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Hydrological Sciences Journal

ISSN: 0262-6667 (Print) 2150-3435 (Online) Journal homepage: https://www.tandfonline.com/loi/thsj20

Apport de la gravimétrie à l’étude des structures


effondrées du Nord-Est de la Tunisie: implications
hydrogéologiques

Sarra Ouerghi, Noamen Rebai, Hakim Gabtni, Boutheina Farhat & Samir
Bouaziz

To cite this article: Sarra Ouerghi, Noamen Rebai, Hakim Gabtni, Boutheina Farhat & Samir
Bouaziz (2013) Apport de la gravimétrie à l’étude des structures effondrées du Nord-Est de la
Tunisie: implications hydrogéologiques, Hydrological Sciences Journal, 58:6, 1361-1373, DOI:
10.1080/02626667.2013.818219

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Published online: 18 Jul 2013.

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Hydrological Sciences Journal – Journal des Sciences Hydrologiques, 58 (6) 2013 1361
http://dx.doi.org/10.1080/02626667.2013.818219

Apport de la gravimétrie à l’étude des structures effondrées du Nord-Est


de la Tunisie: implications hydrogéologiques

Sarra Ouerghi1 , Noamen Rebai2 , Hakim Gabtni3 , Boutheina Farhat4 et Samir Bouaziz1
1
Laboratoire 3E « Eau-Energie-Environnement » (LRAD-10-02), Ecole Nationale d’Ingénieurs de Sfax, Tunisie
sarahouerghi@gmail.com
2
UR Dynamique des Bassins Sédimentaires, Paléoenvironnements et Structures Géologiques, Département de Géologie, Faculté des
Sciences de Tunis, 1060 El Manar II, Tunisie
3
Laboratoitre de Géoressources, Centre de Recherches et des Technologies des Eaux (CERTE), BP 273, Soliman 8020, Tunisie
4
Laboratoire des Ressources Minérales et Environnement (LRME), Faculté des Sciences de Tunis, Département de Géologie, Campus
Universitaire, 2092 Tunis, Tunisie

Reçu le 30 juin 2011; accepté le 20 décembre 2012; la discussion concernant cet article est ouverte jusqu’au 1er février 2014

Editeur Z.W. Kundzewicz

Citation Ouerghi, S., Rebai, N., Gabtni, H., Farhat, B., et Bouaziz, S., 2013. Apport de la gravimétrie à l’étude des structures
effondrées du Nord-Est de la Tunisie: implications hydrogéologiques. Hydrological Sciences Journal, 58 (6), 1361–1373.

Résumé Cette étude basée sur l’analyse des données gravimétriques a pour but d’améliorer la connaissance des
structures effondrées du Nord-Est de la Tunisie. La carte de l’anomalie résiduelle a d’abord été calculée à partir
de la carte de l’anomalie de Bouguer en enlevant un gradient régional. La résiduelle calculée fournit des infor-
mations sur la variation de la densité dans les bassins sédimentaires de l’Oued Chafrou-Khlidia, de Mornag et
de Grombalia. Afin de mettre en évidence les différentes structures géologiques (failles, bassins, etc.) dans le
secteur d’étude, différentes techniques (gradient vertical, gradient horizontal, prolongement vers le haut, décon-
volution d’Euler) ont été appliquées à la carte gravimétrique des structures effondrées du Nord-Est de la Tunisie.
Les résultats obtenus ont permis de dresser une carte structurale présentant le système de failles responsable
de la structuration de la zone d’étude. Cette carte constitue un document très utile pour orienter les recherches
hydrogéologiques futures qui seront menées dans ces plaines.
Mots clefs structures effondrées; gravimétrie; hydrogéologie; Tunisie

Gravimetry contributions to the study of the collapsed structures in northeast Tunisia: hydrogeo-
logical implications
Abstract This study is based on the analysis of gravity data of the collapsed zones in northeast Tunsia. Its purpose
is to increase the knowledge of these structures. A residual anomaly map was first calculated from the Bouguer
anomaly by removing a regional gradient. The computed map provides information on the ground density variation
within the sedimentary basins of Chafrou, Mornag and Grombalia. In order to highlight the different structures
of these basins, we applied various techniques (horizontal and vertical derivatives, upward continuation, Euler
deconvolution) to delineate various major geological structures such as faults and basins. These results allow the
production of a structural map showing the fault systems for the survey area. This map forms the basis for planning
future hydrogeological research in the Chafrou, Mornag and Grombalia plains region.
Key words collapsed structures; gravimetry; hydrogeology; Tunisia

INTRODUCTION Chafrou—synclinal de Khlidia en Tunisie (Fig. 1)—


est une plaine alluviale essentiellement quaternaire
Dans le cadre de ce travail, plusieurs structures où 20 à 30 m d’alluvions récentes reposent sur la
géologiques montrant un intérêt hydrologique assez croûte saumon post-villafranchienne, localement plis-
important ont été étudiées. La plaine de l’Oued sée. L’Oued Chafrou prend sa source à quelques

© 2013 IAHS Press


1362 Sarra Ouerghi et al.

Fig. 1 Carte géologique simplifiée de la région nord-orientale de la Tunisie. (1) Quaternaire: alluvions; (2) Pliocène marin:
marnes et grès; (3) Mio-Pliocène continental: conglomérats, sables et argiles; (4) Miocène supérieur: alternances de grès et
de marnes parfois à lignite; (5) Oligocène supérieur-Miocène moyen: marnes, grès et glauconites; (6) Oligocène supérieur:
alternances argilo-gréseuses; (7) Lutétien-Priabonien: argiles et lumachelles passant à des évaporites; (8). Maastrichtien
supérieur-Paléocène: argiles à minces intercalations calcaires; (9) Jurassique: calcaires et marnes; (10) Trias: argiles,
dolomies, grès et évaporites; (11) Faille; (12) Réseau hydrographique.

centaines de mètres du lit de l’Oued Miliane. La pratiquée dans la partie amont du système aquifère
plaine de l’Oued Chafrou est l’une des principales depuis 1992 dans une carrière de sable Oligocène for-
plaines alimentée par la basse vallée de la Medjerda mant le réservoir profond. L’impact de cette recharge
qui, sur le plan des unités hydrogéologiques, est con- n’a été détecté que dans les ouvrages situés en aval du
stituée de deux sous bassins versants: celui de la site de recharge et captant le système profond. Ceci
Basse Medjerda et celui de l’affluent le plus impor- impose donc des études approfondies en vue de mieux
tant dans la zone de la Medjerda et qui coule du Sud cerner la structure des réservoirs profonds. Ainsi, la
vers le Nord, l’Oued Chafrou. Ce dernier drainait tout connaissance de la configuration géométrique de ces
le Nord du dôme du Jebel Oust. Les plissements post réservoirs et leurs relations avec le système super-
villafranchiens ont temporairement barré son lit au ficiel s’impose pour l’efficacité de la recharge et
niveau du Djebel Mergueb. C’est l’époque de l’actif l’exploitation de la ressource en eau souterraine.
comblement de la plaine favorisé peut être par une La plaine de Grombalia constitue un fossé
légère subsidence au Nord-Ouest. La capture des eaux d’effondrement (Hadj Sassi et al. 2006) lié à un
du bassin de Depienne provoque dans la plaine du affaissement de socle supérieur à 500 m et comblé
Chafrou de profondes perturbations. Le bassin de par des dépôts quaternaires. Le sommet de la série
Chafrou forme un aquifère important pour la région quaternaire est généralement sableux. Vers le centre
puisqu’il reçoit des apports des différents affluents du de la cuvette de Grombalia, le quaternaire devient
bassin de la basse vallée de la Medjerda, notamment marneux, gypseux et salifère à partir de 130 m de
ceux de l’Oued Maleh. profondeur (Ennabli 1970). Cette plaine est connue
La plaine de Mornag s’étend depuis le Golfe en premier lieu par ses activités agricoles intenses
de Tunis au Nord jusqu’aux collines de Khlédia au ainsi que par ses activités industrielles. Ces activités
Sud, sur une superficie de 200 km2 (Fig. 1). Cette demandent des quantités importantes d’eaux fournies
plaine constitue un pôle agricole important. Les eaux essentiellement par la nappe quaternaire de la région
de la nappe superficielle de la plaine sont générale- et les eaux d’irrigation du canal Mejerda-Cap Bon,
ment soumises à une exploitation intense qui s’est dont la salinité peut atteindre 3 g/L pendant la période
traduite par une baisse de la piézométrie et une aug- d’étiage.
mentation de la salinité (Lassoued et al. 1995). De La nappe de la plaine de Grombalia est exploitée
ce fait, l’exploitation des eaux s’est résolument ori- par 6667 puits de surface équipés de pompes (DGRE
entée vers les aquifères profonds logés dans les grès 1998). Ces puits puisent annuellement 90 hm3 , soit
Oligocène et Miocène. Pour réduire l’effet de la sur- une exploitation de l’ordre de 176 % de ses ressources
exploitation, la recharge artificielle de la nappe est renouvelables estimées à 51 hm3 /an, et 159 forages
Apport de la gravimétrie à l’étude des structures effondrées 1363

dont l’exploitation a atteint 10,8 hm3 /an en 1997 couloirs majeurs de faille et dans les parties som-
(DGRE 1998). mitales des principaux anticlinaux (Khomsi et al.
L’imprécision de la configuration géométrique et 2012).
structurale de ces plaines par les outils de la géologie Une étude de faciès sismiques soulignant les
classique nous a poussé à approfondir notre inves- lithologies majeures et les caractéristiques des prin-
tigation, afin de mieux connaitre la structure des cipaux réservoirs de sub-surface du Nord-Est de la
réservoirs profonds. Tunisie (Fig. 2) a été fait par Khomsi et al. (2012).
Cette prospection montre que l’âge de la majorité
de réservoirs étudiés va du Jurassique jusqu’au
Quaternaire, cette étude montre que:
CONTEXTE GEOLOGIQUE ET
HYDROGEOLOGIQUE
– les réservoirs de Jurassique sont constitués par des
En Tunisie, les cuvettes comblées de sédiments séries calcaires karstiques qui ont une importante
quaternaires ont été décrites comme des fossés porosité et dont l’épaisseur peut atteindre 1000 m;
d’effondrement, dont les bordures paraissaient liées à – les plus importants réservoirs de Crétacé sont
d’importantes flexures passant à des fractures qui ont ceux du Campanien-Maastrichien constitués de
joué après le Pliocène (Castany 1948). Ces dépres- calcaires karstiques d’épaisseur moyenne de
sions ont été décrites également comme des grabens, 900 m. L’étude pétrophysique de ce niveau réser-
associés à des failles normales ayant joué au Miocène voir montre que la porosité de fracture peut être
moyen (Ben Ayed 1993, Chihi 1995). Dans notre estimée de l’ordre de 35%;
secteur d’étude, les dépôts ont été guidés par des – le Crétacé inférieur montre une qualité réser-
failles normales formant un graben d’orientation NO– voir moyenne à faible vu son faciès lithologique
SE (Chihi 1995). Cependant l’emplacement précis composé d’argile et de marne;
des failles bordières majeures de ce graben est peu – les séries yprésienne sont aussi des impor-
connu. tants réservoirs carbonatés qui sont moyennement
Les travaux de terrain et de sub-surface effec- développés en sub-surface comme en affleure-
tués au Nord-Est de la Tunisie par Khomsi et al. ment. Ce niveau aquifère présente une porosité
(2012) mettent en évidence plusieurs réservoirs importante due au développement du karst; et
hydrogéologiques montrant d’importantes caractéris- – les forages localisés dans la zone d’étude
tiques pétrophysiques et hydrogéologiques. Dans la atteignent les nivaux aquifères du Tertiaire et du
sub-surface, les réservoirs du Crétacé supérieur au Quaternaire dont les réservoirs les plus importants
Miocène sont largement répandus, avec de grandes sont les grés de l’Oligocène où la porosité peut
épaisseurs dans de nombreux endroits, de fortes atteindre 40%, les séries du Miocène de porosité
porosités et conductivités, particulièrement le long de de l’ordre de 35% et les dépôts du Quaternaire

Fig. 2 Colonne lithostratigraphique simplifiée de l’Atlas oriental, faciès sismiques soulignant les lithologies majeures et les
caractéristiques des principaux réservoirs de sub-surface. Les porosités sont exprimées en %. (Khomsi et al. 2012).
1364 Sarra Ouerghi et al.

d’épaisseur moyenne de 1200 m et de porosité de qui affleurent respectivement dans la partie Sud-
l’ordre de 20%. Ouest et en bordure Nord-Est de la plaine. D’après
Ennabli (1980), les sables oligocènes constituent le
Dans la plaine de l’Oued Chafrou on rencontre réservoir profond sous toute la plaine. Toutefois,
deux niveaux, l’un correspond à des intercalations les reconnaissances hydrogéologiques récentes n’ont
sableuses situées sensiblement à la côte +6 m pas pu mettre en évidence le prolongement de
au-dessus de l’Oued Miliane, c’est-à-dire au niveau cette série détritique au centre de la plaine. La
de la terrasse moyenne qui correspond ainsi à des recharge naturelle des nappes se fait par infiltration
sédiments beaucoup plus détritiques donc à une aug- directe au niveau des affleurements perméables Plio-
mentation de la vitesse et à un accroissement de la Quaternaires, Miocènes et Oligocènes. La recharge
charge. Plus au Nord, on rencontre de l’eau après artificielle est pratiquée dans les carrières de sables
avoir traversé la croûte quaternaire compacte, dans les oligocènes.
cailloutis Plio-Villafranchiens. La plaine de Grombalia occupe l’extrémité ori-
Le synclinal de Khlidia est une structure qui entale de la zone d’étude (Fig. 1). C’est un fossé
s’étend du coté Est de la plaine de Chafrou (Fig. 1), tectonique bordé au Sud-Ouest par des failles NO–
signalé pour la première fois par Schoeller (1932). SE et Nord–Sud. Les bordures sont formées par
Dans sa partie Est, cette structure est masquée par les dépôts Miocène, tandis que ceux de l’Oligocène
le remplissage quaternaire de la plaine de Mornag. borde la plaine au Nord et au Sud. La surface de
La partie centrale de cette structure est occupée par la plaine est couverte par des alluvions récentes. Le
le Miocène, son flanc Est, composé par les calcaires remplissage du fossé est formé par des dépôts de
et les marnes de l’Eocène et quelques affleurements Quaternaire marin dont l’épaisseur est de l’ordre de
de grès de l’Oligocène, affleure au niveau de Jebel 500 m (Hadj Sassi et al. 2006).
Er Rorouf (Fig. 1). Ce synclinal est très affecté par La surveillance et l’évolution de la surface de
de nombreuses failles transversales qui modifient vers la nappe de Grombalia se fait à partir des puits de
le Nord la direction de l’axe NE–SO. Sur le plan surface repartis sur toute la plaine. Les relevées du
hydrogéologique cette structure présente un intérêt niveau statique se font sur ces puits une fois tous
hydraulique grâce à ses cinq nappes, à savoir: les six mois à la fin de chaque période de hautes
et de basses eaux. Ces mesures permettent de suivre
– une nappe diaclasienne dans les calcaires l’évolution de la surface de la nappe. La carte pié-
yprésiens; zométrique élaborée par Castany (1948) montre que
– une série de nappes élémentaires dans les alter- le niveau hydrostatique de la nappe s’abaisse progres-
nances gréseuses de l’Oligocène de base; sivement vers la mer de la cote 60 m à celle de 10 m
– une nappe très importante dans les grès à Soliman. D’après les études de Ennabli (1970), la
oligocènes supérieurs; nappe de Grombalia a subit un abaissement général
– une nappe miocène; et du niveau piézométrique de plus de 5 m sur la majeure
– une nappe phréatique quaternaire. partie de la plaine.
Par comparaison avec les études de Castany
La plaine de Mornag correspond à une cuvette (1948) et ceux de Ennabli (1970), la nappe de
comblée de dépôt fluvio-continentaux d’âge Plio- Grombalia a connu un abaissement général du niveau
Quaternaire. C’est un remplissage formé de sable et piézomètrique de l’ordre de 10 m (Sebei 2001).
d’argile à intercalations conglomératiques résultant Malgré les opérations de recharge artificielle et
du démantèlement des reliefs environnants (Ladjmi l’irrigation par les eaux du canal Mejerda-Cap Bon,
1960). Les terrains géologiques formant le mur de ces la piézomètrie de cette nappe a été durant l’année
dépôts sont également détritiques d’âges Oligocène et 1998, en baisse générale. La baisse piézomètrique en
Miocène. 1997–1998 est de l’ordre de 0,2 à 4,6 m. Seulement
Du point de vue hydrogéologique, la plaine de quelques puits ont enregistré une légère remontée
Mornag regroupe un système aquifère multi couches inférieure à 1 m (DGRE 1998).
formé de nappes phréatiques et profondes séparées En 1999, la piézométrie de cette nappe a été
par un niveau argileux (Ennabli 1980). Ce dernier aussi en baisse générale. La baisse piézométrique de
peut renfermer des lentilles sablo-conglomératiques 1998–1999 est de l’ordre de 0,2 à 4,8 m. Seulement
aux abords des reliefs. La nappe profonde est logée quelques puits ont enregistré une légère remontée
dans les terrains détritiques Oligocènes et Miocènes inférieure à 0,4 m (DGRE 1998). Cet abaissement
Apport de la gravimétrie à l’étude des structures effondrées 1365

général de la nappe est dû à la surexploitation intense relais d’anomalies négatives et d’anomalies positives,
qu’a connue cette nappe et surtout durant les quarante allant du Nord-Ouest vers le Sud-Est. On distingue:
dernières années.
Des mesures récentes (janvier 2001) ont mis en
– à l’extrême Nord-Ouest, une importante anomalie
évidence le rôle du cordon grésifié pléistocène dans
négative allongée Est–Ouest, matérialisée par les
l’alimentation de la nappe dans la région de Soliman.
dépôts de lit de l’Oued Chafrou;
Toutefois, l’écoulement général de la nappe est en
– vers le Sud, deux anomalies positives importantes,
direction de la mer et de la Sebkha avec un gradient
coïncident avec la mégastructure de Mornaguia-
très faible.
Mergueb et les collines gréseuses situées dans les
environs de Tunis (Jebel Tella, Rades, Megrine);
– au centre de la zone d’étude, deux anomalies
ANALYSE DES DONNEES négatives matérialisées par la plaine de l’Oued
GRAVIMETRIQUES Chafrou et la plaine de Mornag, coïncident avec
des terrains mio-plio-quaternaires de densité rel-
Les données gravimétriques proviennent d’une cam-
ativement faible, et séparées par le synclinal de
pagne de mesures réalisée par l’Office National des
Khlidia;
Mines (ONM) en 1999. Ces mesures ont été effec-
– vers le Sud, deux anomalies positives importantes,
tuées avec un pas d’échantillonnage d’une station par
l’une occupant la moitié Ouest au niveau de la
Km2 en utilisant un gravimètre de type Scintrex CG3.
structure de Jebel Oust de direction Est–Ouest, et
Les données brutes de terrain ont été corrigées des
l’autre occupant la moitié Est de la zone d’étude
effets non géologiques de la variation de la gravité,
de direction Nord–Sud et s’étend sur la totalité des
y compris la correction topographique. Les données
structures de Jebel Messalla, Jebel Mekki, Jebel
sont disponibles sous forme de cartes de l’anomalie
Ressas, Jebel Boukornine et Jebel Er-Rorouf; et
de Bouguer (cinq feuilles au 1/50 000) calculée avec
– vers l’extrême Sud-Est, une anomalie négative
une densité de réduction égale à 2,35 g/cm3 (Fig. 3).
de forte amplitude et de direction subméridienne
Ces données ont d’abord été géoréférencées puis
coïncide avec le fossé de Grombalia à remplissage
numérisées, ce qui nous a permis d’établir une seule
quaternaire.
carte gravimétrique couvrant tout le secteur étudié.
La carte de l’anomalie de Bouguer (Fig. 3) mon-
tre l’existence de plusieurs anomalies de formes et Certes la carte de l’anomalie de Bouguer reflète l’effet
de signes différents avec des valeurs allant de –14 de toutes les hétérogénéités de densité sous la sur-
à +38 mGal. Cette carte exhibe essentiellement un face topographique, mais ce qui nous intéresse dans

Fig. 3 Carte de l’anomalie de Bouguer dans la zone d’étude.


1366 Sarra Ouerghi et al.

cette étude c’est la structure de la couverture sédimen- à évaluer la hauteur H au-delà de laquelle les anoma-
taire. Il est nécessaire de soustraire de cette anomalie lies gravimétriques prolongées vers le haut restent
de Bouguer une régionale qui représente l’effet des semblables. Ainsi plusieurs prolongements vers le
structures profondes. haut de la carte de Bouguer sont calculés à des alti-
En l’absence d’hétérogénéités intra-crustales, tudes croissantes de 10 km, jusqu’à 60 km. Pour
l’anomalie de Bouguer (gB) peut être considérée chacune des cartes prolongées, le nombre d’extrema
comme la résultante d’anomalies dues principalement (points où le gradient est nul) N est compté. La hau-
à trois discontinuités de densité situées à des pro- teur H retenue est telle que le nombre d’extrema des
fondeurs distinctes: le Moho (croûte/manteau), la cartes prolongées reste approximativement constant.
discontinuité de Conrad (croûte supérieure /croûte Dans ce cas, elle correspondrait à 40 km.
inférieure) et la base de la partie superficielle de la En effet, des études de sismique profonde (Ben
croûte, ou toit du socle. Sari 1978, Tadili et al. 1986) donnent des valeurs de
Ainsi, on peut écrire: profondeur pour la discontinuité de Moho d’environ
25 km le long de la côte méditerranéenne, Gabtni
gB = gM+gc+gs (1) et al. (2011) donnent des valeurs de profondeur pour
la discontinuité de Moho d’environ 25 km au Nord de
la Tunisie.
où gc est la variation gravimétrique due à la discon- La carte des anomalies résiduelles (Fig. 4)
tinuité de Conrad et gs est la variation gravimétrique montre les mêmes caractéristiques que celles de
due au limite de la partie superficielle de la croûte. l’anomalie de Bouguer. Elle présente des valeurs vari-
Pour extraire gM due au Moho, le lissage polyno- ant de –34 à +18 mGal. La carte résiduelle montre
mial par la méthode des moindres carrés est une méth- l’existence de plusieurs anomalies positives et néga-
ode efficace. Cependant, cette efficacité dépend de la tives qui sont bien corrélées avec les grands traits
sélection du degré du polynôme qui va représenter structuraux de la région (Fig. 4). La superposition de
cette anomalie régionale. ce document à la carte géologique de la région extraite
Le prolongement vers le haut, qui est un puissant de la feuille 1:500 000 Nord de la Tunisie (Ben Haj
filtre passe-bas, est également utilisé pour déterminer Ali et al. 1985) nous permet de faire les principales
la régionale. Dans le cas de la présente étude, nous observations suivantes:
avons adopté la méthode de prolongement vers le haut
qui donne une estimation de la tendance régionale à – Au Nord-Ouest de la zone d’étude, quatre anoma-
partir de la carte d’anomalie de Bouguer. Elle consiste lies gravimétriques importantes: Une anomalie

Fig. 4 Carte gravimétrique des anomalies résiduelles de la zone d’étude: (1) anomalies positive; (2) anomalies négatives.
Apport de la gravimétrie à l’étude des structures effondrées 1367

négative (N4) d’amplitude –12 mGal et de direc- Il faut noter aussi que cette anomalie négative
tion NNO–SSE à l’aplomb du lit de l’Oued dans la plaine de Mornag est représentée par des
Chafrou; cette anomalie gravimétrique peut cor- courbes iso-anomales concentriques très serrées dans
respondre à une zone d’importante profondeur du la partie Est et plus au moins espacées dans la par-
socle qui peut être expliquée par les plissements tie Sud-Ouest. Ceci montre que la forme du bassin
post villafranchiens qui ont temporairement barré est nettement dissymétrique. Le fort gradient observé
le lit de cet oued au niveau du Djebel Mergueb. sur la bordure Est du bassin indique que celui-ci
C’est l’époque de l’actif comblement de la plaine s’approfondit rapidement dans cette partie:
favorisé peut être par une légère subsidence au
Nord-Ouest. La continuité de cette anomalie vers – Une anomalie positive (P1) d’amplitude
l’Est est matérialisée par l’anomalie négative +8 mGal, et de direction NNE–SSO à l’aplomb
(N5) de direction Est–Ouest. des affleurements denses dans les massifs
– Vers le Sud-Est, deux anomalies négatives occu- environnants de Tunis (les collines de Bir El
pant le centre de la région d’étude, celle de Kassaâ, de Rades-Megrine allant jusqu’à Jebel
la plaine de l’Oued Chafrou correspond à N1, Tella). Cet axe gravimétrique positif peut cor-
allongée selon la direction presque Est–Ouest. respondre à une zone de faible profondeur du
Cette anomalie négative est représentée par des socle, qui devrait jouer un rôle important sur
courbes iso-anomales concentriques serrées dans le plan hydrogéologique. En effet, cette ride de
la partie Nord, et plus au moins espacées dans la socle représenterait une barrière, qui devrait
partie Sud. Ceci montre que la forme du bassin engendrer une compartimentation du système
est dissymétrique. Le fort gradient observé sur aquifère de Mornag et dont la ligne de crête
la bordure Nord du bassin indique que celui-ci devrait matérialiser une ligne de partage des eaux
s’approfondit de ce côté. souterraines.
– L’autre anomalie gravimétrique négative – Vers l’Est, une anomalie positive (P2), de direc-
(N2) présente une direction NNE–SSO et tion NO–SE, de forte amplitude et de grande
une amplitude –16 mGal; elle est limitée au Nord longueur d’onde. Cette anomalie coïncide avec
par Jebel Tella et les collines de Radès et Bir l’anticlinorium de Jebel Boukornine–Jebel Srara–
El Kasaa, à l’Ouest par les massifs de Jebel Er- Jebel Er-Rorouf, qui correspond à des terrains
Rorouf, Boukornine et Ressas, et au Sud par Jebel du Jurassique et du Crétacé de densité impor-
Oust et Jebel Messella. Cette anomalie coïncide tante, constitués essentiellement par des calcaires
avec le maximum de remplissage quaternaire de et des marno-calcaires. Cette anomalie matérial-
la plaine de Mornag et traduit un déficit de masse isée en majeure partie par des dépôts mésozoïques
représenté par l’augmentation de l’épaisseur des est entourée par des dépôts quaternaires de faible
dépôts sédimentaires au centre de la cuvette de densité, ce qui nous laisse supposer que cette
Mornag. Cette puissance importante du remplis- anomalie positive correspondrait à une ride du
sage sédimentaire au centre de la plaine et aux socle, qui marque la limite orientale du bassin
environs de synclinal de Khlidia et de Mhamedia de Mornag d’une part et la limite occidentale du
traduit un épaississement des aquifères. bassin de Grombalia d’autre part.
– Le massif de Jebel Ressas et le dôme de Jebel
Ce résultat corrobore ceux des études géologiques Mekki, qui couvre une importante partie Sud
et hydrogéologiques antérieures qui montrent que les Est de la zone d’étude, se caractérise par une
grès oligocènes et miocènes forment dans les massifs anomalie positive (P3) orientée NNE–SSO, qui
de Khlidia et Tella une série puissante pouvant attein- est due aux terrains triasiques, jurassiques et cré-
dre 500 m d’épaisseur, constituant ainsi un réservoir tacés qui sont entourés par des terrains céno-
important et une zone d’alimentation du système zoïques et quaternaires de densité relativement
aquifère profond. Ceci se traduit par une faible fluc- plus faible. Nous pouvons également constater
tuation de la piézométrie dans cette zone. En effet, que cette anomalie positive constitue le prolonge-
on a montré que les zones les plus influencées par de ment vers le sud de la ride du socle qui est
fortes remontées (>5m) sont les piedmonts de Jebel matérialisée par l’anomalie positive (P2).
Er-Rorouf, Boukornine et de Jebel Ressas, alors que – A l’Est de P2 et P3 une anomalie négative
les principales zones où la nappe fluctue peu sont (N3) localisé entre le golfe de Tunis au Nord et le
Khlidia, Mhamedia et Bir El Kassa (Jarraya Horriche golfe de Hammamet au Sud, de grande amplitude
2004). et de forme subcirculaire, qui traduit un déficit
1368 Sarra Ouerghi et al.

de masse, associé à une subsidence cénozoïque. de la localisation dans le plan horizontal des con-
Cette anomalie gravimétrique négative est bordée tacts, une estimation de leur profondeur. En effet, le
par deux zones anomales, qui présentent toutes champ gravimétrique au-dessus d’un contact vertical
les deux des réponses gravimétriques résiduelles mettant en présence des roches de densités différentes
positives, indiquant un excès de masse. Ces deux est matérialisé par un bas dans la partie des roches
zones coïncident avec les reliefs des bordures de faible densité et un haut dans les roches de forte
occidentale et orientale du fossé de Grombalia. densité. Le point d’inflexion se situe à l’aplomb de ce
Dans ce sens, deux profils gravimétriques ont contact vertical. On peut se servir de cette caractéris-
était effectués par Hadj Sassi et al. (2006) illus- tique des anomalies gravimétriques pour localiser les
trant l’ampleur de l’anomalie négative (N3) du changements abrupts de densité (Cordell et Grauch
Nord au Sud traduisant l’existence d’un déficit 1985, Blakely et Simpson 1986).
de masse sur l’allongement du fossé. Ce dernier Ces positions des points d’inflexion sont
est plus important au niveau de la partie Nord du aussi facilement déterminées par la localisation
fossé de Grombalia, où on observe une anomalie du point culminant dans l’amplitude du module
négative plus forte. ((δg/δx)2 + (δg/δy)2)1/2 ) du gradient horizon-
– Au Sud de Jebel Ressas, à l’Est de Jebel Messella tal oú G(x,y) représente la valeur de l’anomalie
et à l’Ouest du dôme de Jebel Mekki, une dis- gravimétrique.
crète anomalie positive (P4) de faible amplitude, Si le contact présente un pendage, les maxima
de direction NNE–SSO. Elle correspond vraisem- des gradients horizontaux se déplacent du côté du
blablement à une petite dépression due à la pendage, mais ceux-ci resteront cependant près de ce
présence de Miocène supérieur matérialisé par des contact pour des valeurs de pendage élevées.
alternances de grès et de marnes parfois à lignite, Pour déterminer le sens du pendage des différents
qui est un matériel relativement moins dense que contacts, la carte de Bouguer a été prolongée vers le
celui des affleurements triasiques, jurassiques et haut jusqu’à 1000 m, par étapes de 200 m. A chaque
crétacés des Jebel Ressas, Jebel Messalla et Jebel niveau, les maxima du gradient horizontal ont été
Mekki. Cette anomalie est de petite longueur localisés. En principe, les niveaux de prolongement
d’onde, ce qui témoigne de son origine peu pro- les plus élevés correspondent aux contacts les plus
fonde. profonds et vice versa. Si les structures sont verti-
cales, tous les maxima se superposent. En revanche le
déplacement des maxima avec le prolongement vers
METHODES D’ANALYSE DU GRADIENT
le haut indique le sens du pendage.
GRAVIMETRIQUE
Cette méthode est particulièrement valable pour
L’information principale et immédiate que fournit la l’étude des contacts linéaires comme ceux des
carte de l’anomalie de Bouguer est la répartition des failles régionales, des grands chevauchements, etc.
hétérogénéités de densité. Cette carte n’apporte pas (Khattach et al. 2004, Chennouf et al. 2004). C’est
suffisamment d’éléments, cependant elle contient des d’ailleurs ce genre de discontinuités qui contrôle prin-
informations comme l’amplitude des gradients hori- cipalement la structuration géologique de la zone
zontaux présents entre les anomalies, ou encore des d’étude.
anomalies de faible amplitude, souvent masquées par Le succès de l’application de cette méthode dans
des anomalies régionales. Quatre outils se sont avérés la marge atlasique de la Tunisie a été prouvé au
utiles pour traiter cette carte: le gradient vertical, le niveau des études antérieures (Jallouli et Mickus
gradient horizontal, le prolongement vers le haut et la 2000, Jallouli et al. 2002, Benassi et al. 2006, Haj
déconvolution d’Euler. Sassi et al. 2006, Azaiz et al. 2011, Gabtni et al.
Les forts contrastes que montrent les données 2011).
gravimétriques sont supposés résulter de discontinu-
ités ou interfaces telles que les failles, les flexures, les
RESULTATS DE L’ANALYSE DU GRADIENT
contrastes des roches intrusives, etc.
GRAVIMETRIQUE
Les méthodes utilisées pour l’analyse des con-
tacts sont la déconvolution d’Euler (Reid et al. 1990) Le premier résultat est la mise en évidence, par les
et le gradient horizontal couplé avec le prolonge- solutions d’Euler pour l’indice structural IS = 0,25,
ment vers le haut (Debeglia et al. 1985, Everaerts une fenêtre de 20 × 20 et une erreur relative maximale
et al. 2001). La première technique permet, en plus de 15% (Fig. 5), des failles de direction (i) NO–SE et
Apport de la gravimétrie à l’étude des structures effondrées 1369

Fig. 5 Carte de solutions d’Euler pour l’indice structural IS = 0,25, une fenêtre de 20 × 20 et une erreur relative maximale
de 15%.

NE–SO, (ii) N–S, NO–SE et E–O, (iii) NE–SO, E–O La Fig. 7 met en évidence de manière beaucoup
et N–S, et (iv) N–S. Ces failles délimitent respective- plus claire les linéaments gravimétriques et la rosace
ment la zone traversée par l’Oued Chafrou, la plaine de leurs directions, ce qui permet de les corréler
de l’Oued Chafrou, la plaine de Mornag et la plaine de efficacement avec des structures géologiques et les
Grombalia. La profondeur de ces failles peut atteindre failles connues. Le Tableau 1 résume les principaux
4 km. linéaments dont certains ont été déjà déterminés et
A travers la carte de localisation des maximas interprétés à travers diverses études et par divers
de gradient horizontal (Fig. 6), nous avons pu mettre auteurs.
en évidence d’importantes discontinuités de diverses La superposition de la carte de linéaments
directions (N–S, E–O, NE–SO et NO–SE) (Fig. 7). obtenus par différentes méthodes (la localisation des

Fig. 6 Carte de localisation des maxima du gradient horizontal obtenus par le prolongement vers le haut à différentes
altitudes de la carte d’anomalie de Bouguer: (1) 200 m, (2) 400 m, (3) 600 m, (4) 800 m et (5) 1000 m.
1370 Sarra Ouerghi et al.

Fig. 7 Carte de tracé et rosace des failles obtenues sur la Fig. 5; en trait épais failles profondes.

Tableau 1 Les principaux linéaments déduits de la localisation des maximas du gradient horizontal de la zone d’étude
Linéaments Direction Localisation Interprétations
L1 et L2 Est–Ouest Localisés au Nord de Jebel Sidi Saleh, Sabkhet Ces linéaments ont été mis en évidence par (Boutib
Séjoumi et Megrine 1998) comme failles décrochantes à rejet
hectométrique de direction N70 à N90 dextre
L3 NO–SE Limite Est du lit de l’Oued Chafrou Ces linéaments sont, fort probablement, le résultat de
plissements post villafranchiens qui ont séparé le
lit de l’Oued Chafrou de la plaine de l’Oued
Chafrou au niveau du Djebel Mergueb.
L4 NO–SE Limite Ouest du lit de l’Oued Chafrou
L5 NE–SO Au Sud du lit de l’Oued Chafrou Ce linéament est une faille qui fait de la
mégastructure de Mornaguia-Mergueb un pli
injecté de Trias
L6 et L7 Est–Ouest Limite la partie Nord de la plaine de l’Oued Le tronçon NE–SO de L6 se superpose à la faille
Chafrou et la partie Sud de la mégastructure de décrochante N60 démontrée par les études
Mornaguia-Mergueb, il s’infléchit vers le microtectoniques et de télédétection de Boutib
NE–SO pour limiter l’ouest de la plaine de (1998). Ce linéament correspond à l’accident de
Mornag. Mhamédia injecté de Trias. Ces linéaments (L6 et
L7) délimitent la plaine de l’Oued Chafrou faisant
de cette structure (Plaine de l’Oued Chafrou) une
zone effondrée.
L8 et L9 Est–Ouest Au Nord de la plaine de Depienne La limite Nord de cette plaine est d’origine
tectonique: présentée par une faille importante
NO–SE à Est–Ouest qui coupe le dôme de Jebel
Oust vers le Sud (Jauzein 1957).
L10 Nord-Sud Limite vers l’Ouest les massifs de Jebel Messella, Cet accident est parallèle à l’axe de Zaghouan défini
Jebel Ressa, sa prolongation vers le Nord limite par les géologues (Turki 1985) et (Soussi et al.
les massifs de Jebel Bou Kornine limitant ainsi 2000), mais ils ne sont pas superposables. Ce
l’Ouest de la plaine de Mornag. linéament, non signalé dans les anciens documents
et les anciens travaux, constitue un nouvel apport
de la gravimétrie puisqu’il ne présente pas de
signature en géologie de surface.
L11 NO–SE Limite la partie Sud de la plaine de Mornag Ce linéament participe à l’effondrement de la plaine
de Mornag
L12 Limite l’Ouest de la plaine de Soliman Ces linéaments constituent bien évidemment la faille
bordière occidentale du graben de Grombalia.
L15 Limite le fossé de Grombalia dans sa partie Ouest
L16 Nord-Sud Limite la bordure Est du bassin de Grombalia C’est le linéament sub-méridien qui a été mentionné
par Hadj Sassi et al. (2006) sur la bordure Est du
bassin de Grombalia.
Apport de la gravimétrie à l’étude des structures effondrées 1371

Fig. 8 Schéma structural de la zone d’étude. (1) Quaternaire: alluvions; (2) Pliocène marin: marnes et grès; (3) Mio-
Pliocène continental: conglomérats, sables et argiles; (4) Miocène supérieur: alternances de grès et de marnes parfois à
lignite; (5) Oligocène supérieur-Miocène moyen: marnes, grès et glauconites; (6) Oligocène supérieur: alternances argilo-
gréseuses; (7) Lutétien-Priabonien: argiles et lumachelles passant à des évaporites; (8) Maastrichtien supérieur-Paléocène:
argiles à minces intercalations calcaires; (9) Jurassique: calcaires et marnes; (10) Trias: argiles, dolomies, grès et évaporites;
(11) Faille; (12) Linéaments déduits de la localisation des maximas du gradient horizontal; (13) Linéaments déduits des
solutions d’Euler.

maxima, la solution d’Euler et la géologie classique) au niveau de la plaine de Grombalia où on remar-


(Fig. 8), nous a permis soit: que un écoulement sub-méridien du côté Ouest
et un écoulement NO–SE du côté Est du fossé
– de confirmer l’existence de failles déjà reconnues de Grombalia. Ce changement est fort probable-
ou supposées par les études structurales classiques ment causé par les linéaments bordiers faisant de
antérieures; et cette plaine un graben effondré.
– de compléter l’information sur certaines d’entre (b) la forte salinité des eaux souterraines au niveau
elles en précisant leur tracé ou de mettre en évi- de la plaine de Mornag et de la plaine de
dence de nouveaux accidents profonds ou superfi- Grombalia; ces fortes concentrations seraient
ciels, restés inconnus jusqu’à nos jours. dues à l’intrusion des eaux de la mer et à la faible
Sa superposition avec les cartes piézométriques de dilution par des eaux moins salées et au con-
la plaine de Mornag et de la plaine de Grombalia tact des formations imperméable, qui affleurent
dont les mesures piézométriques de 2008 sont fournie de part et d’autre de ces plaines.
par la DGRE, d’une part, et les solutions d’Euler
(Fig. 9), d’autre part, nous montre l’influence de ces
linéaments sur le sens d’écoulement des eaux souter- CONCLUSION
raines ainsi que leurs degrés d’intervention dans la
minéralisation des nappes d’eau. La géologie de surface est partiellement aveugle à
La Fig. 9 montre que du point de vue cause du recouvrement quaternaire qui masque totale-
hydrogéologique, les résultats obtenus sur la structure ment toutes les structures et formations antérieures.
de la zone d’étude permettent d’expliquer les faits La présente étude a permis de mettre en évidence un
suivants: réseau de structures représentant des discontinuités
lithologiques (failles, contacts géologiques, etc.). De
(a) le changement du sens d’écoulement de la nappe telles discontinuités constituent des zones de circula-
phréatique de la plaine de Mornag de NE–SO tion préférentielle des eaux souterraines et représen-
à une direction Est–Ouest en s’approchant de tent donc des cibles favorables à l’implantation des
linéament L6 et de direction Nord–Sud en sondages de reconnaissance de ces eaux.
s’approchant du linéament sub-méridien L10 A travers ce travail, un schéma structural de la
(NS) qui retrace l’allure de la dorsale tunisienne, zone d’étude a été dressé, qui confirme l’existence
de même pour le sens d’écoulement souterrain de failles déjà reconnues ou supposées par les études
1372 Sarra Ouerghi et al.

Fig. 9 Superposition des linéaments gravimétriques déduits de la localisation des maximas de gradient horizontal et des solu-
tions d’Euler avec la carte piézométrique de la plaine de Mornag et la carte piézométrique de la plaine de Grombalia (haute
eaux). Les mesures piézométriques sont fournies par la DGRE. 1. Sens d’écoulement des eaux souterraines, 2. Courbes
piézométriques (en mètres), 3. Linéaments déduits de la localisation des maximas du gradient horizontal.

structurales classiques en précisant leur tracé d’une de rejet plus important. En effet, la carte des anoma-
part et en mettant en évidence de nouveaux acci- lies résiduelles montre que le minimum de l’anomalie
dents restés inconnus jusqu’à nos jours à cause à la négative associée au bassin est plus proche du côté Est
couverture sédimentaire quaternaire d’autre part. Les de la plaine. Sur le plan hydrogéologique, la présente
linéaments ainsi localisés grâce au filtrage du signal étude confirme l’épaississement du système aquifère
gravimétrique correspondraient aux failles bordières de Mornag, en allant vers le Sud-Est. La dissymétrie
des fossés à remplissage Mio-Plio-Quaternaire de la de la cuvette et l’épaisseur du remplissage permettent
plaine de l’Oued Chafrou, la plaine de Mornag et la d’orienter les sondages profonds vers la bordure Est
plaine de Grombalia. de la plaine de Mornag.
Le bassin à remplissage quaternaire du lit de L’effondrement du bassin de Grombalia et sa
l’Oued Chafrou est dissymétrique, la bordure Est est structure profonde montre des dépôt-centres qui sont
de direction NE–SO, alors que la bordure Ouest est de de plus en plus importants tout en se dirigeant vers le
direction NO–SE. La magnitude des gradients grav- golfe de Tunis. La profondeur de ce dépôt-centre est
imétriques au niveau des deux linéaments montre que très importante au niveau de la partie Nord du bassin
la faille bordière du côté Ouest est plus profonde. La de Grombalia (région de Grombalia) où on a le max-
continuité Sud de ce bassin est matérialisée par la imum d’effondrement, alors qu’au Sud de la ville de
plaine de l’Oued Chafrou qui est un fossé symétrique Grombalia la profondeur de ce dépôt-centre est rel-
où les failles bordières sont toutes deux de direction ativement moins importante puisque l’amplitude est
Est–Ouest. A travers son architecture, on peut dis- plus faible.
tinguer un léger épaississement du système aquifère
de ce bassin en allant du Sud vers le Nord ce qui nous
laisse orienter les sondages profonds vers la bordure REFERENCES
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