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Protagoras

Présentation : Figure de Protagoras d’Abdère

A dater aux environs de -490.


Origines incertaines.

Entrepris une carrière d’enseignant à travers la Grèce (attention avec le terme « enseignant »), a
séjourné plusieurs fois à Athènes, et en contact avec Périclès (incertain s’il a eu un rôle politique
aupres de celui-ci → rédiger une nouvelle constitution pour la ville de Thourioi en Grande Grèce,
selon des sources), aurait été le premier « sophiste », selon Platon, à se déclarer comme tel.

S’est intéressé avant tout à la question du langage sous tous ces aspects, et selon le critère, d’abord,
de la justesse (orthotes), de la grammaire aux techniques argumentatives, de la critique litteraire à la
rhétorique.
Egalement peut-etre valeur ontologique (?) : comme une these qui pose que « sur toute chose, il y a
deux logos opposés l’un à l’autre » ; ou une autre qui affirme « qu’il n’est pas possible de
contredire »
=> philosophe du logos ?

Ce qui ne l’a pas empeché de faire des recherches sur d’autres thèmes, do’où nous sont issues, de
maniere extremement fragmentaire, ses claims les plus celebres : « l’homme est la mesure de toute
chose », et, « il n’est rien qu’on puisse savoir à propos des diuex, pas memes s’ils existent » (these
squi le rapprochent de lagnos et du scepticismes, dans la Vérité, et Sur les dieux.)

=> Portée politique : pas seulement pcke il enseigne aux gens des instruments pour reussir une
carriere d’homme politique ; mais aussi pcke il a pu proposer une premiere reflexion sur la
dimension eminemment politique de lo’experience humaine (J .F. Pradeau) => Pourrait presque etre
pensé comme le precurseur d’Aristote sur la question de l’homme comme animal politique.


→ Mythe de Prométhée, dans le Protagoras (partie peut-etre apocryphe)

> C’est Protagoras qui le déclame, car Socrate lui propose de leur exposer ce en quoi la vertu peut
s’enseigner. → Voir 320b-8, 322d-5, trad. Luc Brisson


Le Protagoras

Sous-titre : Des sophistes, genre probatoire (L. Brisson)


Discours rapporté à la 1ere personne (c’est Socrate qui parle), divergeant du genre de jeunesse de
Platon.

Thème : Vertu, Sophiste


Autres thèmes adjacents : plaisir, unité, similarité et réciprocité des vertus ; fondements de la société

Structure :

Socrate demande à Protagoras de lui exposer l’objet de son enseignement.


Réponse de Protagoras : « Mon enseignement porte sur la manière de bien délibérer dans les
affaires privées, savoir comment administrer au mieux sa propre maison, ainsi que, dans les affaires
de la cité, savoir comment devenir le plus à meme de les traiter, en actes comme en paroles. »

→ Objections de Socrate :

- a. Quand il s’agit d’art ou de métier on demande l’avis d’un spécialiste, or la politique appartient à
tout le monde (tout le monde est habilité à donner son avis) : du moins tout le monde se comporte
ainsi, ayant l’air de considerer que la place publique ne releve pas de l’enseignement, et prenant la
parole tous à leur tour quelque soit leur profession, sans rien avoir appris et sans aucun maitre -319d
→ prend l’exemple de l’agora, où pour l’administration de la cité, tout le monde « se leve
indifferemment qu’il soit charpentier, forgeron, coordonnier, grossiste, armateur, riche ou pauvre,
noble ou roturier, et personne ne leur reproche de s’aviser de leur donner des conseils » (comme
c’était le cas quand on parle d’un savoir technique précis, où celui qui n’y connaît rien et prend la
parole est jeté à bas ou moqué jusqu’à ce qu’il s’en aille)

- b. Si vraiment la politique était un art ou un métier qui s’enseigne (implique une forme de techné),
comment expliquer l’échec de Périclès ? Il n’a pas su enseigner/transmettre la vertu politique qui
était la sienne à ses fils, les a laissé « comme du betail en liberté », et ne leur a enseigné « rien qui
lui est propre ». -319.e

→ Paradoxe : a. Si la vertu était un art, elle se transmettrait ; b. or si elle ne se transmet pas, elle
n’est pas un art.

Réponse de Protagoras :

Par un mythe (Prométhée), répond que l’art politique a bien pour modèle les autres arts.

Mais qu’à la différence de ceux-ci, les vertus que sont la retenue/prudence (aidos) et la justic (dike)
ont été données à tous les hommes pour qu’ils en fassent usage ; en tout cas qu’ils puissent vivre en
commun et se défendre efficacement. => A souligner Prométhée a fait œuvre de metis, intelligence
pratique, que les sophistes louent assez.
> Le feu et l’astuce dérobés chez Athéna ont entre autres permis, outre la technique, le dvp du
langage, de l’art, du culte (« la seule espèce à reconnaître les dieux » -322a)
A noter qu’ils ne possedaient alors selon Protagoras pas le savoir politique (ni celui de la guerre qui
lui est relié), qui etait fermement gardé par Zeus (en tant que souverain des dieux). Les humains
etaient donc dispersés et mourraient face aux betes sauvages, tentaient bien de faire des cités, mais
sans succes, d’où Zeus finit par envoyer Hermes leur prodiguer « vergogne et justice » (2 vertus
cardinales), mais d’une façon differente des autres arts.
> En effet, si pour les autres, par ex medecin, « il suffisait qu’un homme possede l’art pour un grand
nombre de profanes » (321c), pour ces vertus au contraire Zeus declara « répartis-les entre tous, et
que tous y prennent part, car il ne pourrait pas y avoir de cités, si seul un petit nombre d’hommes y
prenaient part. » (321d). → Chacun doit prendre part à l’excellence, d’où certainement qu’on ait dit
de Protagoras qu’il était démocrate.

> Se légitime par ailleurs aupres de chacun comme de tous (323c), déclarant que voilà pk les
atheniens peuvent accepter des conseils « venant de n’importe quel autre homme », en matiere
d’excellence politique, car tous considerent que chacun y a sa part.
Plus intéressant encore, Protagoras semble cependant dans le dialogue admettre un certain degré de
convention au fait que tout le monde doive, sinon l’etre, au moins dire et affirmer etre juste ; sinon
il serait traité de fou (« celui qui ne fait pas au moins semblant d’etre juste est un fou » - 323c still).
Cela un aspect tellement fort qu’il en devient logique (dans le discours de Protagoras) : en effet
celui qui serait « notoirement injuste » et qui dirait la vérité sur son compte, donc qui n’essaierait
pas à minima de passer pour juste, celui-là serait fou.

→ C’est un aspect de contrainte sociale, selon Protagoras qui est plus fort que tout (prend racine
dans le commandement donné par Zeus qq lignes plus tot, d’ailleurs de « tuer » quiconque dans la
cité ne ferait pas usage de justice et de vergogne).

Par ailleurs, sur l’aspect proprement d’enseignement, concernant la vertu, Protagoras prend
l’exemple (relativement surprenant) du châtiment d’un coupable (que le domaine soit privé ou
public), qui peut se faire de tout le monde (y compris donc de tous les athéniens), et qui, parce qu’il
n’est pas tourné « vers le passé » (en vertu de la seule faute, ce qui serait selon lui pure vengeance -
324b), mais « vers l’avenir », tourné vers la dissuasion (non séparée, de l’auteur comme de ceux qui
assistent au chatiment), implique que la vertu peut s’enseigner et s’acquérir.
→ On notera ici que la violence reste le premier moyen de « perfectionnement » et de
« redressement » (filée avec l’exemple de l’enfant, 326d). Le rôle de la repetition, de la tradition, de
la louange des « heros anciens » pour que l’enfant les imitent est néanmoins aussi prononcée.
→ Protagoras dans son long monologue paraît alors aussi tres attachée à la tradition culturelle pour
et comme apprentissage de la vertu (à la fois but et moyen, chemin à laquelle la cité prépare les
gens). → « Ce qui serait bcp plus étonnant, dit-il de la vertu, ce serait qu’elle ne s’enseigne pas ! »
(326.e)

Il y a enfin également rupture, chez ce Protagoras de Platon (et peut-etre un peu au contraire de
celui-ci), entre talent et lignage. Protagoras se moque en effet en 327 b de l’étonnement de Socrate,
qui lui demande pourquoi d’illustres pères (type Périclès) engendrent de mauvais fils, et déclare que
qq soit son pere, c’est le fils le plus doué (par exemple pour la flute) qui deviendrait illustre, et le
fils le plus médiocre qui restera dans l’ombre ; affirmant meme que « souvent le fils du bon flutiste
se revelera mediocre » et inversement. → Au-dela de la portée polemique et critique de Platon,
pourrait-on reconnaître là une premiere sorte d’idée de « mérite » ? → De reconnaissance de talent
propre au sophiste, qui, encore une fois là, ne se « reconnaît pas d’emblée/d’office » ?
→ Au-delà des arguments fallacieux (flute, prof de grec…) que semble preter Platon à Protagoras…
→ difficile à savoir si l’identité de la doctrine de Protagoras est ici authentique. (Tout le débat sur
savoir si : demagogue, democrate, ni l’un ni l’autre?)

→ A la seconde objection de Socrate (comment se fait-il alors que certains hommes soient plus
vertueux que d’autres, et que la vertu s’enseigne, si d’ailleurs elle est egale en chacun?), Protagoras
fait valoir une difference de degré (et non de nature) entre le sophiste et les autres hommes : il est
dit maitre de vertu car il en possede le plus la maitrise, a le plus de competence en ce domaine. Il en
a le « pouvoir » (328b) et établit qu’il peut faire progresser les gens, de sorte qu’il est légitime.

— S’en suit une discussion sur la vertu : en effet Protagoras ne l’a pas entièrement et
spécifiquement définie.

→ Ici, on ne s’interroge plus sur une vertu en particulier, mais sur la teneur de la vertu en général
(→ question reprise dans le Ménon sur le rapport entre vertu et science).
→ Lui demande si la vertu est chose unique, et justice, vergogne, etc ses qualités particulières ou
ses parties. (329d)

→ En procédant par comparaison (nombreuses), Socrate demande à Protagoras quels sont les
rapports entre les vertus. Platon défend 3 principes : leur unité (331a-b), leur similitude (331-e) et
leur implication (en avoir une signifie avoir les autres).

Protagoras ne voit pas la contradiction : continuant affirmer que la vertu et une science, et qu’elle
s’enseigne ; là où Platon affirme qu’elle est une science, et ne s’enseigne pas.

— S’en suit un intermède où les deux interlocuteurs, énervés, sont sommés de trouver une voie
médiane (338a), puis une discussion sur le statut de la poésie, au prétexte pour Protagoras qu’elle
est chose importante en éducation. Socrate introduit au passage la distinction entre devenir et être,
au sens de « conserver » une vertu (344b),
→ Mais il conclut que cela n’a pas bien d’importance, « Car des poetes, on peut leur faire dire
n’importe quoi. »

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