et d’éviter ces erreurs dues aux interprétations.
L’entretien doit permettre de recueillir les données sur le comportement
problème, les antécédents, les conséquences et autres variables afin de
rédiger les hypothèses sur les variables susceptibles de contrôler le compor-
tement problème. Ces entretiens sont également formateurs pour les inter-
venants, car nous leur apprenons à se focaliser sur les événements en lien
avec les comportements d’un point de vue fonctionnel.
Il sera important d’avoir des questions à poser précises et n’évoquant
pas de réponses interprétatives. Les questions peuvent être du type  : à
quel moment le comportement problème apparaît-il  ? À quel endroit ce
comportement apparaît-il ? Qui est présent lorsque le comportement pro-
blème apparaît  ? Quelles sont les activités ou événements qui précèdent
l’apparition du comportement problème  ? etc.  [8]. Des questions concer-
nent également les conséquences  : que se passe-t-il après l’apparition du
comportement problème ? Que font les autres personnes présentes lorsque
le comportement problème apparaît ? Que fait l’enfant après l’émission du
comportement problème ? etc.
Il sera important d’insister lors de ces entretiens pour obtenir les infor-
mations pertinentes et de se focaliser uniquement sur celles-ci. Nous
74 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

retrouvons dans ces entretiens la contingence que nous avons présentée


précédemment. Ainsi, des antécédents évoquent des comportements
qui sont eux-mêmes suivis par des conséquences. Si le comportement
augmente ou se maintient, c’est qu’il y a une source de renforcement qui
lui est contingente. Comme nous l’avons indiqué, ces entretiens peuvent
engendrer des erreurs dues à l’interprétation des données ou à un manque
de données, les parents ou intervenants ne se rappelant par obligatoire-
ment des événements antécédents et conséquents. Dans ce cas, d’autres
méthodes vont être utilisées afin d’y remédier.

Observation directe
Les relations comportement–environnement sont enregistrées de façon
systématique lors d’observations directes. Les méthodes d’observations
directes sont la base de l’approche d’analyse fonctionnelle. Elles ont été
développées dès les années 1960 [9]. Différents outils sont disponibles. Toute
personne est susceptible de réaliser une observation directe, parents, édu-
cateurs, psychologues ainsi que la personne présentant des comportements
problèmes. Les antécédents et les conséquences sont observés et enregis-
trés dans l’environnement naturel où le comportement problème apparaît
principalement.
La méthode scatter plot est un outil permettant de repérer les caractéris-
tiques temporelles des troubles du comportement  [10]. En fonction des
comportements problèmes, on enregistre si le comportement apparaît
ou non sur des intervalles allant de 5 à 30 minutes. Après plusieurs jours
d’observation, nous sommes capables de repérer le moment de la journée
où le comportement problème apparaît le plus souvent. Dans notre exem-
ple, les comportements problèmes sont observés au cours des activités
d’écriture et des jeux collectifs. Lorsque nous observons que les compor-
tements apparaissent à certains moments, nous pouvons alors poursuivre
l’analyse par des observations nommées ABC pour ces périodes précises
(figure 5.1).
L’avantage principal des observations ABC sur les méthodes indirectes
est que l’observateur enregistre les antécédents et les conséquences
lorsqu’ils se produisent et non en fonction des souvenirs des intervenants.
La précision des données est renforcée dans le cadre d’observations directes
comme l’ABC. Bien évidemment, ces méthodes ABC prennent du temps
et nécessitent des efforts plus importants lorsqu’elles sont comparées aux
méthodes indirectes. De plus, même si les observations ABC produisent
des informations objectives et fiables concernant les antécédents et les
conséquences, elles ne mettent pas en évidence de relations fonctionnelles
mais une corrélation entre les antécédents, les conséquences et le compor-
tement problème [13]. Si l’on souhaite mettre en évidence une relation
fonctionnelle, l’analyse fonctionnelle expérimentale doit être menée.
Méthodologie de l’analyse fonctionnelle 75

Figure 5.1. Exemple fictif de grille d’observation scatter plot.


L’observation nommée ABC (A pour antécédent, B pour behavior et C pour conséquences)
a pour objectif d’enregistrer les antécédents immédiats et les conséquences typiquement
associées aux troubles du comportement dans des conditions normales [11, 12].
Source : Rivière V. L’analyse du comportement appliquée à l’enfant et à l’adolescent. Presses Universitaires
du Septentrion ; 2006, p. 105.

Cette méthode d’observation ABC peut être réalisée avant tout entretien
au préalable ou avant que toute hypothèse soit posée sur la fonction du
comportement (tableaux 5.1 et 5.2).
Dans les exemples des tableaux 5.1 et 5.2, on peut remarquer que les infor-
mations recueillies ne nous permettent pas de conclure sur la fonction du
comportement. Nous pouvons émettre l’hypothèse de renforcement positif
76 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Tableau 5.1. Exemple de questions pour réaliser l’évaluation


fonctionnelle ABC.
Antécédent Behavior–comportement Conséquence
Que s’est-il passé avant Le comportement spécifique Que se passe-t-il après
le comportement ? Décrire une image claire le comportement ?
Où ? de ce qui arrive Qu’est-ce que j’utilise
Qui était présent ? comme conséquence ?
Qu’est-ce que je dis ?

Tableau 5.2. Exemple de grille obtenue chez un jeune enfant avec autisme
en classe ordinaire.
Antécédent Behavior–comportement Conséquence
L’enseignant demande L’enfant crie très fort L’enseignant le sort
à l’enfant de s’asseoir dans la classe de la classe

ou négatif si on observe à plusieurs reprises ce type de correspondance entre


les antécédents, les conséquences et le comportement. En effet, les cris de
l’enfant peuvent lui permettre d’échapper à une situation aversive pour lui
ou, au contraire, d’obtenir de l’attention de la part de l’enseignant en le
touchant ou en lui parlant.
Pour poser un certain nombre d’hypothèses, nous sommes contraints
d’utiliser ces méthodes indirectes et directes. On peut ainsi trouver les anté-
cédents qui évoquent les comportements problèmes et les conséquences
qui les maintiennent. Elles sont parfois suffisantes pour mettre en place
un traitement adapté. Si nous sommes capables de repérer les variables qui
contrôlent par la méthode directe et que cela est congruent avec les infor-
mations récoltées par la méthode indirecte, cela permet la mise en place de
traitements adaptés.
Conduire une observation directe nécessite des observateurs entraînés à
enregistrer les antécédents et les conséquences correctement. Ils doivent
être capables de repérer les antécédents qui sont apparus à chaque occur-
rence du comportement problème ainsi que les événements qui suivent ce
comportement. Bien que cette technique soit facile à maîtriser, elle reste
complexe à implémenter [14]. En effet, des biais liés à l’observation comme
l’interprétation subjective peuvent apparaître [15].
Les méthodes d’observation directes et indirectes sont toutes deux consi-
dérées comme des évaluations descriptives car les antécédents et les consé-
quences sont décrits soit de mémoire, soit par l’observation directe des
événements [16, 17]. Cependant, pour s’assurer des hypothèses proposées
par l’observation directe et indirecte, nous devons utiliser l’analyse fonc-
tionnelle dite expérimentale.
Méthodologie de l’analyse fonctionnelle 77

Méthodes expérimentales
(analyse fonctionnelle)
Les méthodes expérimentales d’observation du comportement constituent
l’étape ultime de l’évaluation des troubles du comportement. La caractéris-
tique la plus importante de cette méthode d’analyse concerne le fait de
manipuler systématiquement et en direct les variables qui maintiennent
potentiellement le comportement problème [13]. De toutes les techniques
d’évaluation, c’est l’analyse fonctionnelle qui a été une des plus utilisées.
Cette approche a été employée avec succès dans l’analyse et le traitement
de troubles du comportement comme l’agression [18], les comportements
d’automutilation [19] et dans les comportements de stéréotypies [20].
Le terme expérimental indique que les variables indépendantes vont
être modifiées pour voir les effets sur la variable dépendante. Il n’est pas
question de réaliser une expérimentation, mais bien de manipuler les
variables en jeu. C’est pourquoi, sans ce type de manipulation, nous ne
pourrons connaître précisément les variables responsables des troubles du
comportement. Rappelons que les variables indépendantes font référence
aux antécédents et aux conséquences. Les variables dépendantes sont les
comportements. Ainsi, en modifiant les antécédents et les conséquences,
nous pourrons voir les effets sur le comportement problème.
Cette forme d’analyse est intéressante à plusieurs niveaux. D’une part,
nous pouvons obtenir des informations sur les contingences qui maintien-
nent le comportement problème plutôt que de décrire ses caractéristiques
topographiques (par exemple, se taper la tête ou se mordre). D’autre part, le
comportement « se mordre » peut avoir deux fonctions différentes. Ce sera
la même topographie mais la fonction pourra être soit d’attirer l’attention,
où l’attention aura pour fonction le renforcement positif, soit au contraire
d’échapper à une situation aversive (fonction de renforcement négatif). Il
est alors aisé de comprendre que selon la fonction du comportement, les
traitements à adopter ne peuvent être les mêmes, même si la topographie
du comportement est identique.
Iwata est le chercheur qui a le plus contribué au développement de
l’analyse fonctionnelle. En 1982, il tente avec ses collègues d’évaluer la
fonction de comportements d’automutilation présents chez des personnes
avec retard mental sévère [21]. Dans cette recherche, ils manipulent les
antécédents comme le contexte et les possibles sources de renforcement.
Pour tester l’attention comme source possible de renforcement des troubles
d’automutilation, ils aménagent une condition dans laquelle l’enfant
ne reçoit aucune attention de l’adulte présent dans la pièce et lorsqu’un
trouble du comportement apparaît, l’adulte lui fournit de l’attention sous
forme de désapprobation sociale («  arrête de faire ça/ne fais pas ça/je t’ai
dit de ne pas faire ça  »). Quatre conditions sont testées de façon alternée.
78 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

On peut observer que les comportements peuvent être maintenus pour cer-
tains enfants par l’attention, pour d’autres par échappement et enfin pour
d’autres par renforcement automatique.

Exemples d’analyse fonctionnelle


Le contrôle nécessaire pour démontrer une relation fonctionnelle en situa-
tion naturelle est souvent difficile à obtenir. Les conditions expérimentales
doivent se rapprocher au mieux de la situation naturelle afin d’obtenir les
fonctions des comportements problèmes. Lorsque les fonctions sont repé-
rées en situation expérimentale, ces contingences peuvent être manipulées
en situation naturelle.
Iwata et al. [13] présentent un modèle d’analyse fonctionnelle à adapter
selon les troubles du comportement et le niveau d’information obtenu lors
des observations directes et indirectes. Ainsi, lorsque les informations sont
suffisamment nombreuses pour pouvoir élaborer une hypothèse sur les
relations fonctionnelles entre des événements, il est possible de tester cette
hypothèse dans une condition la plus proche de celle de l’environnement
naturel. Il est important de pouvoir modifier les variables de sorte qu’on ait
au moins une condition (expérimentale) dans laquelle la variable est pré-
sente et une autre condition (contrôle) dans laquelle la variable est absente.
Ces conditions sont alternées selon la méthodologie classique en analyse
appliquée du comportement 2. Par exemple, Lovaas et Simmons [22] pré-
sentent les résultats pour une personne ayant des comportements d’auto-
mutilation. Ils vont tester les hypothèses concernant le maintien de ces
comportements par de l’attention. Pour cela, ils réalisent différentes condi-
tions : une condition de privation sociale, une condition d’apport d’atten-
tion de façon non contingente3 et une dernière condition où l’attention
sociale est contingente aux comportements d’automutilation. Les auteurs
observent que le taux de comportements d’automutilation était plus impor-
tant en situation d’attention sociale contingente. Cette démonstration
expérimentale nous permet de reprendre les différents concepts présentés
jusqu’à présent, notamment la relation fonctionnelle. Les troubles d’auto-
mutilation, fréquents malheureusement chez les personnes avec autisme,
sont rarement analysés selon ce protocole. Il est fréquent d’avoir des profes-
sionnels posant a priori leurs hypothèses sans les tester réellement. Pour-
tant, dans l’exemple de Lovaas et Simmons, on peut noter que les troubles
d’automutilation sont faibles lorsque l’attention est délivrée de façon non

2. Pour une présentation détaillée des plans à cas unique, voir Rivière, 2006 [1].
3. On appelle non contingent le fait de délivrer une conséquence de façon aléa-
toire. Ici, l’attention sociale apparaît quel que soit le comportement présenté par
la personne.
Méthodologie de l’analyse fonctionnelle 79

contingente. C’est en soi un traitement qui pourra être appliqué. De plus,


le fait de considérer la personne comme présentant des troubles sans adop-
ter une approche fonctionnelle a pour conséquence de ne pas mettre en
place les traitements adaptés. En effet, on entend souvent « la personne fait
toujours ça  », «  rien ne peut l’arrêter  », alors que le fatalisme n’est pas une
démarche adaptée. Il est donc important de voir que très rapidement, dès
la fin des années 1960, adopter une démarche fonctionnelle était en place
en sciences du comportement. Ceci a permis à de nombreuses personnes
d’éviter des conséquences de troubles plus graves, parfois désastreuses et
irréversibles (perte de dents, nez brisé, perte de la vision, etc.).
Dans certains cas, proposer une hypothèse à tester n’est pas possible  :
l’analyste du comportement peut ne pas avoir d’éléments suffisamment
clairs pour poser une hypothèse ou bien le comportement problème peut
avoir de multiples fonctions. Différentes conditions seront donc créées,
généralement au nombre de quatre, mais qui peuvent varier en fonction
des personnes et des troubles du comportement. Ces conditions reprennent
les différentes fonctions possibles vues précédemment : l’attention, l’échap-
pement, la stimulation sensorielle ou encore l’accès à des items ou activités
(figure 5.2 : voir cahier couleur).
Dans l’exemple de la figure  5.2, le comportement problème dont on
cherche la fonction est le fait de mettre les doigts dans les yeux, ce qui peut
entraîner une cécité. Les comportements problèmes que l’on retrouve dans
les recherches sont rarement des faits mineurs. Il en va souvent de la vie des
individus si ces comportements perdurent : se frapper la tête, les tempes ; se
fracasser la mâchoire sur l’épaule ; se mordre ; etc.
L’objectif est de trouver la fonction du comportement «  se mettre les
doigts dans les yeux ». Dans la condition « no attention », l’enfant Geoff est
assis à une table et ne reçoit aucune attention sociale ou ne réalise aucune
activité. L’observateur est placé à 8 m de lui. Dans la condition « attention »,
l’intervenant et Geoff sont assis l’un à côté de l’autre. Si le comportement
problème apparaît l’intervenant lui fournit 10 secondes d’attention en lui
parlant (« ne fais pas ça »). Pendant la condition « demande », l’intervenant
demande à l’enfant de donner un coup de balai dans la salle. Le fait d’émet-
tre ce comportement permet à Geoff d’obtenir des félicitations verbales. S’il
n’émet pas le comportement, des guidances physiques sont apportées. Si le
comportement problème apparaît au cours de ces demandes, l’intervenant
cesse de présenter les demandes à l’enfant pendant 15 secondes. Dans la
dernière condition, « récréation », Geoff peut réaliser ses activités préférées
et il reçoit des félicitations verbales toutes les 15 secondes en l’absence de
comportements problèmes. L’occurrence de comportement problème est
ignorée.
Les résultats montrent que les comportements problèmes sont faibles voire
inexistants dans les conditions « attention », « demande » et « récréation »,
80 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

par contre, ils sont fréquents en situation « no attention ». Ainsi, ces compor-
tements apparaissent uniquement en l’absence d’interactions sociales. Les
auteurs proposent donc que la fonction du comportement soit de l’auto­
stimulation car lorsque l’enfant est seul, il présente un taux élevé de compor-
tements problèmes, non observés en présence d’intervenants.
L’analyse fonctionnelle utilise les exigences de la méthodologie scien-
tifique, notamment qu’un antécédent évoque une réponse et qu’un type
spécifique de conséquence renforçante maintient le comportement. Cepen-
dant, il peut être difficile d’implémenter une analyse fonctionnelle dans
certaines situations du fait du contrôle rigoureux indispensable et des
limitations liées à l’équipe, au temps nécessaire et aux équipements [23].
Il faut pourtant se rendre à l’évidence que sans cette possibilité, poser une
hypothèse sur la fonction du comportement sans base expérimentale, en
modifiant simplement les variables, est comme de proposer un traitement
sans analyse préalable pour un médecin.
On peut même faire perdre du temps à la personne, qui présente, rappe-
lons-le, des comportements problèmes à risque. Même s’il est dit que ce type
d’analyses est coûteux en énergie et en temps, elle peut être réalisée assez
rapidement sur une session de 90 minutes par exemple [24]. Pour aller dans
le même sens, O’Reilly, O’Kane, Byrne et Lancioni [25] réalisent l’analyse
fonctionnelle sur une session de 60 minutes chez une personne présentant
des comportements d’automutilation. Ces manipulations expérimentales
permettent de mettre en œuvre les traitements adaptés et de réduire au plus
vite ces troubles sévères.
On peut également évoquer le problème des conditions dans lesquelles
les sujets sont placés, qui sont souvent trop éloignées du milieu naturel.
C’est un problème à ne pas négliger et on peut de plus en plus observer
dans la littérature le fait que les conditions se rapprochent au plus près des
situations naturelles, voire sont réalisées dans le contexte naturel, à l’école
par exemple [26, 27].
Nous pourrions résumer les étapes d’une analyse fonctionnelle en exami-
nant la figure 5.3.

Étude de cas : Rémy


Rémy est un jeune garçon de 10  ans. Il a été diagnostiqué comme ayant
des troubles envahissant du développement (TED) depuis qu’il a 4 ans. La
journée, il est placé en institut médico-éducatif (IME) non spécialisé dans
l’autisme depuis maintenant 1 an. Rémy n’a pas de moyens de communi-
cation spécifique. Il peut vocaliser quelques mots mais le comportement
verbal spontané n’est pas présent. L’équipe d’accueil a pu observer une
augmentation des troubles du comportement de Rémy depuis maintenant
6  mois. Les troubles les plus fréquents sont les coups de tête qu’il peut
Méthodologie de l’analyse fonctionnelle 81

Figure 5.3. Présentation graphique de l’évaluation fonctionnelle.

donner contre des personnes, des objets ou sur lui-même. L’équipe nous a
donc contactés afin de réaliser une analyse fonctionnelle et déterminer quel
traitement adopter pour l’enfant.
Nous avons donc mené dans un premier temps une analyse fonction-
nelle indirecte, composée d’un entretien avec l’équipe mais aussi avec les
parents. Lors de ces entretiens, nous orientons les questions pour obtenir
des informations pertinentes concernant la topographie du comportement,
la fréquence, la durée et l’intensité. Le comportement de coup de tête est
décrit par les éducateurs comme des mouvements rapides de la tête vers
une personne ou un objet (mur, chaise, etc.). L’intensité peut être élevée
notamment lorsque les coups sont portés vers une personne (la force des
coups est souvent indiquée par l’équipe en fonction de l’élan que l’enfant
prend pour donner le coup de tête). Quant à la situation actuelle de l’enfant,
aucun élément n’a été repéré comme la prise de médicaments récente,
le sommeil ou l’alimentation. Le changement d’éducateurs est réalisé au
même rythme depuis 6 mois. Il y a eu des remplacements, sans que cela ne
modifie la fréquence des troubles. Concernant des événements spécifiques,
le moment de la journée, l’activité réalisée ou l’éducateur en intervention
avec l’enfant, rien n’a été repéré comme étant susceptible d’entraîner ces
troubles du comportement. Pour les conséquences environnementales, les
parents comme les éducateurs notent que ces comportements apparaissent
en leur présence. Il leur est difficile de savoir si ces comportements sont
présents lorsque l’enfant est seul, car il n’est pratiquement jamais dans cette
situation.
82 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

L’équipe de l’IME est composée d’un psychologue à mi-temps et d’un édu-


cateur pour un groupe de cinq à huit enfants. Le groupe auquel appartient
Rémy est un groupe présentant des troubles du comportement avec retard
intellectuel. Sur les huit enfants, quatre présentent un langage oral, trois
autres ne possèdent pas de systèmes de communication particuliers mais
peuvent répondre à des consignes simples et le dernier utilise un classeur
de communication verbale, système PECS©. Lors de l’émission des troubles
du comportement, l’équipe indique être désemparée car les coups portés sur
eux ou sur les murs sont difficiles à supporter.
On utilise l’échelle proposée par Durand [28]. On demande ainsi aux
éducateurs d’indiquer la fréquence avec laquelle l’enfant présente les
troubles du comportement. Les critères sont : « jamais », « presque jamais »,
« parfois », « la moitié du temps », « presque toujours », « toujours ».
Voici quelques exemples de réponses obtenues par l’équipe. À la ques-
tion, « lorsque le comportement problème apparaît, l’enfant vous semble-t-il inat-
tentif à ce qui se passe autour de lui ? », les éducateurs répondent : « presque
jamais ». La seconde question concerne le renforcement social positif : « le
comportement apparaît-il lorsque vous parlez à un adulte ou un autre enfant ? »,
les éducateurs nous disent  : «  la moitié du temps  ». Pour le renforcement
social négatif, les éducateurs semblent observer le comportement problème
lorsqu’ils proposent à Rémy une activité difficile de façon occasionnelle. Ils
cochent la réponse « parfois » et les parents indiquent « la moitié du temps ».
Ces troubles ne semblent pas s’arrêter lorsqu’ils fournissent à l’enfant un
jouet ou son gâteau préféré. Ils indiquent « parfois ».
Nous poursuivons l’analyse par une observation ABC sur les vidéos que
nous a fournies l’équipe. Nous pourrons ainsi repérer les composants de la
contingence à trois termes.
Voici un exemple des observations recueillies d’après les vidéos
(tableau 5.3).

Tableau 5.3. Analyse fonctionnelle ABC.


Antécédents Comportements Conséquence
L’éducatrice pose des questions Coup de tête Intervention de l’éducatrice :
lors du groupe d’accueil sur la table « arrête », « tu ne peux pas
à l’ensemble des enfants faire ça », « ça va te faire mal »
L’éducatrice donne des activités Coup de tête « Je vais te mettre tout seul. »
à réaliser et guide un autre enfant sur l’enfant présent L’éducatrice sépare l’enfant
à tenir son crayon à côté de lui du groupe
En groupe, séance d’imitations Coup de tête contre L’éducatrice le décale
motrices. L’éducatrice donne le mur derrière lui pour éviter qu’il ne touche
le modèle des comportements le mur
à imiter
Méthodologie de l’analyse fonctionnelle 83

Nous allons donc maintenant pouvoir générer les hypothèses concernant


les troubles du comportement de Rémy à l’aide de l’ensemble des informa-
tions obtenues avec des observations indirectes et directes. L’hypothèse de
la fonction d’attention nous semble importante à tester. En effet, Rémy agit
en conséquence d’une absence d’attention dans certaines situations, groupe
ou environnement familial. La seconde hypothèse à tester sera la condition
d’échappement. Les éducateurs ne peuvent vraiment indiquer si ces compor-
tements augmentent lorsqu’ils exigent de Rémy un effort pour une activité
par exemple. De la même façon, les parents indiquent que l’effort pour réali-
ser des tâches quotidiennes (s’habiller, mettre la table, etc.) peut produire le
comportement cible. Les comportements problèmes n’ayant pas été obser-
vés lorsque l’enfant est seul puisque la situation ne s’est pas présentée, cette
hypothèse devra être réalisée. Une dernière condition essentielle à tester sera
la situation de jeu libre, qui nous permettra d’avoir une situation contrôle.
L’analyse fonctionnelle proprement dite peut maintenant être menée.
Elle le sera sur 12 jours consécutifs. Chaque condition sera testée trois fois
sur 3 jours différents. La durée d’une session est de 10 minutes. Nous allons
donc tester trois hypothèses : une hypothèse de renforcement social positif,
une hypothèse de renforcement social négatif et une hypothèse de renfor-
cement automatique.
Pour la première hypothèse, il est supposé que le comportement problème
« donner un coup de tête contre un objet, un mur ou une personne » est
renforcé par renforcement social positif, c’est-à-dire la conséquence « atten-
tion  » fournie par les éducateurs ou parents. Pour tester cette hypothèse,
sur une période de 10 minutes, nous présentons la conséquence supposée
renforcée dès que le comportement de coup de tête apparaît lors de l’émis-
sion du comportement cible.
Pour l’hypothèse de renforcement social négatif, l’enfant est placé en
situation d’activité quotidienne. Dès qu’un comportement problème appa-
raît, l’activité est stoppée et on laisse l’enfant libre de partir de l’activité.
Cette condition dure 10 minutes et est répétée sur 3 jours.
Pour l’hypothèse de renforcement automatique, l’enfant est placé dans
une salle équipée d’une caméra qui observe en direct les comportements
de l’enfant. La salle est une salle d’activité sans objet ou jouet spécifique.
On mesure dans cette condition le nombre de comportements émis sur la
période de 10 minutes. On répète cette condition sur 3 jours. L’enfant a déjà
été placé dans ce contexte. Il est important de ne pas placer l’enfant dans un
contexte auquel il n’est jamais soumis. Si vous placez un enfant dans une
pièce qu’il ne connaît pas et qu’il n’est jamais placé seul dans l’environne-
ment, des troubles peuvent apparaître mais qui n’ont pas de lien avec ceux
observés en situation naturelle. Rappelons que l’analyse expérimentale doit
rendre compte des situations naturelles. Nous plaçons donc l’enfant dans
une pièce où il se retrouve fréquemment.
84 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Pour la condition contrôle, le jeu libre, l’enfant est placé dans une salle
contenant des jouets appréciés et l’éducateur est présent, lui apportant
l’attention lors des jeux. Cette condition permet de contrôler que d’autres
facteurs (internes par exemple) ne sont pas en jeu dans l’émission des
troubles du comportement.
Les résultats sont présentés sur la figure 5.4.
L’analyse fonctionnelle expérimentale nous permet de conclure que la
fonction des comportements de coups de tête est l’attention obtenue par
renforcement social positif. Ces résultats nous permettent de proposer à
l’équipe un traitement adapté à ces troubles du comportement, notamment
apprendre à Rémy à utiliser un mot présent dans son répertoire pour obte-
nir de l’attention de la part de l’adulte, réponse la moins coûteuse pour
Rémy. Le traitement, nommé entraînement à la communication fonction-
nelle, sera utilisé. Dans ce cas, nous voyons que l’absence de moyens de
communication adaptés produit des troubles du comportement. Ce n’est ni
l’enfant lui-même ni sa pathologie qui produisent ces troubles du compor-
tement mais bien le fait qu’il ne peut communiquer de façon adaptée. C’est
la première compétence à développer quel que soit l’âge de la personne. Lui
permettre d’émettre des comportements simples, peu coûteux, aura pour
conséquence la diminution des troubles du comportement.

Figure 5.4. Fréquence des comportements de coups de tête obtenue lors de l’analyse
fonctionnelle de Rémy.
Différentes conditions sont réalisées, la condition attention, la condition échappement,
la condition seul et la condition jeu libre.
Méthodologie de l’analyse fonctionnelle 85

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6 Thérapie
comportementale :
gestion de la pathologie

V. Rivière

Résumé
Lorsque le diagnostic est posé, peut-on mettre en place un traitement
adapté afin de réduire la situation de handicap dans laquelle est pla-
cée la personne avec autisme  ? Actuellement, différents traitements
existent et il est souvent difficile pour les parents mais aussi pour les
praticiens de savoir quelle orientation prendre. Nous avons choisi de
présenter les différents traitements comportementaux les plus connus
et qui ont montré une efficacité d’après la littérature scientifique. Ces
traitements sont utilisés maintenant chez l’enfant très jeune (après un
dépistage précoce bien sûr) et chez l’adulte. Nous indiquerons l’ensem-
ble des éléments d’un traitement comportemental. Nous exposerons
aussi les grandes lignes des avancées scientifiques depuis les premiers
résultats dans les années 1980, en incluant l’évolution de ces traite-
ments dans les décennies qui ont suivi. Une dernière partie sera consa-
crée à la définition d’une session d’apprentissage et aux conditions
qui s’y rapportent. Nous détaillerons ainsi les différentes possibilités
d’application de ces traitements en fonction du lieu de vie de l’enfant
et des enjeux de sa vie d’adulte (scolarisation ou non, établissement
spécialisé ou non, etc.). Nous présenterons enfin un exemple de protocole
comportemental chez un enfant que nous avons suivi.

Lorsque des parents demandent pour leur enfant présentant un trouble du


spectre autistique (TSA) la mise en place d’un traitement comportemen-
tal, il n’est pas rare qu’ils aient auparavant adopté un traitement n’étant
pas fondé sur des preuves scientifiques. Ayant entendu parler de commu-
nication facilitée, de thérapie d’intégration sensorielle ou de régimes
­alimentaires par un autre parent, un professionnel de santé ou dans les
médias, les parents peuvent être enclin à mettre en œuvre ce traitement par
eux-mêmes ou recruter un professionnel pour le mettre en place. Souvent,
les améliorations ne sont pas probantes et beaucoup de temps et d’argent
sont dépensés mais les parents sont absorbés par l’objectif d’agir dans l’inté-
rêt de leur enfant. On peut expliquer ce phénomène par la nature même
des troubles du développement. L’éducation d’un enfant dépend de la res-
ponsabilité des parents. Lorsque des troubles apparaissent, il est rare que les
parents restent inactifs face à ces retards de développement.

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
88 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Le rôle du parent lors d’un traitement comportemental est plus clair que
lors de problèmes médicaux. Si un enfant souffre d’une maladie comme
une leucémie par exemple, dans la plupart des cas, le parent n’applique pas
lui-même le traitement. La responsabilité du traitement est simplement de
reconnaître que leur enfant nécessite un suivi médical précis et de consulter
si nécessaire. Le choix du traitement revient au médecin. À l’inverse des
analystes du comportement, les médecins peuvent convaincre les parents
d’abandonner les traitements superflus et de respecter précisément les poso-
logies proposées.
Pour les analystes du comportement, les traitements validés scientifique-
ment ne sont pas encore considérés comme les traitements à adopter en
priorité. Les parents d’enfants présentant des troubles du développement
ne sont pas systématiquement envoyés dans des services ou des consul-
tations adoptant une approche scientifique. Les traitements choisis relè-
vent souvent du hasard des rencontres, de lectures ou de l’influence de
leur entourage. Adopter une démarche scientifique n’est pas une entreprise
facile, surtout lorsque les professionnels en charge de l’enfant ne l’adoptent
pas (voir chapitre 3).
En dépit de ces obstacles, les parents souhaitent que leur enfant progresse
et lorsque nous leur présentons les traitements comportementaux avec
toutes les contraintes que cela suppose, ils abandonnent souvent rapide-
ment les traitements inefficaces. Le manque de consensus concernant les
traitements ne fait que rendre le travail des parents plus difficile. Le plus
important sera d’adopter une stratégie permettant aux parents de compren-
dre pourquoi un tel traitement sera plus adapté qu’un autre.
De plus en plus, ces problèmes se retrouvent également dans le monde
médical. Les traitements proposés sont-ils efficaces  ? Le livre des profes-
seurs Bernard Debré et Philippe Even [1] est un exemple qui va totalement
dans ce sens. Lorsqu’on reçoit un médicament, nous n’avons, nous patient,
aucune expertise, aucun moyen de savoir si c’est le bon traitement à pren-
dre dans le cas de notre pathologie. Nous faisons entièrement confiance au
médecin qui le délivre. Pourtant, de plus en plus, on s’aperçoit que les traite-
ments n’ont peut-être pas été testés ni utilisés pour la pathologie dont nous
sommes atteints. De même, on se rend compte que certains médicaments n’ont
pas d’effets ou au contraire ont des effets secondaires plus importants que ceux
que la pathologie elle-même peut causer. Le seul critère à adopter sera d’obte-
nir des études reproduisant leurs effets pour définir les protocoles qui don-
nent les meilleurs résultats. Pour les traitements comportementaux, l’objectif
est le même. La seule façon de mettre en évidence l’efficacité des traitements
comportementaux comme celle des traitements médicamenteux sera d’adop-
ter une démarche scientifique qui valide les effets s’ils sont reproductibles par
différents centres de recherche indépendants et sur différents échantillons
de patients couvrant tous les degrés de la pathologie. Mais cette façon de
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 89

concevoir notre monde fait souvent peur, car, selon certains, l’individu y per-
drait toute liberté, et toute spontanéité.

Modèles d’intervention précoce


Nous allons présenter rapidement les principaux programmes d’inter-
vention précoce en nous focalisant sur leur orientation théorique, l’orga-
nisation des apprentissages, le contexte, l’implication de la famille et leur
efficacité.
Différents types de programmes existent et certains se basent sur
l’approche comportementale : UCLA Young Autism Project [2], Princeton Child
Development Institute ou PCDI [3], Douglass Developmental Center [4], Institute
for Child Development [5]. Ils offrent des interventions comportementales
traditionnelles (pour la culture américaine), c’est-à-dire qu’ils proposent des
apprentissages par essais discrets et des enseignements par petits groupes.
Les modèles Learning Experiences and Alternative Program for Preschoolers and
Their Parents ou LEAP [6], Walden Early Childhood Program [7], Project DATA
pour developmentally appropriate treatment for autism [8] et Children’s Toddler
School [9] utilisent des interventions comportementales en milieu naturel
et des situations d’apprentissage par inclusion pour augmenter la généra-
lisation et les interactions sociales. Le modèle de Denver [10] et le modèle
DIR pour developmental, individual-difference, relationship-based [11] ont une
orientation développementale, alors que le modèle TEACCH pour treatment
and education of autistic and related communication-handicapped children [12]
incorpore les deux approches, comportementale et développementale [4].
On oppose souvent la conception développementale à la concep-
tion comportementale dans l’approche de l’autisme, ce qui suppose que
l’approche comportementale ne tient pas compte des aspects développe-
mentaux lors de la prise en charge d’un jeune enfant et, inversement, que
l’approche développementale ne tient pas compte des lois de l’apprentis-
sage qui sont à la base de l’ABA.
Si l’on envisage les différents grands types de programmes reconnus sur
le plan international, le terme «  développement  » est souvent retrouvé
dans le titre lui-même du programme mais l’approche théorique du
développement n’est pas la même. L’approche traditionnelle du dévelop-
pement suppose qu’il n’est pas fonction de l’environnement, l’environ-
nement pouvant aider, mais n’étant pas la variable pertinente permettant
de rendre compte de l’évolution des comportements. Selon l’approche
comportementale, nous l’avons évoqué, l’environnement joue un rôle
majeur dans l’apparition des comportements et connaître la façon dont
les comportements émergents permet de mettre en œuvre des traitements
puisque nous en connaissons les variables fonctionnelles (voir chapitres
4 et 5).
90 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Ainsi, dans l’approche développementale, il est dit par exemple que le jeu
joue un rôle essentiel dans le développement, au niveau social et émotion-
nel, de la communication et des compétences cognitives. Bien évidemment,
la compétence de jeu est essentielle au développement mais pour certains
enfants présentant un TSA, le jeu n’est pas du tout un environnement fonc-
tionnel : il faudra passer par des techniques d’apprentissage spécifiques en
fonction des compétences de l’enfant et des troubles qu’il peut présenter
pour que le jeu devienne une source de renforcement, à la fin de la mise en
place de la procédure, et puisse être utilisé comme tout enfant le ferait et
comme les développementalistes peuvent le décrire [13, 14].
Ces différents programmes peuvent être proposés soit dans des services
spécialisés souvent affiliés aux universités ou hôpitaux (sauf pour LEAP ou
DIR). Certains services proposent des interventions à domicile (UCLA Young
Autism Project, PCDI, Douglass Developmental Center, TEACCH, modèle
de Denver et project DATA) et/ou en milieu scolaire et à la maison (LEAP,
TEACCH, modèle de Denver).
L’implication des familles est un élément essentiel pour tous les pro-
grammes. La façon d’impliquer les familles sera différente, allant de l’édu-
cation parentale à l’entraînement à l’application des programmes, à des
visites à domicile et à l’élaboration des objectifs comportementaux. Pour
certains programmes, les familles peuvent être simplement responsables de
l’implémentation de stratégies d’apprentissage (DIR, TEACCH) ou peuvent
être encouragées à suivre les programmes à la maison en situation naturelle
(Walden Early Childhood Program), alors que d’autres vont intégrer les parents
complètement (Project DATA, Children’s Toddler School, UCLA Young Autism
Project). Les programmes orientés vers l’intégration scolaire (modèle de
Denver et LEAP) mettent l’accent sur l’implication des parents dans la rédac-
tion du programme éducatif individualisé (PEI). Certains modèles (PCDI,
TEACCH, Project DATA) réalisent des enquêtes de satisfaction des parents et
de leur implication comme mesure supplémentaire des conséquences pos-
sibles du traitement.
Le point le plus important et le plus complexe de ces différents pro-
grammes concerne l’évaluation scientifique de leur efficacité. Le National
Research Council [15] a tenté d’identifier les forces, les limites et la qualité
des interventions proposées aux enfants avec autisme. Les études mises
en œuvre posent des problèmes méthodologiques, d’une part à cause des
faibles effectifs d’enfants inclus dans ces recherches et d’autre part parce
qu’il arrive que seuls les effets avant et après traitement soient mesurés sans
avoir eu recours à un groupe contrôle, groupe qui n’a été soumis à aucun
traitement spécifique. La difficulté de réaliser des groupes contrôles tient à
ce que, d’un point de vue déontologique, il est impossible de demander aux
familles d’accepter que leur enfant ne bénéficie d’aucun traitement pen-
dant tout le temps de l’étude, juste pour évaluer les effets d’un traitement
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 91

potentiel. De plus, lorsque les groupes contrôles existent et qu’on indique


que l’enfant ne bénéficie pas d’un traitement spécifique, il est quand même
dans un contexte dans lequel nous ne contrôlons pas toutes les variables.
Pour remédier à ces difficultés, il faut absolument augmenter le nombre
d’enfants inclus dans les groupes, mais la mise en place stricte du proto-
cole de traitement avec un contrôle des variables potentielles augmente la
complexité. D’autres difficultés méthodologiques sont inhérentes à ce type
de travaux de recherche, notamment le fait que les enfants ne soient pas
répartis dans les groupes de manière aléatoire, le manque de mesures de la
fidélité (répétition des mesures afin d’éviter les erreurs dans la collecte des
données) et le manque d’information sur les traitements autres mis en place
dans les groupes contrôles.

Composantes des traitements


comportementaux
Le traitement est fondé sur les aspects développementaux. L’enfant pré-
sentant des excès et des déficits comportementaux, l’objectif principal est
donc de rétablir un équilibre développemental sur les comportements en
excès (stéréotypies, comportements inadaptés, comportements agressifs)
et sur les comportements en déficit (motricité, cognitif, social, langage).
Chaque élément du développement est disséqué afin de lui appliquer un
programme spécifique. Ce traitement consiste en 3 à 4 ans de traitement
intensif en famille et en milieu scolaire ordinaire. Après avoir réalisé une
évaluation minutieuse des compétences de l’enfant, on travaille domaine
par domaine avec des priorités : le langage, la motricité, la cognition, les
compétences sociales, le jeu, les compétences scolaires et les compétences
d’adaptation.
Le protocole général utilisé dans les différentes études est organisé comme
suit : le traitement s’opère entre 25 et 48 heures par semaine. Les aspects
relationnels sont d’abord recherchés, en veillant à remplacer les comporte-
ments inadaptés par des comportements de communication fonctionnelle.
On apprend alors à l’enfant à suivre des consignes simples, à différencier
les couleurs, les formes, les objets courants, à imiter des gestes, des sons,
à commencer à jouer de façon fonctionnelle. Les compétences d’adapta-
tion sont également mises en place comme la propreté, l’alimentation, le
sommeil. Tout est pris en compte pour qu’aucun comportement inadapté
ne puisse prendre le dessus sur le développement normal. On parle de
comportement inadapté dans le sens de comportement qui entrave le déve-
loppement. Le travail est réalisé à domicile, avec une intégration scolaire
progressive lorsque c’est possible. La deuxième année du traitement se
déroule à domicile également avec plus d’intégration scolaire en fonc-
tion des progrès obtenus. On travaille sur le langage expressif  : pouvoir
92 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

­ énommer ce que l’enfant voit, les actions, les attributs, les prépositions, les
d
pronoms. On travaille aussi les catégorisations et les fonctions des objets. La
partie langage est de plus en plus élaborée : l’enfant doit pouvoir continuer
un mot, une phrase, une conversation, poser des questions ou y répondre.
Les apprentissages concernent aussi les émotions : savoir les reconnaître et
les exprimer, le jeu devient de plus en plus adapté, de plus en plus élaboré,
par le jeu symbolique par exemple. Le traitement intéressant les compé-
tences d’adaptation est poursuivi. Lors de la troisième année du traitement,
l’intégration à l’école devient de plus en plus importante et indispensable.
L’enfant est alors capable d’imiter les autres, de répondre aux consignes des
enseignants, de jouer et d’interagir avec l’adulte. L’école permet dans ce cas
de tester la généralisation des comportements et des situations. L’enfant
peut avec l’aide d’une tierce personne adulte suivre le cours classique en
situation scolaire. Les compétences langagières sont toujours travaillées.
L’objectif est d’arriver à un langage pragmatique, de pouvoir maintenir une
conversation avec un pair. Il devra à la fin de cette année être capable de
reconnaître les émotions de ses pairs, de réaliser des inférences, de manifes-
ter ses croyances et de développer de façon autonome ses connaissances. Le
travail sur la fluidité des comportements est accentué. Il apprend à planifier
ses activités et ses jeux. Le traitement lors de cette troisième année porte
sur toutes les compétences et prioritairement sur les compétences sociales.
La quatrième année est composée de 10 heures à domicile et de 30 heures
à l’école au cours de laquelle il est capable de travailler sans l’intervention
d’une tierce personne. Les enseignants sont maintenant à même de s’occu-
per seuls de l’enfant. Les compétences sociales sont travaillées en généra-
lisation. Le travail sur la représentation de soi est développé : être capable
de s’estimer, de parler de soi, de se projeter dans l’avenir, de faire un choix
professionnel. Les compétences scolaires sont poursuivies de la même façon
que pour n’importe quel enfant.
Matson et ses collègues [16], qui ont recensé plus de 550 études entre
1980 et 1995 et plus de 100 depuis 1995, mettent en évidence l’efficacité
des procédures comportementales et les méthodologies pour l’acquisition
de compétences comme :
• apprendre à apprendre  : regarder, écouter, imiter, suivre des consignes,
différencier des stimuli, etc. ;
• communication : verbale et non verbale, compréhension et production,
allant de simples vocalisations à une conversation complexe ;
• sociales : de simples échanges réciproques, jouer avec des pairs, partager,
exprimer ses émotions, empathie, jeu dramatique, etc. ;
• l’autonomie : hygiène, sécurité, vivre en communauté, etc. ;
• les compétences scolaires : lecture, écriture, calcul ;
• les compétences motrices globales et fines ;
• l’orientation professionnelle : choisir un métier, une orientation.
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 93

Traitement comportemental à l’heure actuelle


Quels sont les résultats que l’on peut obtenir actuellement ? Quels résultats
nous apportent les recherches récentes  ? À l’heure actuelle, le traitement
comportemental est celui qui est considéré par la communauté scienti-
fique comme étant le plus efficace. Les résultats sont congruents avec ceux
observés depuis les études de Lovaas qui montrent aussi que pour certains
enfants, la récupération n’est pas observée [17].
Ainsi, toutes les études ont mis en évidence qu’un nombre conséquent
d’enfants ne retrouve pas un fonctionnement normal après trois ou quatre
années de traitement. Les recherches tentent de mettre en évidence les
facteurs responsables de ces résultats. On observe également que nous
pouvons assez rapidement prévoir dans quel groupe l’enfant peut se situer
sur le plan du pronostic. Sallows et Graupner [18] montrent que l’on peut
proposer des éléments pronostics de l’efficacité du traitement : en observant
sur une période de 3 mois l’évolution des apprentissages, on peut prévoir
si l’enfant retrouvera un fonctionnement normal ou conservera des retards
de développement. Ces résultats sont importants et permettent de renforcer
les apprentissages sur différentes compétences après ces trois premiers mois
de traitement. Plusieurs solutions sont à l’étude : prolonger le traitement,
renforcer le traitement concernant des compétences spécifiques comme le
langage, les compétences sociales ou la cognition ou mettre en place le  trai-
tement de façon précoce.
Il est fréquent de lire des critiques indiquant que les résultats positifs ne
sont pas obtenus pour tous les enfants, prétextant que « la méthode n’est pas
efficace pour tous les enfants ». Aucun traitement n’est efficace à 100 %. Si
on prend l’exemple de la cancérologie, les résultats sont loin des 100  %.
Mettons-nous pour autant en cause le traitement lui-même et orientons-
nous les recherches vers d’autres objectifs ? En fait, le seul objectif est de voir
le traitement qui à l’heure actuelle donne les meilleurs résultats, sachant
que ces traitements devront être améliorés et les recherches poursuivies.
Dans les études de Lovaas ou d’autres, lorsqu’on présente les résultats, on
indique que les enfants ne retrouvent pas un fonctionnement normal. Ceci
ne signifie pas qu’aucun apprentissage ne s’est effectué. Ces enfants ont au
contraire acquis un nombre incroyable de compétences, mais certains élé-
ments restent encore trop lacunaires, ce qui les empêche d’avoir des compor-
tements fluides  ; certains apprentissages restent encore trop difficiles pour
passer à la phase de généralisation. Nous savons que l’autisme est un trouble à
spectre large : ainsi, pour certains enfants avec des troubles sévères au départ,
cette récupération est possible mais pour un petit groupe de sujets, toutes les
études montrent que les progrès observés restent faibles [13, 19-21].
Plusieurs pathologies peuvent empêcher certains apprentissages et asso-
ciations : par exemple, des enfants ayant des troubles épileptiques associés
94 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

pourront présenter des apprentissages plus lents ou plus fluctuants. Le trai-


tement comportemental sera adapté en conséquence, en travaillant plus
sur quelques points et à certains moments. Pour des enfants présentant
des troubles moteurs, certaines activités seront adaptées afin de rendre les
apprentissages réalisables. L’apprentissage d’un moyen de communication
sera adapté en fonction de la pathologie [22-26]. La littérature scientifique
regorge d’articles qui concernent la mise en place de moyens de communi-
cation alternatifs. Grâce à ces recherches, nous connaissons les techniques
d’apprentissage qui permettent aux enfants et aux adultes d’avoir une vie la
plus autonome possible.
Actuellement, nombre de procédures, organisations et programmes
d’intervention provenant de l’analyse appliquée du comportement sont
reconnus sur le plan scientifique. Ceci peut créer une confusion pour les
personnes extérieures au domaine de recherche en analyse du compor-
tement. En effet, le fait de parler de traitement intensif et précoce peut
paraître différent de l’appellation ABA. On peut lire dans certains rapports
que l’ABA ne serait que le fait de proposer à l’enfant des séances en essais
discrets ou en situation uniquement structurée [27, 28]. Ces raccourcis nui-
sent bien évidemment à la compréhension de ce que peuvent être les traite-
ments comportementaux et leur développement. Ces programmes d’inter-
ventions comportementales intensives précoces ou ICIP (early intensive
behavioral intervention ou EIBI en anglais) ont donné lieu à de nombreuses
publications tout au long de ces quarante dernières années. Les résul-
tats obtenus sont en accord avec les premiers résultats de Krantz et Lovaas.
Des méta-analyses ont été réalisées, regroupant différentes études pour en
tester l’efficacité en fonction de différentes variables cibles. Si on considère
les variables concernant le fonctionnement intellectuel et adaptatif et la
diminution des troubles autistiques, les gains obtenus sont considérables
[29-32]. Le fait d’avoir obtenu la régression totale des troubles autistiques
pour un groupe d’enfants mais pas pour tous les enfants est souvent perçu
comme remettant en cause l’efficacité des procédures utilisées. Pourtant,
même chez l’enfant ou l’adulte avec troubles sévères des comportements,
les effets des traitements comportementaux sont considérables.
Dans les différents programmes proposés qui relèvent de l’analyse du
comportement, aucune nouvelle procédure n’apparaît. L’agencement des
apprentissages, la façon de séquencer les séances, d’aménager l’environ-
nement peuvent être différents mais les principes fondamentaux ne sont
en rien différents de ceux qui ont été présentés en analyse expérimentale
du comportement. Dans tous ces programmes, l’objectif est que l’enfant
apprenne à apprendre dans un environnement naturel comme tout enfant
neurotypique : nous passons d’un environnement artificiel à un environne-
ment naturel en fonction des compétences de l’enfant.
Actuellement, certains programmes sont centrés sur le développement
des fonctions du comportement verbal (voir chapitre 7). Ces programmes
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 95

apportent des nouveautés dans l’application de l’analyse du comportement,


mais aucun nouveau principe n’y est développé. Certains programmes appe-
lés verbal behavior ou VB se focalisent sur la fonction des comportements
verbaux, alors que d’autres se concentrent sur la classification traditionnelle
du langage (expressif ou réceptif). Cependant, les techniques et les procé-
dures d’apprentissage proviennent de celles validées en analyse du compor-
tement. Nous verrons que les comportements verbaux, même s’ils ont une
part importante dans les programmes d’intervention, ne peuvent constituer
à eux seuls le contenu de ces programmes. Intégrer les objectifs compor-
tementaux du comportement verbal aux différents programmes a permis
le développement de compétences sociales et verbales importantes [33-35].
La réponse au traitement comportemental, nous l’avons vu, n’est pas
identique pour tous les enfants lors de l’intervention précoce, ce qui
oriente les recherches vers les différences qui pourraient exister dans le
spectre du trouble autistique. Des auteurs québécois ont mis en évidence
ces différences également sur le plan du comportement verbal. La fré-
quence d’occurrence de différents comportements verbaux serait en lien
avec le niveau de fonctionnement intellectuel et la sévérité des symptômes
du spectre de l’autisme [36].
La difficulté de voir émerger des comportements verbaux spontanés n’est
pas uniquement liée aux techniques ou à la structuration de l’apprentissage
mais aussi à la spécificité des troubles du spectre autistique. Pouvoir analyser
précisément ces différences nous permettra d’être plus précis dans la mise
en place de ces apprentissages. Comprendre la façon dont les stimuli peu-
vent contrôler les comportements en situation naturelle et les différences
observées pour des personnes avec autisme est une première orientation
pour les recherches actuelles. De la même façon, comprendre comment les
conséquences peuvent façonner les comportements et devenir source de
renforcement généralisé est une seconde orientation de recherches extrê-
mement prolifiques.

Contenu d’un traitement


Il n’est pas rare d’entendre parler de «  méthode ABA  » pour les enfants
autistes sans que l’on sache précisément à quoi cela fait référence. L’ana-
lyse appliquée du comportement (ABA), nous l’avons vu, n’est pas une
simple méthode, une recette à appliquer juste de temps en temps, mais un
modèle scientifique d’explication de nos comportements. Les traitements
comportementaux rassemblent différents composants et dimensions. Ces
composants vont pouvoir varier en fonction des avancées des recherches.
Un premier composant concerne les procédures. Les procédures utilisées
dans les traitements comportementaux font référence à celles étudiées en
recherche fondamentale, mettant en évidence les principes et lois des
comportements. Un grand nombre d’entre elles sont maintenant connues
96 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

mais de nouvelles procédures apparaissent en fonction des recherches fonda-


mentales et appliquées réalisées. Les recherches actuelles tentent de trouver
la meilleure organisation possible, la moins intrusive et la plus efficace. C’est
ce que l’on retrouve dans les exemples des principaux programmes présentés
ici. Le plus important est le fait d’avoir recours à des procédures qui ont été
validées scientifiquement. Ainsi, les procédures de renforcement positif, de
renforcement négatif, de chaînage, de façonnage, de punition, de discrimi-
nation sans erreur, etc., sont toutes des procédures qui ont démontré leur
efficacité pour l’évolution des comportements quel que soit le domaine de
compétences (moteur, social, langage, cognitif) mais aussi pour la réduction
des troubles du comportement.
Un second composant fait référence à l’intensité. L’intensité est souvent
décrite en termes d’heures de traitement proposées aux enfants, alors que
nous sommes incapables de mesurer le temps réel pendant lequel l’enfant
est engagé dans le traitement et de le vérifier par des observateurs indépen-
dants. Pour effectuer des comparaisons fiables, il est nécessaire de préciser
les modalités de cette variable intensité. Il est préférable de se focaliser sur
le taux d’opportunité d’apprentissage (par exemple, le nombre de situa-
tions où les antécédents, les réponses et les conséquences sont présentés
à l’enfant par minute). Ceci peut paraître très voire trop précis, mais pour
réaliser des comparaisons et des réplications de ces études, il faut se placer
dans les bonnes conditions. Ceci aura des conséquences sur la mise en place
des programmes d’apprentissage. En effet, si vous devez coter ces éléments
afin de mesurer ce qui est fait avec l’enfant, vos programmes seront plus
précis et permettront à l’enfant de progresser plus vite.
Différentes recherches se sont penchées sur le problème de l’intensité.
On peut voir qu’à partir de 25 heures par semaine les progrès sont signi-
ficatifs, alors que les effets des programmes pour des enfants de plus de
2 ans, proposés à raison de 5 à 20 heures par semaine, sont non significa-
tifs. Ainsi, que l’enfant soit intégré 5 ou 20 heures par semaine, la progres-
sion ne sera pas meilleure pour le groupe recevant 20 heures [37-39]. Ceci
peut se concevoir si l’on reprend l’exposé concernant l’approche compor-
tementale du développement. L’enfant typique augmente son répertoire
comportemental car il est placé dans un environnement fonctionnel de
façon continue : si on prend l’exemple du langage, l’enfant est tout le temps
en situation d’apprentissage même si les parents, éducateurs ou autres per-
sonnes en charge de l’enfant ne s’en rendent pas compte. Il est placé dans
un environnement fonctionnel dès qu’il se lève jusqu’à ce qu’il se couche.
Entre 18 mois et 2  ans, l’expansion du vocabulaire est au maximum. Il
peut apprendre plusieurs mots par jour sans pourtant qu’on parle d’inten-
sité de l’apprentissage. Pour l’enfant avec autisme, la quantité d’opportu-
nités d’apprentissage est souvent très limitée si on ne lui fournit pas un
­environnement fonctionnel. De ce fait, réaliser 5 ou 20  heures n’est pas
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 97

suffisant pour lui permettre d’atteindre la même quantité d’opportunités en


comparaison à l’enfant neurotypique.
Un autre élément important de ces programmes concerne la durée du
traitement pour obtenir une efficacité maximale. Les résultats montrent que
plus l’enfant est placé sous traitement jeune, moins longue sera la durée du
traitement [40]. Ces auteurs observent que les enfants les plus jeunes pré-
sentent une trajectoire développementale rapide après 1 an de traitement
et qui se poursuit lors de la seconde année, ce que toutes les études récentes
montrent aussi. On peut noter que plus l’enfant bénéficie d’une prise en
charge intensive et précoce, meilleures seront ses chances de récupération.
Aux États-Unis, en Norvège ou au Canada, le dépistage est réalisé entre 10 et
18 mois, ce qui permet l’application immédiate des traitements.
Le dernier point qui intéresse les programmes comportementaux
concerne l’évaluation de leur qualité. Comment mesurer la qualité des
traitements proposés ? Nous avons présenté les comparaisons entre les trai-
tements médicamenteux et les traitements comportementaux. Lors de
traitements par médication, nous n’avons pas besoin de parler de qualité
de traitement. Le traitement a en principe été testé et il suffit de suivre
la posologie indiquée. Pour les traitements comportementaux ce n’est pas
si simple  : on peut bien sûr considérer l’intensité et la durée comme des
variables mesurant la qualité des traitements, mais ce n’est pas suffisant.
Les études disponibles actuellement ne s’intéressent que très peu aux
compétences des thérapeutes, des enseignants ou des intervenants alors que
c’est un aspect essentiel. Des centres commencent à apparaître en France,
se présentant comme « centre ABA » mais comment évaluer la qualité des
traitements proposés ? Il n’est pas possible de se fier uniquement aux pro-
grès réalisés par les enfants car il faudrait, nous l’avons vu, appareiller les
groupes, comparer des enfants qui ont tous le même niveau de départ et
réaliser les évaluations par des personnes non incluses dans le traitement
lui-même. Ces recherches sont malheureusement trop peu nombreuses ce
qui est dommage car cela permettrait également d’aider à la constitution
d’un protocole le plus précis possible. Ces protocoles existent aux États-Unis
notamment et les certifications utilisées sont du type BCBA® (board certified
of behavior analyst). En France, une étude est en cours sur l’effet d’une prise
en charge précoce sur le développement de compétences verbales [41].
Nous observons néanmoins que de nombreuses études scientifiques
[42-44] ont mis en évidence les éléments essentiels que doivent contenir les
programmes d’intervention comportementale afin d’augmenter leur efficacité :
• l’âge du patient au début de la prise en charge (avant 4 ans), l’intensité de
la prise en charge (25 à 40 heures par semaine pendant au moins 2 ans) ;
• le fait que la prise en charge soit individualisée, l’utilisation de procédures
comportementales (apprentissage par essais discrets, renforcement différen-
tiel, apprentissage incident, etc.) ;
98 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

• la participation des parents en tant que cothérapeutes au sein de la prise


en charge ;
• le choix d’objectifs comportementaux à partir de la trajectoire développe-
mentale dite « normale » ;
• la supervision de la prise en charge par un analyste du comportement
ayant bénéficié d’une formation de niveau master ou de docteur en analyse
du comportement.
Les études présentées jusqu’à présent prenaient en compte des enfants
généralement avant 4  ans. L’orientation actuelle est de pouvoir intégrer
les bébés dès la suspicion de troubles envahissants du développement ce
qui va poser d’autres problèmes : la prise en charge précoce semble avoir
des conséquences sur l’interprétation des résultats obtenus jusqu’à présent.
Alors qu’on parlait de prise en charge précoce avant 4 ans dans les années
1990, nous parlons maintenant de précocité autour de 15 à 18 mois. Un
grand nombre de programmes mettent en œuvre les traitements dès cet
âge en adaptant bien évidemment les conditions d’apprentissage. Parfois,
certains ne connaissent pas les techniques d’apprentissage ou en ont une
vision réductrice. Réaliser des séances de type scolaire chez des enfants aussi
jeunes n’aurait aucun sens. La prise en compte du répertoire de l’enfant
est primordiale dans l’adaptation des protocoles. Nous avons déjà eu cette
question de la part de parents inquiets de mettre en place le traitement
aussi jeune alors que l’enfant avait 17 mois et à qui d’autres professionnels
avaient annoncé que « la méthode ABA » ne permettrait plus à l’enfant de
faire des siestes, de jouer ou de se reposer lorsqu’il en aurait envie. Il est
essentiel de placer l’enfant ou le bébé en situation d’apprentissage dans
les mêmes contextes que l’enfant typique. C’est pourquoi, le bébé passe
généralement beaucoup de temps à domicile, en crèche ou chez les grands-
parents. C’est dans ces contextes que les apprentissages doivent avoir lieu,
ce qui permet d’obtenir la meilleure continuité dans l’application des
apprentissages réalisés. C’était la perspective proposée par Lovaas dès les
années 1980.
Un autre point des programmes d’intervention précoce concerne les pré-
dicteurs possibles de réponses au traitement. On sait maintenant que ces
traitements comportementaux permettent aux enfants pris en charge pré-
cocement de récupérer de façon importante voire complète. Cependant,
un certain nombre d’enfants, placés dans ces mêmes conditions, ne répon-
dent pas au traitement de façon favorable. La réceptivité au traitement est
une question essentielle pour les chercheurs en analyse du comportement,
car elle permet de centrer les recherches sur les éléments essentiels des
modèles d’intervention, de rechercher les variables susceptibles de rendre
compte de ces différences et d’identifier les enfants qui nécessiteraient
une prise en charge plus intense pour une récupération plus rapide. Nous
l’avons déjà signalé, l’âge de l’application du traitement semble être une
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 99

variable ­permettant de réduire les différences de réceptivité face au traite-


ment comportemental. Fenske et al. [45] l’avaient déjà mis en évidence en
montrant que les enfants les plus jeunes avaient récupéré plus vite que les
enfants plus âgés (avant 5 ans). D’autres variables sont utilisées comme la
mesure du quotient intellectuel avant traitement ou la mesure de perfor-
mance verbale [46], le diagnostic spécifique (par exemple, l’autisme ou le
trouble envahissant du développement non spécifique [47]) et les carac-
téristiques comportementales de l’enfant (l’évitement social, la présence
ou non de jeu, la présence de stéréotypies envahissantes [48]). Une étude
intéressante de Stoelb et al. [49] trouve également que les enfants présen-
tant des dysmorphies, qui pourraient être reliées à un syndrome génétique
non diagnostiqué, sont moins susceptibles de récupérer ou de bénéficier
des effets des traitements comportementaux. Ils se focalisent notamment
sur les compétences linguistiques et notent que chez ces enfants, la récu-
pération d’un langage expressif et réceptif reste difficile. Ils observent
aussi que les enfants ayant eu une phase de régression importante (un
développement précoce normal et une perte brutale de compétences) au
cours des deux premières années présentent une réactivité au traitement
moins importante. Ces éléments prédicteurs sont décisifs car, comme nous
l’évoquions, nous pourrions adapter les traitements comportementaux en
fonction du profil de chaque enfant. Lorsque l’enfant présente des dysmor-
phies, la mise en place de moyens alternatifs de communication doit être
précoce afin qu’il soit le plus autonome possible dans certaines situations.
Par ailleurs, l’intensité du traitement pourrait être renforcée et ce, dès le
plus jeune âge ce qui permettrait d’augmenter la réceptivité de l’enfant au
traitement comportemental.

Comment se déroule une session


d’apprentissage
Quatre grands points vont être abordés : l’établissement d’une ligne de base
des différentes compétences de l’enfant, puis la rédaction d’un curriculum,
l’exposition de l’enfant aux séances d’apprentissage et enfin l’évaluation
continuelle des progrès de l’enfant.

Établissement de la ligne de base


Elle se fait avant de commencer tout traitement car nous devons mesurer et
évaluer les compétences précises de l’enfant dans les différents domaines.
En fonction de l’âge de l’enfant, nous pouvons nous aider en utilisant des
évaluations comme l’ABLLS-R (assessment of basic language and learning
skills, revised, 2013), l’AFLS (assessment of functional living skills) [50] ou la
VB-MAPP (verbal behavior milestones assessment and placement program) [51].
100 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Ces outils nous permettront d’établir le curriculum, ce que nous détaillerons


plus loin. En outre, il est important de connaître les retards précis de l’enfant
par rapport à son groupe d’âge et un test standardisé sera préconisé. Nous
utilisons généralement chez les moins de 2 ans le Brunet-Lezine qui permet
de cerner l’ensemble du développement (moteur, imitation, langage, cogni-
tif et social) ou l’évaluation Carolina1. Nous l’avons vu, les retards moteurs
doivent nous alerter sur la planification du traitement (nombre d’heures,
accompagnement d’autres prises en charge, développement de moyens de
communications alternatifs, etc.). D’autres tests standardisés peuvent être
réalisés  : les tests d’intelligence en fonction de l’âge de l’enfant (WIPPSI,
WISC-IV, KABC, etc.). Il est également recommandé aux parents de réaliser
les tests génétiques pour déceler les anomalies les plus fréquentes. Certains
troubles du développement peuvent désormais être repérés, notamment le
syndrome de Rett, le syndrome de l’X fragile, et d’autres pathologies dont les
conséquences sur le plan comportemental sont similaires à celles d’enfants
avec autisme lorsqu’ils sont jeunes. Lorsque nous voyons un enfant en
consultation, nous pouvons noter certaines caractéristiques mais nous ne
pouvons pas déterminer la cause du trouble et cela ne sera en aucun cas
suffisant pour affirmer que l’enfant ne présente pas de syndrome de Rett
ou de syndrome de l’X fragile sans analyses précises. Ceci peut avoir des
conséquences également désastreuses chez les parents, misant sur la pos-
sibilité d’une récupération si l’enfant est pris en charge de façon précoce,
alors qu’on leur apprend au bout parfois de 2 ou 3 ans que l’enfant présente
un syndrome de Rett.

Rédaction d’un curriculum


Avant de commencer tout traitement, nous établissons un curriculum, soit
la planification des différents objectifs à réaliser à court, moyen et à long
terme avec l’enfant ou l’adulte. Pour réaliser le curriculum, nous devons
recenser l’ensemble des compétences et voir parmi celles-ci, celles qui ne
sont pas dans le répertoire de l’enfant et qui lui seront le plus utile immédia-
tement. Les grands domaines mis en place rapidement sont généralement
les compétences verbales, les compétences sociales, le jeu et les compétences
« apprendre à apprendre ».
Ce curriculum doit être flexible et adapté aux conditions de vie de
l’enfant et à son profil. Nous avons vu que l’autisme ou le spectre autis-
tique est une catégorisation large de troubles du développement avec,
d’un enfant à l’autre, des différences considérables. Ce curriculum ne
peut être recopié d’un enfant à l’autre, il doit être personnalisé car il se
base uniquement sur les compétences et les troubles observés de l’enfant
lors de l’évaluation première. Ainsi, certains enfants présenteront des

1. The Carolina Curriculum for Preschoolers with Special Needs. 2nd ed. CCPSN ; 2005.
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 101

difficultés en discrimination visuelle, d’autres en discrimination auditive,


d’autres présenteront des troubles sévères du comportement, etc. Res-
pecter le profil développemental de l’enfant est donc une priorité pour
établir un curriculum. Sans prendre en compte ces principes, nous ne
pouvons parler de traitements comportementaux, nous ne pouvons pas
plaquer un programme identique sur tous les enfants de la même manière
sans prendre en compte les compétences ou déficits de l’enfant. Élabo-
rer un curriculum démontre l’aspect individualisé de la prise en charge.
Par contre, ce qui reste constant, ce sont les techniques d’apprentissage.
Nous insistons pour indiquer que les enfants avec autisme sont comme
tous les enfants et individus, soumis aux mêmes lois d’apprentissage et
principes généraux qui régulent nos comportements. Ainsi, quel que soit
l’enfant, le principe du conditionnement opérant pourra être retrouvé,
tout comme les procédures de renforcement positif ou négatif, etc. Main-
tenant, organiser les apprentissages pour réduire les comportements pro-
blèmes ou au contraire augmenter les comportements déficitaires néces-
site une connaissance parfaite du développement de l’enfant typique et
du cadre de vie de l’enfant en traitement. Il n’est donc pas surprenant de
voir que les chercheurs qui se sont intéressés à l’élaboration de tels pro-
grammes d’intervention sont tous issus de la psychologie comportemen-
tale du développement.
Le curriculum est décomposé en petites étapes facilement atteignables,
étapes qui doivent être maîtrisées au mieux au cours de la semaine
d’intervention. On parle alors d’objectifs à court terme. Des objectifs à
moyen et à long terme sont aussi rédigés. Ces derniers peuvent être revus
en fonction des résultats obtenus chez l’enfant. Il est important que ce
curriculum ne soit pas figé. Il faut pouvoir, en fonction des comporte-
ments de l’enfant, adapter le curriculum pour perdre le moins de temps
possible.

Exposition aux séances d’apprentissage


Un question cruciale à poser est  : où développer les traitements/­
comportements  ? à l’école, au domicile ou en centre spécialisé  ? Cela
nous amène à aborder le problème de la scolarisation.
Nous avons présenté les différents protocoles validés scientifiquement
concernant les traitements des troubles du développement. Dans la plupart
des pays qui ont choisi ces traitements comportementaux, les États-Unis,
les pays scandinaves, le Canada, la Hollande, etc., la question de l’inté-
gration scolaire est différente de la problématique qui existe en France,
où nous insistons sur l’inclusion ou l’intégration d’enfants avec troubles
du développement sans pour autant mettre les moyens adaptés et unique-
ment pour faire référence à la loi de 2005 concernant l’intégration scolaire
obligatoire.
102 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits


et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées
Cette loi renforce les actions en faveur de la scolarisation des élèves handica-
pés. Elle affirme le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au
plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté. Les parents
sont de plus étroitement associés à la décision d’orientation de leur enfant et à
la définition de son projet personnalisé de scolarisation (PPS)*.
*Ministère de l’Éducation nationale.

Concernant les enfants présentant des troubles du développement, l’inté-


gration de l’enfant en milieu ordinaire ne doit pas être une priorité. Il se
peut que certains enfants ne soient pas scolarisés sans pour autant qu’ils
puissent bénéficier d’une prise en charge adaptée. En effet, l’inclusion
doit se faire en fonction du curriculum proposé et non sur le fait de la loi
du 11 février 2005. Pour certains enfants, les placer en situation scolaire
peut être néfaste dans le sens où le contexte d’apprentissage ne sera pas
propice. La gestion des troubles du comportement doit nécessiter le res-
pect des procédures qui peut s’avérer complexe en situation de classe. Dans
les différents programmes présentés, il peut y avoir différentes façons de
programmer l’inclusion, celle-ci peut être complètement absente jusqu’à
l’obtention d’une autonomie parfaite après 3  ans de traitement (on y
retrouve les ­programmes de Krantz et McClannahan, ceux de Lovaas en
partie, par exemple). Dans d’autres cas, et notamment avec des enfants très
jeunes (pris en charge avant 2  ans), l’inclusion est beaucoup plus rapide,
généralement au bout de 6 mois de suivi à domicile (par exemple, LEAP
[52], modèle de Denver [53]). Il est important de noter que les prises en
charge précoces à partir de 15 mois permettent un plus grand nombre
d’inclusion dès l’âge de 3  ans puisque les compétences de base que nous
avons évoquées ont été travaillées à domicile. Ce qui est essentiel pour
l’enfant c’est le nombre d’opportunités d’apprentissage pour augmenter les
compétences d’autonomie à l’âge adulte et non le fait qu’il soit accueilli en
milieu scolaire. Dans les différents programmes, la progression d’inclusion
est programmée de sorte que les situations d’apprentissage puissent être
efficaces. Ainsi, les séances d’apprentissage sont présentées en un pour un
(un adulte pour un enfant) puis en un pour deux, un pour cinq, pour arriver
à la situation de groupe classe ordinaire en fonction des résultats obtenus
chez l’enfant. La priorité doit se porter essentiellement sur ce que l’enfant
va pouvoir apprendre dans les différents environnements et parfois, l’école
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 103

n’est pas un environnement favorable en fonction de ses compétences à


un moment de son développement. La décomposition des apprentissages
présentée pour le curriculum doit se retrouver en situation scolaire ce qui
est parfois complexe.
Nous pouvons exposer la façon dont le suivi d’un enfant avec handicap
peut être réalisé aux États-Unis avec la loi IDEA (individuals with disabilities
education act, 19752). Ce type d’organisation existe dans les autres pays que
nous avons déjà cités. L’objectif est de s’assurer que les enfants avec han-
dicap aient l’opportunité de recevoir une éducation publique appropriée,
comme tout enfant. Cette loi a été révisée au cours des années. Le suivi est
réalisé de la naissance à l’âge de 20 ans.
De 0 à 3 ans une prise en charge est réalisée par le Early Intervention System
(système d’intervention précoce) qui existe dans chaque État des États-Unis.
La participation des parents est essentielle. Ils font partie de l’équipe lors de
l’élaboration du projet pour l’enfant. La prise en charge précoce s’arrêtant
à 3  ans, la transition est réalisée dès l’âge de 2  ans et demi afin que les
objectifs soient poursuivis. Après 3 ans, l’enfant doit avoir un programme
d’éducation individualisé. Ce document écrit liste notamment les services
éducatifs spéciaux dont l’enfant bénéficiera. Ce programme individualisé
est développé par une équipe qui inclut les parents de l’enfant et l’équipe
enseignante. Il est alors nécessaire de proposer des objectifs annuels mesu-
rables, d’établir ce qui relève de l’éducation spéciale et des services reliés,
des aides dont l’enfant pourrait avoir besoin. Lorsqu’un programme éduca-
tif approprié est mis en place pour un enfant avec handicap, l’équipe du PEI
considère l’implication de l’enfant et sa participation dans trois domaines
de la vie scolaire :
• le curriculum général éducatif ;
• les activités hors curriculum ;
• les activités non académiques.
Par curriculum général éducatif, on fait référence à ce que tout enfant de
cet âge peut obtenir et des compétences associées qui sont attendues, par
exemple, les mathématiques, les sciences, l’histoire, etc. Les activités hors
curriculum et non académiques font référence aux activités réalisées sur le
temps scolaire comme le sport, le repas, les récréations, les voyages, les pro-
grammes après l’école, etc.

Évaluation et orientation vers un environnement


le moins restrictif possible
La loi préconise également une évaluation précise des besoins de l’enfant
pour ainsi orienter vers l’environnement le moins restrictif possible. Placer

2. Détail de la loi proposé à l’adresse Internet suivante  : http://nichcy.org/laws/


idea#idea
104 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

l’enfant dans un environnement le moins restrictif possible est un des élé-


ments essentiels pouvant avoir des conséquences sur le développement de
l’enfant. Cela permet à l’enfant de passer le maximum de temps dans son
école et que ce soit les services spécialisés qui viennent à lui si besoin. Il
peut dans ce cas être réellement intégré dans une classe et développer des
relations sociales avec d’autres enfants de son quartier.
Le groupe qui détermine le placement de l’enfant avec handicap doit
inclure des personnes ayant une expertise spécifique ou une connaissance
des besoins de l’enfant :
• les parents de l’enfant ;
• le personnel qui connaît les options des placements dont l’enfant pour-
rait bénéficier ;
• les personnes qui peuvent analyser les données recueillies en vue du pla-
cement pour développement du PEI.
Le placement de l’enfant est déterminé chaque année sur la base du PEI,
proche le plus possible du lieu d’habitation de l’enfant.
L’évaluation initiale de l’enfant est nécessaire pour proposer les meilleurs
placements et suivis possibles de l’enfant : on souhaite évaluer le type précis
de handicap et rassembler tout type d’informations pour évaluer les besoins
et guider la décision sur le programme éducatif approprié pour l’enfant. En
fonction du handicap, les recommandations seront différentes. Ainsi pour
l’autisme, la loi indique que les enfants doivent pouvoir bénéficier de ser-
vices d’intervention précoce et d’un programme éducatif approprié à leurs
besoins spécifiques. De plus, l’enseignement académique et les programmes
d’éducation spéciale doivent être focalisés sur les compétences de commu-
nication et les compétences sociales, académiques, comportementales et
d’autonomie. Les troubles du comportement et de la communication qui
interfèrent avec l’apprentissage nécessitent l’assistance de professionnels
qui ont une connaissance précise de l’autisme pour mettre en place des
procédures spécifiques à la fois à domicile et à l’école.
La consistance et la continuité sont des éléments importants dans le
développement d’enfants avec autisme et les parents devront toujours être
impliqués dans le développement des programmes de leur enfant concer-
nant les activités d’apprentissage, les expériences et les approches qui seront
les plus efficaces.
En France, les conséquences de la loi de 2005 sont considérables sur la
prise en charge d’enfants avec autisme. Nous pouvions penser que cela
permettrait aux enfants d’être en situation scolaire et donc de bénéficier
d’instructions comme la loi le stipule. Malheureusement, les conditions
dans lesquelles les enfants sont accueillis peuvent avoir des conséquences
sur les possibilités de récupération, comme cela est décrit dans la littérature
[54, 55]. Ainsi, placer l’enfant avec une assistante de vie scolaire (AVS), per-
sonne pas totalement incluse dans le projet personnalisé de scolarisation
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 105

du fait de son statut, ceci sans prendre en compte les difficultés de l’enfant
et sans connaissance des techniques d’apprentissage nécessaires, ne nous
permettra pas d’obtenir les résultats escomptés. On parle alors de perte de
chance pour ces enfants [56].
De plus, les enfants avec autisme sont souvent acceptés ou plutôt tolérés
en classes maternelles, mais dès l’âge de 6 ans, le contexte change et seules
quelques écoles acceptent de poursuivre la scolarisation. Le problème de
continuité dans la scolarisation de l’enfant se pose et a souvent pour consé-
quence une perte de temps importante.
On peut donc retrouver des enfants placés en intégration scolaire mais
où aucun objectif précis n’est présenté ou, lorsqu’il existe, correspond au
« développement des conduites sociales ». Sans objectif clairement défini
et en l’absence de techniques d’apprentissage des compétences sociales,
l’intégration en milieu scolaire peut entraver le développement de compor-
tements adaptatifs [57].

Le problème de la scolarisation en France


L’intégration scolaire doit faire partie du traitement comportemental en
­lui-même et l’école ne doit pas être considérée comme simplement un lieu
où l’enfant serait mieux que dans une structure spécialisée. Nous avons pré-
cisé que l’intégration pour l’intégration ne sera pas efficace pour obtenir les
objectifs d’autonomie de l’enfant. Nous avons pour cela besoin d’une équipe
éducative qui sera à l’écoute des objectifs à mettre en place pour l’enfant, des
techniques pour y parvenir et devra accepter la supervision afin de mesurer
l’efficacité des programmes proposés.
La seule différence entre notre système et le système américain repose sur­
l’organisation. Aux États-Unis, il y a un responsable désigné qui fait le lien
entre les différents services, un chef d’orchestre en quelque sorte. En France,
nous avons cinq ou six, voire plus, chefs d’orchestre, et bien souvent les parents
sont les derniers de la liste, soit à obtenir l’information, soit à décider. Pourtant,
tout est fait pour que cela soit évité. Nous pourrions revoir cette organisation
ce qui permettrait de faire perdre moins de temps à l’enfant, aux parents et
à l’ensemble de la famille en général, car la fratrie est souvent oubliée. Dans
notre système, les parents doivent essayer de rassembler les informations, mé-
dicales, médico-sociales, scolaires, extrascolaires, etc., en ayant comme inter-
locuteurs des personnes qui ne sont jamais ensemble autour de la table pour
discuter réellement des besoins de l’enfant. L’enfant n’a pas un handicap mais
se trouve en situation de handicap. Comment pouvons-nous faire en sorte que
cette situation de handicap soit la moins importante possible ?

Actuellement, les conditions d’accueil ne sont pas suffisantes puisqu’­


aucune articulation n’est réalisée. Ainsi, l’objectif des services d’accompa-
gnement comportementaux spécialisés que nous avons pu d ­ évelopper est
106 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

d’accueillir des enfants et adolescents de 0 à 20 ans, non pas dans un lieu


fermé [58-60]. Notre approche consite à les accompagner dans tous les
milieux de vie – famille, école, activités extrascolaires –, et leur donner le
maximum d’opportunités d’apprentissage pour leur vie d’adulte [61, 62].

Étude de cas : Juliette


Pour comprendre comment le traitement peut être organisé, nous allons
prendre un exemple précis : Juliette est âgée de 3 ans et 1 mois lors de la pre-
mière évaluation. Lors de l’entretien, les parents indiquent que l’enfant pré-
sente des comportements étranges. C’est une petite fille extrêmement active.
Elle a toujours quelque chose à faire, vider les placards, les tiroirs, les caisses
de jeu. Elle a acquis beaucoup de compétences en peu de temps. On lui mon-
tre une fois et le comportement semble maîtrisé. À 15 mois, elle est capable de
mettre en route la télévision, d’aller chercher parmi l’ensemble des DVD celui
qu’elle préfère et de vocaliser. À 17 mois, les syllabes apparaissent clairement
mais il n’y a toujours pas de mots fonctionnels, juste des syllabes, « bi bi bi bi
bi » en boucle, aucun mot réellement comme « papa » ou « maman ». Vers
l’âge de 2 ans, elle ne présente qu’un langage en syllabes, souvent la même,
qu’elle peut répéter en boucle des heures et des heures : « mi mi mi mi mi mi
mi ». Au départ, les parents étaient ravis de voir apparaître le langage si tôt. Le
côté envahissant est très perturbant pour les parents car ces comportements
ont des conséquences sur leur qualité de vie. De plus, la méticulosité impres-
sionnante de l’enfant les perturbe. Ainsi, si les parents changent le moindre
détail de sa chambre, elle part dans une colère ingérable  : retirer un objet
posé sur une étagère, alors qu’elle ne les a pas vus y toucher, déclenche une
violente colère qui peut durer plus d’une heure. Rien ne l’arrêtera, même s’ils
replacent l’objet. C’est trop tard. De même, une goutte d’eau sur son tee-shirt,
une tâche sur elle ou par terre déclenchent une tornade. Elle se roule par
terre, hurle, avec des cris à se cacher sous terre, jusqu’à ce que brusquement,
tout s’arrête. Elle se calme jusqu’à la prochaine fois !
Les autres enfants ne l’intéressent pas vraiment. Elle ne joue pas. Elle
observe tous les détails des objets que touchent ses parents mais ne les
regarde pas vraiment. Aucune communication ne semble la préoccuper.
Lorsqu’elle s’adresse à un adulte, le regard n’est pas présent. Pour cette
enfant, ces comportements sont tellement proches d’un comportement soi-
disant normal que rien ne sera alors indiqué aux parents. On parle toujours
de personnalité, de différences entre les enfants ou même de caprices.
En utilisant l’évaluation ADOS (autism diagnosis observation schedule),
ADI-R (autism diagnostic interview-revised), il ressort le diagnostic d’autiste
Asperger ou de haut niveau.
Elle intègre un programme d’intervention intensif et précoce 1 mois
après l’évaluation. Les apprentissages sont réalisés en situation naturelle
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 107

ou de façon individuelle. Déjà un certain nombre de comportements aug-


mentent.
Le curriculum de l’enfant doit comporter les différents domaines du déve-
loppement. Cependant, certains domaines n’étant pas déficitaires, nous
pourrons les utiliser pour développer d’autres compétences. Ainsi, d’un
point de vue moteur, Juliette ne présente aucune difficulté et aucun objectif
ne sera programmé. Nous pourrons, par contre, utiliser ses compétences
pour mettre en œuvre d’autres habilités qui sont en déficit. Pour ce qui est
du comportement verbal, il va être important de travailler sur les différents
opérants verbaux utiles pour une communication fonctionnelle. On peut
voir dans cet exemple que tous les éléments essentiels au développement du
comportement verbal ne sont pas en place. Des prérequis sont alors néces-
saires à développer et dans un premier temps, le regard. Le fait que l’enfant
s’intéresse à l’adulte et partage l’action avec lui – on parle d’attention
conjointe –, est un objectif à atteindre ; ce comportement lui permettra de
développer d’autres compétences [63, 64]. L’objectif de chaque programme
d’apprentissage est qu’il puisse être utilisé dans la vie quotidienne de façon
naturelle, et surtout que les compétences puissent être observées par toutes
les personnes en charge de l’enfant. Ainsi, dans un premier temps, nous
travaillons le regard de façon structurée afin d’accélérer l’apprentissage. Le
plus important sera d’obtenir ce comportement en situation naturelle sans
que des conséquences autres que celles obtenues naturellement puissent
contrôler le comportement de regard. On part d’un environnement très
structuré pour en arriver au milieu naturel dans lequel il existe également
des conséquences qui maintiennent nos comportements. Il n’est pas ques-
tion d’apprendre à l’enfant à regarder et obtenir 100 % de réussite, unique-
ment lorsque l’enfant est en face de nous, assis à une table. Nous devons
mettre en place le contexte d’apprentissage pour que ce comportement
apparaisse sans avoir besoin de modifier l’environnement naturel. Pour
nos comportements, le fait que les personnes nous regardent lorsqu’on leur
parle est une conséquence importante. Il faut toutefois que ce regard ne
soit pas non plus trop insistant car cela peut engendrer des comportements
émotionnels spécifiques de peur ou de gêne. C’est aussi le cas si la personne
est trop proche de nous. Ces comportements sont des comportements
réflexes, vestiges de notre évolution. Ils sont observés également chez les
grands singes : le fait de regarder dans les yeux un congénère peut provo-
quer des comportements agressifs. Regardez comment se comportent les
personnes dans un ascenseur : il n’est pas rare qu’elles regardent les pieds et
non le visage des autres personnes. La proximité produit ce type de compor-
tement pour éviter l’apparition de ces comportements de peur. Pourtant,
nous connaissons souvent les personnes avec qui nous sommes mais cela
reste un comportement réflexe dans lequel le stimulus provoque la réponse.
De même, faites l’essai de vous approcher un peu trop de vos interlocuteurs
108 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

lorsque vous leur parlez, cela les fera reculer, même s’ils vous connaissent
bien. Par contre, dans les conduites de séduction, ces comportements vont
au contraire prendre d’autres formes et le rapprochement déclenchera
d’autres comportements complexes, émotionnels et sexuels [65].
Ainsi, lorsqu’on apprend à l’enfant à émettre le comportement de regard,
il est essentiel de prendre en compte ces considérations  : la distance, la
durée du contact oculaire, l’ajustement avec ce que fait la personne, etc.
Ces programmes sont souvent critiqués pour le côté répétitif dans lesquels
les enfants seraient placés sans qu’ils aient besoin d’agir. C’est justement
ignorer la définition du terme opérant que nous avons vu précédemment.
Lorsque le comportement de regard opère sur l’environnement, il ne
doit être suivi de conséquences que si la réponse est correcte. La réponse,
l’action du sujet est donc nécessaire à l’apparition de conséquences. Pour
cela, différentes techniques d’apprentissage existent, comme le façonnage,
les programmes de discrimination, etc. Et la façon la plus simple d’évaluer
l’efficacité d’un programme et de le considérer comme acquis, c’est lorsque
les personnes extérieures au traitement sont incapables de voir s’il y a eu ou
non apprentissage artificiel pour la compétence.
De la même façon, nous aurons comme objectif les compétences
d’imitation. C’est un programme essentiel car il permet d’apprendre
d’autres comportements de façon non structurée. L’imitation portera
sur des   comportements moteurs mais aussi des comportements vocaux.
Des objectifs précis seront posés concernant l’apprentissage de demandes
d’items ou d’activités renforçantes. Le fait de commencer par de l’imitation
motrice est important car guider ces comportements d’imitation est facile
à faire d’un point de vue physique. Une fois que la compétence d’imitation
motrice est en place, nous pourrons passer à l’imitation vocale. Puisque les
vocalisations spontanées sont importantes chez Juliette, l’objectif sera placé
plus sur les compétences d’imitations vocales. Ce répertoire permettra de
développer les objectifs de compétences verbales, notamment les demandes
et les échoïques qui sont envisagés au chapitre 7.
Les compétences de jeu seront un des objectifs de ce curriculum. Appren-
dre à utiliser les jouets de façon fonctionnelle lui permettra d’augmenter
les compétences d’interaction avec les pairs. Ainsi, apprendre à faire rouler
une balle ou taper dans un ballon lui permettra de participer à des activités
sociales. Lors de ces programmes, nous poursuivons en même temps les
premiers apprentissages, notamment le regard. Pour lancer une balle, il faut
regarder l’autre et pour la recevoir aussi. Tout programme doit avoir une
utilité immédiate dans l’environnement de l’enfant.
Les troubles du comportement étant importants, la situation en classe
n’est pas encore appropriée. Dans ce curriculum, il est important de placer
des objectifs concernant ce que l’on appelle l’observance (compliance en
anglais). Le fait de pouvoir poser des consignes simples à l’enfant comme
Thérapie comportementale : gestion de la pathologie 109

«  viens t’assoir  », «  donne-moi le livre  » ou «  donne-moi la main  » est une


évidence pour tout parent. Or cette simple demande peut provoquer
chez certains des troubles intenses du comportement. L’objectif sera donc
d’apprendre à Juliette à tolérer des situations provoquant la frustration. Ces
programmes sont adaptés aux comportements de l’enfant car ils augmen-
tent progressivement le caractère frustrant de la situation.
Bien sûr, dès que les comportements d’imitations motrices, vocales et
d’observance feront partie du répertoire de Juliette, l’intégration scolaire
pourra commencer en petits groupes puis en groupe de classe traditionnelle.

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7 Applications
de techniques spécifiques
aux interactions sociales

V. Rivière

Résumé
Un des enjeux des sciences du comportement est de présenter des
modèles explicatifs respectant les principes scientifiques et notam-
ment celui de la parcimonie. Ainsi peut-on décrire, prédire et contrô-
ler tout comportement. Les comportements complexes, interactions
sociales ou comportements verbaux, peuvent-ils être analysés en
gardant le même cadre explicatif de la contingence présentée au
chapitre 2 ? Nous souhaitons au cours de ce chapitre présenter l’état
des recherches en analyse du comportement à propos du compor-
tement verbal et social et des applications qui en découlent. Dans
une première partie, nous exposerons les recherches en sciences
fondamentales qui ont permis de développer des applications,
notamment dans le domaine des personnes présentant des troubles
de la communication. Ces recherches fondamentales nous permet-
tront d’exposer les hypothèses concernant les personnes qui présen-
tent des troubles du développement sur l’absence de communication
ou des perturbations des troubles de la communication. Une seconde
partie sera consacrée au développement des comportements sociaux
et à leur relation avec le comportement verbal. Enfin, nous présen-
terons un exemple de protocole d’apprentissage de comportements
sociaux chez le très jeune enfant et chez un enfant avec autisme en
situation scolaire.

Elles se centrent sur les comportements verbaux et les comportements


sociaux.

Développement des comportements verbaux


Le développement de techniques permettant l’acquisition de compor-
tements verbaux a commencé dans les années 1960  [1,  2]. Dans son
ouvrage intitulé Verbal Behavior, Skinner  [1] propose une analyse théo-
rique du comportement verbal selon une perspective fonctionnelle des
effets d’une personne sur une autre. Cette position théorique reste encore
très controversée en psychologie du développement, où l’acquisition du

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
116 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

langage est souvent plus présentée comme une compétence réservée aux
humains du fait de la constitution du système nerveux. Ainsi, l’Homme
serait constitué pour parler. Cependant, sans approche fonctionnelle de ce
comportement, il est difficile d’appréhender les techniques que l’on pour-
rait utiliser pour développer ces compétences lorsque celles-ci n’apparais-
sent pas spontanément.
Skinner propose donc une analyse fonctionnelle et trouve différentes
fonctions du comportement verbal, que l’on nomme aussi opérants ver-
baux. Utiliser le terme de « comportement verbal » a été important pour
Skinner pour le différencier de la notion de « langage ». Le langage fait réfé-
rence à l’approche structurale qui se focalise sur la forme du comportement
en intégrant la source innée de ces compétences [3-5].
Adopter une approche fonctionnelle par opposition à une approche
structurale n’est pas simplement un problème théorique ou d’experts. Cela
a des conséquences sur les techniques de remédiation et d’apprentissage
pour les personnes présentant des troubles du développement. Actuelle-
ment, il faut savoir qu’un nombre important d’adultes avec troubles du
développement ne présentent aucun moyen de communication leur per-
mettant d’avoir accès à leurs besoins les plus primaires. Nous avons évoqué
dans la partie sur l’analyse fonctionnelle que le manque de moyens de
communication est un facteur aggravant pour l’émergence des troubles du
comportement.
Selon l’approche développementale ou structurale, on présente une
vision descriptive concernant la forme que prennent les comportements
comme le babillage, le babillage dupliqué, puis les proto-mots, les mots et
les phrases. Un programme inné semble se dérouler sans qu’on puisse agir
sur celui-ci. Adopter une telle approche limite les possibilités d’interven-
tion, alors que l’approche comportementale permet d’analyser les contin-
gences et les comportements à développer.
En reprenant les éléments présentés précédemment et concernant les
comportements de façon générale, nous allons adopter la même présen-
tation pour le comportement verbal. Nous avons indiqué qu’un compor-
tement est fonction de ses conséquences et que, par ailleurs, un même
comportement, quelle que soit sa forme, peut avoir la même fonction.
Ainsi, des gestes, des signes, des sons ou des topographies vocales diffé-
rentes (les différentes langues) peuvent avoir les mêmes fonctions, même
s’ils diffèrent de façon considérable par leur forme [6, 7]. Dès les premières
heures de vie, le bébé va apprendre par un nombre d’essais considérables la
fonction du comportement de crier. Cette première réponse, le cri, réflexe
au départ, va progressivement opérer sur l’environnement : cette classe de
réponses va évoluer et grâce à cette interaction avec l’environnement (les
efforts des parents sont essentiels), les sons produits par la culture linguis-
tique seront suivis de conséquences positives.
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 117

Nous nous limiterons ici aux opérants verbaux de base et montrerons


comment augmenter le répertoire verbal des personnes présentant des défi-
cits de langage.

Opérants verbaux

Échoïques
Les échoïques sont des opérants verbaux vocaux émis sous contrôle de
stimuli verbaux. On parle de correspondance point par point (la topogra-
phie est similaire) et d’une similarité formelle des stimuli verbaux qui les
contrôlent. Les conséquences qui suivent ces réponses sont nommées renfor-
cements automatiques, c’est-à-dire que c’est la réponse elle-même qui pro-
duit la conséquence. On retrouve ces comportements très tôt chez le bébé,
notamment vers 4  mois au moment où le larynx change de position, ce
type de comportements augmente. Certains parents rapportent que le bébé
« se parle » tout seul dans son lit, le matin ou le soir avant de s’endormir. La
relation avec une autre personne n’est pas en jeu lors de la mise en place de
cet opérant. Ce comportement est essentiel au développement du compor-
tement verbal, car il permet de développer une classe de réponses de plus en
plus importante. Les cordes vocales sont des muscles, il est donc essentiel que
ces muscles soient en action le plus rapidement possible pour être opération-
nels. Cette classe de réponses va évoluer par rapport à des environnements
fonctionnels pour atteindre ce qu’on appelle l’imitation vocale. Le bébé est
capable de dire « maman » lorsqu’on lui présente le modèle vocal « maman ».

Mands (provenant du mot « demande »)


En fonction du contexte environnemental et en présence d’un interlocu-
teur, l’enfant présente des réponses verbales qui lui permettent, par l’inter-
médiaire du médiateur interlocuteur, de répondre à ses besoins. Ainsi,
lorsque l’enfant voit un adulte et recherche un jouet tombé par terre, la
classe de réponses « donne », « je veux » ou des cris peut avoir comme consé-
quence l’obtention de l’objet souhaité. Dans ce cas, l’enfant réitérera cette
classe de réponses. Celle-ci peut être extrêmement large et tout type de topo-
graphie peut émerger  : certaines réponses seront adaptées (signes, gestes,
images), d’autres inadaptées (cris, morsures, taper, etc.). Les conséquences
pour cet opérant sont reliées directement à la demande. Pour cet opérant
verbal, le stimulus antécédent n’est pas un stimulus verbal. C’est l’objet ou
l’activité attendu qui contrôle le comportement de demande de l’enfant.

Tacts (provenant du mot « contact »)


Cet opérant verbal est sous contrôle de stimuli non verbaux, une image,
un objet ou une personne. Les conséquences qui suivent ces comporte-
ments sont des conséquences sociales. C’est un point essentiel de l’analyse
118 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

qui est souvent omis ou mal compris. Nous parlons bien de «  tacts  » ou
«  contacts  » car la fonction de ce comportement est d’obtenir de l’atten-
tion de l’autre. On retrouve très tôt ce type d’opérants dans le répertoire
d’un enfant typique. On parle aussi d’attention conjointe en psychologie
du développement [8, 9]. Le pointage est une forme de réponses de tacts.
On peut observer des aller-retour au niveau du regard de l’enfant qui lui
permettent d’obtenir des conséquences sociales (sourire, être pris dans les
bras, lui parler, etc.).

Intraverbaux
Pour les intraverbaux, les stimuli antécédents sont des stimuli verbaux. Il
n’y a pas de correspondance point par point avec le stimulus antécédent.
Les conséquences ne sont pas spécifiques.
Ces intraverbaux font référence aux conversations et notamment au fait
de répondre à des questions du type « qu’est-ce que tu vois ? », « comment
t’appelles-tu ? », « comment fait-on un gâteau ? » ou de poser des questions
du même type.

Textuel
Pour cet opérant, les stimuli antécédents seront les mots écrits. La réponse
verbale sera le mot lu et la conséquence sera une conséquence non spéci-
fique, sociale ou non. Pour cet opérant, il y a correspondance terme à terme
mais aucune similarité formelle entre le stimulus et la réponse produite. Le
fait de pouvoir prononcer le mot « chat » lorsqu’on voit écrit le mot chat
est un exemple d’opérant verbal de base textuel. Les mots sont des stimuli
visuels, composés de lettres, alors que la réponse textuelle est une réponse
vocale composée de phonèmes.
La lecture n’inclut pas la compréhension de ce qui est lu. Ainsi, vous êtes
capables de lire des mots en japonais, par exemple bonsaï ou arigato (le  r
se prononce  l) sans pour autant, si vous n’avez aucune connaissance du
japonais, comprendre ce que vous lisez. Le terme textuel est utilisé plutôt
que le mot lecture, car la lecture faire référence à plusieurs processus en
même temps.
Transcription
Cet opérant consiste à écrire et épeler les mots qui sont présentés, le sti-
mulus verbal contrôlant la réponse (écrite, tapée ou signée). Il y a une cor-
respondance terme à terme entre le stimulus et la réponse produite mais
aucune similarité formelle. On peut demander à l’enfant d’épeler le mot
« chien ». La réponse « C-H-I-E-N », a une correspondance terme à terme
avec le stimulus mais cette réponse n’appartient pas à la même modalité
sensorielle et/ou n’a pas les mêmes caractéristiques physiques.
Les retards de développement du comportement verbal peuvent être
compris en reprenant une analyse fonctionnelle du développement mais
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 119

aussi les caractéristiques liées aux troubles spécifiques du développement.


Reprenons l’analyse fonctionnelle des opérants, les problèmes portant sur
les antécédents et les conséquences. Ayant mis en évidence que l’enfant
avec autisme présente des troubles des interactions sociales et notamment
des renforçateurs conditionnés, le renforcement social peut ne pas être en
place ce qui limite l’apparition des opérants verbaux comme les tacts, les
intraverbaux, les textuels et les transcriptions. Concernant les mands, tout
enfant ou adulte avec troubles du développement présente des mands, par
contre les réponses utilisées pour obtenir le renforcement spécifique à la
demande sont souvent inadaptées (cris, morsure ou se mordre, taper, etc.).
On parle alors souvent d’enfants ou d’adultes non verbaux ce qui n’est pas
correct. Tout individu présente des comportements verbaux, mais la forme
des comportements n’est pas la même que celle observée dans notre culture
linguistique. Les troubles du comportement le plus souvent retrouvés sont
ceux ayant pour fonction la communication, comme obtenir un objet ou
de l’attention, ou bien encore obtenir le retrait d’une activité ou d’une
interaction.
La figure 7.1 et le tableau 7.1 représentent la chaîne des opérants verbaux.

Figure 7.1. Les opérants verbaux (d’après Moore, 2008, p. 181).


Source : Skinner BF. Verbal behavior. Englewood Cliffs, NJ : Prentice-Hall ; 1957.
120 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Tableau 7.1. Présentation des opérants verbaux de base d’après Skinner [1].
Variables antécédentes Réponse Conséquence
Contexte motivationnel : chaleur Mand : « ouvre Renforcement spécifique
importante la fenêtre » (arrivée d’air par la fenêtre
ouverte)
Stimulus non verbal : voir un jouet Tact : « jouet » Renforcement social
(félicitations et attention)
Stimulus verbal avec une Échoïque : dire « oui Renforcement automatique
correspondance terme à terme oui avec son taxi » et/ou renforcement social
et une similarité formelle : entendre (félicitations et attention)
« oui oui avec son taxi »
Stimulus verbal sans correspon- Intraverbal : dire Renforcement social
dance terme à terme ni similarité « trois p’tits chats* » (félicitations et attention)
formelle : entendre « un deux et/ou renforcement
trois… » automatique
Stimulus verbal avec une Textuel : dire Renforcement social
correspondance terme à terme « couleur » (félicitations et attention)
sans similarité formelle : voir et/ou renforcement
« couleur » écrit automatique
Stimulus verbal avec une Transcription : écrire Renforcement social
correspondance terme à terme « C-O-U-L-E-U-R » (félicitations et attention)
sans similarité formelle : entendre et/ou renforcement
« couleur » automatique
* Chanson enfantine.

Applications de l’approche fonctionnelle


du comportement verbal chez la personne
avec autisme
Les recherches de Lovaas ont permis de mettre en évidence les effets remar-
quables des techniques d’apprentissage sur le développement des compé-
tences verbales de personnes avec autisme. Dès 1966, il met en évidence
qu’en adoptant une approche scientifique du comportement, on peut
apprendre à un enfant de 13  ans à développer un répertoire verbal. Il
indique qu’en réalisant un traitement pour les enfants avec autisme (ou
schizophréniques comme indiqué dans l’article de l’époque), il peut choisir
un programme éducatif comportemental, décomposé étape par étape, afin
de permettre à ces enfants de se comporter comme des enfants typiques. Il
cherche à mettre en évidence l’action de l’intervention comportementale sur
l’apparition de comportements complexes comme le langage. Pour cela, il
utilisera les techniques d’apprentissage de discrimination chez deux enfants
autistes sans répertoire vocal. Il obtient des comportements d’imitations
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 121

vocales et poursuit l’apprentissage pour que les enfants apprennent des


comportements plus complexes comme la grammaire et la compréhension.
Dès cette époque, il observe que certains enfants avec autisme, maintenus
dans l’environnement naturel, peuvent obtenir un comportement verbal
fluide après ces apprentissages. Par contre, d’autres enfants présentent
encore des difficultés à augmenter leur répertoire comportemental verbal.
Cette observation est toujours d’actualité, nous en avons évoqué les hypo-
thèses probables.
Nous avons présenté les fonctions des différents opérants verbaux de base.
Nous allons voir maintenant comment les mettre en œuvre dans l’environ-
nement naturel des personnes en gardant comme objectif l’autonomie.

Développement des échoïques


Le comportement échoïque apparaît très tôt au cours du développement.
Progressivement, l’adulte peut repérer des sons ou phonèmes provenant
de sa culture linguistique. Les sons comme « dada », « papa », « mama »,
« baba » sont des sons qui sont le plus souvent présentés naturellement par
l’enfant. Ce sont ceux qui sont utilisés dans les différentes communautés
linguistiques pour nommer les parents, les réponses étant rapidement sui-
vies de conséquences positives. Lorsque l’enfant produit un son « mama »
ou « dada », les parents ou intervenants vont présenter une conséquence
immédiate à ces réponses. Ils vont donc réaliser une sélection des réponses
adaptées à la culture par les contingences. Dès qu’un son se rapproche des
sons de la communauté verbale, une conséquence est immédiatement
présentée par l’entourage, on parle alors de renforcement positif pour ces
réponses. Sur cette base, la duplication des sons produits fait elle-même
fonction de renforcement automatique pour la réponse d’articulations de
l’enfant [10].
Pour mettre cet opérant sous contrôle de l’environnement, la réponse de
vocalisations doit être présente. Pour cela, il peut être important de dévelop-
per les variations ou d’augmenter les vocalisations de l’enfant. Une vocalisa-
tion peut être définie comme tout son ou mot audible produit par un enfant.
Les rires, la toux, le babillage, les mots reconnaissables ou non sont considé-
rés comme des vocalisations. Après l’émission d’une vocalisation et dans les
3 secondes qui suivent cette réponse, une conséquence doit être présentée,
conséquence renforçante si la probabilité d’apparition de cette réponse aug-
mente. Deux problèmes peuvent surgir : pour renforcer les comportements
de vocalisation, il faut que l’enfant produise spontanément ces réponses.
Or chez certains enfants, ces vocalisations sont absentes de son répertoire
et il faudra passer par des procédures de façonnage, comme l’imitation des
mouvements de bouche. On pourra commencer, comme nous l’avons pro-
posé, par repérer la moindre production sonore : le fait de tousser, de rire
ou de respirer fort par exemple. Le second problème possible concerne la
122 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

perception des contingences de renforcement entre la réponse de vocalisa-


tion et la conséquence qui suit. C’est un point important et essentiel, sur-
tout chez l’enfant avec autisme. C’est pourquoi si les contingences ne sont
pas claires, le répertoire de l’enfant ne pourra pas augmenter. La réceptivité
de l’enfant aux situations d’apprentissage est importante. Donner trop de
consignes en même temps peut perturber l’enfant et l’empêcher de repérer
les contingences en jeu.
Le contexte d’apprentissage doit être agréable. Le fait de se placer près de
l’enfant permet de donner une conséquence en moins de 3 secondes après
l’émission. L’enfant peut être par terre, couché, assis sur un canapé, dans un
lit, dans la baignoire. Toutes ces situations naturelles permettront à l’enfant
d’apprendre à condition que les contingences soient bien claires. Dans ce
cas, pas de consignes, seules les réponses spontanées seront renforcées. Nous
travaillons les vocalisations et non l’imitation. Il est généralement stipulé
de définir un critère d’acquisition pour ces comportements, par exemple
deux, ou plus, vocalisations par minute sur 5 jours au moins. Les sessions
durent en moyenne 5 à 10 minutes en fonction de l’âge de l’enfant. Pour
des enfants très jeunes on pourra répéter ces situations plus souvent mais
sur une durée plus courte.
Bien évidemment, il faudra avoir une évaluation précise de son réper-
toire pour tous les comportements verbaux [11, 12] avant de commencer
un programme d’apprentissage, ceci afin d’éviter de perdre du temps dans
l’apprentissage de compétences déjà en place. Il est essentiel de partir du
répertoire comportemental de l’enfant et non de suivre un programme tout
préparé, car c’est ce qui permettra d’accélérer le développement de la spon-
tanéité, compétence souvent absente chez l’enfant avec autisme.
La seconde phase concernera l’imitation proprement dite. Pour réaliser
cette étape, nous devons utiliser des sons que l’enfant produit de façon
spontanée, vocalisations que nous avons repérées dans les phases précé-
dentes. Nous devons utiliser également des sons qui peuvent être guidés,
comme le « m » qui peut être guidé en maintenant les lèvres de l’enfant
fermées, ou le « o » où la simple ouverture de la bouche et la production du
son permettent l’apparition rapide de la réponse. Il sera aussi important
d’utiliser des sons rencontrés fréquemment dans le répertoire de l’enfant
typique. Nous avons précisé que les réponses qui apparaissent chez tous
les enfants, quelle que soit la culture linguistique, sont les sons comme
« pa », « ba », « ma » ou « a », « o ». Toutes les variations pourront être
utilisées.
Le fait que ces réponses apparaissent, étant déjà dans son répertoire,
permet de donner l’opportunité de renforcer ces réponses. La contingence
peut être résumée de la sorte  : le stimulus vocal est présenté («  ba  »), la
réponse apparaît «  ba  » et la conséquence positive est présentée dès
l’émission de la réponse. Les problèmes concernant l’apprentissage de
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 123

ces réponses proviennent du fait que l’on ne peut guider physiquement


l’enfant. Certains sons présentent des caractéristiques physiques visibles sur
la bouche de l’intervenant  : en effet, voir produire le son «  o  » en regar-
dant le visage de l’intervenant permet de guider la réponse de l’enfant. Si
l’enfant se base sur ces indices pour réaliser l’imitation vocale, il faudra
progressivement estomper cette guidance pour que ce soit bien le stimulus
vocal qui évoque la réponse et non le visage de l’intervenant. Travailler
sur la compétence d’imitation est essentiel car cela permet à l’enfant de
produire des réponses qui ne pourront pas être guidées : le « r », le « k »
et le «  g  », par exemple, sont des sons qui ne peuvent apparaître que si
la compétence d’imitation est réellement en place. Certains apprentissages
des mouvements de la bouche et de la langue devront être nécessaires si ces
comportements n’apparaissent pas.
Les premières imitations peuvent demander des efforts importants à
l’enfant. Il sera donc essentiel de vérifier que le contexte d’apprentissage
soit toujours positif car des associations entre une situation aversive et une
situation d’apprentissage pourraient se créer, ce qui perturberait sérieuse-
ment l’efficacité de l’apprentissage.
Dans un dernier temps et au sujet des échoïques, l’apprentissage devra
prendre en compte la discrimination temporelle entre la présentation du
stimulus vocal et le renforcement qui suit toute réponse vocale produite
par l’enfant. Les contingences doivent être précises : la durée entre la pré-
sentation du stimulus vocal et la réponse ne doit pas excéder 5 secondes,
durée qui sera progressivement réduite pour tendre vers la situation natu-
relle de 2 secondes environ. Cette précision peut sembler négligeable, mais
l’ensemble des recherches ont mis en évidence les éléments nécessaires qui
permettent d’augmenter l’efficacité des apprentissages présentés à l’enfant
[10]. C’est toute cette technicité qui rend difficile une présentation qui, si
elle est imprécise, peut conduire à des erreurs dans les applications.
Pour clarifier la contingence, il est essentiel de ne pas rajouter de
consignes particulières comme «  dis…  ». Cela nous semble simple, mais
pour l’enfant, discriminer ce qu’il doit répéter ou non est une difficulté
supplémentaire qui peut le perturber. Il n’est pas rare d’entendre des pro-
fessionnels indiquer qu’en utilisant ces techniques comportementales, les
enfants présentent un langage robotisé, notamment au moment où l’enfant
imite l’ensemble des sons, mots et phrases dites par l’entourage. Bien évi-
demment, l’opérant échoïque n’est pas le seul opérant à travailler mais c’est
une étape essentielle à l’apparition d’un comportement verbal complexe.
Il serait dommageable de réduire ces opérants verbaux, car ils permettent à
l’enfant d’entraîner les muscles des cordes vocales, ce qui rend plus simple
les apprentissages sur la forme des réponses. Par contre, l’objectif principal
de cet apprentissage sera de rendre ces réponses échoïques sous contrôle du
stimulus vocal et uniquement de ce stimulus.
124 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Les apprentissages vont se poursuivre pour en arriver aux syllabes, mots


et phrases. Les mêmes techniques seront utilisées, en veillant à respecter le
contexte dans lequel l’enfant vit. Les mots ou phrases à apprendre à imiter
devront être reliés à ce qu’il pourra utiliser par d’autres opérants verbaux
comme les mands ou les tacts.

Développement des mands


Le développement de mands est crucial pour la qualité de vie de la per-
sonne. C’est une des priorités dans les programmes comportementaux
depuis plus de 40 ans et les techniques pour développer ces opérants ver-
baux sont maintenant bien maîtrisées. Pourtant de nombreuses personnes
n’ont toujours pas la possibilité de réaliser des demandes pour répondre
à leurs besoins. Ces techniques peuvent être utilisées quel que soit l’âge
et pour des personnes ayant un répertoire comportemental moteur très
réduit  : même un simple battement de paupière permet de réaliser des
demandes. La forme de la réponse n’est pas importante dans l’approche
fonctionnelle. Si en battant deux fois des paupières vous pouvez obtenir de
l’eau lorsque vous avez soif et que vous ne pouvez pas bouger, cet apprentis-
sage vous permettra d’agir ou d’opérer sur votre environnement malgré le
handicap moteur sévère.
Pour les enfants ou adultes avec autisme, le répertoire comportemental
peut être simple à développer. Pour développer les mands, il faut pou-
voir analyser et observer précisément les comportements de l’enfant. La
compréhension de la définition du mand est essentielle pour mettre en
place les apprentissages adaptés. Le stimulus antécédent ne doit pas être
verbal et la conséquence doit être spécifique. Après avoir évalué les ren-
forçateurs potentiels (alimentaires, tangibles, jeux et activités), nous
pourrons choisir un mot, un son, un geste, un signe ou une image qui
permettra à l’enfant d’obtenir à nouveau le renforçateur spécifique. Il est
essentiel d’apprendre la contingence simple, vision du stimulus recher-
ché (l’enfant ne doit pas pouvoir l’atteindre), car le mand est fonction
d’un interlocuteur, c’est un renforçateur que l’on ne peut obtenir sans
l’intervention d’une autre personne. La réponse «  je veux un gâteau  »
n’est pas en soi un mand. Ce n’est pas la forme de la réponse qui est
importante mais bien sa fonction. Des comportements non verbaux
sont associés à cet opérant verbal. Le fait de regarder l’intervenant est un
point primordial pour émettre la réponse de mand. En effet, présenter la
réponse « je veux un gâteau » alors que la personne n’est pas dans la salle
ou que l’intervenant est loin de l’enfant n’est pas un mand. Certains
comportements non verbaux devront être travaillés en parallèle comme
le regard, le fait d’interpeller l’intervenant en lui tapant sur le bras, en
lui tirant délicatement le pull. Tous ces éléments sont présents dans
notre répertoire. Si une personne ne semble pas être affectée par notre
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 125

comportement de demande, nous répétons plus fort la demande ou nous


allons nous rapprocher d’elle, jusqu’à ce que notre comportement opère
sur le comportement de l’autre. C’est l’objectif à atteindre dans l’appren-
tissage de mands. Bien évidemment cela sera décomposé, étape par étape,
là encore en fonction du répertoire observé de l’enfant. Il faut que ce soit
bien la vision de l’adulte qui contrôle le comportement de mands, que
l’enfant puisse se diriger vers lui et qu’il ne puisse pas atteindre l’objet ou
l’activité désirée sans la médiation de l’adulte. Toutes ces précautions per-
mettront d’obtenir un répertoire de mands spontanés, ce qui est l’objectif
à atteindre.
Il faut donc intervenir sur l’environnement afin d’évoquer au maximum
les mands possibles. Le fait de donner de façon non contingente (sans
réponse particulière de la part de l’enfant) le renforçateur spécifique stoppe
la présentation de ce dernier. L’observation des comportements de l’enfant
est importante car, comme nous l’avons déjà signalé, il n’est pas possible
de rendre cette situation aversive. Il faut donc proposer des guidances pour
ne pas mettre l’enfant en échec. Connaître le répertoire vocal ou moteur
de l’enfant est donc nécessaire. La guidance qui sera apportée sera fonc-
tion de ce répertoire. Si l’enfant ne peut émettre que le son « o » ou « a »,
cela suffit pour commencer l’apprentissage d’un mand. En fonction de ses
compétences d’imitation, nous pourrons augmenter les exigences de son
répertoire de mands.
Voici les grands points à vérifier lors de la mise en place des mands chez
l’enfant ou l’adulte.
• attendre que l’enfant manifeste de l’intérêt pour une activité, un objet,
une personne, ce qu’on nomme conséquence spécifique. Il faut voir appa-
raître des comportements non verbaux comme le contact oculaire ou le fait
d’attirer l’attention de l’intervenant (nous verrons précisément le dévelop-
pement de ces compétences p. 115) ;
• retirer la conséquence spécifique et donner le modèle du mand ;
• attendre que l’enfant imite le modèle du mand ;
• si la réponse n’apparaît pas après la présentation du modèle dans les 2 à
3 secondes, produire à nouveau le modèle en laissant 2 à 5 secondes entre
chaque essai en rendant plus saillant la conséquence spécifique. Si le lan-
gage des signes est utilisé, on pourra se servir des guidances physiques ;
• la conséquence spécifique doit apparaître immédiatement, voire en
même temps que la réponse émise. En fonction du répertoire de l’enfant,
des approximations seront renforcées dans un premier temps pour augmen-
ter progressivement l’exigence ;
• la dernière phase concernera l’estompage du modèle pour que seule la
réponse, le mand, apparaisse sans aucune autre guidance que le contexte
naturel. Cet estompage peut être extrêmement graduel en fonction des
comportements de l’enfant. On peut prononcer le début du mot « GA… »,
126 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

pour gâteau en s’assurant que l’enfant donne bien la réponse complète


« GÂTEAU » et non juste la fin du mot « TEAU ».
Chez le très jeune enfant, les activités peuvent être extrêmement variées :
se balancer, sauter sur un trampoline, chatouiller, mettre en route le lec-
teur de DVD, etc. Ces demandes doivent être travaillées dans les différents
contextes et avec différents intervenants, parents, éducateurs. Toute situa-
tion peut être une opportunité d’apprentissage. C’est le contexte naturel qui
permettra l’émergence de ces comportements dits spontanés, c’est-à-dire
sans qu’aucun stimulus verbal ne soit présent. De ce fait, répondre à la ques-
tion « qu’est-ce que tu veux ? », n’est pas un mand puisque vous présentez un
stimulus verbal avant la réponse obtenue. Certains chercheurs parlent alors
de mands « impurs » [13]. Ceci peut paraître anodin mais en présentant un
stimulus verbal pour évoquer la réponse de mand, nous empêchons l’émer-
gence de comportements de mands spontanés, surtout chez l’enfant avec
autisme. Il faut donc maîtriser parfaitement les définitions pour développer
les opérants verbaux et notamment faire en sorte qu’ils apparaissent de plus
en plus dans le répertoire de l’enfant [14].

Développement des tacts


Les variables en jeu dans les tacts sont les stimuli non verbaux et les consé-
quences sociales ou renforçateurs dits généralisés. Il est souvent observé
chez les personnes avec autisme une absence de tacts spontanés adaptés,
c’est-à-dire, tout comme pour les mands, des tacts produits par des stimuli
non verbaux ; le renforçateur est donc l’intervention d’une autre personne
par l’attention sociale qu’elle produit. Les comportements émis pour obte-
nir de l’attention sociale sont nombreux dans notre répertoire. Ils peuvent
être adaptés ou inadaptés. L’attention sociale est un renforçateur extrême-
ment puissant et nous sommes tous en demande de ce type de renforçateur.
Pour obtenir cette attention sociale, les comportements verbaux comme
les tacts sont les plus développés. Les premiers comportements de tacts chez
le très jeune enfant sont le pointage  : notons que ces comportements de
pointage font partie des éléments importants dans le dépistage de l’autisme
dès les premiers mois, car ils sont souvent absents du répertoire de l’enfant.
En analysant les variables en jeu dans le développement de  tacts, on
comprend que ces comportements n’apparaissent pas spontanément chez
l’enfant avec autisme. Quant à l’attention sociale, elle n’est pas a priori
un renforçateur généralisé comme ce qui a pu se mettre en place chez
l’enfant typique. Ces éléments sont déterminants pour le développement
des comportements verbaux. Pour développer les tacts, il faut donc dans
un premier temps produire des renforçateurs généralisés, notamment que
le  parent ou l’intervenant puisse être la conséquence positive pour pro-
duire un son, un mot en présence d’un stimulus antécédent : une image,
une photo, un objet [15].
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 127

Ces entraînements, nous le verrons un peu plus loin, sont très proches de
ce que l’on appelle en psychologie du développement, l’attention conjointe.
On peut considérer l’attention conjointe comme un ensemble de tacts  :
devant un objet, le bébé pointe un objet ou une image et regarde de façon
simultanée l’adulte pour obtenir une approbation sociale.
Cette prise en compte des renforçateurs généralisés comme l’attention
sociale est souvent omise dans les programmes de développement des tacts.
On parle plus de dénominations pures sans que l’intervention de l’adulte
par exemple joue un rôle dans la contingence. On présente une image de
chien à l’enfant, il donne la réponse orale « chien » et il obtient une consé-
quence non spécifique, une conséquence alimentaire ou une approbation
sociale. Le fait de produire la réponse sans la présence de comportements
non verbaux, comme d’obtenir le regard de l’adulte avant de dénommer
ou de pointer l’objet, bloque l’apparition de tacts spontanés. En effet, les
variables qui ont permis l’entraînement ne sont pas les mêmes que celles en
jeu dans la situation naturelle. Dire bonjour lorsque quelqu’un arrive dans
une pièce est un tact. En présence de la vision d’une personne, la réponse
«  bonjour  » sera renforcée par la réponse de la personne entrant dans la
salle. Nous commençons à percevoir la mise en place des comportements
sociaux [16].
Une fois encore, en fonction du répertoire de l’enfant, il faudra décom-
poser les apprentissages pour obtenir les comportements dits spontanés,
c’est-à-dire sans que d’autres stimuli hormis ceux retrouvés en situation
naturelle apparaissent. Obtenir des tacts spontanés nécessite donc de bien
connaître ces éléments d’analyse du comportement verbal. Le fait que
l’enfant connaisse le nom de plus de 100 items, objets ou actions, ne lui
permettra pas de développer des tacts spontanés si ces précautions n’ont
pas été prises [17].
Progressivement, l’enfant sera placé en situation de dénomination, c’est-
à-dire qu’il pourra donner la réponse verbale associée à l’image ou à la situa-
tion présentée. Une fois encore, ces réponses peuvent être réalisées par des
signes, par des images ou par une réponse vocale. La forme de la réponse
n’est pas un objectif mais on se focalise sur la fonction de ces réponses. Ces
compétences vont évoluer vers les compétences de ce que l’on appelle le
langage réceptif, c’est-à-dire le fait de pouvoir dénommer un certain nom-
bre d’objets, toujours de son environnement quotidien.
Chaque apprentissage nécessite une connaissance précise du développe-
ment typique du langage de l’enfant, des contingences naturelles qui régu-
lent nos comportements et du répertoire réel de l’enfant.
Dans la mise en place des traitements comportementaux, des recherches
se sont focalisées sur la façon d’aménager les apprentissages des mands et
des tacts. Carroll et Hesse [18] étudient les effets de l’entraînement alterné
aux tacts et aux mands. Pendant l’entraînement aux mands, une réponse
128 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

en présence d’un objet permet de l’obtenir. En situation d’entraînement


aux tacts, l’expérimentateur présente les objets comme stimuli non verbaux
discriminatifs et une conséquence sociale est présentée suite à l’émission
d’une réponse correcte. Les résultats indiquent que les entraînements aux
mands semblent faciliter l’acquisition des tacts. Ces deux opérants verbaux
ne seraient donc pas indépendants [19-21]. Le développement des appren-
tissages concernant ces opérants verbaux permet d’augmenter le répertoire
verbal de personnes ne présentant pas ces compétences de base au départ
[11, 22, 23].

Développement des comportements sociaux


L’approche fonctionnelle est l’essence même des sciences du compor-
tement. Nous avons présenté un exemple de cette analyse fonctionnelle
sur le comportement verbal. Nous présenterons de la même façon les
techniques utilisables pour le développement de comportements sociaux
adaptés, comportements extrêmement perturbés chez la personne allant de
l’autisme sévère à l’autisme de haut niveau ou autisme Asperger.
La définition de l’interaction sociale est très proche de celle du comporte-
ment verbal. Pour Skinner [24] ou Moore [25], le comportement verbal est
inclus dans les interactions sociales. En effet, une interaction sociale met en
jeu deux individus, où le comportement de l’un modifie le comportement
de l’autre et vice versa. On parle d’interactions dans le sens fonctionnel
(figure 7.2).
Vous pouvez remarquer que dans le premier cas (voir figure 7.2a), l’enfant
reçoit une conséquence positive alors que l’adulte reçoit une conséquence
négative (renforcement négatif, le comportement produit le retrait de la
conséquence aversive  : les cris). Dans le second cas (voir figure  7.2b), les
deux acteurs obtiennent des conséquences positives (le fait d’être porté
pour l’enfant, les sourires de l’enfant pour le parent).
Afin de développer les compétences sociales d’un enfant avec autisme, il
faudra décomposer étape par étape les éléments qui les composent. Diffé-
rents programmes de développement de compétences sociales existent mais
la difficulté est d’être suffisamment exhaustif et de repérer les compétences
sociales de base permettant à l’enfant d’apprendre à apprendre par l’inter-
vention des contingences naturelles [26].
Dans le développement des compétences sociales, l’attention conjointe
est un élément important. L’attention conjointe est classiquement définie
comme la capacité d’utiliser des gestes ou d’avoir un contact oculaire pour
coordonner l’attention avec une autre personne, ceci afin de partager l’expé-
rience avec un objet ou un événement intéressant [27]. Cet exemple nous
permettra de mettre en évidence les liens étroits entre le développement du
comportement verbal et le comportement social. Le comportement verbal
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 129

Figure 7.2. Représentation schématique d’une contingence de l’interaction sociale avec


des comportements inadaptés (a) et adaptés (b) selon une analyse comportementale.
R : réponse ; SD : stimulus discriminatif ; SR+ : renforcement positif ; SR− : renforcement négatif.
130 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

ne peut exister en dehors d’une interaction sociale. Bien sûr, même si se


parler à soi-même peut être considéré comme du comportement verbal,
l’important est que le comportement d’un auditeur soit modifié par le
comportement d’un locuteur et vice versa, définition similaire à celle des
interactions sociales.
Pelaez [28] souligne que l’attention conjointe et la référence sociale sont
les caractéristiques principales des interactions parents–enfants ou capaci-
tés «  co-dépendantes  ». En effet, l’émergence de l’attention conjointe est
décrite comme comportement crucial pour le développement social et
communicatif de l’enfant et du développement de la référence sociale [29].
Ce comportement d’attention conjointe résulterait des contingences envi-
ronnementales qui opèrent durant les interactions entre mère et enfant lors
de la petite enfance [28]. Le comportement de l’un vis-à-vis de l’objet ou de
l’événement renforce le comportement de l’autre et vice versa.
Ces comportements sociaux peuvent donc être appris, comme tout
comportement. Ainsi, les procédures d’apprentissage de ces comportements
sociaux, développées en analyse du comportement, reprennent les élé-
ments importants de la contingence, tout comme les stimuli discriminatifs
permettent d’évoquer la réponse de regard ainsi que les réponses vocales,
vers l’objet et vers les yeux de l’adulte. Dans l’attention conjointe, il y a
bien sûr les réponses aux initiations elles-mêmes, mais aussi les réponses
d’initiation de l’attention conjointe. Une fois de plus, pouvoir analyser les
contingences qui régissent ces comportements de réponses aux initiations
et de réponses d’initiations permet de développer les procédures d’appren-
tissage [30]. Dans la recherche de Taylor et Hoch [31], durant la ligne de
base, les participants ont démontré des niveaux modérés de réponses pour
le comportement de regarder vers l’item, pour les commentaires et les
regards vers l’instructeur. L’évaluation des compétences avant traitement
est essentielle pour mettre en évidence l’effet du traitement sur les compor-
tements des enfants. Le traitement comportemental consiste à présenter
des guidances spécifiques pour évoquer les réponses cibles et à renforcer ces
réponses. Après entraînement, la performance des enfants s’est beaucoup
améliorée à la fois pour les réponses d’initiations elles-mêmes et pour les
réponses aux initiations d’attention conjointe. L’effet de l’environnement
sur le développement des comportements d’attention conjointe a été large-
ment développé dans les programmes comportementaux, comportements
maintenus par des événements environnementaux et des contingences
sociales. Ces programmes doivent être développés le plus rapidement pos-
sible lors de la mise en place du comportement verbal [32].
Voici un exemple de procédures permettant d’augmenter les comporte-
ments d’attention conjointe. Klein, Travers, Klinger, Klinger et Kana [33]
définissent la réponse cible qui est la réponse de suivi du regard. Cette
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 131

réponse sera renforcée positivement lorsque l’enfant porte son regard sur
l’objet cible. Trois jouets mobiles et mécaniques pouvant être activés sont
présentés dans trois lieux différents. Le fait de varier les objets et les empla-
cements permet d’augmenter la généralisation des comportements. L’inter-
venant regarde vers un des trois jouets cibles. Si l’enfant regarde l’item cible
selon le stimulus discriminatif non verbal (le regard de l’intervenant), une
conséquence positive apparaît. Si le comportement cible n’est pas émis,
le  jouet est activé, puis progressivement l’intervenant diffère l’apparition
de l’activation du jouet pour transférer le stimulus contrôle (le jouet activé)
vers le stimulus discriminatif de la situation naturelle (le regard de l’adulte).
Cette procédure permet l’augmentation de la réponse de suivi, mais le
développement de l’attention conjointe nécessite aussi le fait d’initier les
réponses. De la même façon, des procédures ont été développées en ana-
lysant les composantes en jeu dans la contingence. Durant l’entraînement,
un item choisi selon une évaluation des préférences est présenté de manière
à ce que l’enfant le perçoive, contrairement à l’expérimentateur. L’expéri-
mentateur attend 10 secondes pour que l’enfant émette un comportement
d’initiation. Si le comportement cible est présent, un agent renforçateur est
délivré et un feed-back est émis en alternant le regard de l’adulte entre l’item
cible et le regard de l’enfant. Si aucune initiation n’est émise, le jouet est
retiré [34].
Mais peut-on comprendre pourquoi ces comportements, qui semblent se
développer sans difficulté chez l’enfant typique, n’apparaissent pas chez la
personne avec autisme, même lorsqu’elle possède des compétences intellec-
tuelles exceptionnelles, comme les personnes Asperger ? Une fois encore,
les recherches permettent d’obtenir des éléments d’analyse sur ces contin-
gences et sur la façon de mettre en place les apprentissages.
Les outils technologiques ont permis le développement de nouvelles
recherches, notamment celles sur la poursuite oculaire. Il semble que les
éléments d’un visage, lors de situation de discrimination d’expression émo-
tionnelle, varient selon les expressions [35]. Par exemple, pour l’expres-
sion de joie ou de surprise, la bouche est la région qui est la plus corrélée
à la discrimination correcte, alors que pour l’expression de peur, c’est la
région des yeux. Les personnes avec autisme présentent, dans ces tâches
de discrimination, des patterns différents de poursuite oculaire des visages
par rapport à des personnes typiques. La plupart des études sont surtout
réalisées chez l’adulte de haut niveau, souvent des personnes Asperger, qui
sont capables de suivre des consignes simples avec un niveau verbal élevé.
Le contrôle des réponses de discrimination par le stimulus antécédent n’est
pas en place chez ces personnes et en particulier le pattern de poursuite
peut être inefficace dans le sens où la personne regarde des zones non per-
tinentes (figure 7.3).
132 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Figure 7.3. Exploration visuelle de visages avec expressions faciales différentes


d’adultes avec autisme ou d’adultes sains.
Source : Pelphrey KA, Sasson NJ, Reznick JS, Paul G, Goldman BN, Piven J. Visual scanning of faces in adults
with autism. Journal of Autism and Developmental Disorders 2002 32(4): 249-261.

Dans leur expérience, Pelphrey, Sasson, Reznick, Paul, Goldman et


Piven [36] cherchent à étudier la façon dont des adultes avec autisme de
haut niveau regardent spontanément des visages exprimant différentes
émotions, de manière spontanée mais aussi lors d’une tâche de dénomi-
nation des expressions présentées. Les fixations oculaires des participants
avec autisme sont moins organisées, et moins dirigées vers les parties les
plus pertinentes du visage (yeux, nez, bouche) comme nous pouvons le
constater sur la figure 7.3. La performance des personnes avec autisme, en
tâche de dénomination des expressions émotionnelles, est moins bonne
notamment pour l’expression de peur.
Ces éléments ne sont pas uniquement intéressants pour la compréhen-
sion des retards de développement des compétences sociales chez la per-
sonne avec autisme, mais ils sont devenus une orientation de recherche
pour le dépistage précoce de l’autisme. Certaines recherches se sont por-
tées sur l’analyse des vidéos réalisées par les parents lors du premier anni-
versaire des enfants, lesquels ont reçu le diagnostic d’autisme plus tard.
Ces bébés présentent une orientation réduite vers les stimuli sociaux en
comparaison des patterns de réponses observés chez des bébés typiques du
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 133

même âge [37]. Les comportements comme «  montrer  », «  pointer  » ou


« répondre à son prénom » sont peu retrouvés voire totalement absents en
comparaison de bébés typiques. La variable « nombre de fois où l’enfant
regarde d’autres personnes  » semblait dans cette étude être le meilleur
prédicteur du diagnostic posé plus tard. Les troubles des conduites sociales
sont donc dépistables dès l’âge de 1 an. Ce sont de bons prédicteurs des
troubles envahissants du développement et différents de ceux du dépis-
tage du retard mental [38]. D’autres études montrent que les enfants avec
autisme préfèrent s’orienter très tôt vers des stimuli non sociaux (comme
des formes, des cubes, des figures géométriques ou des objets) plutôt
que sociaux (vidéos d’enfants qui dansent par exemple) en comparaison
d’enfants au développement typique ou présentant des retards de déve-
loppement [39].
En reprenant l’analyse des contingences présentées ci-dessus, l’ensem-
ble de ces éléments permet de mieux comprendre comment l’absence
d’un environnement fonctionnel peut agir sur le développement
des comportements tels que le comportement verbal ou les conduites
sociales. Le fait que les stimuli sociaux comme le visage de l’adulte ou
les approbations sociales ne soient pas fonctionnels engendre des retards
voire une absence d’apprentissage ; en effet, le répertoire comportemen-
tal ne peut se développer puisque les contingences naturelles ne peuvent
exister [40]. Ces éléments perturbent le développement très tôt, ce qui
est observable dès l’âge de 6 mois [41]. La terminologie troubles enva-
hissants du développement prend tout son sens (figure 7.4 : voir cahier
couleur).
Les données obtenues chez des bébés dès l’âge de 4 mois nous mon-
trent également que des perturbations, qui peuvent sembler peu domma-
geables à cet âge, ont des répercussions considérables sur le développement
de l’enfant. C’est un des points qui retarde malheureusement la pose d’un
diagnostic ou d’un dépistage. L’analyse précise de la qualité des compor-
tementaux sociaux devrait devenir une priorité dans l’élaboration d’outils
diagnostiques.
Développer des programmes d’intervention qui agiraient sur les déficits
d’observation, soit en modifiant les stimuli, soit en imposant des contin-
gences sur le comportement d’observation, est un objet de recherche
essentiel, puisque nous l’avons vu, ces comportements sont nécessaires au
développement du comportement verbal fonctionnel [40, 42, 43].
Différentes recherches ont mis en évidence le développement de cur-
riculum de compétences sociales variées. Chaque composant permet de
développer des programmes d’apprentissage associés. Pour certains enfants,
en fonction de leur compétence avant traitement, seules certaines compé-
tences seront en apprentissage alors que pour d’autres, il faudra progresser
étape par étape de façon plus rigoureuse.
134 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Les compétences sociales peuvent être décomposées en différentes sous-


compétences (la décomposition n’est pas exhaustive, ceci reste un exemple
de curriculum des compétences sociales) :
• le langage social :
– changer de thème de discussion,
– initier un thème de discussion,
– maintenir une conversation sur un thème de discussion,
– changer de thème de discussion et en initier un nouveau,
– terminer une conversation,
– avoir une prosodie adaptée ;
• les interactions sociales :
– savoir présenter des excuses,
– savoir donner des compliments,
– aider une personne en difficulté,
– négocier quelque chose avec quelqu’un,
– porter attention à l’autre,
– remercier une personne,
– prendre la parole à tour de rôle ;
• l’estime de soi :
– résolution de conflits,
– exprimer ses désirs,
– apprendre à perdre,
– apprendre à gagner,
– positiver sur des solutions problématiques ;
• le contexte social :
– initiation d’une interaction,
– réponses aux signes sociaux,
– savoir retrouver les éléments sociaux manquants,
– savoir réaliser des inférences ;
• les règles sociales :
– compliance (observance),
– savoir reconnaître les règles sociales,
– suivre les règles ;
• les compétences de groupe :
– répondre en même temps que le groupe,
– discuter dans un groupe,
– résister à la pression du groupe ;
• les absurdités :
– figures de styles,
– savoir réaliser des blagues, avoir de l’humour,
– gérer la déception et la duperie.
Cette liste peut paraître soit trop exhaustive, soit pas suffisamment pré-
cise car nos comportementaux sociaux ne doivent pas être résumés à ce
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 135

type de contingences. De la même façon que pour les comportementaux


verbaux, l’important est d’apporter à la personne avec autisme, un réper-
toire suffisamment important pour continuer à apprendre en situation
naturelle. Chacune de ces compétences sera détaillée sous forme de pro-
gramme d’interventions.

Études de cas

Premiers objectifs de compétences sociales


chez le très jeune enfant avec autisme
Paul a été diagnostiqué avec autisme à l’âge de 2 ans et 9 mois. Il présente
des comportements de contacts oculaires très furtifs et préfère rester dans sa
chambre loin des autres, enfants ou adultes. Il présente des comportements
de stéréotypies importants, se balancer dans le coin de sa chambre, jouer
avec des fils ou tout objet apparenté (câbles, cordelettes, fil de téléphone,
etc.). Tout contact avec l’adulte engendre des comportements inadaptés de
cris, de pincement ou d’échappement. La mère de Paul est la seule à pouvoir
le toucher sans problème important. Il tente toujours de s’échapper mais
elle réussit à le maintenir avec elle quelques minutes (deux ou trois) sans
que des troubles du comportement apparaissent.
Il est intégré dans un programme d’intervention comportementale à
l’âge de 3 ans. Une des priorités du programme individuel éducatif de Paul
concernant son curriculum sera consacrée au développement de compé-
tences sociales en testant les réactions de Paul face aux événements sociaux.
Le premier objectif comportemental sera que Paul accepte la présence d’un
adulte près de lui pendant un temps donné lorsqu’il est en situation de « jeu
libre  ». La définition de la situation de jeu est complexe car, notamment
chez les enfants avec autisme, le jeu n’est pas fonctionnel. Chez Paul par
exemple, vous pouvez le laisser seul pendant des heures si vous lui donnez
accès à des objets en forme de fils. Ce comportement nous démontre bien
le côté « envahissant » de certains comportements qui vont bien sûr engen-
drer des troubles du développement. Afin de rendre la situation agréable,
nous laissons donc Paul avoir accès à ses objets préférés mais nous allons
mesurer les comportements émis par Paul lorsqu’on s’approche à 1 m puis
50 cm de lui. Lorsque l’intervenant s’approche de Paul, on peut observer
des comportements de cris et de griffures dirigés vers l’intervenant. À ce
moment, aucune conséquence n’est présentée face à l’émission de ces
comportements. L’intervenant a pris les précautions nécessaires, d’après les
évaluations réalisées, pour établir le curriculum de l’enfant et donc peut
résister à l’aide de protections au niveau des bras et rester assis près de
l’enfant. L’intervenant reste assis à côté de Paul 20 secondes et recommence
136 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Figure 7.5. Nombre de comportements agressifs (cris et griffures) par intervalle


de 20 secondes pour chaque session d’apprentissage.

toutes les 5 minutes pendant environ 30 minutes. Les données sont présen-
tées à la figure 7.5.
À partir de la session 11, l’intervenant touche systématique les objets de
Paul si aucun trouble du comportement n’apparaît. La cotation se poursuit
de la même façon.
Après plusieurs sessions, Paul accepte que l’intervenant reste assis à
côté de lui pendant 30 minutes sans cris ni autre comportement agressif.
L’étape suivante sera que Paul accepte qu’on prenne un de ses objets et
qu’on lui redonne à nouveau. La durée de prise de l’objet sera croissante,
1 à 2 secondes au début en augmentant progressivement en fonction des
comportements de Paul. Avant de prendre l’objet, l’intervenant indique ce
qu’il fait : « Je prends ton jeu, Paul. » Au bout de huit sessions, les troubles du
comportement de Paul ont complètement diminué. L’intervenant, toujours
en indiquant ce qu’il va faire, peut rester avec un objet de Paul dans les
mains et à côté de lui pendant au moins 10 minutes sans qu’aucun trouble
n’apparaisse.
Dans une autre phase, l’intervenant va commencer à approcher Paul
de plus en plus près afin qu’il accepte la présence d’autrui et le fait d’être
touché sans que des troubles du comportement n’apparaissent. Le contact
physique est une conséquence aversive pour Paul qui peut engendrer des
troubles importants. L’intérêt sera d’associer le contact physique avec une
conséquence appétitive (agréable pour Paul). En même temps que l’inter-
venant touche Paul, il lui donne accès à ses objets préférés (fils, cordelettes,
etc.). Au bout de quelques sessions, l’intervenant est capable de prendre
Paul par la main sans que cela ne produise le moindre trouble. Cette tech-
nique d’apprentissage est importante car elle permet d’obtenir rapidement
des comportements adaptés et dans des conditions optimales. Le contexte
d’apprentissage doit toujours être positif.
Paul est maintenant capable de tolérer d’avoir une personne à côté de
lui et qu’on le touche en lui prenant les mains par exemple. L’intervenant
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 137

va pouvoir commencer à travailler, par des procédures de façonnement,


l’apparition de comportements de réponses à des initiations, notamment
répondre à son prénom ou regarder un objet préféré apporté par l’inter-
venant. Dans cet exemple, nous nous plaçons en situation naturelle et
utilisons les conséquences qui sont susceptibles d’être des renforçateurs
(notamment les objets comme les fils avec lesquels Paul présente des
comportements de stéréotypies importants). L’objectif est d’augmenter son
répertoire comportemental social et pour cela, il faut progressivement lui
donner des possibilités de répondre de façon adaptée. Comme pour Paul
l’approche d’une autre personne engendrait des troubles du comporte-
ment, il n’était pas possible de commencer par travailler le comportement
de regard. Il fallait qu’il apprenne à tolérer une autre personne pour que le
comportement de regard puisse être ensuite travaillé. Pour chaque enfant,
en fonction de ce qu’il présente comme comportements, nous devons nous
adapter et le placer dans le contexte qui va favoriser l’apprentissage. Plus
il passe de temps en situation adaptée d’apprentissage, plus vite il pourra
acquérir des compétences utiles à sa vie quotidienne. C’est donc seulement
à ce moment qu’on commence à travailler le comportement de regard.
L’intervenant arrive avec des objets préférés près de Paul. Dès que Paul
se tourne vers l’intervenant, il lui donne un des objets sans aucune autre
exigence. Dans cette procédure de façonnement, l’intérêt est de décom-
poser par étapes le comportement final à atteindre. Pour Paul, le fait de
vouloir obtenir immédiatement la réponse de regard serait trop coûteuse et
complexe, ce qui pourrait engendrer de nouveaux troubles du comporte-
ment. Dans ce cas, nous décomposons les étapes : on renforce tout compor-
tement d’approche (tendre la main, se tourner vers l’intervenant, faire un
pas vers l’intervenant, etc.), ensuite et progressivement, seuls les comporte-
ments où le regard vers l’intervenant apparaît est renforcé par l’obtention
des objets préférés.
Après quelques sessions, le comportement de regard apparaît lorsque
l’intervenant rentre dans la pièce où se trouve l’enfant. Ce comportement
de base est essentiel pour la mise en place d’autres compétences notamment
les compétences verbales. D’autres objectifs seront donc proposés.

Développement des interactions sociales


chez un enfant avec autisme en milieu ordinaire
Charloth est une petite fille de 5 ans, diagnostiquée autiste à l’âge de 4 ans
et ayant intégré un programme d’intervention comportementale dès la
pose du diagnostic. Elle a développé un grand nombre de compétences
dans différents domaines, verbal, cognitif, moteur. Elle est capable de
s’occuper seule et s’oriente spontanément vers des jeux de construction,
des activités graphiques (dessins, collage, etc.). Elle joue à la maîtresse ou à
138 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

imiter les comportements de la maman (faire à manger à sa poupée). Elle


apprécie particulièrement de jouer à se faire attraper par un adulte. Elle est
depuis 5 mois intégrée à temps plein en milieu ordinaire. Elle est capable
maintenant de suivre les consignes de groupe, de réaliser les activités de la
même façon que les autres enfants de la classe. Les différentes évaluations
ont permis de mettre en évidence un manque de compétences concernant
les interactions sociales avec les pairs. Avec l’adulte, l’enfant est capable de
répondre correctement aux initiations sociales mais n’émet pas d’initia-
tions spontanées.
Les programmes d’interactions sociales seront développés pendant les
temps de récréation en incluant des enfants de la classe souhaitant partici-
per et après l’accord de leurs parents. Comme elle demande fréquemment
à l’adulte de l’attraper dans la cour de récréation, l’intervenant choisit
cette activité pour commencer le programme d’intervention. Cinq enfants
vont participer au programme, trois pour les programmes en intervention
et deux autres pour les programmes en maintien. La sélection des enfants
est basée sur leurs compétences d’interaction et leurs préférences. En
effet, pour jouer avec Charloth, nous avons choisi les enfants qui initient
le plus les interactions sociales avec leurs pairs et qui jouent déjà à ce type
de jeux dans la cour de récréation. Ainsi, le pair doit pouvoir attirer l’atten-
tion d’un autre enfant facilement pour que les comportements d’imita-
tion puissent apparaître. Les enfants sont généralement plus grands que
Charloth, ce qui facilite la mise en place du programme. En repérant ces
compétences, nous faisons en sorte de ne pas devoir entraîner les pairs de
façon spécifique mais bien de rester en situation naturelle. Nous insistons
simplement sur le fait de répéter les consignes qu’ils vont donner à Char-
loth, d’ignorer ses comportements inadaptés ou bizarres, de persister dans
les initiations sociales qu’ils vont émettre même si elles sont ignorées
par Charloth au départ et surtout de montrer des réponses sociales bien
claires lorsque des comportements appropriés apparaissent chez Charloth.
Nous allons nous focaliser sur quatre comportements dans un premier
temps : le fait de jouer au jeu proposé par le pair, le fait de ne pas s’enga-
ger dans une conversation inappropriée, le fait d’initier une interaction
par la proposition d’un jeu et le fait de se faire un ami par le choix d’un
même pair.
Nous nous focalisons dans un premier temps sur les comportements de
réponses aux initiations des pairs. Un enfant va vers Charloth au moment
de la récréation. L’enfant lui demande de courir avec elle ou de venir faire du
toboggan. L’intervenant guide physiquement la réponse si Charloth n’émet
pas le comportement dans les 5 secondes qui suivent la demande. Le fait
de guider physiquement l’enfant est lié à l’objectif d’estomper au plus vite
les guidances. Si des guidances verbales apparaissent, cela entravera l’inter-
action elle-même puisque dans ce cas, l’adulte est encore dans l’interaction.
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 139

Le fait de guider physiquement permettra à l’intervenant de se retirer pro-


gressivement sans qu’un autre élément ne change dans la contingence.
Lorsque Charloth suit l’enfant sans qu’aucune guidance ne soit donnée, le
comportement est coté comme correct.
Un autre programme est travaillé concernant les sujets de conversation.
Charloth est capable de présenter des initiations mais uniquement pour
des sujets de conversation très spécifiques et peu adaptés à ceux des autres
enfants. De plus, si l’enfant ne poursuit pas le sujet proposé par Charloth,
elle stoppe l’interaction ou continue en se parlant seule. Lors de l’inter-
vention, le pair a pour consigne de changer de sujet de conversation si
Charloth propose un sujet non adapté (carte de métro, plan des villes ou les
numéros de téléphone par exemple). L’intervenant guide les réponses que
Charloth doit émettre (uniquement les réponses pour pouvoir une fois de
plus estomper cette guidance progressivement).
Pour le programme initiation des jeux, l’objectif est que Charloth puisse
aller vers un pair pour lui proposer de jouer à une activité de son choix. Lors
de l’intervention, les comportements d’initiation sont guidés en se plaçant
derrière Charloth. On donne à Charloth les modèles verbaux permettant
de proposer un jeu à un autre enfant «  est-ce que tu veux jouer avec moi à
courir ? », « est-ce que tu veux jouer au ballon ? », « tu veux jouer à chat per-
ché ? », « tu veux jouer à la corde ? », etc. Les guidances sont estompées en ne
donnant plus que le début des modèles « tu veux… », « est-ce que… », pour
ne plus, progressivement, avoir de modèles à donner.
Pour le dernier programme, choix des pairs, nous avons indiqué que
Charloth ne présente pas d’affinité avec un ou deux enfants de la classe
comme on peut l’observer chez les autres enfants de sa classe. Pour la mise
en place de ce programme, nous avons observé les comportements non
verbaux de Charloth envers ses pairs comme le fait de s’assoir près d’un
enfant, le fait de regarder un pair en arrivant, etc.
Sur la figure 7.6, on peut observer les résultats en ligne de base (avant la
mise en place de l’intervention), au cours du traitement et sans aménage-
ment spécifique (les pairs n’ont plus du tout de consignes pour jouer).
Ces programmes d’interactions sociales sont essentiels pour le développe-
ment de compétences qui ne sont pas au départ dans le répertoire du sujet
comme nous pouvons le remarquer sur la figure 7.6 en ligne de base. Le fait
de placer ces comportements en apprentissage permet à Charloth d’aug-
menter son répertoire comportemental et de maintenir ces acquisitions
en situation naturelle, ce qui est, rappelons-le, l’objectif d’un programme
d’apprentissage. Sans aucune consigne et sans que ce soit des pairs qui
soient « entraînés » à certaines techniques, les comportements de Charloth
se maintiennent. L’estompage des guidances apportées par l’intervenant au
départ est primordial pour que ces comportements puissent se maintenir
uniquement par les contingences naturelles.
140 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

Figure 7.6. Pourcentage de comportements d’interactions sociales chez une enfant


avec autisme (comportements de réponses aux initiations, de conversation adaptée
et d’initiations).
Les données sont présentées en ligne de base (sans aucune consigne données aux pairs), en
situation d’intervention (on indique aux pairs les éléments à suivre pour qu’ils poursuivent les
interactions) et en situation de poursuite (on ne donne plus d’indications spécifiques aux enfants).
Source : Rivière V, Becquet M, Darcheville JC. Replication of Pierce and Epling’paradigm in a child with
autism for the development of social interactions. International Conference for Behavior Analysis and
Developmental Disorders. Lille, France ; 2009.
Applications de techniques spécifiques aux interactions sociales 141

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8 Gestion des troubles
d’automutilations chez
la personne avec autisme

V. Rivière

Résumé
Les troubles du comportement sont une des manifestations compor-
tementales les plus observées chez les personnes avec autisme. Ils
sont parfois considérés comme faisant partie de la pathologie alors
qu’ils restent une conséquence d’un faible répertoire comporte-
mental verbal et social. Nous présenterons les caractéristiques de
ces troubles du comportement et en particulier pour les troubles
d’automutilation. Un rapide rappel historique nous permettra de
retrouver les éléments évoqués au cours du chapitre 2 concernant la
définition de l’autisme et ses classifications. Différentes recherches
seront présentées afin d’évoquer les techniques d’intervention qui
sont le plus utilisées actuellement. En faisant appel aux éléments
développés dans les chapitres 5 et 6 sur l’analyse fonctionnelle, nous
présenterons les différentes procédures validées dans la littérature
et adaptables en fonction des résultats obtenus lors d’une analyse
fonctionnelle.

Les comportements d’automutilation ou CAM (self-injurious behavior ou SIB


en anglais) font référence aux comportements dirigés vers la personne elle-
même qui provoquent des dommages physiques [1]. Les CAM sont une
classe de réponses hétérogènes qui apparaissent avec de multiples topogra-
phies, causes et effets [2]. Pourtant, certains CAM spécifiques se retrouvent
chez les personnes avec autisme comme se frapper la tête, se mordre ou se
griffer [3].

Caractéristiques et prévalence
des comportements d’automutilation
chez les personnes avec autisme
Des caractéristiques communes peuvent être retrouvées chez les personnes
avec autisme. On peut observer des comportements répétitifs des mem-
bres, de la tête, du tronc ou d’autres parties du corps, qui conduisent à
des dommages physiques potentiels ou réels. Certains comportements
peuvent sembler peu problématiques mais c’est leur côté répétitif qui pose

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


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146 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

problème, par exemple, se frotter le nez avec le doigt. Ces épisodes apparais-
sent plusieurs fois par jour, avec le même mouvement ou des mouvements
similaires. Dans la plupart des études, les troubles sévères du comportement
engendrent des hospitalisations répétées, des dosages élevés de neurolep-
tiques et des dommages physiques sévères [4].

Premières recherches
Les théories psychanalytiques ont tenté de proposer des hypothèses liées
aux causes psychopathologiques des CAM [5]. Ces CAM étaient interprétés
comme des comportements symboliques, reflétant les perturbations créées
par l’isolement social maternel [6, 7].
D’autres chercheurs, mêlant l’éthologie et la physiologie, notent que
les personnes avec autisme semblent sur-stimulées ou au contraire sous-
stimulées. L’automutilation peut être considérée comme participant à la
régulation de l’éveil physiologique. Ils considèrent que les CAM bloquent
l’effet aversif des stimulations excessives (par exemple certains bruits). Un
grand nombre d’adultes avec autisme ou de parents rapportent que certains
bruits sont pour eux des sources aversives de stimulation. De la même façon,
ces CAM pourraient augmenter le niveau d’éveil des personnes avec autisme
en cas de non-stimulation (on peut observer ces comportements lorsque
les personnes sont en isolement profond ou même chez des personnes
aveugles). Ces hypothèses sont difficiles à confirmer du fait du caractère
individuel de ce que l’on peut appeler sur-stimulation ou sous-stimulation.
En effet, les stimulations sonores peuvent avoir un effet aversif pour une
personne et non pour une autre [8]. Nous verrons que ces recherches sont
en relation avec les approches fonctionnelles du comportement.
Les premières recherches en analyse appliquée du comportement ont
souvent été consacrées à la réduction de troubles sévères du comportement.
Lovaas et Simmons [9] considèrent les CAM comme des comportements
appris, comme tout autre comportement, et qui peuvent être augmentés
ou réduits en fonction des contingences de renforcement positif, néga-
tif, d’extinction ou de conséquences aversives. Progressivement, on voit
apparaître l’hypothèse selon laquelle les CAM peuvent avoir la fonction
d’attention sociale (maintenus par renforcement positif social), la fonc-
tion  d’échappement ou d’évitement de situations ou d’activités aversives
(renforcement négatif) ou encore une forme d’autostimulation (autoren-
forcement) [10,  11]. Iwata et al. [12] développent une méthodologie qui
concerne l’évaluation et l’analyse fonctionnelle. En sciences du compor-
tement, le nombre d’articles sur la gestion des troubles du comportement
est impressionnant et ce depuis plus de 40 ans. En effet, les études ont pu
mettre en évidence que les CAM peuvent être traités par des techniques
comportementales et notamment par l’apprentissage de moyens de
Gestion des troubles d’automutilations chez la personne avec autisme 147

communication alternatifs (par gestes ou par images) où des compétences


adaptatives peuvent acquérir la même fonction que les CAM.
Les recherches en neurobiologie nous apportent des éléments à prendre en
compte dans les traitements comportementaux. Lloyd et al. [13] ont réalisé
une étude post mortem sur les tissus du système nerveux de sujets avec le syn-
drome de Lesch-Nyhan, syndrome présentant des comportements d’auto-
mutilation comme se mordre de manière incessante. Chez les trois patients
étudiés, les chercheurs observent une réduction de 65 à 90 % de dopamine
des ganglions de la base1. D’autres hypothèses neurologiques sont envisagées,
notamment la délivrance d’opioïdes endogènes produits par les douleurs
des CAM [14, 15]. Les localisations des CAM sur le corps des personnes avec
autisme ne sont pas dues au hasard. Certaines localisations sont privilégiées.
Maurice et Trudel [16] observent les CAM de personnes vivant en institution
et notent que les formes et localisations des CAM sont de se frapper la tête,
de se mordre et se griffer. Dans les 38 formes de CAM observés par Rojhan
[3], revient le plus souvent le fait de se frapper la tête, se griffer et se frap-
per le corps avec des objets. Pour Symons et Thompson [17], 80 % des CAM
apparaissent sur 5 % de la surface du corps des enfants et adolescents avec
autisme. Les CAM observés sont se frapper les tempes, la zone entre le pouce
et le poignet, le dos de la main et la surface médio-latérale de l’index. Les
zones de la tête sont typiquement frappées avec la main ou contre des surfaces
dures. Les  zones de la main sont généralement mordues. Ces zones  obser-
vées chez les personnes avec autisme sont différentes de celles observées chez
les  personnes avec syndrome de Prader-Willy ou syndrome de Rett, ce qui
oriente les hypothèses sur les mécanismes neurochimiques en jeu [18-20].
En fait, ces résultats ne remettent pas en cause les hypothèses liées aux
effets de l’environnement, mais au contraire renforcent l’idée d’une inter-
action entre l’organisme et l’environnement [20] car, mêmes dans les cas
de maladies bien définies et présentant des CAM, les procédures permettent
d’obtenir des résultats positifs.

Traitement des comportements


d’automutilation
Les CAM n’impliquent pas un seul mécanisme. Nous avons vu qu’ils peu-
vent prendre différentes formes et qu’on les retrouve chez les personnes
avec troubles du développement. Ils font appel à différents mécanismes

1. Les ganglions de la base correspondent à un ensemble de substance grise. Ils


sont composés du noyau caudé, du putamen et du globus pallidus. Ils sont reliés
entre eux fonctionnellement. L’atteinte de ces ganglions de la base est respon-
sable principalement dans la maladie de Parkinson, la maladie de Gilles de la
Tourette, la maladie de Huntington, etc.
148 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

neurochimiques du fait des histoires de renforcement variées et des condi-


tions environnementales de la personne.
Les résultats concernant plus de 30 ans de recherche sur l’évaluation et le
traitement des CAM ont permis de montrer que dans la majorité des cas, les
CAM sont maintenus par les contingences environnementales, positives et
négatives [11, 21, 22]. Au cours des 25 dernières années, les chercheurs se sont
intéressés au développement de méthodes pour identifier les contingences de
renforcement. Ces méthodes ont été connues sous l’appellation « évaluation
fonctionnelle  » et ont permis le développement de procédures d’interven-
tion [23, 24]. Les techniques d’analyse des contingences sont les mêmes que
celles décrites pour l’analyse des comportements verbaux et sociaux. Ainsi,
plusieurs recherches s’intéressent aux variables antécédentes sous lesquelles
les comportements CAM apparaissent (contexte et stimuli discriminatifs).
D’autres recherches se focalisent sur les conséquences de ces comportements.
Certaines sources de renforcement pourraient être les variables explicatives
des CAM. En modifiant soit les antécédents, soit les conséquences, les
comportements peuvent être réduits. La connaissance des fonctions compor-
tementales peut ainsi permettre la réduction de ces troubles.
Le succès de ces procédures d’évaluation et les traitements qui s’y rappor-
tent ont été essentiels pour l’aide aux personnes avec autisme présentant
ces troubles. En effet, aux États-Unis, le National Institutes of health (NIH) a
convenu d’un consensus sur le traitement des comportements CAM chez
les personnes avec troubles du développement. Dans ce rapport, les trai-
tements des troubles sévères du comportement doivent être basés sur les
résultats d’analyses fonctionnelles [25]. Depuis 1997, l’utilisation de l’éva-
luation fonctionnelle comportementale est obligatoire avant le changement
de suivi pour tout élève scolarisé présentant des troubles du comportement.
L’application de ces recherches et de ces outils dans le monde de l’éducation
a bien évidemment des conséquences que l’on ne peut imaginer en France
sur les troubles du comportement que l’on peut observer à l’école. Adopter
cette démarche d’analyse fonctionnelle nécessite une compréhension des
comportements en termes d’effets de l’environnement sur le comporte-
ment de l’enfant et non du fait de l’enfant lui-même.
L’augmentation de l’utilisation des évaluations fonctionnelles a égale-
ment fait évoluer les recherches sur les CAM, en permettant l’apparition
de nouvelles procédures basées sur l’examen empirique des modifications de
l’environnement. Ces évaluations fonctionnelles ont permis d’identifier les
facteurs qui peuvent conduire à des échecs dans les traitements. En effet,
plusieurs recherches montrent que l’inefficacité de certaines interventions
peut être due en partie à des erreurs entre les fonctions supposées et les trai-
tements utilisés [26, 27] ou à des changements de la fonction du comporte-
ment problème au cours du temps [28] et permettent de limiter l’utilisation
des interventions plus intrusives comme la punition [29-31] (tableau 8.1).
Gestion des troubles d’automutilations chez la personne avec autisme 149

Tableau 8.1. Fonctions des CAM identifiées par l’évaluation fonctionnelle.


Fonction Nombre de données Pourcentage
Renforcement social négatif 83 31,3 %
Renforcement social positif 70 26,4 %
Renforcement automatique 73 27,5 %
Fonctions multiples 18 6,8 %
Non déterminée 21 7,9 %

Les comportements d’automutilation


comme des comportements appris
Il semble évident que la plupart des troubles du comportement, dont les
CAM, sont des comportements appris. Ceux-ci se développent au cours de
l’histoire de renforcement de l’individu, au cours de l’interaction avec l’envi-
ronnement et sont régis par les mêmes conséquences : renforcements positif
et négatif. Les CAM sont maintenus car ils sont suivis de conséquences.

Renforcement social positif


La première étude réalisée par Lovaas et al. [22] montre que les CAM
apparaissent lorsque l’adulte apporte de l’attention de façon contingente
à ces CAM, alors qu’ils apparaissent à des taux plus faibles lorsqu’il n’y a
pas délivrance d’attention. Les CAM provoquent généralement les réactions
immédiates des intervenants, qui peuvent prendre la forme de soutien, de
redirection vers des activités préférées ou même de réprimandes. Ces consé-
quences sociales inévitables peuvent interrompre les CAM de façon tem-
poraire, ce qui incite les intervenants à reproduire leurs comportements.
Mais agir de la sorte peut au contraire maintenir et renforcer les CAM par
renforcement positif.

Renforcement automatique
Une relation entre les mouvements stéréotypés, répétitifs et les événements
de l’environnement sans manipulation des contingences sociales a été
observée [32]. Des personnes avec retard mental présentent des taux élevés
de stéréotypies lorsqu’ils ne peuvent avoir accès à leurs activités préférées.
Les CAM sont aussi parfois observés de façon exclusive en l’absence de toute
conséquence sociale [33]. Les recherches en neurochimie nous permettent
de comprendre que les sources de renforcement proviendraient de sources
internes (opioïdes, endorphines, etc.). Ces contingences non sociales ont
été définies comme renforcement automatique car produit par le corps lui-
même [34, 35].
Le renforcement automatique peut également apparaître lors de stimu-
lations douloureuses. Lorsque quelqu’un se cogne par accident, il n’est pas
150 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

rare de voir la personne se frotter très fort pour calmer la douleur. De même,
des personnes ayant des maux de dents peuvent avoir des comportements
CAM : certaines ont rapporté le fait qu’elles auraient été prêtes à s’arracher
elle-même la dent si le professionnel n’était pas intervenu. Les études sur
les acouphènes vont aussi dans ce sens. L’occurrence des CAM peut être
liée à des situations de douleur de la personne [36]. Dès 1963, de Lissovoy
[37] observe que des enfants ayant une otite présentent des CAM (se taper
la tête) à des taux élevés. Certains chercheurs observent que les CAM sur-
viennent uniquement dans des conditions douloureuses  : règles pour les
jeunes filles, reflux gastroœsophagiens, privation de sommeil [38, 39].
Renforcement social négatif
Des comportements inadaptés, que ce soit des CAM ou des comportements
agressifs, apparaissent le plus souvent lorsque les personnes sont placées
dans des situations de contrainte (tâches éducatives ou ménagères, activités
de la vie quotidienne, etc.). Ces données indiquent que les CAM peuvent
être renforcés négativement, ce qui permet d’échapper ou d’éviter les situa-
tions aversives pour le sujet. Seule l’analyse des comportements de l’enfant
permet de vérifier que la situation est appétitive ou pas. Une fois de plus,
ces interprétations supposent de considérer l’environnement de façon fonc-
tionnelle et non de considérer l’apparition des troubles du comportement
comme un symptôme dû à une pathologie comme l’autisme.

Traitements possibles fondés sur la fonction


L’identification des contingences qui maintiennent les CAM, après analyse
fonctionnelle, indique les traitements à utiliser. Les traitements peuvent
s’orienter vers :
• la modification du contexte ;
• la modification des événements antécédents ;
• le retrait ou l’altération des événements renforçants ou conséquents ;
• l’apprentissage de compétences fonctionnelles et adaptives qui seront en
compétition ou remplaceront les troubles du comportement.

Modifier le contexte
Le contexte, nous l’avons vu, est un événement antécédent qui peut alté-
rer la fonction d’une conséquence renforçante et  altérer la fréquence du
comportement qui historiquement produit la conséquence. La procédure
la plus efficace concernant la modification du contexte consiste à utiliser
une procédure de renforcement non contingent (noncontingent reinforcement
ou NCR en anglais). Le renforçateur est délivré de façon systématique et
indépendamment de la réponse produite. Cette procédure peut être utilisée
lors de troubles du comportement maintenus par échappement, en pro-
posant  de façon régulière la possibilité d’échapper de la tâche et ce, quel
Gestion des troubles d’automutilations chez la personne avec autisme 151

que soit le comportement présenté par la personne. Les renforcements non


contingents sont présentés au départ de façon très proche (intervalles de
temps courts), ce qui permet d’obtenir des fréquences faibles de compor-
tements et d’augmenter de façon graduelle les intervalles. Pour connaître
à quel moment présenter les renforcements non contingents, il suffit
de mesurer, sur une période donnée, la moyenne du temps entre chaque
comportement problème. Le renforçateur est présenté à la fin de l’intervalle
de temps quel que soit le comportement observé.
Si la fonction du comportement n’est pas définie malgré une analyse
fonctionnelle ou si la conséquence qui maintient le comportement ne
peut être retirée, notamment dans les cas de renforcement automatique,
la procédure NCR avec des renforçateurs arbitraires peut être efficace. Les
renforçateurs arbitraires sont dans ce cas identifiés par une évaluation des
préférences [40,41].
D’autres traitements basés sur la manipulation du contexte consistent à
modifier le curriculum de la personne [42] et à fournir des opportunités de
choix [43]. De telles interventions agissent sur la diminution du caractère
aversif de la situation d’observance. Un changement du contexte peut
aussi être efficace dans le cas de comportements maintenus par renforce-
ment  automatique, en enrichissant l’environnement d’un point de vue
social et physique [44]. Ces résultats sont retrouvés pour des personnes avec
autisme mais aussi pour toute personne placée dans un environnement peu
stimulant.

Modifier les antécédents


Les traitements fondés sur les antécédents utilisent les procédures comme le
retrait, le façonnage ou d’autres manipulations des antécédents. Par exem-
ple, lorsque le comportement problème est maintenu par de l’échappe-
ment à la tâche, il est possible de manipuler les caractéristiques de la tâche,
comme sa difficulté, la vitesse de présentation, la nouveauté et la durée
[45] ou bien encore le mixage des tâches faciles et plus complexes [46].
Dans une étude, Pace et al. [47] éliminent dans un premier temps toutes
les consignes et tâches pour les réintroduire progressivement. Ils obser-
vent une augmentation des comportements adaptés dans les situations de
contrainte.

Discontinuité du renforcement : l’extinction


La méthode directe pour réduire la fréquence des comportements appris
implique d’éliminer la contingence de renforcement, c’est ce qu’on appelle
l’extinction. L’extinction apparaît lorsque la contingence entre un compor-
tement cible et la conséquence renforçante est interrompue [48,  49].
L’extinction implique la non-présentation de l’événement conséquent qui
152 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

maintenait les troubles du comportement [50,  51] ou bien implique aussi


de rendre l’événement conséquent non contingent au comportement
problème.
L’extinction peut prendre différentes formes en fonction des consé-
quences qui maintiennent les troubles du comportement. L’extinction de
l’attention peut apparaître si l’attention des intervenants (ou autre per-
sonne de l’environnement) n’est plus présentée de manière contingente
à l’occurrence du comportement problème. Il est essentiel de comprendre
que l’extinction de l’attention ne sera efficace que si les comportements
problèmes sont maintenus par l’attention sociale. Seule une analyse fonc-
tionnelle permettra de s’en assurer afin d’éviter toute perte de temps pour
la personne. L’extinction de l’échappement ou de l’évitement consiste à
empêcher la personne d’échapper ou d’éviter l’événement qui évoque les
troubles du comportement renforcés négativement. Finalement, dans le
cas de renforcement automatique positif, l’extinction sensorielle implique
de ne pas présenter les conséquences sensorielles liées aux CAM [52, 53].
Cette procédure implique de modifier ou d’éliminer la stimulation senso-
rielle qui renforce le comportement [54]. Dans son étude, Rincover utilise
l’extinction sensorielle pour réduire les troubles du comportement de deux
jeunes enfants avec autisme. Le premier enfant présente un comportement
répétitif, il jette une assiette sur la table pour entendre les bruits propagés.
Ce comportement peut ne pas sembler problématique, mais lorsqu’il est
émis à longueur de journée et surtout lorsqu’on empêche l’enfant d’émettre
ce comportement pour faire une autre activité, des troubles sévères appa-
raissent (morsures, cris, etc.). Le second enfant choisit un vêtement ou
déchire un morceau de vêtement chez un intervenant, le jette en l’air et bat
vigoureusement des mains en regardant le tissu flotter dans l’air avant de
tomber. L’hypothèse d’une stimulation sensorielle est émise, observant que
les mouvements des mains permettent au tissu de rester plus longtemps en
l’air. La stimulation sensorielle visuelle semble maintenir le comportement.
Dans le premier cas, la stimulation auditive est modifiée par les interve-
nants. Sur la table, ils placent un revêtement qui ne permet plus d’obtenir le
son précédent, source de renforcement. Ce comportement est donc éteint.
Bien évidemment, la poursuite du traitement sera d’augmenter les sources
de renforcement adaptées pour l’enfant, comme les sons sur un lecteur
audio, les sons qu’il peut émettre avec des instruments, etc. Pour l’autre
enfant, la lumière artificielle de la salle est éteinte lorsqu’il lance le tissu
en l’air. La  lumière diffusée par la fenêtre n’est pas une source suffisante
pour permettre à la stimulation visuelle d’avoir un rôle de renforcement.
Les chercheurs proposent alors à l’enfant d’utiliser des bulles pour qu’il ait
accès à cette stimulation sensorielle mais de façon adaptée. Les troubles du
comportement disparaissent en augmentant progressivement la lumière.
Pour ces deux enfants, la diminution des comportements envahissants
Gestion des troubles d’automutilations chez la personne avec autisme 153

permet de développer d’autres compétences adaptées qui leur apporteront


d’autres sources de renforcement. Il faut toujours garder à l’esprit qu’il n’est
pas question de réduire les troubles du comportement comme un but en
soi, mais bien de retrouver la fonction qui permettra à la personne d’obte-
nir la même stimulation mais de façon adaptée, et ainsi d’augmenter son
répertoire comportemental.
La procédure d’extinction est souvent associée à différents effets négatifs.
Un de ces effets est l’occurrence de ce qu’on appelle le burst d’extinction.
On peut observer, lors de l’application de la procédure d’extinction, une
augmentation importante des troubles du comportement, en fréquence ou
en intensité, au début du traitement. Cette augmentation est normale mais
parfois difficile à gérer pour des troubles sévères. D’autres procédures exis-
tent alors, qui empêchent l’apparition de troubles plus intenses et plus
fréquents. Ce burst d’extinction, vous l’avez sûrement expérimenté sans le
savoir  : un exemple simple est le fait de vouloir ouvrir une porte alors
qu’elle est fermée. Dans ce cas, il est courant de forcer sur la poignée par
des mouvements brusques du poignet en espérant qu’elle s’ouvre, alors que
l’on sait pertinemment que la porte ne s’ouvrira pas, même en insistant.
C’est ce qu’on appelle en analyse du comportement un burst d’extinction.
Ce burst n’est pas toujours observé [55]. L’apparition de ce burst est même
une démonstration de l’efficacité du traitement puisque le fait de ne pas
présenter la conséquence a des effets sur les comportements problèmes.
L’extinction n’est que rarement une procédure utilisée seule, les procédures
de renforcement différentiel lui sont souvent associées et permettent une
réduction plus rapide des comportements problèmes [55].

Entraînement à la communication
fonctionnelle
L’entraînement à la communication fonctionnelle ou ECF (functional
communication training ou FCT) consiste à apprendre à la personne des
comportements spécifiques de communication qui ont la même fonction
que le comportement problème [56, 57]. C’est un exemple de procédure de
renforcement différentiel. Cet apprentissage est d’une importance capitale
car encore de nos jours, un grand nombre de personnes avec troubles du
développement n’ont toujours aucun moyen de communication, même
le plus simple possible. Pourtant, ces apprentissages peuvent être mis en
place quels que soient la personne et son handicap et devraient être une
priorité.
La réponse de communication doit être fonctionnellement équivalente
afin que le trouble du comportement et la réponse de communication
appartiennent à la même classe puisqu’ils engendreront les mêmes consé-
quences. Différentes procédures d’apprentissage existent. L’ECF est souvent
154 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

utilisé pour les comportements problèmes dont la fonction est l’attention


sociale. Par exemple, l’ECF de comportements problèmes maintenus par
l’attention consiste en l’apprentissage de réponses de communication qui
permettra à la personne d’obtenir de l’attention. Pour les comportements
problèmes dont la fonction est l’échappement ou l’évitement, les réponses
de communication permettent de demander une pause pour échapper ou
éviter.
Pour être efficace, l’ECF doit être combiné avec une procédure d’extinc-
tion du comportement problème. La réponse de communication étant
moins coûteuse d’un point de vue de l’effort que les comportements pro-
blèmes, ces derniers tendent à disparaître [58]. Les effets de ces procédures
sont maintenus à long terme pour une variété de troubles du comporte-
ment [59-61].

Conclusion
Prendre en compte les troubles du comportement est une priorité pour
tout professionnel ou parent impliqué dans l’éducation et le traitement
de personnes avec autisme. L’approche fonctionnelle des contingences a
apporté des moyens considérables et efficaces sur la gestion de ces compor-
tements.
Tout traitement ne peut être qu’individualisé en prenant en compte le
maximum d’éléments permettant d’adopter une vision compréhensive
de  ces troubles qui incluent les relations entre l’environnement et les
troubles du comportement. La prise en compte d’un grand nombre de fac-
teurs en relation avec ces troubles du comportement est essentielle, comme
l’anxiété ou la dépression [62,  63], l’inconfort physique [64], les effets
secondaires des médicaments [65], et parfois complexe pour des personnes
présentant des déficits développementaux sévères. L’enregistrement et
l’analyse des relations entre les troubles du comportement et les conditions
environnementales restent la caractéristique centrale de la méthodologie
de l’analyse fonctionnelle. Les troubles du comportement sont analysés
comme un objectif final provenant de l’histoire comportementale du sujet.
Dans la pratique quotidienne, cinq étapes sont à respecter :
1. conserver les principes essentiels qui sont d’identifier le problème, de le
sélectionner et de le définir de façon opérationnelle ;
2. réaliser des recueils de données de façon directe et indirecte, et réaliser
des entretiens avec les parents et les professionnels intervenants ;
3. réaliser une analyse fonctionnelle en testant les hypothèses qui ont été
formulées grâce à l’analyse des données précédentes ;
4. mettre en place les traitements en fonction des relations obtenues lors de
l’analyse fonctionnelle ;
5. évaluer l’efficacité du traitement.
Gestion des troubles d’automutilations chez la personne avec autisme 155

Sans cette précision dans l’application de ces techniques, nous ne pour-


rons pas donner aux personnes avec troubles du développement le meilleur
traitement répondant à ces besoins et l’accès à une plus grande autonomie
possible.

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exacerbation of self-injurious behavior: an exploratory study. Mental Retarda-
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dren. Education and Treatment of Children 1987;10:134-45.
9 Conclusion
Résumé
L’analyse du comportement, science du comportement, peut être
appliquée à tous les domaines. Les résultats obtenus dans ses ap-
plications aux troubles du développement ont été considérables
et sont encore reconnus comme étant les plus notables dans ce
domaine. La rigueur scientifique de ses applications tant sur le plan
théorique que sur le plan méthodologique est nécessaire et exige des
formations de haut niveau. Ces chapitres nous ont permis d’exposer
des exemples d’utilisation, notamment pour les troubles du spectre
autistique.

Un des objectifs principaux de l’analyse du comportement est l’application


des principes concernant les troubles du comportement en général qui ont
une validité sociale importante [5, 6]. Ces applications concernent les pro-
blèmes chez l’individu lui-même, les problèmes de la vie en groupe (violence,
vandalisme, etc.) ou des problèmes culturels. Tous ces niveaux existent en
parallèle et ont autant d’importance les uns que les autres. Les applications
de l’analyse du comportement au monde de la santé et de la médecine sont
maintenant bien développées au sein de la littérature s­ cientifique, mais res-
tent encore inconnues dans notre pays. Même lorsqu’il existe une origine
organique ou biologique d’un trouble, les interventions comportementales
peuvent pourtant être appropriées et efficaces.
Dans la prise en charge de l’autisme, nous avons pu noter l’efficacité des
traitements comportementaux à différents niveaux, chez les enfants très
jeunes mais aussi chez l’adulte. La connaissance de ces traitements par la
formation de pointe des professionnels permettra aux personnes atteintes
de ces troubles de pouvoir recevoir les traitements les plus adaptés et les
plus efficaces afin de leur offrir une vie la plus autonome possible, même
si aucun traitement à l’heure actuelle ne peut prétendre obtenir 100 % de
résultats.
Lors de l’utilisation de traitements médicamenteux, aucun pharmaco-
logue ne pourra assurer 100 % de résultats avant de mettre sur le marché
un médicament pour traiter une pathologie spécifique. Bien évidemment,
nous allons devoir évaluer les effets positifs et négatifs du traitement et
décider de son utilisation si les effets positifs sont les plus importants. De la
même façon, nous pourrions décider d’évaluer les pratiques comportemen-
tales en étudiant les coûts et bénéfices pour le patient.
C’est ce qu’un grand nombre de pays ont mis en place afin d’offrir la
meilleure prise en charge pour les personnes présentant des troubles du

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


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160 Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)...

développement  : en Europe, au Canada, aux États-Unis, en Amérique


centrale et du Sud, etc. Le retard que peut présenter la France à ce niveau
ne pourra être rattrapé qu’en adaptant ses formations dans les différents
domaines. C’est ce à quoi nous nous attelons au sein de notre université.
Le nombre d’enfants diagnostiqués avec troubles envahissant du dévelop-
pement (TED) a augmenté de façon vertigineuse. Nous sommes passés d’un
cas sur 600 dans les années 2000 à un cas sur 150 en 2012 [7]. Le fait que le
nombre de cas répertoriés augmente peut être dû à un meilleur diagnostic,
les facteurs étiologiques et la disponibilité de services appropriés. En effet,
le grand public semble maintenant plus apte à parler de l’autisme qu’il y a
20 ans. Il se peut également que le diagnostic soit posé pour un spectre plus
large. Une troisième possibilité doit prendre en compte d’autres facteurs,
comme l’environnement qui favoriserait l’apparition de tels troubles.
De ce fait, l’autisme est source de focalisation intense concernant les
recherches et les débats avec toutes les controverses associées. De nouvelles
initiatives, de nouveaux programmes d’interventions, de nouvelles orga-
nisations professionnelles ou parentales apparaissent dans les médias. De
nouvelles avancées scientifiques surgissent dans les domaines de la méde-
cine ou de l’éducation. La HAS recommandait, en 2012 [7], les techniques
comportementales pour la prise en charge de personnes avec troubles du
développement. C’est une grande avancée mais il reste encore un long che-
min à parcourir avant leurs applications. Sans une formation de pointe des
professionnels, nous ne pourrons proposer aux personnes en difficulté les
meilleures prises en charge.

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10 Prise en charge du trouble
du spectre autistique par
le modèle d’intervention
précoce de Denver

G. Regli

Résumé
Le modèle d’intervention précoce de Denver est adapté aux tout-petits
et vise à accélérer le rythme du développement afin d’éviter les
effets négatifs du trouble du spectre autistique (TSA) sur le fonction-
nement cérébral et la socialisation. L’accent est mis sur la motivation
et l’engagement à travers les jeux et les activités stimulantes adap-
tées au profil unique de chaque tout-petit. Il est axé sur les familles
et intègre des éléments du modèle développemental initial de Den-
ver, des travaux sur l’attention sociale dans le TSA et des procédures
de l’analyse appliquée du comportement (ABA ou AAC). Il met en
particulier l’accent sur l’enseignement des réponses pivots et utilise
des stratégies de soutien au comportement positif afin de pallier les
effets négatifs des comportements problématiques qui compromet-
tent la vie sociale de la personne souffrant de TSA. L’enseignement
des thérapeutes et la formation des parents intègrent les procédures
comportementales de l’ABA dans un ensemble d’interventions
développementales, cognitives, émotionnelles et relationnelles.
Gisela Regli, qui est une thérapeute accréditée de ce modèle,
présente dans ce chapitre ses fondements théoriques et son application
pratique. De plus, elle effectue une synthèse des travaux expérimentaux
qui ont permis qu’il soit validé par la HAS dans ses recommandations
de 2012 pour la prise en charge du TSA.

Plusieurs études ont abordé l’épidémiologie des troubles du spectre autis-


tique (TSA). Malgré certains écarts dans les résultats de la recherche, il est
maintenant reconnu que l’autisme est un trouble neurodéveloppemental
résultant de facteurs génétiques et d’autres facteurs étiologiques et bio-
logiques qui affectent le développement du cerveau très tôt dans la vie.
Avec les progrès en neurosciences, l’hypothèse qu’un déficit de l’attention
et de la motivation sociale jouerait un rôle important dans la genèse de
l’autisme [1, 2] gagne de plus en plus de terrain, car elle se trouve soutenue
par de nombreux travaux de recherche.

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


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166 Voies nouvelles et perspectives futures

Selon cette hypothèse, les différences neuronales déjà présentes chez les
nouveau-nés seraient responsables d’un manque d’attention sociale qui
entraînerait un schème atypique de comportement. Une des modalités
d’intervention reposant sur cette hypothèse est le modèle d’intervention
précoce de Denver (early start denver model ou ESDM en anglais) [3]. Il vise
à réamorcer le processus de développement alors que la plasticité cérébrale
est encore grande afin d’éviter que le manque d’engagement social n’ait
une influence négative sur l’imitation, l’attention conjointe, le langage et
la cognition. En 2008, Dawson et ses collègues ont proposé d’augmenter les
échanges sociaux réciproques chez les tout-petits qui présentent un risque
de TSA, afin de rétablir la trajectoire développementale le plus tôt possible.
Ils ont conduit un essai clinique contrôlé et randomisé pendant 2 ans afin
de vérifier cette hypothèse de travail. Les résultats très encourageants de leur
étude [4] ont été publiés tout juste avant le lancement du livre sur le modèle
d’intervention précoce de Denver en 2010 [3]. Les auteures Sally Rogers et
Géraldine Dawson présentent les principes fondamentaux, les approches
et les méthodologies qui sous-tendent ce modèle ; elles décrivent aussi en
détail les modalités d’application et la mise en œuvre de l’évaluation et de
l’intervention. Leur livre a été traduit en français sous le titre L’intervention
précoce en autisme : le modèle de Denver pour jeunes enfants [3].
Ce chapitre représente une introduction qui permettra au lecteur de
comprendre les modalités de cette approche et d’avoir une vue simplifiée
de ses résultats très prometteurs. Cette présentation consistera en trois points :
• un bref rappel des fondamentaux du modèle ;
• une présentation sommaire des résultats de la recherche ;
• un survol des étapes de son application clinique.

Principes fondamentaux

Description générale
Le modèle d’intervention précoce de Denver découle du modèle de Denver
initial [5] adapté aux besoins des tout-petits âgés de 12 à 48 mois. Il s’agit
d’un modèle comportemental, développemental et relationnel qui vise à
accélérer le rythme du développement et à réduire la sévérité des symp-
tômes de TSA afin d’éviter les effets négatifs sur le développement du cer-
veau. La priorité d’intervention est mise sur la motivation et l’engagement
social à travers les jeux et les activités stimulantes adaptées au profil unique
de chaque tout-petit. Pour ramener l’enfant dans un environnement riche
d’interactions et de communication sociale, la valeur renforçatrice de la
communication est augmentée via des procédures issues de l’analyse appli-
quée du comportement (ABA ou AAC [6]). Ainsi, l’enfant est orienté vers les
aspects judicieux de son environnement social afin d’apprécier les visages,
Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 167

entendre les voix, recevoir de l’attention et apprendre avec les personnes


de son entourage.
Il est axé sur les familles et sur l’interdisciplinarité ; il intègre en effet des
éléments du modèle développemental de Denver [7], de la théorie de l’atten-
tion sociale en autisme [1], des procédures d’enseignement de l’ABA [6] et
de deux modèles comportementaux. Le premier modèle comportemental
(principal) est l’enseignement des réponses pivots, une contribution de
Koegel (positive reponse treatment) en 1982  [8]. Le second modèle utilise
les stratégies de soutien au comportement positif ou SCP (positive behavior
support ou PBS en anglais), fondé sur l’analyse fonctionnelle de l’ABA, telle
qu’elle a été proposée par Duda et al. en 2004 pour les enfants de moins
4 ans [9]. Les stratégies SCP sont incorporées au modèle afin de pallier les
comportements problématiques. L’enseignement intègre les procédures
générales et rigoureuses de l’ABA dans l’ensemble des modèles développe-
mentaux, relationnels et comportementaux.

Modèle de Denver
Le modèle original de Denver est une approche développementale déve-
loppée par Sally Rogers dans les années 1980  [10] en se fondant sur les
théories de Jean Piaget (1896–1980) portant sur le développement cognitif
et les propositions concernant l’importance de l’imitation de Daniel Stern
(1985). Le modèle développemental met en priorité l’accent sur l’inter-
action et l’initiation des comportements tout en insistant sur l’imitation et
la communication non verbale et pragmatique. Dans les premières années
de son application, l’enseignement intensif a été proposé à des groupes
préscolaires pendant des activités de jeux afin d’aider l’enfant présentant
un autisme à établir une relation et à comprendre que la communication
implique un échange affectif entre les personnes. Au fil des années, le
modèle a intégré des procédures comportementales.

Théorie de l’attention sociale en autisme


La cofondatrice du modèle d’intervention précoce de Denver, Géraldine
Dawson, propose une hypothèse selon laquelle l’attention sociale jouerait
un rôle central dans l’autisme [1]. Elle postule que les TSA sont associés à une
diminution de la sensibilité sociale manifestée par l’incapacité d’attribuer
une valeur de récompense à des stimuli sociaux qui sont pourtant pertinents
pour les sujets dont le développement neurocognitif est normal et qui sont,
de ce fait, dits « neurotypiques ». L’attention sociale est fortement liée aux
compétences d’attention conjointe, elle-même fortement liée au développe-
ment ultérieur du langage. Un trouble de l’attention sociale pourrait alors
avoir un impact substantiel sur les apprentissages futurs et le développement
ultérieur du système nerveux. L’attention est liée à l’activation du cortex
168 Voies nouvelles et perspectives futures

cingulaire antérieur qui joue le rôle de médiateur dans les processus atten-
tionnels et qui est également responsable du traitement de la récompense [2].
Le manque d’attention et de motivation sociale semble être responsable du
développement de connexions cérébrales atypiques, avec un impact subsé-
quent sur les comportements sociaux chez les tout-petits ayant un TSA [1].
De ce fait, le modèle d’intervention précoce de Denver aborde les TSA comme
un trouble neurologique entraînant un schéma comportemental atypique.
Les expériences sociales et cognitives précoces cruciales pour un déve-
loppement cérébral typique sont entravées. Ainsi, un tout-petit peut passer
beaucoup de temps à se focaliser sur des stimuli non sociaux, tels que les
objets, les mouvements ou des lumières et des sons non organiques, ce qui
va entraver encore plus son développement neuronal. Des comportements
atypiques sont observables dès la première année de vie. Plusieurs recherches
ont rapporté que le premier signe d’autisme qui soit visible dès l’âge de 6 mois
est un manque d’intérêt social, qui se traduit de manière observable par un
déficit à s’orienter vers les visages, et également un déficit dans l’expression
de sourires communicatifs aussi bien que dans la capacité de répondre à
son nom. Des analyses par des vidéos effectuées dans des maisons d’enfants,
dont les pensionnaires ont été plus tard diagnostiqués comme présentant
un TSA [11], des techniques de suivis du regard (eye tracking) [12] ainsi que
le suivi de bébés ayant un frère ou une sœur présentant un TSA  [13] ont
tous apporté des résultats similaires. Ils suggèrent que les altérations dans le
développement du cerveau débutent bien avant l’apparition des symptômes
comportementaux de TSA. Ces résultats sont en accord avec l’hypothèse
d’un rôle central d’une perturbation de l’attention sociale dans la genèse du
TSA [1, 2]. De plus, ils peuvent expliquer pourquoi la trajectoire développe-
mentale d’un enfant présentant ce trouble va s’éloigner de plus en plus de
celle d’un enfant neurotypique. En effet, le tout-petit rate des milliers d’occa-
sions d’apprentissage du fait de ce manque d’interactions sociales. Plus il
grandit, plus le schéma comportemental atypique va se renforcer en boucle :
le trouble d’attention sociale va entraîner un déficit des interactions avec
les autres, et ce déficit va non seulement perpétuer le trouble, mais encore
l’aggraver, tout au long du développement psychosocial.
Partant de ce constat, le modèle d’intervention précoce de Denver
vise à réamorcer le processus de développement précocement, c’est-
à-dire au moment où la plasticité cérébrale est la plus grande, ce qui
permettra d’empêcher que le manque d’engagement social ait une
influence négative sur l’imitation, l’attention conjointe, le langage et
le développement cognitif.

Enseignement des réponses pivots


L’enseignement des réponses pivots [8] est un modèle d’enseignement inci-
dent, basé sur les principes et les procédures de l’ABA. L’accent est mis sur des
Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 169

domaines pivots tels que la motivation, la réceptivité d’indices multiples,


l’initiation et l’autogestion afin de faciliter l’apprentissage de réponses
qui résultent en comportements collatéraux, sans besoin de les enseigner.
L’intervention est mise en œuvre dans le milieu naturel de  l’enfant et
utilise des procédures de motivation pour aider l’enfant à initier l’interac-
tion avec d’autres. L’accent est mis sur les actions suivantes : suivre l’enfant,
lui donner des choix, interagir à tour de rôle, renforcer les efforts et les
approximations, utiliser le renforcement intrinsèque, soit les conséquences
naturelles liées à l’activité en cours.

Soutien au comportement positif


Le soutien au comportement positif (SCP)  [9] est un modèle qui vise à
améliorer la qualité de vie et à réduire les problèmes de comportement. Le
modèle est issu de l’ABA et fait partie des approches positives avec accent sur
la prévention, les valeurs centrées sur la personne et la validité sociale. Le
processus débute avec l’évaluation de la fonction d’un comportement pro-
blématique (CP), lequel est ensuite remplacé par un comportement appro-
prié, désiré et fonctionnel en utilisant l’une des procédures de renforcement
différentiel. Le nouveau comportement est façonné et le comportement
problématique est mis en extinction, car le renforcement obtenu habituelle-
ment n’est plus présenté chaque fois que ce comportement est émis. La pro-
cédure appropriée doit être choisie selon la fonction, la fréquence, l’intensité
et la durée du comportement problématique, qui peut correspondre à une
ou plusieurs fonctions, dont les principales sont au nombre de quatre :
1. échapper ou éviter quelque chose d’indésirable : le comportement problème
est maintenu par l’échappement ou l’évitement de conséquences aversives ;
2. recevoir de l’attention  : le comportement problème est maintenu par
l’attention que l’entourage lui porte ;
3. recevoir quelque chose de tangible : le comportement problème est main-
tenu par le renforcement positif, c’est-à-dire des conséquences agréables
concrètes prodiguées par l’environnement social ou matériel ;
4. se procurer soi-même une sensation agréable  : l’autorenforcement est
maintenu tant que les conséquences conservent un caractère agréable.
Dans le modèle d’intervention précoce de Denver, les comportements pro-
blématiques sont pris en compte et traités dès le début du programme pour
permettre une relation positive et harmonieuse avec le tout-petit et s’assurer
que tout le temps d’intervention permettra un apprentissage accéléré.

Enseignement de l’analyse appliquée


du comportement
L’acronyme ABA prête encore à confusion car son utilisation en anglais
(applied behavior analysis) désigne d’une part la science de l’analyse ­appliquée
170 Voies nouvelles et perspectives futures

du comportement [4], et d’autre part le modèle d’intervention développé


par Lovaas en 1987  [14] pour les enfants avec autisme. La terminologie
intervention comportementale intensive ou ICI (intensive behavioral inter-
vention ou IBI) aide à réduire cette confusion. Les abréviations anglaises sont
utilisées en France, par opposition au Québec où sont utilisés les acronymes
AAC (analyse appliquée du comportement) pour ABA et ICI pour IBI. Il
est important de faire la différence entre la science de l’apprentissage et
l’application des techniques comportementales. Ces dernières sont utilisées
pour un large éventail d’interventions et pour une vaste clientèle allant
bien au-delà de l’autisme, qui a généré le plus d’attention pour l’AAC/ABA.

Bref rappel historique


Entre 1930 et 1937, Burrhus F. Skinner, un behavioriste radical, a observé
en laboratoire les relations entre le comportement et l’environnement, tel
que proposé par Edward Thorndike en 1898 par sa loi de l’effet, laquelle
stipule qu’un comportement suivi d’une récompense sera associé à la situa-
tion qui l’a déclenché et que l’apprentissage se fait avec l’association entre
le stimulus et la réponse, soit par l’association progressive entre une action
et son résultat. Skinner a fondé l’analyse expérimentale du comportement,
en 1938, sur ses observations en laboratoire du conditionnement opérant
et en intégrant la philosophie du behaviorisme radical et ses principes de
base proposés par Watson dès 1913. Ce dernier considérait qu’il fallait que
la psychologie s’éloigne de l’introspection, pour évoluer vers une science
descriptive fondée sur l’observation des comportements (behaviors). La psy-
chologie devait donc s’intéresser en premier lieu aux comportements émis
par l’organisme dans des situations données et analyser objectivement leurs
fonctions. Selon Watson, l’introspection ne présentait pas d’intérêt, car le
fonctionnement cérébral et la cognition ne pouvaient pas être à l’époque
étudiés objectivement. Ils étaient désignés sous le terme global de « boîte
noire ». Skinner a fait évoluer le modèle du behaviorisme radical vers plus
de « cognitivisme » en décrivant d’une part des comportements régis par
les contingences de renforcement environnementales et d’autre part des
comportements régis par des règles. Plus tard, les théories de l’apprentis-
sage deviendront encore plus cognitives avec les travaux d’Albert Bandura
qui, à la suite de nombreux auteurs, dont Jean Piaget, décrira en détail les
processus d’apprentissage social par imitation et le rôle central dans l’auto-
régulation et la gestion de soi et l’agentivité de deux variables cognitives :
les attentes d’efficacité et les attentes de résultats [15, 16].
En 1968, Baer, Wolf et Risley décrivent les caractéristiques fondamentales
de l’analyse appliquée du comportement (AAC/ABA  [6]) en distinguant
l’application de l’analyse expérimentale et conceptuelle. La recherche et les
procédures identifient les variables qui peuvent être efficaces pour améliorer
le comportement humain. Une procédure appliquée, soit une intervention,
Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 171

doit être examinée et évaluée en continu et être basée sur les sept principes
de l’AAC/ABA décrits par les auteurs en 1968 :
1. analytique  : une relation fonctionnelle entre le comportement et les
­événements environnementaux doit être identifiée ;
2. appliqué : les interventions doivent être appliquées aux comportements
socialement significatifs ;
3. comportemental  : le comportement ayant besoin d’être amélioré doit
changer de façon mesurable ;
4. conceptuellement systématique  : les résultats doivent être étroitement
liés aux principes de base ;
5. efficace : les changements doivent être significatifs pour le participant ou
sa famille ;
6. technologique : une description claire, détaillée et spécifique des procé-
dures, permettant une reproduction exacte ;
7. généralisé  : les effets du changement persistent à travers le temps, les
conditions, les variations procédurales et ils sont transférés à de nouveaux
comportements.
Ce bref rappel historique vise à souligner que l’AAC/ABA n’est pas un
ensemble prédéterminé de techniques d’intervention, mais plutôt une
approche ciblant les comportements socialement significatives et visant à
identifier et à fournir des interventions efficaces, individualisées et adap-
tées. Le modèle d’intervention précoce de Denver a incorporé les procé-
dures de l’AAC/ABA pour l’enseignement afin de s’assurer du progrès de
l’intervention.

Procédures utilisées dans le modèle d’intervention


précoce de Denver
Chaque objectif du plan d’intervention est décortiqué en plusieurs étapes
mesurables partant du niveau de base jusqu’à l’objectif final en utilisant
la procédure d’analyse de tâche. Chaque étape est ensuite enseignée en
utilisant la séquence stimulus–réponse–conséquence (S-R-C), les procédures
d’incitation, le renforcement, le façonnement, le chaînage et l’estompage.
Dans le modèle d’intervention précoce de Denver, l’incitation la moins
intrusive est utilisée afin d’augmenter l’autonomie d’exécution. Ainsi,
l’incitation ancrée dans le stimulus naturel est favorisée et on dirige l’atten-
tion de l’enfant sur le stimulus, lequel doit déclencher de façon naturelle le
comportement souhaité : ce peut être par exemple la voix, un geste ou un
objet. L’incitation la plus forte, soit l’incitation physique, est utilisée surtout
dans les activités routinières sensori-motrices sans jouet, telle que les cha-
touilles et les chansons, afin de conditionner le contact physique comme
renforçateur pour un tout-petit. L’estompage (la diminution graduelle de
l’incitation) est plus facile et naturel à intégrer quand l’incitation la moins
intrusive est appliquée. Le même principe est utilisé pour les procédures de
172 Voies nouvelles et perspectives futures

renforcement. Le renforçateur le plus naturel (intrinsèque) est appliqué de


sorte que le comportement enseigné se reproduise de façon volontaire et
s’accroisse hors de l’intervention. Le but de l’utilisation des renforçateurs
intrinsèques est que le tout-petit puisse apprendre comme ses pairs neuro-
typiques, pour lesquels le renforcement est souvent livré directement par
l’interaction, la tâche ou le jeu en cours.
Le lecteur intéressé pourra se référer à des œuvres décrivant les procédures
de l’ABA telles que le livre Applied behavior analysis de Cooper, Heron et
Heward [6].

Recherche sur l’intervention


des troubles du spectre autistique
La recherche sur les traitements de l’autisme s’accélère mais, comparati-
vement à plusieurs autres domaines de la santé, elle en est encore à un
stade précoce. Les études d’intervention sont limitées car les différences
individuelles peuvent difficilement être considérées dans les modèles de
recherche visant à démontrer la validité des résultats par des essais cli-
niques randomisés et contrôlés. Les variables qui permettraient de définir
pourquoi certains enfants obtiennent moins de bénéfices de l’interven-
tion précoce que d’autres ne sont pas encore toutes connues. Néanmoins,
une base de données qui s’accroît de jour en jour, démontre l’efficacité
des modèles d’intervention comportementale avec des résultats probants.
Des ­améliorations concernant les performances cognitives, les compétences
linguistiques et les comportements adaptatifs sont rapportées dans plusieurs
méta-analyses qui ont été passées en revue par Reichow et al. en 2012 [5].
Les preuves scientifiques restent limitées dans plusieurs modèles en raison
de données provenant d’études non randomisées. Dans la méta-analyse
conduite par Warren et al. [17] seulement deux traitements pour TSA ont été
retenus comme efficaces : l’intervention comportementale intensive [14] et
le modèle d’intervention précoce de Denver [3].

Études sur le modèle d’intervention


précoce de Denver
Bien que les résultats obtenus par le modèle d’intervention précoce de
­Denver doivent être encore reproduits de manière indépendante avant d’être
considérés comme un traitement soutenu empiriquement, ils sont d’ores et
déjà considérés comme prometteurs et très encourageants.

Étude 1
Un essai clinique randomisé et contrôlé conduit par Dawson et Rogers [4]
a permis d’évaluer l’efficacité du modèle d’intervention précoce de Denver
Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 173

en mesurant notamment l’amélioration du quotient d’intelligence (QI).


L’essai a été mené pendant 2 ans avec 48 participants âgés de 18 à 30 mois
et ayant un TSA. Les participants ont été assignés au hasard à l’un de deux
groupes. Un premier groupe de contrôle formé de 21  participants a reçu
18,4  heures par semaine de traitement usuel (tel que l’intervention spé-
cialisée en autisme, l’ergothérapie, l’orthophonie, etc.), alors qu’un second
groupe de 24  participants a reçu 20  heures par semaine d’intervention à
l’université de Washington et 5  heures de généralisation avec les straté-
gies du modèle d’intervention précoce de Denver, qui étaient appliquées
par les parents dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Le groupe de
contrôle a montré en moyenne une amélioration de 7,0 points du QI contre
17,6 points pour le groupe « modèle d’intervention précoce de Denver ».
C’est le meilleur résultat obtenu depuis les travaux de Lovaas publiés en
1987 [14] et ceci avec moins d’heures d’intervention. Les comportements
adaptatifs du groupe de contrôle ont baissé en moyenne de 11,2  points,
alors que ceux du groupe « modèle d’intervention précoce de Denver » sont
demeurés stables. Une différence significative a aussi été rapportée entre
les deux groupes concernant la socialisation et la motricité. Une réduction
de la sévérité des symptômes résultant dans un changement de diagnostic
d’autisme à TED-NS (trouble envahissant du développement non spécifié),
selon les critères du DSM-IV en vigueur en 2009, a été rapportée pour un
enfant (5 %) du groupe de contrôle et pour sept enfants (30 %) du groupe
« modèle d’intervention précoce de Denver ». C’est la première étude ran-
domisée et contrôlée qui démontre l’efficacité d’une intervention pour les
tout-petits atteints de TSA. Cette étude permet de conclure que le modèle
d’intervention précoce de Denver accélère le développement global et peut
diminuer la sévérité du diagnostic des tout-petits ayant un TSA.

Étude de suivi
En 2012, Dawson et ses collègues  [18] ont voulu investiguer comment
l’intervention du groupe du modèle d’intervention précoce de Denver et du
groupe de contrôle de l’essai clinique (étude 1 [4]) avait modifié les ­circuits
neuronaux responsables du développement social en réponse à l’inter-
action entre le tout-petit et son environnement social.
Dawson et al. [19] ont mesuré l’activité électro-encéphalogramme (EEG)
lors de la visualisation des stimuli sociaux (visages) et non sociaux (jouets)
chez les enfants du groupe « modèle d’intervention précoce de Denver »
et du groupe de contrôle, 2  ans après l’essai clinique (étude  1  [4]). Un
troisième groupe d’enfants neurotypiques du même âge (48 à 70 mois) que
les deux groupes de l’étude  1 a été ajouté pour fin de comparaison des
résultats. Le traitement perceptif des visages n’a pas montré de différence
entre les trois groupes. Cependant, les mesures de l’engagement et l’atten-
tion sur des stimuli sociaux versus non sociaux ont montré que les enfants
174 Voies nouvelles et perspectives futures

du groupe « modèle d’intervention précoce de Denver » présentaient une


activité cérébrale comparable aux enfants typiques. Les enfants du groupe
« modèle d’intervention précoce de Denver » ont alloué plus d’attention
et de ressources actives et cognitives pendant le visionnement des stimuli
sociaux (visages) que pendant celui des stimuli non sociaux (objets). Le
groupe d’enfants neurotypiques a montré des résultats similaires à ceux
du groupe «  modèle d’intervention précoce de Denver  ». Les enfants du
groupe de contrôle ayant reçu un traitement « comme d’habitude » (traite-
ment usuel) ont montré une tendance inversée, c’est-à-dire une activation
accrue pendant le visionnement d’objets par rapport au visionnement des
visages.
La plus grande activation corticale observée lors de la visualisation des
stimuli sociaux (étude de suivi) confirme donc que l’intervention pré-
coce du modèle de Denver conçue lors de l’essai clinique (étude 1 [4])
a réellement pu augmenter l’attention et l’engagement des enfants vers
leur environnement social. Les auteurs suggèrent que l’activité cérébrale
normalisée des enfants du groupe «  modèle d’intervention précoce de
Denver » est corrélée avec l’amélioration des habilités de leur comporte-
ment social. En conclusion, l’étude a souligné le caractère plastique du
cerveau au cours du développement précoce, ce qui renforce l’hypothèse
de l’attention sociale en TSA [1]. C’est la première étude à démontrer le
potentiel de l’intervention comportementale très précoce à modifier
le cours du développement atypique du cerveau d’un tout-petit ayant
un TSA.

Vérifications indépendantes
Warren et al. [17] ont suggéré que les données concernant l’intervention chez
les enfants de moins de 2  ans devaient être reproduites. Ils ont également
souligné que les variables influençant le progrès, comme par exemple les
caractéristiques des enfants plus susceptibles de bénéficier de l’intervention,
devaient être identifiées. En 2013, Vivanti et al.  [19] ont publié leur véri-
fication indépendante de l’efficacité du modèle d’intervention précoce de
Denver. Les enfants ayant des compétences plus avancées dans l’imitation et
l’utilisation fonctionnelle des objets ont eu les meilleurs gains en développe-
ment comparativement aux résultats moins favorables pour les enfants ayant
un TSA sévère avec une déficience intellectuelle subsumée.
Sur une base purement clinique, nos observations auprès de tout-petits
recevant le modèle d’intervention précoce de Denver tendent également à
mettre en évidence son efficacité. En effet, les résultats préliminaires d’une
étude à cas unique présentement en cours montrent des améliorations
importantes du profil social, émotionnel et des comportements adaptatifs
d’un enfant ayant un TSA léger et qui présente un mutisme sélectif. Une
augmentation de 27,5 points sur le QI a ainsi été observée après 12 mois
Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 175

d’intervention1. Une deuxième étude, également en cours, est présentée


plus loin dans la section Formation parentale (voir p. 178). En général, nous
observons une augmentation de la valeur renforçatrice de l’interaction
sociale chez sept autres tout-petits faisant l’objet d’un suivi, indépendam-
ment de la sévérité de leur TSA. Ces résultats préliminaires supportent les
recommandations d’une étude de Rivard et Regli [20] qui souligne l’impor-
tance des apports combinés de diverses stratégies d’intervention découlant
de l’AAC/ABA [6] afin de répondre au besoin individuel de chaque enfant.

Évaluation des besoins d’intervention


Déjà, chez les nourrissons, l’expression précoce du TSA démontre des
schémas hétérogènes et complexes sur les plans cérébral, comportemental
et développemental  [21]. Un programme standardisé n’est pas approprié
pour la majorité des enfants et une intervention conçue pour améliorer la
trajectoire du développement d’un tout-petit devrait toujours le prendre
en considération. Le modèle de Denver répond à ce besoin et est le seul
modèle qui fournit un outil développemental se présentant sous forme
d’une check-list (ESDM checklist en anglais [3]). Cet outil permet de dévelop-
per une intervention individualisée et adaptée au profil développemental et
comportemental de chaque tout-petit.

Protocole développemental du modèle


d’intervention précoce de Denver
La check-list fournit un protocole structuré des habiletés basé sur la trajec-
toire développementale des tout-petits atteints d’un TSA. Elle est divisée
en quatre niveaux développementaux de 12 à 48 mois. Elle représente une
évaluation selon des critères des compétences sociales, cognitives, de jeu,
d’autonomie, de langage, d’imitation et de motricité. Le processus d’éva-
luation du tout-petit comprend l’observation, l’entrevue avec les parents,
l’histoire du ­développement et la consultation avec les spécialistes d’autres
disciplines comme le médecin, le psychologue, l’orthophoniste, etc. Le
niveau de base recueilli avec check-list fournit le profil développemental de
l’enfant et mène à la construction du plan d’intervention avec des objectifs
individualisés dans tous les domaines affectés par les TSA.

Intervention
La connaissance du fonctionnement d’un tout-petit est un facteur impor-
tant pour la mise en œuvre des activités adaptées et individualisées. La
perception, l’attention, la motivation et les comportements atypiques du

1. Regli et Rivard, en préparation.


176 Voies nouvelles et perspectives futures

tout-petit sont considérés lors de la conception du plan d’intervention


afin de pouvoir capitaliser sur les caractéristiques et le profil du dévelop-
pement actuel. L’intervention vise toutes les sphères du développement
avec une priorité sur l’attention, l’imitation, l’attention conjointe et la réci-
procité entre l’adulte et le tout-petit. Étant donné l’hypothèse de l’atten-
tion sociale [1, 2], il ne faut pas seulement augmenter le temps d’échange
social réciproque, mais également présenter les stimuli sociaux d’une façon
effective, motivante et adaptée au jeune âge du tout-petit pour qu’une
communication sociale renforçatrice et riche puisse s’établir. Le tout-petit
n’est pas placé dans le rôle passif du répondant, mais plutôt dans une inter-
action dyadique qui vise à construire l’initiative et l’engagement social dès
le début de l’intervention.

Séance du modèle d’intervention précoce de Denver


Elle est construite autour d’activités conjointes avec et sans objets et se déroule
en commençant par une « routine de bonjour », suivie par des activités variées
incluant une collation et la « routine de bye-bye ». Le tout-petit choisit une
activité pendant laquelle le clinicien suit la motivation et maîtrise l’éveil
de l’enfant afin de s’assurer qu’il est prêt à apprendre. Les objectifs du plan
d’intervention sont enseignés pendant les routines, lesquelles incluent l’ins-
tallation, le choix du jeu et, au besoin, la mise en scène des objets. Les parte-
naires s’entendent ensemble sur le thème du jeu pendant lequel on s’imite, on
commente, on communique et on s’amuse. Un observateur sans formation
approfondie ne peut réaliser que derrière ce jeu, des procédures très rigou-
reuses et techniques sont appliquées. En ajoutant des variations dans le jeu,
le clinicien peut combiner et cibler plusieurs objectifs du plan d’intervention.
Une routine prend fin quand l’enfant ne veut plus que des variations soient
ajoutées ou quand le jeu devient trop répétitif. La fermeture est une activité
conjointe pendant laquelle des habilités des domaines cognition et autono-
mie peuvent être travaillées. La transition vers une nouvelle activité doit être
bien planifiée et gérée. Les stratégies de soutien positif du comportement sont
appliquées pour éviter les difficultés de transition, comme on l’observe sou-
vent avec des enfants ayant un TSA.
Pendant toutes les activités, les techniques de l’AAC/ABA sont incorporées
et jumelées à des techniques relationnelles. Une formation approfondie
s’impose pour pouvoir créer l’engagement social et émotionnel et en même
temps appliquer les procédures rigoureuses de l’AAC/ABA. Les auteurs du
modèle d’intervention précoce de Denver suggèrent fortement que la mise
en œuvre de l’intervention soit supervisée par un professionnel accrédité.
Dans des régions où des professionnels avec certification « modèle d’inter-
vention précoce de Denver » sont peu nombreux, un clinicien avec une cer-
tification en AAC/ABA comme le BCBA® (board certified of behavior analyst)
peut prendre la relève afin d’assurer une intervention de haute qualité.
Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 177

Établissement des renforçateurs


intrinsèques et conditionnés
Le renforcement intrinsèque est priorisé dans le modèle d’intervention
précoce de Denver et est établi avec les techniques du conditionnement
opérant et les opérations de motivation conditionnées (conditioned moti-
vating operation ou C-MO en anglais). Des cliniciens avec une formation
approfondie d’application des procédures de motivation peuvent ramener
l’enfant dans un environnement social riche en interactions réciproques.
Un stimulus qui est d’abord neutre pour le tout-petit, tel que le sourire, le
langage, le regard, la proximité du clinicien, est apparié avec un stimulus
de haute préférence de l’enfant. Ceci est souvent un objet, une lumière,
un son ou un mouvement non organique. Des associations répétées du
stimulus préféré avec le stimulus neutre sont utilisées jusqu’à ce que les
stimuli sociaux aient acquis une valeur renforçatrice égale ou supérieure
aux stimuli non sociaux. Les stimuli sociaux sont ainsi des renforçateurs
appris, dits conditionnés. Un grand nombre de renforçateurs sociaux et
de renforçateurs intrinsèques doivent être conditionnés et généralisés afin
d’être efficaces dans un large éventail de conditions. Ceci offre un grand
avantage pour les cliniciens qui travaillent avec les tout-petits présentant
un répertoire de renforçateurs sociaux et intrinsèques particulièrement
limité. Ainsi, la disponibilité et la motivation du tout-petit pour l’inter-
action sociale et l’apprentissage sont augmentées et celui-ci peut profiter
d’un apprentissage naturel, tout comme ses pairs neurotypiques.

Prise de données
Une fiche de cotation contentant chaque étape de l’analyse de tâche pour
chacun des objectifs du plan d’intervention sert pour la prise de données. Le
clinicien note ce qu’il a observé pendant 15 minutes et peut par conséquent
vérifier quels objectifs n’ont pas encore été enseignés. Pour chaque objectif, le
critère de mesure pour l’acquisition est noté. Quand une étape est maîtrisée,
la date est transcrite dans une fiche de suivi des compétences. Celle-ci permet
d’évaluer et analyser le progrès. Le modèle d’intervention précoce de Denver
fournit aussi une évaluation de la fidélité de l’enseignement. Cet outil permet
au clinicien d’auto-évaluer si l’intervention est bien mise en œuvre selon les
critères du modèle. Il peut évaluer s’il a capté et bien géré l’attention et la
motivation de l’enfant, s’il a pu moduler l’affect et l’éveil et gérer des compor-
tements indésirables. L’utilisation des techniques d’enseignement, la qualité
de l’engagement dyadique, l’affect positif, la sensibilité et la réceptivité, des
opportunités de communication multiples et variées sont aussi évaluées. Le cli-
nicien vérifie si le langage a été adapté au niveau de l’enfant et si l’élaboration
des activités conjointes et la transition entre les activités correspondent aux
critères. Cette évaluation est aussi utilisée pour l’accréditation du thérapeute.
178 Voies nouvelles et perspectives futures

Formation parentale
Les parents font partie intégrale du modèle d’intervention précoce de Den-
ver et ils sont impliqués dans le choix des objectifs, de l’environnement où
l’intervention a lieu et de la mesure de leur contribution à l’intervention.
Il peut s’appliquer au domicile, dans une clinique ainsi que dans les lieux
préscolaires ou communautaires. Les parents sont formés pour en utiliser
des stratégies dans leur quotidien. Rogers et Dawson considèrent que la
participation des parents pendant leur recherche a constitué un apport
important aux résultats favorables.
Un livre pour les parents
Confrontés aux difficultés et à la complexité de l’autisme chez leurs tout-
petits, il est compréhensible que les parents soient à la recherche de conseils.
Pour répondre à ce besoin, Rogers, Dawson et Vismara ont publié un
livre pour les parents sous le titre Un départ précoce pour votre enfant ayant
un trouble du spectre autistique [22]. Il contient des stratégies simples et des
activités quotidiennes pour aider l’enfant à se connecter, à communiquer
et à apprendre. Dans leur introduction, les auteurs du livre notent : « Dans
notre travail avec de nombreux enfants au cours de plusieurs années, nous avons
découvert que chaque enfant peut apprendre à communiquer, à mieux jouer et à
aimer le contact social. Nous avons pu noter que les parents développent un sens
d’accomplissement et de fierté vis-à-vis de leur enfant, en l’aidant à progresser et
à apprendre. » Le livre utilise un langage non technique et est une source
d’aide pour tous les parents, autant ceux n’ayant pas accès ou étant en
attente de services professionnels que les parents dont les enfants reçoivent
l’intervention.

Vérification indépendante
Dans le cas où une intervention intensive n’est pas possible, il est intéres-
sant d’étudier les effets de la formation des parents qui ont la volonté et la
possibilité d’apprendre les stratégies et de les appliquer à domicile. Dans ce
qui suit, on donne l’exemple d’une intervention d’une heure par semaine
avec une fillette ayant un TSA léger, mais présentant des ­comportements
inadaptés à domicile et surtout en garderie. L’objectif principal de la mère
est de voir une augmentation du nombre spontané des demandes et
d’initiations de communication. Le niveau de base montre une fréquence
stable de 0,02  demande par minute, soit une demande spontanée toutes
les 25 minutes en moyenne. L’objectif du plan d’intervention, basé sur une
session d’une heure par semaine pendant 12 semaines, est d’augmenter la
fréquence à trois demandes par minute, soit 150  demandes spontanées,
sans incitation, par période de 50 minutes. La mère est présente pendant
chaque session et est formée pour appliquer les procédures à domicile et en
garderie. Après seulement 10 semaines, l’objectif est atteint. La figure 10.1
Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 179

(voir cahier couleur) montre le niveau de base de l’évaluation, et les trois


phases d’intervention. Pendant la phase  1, les demandes avec incitation
sont comptées et affichées en fréquence par minute sur un graphique à
échelle semi-logarithmique2. La phase  2 montre les demandes faites avec
un minimum d’incitation, alors que la phase  3 présente les demandes
spontanées entièrement sous la motivation propre de l’enfant, sans aucune
incitation.
Selon la mère, faire des demandes est un comportement pivot qui a résulté
en une interaction beaucoup plus positive à domicile. Des comportements
problématiques, qui n’ont pas été spécifiquement ciblés par le plan d’inter-
vention, ont été remplacés avec d’autres objectifs du plan, comme les
habiletés sociales, langagières et de jeu. Les résultats après 3 mois d’interven-
tion sont très encourageants. La formation des parents continue d’être inves-
tiguée afin de permettre aux familles d’avoir des résultats favorables, même
lorsqu’une intervention intensive n’est pas possible (voir figure 10.1).
Au Québec, le premier essai contrôlé et randomisé, en français, est
actuellement mené dans un centre de réadaption dans lequel 300 enfants
ayant un TSA reçoivent des services. Deux groupes randomisés reçoivent
soit une heure de formation parentale sur le modèle d’intervention précoce
de Denver, soit une heure de consultation usuelle donnée aux parents ayant
un enfant sur la liste d’attente pour obtenir des services d’ICI/IBI. Les résul-
tats préliminaires seront disponibles en 2015.

Perspectives futures
L’intervention pour les très jeunes enfants atteints de TSA reste un sujet
complexe pour les cliniciens et pour les chercheurs, à cause de l’hétérogé-
néité des TSA. Très peu d’essais cliniques randomisés et contrôlés ciblant
l’intervention pour les enfants de moins de 2 ans ont été publiés à ce jour.
La recherche médicale exige cependant ce type d’essais pour accorder un
support expérimental à un modèle d’intervention. Le modèle d’intervention
précoce de Denver est aujourd’hui le seul modèle d’intervention très pré-
coce supporté par des résultats prometteurs qui sont issus de la recherche
randomisée et contrôlée. Des études indépendantes viennent appuyer l’essai
clinique [19] et pourraient fournir les éléments requis à l’obtention de son
support expérimental. Le modèle d’intervention précoce de Denver fournit
un outil d’évaluation développemental et un guide d’intervention permet-
tant de mettre en œuvre une intervention individualisée et adaptée au profil
de chaque tout-petit ayant un TSA. Le livre sur ce modèle [3] est ainsi une res-
source indispensable pour le professionnel qui veut profiter de l’expérience

2. Logiciel : GQSMA/EMSDC 0.24.4. Cocon Développement, Canada, 2012 ; dis-


ponible à l’adresse Internet suivante : www.cocon.ca
180 Voies nouvelles et perspectives futures

et du savoir-faire de l’équipe de Rogers et Dawson pour amener un tout-


petit avec un (risque de) TSA à aimer l’interaction sociale et apprendre avec
enthousiasme et plaisir.

Références
[1] Dawson G, Bernier R, Ring RH. Social attention: a possible early indicator of
efficacy in autism clinical trials. Journal of Neurodevelopmental Disorders
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promoting language, learning, and engagement. Guilford Press ; 2010, 297 p.
Version française : L’intervention précoce en autisme : le modèle de Denver pour
jeunes enfants. Paris : Dunod ; 2013, 432 p.
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Prise en charge du trouble du spectre autistique par le modèle... 181

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intellectuelle et son apport pour l’intervention. Revue Francophone de Clinique
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everyday activities to help kids connect, communicate, and learn. Guilford
Press; 2012. 342 p.
11 Enseignement structuré
selon TEACCH et thérapies
comportementales
et cognitives

Des outils d’intervention


complémentaires tout au long
de la vie pour les personnes
présentant un trouble du spectre
autistique

C. Coudert

Résumé
Dans ce chapitre, Cécile Coudert nous fait part de son expérience
clinique avec la méthode TEACCH (treatment and education of
autistic and related communication-handicapped children) et
elle montre comment cette méthode et les thérapies cognitives
et comportementales peuvent aider la personne présentant un
trouble du spectre autistique (TSA) et sa famille tout au long de la
vie. La méthode TEACCH vise à renforcer les compétences paren-
tales, le professionnel leur apprenant à se servir d’outils pratiques
et les soutenant. Elle valorise la connaissance qu’ont les parents de
l’enfant et les aide à prendre conscience de leurs forces, à sortir de
l’isolement en rejoignant des associations de parents et à réduire
leurs inquiétudes au sujet de l’éducation de l’enfant qui présente un
TSA. Le fondateur de cette méthode, Eric Schopler, a pour objectif
de réduire l’anxiété  de la personne autiste, réduire la distraction
environnementale, donner du sens à l’environnement pour per-
mettre à la personne d’y interagir et vivre de manière autonome
dans un milieu le moins restrictif possible. Les patients deviennent
ainsi de cothérapeutes actifs au lieu de s’auto-accuser, du fait d’un
sentiment d’impuissance et de désespoir. La méthode TEACCH est
centrée sur le renforcement des compétences pour les parents et
les enfants mais aussi sur l’acceptation et la reconnaissance des
déficits, du diagnostic, de la différence. À travers des cas cliniques

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
184 Voies nouvelles et perspectives futures

et des recommandations pratiques spécifiques, Cécile Coudert


montre comment l’on peut pallier les déficits neurocognitifs qui se
traduisent, chez la personne présentant un TSA, par un déficit de la
théorie de l’esprit d’autrui. Elle explique également comment les
parents et les thérapeutes parviennent à mettre en place des ap-
prentissages sociaux qui vont favoriser la scolarisation et l’insertion
dans un milieu aussi « naturel » que possible.

Fonctionnement de la personne
avec un trouble du spectre autistique

Définitions et outils
Troubles du spectre autistique
Depuis la parution du DSM-V en mai 2013 [1], on parle de trouble du spec-
tre autistique (TSA) en remplacement du trouble envahissant du développe-
ment (TED). Cette nouvelle terminologie créée par Lorna Wing [2] et Doris
Allen [3] permet de comprendre que l’autisme revêt un spectre très large.
Entre les deux représentations très stéréotypées que l’on se fait communé-
ment de la personne TSA, celle qui ne parle pas et se tape la tête versus celle
qui est dotée d’une intelligence exceptionnelle et d’un don particulier, il
existe une multitude d’expressions de l’autisme. Dans son manuel psycho-
éducatif pour autistes, Peter Vermeulen [4] explique cette notion de spectre
par une comparaison concrète avec « le spectre de la lumière tel qu’on peut
l’observer dans un arc-en-ciel ».
Ainsi « l’autisme prend une teinte différente chez chaque personne. L’autisme
peut être rouge chez une personne, bleu chez une autre (…) une personne autiste
typique n’existe donc pas. Chaque personne avec autisme est unique (…) mais
éprouve des difficultés dans les mêmes trois domaines (communication, inter-
actions et intérêts restreints)  »  [4]. Cette notion de spectre est plus claire
puisqu’elle exprime les différences interindividuelles que l’on peut observer
en travaillant auprès de personnes autistes. Ces différences étaient difficiles
à classer dans les catégories précédentes  : autisme typique, autisme de
haut niveau, autisme Asperger, autisme atypique. Dans l’appellation TSA,
la diversité est exprimée de façon dimensionnelle alors qu’elle n’était que
catégorielle dans l’appellation TED. Toutefois le terme « envahissant » des
TED reste justifié dans la mesure où l’autisme a des répercussions sur la
personne dans sa globalité :
• sur son fonctionnement comportemental, cognitif et émotionnel ;
• sur l’entourage, en particulier sur la qualité de vie des proches et sur leur
parcours de vie.
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 185

Prenons l’exemple de cette maman extrêmement bienveillante envers


son fils et qui affirmait : « Je vis autisme, je dors autisme, je pense autisme et
l’autisme me sort par les trous de nez. »
Les TSA sont des troubles neurodéveloppementaux qui vont affecter
« la communication et les interactions sociales mais aussi provoquer des patrons
de comportements, d’intérêts et d’activités restreints et répétitifs » [1]. Les TSA
s’expriment de façon très variée et répondent tous aux mêmes critères. Mais
ils se distinguent aussi par leurs présences plus ou moins marquées et par le
besoin plus ou moins important de soutien. Ils peuvent être également asso-
ciés à des atteintes et maladies neurologiques ou médicales, à des niveaux
intellectuels allant de la déficience jusqu’à la douance en passant par des
troubles du langage. Cet ensemble clinique se condense en un seul terme
définissant bien l’autisme : hétérogénéité. Les besoins de la personne avec
TSA seront par conséquent très différents tout comme les aides à apporter.
Un cerveau différent
Les données de la recherche ces quinze dernières années montrent plusieurs
différences anatomiques et fonctionnelles dans le développement du cerveau
des personnes autistes, le terme autisme sera utilisé à partir de ce point pour
designer les TSA [5-7]. Plusieurs recherches dans le domaine de la neuropsy-
chologie cognitive depuis les années 1960 permettent d’identifier soit des dys-
fonctionnements dans les processus cognitifs, soit un sur-fonctionnement,
mais surtout des processus cognitifs propres aux TSA. Pour une revue
complète et précise sur la cognition, la lecture du livre de Laurent Mottron,
L’autisme une autre intelligence, est vivement recommandée [8].
Les fonctions cognitives telles que les fonctions exécutives et attention-
nelles, la perception, la cognition sociale, la perception des émotions ou
encore les fonctions mnésiques ont fait l’objet de nombreuses recherches
qui montrent toutes des particularités de fonctionnement propres à
l’autisme. On ne peut alors que prédire des comportements différents. Les
particularités cognitives et sensorielles des personnes autistes représentent
visiblement les portes d’entrée de la compréhension de ce qu’est l’autisme et
orientent les interventions des professionnels. Nous comprenons l’autisme
lorsque nous intégrons que la perception, le raisonnement, le traitement de
l’information des personnes autistes ne sont pas identiques au fonctionne-
ment commun et ce, au-delà de nos propres différences interindividuelles.
Gary Mesibov expose un point de vue fort intéressant dans Autisme : le
défi du programme TEACCH [9] : « Le regard que je porte sur l’autisme est proche
de celui que je porte sur la culture : je pense à l’autisme comme à une culture (…)
la culture des autistes (…) est basée sur la façon dont leur cerveau fonctionne,
sur  la manière dont leur cerveau comprend les informations (…). L’autisme
affecte la manière de manger, de s’habiller, de se vêtir, de passer son temps libre,
de comprendre le monde, de communiquer (…) dans un sens l’autisme agit comme
186 Voies nouvelles et perspectives futures

une culture, en ce qu’il induit des types de comportements caractéristiques et pré-


visibles chez les personnes qui en sont atteintes. » Le rôle de l’accompagnant
est alors «  le même que celui d’un interprète (…) il doit comprendre les deux
cultures, (…) traduire  ». Mesibov regroupe alors dans ce concept plusieurs
points caractéristiques à l’autisme [10] :
• force du traitement de l’information visuelle ;
• attention accrue aux détails ;
• variabilité attentionnelle importante avec forte distractibilité ;
• problèmes de communication ;
• difficulté avec les concepts de temps ;
• tendance à s’attacher à des routines et rituels ;
• intérêts très spécifiques et intenses ;
• préférences et aversions sensorielles prononcées.
Le traitement de l’information d’une personne autiste est différent
puisque l’autisme est induit par un fonctionnement neuropsychologique
particulier.
Parmi une multitude d’exemples sur les particularités cognitives des per-
sonnes autistes, prenons celui de M. X., présentant un syndrome d’Asperger
qui un jour s’étonnait et déplorait le manque de mémoire de son théra-
peute. Il lui apprend alors que sa mémoire se dessinait ainsi : un grand cou-
loir avec des portes pour chaque jour de sa vie, et ce dès son plus jeune âge,
bien avant l’apparition très précoce chez lui du langage. Derrière chacune
de ces portes se trouvaient tous les détails de la journée sélectionnée : ce
qu’il avait fait, mangé, avec qui il était. On peut alors constater l’ampleur
de sa mémoire épisodique et la particularité dans la catégorisation des évé-
nements. Nous sommes pour la plupart capables de nous remémorer ce que
nous faisions exactement à des dates précises et très spéciales, par exemple
lorsque nous avons appris l’effondrement des Twin Towers le 9 Septembre
2001 ou lors de l’éclipse totale du soleil en 1999. Mais essayez de vous sou-
venir exactement de ce que vous faisiez par exemple le 13 octobre 2004…
Pour ce jeune Asperger, il était également possible de récupérer par ce biais
certaines informations sémantiques comme des poésies.
Gunilla Gerland [11] écrit « ayant une mémoire quasi photographique pour
certains types de texte, j’y avais recours (….) quand j’avais lu toute la grammaire
anglaise, je pouvais la feuilleter dans ma tête et m’arrêter sur le paragraphe
dont j’avais besoin (…) je me trouvais comme devant une copie que je n’avais
qu’à lire mentalement ». Elle dit également : « Mais lorsqu’on me parlait de
questions qui n’évoquaient pas d’image dans mon esprit, les mots n’arrivaient
pas à atterrir dans ma tête, ils s’envolaient pour se poser ailleurs. Sans doute
arrivaient-ils bien, mais seulement comme des mots dont l’intérêt pouvait être
leur structure ou leur saveur, qui pouvaient avoir une couleur captivante ou
se composer de sons agréables, mais qui, s’ils n’étaient pas imagés, n’offraient
aucune signification. »
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 187

TEACCH et thérapies cognitives et comportementales


TEACCH (treatment and education of autistic and related communication-
handicapped children) est un service clinique de l’université de Caroline du
Nord à Chapel Hill qui a développé un programme de formation profes-
sionnelle et de recherche. Ce programme, initialement élaboré par le
Pr  Schopler, a pour objectif de réduire l’anxiété de la personne autiste,
réduire la distraction environnementale, donner du sens à l’environne-
ment pour permettre à la personne d’interagir avec l’environnement et,
in fine, développer l’autonomie de la personne pour vivre dans le milieu le
moins restrictif possible. Il s’appuie sur plusieurs théories dont les théories
de l’apprentissage, les théories cognitives et développementales. L’approche
TEACCH est appelée « enseignement structuré » selon la traduction fran-
çaise de structured TEACCHing. Cet enseignement structuré se fonde d’une
part sur des données probantes et d’autre part sur l’observation selon
laquelle les personnes avec autisme ont un fonctionnement neuropsycho-
logique particulier avec des forces et des faiblesses qu’on appelle « la culture
de l’autisme ». Ces extraits de Mesibov et al. [10, 12, 13], alors directeur de
ce programme entre 1993 et 2011, nous permettent ainsi de comprendre la
philosophie de TEACCH qui va dans le sens d’une adaptation réciproque
où la différence est respectée tout en donnant les moyens à la personne
autiste de progresser vers un épanouissement maximum. Les principes fon-
dateurs  de TEACCH impliquent la nécessité d’une collaboration parents–
professionnels et d’une pratique évaluative et individualisée.
Les thérapies cognitives et comportementales condensent :
• la thérapie comportementale qui existe depuis les années 1960 et qui,
depuis, ne fait qu’étayer ses outils de plus en plus nombreux et efficaces
dans de vastes domaines  : méthodes respiratoires et relaxation, désensi-
bilisation, exposition, analyse appliquée du comportement, techniques
d’apprentissage et renforcement pour n’en citer qu’une infime partie. « Elle
consiste essentiellement à façonner les réponses favorables dans un sens déterminé
avec le patient, et à entraîner des réponses d’habituation qui déconditionnent le
sujet de ses habitudes. » [14] ;
• la thérapie cognitive mise au point dans les pays anglo-saxons, qui est
une thérapie des émotions. Elle fonctionne à partir des événements cogni-
tifs que sont nos pensées et nos images mentales et elle aide la personne
à prendre conscience de ses pensées, de ses processus et schémas cognitifs
pour modifier ses émotions et ses comportements.
Les thérapies cognitives et comportementales apportent des moyens aux
professionnels pour aider les personnes autistes à développer ou modifier
certains aspects de leur développement comportemental, cognitif et émo-
tionnel. Ces thérapies aident la personne à changer son comportement
(ce qu’elle fait, pense et ressent) dans le but de réduire l’anxiété, d’amélio-
rer l’affect et d’atteindre d’autres buts pertinents  [15]. Tony Atwood  [16]
188 Voies nouvelles et perspectives futures

précise les modifications qu’il est utile d’ajouter aux thérapies cognitives
et comportementales dans le cas des personnes autistes. Sur la forme, ces
modifications consistent en adaptations visuelles sur les buts à atteindre.
Elles consistent à faire travailler plus particulièrement l’acquisition de
compétences précises relatives à la manipulation d’émotions, à l’expres-
sion des sentiments et à la perception sociale, domaines dans lesquels les
personnes autistes rencontrent des difficultés.
Les thérapies cognitives et comportementales et l’approche TEACCH
proposent un éventail d’outils et différentes stratégies éducatives qui vont
s’adapter aux besoins de chacune des personnes et ceci à tous les âges de la
vie. Ces deux approches recommandent et intègrent une étroite collabora-
tion entre professionnels et famille.

Autisme et famille

Impact sur la vie de famille


Comme indiqué auparavant, l’autisme est envahissant et son impact sur
la famille entière est considérable. Le rythme, l’organisation quotidienne,
les loisirs, les relations amicales et familiales et, d’une façon plus générale,
la qualité de vie de la famille sont autant de domaines dans lesquels on
retrouve les impacts dus au handicap. L’activité professionnelle des parents
est également affectée la plupart du temps. Enfin, le stress peut être présent
quelle que soit la sévérité de l’autisme.
L’accès aux loisirs pour les enfants avec TSA est également limité. Intégrer
une école des beaux-arts ou un conservatoire de musique ou encore un
club sportif, reste une expérience douloureuse, voire inaccessible, à cause
du manque d’adaptation et de compréhension des lieux d’accueil.
Pourtant beaucoup d’enfants sont attirés et intéressés par les domaines artis-
tiques, sans pour autant être tous des génies. L’accès qui leur est actuelle-
ment donné reste très spécialisé et moins ouvert à l’inclusion : art-thérapie,
musicothérapie, équitation thérapie. La faible scolarisation des enfants et
adolescents autistes reste encore problématique et source importante de
stress pour les parents et leur enfant. Le rapport Autisme et scolarisation du
collectif Autisme [17] montre que seulement 29 % du grand public et 18 %
des enseignants pensent que le meilleur environnement pour les personnes
autistes est l’école ordinaire. Du fait que l’autisme s’accompagne de parti-
cularités cognitives et sensorielles importantes, l’échange et le partage en
famille deviennent différents et souvent plus compliqués. À cela s’ajoutent
très souvent des troubles du sommeil, des comportements inhabituels,
répétitifs, parfois avec violence qui vont chambouler le rythme de vie fami-
lial. Pour ce qui est de l’impact de l’autisme sur la vie familiale, plusieurs
facteurs socio-biographiques et transactionnels interviennent sur les méca-
nismes adaptatifs des parents [18] :
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 189

• des variables parentales et familiales comme le sexe, la situation paren-


tale, la santé, les inégalités sociales et professionnelles, les aménagements
familiaux et le nombre d’enfants dans la fratrie ;
• des variables liées aux caractéristiques de l’autisme de l’enfant comme
le manque d’autonomie et la sévérité des troubles, les troubles associés
comme l’épilepsie, la prise d’un traitement pharmacologique, le lieu de vie,
la (non-)scolarisation, l’intégration sociale, l’adéquation de l’accompagne-
ment de l’enfant par rapport à l’attente des parents.
Voici quelques exemples de comportements d’enfants autistes qui affectent
la qualité de vie familiale : E. qui veut sauter par-dessus toutes les bouches
d’égout lors de tous ses déplacements urbains ou bien M. qui ne peut pas
passer dans les villages sans s’arrêter devant les fontaines, et Y. dont l’épi-
lepsie est extrêmement importante et non stabilisée, avec des troubles du
sommeil très forts, une agitation et des cris permanents sauf en voiture, et
encore V. pour qui les parents font des aller-retour en train tous les week-
ends afin de lui procurer du plaisir manifeste, et enfin P. qui passe des heures
et des heures à remplir des feuilles de chiffres et de lettres.
Les parents sont restés trop longtemps mis à l’écart du processus
de soin de leur enfant. On peut légitimement se demander pourquoi ils
n’auraient pas les moyens eux aussi d’agir en ce sens. Ils ont besoin d’outils
pour devenir plus compétents dans leur intervention. Il est important
et nécessaire de pouvoir leur donner des éléments de compréhension de
l’autisme pour simplement mieux vivre avec leur enfant. Il est indispen-
sable que les parents (et plus largement la famille) et la personne autiste et
le thérapeute soient tous acteurs du processus de soin. Les parents devien-
nent alors des « cothérapeutes », terme employé par Schopler et Reichler
[19] et valeur fondatrice du programme TEACCH par la suite. Dans le cadre
des thérapies cognitives et comportementales, l’installation d’une alliance
thérapeutique, qui va porter le travail réalisé en séances et aussi toutes
les tâches et les actions à faire en dehors, est elle aussi indispensable. Les
parents ont très souvent connu un parcours difficile, subit des jugements,
des accusations, des remises en cause de leurs observations, de leurs res-
sentis et de leurs compétences éducatives. Il est malheureusement encore
d’actualité que des parents entendent des propos culpabilisateurs et accusa-
teurs comme le dénonce le film de Sophie Robert intitulé Le mur [20]. Ils ont
trop souvent été face à l’incompréhension et la méconnaissance des profes-
sionnels concernant l’autisme. Ils sont à la recherche d’une écoute active.
Premier exemple : M. est un petit garçon de 18 mois et ses parents viennent
en consultation pour un diagnostic et une guidance éducative. Le couple est
passé par plusieurs services qui ne l’ont pas mis en confiance, soit par une
absence d’information partagée, soit par un jugement sévère de leur res-
ponsabilité éducative. De ce fait, le papa de M. est sur la défensive et agressif
dans sa communication.
190 Voies nouvelles et perspectives futures

En donnant des informations précises et des exemples concrets, en pro-


posant des exercices, en étant chaleureux et directif dans les échanges ver-
baux, le thérapeute crée une alliance positive et bénéfique avec les parents.
Avec quelques années de recul, c’est le constat que fait aujourd’hui le papa
de M., malgré ses fortes réticences au premier rendez-vous.
Deuxième exemple : La maman de N., petit garçon de 18 mois, vient en
consultation après avoir rencontré plusieurs professionnels de santé qui
ont tous essayé de la rassurer sur le développement de son enfant avec
sans aucun doute les meilleures intentions. Mais elle n’est pas du tout ras-
surée, et seules l’écoute active de ses observations, la compréhension de ses
remarques et de ses inquiétudes, associées au fait de lui donner une action
dans l’enseignement de compétences pour N., ont créé les conditions
d’une alliance avec le thérapeute et ont permis le début d’une véritable
collaboration.
Enjeux de la guidance parentale
Pour tout enfant, les parents sont les premiers éducateurs. Cependant
l’autisme est un trouble tellement complexe que les parents doivent rece-
voir une aide et du soutien extérieurs pour comprendre les particularités de
l’autisme sur leur enfant et intégrer des comportements éducatifs particu-
liers. L’implication de la famille est un point essentiel pour l’efficacité des
stratégies.
Sans l’apport d’outils et d’informations de la part des professionnels,
les parents faisant face au stress quotidien que crée le handicap de leur
enfant voient leur anxiété augmentée dans la mesure où ils ne peuvent être
acteurs et se sentent donc impuissants. A contrario, les parents qui ont des
échanges fréquents avec les professionnels et qui jugent l’accompagnement
adapté ont un meilleur ajustement au handicap. Les recherches effectuées
par Nordin et Gilberg en 1998 [21] ont prouvé que l’intervention auprès
des parents d’enfants autistes a un impact positif dans la progression  de
ces derniers. L’enseignement et la formation sont d’efficacité prouvée dans
le développement des compétences de l’enfant autiste, notamment au
niveau de sa communication [22], «  ce sont les problèmes au niveau de la
communication qui sont rapportés comme étant les plus stressants, et ce, autant
chez le père que chez la mère » [23].
La famille constitue un groupe avec ses règles, ses loisirs, ses valeurs
intrinsèques. Pouvoir partager ceci avec son enfant est essentiel et pour ce
faire, les parents ont besoin d’éléments de compréhension et de moyens
concrets pour favoriser les apprentissages de leur enfant autiste. Cela
peut aller de la prévisibilité des repas ou des types de coiffures différents
à planifier sur la semaine, du « sac de survie » qu’il est important d’avoir
avec soi lors des déplacements, aux multiples apprentissages nécessaires
avant d’aller acheter du pain, aux scénarios qui doivent être travaillés avant
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 191

d’aller faire les courses ou encore aux planifications permettant d’aller au


théâtre en famille. À tous les moments de la journée de la personne autiste,
la compréhension de sa culture est nécessaire.
L’action première du thérapeute est d’améliorer les connaissances des
parents et leur sentiment de compétence au regard des stratégies éduca-
tives permettant de faire face adéquatement aux comportements particu-
liers de leur enfant autiste. Afin d’augmenter leurs propres ressources, ils
vont pouvoir participer à des formations pour comprendre l’autisme, pour
modifier les comportements problèmes, ainsi que pour aider leur enfant
à développer des compétences de communication et de jeux. Ceci est
d’autant plus important que les personnes autistes ont besoin d’entraîne-
ment et de répétitions. Plus il y aura de contextes favorables à l’apprentis-
sage (le contexte familial en faisant partie), mieux ce sera pour l’enfant.
Afin de permettre un renforcement des compétences parentales, le profes-
sionnel va :
• outiller, reconnaître, soutenir les parents ;
• s’appuyer sur leur connaissance de l’enfant, les reconnaître spécialistes de
ce dernier ;
• briser l’isolement en leur indiquant des associations de parents, des
regroupements ;
• amener les parents à prendre conscience de leurs forces ;
• travailler sur leurs inquiétudes en lien avec l’éducation de leur enfant.
Les parents vont solliciter les professionnels pour les aider à réévaluer la
situation, à se remobiliser sur les forces de leur enfant et les outils concrets,
à travailler ensemble sur des techniques de résolution de problèmes, à
développer des stratégies d’adaptation qui favorisent l’ajustement (coping)
et permettent de faire face à des situations en apparence sans issue. Le
thérapeute doit savoir également recadrer en cas de besoin  : lorsque les
parents développent des stratégies d’auto-accusation ou au contraire
lorsqu’ils disent que tout va bien tout en déniant une situation réellement
problématique.
Le diagnostic permet une compréhension de la culture de l’autisme.
Cette information donnée de manière adaptée et empathique est très sou-
vent vécue comme rassurante par les parents qui ont le sentiment d’avoir
enfin les moyens de comprendre et d’agir. Ce sentiment est également
partagé par les personnes autistes elles-mêmes lorsque le diagnostic est fait
à l’âge adulte. Nommer le TSA permet effectivement une vision concrète
de la situation. Cela donne des moyens d’action et permet de sortir de la
culpabilité, de  l’ignorance et surtout de l’impuissance pour les parents et
pour  la famille élargie  : frères, sœurs, grands-parents. Lorsqu’elle est plus
âgée, la personne autiste a besoin d’explications sur son propre fonctionne-
ment, ses particularités autistiques, ses forces et ses faiblesses afin de favo-
riser l’estime de soi et d’apporter davantage de contrôle sur sa vie. Il reste
192 Voies nouvelles et perspectives futures

bien évidemment important de respecter dans cette démarche du diagnos-


tic le niveau de compréhension intellectuelle de la personne, ce qu’elle
peut comprendre de ce concept très abstrait qu’est l’autisme : comment se
perçoit-elle ? Comment voit-elle son autisme ?
Théorie de l’esprit et image de soi
Nous savons que les personnes autistes ont des déficits ou un ralentisse-
ment dans le développement de la théorie de l’esprit [24, 25]. Ceci implique
qu’ils ont des difficultés pour comprendre la pensée des autres mais aussi
pour comprendre leur «  propre esprit  ». La théorie de l’esprit a été mise
en évidence chez les primates, dont l’espèce humaine fait partie, par un
travail expérimental fondateur de Premack et Woodruff [26] confirmé par
des travaux ultérieurs (pour une revue, voir Call et Tomasello [27]). En
disant qu’une personne possède une théorie de l’esprit, l’on entend qu’elle
comprend les buts et les intentions des autres personnes, aussi bien que
leurs perceptions et leurs savoirs. Ce modèle général peut s’appliquer aux
personnes autistes aussi bien qu’aux personnes neurotypiques.
Lee et Hobson [28] montrent que les personnes avec TSA sans déficience
intellectuelle font une description d’elles-mêmes comparable à celle de
jeunes sans autisme du même âge. Cela signifie qu’elle est quantitative-
ment autant exhaustive concernant les catégories physiques, ludiques et
psychologiques d’autodescription mais différente de façon marquante
pour la description sociale [4]. L’image de soi semble alors être le reflet de
leur expérience ou plus précisément de leur manque d’expérience dans
le domaine social inhérent à leurs comportements autistiques, mais elle est
aussi le reflet de leur fonctionnement cognitif particulier qui est très concret
et entièrement basé sur des détails. Savoir pourquoi la personne ne regarde
pas son interlocuteur quand elle parle, que ce n’est pas de l’impolitesse ni
de la provocation, comprendre que c’est une conséquence de l’autisme, et
que ceci lui permet de mieux se concentrer sur l’échange verbal va la ras-
surer et la déculpabiliser.
Vermeulen [29,  30] note que la différence entre l’image de soi des per-
sonnes autistes et celle des personnes non autistes est qualitative et que
«  les personnes avec autisme rencontrent des problèmes dans leur mode
de pensée cohérente et l’espace social et personnel où se trouvent les actes,
les sentiments et les pensées est absent chez elles (…) elles sont specta-
trices de leur propre vie ou elles ne se reconnaissent pas suffisamment en
tant qu’actrices ». L’image de soi s’appuie sur nos pensées. Le travail sur les
pensées avec les personnes autistes est marqué par leur fonctionnement
cognitif très particulier, et on en revient là encore à la culture de l’autisme.
La perception en détail, le manque de généralisation, la rigidité mentale,
la mémorisation perceptive… provoquent une vision de la situation très
immuable et absolue. En ce qui concerne l’image qu’elle se fait d’elle-même,
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 193

la personne autiste va avoir une image soit très négative, soit dans l’exagé-
ration inverse, c’est-à-dire une image trop positive et exagérée. Voilà encore
un domaine où les parents peuvent avoir besoin d’apprendre des stratégies
efficaces !
Collaboration avec la famille et la personne autiste
Quand on parle de collaboration, on évoque souvent les parents, mais il y
a d’autres acteurs importants : les personnes autistes elles-mêmes et leurs
frères et sœurs. En effet, la personne autiste a le droit de savoir ce qu’elle
a et doit pouvoir bénéficier d’outils pour développer sa compréhension
d’elle-même  : «  l’explication augmente toujours l’implication  » [31]. La per-
sonne autiste, selon ses compétences, demande à comprendre ce qui fait
qu’elle se ressent différente des autres, qu’elle est en difficulté dans des
domaines semblant aisés pour autrui (par exemple celui des interactions
sociales). Elle souhaite aussi comprendre les raisons pour lesquelles elle
bénéficie d’aides extérieures et consulte une multitude de thérapeutes
d’où l’importance du diagnostic posé et explicité. La personne autiste se
doit aussi d’être impliquée dans les choix qui la concernent. Il est pri-
mordial qu’elle puisse, autant que faire se peut, comprendre l’autisme et
être en mesure de le décrire par elle-même, qu’elle puisse se représenter ce
qu’implique l’autisme dans son propre fonctionnement pour faire face à sa
propre détresse [32].
La fratrie peut être également actrice et souvent elle l’est de fait, parce
que la vie fait que les frères et sœurs répondent à des manques d’accompa-
gnement ou juste parce que c’est un frère ou une sœur. Eux aussi ont besoin,
sauf souhait contraire explicite, de ne pas être laissés dans l’ignorance et
l’incompréhension. Pour jouer avec leur frère ou leur sœur, ils deviennent
aussi des acteurs à qui il est important de donner de l’information.
Gunilla Gerland [11] écrit « Christine, mon aînée de 3 ans, avait toutefois
avec moi un langage commun qui n’était pas seulement composé de mots. Parais-
sant soupçonner les contours de ce que j’étais en réalité, elle pouvait servir de
liaison dans la communauté avec mes parents (…). Je trouvais plus raisonnable
d’écouter ma sœur » ou encore « Christine faisait partie des bons côtés de ma
vie : je pouvais jouer avec elle, bien que par ailleurs, j’avais du mal à le faire avec
des enfants » et « Christine était celle qui réussissait le mieux à établir avec moi
un contact, que je souhaitais d’ailleurs ».
Cette collaboration avec la famille au sens large, qui passe comme
nous l’avons vu par le partage d’informations, de connaissances et par
un échange de conseils, permet une cohérence dans l’accompagnement,
une diminution du stress et de rompre avec l’isolement. La famille
est une source riche d’informations pour les professionnels. Le thérapeute
construit des stratégies à partir des informations que lui transmettent les
parents ou les frères et sœurs. Il est pour cela essentiel que les familles
194 Voies nouvelles et perspectives futures

puissent exprimer leurs priorités et leurs besoins concernant l’accompa-


gnement de leur enfant.
Pour mieux avancer, il faudrait pouvoir passer d’une vision où les per-
sonnes différentes, avec TSA, posent problème à notre environnement, à
une vision ou c’est au contraire l’environnement dans lequel se trouvent
ces personnes qui posent problème. Chossy [33] insiste sur ce changement
de mentalité : passer du mode « prendre en charge » au mode « accompa-
gnement » tout au long de leur projet de vie, de leur choix. De la même
manière, tous les enfants et adultes autistes doivent avoir le droit de parti-
ciper au choix de l’intervention. Les apprentissages et les stratégies de
clarification de l’environnement permettent de rendre significatives les
expériences de la personne et, de ce fait, communication et choix devien-
nent possibles.
L’approche thérapeutique de TEACCH est centrée sur le renforcement des
compétences pour les parents et les enfants autistes mais aussi sur l’accepta-
tion et la reconnaissance des déficits, du diagnostic, de la différence.

Évaluation et intervention

Évaluation
Importance de l’évaluation
Dans le domaine de l’évaluation, il est primordial de savoir d’où l’on part
et où l’on va, comme lors d’un déplacement en voiture, c’est-à-dire en pre-
nant le moins de risques pour les personnes avec autisme tout en cherchant
l’itinéraire le plus adapté pour atteindre les objectifs. Il s’agit de se créer
un recueil d’informations précises identifiant les particularités, les forces,
les compétences, les intérêts spécifiques de la personne autiste : qu’est-ce
qu’elle aime ? Comment s’exprime-t-elle ? Que sait-elle faire ?
Sans la collaboration étroite entre le thérapeute et la famille, ces
informations sont forcément incomplètes. En effet, il est utile de savoir
comment la personne autiste demande, ce qui est moteur pour elle. Cette
compétence, les parents l’ont et les professionnels en ont besoin en plus
des évaluations informelles qu’ils peuvent faire dans le cadre de leurs
interventions. En complément, des évaluations plus formalisées doivent
être proposées pour identifier le niveau de développement de la personne
autiste et son fonctionnement cognitif et intellectuel. Il est important de
connaître ses stratégies cognitives. Des échelles composites peuvent être
proposées :
• celles de Wechsler (WPPSI-IV, 2014  ; WISC-IV, 2006  ; WAIS-IV, 2011  ;
WNV, 2009, ECPA) [34-36] ;
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 195

• celle des Kaufman (KABC-II, 2008, ECPA) [37] ;


• les EDEI-R de Perron-Borelli (1996, ECPA) [38] ;
• la NEPSY-II de Korkman et al. (2012, ECPA) [39] ;
• les matrices progressives de Raven (PM-38 et CPM, 1998, ECPA) [40].
D’autres tests plus spécifiques au bilan neuropsychologique peuvent être
proposés pour identifier des troubles des apprentissages associés à l’autisme
comme la dyspraxie, les troubles du langage oral et écrit, mais aussi pour
révéler des forces particulières dans les processus cognitifs. Ces tests sont
non spécifiques aux personnes TSA et obligent alors le professionnel à être
spécialisé dans l’autisme et dans la pratique d’évaluations afin d’apporter
la souplesse et les adaptations nécessaires. En effet, les situations de tests
classiques sont trop imprévisibles pour la personne autiste. Mottron [8]
objecte que ces tests sont élaborés, pensés, normalisés pour des personnes
non autistes et que leur choix est très important pour mettre en valeur
les pics d’habiletés présents dans l’autisme et pour déterminer les compé-
tences dans lesquelles la personne autiste peut progresser. Nous avons déjà
décrit auparavant les particularités cognitives dans l’autisme et celles-ci
vont provoquer des profils extrêmement hétérogènes avec des pics ou
des creux.
Exemple : X. est un enfant placé en institution pour déficience intellec-
tuelle sévère. Ses difficultés de communication entraînent une incapacité à
percevoir du sens dans son environnement, de se prêter spontanément aux
échelles composites classiques. Une évaluation par le PM-38 et des items
des EDEI-R objective un raisonnement logique égal à son âge réel. Des tests
spécifiques montrent également des processus de mémoire visuelle spatiale
fonctionnels et adaptés à son âge réel.
L’identification des forces et des besoins est l’objectif de toute évaluation,
mais ceci est d’autant plus indispensable chez les personnes autistes pour
lesquelles les forces et les intérêts sont le levier pour faire des apprentis-
sages qui leur ouvriront un projet de vie plus élaboré et le plus proche
possible de leurs capacités réelles. Il existe des tests plus spécifiques dont la
conception a été pensée pour des personnes autistes avec déficience. La pas-
sation de ces tests est donc plus souple, sans consignes verbales et avec des
domaines évalués spécifiques comme les sous-tests mesurant les difficultés
d’adaptation ou encore avec une comparaison à une population autiste. On
peut également utiliser des échelles développementales plus spécifiques à
l’autisme :
• PEP-III (profil psycho-éducatif 3e édition) [41] : cet outil permet d’obtenir
le profil développemental du jeune enfant et d’identifier ses points forts, ses
points faibles et ses émergences (= ce qu’il est prêt à apprendre). C’est une
base solide pour établir les objectifs du programme éducatif de l’enfant ;
• AAPEP (profil psycho-éducatif pour adolescents et adultes) [42]. En
continuité du PEP, il s’applique aux adolescents et adultes. C’est un outil
196 Voies nouvelles et perspectives futures

préparant la transition de l’adolescence à l’âge adulte. Il met en évidence les


compétences et les difficultés de la personne face aux exigences d’une vie
d’adulte ;
• une version actualisée TTAP (2007) devrait être traduite prochainement ;
• EFI (évaluation des compétences fonctionnelles pour l’intervention ver-
sion 2.0) [43]. Proche de l’AAPEP, elle est composée d’items plus simples et
elle est plus facile à réaliser au quotidien. C’est une autre évaluation tour-
née vers l’intervention : elle permet de dégager des informations utiles à la
mise en place d’un programme personnalisé d’activités et d’apprentissages
à partir des réussites et des émergences pour des personnes avec autisme et
une déficience intellectuelle sévère à profonde ;
• BECS (batterie d’évaluation cognitive et socio-émotionnelle d’Adrien –
ECPA) [44] : elle permet d’évaluer, au travers de plusieurs séquences de jeux
et d’interactions avec l’enfant, les fonctions cognitives sociales du jeune
enfant.

Évaluation continue
Les évaluations suivantes ont pour finalité l’individualisation de l’inter-
vention et l’élaboration des objectifs :
• tests des fausses croyances de Baron-Cohen et Frith ;
• épreuves de théorie de l’esprit évaluant la compréhension des causes et
conséquences des émotions et celle sur la compréhension des croyances
Nader-Grobois [45] ;
• évaluation des compétences d’interactions sociales ;
• questionnaires sur les habiletés sociales et grille d’identification des
besoins (Bernier et Lamy, socioguide [46]) ;
• échantillon de communication de Watson [47] ;
• évaluation fonctionnelle par observation ou formulaire d’entretien d’éva-
luation fonctionnelle (EEF). L’EEF avec l’élève aiguille le professionnel sur le
niveau opérationnel actuel.
L’évaluation est un processus continu prenant aussi appui sur beaucoup
d’évaluations informelles par des grilles d’observation afin de permettre un
réajustement de l’action auprès de la personne autiste. Des périodes de tran-
sition, comme le passage à l’adolescence, peuvent conduire à des problèmes
d’anxiété, de dépression, de troubles obsessionnels compulsifs  (TOC)
et d’hostilité envers les autres [48]. Pour évaluer la nature et le degré du
trouble de l’humeur, certaines échelles peuvent être proposées mais aussi
l’interview clinique. Pour une revue complète des outils spécifiques à l’éva-
luation chez l’enfant et l’adolescent, il est recommandé de voir les deux
volumes sous la direction de Bouvard [49]. Les déficits sociaux ne sont pas
homogènes d’une personne autiste à une autre, ils sont étroitement liés aux
capacités cognitives et intellectuelles et ces différents outils d’évaluation
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 197

vont permettre un ajustement de l’enseignement des compétences sociales


et des expressions émotionnelles.

Intervention

Objectifs de l’intervention
Les objectifs sont individualisés selon les besoins de l’enfant en lien avec
les priorités de la famille et respectant des principes généraux. Il s’agit en
fait de :
• développer les compétences parentales et celles de l’enfant par du mode-
ling éducatif, de la psycho-éducation ;
• développer la confiance en soi et l’affirmation de soi, passer d’une image
de soi négative à une image positive ;
• développer l’entraînement et la pratique des compétences fonctionnelles,
quand les compétences langagières le permettent, en communication, en
interaction sociale (pour prévenir des situations sociales qui peuvent pro-
voquer de l’anxiété) et dans l’expression des émotions, des sentiments ;
• améliorer la symptomatologie anxieuse.
Voici quelques exemples de thèmes d’apprentissage précis :
• savoir écouter l’autre ;
• demander de l’aide ;
• démarrer la conversation ;
• entretenir la conversation ;
• identifier des émotions simples sur photos, dans un film, sur mon
camarade ;
• reconnaître sa propre émotion ;
• qu’est-ce que ça fait dans mon corps quand je suis inquiet ? Reconnaître
et normaliser les sensations corporelles ;
• exprimer mon émotion ;
• qu’est-ce que c’est l’autisme, la différence, le handicap ?
• savoir perdre ;
• respecter l’opinion, le choix des autres ;
• les trois styles de communication : affirmé, agressif, inhibé ;
• savoir gérer la colère ;
• apprendre à se recentrer sur les réussites et non les échecs ;
• apprendre à persévérer ;
• savoir résoudre des problèmes ;
• s’affirmer ;
• faire un compromis ;
• identifier les pensées et travailler le lien pensées–émotions–comporte-
ment.
198 Voies nouvelles et perspectives futures

Méthodes d’intervention
Les séances peuvent être individuelles et/ou en groupe. Il est important
de rappeler que les apprentissages ne peuvent pas se faire en groupe pour
tous les enfants, l’évaluation permettra de vérifier si c’est possible. À la base
du travail thérapeutique avec un enfant autiste se trouve l’enseignement
structuré, outil apporté par TEACCH et déjà introduit auparavant et qui
s’appuie sur les deux piliers suivants :
• l’enseignement des compétences pour encourager les comportements
actifs, l’autonomie et l’adaptation de la personne autiste ;
• l’organisation active de l’environnement, les aménagements et adapta-
tions qu’il est nécessaire de mettre en place pour compenser les faiblesses
de l’autisme et créer un environnement propice pour l’enseignement  ; il
s’agit de diminuer l’anxiété, d’augmenter la compréhension de l’environ-
nement,  de compenser les problèmes sensoriels et exécutifs. Ce volet est
utilisé au cours des séances thérapeutiques avec l’enfant, l’adolescent ou
l’adulte autiste selon le besoin identifié.
Il s’agit de s’appuyer sur la force du traitement visuel, sur les intérêts
particuliers, ainsi que sur l’attachement aux rituels et routines, et de met-
tre de la structure là où elle est nécessaire pour chaque enfant autiste. Les
séances, soit individuelles soit en groupe, sont structurées dans le temps :
cela consiste à organiser et communiquer les séquences dès le début, à
décrire visuellement chaque activité à l’enfant afin de clarifier pour lui ce
qu’il est supposé faire, combien de fois il doit le faire, quand cela s’arrête et
ce qui viendra par la suite. Si l’activité est de décrire des émotions, l’enfant
est informé de la durée de l’exercice par le nombre de photos disposées
à sa gauche. Si l’activité est de mimer des situations le nombre de scènes
que l’enfant va devoir jouer est écrit  : deux cartes signifient deux pas-
sages. Il verra le temps passer en cochant ce qui terminé ou en rangeant les
cartes dans une boîte évidée regroupant ce qui est déjà effectué et qu’on ne
refera pas.
L’usage de la structuration nécessite un apprentissage, une individualisa-
tion et n’est en aucun cas magique. Il est évident que la mise en place de cet
outil nécessite une formation approfondie du professionnel. Cet outil per-
met d’introduire des techniques de thérapie cognitive et comportementale
qui sont parfois trop conceptuelles pour être directement accessibles dans
l’autisme. Comme les personnes avec autisme sont des penseurs visuels, on
se sert de cette force pour travailler avec elles.
Pour travailler sur le concept, il est nécessaire de le clarifier en utilisant
des aménagements visuels qui focalisent sur la notion importante, qui
découpent et explicitent les notions sous-jacentes. Il est souvent indispen-
sable de mettre une planification très claire et visible par tous. L’utilisation
d’aides visuelles avec des enfants autistes constitue une stratégie d’enseigne-
ment efficace. Les notions travaillées sont décomposées en sous-chapitres.
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 199

En effet, la pratique montre que des outils trop généraux ne sont pas acces-
sibles sans apprentissages très concrets et précis. Par exemple, la résolution
de conflit nécessite l’apprentissage de compétences plus ciblées comme
savoir faire des compromis, accepter de perdre à un jeu, accepter que l’autre
nous refuse quelque chose. De même, la restructuration cognitive néces-
site un travail en amont très découpé sur les émotions, sur les pensées des
autres.
L’approche est directive : on peut établir ensemble un contrat très expli-
cite avec des règles qui déterminent et clarifient les rôles et les attentes de
chacun. Ceci permet un climat de confiance qui apporte cohérence et pré-
visibilité, aspect important pour respecter les personnes autistes. On utilise
aussi le questionnement socratique très directif, avec des questions fermées,
dirigées pour arriver à une solution donnée extraite par les jeunes partici-
pants. Cette démarche est très guidée dans la période d’apprentissage. Elle
est accompagnée d’un support visuel qui sera par la suite un référentiel et
un rappel pour exercer cette démarche de façon autonome.

Outils conjoints TEACCH et thérapies cognitives


et comportementales

Supports visuels et traitement de l’information


Les supports visuels ont pur but de garder une trace, résumer ce qui est tra-
vaillé, compenser les fonctions exécutives et/ou donner un modèle, une
démonstration de ce qui est clairement attendu. Ils permettent également
le travail de prévisibilité qui est nécessaire pour rassurer un enfant autiste
devant certaines peurs ou appréhensions. Les aides visuelles complètent
l’enseignement en rendant l’information plus concrète. Elles peuvent être
individualisées pour répondre aux besoins de chaque enfant ou adoles-
cent autiste. Elles peuvent comprendre des mots, des images, des photos,
des pictogrammes ou des combinaisons de ces éléments qui sont, par
exemple, affichés sur une bande phrase posée au mur ou devant la per-
sonne. Après l’exercice, la personne autiste apprend à utiliser les indices
pour s’orienter.
Exemples d’aides visuelles :
• planifications écrites ou illustrées ;
• carte « Attends », carte « Échange », carte « Montre » ;
• support visuel pour le tour de rôle ;
• rappel des expressions qui servent à commenter, à exprimer mon
ressenti ;
• liste des thèmes possibles pour démarrer une conversation ;
• liste de règles, de vérification… ;
• rappel du point entraîné « Pense à la double question » ;
200 Voies nouvelles et perspectives futures

• rappel des différentes possibilités  ; par exemple, pour montrer ton


intérêt :
– répondre : « Oui, je suis de ton avis »,
– réagir : « Pourrais-tu m’en dire un peu plus ? »,
– relancer : « À ce sujet, je crois… » (socio-guide) ;
• cadre pour structurer son récit ;
• fiches de travail de Jed Baker ou de Peter Vermeulen.

Conversation en bande dessinée et mise en place de la théorie


de l’esprit
Gray en 1994 [50, 51] introduit les dessins de personnages avec les bulles de
pensées et de paroles ainsi que les couleurs pour exprimer les sentiments.
Cet outil est intéressant pour reprendre des situations vécues délicates.
Dans ces situations, il est important pour la personne autiste d’apprendre
des comportements adéquats et de comprendre le point de vue de tous. En
dessinant les personnes impliquées avec leurs actions, leurs propos et leurs
pensées, on peut ainsi comprendre plus concrètement le point de vue de
l’autre et ses émotions.

Scénarios et développement des compétences sociales


Gray [50,  51] décrit une situation, une compétence ou un concept en
termes de repères sociaux importants, de situations ou de réponses usuelles
en donnant une information concrète et détaillée de ce qui se passe, pour-
quoi et comment agir. Chaque histoire sociale décrit une situation bien
particulière pour une personne bien particulière. Les étapes de construction
décrites par Gray sont pensées pour être adaptées au fonctionnement des
personnes autistes et se doivent d’être respectées dans l’autisme puisqu’elles
limitent l’information. Un seul comportement est visé et travaillé. Les scé-
narios peuvent être utilisés sur des supports visuels pour des jeunes autistes
non-lecteurs.

Modeling (technique du modèle) et jeux de rôle


Le but du modeling est de montrer quel comportement est adapté dans une
situation donnée en utilisant des modèles et en expliquant clairement le
comportement : par exemple, comment je rejoins un groupe de jeunes en
discussion pour me mêler à eux… Le thérapeute mime l’action, plusieurs
fois avec plusieurs modèles adaptés possibles. Les vidéos sont d’excel-
lents supports pédagogiques dans l’autisme  : par exemple, filmer deux
adultes qui modélisent le comportement adapté en s’inspirant des vidéos
du socio-guide, c’est-à-dire claires, pas trop rapides, épurées et isolant les
étapes sociales, les actions ou pensées principales. On peut citer également
des vidéos comme les DVD Model Me Kids ou The Social Express. Les jeux de
rôle font suite à cette étape de modeling. Par exemple, les jeunes autistes se
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 201

filment entre eux avec, pour chacun, un rôle précis  : acteur, cameraman
et metteur en scène. Ils apprécient particulièrement la tablette numérique,
matériel très ludique qui permet un visionnage direct de la scène et des réac-
tions immédiates. Cela permet également de revoir plusieurs fois les vidéos
en adoptant des points de vue différents. Et de permettre des variantes dans
les jeux de rôle suivants. Ces derniers sont prolongés par des taches assi-
gnées dans la vie quotidienne.

Rétro-actions : comment mettre en place le renforcement


positif ?
L’agenda de la séance comporte toujours une activité appréciée et motivante
pour la personne après la partie d’enseignement. Les félicitations sont indi-
vidualisées. Le système de jetons constitue un moyen de motiver les enfants
autistes qui font l’effort de produire le comportement approprié travaillé
lors d’une séance, puis exercé dans les séances suivantes. Le comportement
ou l’habileté pouvant permettre de gagner un jeton peuvent être de : poser
des questions, rester dans le sujet, s’intéresser à ce qu’a ressenti l’autre…
Les jetons sont distribués à la personne autiste à la suite de l’émission du
comportement ciblé et défini clairement au début de la leçon. Ils peuvent
être échangés contre une récompense à la fin de la séance. Exemple : si la
personne doit exercer le fait de reposer une question similaire après avoir
répondu à son interlocuteur, elle reçoit un jeton à chaque question formu-
lée. Le nombre de jetons défini et atteint permet soit un temps d’utilisation
de la tablette numérique en fin de séance, soit un temps de parole sur le
sujet favori, soit une carte Pokémon, soit du chocolat…, selon les intérêts
des personnes. Mais les jetons acquis peuvent aussi donner accès à un choix
d’une activité dans la suite de la séance. Exemple : si tous les participants ont
leurs points, alors ils choisissent ensemble (ce qui fait exercer les compromis
déjà travaillés par exemple) l’activité suivante de la séance parmi des jeux
appréciés et entraînés. Il est également possible de proposer un pot collectif
à remplir par les comportements cibles qui rapporte une sortie appréciée
pendant la séance suivante.

Résolution de problèmes
Les étapes de la résolution de problèmes permettent de travailler et d’entraî-
ner la flexibilité. Il s’agit déjà d’identifier la situation problème puis d’ima-
giner plusieurs solutions à cette situation. Cet exercice est très difficile au
début mais toutes les solutions sont acceptées, y compris des solutions far-
felues. Cela permet l’afflux d’idées et la quantité amène la qualité : des idées
nouvelles et adaptées arrivent alors. La résolution de problèmes est béné-
fique en groupe puisqu’elle offre aussi la possibilité de voir la multitude de
solutions et de voir si le problème est partagé par les autres. Cet outil est
également très intéressant à développer et à partager avec les parents.
202 Voies nouvelles et perspectives futures

Métaphores et capacité de faire face à des situations


problèmes
Les métaphores visuelles présentent des images qui symbolisent la situation
problème. Cet outil est intéressant quand il peut être accessible (selon les
évaluations préalables), c’est-à-dire plutôt chez les adolescents et adultes
autistes de bon niveau intellectuel. Ils peuvent alors fortement apprécier cet
outil et créer leurs propres métaphores. Se servir d’images qui font appel à
leurs intérêts permet d’être encore plus perspicace. Les métaphores verbales
se trouvent dans des récits pour enfants concernant des situations problé-
matiques de la vie quotidienne, comme dans certaines histoires de Max et
Lili [52-54] ou Elmer [55], ou encore dans les séries télévisées montrant des
scènes sociales simples comme dans La petite maison dans la prairie, Plus belle
la vie…
Raisonnement visuel et compréhension du point de vue d’autrui
Atwood a mis au point le « jeu des échelles de justice » pour permettre à
la personne autiste de reprendre et de comprendre la situation dans son
ensemble, en attribuant une importance relative à ce que chacun fait. Cela
permet de justifier alors la réponse à apporter à toutes les personnes concer-
nées. À chaque comportement émis, par chaque personne, est associé un
nombre de cubes en plastique pour visualiser le poids de chaque acte et
mesurer en finalité le « pourquoi » des conséquences. Cet outil est extrê-
mement intéressant pour reprendre un nombre important de situations qui
sont perçues comme agressives ou injustes par la personne autiste, en raison
des particularités cognitives induites par l’autisme. Selon les intérêts et les
compétences de la personne autiste, on peut également individualiser cet
outil et prendre par exemple comme unité de poids les pourcentages pour
la personne qui se passionne pour des mathématiques…

Intérêts et forces : comment bâtir sur les centres d’intérêts


de la personne qui présente un trouble du spectre autistique
Les intérêts et les forces de la personne autiste sont des outils intéressants à
reprendre le plus possible dans toutes nos approches. Exemple : si la personne
autiste s’intéresse aux séismes, la cotation des émotions peut se faire en
lien ; plus il est en colère, plus la magnitude est élevée. Face à une situation
problématique, faire remémorer et lister par la personne autiste ses compé-
tences, ses forces, ses intérêts, ses atouts lui donne un sentiment positif qui
l’engage dans l’action. De même, lui proposer un temps d’échange sur ses
intérêts permet une valorisation et un sentiment positif relaxant.
Restructuration cognitive et modification des croyances
extrémistes dysfonctionnelles
Les personnes autistes ont tendance à penser de façon dichotomique,
en tout ou rien, ainsi qu’à sélectionner voire surestimer les événements
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 203

négatifs. La restructuration cognitive est intéressante pour favoriser une


croyance moins extrême et plus réaliste. Le travail de compréhension des
liens entre pensées, émotions et comportement est complexe et doit être
décomposé. Il nécessite déjà une compétence bien exercée et aisée dans
l’expression des émotions. Ensuite, il est nécessaire de travailler isolément
le lien situation–pensées – exemple : quand je fais du trampoline, ma pensée
est «  C’est super le trampoline, waouh, trop bien  !  » – puis le lien pensées–
émotions  : mes émotions viennent de mes pensées – exemple  : «  J’adore,
je suis hypercontent ! ». Ce travail est au début plus accessible sur des émo-
tions agréables. Par la suite, on peut commencer à trier les pensées en
lien avec les situations par couleur : les rouges pour celles qui sont plutôt
agressives, les vertes pour celles qui sont calmes et les oranges pour celles
qui nous inquiètent, le tout en se servant toujours de supports visuels.
Connaître ses points forts permet de réorienter ses pensées négatives vers
des pensées calmantes par auto-instructions. La restructuration cognitive
dans l’autisme fait appel à la logique et au raisonnement intellectuel. Les
probabilités, les statistiques, les pourcentages, une visualisation peuvent
être des appuis concrets.

Groupes de compétences sociales


Depuis Mesibov qui a été le premier en 1984 à évaluer l’efficacité des
groupes de compétences sociales pour adolescents et adultes, plusieurs
recherches ont montré le succès de ces groupes [56, 57]. Ce qui ressort véri-
tablement des expériences cliniques, ce sont les perceptions très positives
des familles et des adolescents qui apprécient de participer à ces groupes.
C’est également un moyen pour eux de s’amuser avec d’autres, de dévelop-
per des relations amicales et d’échanger sur leurs expériences de personnes
autistes. Partager leurs expériences et échanger sur l’autisme renforcent leur
sentiment de différence et favorisent un sentiment d’appartenance à une
même culture. Le travail en groupe s’articule autour des thèmes et des outils
présentés succinctement.

Routines
Rappelons tout d’abord qu’elles sont appréciées par les personnes autistes
et font partie de leur « culture ». Il est important d’en proposer de façon
constructive lors des enseignements. Apprendre à la personne autiste à
consulter ses rappels visuels, ses listings de solutions possibles, remplir ses
mesures d’émotions, ses cahiers de réussites ou de la colère est autant de
routines constructives et utiles pour son autonomie. Ces supports doivent
être toujours accessibles, y compris en cas d’anxiété où l’information ver-
bale et le raisonnement peuvent être perturbés. L’accessibilité est d’autant
plus aisée avec les moyens technologiques modernes comme les tablettes
numériques ou les téléphones portables.
204 Voies nouvelles et perspectives futures

Entraînement, répétition et généralisation : les outils


de base de l’apprentissage
S’exercer permet la réussite. Reprendre et visionner (à répétition) des émis-
sions TV, des séries, revoir des séances filmées (à répétition) constituent
un outil d’apprentissage constructif dans l’autisme. Les personnes autistes
apprécient particulièrement de voir et revoir… Du fait de leurs difficul-
tés d’ajustement social, elles sont sous-entraînées et entrent alors dans
un cercle vicieux, d’où le besoin d’entraînement, en particulier graduel.
Planifier ces entraînements dans l’emploi du temps quotidien de l’enfant,
demander par des activités assignées, proposer des tableaux de renforce-
ment, installer des rappels visuels sont autant d’outils nécessaires pour
rendre cet exercice motivant et attrayant, notamment via la collaboration
parents–professionnels dont nous avons déjà parlé auparavant. L’entraî-
nement doit s’effectuer dans des milieux familiers, rassurants, sans trop
de stimulations pour aller, étape par étape, vers un environnement le plus
naturel possible. C’est la généralisation, sans oublier, bien entendu, un
aller-retour grâce aux évaluations entre la mise en situation in situ et les
apprentissages.

Respiration et relaxation
Pour apprendre à se détendre, on peut lier deux axes qui sont d’une part
l’enseignement de techniques et d’autre part la mise en place de temps
agréables et intéressants au cours de la journée afin de garder un équilibre
émotionnel et perceptif. Par cette adaptation réciproque, la personne autiste
apprend à se détendre selon des techniques et l’entourage doit accepter
de son côté la planification de temps particuliers durant lesquels elle peut
parler des remontées mécaniques, penser aux nombres premiers ou réciter
les derniers résultats de l’équipe favorite de rugby… Ces temps particuliers
représentent pour la personne autiste des moments de détente tels que
nous arrivons tous à nous octroyer dans la journée. Ces moments peuvent
être également plus sensoriels comme écraser ou jeter. Certains enfants et
adolescents ont besoin, pour se détendre dans la journée, d’accéder à ces
activités particulières. Prévoir une activité recyclage peut alors permettre
une régulation émotionnelle.
Collectionner des objets, c’est un moyen simple de se rassurer. Ainsi,
Stéphanie Bonnot-Briey organise et range régulièrement sa collection
de schtroumpfs pour se détendre, comme le montre le DVD Le syndrome
d’Asperger ? J’assume... de Philip et Lhuissier [58].
Le travail sur la respiration peut être bénéfique, mais amener certains
enfants à comprendre ce qu’on attend d’eux est parfois difficile. Concrétiser
le geste en soufflant sur une balle de ping-pong est un moyen intéressant,
surtout s’ils apprécient de voir des objets tomber. Dans ce cas, ils soufflent
sur un nombre défini de balles posées sur une table et qui tomberont dans
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 205

un contenant. On peut aussi proposer de respirer un mouchoir odorant.


Plusieurs façons de concrétiser la respiration lente peuvent être individua-
lisées. À nous d’être imaginatif et surtout prêt à nous appuyer sur ce qui
fait sens pour la personne autiste, ce qui l’intéresse. De la même façon, la
relaxation peut être visualisée et entraînée lors de routines. Par exemple,
avant de se coucher ou après le goûter, avoir une liste des choses à faire.
Complémentarité des outils et bénéfices
Ces nombreux outils, conjoints à TEACCH et aux thérapies cognitives et
comportementales, sont en fait très complémentaires et très bénéfiques
dans le but d’apporter une meilleure qualité de vie aux personnes autistes
et à leurs familles. L’objectif de développer ou modifier certains aspects de
leur développement comportemental, cognitif et émotionnel par l’apport
mutuel des stratégies de TEACCH et de la thérapie cognitive et comporte-
mentale est tout à fait possible et témoigne de résultats encourageants et
positifs. Toutefois, il est important de rester humble dans cette démarche
et d’accepter les limites induites par : un fonctionnement particulier ; un
traitement de l’information problématique ; des difficultés à synthétiser les
situations, les détails superflus et spécifiques ; la mémoire très précise qui
favorise les ruminations ; le perfectionnisme ; les difficultés dans l’expres-
sion et la communication avec les autres à travers les émotions ; le senti-
ment d’être victime (toutefois issu de réelles situations d’exclusion du fait
de l’environnement actuel). On revient finalement à la culture de l’autisme
qui reste le point essentiel dans l’accompagnement et l’acceptation des
personnes autistes.
Le tableau 11.1, la figure 11.1 (voir cahier couleur) et la figure 11.2 pré-
sentent les relations entre les situations, les émotions et les cognitions et la
gestion mise en place par le patient.

Tableau 11.1. Repérage des émotions et des pensées en lien avec la situation
donnée. Mise en avant des stratégies du patient.
Ce qui s’est Mon émotion Ce que j’ai pensé Comment j’ai
passé quand c’est arrivé quand c’est arrivé essayé de gérer
cette émotion
Exemples : Exemples :
– des pensées à propos « j’en ai parlé aux
des autres : « il a fait exprès surveillants » ;
de me bousculer » ; « j’ai pensé à quelque
« ils ne comprennent rien » ; chose que j’aime
« il me cherche… » bien » ; « j’ai essayé
– des pensées à propos de parler à celui
de moi : « je dois écrire quelque qui m’embêtait… »
chose qui va avoir une bonne
note, j’ai peur d’échouer… »
206 Voies nouvelles et perspectives futures

Figure 11.2. Dessin explicatif de la situation problème réalisé en séance par A., autiste
en classe pour l’inclusion scolaire (CLIS) cycle 3.
Enseignement structuré selon TEACCH et thérapies comportementales... 207

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12 Autisme et créativité :
envisager l’autisme
de manière différente
Compétences et potentiels
à côté de handicaps

P. Trehin

Résumé
Paul Trehin, ancien professeur associé en gestion des ressources
humaines et marketing à l’université de Nice, est le père de Gilles
Trehin, dessinateur professionnel présentant un trouble du spectre
autistique (TSA). Dans ce chapitre, il nous livre ses réflexions sur les
rapports entre la créativité et le TSA dans des domaines spécifiques
qui ont été identifiés dans des films comme Rainman, mais surtout
au travers de travaux scientifiques, de témoignages de personnes
autistes comme Temple Grandin ou Daniel Tammet et de l’étude
attentive de la biographie de certains musiciens comme Glenn Gould
et Erik Satie. Paul Trehin livre ici le point de vue d’un parent ayant vécu
une très longue expérience dans le milieu associatif de l’autisme : il a
été, en particulier, vice-président d’Autisme Europe de 1998 à 2008.
On sait que ces associations de parents ont grandement contribué à
la reconnaissance du TSA, au soutien de projets de recherche et à la
mise en place de soins conformes à l’état des connaissances scienti-
fiques, ce qui est loin d’être le cas dans notre pays. Dans ce chapitre,
il se livre à un exercice de psychologie positive en montrant que
l’apport artistique ou scientifique du sujet avec TSA peut compenser
son déficit en communication sociale « neurotypique ». À travers de
nombreux exemples très vivants se profile l’idée relativiste que le
sujet avec TSA présente un style cognitif alternatif qui peut aider à
l’évolution de l’humanité  ; une idée qui se fait jour aussi actuelle-
ment dans le cadre des troubles bipolaires et de la schizophrénie.
Ne pas rechercher des compétences et quand on en trouve, ne pas
les développer peuvent conduire à une déperdition de talents. Les
rechercher et les utiliser peuvent donner une valeur sociale au sujet
avec TSA, augmenter son estime de soi et apporter une contribution
non négligeable à la communauté.

La plupart des publications et des conférences en matière d’autisme se foca-


lisent sur les difficultés, les aspects handicapants de l’autisme ou encore ses

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


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212 Voies nouvelles et perspectives futures

fondements médicaux et psychologiques, ainsi que sur ses conséquences


négatives. Il a fallu attendre 2009 pour voir un symposium scientifique,
organisé à Londres par la British Royal Society, sur le thème Autism and
Talent. Pourtant, les caractéristiques de l’autisme n’ont pas toutes des effets
néfastes sur les personnes atteintes d’autisme. Quelques spécificités peuvent
en effet s’avérer positives, à condition qu’elles soient identifiées comme
telles, intégrées à un programme éducatif et utilisées dans le but d’élargir le
champ des intérêts des personnes.
Parmi ces aspects positifs, on doit faire la distinction entre les talents
exceptionnels et les fonctionnements plus « classiques » de l’autisme qui,
dans certains cas, peuvent avoir des conséquences positives pour la per-
sonne. Ces caractéristiques, vues comme des potentialités plus que comme
des freins, devraient servir de levier pour développer les compétences
sociales, sans lesquelles les aspects moins positifs de l’autisme masquent
tous les bénéfices des aspects positifs.
Dans un premier temps, nous traiterons des talents exceptionnels dans
les domaines du dessin, de la peinture, de la sculpture, de la musique, du
langage, du calcul et des mathématiques. Ces talents sont présents chez
certaines personnes atteintes d’autisme quel que soit le niveau, pas seule-
ment chez les personnes ayant un syndrome d’Asperger. En fait, les talents
exceptionnels sont plus fréquents parmi les personnes autistes ayant un
déficit cognitif relativement important que parmi les personnes Asperger.
Une certaine confusion a été entretenue par les médias qui ont confondu
autistes de haut niveau et talents exceptionnels. Par exemple, dans l’excel-
lent documentaire Voyage au centre du cerveau réalisé par Petra Höfer et
Freddie Röckenhaus et diffusé par ARTE en 2007, les traducteurs d’ARTE
m’avaient consulté pour traduire l’expression «  autistes savants  »  ; ayant
refusé l’expression «  syndrome savant  », ils lui ont préféré l’expression
« autiste de haut niveau », ce qui les a conduits à prononcer la tautologie
suivante : « cinquante pour cent des autistes de haut niveau sont autistes »,
alors que la phrase du documentaire disait que « cinquante pour cent des
personnes ayant un syndrome savant sont autistes  ». Il faut donc remar-
quer que de nombreuses personnes ayant des talents exceptionnels ne sont
pas autistes, bien qu’assez souvent atteints de déficience intellectuelle. Le
«  syndrome savant  » a été identifié par le Dr  Langdon Down, qui a par
ailleurs donné son nom au « syndrome de Down » (trisomie 21 en français).
L’expression «  syndrome savant  » a remplacé l’ancienne expression très
péjorative « idiots savants » qui était auparavant employée pour dénommer
ces personnes ayant des capacités exceptionnelles dans certains domaines
tout en ayant une déficience mentale souvent sévère concomitante. De
plus, la confusion entre autisme de haut niveau et talents exceptionnels
a été aggravée par l’emploi de l’expression «  syndrome d’Asperger  » dès
qu’une personne avait des talents hors norme.
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 213

Précisons d’entrée que toutes les personnes du spectre autistique ne sont


pas des génies et que tous les génies n’appartiennent pas au spectre autis-
tique. Même si Hans Asperger lui-même avait déclaré : « Il semble que pour
réussir en sciences et en art, une touche d’autisme soit essentielle. »
Il est en effet fréquent d’observer chez de grands artistes ou scientifiques
quelques comportements pouvant évoquer des signes et des comportements
autistiques, cependant pas à un niveau tel que le diagnostic d’autisme puisse
être prononcé. Dans cette perspective, il faut se méfier des diagnostics pos-
thumes effectués sur des personnes connues pour leur génie de leur vivant.
Plusieurs livres ont été publiés au cours des dix dernières années attribuant
un diagnostic d’autisme ou de syndrome d’Asperger à des personnalités
du monde scientifique, artistique et même parfois à des personnalités du
monde politique.
Dans un deuxième temps, nous analyserons comment certains aspects
généralement perçus comme négatifs dans l’autisme, tels que les difficul-
tés dans le domaine des compétences sociales, les troubles de la théorie de
l’esprit, le déficit de cohérence centrale  [1], les comportements répétitifs
et l’écholalie, peuvent également être perçus de façon plus positive. Nous
verrons, dans un troisième temps, de quelles façons ces aspects peuvent être
utilisés comme forces dans les stratégies éducatives et pour développer la
qualité de vie. Enfin, nous développerons quelques possibilités d’utilisation
de ces aspects « positifs » de l’autisme, même lorsqu’il n’y a apparemment
pas de talents exceptionnels.

Autisme et incapacités
À propos d’autisme, il n’est pas surprenant que la plupart des publications,
interventions lors de conférences et discussions sur les forums mettent
l’accent sur les aspects incapacitants et handicapants de l’autisme ou encore
sur les bases médicales, psychologiques et les conséquences de l’autisme
entraînant une qualité de vie médiocre.
En effet, vivre avec l’autisme est souvent un défi, pour la personne elle-
même, sa famille et son entourage. Cela est tout à fait perçu de manière évi-
dente dans les cas d’autisme sévère, mais également dans les cas d’autisme de
haut niveau ou de syndrome d’Asperger. Les personnes issues de ce second
groupe se plaignent notamment du fait que les personnes de leur entourage
s’attendent à ce qu’ils fonctionnent à haut niveau dans tous les domaines
de leurs activités, alors qu’ils ont des difficultés dans un grand nombre d’entre
eux. Ces difficultés ressenties par les personnes elles-mêmes, leur famille et
leurs amis sont la raison pour laquelle la grande majorité des articles sur la
recherche, les services et le soutien s’orientent vers ces aspects déficitaires.
Toutefois, quelques caractéristiques de l’autisme, envisagées d’une
manière différente, pourraient être utilisées au bénéfice des individus, de
214 Voies nouvelles et perspectives futures

leur famille et plus généralement de leur entourage. Ces caractéristiques


de l’autisme incluent les talents exceptionnels, mais ne s’y limitent pas.
Quelques particularités de l’autisme, habituellement perçues comme
« négatives », pourraient et devraient être utilisées à des fins positives.
Aspects positifs de l’autisme. Les caractéristiques de l’autisme n’ont pas
toutes des impacts négatifs. Francesca Happé pose la question dans Autisme :
déficit cognitif ou style cognitif  ?  [2] et étudie certaines aptitudes  liées spé-
cifiquement aux caractéristiques cognitives de l’autisme. Elle les présente
moins comme des déficits que comme des processus cognitifs différents
de ceux utilisés par les autres individus dans la société appelés, par les per-
sonnes autistes, « neurotypiques » (NT).
Quelques particularités de l’autisme dans le domaine de l’art ou du calcul
ou même des langues peuvent réellement avoir des effets positifs sur les
personnes autistes, à condition que ces capacités soient identifiées comme
telles le plus tôt possible (bien qu’il ne soit jamais trop tard) et entretenues
à travers un programme éducatif individuel bien adapté et centré sur ces
capacités, pour être par la suite élargi à des compétences plus générales.
Cependant, si quelques personnes atteintes d’autisme ont des talents
clairement visibles par l’entourage, ces talents ne sont pas, le plus souvent,
faciles à détecter tant ils sont masqués par des stéréotypies ou par des
troubles du comportement.
Certaines compétences pourraient sembler bien inutiles à première vue.
Mais en fait, même ces dernières peuvent être utilisées, grâce à l’astuce et la
créativité des parents ou des éducateurs, de manière à élargir les domaines
d’intérêts pour la plupart des individus atteints d’autisme. Nous verrons
par la suite quelques exemples des différentes formes que peuvent prendre
les aspects positifs dans l’autisme et de quelles façons ils peuvent aider à
élaborer des stratégies pour améliorer la qualité de vie des personnes, autant
que celle de leur famille.

Compétences spéciales
Les compétences spéciales ont trop souvent été négligées dans l’édification
de stratégies éducatives. Il arrive même parfois que ces compétences « extra-
ordinaires » soient considérées comme non propice au développement de
l’enfant, en particulier de sa socialisation. Certains intervenants pensent
qu’il ne faut pas laisser l’enfant s’enfermer dans son monde.
Dans beaucoup de cas, l’aspect « extraordinaire » des compétences a été
mis en avant, plutôt que leur potentiel à améliorer les processus d’appren-
tissage, ainsi que leurs capacités à l’intégration dans le tissu social. Cela a été
en partie amplifié à travers le film Rainman.
La plupart des personnes atteintes d’autisme de haut niveau ou du syndrome
d’Asperger n’apprécient pas ce type d’attention envers l’exceptionnalité…
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 215

Jim Sinclair, personne autiste fort connue pour ses positions dans la défense
des droits des personnes autistes, a souvent évoqué les conférences sur
l’autisme où «  on s’attend à ce que nous ne nous exprimions que lorsque les
personnes neurotypiques nous adressent la parole et à seule fin de fournir des
informations au bénéfice des autres, un peu comme des créatures d’un parc zoo-
logique parlant d’elles-mêmes » [3].
Toutefois, certains auteurs ont traité le sujet des «  éclats de compé-
tences » [4] et des talents exceptionnels de manière scientifique, plutôt que
sensationnelle. Afin d’être précis dans les concepts, il est habituel de faire la
distinction entre « éclats de compétences » et « talents exceptionnels » bien
qu’il y ait en réalité un continuum entre ces deux catégories. Au-delà des
« éclats de compétences » et « talents exceptionnels », certaines caractéris-
tiques de l’autisme, habituellement perçues comme négatives, peuvent être
utilisées de façon positive pour aider au développement d’une meilleure
qualité de vie pour les personnes autistes.

Éclats de compétences
Les « éclats de compétences » sont des capacités qui émergent au-dessus des
autres compétences plus ou moins déficientes qu’on observe fréquemment
chez une personne autiste. Ces compétences plus avancées que les autres ne
sont pas pour autant réellement remarquables par rapport aux compétences
usuellement observées dans la moyenne de la population.
En effet, l’autisme appartient à la catégorie des troubles envahissants du
développement (TED). Une des particularités des TED est un profil dévelop-
pemental irrégulier. On peut constater que les compétences se développent
de façon hétérogène chez un même individu, avec des pics de compétences
et des zones de compétences très faibles.
En général, les compétences visuelles ont tendance à être meilleures que
les compétences verbales, mais ce n’est pas toujours le cas. Plusieurs outils
d’évaluation ont été créés pour mesurer cette disparité dans les compétences
chez un même individu, comme le profil psycho-éducatif (PEP) [5]. Reuven
Fueurstein avait lui aussi développé un « outil » d’évaluation multifonction-
nelle, le learning potential assessment device (LPAD).
Notons que ces évaluations visent plus à chercher des potentiels d’appren-
tissage qu’à enfermer les enfants dans leurs déficiences. Dans le cadre du
PEP, il s’agit d’identifier les compétences en émergence qui correspondent
à ce que Lev Vygotski a appelé les zones proximales de développement,
décrites dans ses études sur le développement précoce de l’enfant. Pour
faire simple, il s’agit de déterminer de manière la plus objective possible
ce que l’enfant connaît déjà et ce qu’il est prêt à apprendre, cela en tenant
compte des difficultés de compréhension et d’expression de l’enfant lors
de l’évaluation, par exemple en proposant des exercices visuels pour les-
quels les déficits de communication verbale ne viennent pas ou peu ­biaiser
216 Voies nouvelles et perspectives futures

­l’évaluation des compétences. Par exemple, si une personne devait être


évaluée par un test en chinois ou en japonais ou dans toute autre langue
que sa langue maternelle, il ressortirait avec des compétences intellec-
tuelles nettement inférieures à celles qu’elle possède réellement. Je parle
d’expérience  : bien que bilingue français–anglais, lors d’un test cognitif
passé en anglais les résultats me plaçaient dans une catégorie limite de la
déficience mentale sur les items liés au langage courant, alors que les items
non verbaux me plaçaient dans la norme. Les psychologues chargés de
l’évaluation furent très surpris de ce résultat : ils croyaient leur évaluation
neutre vis-à-vis du langage…
Au-delà des écarts usuellement rencontrés chez la majorité des per-
sonnes autistes, dans certains cas, quelques compétences paraissent réel-
lement exceptionnelles comparées aux autres, même si elles ne sont pas
au niveau de celles qu’on rencontre en moyenne dans la population en
général. Elles vont toutefois au-delà des habituelles irrégularités dans le
profil développemental. Ces capacités ont parfois été appelées « îlots de
compétences » [6].
Quoi qu’il en soit, elles pourraient être utilisées pour construire des
stratégies éducatives individualisées et devraient être plus systémati-
quement fondées sur la recherche et le développement de compétences
existantes ou potentielles. De telles capacités permettent à la personne
en position d’enseignement (parent ou professionnel) de maximiser
l’impact des séquences éducatives, car elles valorisent les potentiels de
la personne au lieu de toujours orienter les efforts vers la lutte contre les
déficiences.

Talents exceptionnels
Les talents exceptionnels sont observés essentiellement, mais pas exclusi-
vement, chez les personnes atteintes d’autisme [7]. Il s’agit de compétences
qui seraient considérées comme remarquables, même dans la population en
général. Bien qu’il n’y ait pas d’études épidémiologiques scientifiques, on
peut estimer qu’environ 10 % de la population des personnes autistes pos-
sèdent de tels talents [8]. Les estimations de certains spécialistes sont plus
basses (1 % selon Williams [9]) ou beaucoup plus élevées : Patricia Holin
a donné une estimation de 30  %. On doit cependant se demander si de
tels écarts ne seraient pas liés à une définition trop imprécise de ce qu’on
appelle talents exceptionnels  : s’agit-il de talents exceptionnels, relative-
ment au reste des compétences de la personne ou de talents exceptionnels
par rapport à l’ensemble de la population ?
Il est important de noter que ces talents ne sont pas en lien avec les
autres capacités cognitives générales de ces individus. En particulier, elles
ne sont pas, ou peu, liées au quotient intellectuel. Des personnes autistes,
lourdement handicapées par ailleurs, peuvent avoir des compétences
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 217

e­ xtraordinaires dans un ou plusieurs domaines. Certains sont brillants dans


de nombreux domaines, alors que d’autres ne le sont que dans un domaine
très étroit.
Par ailleurs, les expressions de ces compétences en dessin peuvent faire
appel à des stratégies différentes de celles utilisées usuellement  ; ces per-
sonnes peuvent avoir des buts non conformes à une simple recherche
esthétique. Pour notre fils Gilles, le nombre de fenêtres sur un wagon de
train revêtait une importance cruciale. Il commençait donc par dessiner les
fenêtres avant de compléter son dessin par la carrosserie du wagon. Usuelle-
ment, un dessinateur commence par la forme générale puis termine par
les détails. Pour ce dernier, le nombre des fenêtres a généralement peu ou
pas d’importance. Dans le cas de Gilles, c’était primordial. En y réfléchis-
sant bien, cette stratégie est bien plus efficace pour arriver au but désiré :
il est bien plus facile de dessiner le nombre exact de fenêtres puis de les
entourer de la carrosserie que de dessiner la carrosserie et de diviser l’espace
en évaluant l’espace disponible pour y dessiner le nombre exact de fenêtres
(figure 12.1).
Gilles faisait de même avec les dessins d’avion, dessinant en premier les
n hublots correspondant à l’avion qu’il voulait représenter : un Boeing 727,
747 ou n’importe quel autre avion dont il connaissait, de toute façon, le
nombre exact de hublots (figures 12.2 et 12.3).

Figure 12.1. Train.


Source : Gilles Trehin.

Figure 12.2. Construction d’un avion.


Source : Gilles Trehin.
218 Voies nouvelles et perspectives futures

Figure 12.3. Dessin d’avion fini. Boeing 747.


Source : Gilles Trehin.

Dessin et sculpture
Ce sont les talents les plus visibles et usuellement les plus identifiables. Ils
s’expriment souvent chez de très jeunes enfants atteints d’autisme :
• le cas de Nadia est assez connu [10] : à 3 ans et demi, Nadia dessinait, en
trois dimensions, de magnifiques vues de chevaux de carrousel ou d’autres
animaux ;
• Alonzo Clemons est un sculpteur américain ayant «  un syndrome
savant ». Malgré un traumatisme crânien sévère ayant causé une déficience
mentale grave (QI entre 40 et 50), il est capable de créer des sculptures
d’animaux en glaise qu’il n’a parfois aperçus que quelques secondes. Il est
devenu un artiste connu, certaines de ses œuvres ont été vendues pour plus
de 40 000 dollars. Il a reçu des commandes de plusieurs villes pour des
statues d’animaux en grandeur nature. Pour des sculptures de tailles plus
modestes, il les crée souvent en moins d’une heure.
Alonzo est devenu célèbre mais d’autres personnes atteintes d’autisme
sont restées dans un quasi anonymat. Ainsi, un jeune homme autistes que
j’ai pu observer localement (région de Nice) est un sculpteur hors pair  ;
tout comme Alonzo Clemons, il arrive facilement à créer des sculptures en
trois dimensions à partir d’image en deux dimensions, c’est-à-dire l’inverse
de ce que peuvent faire certains savants autistes qui reproduisent en deux
dimensions des sujets qu’ils ont vus en trois dimensions.
Dans les deux cas, il s’agit d’une transformation cognitive très complexe
leur permettant de passer facilement de deux à trois dimensions.
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 219

Notre fils, Gilles, dessinait déjà assez bien à l’âge de 8 ans et même avant.
Lors d’une visite chez ses grands-parents, il faisait en apparence un gribouil-
lage ne correspondant pas à ses capacités en dessin. Au bout d’un certain
temps son grand-père lui a demandé : « Qu’est-ce que tu fais ? » Notre fils lui
a répondu : « Je dessine une montagne. » Son grand-père lui rétorquant qu’il
savait « mieux dessiner que ça », Gilles a froissé le papier faisant apparaître un
relief ressemblant à une montagne. Sur son dessin à plat, il avait figuré des
arbres, notamment des sapins. En repliant la feuille de papier, on pouvait
voir tous ces arbres dans une position verticale. Cela pose tout de même des
questions au sujet du déficit de la cohérence centrale : notre fils avait bien
une vision d’ensemble de son sujet, mais avait dessiné les détails avant de
proposer une représentation de l’ensemble.
Cette capacité de partir de détails, tout en ayant une vision globale
interne de l’ensemble de la création recherchée, peut se manifester dans
des formes d’art abstraites comme c’était le cas de Philippe, jeune adulte
autiste sévèrement atteint, de la région du sud-ouest de la France. Il pei-
gnait une à une des dizaines de pages au format A4 en apparence sans but
spécifique. Il les assemblait ensuite, en une composition très esthétique
où tout avait été prévu : lignes, couleurs et assemblage (figure 12.4 : voir
cahier couleur).
Quelques auteurs ont suggéré des hypothèses concernant l’origine des
capacités en matière de dessin  ; Darold Treffert, Beate Hermelin et Neil
O’Connors ont été les premiers chercheurs à proposer une approche scien-
tifique de la question [4,  11]. Julia Kelman s’est penchée spécifiquement
sur les compétences en dessin, émettant l’hypothèse que le dessin était une
façon alternative d’exprimer ses expériences [12]. Cela est cohérent avec la
description que fait Temple Grandin de sa façon de penser en images [13].
Mais certains dessinateurs «  savants  » ont conservé leurs capacités artis-
tiques après avoir développé un langage verbal.
La perception en détail, une des caractéristiques bien analysée dans
l’autisme, associée à une mémoire exceptionnelle est l’explication la plus
logique des compétences en dessin dans l’autisme. Alan Snyder, du Center
for the Mind à Sydney, a émis l’hypothèse que la perception des enfants
autistes n’est pas filtrée par la cognition [14]. En d’autres mots, elle n’est
pas influencée par la connaissance conceptuelle que les autres enfants
ont de la scène qu’ils représentent. Lorsqu’on lui demande de dessiner
une maison, l’enfant autiste dessine une maison spécifique qu’il a en
mémoire, alors que l’enfant neurotypique dessine une maison générique,
tel qu’il la conceptualise dans son esprit en fonction d’apprentissages de
base. Les parents ou les éducateurs utilisent souvent des représentations
schématiques des objets usuels : la maison est un rectangle surmonté d’un
triangle, schéma de base auquel sont adjoints de petits rectangles tenant
lieu de fenêtres et de portes. L’aspect symbolique du schéma dessiné par
220 Voies nouvelles et perspectives futures

les parents ou les éducateurs n’est le plus souvent dû qu’à leur manque
de compétence à dessiner en perspective. Et dire qu’un nombre important
d’évaluations psychologiques se fondent sur les capacités d’un enfant à
dessiner une maison  ! Un enfant autiste ayant des talents en dessin, ne
dessinera pas «  UNE  » maison, mais la maison où il habite réellement,
peut-être même en perspective, ce qui n’entre pas dans les canons de
l’évaluation des psychiatres et psychologues !
Pour revenir à l’analyse des talents réellement exceptionnels en dessin,
utilisant l’exemple de Nadia cité plus haut, Nicholas Humphrey a écrit un
article dans lequel il émet l’hypothèse que de tels talents innés en dessin
pourraient être à l’origine de l’art paléolithique [15]. J’ai également déve-
loppé cette hypothèse tout à fait indépendamment, quoique mon hypo-
thèse se situe dans une perspective différente de celle du Pr Humphrey, me
penchant sur l’ensemble des aspects créatifs de ces artistes en comparant la
forme et la structure des dessins créés par les autistes savants à celles des des-
sins créés par les artistes de la Préhistoire dans les grottes ornées ainsi que
sur des supports mobiles : gravures sur os ou sur plaquettes d’ardoise [16].

Musique
Les capacités musicales sont également relativement fréquentes chez les
personnes atteintes d’autisme. Elles sont souvent la conséquence de fac-
teurs innés, telle l’oreille absolue [17], c’est-à-dire la capacité à reconnaître
n’importe quelle note sur une gamme, sans avoir besoin d’une note de réfé-
rence telle que celle fournie par un diapason. Il est possible que l’oreille
absolue soit également une des capacités développementales qui disparais-
sent relativement tôt chez les enfants «  neurotypiques  ». Les nourrissons
semblent avoir l’oreille absolue dans leurs premiers mois de vie et la perdre
lorsqu’ils grandissent [18].
Ces individus musicalement doués ont aussi en commun une mémoire
exceptionnelle des airs de musique. Certains en connaissent plusieurs mil-
liers. Et ils ne se rappellent pas seulement de la mélodie, mais des harmo-
nies complexes et de la structure musicale. Mon fils, Gilles, a appris à jouer
de la basse électrique, puis est passé à la contrebasse, qu’il a apprise seul. Il
a un sens inné de l’harmonie, accompagnant des œuvres de jazz fort riches
de ce point de vue.
Quelques observations nous amènent à penser qu’ils ont une perception
et construction différentes de la musique, comme une expérience globale
mais avec tous les détails de sa structure. Mary Newport, qui a reçu un diag-
nostic tardif du syndrome d’Asperger, peut écrire la musique à l’envers, en
commençant par la dernière page ou au milieu de la partition. Elle explique
que c’est parce que la musique est déjà écrite dans son cerveau [19].
Au-delà de leur perception innée de la musique, on peut noter la remar-
quable fonction exécutive de la plupart des savants musicaux. Ils semblent
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 221

apprendre les compétences pour jouer à une vitesse qui dépasse l’imagination.
Toutefois, et nous y reviendrons plus tard, leur capacité à travailler de manière
répétitive leur permet de pratiquer des exercices sans se lasser.

Quelques artistes exceptionnels


Je n’en ai retenu pour cet article que quelques-uns mais un grand nombre
d’autres peuvent être trouvés dans le travail de Darold Treffert [20] qui est
enseignant chercheur à l’université du Wisconsin.
Le premier « savant » sur lequel on trouve des observations écrites est connu
sous le nom de Blind Tom (1849–1908). Fils d’un esclave, il apprend le piano
en autodidacte. Son maître, propriétaire de la plantation, ayant reconnu le
talent du fils de son esclave, le fait connaître un peu partout aux États-Unis.
Plus récemment, on peut citer Leslie Lemke, pianiste et chanteur américain.
Né prématurément en 1951, les docteurs lui diagnostiquent un glaucome, une
infirmité motrice cérébrale et une déficience mentale… Toutefois vers l’âge de
16 ans, ses parents l’entendent au milieu de la nuit jouer au piano le concerto
no 1 de Tchaïkovski qu’il avait récemment écouté à la télévision. Il a rapidement
joué différents styles de musique, du ragtime à la musique classique. Leslie est
devenu par la suite célèbre aux États-Unis en donnant des concerts comme
chanteur tout en s’accompagnant au piano.
Derek Paravicini, né lui aussi prématurément, est un des « savants » autistes
musicaux actuels les plus doués. La thérapie à hautes doses d’oxygène, néces-
saire pour sauver sa vie, lui a fait perdre la vue et causé de lourds troubles
d’apprentissages. Toutefois, il a très rapidement acquis une fascination pour
la musique et les sons. À l’âge de 4 ans, il avait appris seul à jouer du piano, y
compris des airs aux harmonies complexes, tels que Smoke gets in your eyes.
Derek Paravicini est parvenu à un niveau technique et expressif au piano qui
fait de lui un pianiste de renommée internationale, son style est comparable en
plusieurs points à celui de Glenn Gould*. Cela n’est cependant qu’en partie dû
à des prédispositions musicales probablement liées à son autisme, comme
l’oreille absolue, et sa mémoire pour les moindres détails des diverses pièces
musicales qu’il a mémorisées : étant aveugle, il ne peut pas lire les partitions.
Pour arriver à un tel niveau, Derek a bénéficié d’un professeur de musique
de très haut niveau, Adam Ockleford, qui a compris comment enseigner à
Derek : il a su qu’il pouvait communiquer avec Derek en se servant de la musique
pour exprimer des sensations et même des sentiments. Pour permettre à Derek
d’acquérir une totale liberté d’expression au piano, Adam Ockleford a fait
travailler Derek pendant plus de 10 000 heures au cours d’une période de plus
de 15 ans. On trouvera dans le livre In the Key of Genius [21] une biographie
passionnante de Derek, de ses apprentissages et de ses progrès faits au cours
de ces années de travail intensif, progrès non seulement dans sa technique
pianistique mais dans sa capacité à s’adapter à différents orchestres ainsi qu’à
différents publics.

222 Voies nouvelles et perspectives futures


La plupart des musicologues seront d’accord pour dire que Glenn Gould était
un génie de la musique. Toutefois comme c’est le plus souvent le cas, le génie
n’est qu’en partie attribuable à des talents innés : ces derniers constituent des
prédispositions. On peut voir dans le documentaire Genius within – The inner
life of Glenn Gould de M. Hozer et P. Raymont que, comme tous les « génies de
la musique », Glenn Gould a reçu une éducation musicale par les plus grands
maîtres et pouvait travailler plus de 8 heures par jour au piano, poursuivant
parfois ses exercices jusqu’à tard dans la nuit. Plusieurs chercheurs ont émis
l’hypothèse que Mozart aurait pu être un savant autiste. Méfions-nous cepen-
dant de ces diagnostics posthumes ; cependant comme dit précédemment la
partie géniale de Mozart ne se serait pas autant développée sans l’éducation
musicale intensive reçue de son père Léopold Mozart qui envoya son « génie
de fils  » suivre les enseignements des plus grands maîtres de la musique en
Europe [22].
Tony Deblois est lui aussi un musicien aveugle et autiste. Il joue très bien d’un
nombre impressionnant d’instruments, mais il excelle surtout au piano et en
improvisation musicale. Comme Derek Paravicini, ses talents ne sont parvenus
à éclosion que grâce à un énorme travail soutenu par de très grands maîtres
en musique à la Berklee School of music de Boston. Toutefois, son niveau cog-
nitif en dehors de la musique reste très faible comme celui de Derek.
Aussi bien Derek que Tony éprouvent un très grand plaisir à jouer en public.
Ils sont devenus musiciens professionnels, donnent des concerts et sortent des
disques. Derek et Tony font souvent preuve d’un humour surprenant, le ren-
dant fascinant.
Il y a quelques autres musiciens exceptionnels parmi les personnes autistes,
même si elles n’atteignent pas le niveau suffisant pour jouer en public. Noël
Patterson peut reproduire n’importe quel morceau au piano juste en l’ayant
entendu une seule fois, Noël est apparu dans le programme de la BBC, The
foolish wise ones. Pendant une séquence, il joue une mélodie au piano avec
sa main droite, tout en tapant les accords sur le manche d’une guitare posée
sur ses genoux.
*La comparaison faite avec Glenn Gould pourrait paraître osée, toutefois nombreux
sont les spécialistes de l’autisme à penser que Glenn Gould aurait probablement reçu
aujourd’hui un diagnostic appartenant au spectre autistique. Lorna Wing, une des plus
grandes spécialistes du diagnostic d’autisme, en était convaincue. Des vidéos de Glenn
Gould, Derek Paravicini et Tony Deblois sont disponibles via internet sur YOUTUBE.

Calcul et mathématiques
Parents et professionnels rapportent fréquemment qu’ils observent une
aisance surprenante de leur enfant autiste avec les nombres et une mémoire
incroyable des dates. Mais pour certains individus, cela va bien plus loin et
ils peuvent calculer de tête des opérations arithmétiques complexes, telles
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 223

que des multiplications à plusieurs chiffres ou donner le jour de la semaine


pour le 21 juillet 1873, capacité appelée « don du calendrier ».

Calcul mental pur


Les gens qui ont vu le film Rainman se souviennent de la scène où Raymond
calcule une opération arithmétique complexe lors d’un examen médical.
Au cours du visionnage de cette scène, Gerry Newport, personne TSA, s’est
mis à donner à voix haute les résultats des opérations avant que Raymond
ne le fasse à l’écran. C’est ainsi que Gerry a progressivement fait le lien avec
lui-même et son propre autisme, jusque-là non diagnostiqué. Il est devenu
un célèbre porte-parole de l’autisme aux États-Unis.
Ce type de capacités arithmétiques est, rappelons-le, très rare, mais néan-
moins bien plus fréquent dans les cas d’autisme que dans la population
générale. Oliver Sacks a étudié plusieurs cas de ce type [23]. Les capacités
de calcul peuvent aller jusqu’à des opérations bien plus complexes, telles
que les racines carrées et la recherche de nombres premiers. Dans la plu-
part des cas qui ont été publiés, les calculateurs prodiges font des calculs
arithmétiques purs, sans but spécifique et n’ont pas d’autres compétences
mathématiques.
Don du calendrier
Lié de façon plutôt obscure aux capacités de calcul, du moins en fonction
de ce que nous en dit la recherche, il s’agit de la capacité à dire quel jour de
la semaine tombe une date, passée ou future. Cette capacité est observée
chez quelques individus atteints d’autisme.
Même si ce n’est pas le cas de tous, un grand nombre de personnes
autistes ont une formidable mémoire des dates et des nombres. Ce sont
souvent eux qui se souviennent de toutes les dates d’anniversaire de la
famille, une compétence plutôt utile… La mémoire des nombres est à son
apogée dans le cas de Daniel Tammet : il récite (en 5 heures, 9 minutes et
24 secondes) 22 514 décimales de Pi… Comme les artistes en dessin, il uti-
lise une stratégie originale : imaginant un paysage dans lequel il associe les
éléments visuels du paysage aux chiffres composant les décimales de Pi,
il déroule ensuite le paysage visuellement, les chiffres associés ressortant
alors de sa mémoire.
Capacités mathématiques abstraites
Certaines personnes dans le continuum autistique ont des dons mathéma-
tiques exceptionnels, autres que le calcul de multiplications de nombres
importants. Alex était « un des sept élèves de CM1 des États-Unis à avoir
été primé aux Olympiades Mathématiques Nationales » [24]. Il y a quelques
personnes parmi ces personnes autistes douées en mathématiques qui ont
obtenu un doctorat en mathématiques. Dans ce domaine, la prévalence
est plus importante parmi les personnes ayant un syndrome d’Asperger, ce
224 Voies nouvelles et perspectives futures

s­yndrome étant parfois diagnostiqué très tardivement  : la réussite acadé-


mique n’incitant pas à rechercher une pathologie.
Langage et langues
Le fait que l’autisme puisse être associé à des capacités exceptionnelles dans
le domaine du langage peut sembler surprenant. Pourtant, il y a quelques
personnes atteintes d’autisme qui ont un talent naturel pour les langues.
Mais avoir un tel talent ne signifie pas qu’ils n’ont pas pour autant des
difficultés de communication. Gunilla Gerland décrit très bien comment
elle avait toujours eu des facilités pour les langues, tout en ayant toujours
d’énormes difficultés à communiquer avec ce langage [25]. Certaines per-
sonnes autistes apprennent les langues étrangères avec une apparente faci-
lité. Daniel Tammet a appris l’islandais en une semaine, avec suffisamment
de compétences pour participer efficacement à une interview à la télévision
islandaise.
Il est aussi assez fréquent de voir des enfants autistes inventer des néo-
logismes. Leur envie de précision les pousse à chercher des mots différents
lorsque l’objet ou l’action sont différents si peu cela soit-il. Cette fascina-
tion peut expliquer en partie leur intérêt à nommer les choses et à utiliser
des verbes pour exprimer des actions dans plusieurs langues différentes.
Quelques-uns ont réussi à apprendre un nombre impressionnant de langues
et même inventer leur propre langue, comme l’a fait Daniel Tammet
[26,  27]. Il est aussi fréquent d’entendre des enfants autistes utiliser des
généralisations du langage, surtout en anglais où la conjugaison des verbes
irréguliers est peu prévisible. Ainsi, I go (je vais) devient au passé I went
contrairement à la forme usuelle du passé se terminant par -ed. Clara Park
raconte que sa fille Jessy avait utilisé la forme passée I goed pour indiquer le
passé de I go.
Autres arts visuels
Bien qu’il n’y ait eu que très peu de publications à propos de personnes
autistes, artistes dans le domaine de la photo et la vidéo, Philippe Noyes,
parent d’un jeune homme autiste a présenté, durant le premier congrès de
l’Organisation mondiale de l’autisme en 2002, l’expérience qu’il a vécue
en proposant à son fils Dave un logiciel de traitement d’images, simplifié,
mais néanmoins complet pour la production d’images et de vidéos infor-
matiques. Les résultats étaient très intéressants, à la fois d’un point de vue
esthétique et dans le développement de la qualité de vie de Dave et de sa
famille [28]. Par ailleurs, Temple Grandin recommande la photo et la vidéo
comme étant « de très bons jobs pour des penseurs visuels » [29].
Mémoire exceptionnelle
La mémoire exceptionnelle semble être le dénominateur commun aux
talents exceptionnels [11].
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 225

La mémoire à court terme peut être observée dans certains exemples


d’écholalie immédiate où la séquence mémorisée est très longue. Toutefois,
la mémoire à court terme n’est en général pas plus développée que chez les
personnes neurotypiques, à l’exception du cas de la mémorisation de séries
non structurées [30] où les enfants autistes ont de meilleurs résultats que les
autres enfants en âge mental appariés.
La mémoire à long terme peut parfois être stupéfiante. Elle peut concer-
ner des trivialités, telles que les scores de baseball ou des listes de l’annuaire,
mais également des sujets plus pragmatiques, comme des horaires de
train ou d’avion, les numéros des lignes de métro ainsi que les correspon-
dances, ou encore des connaissances en histoire ou géographie : capitales
des pays, altitudes des montagnes, dates historiques, etc.
Capacité à reproduire de mémoire. Les capacités de mémorisation vont
souvent de pair avec d’exceptionnelles capacités à reproduire l’information
stockée. C’est le cas de l’écholalie différée ou des phrases sont répétées avec
les mêmes intonations que celles d’origine. C’est également le cas des musi-
ciens, qui non seulement mémorisent les mélodies, mais sont aussi capables
de les reproduire avec un instrument ou en les chantant. J’ai rencontré un
jeune homme atteint d’autisme, vivant aux États-Unis, qui pouvait chanter
un grand nombre de chansons de Georges Brassens avec toutes les paroles,
alors qu’il ne parlait pas le français couramment.
L’exemple le plus remarquable de mémoire à long terme est celui de
­Stephen Wiltshire qui dessine des vues aériennes très précises de villes après
avoir juste fait un tour d’hélicoptère au-dessus des monuments, des parcs
et immeubles (on peut voir des extraits vidéo sur l’Internet). À propos du
« syndrome savant », il faut remarquer dans son cas qu’outre la mémorisa-
tion exceptionnelle, il a la capacité à réorganiser toutes les images qu’il a
mémorisées pour en faire une grande image unique, vue sous un seul angle
de vue alors qu’il avait perçu ces images sous des milliers d’angles de vue
différents, rapidement observés à partir d’un hélicoptère tournoyant dans
le ciel de Rome par exemple…
L’aspect le plus étonnant de ces capacités de mémorisation est qu’elles
sont souvent le résultat d’une seule exposition à une pièce de musique ou à
une scène visuelle… Toutefois ces compétences à la représentation se sont
construites par des heures de pratique, quand bien même en dessin il s’agit
le plus souvent de pratiques autodidactes mais toutefois encouragées par la
famille ou les intervenants : dans le cas de Nadia dont les compétences en
dessin n’ont pas vraiment été encouragées, elle a progressivement perdu
ces compétences au cours de son développement. Certaines analyses expli-
quent cette perte de compétences en dessin par l’accès de Nadia au mode
d’expression verbale. Or les cas d’enfants prodiges très doués en art dès leur
plus jeune âge et qui n’atteignent pas un niveau ne serait-ce que remar-
quable à l’âge adulte sont légion : sans pratique continue, les compétences
226 Voies nouvelles et perspectives futures

Figure 12.5. Pont.


Source : Gilles Trehin.

artistiques disparaissent. Lors d’une conversation avec des amis nous avions
parlé de cette hypothèse : acquisition du langage entraînant une baisse des
capacités en dessin. Notre fils avait entendu notre conversation et il est
revenu quelques minutes après avec un magnifique dessin d’un des ponts
reliant l’île de Manhattan au reste des États-Unis (figure 12.5).
Il arrive parfois que les premiers dessins semblent sans intérêt pour
l’entourage : très répétitifs et représentant des sujets pas particulièrement
esthétiques. Ces personnes autistes peuvent produire des milliers de ces
représentations. On peut émettre l’hypothèse qu’ils affineraient ainsi
leurs  capacités à dessiner, travaillant la motricité fine. Toutefois certains
enfants semblent aller directement à une remarquable qualité du dessin.
Dans le cas de notre fils, avant 5  ans, il ne produisait pratiquement que
des gribouillages. Son premier dessin représentant quelque chose a été une
table vue en trois dimensions avec tous les ustensiles qui s’y trouvaient.
Mais le trait reste encore imprécis (figure 12.6).
Il est fréquent que les enfants autistes doués en dessin aiment à utiliser
des cadres très formels : Alain, jeune adulte autiste de la région parisienne,
ne dessine que sur du papier A4 qu’il divise de manière rigide en quatre
rectangles (figure 12.7 : voir cahier couleur).
On trouve souvent un attrait pour le format «  bandes dessinées  », les
enfants reproduisent alors avec force détails les personnages de ces BD. Un
d’entre eux a même créé une BD avec des personnages vus dans des dessins
animés à la télévision, ce qui implique à la fois une perception rapide et une
mémorisation à long terme.
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 227

Figure 12.6. Dessin en trois dimensions et particularismes des créations.


Source : Gilles Trehin.

Caractéristiques de l’autisme habituellement


perçues comme négatives
Bien que non intrinsèques à l’autisme, certains types de comportements
y sont souvent associés. Ceux que l’on observe le plus fréquemment sont
l’écholalie, les comportements répétitifs et stéréotypés, qui sont en général
perçus comme négatifs et devant être progressivement éliminées. Le déficit
de théorie de l’esprit est également perçu uniquement à travers l’impact
négatif qu’il a sur les relations sociales.
Toutefois, avec un bon niveau de créativité de la part des enseignants
et des parents, ces aspects «  négatifs  » pourraient être transformés en
leviers dans le processus éducatif et le développement de l’estime de soi
des enfants autistes et les aider à devenir des adultes capables de s’intégrer
avec plaisir dans le milieu social où ils vivent et même d’être capables de
participer agréablement à d’autres milieux sociaux en cas de changement
de lieu d’habitation.

Écholalie
L’écholalie est un comportement verbal que l’on rencontre très fréquem-
ment dans l’autisme qui conduit le sujet à reproduire avec une précision
228 Voies nouvelles et perspectives futures

souvent surprenante les paroles prononcées par leur entourage et à les répé-
ter sans cesse.
Comme peuvent en attester de nombreux parents et professionnels,
cela peut vraiment taper sur les nerfs des personnes vivant en présence
d’enfants autistes… C’est toutefois une phase normale du développement
dans l’enfance. Les jeunes enfants commencent avec l’écholalie, mais évo-
luent vite vers un langage construit. L’écholalie peut être perçue comme un
trait positif, comme l’expliquent Barry Prizant et Adriana Schueller [31]  :
«  Autrefois, les thérapeutes du comportement voyaient principalement [dans]
l’écholalie une caractéristique “déviante” ou socialement indésirable de l’autisme
et tentaient de la faire disparaître au moyen de procédures de punition. À travers
un certain nombre d’études, nous avons été capables de démontrer que l’écholalie
avait d’importantes fonctions communicatives pour les enfants ayant des troubles
dans le continuum autistique et qu’elle reflétait leur stratégie particulière pour
acquérir le langage, qui résultait de leur style d’apprentissage ; de ce fait, [elle] est
maintenant perçue comme un facteur positif dans le pronostic du développement
du langage et de la parole. »
Notez que nous utilisons fréquemment l’écholalie en tant qu’adultes neu-
rotypiques, toutefois, nous intériorisons les mots et ne les disons pas tout
haut. Cette écholalie interne est peut-être liée à l’activation de neurones
miroirs qui nous fait ressentir les actions des autres lorsque nous les voyons
ou les entendons [32]. Elle peut également être utilisée comme levier pour
développer l’empathie.

Comportements répétitifs
Les comportements répétitifs et stéréotypés, comme l’écholalie, ont ten-
dance à être considérés parmi les comportements autistiques les plus
négatifs. Il est vrai que des comportements répétitifs pouvant durer des
journées entières finissent par devenir insupportables, en particulier s’ils
sont bruyants ou repoussants.
Pourtant, les comportements répétitifs peuvent être utilisés de façon posi-
tive de plusieurs façons :
• indirectement : par exemple, en en faisant une récompense motivante pour
avoir accompli une tâche ou avoir correctement répondu à une question ;
• directement  : en orientant progressivement le comportement répétitif
vers une utilisation de plus en plus pragmatique.
Il est également possible de progressivement étendre le domaine d’intérêt
lié aux comportements répétitifs et de les orienter vers des comportements
plus acceptables socialement. Par exemple, transformer un « alignement »
d’objets en une collection ayant du sens, comme le feraient beaucoup de
collectionneurs… Cela peut être un excellent moyen de socialiser avec
d’autres personnes ayant un intérêt exclusif…
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 229

À l’heure actuelle, beaucoup d’artistes autistes utilisent cet aspect dans


leurs dessins. Ils ne se lassent pas de devoir exécuter un motif répétitif de
façon interminable, tels les milliers de minuscules fenêtres dessinées sur
chaque façade d’un gratte-ciel [33,  34], ou encore pratiquer des exercices
fastidieux en répétition musicale.

Déficit de théorie de l’esprit


Le déficit de théorie de l’esprit a été évoqué pour la première fois par Uta
Frith, Simon Baron-Cohen et  alan Lesley [35]. Dans la plupart des situa-
tions, les personnes non autistes peuvent deviner de façon assez pertinente
l’état d’esprit des autres personnes rien qu’en les observant ou en écoutant
le ton de leur voix. Les individus atteints d’autisme ont des difficultés à faire
une estimation de ce que les autres pensent. Cette difficulté avec les codes
sociaux est également appelée « cécité mentale » [36]. Cela entraîne souvent
des problèmes pour comprendre les relations sociales et pouvoir y partici-
per. « Je n’avais jamais compris pourquoi le contact visuel était si important. Je ne
l’ai compris qu’il y a sept ou huit ans, à la cinquantaine, après avoir lu le livre de
Baron-Cohen sur la cécité mentale. Je ne savais même pas que tous ces minuscules
signaux des yeux existaient. » raconte ainsi Temple Grandin [37].
Un article récent a montré une capacité de lecture de l’esprit chez des
enfants de 15 mois [38], mais globalement l’évidence expérimentale tend
à montrer que la compétence de théorie de l’esprit ne se développe chez
les non-autistes que vers 3 ans. Elle se développe également dans des cas
d’autisme, mais seulement plus tard et avec des variations dans son niveau
de développement. Certains deviennent plutôt bons avec, alors que d’autres
ont de grandes difficultés toute leur vie.
De façon assez intéressante, ce soi-disant déficit peut s’avérer être un
aspect utile de l’autisme, du moins dans certaines circonstances. Un certain
degré d’ignorance de ce que les autres pensent peut être d’une grande aide
pour libérer la créativité, explorer de nouveaux domaines et briser des bar-
rières sociales [39].
C’est aussi le titre d’un livre de et sur Richard Feynmann, Qu’est-ce que
ça peut vous faire ce que les autres pensent ?, dont le titre original est : What
do you care what other people think ? Richard Feynmann a été prix Nobel de
physique en 1965. Bien que je ne sois pas enthousiaste avec les diagnostics
posthumes, la lecture des livres écrits par Richard Feynmann font souvent
ressortir des images qu’on associe fréquemment à l’autisme, les descriptions
de ses propres difficultés dans les relations sociales évoquent un possible
syndrome d’Asperger.
Susan Boyle rendue célèbre par sa performance musicale remarquable
dans l’émission de télévision de BBC1, Britain’s Got Talent, a très récemment
dévoilé qu’elle avait un syndrome d’Asperger ; la vidéo de cette émission
230 Voies nouvelles et perspectives futures

(disponible sur l’Internet) la montre dans une décontraction et un naturel


incroyable, malgré la pression d’un public a priori hostile compte tenu de
son allure désuète, frisant presque le ridicule, dans un concours de chant
du style La nouvelle star. Susan Boyle semble détendue, sans complexe : sa
performance musicale convainc finalement rapidement le public et les jurés
pourtant un peu narquois avant qu’elle ne commence à chanter.

Penser en détail
Penser en détail est un des processus de traitement de l’information des plus
communs dans l’autisme. C’est souvent associé aux résultats des recherches
sur la cohérence centrale [40], mais il se trouve que beaucoup d’individus
atteints d’autisme de haut niveau ou du syndrome d’Asperger ont une
très bonne perception globale des choses et des situations, même s’ils ont
commencé leurs analyses par une observation en détail.
La perception visuelle fine résultant de ce mode de pensée peut très
bien induire une capacité à observer les choses de façon plus complète
et détaillée que ne le font les personnes neurotypiques. Les per-
sonnes atteintes d’autisme se débrouillent extrêmement bien avec des
tests  visuels qui demandent une vision détaillée, comme par exemple
les cubes de Kohs (block design tasks) [41], ou ont moins tendance à
succomber aux illusions d’optique [42]. Certains utilisent cette capacité
lorsqu’ils dessinent  : ils construisent des dessins complets de scènes
complexes en commençant par de minuscules détails, sans dessiner au
préalable les lignes générales.
Cette habileté à penser en détail est également illustrée par les excellents
scores dans le test de la « figure imbriquée », meilleurs chez les personnes
autistes que chez les autres [43, 44]. Dans une figure complexe, une autre
plus simple est imbriquée et on demande aux enfants de la retrouver. Les
enfants autistes sont meilleurs étant donné qu’ils sont habitués à penser en
détail.
De telles compétences pourraient être très utiles dans une variété de
tâches impliquant la reconnaissance de formes. J’ai émis l’hypothèse que
cela aurait été le cas pour certains artistes du Paléolithique qui utilisaient
des formes et des particularités préexistantes des murs des cavernes pour
commencer ou compléter un dessin d’animal [16].

Intérêts spéciaux et restreints


Encore une fois, les parents et professionnels rapportent souvent le fait que
les enfants autistes dont ils s’occupent ont des intérêts étroits, mais intenses
pour certains domaines de la connaissance. Parmi ceux-ci, quelques-uns sem-
blent communs : les volcans, les dinosaures, les planètes, les avions, les trains,
les horaires des vols d’avion ou de train, les gratte-ciel, la météorologie…
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 231

La plupart de ces intérêts sont souvent, au mieux, ignorés et font parfois


l’objet d’efforts pour tenter de les éliminer car les parents ou les interve-
nants craignent qu’ils ne deviennent obsessionnels et en tout cas ne gênent
les apprentissages de base.
Je pense qu’au contraire ceux-ci devraient être utilisés au bénéfice de
l’enfant ou l’adulte. La force de l’intérêt particulier peut être utilisée comme
une motivation immense pour encourager l’apprentissage d’autres compé-
tences. Ils peuvent être développés et enrichis pour amener à des activités
potentiellement lucratives ou de loisir. Avec finesse, le parent ou l’éducateur
peuvent intégrer de manière incidente l’apprentissage de connaissances
générales et pratiques.
À partir de son intérêt restreint pour les animaux de la ferme, la psy-
chologue de Temple Grandin a bâti une stratégie éducative qui a finalement
conduit Temple jusqu’à un doctorat en psychologie animale.
Les stéréotypies peuvent bien sûr énormément interférer dans les appren-
tissages nécessaires et sont souvent une entrave à l’intégration sociale. Elles
ont donc souvent tendance à être perçues comme des caractéristiques néga-
tives de l’autisme.
Comme d’autres aspects semblables, elles peuvent être utilisées à des
fins positives, telle une récompense pour des comportements appropriés :
«  Quand tu auras terminé ton exercice, tu pourras jouer avec ton morceau de
ficelle. » Mais au-delà de ça, certaines stéréotypies montrent des capacités
exceptionnelles qui pourraient être utilisées à d’autres fins. Je reconnais que
voir de telles capacités nécessite un regard entraîné et une grande ouverture
d’esprit. En effet, certaines de ces stéréotypies montrent parfois des capaci-
tés motrices surprenantes mais souvent utilisées à des fins ne pouvant pas
facilement passionner un esprit neurotypique… Je pense par exemple à la
capacité de faire tourner sur un axe de symétrie les objets les plus impro-
bables  : ainsi, un jeune homme autiste arrivait à faire tourner une boîte
de boisson gazeuse aussi bien qu’une toupie… Il faut effectivement une
certaine imagination pour déceler dans ce comportement des compétences
motrices utilisables, mais au moins on pourra savoir qu’elles existent et les
utiliser éventuellement dans une autre activité.

Difficultés d’imitation
Alors que l’imitation sous forme d’écholalie ou d’échopraxie semble plutôt
bien développée dans l’autisme, l’imitation pragmatique est souvent limi-
tée [45]. Cette dernière implique que la combinaison d’attitudes imitées
mène à un comportement ayant du sens.
Là où la plupart des personnes intègrent assez facilement un ensemble de
mouvements, les personnes autistes ont beaucoup de mal à le faire. C’est
un souci pour certains domaines de la vie, en particulier parce que ça rend
l’apprentissage incident plutôt difficile. Pourtant, dans certains cas, de telles
232 Voies nouvelles et perspectives futures

difficultés à imiter peuvent amener à la créativité, même de manière invo-


lontaire.
N’étant pas capable d’imiter, la personne autiste va de fait « inventer »
une stratégie pour faire face à un problème. Dans la plupart des cas, cette
stratégie ne sera pas aussi efficace que la stratégie plus communément
employée. Toutefois, à certains moments, une nouvelle stratégie plus effi-
cace peut émerger de ce processus.
Dans la plupart des cas, cette action novatrice ne sera pas remarquée, mais
si un tiers attentif, compétent dans le domaine où l’enfant est en train d’agir,
et ayant l’esprit ouvert, observe ce que la personne est en train de faire,
cela peut résulter en une innovation qui change radicalement la précédente
approche du problème. C’est ce que Margaret Boden appelle « la créativité
forte » (hard creativity) : « [La créativité forte, c’est quand] le monde a évolué de
manière différente non seulement de la manière dont nous pensions qu’il le ferait,
mais même de la manière dont nous pensions qu’il le pourrait. » [46]

Particularités sensorielles
Les meilleures descriptions des particularités sensorielles ont été fournies
par les personnes autistes elles-mêmes [25, 47]. Dans leurs écrits ou leurs
conférences, eIles parlent souvent de situations très pénibles, pouvant pro-
voquer une douleur intense, voire insupportable. Il est souvent difficile de
reconnaître une surcharge sensorielle, car le signal qui la cause peut être res-
senti comme totalement anodin par une personne neurotypique. Temple
Grandin décrit la douleur horrible qu’elle a ressentie à la vue d’une bicy-
clette jaune citron, qu’elle avait reçue pour Noël.
Temple Grandin [47] exprime de manière très parlante les douleurs
qu’elle ressent quand elle perçoit certains stimuli  : «  Le grincement d’une
porte sur ses gonds provoquait des douleurs dans mes oreilles, semblables à la
douleur provoquée par la roulette du dentiste qui touche un nerf. »
Les anormalités sensorielles peuvent s’exprimer sous la forme d’hyper- ou
hyposensibilité. Quelques sons très faibles peuvent être ressentis comme
une véritable torture, alors que des stimulations de haut degré peuvent ne
pas être perçues. Gunilla Gerland décrit, de façon assez spectaculaire, son
insensibilité à la douleur. Quelques enfants sont presque totalement insen-
sibles aux températures extrêmes. Certains peuvent se brûler fortement
sans pleurer, certains peuvent rester dans l’eau froide sans ressentir le froid.
Cependant, les dégâts physiologiques sur leur corps sont toujours là ! Les
parents et les professionnels doivent donc rester très attentifs aux condi-
tions physiques de l’environnement qui peuvent déclencher des situations
dramatiques suite à une telle insensibilité.
Toutefois, de telles hypo- ou hypersensibilités peuvent être utilisées au
bénéfice de l’enfant ou l’adulte atteint d’autisme. Il existe des activités
qui exigent des sensibilités extrêmes à certains stimuli. Par exemple, Rita
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 233

Jordan me disait qu’elle avait rencontré une personne dans le Midwest


américain qui pouvait entendre le train arriver 5 minutes avant que
toutes les autres personnes ne l’entendent. J’ai utilisé cet exemple dans
une recherche que j’ai faite sur la contribution potentielle que les per-
sonnes autistes auraient pu faire, très tôt dans la civilisation humaine, en
étant capables d’entendre l’arrivée d’un troupeau de bisons bien avant les
autres « chasseurs » [16] ; ils auraient pu permettre à la tribu de se préparer
à la chasse. Des chamans ou autres sorciers auraient pu se servir de ces
manifestations sensorielles pour faire croire aux membres de la tribu qu’ils
avaient des pouvoirs divinatoires.
Il existe certainement des exemples plus actuels que les parents et les profes-
sionnels pourront imaginer en fonction des enfants et adultes autistes avec les-
quels ils vivent ou travaillent. Tous ces aspects peuvent êtres tournés à l’avan-
tage de la personne autiste. Encore faudrait-il que les personnes de l’entourage
les aient remarqués et sachent les utiliser pour aider la personne autiste !
Nous avons déjà évoqué quelques-unes de ces utilisations positives de
facteurs généralement perçus comme des faiblesses dans l’autisme.
Quelques auteurs ont déjà développé l’idée que tous les facteurs de
l’autisme n’ont pas nécessairement un impact négatif sur les futures vies
d’autistes.
Si, dans l’ensemble et de façon compréhensible, ces aspects positifs concer-
nent principalement l’autisme de haut niveau ou le syndrome d’Asperger
(tableau  12.1), ils pourraient être exploités au bénéfice des autistes plus
lourdement handicapés [48]. Par exemple, l’écholalie peut servir de base
pour développer la communication [31].

Tableau 12.1. Le syndrome d’Asperger ou l’autisme de haut niveau sont-ils


nécessairement une déficience ?*
Arguments pour percevoir le syndrome d’Asperger et l’autisme de haut niveau comme une
différence plutôt qu’une déficience
1 L’enfant s’implique plus de temps avec les objets et les systèmes physiques qu’avec
les personnes (Swettenham et al., 1998)
2 L’enfant communique moins que le font les autres enfants
3 L’enfant a tendance à suivre ses propres désirs et croyances, plutôt que d’être attentif
à ou être facilement influencé par les désirs et croyances des autres (Baron- Cohen,
Leslie & Frith, 1985)
4 L’enfant est relativement peu intéressé par ce que fait le groupe social ou par le fait
d’en faire partie (Bowler, 1992 ; Lord, 1984)
5 L’enfant a des intérêts forts et persistants
6 L’enfant perçoit les détails des informations de façon très précise (Plaisted, O’Riordan
& Baron-Cohen, 1998a ; Plaisted, O’Riordan & Baron-Cohen, 1998b)
7 L’enfant remarque et se souvient de choses que d’autres ne remarquent pas (Frith, 1989) 
234 Voies nouvelles et perspectives futures

 8 La vision qu’a l’enfant de ce qui est pertinent et important dans une situation peut
ne pas coïncider avec celle des autres (Frith, 1989)
9 L’enfant peut être fasciné par : les choses « à motifs » qu’elles soient visuelles
(formes), numériques (horaires), alphanumériques (plaques d’immatriculation) ;
les listes (de voitures, de chansons)…
10 L’enfant peut être fasciné par les systèmes, qu’ils soient simples (interrupteurs, robinets),
un peu plus complexes (les fronts météorologiques) ou abstraits (­ mathématiques)
11 L’enfant peut avoir une forte propension à collectionner des catégories d’objets
(ex. : capsules de bouteilles, cartes de réseaux ferroviaires) ou des catégories
­d’informations (ex. : types de lézards, types de roches, types de tissus)
12 L’enfant a une forte préférence pour les expériences contrôlables plutôt
­qu’imprévisibles
* Traduction personnelle de P. Trehin du tableau tiré de Baron-Cohen S. Is Asperger’s syndrome/high-functioning
Autism necessarily a disability ? Invited submission for Special Millennium Issue of Developmental and Psychopa-
thology Draft : 5th January 2000.

Compétences et aptitudes sociales


Sans aptitudes sociales, les caractéristiques les moins positives de l’autisme
vont masquer tous les bénéfices des aspects positifs. Pour commencer,
l’apprentissage de comportements sociaux de base permettra les décou-
vertes de compétences par ailleurs masquées pas les attitudes asociales et
des troubles du comportement envahissants. Même les artistes et les créa-
teurs les plus talentueux se font rejeter s’ils ne se comportent pas sociale-
ment avec un minimum de correction. Mais à l’inverse, les compétences
exceptionnelles pourraient être utilisées comme levier pour développer les
aptitudes sociales. Elles pourraient aider à développer chez les personnes
autistes l’estime de soi et la socialisation.
Les compétences mènent au succès  : être constamment en situation
d’échec entraîne du désespoir chez l’enfant et plus généralement génère
l’angoisse de prochains échecs. Exploiter les potentiels de l’enfant lui don-
nera l’opportunité de réussir.
Le succès entraîne l’estime de soi : « Je ne suis pas le plus mauvais. Pour ça,
je suis meilleur que certains enfants de ma classe. »
Les compétences attirent la participation : reconnaître une compétence
particulière chez un enfant attirera d’autres enfants vers lui.
La participation est un pas pour se faire des amis  : rencontrer d’autres
enfants ouvre la voie vers les contacts sociaux et potentiellement de nou-
veaux amis.
Utilisation positive dans les temps de loisir : tous les talents et aptitudes
spéciales peuvent mener à des activités extrêmement variées qui peuvent
rendre les temps de loisirs bien plus structurés et moins problématiques.
Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 235

Parents et professionnels savent très bien que les périodes de loisirs sont
souvent à l’origine de troubles de comportement [49].
Quelques-uns parmi les individus les plus talentueux ont fait l’expérience
d’évolutions remarquables au niveau de leur intégration sociale comme mem-
bres à part entière de groupes sociaux. Ils sont reconnus comme de grands
contributeurs de la société. Mais même ceux qui ont des talents moins excep-
tionnels peuvent grandement bénéficier de l’exploitation de leurs compé-
tences. Cependant, dans tous les cas, cela requiert beaucoup de soutien autour
de la personne, mais aussi de compétences spécifiques dans le domaine du
talent à développer.

Éclats de compétences chez les individus


sans talents apparents
Comme nous l’avons dit précédemment, nous devrions toujours chercher
les aspects «  positifs  » de l’autisme, même lorsqu’il n’y a pas de talents
exceptionnels apparents. Ceux-ci doivent faire l’objet de recherches parfois
proches d’une enquête scientifique, étant donné qu’ils sont souvent cachés
derrière les stéréotypies et les troubles du comportement.
Il est aussi parfois difficile d’identifier les talents spéciaux chez les indivi-
dus autistes plus lourdement handicapés. Cela vient du fait qu’ils peuvent
être exprimés à travers des comportements ou des actes auxquels nous
n’attribuons pas de valeur en tant que sujet neurotypique. Exploiter de
telles compétences peut exiger que nous ayons l’esprit très ouvert et alerte.
Une fois découvertes, de telles capacités peuvent s’avérer réellement excep-
tionnelles et un parent ou un professionnel compétent peuvent se débrouiller
pour les tourner à l’avantage de l’enfant.

Recommandations liées aux analyses précédentes,


destinées à positiver le TSA
Nous devrions tous être convaincus qu’il y a toujours des compétences
exploitables dans l’autisme pour aider les individus à développer une meilleure
qualité de vie. Ces compétences peuvent être plus ou moins exceptionnelles et
plus ou moins visibles, mais elles sont là.
Voici quelques recommandations qui pourraient être utiles pour travailler dans
ce domaine.
1. Cherchez les compétences (talents ou éclats de compétences). Gardez votre
esprit ouvert, observez attentivement les compétences émergentes, même si
elles ne semblent pas importantes à vos yeux. Elles pourraient s’avérer utiles
dans une stratégie éducative plus généralisée et généralisable.

236 Voies nouvelles et perspectives futures


2. Cultivez ces compétences : en ce sens, les enfants atteints d’autisme ne sont
pas différents des autres. Les compétences doivent êtres entretenues, même
si elles semblent naturelles et aisément acquises chez certains des individus
les plus talentueux. Cela exigera peut-être des approches différentes d’ensei-
gnement, appropriées aux styles cognitif des personnes autistes. Toutefois, on
peut compter sur la motivation, la concentration sur certains intérêts, l’absence
d’ennui que provoquent les exercices répétitifs et quelques-uns des aspects
dont nous avons parlé plus haut.
Exemple. Brad Fremmerlid est un homme de 25 ans atteint d’autisme. Il ne peut
pas parler et ne sait pas lire, mais cela ne l’empêche pas de réaliser de grandes
choses : Brad peut construire n’importe quoi à partir d’un schéma de  mon-
tage ! Brad est très proche de son père Mark. Il passe beaucoup de temps avec
lui et celui-ci l’encourage à toujours donner le meilleur de lui-même. Après
avoir mangé, le jeune homme se met toujours à fabriquer quelque chose.
Brad ne comprend peut-être pas les mots, mais ça ne l’arrête pas du tout. Il
comprend tous les diagrammes et les images des plans des meubles, peu
­importe leur complexité. Brad construit donc toutes sortes de choses et il le fait
de façon impeccable. Brad détient un talent hors du commun et son père l’a
aidé à ­fonder sa propre entreprise à Edmonton au Canada : Made By Brad. Mark
espère que l’histoire de son fils va inspirer les gens et montrer aux employeurs
que les jeunes autistes peuvent aussi contribuer. Brad sait relever n’importe
quel défi et, malgré sa maladie, est un membre actif de la communauté qui
l’emporte toujours contre les meubles IKEA [50] !
3. Réexaminez les particularités dans l’autisme et sachez les utiliser :
• « Pensez positif ! » Essayez d’envisager quelques-uns des traits de l’autisme
comme un mode de pensée différent, plutôt que comme une incapacité ;
• utilisez-les comme levier pour les apprentissages ;
• utilisez les domaines de compétence les plus hauts pour aider dans l’acquisi-
tion de compétences dans les domaines où l’enfant a le plus de difficultés ;
• utilisez-les pour motiver l’individu ; nous avons vu que la motivation est un
facteur décisif qui peut être issu des compétences spéciales dans l’autisme, que
ce soit une motivation directe (intérêt pour la tâche) ou indirecte (récompense
pour un comportement approprié) ;
• utilisez-les pour développer l’estime de soi ; cela fera prendre à l’enfant une
attitude plus positive envers son propre potentiel.
4. Encouragez le partage social. La plupart des personnes autistes les plus
talentueuses ont tendance à garder leur travail pour elles. Beaucoup n’ont
pas conscience que ce qu’elles ont créé est magnifique et que ça pourrait
être partagé avec d’autres. Il peut s’avérer nécessaire de mettre en place une
stratégie pour éduquer un tel partage du succès. En revanche quand ces per-
sonnes autistes prennent conscience de l’effet positif qu’ont leurs talents sur
leur entourage proche ou élargi, elles sont ravies de partager avec les autres
ce qu’elles ont créé ou ce qu’elles interprètent, dans les cas des arts vivants
comme le théâtre ou la musique. Toutes les vidéos d’artistes interprètes a­ utistes­

Autisme et créativité : envisager l’autisme de manière différente 237


montrent à quel point ils éprouvent du plaisir à se produire en public : plaisir
non dissimulé et non simulé.
5. Un excellent moyen pour limiter les soucis durant les temps de loisir. En fin
de compte, comme nous le savons tous, les temps de loisir peuvent être les plus
difficiles à gérer avec les personnes autistes [49]. Exploiter les intérêts particu-
liers et les talents peut se révéler être un très bon moyen pour réduire considé-
rablement ces problèmes de comportement. De nombreux parents témoignent
de l’augmentation des troubles du comportement lors des périodes d’oisiveté
et la réduction de ces troubles du comportement quand la personne autiste
dispose d’un moyen d’occuper agréablement son temps. Pour ces cas, point
besoin d’appartenir au groupe des autistes savants ayant des talents excep-
tionnels : il s’agit seulement de permettre l’expression de talents et d’intérêts
particuliers. Toutefois quand un talent plus marqué semble apparaître, il serait
dommage de ne pas le cultiver par des apprentissages plus poussés  : même
pour un exercice «  amateur  » de la musique ou des arts plastiques, des
apprentissages spécifiques apportent une liberté d’expression dont la personne
bénéficiera au niveau du plaisir de créer, tout au long de sa vie.

Conclusion
Je crois sincèrement que quelques individus autistes sont de vrais créateurs
ou à l’origine d’idées très novatrices, celles que Margaret Boden, philosophe
des sciences, a appelé «  la créativité dure  » [46]. Cela peut être difficile à
accepter dès lors que nous sommes bien trop habitués à associer l’art et les
découvertes technologiques aux compétences intellectuelles et sociales, ainsi
qu’à la représentation symbolique. Quelques auteurs ont contesté la créati-
vité des artistes autistes [51], mais les exemples extraordinaires de créativité
magnifique venant d’artistes jeunes et moins jeunes viennent contredire ce
point de vue. On s’aperçoit que des compétences intellectuelles n’entraînent
pas forcément des compétences artistiques  : bien des scientifiques ou des
ingénieurs sont incapables de dessiner ou de peindre d’une manière artis-
tique, ils ont parfois même des difficultés à dessiner des schémas de leurs
inventions ; schémas que Temple Grandin réalise à merveille.
Il y a le point de vue opposé, des auteurs récents pensent que presque
tous les grands créateurs faisaient et font partie du spectre autistique [52].
Il s’agit le plus souvent d’un abus du diagnostic posthume d’autisme ou du
syndrome d’Asperger présumés par les auteurs, sur de simples remarques
anecdotiques et dans ce cas avec un préjugé favorable aux personnes TSA.
C’est tout de même très exagéré, bien qu’Asperger lui-même a dit : « Il sem-
blerait que pour réussir en science et en art, une pointe d’autisme soit essentielle. »
Je pense également que dans des cas d’autisme plus sévères, il existe
des potentiels qui pourraient être utilisés pour améliorer la qualité de
vie des personnes autistes, et j’irai même plus loin, nombre de ces personnes
238 Voies nouvelles et perspectives futures

plus handicapées ont aussi des possibilités d’apporter une part d’évolu-
tion à notre humanité. Ne pas rechercher des compétences et quand on
en trouve, ne pas les développer peuvent conduire à une déperdition de
talents comme le dit très bien Daniel Tammet, personne présentant un syn-
drome d’Asperger et auteur de plusieurs livres et articles : « Ceci est l’histoire
de plusieurs esprits gaspillés, bourrés de talents, mais privés d’opportunités de les
exercer. Heureusement je n’ai pas suivi ce processus, avec le soutien et les encoura-
gements continus de ma famille, j’ai trouvé les moyens de nourrir mes talents. Cet
environnement ouvert et favorable m’a permis de jouer au Scrabble avec mes frères
et sœurs, et de réciter des poèmes aux quelques rares amis que j’ai eu la chance de
me faire. J’ai aussi réalisé qu’être différent était une bénédiction et non un poids
à traîner. » [53]

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exceptional ability ? Brunner-Routledge 2003.
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Glossaire 

AAC ou AAC/ABA abréviation d’analyse appliquée du comportement (applied beha-


vior analysis ou ABA).
AAPEP abréviation de (adolescent and adult psychoeducational profile. Profil psycho-
éducatif pour adolescents et adultes.
ABA acronyme utilisé en référence au champ de l’analyse appliquée du comporte-
ment (applied behavior analysis en anglais), système d’analyse comportementale
conçu pour examiner ou modifier le comportement de manière précise.
ABLLS abréviation pour assessment of the basic language and learning skills, outil d’éva-
luation utilisé classiquement pour réaliser les curricula d’enfants présentant des
troubles du développement. Cet outil a été créé par James W. Partington et Mark
I. Sundberg. La version française est publiée.
Acquisition temps pendant lequel un individu apprend un nouveau comportement.
Les données sont collectées sous différentes formes (taux, fréquence, etc.).
ADOS (échelle) acronyme de autism diagnostic observation schedule. Outil de diag-
nostic des troubles du spectre autistique. Une certification est nécessaire pour
pouvoir réaliser des diagnostics avec cet outil.
Analyse fonctionnelle un des processus majeur de l’analyse du comportement qui
étudie les relations entre les antécédents, les comportements et les conséquences
induites. L’analyse fonctionnelle est composée de différentes étapes à respecter
afin de s’assurer de la précision des données recueillies. Différentes formes exis-
tent : analyse fonctionnelle descriptive ou expérimentale.
Analyste du comportement professionnel qui pratique la science appliquée du
comportement. L’origine de ces professionnels peut être la psychologie, l’édu-
cation ou toute autre discipline associée. Voir le site Internet de l’Organisation
internationale de la certification en analyse du comportement, Board Certified
Behavior Analyst (BCBA®) : www.bacb.com
Antécédents stimulus qui précède immédiatement un comportement. Dans la
contingence à trois termes, A-B-C : antécédent–behavior–conséquence, il corres-
pond au  A. On parle parfois à tort de guidances ou d’incitations (prompts en
anglais).
Appétitif(ve) ce terme fait référence à un stimulus renforçant. (Voir aussi Renforçateur
positif.)
Apprentissage changement relativement permanent d’un comportement qui est le
produit d’interactions avec l’environnement pour des situations spécifiques et
les conséquences qu’il engendre.
Apprentissage incident cela fait référence au fait de prendre en compte le milieu
naturel pour trouver des opportunités d’apprentissage. En milieu clinique, on
parle d’entraînement à la généralisation ou de contexte de généralisation. En
fait, toute situation peut être et doit être une situation d’apprentissage. Pour
certains apprenants, notamment ceux avec autisme, il peut être complexe

Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique


© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
242 Glossaire

d’obtenir des réponses correctes lorsqu’on change d’environnement. Cela doit


être une priorité lors de la mise en place de chaque programme.
Apprentissage sans erreur c’est une forme d’apprentissage par essais discrets. Dans
l’apprentissage sans erreur, l’apprenant n’a pas l’opportunité de commettre des
erreurs. Les guidances sont présentées de façon à ce qu’aucune erreur ne puisse
apparaître. Ceci permet d’augmenter la probabilité que l’apprenant fournisse
plus d’opportunités correctes de réponses qui deviennent alors des renforçateurs.
Approximation lorsque le paradigme de façonnage est utilisé, une approximation
peut être suivie de renforcement ou au contraire d’extinction en fonction de
l’étape du façonnage.
Attention conjointe cela fait référence au partage d’une situation ou d’un événe-
ment. Ce terme est souvent utilisé pour des personnes présentant des troubles
de la socialisation. C’est la capacité à dire ou répondre en regardant dans la
direction proposée par une autre personne ou bien d’orienter le regard de l’autre
personne. Pour un jeune enfant, lorsqu’on lui dit « regarde le chien ! », l’enfant
oriente rapidement son regard vers le chien, souvent en le pointant ou en don-
nant d’autres caractéristiques. Cette compétence apparaît très tôt dans le déve-
loppement (à partir de 6 mois) et est souvent un des comportements déficitaires
observés chez l’enfant avec autisme.
Attention sociale conséquence qui est apportée par la présence d’une autre per-
sonne. Cette conséquence peut prendre toutes les formes (le toucher, la présence
physique elle-même, la voix de la personne, l’odeur de la personne, etc.).
Autisme (trouble du spectre autistique) trouble neurologique qui affecte la capacité
de la personne à communiquer et à présenter des interactions sociales adaptées.
L’autisme est généralement diagnostiqué à 2 ans et dépisté entre 15 et 18 mois. Il
n’existe pas de diagnostic génétique actuellement. Seule l’observation compor-
tementale permet de poser un diagnostic (échelle ADOS par exemple).
Autonomie capacité d’une personne à choisir et s’engager dans des activités. Une
critique récurrente concernant les procédures comportementales est de dire
qu’elles réduisent l’autonomie de l’individu. Au contraire, l’objectif principal
des procédures est de développer le répertoire comportemental de la personne
afin qu’elle puisse choisir et s’engager vers les comportements de son choix.
Aversif(ve) c’est un stimulus qui sert de punisseur positif lorsqu’il est présenté de
façon contingente à un comportement. La probabilité future du comportement
est alors diminuée. De la même façon, ce stimulus peut servir de renforçateur
négatif lorsqu’il est retiré après l’émission du comportement. Il augmente alors
la probabilité future de ce comportement. Il est essentiel de comprendre que le
côté aversif est propre à chaque individu. Ce qui peut être appétitif pour une
personne peut être aversif pour une autre.

BCBA® abréviation de Board Certified Behavior Analyst, analyste du comportement


certifié. C’est une personne qui a satisfait aux exigences pour obtenir la certifi-
cation internationale et peut ainsi s’appeler analyste du comportement. Il faut
pour cela avoir : acquis un nombre d’heures spécifiques de formation universi-
taire théorique en analyse du comportement  ; complété un nombre d’heures
de supervision par un analyste du comportement certifié  ; passé une épreuve
Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)... 243

écrite testant les compétences pratiques et théoriques. Pour plus d’information


voir le site Internet de la certification : www.bacb.com (Voir aussi Analyste du
comportement.)
BECS acronyme de batterie d’évaluation cognitive et socio-émotionnelle d’Adrien
(1996).
Burst d’extinction augmentation rapide des réponses ou comportements suite à la
non-présentation des conséquences qui maintenaient ces mêmes réponses ou
comportements. Cette augmentation rapide dite burst en anglais est souvent
observée lors de l’application de la procédure d’extinction. Rapidement le taux
de réponses diminue. On parle alors d’extinction des réponses ou des compor-
tements.

CARS acronyme de childhood autism rating scale. Cet outil d’évaluation est utilisé
pour aider à l’identification et à la récolte de données concernant les troubles
du spectre autistique. Il évalue les compétences spécifiques, comportements en
excès et comportements en déficit.
Chaînage procédure d’apprentissage qui permet de relier des comportements sim-
ples pour aboutir à un comportement complexe. Les réponses sont renforcées
en séquence. Chaque élément de la chaîne est un renforçateur pour la réponse
précédente et un stimulus discriminatif de la réponse suivante. Par exemple, le
comportement « se laver » peut être décomposé en une somme de comporte-
ments comme ouvrir le robinet, prendre le savon, mouiller le savon, poser le
savon, se savonner le corps, etc.
CIM-10 acronyme de classification internationale des maladies (version 10).
Classe de réponses réponses opérantes qui peuvent varier en topographie mais qui
produisent des conséquences identiques.
Classe de stimuli ensemble de stimuli qui ont des propriétés communes. Ces stimuli
peuvent être reliés fonctionnellement à une classe de réponses.
Colère classe de réponses faisant référence à une agitation comportementale suite à
un stimulus spécifique. Cette classe de réponses peut contenir différentes formes
de comportements (se rouler par terre, se taper, taper l’autre, détruire des objets,
etc.). Les fonctions de cette classe de réponses sont souvent liées à la frustration,
l’évitement ou l’échappement ou à des tentatives de communication. Les colères
chez les enfants ou adultes avec autisme ont souvent un côté spectaculaire.
Communication comportement dont la fonction est la transmission d’information
d’un individu à un autre. Ce comportement peut être verbal, écrit, symbolique
ou gestuel.
Communication facilitée à l’origine, cette technique a été proposée pour aider
des personnes avec troubles sévères du développement à communiquer par un
support physique (prendre la main de la personne) pour taper des messages
sur un clavier. Malheureusement, les études réalisées en double aveugle n’ont
pas permis de valider cette technique. À ne pas confondre avec les techniques
d’augmentation de la communication.
Comportement toute action produite par un individu. Il existe des comportements
publics (observables par un observateur extérieur) et des comportements privés
(observables uniquement par la personne qui les produit, par exemple la pensée).
244 Glossaire

Comportement cible le comportement à mesurer la variable dépendante de l’inter-


vention.
Comportement d’automutilation (CAM) comportement émis par la personne elle-
même qui provoque des blessures physiques. Les formes les plus fréquentes sont
les morsures, le fait de se taper la tête ou les bras. Ces comportements peuvent
avoir différentes fonctions. Seule une analyse fonctionnelle précise peut permet-
tre de réduire ces troubles du comportement.
Comportement d’autostimulation (stéréotypies) terme faisant référence aux
comportements dont la fonction présumée est de fournir certains feed-backs
sensoriels. Certains comportements peuvent avoir comme fonction l’attention,
l’évitement ou la communication.
Comportement d’échappement comportement qui permet à la personne de mettre
fin à une situation aversive.
Comportement d’évitement comportement qui permet à la personne d’éviter une
situation aversive.
Comportement verbal terme utilisé dans l’ouvrage de Skinner (1957), Verbal Beha-
vior. Ce livre décrit l’approche comportementale du langage. Skinner propose
que le comportement verbal suive les mêmes lois et les mêmes principes que
tout comportement. Il introduit des termes nouveaux, les opérants verbaux,
définis de façon fonctionnelle et non structurelle.
Conditionnement opérant augmentation ou diminution du comportement en
fonction des conséquences qui suivent ce comportement.
Conditionnement répondant appelé aussi conditionnement classique ou condition-
nement pavlovien en honneur à Pavlov qui a été le premier à décrire et à popu-
lariser la procédure. C’est une forme d’apprentissage. Le conditionnement clas-
sique apparaît lorsqu’un organisme répond à un nouvel événement relié à une
association de stimuli biologiquement importants. Le physiologiste russe Pavlov
a découvert cette forme de conditionnement au siècle dernier. Il a montré que les
chiens salivaient lorsque de la nourriture était placée près de leur gueule. Cette
relation entre le stimulus « nourriture » et la salivation est appelée un réflexe.
Elle est le fruit de l’histoire biologique de l’animal. Lorsque Pavlov a fait sonner
une cloche avant de présenter la nourriture au chien, ce dernier a commencé à
saliver au bruit de la cloche. De cette façon, de nouvelles caractéristiques (son
de la cloche) contrôlent le comportement répondant du chien (la salivation).
Ainsi en présentant de façon simultanée les stimuli (les stimuli conditionnés et
les stimuli inconditionnés), on réalise un conditionnement classique ou répon-
dant. Par exemple, le fait de penser à un bruit comme une craie qui frotte sur un
tableau peut vous provoquer la réponse conditionnée de chair de poule !
Conséquence résultat spécifique immédiat d’un comportement donné. Une
conséquence peut ou non affecter les propriétés d’un comportement. Les
conséquences peuvent être des stimuli aux effets renforçants positifs ou néga-
tifs, des stimuli de « punissement » positifs ou négatifs mais aussi des stimuli
neutres.
Consigne stimulus antécédent, souvent verbal, qui guide un apprenant à émettre un
comportement donné. La consigne peut ou non décrire les conséquences à venir
après la réalisation du comportement. Les consignes permettent aux apprenants
de développer des comportements généralisés.
Contexte interaction stimulus–réponse qui affecte l’interaction à venir. On parle
aussi d’opérations établies (establishing operations).
Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)... 245

Contingence relation « si–alors » qui décrit la cause et l’effet d’une relation entre un
comportement donné et une conséquence de ce comportement. Si vous effec-
tuez un comportement spécifique (taper sur la touche T de l’ordinateur), alors
vous obtiendrez une conséquence (voir apparaître la lettre T à l’écran).
Contingence de renforcement relations entre une situation environnementale don-
née (une « occasion »), une classe d’opérants et les conséquences qui suivent le
comportement. Voici un exemple quotidien qui montre que les lois de l’appren-
tissage fonctionnent partout :
1. un stimulus interne, état de motivation : la faim à 12 h 30 en sortant du bureau ;
2. un stimulus discriminatif qui indique à la personne un type de réponse possible-
ment efficace : sur son chemin elle trouve un distributeur automatique de sand-
wichs allumé qui propose un vaste choix de produits ;
3. la réponse comportementale : mettre deux euros dans la fente du distributeur et
appuyer sur le bouton de son choix ;
4. les conséquences de ce comportement peuvent être de trois types :
a.  renforçatrices positives. Le sandwich distribué est de bonne qualité. Et le client
reviendra au même distributeur en cas de nouvelle faim,
b.  négatives. Il s’agit de punition ou d’aversion. La machine donne un sandwich
pourri ou bien punit le client en ne rendant pas la monnaie tout en ne donnant
pas de sandwich, c. absentes. Il s’agit alors d’extinction du comportement. La
machine ne distribue pas de sandwich bien qu’il y en ait en vitrine et rend la
monnaie, montrant au client qu’agir ou ne pas agir revient au même. L’inter-
relation entre ces quatre éléments est une contingence du renforcement.
Contrôle du stimulus un contrôle du stimulus est présent lorsque le taux, l’intensité,
la durée, etc. d’un comportement peuvent se modifier en présence d’un stimu-
lus particulier. Par exemple, le taux d’apparition du comportement « répondre
au téléphone  » est modifié suivant la présence ou non du stimulus «  sonne-
rie du  téléphone  »  ; le comportement de réponse au téléphone est alors sous
le contrôle du stimulus « sonnerie ».
Corrélation mesure statistique de la relation qui peut exister entre deux variables
dépendantes (mesurées par l’expérimentateur). La corrélation entre deux
variables n’implique pas nécessairement de relation causale entre ces
deux  variables. Par exemple, nous pouvons observer une corrélation entre le
nombre d’accidents sur la route et le niveau socio-culturel des conducteurs. Cela
ne signifie pas pour autant que le nombre d’accidents sur la route soit causé par
le niveau socio-culturel des personnes ! D’autres variables peuvent entrer en jeu
pour rendre compte de ces corrélations.
CP abréviation de comportement problématique.
CPM abréviation de color progressive matrice.
Critère le critère fait référence au niveau de compétences que l’on souhaite obte-
nir pour un objectif comportemental spécifique. On parle d’atteinte du critère
lorsque la personne atteint l’objectif comportemental. Par exemple, des outils
comme l’ABLLS ou le VB-MAPP (verbal behavior milestones assessment and pla-
cement program) proposent des objectifs comportementaux à atteindre en pré-
cisant les critères pour chaque niveau de compétence. Exemple  : l’apprenant
dénomme « au moins quatre noms de vêtements ».
Curriculum ensemble des compétences d’une personne obtenues et ensemble des
objectifs choisis pour lesquels des programmes d’apprentissage seront réalisés.
Certains outils permettent de réaliser les curricula (ABLLS, VB-MAPP, AFLS, etc.).
246 Glossaire

Déficit comportemental terme général pour indiquer l’incapacité d’une personne


à s’engager dans un comportement qui est observé de façon typique chez les
personnes du même âge.
Déterminisme un des aspects philosophiques le plus important de la science et donc
de l’ABA. Ce principe scientifique considère que tout phénomène est régi par
une (ou plusieurs) lois, les mêmes causes entraînant dans les mêmes conditions
ou circonstances les mêmes effets. L’hypothèse du déterminisme soutient que
l’objectif de science est de découvrir les relations fonctionnelles entre l’environ-
nement (les antécédents et les conséquences) et le comportement.
Discrimination c’est un contrôle comportemental basé sur les antécédents. Un
individu peut déterminer des différences entre des conditions. La personne va
s’engager dans un comportement spécifique dans une condition mais pas dans
l’autre. L’enfant peut présenter des troubles du comportement comme se taper
en présence d’un éducateur ou d’un parent et pas d’un autre.
Données informations recueillies avant, pendant et après la mise en place d’une
intervention ou d’un traitement. Différents outils sont utilisés pour recueillir de
la façon la plus objective possible ces données. Sans ces informations, la gestion
des programmes ne peut avoir lieu.
DSM abréviation de diagnostic and statistical manual. Manuel publié par l’Association
américaine de psychiatrie qui permet de recenser et de fournir des critères diag-
nostics pour des troubles comportementaux et psychologiques. Cet ouvrage est
régulièrement révisé. La dernière version révisée, le DSM-V, date de 2013.

Échappement voir Comportement d’échappement.


Échoïque d’après l’ouvrage de Skinner (1957), Verbal Behavior. Répétition de produc-
tion verbale.
Écholalie trouble du comportement verbal observé chez des personnes avec troubles
du développement, notamment l’autisme. Tendance de la personne à répéter de
façon consistante des mots, phrases ou bribes, de façon immédiate ou différée.
Ce trouble peut être extrêmement envahissant. Un exemple peut être retrouvé
dans le film de Sandrine Bonnaire sur sa sœur intitulé Elle s’appelle Sabine.
ECPA abréviation de Éditions du Centre de psychologie appliquée.
EDEI-R abréviation d’échelles différentielles d’efficience intellectuelle forme révisée.
EEF abréviation d’entretien d’évaluation fonctionnelle.
EFI acronyme d’évaluation des compétences fonctionnelles pour l’intervention.
Empirique ce terme fait référence à des phénomènes observables. Les phénomènes
empiriques peuvent être vus et étudiés.
Empiriquement vérifié ou validé cela signifie qu’un phénomène a été mis en
évidence en développant des preuves expérimentales. On parle souvent aussi
d’EBM, evidence based medicine ou médecine fondée sur des preuves.
ESDM abréviation de early start Denver model. Modèle d’intervention précoce de
Denver.
Essai discret (apprentissage par) l’apprentissage par essais est une contingence à
trois termes (A →  B →  C), relation pour acquérir de nouvelles compétences.
C’est un type d’apprentissage nécessaire notamment pour des personnes avec
Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)... 247

troubles du développement. Chaque essai est séparé par un autre et chaque


réponse correcte peut être ou non placée sous un programme de renforcement.
Il existe différentes variantes d’apprentissage par essais discrets (apprentissage
sans erreur, etc.). Il est essentiel de maîtriser ces techniques d’apprentissage afin
de favoriser la généralisation des réponses de l’apprenant pour en arriver à la
situation naturelle.
Estompage (fading) ce terme fait référence au retrait progressif des guidances sup-
plémentaires proposées pour faciliter l’apprentissage. Cela peut être utilisé pour
retirer tout type de guidances (physiques, gestuelles, verbales, etc.).
Évitement voir Comportement d’évitement.
Excès comportemental c’est un terme général utilisé pour présenter les particula-
rités comportementales d’un individu en comparaison avec des personnes du
même âge.
Extinction pour parler d’extinction, il faut qu’une réponse ait été suivie auparavant
de conséquences ayant comme fonction d’augmenter la probabilité d’appari-
tion de celle-ci. Une fois cette relation observée, on parle d’extinction lorsque
pour cette même réponse, plus aucune conséquence n’est présentée. Un des
effets de cette procédure est de voir apparaître pendant quelque temps une aug-
mentation du taux de réponses. On parle alors de burst d’extinction. Cette bouf-
fée (ou burst) s’estompe rapidement. Par exemple, vous souhaitez prendre un
ascenseur. Vous appuyez sur le bouton pour monter. Rien ne se passe, vous accé-
lérez le débit de réponses (les appuis se font de plus en plus rapides) mais rien ne
se passe, au bout d’un moment, vous arrêtez de répondre et prenez l’escalier ou
un autre ascenseur. Vous avez été soumis à une procédure d’extinction.

Façonnement (shaping) procédure d’élaboration d’opérants (réponses complexes)


en renforçant les réponses qui se rapprochent de plus en plus de la réponse ter-
minale (l’objectif comportemental). La procédure de renforcement différentiel
est souvent utilisée.
Feed-back stimuli contingents à des comportements permettant de guider les
comportements à venir.
Fonction du comportement ce terme fait référence à la variable maintenant un
comportement donné. On se pose la question  : «  Quel est le stimulus qui suit
le comportement ? » Ce stimulus ou cette classe de stimulus peuvent être de tout
type (activités, personnes, attention, sensoriels, etc.). Des techniques spécifiques
ont été développées afin de retrouver les fonctions d’un comportement. On
parle alors d’analyse fonctionnelle.
Fréquence nombre de fois où un comportement apparaît, souvent exprimé en taux,
c’est-à-dire en relation avec une période de temps.

Généralisation cela fait référence à la variation des réponses ou de l’environnement


(contexte). La généralisation des réponses est observée lorsque l’apprenant modi-
fie la forme d’un comportement donné qui a la même fonction. Le fait d’écrire par
exemple en majuscule ou en minuscule lorsqu’on demande à l’apprenant d’écrire
248 Glossaire

le mot « table ». La généralisation du stimulus fait référence au fait que l’appre-


nant émet un comportement donné sous des conditions différentes. Le fait de
prononcer le mot « chat » devant différentes images de chats. Chez les personnes
avec autisme, ces éléments d’apprentissage peuvent être déficitaires, seule une
bonne gestion des techniques d’apprentissage permettra de réduire le handicap.
Groupe contrôle dans les plans d’expérience, il est toujours nécessaire de prendre en
compte un groupe dit « contrôle » qui permet de réaliser des comparaisons face
à un groupe dit « expérimental » qui recevra lui l’intervention ou le traitement.
Ceci permet à l’expérimentateur de déterminer si la variable indépendante (la
variable que l’expérimentateur manipule, ici le traitement ou l’intervention) est
efficace ou non. Dans les groupes «  contrôle  », aucune intervention ni traite-
ment ne sont appliqués.
Guidance stimulus supplémentaire qui augmente la probabilité d’apparition d’une
réponse correcte.

HAS abréviation de Haute Autorité de la santé.


Hypersensibilité sensibilité excessive à un stimulus. Pour certains sons, l’enfant peut
présenter des réactions extrêmes. Des bruits spécifiques comme une machine à
laver, une bille qui tombe ou un bruit de papier peuvent être source de stimulation.
Hyposensibilité sensibilité insuffisante à un stimulus. Par exemple, pour certains
sons, l’enfant ne présentera aucune réaction. C’est parfois une des raisons de
consultation pour les très jeunes enfants. Les parents ont l’impression que
l’enfant est sourd.

ICI/IBI acronyme d’intervention comportementale intensive (intensive behavioral


intervention en anglais).
IDEA acronyme de individuals with disabilities education act. Loi américaine qui four-
nit aux enfants de moins de 20  ans avec besoins spécifiques (autisme, retard
mental, troubles sensoriels, troubles des apprentissages, etc.) les garanties d’un
accès à l’éducation publique libre et appropriée. Le programme d’éducation
individualisé est précisé et oblige l’environnement social de l’enfant à proposer
l’environnement le moins excluant possible.
IME abréviation d’institut médico-éducatif.
Imitation apparier le comportement avec celui du modèle ou s’engager dans un
comportement identique à celui observé. Pour s’assurer d’une réelle compétence
d’imitation, il est nécessaire que le modèle présenté ne soit jamais le même que
celui présenté lors de l’apprentissage. Il est fréquent de voir des comportements
dits d’imitation d’un enfant comme taper dans les mains. Cependant, l’enfant
peut apprendre à émettre la consigne taper dans les mains lorsqu’on lui donne
la consigne « fais pareil », sans pour autant avoir la compétence d’imitation. Il
peut simplement reproduire une séquence motrice, ce qui est complètement
différent de l’imitation. Pour s’assurer de l’imitation, il faut présenter un modèle
(nouveau, jamais présenté au préalable) et vérifier que c’est bien le modèle qui
est source de discrimination du comportement de l’enfant.
Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)... 249

Incitation soutien, sous la forme d’informations ou indices supplémentaires, fourni


avant que la personne manifeste le comportement, afin d’augmenter la probabi-
lité qu’elle réponde correctement ou affiche le comportement souhaité. On peut
avoir des incitations sous toutes les formes (verbales, visuelles, etc.).
Inclusion on parle d’inclusion lorsque l’on place un apprenant (souvent un enfant
en situation scolaire) en milieu scolaire ou sociale typique. L’important est de
s’assurer que l’enfant présente les compétences de base nécessaires afin que
l’inclusion soit la mieux réussie possible. Mettre en place une inclusion trop
rapide peut faire perdre du temps à l’enfant. Sans un certain nombre de pré-
requis, il peut être difficile de s’assurer de la généralisation des réponses et des
stimuli et d’autres facteurs vont venir entraver les apprentissages.
Interaction sociale action réciproque entre deux individus modifiant le comporte-
ment ou la nature des éléments ou objets en présence. Les interactions peuvent
être verbales ou non verbales.
Intervention comportementale intensive (ICI) application intensive des tech-
niques de l’ABA à raison d’un minimum de 20  heures/semaine et de longue
durée, visant l’apprentissage d’habiletés et la gestion des comportements inter-
férents chez des enfants ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA).
Intraverbal d’après l’ouvrage de Skinner (1957), Verbal Behavior. C’est une réponse
verbale qui est contrôlée par les réponses verbales des autres. Le fait de commen-
cer une chanson «  Une souris…  » et que l’apprenant répond «  verte  » est un
exemple d’intraverbal.

Jeu symbolique ce terme fait référence à un type de jeux dans lequel les enfants
utilisent un objet pour représenter un partenaire. Par exemple, l’enfant peut
faire semblant de jouer à la marchande, à la maman avec une poupée, etc. C’est
une forme de jeu élaborée qui apparaît assez tôt au cours du développement.
Chez des enfants avec autisme, cette compétence est souvent absente lors de la
pose du diagnostic.

KABC-II abréviation de Kaufman assessment battery for children, 2nde édition.

Langage expressif terme utilisé pour catégoriser les compétences verbales des per-
sonnes concernant l’expression verbale (répondre à des questions, poser des
questions, etc.).
Langage réceptif terme utilisé pour catégoriser les compétences verbales des per-
sonnes concernant le suivi de consignes.
Ligne de base c’est une période d’observation du comportement avant la mise en
œuvre de l’intervention. Lors des programmes d’apprentissage, la ligne de base
correspond au niveau de compétence de la personne avant de mettre en place
toute intervention. Elle permet de comparer les résultats obtenus par l’inter-
vention avant son implémentation. (Voir aussi Plan à cas unique.)
250 Glossaire

Mand d’après l’ouvrage de Skinner (1957), Verbal Behavior. Ce terme provient du


mot demand en anglais. La réponse produit une conséquence spécifique. Par
exemple, pour un enfant le fait de dire « gâteau » et d’obtenir en conséquence
un gâteau. Les mands peuvent prendre différentes formes. On parle de «  pur
mand  » qui est un mand présent sans aucune guidance ou vision des consé-
quences à obtenir. De la même façon, les mands dits « impurs », sont des mands
où des guidances ou consignes peuvent être proposées en antécédents comme :
« Qu’est-ce que tu veux ? »
Mesure ABC percevoir le comportement (B  =  behavior en anglais) en fonction des
conséquences (C) et de ces antécédents (A).
Méta-analyse la méta-analyse a pour but de tirer des conclusions de l’accumulation
des études contrôlées dans la littérature scientifique. Devant la nécessité de ren-
dre compte des effets des psychothérapies aux instances officielles et aux compa-
gnies d’assurances, Smith et Glass (1977) ont développé une formule statistique
pour rendre compte de l’effet d’études contrôlées multiples : la méta-analyse. Elle
consiste à regrouper toutes les études disponibles, y compris celles qui ne sont pas
publiées et dorment dans des tiroirs, à coder les résultats et à calculer la taille de
l’effet thérapeutique (effect size). Celle-ci est calculée pour un ou plusieurs critères
donnés que l’on étudie en fin de traitement. Il s’agit en général du score d’une
échelle d’évaluation. La taille d’effet reflète la différence entre les deux groupes
en fin de traitement et au suivi, et le gain éventuel du groupe traité par rapport
au groupe contrôle. Elle exprime le gain du sujet moyen qui a reçu le traitement
à l’étude, par rapport au sujet moyen du groupe de comparaison. La taille d’effet
est : petite de 20 à 50, moyenne de 50 à 80 et grande lorsqu’elle est supérieure à 80.
Modèle d’intervention précoce de Denver early start Denver model (ESDM) en
anglais. Programme d’intervention développemental utilisant des techniques
comportementales d’apprentissage. Ce modèle a été développé à l’université de
Colorado.
Modification comportementale cette expression est interchangeable avec l’expres-
sion analyse appliquée du comportement (AAC ou ABA en anglais).

Négatif fait référence aux conséquences impliquant un retrait du stimulus (ren-


forcement négatif ou punition négative). Le terme «  négatif  » n’a pas de lien
avec l’aspect aversif de la situation, mais indique qu’on retire quelque chose de
l’environnement donc « moins ».
NEPSY-II acronyme de a developmental NEuroPSYchological assessment. Évaluation
neuropsychologique du développement, 2nde édition.
Neurotypique personne dont le développement du système nerveux central s’est
effectué selon les normes statistiques chez l’être humain, par rapport aux per-
sonnes qui ont un développement atypique, ce qui est le cas des personnes
présentant un trouble du spectre autistique (TSA).
Non verbal adjectif utilisé pour caractériser des stimuli qui n’ont pas d’association
avec la présence d’une autre personne. On utilise également ce terme pour parler
de personnes ne présentant pas de compétences de communication adaptée
ou de compétences verbales expressives.
Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)... 251

Objectif comportemental il peut être à augmenter ou à diminuer en fonction du


comportement cible. Il faudra décrire précisément le comportement, les procé-
dures utilisées ainsi que les circonstances d’apparition du comportement.
Opérant unité de comportement défini par une contingence de renforcement ou de
punition. C’est un comportement qui opère sur l’environnement pour produire
un changement ou une conséquence. Les opérants sont sélectionnés en fonc-
tion des conséquences qu’ils produisent.

PECS® acronyme de picture echange communication system. Système de communica-


tion par échange d’images, forme de communication alternative développée par
Bondy et al.
PEP-3 acronyme de profil psycho-éducatif, 3e édition, de Schopler.
Perception ce qu’une personne «  perçoit  » d’un stimulus. Les personnes peuvent
percevoir un même stimulus de façon différente. Un son par exemple peut être
perçu comme ayant une intensité forte pour une personne et comme ayant une
intensité modérée pour une autre. Pourtant la mesure du stimulus en décibel
pourra être précise mais sa perception sera différente pour chaque personne.
Cela reste valable pour l’ensemble des sens.
Persévération le fait de s’engager dans des comportements répétitifs. Un même
comportement peut être répété de façon intense. Cela prend en compte toute
sorte de comportement (la répétition de mots, phrases mais aussi de séquences
motrices, etc.).
PI abréviation de plan d’intervention
Plan à cas unique ou protocole de cas individuel plan expérimental dans lequel
chaque individu est le sujet de l’analyse et chaque sujet est son propre contrôle.
PM-38 abrévation de progressive matrice de Raven.
Pointage geste conventionnel à visée de communication. Premier opérant verbal
nommé « tact ». Il peut avoir différentes fonctions : par exemple, l’obtention de
quelque chose (mand) ou l’obtention de l’attention sociale (tact). Ce comporte-
ment est souvent peu présent chez les jeunes enfants avec autisme.
Positif(ve) en termes comportementaux, cela fait référence à la présentation d’un sti-
mulus (ajout). Cela peut être valable pour l’ajout de stimuli appétitifs (renforça-
teurs) ou l’ajout de stimuli aversifs (punisseurs). On parle alors de renforcement
positif ou de punition positive.
Privation non-délivrance d’une conséquence appétitive. Les effets de cette non-
délivrance sont d’augmenter la valeur d’un renforçateur. On peut donner accès à
un enfant à son jouet favori uniquement lorsqu’un comportement cible est émis
(par exemple, lors de l’apprentissage en consultation d’un dentiste, lorsqu’il
ouvre la bouche chez le dentiste lui donner accès à un item qu’il ne peut avoir
que dans cette situation). Cet état de privation est le contraire de l’état de satiété.
Programme de renforcement c’est un aménagement de l’environnement en termes
de stimuli discriminatifs et conséquences comportementales.
Projet d’éducation spécialisé ou projet éducatif individualisé ou de vie ensem-
ble des programmes concernant une personne pour une période précise.
252 Glossaire

Ensemble des objectifs prioritaires pour réduire au mieux la situation de han-


dicap de la personne. Ce plan doit être revu régulièrement afin de l’adapter en
fonction des résultats obtenus.
Punisseur stimulus qui, lorsqu’il est présenté immédiatement après une réponse,
engendre une diminution du taux de réponses.
Punition contingence qui diminue la probabilité d’apparition des réponses qui le
suivent. Application d’un stimulus aversif ou retrait d’un stimulus appétitif.
Seule l’action de ces stimuli sur le débit ou le taux de réponses nous permettra
de dire si nous sommes en présence de procédure de punition ou non.
Punition négative contingence qui diminue la probabilité d’apparition des réponses
qui la suivent par le retrait d’un stimulus appétitif.
Punition positive contingence qui diminue la probabilité d’apparition des réponses
qui la suivent par l’ajout d’un stimulus aversif. Tout stimulus peut prendre la
fonction de punisseur.

QI abréviation de quotient intellectuel. Le QI moyen est de 100. Un QI dit normal se


situe entre 85 et 115 et se retrouve dans 68,26 % de la population générale dont
95,44 % présentent un QI entre 70 et 130. Un QI en dessous de 70 correspond
à des difficultés d’apprentissage. Un QI au-dessus de 130 correspond à une per-
sonne douée, un QI au-delà de 150 à une personne surdouée. Le QI est mesuré
chez l’enfant par un test, le WISC-IV, qui mesure une vitesse de développement
cognitif à un moment donné, par rapport à un environnement culturel donné
et qui doit être mis en perspective par rapport aux données de l’observation
clinique. (Voir WISC-IV.)

RCT abréviation de randomized controlled trial. Essai clinique randomisé et contrôlé.


Récupération terme utilisé lorsqu’un enfant ayant été diagnostiqué comme ayant un
trouble du spectre autistique ne présente plus de signes de ce diagnostic après
traitement.
Renforçateur conditionné stimulus ayant l’effet d’un renforçateur du fait de ses
relations avec un autre stimulus ayant déjà cet effet.
Renforçateur généralisé c’est un sous-type des renforçateurs conditionnés. Ce sont
des renforçateurs qui peuvent être échangés pour l’obtention d’autres renforça-
teurs. Ces renforçateurs peuvent être extrêmement puissants car ils sont moins
sensibles à la privation et à la satiété. Dans notre quotidien, l’argent peut être
considéré comme un renforçateur généralisé.
Renforçateur social les renforçateurs apparaissent lors des interactions avec d’autres
personnes. L’approbation, par exemple, est un renforçateur social positif de
comportements appropriés dans un contexte social donné. La désapprobation
verbale permet de réduire l’apparition d’un comportement cible inappro-
prié dans un contexte donné. Cependant la désapprobation peut renforcer le
comportement inapproprié si celui-ci est le seul moyen d’attirer l’attention. Il
vaut donc mieux mettre en place par l’approbation des comportements incom-
patibles avec le comportement problème.
Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)... 253

Renforçateur tangible stimuli qui peuvent être manipulés par la personne ou aux-
quels la personne peut participer (par ex. : jouets, jeux, aller au parc, aller diner
au restaurant).
Renforcement procédure qui produit des conséquences pour un comportement donné
et qui augmente ou maintient la fréquence d’apparition de ce comportement.
Renforcement différentiel toute procédure qui combine extinction et renforcement
pour modifier la fréquence d’apparition d’un comportement problématique
cible. Dans la nomenclature de l’analyse appliquée du comportement, il y a
trois procédures principales :
– renforcement des comportements alternatifs (differential reinforcement of alternative
behaviors ou DRA en anglais) : on sélectionne et renforce un comportement qui
n’est pas compatible topographiquement avec le comportement inapproprié que
l’on souhaite éliminer. Parler doucement en classe au lieu de crier durant x jours
permet d’obtenir des jetons ou des points nécessaires à l’obtention de privilèges
qui ont auparavant été clairement définis. Dans cette procédure, on ne porte pas
attention aux cris (extinction), mais seulement au comportement approprié  :
parler doucement (renforcement différentiel du comportement alternatif) ;
– renforcement d’un autre comportement (differential reinforcement of other behaviors
ou DRO en anglais) : on peut par exemple renforcer un enfant pour ne pas s’être
engagé dans un comportement inapproprié, comme frapper les autres enfants.
Seul le « zéro réponse » est renforcé durant un intervalle de temps défini. Une
seule occurrence du comportement inadéquat dans l’intervalle de temps choisi
aboutit à l’absence de renforcement. Il faut que le renforçateur soit aussi puis-
sant que celui obtenu par le comportement inadéquat ;
– renforcement de la diminution de la fréquence des comportements problématiques
(differential reinforcement of low rate behaviors ou DRL en anglais) : le renforcement
est donné après un intervalle de temps spécifié et à condition que la fréquence
d’un comportement problème se situe en dessous d’un seuil ; par exemple, crier
cinq fois au lieu de six durant une heure de classe. Ensuite, le professeur abaisse
la limite à quatre fois et ainsi de suite jusqu’au zéro.
Renforcement négatif l’apparition d’un comportement est immédiatement suivie
par le retrait d’un stimulus ou d’un événement désagréable, aversif, ce qui aug-
mente la probabilité d’apparition du comportement. Pour une maman, prendre
son bébé dans les bras pour stopper les cris du bébé est un exemple de cette
contingence. La probabilité future du comportement de prendre le bébé va aug-
menter, car ce comportement est suivi par l’arrêt des pleurs du bébé qui est une
situation aversive pour la maman.
Renforcement non contingent ce terme est utilisé lorsqu’il n’y a pas de relation
entre un comportement et une conséquence. On peut par exemple fournir des
conséquences quel que soit le comportement produit par la personne. Cette
procédure est souvent utilisée dans les troubles du comportement.
Répertoire comportemental comportements qu’un organisme peut produire car ils
figurent parmi ses compétences.
Réponse unité de comportement qui a un début et une fin clairement identifiables.
Les réponses peuvent être opérantes ou répondantes selon qu’elles sont contrô-
lées par ce qui les suit (conditionnement opérant, ou instrumental ou skinne-
rien) ou par les stimuli qui les précèdent (conditionnement répondant, classique
ou pavlovien).
254 Glossaire

Réprimande commentaires ou désapprobation verbale afin de réduire l’apparition


d’un comportement cible. Ces conséquences peuvent parfois avoir l’effet inverse
sur la probabilité d’apparition du comportement.
Retard mental utilisée dans le DSM-V, cette catégorie diagnostique fait référence à
des personnes présentant un fonctionnement intellectuel en dessous de 70 pour
le quotient intellectuel (la moyenne étant à 100), mais aussi des compétences
d’adaptation déficitaires en fonction de leur âge. Il faut que les troubles soient
apparus avant l’âge de 18 ans.

Satiété opposée à la privation. Plus une personne reçoit fréquemment un stimulus


spécifique, moins ce stimulus conserve de la valeur renforçatrice.
Science ensemble cohérent de connaissances relatives à certains faits ou phénomènes
obéissant à des lois. En sciences du comportement, la question concerne les évé-
nements de l’environnement de la personne qui affectent ses comportements.
SCP abréviation de soutien au comportement positif (positive behavior support ou PBS
en anglais).
S-R-C stimulus–réponse–conséquence.
Stimulus tout événement susceptible de déclencher une réponse provenant d’un
organisme vivant. Un stimulus existe même si la personne n’y répond pas.
Stimulus delta événement en présence duquel un comportement cible n’est pas
renforcé.
Stimulus discriminatif (SD) stimulus antécédent qui signale que l’émission d’un
comportement spécifique sera suivie d’un renforçateur. Par exemple, l’annonce
d’un radar entraîne la diminution de la pression du pied sur l’accélérateur, car
il annonce une conséquence aversive : le retrait de points de permis en cas de
dépassement de la limitation de vitesse. Dans ce cas précis, il s’agit de renfor-
cement négatif car le comportement « lever le pied » permet d’éviter la contin-
gence aversive à terme ou d’échapper à un arrêt immédiat sur le bord de la route
par la police.
Sur-sélectivité souvent utilisé pour des personnes avec TSA. Tendance de la personne
à se focaliser sur une partie spécifique d’un stimulus complexe (souvent peu
important) et d’ignorer l’ensemble. On parle de difficultés de discrimination.
La personne peut ne pas voir l’ensemble des particularités d’un visage mais ne
s’attacher qu’aux cheveux, éléments du stimulus complexe qui ne produisent
que peu d’information.
Syndrome d’Asperger trouble du spectre autistique qui se caractérise par des difficul-
tés importantes dans les interactions sociales et à un répertoire comportemental
restreint. Le langage est souvent extrêmement élaboré ainsi que le développe-
ment cognitif.

Tact d’après l’ouvrage de Skinner (1957), Verbal Behavior, c’est un opérant verbal
contrôlé par un stimulus non verbal (un objet, une action, un événement…) et
dont les conséquences qui suivent la réponse sont des renforçateurs sociaux. Les
Prise en charge du trouble du spectre autistique (TSA)... 255

premiers tacts sont les réponses de pointage chez l’enfant. Par exemple, l’objet
pointé par l’enfant n’a pas pour objectif de recevoir celui-ci mais bien d’obtenir
l’attention de l’adulte.
Taux nombre de fois qu’un événement ou qu’une réponse apparaît pour une période
de temps spécifique. Les taux de comportement sont souvent indiqués en
réponses par minute, réponses par heure ou réponses par jour. On parle aussi
de débit de réponses.
TCC abréviation de thérapie cognitive et comportementale.
TEACCH acronyme de treatment and education of autistic and related communication-
handicapped children. Traitement et éducation des enfants avec autisme ou
atteints de troubles associés de la communication. C’est un programme d’inter-
vention qui s’adresse aux personnes avec autisme tout au long de leur vie.
Time-out mise au calme ou, selon certains, «  temps mort  ». Mise à l’écart d’une
situation qui entraîne des conséquences négatives pour la personne et/ou les
autres. Procédure qui fait référence au fait de ne plus permettre l’accès à un
renforçateur donné pendant une courte période de temps, de façon contingente
à un comportement inapproprié. Seule une analyse fonctionnelle au préalable
permet de repérer précisément les conséquences qui maintiennent un compor-
tement problème. Cette procédure est toujours accompagnée d’une procédure
de renforcement positif pour les comportements alternatifs associés.
Topographie configuration spatiale ou forme d’une réponse, parfois aussi lieu (par
exemple, place sur le dispositif où l’enfant va aller appuyer pour répondre). Les
topographies peuvent être complexes et sont plus souvent décrites verbalement
que quantitativement.
Troubles du spectre autistique (TSA) ce terme fait référence à une classe de troubles
du développement apparaissant autour de 3  ans. Les TSA intègrent le trouble
autistique (autisme), le syndrome d’Asperger, les troubles envahissants du déve-
loppement non spécifiés, les troubles désintégratifs de l’enfance. Le mot « spec-
tre » fait référence au fait que pour chacun de ces troubles, le caractère adaptatif
de l’individu peut être observé le long d’un continuum (allant de trouble sévère
à trouble léger). Classiquement, les domaines de compétences présentant des
perturbations concernent les compétences de communication, les compétences
d’interactions sociales et l’apparition de comportements non adaptatifs (comme
l’inflexibilité et des comportements de stéréotypies). Le terme « envahissant »
implique que les effets du trouble sont observés sur l’ensemble du répertoire
comportemental d’une personne.
Troubles envahissants du développement (TED) troubles du développement carac-
térisés par des altérations qualitatives des interactions sociales réciproques et des
modalités de communication ainsi que par un répertoire d’intérêts et d’activités
restreints, stéréotypés et répétitifs. La sévérité des symptômes est variable d’une
personne à une autre.
TTAP abréviation de TEACCH transition assessment profil.

Validité sociale les objectifs, les procédures et les résultats obtenus lors d’une inter-
vention sont socialement acceptables par la personne et son entourage, l’ana-
lyste du comportement et les règles de la société.
256 Glossaire

Variabilité ce terme fait référence au degré de différences qui peut être observé pour
un comportement donné par une personne. L’individu s’engage dans une variété
de réponses nécessaires au développement. Les procédures d’extinction favori-
sent souvent l’émission de comportements variés (pendant le burst d’extinction)
lors de phase de façonnement.
Variable toute condition dans une expérience qui peut être manipulable ou claire-
ment observée et qui peut être modifiée.
Variable dépendante elle correspond à la mesure réalisée par l’expérimentateur ou
l’intervenant. Cela peut être le nombre de réponses correctes, le nombre de cris
d’une personne en situation de groupe, le temps mis pour réaliser une activité,
etc. Elle est en lien avec la ou les variables indépendantes. Lorsque des chan-
gements d’une variable indépendante sont observés au niveau de la variable
dépendante, nous disons qu’elles sont fonctionnellement reliées.
Variable indépendante toute condition qui varie systématiquement lors de l’étude
d’un changement de la variable dépendante. Elle correspond aux conditions
d’une intervention ou d’un traitement. Elles sont contrôlées par l’expérimenta-
teur ou l’intervenant.

WISC-IV abréviation de Wechsler intelligent scale for children, 4e  édition (échelle
d’intelligence de Wechsler pour enfants et adolescents en français).
WNV abréviation de Wechsler non verbal.
WPPSI-IV abréviation de Wechsler preschool and primary scale of intelligence, 4e édition.

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