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Revue d'histoire moderne et

contemporaine

Russell Parsons Jameson. Montesquieu et l'esclavage. Étude sur


les origines de l'opinion antiesclavagiste en France au XVIIIe siècle,
1911
René Girard

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Girard René. Russell Parsons Jameson. Montesquieu et l'esclavage. Étude sur les origines de l'opinion antiesclavagiste en
France au XVIIIe siècle, 1911. In: Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 16 N°2,1911. pp. 219-220;

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COMPTES RENDUS 219

d'ailleurs il n'est que juste de rappeler que dans plusieurs Parlements des
minorités considérables n'hésitèrent pas soit à protéger ouvertement la
Société, soit à répudier les passions violentes .qui animaient ses adver¬
saires, et qu'elles le firent en dépit, des injures et des persécutions que par
là elles s'attirèrent. Je ne suis pas non plus très convaincu que l'afïluence
inaccoutumée des parlementaires rennais aux séances où devaient se trai¬
ter des affaires relatives à la réforme des études soit un argument bien
favorable à citer en faveur des idées chères à M. D. Ces magistrats ren¬
nais étaient, non pas certes tous, mais en trop grand nombre, des hommes
de très médiocre valeur, parfois de simples gamins, qui ne venaient
guère au palais que quand il s'agissait de vexer de quelque façon le com¬
mandant de la province, l'intendant ou les Jésuites, et s'ils sont venus en
effet en nombre aux audiences où il devait être question des collèges, j'ai
quelque peine à croire que ce fut l'intérêt de l'amélioration des études
qui les y attirât. — Il paraît qu'un élève des Jésuites à Laon ayant l'inten¬
tion d'aller à Soissons, un sujet de devoir fut donné, qui était un éloge
de Laon et un dénigrement de Soissons ; cet incident absolument insi¬
gnifiant méritait-il d'être qualifié d'emploi de procédés déloyaux pour
retenir des élèves ? (p. 49).
Mais ce sont là chicanes sans importance. Ami de La Chalotais, M. D.
a été un peu enclin, à son insu, à trop de rigueur pour les adversaires
de son héros : mais en somme il n'a pas dépassé la mesure en appréciant
favorablement une œuvre importante et méritante, et a bien fait de com¬
bler une lacune qui existait jusqu'à ce jonr dans les ouvrages, d'histoire
uniquement politique, consacrés auparavant à La Chalotais. — M. Marion.
Russell Parsons Jameson. Montesquieu et l'esclavage. Etude sur les ori¬
gines de l'opinion antiesclavagiste en France au XVIIIe siècle. Paris,
Hachette, 191 1. In-8, 371 p.
L'ouvrage qui nous est donné sous ce titre se compose de deux parties.
La première, qui est aussi la plus étendue, est consacrée à l'étude des
« origines » et des « précurseurs ». Elle comprend sept chapitres dans
lesquels l'auteur étudie successivement : L'esclavage dans l'antiquité ; Les
origines et le développement de la traite des noirs ; La législation fran¬
çaise ; Le droit et l'esclavage ; L'esclavage et la religion ; L'esclavage et
la littérature (2 chapitres). Comme on le voit, ces termes d' « origines »
et de « précurseurs » sont entendus par M. J. d'une manière assez large.
En réalité c'est presque toute l'histoire de l'évolution des idées sur l'es¬
clavage avant le livre de l'Esprit des lois qu'il nous retrace. Je me hâte
d'ajouter toutefois que, malgré l'étendue de ce cadre, l'ouvrage de M. J.
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est loin d'être la revue superficielle et générale qu'on aurait pu craindre.


Il y a là un volumineux et consciencieux travail de dépouillement dans
lequel beaucoup de choses sont à prendre. Un grand nombre de textes et
d'opinions oubliés ont été remis en lumière par M. J. qui a donné
dans ce livre la preuve d'une connaissance approfondie de son sujet et
de notre langue tout à fait remarquable. On peut regretter cependant
que les conclusions auxquelles il aboutit ne soient pas toujours abso¬
lument en rapport avec le travail considérable qu'il a fourni. Jusqu'au
début du xvne siècle, en effet, c'est-à-dire jusqu'à l'introduction complète
de la traite négrière aux colonies, la question de l'esclavage ne se pose
guère devant l'opinion que sous la forme d'un problème historique.
C'est uniquement l'esclavage antique que les théoriciens du droit public,
les philosophes ou les docteurs qui examinent la question, la plupart
du temps d'ailleurs d'une façon incidente, ont en vue. Aussi ne doit-on
pas s'étonner de la prédominance, ou plutôt de la véritable domination
exercée par les idées des anciens en cette matière. C'est la raison pour
laquelle M. J. a cru devoir consacrer un premier chapitre tout entier à
les rappeler. Cette force de la tradition est si puissante que les pre¬
miers écrits directement inspirés par l'esclavage des colonies sont seule¬
ment des dissertations, — plus ou moins scientifiques, — sur l'origine
de la couleur des nègres. Quant à la question de savoir si l'esclavage
est légitime, elle n'est généralement pas posée, ou, si elle est posée, elle
est résolue presque sans discussion, à l'aide des principes qui avaient, de
tout temps, servi à justifier l'esclavage antique.
Avec la deuxième partie de son ouvrage l'auteur aborde l'examen pro¬
prement dit des idées de Montesquieu, exposées dans le livre XV de Y Es¬
prit des lois. M. J. a commencé par en reproduire intégralement le texte
avec variantes. Il en étudie ensuite en détails les sources et la composi¬
tion, en s'occupant de faire ressortir les différents points sur lesquels Mon¬
tesquieu se distingue de ses devanciers. A dire vrai, on ne rencontre pas
dans l'Esprit des lois ce que l'on pourrait appeler une doctrine pleinement
constituée. Sans doute, au nom de la morale, Montesquieu flétrit les excès
de l'esclavage et dirige contre lui de cinglantes et vigoureuses attaques.
Mais s'il recommande l'humanité envers les esclaves, il ne va pas jusqu'à
demander la suppression de l'esclavage. Le juriste et le législateur chez
lui hésitent à condamner ce que le moraliste réprouve. Son principal
mérite en définitive a surtout consisté à poser la question ; l'Esprit des lois
ouvre véritablement la période du mouvement antiesclavagiste qui va
définitivement
années du xixe.prendre
— René corps
Girabd.
à la fin du xvme siècle et dans les premières

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