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Institut de Théologie Orthodoxe

Saint Serge

Aperçu au tour de la réception des livres Premier, Deuxième, et


Troisième d’Esdras dans les canons bibliques des Églises chrétiennes

Mémoire pour obtenir le degré de Master 2 en Théologie Orthodoxe


Présenté par Sharif Pablo Enrique BUJANDA VILORIA

Directeur de recherche : M. Ștefan Munteanu


Lecteur: Archiprêtre Nikolas Cernokrak

Paris, 2011

C
-Para Victoria y Haruhm,
mi familia.

2
Remerciements

Je veux témoigner toute ma gratitude à tous ceux qui ont fait leur
possible pour l’accomplissement de ce mémoire, d’une manière ou d’une
autre.
Particulièrement, je tiens à remercier pour son support et sa gentillesse,
son Éminence Gabriel de Comane, archevêque des paroisses de tradition
russe en Europe occidentale, Exarque du Patriarche œcuménique, et recteur
de l’Institut Saint Serge.
Je tiens également à manifester ma reconnaissance envers le révérend
archiprêtre Nicolas Cernokrak, doyen de l’Institut et lecteur du mémoire ;
et de la même manière à M. Ștefan Munteanu, directeur de recherche, et à
tous mes professeurs à Saint Serge ainsi qu’au personnel administratif,
particulièrement Mme. Tatiana Boneville et Mme. Martine Jeurissen.
Je souhaite également remercier mes professeurs de l’Institut Catholique
de Paris, et Mme. Mireille Hadas-Lebel de l’université Paris-IV, Sorbonne.
À tous mes amis, pour leur soutien pendant les heures difficiles, merci
beaucoup.
-À Paris, la veille de la fête des Trois Saints Docteurs,
février de 2011.

3
Plan

Introduction
1. Chapitre. 1. Examen des sources.
1.1 La ‘généalogie’ des textes (La diachronie).
1.1.1 Esdras- Néhémie
1.1.2 3 Esdras
1.2 Deux récits : L’anatomie d’une seule histoire avec tonalités (La
synchronie)
1.3 Conclusions du premier chapitre.
2. Chapitre. 2. La Bible Hébraïque et la Septante : les textes et les canons.
2.1 La Septante.
2.1.1 La Bible d’Alexandrie et l’origine.
2.1.2 Les recensions et les révisions les plus connues, juives et
chrétiennes.
2.2 La Bible Hébraïque, la fixation du canon.
2.3 Conclusions du deuxième chapitre.
3. Chapitre. 3 La réception des livres d’Esdras-Néhémie et 3 Esdras dans
les bibles des Églises : Quelques exemples.
3.1 L’Église Catholique Romaine : La Vulgate et le canon des latins.
3.2 Les Églises Orientales
3.2.1 Les Églises Orientales Chalcédoniennes
3.2.2 Les Églises Orientales Préchalcédoniennes.
3.2.2.1 La Peshitta
3.2.2.2 Les versions coptes
3.2.2.3 La Bible Arménienne
3.2.2.4 La Bible Éthiopienne
3.3 Les Églises Reformées.
3.4 Conclusions du troisième chapitre.
4. Annexes.
I. Liste des rois Achéménides de l’Empire Perse
II. Listes des livres bibliques dans les sources patristiques et
anciennes.
III. Table récapitulative sur la réception des livres d’Esdras
5. Bibliographie.

4
TABLE D’ABRÉVIATURES

 AT Ancien Testament
 CJB Complete Jewish Bible
 E-N Esdras-Néhémie
 3 Esd Troisième livre d’Esdras
 FBJ Bible de Jérusalem (Français)
 LXX La Bible Septante
 ME Mémoire d’Esdras
 MN Mémoire de Néhémie
 NT Nouveau Testament
 TM Texte Massorétique
 TpM Texte pré-Massorétique
 TOB Traduction Œcuménique de la Bible

5
Introduction

C’est seulement jusqu'à l’apparition de l’édition 2010 de la Traduction


Œcuménique de la Bible des Éditions Cerf (TOB) que le Troisième livre
d’Esdras se trouve en langue française courante de manière accessible au
grand public et non seulement sous forme fragmentaire dans certaines
études spécialisées1. Par contre, les livres d’Esdras et de Néhémie (E-N),
qui comme nous le verrons, ont été considérés dans l’Antiquité comme un
seul livre, se trouvent toujours dans les éditions de la Bible les plus
diverses et même de provenances variées, religieuses et laïques.
Dans la TOB le Troisième livre d’Esdras, qu’on appellera simplement
« 3 Esd », se trouve sous la classification des « Livres deutérocanoniques »
et à l’intérieur de la deuxième section des « Autres livres
deutérocanoniques admis par les orthodoxes », avec le Quatrième livre
d’Esdras, le Troisième et Quatrième livres des Maccabées, la Prière de
Manassé et le Psaume 151.
On doit comprendre, pour des raisons pratiques l’utilisation du terme
« deutérocanonique2 » plutôt propre à un contexte Catholique Romain, dans
une édition française appelée œcuménique, et de la même manière la
référence aux « orthodoxes », qui peut désigner de façon générale les
Églises historiques « d’Orient », chalcédoniennes et préchalcédoniennes.

1
On trouve le livre, par exemple dans le Dictionnaire des Apocryphes I de J.-P.
Migne (Paris, 1856) avec une introduction de Dom Calmet.
2
Le terme « deutérocanonique » fut originalement utilisé par le théologien Sixtus de
Sienne en 1566 pour désigner les livres bibliques qui ne se trouvent pas dans le canon
hébraïque. cf. « Canon of the Old Testament », dans International Standard Bible
Encyclopedia, vol. II.

6
Les bibles utilisées aujourd’hui par les Églises contiennent un nombre
différent de livres, et ce phénomène concerne aussi les Églises orientales,
comme résultat des procès historico-ecclésiastiques particuliers de chacune.
Les livres d’E-N et 3 Esd ont été reçus de manières distinctes pendant
l’histoire par les diverses communautés, juives et chrétiennes.
Apparemment 3 Esd jouissait d’une popularité importante parmi les
premiers auteurs chrétiens et aussi parmi certains savants juifs tel que
Flavius Josèphe. Le passage de 3 Esd le plus apprécié et cité par les Pères
de l’Église est celui sur l’éloge de la vérité (dans l’histoire des Trois
gardes), lequel n’a pas de parallèle dans Esdras-Néhémie ou ailleurs dans la
Bible
Avec la fermeture du canon hébreu et le ‘rejet’ du livre par Jérôme,
Esdras-Néhémie remplaça 3 Esd et il prit une importance majeure,
spécialement en Occident chrétien, mais même en Orient.

On essaiera sur cette étude de comprendre de manière générale mais


ponctuelle le processus de réception des deux livres 3 dans les bibles
utilisées par les Églises. Pour accomplir cet objectif on se propose trois
étapes :
La première doit aborder un examen des sources primaires, d’une
perspective diachronique et une autre synchronique. C'est-à-dire, pour
comprendre dès le commencement, d’un côté l’origine probable des textes,
les milieux producteurs, les contextes historiques, et les traductions des
œuvres comme unités complètes, et de même des documents ‘insérés’
comme sources internes. Il faut comprendre sur ce point que même les
spécialistes ne sont pas toujours sûrs au sujet des hypothèses multiples, et
ne sont pas d’accord sur certains sujets, mais on peut aborder la
problématique en mentionnant les postulats des savants.
3
Ou bien, des trois livres si on compte 1 Esdras et Néhémie de manière séparée.

7
D’un autre côté, le texte déjà formé, et reçu, nous montre le contenu du
discours des livres, les structures propres à chaque livre et les parallèles,
similitudes et différences entre les deux livres, ainsi que les références
internes à la Bible, et parfois même aux documents externes.

La deuxième partie concerne le problème des canons et comment ils


fonctionnent pour la Bible Hébraïque et la Septante, étant les sources
principales des textes bibliques pour les auteurs et traducteurs anciens et
même d’aujourd’hui.
Une explication générale lorsque l’on fait référence à la « Septante » ou
à la « Bible Hébraïque » s’avère nécessaire de la même manière, parce que
parfois ce sont des concepts qui ne sont pas totalement clairs.
Les premiers auteurs chrétiens ont essayé de délimiter l’ordre –par
exemple, en groupes- et le nombre des livres acceptables pour l’Église
naissante. Il est important de comprendre le processus historique de
formation des corpus bibliques, avec les multiples variantes (et recensions)
qui donnèrent comme résultat deux Bibles différentes, -et même deux
conceptions différentes- non seulement en ce qui concerne la langue, mais
aussi le texte, et également le nombre de livres.

Le dernier chapitre est dédié aux cas particuliers de quelques Églises, en


Orient et en Occident, en essayant de découvrir si les livres d’Esdras ont
été inclus, dans les premières traductions connues et si c’est le cas, s’ils
continuent à être considérés comme canoniques (ou selon une autre
désignation) ayant cours encore aujourd’hui.

Finalement, on peut souligner que l’importance de cette recherche pour


la théologie en général, et pour la théologie Orthodoxe en particulier,
consiste en montrer analytiquement et de manière ordonnée le procès de

8
réception des livres Premier, Deuxième et Troisième d’Esdras dans les
communautés historiques et les corpus bibliques chrétiens. Les trois livres
sont considérés comme canoniques pour les Églises Orthodoxes
Chalcédoniennes, cependant, ce statut n’est pas le même à l’intérieur des
autres confessions, spécifiquement en ce qui concerne 3 Esdras.
Apparemment il n’y a pas d’étude en langue française, ou même dans
d’autres langues, qui aborde le problème dans cette perspective, en
considérant tous les aspects ici traités. L’information qui a servi pour la
rédaction de ce mémoire se trouve de manière fragmentaire dans plusieurs
ouvrages généraux et scientifiques de diverses perspectives et en diverses
langues. C’est pour cela que cette recherche peut être utile pour d’autres
études postérieures plus profondes, ou simplement comme petite œuvre à
consulter pour ceux qui, comme les étudiants de théologie, ont besoin de
trouver ces informations réunies et commentées.

9
1. Chapitre I : Examen des sources
L’examen des sources qui suit ne prétend pas être exhaustif, mais veut
poser en manière d’introduction, les éléments nécessaires pour développer
l’analyse du sujet qui est l’aboutissement de ce mémoire.
La synchronie analyse les articulations structurelles du dernier texte (ou
texte reçu), à la différence de la diachronie, laquelle étudie l’histoire de la
formation de l’œuvre. Le philosophe Paul Ricœur, en parlant des méthodes
historico-critique (diachronie) et sémiotique (synchronie), appelle la
première une « généalogie », et concernant la deuxième une « anatomie »
des textes1.
Les sources utilisées, les différentes étapes de la formation du livre, les
milieux producteurs, leurs destinataires et le contexte historique font partie
de ce que l’analyse diachronique aborde.
Le contenu du livre, sa structure, son plan, l’intrigue narrative (si c’est
le cas), et sa relation avec d’autres livres à l’intérieur de la Bible sont sujets
d’étude dans un cadre synchronique.
‘Anatomie’ et ‘généalogie’ sont complémentaires et fréquemment sont
utilisées conjointement pour traiter thèmes et enjeux exégétiques.

1
cf. RICŒUR, P. «Herméneutique philosophique et herméneutique biblique.» Dans
Du texte à l'action: Essais d'herméneutique II, 28-29.
11
1.1 La Généalogie des sources

1.1.1 Esdras et Néhémie

Les livres d’Esdras2 et de Néhémie originellement ne faisant qu’un, se


trouvent dans les Ketubim3 de la Tanakh4, entre le livre de Daniel et I-II
Chroniques, et ainsi que dans la Septante (LXX), appelés Esdras B’, entre 3
Esdras5 (Esdras A’) et Esther. Des auteurs juifs comme l’historien Flavius
Josèphe 6 et chrétiens, par exemple Méliton de Sardes 7 , attestent l’usage
antique de l’unité des livres. Ce sont Origène8 et Jérôme9 qui les séparent10.
Ainsi, dans la Vulgate (Vg.) on trouve l’ordre suivant : Esdras, Néhémie
considéré comme 2 Esdras ; 3 Esdras (le grec Esdras A’), et celle-ci ajoute
4 Esdras. Parmi les Manuscrits de Qumrân, à l’intérieur de la grotte 4,
l’équipe de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem a

2
hb. ar"z>[,, gr. Ἔsdraj ou même Ἔζρας, lat. Esdras.
3
« Les Écrits »
4
La Bible Hébraïque.
5
En français normalement est suivie la nomenclature latine 1 Esdras (Esdras), 2
Esdras (Néhémie), 3 Esdras (pour Esdras A’), 4 Esdras (pour l’apocryphe Apocalypse
d’Esdras plus deux autres sections) cf. LANGLOIS M. «3-4 Esdras.» Dans Introduction
à l'Ancien Testament.
6
Contre Apion ; b. San 93b.
7
Voir Annexe II.
8
Chez Eusèbe de Césarée (Hist. Eccl. VI, xxv, 2) il y a une citation textuelle
d’Origène qui énumère les « livres canoniques [τὰς ἐνδιαθήκους βίβλους], selon la
tradition hébraïque »: « […] Esdras, premier et second livres [Ἔζρας α’ β’], en un seul,
Ezra [Ἔζρα], c'est-à-dire : Auxiliaire ; Livre des psaumes […] »
9
Prologus Galeatus.
10
« Sous l’influence des textes grecs et latins, la tradition juive adoptera cette
division à la fin du Moyen Age (en 1448) » ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans
Introduction à l'Ancien Testament, p. 706.

12
trouvé des fragments hébreux et araméens d’Esdras11, qui sont proches des
textes Massorétiques (MT).
Les livres de la Bible Hébraïque se trouvent donc écrits, en deux
langues : La plupart en ‘hébreu biblique tardif’, et certaines sections12 en
‘araméen impérial’13.
L’auteur Philippe. Abadie14 suggère pour la compréhension des sources

incluses dans le texte, une étude séparée de trois unités narratives :

a) Esdras 1-6. Section bilingue 15 , rapporte les événements entre le


retour de l’exil (538) et la dédicace du nouvel temple (515). Probablement
un rédacteur tardif du même cercle sacerdotal qui a fait la relecture des
Chroniques 16 , inséra cette unité narrative qui contient multiples sources
claires d’origine diverse, à savoir :
Les Sources qui sont écrites en Hébreu :

 ‘L’édit de Cyrus’ (1,2-4) D’après Mario Liverani, « l’édit en


question […] est certainement faux, comme l’indiquent l’analyse
de la forme et les anachronismes »17 C’est un document constitué
à une époque ou le Temple était déjà reconstruit et avait une
rivalité avec le temple de Samarie, ce qui est logique dans
l’ensemble discursif du livre.
11
4Q117= 4Q Esdras.
12
Esdras 4,8-6,18 ; 7,12-26.
13
cf. SMITH-CHRISTOPHER, D. L. «Ezra-Nehemiah.» Chap. 15 dans The Oxford
Bible Commentary, 308.
14
ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans Introduction à l'Ancien Testament,, 706-
707
15
En hébreu Esd 1,1-4,7 et en araméen 4,8-6,18.
16
cf. NOËL, D. Cahier Evangile 121: Au temps des Empires; De l'Exil à Antiochos
Epiphane (587-175)., p. 7.
17
LIVERANI, M. La Bible et l'invention de l'histoire, p. 342.

13
La théologie du texte est « nourrie des thèmes déutero-isaïens18
du Reste et du nouvel Exode » 19
* FBJ 2 R 25,13-17 Les
Arnaud Sérandour, nous explique Chaldéens brisèrent les
l’une des raisons pour laquelle colonnes de bronze du Temple
de Yahvé, les bases roulantes
l’édit est peu probable : et la Mer de bronze qui étaient
dans le Temple de Yahvé, et ils
« En réalité, Cyrus se conforme à en emportèrent le bronze à
une tradition suivie par les souverains Babylone.14 Ils prirent aussi
assyro-babyloniens de déclarer, à leur les vases à cendres, les pelles,
avènement au trône, l’amnistie générale les couteaux, les navettes et
de tous ceux, hommes et dieux, que tous les ustensiles de bronze
qui servaient au culte.15 Le
leurs prédécesseurs avaient faits
commandant de la garde prit
prisonniers, sans acception de peuples les encensoirs et les coupes
20
ou de dieux. » d'aspersion, tout ce qui était en
or et tout ce qui était en argent.
16 Quant aux deux colonnes, à
Cependant, il faut noter qu’il y la Mer unique et aux bases
a certains auteurs comme E. J. roulantes, que Salomon avait
fabriquées pour le Temple de
Bickerman 21 qui considèrent le Yahvé, on ne pouvait évaluer
ce que pesait le bronze de tous
décret comme essentiellement ces objets. 17 La hauteur d'une
colonne était de dix-huit
authentique, même si la forme coudées, elle avait un
actuelle a été éditée, et le contexte chapiteau de bronze et la
hauteur du chapiteau était de
dans le livre est partiellement cinq coudées; il y avait un
treillis et des grenades autour
incorrect. Cette position propose du chapiteau, le tout en bronze.
De même pour la seconde
colonne.
18
On considère traditionnellement le « deuxième Isaïe » ou « Deutéro-Isaïe » les ch.
40-55 (et parfois le ch. 35 est ajouté), même si certains spécialistes comme Kratz (1994)
ou Steck (1992) questionnent l’unité du texte. Les thèmes propres de cette section sont :
a) Le nouvel Exode, b) la création, en utilisant le verbe ar"åB' bārā’ ; c) l’élection d’Israël
et la restauration de Jérusalem.
Cyrus est présenté comme un instrument de Yhwh pour sauver Israël.
cf. COGGINS, R. «Isaiah.» Chap. 22 dans The Oxford Bible Commentary ; et
VERMEYLEN, J. «Ésaïe.» Dans Introduction à l'Ancien Testament.
19
ABADIE, P. Cahier Évangile 95 : Le livre d'Esdras et de Néhémie, p. 15.
20
SÉRANDOUR, A. «Histoire du Judaïsme aux époques perse, hellénistique et
romaine.» Dans Introduction à l'Ancien Testament, p. 84.
21
cf. BICKERMAN, E.J. « The Edict of Cyrus in Ezra 1 » en Studies in Jewish and
Christian History.

14
le décret araméen d’Esd 6, 3-5 comme une transcription officielle
des archives impériales et celui d’Esd 1, 2-4 comme « le décret
oral », formulé en langue locale22. En addition, on a deux autres
témoins écrits en grec, celui du Troisième livre d’Esdras (1, 2ss.),
et celui dans les Antiquités Juives (XI, 1ss.) de Flavius Josèphe
qui probablement cite une version du même 3 Esd.
Pour Martin Noth23, un autre auteur qui aborde le sujet, c’est le
‘Chroniste’ (Chr) même qui a rédigé de manière libre l’édit d’Esd
1, en suivant celui du ch. 6.

 L’inventaire des objets cultuels du Temple (1,9-11) Thème


littéraire qui cherche à établir une continuité liturgique entre
l’institution ancienne et la pratique nouvelle ou rétablie.
Historiquement, ce qui relate le texte biblique est très
improbable :
« Il est douteux en effet que les ustensiles cultuels aient survécu au
pillage par les troupes babyloniennes24. Ils auraient plutôt été fondus,
comme le laisse entendre 2 R 25, 13-17* » 25

 Une liste de rapatriés (2,1-70) La liste parallèle de Ne 7 est


normalement considérée prioritaire (comme source) à celle d’Esd
226.

22
cf. GRABBE Lester L. Judaism from Cyrus to Hadrian., p. 34-35.
23
“From the decree of Cyrus (1.2-4), which he [Chr. himself] formulated freely on
the basis of 6.3-5, he concluded that the building of the temple must have been started
immediately after the return” NOTH, M. The Chronicler's History, p. 62.
24
‘Babyloniennes’, c'est-à-dire, ‘néo-babyloniennes’ ou ‘chaldéennes’.
25
SÉRANDOUR, A. «Histoire du Judaïsme aux époques perse, hellénistique et
romaine.» Dans Introduction à l'Ancien Testament, p. 86.
26
cf. par exemple, WILLIAMSON, H.G.M. Ezra, Nehemiah., p. 29-30, et
GRABBE L. Judaism from Cyrus to Hadrian, p.38-39.

15
Les critères de classification dans le document sont divergents :
claniques, géographiques ou mixtes ; la liste est certainement « le
résultat d’une fusion de matériaux divers » 27
Quant à la datation de l’information utilisée, on peut dire que les
listes reflètent divers groupes de population dans une période
longue d’immigration, qui n’était ni massive ni organisée.

Passons maintenant aux sources écrites en Araméen Imperial :

 Lettres (4,6.7)
 Lettre de Rehoum au roi Artaxerxès (4,8-16) et réponse du roi
(4,17-22) Le mot pour ‘lettre’, [hr"ïG>ai, (´iGGürâ)], est un hapax
28
legomenon araméen propre d’Esdras. Apparemment le
document était authentique, ou du moins la séquence du récit. P.
Abadie considère la lettre comme « littérature de propagande »
de la part des autorités, qui diabolisaient ceux qui ont commencé
les travaux, à fin d’obtenir la permission royale d’arrêter les
29
travaux de reconstruction, par méfiance vers les juifs .
Historiquement, cet échange épistolaire inséré par le rédacteur,
appartient au contexte de la restauration du rempart de Jérusalem,
vers 450.
Le texte parallèle d’Aggée 1 explique le retard pris dans les
travaux du temple par le manque de zèle des Judéens30.

27
ABADIE, P. Cahier Évangile 95 : Le livre d'Esdras et de Néhémie, p. 17.
28
Un hápax est un mot qui apparait seulement dans un livre ou une seule fois dans
toute la Bible. L’importance de trouver un mot propre de la langue utilisée à l’époque
perse, et absent du reste de la littérature biblique, consiste en donner au document inséré
une référence ‘cronotopique’, c'est-à-dire, de temps et de lieu dans l’histoire.
29
cf. Ibid., p. 27.
30
cf. ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans Introduction à l'Ancien Testament, p.
707.

16
 Lettre de Tattnaï au roi Darius FBJ
Aggée 1:4 Est-ce donc
(5,6-17) Un document babylonien pour vous le moment de
rester dans vos maisons
daté de 502 mentionne à Ta’atani, lambrissées, quand cette
Maison-là est dévastée ?
assistant du satrape Oushtanni qui
fut assigné a Transeuphratène
jusqu’en 516. Or, l’inspection mentionnée en Esdras peut dater de
518.31
 Mémorandum de Cyrus (6,3-5) et réponse du roi Darius (6,6-
12) Pour P. Abadie, le décret araméen permettant la construction
du Temple est « ‘substantiellement’ authentique »32 à différence
de l’hébreu d’Esd 1.

b) Le Mémoire d’Esdras (ME) Esd 7-10 et Ne 8. L’idée d’un mémoire


d’Esdras comme document authentique est un sujet controversé, et certains
auteurs, la rejettent. M. Noth33, par exemple, considère qu’il n’y a pas de
bonne raison pour ne pas considérer ‘le Chroniste’ comme l’auteur, qui a
suivi ses sources (le décret d’Artaxèrxe en Esd 7,12-26 ; la liste d’Esd 8,1-
18 et le MN) et souligne que le récit en ‘je’ est fortement dépendant du
MN.
On reconnait, par conséquent, un double récit parallèle des événements :
Le « récit en ‘je’ », d’un style ‘autobiographique’ (Esd 7,27-9,15), et le
« récit en ‘il’ », plus narratif (Esd 7,1-11 et 10, 1-44). D’après Abadie, ce
ne sont pas des sources indépendantes, le second récit fonctionne comme
« une paraphrase éditoriale dont le but est d’inscrire le héros, le prêtre-
34
scribe Esdras, dans la lignée des fondateurs mosaïques » 35 Le même

31
cf. NOËL D. Cahier Évangile 121: Au temps des Empires; De l'Exil à Antiochos
Epiphane (587-175), p. 35.
32
ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans Introduction à l'Ancien Testament, p. 707.
33
cf. NOTH, M. The Chronicler's History, p. 64.
34
Esd 7,1-5 Généalogie qui relie Esdras à Aaron.

17
spécialiste considère que le ME fut rédigé par Esdras lui-même et fut après
modifié par un éditeur qui l’intégra à l’ensemble ME + MN. 36Semble ainsi
être Ne 8 un fragment probable du même ME déplacé ex professo par
l’éditeur.
Le ME utilise le système de datation de la Torah, avec mois chiffrés,
autant que le MN use les noms du système babylonien37.

c) Le Mémoire de Néhémie (MN) Ne 1-7 et Ne 9-13. De la même


manière que le ME, le MN contient un récit en ‘je’ et un autre en ‘il’. Ce
dernier, est peu homogène, et comporte des matériaux divers (listes, récits,
relectures). Abadie38 et Grabbe39, proposent cette solution sur les récits :
La première étape de rédaction serait un « compte rendu » pour le roi
Artaxerxès ou simplement pour les autorités persanes, autour de la
reconstruction du rempart de Jérusalem confiée a Néhémie. Après cela, une
supplique adressée à Dieu est ajoutée. Comme dans le ME, un éditeur (le
Chroniste ?) rédigea le récit en ‘il’ et après, un autre éditeur plus tardif
ajoute les derniers éléments40.
Le MN appartient à un genre littéraire à but apologétique propre du
Proche-Orient ancien, appelé « mémoires dédicatoires ». Deux outres
exemples41 de ce type de littérature sont la stèle de Mésha, roi moabite du
milieu du IXe siècle av. J.-C.; et les Mémoires de Oudjahorresne, haut

35
ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans Introduction à l'Ancien Testament, p. 708.
36
cf. ABADIE, P. Cahier Évangile 95 : Le livre d'Esdras et de Néhémie, p. 7.
37
cf. SMITH-CHRISTOPHER, D. L. «Ezra-Nehemiah.» Chap. 15 dans The Oxford
Bible Commentary, p. 318.
38
cf. ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans Introduction à l'Ancien Testament, p.
709-710.
39
cf. GRABBE, L. Judaism from Cyrus to Hadrian, p. 36.
40
Ne 3, 26a ; 7,1 ; 7,5b-8,1.
41
cf. BODI, D. Jérusalem à l'Époque perse, p. 80-81.

18
fonctionnaire de la cour d’Égypte sous la domination perse au VIe siècle av.
J.-C.
Finalement, on peut ajouter quelques commentaires sur d’autres sources
concernant le document :

 Ne 10, 2-28 (10, 1-27 Vulgate). C’est la liste de gens qui voulaient
maintenir la Loi. Document qui n’appartenait pas au MN, mais
considéré en général comme basé sur les archives réelles du
Temple 42 . L’auteur en copiant la liste des familles et personnes,
voulait montrer l’unité du peuple face aux dispositions proposées.
 Ne 11. Composition des divers documents qui mentionne les noms
de ceux qui sont retournés pour repeupler Jérusalem au temps de
Néhémie. Les vv. 25-36 mentionnent des villages en dehors de
Jérusalem (et peut-être, même en dehors de Juda en ce temps là43), ce
qui renforce l’idée de plusieurs sources. En plus, la liste dans la LXX
est plus réduite. On trouve certains parallèles avec 1 Chr 9.
 Ne 12,1-26. La liste de prêtres et lévites, peut être un document
original du temps du roi Joakim, et complétée avec l’addition des
noms des vv.19-21. Les vv. 1-9 ont été créés en relation avec les vv.
12-2544. L’addition de cette liste au livre de Néhémie est de datation
difficile 45.

42
cf. GRABBE, L. Judaism from Cyrus to Hadrian, p. 40.
43
cf. Idem.
44
cf. WILLIAMSON, H.G.M. Ezra, Nehemiah, p. 361.
45
Pour certains auteurs comme Grabbe, en suivant d’autres œuvres, l’addition est du
période Perse, cependant, pour Williamson, par exemple, elle est du période
Hellénistique. cf. GRABBE, L. Judaism from Cyrus to Hadrian, p. 41 et
WILLIAMSON, H.G.M. Ezra, Nehemiah, p. 361.

19
1.1.2 Le Troisième livre d’Esdras

La nomenclature biblique se réfère de diverses manières au livre


d’Esdras A’ : La plupart des spécialistes français utilisent l’ordre latin où il
est désigné comme 3 Esdras 46 . La littérature anglo-saxonne l’appelle 1
Esdras 47 . Les Bibles slaves, arméniennes et éthiopiennes l’appellent 2
Esdras48 .
Le Troisième livre d’Esdras est une traduction d’un document hébreu49
protomassorétique (TpM), qui est différent des textes pré-massorétiques
traduits par l’Esdras B’ et les Paralipomènes50de la Septante. Également, il
est différent des textes massorétiques (TM) de la Bible Hébraïque.
Parmi les trois manuscrits grecs en onciale -c'est-à-dire, qui furent écrits
en lettres mayuscules- les plus importants qu’on conserve, on trouve 3
Esdras dans :

 A ou 02, Codex Alexandrinus, Ve siècle. Londres, British


Museum.
 B ou 03, Codex Vaticanus, IVe siècle. Rome, Bibliotheca
Vaticana.

46
L’ensemble Esdras-Néhémie constitue les livres 1 et 2 Esdras ; Esdras A’
devienne donc, 3 Esdras ; et l’Apocalypse d’Esdras est 4 Esdras, et même parfois, divisé
en trois sections c’est appelé 4,5, et 6 Esdras.
47
Esdras B’ se désigne comme ‘Ezra’ ; Néhémie, ‘Nehemiah’ ; Esdras A’,
‘1Esdras’ et l’Apocalypse, ‘2 Esdras’.
48
Esdras B’=1 Esdras; Néhémie; Esdras A’= 2 Esdras; Apocalypse d’Esdras= 3
Esdras.
49
Ou bien, bilingue, comme Daniel et Esdras-Néhémie, spécialement en ce qui
concerne l’histoire des tris gardes qui a été probablement écrite en araméen.
50
Chroniques.

20
Tandis que le Codex Sinaiticus (‫ א‬ou 01) a une lacune entre les livres de
1 Chroniques et d’Esdras-Néhémie, donc on ne peut pas savoir si le
manuscrit contenait 3 Esdras.
On peut mentionner pareillement des autres témoins documentaires
importants51 :

 V, Codex Venetus, VIIIe siècle. Rome, Bibliotheca Vaticana.


(texte fragmentaire : 1, 1-9,1)
 Ostracon 841 en écriture onciale. New York Metropolitan
Museum of Art. (texte fragmentaire: 9, 21-24)
 98 Escorial Σ-II-19. XIIIe siècle. Madrid, Biblioteca Real.
 397 Escorial Ψ-I-8. XVIe siècle, copie du 98 qui contient des
fragments manquants dans l’autre. Madrid, Biblioteca Real.
 381 Escorial Ω-I-13. XIe siècle. Madrid, Biblioteca Real.
 108. XIIIe siècle. Rome, Bibliotheca Vaticana.

La datation proposée dépend des hypothèses rédactionnelles, mais le


vocabulaire de la traduction grecque est propre au IIe siècle ou au début de
l’Ier siècle avant notre ère, comme celui des autres livres tels que le
Siracide, Judith, Esther, 1 et 2 Macabées, ou Daniel52. Il est probable aussi
que l’origine de cette traduction soit le milieu égyptien (alexandrin ?). La
composition du Vorlage hébreu ou araméen peut être inscrite au IIIe siècle
av. J.-C. par la réalité historique et le milieu culturel reflétés.53

51
cf. DIEZ MACHO, A. Apócrifos del Antiguo Testamento. Vol. II. p. 449.
52
cf. LANGLOIS, Michel. «3-4 Esdras.» Dans Introduction à l'Ancien Testament,
p. 826.
53
cf. JAPHET, S. «I Esdras.» Chap. 49 dans The Oxford Bible Commentary, p. 753.

21
Une des hypothèses, celle d’André Canessa54, propose que le Troisième
livre d’Esdras fut traduit par le même Jason de Cyrène auteur de l’œuvre en
cinq volumes qui est la source principale du Second livre des Maccabées. Il
considère que 3 Esd et 2 Mac partagent des caractéristiques discursives :

« Les deux textes ont pour thèmes principaux la résistance et


l’observation très stricte de la Loi, le refus de la compromission ; les
deux textes montrent et justifient la perte de leurs privilèges par les
prêtres issus d’Aaron ; les deux textes entretiennent les mêmes
rapports d’opposition avec le double (Esd B’ et 1 M). »55

On sait que 2 Mac est l’abrégé de l’œuvre monumentale de Jason de


Cirène. On appelle « l’abréviateur » à la personne qui a fait l’adaptation du
texte. Probablement c’était un juif de Palestine qui a travaillé sur les livres
du juif égyptien –Jason- au tour de 124 av. J.-C. On ne sait pas si
l’abréviateur a modifié également la traduction de 3 Esd.
Une autre solution pour le problème de l’auteur (ou le traducteur) est
proposée par Albert-Marie Denis, même s’il la mentionne seulement
comme une possibilité : « Le grec a été jugé proche de celui de Dan., et
peut-être du même traducteur »56
Zipora Talshir57, une autrice contemporaine, considère que l’auteur ou
le rédacteur de 3 Esd appartint à une génération postérieure de celle qui
écrivit les livres de Chroniques (l’École du Chroniqueur) et quand les livres
d’Esther et Daniel existaient déjà58.

54
cf. CANESSA, A. «De l'originalité d'Esdras A'.» Dans Selon les Septante: Trente
études sur la Bible grecque des Septante. En hommage à Marguerite Harl, p. 87ss.
55
Ibid., p. 88.
56
DENIS, A.-M., et al. Introduction à la littérature religieuse judéo-hellénistique.
p.813.
58
« The author or the redactor, who wove it into the history of the Restoration and
fathered the impossible course of events describen in 1 Esd, has nothing to do with the
masters of the Chronicler’s school. I Esd was born in a later generation, in a period
that had already seen the creation of such Books as Esther and Daniel and, later, the

22
Le livre relate l’histoire du royaume de Juda, de la célébration de la
Pâque par Josias, les derniers rois, la chute de Jérusalem et la prophétie de
Jérémie sur les soixante-dix ans de désolation. Le récit passe directement à
l’Époque perse avec l’édit de Cyrus et continue jusqu'à la lecture solennelle
de la Loi après la construction du Temple et les reformes d’Esdras. Ainsi,
l’information trouve des parallèles dans les livres d’Esdras-Néhémie et 2
Chroniques.
3 Esdras contient, en plus, un récit qui lui est propre et qui est absent des
outres livres bibliques, car il provient d’une source indépendante. C’est
« l’histoire des trois gardes ». Cette narration ou légende (aggada59) selon
l’opinion de certains auteurs60 a contribué -dans certains canons- à donner
le caractère « apocryphe » à 3 Esd. Pour savants tels que Z. Talshir61 et A.-
M. Denis62, l’histoire des trois gardes fut la ‘raison d’être’ du texte hébreu-
araméen qui a donné la base au Troisième livre d’Esdras. Le livre donc,
relate l’histoire de la Restauration de manière que le centre soit la narration
des trois gardes avec Zorobabel comme figure principale.

additions to Esther and the apocryphal stories attached to Daniel. » TALSHIR, Z. I


Esdras: From Origin to Translation, p.109.
59
De l’araméen ‫אגדה‬, ‘récitation’. C’est à dire que probablement elle était une
légende populaire connue.
60
“The major part of 1 Esd (chs. 1-2 and 5-9) is, however, a rather straightforward
Greek translation of a text that runs parallel to 2 Ch 35-36, Ezra 1-10 and Neh 8. Only
the additional Story of the Three Youths (chs. 3-4) gave the book its apocryphal
position.” TALSHIR, Z. “Synchronic Approaches with Diachronic Consequences in the
Study of Parallel Redactions: First Esdras and 2 Chronicles 35-36; Ezra 1-10; Nehemia
8s." Dans Yahvism after the Exile: Perspectives on Israelite Religion in the Persian Era,
p. 199.
61
“It seems very likely that there existed a Hebrew-Aramaic work whose raison
d’être was the Story of the Youths. The Story of the Youths is the core of the book;
without it, all the rest of I Esd is pointless.” TALSHIR, I Esdras: From Origin to
Translation 1999, p.106.
62
cf. DENIS et al. A.-M., et al. Introduction à la littérature religieuse judéo-
hellénistique. Vol. I, Pseudépigraphes de l'Ancien Testament, p. 806 ss.

23
63
La figure de Sheshbaççar parfois est identifiée avec celle de
Zorobabel. Les textes bibliques, spécialement ce du troisième livre
d’Esdras, montrent des actions équivalentes pour les deux personnages, par
exemple, 3 Esd 6,18 nous dit que les objets du Temple ont été délivrés « à
Zorobabel et à Sheshbaççar le gouverneur». L’identification de
Sheshbaççar avec Zorobabel est plus forte en 3 Esd qu’en E-N, et nous
pouvons interpréter cela comme un désir de souligner la continuité du
nouveau temple par rapport au premier, et sa relation avec la famille royale,
parce que Zorobabel est présenté comme fils de Shéaltiel en E-N64, et 3 Esd
remarque que lui est descendant du roi Josias, de la maison de David65.

A.-M. Denis, propose le texte des trois gardes comme « une pièce sans
doute antérieure à 3 Esd., peut-être rédigée en grec et non, alors d’origine
étrangère, ou peut-être perse, dans ce cas, traduite de l’araméen »66
Selon le récit des trois gardes, qui à un parallèle (mais avec des
divergences significatives) dans les Antiquités Juives (XI, 32ss.) de F.
Josèphe, Zorobabel porte le titre honorifique de Garde de corps du roi67 au
temps de Darius. Ce récit composé par deux genres littéraires, la narration
historique et l’histoire de sagesse, contient éléments d’origine juive,
hellénistique, et même de tradition perse. Dans les livres bibliques on
63
Sheshbaççar, est appelé dans Esd 1, 8 ‫שיא‬ִׂ ָ‫( נ‬nāsi), lit. ‘Celui qui est élevé’, c'est-à-
dire, désigne à un chef ou un prince, sens qui est reproduit en grec : ἄρχων, mais aussi il
faut préciser que le terme hébreu n’implique nécessairement royauté ; et dans Esd 5, 14,
il est ‫( ֶּפחָה‬pehāh), ‘gouverneur’, 3 Esdras (3Esd 2,11/2,12/LXX 2,8) l’appelle
προστάτης, lit. ‘Celui qui est devant’, proche de l’hébreu ; et ἐπάρχῳ, gouverneur.

64
Esd 3,2 et 8 ; 5,2 ; Ne 12,1 ; Ag 1,1 ; 12 ; 14 ; 2,2 et 23. 1 Ch 3,19 dit que
Zorobabel est fils de Pedaya, frère de Shéaltiel, ce qui ne change pas la descendance
davidique.
65
3 Esd 5, 5 ; Mt 1, 11-13 ; Lk 3, 27.
66
DENIS, A.-M., et al. Introduction à la littérature religieuse judéo-hellénistique.
Vol. I, Pseudépigraphes de l'Ancien Testament. p. 807.
67
Verbe σωματοφυλακέω qui signifie « être garde de corps ».

24
trouve, par exemple, un motif semblable sur un roi achéménide (Xerxès ?)
qui donne un banquet dans le livre d’Esther, et Néhémie (2, 3-9) demande
au roi Artaxerxés aussi la reconstruction de Jérusalem. Dehors la Bible, on
peut mentionner des récits avec une thématique semblable : Dans les
Maximes d’Ahiqar 68 le pharaon Nectanébo et Sarhédom-Lycurgue une
question est posée en forme de défi. Le banquet des sages dans la Lettre
d’Aristée est de même, un exemple.
Le récit a une valeur historique très douteuse, mais on peut souligner
quelques points particuliers importants69 :

a) La destruction du premier Temple n’est pas attribué directement aux


babyloniens, mais aux édomites, qui apparemment, comme c’est
attesté par les textes (cf. Ps.137, 7 [136 LXX]), ont contribué
effectivement à brûler le Temple.
b) Les ustensiles du Temple n’ont pas été renvoyés à Jérusalem par
Cyrus.
c) Le décret de Cyrus n’est pas mentionné.
d) L’histoire suggère que Cyrus à détruit Babylonie, fait qui n’est pas
confirmé par aucune autre source70.

68
Œuvre littéraire originaire de Mésopotamie antique, rédigée en araméen au plus
tôt à la fin durant le dernier siècle de l'empire assyrien, le VIIe siècle av. J.-C. Ce texte
se présente comme le récit des mésaventures d'un dignitaire de la cour royale
assyrienne, mais aussi comme une compilation de proverbes, donc un texte de « sagesse
». Il a Il est aujourd'hui essentiellement connu grâce à des papyrus retrouvés en 1906 à
Éléphantine en Égypte datés du règne du roi perse achéménide Darius II (fin du Ve
siècle av. J.-C.).
Pour cet étude, on a consulté l’introduction et la version du Livre araméen d’Ahiqar
d’E. MARTÍNEZ BOROBIO, dans A. DIEZ MACHO Apócrifos del Antiguo
Testamento vol. III, Madrid, Cristiandad, 1982.
69
cf. JAPHET, S. «I Esdras.» Chap. 49 dans The Oxford Bible Commentary, p. 759.
70
Les sources cunéiformes comme le Cylindre de Cyrus et la Chronique de
Nabonide (tous les deux au British Museum) reflètent la version officielle : Cyrus a pris
Babylonie « sans combat ni bataille ». Xénophon aussi présente le pouvoir de Cyrus

25
e) Il n’y a pas mention de Zorobabel désigné comme gouverneur de
Judée.
Dans cette histoire, Zorobabel demande à Darius la permission pour
quitter Perse à fin de reconstruire le Temple et Jérusalem ; la restitution des
ustensiles du Temple et des terres occupées par les édomites, et une
généreuse exemption des impôts.
Le retour des exilés avec Zorobabel, est placé donc, en 1 Esd au temps
de Cyrus et dans le contexte de 3 Esd au temps de Darius (même si 5, 53-
55 mentionne à Cyrus).

On peut établir le cadre suivant sur 3 Esd:


Tableau 1.
3 Esdras Parallèle Événements
1, 1-22 (LXX 1, 2 Ch 35, 1- La Pâque de Josias
1-20)71 1972
1, 25-33 2 Ch 35, 20- Mort de Josias à Meggido
7
1, 34-58 2 Ch 36, 1- Yoakhaz74, Yoyaqim75, Yoyakîn76, la chute de
2173 Jérusalem et la prophétie de Jérémie.

comme accepté par les vaincus et avec leur consentement (Cyr. I, 1, 4 ; cf. Diodore IX,
24).
cf. BRIANT, P. Histoire de l'Empire Perse: De Cyrus à Alexandre. p. 50-51.
71
Les versets se trouvent numérotés de manière différente dans la LXX et dans la
Vulgate. Des traductions bien connues tel que la King James avec apocryphes (KJA),
celle de Lancelot Brenton (Londres, 1851 ; LXA) et même la version orthodoxe
synodale russe (1996 : RSO) suivent la division de la Bible latine. La nouvelle édition
de la TOB suit la LXX. Pour cette raison certaines œuvres exégétiques, et ce mémoire,
sauf indication, suivent aussi l’ordre des versets de la Vulgate.
72
Le verset grec de LXX en 2 Ch 35, 19 est considérablement plus long que celui
du TM, et qui est parallèle à 2 R 23, 24-27.
73
LXX ajoute 2 R 23, 31-33 dans le v. 36, 2 ; 2 R 23, 35 dans le v. 36, 4 et de la
même manière successive dans outres versets.
74
ָ ְ‫( י‬yühô´äHäz) ; LXX Esdras A’ Ιεχονιας ; LXX Paralipomènes B’ Ιωαχαζ ;
‫הֹוא ָ ָ֖חז‬
TOB
Yoakhaz ; FBJ Joachaz ; CJB Y'ho'achaz.
75
‫(יְ הֹויָ ִָ֑קים‬yühôyäqîm); LXX Esdras A’ Ἰωακίμ ; LXX Paralipomènes B’ Ἰωακίμ ;
TOB
Yoyaqim ; FBJ Joiaqim; CJB Y'hoyakim.

26
2, 1-15 Esd 1, 1-11 L’édit de Cyrus.
2, 16-30 Esd 4, 6-24 Opposition à la reconstruction.
3, 1-5,6 Les trois gardes
5, 7-46 Esd 2, 1-70 Retour des Judéens (liste)
5, 47-66 Esd 3, 1-13 Restauration du culte et début de la construction du
Temple.
5, 67-73 Esd 4, 1-5 La construction est arrêtée.
6, 1-22 Esd 5, 1-17 La reconstruction continue.
6, 23-34 Esd 6, 1-12 Confirmation officielle du permis de construction.
7, 1-15 Esd 6, 13-22 Le Temple est terminé et dédié, la Pâque est célébrée.
8, 1-27 Esd 7, 1-28 Esdras arrive à Jérusalem (Mémoire d’Esdras (ME))
8, 28-67 Esd 8, 1-36 Retour des Judéens (2e liste)
8, 68-90 Esd 9, 1-15 Les mariages mixtes sont dénoncés, prière d’Esdras
(ME)
8, 91-96 Esd 10, 1-5 L’expulsion des femmes étrangères est décidée (ME)
9, 1-36 Esd 10, 6-44 Expulsion des femmes étrangères et de leur fils (ME)
Ne 1, 1-7,71 Mémoire de Néhémie (MN)
9, 37-55 Ne 7, 73-8, Lecture publique de la Loi (ME)
12
Ne 8, 13-13, ME et MN
31

Le Troisième Livre d’Esdras, en rassemblant les informations d’avant et


d’après l’exil en Babylonie, établit un discours de continuité du peuple
d’Israël et de leur institutions. La fracture historique que représente la
période babylonienne est minimisée, et par contre, l’accent est mis sur la
restauration d’un moment historique idéalisé, celui du roi Josias, un
moment également de réformes qui avaient comme centre le rejet de
syncrétismes religieux, un yahvisme centralisé dans le Temple de
Jérusalem et une Loi ‘mosaïque’ unique et régulatrice. La figure de
Zorobabel et celle d’Esdras qui est même appelé « grand-prêtre » (9, 40 et
49) prennent un rôle déterminant, tandis que dans ce récit, Joshua est
déplacé et Néhémie est absent.

76 TOB
‫( יְ הֹויָ ִ֥כין‬yühôyäkîn); LXX Esdras A’ Ἰωακίμ; LXX Paralipomènes B’ Ἰωακίμ;
Yoyakîn ; FBJ Joiakîn; CJB Y'hoyakhin.

27
1.2 Deux récits : L’anatomie d’une seule histoire avec tonalités
(La Synchronie)

« La Bible », mot singulier qui provient d’un pluriel grec qui signifie
« les livres », et désigne en même temps, une œuvre complète en elle-
même, et aussi la somme de divers textes individuels de provenance
chronologique, géographique, sociale et idéologique très variée,
traditionnellement groupés en unités plus larges. La désignation juive
« Tanakh » exprime déjà une classification en trois ensembles :
l’Enseignement ou la Loi, les Prophètes et les Écrits.
Le sujet principal de ce mémoire est la réception des deux 77 livres
d’Esdras qui se trouvent dans l’ordre78 de la LXX : Esdras-Néhémie, et 3
Esdras. C'est-à-dire que pour les Églises, et en général pour les lecteurs qui
suivent cet ordre, la perspective de ce qui est relaté, est peut-être plus
complexe car l’inclusion (ou exclusion) de 3 Esdras dans le corpus biblique
utilisé par le culte et la définition des dogmes, pose certains problèmes de
synchronie narrative, théologique et chronologique.
La poétique 79 biblique se manifeste en une variété de formes de
discours, de genres littéraires et de styles appelés par Ricœur « les
expressions originaires de la foi religieuse »80. À l’intérieur de l’ensemble
complet de la Bible, les textes fonctionnent de manière dynamique, en se

77
Ou bien les trois livres d’Esdras, si on considère de manière séparée Esdras (1
Esd) et Néhémie (2 Esd).
78
L’ordre mais pas seulement le texte grec de la LXX, parce que les textes reçus,
c'est-à-dire, les versions bibliques utilisées aujourd’hui sont basées aussi sur les TM.
79
Au sens large de poïèsis (ἦ ποίσις), ‘création’.
80
RICOEUR, P. «La philosophie et la spécificité du langage religieux.» Revue
d'histoire et de philosophie religieuses, n° 55 (1975), p. 15.

28
référant les uns aux autres, en se citant, en faisant des paraphrases. Les
textes, dans ce dynamisme polyphonique, projettent des messages
historiques et surtout, théologiques.
Les livres d’Esdras-Néhémie et 3 Esdras appartiennent au groupe de ce
qu’on appelle les ‘textes historiques’ de la Bible. Il faut comprendre que
quand on parle d’historiographie ancienne, normalement on se réfère aux
œuvres qui suivent les modèles classiques tels qu’Hérodote et Xénophon,
mais surtout Thucydide qui prétendait tendre à l’impartialité, l’exactitude et
fondamentalement à la vérité 81 . Le cas des livres bibliques dénommés
‘historiques’ ne correspondent à proprement parler, au modèle grec parce
qu’il manque telle prétention d’objectivité face aux événements historiques.
Les livres comme Samuel, Rois, Chroniques et Esdras décrivent des faits
de l’Histoire du peuple d’Israël, mais ce qu’ils transmettent est un message
théologique dont Dieu est l’Acteur ultime de l’histoire biblique, à savoir,
Dieu et sa relation avec sa Création et avec son peuple, un peuple qui prend
visage et définitions multiples, selon le texte et selon les exégèses. C’est l’
‘irruption’ de Dieu dans l’Histoire qui est révélé dans les unités narratives
de la Bible appelées ‘historiques’, et pour cette raison ne cherchent pas
raconter les faits avec impartialité ou bien avec l’exactitude chronologique
ou matérielle propres –au moins théoriquement- de la méthode de
Thucydide.
Les livres ‘historiques’ de la Bible font partie de l’Histoire au sens plus
large du mot. Les textes reçus -qui ont survécu pendant les siècles-, même
(ou plutôt, spécialement) avec ses modifications, reflètent une vision
historique. Le discours théologique nous parle de cette vision du monde, les
modifications de ce discours nous enseignent l’évolution des idées
religieuses.

81
cf. Histoire de la guerre du Péloponnèse I, 20-22.

29
La période qui suit immédiatement l’exil en Babylonie, c'est-à-dire, le
commencement de l’Époque Perse nous est transmise par deux types de
livres à l’intérieur de la Bible : D’un côté, les livres appelés ‘historiques’
d’Esdras-Néhémie et 3 Esdras ; de l’autre côté, les livres prophétiques
d’Aggée et de Zacharie. Chaque genre littéraire contient ses propres
éléments caractéristiques. Le discours et le message sont transmis d’une
manière différente pour chaque genre. L’analyse de ce mémoire se centre
spécifiquement sur les livres ‘historiques’, si bien que, les livres
prophétiques sont tenus en compte dans les cas adéquats.

Dans un premier niveau synchronique, il nous faut observer la place des


livres dans l’ordre interne de la Bible :
Dans le canon hébreu, Esdras-Néhémie se trouve à l’intérieur du groupe
des ketoubim, ou écrits, venant après le livre de Daniel, qui raconte une
histoire de l’époque relative à l’Exil, et avant les livres de Chroniques, eux-
mêmes de caractère ‘historique’. Les autres deux (ou quatre) livres
‘historiques’, Samuel et les Rois se trouvent dans le groupe des nebiim, ou
prophètes, et traditionnellement sont appelés, avec Josué et les Juges, les
« prophètes antérieurs ».
Dans l’ordre traditionnel de la Bible grecque82, huit livres ‘historiques’
se trouvent ensemble : Les quatre livres des Rois (Samuel I et II et Rois I et
II), les deux des Chroniques, 3 Esdras (A’) et Esdras-Néhémie (B’). Le
livre qui suit est Esther avec ses additions en grec. Les livres des
Maccabées, également de type ‘historique’ mais qui racontent une époque
postérieure, précèdent les Psaumes. Le fait que 3 Esdras soit placé entre les
Chroniques et Esdras-Néhémie, s’explique facilement puisque le ch. 1 qui
est parallèle à un fragment du livre des Chroniques, et qui est absent

82
Pas tous les manuscrits ne suivent nécessairement cet ordre.
30
d’Esdras-Néhémie, sert de pont discursif entre les époques du 1er et 2e
Temples.
Le deuxième niveau de synchronie concerne seulement les livres
d’Esdras : Le parallélisme des fragments entre les livres d’Esdras-Néhémie
et 3 Esdras a été déjà établi dans le Tableau 1.
Thématiquement on peut établir la séquence comparative suivante :

Tableau 2
Esdras-Néhémie 3 Esdras
Esd 1 Édit de Cyrus 1 De la Pâque de Josias
à la destruction du 1er Temple
Esd 2, Retour de Judéens 2, 1-14 Édit de Cyrus
1-4, 5 et début de la reconstruction
du Temple
 Lettres de Darius
 Liste
 Rétablissement du culte
(autel)
 Fondations du Temple
Esd 4, Opposition à la reconstruction de la 2, 15- Opposition à la reconstruction
6-24 ville 25 de la ville
Esd 5, Fin de la reconstruction 3-4, 46 Les trois gardes
1-6, 22 du Temple
Esd 7, Mémoire d’Esdras 4, 47- Retour de Judéens
1-10, 5, 70 et début de la reconstruction
44 du Temple
 Lettres de Darius
 Liste
 Rétablissement du
culte (autel)
 Fondations du Temple
et opposition
Ne 1, Mémoire de Néhémie : 6, 1-7, Fin de la reconstruction
1-7, 71  Mission de Néhémie, arrivé 15 du Temple :
à Jérusalem et opposition  Reprise de la
 Liste construction
 Reconstruction du rempart  Réponse de Darius au
 Repeuplement de Jérusalem gouverneur

31
 Dédicace du Temple et
célébration de la Pâque
Ne 7, Lecture solennelle 8, 1-9, Mémoire d’Esdras :
72 ; 8, de la Loi 36  Arrivé d’Esdras
1-12  Lettre d’Artaxerxés à
Esdras
 Liste
 Retour à Jérusalem
 Prière d’Esdras
 Renvoi des femmes
étrangères.
Ne 8, Mémoire d’Esdras 9, 37- Lecture solennelle de la Loi
13-13, et Mémoire de Néhémie : 55
31  Fête des Tentes
 Cérémonie d’expiation
et signature du document
d’engagement à la Loi.
 Listes
 Dédicace du rempart
 L’ « époque idéale »,
lecture de la Loi
et exclusion des étrangers.
 Seconde mission
de Néhémie

En comparant les deux textes, on trouve des ruptures dans la continuité


de l’histoire. La première se trouve au début de l’histoire : 3 Esd
commence à l’époque du roi Josias et Esdras-Néhémie avec l’édit de
Cyrus. Postérieurement, 3 Esd place la première opposition des
« Samaritains » à la reconstruction de Jérusalem (2, 16-30 [2,12-26 LXX])
immédiatement après l’édit de Cyrus. Esdras-Néhémie met l’opposition (4,
6-24) après le rétablissement du culte. Ensuite, l’histoire des Trois Gardes
est insérée dans 3 Esd, et absente de l’outre livre. Finalement, la dernière
fracture importante est l’information au tour de Néhémie, absente de 3 Esd,
qui finit par la lecture solennelle de la Loi après l’expulsion des femmes
étrangères.
32
Dans un troisième niveau de synchronie, on peut aborder des sujets à
l’intérieur d’un seul texte, comme par exemple le problème de la
chronologie interne ou de la distribution du texte.
C’est évident que ni 3 Esd ni Esd-Néh ne cherchaient à établir une
chronologie linéaire et historiquement logique, problème qui a suscité des
véritables fleuves d’encre parmi les exégètes. Particulièrement il existe
encore une difficulté concernent seulement le livre d’Esdras-Néhémie : La
séquence temporaire des événements entre les figures d’Esdras et de
Néhémie. Qui est arrivé avant à Jérusalem, Esdras ou Néhémie ? Est-ce
qu’ils ont travaillé ensemble ou non ? Ou même : Est-ce que la figure
d’Esdras est historiquement réelle ou est-elle une création littéraire du
cercle sacerdotal ?
Flavius Josèphe83 nous dit qu’Esdras précéda Néhémie et que le dernier
n’arriva à Jérusalem qu’après la mort d’Esdras. Cette position est adoptée,
par exemple, par Daniel Bodi : « Esdras a précédé Néhémie et les deux
personnages n’ont pas travaillé ensemble à Jérusalem à la même époque »
84

Selon l’ordre chronologique d’Esdras-Néhémie 85 , Esdras arriva à


Jérusalem avant Néhémie, « le 5e mois de la 7e année du roi
[Artaxerxès] »86 cependant, contrairement à ce qui dit Fl. Josèphe, le récit
biblique indique que le prêtre-scribe était présent durant la mission du
gouverneur Néhémie87.

83
Antiquités Juives XI, 158-159.
84
BODI, D. Jérusalem à l'Époque perse. p. 106.
85
L’ordre chronologique suivi par 3 Esd n’est pas en contradiction avec l’ordre du
texte massorétique d’Esd-Néh.
86
Esd 7,8.
87
Ne 8,9 ; 12,26.

33
La datation de la mission d’Esdras est très FBJ
Siracide 49:11
Comment faire l'éloge de
discutée, et la théorie qui propose l’arrivée Zorobabel? Il est comme
un sceau dans la main
d’Esdras après Néhémie a été traitée par droite; 12 et de même Josué
divers exégètes 88
qui ont considéré -par fils de Iosédek, eux qui, de
leur temps, construisirent le
exemple-, que le roi Artaxerxès d’Esd 7 est en Temple et firent monter
vers le Seigneur un peuple
fait Artaxerxès II Mnémon. Certains autres saint, destiné à une gloire
éternelle. 13 De Néhémie le
arguments ont été posés, comme le fait souvenir est grand, lui qui
qu’Esdras remercie a Dieu de la bienveillance releva pour nous les murs
en ruine, établit portes et
des rois perses « grâce à laquelle a été donné verrous et releva nos
89
habitations.
un gāḏēr ‘muraille, mur d’enclos ’ aux
FBJ
90 2 Macabées 1:18
Israélites » , faisant allusion probablement à Comme nous allons
la reconstruction faite par Néhémie. Autre célébrer, le 25 Kislev, la
purification du Temple,
argument est que dans Ne 11, 3ss. Néhémie nous avons jugé bon de
vous en informer, afin que
connaît les hommes venus avec Zorobabel, et vous aussi vous la célébriez
à la manière de la fête des
non pas ceux qui sont venus avec Esdras (Esd Tentes et du feu qui se
8). Au temps de Néhémie (13, 4), le prêtre manifesta quand Néhémie,
ayant construit le sanctuaire
Elyashiv est chargé des chambres du Temple, et l'autel, offrit des
sacrifices.
et Esdras (10, 6) « se rendit à la salle de
Yohanân fils d’Elyashiv91 ».
La possibilité d’Esdras comme une figure inventée ou simplement
exagérée par le Chroniqueur ou par quelqu’un du cercle sacerdotal (et

88
cf. ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans Introduction à l'Ancien Testament, p.
711-713 ; BODI, D. Jérusalem à l'Époque perse, p. 103-106 ; SMITH-
CHRISTOPHER, D. L. «Ezra-Nehemiah.» Chap. 15 dans The Oxford Bible
Commentary , p. 309-310.
89
Argument linguistique douteux, le terme gāḏēr peut-être métaphorique.
90
BODI, D. Jérusalem à l'Époque perse, p. 104.
91
Yohanan fils d’Elyashiv serait le grand-prêtre mentionné dans le papyrus Cowley
o
n 30 et 31 d’Elephantine, cependant, le phénomène de paponymie (grand père et grand
fils ont le même prénom) typique des peuples sémites, et qui est bien attesté à l’époque,
est un argument qui peut invalider l’autre.
cf. Ibid., p. 105.

34
lévitique), fut proposée aussi par les savants tels que C.C. Torrey en 191092,
et d’autres qui ont suivi la même ligne, surtout basée en l’absence d’Esdras
dans le MN qui est un document plus probable historiquement que celui
d’Esdras93. On peut constater l’absence également dans le Siracide (49, 11-
13) qui par contre, mentionne Zorobabel et Néhémie, et l’absence dans le
IIe livre des Maccabées où Néhémie apparait comme le fondateur du
deuxième Temple.
Pour le propos de cette recherche on adoptera l’ordre traditionnel du
livre d’Esdras-Néhémie, parce que c’est la séquence du texte reçu qui nous
montre le message théologique et la lecture historique transmis par la
littérature biblique étudiée dans le présent mémoire.

1.3. Conclusions pour le Premier Chapitre

Les deux livres d’Esdras, c'est-à-dire, 3 Esdras d’un côté et l’ensemble


Esdras-Néhémie d’un autre côté, sont les textes bibliques de caractère
‘historique’ qui racontent la période de retour de l’exil en Babylonie et la
construction du deuxième Temple de Jérusalem. Tous les deux établissent
un discours de continuité avec l’époque royale du premier Temple, avant
l’exil. En conséquence, ils contemplent les travaux comme une
reconstruction. Les deux livres partagent des fragments très semblables et
contiennent des sources externes authentiques insérées, même si elles ont
été arrangées en dehors du contexte original, ou modifiées pour établir une
cohérence discursive avec le reste du texte.

92
cf. TORREY, C.C. Ezra Studies.
93
« Nous pouvons affirmer sans ambages que la valeur historique de complexe
Esdras-Néhémie repose principalement dans les Mémoires de Néhémie. Ces Mémoires
sont d’une tout autre trempe que le récit d’Esdras » BODI, D. Jérusalem à l'Époque
perse, p. 108.

35
Pour l’ensemble d’Esdras-Néhémie on a deux textes reçus : celui de la
LXX en grec (Esdras B’), et celui des Textes Massorétiques (TM) dans la
Bible Hébraïque, qui est bilingue, c'est-à-dire, qui contient des fragments
en hébreu et en araméen impérial.
Le TM et le texte grec présentent des variantes, ce qui nous indique que
le Vorlage était différent : La source sémitique utilisée par la traduction
grecque était un texte pré-massorétique (TpM) différent du texte utilisé
pour établir le TM.
Or, pour le Troisième livre d’Esdras on n’a que le texte grec de la
Septante (Esdras A’), et apparemment, c’était un TpM aussi différent de
ceux utilisés pour les deux versions d’Esdras-Néhémie.
De toute façon, le Vorlage sémitique peut être daté entre le IIe et IIIe
siècle av. J.-C., et les traductions grecques entre le Ier et le IIe siècle av. J.-C.
L’identité des auteurs et des traducteurs reste inconnue, même si
certains savants proposent des hypothèses, comme on l’a déjà commenté
tout au long de chapitre. Seulement on peut conclure que les deux livres ont
été composés à différents moments par différentes personnes, et avec des
positions théologico-historiques divergentes. Probablement la composition
de 3 Esd est légèrement antérieure à celle de l’ensemble E-N.
3 Esd présente un texte original dans la Bible : L’histoire des trois
gardes. Cette histoire, vraisemblablement plus ancienne que le livre
biblique, a été proposée comme la raison d’être pour la composition et
certains auteurs postérieurs citèrent spécialement la section qui parle de la
vérité. La figure de Zorobabel est centrale dans ce récit, et donne cohérence
à la structure discursive de 3 Esd.
L’ensemble E-N, présente l’histoire de Néhémie (MN) attachée à celle
d’Esdras (ME). Les mémoires de Néhémie, qui sont, selon l’opinion déjà
commentée des savants, historiquement plus fiables, sont absentes de 3
Esd.

36
Finalement, les deux livres présentent des chronologies divergentes à
certains moments, mais thématiquement semblables en général (voir le
Tableau 2).

37
2. Chapitre II : La Bible Septante et la Bible Hébraïque : Les

textes et les canons


2.1 La Bible Hébraïque

On trouve dans la Bible que le roi Josias


2 Rois 23, 3 « Le roi
lit devant le peuple le livre de la Loi [Josias] monta à la Maison du
(sepher ha-torah) qui avait été « trouvé » Seigneur avec tous les hommes
de Juda […], les prêtres et les
dans le Temple pendant les travaux de prophètes et tout le peuple du
plus petit au plus grand. Il lut
restauration. Le prêtre-scribe Esdras, après devant eux tout le contenu du
livre de l’alliance trouvé dans
l’exil en Babylonie, de la même manière, lit la Maison du Seigneur »
la Loi (ha-torah) devant le peuple
Ne 8, 2-3 « Le prêtre
assemblé. Même si les récits sont Esdras apporta la Loi devant
historiquement inexacts, on peut penser à l'assemblée, où se trouvaient
les hommes, les femmes et
un texte établi de la Loi -qui avait relation tous ceux qui étaient à même
de comprendre ce qu'on
avec ce qu’on comprend par le entendait. C'était le premier
jour du septième mois. Il lut
Pentateuque-, et qui était destiné à la dans le livre, […] depuis
lecture publique, au moins à l’époque l'aube jusqu'au milieu de la
journée, en face des hommes,
Perse. des femmes et de ceux qui
pouvaient comprendre. Les
Pendant l’exil babylonien les rouleaux oreilles de tout le peuple
étaient attentives au livre de la
des écrits du Temple –et des autres Loi. »
institutions telles que le palais- ont été sans
2 Mac 2, 13 « Dans ces
doute dispersés, perdus ou détruits. écrits et dans les mémoires de
Néhémie, il était raconté, en
La synagogue (beth hakenéseth) 1 est – plus de ces mêmes faits, que
possiblement-, une institution qui a ses Néhémie, fondant une
bibliothèque, y réunit les
origines à l’époque de l’exil, -bien que la livres concernant les rois et les
prophètes, ceux de David et
tradition rabbinique, ainsi que Philon des lettres de rois au sujet des
offrandes »

1
‫ « בית הכנסת‬Maison d’assemblée » en hébreu ; le terme « synagogue » vient du grec
συναγογή [synagoge] qui a le sens d’un lieu pour se rassembler.

39
d’Alexandrie 2 et Flavius Josèphe 3 affirment
4 Esd 14, 37-47 Alors je
qu’elle remonte à Moïse- et dans laquelle le pris les cinq hommes, ainsi
qu’il me l’avait commandé ;
peuple s’y réunissait pour lire et expliquer nous nous rendîmes dans le
champ et nous y
les Écritures. La synagogue devint, de la demeurâmes. 38 Et le
même manière, un endroit pour la prière. Les lendemain, voici qu’une voix
m’appela en disant :
savants qui donnaient instruction sur les « Esdras, ouvre ta bouche et
bois ce que je te donne à
livres sacrés étaient appelés « sopherim », boire. » 39 J’ouvris la
bouche, et voici qu’on me
c'est-à-dire, « scribes », ou « hommes des tendait une coupe pleine ;
lettres ». Esdras 8, 16 mentionne deux elle était comme remplie
d’eau, d’une couleur
« hommes judicieux » (mebinim), semblable à du feu. 40 Je la
pris et je bus, et lorsque je
probablement instructeurs des Écritures. l’eus bue, mon cœur faisait
jaillir l’intelligence, en mon
Néhémie 8, 7 parle de ceux qui sein croissait la sagesse, et
« expliquaient la Loi au peuple ». Le prêtre mon esprit conservait le
souvenir. 41 Et ma bouche
Esdras était considéré un « scribe [sopher] s’ouvrit et elle ne se ferma
plus.
expert dans la Loi de Moïse » (Esd 7, 6)
La stabilité politique et religieuse de la 42 Et le Très-Haut donna
l’intelligence aux cinq
période Perse permit la compilation de hommes, et ils écrivirent
(tout) ce qui était dit dans
documents, et également, un grand travail fut l’ordre, au moyen de
commencé à fin de copier, rétablir, et si caractères qu’ils ne
connaissaient pas. Et ils
nécessaire, traduire les textes. Selon la demeurèrent assis pendant 40
jours. Eux ils écrivaient
tradition –spécialement rabbinique-, Esdras durant le jour 43 et la nuit ils
mangeaient leur pain ; moi, je
fut le promoteur de cette entreprise. La parlais durant le jour et la
figure du prêtre-scribe s’amplifia nuit je ne me taisais pas. 44
Ainsi furent écrits, pendant
considérablement dans la littérature les 40 jours, 94 livres… »

intertestamentaire dont le rôle devient comparable à celui de Moïse : « Si


Moïse ne l’avait précédé, Esdras aurait été jugé digne de transmettre la

2
De vita Mosis III, 27.
3
Contre Apion II, 17.

40
Thora à Israël »4 et « Alors qu’Israël avait oublié la Torah, Esdras arriva de
Babylonie et la rétablit »5
Le IVe livre d’Esdras (14, 37ss.), à la fin du premier siècle de notre ère,
relate l’œuvre d’édition d’Esdras et son groupe de travail de cinq hommes.
Le prêtre reçut dans une révélation l’inspiration à la manière des prophètes.
Il but une coupe pleine d’eau de couleur du feu et parla quarante jours a ses
hommes, lesquels ayant reçu aussi l’intelligence du ciel, écrivirent de jour
et de nuit « les quatre-vingt-quatorze livres6 » (v.44) À la fin de ce travail,
Dieu lui ordonna de séparer vingt-quatre livres qui pouvaient être lus par
tout le monde, et de garder soixante-dix autres destinés seulement aux
sages du peuple. Malheureusement nous ne savons pas les noms des livres
destinés à la lecture publique et de ceux qui ont été destinés qu’à la lecture
des « sages ».
Le Deuxième livre des Maccabées (2, 13) nous dit que Néhémie fonda
une bibliothèque et y rassembla parmi d’autres, les écrits relatifs aux rois,
aux prophètes, et à David. L’ordre indiqué dans le récit « ne correspond pas
à celui du canon parce que celui-ci n’existe pas encore » 7
La Torah s’est constituée très probablement jusqu’au retour de l’exil et
son autorité était majeure en relation avec des autres écrits, mais il faut
considérer qu’à ce moment là, ces autres corpus comme le prophétique et
celui relatif à l’époque royale, jouissent aussi d’une certaine importance.
Trois groupes des textes commencent à se distinguer comme résultat des
travaux :

4
Talmud de Babylonie (=TB), Sanhedrin 21 b.
5
TB, Soukka, 20 a.
6
Le nombre de livres change selon la version.
7
TRUBLET, J. «Constitution et clôture du canon hébraïque.» Dans Le canon des
Écritures : Études historiques, exégétiques et systématiques, p.79.
41
a) La Loi, qui est utilisée dans la liturgie 2 Cor 3:14 Mais leur
entendement s'est
comme nous montre le livre de Néhémie, obscurci. Jusqu'à ce jour
et d’autres auteurs tels que Philon 8 ou en effet, lorsqu'on lit
l'Ancien Testament, ce
encore Paul dans la Deuxième épître aux même voile demeure. Il
Corinthiens (3, 14). n'est point retiré ; car
c'est le Christ qui le fait
b) L’histoire deutéronomique et les disparaître.
Prophètes « amputé de quelques textes
qu’on ajoutera ultérieurement » 9
c) Le troisième corpus des livres apparemment exclus des lectures
faites le jour du shabbat par raisons diverses. « Pour la plupart, ils
remontent à une date aussi ancienne que les livres de la Thora ou des
Prophètes, mais on les classe à part et ils jouissent d’une autorité
moins grande » 10

Le prologue du Siracide (1, 1), vers la deuxième moitié du II e siècle av.


J.-C., atteste déjà une division en trois sections ou groupes de livres :
« Puisque la Loi, les Prophètes, et les autres écrivains qui leur ont succédé
nous sont transmis tant de grandes leçons ».
Quant à la traduction faite au temps d’Esdras et de Néhémie, nous
savons qu’en cette époque, les gens utilisaient la langue araméenne et non
plus l’hébreu. Le Talmud de Babylonie 11 nous dit que la Torah était

8
Quod omnis probus liber sit 81.
9
TRUBLET J. «Constitution et clôture du canon hébraïque.» Dans Le canon des
Écritures : Études historiques, exégétiques et systématiques, p. 80.
10
Idem.
11
« Mar Zoutra (et selon d’autres : Mar ‘Ouqva) a enseigné :
« A l’ origine, la Tora a été donnée à Israël en caractères hébraïques et en langue sainte
(c’est-à-dire en hébreu). Plus tard, à l’époque d’Ezra, elle a été donnée en caractères
assyriens et en langue araméenne. Finalement, c’est l’écriture assyrienne et la langue
sainte qui ont été données à Israël, et l’écriture hébraïque et la langue araméenne ont été
abandonnées aux ignorants » TB, Sanhedrin 21b-22a.

42
originellement écrite en Hébreu et en caractères paléohébraïques
(« caractères hébraïques ») Elle fut traduite en Araméen –qui était la langue
courante-, et en caractères carrés (« caractères assyriens »). On appelle
« targumim », pluriel de « targum » [‫ ]תרגום‬qui signifie « interprétation »,
aux traductions araméennes de la Bible.
Finalement, les caractères carrés restèrent, mais la langue hébraïque –
appelée « sainte » dans le Talmud- s’imposa et non l’araméenne.
La tradition juive attribue également à Esdras la fondation de la
kéneseth hagedola, ou « la grande synagogue » -même si « l’existence de
ce collège a été mise en question par les savants modernes : »12-, un corps
des rabbins ou ‘docteurs’ lesquels adaptaient, développaient et
transmettaient les doctrines en accord avec les conditions de leur époque.
Les membres étaient probablement recrutés parmi les sopherim à cause de
leur connaissance des textes sacrés.
L’intense activité des scribes continua pendant la relative tranquillité de
la période Perse. Avec les Séleucides, la situation deviendra plus pénible.
La tolérance de la diversité culturelle et religieuse des gouvernants
perses avait été, de manière générale imitée par les rois grecs, mais la
menace extérieure (romaine) provoqua des changements d’ordre politique
et économique à l’intérieur de l’empire. En 189 avant J.-C. après la bataille
de Magnésie du Sipyle, Antiochos III dut se soumettre au traité de paix
avec les romains et à un lourd tribut13. C’est cette situation économique
difficile qui explique en part pourquoi en 168/169 Antiochos IV Épiphane
pénétra dans le Temple de Jérusalem en prenant ce qu’il y trouva de

12
COHEN, A. Le Talmud., p. 28.
13
La paix d’Apamée, signée en -188 limite à Antiochos III à la ligne Halys-Taurus,
le prive de ses éléphants, limite sa flotte, exige des otages, parmi lesquels son fils, le
futur Antiochos IV, et lui impose une indemnité de 12000 talents en 12 annuités. cf.
NOËL, D. Cahier Evangile 121: Au temps des Empires; De l'Exil à Antiochos Epiphane
(587-175)., p. 57.

43
précieux14. Plus tard, et très probablement avec le soutien du parti des juifs
hellénisants, le roi fera construire dans le Temple « l’abomination de la
désolation » mentionné dans le Premier livre des Maccabées (1, 54). Une
révolte juive éclata.
À ce moment là, -le temps des Maccabées-, presque tous les livres qui
constituent la Bible Hébraïque sont déjà constitués en textes hébreux
uniformes :
« Avant l’ère chrétienne, l’ensemble des Écritures saintes
reconnues comme telles par les juifs, non seulement avait vu le jour,
mais bénéficiait d’un statut particulier par rapport à d’autres ouvrages
composés à la même époque. […] Les fluctuations ne concernaient en
outre que quelques ouvrages des Hagiographes. » 15

Le mot ‘hagiographes’ signifie en général des écritures saintes, mais se


donne proprement aux œuvres qui se trouvent dans le troisième corpus de
la Bible Hébraïque, c'est-à-dire, les « ketoubim » 16 . Le livre d’Esdras-
Néhémie appartient à ce groupe des textes, et en conséquence, le Troisième
livre d’Esdras était aussi classifié de la même manière, avant d’être exclu
du canon hébraïque. Les livres des Maccabées (I et II) furent écrits dans la
dernière moitié du IIe siècle av. J.-C.
Avec la décadence des souverains grecs, et le pouvoir croissant de
Rome, l’ancienne région de la Transeuphratène est devenue zone
d’influence romaine. Certains territoires jouissaient d’une autonomie
relative, tel est le cas de l’État des Hasmonéens fondé après la révolte des
Maccabées. Plus tard -l’Égypte inclus-, ces territoires ont été transformés

14
Pratique courante à l’époque, nous savons, par exemple, que son père, Antiochos
III meurt en -187 lors du pillage d’un temple en Elymaïde.
15
TRUBLET, J. «Constitution et clôture du canon hébraïque.» Dans Le canon des
Écritures : Études historiques, exégétiques et systématiques, p. 110.
16
Le Psautier, Job, les Proverbes, Ruth le Cantique des Cantiques, l’Ecclésiaste,
Lamentations, Esther, Daniel, Esdras-Néhémie et les deux livres des Chroniques.

44
simplement en provinces vassales de la République Romaine, et après, de
l’Empire.
Le dernier Séleucide, Philippe II -ironiquement appelé « Philoromaios »
qui signifie « ami des romains »-, règne brièvement (67-64 av. J.-C.)
comme roi client de Rome, avant d’être déposé, et après assassiné Un an
plus tard, en -63, le général Pompée .prendra la ville de Jérusalem défendue
seulement par le parti des saducéens. Hyrcan II, soutenu par les pharisiens,
est confirmé comme ethnarque et Grand Prêtre. Le gouvernement est
détenu par les Romains à travers d’Antipater.
En l’an 66 de notre ère une nouvelle révolte juive est déclenchée, cette
fois contre les Romains. Selon La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe, les
causes immédiates furent un sacrifice païen devant l’entrée de la synagogue
de Césarée et le détournement de 17 talents du trésor du Temple de
Jérusalem.
Le général Flavius Vespasien, -le futur empereur- est chargée de
reprendre le control de la Galilée et la Samarie. Il interrompt la guerre
contre les insurgés pour prendre le pouvoir qui est vacant après l’assassinat
de Néron César. Il laisse le commandement des légions de Judée à son fils
Titus –aussi futur César-, qui met le siège devant Jérusalem en 70.
Au début du siège la ville est tenue par trois factions zélotes rivales qui
luttent et se trahissent entre elles. Flavius Josèphe déjà du côté des Romains
est témoin du siège et de la prise de la ville. Apparemment plusieurs essais
de négociations de la part de Titus ont fracassé à cause de la division entre
les juifs. Finalement la ville est prise et le Temple Hérodien fut brulé.

Selon la tradition juive, Johanan ben Zakkaï, le plus distingué disciple


de Hillel, avant la chute de Jérusalem, il préconisa la paix avec les romains,
car par lui l’indépendance était moins importante que le maintien du

45
judaïsme. Pendant le siège de la ville il fit courir le bruit de sa mort, à fin
de sortir de la ville -dont les portes étaient gardées par les zélotes- dans un
cercueil. Au camp des Romains il parla avec Vespasien17, en prophétisant
pour lui la couronne de l’Empire. Le rabbin « lui adressa cette requête :
« Accorde-moi Yabné et ses sages. » (Gittin, 56 b.) L’empereur y consentit
et tint parole : cette localité ne subit aucun dommage. »18 Ainsi l’école de
Yabné –ou ‘Yamnia’, par son nom en grec-, au sud de la Palestine, devint
le centre de la pensée juive après la destruction du Temple.
Quelques années plus tard, l’assemblée des rabbins des académies
d’alentour se réunirent à Yabné pour déposer Gamaliel II et installer à sa
place Éléazar ben Azariah. D’après la Mishna19, ce jour là, ils décidèrent
que le Cantique des Cantiques et Qohélet « souillent les mains », c'est-à-
dire, selon l’interprétation de certains auteurs, tels que Dominique
Barthélemy20, et Jacques Trublet21, que ces livres étaient considérés comme
Écriture sainte.
L’assemblée de Yabné est fréquemment référée comme un concile ou
synode d’autorité, qui se proposa de statuer sur le canon des Écritures –et
particulièrement sur les Hagiographes- de manière définitive. Cependant,

17
En fait, c’était Titus (39-81 après J.-C.) qui assiégeait la ville et non son père
Vespasien (9-79 après J.-C.). Cependant, la tradition ne se trompe totalement puisque le
nom de tous les deux était Titus Flavius Sabinus Vespasianus et tous les deux devinrent
empereurs avec des noms presque identiques : César Vespasien Auguste, le père, et
Titus César Vespasien Auguste le fils.
18
COHEN, A. Le Talmud, p. 36.
19
Mishna, Yadayim., 3, 5.
20
« Dire d’un livre qu’il « souille les mains » est donc, pour la Mishna et la Tosefta,
affirmer de façon très précise qu’il fait partie de la catégorie des Écritures Saintes »
BARTHÉLEMY, D. « Canon juif, canon chrétien » dans Les Canons de Écritures, p.
19.
21
« Conformément à l’interprétation que nous avons présentée de l’expression
« souiller les mains », nous pouvons dire que ces deux livres étaient alors considérés
comme Écriture sainte. » TRUBLET, J. «Constitution et clôture du canon hébraïque.»
Dans Le canon des Écritures : Études historiques, exégétiques et systématiques, p. 140.

46
« Yabné ne peut-être considéré de cette façon et la preuve en est que, bien
après cette période, on discutera encore et longtemps le statut de certains
livres » 22
Une fois de plus, avec les révoltes, la guerre civile et la chute de
Jérusalem, nombreux manuscrits furent détruits, et il fallait reconstituer des
collections et parvenir à un ‘texte standard’. Rabbi Akiba (50-135) est l’un
des maîtres les plus éminents de son temps. Étudiant à l’école de Yabné il
est devenu professeur vers 95-96. À la suite d’Esdras, de Néhémie, des
sopherim, ou de Judas Maccabée, « R. Akiba mit tout en œuvre pour mener
à bien cette entreprise difficile. S’il ne fut pas le maître d’œuvre, la
tradition le considère le juste titre comme inspirateur. » 23
On peut considérer en plus, quelques raisons claires pour cette
entreprise : Le nombre des variantes textuelles encore en circulation et les
arguments des chrétiens qui argumentaient à partir de la Septante.
Particulièrement, sur le sujet des targumim, on a notice de deux qui
étaient en usage pour les lectures à la synagogue au III e siècle : Le targum
d’Onkelos (‫)אונקלוס‬, sur le Pentateuque ; et celui de Jonathan sur les
prophètes24. La lecture publique des Écritures en hébreu était accompagnée
d’une explication en araméen (le targum) transmis originellement de
manière orale, mais que à manière des notations a côté du texte hébreu,
devint une version écrite, plutôt de style libre et exégétique que proprement

22
TRUBLET, J. «Constitution et clôture du canon hébraïque.» Dans Le canon des
Écritures : Études historiques, exégétiques et systématiques, p. 140.
23
Ibid., p. 112.
24
“At first the oral Targum was a simple paraphrase in Aramaic, but eventually it
became more elaborate and incorporated explanatory details inserted here and there
into the translation of the Hebrew text. To make the rendering more authoritative as an
interpretation, it was finally reduced to writing. Two officially sanctioned Targums,
produced first in Palestine and later revised in Babylonia, are the Targum of Onkelos
on the Pentateuch and the Targum of Jonathan on the Prophets, both of which were in
use in the third century of the Christian era” METZGER, B. "Important Early
Translations of the Bible", dans Bibliotheca Sacra 150, p. 35ss.

47
une traduction. Il faut préciser qu’on trouve un nombre très réduit de
traductions des Hagiographes à la langue araméenne parce que dans le
judaïsme rabbinique avait la tendance de considérer seulement
d’importance la traduction de la Loi et, au même temps, d’avoir une
opinion négative à propos de la traduction des ketoubim dans toutes les
langues. Cependant, pour certains rabbins, la traduction en langue grecque
était acceptable 25 . La prohibition d’écrire 26 les targumim probablement
concernait seulement la synagogue, mais non l’usage privé ou pour
l’étude27.
En ce qui concerne le corpus des hagiographes, il y a des targumim pour
les Psaumes, Job et les Proverbes ; pour les megillot, c'est-à-dire, les cinq
lectures publiques : Ruth pour la Pentecôte, le Cantique des Cantiques pour
la Pâque, le Qohéleth pour la fête de tentes (Tabernacle) ; Les
Lamentations pour la commémoration de la destruction du Temple ; et
Esther pour la fête des sorts (Pourim).Finalement il existe aussi targum
pour les livres des Chroniques, mais il est le plus tardif28.
Quant aux livres d’Esdras, Néhémie et Daniel spécifiquement, on n’a
pas notice d’aucun manuscrit d’un targum des ces livres.

25
Voir par exemple, Michna, Megilla I, 8. Gamaliel I interdit la traduction écrite des
Hagiographes dans toutes les langues, à l’exception du grec.
26
Talmud de Jérusalem (TJ) Michna, Megilla IV, 1.
27
“Another regulation was that the Targum was not to be written down ("Jer.
Meg.", IV, i = fol. 74d). This prohibition, however, probably referred only to the
interpretation given in the synagogue and did not apply to private use or to its
employment in study. In any case, written Targums must have existed at an early date.
Thus, for instance, one on the Book of Job is mentioned in the era of Gamaliel I (middle
of the first century A.D.)” SCHÛLHEIN, F. "Targum" The Catholic Encyclopedia. Vol.
14.
28
cf. STENNING, J. F. « Targum” dans Encyclopædia Britannica.

48
C’est à l’époque entre les deux révoltes juives, celle de 70 et la
deuxième, en 135 –ou R. Akiba eut un rôle important-, que se produisirent
les révisions des Bibles grecques avec des tendances fortement hébraïsantes
(et ‘judaïsantes’) comme celle d’Aquila et conformes au texte standardisé
qui fut progressivement sélectionné.
Ce moment dans l’histoire fut vraisemblablement décisif pour
l’inclusion ou exclusion des Hagiographes, et en conséquence par les livres
d’Esdras : Esdras B’, c'est-à-dire la version grecque d’Esdras-Néhémie était
une traduction mieux accordée au texte hébreu ‘standard’ de l’époque, donc
le livre d’Esdras A’ (3 Esd) qui est apparemment une traduction un peu
plus ancienne et basée en un texte hébreu différent à ce texte ‘standard’ fut
rejetée de facto.
Ce qui on connait aujourd’hui comme le « Texte Massorétique », est
une version de l’Ancien Testament considérée comme le texte ‘standard’,
ou le modèle selon lequel les éditions de la Bible Hébraïque sont faites.
Le nom de cette version est dérivé du mot hébreu pour ‘chaîne de
transmission’ ou ‘tradition’ 29 : ‫מסורה‬, (Massorah), et également des
‘massorètes’, ou ‘maitres de la tradition’ : ‫בעלי המסורה‬, (ba’alei ha
massorah). Successeurs des sopherim, certains hommes lettrés de diverses
‘écoles’, à partir du VIe et jusqu’au Xe siècle entreprirent la tâche d’assurer
la régularité et l’exactitude du texte biblique. Ils divisèrent le texte en
sections, phrases et mots, ils ajoutèrent signes vocaliques, des signes pour
aider à la récitation publique, et des annotations sur la forme oral de
certains mots, ainsi que les orthographes correctes.
Le système de vocalisation ‘tibérien’ qui plaçait les voyelles au-dessous
des lettres fut adopté comme norme et il s’utilise jusqu’à nos jours.

29
Le verbe ‫( מסר‬msr) peut-être rapporte aussi au fait de ‘compter’, car les
massorètes comptaient toutes les lettres de chaque livre. cf. l’article « Masorah et
accents massorétiques » dans le Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme, p. 714ss.

49
La version faisant autorité, d’après l’opinion et recommandation de
Moïse Maimonide30 (c. 1138-1204) dans sa Mishne Torah31 est le texte fixé
par Aaron ben Moshe ben Acher (Xe siècle) de l’école des massorètes de
Tibériade. Le plus ancien témoin est le Manuscrit d’Alep, découvert dans la
synagogue de cette ville en Syrie. Le manuscrit, partiellement détruit, est
daté du Xe siècle, et se trouve aujourd’hui à l’Institut Ben Zvi, en Israël. Le
Codex Leningradensis est fondé sur des manuscrits corrigés par Ben Asher,
et il est préservé complet dans la Bibliothèque Nationale Russe à Saint
Pétersbourg.
L'ordre des Livres du codex de Léningrad suit la tradition textuelle
tibérienne, et diffère de celui des manuscrits bibliques sépharades (sur
lesquels sont basées les éditions courantes) dans sa section Ketouvim. Dans
le codex de Léningrad, l'ordre est : Chroniques, Psaumes, Job, Proverbes,
Ruth, Cantique des Cantiques, Ecclésiaste, Lamentations, Esther, Daniel,
Ezra, Néhémie ; alors que dans les éditions courantes, les Chroniques ne
précèdent pas les Psaumes et Job suit les Proverbes.
Ce texte est largement utilisé comme base pour les éditions de la Bible
Hébraïque et pour les traductions de l’Ancien Testament des Bibles
protestantes principalement, mais aussi des autres versions.

30
Voir l’article « Maïmonide, Moïse » dans le Dictionnaire Encyclopédique du
Judaïsme, p. 684ss.
31
Moïse Maïmonide, Mishneh Torah, Sefer Ahava, Hilkhot Sefer Torah 8:4.

50
2.2 La Bible Septante (LXX)

2.2.1 La Bible d’Alexandrie et l’origine

Les livres d’E-N et 3 Esdras se trouvent dans ce qu’on appelle la Bible


des Septante, parfois la « Bible grecque », la « Bible d’Alexandrie » ou tout
simplement, « la Septante », abrégée en chiffres romains « LXX » ou en
grec « O’ ». Mais tout d’abord, la définition de ce qu’est la LXX n’est pas
toujours claire. Même dans l’Antiquité elle avait un sens large, et un sens
restreint, lequel est le sens originel : celui de la traduction grecque de la
Torah qui a été conservé par les auteurs juifs de l’époque hellénistique et
par les sources rabbiniques.
Dans la Lettre d’Aristée à Philocrate32 le roi Ptolémée33 (II Philadephe)
demande au grand-prêtre Eléazar six savants par chaque tribu d’Israël34,
afin de faire une traduction en langue grecque de la Loi des juifs, cet-à-dire,
du Pentateuque. L’œuvre est achevée miraculeusement en 72 jours comme
résultat de la concertation des 72 savants ! Ce récit, écrit par un juif
alexandrin qui se donne comme un hellène, est répété par Flavius Josèphe
et commenté par Philon d’Alexandrie35. Aristobule, un philosophe juif du
IIe siècle av. J.-C. mentionne de même la traduction de la Loi faite au temps
du « roi Philadelphe » à l’initiative de Démétrios de Phalère, le disciple
d’Aristote et, d’après Strabon, fondateur de la Bibliothèque d’Alexandrie.

32
Voir 35-40 ; 301-311, et Flavius Josèphe Antiquités Juives. XII, 11ss.
33
284-246 av. J.-C.
34
12 tribus, donc, 72 traducteurs. La chiffre de 70 traducteurs apparemment
provient des 70 anciens d’Israël, intermédiaires entre Moïse et le peuple d’Exode 24, 1 ;
ou bien, des 70 anciens de Nombres 11, 16-17.25.
35
Philon De Vita Mosis, II, 30ss.

51
Ceci est connu par un fragment de l’Exégèse de la Loi de Moïse cité par
Eusèbe de Césarée dans sa Préparation évangélique (XII, 12, 1-2).
Même si l’histoire réelle de la traduction est moins fantastique que celle
des récits, les sources mentionnées nous donnent une idée de l’origine de la
Septante.
L’historien romain de langue grecque Claudius Aelianus (Élien « le
Sophiste ») 36 nous dit que Démétrios de Phalère, chassé d’Athènes et exilé
en Alexandrie, contribua à la révision des lois du royaume quand Ptolémée
I Soter venait de fonder la dynastie des lagides en Égypte. Ce fait explique
l’intérêt pour connaitre la loi des juifs, et donc de faire une traduction
intégrale en grec de celle-ci. La communauté juive en Égypte, constituée
majoritairement par des mercenaires, marchands et artisans, mais aussi par
des fonctionnaires locaux, avait probablement le statut de politeuma 37 ,
c'est-à-dire que les lois de la polis concernaient seulement les citoyens,
mais d’autres communautés existaient ainsi reconnues légalement par le roi
et qui avaient la permission de suivre leurs propres lois.
Chez Irénée de Lyon38 l’initiative de la traduction appartient à Ptolémée
I fils de Lagos. Chez Clément d’Alexandrie, aussi du IIe siècle, dans les
Stromates (XXII, 1), l’œuvre fut « selon les uns, entreprise sous le roi
Ptolémée Lagos ou, selon les autres, sous Ptolémée dit Philadelphe […]
pendant que Dèmètrius de Phalère organisait minutieusement le travail ».

36
D’après Élien « le sophiste » Claudius Aelianus, Varia historia III, 17, Démétrios,
exilé à Alexandrie contribua avec Ptolémée I Soter à faire une révision des lois du
royaume. Cependant, on sait qu’au temps de Ptolémée II Philadelphe, il fut de nouveau
exilé, cette fois à l’Haute Égypte où il mourra vers -283. cf. Diogenes Laërtius v.78.
37
« L’organisation de la communauté juive en politeuma sémi-autonome n’est pas
attestée avec certitude au IIIe siècle avant notre ère » HARL, M. ; G. DORIVAL et O.
MUNNICH, La Bible Grecque des Septante: Du judaïsme hellénistique au
christianisme ancien, p. 67.
38
Adversus Haereses III, 21, 2.

52
Les Canons sur la Pâque (III, 20ss.)39 d’Anatole d’Alexandrie, évêque de
Laodicée, au IIIe siècle, nous disent que la traduction est due à l’initiative
des deux rois. Cyrille de Jérusalem, au IVe siècle, dans ses Catéchèses
Baptismales (IV, 52) 40 considère que le roi en question était Ptolémée
Philadelphe.
La traduction complète de la loi des juifs a été faite, donc, au temps des
deux premiers Ptolémées. Ceci fut fait probablement par des lettrés juifs
d’Égypte en non de Palestine.
En revanche, des traductions partielles de la Torah existaient dès le Ve
ou IVe siècle av. J.-C.41, et même l’on peut spéculer sur des traductions des
livres comme Josué qui ne font pas partie du Pentateuque, mais cela reste
purement hypothétique.
On ne connait pas avec d’exactitude les raisons pour la traduction au
grec de la Loi. Selon les sources anciennes qui reprennent la légende du roi
et des traducteurs, on peut déduire une initiative officielle de la part des
Lagides, par des motifs juridiques, politiques ou même personnelles :
L’intérêt du roi sur la législation. Cette explication n’est pas la seule. Les
juifs en Égypte à l’époque des Ptolémées utilisaient le grec comme langue
courante et non l’hébreu, donc des autres causes peuvent être signalés
comme probables pour la traduction : motifs de caractère cultuel,

39
Anatole d’Alexandrie Canons sur la Pâque. Patrologia Graeca vol. X, p.210
40
Voir l’Annexe II, sur Cyrille d’Alexandrie.
41
cf. HARL, M. ; G. DORIVAL et O. MUNNICH, La Bible Grecque des Septante:
Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, p. 45.

53
pédagogique42, apologétique43, de prosélytisme 44, ou simplement pour la
lecture personnelle45, parmi les plus évidents.
Le prologue du Siracide 46 nous indique l’existence en Égypte d’une
traduction grecque de presque tous les livres de l’A.T. D’après A. Rahlfs47,
le texte de cette époque (la fin du IIe siècle av. J.-C.) était plus ou moins en
concordance avec ce qu’on a aujourd’hui pour la LXX, même si de
multiples altérations on été faites postérieurement.
Au IIe siècle de notre ère, le sens large de « Septante » est répandu : il
désigne l’Ancien Testament en entier, spécialement parmi les auteurs
chrétiens. Justin de Naplouse48 est l’un des premiers auteurs qui désigne la
traduction grecque sous l’appellation des Septante. Il attribua aux 70
traducteurs l’Ancien Testament en incluant la Loi, les livres prophétiques et
les Psaumes49. De manière semblable, Clément50 et Cyrille d’Alexandrie51
considèrent la traduction des Prophètes –désignation parfois vague- comme
partie de l’œuvre des 70. D’autres auteurs tels qu’Épiphane de Salamine52,
considèrent même la traduction comme l’ensemble de l’Ancien Testament.

42
cf. BROCK, S.P. «The Phenomenon of Biblical Translation in Antiquity.» The
University of Birmingham Review.
43
cf. BARNES TATUM, D. «Canon juif, canon chrétien.» Dans Les Canons des
Écritures.
44
cf. MOMIGLIANO, A. Sagesses barbares: Les limites de l'hellénisation.
45
Idem.
46
L’Ecclésiastique, ou la Sagesse de Ben Sira.
47
cf. RAHLFS, A. trad. Septuaginta. 9e Éd. Vol. 1. p. XXII.
48
St. Justin Martyr, (c.103-c.165)
49
cf. par exemple, Dialogue avec Tryphon 30, 1 ou 124, 3.
50
Stromates I, XIII, I.
51
Contre Julien I, 16.
52
Traité des poids et mesures 3 et 6.

54
Or, en ce qui concerne la traduction de tous les livres, Harl, Dorival et
Munnich proposent, en considérant les diverses théories, la chronologie
récapitulative et probable suivante53 :

1. La Loi : Avant -210, mais peut être avant -282.


2. Josué. Avant -132
3. Juges. Première moitié du IIe siècle av. J.-C. ?
4. Ruth. Première moitié du Ier siècle de notre ère.
5. 1-4 Règnes. Le début du IIe siècle av. J.-C. (3 Regnes av. -150)
6. 1-2 Paralipomènes. Avant -150.
7. 1-2 Esdras (C'est-à-dire E-N et 3 Esd). Antérieurs à -100, dont 1
Esdras (3 Esd) serait un peu antérieur à 2 Esdras (E-N)
8. Esther. Avant 78-77.
9. Judith. Avant -100.
10.Tobit. IIe siècle av. J.-C.
11.1 Maccabées. Dernier tiers du IIe siècle av. J.-C.
12.Psaumes. Probablement début du IIe siècle av. J.-C.
13.Proverbes. -150 ?
14.Ecclésiaste. 128-130 ?
15.Cantique. Première moitié du Ier siècle de notre ère.
16.Job. -150
17.Siracide. -133 à -117
18.Psaumes de Salomon. Dernière moitié du Ier siècle av. J.-C.
19.XII Prophètes. Premier moitié du IIe siècle av. J.-C.
20.Isaïe. -170 à -132.
21.Jérémie. Première moitié du IIe siècle av. J.-C.

53
cf. HARL, M. ; G. DORIVAL et O. MUNNICH, La Bible Grecque des Septante:
Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, p, 96-97.

55
22.Baruch. Première moitié du IIe siècle av. J.-C. et certains fragments
vers +80.
23.Lamentations. première moitié du Ier siècle av. J.-C.
24.Ézéchiel. Après le Psautier mais avant Isaïe.
25.Daniel. Avant -145.
26.Daniel Théodotion. +30 à +50.

Le texte grec a été utilisé par des auteurs juifs tels que Philon
d’Alexandrie et Flavius Josèphe en tant que référence, mais pas
exclusivement. Les chrétiens l’ont adopté comme la Bible de l’Église –en
ajoutant le Nouveau Testament-, parce qu’il était répandu, et le grec était la
langue connue par tous, juifs et gentils.

2.1.2 Les recensions54 et les révisions les plus connues, juives et

chrétiennes

Aquila, prosélyte grec du Pont-Euxin, et disciple de rabbi Akiba, apprit


l’hébreu avec son maître, produisit selon Épiphane durant les années 128-
129 une nouvelle traduction grecque pour les juifs. Cette version qui diffère
largement de la LXX, est marquée par un très fort littéralisme et par un
certain ‘antichristianisme’, normal à l’époque parmi les juifs qui avaient la
tendance de remplacer, par exemple, dans les textes christós par eleiménos.
La réception de la version d’Aquila a été très positive dans les milieux
rabbiniques, le Talmud se réfère fréquemment à elle et l’on peut penser
qu’elle a remplacé la LXX en milieu juif.

54
C’est-à-dire, un texte revu et édité par un critique.
56
Au 2e siècle après J.-C. on trouve deux versions en grec : Celle de
Théodotion qui fit des corrections à la LXX ; et la révision de Symmachus.
Symmachus, ou Symmaque, était, d’après Eusèbe de Césarée un
ébionite55, c'est-à-dire, qu’il appartenait à une hérésie chrétienne. Épiphane
de Salamine, considère, au contraire, qu’il était un Samaritain passé au
judaïsme. Sa connaissance de l’exégèse rabbinique peut être un élément
pour déterminer son appartenance à cette religion.
La version a presque disparu, à l’exception de quelques versets. C’est de
manière indirecte que nous connaissons l’existence de celle-ci. À la
différence de la version d’Aquila, apparemment le texte de Symmachus
avait une qualité littéraire supérieure et parmi les auteurs chrétiens, on sait
qu’elle a influencé Jérôme dans sa rédaction de la Vulgate.
Théodotion, d’après Épiphane, il était aussi un prosélyte juif, qui était
avant un marcioniste. Irenée de Lyon, en parlant des versions des textes
mentionne : «[…] Ainsi traduisent en effet Théodotion d’Éphèse et Aquila
du Pont, tous les deux prosélytes juifs. » 56
On a conservé -à part des textes fragmentaires-, la version complète de
Daniel attribué à Théodotion. Dans la première Épître aux Corinthiens 15,
54 on trouve une expression sur la mort qui se trouve en Isaïe 25,8 sous
une forme qui correspond au texte de Théodotion 57 . En Jn 19, 37, la
référence à Za 12, 10 est plus proche à la version de Théodotion qu’au texte
de la LXX.

55
« Il faut savoir que l’un des traducteurs, Symmaque, était ébionite. L’hérésie dite
des ébionites est celle des gens qui prétendent que le Christ est né de Joseph et de
Marie ; ils pensent qu’il ne fut qu’un homme… » Histoire Ecclésiastique VI, 17.
56
Adversus Haereses III, 21, 1.
57
cf. HARL, M. ; G. DORIVAL et O. MUNNICH, La Bible Grecque des Septante:
Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, p. 151.

57
La révision de Théodotion, est issue en Palestine aux années 30-50 de
notre ère et lui, pourrait être identifié à un des disciples de Hillel58. Cette
révision, de caractère léger et non systématique, est hébraïsante mais non
d’une manière exagérée, parfois les termes hébreux sont translittérés au lieu
d’être traduits59.
À part des révisions bien connues à cause des œuvres des auteurs
anciens comme Origène et Jérôme, la critique moderne parle des divers
travaux partiels de révision dans les manuscrits de la LXX,
particulièrement de provenance des cercles rabbiniques comme l’école de
rabbi Ishmael.
Finalement il faut faire mention d’une traduction grecque du
Pentateuque samaritain appelée parfois le Samariticon.

Origène, au IIIe siècle, et pendant une trentaine d’années (215-245)


dirige les efforts pour accomplir une œuvre monumentale : Les Hexapla.
Le livre était une Bible à six colonnes -d’où le nom d’Hexapla-,
comprenant :
a) Le texte hébreu en caractères hébraïques.

b) La transcription du texte hébreu en caractères grecs, qui facilitait la

prononciation à cause de l’absence des voyelles écrites en langue

hébraïque.

c) La révision d’Aquila.
d) Celle de Symmachus.

58
Pour la tradition rabbinique l’œuvre déjà classique du rabbin A. Cohen Eveyman’s
Talmud, traduite par Payot comme Le Talmud, reste une référence pratique. À propos de
Hillel, un livre très accessible et bien documenté : Mireille HADAS-LABEL, Hillel, un
sage au temps de Jésus. Paris, Albin Michel, 2002.
59
cf. HARL, M. ; G. DORIVAL et O. MUNNICH, La Bible Grecque des Septante:
Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, p. 156.

58
e) L’édition de la LXX, qui fut parfois considérée comme la probable
recension d’Origène. Cependant, les témoins fragmentaires
conservés, les palimpsestes du Caire et de Milan, copies directes ou
indirectes des Hexapla, contiennent un texte de la LXX sans
caractéristiques « origéniennes », et sans les signes critiques utilisés
par lui (astérisque et obèle 60 ). La recension d’Origène donc,
apparemment était une œuvre distincte de celle de la cinquième
colonne des Hexapla61.
f) La révision de Théodotion.
g) Deux autres révisions grecques (la Quinta et la Sexta) existaient pour
les Psaumes, et une seule (la Quinta) pour divers autres livres.
Apparemment, la Quinta, c'est-à-dire, la cinquième traduction
grecque, était une version de la LXX révisée par des juifs des cercles
rabbiniques, comme celle de Théodotion.
Quant à la Sexta, Jérôme la considère comme œuvre juive, mais la
manque d’information ne nous permet pas approfondir sur se sujet.

Nous pouvons ajouter que le témoin indirect le plus important de la


recension d’Origène est une des versions « filles » de la LXX la Syro-
Hexaplaire, du VIIe siècle, laquelle conserve les signes critiques
alexandrins. La traduction arménienne de la LXX se fonde aussi en partie
d’un texte apparemment origénien.
D’après Harl, Dorival et Munnich, la recension origénienne influença un
grand nombre des manuscrits grecs conservés aujourd’hui, et parmi eux, les
plus importants en onciale sont :

60
Signes critiques alexandrins utilisés par Aristarque de Samothrace pour l’édition
d’Homère.
61
cf. Ibid., p. 165 ; et KENYON, F. G., et A. W. ADAMS, The Text of the Greek
Bible. p. 42.

59
 Le Codex Alexandrinus (A, ou 02) qui contient 3 Esdras et Esdras-
Néhémie, cependant, ces textes sont apparemment préhexaplaires62.
 Le Codex Sarravianus (G)
 Le Codex Guelferbytanus B (Q, ou 026).
 Le Codex Coislinianus (M).
 Le Codex Mosquensis II (V, ou 031).
Quant au Codex Vaticanus, (B, ou 03) -qui contient 3 Esdras et Esdras-
Néhémie-, sauf pour Isaïe, présente un texte préhexaplaire63.

On peut mentionner au moins trois autres recensions -déjà connues par


des auteurs anciens tels que Jérôme-, après les Hexapla :

 Celle de Lucian, -parfois appelée « texte antiochien »-, fondateur


de l’École exégétique d’Antioche à la fin du IIIe siècle et
commencement du IVe. Nous trouvons des témoins lucianiques
spécialement pour les livres prophétiques, mais aussi pour
certains livres historiques tel qu’Esdras-Néhémie.
Cette recension, est importante surtout en ce qui concerne les
citations des auteurs antiochiens, particulièrement Jean
Chrysostome et Théodoret.
 Celle-ci de Pamphilus, maître d’Eusèbe de Césarée, au principe
du IVe siècle en Palestine,
 Moins connue, et parfois rejetée par les savants, celle-là
d’Hesychius, plus tardive, en Égypte.64

62
cf. KENYON, F. G., et A. W. ADAMS. The Text of the Greek Bible, p. 43.
63
cf. HARL, M. ; G. DORIVAL et O. MUNNICH, La Bible Grecque des Septante:
Du judaïsme hellénistique au christianisme ancien, p. 167.
64
cf. RAHLFS, A., trad. Septuaginta. 9e Éd. Vol. 1. p. XXX-XXXI.

60
« La critique a mis de plus en plus en doute l’existence de cette recension
[…] Plutôt que de recension d’Hésychius, il vaut mieux parler tout au plus
d’une recension alexandrine » 65

Les livres de la LXX -en considérant les recensions déjà mentionnées-,


ont été largement utilisés et cités par les Pères de l’Église, spécialement,
par ceux qui écrivaient en grec, comme c’est naturel, mais non
exclusivement. Certains auteurs chrétiens ont employé également les textes
hébreux, tel est le cas, par exemple, d’Origène –déjà mentionné- et de
Jérôme.
La traduction latine de la Bible Hébraïque 66 fut à la fin du IVe et au
début du Ve siècle principalement67 par Jérôme de Stridon, probablement en
utilisant les Hexapla d’Origène. Elle fut adoptée officiellement en 1546 au
Concile de Trente comme la version « authentique » de l’Église Catholique
Romaine, si bien que son utilisation pratique remontait à plusieurs siècles
antérieurs. Le même Concile ne considéra pas comme canoniques la Prière
de Manassé, et les 3e et 4e livre d’Esdras.

2.3. Conclusions pour le Deuxième Chapitre

Lorsque l’on parle de la Bible, on se réfère, en fait, à un ouvrage


collectif composé par plusieurs textes groupés selon les divisions internes
de chaque Bible. Le nombre des livres dans une Bible, l’ordre selon lequel

65
HARL, M. ; G. DORIVAL et O. MUNNICH, La Bible Grecque des Septante: Du
judaïsme hellénistique au christianisme ancien, p. 172.
66
Même si Jérôme a utilisé principalement la Bible Hébraïque, la LXX a été aussi
utilisée comme source et référence. Le psautier de la Vulgate est une révision faite par
Jérôme d’un texte basé en la LXX déjà utilisé à l’époque.
67
Quelques livres ont été traduits par des outres auteurs. Dans le NT, par exemple,
Jérôme n’a traduit que les Évangiles.

61
se trouvent et même les variantes et versions des textes dépend de plusieurs
facteurs.
La Bible Septante (ou Bible Grecque) et la Bible Hébraïque furent et
continuent à être les sources et références les plus importantes pour le reste
des versions de la Bible à travers l’histoire. Nonobstant ce fait, les concepts
de « Septante » et de « Bible Hébraïque » ne sont pas toujours clairs, et
c’est seulement en comprenant le développement historique de chacune
qu’on arrive à comprendre les différences entre les deux corpus bibliques.
La langue de la LXX est le grec. Certains livres contenus dans la LXX
furent traduits à partir des documents en langue hébraïque et aussi en
langue araméenne. Tel est le cas des livres d’Esdras68, car les textes utilisés
pour faire la traduction ont été bilingues. Quelques sections de la LXX
furent écrites directement en grec et, en conséquence, ne se trouvent pas
dans la Bible Hébraïque.
La traduction systématique en grec des textes sémitiques commença au
temps de l’instauration de la dynastie lagide en Égypte au IVe siècle av. J.-
C. La Torah fut le premier corpus complet à être traduit et le procès de
traduction continua pendant quelques centaines d’années. Plusieurs
versions et révisions furent faites de la part des auteurs juifs et chrétiens.
Les textes utilisés par les traducteurs généralement représentent des étapes
antérieures au texte hébreu reçu aujourd’hui et connu comme ‘Texte
Massorétique’.
La légende, en toutes ses variantes anciennes, de la traduction par les
savants juifs au temps des deux premiers Ptolemées contribua à l’idée
d’une traduction inspirée.
Le développement systématique d’un corpus hébraïque ordonné et
composé de textes considérés comme inspirés commença au temps du
retour de l’exil en Babylonie (VIe siècle av. J.-C.), et même peut-être au
68
Esdras A’ et Esdras B’.

62
temps du roi Josias de Juda. Ce corpus était déjà fixé presque en sa totalité
au temps des Maccabées (IIe siècle av. J.-C.), mais la discussion au tour du
statut de quelques livres du groupe des Hagiographes continua après la
chute du second Temple.
Contrairement à l’idée générale, l’assemblé de Yabné (entre 75 et 117)
ne peut être considérée comme un concile ou synode d’autorité, qui se
proposa de statuer sur le canon des Écritures.
Le texte ‘standard’ utilisé aujourd’hui et appelé de manière générale
‘Texte Massorétique’ fut fixé au Xe siècle.
La LXX -en incluant toutes ses additions-, fut finalement rejetée par le
judaïsme rabbinique, lequel devint le courant ‘orthodoxe’, ainsi que toute
autre traduction. L’ensemble Esdras-Néhémie fut préféré en dépit de 3
Esdras.
Pour les chrétiens, la LXX continua à être utilisée comme la Bible de
l’Église des premiers siècles. Toutefois, le texte hébraïque fut utilisé par
des auteurs chrétiens tels qu’Origène comme instrument de discussion avec
les juifs. Pendant les siècles suivants, les deux textes, le grec et l’hébreu,
furent considérés et utilisés de diverses manières par les communautés
chrétiennes, même jusqu’à notre époque.

63
3. Chapitre III : La réception des livres Premier, Deuxième et

Troisième d’Esdras dans les canons des Églises chrétiennes :

Quelques exemples
3.1 La Vulgate et le canon des latins

À la fin du IIe siècle (et même jusqu’au IVe siècle) l’Église de Rome
utilisait encore le grec comme langue prédominante, si bien, non
exclusivement. C’est donc, dans les provinces romaines d’Afrique du Nord
que la Bible fut traduite -de la LXX- en latin. Tertullien (c.160-230) et
Cyprien, évêque de Carthage, (m. 258) utilisèrent de manière fréquente des
traductions latines. Augustin d’Hippone (IVe siècle), contemporain de
Jérôme, mentionna la grande variété des versions de l’époque1. En fait, la
révision du texte latin de la Bible est une des préoccupations permanentes
de l’évêque africain, à tel point qu’il propose des règles de correction pour
améliorer la qualité des écrits2.
Avec le progrès de la christianisation les versions latines furent
répandues dans l’Occident. La présence d’un public cultivé, comme ceux
qui provenaient de l’aristocratie romaine, fit sentir le besoin d’améliorer et
uniformiser la Bible latine. Le pape Damase chargea Jérôme en 383 de
réviser le texte des quatre Évangiles.
Eusebius Sophronius Hieronimus, « saint Jérôme » ou simplement
« Jérôme » naquit à Stridon (aujourd’hui Croatie) vers l’an 340 et décéda
en 420. Éduqué en Rome, il étudia la rhétorique, grammaire et la littérature
classiques ce qui est reflété dans son œuvre de traducteur et exégète. Les
textes de Jérôme sont pleins des citations et allusions aux auteurs classiques
tels que Virgile, Terence, Salluste et Cicéron. Il connaissait bien, donc, le
latin et le grec. On sait qu’il suivit les leçons de Grégoire Naziancène à
Constantinople.

1
De Doctrina Christiana II, 16.
2
cf. De Doctrina Christiana II, 15, 22.

65
La révision de quatre Évangiles fut présentée au pape, avec des
préfaces, en 384. Il fut de la même manière, un peu plus tard une révision
du Psautier latin en concordance avec la LXX. Ultérieurement il traduisit
les psaumes en utilisant l’Hexapla d’Origène 3 . Cette version est connue
comme le « Psautier Gaulois » parce que furent les églises de la Gaule les
premières en adopter le texte pour la liturgie. Ce psautier fut ratifié par le
Concile de Trente et elle est la version incluse dans la Vulgate et non la
dernière traduction de Jérôme faite à partir du texte hébreu.
Jérôme apprit l’hébreu d’un juif converti au christianisme, mais on sait,
par ses propres écrits4, que la tâche fut considérablement laborieuse pour
lui, et même s’il croyait que la langue hébraïque était le langage originel du
monde, -comme c’était la croyance à l’époque-, il trouva la langue obscure,
difficile et même peut-être, rude5.
En ce temps-là, très peu des savants chrétiens connaissaient l’hébreu et
c’est clair qu’il a utilisé l’Hexapla d’Origène comme une référence
indispensable.
Vers 390 Jérôme était convaincu de la nécessité d’une traduction
complète de l’Ancien Testament à partir du texte hébreu. La recherche de
la vérité du texte exige pour lui le retour aux sources, le retour à la langue
originelle : « verum non esse quod variat etiam versionem… »6
Il ne suffit pas de comparer les manuscrits latins. Apparemment pour
Jérôme, le texte sémitique de son époque était le texte utilisé par les
apôtres. Il ne pose pas des questions sur les variantes hébraïques.

3
Jérôme laissa les signes critiques de l’œuvre d’Origène.
4
cf. par exemple son Epistle 125, 12.
5
cf. par exemple son Commentaire aux Galates.
6
Praef. in Evangelio « La vérité est une. Là où il y a diversité, il ne peut y avoir de
vérité » Les prologues de Jérôme aux livres de la Bible se trouvent dans la Vulgate de
Robertus Weber, donc, toutes les citations sont prises de cette édition.

66
Une des raisons pour l’œuvre monumentale d’Origène était de donner
un texte pratique aux chrétiens à fin de réfuter les arguments des juifs et
probablement des hérétiques. La même raison est fondamentale pour
Jérôme. Il abandonna le texte de la LXX parce que pour lui, la Bible
grecque devint une traduction parmi les autres, au moins au niveau des
discussions avec des juifs et hérétiques. Au niveau de la tradition liturgique
et ecclésiale, il considère la LXX comme utile à cause de son usage depuis
longtemps établi : «Autre chose est de lire les Psaumes dans les Églises des
fidèles du Christ, autre chose est de répondre aux Juifs des mots
particuliers»7 et lui-même remarque qu’il n’a « rien dit contre la version
des Septante, elle que j’ai corrigée voici bien des années… »8
Jérôme eut une longue discussion épistolaire sur le sujet du canon, de la
LXX et de l’inspiration dans les écritures avec Augustin et Rufin.
Pour Augustin, le texte de la LXX, apostolique et répandu dans toutes
les Églises est très important, même en matière d’unité des Églises. Pour lui
le texte grec est inspiré. Cependant, il concède progressivement importance
au texte hébraïque et considère qu’il n’y a pas de contradiction entre les
deux textes au niveau de l’Esprit qui est dynamique. Jérôme, par contre,
s’oriente exclusivement au niveau exégétique (et dogmatique) vers la
« vérité hébraïque » et relativise la valeur des traductions. Dans la
perspective liturgique et didactique, en revanche, il concède valeur au texte
utilisé depuis longtemps, la version de Jérôme est utile, mais elle n’oblige
pas à abandonner la LXX9.
Jérôme, ainsi, en commençant vraisemblablement par les livres de
Samuel et des Rois, traduisit chacun des livres du canon hébraïque, tâche
qui se prolongea jusqu’à 406. Son préface (Prologus Galeatus) aux livres
7
Contre Rufin II, 24. « sed quo aliud sit in ecclesiis Christo credentium Psalmos
legere, alud Iudaeis verba calumniantibus respondere ».
8
Contre Rufin II, 24.
9
cf. La cité de Dieu 18, 43ss.

67
de Samuel et des Rois fonctionne à manière d’introduction pour tous les
livres traduits de l’hébreu au latin. Il explique le contenu et les limites de
son œuvre, en relation au canon de la Bible hébraïque. Il indique que la
liste des 22 volumes canoniques dans l’Église est la même que celle du
canon de la Synagogue : 5 livres dans le Lois, 8 dans les Prophètes et 9 des
Hagiographes. 22 lettres de l’alphabet hébraïque et 22 livres dans l’Ancien
Testament. Tout ce qui ne figure pas dans ce catalogue est exclu du canon
[quincquid extra hos est, inter apocrifa seponendum]10. Le livre de 3 Esd
ne figure dans le catalogue de la Bible Hébraïque. Ici il faut comprendre,
que pour Jérôme, le terme ‘apocryphe’ « comporte deux niveaux
sémantiques dans l’œuvre » 11 , ce des livres condamnés, mais aussi des
livres qui se trouvent dans la LXX en non dans le canon hébraïque, ceux
qui sont appelés « deutérocanoniques ».
La distribution en quatre groupes de son contemporain Augustin dans
De Doctrina christiana (II, 8, 12)12 faite d’après la LXX, resta en 44 livres.

10
Prol. Reg. éd. R. Weber. p. 365, 53ss.
11
WERMELINGER, O. «Le canon des latins eu temps de Jérôme et d'Augustin.»
Dans Le Canon de l'Ancien Testament: Sa formation et son histoire, p. 190.
12
« Le canon entier des Écritures, sur lequel je dis que doit porter notre réflexion est
constitué par les livres suivants : cinq de Moïse, c'est-à-dire […] ; un livre de Jésus
Nave, un des Juges, un petit livre intitulé Ruth qui semble appartenir plutôt au
commencement des Règnes, puis quatre livres des Règnes, et deux de Paralipomènes,
qui n’ne sont pas la suite […]. Ce sont les livres historiques qui contiennent
l’enchaînement des époques et l’ordre des événements. Il en est d’autres qui relèvent
comme d’un ordre différent, qui n’ont de lien ni avec l’ordre ci-dessus ni entre eux :
ainsi les livres de Job, de Tobie, d’Esther, de Judith, les deux livres des Macchabées et
les deux livres d’Esdras, qui eux semblent plutôt continuer le déroulement du récit
historique qui se terminait par les Règnes et les Paralipomènes.
Viennent ensuite les Prophètes, parmi lesquels figurent un livre des Psaumes de
David, trois de Salomon, les Proverbes, le Cantique des Cantiques et l’Ecclésiaste. Car
les deux livres dont l’un s’intitule la Sagesse et l’autre l’Ecclésiastique […] puisqu’ils
ont mérité d’être dans le canon, on doit les compter au nombre des livres prophétiques.
Restent les livres de ceux qu’on appelle proprement les Prophètes, qui sont, pris à un,
au nombre de douze […] Viennent ensuite quatre prophètes dont le texte est plus
étendu : Isaïe, Jérémie, Daniel, Ézéchiel. C’est à ces quarante quatre livres qu’est limité

68
Postérieure à la traduction de Samuel et des Rois, il commença celle des
livres de Job, le Psautier et le Prophètes. 1 Esdras, Néhémie (=2 Esd),
Nahum et les livres de Chroniques furent traduits entre 394 et 395.
Parallèlement à son travail sur les Écritures, il traduisit également
nombreux textes des auteurs chrétiens de langue grecque tels qu’Eusèbe de
Césarée, Didyme, et quelques homélies d’Origène.
Après sa participation dans la controverse origéniste, il traduisit le
Pentateuque, Josué, le livre des Juges et celui de Ruth. D’autres livres
furent terminés en 406.
À l’exception des livres de Tobie et de Judith, Jérôme ne traduisit pas
les livres qu’il considéra comme ‘apocryphes’, donc les textes ajoutés
postérieurement dans certaines Bibles latines proviennent de la Vetus
Latina. Apparemment ça c’est le cas de 3 Esdras, lequel tomba dans une
catégorie incertaine ou ambivalente, parce que, comme on sait, il se trouve
dans la LXX et non dans la Bible hébraïque, donc ce n’est pas un
apocryphe proprement (il est plutôt un livre deutérocanonique, si on suivit
la logique de la Vulgate), mais il fut rejeté par Jérôme comme manquant de
valeur (le livre ne se trouve pas dans le catalogue des 22 livres). En plus,
les livres 3e et 4e sont considérés comme apocryphes dans son Prologue aux
livres d’Esdras parce qu’ils contiennent des rêveries : « …nec apocriforum
tertii et quartii libri somnis delectetur ; quia et apud Hebraeos Ezrae
Nehemiaeque sermones in unum volumen coartantur… »13
Pendant plusieurs siècles, la chrétienté en occident utilisa les anciennes
versions latines –souvent avec le canon ‘allongé’ de la LXX-, et aussi la
Vulgate de Jérôme. Les Églises africaines utilisaient au principe plus les
anciennes traductions, et la Vulgate fut préférée plus en Europe, en gagnant

le canon de l’Ancien Testament. [His quadraginta quattuor libris testamenti ueteris


terminatur auctoritas].
13
Prol. Esd. éd. R. Weber, p. 638, 18 ss.

69
popularité à travers du temps. C’est jusqu’à la IVe session du Concile de
Trente le 8 avril de 1546 que le canon biblique fut défini :

« Sacrorum vero librorum indicem hui decreto adscribendum […]


Testamenti veteris: Quinque Moisis, id est Genesis […] ; Iosue,
Iudicum, Ruth, quatuor Regnum, duo Paralipomenon, Esdrae primus
et secundus, qui dicitur Nehemias, Tobias, Iudith, Esther, Iob,
Psalterium Davidicum centum quinquaginta psalmorum, Parabolae,
Ecclesiastes, Canticum Canticorum, Sapientia, Ecclesiasticus, Isaias,
Jeremias cum Baruch, Ezechiel, Daniel, duodecim Prophetae minores,
id est Osea […]; duo Machabaeorum primus et secundus. […] »

La Vulgate, reçoit un monopole d'authenticité pour la discussion, la


catéchèse et la prédication dans l'Église catholique romaine. Les livres
considérés comme apocryphes par les protestants, mais deutérocanoniques
par les catholiques latins, restèrent dans la Bible. Le Troisième livre
d’Esdras fut rejeté comme deutérocanonique, si bien les éditions de la
Vulgate normalement l’incluaient dans un appendice. Par contre, la Nova
Vulgata, proposé par le Concile Vatican II et publiée en 1979 ne contient
plus la Prière de Manassé, le Troisième et le Quatrième livres d’Esdras.

3.2 Les Églises orientales Chalcédoniennes

La LXX continué à être utilisée comme la Bible des Églises de langue


grecque, et comme source principale (ou très importante) pour les
traductions les plus anciennes de la Chrétienté orientale.

La Géorgie fut christianisée après l'Arménie. La traduction de la Bible y


fut entreprise à partir du Ve siècle et ne fut achevée que tardivement. Ainsi,
par exemple, les livres des Maccabées ne furent traduits qu'au XVIIIe

70
siècle, à partir de la version slave. La version géorgienne est traduite non à
partir de la LXX, mais de la version arménienne. Dès le VIIe siècle, elle a
fait l'objet de révisions successives effectuées d'après le texte grec de la
LXX. Probablement revue au Xe siècle par des moines ibères athonites, a eu
comme source les textes grecs et ainsi que le texte arménien. 14 La
traduction de 3 Esd fut probablement faite à partir de la LXX15.

La plus ancienne version arabe de la Bible, traduite à partir de la LXX,


était celle d’Abou Zayd Hunayn ibn Ishaq al-Ibadi (808-873), un médecin
et savant chrétien assyrien, membre de la célèbre Maison de la Sagesse à
Bagdad. Rien, n'en a été conservé de cette traduction et on ne connait pas la
liste exacte des livres traduits. La plus ancienne version connue est celle de
Saadiah Gaon (Sa`īd ibn Yūsuf al-Fayyūmi) (882-942), un juif égyptien,
chef de l'école rabbinique de Babylone. Elle a été effectuée à partir de
l'hébreu.
Il n’existe pas une Bible Orthodoxe en langue arabe, et les éditions
modernes ne contiennent pas le livre de 3 Esd.

3.2.1 La Bible Slavonne

L’histoire de la Bible slavonne16 commence avec la christianisation de


la Grande Moravie et l’activité des frères Cyrille (c.827-869) et Méthode
(c.815-885), connus comme les Apôtres des Slaves, envoyés par le
patriarche Photius et l’empereur byzantin Michel III. Avec Cyrille et
Méthode les Slaves ont été dotés de leur premier alphabet et de leurs

14
cf. GOÑI, C. Introducción General a la Biblia., p.283-284.
15
cf. DENIS, A.-M., et al. Introduction à la littérature religieuse judéo-
hellénistique. Vol. I, Pseudépigraphes de l'Ancien Testament, p. 811.
16
cf. DVORNIK, F. Les Slaves : Histoire et civilisation de l'Antiquité aux débuts de
l'époque contemporaine. p. 80ss.

71
premiers textes bibliques : l’Évangile, le Psautier, et les épîtres. L’alphabet
glagolitique fut inventé à partir de l’alphabet grec et avec l’addition des
signes complémentaires pour les phonèmes des dialectes slaves absents en
grec. Les plus anciens manuscrits trouvés datent des Xe et XIe siècles.
La première Bible slavonne proprement, est celle connue comme la
« Bible de Guénade » [Геннадиевская Библия, Gennadievskaia Biblia], de
la fin du XVe siècle, aujourd’hui conservée au Musée d’Histoire de l’État à
Moscou. La tâche de la traduction de cette Bible fut confiée par
l’archevêque de Novgorod Guénade à un dominicain appelé Benjamin17,
qui traduisit certains livres à partir de la Vulgate et d’après Georges
Florovsky18, les introductions furent prises à la Bible allemande de 1500.
La Bible était nécessaire dans ce moment là pour réfuter les positions des
Judaïsants19.
En 1581 apparut en Ostrog la première Bible Slavonne de l’Église,
éditée par Ivan Fyodorov basée sur la Bible de Guénade et sur cartains
manuscrits grecs. Une deuxième édition révisée apparut en 1663.
C’est jusqu’à 1712 que le tsar Pierre Ier ordonna une version de la Bible
conforme au texte de la LXX, cependant, la mort du tsar en 1725 empêcha
la publication de l’œuvre. Pendant le règne d’Élisabeth Ie, fille du tsar
Pierre, le travail de révision fut achevé, et en 1751 la « Bible d’Élisabeth »
[Елизаветинская Библия, Elizabietinskaïa Biblia] fut publiée. Trois
éditions postérieures furent imprimées : En 1756, 1757 et 1759. La
deuxième édition devint la version officielle pour la liturgie de l’Église

17
En fait, officiellement le travail correspondait à l’archidiacre Guérase Popovka.
18
FLOROVSKY, G. Les voies de la théologie russe, p.27.
19
L'hérésie des Judaïsants fut un mouvement religieux initié par Skhariya (ou
Zacharie) le Juif, qui apparaît à Novgorod et Moscou dans la seconde moitié du XVe
siècle. « Nous connaissons insuffisamment ce mouvement, car les témoignages que
nous en avons proviennent de témoins douteux ou d’adversaires potentiels comme
Guénade de Novgorod et surtout Joseph de Volotsk dont L’Illuminateur (Prosvetitel’)
demeure notre source principale… » Ibid., p. 24 et 25.

72
Orthodoxe Russe, et elle contient le Premier livre d’Esdras, appelé 1
Esdras, le Troisième livre d’Esdras, appelé 2 Esdras, le Quatrième livre
d’Esdras, ou Apocalypse d’Esdras, appelé 3 Esdras ; et le livre de Néhémie.

3.3 Les Églises Préchalcédoniennes

3.3.1 La Peshitta

La langue syriaque était le dialecte araméen d’Édesse (aujourd’hui Urfa,


au sud-est de la Turquie). Le Christianisme fut répandu à travers de cette
langue en Mésopotamie et en Perse.
La traduction de la Bible Hébraïque en langue syriaque est appelé
« Peshitta » (P). Ce terme est dérivé du syriaque ‫ܡܦܩܬܐ ܦܫܝܛܬܐ‬
(mappaqtā pšīṭtā) qui signifie « version simple ». Toutefois il est possible de
traduire ‫( ܦܫܝܛܬܐ‬pšīṭtā) par « commun », comme au sens du latin
« vulgata ». La racine ‫( ܦܫܛ‬pšṭ) signifie dans une première instance
« allonger », mais le participe passif peut avoir le sens de « droit, simple,
évident », tel que l’hébreu ‫( פשט‬pšṭ) 20 . En arabe il y a un équivalent
linguistique presque identique : ‫( بسيطة‬basīṭa) qui signifie précisément,
« simple ».
D’après l’historien chrétien du XIIIe siècle Bar-Hebraeus (Gregorios
Abu’l Faradj Ibn al-Ibri), la simplicité de la Peshitta, réside dans son rejet
d’un langage ornementé. L’évêque jacobite Moïse Bar Képha 21 du IXe
siècle contraste la Peshitta avec la complexité du langage utilisé dans la

20
cf. WEITZMAN, M. P. The Syriac Version of the Old Testament: An
Introduction. p. 2-3.
21
cf. Ibid., p. 3.

73
Syro-Hexaplaire22, la traduction de la cinquième colonne d’Origène, faite
par Paul de Tella en 615-17. .
La tradition raconte plusieurs versions sur l’origine de la Bible
Syriaque :

a) Le roi Salomon fut traduire la Loi pour le roi Hiram de Tyre, le


même qui apparait dans le Premier livre des Rois, et qui donna du
bois des cèdres pour la construction du Temple.
b) Le prêtre Asa traduisit la Loi quand le roi d’Assyrie ordonna
d’envoyer en Samarie un prêtre parmi les déportés à fin d’enseigner
la façon d’honorer le dieu du pays aux populations déplacées23.
c) Le penseur antiochien Jacques d’Édesse (Yaqub Urhoyo) du VIIe
siècle nous dit que l’origine de la traduction remonte au temps
d’Addai, l’apôtre, et d’Agbar, roi d’Édesse, contemporain de Jésus.
Le roi envoya des hommes à Jérusalem à fin de traduire l’Ancien
Testament de l’hébreu au syriaque24.
d) La traduction de l’Ancien Testament fut faite par Marc l’évangéliste
même, et ensuite approuvée par Jacques et les autres apôtres. Pour le
NT, Marc et Pierre travaillèrent ensemble, en suivant Papias (c.140)
qui dit que Marc fut interprète de Pierre.
e) La version syriaque provient d’Adiabène (proche de l’actuelle Erbil
en Irak). Le roi Izates II bar Monobaze se convertit au Judaïsme en
temps de l’empereur Claudius (41-54) et naturellement, il fut traduire
la Loi.

22
Voir §2.1.2, sur les recensions de la LXX.
23
Voir 2 Rois 17, 27.
24
cf. WEITZMAN, M. P. The Syriac Version of the Old Testament: An
Introduction, p. 248.

74
Flavius Josèphe réfère qu’un certain jour, un maître juif trouva Izates
en lisant la Loi de Moïse (A.J. XX, 44), mais l’historien ne nous dit
pas dans quelle langue le roi lisait.
D’après M. P. Weitzman25 l’origine le plus probable est Edessa. Quant à
l’époque de traduction, il propose c.150 pour les premiers livres de la Bible
Hébraïque. Le livre des Chroniques qui a un langage très conservateur,
spécialement dans le chapitre 4, et qui partage des caractéristiques
communes dans la technique de traduction avec les premiers livres, doit
être daté non plus de 50 ans après 150. Or, quant aux autres Hagiographes,
et spécialement le livre d’Esdras-Néhémie, probablement ils furent traduits
après le livre des Chroniques ou en tout cas, ils sont contemporains.
L’Ancien Testament de la Peshitta fut traduit directement des textes
protomassorétiques. Apparemment la religion des traducteurs était le
judaïsme, mais vraisemblablement un judaïsme non rabbinique, car la
version syriaque ne reflète pas les influences rabbiniques qui sont
habituelles dans les targums. Par contre, la Peshitta fut définitivement
répandue par –et parmi- les chrétiens et non par les juifs.
Les livres d’Esdras-Néhémie et Chroniques sont importants pour
l’hypothèse qui propose la traduction des Hagiographes par des juifs
convertis au christianisme. Comme résultat de la traduction tardive des
Hagiographes, ces textes ne furent pas considérés de la même importance
que les autres livres de la Bible.
En ce qui concerne l’influence de la LXX, on peut considérer que pour
les livres traduits directement des textes hébreux, la LXX resta comme une
référence secondaire, mais importante spécialement pour les révisions
chrétiennes dans certains passages. Son rôle devint plus clair pour la
traduction des Hagiographes et on peut penser même que certains livres de
ce corpus furent traduits à partir des textes grecs. Tel pourrait être le cas de
25
cf. Ibid., p. 258.
75
3 Esdras, très rarement traduit, et appelée 1 Esdras, clairement en référence
à la LXX. La traduction est sans doute une œuvre tardive des chrétiens
dans des communautés très spécifiques.
Il existe une édition critique du livre en syriaque de l’Institut
Peshittonianum Leidense26 basé sur une version syro-héxaplaire qui ne se
trouve pas dans le manuscrit de Milan, et qui a été édité selon la manuscrit
Cambridge Univ. Bibl. Oo 1.1, 2, fol. 230b-234a ; du XIIe siècle.

26
cf. DENIS, A.-M. et al. Introduction à la littérature religieuse judéo-
hellénistique. Vol. I, Pseudoépigraphes de l'Ancien Testament, p. 810.

76
Résumons, donc, les relations –hypothétiques27- de la Peshitta avec le
texte hébreu protomassorétique (TpM), la LXX et le texte massorétique
(TM) :

Texte hébreu
‘original’

Étape dernière du texte


commun entre LXX et TM
(TpM a’)

Étape dernière du texte LXX Vorlage, en


commun entre TM et P hébreu.
(TpM b’)

TM P- Vorlage LXX
grec.

P- syriaque

Comme la LXX, la Peshitta fut rejetée par le judaïsme rabbinique, qui


devint la courante dominante. En revanche, la Bible Syriaque devint la
Bible des Églises de langue syriaque –chacune avec ses particularités
27
cf. WEITZMAN, M. P. The Syriac Version of the Old Testament: An
Introduction., p. 4 et 60.

77
canoniques et linguistiques-, c'est-à-dire, de l’Église assyrienne de l’Orient
(connue parfois comme « nestorienne ») ; de l’Église Syriaque Orthodoxe
(ou « jacobite ») ; de l’Église Maronite, qui utilise le dialecte occidental ; et
jusqu’au Moyen Age, fut utilisée aussi, à côté de la LXX, par l’Église
Melkite Orthodoxe (le patriarcat d’Antioche) avant d’être déplacée par la
Bible en langue arabe.
Le Troisième livre d’Esdras n’existe pas dans les Bibles modernes en
langue arabe.

3.3.2 Les versions coptes

Le copte est une langue de la famille chamito-sémitique ou afro-


asiatique. Elle est une des langues liturgiques des chrétiens d’Égypte, et
elle est l’unique descendante de l’égyptien antique, et spécialement du
démotique. Elle contient à peu près un 20% de vocabulaire grec.
Malheureusement, à part de son utilisation liturgique, le copte est considéré
déjà comme une langue morte, déplacée par la langue arabe, même si
l’arabe dialectal égyptien est plein des mots qui proviennent de la langue
égyptienne.
Vers la fin du premier siècle de l’ère chrétienne, l’alphabet grec oncial
fut adapté pour écrire la langue égyptienne. Sept signes supplémentaires
furent empruntés de l’écriture démotique pour compléter les phonèmes
inexistants en grec.
Le terme ‘copte’ vient du mot grec Αἰγύπτιος (Égyptios) qui signifie
Égyptien, déformé (après syncope phonétique) en ‘Kuptios’ puis, suite aux
conquêtes arabes de 641, en ‫( قِبطي‬Qibṭi).
Le nom local de la langue était en dialecte sahidique
ⲙⲛⲧⲣⲙⲛⲕⲏⲙⲉ (mentrmenkēmə), « la langue du peuple d’Égypte ». Dans le
78
contexte liturgique de l’Église orthodoxe Copte, le nom est
ϯⲁⲥⲡⲓ ⲛⲢⲉⲙ ⲛⲭⲏⲙⲓ (tiaspi en remenkimi) « la langue Égyptienne », dont
‘tiaspi’ signifie ‘langue’ et ‘kimi’ vient directement de l’égyptien classique
‘kemet’, « la noire », une manière de se référer à l’Égypte en temps des
pharaons, à cause de la terre fertile noire.
La plus ancienne Bible copte fut écrite en le dialecte sahidique, de la
Haute-Égypte, vers la moitié du IIIe siècle. Apparemment le texte d’origine
fut l’ Hexapla d’Origène 28 . D’après Rahlfs, le Psautier est marqué par
certaines additions chrétiennes, et le texte des Prophètes Mineurs est proche
au codex Washigtoniensis (W) en ce qui concerne les hébraïsmes.
Aucun manuscrit conservé en sahidique contient ni Esdras-Néhémie, ni
3 Esdras.
La version en dialecte bohaïrique, de la Basse-Égypte, substitua la
version sahidique quand ce dialecte devint officiel pour les chrétiens coptes
après la conquête arabe du VIIe siècle. En général, cette version appartient
au même groupe que le codex Sinaiticus (‫ )א‬et le codex Vaticanus (B).
Il y a des manuscrits en autres dialectes coptes, tel que l’achimique et le
fayyumique, cependant, il ne s’agit pas des Bibles entières.

28
cf. KENYON, F. G., et A. W. ADAMS. The Text of the Greek Bible, p. 56.

79
3.3.3 La Bible Arménienne

Selon la tradition29, au IVe siècle le roi d'Arménie Tiridate IV Hélios


(298 à 330) se convertit grâce à l’influence de Grégoire « l’Illuminateur »
au christianisme. L'Arménie a proclamé, dès 327, le christianisme comme
religion de l'État, ce qui a entraîné des conséquences sur le développement
de la langue arménienne. Un moine du nom de Mesrop Mashtots (Maštoc‘ )
inventa en 401 l'alphabet arménien comprenant alors 36 lettres (38
aujourd’hui), dont 31 consonnes et 7 voyelles.
L'Eglise apostolique arménienne reçut le canon biblique des traditions
grecque et syriaque, par l'intermédiaire de la LXX et de la Peshitta qui
servirent à la traduction arménienne de la Bible réalisée au début du Ve
siècle.
La première traduction du Ve siècle, semble-t-il, était plus proche de la
Peshitta en ce qui concerne au canon et elle n’incluait pas quelques livres
de la LXX.30. Après le Concile d’Éphèse en 431 et la condamnation de
Nestorius, certains textes traduits provoquaient la méfiance à l’intérieur de
l’Église arménienne et la LXX devint une référence plus importante :

« Une seconde traduction fut donc entreprise à partir de manuscrits


grecs apportés de Constantinople. Du même coup entrèrent dans les
Bibles arméniennes des textes absents de la traduction précédente : la
Prière de Manassé, le Psaume 151, […] puis 2 Pierre, 2-3 Jean et
Jude »31

29
cf. DÉDÉYAN, G. éd. Histoire du peuple arménien. p. 161 ss.
30
cf. THOMAS, R. Generalites sur le canon biblique. p. 4.
31
RENOUX, Ch. «Un exemple de particularisme: Le canon armenien.» Dans Le
Canon des Ecritures, p.59.

80
Toutefois, des autres écrits absents de la LXX apparurent
progressivement, tels que la Vision d’Hénoch, les Testaments des
Patriarches, les Morts des Prophètes et la Prière d’Asénath32.
Quant aux livres d’Esdras, la première Bible manuscrite complète de
1269 dans la Bibliothèque d’Erevan, contient le Troisième livre d’Esdras,
appelé 1 Esdras ; Esdras appelé 2 Esdras, et Néhémie33.
Dans les Prologues de Grigor Tat‘ewac‘i34 (1344 ?-1409), -qui sont des
résumés des livres bibliques- mentionne trois livres : 3 Esdras (appelé 1
Esdras), Esdras, et Néhémie. La première édition scientifique de 1805
publiée à Venice par le prêtre Yovhannēs Zōhrapean, établie sur la base
d’un manuscrit de 1319, placera en appendice le Siracide, 4 Esdras (appelé
3 Esdras), la Prière de Manassé, la 3e Épître aux Corinthiens, la Dormition
de Jean et la Prière d’Euthaliu, livres absents de l’édition de 1860 du père
Arsen Bagratuni35. Aucun livre d’Esdras n’a été utilisé pour les services
liturgiques36.
La particularité du canon biblique arménien au sein des Églises
orientales tient au fait qu'aucune des multiples versions arméniennes de la
Bible ne s'imposa pas de façon à devenir l'unique référence et à fixer de
facto le canon des Écritures. Le canon biblique dans la tradition
arménienne est lié à l'usage liturgique, plutôt qu'à une version exclusive de
la Bible, à une liste dressée par un théologien particulier ou à une décision
conciliaire.

32
cf. THOMAS, R. Generalites sur le canon biblique. p. 5.
33
cf. RENOUX, Ch. «Un exemple de particularisme : Le canon arménien.» Dans Le Canon
des Écritures, p. 59.
34
cf. Ibid., p. 59-60.
35
cf. THOMAS, R. Generalites sur le canon biblique. p. 5.
36
cf. RENOUX, Ch. «Un exemple de particularisme : Le canon arménien.» Dans Le Canon
des Écritures, p. 61-62.

81
1 Rois 10,1 La reine de Saba
apprit la renommée de
3.3.4 La Bible Éthiopienne Salomon et vint éprouver
celui-ci par des énigmes.

Luc 11,31 La reine du Midi se


lèvera lors du Jugement avec
Il n’y a pas d’unanimité dans la tradition
les hommes de cette génération
à propos de la traduction éthiopienne de la et elle les condamnera, car elle
vint des extrémités de la terre
Bible, mais en ce qui concerne l’Ancien
pour écouter la sagesse de
Testament, la légende remonte au temps de Salomon, et il y a ici plus que
Salomon !
la visite de la reine de Saba –appelée
« Makéda » par les éthiopiens - au roi
Salomon, référée dans le Premier livre des Rois (10, 1ss.), et dans
l’Évangile selon Luc (11, 31), comme « la reine du Midi ».
D'après les Actes des Apôtres (8,26-40), Philippe le diacre fut conduit
de manière surnaturelle sur la route du désert près de Gaza, et là, il
rencontra un eunuque, trésorier de la reine Candace d'Éthiopie. Le trésorier
rentrait de Jérusalem vers son pays d'origine en Afrique. Philippe s'assit
avec lui et l'aida à interpréter un passage du Livre d'Isaïe. Là il dirigea la
conversation sur Jésus-Christ et sur le baptême. Le trésorier demanda le
baptême, que Philippe lui donna. La tradition voit dans ce baptême les
débuts de l'Église éthiopienne.
Le Christianisme fut introduit de manière officielle avec la conversion
du roi aksoumite Ezana (333-356). Frumence -surnommé
« l’Illuminateur »-, consacré évêque par Athanase d’Alexandrie, fut un
chrétien d’origine syrienne qui est crédité d’avoir introduit la foi du Christ
dans la cour royale éthiopienne. Possiblement c’est à partir de ce moment
là que des efforts de traduction de la Bible commencèrent.
La première étape de traduction, du IVe au Ve siècle, fut faite sur certains
textes grecs de la LXX. La langue du royaume d’Aksum était le guèze ou
ge’ez, une langue sud-sémitique parlée jusqu’au XIVe siècle. Elle a
82
toutefois subsisté comme langue littéraire même jusqu’au XIXe siècle, et
elle continue à être la langue liturgique de l’Église en Éthiopie et en
Érythrée et également pour les juifs éthiopiens (la communauté Beta
Israël).
La version de la Septante utilisée comme source à l’époque fut
probablement celle utilisée par l’Église d’Alexandrie, c'est-à-dire la
recension d’Hesychius. D’après Dillmann, éditeur de la Biblia Aethiopica
(Leipzig 1894)37, la traduction de cette époque reflète le texte grec d’une
manière claire et parfois très littérale, même en suivant l’ordre grec des
38
mots. Alfred Rahlfs dans ses Septuaginta-Studien considère avoir
identifié plusieurs recensions : Alexandrinus,
Vaticanus ou Sinaiticus. Jacob M. Myers39 nous dit, par exemple, que le
texte éthiopien de 3 Esdras suit le modèle du Codex Vaticanus.
L’arrivée des missionnaires syriens au Ve et VIe siècle -que la Tradition
désigne sous le nom des “Neuf Saints »- explique l’utilisation des textes
syriaques, de manière parallèle aux sources grecques, pour la traduction.
De cette manière un second Vorlage fut ajouté aux textes de la Bible. Ces
étrangers fondent des monastères et contribuent activement à la traduction
de la Bible en ge’ez.
La langue hébraïque n’est pas exclue non plus comme source originelle
pour certains fragments des textes, vraisemblablement le texte hébreu fut
utilisé plusieurs fois pendant les diverses révisions du texte.
La condition sémitique de la langue ge’eze permit le passage de
l’hébreu ou du syriaque plus facilement que la traduction du grec au ge’ez,
cependant, reste clair que le texte de la LXX est la première référence pour
les textes bibliques traduits.

37
cf. ULLENDORFF, E. Ethiopia and the Bible. p. 35-37.
38
ii. 166-7; i.87; ii. 235. cf. Ibid., p. 38.
39
MYERS, J. The Anchor Bible I and II Esdras, p. 5.

83
La tradition registre une période des révisions du texte biblique du XIIIe
au XVe siècle, époque de renaissance littéraire et culturelle. Cette tradition
parle d’un « traducteur », identifié comme l’Abba Salama du Synaxarium
pour le 21 de Nahase40. Parfois, « Abba Salama » est aussi identifié dans la
tradition avec Frumence.
Plus que l’initiative d’un seul traducteur, pendant cette période, le texte
arabe –une autre langue sémitique-fut utilisé comme référence par diverses
révisions, ce qui augmente le degré de difficulté pour établir avec précision
les étapes d’évolution du texte.
Finalement, on peut ajouter une dernière influence sur les textes : Avec
l’arrivée des archevêques coptes et des moines avec eux, la tradition
biblique copte fut introduite en Éthiopie. Là, où le texte ge’ez est plus
semblable au copte qu’à la langue arabe, on peut penser aux moines coptes
qui utilisaient comme référence la Bible en arabe, mais qui reflétaient la
tradition copte. D’après E. Ullendorff :

« The oral influence of Coptic priests [...] can be detected [...] in


cases where the Ethiopic version deviates from the Arabic Vorlage and
approximates more closely to the Coptic original. [...] There is no
evidence that Coptic texts had any direct part in the rendering of the
Ge’ez Bible. » 41

Or, quant au canon biblique, la Bible Éthiopienne est un cas très


particulier. Elle contient le plus large nombre des livres parmi toutes les
Bibles. Apparemment, la perception de la canonicité dans l’Église
d’Éthiopie est plus lâche ou moins stricte que dans des autres Églises.
Pour l’Ancien Testament, il existe ce qu’on appelle « le canon allongé »
lequel n’a été jamais imprimé ; et « le canon court », qui on trouve dans les

40
cf. ULLENDORFF, E. Ethiopia and the Bible. p. 32.
41
Ibid., p. 58.

84
bibles en ge’ez et dans les traductions modernes en langue amharique. Les
deux listes du canon sont fondées sur

« Le Code de droit canonique et civil éthiopien intitulé Fetha


Nagast : « Le droit des Rois », traduction du nomocanon arabe de
l’auteur copte as-Safi Abu l’Fada’il Ibn al-‘Assal, rédigé dans la
première partie de XIIIe siècle et traduit en entier en guèze entre le
XVe et le XVIIe siècles. »42

Le canon court es composé des livres suivants : Genèse, Exode,


Lévitique, Nombres, Deutéronome, Énoch, Jubilées, Josué, Juges, Ruth, 1
et 2 Samuel, 1 et 2 Rois, 1 et 2 Chroniques (la Prière de Manassé est
considéré comme la dernière partie de 2 Ch.) , 1 Esdras, Néhémie, 3
Esdras, 4 Esdras (ch. 3-14 du livre selon l’ordre de la Vulgate) ; Tobit,
Judith, Esther (avec les additions) ; 1, 2, et 3 Meqabyan (différents des
livres des Maccabées dans les autres Bibles) ; Job, Psaumes (avec Psaume
151), Messale (Proverbes 1-24), Täagsas (Proverbes 25-31), Sagesse de
Salomon, Ecclésiaste, Cantique des cantiques, Siracide (Ecclésiastiques),
Isaïe, Jérémie, Baruch (avec la lettre de Jérémie), Lamentations, Ézéquiel,
Daniel, et le XII Prophètes.
Les livres d’Esdras, Néhémie, et 3 Esdras on été toujours considérés
comme canoniques.

42
BEYLOT, R. «L'irruption de Maccabées dans la Bible Éthiopienne.» Dans La
formation des canons scripturaires, p. 170-171.

85
3.4. Les Églises de la Réforme et La Communion Anglicane

En ce qui concerne les Églises de la Reforme, Martin Luther ne traduisit


pas les livres qu’il considérait comme apocryphes, cependant, la Bible
complète de 1545 renferme ces écrits, traduits notamment par l’helléniste
Philipp Melanchthon et le juriste et théologien Justus Jonas.
Pour les protestants –qui suivent le canon hébraïque- donc, 3 Esdras ne
se trouve pas parmi les livres canoniques qui composent la Bible.
La Confession de Foi de l’Église d’Écosse (1647), est adoptée, en
différents versions, par des nombreuses Églises protestantes, spécialement
de tradition calviniste et presbytérienne. L’article II donne une liste des
livres considérés comme inspirés, et ce sont les livres contenus dans la
Bible Hébraïque, mais dans un ordre différent. L’article III considère les
autres livres comme apocryphes, et en conséquence comme non-inspirés :

« III. The books commonly called Apocrypha, not being of divine


inspiration, are no part of the Canon of the Scripture; and therefore are
of no authority in the Church of God, nor to be any otherwise
approved, or made use of, than other human writings »43

Certaines éditions protestantes de la Bible, particulièrement


luthériennes, contiennent 3 Esdras dans l’annexe des « apocryphes ».

Pour la Communion Anglicane, les 39 Articles (1563) définirent la


situation du canon biblique. Le sixième article considère le Troisième livre
d’Esdras comme appartenant à la liste des livres bibliques qui ne sont pas

43
The Humble Advice of the Assembly of Divines, Now by Authorithy of Parliament
sitting at Westinster, Concerning a Confession of Faith. Londres, 1647. [Édition
éléctronique fac-similée dans : Christian Classics Ethereal Library :
http://www.ccel.org/ccel/schaff/creeds3.iv.xvii.i.html ]

86
considérés comme référence pour établir une quelconque doctrine, mais qui
sont dignes d’être lus pour instruction et exemple de vie :

« Et les autres livres (comme dit Jérôme) l'Église doit lire par
exemple de la vie et l'instruction des mœurs, mais encore sert-il pas de
les appliquer pour établir une doctrine. » 44

3.5. Conclusions pour le Troisième Chapitre

L’histoire de la réception des livres Premier, Deuxième et Troisième


d’Esdras dans les communautés chrétiennes est considérablement complexe
spécialement en ce qui concerne 3 Esdras. Le problème est toujours
rattaché au processus de traduction des livres bibliques et les sources
utilisées à ce propos. La conception du canon à l’intérieur des Églises à
travers l’histoire n’est pas identique, et parfois elle est plus ou moins
flexible, tel est le cas, par exemple de l’Église Arménienne ou l’Église
Éthiopienne. L’importance donnée au texte hébraïque ou à la tradition
liturgique et patristique est aussi à considérer.
De manière générale on peut dire que l’ensemble Esdras-Néhémie, soit
dans un seul livre, soit divisé en deux, se trouve dans toutes les Bibles
puisqu’il se trouve dans la LXX et dans la Bible Hébraïque. C’est le livre
de 3 Esdras qui pose des problèmes de canonicité et de réception :
Il se trouve dans toutes les versions bibliques qui ont suivi l’ordre de la
LXX, c'est-à-dire que les Églises Orthodoxes, chalcédoniennes considèrent
le livre à l’intérieur du canon 45 . Pour les Églises non chalcédoniennes,

44
« Alios autem libros (ut ait Hieronymus) legit quidem Ecclesia ad exempla vitae
et formandos mores; illos tamen ad dogmata confirmanda non adhibet » 1662 Book of
Common Prayer. Art. VI.
45
Parfois, historiquement, la position de certaines Églises a été ambiguë. On peut
citer comme exemple au XXe siècle, la position de l’Église Roumaine Orthodoxe : Dans

87
même si le livre se trouve parfois dans les versions les plus anciennes, il
nous faut considérer chaque cas à la lumière des décisions conciliaires en
matière biblique adoptées à travers l’Histoire. On a déjà analysé, par
exemple, le cas de la Bible Copte qui ne contient pas, dans aucune des ses
versions dialectales, le livre. Le seul cas clair parmi ces Églises, dont le
livre a été considéré toujours comme canonique est celui de l’Église
Éthiopienne. L’Église Catholique Romaine à partir du Concile de Trente ne
considère pas, de manière officielle, 3 Esdras comme canonique 46 en
suivant l’opinion de Jérôme. Les éditions catholiques de la Bible parfois
incluent ce livre dans une section séparée. La Communion Anglicane
considère le livre comme « deutérocanonique », et toutes les Églises de la
Réforme considèrent le livre comme « apocryphe », même si certaines
éditions l’incluent dans un appendice.
L’Annexe III est une table récapitulative des conclusions du chapitre.

la Bible approuvée par le synode et le patriarche Justinian en 1968, le Troisième livre


d’Esdras est considéré comme « necanonice », c’est-à-dire, comme non canonique.
Dans l’édition de 1975, approuvée par le même synode et patriarche, le livre continue
dans un appendice, mais l’expression « necanonice » a été enlevée.
46
Voir § 3.1.

88
Annexes
Annexe I : Liste des rois Achéménides de l’Empire Perse

1. Cyrus II [Kūruš] (559-530) 559 : Roi d’Ansham ; 550 : soumission


des Mèdes ; 546 : soumission de la Lydie ; 539 : prise de Babylonie
apparemment sans résistance.
2. Cambyse II [Kambujiya] (530-522) 525 : Invasion d’Égypte,
défaite de Psammétique [PsmTk] III (526-525 ; XXVIème dyn.) à
Pelouse.
3. Darius I [Dārayawuš] (522-486) 490 : Défaite à Marathon.
4. Xerxès [Xšayāršā] (486-465) 480 : Bataille des Thermopyles et
défaite à Salamine ; 479 : défaite à Platée et Mycale.
5. Artaxerxés I [Artaxšacā] Longuimanus (465-424) 431 : Début de la
Guerre du Péloponnèse.
Chronologie biblique théorique1 :
458 : Arrivée d’Esdras à Jérusalem (Esd 7,8); décembre 446 :
Ambassade vers Néhémie (Ne 1,1) ; mars /avril 445 : Entrevue entre
Néhémie et le roi ; 445 à 433 Mission de Néhémie (Ne 5,14) ; av.
424 ( ?) Seconde mission de Néhémie.
6. Darius II Nothos (424-405)
7. Artaxerxés II Mnémon ou Arsakes (405-359) 404 : L’Égypte se
libère de la domination perse ; 359 : Philippe II, roi de Macédoine.
8. Artaxerxés III Ochos (359-338) 342 : Contrôle perse d’Égypte.
9. Artaxerxés IV Arsès (338-336)
10.Darius III Codoman (336-330) 334 : Début de la campagne
d’Alexandre ; 333 : défaite a Issos.

1
Selon l’ordre du texte. Cf. ABADIE, P. «Esdras-Néhémie.» Dans Introduction à
l'Ancien Testament, p. 711.

90
Annexe II : Listes des livres bibliques dans les sources

anciennes

1. Méliton, Eclogae (c.170) [= EC Hist. Eccl. IV, 26, 12]


Évêque de Sardes en Lydie, en Asie mineure, auteur et apologète de la
seconde moitié du IIe siècle. Eusèbe de Césarée dans son Histoire
Ecclésiastique cite les Eclogae de Méliton de Sardes :

« Étant donc allé en Orient, et parvenu jusqu’au lieu où l’Écriture a


été prêchée et accomplie, j’ai appris avec exactitude les livres de
l’Ancien Testament, et j’en ai établi la liste que je t’envoie.
En voici les noms :
-de Moïse, cinq (livres) : Genèse, Exode, Nombres, Lévitique,
Deutéronome ;
-Jésus Navé, Juges, Ruth ;
-des Règnes, quatre (livres) ; des Paralipomènes, deux ;
-les psaumes de David ; les Proverbes et la Sagesse de Salomon ;
-l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, Job ;
-les prophètes : Isaïe, Jérémie, les Douze en un seul livre, Daniel,
Ézéchiel, Esdras. »1

Méliton, donc, donne la liste des livres contenus dans la Bible


Hébraïque moins le livre d’Esther. Quant au livre d’Esdras mentionné,
vraisemblablement il se réfère à l’ensemble Esdras-Néhémie.

2. Origène. Commentaire sur les Psaumes (c.240) [=EC Hist. Eccl. VI,
25, 1ss.]

1
La version utilisée ici est celle des éditions Cerf. (p. 239-240), dans notre
Bibliographie.
91
Théologien et prolifique auteur chrétien né à Alexandrie c. 185 et mort à
Tyr c. 253. Eusèbe de Césarée qui lui consacre le sixième livre de son
Histoire Ecclésiastique cite le commentaire sur le premier psaume :

« Voici les vingt-deux livres selon les Hébreux :


1. Celui qui est intitulé chez nous Genèse, est intitulé chez les
Hébreux, d’après le commencement du livre, Breshith, c'est-à-
dire : « Au commencement » ;
2. Exode, Ouellesmoth, c'est-à-dire : « Voici les noms » ;
3. Lévitique, Ouïkra : « Et il a appelé » ;
4. Nombres, Ammesphecodeim ;
5. Deutéronome, Elleaddebareim : « Voici les paroles » ;
6. Jésus, fils de Navé, Josoue-bennoun ;
7. Juges, Ruth, chez eux en un seul livre, Sophteim ;
8. Règnes premier et deuxième livres, chez eux, un seul livre,
Samuel : « l’Élu de Dieu » ;
9. Règnes troisième et quatrième livres, en un seul, Ouammelch
David, c'est-à-dire : « Règne de David » ;
10. Paralipomènes, premier et second livres, en un seul,
Dabreïamein, c'est-à-dire : »Paroles des jours » ;
11. Esdras, premier et second livres, en un seul, Ezra, c'est-à-dire :
« Auxiliaire » ;
12. Livre des psaumes, Spharthelleim ;
13. Proverbes de Salomon, Meloth ;
14. Ecclésiaste, Kôelth ;
15. Cantique des Cantiques – et non pas, comme certains pensent,
Cantiques des Cantiques-, Sirassireim ;
16. Isaïe, Iessia ;
17. Jérémie, avec Lamentations et la Lettre, en un seul livre,
Ieremia ;
18. Daniel, Daniel ;
19. Ézéchiel, Ezechiel ;
20. Job, Job ;
21. Esther, Esther.
En dehors de ceux-là existent les Maccabées, qui sont intitulés
Sarbethsabanaiel. »

Origène donc, parle ici particulièrement du canon « des Hébreux », et


non du canon des chrétiens. L’omission des Douze prophètes dans la liste

92
est probablement l’erreur du copiste2. Quant à la relation d’Origène avec la
LXX, voir §2.1.2 de ce mémoire.

3. Cyrille de Jérusalem (c. 315 - 387). Catéchèses Baptismales, IV,


51ss. (c.350)
Cyrille, évêque de Jérusalem de 350 à 386.
« Sachez donc, qu’il y a vingt deux livres de l’Ancien Testament,
qui ont été traduits par soixante-douze interprètes 52. […] Ptolémée
Philadèlphe un de ceux qui ont régné en Égypte aimait les lettres, et
ramassant des livres de toutes parts, ayant lui parler à Démétrius de
Phalère son bibliothécaire des Livres de la Loi, et des Prophéties de
l’Ancien Testament, il chercha le moyen de se les procurer […] Il
envoya pour cela plusieurs présents pour le Temple de Jérusalem du
temps qu’Éléazar en étant le Grand Prêtre et obtint de lui six personnes
de chacune des douze tribus d’Israël qui lui envoya pour traduire ces
livres […] or il arriva qu’après soixante et douze jours ils l’eurent
achevé et s’étant assemblés pour conférer ensemble sur leur travail il
se trouva qu’ils avaient traduit l’Écriture d’une même manière […] On
reconnut aussitôt que cette traduction était l’ouvrage du Saint Esprit
[…]
Vous saurez que ces Écritures contiennent vingt-deux livres 53.
donnez vous bien de garder de les comparer avec les apocryphes :
Ne méditez avec attention que ceux que nous lissons sûrement et avec
certitude dans l’Église, vous en tenant au jugement des Apôtres et des
anciens évêques , et prélat de l’Église, qui étaient plus éclairés que
vous […] Lisez donc, avec réflexion les vingt-deux livres de l’Ancien
Testament, comme je vous l’ai dit. Et si voulez savoir quels ils sont,
tachez de le retenir dans le temps que je les nommerai :
Les premiers sont les livres de la Loi, à savoir, les cinq de Moïse
54., la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome ;
ensuite, Jésus fils de Navé, les Juges avec Ruth, ce qui fait sept livres ;
les autres sont historiques, le premier et le second des Rois, ne font
qu’un livre chez les Hébreux, non plus que le troisième et le
quatrième ; les deux livres des Paralipomènes n’en font aussi qu’un
parmi eux, le premier et le second d’Esdras n’est qu’un seul livre,
avec l’histoire d’Esther cela fait douze livres, mais ces derniers sont
historiques ; il y en a cinq autres écrits en vers 55. à savoir, Job, le livre
des Paumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques,
qui est le dix-septième livre, puis suivent cinq livres prophétiques, a

2
Voir la note de la p. 348 des éditions du Cerf.
93
savoir les Douze petits prophètes, Isaïe, Jérémie, avec Baruc, ses
Lamentations et sa Lettre, Ézéchiel et Daniel qui fait le vingt-
deuxième livre de l’Ancien Testament. »3

Pour l’évêque de Jérusalem, donc, la liste des livres canoniques est celle
de la LXX, qui regarde comme œuvre de l’Esprit Saint, cependant, quand il
se réfère à la LXX, il considère que la traduction faite au temps des
premiers lagides incluait les vingt-deux livres de la Bible Hébraïque, et
même le livre de Baruch et l’Épître de Jérémie.

4. Hilaire de Poitiers (c.315-367). Commentaires sur les Psaumes,


« Instruction préalable sur les Psaumes » §15. (c.360)
Hilaire, évêque de Poitiers, écrivain et théologien, exégète et apologète
latin d’origine gallo-romain.
« 15. La raison pour laquelle la Loi de l’ancien Testament est
répartie en vingt-deux livres est que ce nombre correspondait à celui
des lettres de l’alphabet hébreu. Selon les traditions des Anciens, ces
vingt-deux livres se répartissent ainsi : cinq livres de Moïse, Jésus
Navé comme sixième livre, les Juges et Ruth comme septième ;
premier et second Livre des Rois comme huitième ; les troisième et
quatrième Livres des Rois comme neuvième ; les deux Livres des
Paralipomènes comme dixième livre ; les paroles rapportées par
Esdras comme onzième ; le Livre des Psaumes comme douzième ; les
Proverbes de Salomon, l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques
comme treizième, quatorzième et quinzième livres ; les douze
Prophètes comme seizième livre ; Isaïe, Jérémie avec les Lamentations
et la Lettre, Daniel, Ézéchiel, Job et Esther portant le total à vingt-deux
livres. À ces livres cependant, certains ont jugé bon, en ajoutant les
livres de Tobie et de Judith, d’en compter vingt-quatre, selon le
nombre des lettres de l’alphabet grec, la langue des Romains se situant
entre celles des Hébreux et des Grecs. »4

Hilaire, probablement en suivant Origène, mentionne la liste des livres


de la Bible Hébraïque, mais il ajoute Tobie et Judith de la LXX pour
compléter le nombre des livres selon l’alphabet grec.
3
Version de M.-J. GRANCOLAS, dans la bibliographie.
4
Version à partir de l’édition du CCSL LXI de Brepols, 1997.

94
5. Concile de Laodicée. Canon 60.
Le concile régional de Laodicée eut lieu vers 364 5 à Laodicée,
métropole de la Phrygie, province de l'Asie Mineure.
Le Concile dans son canon 60 reconnait les livres suivants de l’Ancien
Testament :
« La Genèse du Monde, l’Exode d’Égypte ; Lévitique ; Nombres ;
Deutéronome ; Jésus Navé; Juges, Ruth; Esther; Premier et deuxième
livres des Rois; Troisième et quatrième livres des Rois; Premier et
deuxième livres des Chroniques; Premier et deuxième livres
d’Esdras [Ἔσδρας, πρῶτον καὶ δεύτερον]; le livre des cent-
cinquante Psaumes; les Proverbes de Salomon; Ecclésiastes ; le
Cantique des Cantiques; Job; les Douze Prophètes; Isaïe; Jérémie et
Baruch, Lamentations et l’Épître [de Jérémie]; Ézéchiel; Daniel. »6

Le Concile, donc, reconnait les livres de la Bible Hébraïque avec


Baruch et l’Épître de Jérémie.

6. Athanase d’Alexandrie (c.298-373). 39e Lettre Festale, 4. (c.367)


Le canon est le même que ce du Concile de Laodicée. Quant aux livres
d’Esdras il mentionne le premier et le deuxième livres d’Esdras « dans un
seul livre » [εἶτα Ἔσδρας α καὶ β ὁμοίως εἰς ἕν]7
6.2. Synopse des Saintes Écritures. (VIe siècle ?)
Traditionnellement attribuée à Athanase, ce document est daté
probablement du VIe siècle. Dans la liste des livres de l’Ancien Testament
le texte parle de deux livres d’Esdras, comptés comme un seul livre, mais il
dit que le premier commence avec la Pâque du roi Josias et le deuxième

5
cf. « Dictionnaire des Conciles » dans Encyclopédie Théologique, Tome 1, p 1033-
/1038.
6
Traduction propre du texte grec dans Westcott, B.F. A General Survey of the
History of the Canon of the New Testament.
7
Le texte grec est de KIRCHHOFER, J. Quellensammlung zur Geschichte des
Neutestamentlichen Kanons bis auf Hieronymus, p.7-9.

95
commence avec le premier an du roi Cyrus, donc le document se réfère
évidemment à 3 Esd et Esdras-Néhémie :
Ἔσδρας πρῶτος καὶ δεύτερος, εἰς ἓν ἀριθμούμενοι
βιβλίον. Καὶ τοῦ μὲν πρώτου ἀρχή· «Καὶ ἤγαγεν Ἰωσίας τὸ
Πάσχα ἐν Ἱερουσαλὴμ τῷ Κυρίῳ ἑαυτοῦ τῇ
τεσσαρεσκαιδεκάτῃ ἡμέρᾳ τοῦ μηνὸς τοῦ πρώτου.» Τοῦ δὲ
δευτέρου ἡ ἀρχή· «Καὶ ἐν τῷ πρώτῳ ἔτει Κύρου τοῦ
βασιλέως Περσῶν, τοῦ τελεσθῆναι λόγον ἀπὸ στόματος
Ἱερεμίου, ἐξήγειρε Κύριος τὸ πνεῦμα Κύρου τοῦ βασιλέως
8
Περσῶν.»

7. Constitutions Apostoliques. Canon 85 : Au tour des Écritures


Saintes. (c.380)
Les constitutions apostoliques sont un recueil de doctrine chrétienne, de
liturgie et de discipline ecclésiastique écrit vers la fin du IVe siècle, destinés
à servir de guide pour les œuvres du clergé ainsi que pour une partie du
laïcat. À part des livres contenus dans la Bible Hébraïque, le canon ajoute
trois livres des Macabées, Ben Sirach, et -dans certains manuscrits- le livre
de Judith. Les livres prophétiques son seulement mentionnés comme « les
seize livres des Prophètes », donc peut-être il parle des Douze, plus Isaïe,
Jérémie, Ézéchiel et Daniel (et non de Baruch). Les livres d’Esdras sont
mentionnés seulement comme « Esdras, deux [livres]9 »

8. Grégoire de Naziance. (329-390) Au tour des livres inspirés des


Écritures Saintes10.

8
Le texte grec se trouve parmi les œuvres d’Athanase dans l’édition de MIGNE, J.-
P. Patrologia Graeca, vol. 28, c. 284-293 et 432.
9
Ἔσδρα δύο· Le texte grec se trouve dans l’appendice de WESCOTT, B.F. General
Survey…
10
cf. MIGNE, J.-P. Patrologia Graeca, vol. 37, c. 471-474.

96
La liste qui donne le patriarche est celle des livres dans la Bible
Hébraïque, mais sans le livre d’Esther.

9. Pour Jérôme de Stridon et Augustin d’Hippone, voir §3.1


10. Le Troisième Concile de Carthage. (397) Canon 47.
« Les Écritures canoniques sont les suivantes: Genèse, Exode,
Lévitique, Nombres, Deutéronome, Jésus fils de Navé, Juges, Ruth,
quatre livres des Rois, deux livres des Paralipomènes, Job, les
Psaumes, les cinq livres de Salomon11, les Douze prophètes, Isaïe,
Jeremiah, Ézéchiel, Daniel, Tobit, Judith, Esther, deux livres
d’Esdras12, deux livres des Maccabées. »13

Les conciles de Laodicée et de Carthage furent confirmés par le


deuxième canon du Concile en Trullo (691-692), et également les canons
des Constitutions Apostoliques.

11. Rufin d’Aquilée. (c.345-410) Exposé du Credo14, 36ss. (c.400)


Tyrannus Rufinus, auteur et traducteur latin, naît près d'Aquilée, à
Concordia. Il étudie à Rome avec Jérôme. Il meurt en Sicile.
Pour lui, les livres de l’Ancien Testament son ceux de la Bible
Hébraïque (v.37), toutefois il parle aussi des livres non canoniques, mais
reconnus comme « ecclésiastiques » : « et alii libri sunt qui non Canonici
sed Ecclesiastici » (v.38), à savoir : la Sagesse de Salomon, Ben Sirach,
Tobit, Judith et les livres des Macabées (Rufin ne mentionne pas les
nombre des livres). Dans cette catégorie, mais pour le Nouveau Testament
il mentionne le Pasteur d’Hermas, une section de l’Épître de Barnabé et

11
Proverbes, Ecclésiastes, Cantique des Cantiques, Sagesse de Solomon, et
Ecclésiastique.
12
Esdrae libri duo.
13
Trad. propre, texte en latin et anglais dans : HAFELE, Ch. J. A History of the
Councils of the Church: From the Original Documents, vol. 2, p. 468.
14
Version latine dans MIGNE, J.-P. Patrologia Latina, v. 21, c. 335-336.

97
l’Apocalypse de Pierre. Finalement il parle d’une troisième catégorie, celle
des livres apocryphes, au sens des livres hérétiques.
En ce qui concerne les livres d’Esdras, Rufin ne mentionne que les deux
livres d’Esdras, lesquels sont comptés comme un seul pour les Hébreux :
«Esdrae duo, qui apud illos singuli computantu » (v.37).

12. Jean Damascène. (c.676-749) L’Exposé de la foi Orthodoxe, IV,


17.15 (c.730)
Mansour ibn Sarjoun (Victor, fils de Serge), ou Jean de Damas, auteur
arabe chrétien et Père de l’Église, il classifie les livres canoniques de
l’Ancien Testament en quatre « pentateuques » : Le premier, qui contient
les livres de la Loi ; le deuxième, des Hagiographes [Ἁγιόγραφα] : Josué,
Juges et Ruth, 1 et 2 Rois, 3 et 4 Rois, et les deux livres des Chroniques ; le
troisième des livres en verse : Job, Psaumes, Proverbes de Salomon,
Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques ; le quatrième des livres
prophétiques ; et finalement les deux livres d’Esdras dans un seul livre, et
Esther. Il parle également de la Sagesse de Salomon et de Ben Sirach,
comme des livres nobles mais non canoniques.
13.Église Catholique Romaine. Concile de Trente. Actes de la IVe
session. (1546) Voir §3.1.
14. Communion Anglicane, 39 Articles (1563) Article VI. Voir §3.4.

15. Église d’Écosse. The Westminster Confession of Faith. (1647).

Articles II et III. Voir §3.4.

15
Versions grecque et latine dans MIGNE, J.-P. Patrologia Graeca, vol. 94, c. 789-
1227.

98
Annexe III : Table Récapitulative sur la réception des livres d’Esdras

Églises Orthodoxes Églises Orthodoxes Préchalcédoniennes ECR1 CA2 ER


Chalcédoniennes W3
Gr.4 Slv.5 Gé.6 Sy.7 Cp.8 Am.9 Éth.
10

1 oui : oui : 1 Esdras oui oui oui oui oui : oui : oui
Esdras Esdr Esdras Ezra
Néhé- as B’ oui oui oui oui oui oui oui oui
mie
3 oui : oui : 2 Esdras oui non oui oui non : oui11 : non
Esdras Esdr ( ?) ( ?) 3 1
as A’ Esdras Esdras

1
Église Catholique Romaine
2
Communion Anglicane.
3
Églises Reformées, canon selon la Confession de Westminster.
4
Bible Grecque.
5
Slavonne.
6
Géorgienne.
7
Syriaque.
8
Copte.
9
Arménienne.
10
Éthiopienne.
11
Considéré comme Déutérocanonique.

99
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