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DE LITTÉRATURE.
INTRODUCTION.
2
Laissons donc ceux qui se trompent ou qui veu-
lent tromper, confondre sans cesse l'usage et
LITTERATURE ANCIENNE I.
14 INTRODUCTION.
l'abus, et ne voir dans les meilleures choses qu
l'excès qui les dénature. Le moyen de se défendr
de leurs erreurs, c'est d'en bien démêler le prin
cipe. On le retrouve très-bien exprimé dans tu
vers d'Horace, traduit par Boileau :
In vitium ducit culpoe fuga,
c'est la crainte d'un mal qui conduit dans un pire.
Dans le siècle dernier, des pédants qui ne savaient
que des mots, injuriaient Corneille et Racine au
nom d'Aristote, qui assurément n'y était pour
rien ; censuraient des beautés qu'ils n'étaient pas
capables de sentir, en citant des règles qu'ils n'é-
taient pas à portée de bien appliquer; prenaient
en main les intérêts du goût, qui ne les aurait pas
avoués pour ses apôtres. C'était un travers sans
doute : de nos jours, on s'en est servi pour accré-
diter un travers tout opposé. On a rejeté toutes
les règles comme les tyrans du génie, quoique elles
ne soient en effet que ses guides; on a prêché le
néologisme, en soutenant que chacun avait droit de
se faire une langue pour ses pensées, quoique aveu
ce système on courût risque, au bout de quelque
temps, de ne plus s'entendre du tout. On a décrié
le goût comme timide et pusillanime, quoique ce
soit lui seul qui enseigne à oser heureusement. Ces
nouvelles doctrines ont germé pendant quelque
temps dans une foule de têtes, surtout dans celles
des jeunes gens : il semblait, que le talent et le
goût ne pussent désormais se rencontrer ensemble :
on vantait avec une sorte de fanatisme ceux qui
avaient, disait-on, dédaigné d'avoir du goût 1.
N'en est-ce pas assez pour que de jeunes têtes,
parle ici est celui qui les a faits ; et c'est de lui qu'il est dit dans
un autre Psaume: Nihil est mirabile du conspectu ejus, " Rien
n'est merveilleux devant lui;» et cela doit être.
SUR LE STYLE DES PROPHÈTES. 45
» l'image d'un animal nourri d'herbe. » Y a-t-il un
langage plus brillant et plus expressif?
Désire-t-on que les tournures de sentiment se
joignent à l'énergie des figures? il n'y a qu'à en-
tendre David parler de la miséricorde divine :
« Quoi ! Dieu oublierait de faire grâce ! il retien-
« drait sa bonté enchaînée dans sa colère ! »
A-t-il à caractériser l'insolence de la prospérité
des méchants? « Leur iniquité sort tout oigueil-
» leuse du sein de leur abondance. Ils sont comme
» enveloppés de leur impiété, et recouverts du
» mal qu'ils ont fait... Le méchant a été en tra-
» vail pour produire l'iniquité : il a conçu le mal
» et enfanté le crime. » Quelle suite d'expressions
fortement figurées? et tout est traduit sur le
mots de la Vulgate : si cela ne se retrouve pas
dans les autres traducteurs, c'est que l'originalité
de ce style les a effrayés ; ils ont eu peur d'être si
fidèles, et, dans leur paraphrase, ils n'ont conservé
que le sens.
N'oublions pas que la plupart des poètes fran-
çais ont puisé ici comme dans un trésor commun,
et par leurs emprunts et leurs imitations, nous ont
rendu pour ainsi dire familier ce qu'il y a de plus
grand dans l'Ecriture. Mais lorsqu'il s'agit de
juger, il est juste de remonter à la date, et de se
rappeler que rien n'est antérieur à ce que nous
admirons ici. Racine a dit dans ses choeurs :
Abaisse la hauteur des cieux ;
Et Voltaire, dans la Henriade ;
viens des cieux enflammés abaisser la hauteur.
Mais celui qui a dit le premier : Inclinavit coelos et
descendit, «Il a abaissé les cieux et il est des-
» cendu, » n'en demeure pas moins le poëte qui a
44 DISCOURS
1
Expression des Psaumes.
SUR LE STYLE DES PROPHETES. 53
»
- « Mais. quoique Dieu soit toujours bon, quoi-
qu'il nous fasse du bien à tous les moments, et
» qu'à tous les moments on ait besoin de lui, faut-il
» s'en souvenir et le répéter sans cesse? Nous le
» demande-t il, et cela même est-il possible? »
Non, pas même aux solitaires et aux contem-
platifs : les objets extérieurs et les impressions des
sens ont sur nous leurs pouvoirs, et même leurs
droits ; et Dieu ne nous demande que ce que nous
pouvons. Mais pourquoi a-t-il voulu que les canti-
ques qu'il a dictés nous reportassent souvent sur
les mêmes idées ? C'est qu'elles contiennent tout
54 DISCOURS
I. 5
62 DISCOURS
LIVRE PREMIER.
POESIE,
CHAPITRE PREMIER:.
ANALYSE DE LA POÉTIQBE D'ARISTOTE 1.
plus
nature
ARISTOTE fut certainement une des têtes les
fortes et les plus pensantes que la
ait organisées. Il embrassa tout ce
qui est du ressort de l'esprit humain si l'on
,
excepte les talents de l'imagination ; encore, s'il
ne fut ni orateur ni poëte, il dicta du moins
d'excellents préceptes à l'éloquence et à la
1 Aristote, surnommé le Prince des philosophes, naquit à
Stagyre, ville de Macédoine, l'an 381 ayant J. C. Son père était
médecin. II étudia la philosophie dans l'école de Platon, et sur-
passa bientôt tous ceux, qui étudiaient avec lui. Platon, secrète-
ment jaloux de ses progrès, se fit souvent un plaisir de le morti-
fier, et laissa en mourant le gouvernement de son académies
Speusippe son neveu. Aristote, choqué de cette préférence, prit
LITTERATURE ANCIENNE 1. 6
78 LITTERATURE ANCIENNE.
poésie. Son ouvrage le plus étonnant est. sans
contredit sa Logique. Il fut le créateur de cette
science qui est le fondement de toutes les autres ;
et, pour peu qu'on y réfléchisse, on ne peut voir
qu'avec admiration ce qu'il a fallu de sagacîté et
de travail pour réduire tous les raisonnements
possibles à un petit nombre déformes précises,
avec lesquelles ils sont nécessairement consé-
quents, et hors desquelles ils ne peuvent jamais
l'être.
Un de ses plus grands monuments est son
Histoire des animaux, et c'est aussi un des
plus beaux de l'antiquité. Pour composer cet
ouvrage, son disciple Alexandre lui fournil bail
cents talents , environ cinq millions d'aujour-
d'hui et donna des ordres pour faire chercher
,
les animaux les plus rares dans toutes les par-
le parti de voyager, et parcourut les principales villes de Grèce.
La haute réputation qu'il s'était acquise lui mérita l'honneur
d'être choisi pour élever Alexandre le Grand; et lorsque ce
monarque se disposa à partir pour ses couquètes. il se retira à
Athènes, où ou lui donna le lycée pour fonder une nouvelle
école de philosophie. Ses disciples furent appelés pérîpateliciens,
parce qu'il donnait ses leçons en se promenant. Le matin il en-
seignait la philosophie, et le soir la rhétorique. Sa dialectique
étant devenue le fondement de la théologie, il fut longtemps le
seul oracle des écoles, et on l'a trop dédaigné ensuite. Aujour-
d'hui, que les progrès de la raison ont comme anéanti une partie
de ses ouvrages, ce qui lui en reste suffit encore pour en faire un
homme prodigieux. L'envie le poursuivit, comme presque tous les
grands hommes; il fut obligé de s'expatrier, et mourut, selon
les uns, d'un poison qu'il avait pris; et d'une colique selon d'au-
tres, l'an 522 avant .1, C., à 65 ans. La meilleure édition de ses
ouvrages est celle de Paris, 1619, 9 vol. in-folio, grec et latin.
L'abbé Batteux a donné une traduction de sa Poétique, qu'il a
insérée avec celles d'Horace, de Vida et de Boileau, sons ce titre:
les quatre Poétiques, 2 vol. in-12, ouvrage qui respire le bon goût
d'un excellent littérateur.
POESIE. 79
lies de la terre. Un pareil présent et de pareils
ordres ne pouvaient être donnés que par Alexan-
dre. C'étaient de grands secours, il est vrai;
mais ce qu'Aristote tira de son génie est encore
au-dessus , si l'on s'en rapporte à un juge dont
personne ne niera la compétence en ses ma-
tières, à Buffon, qui dit, dans le discours qui
précède son Histoire naturelle, que c'est peut-
être encore aujourd'hui ce que nous avons de
mieux fait en ce genre.
Voilà quel a été cet Aristote que l'on a pres-
que voulu envelopper dans le mépris que, depuis
Descartes, on a conçu pour la scolastique.
Cette prétendue science n'est en effet qu'un tissu
d'abstractions chimériques et de généralités il-
lusoires, sur lesquelles on peut disputer à l'infini
sans rien apprendre et sans rien comprendre;
et il faut convenir qu'elle est fondée tout en-
tière sur la métaphysique d'Aristote, qui ne vaut
pas mieux. C'est pourtant à lui qu'on est rede-
vable de cet axiome célèbre dans l'ancienne
philosophie et adopté dans la nôtre, que les
idées, qui sont les représentations des objets,
arrivent à notre esprit par l'organe des sens. Au
reste, il s'est égaré dans sa métaphysique; il
semble que ses erreurs, excusables, tiennent à
la nature de l'esprit humain. Il n'en est pas des
sciences naturelles et spéculatives comme des
arts et des lettres. Ici le progrès est toujours ra-
pide, la perfection prompte. On vole au but dès
qu'il est indiqué, parce que ce but est certain
,
et que la route est bientôt connue. Aussi la belle
poésie et la vraie éloquence remontent aux épo-
80 LITTERATURE ANCIENNE.
CHAPITRE II.
ANALYSE DU TRAITÉ DU SUBLIME, DE LONGIN 1.
98 LITTÉRATURE ANCIENNE.
CHAPITRE III.
DE LA LANGUE FRANÇAISE, COMPARÉE AUX LANGUES
ANCIENNES.
CHAPITRE IV.
DE LA POÉSIE ÉPIQUE CHEZ LES ANCIENS.
11
a été de bonne heure entre les mains de quicon-
que a fait des études. Il y a longtemps que l'on
est également d'accord sur son mérite et sur ses
défauts. Je me réserve à parler de ses Eglogues
quand il sera question de la poésie pastorale.
1.
158 LITTERATURE ANCIENNE.
Ses Géorgiques sont devenues un ouvrage fran-
,
çais et ce poëme, le plus parfait qui nous ait
été transmis par les anciens, est aussi un des
plus beaux morceaux de la poésie moderne. Il
serait superflu de parler de ce qui est connu : je
me bornerai donc à quelques observations sur
l'Enéide. L'imperfection de ce poème et la per-
fection des Géorgiques sont une preuve de la
distance prodigieuse qui reste encore entre le
meilleur poëme didactique de celle grande créa-
lion de l'épopée. Ce qui frappe le plus, en passant
de la lecture d'Homère à celle de Virgile, c'est l'es-
pèce de culte que le poëte latin a voué au poêle
grec. Quand on ne nous aurait pas appris que
Virgile était adorateur d'Homère, au point qu'on
l'appelait l'homérique, il suffirait de le lire pour
en être convaincu. Il le suit pas à pas; mais on
sait que faire passer ainsi dans sa langue les
beautés d'une langue étrangère, a toujours été
regardé comme une des conquêtes du génie ; et
pour juger si cette conquête est aisée , il n'y a
qu'à se rappeler ce que disait Virgile : qu'il était
moins difficile de prendre à Hercule sa massue
que de dérober un vers à Homère. Il en a pris
cependant une quantité considérable; et quand
il le traduit, s'il ne l'égale pas toujours, quel-
quefois il le surpasse 2.
Le premier
l'Enéide, c'est le caractère du héros ; et c'est ici
que l'on peut voir combien La Motte et consorts
se trompaient quand ils reprochaient à Homère
les imperfections morales de son héros, et com-
bien Aristote en savait davantage quand il a
marqué ces mêmes caractères imparfaits en mo-
rale, comme les meilleurs en poésie. Assurément
il n'y a pas le plus petit reproche à faire au pieux
Enée : il est, d'un bout du poëme à l'autre, ab-
solument irrépréhensible; mais aussi n'étant
,
jamais passionné, il n'échauffe jamais, et la froi-
deur de son caractère se répand sur tout le
poëme. Il est presque toujours en larmes ou en
prière. Il se laisse très-tranquillement aimer par
Didon, et la quitte tout aussi tranquillement dès
que les dieux l'ont ordonné. Cela est fort reli-
gieux, mais point du tout dramatique; et Aris-
tote nous a fait entendre que l'épopée devait
être animée des mêmes passions que la tragédie
quand il a dit que la plupart des règles pres-
crites pour celle-ci étaient aussi essentielles à
l'autre. Concluons donc que le grand principe
d'Aristote a été pleinement confirmé par l'expé-
rience, puisque les deux héros de l'épopée qui
aient paru les mieux choisis et les mieux conçus
chez les anciens et chez les modernes, sont deux
caractères passionnés et tragiques; l'Achille de
l'Iliade et le Renaud de la Jérusalem. Ce der-
nier même est en partie modelé sur l'autre; il
qu'il a empruntés, non-seulement d'Ennius, de Faeuvius, d'Ac-
cins, de Suevius, mais même de ses contemporains les plus
illustres, tels que Lucrèce, Catulle, Vurius, Furius.
160 LITTERATURE ANCIENNE.
est aussi brillant, aussi fier, aussi impétueux.
Voilà les hommes qu'il nous faut en poésie ; aussi
ont-ils réussi partout ; et le caractère d'Enée n'a
pas eu plus de succès au théâtre que dans l'é-
popée.
On convient assez que la marche des six pre-
miers chants de l'Enéide est à peu près ce ;
INTRODUCTION.
- Notions générales sur l'art
d'écrire sur la réalité et la nécessité de cet
,la
Pages.
FIN DE LA TABLE.
PANTHEON
CLASSIQUE ET LITTÉRAIRE.